Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures cinq minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir. Avant de procéder aux affaires courantes,
j'ai reçu ce matin un communiqué de M. le leader de l'Opposition.
Je vais lui céder la parole immédiatement. M. le leader de
l'Opposition.
Intervention sur un fait personnel M. Guy
Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Jeudi dernier, le 28
mai, le lendemain de votre décision relative au député de
Hull et ministre délégué aux Services et
Approvisionnements, le journal La Presse publiait un article signé par
le journaliste Gilbert Brunet dans lequel je soulignais, comme j'ai eu
l'occasion de le faire souvent dans cette Assemblée, les
difficultés que nous éprouvons à faire en sorte que la
période de questions se déroule dans le respect de nos
règles de procédure, notamment de l'article 79 qui stipule que
"la réponse à une question doit être brève, se
limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni expression d'opinion ni
argumentation. Elle doit être formulée de manière à
ne susciter aucun débat."
Je conviens que mes remarques concernant la transgression des
règles par les ministres depuis le 2 décembre dernier ont pu
être interprétées de façon disgracieuse à
votre égard. Cependant, aucune de ces remarques ne mettait en cause
votre impartialité et la confiance que les parlementaires doivent
entretenir à votre égard. Si nous avions, en effet, voulu
contester ces éléments aussi essentiels, nous aurions
utilisé les moyens parlementaires qui permettent à l'Opposition
de retirer la confiance au président.
J'admets, M. le Président, que les ministériels ne vous
rendent pas la tâche facile en ponctuant la période de questions
de chahut et en répondant aux questions en violant
régulièrement le règlement. J'admets également que
nous aussi, nous avons adopté des attitudes qui appelaient des rappels
à l'ordre. Cette situation, j'en conviens, a à quelques reprises
provoqué des réactions très vives de ma part.
À cet égard, M. le Président, vous aurez cependant
noté que l'attitude du groupe parlementaire que je représente
fait preuve d'une discipline qui n'a cessé de s'affermir dans le but
d'améliorer la qualité de nos débats et de faciliter
d'autant votre tâche qui, nous le savons, est difficile.
Vous comprendrez également, M. le Président, que mon
rôle de leader comporte aussi des exigences dont la première est
de faire en sorte que les droits des députés que je
représente soient scrupuleusement sauvegardés et, qu'à cet
égard, je continuerai d'utiliser tous les moyens parlementaires mis
à ma disposition pour que les droits de l'Opposition, qui ne compte que
23 députés mais qui fut appuyée par plus de 38 % de la
population québécoise, le 2 décembre dernier, soient
protégés.
Je crois, M. le Président, que cette mise au point clarifie la
situation. Je puis vous assurer que vous pouvez compter sur la collaboration
des membres de l'Opposition pour que la vie parlementaire se déroule
correctement.
Le Président: Nous allons maintenant procéder aux
affaires courantes.
Ce matin, il n'y aura aucune déclaration ministérielle ni
aucune présentation de projets de loi.
Dépôt de documents. M. le ministre de l'Énergie et
des Ressources.
Rapport annuel d'Hydro-Québec
M. Ciaccia: M. le Président, j'ai l'honneur de vous
présenter le rapport annuel d'Hydro-Québec pour l'exercice
terminé le 31 décembre 1985.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Rapport annuel du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche
M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1984-1985 du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Le Président: Document déposé.
Rapports de commissions. M. le président de la commission de
l'aménagement et des équipements.
Étude détaillée du projet de loi
190
M. Rochefort: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé le 29 mai 1986 afin
de procéder à une consultation particulière et
à l'étude détaillée du projet de loi 190, Loi
concernant la ville de La Salle. Le projet de loi a été
adopté avec amendements.
Le Président: Rapport de commission
déposé.
Il n'y a aucune pétition. Ce matin, il n'y aura aucune
intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur
un fait personnel. Nous allons procéder immédiatement à la
période de questions orales. M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
La rencontre des premiers ministres pour discuter du
libre-échange
M. Johnson (Anjou): Ma question s'adresse au premier ministre et
elle touche une rencontre qui a eu lieu hier à Ottawa entre ies premiers
ministres des provinces et le premier ministre du Canada. On sait que le
premier ministre du Canada a reçu ses collègues des provinces
hier pour discuter de la question du libre-échange; est-ce que le
premier ministre pourrait nous faire rapport?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Cette rencontre faisait suite à d'autres
rencontres de fonctionnaires et de ministres, dont le ministre du Commerce
extérieur du Québec, et faisait suite aux représentations
des différentes provinces. Il a donc été
décidé que le gouvernement canadien pourrait faire des
propositions. On nous a soumis des paramètres très
généraux, des grands principes sur lesquels nous ne pouvons pas
être en désaccord. On nous a donné également des
assurances sur la pleine information qui sera donnée aux
représentants des provinces durant les négociations et,
finalement, on a donné une assurance très ferme sur l'implication
des provinces dans le processus de ratification, parce que c'est cela la police
d'assurance ultime pour le Québec, et irremplaçable, que nous
soyons impliqués dans le processus de ratification avec une formule
satisfaisante pour le Québec. En gros, ce sont les conclusions de la
rencontre d'hier qui sera suivie d'une autre rencontre dans trois mois.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Est-il exact que le nouveau premier ministre
de l'Alberta défendait le point de vue des provinces, à savoir
que celles-ci devraient non seulement être pleinement informées,
mais participer d'une façon plus intensive au processus de
négociation et d'élaboration des mandats? Le Président:
M. le premier ministre.
M. Bourassa: Toutes les provinces étaient d'accord pour
une participation aussi forte que possible des provinces au processus de
négociation. Quant à nous du Québec, le ministre du
Commerce extérieur et moi-même avons toujours dit qu'il
n'était pas indispensable d'être présents à la table
de négociation même, puisque, dans l'ordre naturel des choses au
Canada, c'est le gouvernement canadien qui est responsable du commerce
international. Donc, il n'est pas essentiel que nous soyons à la table
puisque, comme je le disais hier, à la sortie, à certains
journalistes, à ce moment-là les Américains, qui
constituent également une fédération, pourraient insister
pour avoir des représentants également de différents
États.
Dans la mesure où nous sommes pleinement impliqués dans
l'élaboration des mandats, dans la ratification et dans la poursuite des
négociations, nous avons suffisamment de protection pour protéger
les droits du Québec.
Le Président: M. le chef de l'Opposition en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Compte tenu du sommaire que nous a fait le
premier ministre tout à l'heure des conclusions de la rencontre, la
notion de pleine participation semble être disparue du vocabulaire des
premiers ministres. Est-ce que le premier ministre du Québec
considère que simplement la pleine information et la possibilité
d'élaborer une participation des provinces à la ratification d'un
éventuel traité sont suffisantes?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, il n'y a pas de modification
dans la position du Québec. Le chef de l'Opposition a eu l'occasion de
me poser plusieurs questions depuis quelques semaines là-dessus. Je lui
disais que nous demandions de participer pleinement à
l'élaboration des mandats. Hier soir, on nous a soumis les principes
généraux qui seront soumis lors des premières rencontres
entre les deux gouvernements. Il demandait également que le
Québec soit pleinement assuré quant à la ratification.
Nous avons obtenu ces assurances et il n'y a pas de modification dans la
position du Québec.
Le Président: M. le chef de l'Opposition en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Quelle formule le premier ministre
favorise-t-il pour les fins de
la ratification?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II y a plusieurs formules qu'on peut
considérer. Je ne crois pas que nous serions d'accord, quant à
nous, avec la formule qu'a déjà proposée le
précédent gouvernement le 16 avril 1981. Nous ne sommes pas
d'accord avec cette formule-là, parce que la formule du Parti
québécois ne donne pas au Québec le droit qui lui
permettrait de refuser un traité avec lequel il ne serait pas d'accord.
C'est-à-dire que, selon votre propre formule, cela pourrait être
imposé au Québec. Nous ne sommes donc pas d'accord avec cette
formule.
Il y a d'autres formules, celle de Victoria, qu'on connaît et qui
donne un droit de veto régional: le Québec étant l'une des
régions, il obtient ce droit de veto. Il y a le consentement unanime des
provinces qui donne à chacune des provinces la possibilité
d'exprimer son accord ou son refus et possiblement aussi d'autres formules. Les
deux formules que je viens de mentionner, à l'exception de celle qui a
été proposée en 1981, pourraient permettre au
Québec de s'affirmer s'il était en désaccord avec le
traité en question.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre...
Le Président: M. le chef de l'Opposition, vous avez la
parole.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que je dois comprendre que le premier
ministre nous donne l'assurance qu'il exigera pour le Québec un veto en
termes de ratification d'un éventuel accord de libre-échange?
Le Président: M. le premier ministre.
Une voix: On ne le donnera pas nous autres.
M. Bourassa: M. le Président, c'est assez bizarre qu'on
demande cela alors qu'on l'a abandonné.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: M. le premier ministre, en réponse
à la question.
M. Bourassa: Je dirai au chef de l'Opposition que j'exigerai pour
le Québec la possibilité d'accepter ou de refuser, quelle que
soit la formule. Je parlais tantôt de deux exemples de consentement
unanime. J'ai déjà mentionné que, si nous n'étions
pas d'accord et que ce traité allait contre les intérêts du
Québec, nous voulons obtenir le droit de pouvoir le refuser. D'ailleurs,
comme je l'ai déjà mentionné à quelques reprises,
il y a une jurisprudence qui existe et qui permet surtout aux provinces, en
vertu de la juridiction des provinces en matière de commerce,
d'économie et d'application des traités, d'avoir leur mot
à dire dans l'application et l'acceptation des traités
internationaux.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Le premier ministre ne croit-il pas que ce
principe de la mise en vigueur des traités, il aurait dû
l'invoquer pour les fins d'obtenir une participation plus grande du
Québec qui aille au-delà de la simple information venant du
gouvernement fédéral?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: C'est absolument faux ce que dit le chef de
l'Opposition. Cela va bien au-delà de la simple information; il devrait
le savoir puisque je viens de lui dire que nous allons pleinement participer
à l'élaboration des mandats.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Le premier ministre peut-il nous dire,
puisqu'il a l'intention de participer à l'élaboration des
mandats, s'il a fait valoir le point de vue de la spécificité
culturelle, particulièrement la spécificité linguistique
du Québec, dans le cadre des négociations du libre-échange
et les conséquences éventuelles d'un accord de
libre-échange en matière linguistique et culturelle?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, nous l'avons fait valoir
à plusieurs reprises. Il n'est pas question, et le gouvernement canadien
est tout à fait d'accord, de négocier la souveraineté
culturelle du Québec et du Canada. Je crois que le gouvernement canadien
a déjà exprimé, à plusieurs reprises, je crois...
Le premier ministre du Canada, M. Mulroney, notamment dans un discours à
Chicago il y a quelques mois, avait été très clair sur le
fait que la souveraineté culturelle du Canada ne faisait pas partie de
la négociation. Nous avons tenu compte hier de certains
paramètres généraux qui concernent strictement des
questions économiques.
Le Président: M. le chef de l'Opposi-
tion.
M. Johnson (Anjou): En matière économique, est-ce
que le premier ministre a l'intention de permettre au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec de
participer au comité mis sur pied par le premier ministre et a-t-il
l'intention de faire en sorte que le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation soit, d'office, membre du comité et
un participant entier à cette question?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je suis convaincu, et le
chef de l'Opposition est sûrement d'accord, de l'importance, pour
l'agriculture du Québec - et j'en ai parlé à plusieurs
reprises hier - de ces négociations. C'est pourquoi le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de même que tous
les ministres qui peuvent être intéressés à ces
questions, sont pleinement impliqués à l'intérieur du
processus gouvernemental aux négociations en cours.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, question
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Le premier ministre comprendra que je
comprends que tous ses ministres peuvent intervenir puisqu'ils sont membres du
Conseil des ministres. La question que je lui pose est la suivante: Est-ce que
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, compte
tenu de la dimension économique fondamentale de ce dossier pour les
Québécois à l'égard des Américains, fera
partie du sous-comité du Conseil des ministres qui touche la question du
libre-échange?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, chaque fois que le ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui fait partie
d'un gouvernement qui forme ce sous-comité, pourra faire une
contribution utile -d'ailleurs il y a des relations très étroites
entre les différents ministères et le sous-comité - il le
fera à ce moment-là. Car il y a plusieurs secteurs: il y a la
question du textile qui est importante, la question des mines, la question des
forêts. Alors, à ce moment, le sous-comité devrait
être composé du gouvernement entier. Je ne comprends pas la
façon de procéder du chef de l'Opposition. Cela explique pourquoi
peut-être il se retrouve où il est aujourd'hui.
Le Président: M. le chef de l'Opposition. M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Cela vous arrivera un jour aussi. M. le
Président, est-ce que...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, vous avez
la parole. Question additionnelle.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je dois donc
comprendre de la réponse du premier ministre que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ne fera pas partie, tel
quel, du comité en matière de libre-échange et qu'il en
est...
Le Président: M. le premier ministre. Alors, M. le
député de Gouin, question principale. (10 h 20)
La participation des nouveaux médecins au
Régime d'assurance-maladie
M. Rochefort: Oui, M. le Président. À la suite de
l'opposition presque unanime suscitée par l'attitude autoritaire,
unilatérale et précipitée de la ministre de la
Santé et des Services sociaux...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! Sans commentaires, M. le député de Gouin, sur
l'attitude du ministre. Posez votre question principale.
M. Rochefort: Question de règlement, c'est le
préambule de ma question? Ce n'est pas moi qui soulève...
Le Président: Sans commentaires, sans disputes. À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rochefort: ...des débats ce sont les décisions
de la ministre. Comme je le disais, à la suite de l'opposition presque
unanime suscitée par l'attitude autoritaire, unilatérale et
précipitée de la ministre de la Santé et des Services
sociaux, dans le cadre des projets de loi 74 et 75 et par la décision du
gouvernement concernant les conditions d'exercice de la médecine et
devant les nombreuses demandes de commissions parlementaires sur ces questions,
la ministre réagissait en fin de semaine en déclarant que
l'imbroglio découlait d'une erreur dans la rédaction de la
décision du gouvernement et que la correction de cette erreur
éliminait toute nécessité de commission parlementaire.
Finalement, la ministre déclarait n'avoir jamais recommandé les
mesures coercitives en question au Conseil des ministres, mais refusait du
même coup de rendre public son mémoire et ses recommandations au
Conseil des ministres. Ma question a la ministre est la suivante: Comment la
ministre peut-elle prétendre que les décisions concernant le
droit de participation des nouveaux médecins
au régime d'assurance-maladie ne font pas suite à son
mémoire au Conseil des ministres, alors que la décision no 8684
du Conseil des ministres, datée du 23 avril 1986, se lit comme suit: Le
Conseil des ministres décide à la suite du mémoire
daté du 11 mars 1986 présenté par la ministre de la
Santé et des Services sociaux et le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science et là il y a quatre pages de
décisions.
Comment expliquer que ces décisions ne font pas suite à
son mémoire alors que la décision dit qu'il fait suite au
mémoire déposé par la ministre?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: J'ai longuement répondu à cette
question, hier. Mon gouvernement a une préoccupation. C'est celle de
voir à une meilleure répartition des effectifs médicaux
dans tout le Québec. Je pense que tout le monde sait que non seulement
dans les régions éloignées, mais souvent dans les
régions intermédiaires et même quelquefois dans la grande
région urbaine de Montréal, les effectifs médicaux ne sont
pas distribués de telle manière qu'on puisse répondre
d'une façon adéquate aux besoins essentiels de la population.
L'objectif de la loi 75 est de permettre une meilleure planification de ces
effectifs médicaux. Cette loi se situe dans la foulée de la loi
27 qu'elle vient rendre opérationnelle quant au plan des effectifs
médicaux et nous avons l'intention de poursuivre dans ce sens.
Le Présidente M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: M. le Président, je répète ma
question: Comment la ministre peut-elle prétendre que les
décisions ne font pas suite au mémoire qu'elle a
déposé puisque la décision 8684 signée par M. Roch
Bolduc, Secrétaire général du gouvernement, se lit comme
suit: "Le Conseil des ministres décide, à la suite du
mémoire daté du 11 mars 1986 présenté par la
ministre de la Santé et des Services sociaux et le ministre de
l'Enseignement supérieur..."?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que le
député de Gouin vient de répondre lui-même. C'est
à la suite du mémoire qu'une telle décision a
été prise. Je répète ce que j'ai dit hier. En ce
qui touche à la distribution des effectifs, c'est exact, elle
était contenue au mémoire. Mais, quant aux questions que le
député de Gouin m'a posées hier, la réponse demeure
la même, c'est non, M. le Président.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: Oui, M. le Président. Comment la ministre
peut-elle prétendre qu'elle n'a pas recommandé au Conseil des
ministres les règles de participation des nouveaux médecins au
Régime d'assurance-maladie, alors qu'elle déclarait hier - dans
le premier cas, on parle de cette obligation: Je n'ai jamais fait une telle
recommandation au Conseil des ministres. De toute façon, elle n'a pas
été retenue, elle a même été modifiée
avant les protestations.
M. le Président, ma question est simple: Comment une
recommandation peut-elle ne pas avoir été retenue et comment
peut-elle avoir été modifiée si elle n'existe pas?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le député
de Gouin hier m'a posé la question, à savoir si j'avais fait la
recommandation suivante: D'assujettir dans la politique d'entrée en
première année de médecine, en 1987-1988, l'obtention des
postes à la signature d'un engagement par lequel les étudiants
reconnaissent avoir pris connaissance et accepté le fait qu'ils n'auront
pas un droit automatique de participation au Régime d'assurance-maladie
à la fin de leurs études. J'ai dit que cette partie de la
décision du Conseil des ministres a été modifiée et
retirée avant même les protestations des
fédérations. Je maintiens encore une fois que je ne suis jamais
venue au Conseil des ministres avec une telle proposition.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: Oui, M. le Président, devant la confusion
évidente entretenue par la ministre...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rochefort: ...quelle est la décision exacte du Conseil
des ministres? La ministre a-t-elle, oui ou non, le mandat d'assujettir
l'entrée en médecine des étudiants à une signature
d'un engagement par lequel ils reconnaissent qu'ils ne seront pas
automatiquement des médecins participants et la ministre a-t-elle le
mandat, oui ou non, du Conseil des ministres de préparer un projet de
loi établissant une corrélation parfaite entre le droit de
participation au régime et les plans d'effectifs médicaux?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je regrette que le
député de Gouin n'ait pas pris connaissance du communiqué
de presse qui a été distribué le 9 mai et qui, justement,
faisait état des dispositions prises par les deux ministères - le
ministère de l'Éducation et le ministère de la
Santé et des Services sociaux - quant au nombre d'étudiants et de
postes prévus pour l'internat et les résidences en
spécialité ou en omnipratique. Alors, je lui conseillerais de
retourner regarder cette décision du 9 mai qui lui donnera les faits
exacts.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: M. le Président, la période de
questions n'est pas une opération où on se réfère
aux communiqués de presse. Je pose une question...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rochefort: ...à la ministre...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Sans aucune remarque, M. le député de Gouin. Cela fait deux fois
que je vous en avise. Posez votre question additionnelle, s'il vous
plaît.
M. Rochefort: Je répète ma question. La ministre
a-t-elle, oui ou non, le mandat du Conseil des ministres d'assujettir
l'entrée en médecine pour les nouveaux étudiants à
la signature d'un engagement par lequel ils reconnaissent qu'ils ne seront pas
nécessairement des médecins participants. A-t-elle le mandat du
Conseil des ministres d'élaborer un projet de loi qui établit une
corrélation entre la participation au régime et les plans
d'effectifs médicaux, oui ou non?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux. À l'ordre, s'il vous plaît: Vous avez la parole,
madame.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je sais que le
député de Gouin aime beaucoup entretenir la confusion. Il me
semble que c'est au moins la cinquième fois que je lui réponds
que dans le cas de l'entrée en médecine des étudiants qui
n'auront pas d'engagement, ce n'est même pas partie de la décision
à laquelle vous faites continuellement référence. Je vous
ai dit que cela a été retiré.
Dans le deuxième cas, à savoir si j'ai reçu du
Conseil des ministres un mandat de préparer une loi dans le sens
où vous le dites, oui, c'est dans la décision du Conseil des
ministres, mais conditionnellement aux études sur la
détermination des effectifs 1986-1987 et de toutes les
considérations qui doivent entourer cette étude. Les
recommandations seront faites au Conseil des ministres suivant les
résultats de l'étude.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: M. le Président, la ministre
reconnaît-elle que les projets de loi 74 et 75 constituent une
étape majeure et déterminante dans la mise en place d'un cadre
législatif qui viendra restreindre radicalement l'accès à
la pratique médicale?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, dans le cas de la loi
74, il s'agit de modifications à la Loi sur la Régie de
l'assurance-maladie. Dans le cas de la loi 75, je répète que
c'est étendre les dispositions de la loi 27 aux régions et aux
sous-régions, pour permettre une planification adéquate des
effectifs médicaux.
Le député de Gouin pourra brandir tous les spectres qu'il
voudra, c'est là la réalité. Le gouvernement veut faire
une tentative réelle et un effort réel pour répondre aux
attentes de la population en régions éloignées qui demande
depuis des années qu'on fasse une meilleure planification des effectifs
médicaux. C'est là l'objectif poursuivi par la loi 75.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: M. le Président, la ministre maintient-elle
sa décision, annoncée hier, de ne pas tenir une commission
parlementaire sur ces projets de loi, à la suite du
télégramme que lui faisaient parvenir les présidents des
trois fédérations ce matin en disant: Compte tenu des
réponses apportées hier, nous tenons toujours à une
commission parlementaire, et aussi, compte tenu des déclarations du
président de la corporation des médecins qui affirmait, hier,
à la suite des réponses de la ministre: Nous voulons deux fois
plus une commission parlementaire? (10 h 30)
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je maintiens ma
décision de ne pas tenir de commission parlementaire. Il s'agit
d'étendre un principe qui a déjà été
accepté au moment de la loi 27, celui de faire des plans d'effectifs
médicaux en établissement que, maintenant, nous ferons aux
niveaux régional
et sous-régional et ceci, pour une meilleure planification des
effectifs médicaux dans l'ensemble du Québec. Cela ne change pas
le principe de cette loi. Le chef de l'Opposition pourra se le rappeler fort
bien et c'est là l'objet de... Il y a eu une commission parlementaire
pour la réglementation de la loi 27 et il y a eu une commission
parlementaire qui a duré trois jours le printemps dernier,
précisément sur la distribution des effectifs médicaux
où les trois fédérations, à chaque occasion, ont eu
le loisir de se faire entendre.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
principale.
La firme Pominville et la
luttre contre la fusion de
Baie-Comeau et de Hauterive
M. Chevrette: M. le Président, le 1er mai dernier, en
commission parlementaire, le député de Hull et ministre
délégué aux Services et Approvisionnements nous disait que
la firme Pominville avait obtenu le mandat de préparer des propositions
pour modifier le système du fichier central. Le 15 mai, c'était
le mandat de préparer des mandats pour d'autres firmes. Hier, dans le
dépôt du mandat, il s'agissait de s'attaquer au coeur même
du système informatisé qui évite le favoritisme. Ma
question est la suivante: Le ministre peut-il nous dire depuis combien de temps
il connaît la firme Pominville et s'il a eu des liens avec cette firme
avant la lutte contre le projet de loi 37 concernant la fusion des villes de
Baie-Comeau et Hauterive?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Services et Approvisionnements.
M. Roeheleau: Merci, M. le Président. Afin de
répondre au leader de l'Opposition, à savoir si je connais depuis
longtemps la firme Roger Pominville, oui, M. le Président, cela fait
très longtemps que je connais la firme Roger Pominville. Elle a
exercé plusieurs mandats pour les municipalités de plusieurs
régions du Québec. Alors que j'étais maire de Hull, elle a
exercé des mandats et avant que je sois maire de Hull, elle a
également exercé des mandats pour la ville de Hull, la
Communauté régionale de l'Outaouais, la Commission de transport
de la Communauté régionale de l'Outaouais, plusieurs villes du
Québec, la ville de Gatineau, Loretteville et j'en passe. Je connais
très bien l'intégrité, l'honnêteté et les
compétences de cette firme en administration.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Le ministre admet-il avoir utilisé son
influence pour que la firme Roger Pominville Limitée obtienne un contrat
sur la structuration des services de la Communauté régionale de
l'Outaouais alors qu'il était maire de Hull et responsable des
conditions de travail des employés de la Communauté
régionale de l'Outaouais?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre délégué aux Services et
Approvisionnements.
M. Gratton: Question de règlement.
Le Président: Question de règlement, M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas lieu
de s'interroger sur l'opportunité d'interroger le député
de Hull à titre de maire de Hull, puisqu'il ne l'est plus depuis fort
longtemps?
M. Chevrette: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: J'ai l'intention de démontrer clairement que
la firme Pominville a accompagné les premiers pas dans la vie publique
du député de Hull jusqu'à sa rentrée comme
ministre.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur
la question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, pourriez-vous lire l'article
75, s'il vous plaît?
Le Président: J'allais le faire mais j'attendais la fin de
l'argumentation. À l'article 75 du règlement, on lit: "Les
questions doivent porter sur des affaires d'intérêt public, ayant
un caractère d'actualité ou d'urgence, qui relèvent d'un
ministre ou du gouvernement. Toute autre question doit, être inscrite au
feuilleton." M. le leader de l'Opposition, si vous voulez changer la
formulation de votre dernière question, étant donné
qu'elle s'adressait au député de Hull, du temps qu'il
était maire de Hull et étant donné qu'elle ne s'adresse
pas au ministre ou à une affaire qui a un caractère
d'actualité ou d'intérêt public relatif à un dossier
que le ministre a à travailler actuellement? En changeant votre
question, M. le leader de l'Opposition, je pense que vous pourriez facilement
l'adresser au ministre en question.
M. Chevrette: L'actuel ministre délégué aux
Services et Approvisionnements reconnaît-il avoir eu des liens, comme
ministre actuellement et comme maire à l'époque, toujours avec
cette même firme? Je lui pose la question: Reconnaît-il que, chaque
fois qu'il a détenu un poste public, il a plaidé pour la firme
Pominville afin d'obtenir des mandats grâce à l'influence qu'il
avait?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Services et Approvisionnements
M. Rocheleau: M. le Président, j'aurais sûrement pu
répondre à la première question aussi. Il est bien
évident que la firme Roger Pominville n'a jamais eu besoin du maire de
Hull dans le temps, non plus du député et encore moins du
ministre délégué aux Services et Approvisionnements pour
se trouver des contrats au Québec. C'est une firme compétente,
une firme efficace, une firme qui a été retenue par un grand
nombre de municipalités, par un grand nombre d'organismes à
caractère public et qui a la compétence de faire le travail que
je lui ai confié. Cela fait suite et cela confirme sûrement les
premiers propos tenus en cette Chambre par le député de Roberval,
si j'ai souvenance, au mois de décembre dernier, quand il se demandait
ce qu'on allait faire du ministère des Services et Approvisionnements et
pourquoi on avait créé ce ministère.
J'avais fait allusion, dans le temps, j'avais
référé au Vérificateur général du
Québec et plus particulièrement au rapport qui avait
été déposé en cette Chambre dans les jours qui ont
suivi, dans lequel on avait déjà déterminé que
près d'un tiers des soumissions n'étaient pas passées par
le fichier central du gouvernement. Cela commandait une étude tout
à fait particulière, une étude qui était à
l'épreuve de tout doute futur. Je trouve très curieux les propos
que tient le leader de l'Opposition. Nous aurons sûrement, dans les
prochains jours, l'occasion de discuter longuement sur le sujet et d'apporter
toutes les réponses aux questions, même celles où on peut
sentir une insinuation dans les propos que tient le leader de l'Opposition.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Comment le ministre
peut-il vanter les mérites d'une firme, vanter son
honnêteté et son intégrité alors que lui-même
nie que cette firme ait préparé des discours pour l'Opposition,
alors que c'est cette firme même qui facture? Qui ment donc si je dois
prendre la parole du ministre en cette Chambre? Comment le ministre peut-il
soutenir autant de qualités à une firme qui lui impute des droits
ou des privilèges qu'il aurait eu de cette firme alors qu'il
prétend qu'ils sont faux?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Services et Approvisionnements.
M. Rocheleau: J'ai mentionné à plusieurs reprises,
en cette Chambre, au cours des derniers jours, que la firme Roger Pominville,
au mois de décembre 1981, avait été retenue par la ville
de Baie-Comeau pour se défendre contre les agressions du gouvernement
péquiste du temps, c'est-à-dire contre la loi 37 créant
une fusion forcée de deux municipalités. Nous n'avons jamais
demandé, en tant qu'Opposition, à la firme Roger Pominville de
nous préparer quelque document que ce soit. Cela a été
clairement indiqué en cette Chambre. Si, à l'intérieur du
mandat que Baie-Comeau avait confié à la firme Roger Pominville,
la firme Roger Pominville a cru bon de permettre à cette Chambre d'avoir
tous les dossiers pertinents à la loi 37, si on a pu, à
l'intérieur de la facturation et si, aujourd'hui, on critique la
transparence avec laquelle la firme Roger Pominville a détaillé
sa facture, je trouve que c'est malheureux de votre part d'investiguer cela
parce qu'il est tout à l'honneur de la firme Pominville d'avoir inscrit
dans les moindres détails le travail qu'elle faisait non pas à la
demande de l'Opposition, mais beaucoup plus dans le mandat que lui avaient
confié les autorités municipales de Baie-Comeau. (10 h 40)
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que la firme Roger Pominville Ltée
ment lorsqu'elle charge nommément aux citoyens de
Baie-ComeauHauterive des honoraires pour préparation de discours
de deuxième lecture pour l'actuel ministre Rocheleau?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Question de règlement,
M. le Président.
Le Président: Question de règlement, M. le ministre
de l'Industrie et du Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En vertu de l'article 77,
paragraphe 2, je ne vois pas en quoi le leader de l'Opposition persiste
à vouloir confondre ce qu'une firme, à l'extérieur de
cette Chambre, peut avoir fait et le rôle du ministre, et confondre
également la différence entre préparer ou ne pas
préparer un discours et lire ou ne pas lire un discours en cette
Chambre.
Le Président: M. le leader de
l'Opposition, sur la question de règlement.
M. Chevrette: C'est un bel effort du député de
Vaudreuil-Soulanges pour essayer de camoufler les propos qui ont
été dits dans cette Chambre.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Chevrette: En cette Chambre c'est le ministre,
député de Hull qui s'est levé et a affirmé ne pas
avoir préparé de discours comme tels. C'est lui-même qui a
affirmé de son siège avoir eu des discours mais ne pas les avoir
utilisés. Dans un troisième temps, le même
député-ministre a dit qu'on ne lui avait pas demandé de
discours. On veut savoir, une fois pour toutes, en vertu de la règle de
procédure normale de question et réponse, quelle version le
ministre retient. II ne peut y avoir trois versions, une le lundi, une le mardi
et une le mercredi en cette Chambre.
Une voix: Bien oui!
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Présumément, et
si c'était vrai, le ministre serait obligé de s'excuser le
jeudi.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, mais on sait très bien qu'il ne le fera
pas parce que ce n'est pas son habitude.
Le Président: Si vous me le permettez, sur la question de
règlement qui a été soulevée, M. le leader adjoint
du gouvernement a soulevé l'article 77.2. Si je me rappelle bien, M. le
leader de l'Opposition, dans votre question additionnelle vous aviez
demandé au ministre délégué aux Services et
Approvisionnements si la firme Pominville mentait, etc. Il ne peut
répondre pour une tierce personne. Vous ne pouvez également
fonder votre question sur une supposition. Transformez votre question
additionnelle et je pense qu'elle sera acceptée.
M. Chevrette: Comment prétendre que la firme Pominville
peut être honnête, intègre et formidable si elle
prétend préparer des discours et que le ministre dit qu'il n'a
pas...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Question de règlement,
M. le Président.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'essaie de voir ce sur quoi le
leader de l'Opposition est en train de plaider: ou on plaide sur la question de
règlement ou on veut soulever un débat de fond quant à des
qualités de toutes sortes de gens en dehors de la Chambre. Je ne vois
pas très bien ce que le leader de l'Opposition fait là,
debout.
Le Président: Je vais entendre votre question et voir si
elle est recevable ou non. Terminez votre question, M. le leader de
l'Opposition, vous avez la parole.
M. Chevrette: M. le Président, vous m'avez dit de
reformuler ma question et c'est la suivante: Comment le ministre peut-il, de
son siège, vanter l'honnêteté et l'intégrité
d'une firme alors qu'il soutient ne pas avoir eu de discours et que cette firme
demande des frais, pour avoir préparé des discours, aux citoyens
de Baie-Comeau Hauterive?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Services et Approvisionnements.
M. Rocheleau: M. le Président, je vous dis que cela fait
pitié comme question!
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo! Le Président: M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Cela fait moins pitié que le
ministre.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le ministre, sans aucun commentaire et sans soulever aucun
débat, répondez à la question que le leader de
l'Opposition vous a posée.
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Rocheleau: J'ai pu, dans le passé, apprécier la
firme Roger Pominville, comme plusieurs municipalités du Québec
et plusieurs dirigeants municipaux et dirigeants d'organismes ont pu
l'apprécier aussi. J'ai dit aussi en cette Chambre qu'on n'avait jamais
utilisé ou prononcé de discours écrits par la firme Roger
Pominville. Cela n'empêche pas... Peut-être que le leader de
l'Opposition pourrait aller demander lui-même à la firme Roger
Pominville d'expliciter son mandat, ce n'est sûrement pas à moi
ici en cette Chambre d'expliciter le mandat qui avait été
confié à la firme Roger Pominville par la ville de
Baie-Comeau, au moment où on a étudié le projet de loi 37.
La seule chose qu'il nous est permis de dire au cours du débat qui
suivra sûrement et l'adoption qui viendra du projet de loi 68
créant le ministère des Services et Approvisionnements, c'est
qu'on pourra faire état de plusieurs éléments qui nous ont
amenés à consulter une firme d'experts-conseils en administration
afin d'avoir certaines recommandations que nous pourrions mettre en pratique
par la suite pour le plus grand bénéfice du gouvernement du
Québec.
M. Chevrette: Dernière question additionnelle.
Le Président: Une dernière question additionnelle,
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Dernière question additionnelle aujourd'hui,
M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait déposer la liste
des employés permanents de cette superfirme Roger Pominville
Ltée?
Des voix: Oh!
Le Président: M. le ministre délégué
aux Services et Approvisionnements.
M. Rocheleau: M. le Président.
Une voix: ...au Canada.
Le Président: M. le ministre.
M. Rocheleau: C'est pratiquement incroyable. M. le
Président, est-ce que...
Le Président: M. le ministre.
Une voix: Ce n'est pas une question.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rocheleau: Est-ce que c'est au ministre
délégué aux Services et Approvisionnements de
déposer en cette Chambre le nom de l'ensemble des employés d'une
firme d'experts-conseils au Québec? Ma grand conscience du bon Dieu, M.
le Président...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Rocheleau: ...ça s'peut-y? J'ai l'impression que le
leader de l'Opposition est dépourvu ce matin, qu'il tente, par tous les
moyens, de s'excuser de m'avoir posé initialement cette
question-là en Chambre et qu'il ne sait plus comment s'en sortir.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en principale.
Rentabilité de la concentration
des vols commerciaux de
longue durée à Mirabel
Mme Harel: M. le Président, depuis 1969, l'écart
dans le nombre de passagers aux aéroports de Montréal et de
Toronto est passé de 27 % à plus de 115 %. Ces chiffres se
retrouvent dans une quarantaine d'analyses et d'études rendues publiques
par le président Sauriol, du Conseil consultatif des aéroports de
Montréal, lesquelles démontrent qu'il serait plus rentable de
concentrer les vols commerciaux de longue durée à Mirabel. M. le
Président, je crois que, demain, à Ottawa, les
représentants de ce conseil consultatif doivent rencontrer les
députés conservateurs pour expliquer officiellement le choix qui
est retenu.
Ma question s'adresse au ministre des Transports. Le ministre a-t-il
été informé des recommandations qui sont retenues par ce
comité consultatif et qui seraient transmises demain? Entend-il faire
des représentations ou faire connaître ses recommandations?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je veux d'abord dire
à Mme la députée que j'ai eu l'occasion, au cours du mois
de février, de rencontrer des membres du comité qui ont alors
présenté certaines solutions. Je veux lui dire aussi que, si je
ne m'abuse, les statistiques de 27 % et 115 % sont à compter de 1976 et
non pas de 1967, sans allusion au changement politique de l'époque. Je
les ai rencontrés et ils ont eu l'occasion de me faire part de leurs
recherches. Le sous-ministre adjoint au transport aérien a
également été membre du comité chargé de la
cueillette de données et il a apporté toute la contribution
nécessaire et utile que le ministère des Transports pouvait
fournir tout au long de l'analyse.
Quant à savoir si votre question supplémentaire pourrait
être: Est-ce que le ministère des Transports a, quant à
lui, un choix? Ce n'est pas au ministère des Transports du Québec
d'avoir un choix quant aux aéroports. Le ministère des Transports
du Québec prendra les responsabilités qui lui incombent au moment
où le gouvernement fédéral aura lui-même pris sa
décision quant aux aéroports.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
en additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, je crois que le ministre des
Transports du Québec a
rencontré son homologue fédéral hier. A-t-il
été question, au cours de leur rencontre, de ces études,
de ces analyses qui sont maintenant connues et qui nous rappellent que, de 1969
à 1983, sur le trafic aérien, l'écart a été
de 27 % à 116 % entre Montréal et Toronto. Lors de cette
rencontre d'hier, quelles ont été les représentations que
le ministre des Transports du Québec a faites à son homologue
fédéral?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Effectivement, comme Mme la
députée l'a dit, j'avais l'occasion hier de rencontrer pour la
première fois, dans une séance de travail, M. Mazankowski. Nous
avons soumis de notre côté seize sujets de discussion, le premier
étant, bien sûr - c'est davantage à cette question que je
m'attendais ce matin - le projet de loi C-75. Comme c'est un projet de loi
contentieux entre le fédéral et le provincial, la seule question
qui m'est venue en cette Chambre jusqu'à maintenant provenait d'un
député du côté ministériel.
On me pose la question à ce moment-ci: Est-ce qu'il a
été question? Nous avons d'abord traité du cas C-75, de
cas de régions éloignées comme la desserte de la
Basse-Côte-Nord, tant sur le plan aérien que sur le plan maritime,
de la desserte des tles-de-la-Madeleine, des aménagements routiers de
Saint-Augustin, et nous avons aussi échangé très
brièvement avec M. Mazankowski quant aux aéroports. Ce que j'ai
dit à M. Mazankowski est exactement ce que j'ai dit dans ma
première réponse à Mme la députée de
Maisonneuve: Décidez et, selon votre décision, dépendront
un certain nombre d'actions du gouvernement du Québec. Quant au
réseau routier, nous prendrons nos responsabilités lorsque vous
aurez pris les vôtres. (10 h 50)
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
question additionnelle.
Mme Harel: M. le Président, est-ce qu'on doit conclure des
propos que le ministre a tenus qu'il entend endosser la décision qui
sera retenue par son homologue fédéral? Doit-on comprendre que
cette décision du fédéral sera celle qui sera retenue par
le ministre des Transports du Québec en matière des
aéroports à Montréal? Le ministre...
Le Président: Mme la députée.
Mme Harel: ...est-il prêt à accepter qu'une motion
soit adoptée à cette Assemblée pour demander, en
matière de taxes aux usagers...
Le Président: Vous êtes sur une question
additionnelle, Mme la députée.
Mme Harel: Très bien, M. le Président. On reviendra
sur la motion.
Donc, sur la question, est-ce que le ministre des Transports du
Québec entend endosser la décision qui sera prise par son
homologue fédéral en matière du choix des aéroports
à Montréal?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Toute conclusion que
pourrait tirer Mme la députée de Maisonneuve à ce
moment-ci est prématurée.
Le Président: M. le député de Saint-Maurice,
question principale?
Organismes d'État qui n'ont plus de
justification
M. Lemire: M. le Président, ma question s'adresse au
président du Conseil du trésor. Le gouvernement a confié
au début de l'année à un comité spécial le
mandat d'analyser la structure et le fonctionnement de l'appareil
gouvernemental. Ce comité semble avoir fait rapport au gouvernement et
l'on apprend que, sur 200 organismes de toutes sortes qui composent l'appareil
de l'État, il y en a apparemment une bonne quantité qui sont
devenus inutiles et d'autres dont la mission est semblable.
Ma question: Le président du Conseil du trésor pourrait-il
nous indiquer combien de ces organismes font double ou triple emploi, dont la
mission ou la raison d'être n'est plus pertinente? Dans quelle mesure la
rationalisation envisagée ferait-elle augmenter l'efficacité et
la productivité de la structure gouvernementale?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, effectivement, dans le cadre
du mandat qui a été confié au comité sur la
révision des structures de programmes gouvernementaux, le comité
a analysé les 200 organismes qui subsistent actuellement au gouvernement
du Québec et a fait une recommandation au Conseil des ministres qui
touche environ 50 % de ces organismes; elle les touche en ce sens que les
recommandations concernent soit les fusions de certains organismes, l'abandon
de certains autres, le réaménagement de certains et ainsi de
suite. Nous croyons que si les recommandations du comité sont
acceptées par le Conseil des ministres, elles permettront une plus
grande efficacité de l'administration gouverne-
mentale.
M. Lemire: M. le Président, question additionnelle.
Le Président: Question additionnelle. Très
courte.
M. Lemire: Le président du Conseil du trésor
évalue à combien les économies que pourraient
réaliser le gouvernement et les contribuables du Québec
grâce à cette rationalisation de la structure gouvernementale?
Peut-il nous dire quel impact auront ces mesures pour la population
québécoise?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, selon les décisions qui
seront prises par le Conseil des ministres, si elles étaient
acceptées intégralement, nous pourrions évaluer,
même si à ce stade-ci les évaluations sont strictement
préliminaires, des économies qui pourraient aller, sur une base
annuelle, après l'application des recommandations, jusqu'à 100
000 000 $.
Actuellement, nous avons prévu dans les crédits
budgétaires 1986-1987 des économies d'un montant de 20 000 000 $
pour la première étape de l'application de ces
recommandations.
Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest,
une dernière question additionnelle avant la fin de la période
régulière de questions.
M. Gendron: Oui, une très courte question additionnelle.
Le président du Conseil du trésor ne croit-il pas qu'une
étude qui a fouillé au-delà de 200 organismes, comme cela
a été mentionné, et pour laquelle au-delà de 50 %
des recommandations touchent effectivement la pertinence ou l'existence
même de ces organismes, est suffisamment importante pour que le rapport
soit ensuite déposé et qu'il est d'intérêt
public?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, le rapport du comité
fait des recommandations. Cela ne veut pas dire que toutes ces recommandations
seront applicables en pratique. Chacun des ministres responsables de ces
organismes et chacun des ministères sont actuellement à faire une
analyse de ces recommandations et à faire les suggestions
nécessaires en fonction de ces recommandations. Je ne crois pas qu'il
soit d'intérêt public, pour le moment, de divulguer le contenu de
ce rapport. La décision du Conseil des ministres viendra en temps et
lieu.
Le Président: Fin de la période de questions.
Il y a maintenant un complément de réponse qui sera
apporté par M. le ministre délégué aux Forêts
à la suite d'une question posée par M. le député de
Duplessis. M. le ministre, vous avez la parole.
La production de plants confiée à la CIP
et à Consolidated Bathurst
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci. Je vous
remercie d'avoir reporté mon complément de réponse
à aujourd'hui, par déférence pour le député
de Duplessis qui était absent hier. Je voudrais qu'il prenne avis, tout
de même, que je n'ai pas pris l'engagement et que je n'ai pas promis de
suivre la programmation totale du gouvernement précédent en ce
qui concerne la production de plants. Dans le cas de la compagnie CIP, je tiens
à vous mentionner qu'il s'agit d'un premier contrat
négocié à long terme avec une compagnie forestière.
D'une durée de cinq ans, ce contrat implique la production de 47 500 000
plants destinés aux régions de Trois-Rivières et de
l'Outaouais. La production de 6 300 000 plants en serre commencera en janvier
1987 et la production de 3 200 000 plants en tunnel commencera, quant à
elle, en mai 1987.
Le contrat devrait être complété le 1er septembre
1992 et il pourra être renouvelé, à ce moment, pour une
autre période de cinq ans, en fonction de nos besoins, des coûts
et de la qualité des produits. Il s'agit d'une production globale
composée de 79 % d'épinette noire, 17 % de pin gris et de 4 %
d'épinette blanche. Si on a choisi ces essences, c'est en raison de leur
résistance à la tordeuse des bourgeons de l'épinette. CIP
produira ces plants dans ses serres et pépinières à
Harrington, dans le comté d'Argenteuil.
Par ailleurs, dans le cas de Consolidated Bathurst, il s'agit d'un
deuxième contrat de production de plants à long terme
négocié par mon ministère avec une compagnie
forestière. Pour la production de plants en récipients et lorsque
nous utilisons des récipients en tunnel, nous utilisons des
récipients de 45 cavités et de 67 cavités en serre.
Il implique la production de 25 000 000 de plants pour la région
de Trois-Rivières. La durée du contrat est également de
cinq ans. La compagnie Consolidated Bathurst entend négocier la
production de plants en tunnel dès le mois prochain, c'est-à-dire
actuellement. Il s'agit d'une production globale de 60 % d'épinette
noire et de 40 % de pins gris. Consolidated Bathurst produira
ses plants sur le site de reboisement de la Mauricie, soit à
Saint-Étienne-des-Grès. Comme vous pouvez le constater, le
ministère est très actif dans la négociation de contrats
de production de plants avec les compagnies forestières. Plusieurs
contrats sont en négociation actuellement et je suis heureux d'annoncer
que nous sommes parvenus à des ententes avec CIP et Consol et je
félicite Kruger-Domtar de s'être associée à des
groupements locaux pour la production de plants en Estrie. Je vous
remercie.
Le Président: M. le député de Duplessis,
question additionnelle.
M. Perron: Je vous remercie. Je voudrais remercier le ministre
d'avoir répondu à la question que je lui avais posée la
semaine dernière. Maintenant, je voudrais lui poser la question
suivante: Comment peut-il concilier ce qu'il a dit dès le début
de son intervention, en réponse à la question que je lui avais
posée, et la décision du Conseil du trésor prise en date
du 5 mars 1985, à savoir que le ministère de l'Énergie et
des Ressources et le ministère des Forêts devaient...
Le Président: M. le député de Richelieu,
s'il vous plaît! M. le député de Duplessis.
M. Perron: Je répète ma question. Compte tenu du
début de l'intervention du ministre délégué aux
Forêts, comment ce dernier peut-il concilier ce qu'il a dit au
début avec la décision du Conseil du trésor, du 5 mars
1985, à savoir que le ministère de l'Énergie et des
Ressources exigerait que les centres de production soient situés
à l'intérieur de la région administrative à
laquelle sont destinés les plants? (11 heures)
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je dirai au député de Duplessis que
c'était un voeu et que dans le même arrêté on
mentionnait "si possible". C'est exactement ce que nous faisons, dans la mesure
du possible. Nous tentons de localiser les centres production de plants dans
les endroits où les plants seront reboisés.
Le Président: Merci, M. le ministre. Fin de la
période de questions. Ce matin il n'y a aucun vote de
reporté.
Motions sans préavis, M. le ministre des Relations
internationales. M. le ministre, vous avez la parole.
Appui aux efforts de Mgr Desmond Tutu en vue de
trouver une solution pacifique aux problèmes raciaux
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: M. le Président, j'aimerais, avec le
consentement de l'Assemblée, présenter la motion suivante
relative à la présence au Québec de Mgr Desmond Tutu. La
motion se lit comme suit: "Que, compte tenu de la prise de position
antérieure de l'Assemblée nationale relative à la
politique d'apartheid pratiquée par le gouvernement de l'Afrique du Sud
et compte tenu de la sensibilité de la population du Québec
à l'égard du respect des droits humains, cette Assemblée
appuie les efforts de Mgr Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix et prima de
l'Église anglicane australe présentement en séjour au
Québec, en vue de trouver une solution pacifique aux problèmes
raciaux et aux violations des droits de l'homme dont est victime la population
noire de l'Afrique du Sud."
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte? Il y
a consentement. Allez M. le ministre, vous avez la parole.
M. Rémillard: M. le Président,
l'évêque de Johannesburg et Prix Nobel de la paix, Mgr Desmond
Tutu est de passage à Montréal pour participer à diverses
activités qui clôturent la Semaine contre le racisme et
l'apartheid. Mgr Tutu a ainsi répondu à l'invitation qui lui a
été faite par les organisateurs de ces activités, soit le
Centre d'information et de documentation sur le Mozambique et l'Afrique
australe. L'initiative de cet organisme non gouvernemental a reçu
l'appui d'un grand nombre de personnalités et d'organismes.
M. le Président, on ne peut que s'associer à ces
démarches de Mgr Tutu pour mettre fin à ce régime
inqualifiable qu'est l'apartheid, lequel prend en otage une population, une
majorité, la majorité noire d'Afrique du Sud. Nous ne pouvons que
nous associer à cette démarche de Mgr Tutu parce qu'elle
s'inscrit aussi dans un contexte de paix et de recherche de paix, pour une
meilleure égalité entre des hommes et des femmes qui naissent
à égalité et qui doivent manifester tout au long de leur
vie en société ce principe d'égalité.
Nous avons déjà associé nos efforts à ces
revendications de Mgr Tutu et on peut rappeler, bien sûr, que le 23 mars
1978 l'Assemblée nationale votait une motion de blâme à
l'Afrique du Sud pour la façon dont ce pays brime les droits de la
personne justement par le système de l'apartheid. Rappelons aussi, M. le
Président, que le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa,
s'est joint aux chefs d'État des pays francophones, lors du sommet de
Paris en février dernier, pour appuyer la
déclaration commune de ce premier sommet de la francophonie sur
l'Afrique australe pour condamner l'apartheid.
M. le Président, il faut donc saluer en Mgr Tutu l'homme de paix,
l'homme d'espoir pour un peuple qui est opprimé, cette majorité
noire d'Afrique du Sud. Et nous ne pouvons que nous joindre à Mgr Tutu
pour espérer qu'on mette fin à cette situation
intolérable. Merci, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le ministre. M. le chef de
l'Opposition sur la même motion.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, évidemment,
j'entends associer l'Opposition à cette motion. Nous aurions...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le chef de l'Opposition, vous avez la parole.
M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. J'entends
évidemment associer l'Opposition à cette motion. Nous aurions
peut-être aimé que la motion réflète un peu plus ce
qui était l'objet spécifique de la visite de Mgr Tutu, notamment
la question des sanctions économiques face a l'Afrique du Sud.
Je comprends le choix qu'a fait le ministre d'évoquer
peut-être en termes plus généraux ce qu'est le combat de
Desmond Tutu. S'il y a une cause qui réussit à unir les gens qui
sont préoccupés par la justice, la liberté et la
démocratie, c'est bien celle de la lutte contre l'apartheid qui, je
crois, va bien au-delà des lignes de partis politiques.
Hier, à Montréal, Mgr Tutu, au prix de fatigue
considérable pour sa personne, est venu lancer un appel au gouvernement
du Québec, au gouvernement du Canada et aux populations auxquelles il
s'est adressé, tantôt à Toronto et, hier, un peu plus
longuement à Montréal, à l'occasion de cinq rencontres qui
ont meublé cette journée extrêmement exigeante pour
lui.
Devant ces groupes, hier, Mgr Tutu a notamment lancé ce qu'il
appelait un appel de détresse en disant: "En Afrique du Sud, nous sommes
sur un volcan qui est sur le point de faire éruption", parce qu'il voit
tous les jours des jeunes dans ce pays être tentés
sérieusement de recourir à la violence pour obtenir la fin de
l'apartheid, parce qu'il a également vu chaque jour, ou presque, en
Afrique du Sud, depuis l'automne 1984, des morts - 1600, à ce jour, ont
péri par la violence - parce que chaque jour il voit un gouvernement
entêté résister et refuser le changement de ce
système inique mis sur pied il y a 75 ans au prix et au détriment
de la liberté des êtres humains que forme la majorité noire
d'Afrique du Sud.
Mgr Tutu nous disait hier: II reste une possibilité de nous
éloigner du précipice. Le prix Nobel de la paix de 1984 faisait
ainsi appel à la notion de sanctions économiques qui devraient
être prises, selon lui, contre le gouvernement d'Afrique du Sud. À
celles et à ceux qui, en Occident, et notamment en Occident blanc, ont
tendance à considérer, comme je le voyais tout récemment
encore, ce matin, dans un éditorial, que des sanctions
économiques contre l'Afrique du Sud n'auraient comme effet que de faire
souffrir la majorité noire - à ces personnes, Mgr Tutu, qui
pourtant connaît bien l'Afrique du Sud où il est né et
où il a passé sa vie, qui connaît Crossroads comme Port
Elizabeth où se sont déroulés ces événements
sanglants et pénibles depuis un certain temps, répond: Je ne
crois pas en ce nouvel altruisme des Occidentaux. Je vous dis, moi, que, de mon
pays, ce que je vois, c'est que des sanctions économiques contre ce
gouvernement n'amèneront pas la souffrance à un peuple qui
souffre déjà, mais amèneront peut-être la solution
que nous recherchons, c'est-à-dire la fin de l'apartheid, et cette
perspective, une fois pour toutes, d'un État démocratique
où le vote de chacun a le même poids. Car il croit que ces
sanctions économiques permettront de créer de telles pressions
sur le gouvernement sud-africain que cela permettra la libération des
prisonniers politiques, le retour des exilés politiques, que cela
permettra également d'entamer des pourparlers avec les leaders noirs,
avec l'ensemble des partis politiques sud-africains, pour doter ce pays d'une
véritable constitution démocratique et mettre fin au
régime de l'apartheid.
Mgr Tutu a lancé le 2 avril dernier un appel aux sanctions
économiques pour établir, disait-il, "une Afrique du Sud non
raciale, démocratique, participative et juste". Cet appel doit
être entendu et nous souhaitons que le gouvernement du Québec
fasse valoir auprès du gouvernement fédéral son
intérêt pour que cette approche de sanctions économiques
contre l'Afrique du Sud ne soit pas écartée. Comme le disait Mgr
Tutu hier soir à la Place des Arts, devant au-delà de 1000
personnes, si le Danemark l'a fait, pourquoi le Canada ne ferait-il pas de
même?
Je me permets de rappeler, M. le Président, que
l'Assemblée nationale du Québec s'est déjà
prononcée sur cette question, comme l'a évoqué le
ministre, mais également que nous avons adopté ici en 1977, si je
ne m'abuse, une motion qui intimait à la Société des
alcools du Québec de cesser de vendre du vin en provenance d'Afrique du
Sud. Je crois que c'est par des gestes concrets comme celui-là, par des
rencontres qui nous rendent perméables à l'humanité en
même temps qu'à l'audace de cet homme d'Afrique du Sud que
nous
pourrons apporter notre modeste contribution à faire avancer les
choses. Merci. (11 h 10)
Le Président: Est-ce que la motion est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Modifications à la composition des commissions
parlementaires
M. Lefebvre: M. le Président, des modifications ont
été apportées à certaines commissions
parlementaires et je voudrais déposer la liste attestant ces
changements.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Gendron: M. le Président, je trouve que ce n'est pas
assez clair. Est-ce que ce sont des changements modifiant la composition des
commissions?
M. Lefebvre: Effectivement, la composition. Il y a un exemplaire
pour le leader adjoint de l'Opposition.
Le Président: Si on veut en remettre copie au leader
adjoint.
M. Gendron: II n'y a pas de problème, M. le
Président.
Le Président: II y a consentement? M. Gendron: Oui.
Le Président: C'est une motion qui doit être
adoptée. Il y a consentement pour les déposer, mais la motion
doit être adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce
que cette motion est adoptée?
M. Gendron: Oui.
Avis touchant les travaux des commissions
Le Président: Adopté.
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, à la salle Louis-Joseph-Papineau,
après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si
nécessaire, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24
heures, la commission de la culture poursuivra l'étude
détaillée du projet de loi 61, Loi modifiant la Loi sur la
Société de radiotélévision du Québec.
À la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, après les affaires
courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures
à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la commission du budget
et de l'administration procédera à l'étude
détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre
ci-après indiqué: projet de loi 80, Loi modifiant la Loi
concernant l'impôt sur le tabac afin de contrer le détournement de
la taxe par des intermédiaires; projet de loi 81, Loi modifiant la Loi
concernant la taxe sur les carburants afin de contrer le détournement de
la taxe par des intermédiaires; projet de loi 79, Loi modifiant la Loi
sur le ministère du Revenu afin de contrer le détournement, par
des intermédiaires, de taxes perçues ou d'impôts
déduits à la source.
À la salle du Conseil législatif, après les
affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire,
dès le moment de l'adoption du principe du projet de loi 69, Loi
modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux, jusqu'à 18
heures et de 20 heures à 24 heures, la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 71, Loi modifiant la Loi favorisant la
mise en valeur des exploitations agricoles.
Je donne également avis que, le mardi 10 juin 1986, après
les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'aménagement et des
équipements entendra les intéressés et procédera
à l'étude détaillée des projets de loi
d'intérêt privé suivants et ce, dans l'ordre
ci-après indiqué: le projet de loi 218, Loi concernant certaines
transactions entre la Compagnie de Jésus et la Corporation du
Collège Jean-de-Brébeuf; le projet de loi 202, Loi concernant la
ville de Deux-Montagnes, et le projet de loi 252, Loi concernant la ville de
Saint-Césaire.
Je fais motion pour que le ministre de la Justice soit membre de la
commission de l'aménagement et des équipements pour la
durée de l'étude du projet de loi 218.
Le Président: Est-ce que la motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Le Président: Motion adoptée.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Le 22 mai dernier,
le député de Gouin a donné avis de son intention de
soulever un débat de fin de séance afin de poursuivre
l'étude de la question des coupures aux programmes de soins dentaires.
De consentement, il avait été entendu que ce débat de fin
de soirée serait reporté à une séance
ultérieure. Toutefois, comme nous sommes présentement au mois de
juin, il
nous faut un nouveau consentement pour que ce débat puisse
être tenu aujourd'hui même, à 18 heures. Est-ce qu'il y a
consentement à cet effet des deux côtés de cette
Chambre?
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Le Président:
Cela va? Consentement.
M. Gratton: Oui, d'accord, M. le Président.
Le Président: II y aura débat de fin de
séance ce soir, à 18 heures. Y a-t-il d'autres renseignements
concernant les travaux de l'Assemblée?
M. le leader de l'Opposition, avez-vous d'autres renseignements à
demander sur les travaux de l'Assemblée? Aux affaires du jour, M. le
leader du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 1, s'il vous plaît.
Prise en considération du rapport de la
commission qui a procédé à
une consultation générale sur
le projet de règlement concernant
l'accès à
l'égalité
Le Président: Article 1, prise en considération du
rapport de la commission des institutions qui a procédé à
une consultation générale sur le projet de règlement
concernant les programmes d'accès à l'égalité. Mme
la députée de Maisonneuve, en reprise du débat sur le
rapport de cette commission.
Mme Harel: Je dois comprendre, M. le Président, que nous
avons à notre disposition une période de temps impartie aux deux
formations politiques de l'ordre de...
Le Président: Si vous me le permettez, Mme la
députée de Maisonneuve, il s'agit d'un débat restreint
d'une durée totale de deux heures. Immédiatement lorsque le
débat sera enclenché, je veux rencontrer les deux leaders ici,
à l'arrière.
M. Chevrette: Une heure, une heure.
Le Président: Une heure, une heure. On me dit qu'il y a eu
entente de part et d'autre de cette Chambre pour que ce soit une heure de
chaque côté de cette Chambre, pour un total de deux heures.
Mme Harel: Merci, M. le Président.
Le Président: Mme la députée de Maisonneuve,
vous avez la parole.
Mme Louise Harel
Mme Harel: II s'agit donc de la discussion, du débat sur
l'adoption d'un rapport de commission parlementaire qui a siégé
les 8, 9, 10 et 11 octobre 1985 afin de procéder à une
consultation générale sur le projet de règlement
concernant les programmes d'accès à l'égalité. Ces
programmes d'accès à l'égalité, nous avons
peut-être intérêt à les expliquer. Il y a
certainement beaucoup d'intérêt parmi la population de savoir
quels sont ces programmes d'accès à l'égalité et
pour qui de tels programmes d'accès à l'égalité,
pour compenser quelles inégalités. Puisqu'on cherche à
mettre en oeuvre des programmes d'égalité, de quelles
inégalités et de quelles discriminations doit-on parler pour
justifier ainsi le dépôt de programmes semblables?
D'abord, Mme la Présidente, il faut savoir que déjà
de très nombreux groupes avaient réclamé, le plus
rapidement possible, le dépôt de ce procès-verbal, de
même que l'adoption, par l'actuel gouvernement, de cette
réglementation concernant les programmes d'accès à
l'égalité. Je pense à une coalition qui regroupait
près de 170 organismes à travers le Québec, une coalition
qui faisait part, au début de mai dernier, de son empressement à
souhaiter l'adoption par l'Assemblée nationale le plus rapidement
possible de ce rapport de commission de manière à permettre la
mise en oeuvre de ce règlement.
Parmi ces groupes, j'en nommerai quelques-uns qui ont été
vraiment à l'origine de l'adoption d'un tel règlement. Pour ces
groupes, ce règlement d'accès à l'égalité
est un élément essentiel pour permettre, entre autres, aux
femmes, aux membres de communautés culturelles et aux personnes qui
souffrent d'un handicap d'accéder réellement à
l'égalité en emploi dans les secteurs public, parapublic et
privé. Je reviendrai sur le fait qu'il est certainement, pour bon nombre
de ces groupes, assez inquiétant de voir que, dans le secteur
privé, l'actuel gouvernement ne semble pas se conformer aux engagements
électoraux qui avaient été annoncés durant la
campagne électorale. (11 h 20)
C'est donc une coalition autour de l'Action travail des femmes qui
comprenait un ensemble de groupes d'intervention qui souhaitaient
l'accélération de l'adoption de ce règlement. Un tel
règlement n'est pas nouveau dans les sociétés
industrielles. Il faut évidemment savoir que c'est un débat qui
est maintenant quasi résolu chez nos voisins du Sud, chez les
Américains. Plusieurs intervenants, lors des travaux de la commission
parlementaire d'octobre dernier, faisaient justement valoir que dans les
relations du travail maintenant, aux États-Unis, l'ensemble des
entreprises étaient tenues à une sorte d'obligation contractuelle
qui était même assortie d'objectifs
numériques, une sorte d'obligation contractuelle lorsqu'une
entreprise voulait transiger avec un gouvernement, fédéral,
municipal ou d'un État. On faisait valoir que les chefs d'entreprise
eux-mêmes manifestaient une relative satisfaction à l'égard
de la mise en place de ce règlement. C'est étonnant parce qu'il
faut, évidemment, se rappeler que nos voisins du Sud, nos voisins
américains ont précédé de près de dix ans,
dans leur opinion publique, ce débat sur l'application de telles
mesures.
Il y a eu des attaques persistantes, même devant les tribunaux
américains, dès le départ contre ces programmes d'action
positive. Il faut savoir qu'ils se sont imposés peu à peu, au
cours des dix dernières années.
Au niveau fédéral maintenant aux États-Unis ils
sont si nombreux qu'il serait même difficile par une recherche minutieuse
d'en faire le compte exact. On estime cependant que le Congrès a
voté de 60 à 80 programmes d'égalité en emploi. Il
faut ajouter à ces programmes votés au niveau
fédéral les très nombreux programmes adoptés dans
les États, les villes ou les comtés.
Malgré l'opposition de départ - parce que les employeurs
américains manifestaient une opposition de départ
équivalente à celle que l'on retrouve souvent dans les milieux
d'affaires québécois présentement - les employeurs se
déclarent maintenant très contents du programme d'accès
à l'égalité institué notamment en vertu de
l'obligation contractuelle. J'y reviendrai, sur cette obligation contractuelle
qu'il nous faut souhaiter implanter maintenant ici au Québec parce que,
entre autres avantages, disent les employeurs américains, le moral des
employés est meilleur et la productivité s'en est trouvée
accrue.
C'est intéressant de voir que la revue Fortune, une publication
très connue dans les milieux économiques et qui jouit d'une
grande notorité, disait l'automne dernier, lors d'un reportage sur
l'ensemble de ces programmes mis en vigueur: "L'obligation contractuelle
assortie d'objectifs numériques fait maintenant partie des habitudes
d'administration de la grande entreprise américaine. Les programmes
d'accès à l'égalité atténuent les conflits,
améliorent le rendement et sont rentables. Les employeurs
interrogés entendent donc maintenir les programmes d'accès
à l'égalité, même advenant un assouplissement de
l'administration Reagan dans le domaine." Même dans la perspective
où l'administration fédérale diluerait la vigueur qui
avait été donnée auparavant à ces programmes
d'accès à l'égalité, les employeurs disaient
être soucieux de les maintenir, compte tenu des effets positifs qu'ils
avaient engendrés.
Évidemment, la première question qu'il faut se poser est:
Pourquoi des programmes d'accès à l'égalité? C'est
certain, Mme la Présidente, qu'ils ne peuvent être
envisagés que pour compenser une participation jugée
inégale jusqu'à maintenant aux avantages de notre
société. Que l'on pense aux femmes sur le marché de
l'emploi ou aux membres de communautés culturelles ou encore à
des personnes qui souffrent d'un handicap, il faut reconnaître - et je
crois que maintenant l'opinion le reconnaît - que collectivement, en
matière d'emploi, ces personnes ne détiennent pas la place
qu'elles devraient avoir et que, pour remédier à cette
réalité d'inégalité et de
sous-représentation... Quelques chiffres éloquents le
démontrent amplement. Pensons simplement aux écarts de revenu;
quelles que soient les professions exercées par les femmes,
l'écart de revenu moyen d'emploi entre les hommes et les femmes se
situait toujours à 57 % en 1981. Ce sont là les chiffres du
dernier recensement. Évidemment, avec le recensement qui est fait
maintenant en 1986, nous aurons des chiffres encore plus à jour, mais,
malgré la scolarisation accrue, malgré l'accès au
marché de l'emploi, l'écart de revenu moyen entre les hommes et
les femmes était toujours de 57 %. C'est donc dire qu'il y a là
une situation évidente de discrimination, de sous-représentation,
une situation parfois même d'absence chronique. Pensons à certains
secteurs d'emploi où les femmes sont nettement
sous-représentées, pour comprendre la nécessité de
tels programmes et partager les objectifs qui sont visés par de tels
programmes qui consistent à offrir les conditions pour que ces groupes
soient membres à part entière de la société, compte
tenu qu'il y a un rattrapage à faire qui n'est évidemment pas
possible du jour au lendemain, puisque ce sont là souvent des
conséquences de siècles et certainement de décennies
d'inégalité.
L'objectif des programmes d'action positive, c'est donc de faire en
sorte que la répartition des individus reflète plus correctement
la diversité de la population. On doit reconnaître qu'en
améliorant ainsi la situation, qu'en améliorant les conditions,
qu'en améliorant les résultats nets des groupes qui sont
sous-représentés il va de soi que les groupes
surreprésentés se trouvent à bénéficier de
moins d'avantages et qu'en compensation ces programmes d'action viennent
certainement, pour un certain temps du moins, mettre les groupes mieux
représentés dans la société en situation d'attente
quant à la croissance des avantages qu'ils doivent en tirer.
C'est donc dire, Mme la Présidente, que non seulement aux
États-Unis, mais dans la majorité des pays
industrialisés... Une étude récente a été
faite par la Commission des communautés économiques
européennes qui s'intitulait "Pour l'égalité des chances",
programme d'action, et qui faisait voir que
l'ensemble des pays de l'Ouest, que l'ensemble des pays qui se
regroupent au sein de la communauté européenne, donc l'ensemble
de ceux qui partagent actuellement des valeurs communes, se sont
également donné des programmes d'action pour promouvoir
l'égalité des chances, notamment pour les femmes. Ces programmes
d'action d'égalité des chances prévoient également
des programmes d'action positive et permettent de nous rendre compte qu'un peu
partout la conscience des sociétés est interpellée par la
sous-représentation chronique de certains groupes qui la composent. Les
programmes d'action positive ont été élaborés dans
le cadre de la Commission des communautés économiques
européennes de manière à pouvoir s'implanter dans
l'ensemble des pays qui composent la communauté.
C'est donc dire que nous avons certainement ce matin à disposer
d'une question importante, d'une question qui est jugée importante. Je
vous rappelais tantôt l'organisation d'une coalition autour d'Action
travail des femmes, une coalition qui regroupait plus de 170 organismes et qui
réclamait cette réglementation le plus rapidement possible. On se
rappelle que l'actuel ministre de la Justice, qui siégeait à
l'époque pour l'Opposition au moment de la tenue de la consultation, en
octobre dernier, s'engageait à mettre en oeuvre cette
réglementation pour l'application de programmes d'accès à
l'égalité. Non seulement, disait-il, il allait le faire le plus
rapidement possible, il s'engageait à le faire dès les
premières semaines ou presque de l'entrée au pouvoir de son
gouvernement. (11 h 30)
Mais, de plus, l'actuel ministre de la Justice se rappellera
qu'après avoir longuement interrogé les différents groupes
qui se sont présentés devant la commission pour faire valoir leur
point de vue il concluait, à l'intention des groupes représentant
les gens d'affaires et les entreprises, qu'il était temps de revoir le
règlement et que tout le monde était d'accord pour le retoucher
de manière à examiner le modèle qui était fourni
aux États-Unis. Le ministre faisait valoir qu'il était sans doute
temps d'examiner ce modèle puisque les compagnies qui sont ici,
disait-il, font cela à leur siège social aux États-Unis.
Elles sont tenues d'adopter de tels programmes qui sont même assortis
d'objectifs numériques aux États-Unis et donc tenues à
transiger, si elles tiennent à le faire avec l'État, dans le
cadre d'une obligation contractuelle. Le ministre disait: Les compagnies qui
sont ici, dont la société mère le fait aux
États-Unis et qui veulent vendre au gouvernement américain par le
biais de filiales, soit dans l'État de Vermont, soit dans l'État
de New York, doivent s'y soumettre et pourtant ces compagnies sont profitables.
Le ministre se disait que les compagnies pouvaient certainement accepter
d'avoir les mêmes programmes ici qu'aux États-Unis.
C'était là une indication claire, je crois, de
l'orientation qui était développée afin d'assortir ce
programme d'accès à l'égalité de conditions
déjà en place, je le rappelle, dans la juridiction
fédérale à Ottawa et annoncée par la ministre Flora
MacDonald, de conditions qui amènent les entreprises qui veulent
transiger avec le gouvernement à mettre en vigueur, à
réaliser de tels programmes d'accès à
l'égalité.
C'était d'ailleurs là, Mme la Présidente, une des
recommandations fermes de la Conférence nationale sur la
sécurité économique des Québécoises qui
avait lieu en mai dernier, une recommandation retenue comme prioritaire par
l'ensemble des intervenants qui se sont rencontrés dans le cadre de la
première partie de cette Conférence nationale sur la
sécurité économique des Québécoises.
On se rappellera que la recommandation était de créer un
comité consultatif sur les programmes d'accès à
l'égalité, lequel comité consultatif est d'ailleurs
recommandé dans le rapport de la commission que nous étudions
présentement, et d'établir une obligation contractuelle pour les
entreprises faisant affaires avec le gouvernement. À ma connaissance,
c'est là une des recommandations que l'on retrouve dans ce rapport que
nous avons adopté ce matin. De même la création d'un fonds
d'aide pour permettre aux personnes qui veulent se prévaloir des
dispositions d'exiger, dans leur milieu de travail, dans leur entreprise, la
réalisation d'un tel programme, donc d'un fonds d'aide pour leur
permettre de faire valoir leurs droits. De même un soutien financier et
technique aux secteurs public et parapublic. On sait que dès l'automne
dernier s'est élaboré un plan de programme d'action à
l'intention principalement des ministères à effectif
féminin élevé. On sait que ce plan a été
rendu public dernièrement. De même un soutien financier -
c'était là une autre des recommandations de cette
conférence nationale tenue en mai dernier - et technique aux entreprises
établissant un programme volontaire d'accès à
l'égalité.
Je vous rappelle, Mme la Présidente, que dans le plan d'action
qui a été rendu public par la ministre
déléguée à la Condition féminine il est
prévu un soutien financier de l'ordre de quelques millions de dollars -
je pourrais le vérifier - qui va permettre, semb!e-t-il, à un
total de 25 entreprises de bénéficier d'une subvention pour
mettre en vigueur un tel programme d'accès à l'intention de leurs
employées.
C'est là, évidemment, une mesure incitative qui est
intéressante. Elle aura certainement le mérite d'amener
certains
employeurs, pour bénéficier de cette subvention les
premiers, à prendre les devants dans l'application d'un tel programme.
Mais malgré le fait que ce soit intéressant, une telle
subvention, c'est insuffisant du fait d'abord qu'elle ne s'adresse qu'à
25 entreprises au plus et que ce sont des milliers d'entreprises qui devraient
mettre en place de tels programmes. C'est donc avec insistance que nous la
souhaitons, de ce côté-ci et c'est avec insistance que les groupes
qui, dans notre société, sont sensibilisés à cette
question des programmes d'accès à l'égalité, donc
tous ces intervenants réclament la mise en place d'une obligation
contractuelle pour les entreprises qui veulent transiger avec l'État. Et
on sait que ces entreprises sont très nombreuses, compte tenu de
l'apport économique de l'État dans notre
société.
C'est très important que les entreprises qui veulent transiger
avec l'État, au niveau québécois, soient tenues, comme
c'est le cas dans la juridiction fédérale, de faire valoir la
mise en place de tels programmes pour obtenir des contrats. D'ailleurs, je vous
rappelle que c'est là un engagement ferme, un engagement
électoral de l'actuel gouvernement qui, l'automne dernier, lors de la
présentation de ses engagements en matière de condition
féminine, faisait valoir qu'il entendait rendre obligatoires et
établir de tels programmes d'accès à
l'égalité pour les entreprises privées qui souhaitaient
transiger avec l'État. C'est, évidemment, avec une certaine
impatience que nous attendons l'annonce de cette obligation contractuelle. J'ai
eu l'occasion d'en parler avec Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine lors d'une interpellation pour souhaiter
que le comité qui avait été mis sur pied l'automne dernier
et qui avait pour mandat d'établir les modalités de
fonctionnement d'un tel lien contractuel rende public son rapport le plus
rapidement possible.
On se rappelle que ce comité, qui est, je crois, composé
de représentants de différents ministères, doit
normalement rendre public son rapport en juin. Il nous apparaît
absolument inacceptable qu'il y ait l'adoption d'une réglementation en
matière d'accès à l'égalité qui ne soit pas
assortie d'un lien contractuel et qui ne soit pas, finalement, conforme
à l'engagement que prenait le Parti libéral lors de la
dernière campagne électorale. Il faut voir que cette
Assemblée ne dispose pas des questions plusieurs fois dans une
même session et que le temps est propice puisque, dans les jours qui
viennent, comme cela, d'ailleurs, est prévu dans les dispositions de la
Charte des droits et libertés de la personne, nous allons, à la
suite de l'adoption du rapport de ce procès-verbal de la commission
parlementaire, voir publier à la Gazette officielle le projet de
règlement qui doit, comme on le sait, suivre de quelques jours
l'adoption du procès-verbal dans cette Assemblée. Il nous
apparaît essentiel que ce règlement comprenne cette obligation
contractuelle et soit assorti des modalités de fonctionnement de cette
obligation contractuelle. (11 h 40)
Je vous rappelle, d'ailleurs, à ce sujet, que l'obligation
contractuelle mise en oeuvre au niveau fédéral s'adresse à
toute entreprise de plus de 100 employés qui transige avec le
gouvernement pour un contrat de plus de 200 000 $. Évidemment, cela ne
comprend pas un très grand nombre d'entreprises. C'est extrêmement
modeste d'obliger un tel type d'entreprises à réaliser des
programmes d'accès à l'égalité puisqu'il y a peu
d'entreprises qui répondent à ces normes de 100 employés
et plus et de contrats de plus de 200 000 $. On n'a qu'à vérifier
les crédits lors de l'étude des engagements financiers du
gouvernement dans les différentes commissions parlementaires pour se
rendre compte que c'est peu de contrats qui sont de plus de 200 000 $. La
très grande majorité des crédits que nous examinons est
pour des transactions de 200 000 $ et moins. C'est donc dire qu'il faut
certainement s'interroger sur les modalités de fonctionnement d'une
telle obligation contractuelle et certainement il faut s'interroger sur la
possibilité d'étendre à des transactions de moins de 200
000 $ l'obligation pour une entreprise qui veut transiger avec l'État de
faire connaître la mise en oeuvre de programmes d'accès à
l'égalité.
Par exemple, le Devoir titrait en 1985 lorsque le projet
fédéral était rendu public par la ministre de l'Emploi et
de l'Immigration: "Peu de compagnies seront touchées par les programmes
d'accès à l'égalité" c'était justement parce
que les entreprises qui obtiennent des contrats gouvernementaux de 200 000 $ et
plus sont un tout petit nombre. C'est donc dire que, si le gouvernement entend
réellement donner suite à son engagement électoral,
engagement - je le répète - d'établir pour les entreprises
privées qui transigent avec le gouvernement les mêmes exigences en
termes de programmes obligatoires d'accès à
l'égalité que dans les secteurs public et parapublic, s'il veut
réellement rendre vigoureuses ces conditions de mise en place de
programmes d'accès à l'égalité, il doit envisager
de le faire pour des entreprises qui transigent pour des sommes de moins de 200
000 $. D'une certaine façon, nous n'en attendons pas moins de l'actuel
gouvernement compte tenu de l'ensemble des déclarations qui ont
été faites lors des audiences d'octobre dernier, où
à la fois, la députée de Jonquière à
l'époque, critique du gouvernement en matière de condition
féminine et le
député d'alors, devenu l'actuel ministre de la Justice,
faisaient valoir la nécessité de l'implantation d'un programme
énergique, vigoureux et assorti de conditions qui en permettraient
réellement l'application et qui permettraient réellement à
un bon nombre d'employées dans notre société d'en
bénéficier.
Je laisserai à mes collègues qui veulent également
intervenir sur cette question - qui sont extrêmement satisfaits de voir
qu'enfin nous procédons à l'adoption du rapport de la commission
et qui, d'ailleurs, s'inquiétaient du retard qu'apportait le
gouvernement à le déposer devant cette Chambre - la chance
d'intervenir plus rapidement.
Je veux simplement signaler ce qui peut sans doute nous apparaître
comme une démarche positive et un signe des temps, puisque les
entreprises membres du Conseil du patronat faisaient connaître à
la fin de mai dernier la tenue d'une session d'information patronale, le 13
juin prochain, qui portera sur les programmes d'accès à
l'égalité. C'est quand même intéressant et je crois
que c'est un signe des temps de voir qu'au lieu d'adopter une attitude contre
ces programmes d'accès à l'égalité et qu'au lieu
d'adopter une attitude qui en retarderait l'application, le Conseil du patronat
invitait ses membres à cette session d'information patronale pour
apporter, et je les cite, "une contribution concrète à la
réalisation de tels programmes". Souhaitons, Mme la Présidente,
que cela indique un pas dans la bonne direction parce qu'il en va de
l'intérêt - je le rappelle - de groupes qui, dans notre
société, ont jusqu'à maintenant été mis
certainement à l'écart de bien des avantages dont d'autres ont pu
bénéficier.
Je souhaite donc que le plus rapidement possible nous soient connues la
nature de ce règlement que le gouvernement entend publier à la
Gazette officielle, de même que les conditions qui y seront assorties
pour mettre en place une obligation contractuelle, de façon que ce ne
soient pas que les travailleurs et les travailleuses des secteurs public et
parapublic qui en bénéficient, mais que l'ensemble des
employés du secteur privé, qui, très souvent, sont mis
à l'écart des avantages que les employés du secteur public
obtiennent, puissent également bénéficier de la
réalisation de tels programmes. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Maisonneuve. M. le député de Beauharnois.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci, Mme la Présidente. J'interviens
aujourd'hui afin de livrer quelques commentaires à la suite du
dépôt du rapport, le 24 avril dernier, de la commission des
institutions sur le projet de règlement concernant les programmes
d'accès à l'égalité.
J'aimerais souligner au départ qu'à titre de nouveau
député depuis le 2 décembre 1985, donc, de nouveau membre
de la commission des institutions et de vice-président de cette
commission parlementaire, je n'ai pu, malheureusement, assister et être
présent à la présentation des différents
mémoires et discussions qui ont suivi, puisque ces audiences ont eu lieu
avant mon entrée dans cette Chambre.
Mais il faut dire que le premier mandat dont la commission des
institutions a hérité a été, justement, ce dossier,
c'est-à-dire l'étude du projet de règlement sur les
programmes d'accès à l'égalité. Il nous
était impossible, naturellement, de reprendre tout le travail, puisqu'il
aurait fallu reprendre toutes les audiences. Vous savez qu'en octobre 1985 il y
a eu des audiences. Près de 27 ou 29 mémoires ont
été déposés par différents organismes, que
ce soit le Conseil du patronat du Québec, le Centre Émersion
Manicouagan Inc., l'Association des manufacturiers canadiens, le Collectif des
femmes immigrantes de Montréal, la Commission des droits de la personne,
etc. Donc, il y en a eu plusieurs. Des débats s'ensuivirent et le
rapport a été déposé.
Soit dit en passant, M. le Président, il serait important de
remercier tous les organismes qui ont participé de près ou de
loin à ces audiences, qui ont déposé des mémoires
et qui ont eu l'énergie nécessaire pour les débattre en
commission parlementaire.
Donc, il a fallu, pour nous, en tant que nouveaux membres de cette
commission parlementaire, refaire l'étude de ces mémoires. Il
nous était impossible, comme je le disais tantôt, de reprendre le
travail depuis le début, parce qu'il aurait fallu refaire des audiences
publiques. Nous avons demandé au service de recherche de nous fournir
une synthèse des différents mémoires qui ont
été déposés pendant les audiences, de même
qu'une synthèse des débats.
Je profite de l'occasion pour remercier les personnes du service de
recherche, parce qu'elles ont déposé un travail d'une
qualité extraordinaire. D'ailleurs, il est bon de souligner que ce
projet de règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité est soumis au processus de discussions et de
consultations depuis déjà 1982. La Commission des droits de la
personne soumettait déjà, en 1982, avant que soit voté en
décembre 1982 la Charte des droits et libertés de la personne, un
projet de règlement. C'est en mars 1983 que la consultation
débuta réellement sur un projet de règlement. Il
s'ensuivit un accord en juillet 1983, un troisième en avril 1984 et,
enfin, un dernier en octobre 1984.
Donc, les discussions et le processus
sont amorcés depuis un bon bout de temps. Il importe que nous
puissions, dans un avenir plus ou moins rapproché, nous pencher sur un
projet de loi en ce sens. (11 h 50)
La lecture des différents mémoires présentés
par les organismes, tels la CSN, la CDP, le CPQ, le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration et le Conseil du statut de
la femme, me renvoyait à plusieurs images et situations vécues
par les citoyens et citoyennes du comté de Beauharnois que je
représente. Il semble exister un consensus sur la
nécessité de l'implantation d'un programme d'accès
à l'égalité. D'ailleurs, dois-je le souligner, les
députés de cette Chambre, sans distinction -il est important de
ne pas faire de discrimination - s'entendent sur le fond de ce programme. Je
crois que, par définition, un programme d'accès à
l'égalité indique que l'inégalité existe et
personne n'est contre l'équité. Nous avons tous à un
moment ou à un autre été sensibilisés ou, à
tout le moins, cela a été porté à notre attention
qu'un ou des groupes se retrouvaient moins présents et moins
représentés à plusieurs endroits; que les femmes ne
comptaient que pour 10 % des effectifs des postes supérieurs sans
parler, évidemment, des groupes ethniques. Il ressort des interventions
et mémoires présentés à la commission que nous ne
retrouvons pas dans le projet de règlement la référence
aux communautés culturelles et aux peuples autochtones. C'est un oubli
important qui a été noté et qui fait partie du rapport de
la commission.
Il est bon de rappeler que les communautés culturelles
représentent aujourd'hui près de 20 % de la population et sont
regroupées dans quelque 30 groupes ethniques. Il semble, toutefois, que
la définition donnée aux mots "communautés culturelles"
varie d'un individu à l'autre, d'un organisme à un autre.
À titre d'exemple, ceux nés au Québec ou au Canada ou
ayant la citoyenneté entrent-ils dans cette définition? Cela ne
devrait pas nous empêcher d'avoir une vision large. L'approche principale
vis-à-vis des communautés en regard de l'accessibilité
à l'emploi se recoupe actuellement dans la perception qu'ont celles-ci.
À plus court terme, nous devrions pouvoir les rejoindre dans leurs
médias précis.
Cela m'amène à traiter de tout le débat qui entoure
l'application proprement dite de ce programme et qu'on appelle l'obligation
contractuelle. L'obligation contractuelle est une disposition par laquelle les
entreprises qui obtiennent un contrat du gouvernement sont obligées de
mettre sur pied des programmes d'accès à l'égalité
ayant comme critères, soit l'obligation ferme ou volontaire de mettre
sur pied un tel programme, soit la fixation d'une clientèle cible avec
quotas ou non. Les entreprises qui seraient soumises à cette obligation
seraient celles comportant au moins 100 employés et dont les contrats
octroyés seraient supérieurs à 200 000 $.
Déjà, plusieurs points de discorde sont apparus à ce
chapitre. Certaines personnes ne veulent pas et définissent comme
coercitif qu'on les oblige à adopter ce programme d'accès
à l'égalité. Elles y voient une discrimination envers ceux
qui ne seraient pas touchés par le programme. À l'opposé,
d'autres veulent rendre obligatoire le règlement, arguant que c'est la
seule façon tangible de progresser rapidement à ce titre.
Les arguments sont fort valables d'un côté comme de
l'autre. Cependant, j'aimerais rapporter, comme il a été fait
mention dans les mémoires, l'expérience américaine sur ce
qu'on a appelé la discrimination positive avec le quatorzième
amendement. Des décisions ont fait ressortir le fait qu'on devrait
regarder en fonction de l'individu et non d'un groupe cible et ainsi ne pas
pénaliser des personnes innocentes ce qui équivaudrait à
réduire substantiellement l'objectif que nous voudrions atteindre avec
un programme d'accès - et j'ai d'énormes interrogations sur la
partie de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés -
est la possibilité de subir le test avec succès. Quelles
entreprises seront soumises à ce règlement d'accès
à l'égalité? Des entreprises comptant 100 employés,
ayant des contrats de 200 000 $ et plus. Combien de compagnies cela
représente-t-il? S'agit-il de 100, 200, 300 compagnies? Doit-on abaisser
ces critères et appliquer le programme aux PME qui sont de plus en plus,
comme nous le savons, les grands employeurs au Québec? Tout d'abord,
fait à remarquer, les PME réclament depuis longtemps moins de
règlements. C'est une question importante qui ne manque pas
d'intérêt. Comme je le souligne depuis de nombreuses années
- et je rejoins plusieurs intervenants là-dessus - la loi aide, c'est
certain, mais elle ne règle pas tout. La sensibilisation, elle, demeure
le plus précieux des acquis.
Nous sommes tous pour l'égalité. L'application et les
solutions sont plus diverses. Une première étape,
l'assujettissement des entreprises de plus de 100 employés ayant des
contrats de 200 000 $, rejoindrait, si ma mémoire est fidèle,
celles définies par le fédéral, en cette matière,
par la loi 62. Tout en ayant à l'esprit que beaucoup de personnes
susceptibles d'être rejointes par un programme d'accès à
l'égalité se retrouvent dans des emplois tels les
vêtements, la chaussure, la restauration, etc., et qu'elles sont, dans la
très grande majorité, non syndiquées, il faudra
vérifier l'effet d'entraînement concret de ce programme
éventuel pour cette couche de la population.
Comme toute implantation de programme ou projet le commande, qui
surveillera, qui donnera les informations pertinentes, qui fera respecter le
règlement et qui définira les outils de travail? Ce comité
dit consultatif pourrait être sous la gouverne de la CDP comme plusieurs
l'ont proposé. C'est une possibilité à envisager. Pour ma
part, je pense aussi que le ministère de la Condition féminine
pourra faire ce boulot. De toute façon, ce qui est le plus important,
c'est le cadre, peu importe le ministère ou l'organisme consultatif. Il
s'agira aussi de bien définir et mandat et mécanismes.
Il y a beaucoup à dire sur l'égalité en 1986: 20 %
des communautés ethniques et 52 % de l'électorat sont
féminins. Mais, comme je le soulignais tantôt et afin de rendre
irréversible une situation, il est certain qu'on a quelquefois besoin
d'une loi. Mais la sensibilisation demeurera l'arme permettant de prendre le
mal d'où il vient; c'est pourquoi nous devons aussi commencer le
processus dans le domaine de l'éducation.
Je voudrais terminer en disant que dans le comté de Beauharnois
on peut retrouver, dans des secteurs, entre 30 % et 40 % de familles
monoparentales dont la gouverne est sous la responsabilité de la femme.
Leur situation n'est pas toujours rose et il est important qu'avec le temps on
ne perpétue pas ce qui existe actuellement. Nous savons aussi que le
ministre de la Justice a l'intention de déposer ce projet au Conseil des
ministres dans les semaines qui suivent, et, nous espérons, avant la fin
de juin. Merci beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Beauharnois. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner le débat. Je
fais également motion...
Mme Vermette: Mme la Présidente...
M. Lefebvre: Je m'excuse, est-ce que madame...
Mme Vermette: Oui, je devais intervenir sur le projet de loi.
M. Lefebvre: Je ferai subséquemment motion pour ajourner
les débats, après que l'on aura entendu madame, étant
donné que le député de Marquette veut également
intervenir et qu'il est absent aujourd'hui.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du
gouvernement. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Mme la Présidente, il me fait plaisir de
prendre la parole en ce qui concerne le programme d'accès à
l'égalité des chances. C'est dans la Charte
québécoise des droits et libertés que l'on prévoit,
aux articles 86 et suivants, une mécanique légale permettant la
mise sur pied et l'imposition du programme d'accès à
l'égalité. Ces amendements, qui couvrent le secteur privé,
ont été incorporés à la charte en 1982 à la
suite d'une vaste consultation populaire sous forme de commission
parlementaire. Il s'agit d'une mécanique originale inscrite dans le
coeur même de la charte et qui est sans égal au Canada et
même en Amérique.
C'est sous le gouvernement du Parti québécois que s'est
poursuivi le processus d'adoption du règlement mentionné à
l'article 86.9 de la charte. Un projet de règlement a été
prépublié à la Gazette officielle et la commission
parlementaire prévue a été tenue par le ministre de la
Justice, Raynald Fréchette, à l'automne 1985. En parallèle
à cette démarche, lors du sommet Décisions 85, sur les
femmes, au printemps 1985, le gouvernement avait proclamé certaines
parties de l'article 86, surtout 86.1, afin que des programmes d'accès
à l'égalité puissent être mis sur pied dans les
secteurs public et parapublic sans attendre l'entrée en vigueur de la
réglementation. (12 heures)
Nous en sommes donc rendus à l'étape finale. Depuis le 24
mai 1986, le gouvernement peut adopter le projet de règlement n'importe
quand.
Quelques interrogations nous viennent à l'esprit. Quand le projet
final sera-t-il soumis au Conseil des ministres? Y aura-t-il un recul par
rapport au projet soumis en commission parlementaire et qui constitue un
minimum vital? Nos inquiétudes sont grandes. Le ministre de la Justice,
du temps qu'il était dans l'Opposition, était peu favorable
à un mécanisme obligatoire concernant le secteur privé ou
à un contrôle quelconque de la Commission des droits de la
personne sur les entreprises qui pratiquent la discrimination. D'un autre
côté, la ministre, Mme Gagnon-Tremblay, la semaine
dernière, a été extrêmement floue au niveau des
échéanciers par rapport à ces règlements et a
parlé de volontariat par rapport au secteur privé.
Toute la question de l'obligation contractuelle, "contract appliance",
des fournisseurs du gouvernement qui forme un des volets importants d'une
politique d'accès à l'égalité est toujours en
suspens à la suite de l'énoncé de politique de la ministre
déléguée à la Condition féminine.
L'engagement du gouvernement précédent, firme de 100
employés et contrats de 200 000 $, semble être de plus en plus
loin d'être réalisé. On parle toujours de
comités
interministériels et d'éventuelles recommandations au
Conseil des ministres, mais sans plus. Le gouvernement actuel s'apprête,
d'ailleurs, à modifier substantiellement la charte
québécoise des droits, sans commission parlementaire, par le
biais du projet de loi 87 qui fusionne le Comité de protection de la
jeunesse et la Commission des droits de la personne.
Au-delà des considérations qui viennent d'être
énoncées, je pense qu'il est important pour plus d'un, notamment
les femmes, les communautés culturelles et les handicapés, de
participer à un programme d'accès à
l'égalité. Il est important de reconnaître la valeur de ces
êtres à l'intérieur de notre collectivité. Il est
légitime pour tous et chacun d'entre nous, dans notre
société, de vouloir participer au développement, à
tous les développements possibles dans une collectivité.
Je pense que les femmes ont fait énormément pour permettre
la promotion et le développement économique, social et culturel
que nous connaissons au Québec. Qui plus est, il faut leur donner une
chance d'accès à l'égalité, reconnaître leurs
capacités et l'apport auquel elles ont largement contribué depuis
les débuts de la colonie. À ces femmes, il faut s'en souvenir, on
a toujours demandé un rôle à tenir. Au tout début de
la colonie, on leur a demandé de donner leurs hommes, et elles l'ont
fait. On leur a demandé de donner leurs fils, et elles l'ont fait. On
leur a demandé d'éduquer leurs filles, et elles l'ont fait.
Aujourd'hui, ces mêmes femmes qui ont toujours répondu à
l'appel qu'on leur a formulé se posent des questions et veulent
reprendre la place qu'on leur a demandé d'occuper mais sans jamais tenir
compte de leur dévouement et de la place qu'elles devraient occuper en
toute plénitude.
Il faut reconnaître aussi que dans notre société,
à l'heure actuelle, plus d'une femme occupe des responsabilités
importantes. Nous n'avons qu'à penser à ces femmes qui ont charge
de famille, à ces femmes qui doivent prendre des responsabilités
d'éducation et prendre des responsabilités pour faire en sorte
que leurs enfants soient des citoyens à part entière dans notre
société. En favorisant un programme d'accès à
l'égalité, c'est à ces femmes aussi que je pense et ces
femmes ont le droit d'avoir l'égalité en ce qui concerne une
reconnaissance salariale et une possibilité d'emploi. Ces femmes veulent
et ont toujours voulu démontrer de la bonne volonté et
participé à l'intérieur du développement
économique de notre société.
Je pense aussi à un autre groupe cible qu'on appelle les
personnes handicapées. Ces personnes ont aussi le droit dans notre
société d'occuper une place aussi revalorisante que la population
active par leur force de travail. Ces handicapés qui, pour une raison ou
pour une autre, ne peuvent avec autant d'aisance apporter la contribution que,
souvent, ils souhaiteraient n'en sont pas moins capables de rendre
précisément leur tribut au monde du travail et de faire en sorte
que l'ensemble de la société puisse bénéficier de
leur apport à l'intérieur de leur force de travail aussi.
Nous ne pouvons que nous réjouir de favoriser cet accès
à l'égalité dans le monde du travail par cette
réglementation. Ce qui est important, c'est de considérer que
cette réglementation n'est qu'un début et ne répond que
partiellement à un besoin. En ce qui concerne les femmes, ce n'est pas
un privilège, mais c'est réellement une reconnaissance qui leur
est due. En ce qui concerne les handicapés, ce n'est pas non plus un
privilège, mais c'est reconnaître que ces gens sont bien
intégrés dans notre société et que, quelque puisse
être leur handicap, ils constituent un apport important au
développement et au rayonnement de l'ensemble de notre
collectivité.
Personne n'aime se sentir marginalisé. Je pense que c'est
important pour ces gens de participer au développement et au rayonnement
économique, culturel et social du coin de terre que l'on occupe. C'est
important de sensibiliser les entreprises au rôle social qu'elles doivent
jouer dans notre société, d'où l'importance de
l'intervention de l'État dans certains dossiers, notamment celui de
l'accès à l'égalité. L'État doit jouer un
rôle d'agent de changement dans les mentalités parce que ce n'est
pas toujours facile pour certaines entreprises et certains industriels de
concilier le droit des uns avec leur objectif fondamental qui est celui du
profit. N'eût été de l'intervention gouvernementale dans
certains dossiers, je me demande encore si tous les progrès que nous
connaissons actuellement seraient aussi éclatants et aussi manifestes
que ce que nous pouvons retrouver dans un projet de règlement tel que
l'accès à l'égalité.
Trop souvent, hélas, la notion du profit empêche
l'amélioration de la qualité de vie de bien des gens. Il faut
constater une fois de plus que c'est à force de pressions qu'on peut
arriver à des changements de mentalité. Fort heureusement,
l'État et les municipalités vont accomplir leur rôle et
leur mission. Souhaitons que l'entreprise privée emboîtera le pas,
que l'entreprise privée, au-delà des règlements, pourra
aller beaucoup plus loin et permettra à une plus grande partie de notre
population de participer pleinement à l'enrichissement collectif. Merci,
Mme la Présidente. (12 h 10)
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, Mme la Présidente. C'est avec
satisfaction que j'ai appris que les recommandations formulées par la
commission parlementaire des institutions dans son rapport déboucheront
sur l'adoption prochaine du projet de règlement sur les programmes
d'accès à l'égalité.
En effet, avec cet outil, nous pourrons enfin agir ou, si vous le
voulez, réagir efficacement à des dénonciations
discriminatoires. D'ici peu, donc, la Commission des droits de la personne
disposera du cadre nécessaire pour intervenir, que ce soit à la
suite d'une plainte ou, encore, résultant d'une analyse de situation
qu'elle aura constatée dans une entreprise ou dans un
établissement.
L'adoption du règlement, prévue au mois de juin, viendra
compléter l'intervention gouvernementale en matière
d'accès à l'égalité. En effet, la ministre
déléguée à la Condition féminine
annonçait jeudi dernier, à l'occasion du dévoilement du
plan d'action gouvernemental en matière de condition féminine
pour l'année 1986-1987, un ensemble de mesures relatives à
l'accès à l'égalité en emploi pour les femmes.
Par ces mesures, le gouvernement traduit sa volonté d'ajouter une
approche volontaire à son volet obligatoire de sorte que le
Québec soit un terrain propice à l'implantation de programmes
d'accès à l'égalité. Sur ce point, d'ailleurs, il
tire profit de l'expérience vécue par d'autres pays comme les
États-Unis, la France et plusieurs autres où on a
démontré que c'est beaucoup plus une approche volontaire
appuyée par des incitatifs d'ordre économique que par des
règles coercitives seules que l'on parvenait à appliquer des
programmes efficaces d'accès à l'égalité.
Dans les minutes qui suivent, je vous exposerai brièvement la
nature de l'approche incitative adoptée par le gouvernement pour assurer
à courte échéance la mise en oeuvre de programmes
d'accès à l'égalité pour les femmes en emploi dans
le réseau de l'éducation aux niveaux primaire, secondaire,
collégial et universitaire, dans celui de la santé et des
services sociaux, dans le monde municipal ainsi que dans le secteur
privé.
Une injection de à 600 000 $ est prévue au cours des trois
prochaines années pour le plan de démarrage de programmes
d'accès à l'égalité dans les secteurs parapublic et
du monde municipal. Entre autres activités d'ici à 1989, 36
commissions scolaires, 30 collèges, 12 universités, 30
établissements du réseau de la santé et des services
sociaux et une vingtaine de municipalités auront mis en place des
projets pilotes d'accès à l'égalité. Avec ce bassin
d'expériences pilotes et la méthodologie qui sera
développée, nous aurons facilité l'implantation de
programmes qui seront en harmonie avec la situation et la culture en
présence dans les milieux visés.
Du côté du secteur privé, une injection de 1 500 000
$ est prévue au cours des deux prochaines années. Le
Québec entend, avec la collaboration des entreprises
intéressées, mettre sur pied sur une base volontaire des
programmes d'accès à l'égalité, développer
des modèles d'intervention adaptés à la culture
organisationnelle propre à chacune d'entre elles, compte tenu de sa
taille et de son secteur d'activité.
Ainsi, comptons-nous appuyer financièrement et techniquement une
trentaine d'entreprises dont certaines ont déjà été
identifiées dans le cadre d'un projet de jumelage avec la France. Ce
projet, issu d'une entente franco-québécoise en matière de
droits de la femme, permettra non seulement aux entreprises impliquées
d'implanter des programmes d'accès à l'égalité mais
aussi d'échanger avec des partenaires qui ont une plus longue
expérience qu'elles en la matière.
Ces programmes d'accès à l'égalité, parce
qu'ils concernent à la fois les entreprises, les individus et les
syndicats, nécessitent une concertation soutenue à tous les
niveaux. C'est dans cette optique qu'un comité consultatif sera
formé sous peu. Il regroupera des représentants des secteurs
patronal et syndical ainsi que des groupes de femmes provenant des
communautés culturelles, autochtones et handicapées ainsi que des
organismes gouvernementaux impliqués dans l'accès à
l'égalité. Il agira à titre conseil et tentera de raffiner
les moyens pour favoriser l'implantation de programmes d'accès à
l'égalité. II aura également la responsabilité de
diffuser ses résultats auprès des milieux concernés.
Parce que le gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre
un ensemble de mesures favorisant l'accès à
l'égalité, il se devait d'évaluer l'obligation
contractuelle, mesure qui soumet les entreprises désirant contracter
avec le gouvernement à certaines règles d'accès à
l'égalité en emploi. À ce sujet, le gouvernement sera
appelé à prendre position sur le rapport que déposera
bientôt le groupe de travail sur l'obligation contractuelle.
Enfin, dans le courant de l'année, nous disposerons du rapport du
comité de travail sur le fonds d'aide. J'aimerais vous rappeler que le
fonds d'aide a pour objectif de soutenir financièrement les femmes
désirant monter et défendre un dossier devant la Commission des
droits et libertés de la personne concernant l'implantation de
programmes d'accès à l'égalité dans une entreprise
donnée. Le gouvernement verra à analyser les recommandations de
ce comité dès que possible.
Trop longtemps et pas seulement au Québec, les femmes ont
vécu les effets de pratiques discriminatoires sur le marché du
travail, dont l'un des résultats est le
confinement de celles-ci dans deux ou trois types d'emploi.
Dorénavant, plus présentes dans les différents secteurs de
l'économie et plus instruites, les femmes s'affirment davantage comme un
facteur dynamique de développement économique dans les
sociétés occidentales. Pensons à celles qui percent en
créant leur propre entreprise ou en accédant à des emplois
non traditionnels. Voilà des cas qui, bien que n'étant pas encore
légion, constituent une amorce de changement social important quant
à la visibilité de la capacité des femmes et quant
à la nécessité de l'exploiter pour le plus grand
bénéfice de tous et toutes. Voilà un changement que le
gouvernement tient à maintenir et à encourager. À cet
effet, il entend s'associer avec les partenaires du milieu.
Les programmes d'accès à l'égalité ne sont
pas la panacée de tous les maux des femmes, mais ils ont l'avantage
d'être des instruments d'analyse et des moyens efficaces pour corriger
les effets de situations discriminatoires subies par les femmes et d'autres
groupes cibles.
Les recommandations de la commission parlementaire des institutions et
le règlement qui en émergera constituent une part essentielle de
la volonté gouvernementale de réaliser l'égalité
des hommes et des femmes et de fournir au Québec un outil
précieux et détaillé pour mettre en application des
programmes d'accès à l'égalité recommandés
ou imposés. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Mercier.
M. Godin: Je demande la suspension du débat. Je pourrais
revenir après la période du lunch pour faire mon
intervention.
Le Vice-Président: Donc, ce serait l'ajournement du
débat.
M. Godin: D'accord. Très bien.
Le Vice-Président: Très bien. Est-ce que cette
motion d'ajournement du débat est adoptée?
Une voix: Adopté.
M. Godin: M. le Président, merci.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Compte tenu de l'heure, je vous demanderais la
suspension des travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de suspension
de nos travaux est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Nos travaux sont donc
suspendus jusqu'à cet après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
(Reprise à 15 h 5)
Le Vice-Président: Veuillez prendre place, s'il vous
plaîtî Veuillez prendre place, M. le leader du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 1, s'il vous plaît!
Le Vice-Président: Très bien, nous sommes donc aux
affaires du jour. Article 1, reprise du débat sur la prise en
considération du rapport de la commission des institutions qui a
procédé à une consultation générale sur le
projet de règlement concernant les programmes d'accès à
l'égalité, rapport qui a été déposé
en cette Assemblée le 24 avril 1986.
L'ajournement du débat a été demandé par le
député de Mercier sur cette question à l'heure du midi; je
reconnais donc à ce stade-ci M. le député de Mercier tout
en précisant que sur le temps de répartition convenu dans ce
débat restreint, il reste au parti d'Opposition un total de 17 minutes
et au parti ministériel 30 minutes.
M. le député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: Nous en sommes maintenant, dans ce domaine, au stade de
la récolte des fruits après les promesses des fleurs, les
promesses des libéraux pendant la campagne électorale. En fait,
pendant le mandat précédent, les libéraux ont passé
quatre années à demander au gouvernement d'agir rapidement dans
ce domaine de manière que l'égalité en emploi soit
garantie aux handicapés, aux femmes et aux communautés
culturelles. Des pas importants ont été franchis. Entre autres,
la charte des droits a été amendée de manière
à permettre une discrimination positive, de manière à
permettre que des programmes soient mis en place afin de s'assurer que les
membres des communautés culturelles aient des postes, des emplois au
sein du gouvernement et de la fonction publique.
À l'époque, l'actuel ministre de la Justice, M. Herbert
Marx, accusait le Québec de faire marche arrière et
déclarait qu'il s'expliquait mal l'absence de volonté du
gouvernement Lévesque à ce sujet et, en particulier, le silence
étrange de la ministre de la Condition féminine, Mme Francine
Lalonde. Les mêmes journaux, dont la Presse de Montréal,
nous annonçaient en janvier dernier, donc après
l'élection, que l'égalité des femmes était
retardée. À mon tour de m'étonner, comme le faisait
à l'époque le ministre de la Justice, le député de
D'Arcy McGee. Je m'explique mal, moi aussi, l'absence de volonté
politique du gouvernement Bourassa maintenant sur ce sujet et, en particulier,
le silence étrange de la ministre de la Condition féminine, la
députée dont j'oublie le nom du comté mais que les gens
auront reconnue, Mme Gagnon-Tremblay.
On peut donc dire que le Parti libéral a eu une politique avant
l'élection et une politique après, comme les photos que l'on
voyait à l'époque des gens chauves qui étaient
photographiés avant et après ou des gens obèses avant et
après. Maintenant, on constate que les reproches que les libéraux
faisaient au gouvernement Lévesque de l'époque s'appliquent mot
pour mot, virgules comprises ou non comprises, accents et paragraphes compris,
à l'attitude actuelle du gouvernement libéral. Donc, au moment
où on se parle, le ministre de la Justice, le druide Panoramix du
gouvernement, prépare sa potion magique qui aura pour objet de redresser
la situation et de faire que l'inégalité des groupes visés
par la Charte des droits de la personne, nommément les femmes, les
handicapés et les minorités culturelles ou ethniques du
Québec, auront enfin une chance d'avoir accès à des postes
au gouvernement du Québec et, également, à tout programme
qui était discriminatoire dans le passé.
Nous attendons donc avec impatience la potion magique que le druide
Panoramix du comté de D'Arcy McGee nous livrera et nous servira, parce
que les groupes s'inquiètent beaucoup de l'attitude actuelle du
gouvernement libéral. Pour une raison très simple, M. le
Président, encore une fois il y avait eu un avant et un après.
Pendant la campagne électorale, le Parti libéral promettait aux
groupes ethniques, entre autres, une place plus importante dans les
émissions normales de Radio-Québec. Or, après, que se
passe-t-il? L'émission Arrimage, qui était une émission
ethnique, la seule fenêtre ethnique en fait de la
télévision du Québec, a été sacrifiée
sur l'autel des coupures du ministre des Communications et du président
du Conseil du trésor.
Encore une fois il y a eu un avant et un après et on se rend
compte que le discours avant et les actions après sont tout à
fait différents. On peut donc dire qu'ils ont appliqué un vieux
principe bien connu dans les milieux: "words, words, words" ou, comme on dit
à Venise: "parole, parole, parole", expression que connaît bien
mon ami le député de Viau qui est l'adjoint parlementaire de la
ministre de l'Immigration. M. le député de Roberval mon accent
italien vous intéresse? Approchez-vous! je vais vous en donner plus.
Donc, aujourd'hui, égalité retardée. Avant, le
député de D'Arcy McGee déplorait la lenteur du
Québec et, aujourd'hui, les mêmes libéraux retardent
l'égalité. Dans des discours devant le Centre de recherche-action
sur les relations raciales, le CRARR, le ministre promettait en février
dernier qu'il y aurait de l'action dans ce domaine-là. Il attendait avec
impatience le rapport de la commission dont j'ai fait partie, la commission des
institutions, qui vise à proposer au ministre des actions
concrètes, des formules pratiques et efficaces qui donneront des fruits.
Comme je le dis, maintenant nous en sommes au stade de récolter des
fruits et on souhaite que les promesses du ministre de la Justice et
député de D'Arcy McGee, le druide Panoramix, seront, pour une
fois, à la hauteur de ce que l'engagement électoral
représentait. L'engagement électoral, le voici:
"L'égalité de tous en matière d'emploi demeure une
priorité", le député Herbert Marx de D'Arcy McGee.
Mais où voit-on les signes concrets d'une telle priorité?
On ne les voit pas encore, M. le Président. On les cherche, on les
attend, on a beau mettre nos lunettes, ajuster nos télescopes et nos
microscopes, on ne voit rien paraître à l'horizon. Pourtant, ces
mêmes députés libéraux, à l'époque
"back-benchers", étaient les chiens de garde des droits des
minorités que je viens de mentionner, les handicapés, les femmes
et les membres des communautés culturelles. Ce qui est étonnant,
c'est que ces mêmes défenseurs - visière levée,
sabre au poing -des minorités, on ne les voit plus aujourd'hui aussi
enthousiastes qu'avant dans ce domaine. Ils sont devenus aussi lents à
pousser que les asperges qui, comme on le sait, prennent trois ans avant de
donner des fruits. N'est-ce pas, M. le ministre de l'Agriculture?
M. Garon: Avant de donner des légumes.
M. Godin: Avant de donner des légumes, pardon. Pour moi,
l'asperge est un fruit. Par conséquent c'est bon: on ne discutera pas
sur le sexe des anges ni des fruits et légumes, ni des fruits de la
terre.
Si on vérifie, M. le Président, les mesures
proposées par les États pour marquer qu'elles améliorent
leurs relations intercommunautaires, on cite, dans le document des Nations
Unies que j'ai ici en main:
La présence des divers groupes ethniques au gouvernement, dans la
fonction publique et dans les associations professionnelles. Voilà donc
une des mesures suggérées par les Nations Unies pour s'assurer
que les minorités ethniques et culturelles seront présentes
à chaque étape, à chaque
stade de la vie sociale, dans un pays donné.
Deuxième mesure, la création de comités et
organismes spéciaux qui vérifient que les membres de tous les
groupes ethniques sont présents là où le gouvernement
s'est engagé à ce qu'ils soient présents.
Également, modification des manuels scolaires contenant des
observations ou bien une présentation des faits historiques qui nuisent
à une bonne compréhension entre groupes ethniques et
linguistiques. Ce point, M. le Président, a déjà
été proposé par le gouvernement précédent et
réalisé en grande partie.
Le point suivant, l'utilisation dans les écoles de nouveaux
manuels et matériel pédagogiques où l'histoire des groupes
minoritaires a sa place à côté de celle de la
majorité.
Voilà donc des mesures que 28 pays ont citées aux Nations
Unies comme étant des faits précis et concrets comprenant ce que
ces États ont fait pour bien montrer que, pour eux,
l'égalité entre les groupes ethniques et la majorité
nationale du pays est une chose sérieuse et concrète.
Déjà, on voit quelques exemples. Les allusions ethniques
ou diffamatoires ou antisémites ou sexistes ont été
enlevées des manuels scolaires du Québec, grâce à
une décision du gouvernement précédent.
Nous cherchons maintenant, dans le gouvernement actuel, des
décisions semblables qui ont été prises, et on cherche en
vain, M. le Président, comme on dit en anglais, "we are at a loss to
find anything" qui prouveraient leur bonne volonté et qui prouveraient
que les discours dans lesquels on prône l'accès à
égalité sont autre chose que des mots, sont autre chose que des
mots vides de sens.
Il faut donc souhaiter que le ministre, qui a largement
dépassé les 30 jours que lui donne la loi pour livrer les fruits
de ses promesses... Nous osons donc espérer que ces promesses
s'incarneront à des modèles précis d'action, entre autres,
ce qui est cité dans la discussion depuis fort longtemps, ce qu'on
appelle en anglais "contract compliance", c'est-à-dire une obligation
contractuelle que je vais vous définir, M. le Président. Il
s'agirait pour l'État d'identifier une liste d'une série
d'entreprises qui vendent au gouvernement des objets ou des biens ou des
services, et l'État forcerait ces entreprises à engager un nombre
X de personnes issues des trois groupes déjà mentionnés
par contrat. Une entreprise qui refuserait de se plier à de tels
engagements se verrait privée dans l'avenir d'achats
gouvernementaux.
Ces mêmes mesures ont été utilisées dans
d'autres pays, nommément aux États-Unis et au Canada anglais,
avec un résultat patent qui est vérifiable.
Nous souhaitons personnellement et en tant que parti que le "contract
compliance", c'est-à-dire l'obligation contractuelle soit une des
mesures que le gouvernement adopte parce que nous croyons que la pure
incitation dans ce domaine ne mène à rien. Ceux qui sont un peu
plus âgés que le leader adjoint du gouvernement se souviendront
qu'à une époque le Parti libéral au gouvernement avait
décidé d'inciter l'entreprise québécoise à
se franciser avant une loi, comme la loi 22 ou 101, qui les forcerait à
le faire.
On se souviendra également que M. Kevin Drummond, à
l'époque ministre de l'Agriculture, je pense, M. le Président, a
raconté dans un article célèbre du Montreal Star,
malheureusement défunt, comment cette méthode d'incitation de
l'entreprise à une francisation volontaire avait été un
échec total et complet. Par la suite, il avait fallu adopter la loi 22
à l'époque pour s'assurer que l'objectif visé serait
atteint. C'est pourquoi, M. le Président, toute formule qui laisserait
l'entreprise libre d'agir dans ce domaine et qui se fierait sur sa bonne
volonté, sur une conscience sociale développée à
l'égard des trois minorités déjà
mentionnées, serait vouée à l'échec, et nous ne
pouvons espérer de résultats concrets que si l'entreprise se voit
forcée de le faire par une loi ou un règlement contraignant et
par une méthode non moins contraignante qui serait l'obligation
contractuelle. À défaut de quoi, nous en serons encore au stade
des paroles verbales, "parole, parole, parole", comme on dit en Italien,
c'est-à-dire des mots vides de sens, de la paille qui vole au vent.
À Athènes, on dit... Je l'ai oublié, M. le
Président. Donc, sans un engagement précis et surtout sans des
formules concrètes éprouvées ailleurs, comme l'obligation
contractuelle, nous manquerons le bateau et nous nous retrouverons dans la
position, dans la situation où nous sommes présentement,
c'est-à-dire pas de résultat.
La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles a
mentionné ici même, il y a une semaine, que des nominations
avaient été faites au sein du cabinet et au sein des organismes
du gouvernement qui faisaient une large place à des gens, des personnes
issues des communautés culturelles. Nous attendons encore des chiffres
concrets ou des pourcentages qui illustrent que ces mesures ont
été vraiment appliquées. J'ai demandé à la
ministre de déposer ces chiffres. On les attend toujours. Elle a fait
également état d'un rapport du Conseil du trésor qui
serait un inventaire des emplois nouveaux créés par le
gouvernement actuel depuis le 2 décembre et qui sortirait le pourcentage
des nominations faites en faveur de gens issus de groupes ethniques ou de
communautés culturelles.
J'ai presque supplié la ministre de déposer ce rapport.
C'est un document public maintenant puisque cela a été fait par
le
Conseil du trésor aux frais du public et, encore là, on
attend que le rapport soit déposé de manière qu'il soit
étudié et qu'on puisse comparer la rapidité
libérale avec la lenteur soi-disant péquiste. Nous craignons,
quand ces chiffres seront connus, que le résultat soit le même,
parce qu'il n'y a pas encore dans les statuts gouvernementaux de formule
précise qui non seulement incite poliment et gentiment des anges
descendus du ciel à agir, mais qui ont affaire à une
réalité économique très contraignante. Nous
craignons que nous en soyons encore au stade des promesses en l'air et que, par
conséquent, le Parti libéral se réfugie derrière je
ne sais quel écran, quel camouflage pour ne rien faire. (15 h 20)
De toute façon, ceux qui nous écoutent qui sont membres de
groupes ethniques, soit ceux qui ont rêvé à une action
rapide du gouvernement actuel, nous pouvons les assurer que nous serons ici
pour être les porte-parole, M. le député de Portneuf, des
gens a qui vous avez promis mer et monde avant l'élection mais qui,
aujourd'hui, attendent que les fruits portent la promesse des fleurs mais ils
attendent en vain et les fleurs partent déjà au vent, le vent
froid de mai des États nordiques, des villes nordiques comme
Québec et Portneuf et les fleurs partent tellement vite qu'il n'y a
même pas de fruits.
Donc, M. le Président, je termine en vous disant que nous
souhaitons que les discours du druide Panoramix qui prône l'accès
à l'égalité, le député de D'Arcy McGee, que
j'ai baptisé ainsi parce qu'il travaille sur une potion magique, M. le
député de Portneuf et M. le Président, qui visera à
accorder l'égalité des chances aux groupes ethniques, aux femmes
et aux handicapés...
Après dix ans de promesses, faites surtout pendant les
périodes électorales, et j'en veux pour preuve uniquement le
document libéral qui s'appelle "À parts égales" qui
promettait à Radio-Québec d'autres émissions ethniques
alors que la première qui a été coupée, cela a
été l'émission Arrimage...
Ce que nous voulons et ce que les groupes ethniques veulent et
souhaitent et ce pour quoi ils veulent qu'on se batte ici, à
l'égard du gouvernement, sinon contre le gouvernement, c'est
précisément des actions concrètes. Donc, M. le
Président, nous avisons le gouvernement actuel et le ministre de la
Justice que nous les suivrons de très près pour nous assurer
qu'ils livreront la marchandise promise et qu'enfin ils donneront une chance
égale et un peu justice aux groupes visés par la
résolution adoptée par la commission des institutions qui vise
précisément des mesures concrètes pour
l'égalité en emploi partout au Québec. Merci, M. le
Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour
l'ajournement du débat.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
du débat est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Je vous demande d'appeler l'article 41, M. le
Président, s'il vous plaît!
Projet de loi 69 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 41 M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose maintenant
l'adoption du principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur la
protection sanitaire des animaux. La parole est au ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. L'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi modifiant la Loi sur
la protection sanitaire des animaux et il en recommande l'étude à
l'Assemblée.
M. le Président, le cheptel, qui se compose de plusieurs
espèces animales mises en élevage, constitue la pierre d'assise
de l'économie agro-alimentaire du Québec. En 1985, les
productions animales ont fourni environ 80 % du revenu des agriculteurs
québécois. Une des obligations qui incombent notamment au
gouvernement et au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, c'est d'assurer la protection de la santé des animaux
qui vivent sur le territoire où s'applique la juridiction du
Québec en cette matière. Plusieurs moyens ont déjà
été mis en oeuvre pour accomplir cette tâche.
La Loi sur la protection sanitaire des animaux constitue l'un des
principaux outils sur lesquels doit compter le ministre pour s'acquitter de son
devoir de protéger le cheptel contre les maladies contagieuses et
parasitaires qui peuvent l'affecter et même le décimer. Cette loi,
d'abord promulguée en 1935, a subi des modifications à plusieurs
reprises, la dernière de ces modifications datant de 1982. Actuellement,
la Loi sur la protection sanitaire des animaux comporte
quatre sections: la section I, qui vise la protection des animaux contre
les maladies contagieuses et parasitaires, la section II, qui vise l'inspection
des étalons reproducteurs offerts au public, la section III, qui vise le
contrôle des activités inhérentes à l'application
des techniques de l'insémination artificielle et finalement la section
IV, qui vise la vente aux enchères d'animaux vivants.
La section I de la loi s'applique aux maladies contagieuses ou
parasitaires désignées par règlement. Les dispositions de
cette section ne visent que les chevaux, les bovins, les moutons, les porcs,
les volailles, les chiens, les chats et les animaux à fourrure
élevés en captivité. Cette liste n'englobe pas les autres
espèces animales mises en élevage, tels les chèvres, les
lapins, divers gibiers d'élevage et les poissons élevés en
captivité. Cela n'englobe pas non plus les oeufs et les ovules
fécondés des animaux.
Pourtant, les élevages caprins, (les chèvres) et les
élevages cunicoles, référant aux lapins, ont connu un
essor considérable au cours des cinq dernières années et
le développement amorcé se continue. Les gibiers d'élevage
tels que le bison et le faisan représentent suffisamment d'animaux pour
propager des agents infectieux dangereux pour le cheptel. Les
établissements de pisciculture se font de plus en plus nombreux et les
poissons dont on fait l'élevage sont particulièrement
vulnérables à certaines maladies.
Quant aux oeufs et aux ovules fécondés, leur transfert
d'un animal à l'autre, préconisé comme méthode de
multiplication génétique, ne va pas sans présenter des
possibilités de transmission de maladies contagieuses, encore une fois.
Or, la technique du transfert et du clonage embryonnaire font l'objet d'une
utilisation de plus en plus fréquente par les éleveurs de bovins.
En outre, la recherche et le développement technologique en ce domaine
permettent de croire que les éleveurs de porcs, de moutons, de
chèvres, de chevaux et de lapins pourront utiliser éventuellement
cette technique pour améliorer la qualité de leurs
élevages.
L'article 3 de la loi actuelle donne au gouvernement un pouvoir de
réglementation en diverses matières, notamment de régir la
vente, l'exposition, la détention et le transport d'animaux atteints
d'une maladie contagieuse ou parasitaire, elle-même
désignée par règlement. En accordant le pouvoir
d'intervenir uniquement par règlement sur les animaux atteints de
maladies contagieuses ou parasitaires, le texte actuel ne tient pas compte du
caractère de transmissibilité souvent fulgurant de plusieurs
maladies. Cela signifie que les animaux qui sont venus en contact avec d'autres
animaux porteurs de germes pathogènes, mais qui n'ont pas encore
montré des symptômes de maladies ne sont pas visés par la
présente loi, même si on les soupçonne d'être devenus
eux-mêmes porteurs de gènes pathogènes. Une telle pratique
comporte des dangers sérieux, particulièrement en permettant le
déplacement, la vente et le transport d'animaux qui peuvent être
en phase d'incubation d'une maladie infectieuse.
Le septième alinéa de l'article 3 de la loi confère
au gouvernement le pouvoir d'obliger, par règlement, le
propriétaire ou le possesseur d'un animal atteint d'une maladie
contagieuse ou parasitaire de le déclarer à un officier
désigné. Tout en étant valable, cette disposition nous
paraît incomplète et présente un certain nombre
d'inconvénients. En effet, à cause des caractéristiques
mêmes de certaines maladies, celles-ci peuvent être
extrêmement difficiles à identifier par des personnes qui n'ont
pas la compétence et la formation pour le faire. En présence
d'une maladie contagieuse grave, tout retard dans l'identification positive de
la condition et l'application de mesures sanitaires appropriées peut
avoir des conséquences néfastes sur plusieurs animaux.
Depuis 1948, les éleveurs du Québec peuvent faire appel
à l'insémination artificielle pour féconder les femelles
bovines. D'abord utilisé à l'état frais et
transporté comme tel, le sperme de taureau fut par la suite
récolté, dilué et congelé à -196°C pour
en assurer la conservation à long terme. Le développement de
cette technique a permis une amélioration de la qualité du
cheptel en facilitant aux éleveurs du Québec l'accès
à un capital génétique de haute qualité disponible
en tout temps de l'année. La conservation prolongée de la semence
de géniteurs de très haute qualité a permis à
plusieurs éleveurs d'établir une stratégie de croisements
qui a su leur assurer une place enviable parmi les meilleurs producteurs de
bovins laitiers au monde. Actuellement, plus de 65 % des 615 000 vaches
laitières du Québec sont fécondées
artificiellement. La proportion est de 7 % pour les femelles des races de
boucherie.
Dès 1948, le gouvernement du Québec a jugé bon de
s'impliquer dans le développement de l'insémination artificielle
bovine en fondant le Centre d'insémination artificielle du Québec
à Saint-Hyacinthe. Il s'agit du seul centre de récolte, de
conditionnement et de conservation en exploitation dans la province. À
ce titre, le Québec se distingue des autres provinces canadiennes et des
États américains où l'insémination artificielle
s'est développée sous l'égide de l'entreprise
privée, souvent sous le mode coopératif. Actuellement, le Centre
d'insémination artificielle du Québec compte plus d'une centaine
de taureaux et a produit 2 891 007 doses de semence, ce qu'on appelle des
paillettes, en 1985. Le volume des ventes au Québec atteint 889 248
paillettes alors que 370 495
doses sont vendues aux autres provinces canadiennes et a
l'étranger. Le prix des paillettes vendues au Québec varie de 2 $
à 35 $ pour une moyenne de 5,56 $ alors qu'il varie de 5 $ à 75 $
pour une moyenne de 13,07 $ pour les paillettes écoulées sur les
marchés extérieurs.
Au cours des dernières décennies, le recours accru
à ce mode de fertilisation a permis de constater que l'intervention de
l'homme dans le processus d'accouplement des bovins présentait certains
risques de transmission de maladies. De plus, cette pratique peut permettre de
falsifier la généalogie des animaux. (15 h 30)
Pour pallier ces inconvénients, le ministère de
l'Agriculture instaurait en 1986 un régime légal et
réglementaire qui canalise la distribution de la semence et le
règlement a permis la création d'un réseau
d'établissements de mise en place de la semence connu sous le vocable de
cercles d'amélioration du bétail. Ces derniers ont pour mandat
d'assurer à leurs membres les services d'un ou plusieurs techniciens
(inséminateurs) qui procèdent à l'insémination
artificielle des animaux.
Toutes les personnes qui produisent, manipulent ou utilisent la semence,
y compris les cercles d'amélioration du bétail, doivent
être détentrices d'un permis émis par le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Les
cercles d'amélioration du bétail ne peuvent s'approvisionner
qu'au Centre d'insémination artificielle du Québec avec lequel
ils sont d'ailleurs liés par contrat. Ce régime facilite les
contrôles sanitaires de la semence, puisqu'un seul centre de production
doit être surveillé.
Dans les régions agricoles desservies par un établissement
de mise en place de la semence, aucun producteur agricole ne peut
procéder lui-même à l'insémination de ses propres
animaux. Cette autorisation n'est accordée qu'aux éleveurs dont
l'exploitation est située sur un territoire non couvert par un cercle
d'amélioration du bétail. À ce jour, tout le territoire du
Québec est desservi par 90 cercles d'amélioration et on peut
affirmer qu'en 1986, aucun éleveur ne peut légalement
procéder lui-même à l'insémination artificielle de
ses femelles bovines. En Ontario et dans les autres provinces, l'agriculteur
qui le désire peut acheter du sperme de taureau et pratiquer
lui-même l'insémination artificielle de ses animaux.
Près de 15 000 000 d'inséminations artificielles ont
été exécutées depuis les débuts de son
utilisation au Québec en 1948. On peut donc affirmer que les
méthodes de prélèvement, de conditionnement, de
conservation, de transport et de mise en place de la semence font l'objet d'une
vaste expérience chez les utilisateurs. Toutefois, la
sécurité relative de l'utilisation de cette technique repose sur
le respect de normes sanitaires très rigoureuses, très strictes.
Le choix des animaux, l'hygiène et la salubrité du
matériel utilisé, la formation des techniciens qui
récoltent la semence et ceux qui l'utilisent pour l'insémination
des femelles doit faire l'objet d'une attention spéciale. S'il y a
défaut de respecter les règles d'hygiène et de
salubrité à toutes les étapes d'intervention, plusieurs
maladies infectieuses peuvent être transmises aux animaux soumis à
la collecte du sperme ou à l'insémination. La brucellose, la
leptospirose, la rhino-trachéite infectieuse bovine et la leucose en
sont des exemples.
Le contrôle de l'incidence de ces maladies demeure possible pourvu
que tous les intervenants qui manipulent les animaux ou la semence respectent
des règles strictes. Ce principe est enfin reconnu par les scientifiques
et par les utilisateurs.
Il importe également de s'assurer de l'authenticité de la
provenance de la semence utilisée. Toute erreur dans le marquage
adéquat des lots de semence récoltés et congelés
peut entraîner la plus grande confusion dans la tenue des livres
généalogiques, lesquels sont à la base de la valeur
économique des troupeaux. La moindre erreur à cet égard
risque d'affecter la valeur de notre cheptel.
Par ailleurs, à l'instar des éleveurs des autres provinces
canadiennes et de la plupart des États américains, les
éleveurs québécois revendiquent la possibilité de
procéder eux-mêmes à l'insémination artificielle de
leurs femelles bovines. Les motifs évoqués pour ce faire sont
nombreux. Des économies financières notables peuvent être
réalisées. De plus, le fait d'avoir la semence en sa possession
rend l'éleveur capable de procéder à l'insémination
de ses bêtes au moment qu'il juge le plus opportun pour obtenir un taux
de fertilisation optimum. L'inséminateur qui agit pour le compte d'un
cercle d'amélioration du bétail, quant à lui, fonctionne
selon des horaires qui ne sont pas toujours compatibles avec le cycle sexuel
des bovins.
Présentement, un agriculteur qui aurait des problèmes de
fonctionnement personnel avec un inséminateur à l'emploi de son
cercle d'amélioration du bétail ne peut faire appel à un
autre inséminateur travaillant sur un territoire contigu. La seule issue
qui s'offre à lui est d'abandonner l'utilisation de la technique,
d'acheter un taureau et de favoriser la saillie naturelle avec tous les dangers
et risques que cela comporte.
Par ailleurs, le nombre de personnes qui manipulent la semence risque
d'augmenter de façon substantielle si les éleveurs deviennent
autorisés en vertu de la loi à procéder eux-mêmes
à l'insémination artificielle de leurs animaux. Le contrôle
sanitaire et
généalogique du sperme devient alors crucial. En effet,
l'éleveur, à l'opposé d'un cercle d'amélioration du
bétail, ne peut être tenu, en vertu d'une disposition
québécoise, de s'approvisionner auprès du Centre
d'insémination artificielle du Québec, considérant la
Charte des droits et libertés de la personne et la juridiction
fédérale en matière de commerce. Une certaine
quantité de semence provenant de l'extérieur pourra donc
infiltrer le marché québécois et la qualité de ce
produit doit être contrôlée afin de protéger la
santé et la valeur génétique de notre cheptel.
Actuellement, au Québec, beaucoup d'élevages sont
très spécialisés et de type intensif. Les conditions
présentes dans ces élevages, telles que le confinement, la
concentration des sujets ainsi que la mauvaise qualité de l'air qui en
résulte prédisposent les animaux aux maladies de toutes sortes.
Certaines pratiques ont été développées afin
d'atténuer et de prévenir les manifestations de ces maladies et
permettre ainsi au bétail d'atteindre un taux de croissance optimal.
Les moyens actuellement déployés reposent sur
l'utilisation des médicaments qui sont administrés aux animaux en
élevage intensif durant une bonne partie de leur vie. Puisque les sujets
sont très nombreux dans ces élevages, le moyen le plus pratique
et le plus efficace de leur administrer ces médicaments est
évidemment de les mêler a leurs aliments.
Le commerce des aliments médicamenteux pour l'élevage
intensif occupe donc une place importante dans l'industrie agricole
québécoise. La préparation des aliments
médicamenteux est une activité complexe et elle exige des
précautions constantes et des installations adéquates.
Négliger l'une ou l'autre peut entraîner des conséquences
sanitaires et économiques considérables.
L'irrespect des recommandations du fabricant de médicaments ou
une préparation incorrecte des aliments peuvent conduire à la
contamination des produits d'origine animale destinés à la
consommation humaine. Or, tous les médicaments sont potentiellement
toxiques. On ne doit donc pas les trouver dans l'assiette du consommateur. Afin
d'éviter la contamination des produits d'origine animale par des
résidus chimiques, les fabricants établissent un délai
d'attente pour chaque médicament utilisé chez les animaux de
ferme. Des recherches menées selon des méthodes scientifiques
précises permettent d'établir le délai nécessaire
à l'organisme animal pour éliminer le médicament qui lui a
été administré. C'est, en fait, ce qu'on appelle le
délai d'attente. Ce délai d'attente est ensuite approuvé
par le Bureau des médicaments vétérinaires du
ministère de la Santé nationale et du Bien-Être social du
Canada.
Par ailleurs, sous l'aspect économique il est important de
souligner que la qualité des denrées alimentaires, en particulier
l'absence de résidus chimiques dans les aliments, est devenue un
critère de qualité de plus en plus recherché. Le maintien
ou le développement de certains marchés d'exportation
dépend parfois de ce critère de qualité. Ce fut notamment
le cas au printemps 1985 du porc canadien exporté vers les
États-Unis. Quatre États américains avaient bloqué
l'importation de porc provenant du Canada parce que susceptible de contenir du
chloramphénicol. Le gouvernement canadien a dû bannir l'usage de
cet antibiotique le 24 juillet suivant.
Au Québec, plus de 200 meuniers offrent le service de
préparation d'aliments médicamenteux et vendent ces produits. De
plus, on évalue à environ 2800 le nombre d'éleveurs qui
disposent de l'équipement nécessaire à la
préparation de ces aliments. Ces personnes manipulent environ la
moitié des médicaments administrés aux animaux du
Québec, c'est-à-dire environ 50 % de la valeur du
marché.
Avant le 20 juin 1984, il y a deux ans, les seules personnes
habilitées à préparer et à vendre des aliments
médicamenteux sur le territoire québécois étaient
les membres de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Les pharmaciens ne
disposent toutefois pas de l'équipement nécessaire pour produire
des aliments médicamenteux en quantité requise par les
éleveurs spécialisés. Ce sont donc les meuniers et divers
éleveurs qui remplissent ces fonctions et, conséquemment, l'Ordre
des pharmaciens du Québec se trouve dans l'impossibilité
d'exercer un contrôle sur la qualité et la quantité de ces
services. L'ordre ne peut, en effet, imposer ses règlements qu'aux
pharmaciens et non aux meuniers et aux éleveurs. Un fait est important
à remarquer cependant. Cette corporation professionnelle peut poursuivre
pour exercice illégal de la pharmacie, et c'est ce qu'elle comptait
faire à l'égard des meuniers en 1984.
Le législateur a donc décidé, le 20 juin 1984,
d'autoriser les personnes qui préparaient ou vendaient des aliments
médicamenteux à continuer de poser ces actes pour une
période d'un an à compter du 20 juin 1984. Ce moratoire qui fut
accordé en vertu de l'article 119 de la Loi modifiant diverses
dispositions législatives fut prolongé une première fois
en juin 1985 et une seconde fois en décembre dernier, sur recommandation
du ministre responsable de l'application des lois professionnelles et
moi-même. Le moratoire prend fin le 1er septembre prochain et, a compter
de cette date, les personnes qui préparent et vendent des aliments
médicamenteux le feront dans
l'illégalité si aucune loi n'est adoptée pour
régulariser leur situation. (15 h 40)
Le projet de loi qu'on étudie actuellement et qui vient modifier
la Loi sur la protection sanitaire des animaux, a notamment comme objectif
d'apporter une solution à ces trois situations particulières de
l'élevage que je viens de décrire sommairement.
Les questions se rapportant aux maladies contagieuses et parasitaires
ainsi qu'aux aliments médicamenteux ont déjà
été soulevées par mon prédécesseur. Un
projet de loi fut même proposé afin d'apporter les modifications
législatives jugées nécessaires. Toutefois, le projet de
loi fut déposé le 18 juin 1985, c'est-à-dire
l'avant-veille de l'ajournement des travaux de la Chambre. La loi n'a pu
évidemment être adoptée pour des raisons évidentes
et aucune mesure permanente n'apportait des solutions à envisager.
Les nouvelles dispositions touchant les maladies contagieuses et les
aliments médicamenteux proposées aujourd'hui s'inspirent
particulièrement de celles prévues au projet de loi
déposé le 18 juin 1985 par mon prédécesseur.
Certaines modifications y ont été apportées, compte tenu
des commentaires formulés par les intéressés.
Les nouvelles mesures proposées pour l'insémination
artificielle sont, quant à elles, tout à fait originales. Le
principe sous-jacent fut toutefois proposé par un groupe d'intervenants
composé des cercles d'amélioration du bétail qui
représentent les éleveurs, des syndicats d'inséminateurs
et des représentants du Centre d'insémination artificielle du
Québec.
Le projet de loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des
animaux propose d'apporter certaines modifications à la section I de la
loi. Une première modification consiste à amender l'article 7 de
la loi de façon que la section I s'applique à tout animal
d'élevage, ainsi que ses oeufs et ovules fécondés. Cette
modification permettra une meilleure surveillance de toutes les espèces
animales qui composent les élevages au Québec. Elle permettra de
plus la protection des animaux qui composent les élevages où se
pratique la fécondation des femelles par le transfert d'embryons.
Une deuxième modification consiste à étendre le
pouvoir réglementaire du gouvernement non seulement aux animaux atteints
de maladies contagieuses ou parasitaires, mais également à ceux
qui sont soupçonnés d'être atteints de ces maladies et
à ceux qui sont venus en contact avec de tels animaux. Ces nouvelles
dispositions visent à mieux protéger les animaux en raison des
possibilités de contagion de plusieurs pathologies. En effet, plusieurs
maladies ont une longue période d'incubation et des animaux porteurs de
germes pathogènes peuvent transmettre ceux-ci avant même d'avoir
manifesté des symptômes de la maladie. Il convient donc de
restreindre, du moins temporairement, les mouvements de tous les animaux qui
ont été en contact avec des animaux malades ou
soupçonnés de l'être.
Une troisième modification consiste à obliger le
médecin vétérinaire à rapporter à un
fonctionnaire désigné par le ministre toute maladie contagieuse
ou parasitaire visée par le règlement. Le médecin
vétérinaire est la seule personne légalement
réputée compétente pour poser un diagnostic de maladie
animale. Un diagnostic précis de maladie suppose une formation et des
connaissances que ne possèdent généralement pas les
propriétaires et les possesseurs d'animaux. En imposant au
médecin vétérinaire l'obligation de déclarer les
maladies visées au règlement, l'Assemblée nationale
adoptera une disposition semblable à celle contenue dans la Loi
fédérale sur les maladies et la protection des animaux. Cette
dernière loi a permis de procéder à l'éradication
complète de la tuberculose et de la brucellose bovine au Québec
et de maintenir à un niveau minimal l'émergence de la rage chez
toutes les espèces susceptibles d'en être atteintes.
Quant à l'insémination artificielle, les modifications
proposées à la section III de la loi ont pour objectifs
principaux d'autoriser les éleveurs à procéder
eux-mêmes à l'insémination artificielle de leurs animaux
à condition, évidemment, qu'ils soient détenteurs d'un
permis délivré à cette fin, et d'améliorer les
pouvoirs du gouvernement pour réaliser le contrôle sanitaire et
généalogique de la semence.
En termes concrets, la première modification consiste à
changer les dispositions de la loi relatives à l'exemption de permis
pour la manipulation du sperme. Le texte actuel prévoit qu'un
médecin vétérinaire qui procède à
l'insémination artificielle d'un animal à des fins
médicales n'est pas tenu de détenir un permis pour ce faire. Il
en est de même, c'est la même chose pour un éleveur qui
procède, dans les cas prévus par règlement, à
l'insémination artificielle d'un de ses animaux. Le changement
proposé soumettrait tout éleveur qui pratique
l'insémination artificielle sur ses animaux à l'obligation de
détenir un permis.
La deuxième modification consiste à adapter les pouvoirs
réglementaires du gouvernement au fait que de nombreux éleveurs
pourront procéder à l'insémination artificielle de leurs
animaux et que ceux-ci ne peuvent être tenus de s'approvisionner
auprès du seul centre de production de semence au Québec.
Les changements apportés donnent au gouvernement le pouvoir de
déterminer: premièrement, des catégories de permis et
d'établir les compétences exigibles de toute
personne qui en fait la demande; deuxièmement, de
déterminer les conditions de salubrité, de qualité, de
prélèvement, de conditionnement et de marquage du sperme
destiné à l'insémination artificielle d'un animal;
troisièmement, de déterminer les méthodes qui doivent
être suivies pour un échantillonnage ou une analyse en application
de la section III de la loi; quatrièmement, de déterminer
l'endroit où un éleveur doit conserver le sperme d'animal; et,
finalement, de déterminer, parmi les dispositions d'un règlement
pris en vertu de la section III, celles dont la violation est punissable aux
termes des dispositions pénales de la loi.
Ces mesures visent à établir des normes strictes quant
à la qualité sanitaire et génétique du sperme.
Elles permettent, en outre, au gouvernement de contrôler facilement le
respect de ces normres.
La troisième modification consiste à doter la section III
de la loi de dispositions qui établissent des prohibitions d'ordre
général applicables au sperme, aux établissements et aux
équipements qui sont utilisés pour le manipuler, le distribuer ou
en faire le commerce. De concert avec les nouveaux pouvoirs
réglementaires, cette mesure favorisera le respect des normes de
qualité.
Pour ce qui est des aliments médicamenteux, le projet de loi
prévoit l'ajout d'une nouvelle sous-section sur les médicaments
vétérinaires à la Loi sur la protection sanitaire des
animaux. Cette nouvelle sous-section vise notamment à autoriser des
personnes autres que des pharmaciens à préparer ou à
vendre des aliments médicamenteux pour le bétail, à
condition qu'elles soient détentrices d'un permis délivré
à cet effet. Il y a dans le projet de loi une distinction formelle entre
les personnes qui préparent des aliments médicamenteux pour leurs
propres besoins, par exemple, les propriétaire de "mix-mills", plusieurs
producteurs agricoles, et les obligations qui sont imparties aux personnes qui
préparent les aliments médicamenteux à des fins
commerciales. Le gouvernement pourra déterminer, par règlement,
des catégories de permis et le ministère en prévoit
actuellement deux: l'une pour la préparation et l'autre pour la
préparation et la vente des aliments médicamenteux. Les normes
d'équipement et de fonctionnement applicables à chaque
catégorie seront différentes, cela va de soi, et celles-ci seront
comprises dans le règlement.
En plus d'autoriser des personnes à exercer des activités
qui relèvent de la pharmacie, cette nouvelle sous-section de la loi
permet au gouvernement d'exercer un certain contrôle sur la
qualité des produits. Ceci permettra d'éviter de façon
encore plus efficace la contamination, par des résidus de
médicaments, des aliments offerts aux consommateurs.
Cela ne signifie par pour autant que le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation rejette les
contrôles qui s'appliquent actuellement. Les épreuves de
dépistage des résidus lors de l'inspection des viandes dans les
abattoirs continuent et continueront à être effectuées. Le
projet de loi n'a pas non plus comme objectif d'exclure les meuniers et les
éleveurs du Québec de l'application de la loi
fédérale relative aux aliments du bétail et du
règlement sur les médicaments qui ne peuvent être vendus
que sur ordonnance d'un médecin vétérinaire. La nouvelle
section vise plutôt à combler les lacunes présentes dans le
réseau de distribution des aliments médicamenteux et de
contrôle des résidus de médicaments. Les mesures
proposées favorisent en effet le contrôle des résidus avant
l'abattage des animaux. À titre d'exemple, le vendeur d'un animal devra
déclarer par écrit à l'acheteur, le fait qu'un
médicament ait été administré à cet animal
et pour lequel le délai d'attente n'est pas écoulé. En
outre, des épreuves de dépistage pourront être
effectuées lors de la réception des animaux dans les abattoirs,
avant l'abattage, et des sanctions pourront être imposées aux
personnes qui ont acheminé des animaux porteurs de résidus.
De plus, cette section permet au ministre d'élaborer des
programmes pour autoriser d'autres personnes que les pharmaciens et les
médecins vétérinaires à vendre ou administrer des
médicaments destinés aux animaux. Ces programmes sont soumis
à l'approbation du gouvernement qui peut les modifier. Cette mesure a
pour but d'assurer la disponibilité des médicaments dans
certaines situations particulières, tels les cas
d'épidémies. (15 h 50)
Dans un autre ordre d'idées, les dispositions traitant de
l'inspection, de la saisie, l'émission de permis, les infractions et
peines sont comprises dans diverses sections de la loi. Une carence
d'uniformité en complique l'application. Il y aurait lieu de
régulariser cette situation par les modifications législatives
qu'on y apporte aujourd'hui. De plus, la loi actuelle n'accorde aucun droit
d'appel de la décision rendue relativement à une demande de
permis. Il est donc proposé d'abroger les articles de la Loi sur la
protection sanitaire des animaux qui traitent de l'inspection, de la
perquisition, de la saisie ou de la confiscation; de certaines conditions
d'émission de permis et des infractions et des peines. Ces mesures sont
redéfinies dans une nouvelle sous-section, laquelle comprend
également des dispositions accordant un droit d'appel de la
décision rendue relativement à une demande de permis, ce qui est
tout à fait légitime. Les peines d'emprisonnement prévues
aux sections 1 et 2 de la loi actuelle sont abolies,
compte tenu de leur désuétude.
Voilà l'essentiel du propos que je voulais tenir comme ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation auprès de mes
collègues de l'Assemblée nationale en regard de l'importance du
projet de loi 69 qui est déposé et dont on amorce l'étude
aujourd'hui. Essentiellement, les mesures que ce projet de loi contient, sont
des mesures qui, à plusieurs égards, peuvent paraître
techniques, mais qui sont très importantes pour ne pas dire
fondamentales pour l'économie agricole du Québec.
On se doit, dans un premier temps, de poursuivre dans cette
démarche qui a comme objectif qu'on s'inscrive davantage sous
l'égide de l'excellence au Québec. Le législateur, le
gouvernement, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation par des lois qu'il a appliquées a l'obligation de
s'assurer, de faire en sorte que tous les moyens techniques, les moyens
physiques en termes de contrôle, en termes de règlement, etc.,
qu'on se donne tous ces moyens pour s'assurer que la qualité des
aliments est exceptionnelle. Dans un premier temps, compte tenu de l'importance
des productions animales dans notre économie, cela va de soi, c'est
l'ensemble de notre crédibilité qui en dépend comme
province productrice, mais aussi l'intérêt des consommateurs.
J'ai eu l'occasion de reconduire le moratoire en décembre 1985.
Ce moratoire s'applique jusqu'en septembre 1986. Je m'étais
engagé à déposer le projet de loi. C'est ce qu'on a fait
récemment, le 15 mai dernier. La loi est à l'étude
actuellement. Je présume que le débat en deuxième lecture
se terminera assez rapidement. Je m'étais engagé, toutefois, en
décembre dernier à ce qu'on puisse, une fois le projet de loi
étudié en deuxième lecture, déposer la partie du
règlement concernant les aliments médicamenteux, parce que
c'était assez délicat, c'était assez conflictuel. Certains
y voyaient la perte éventuelle d'un droit ou d'un privilège qui
leur avait déjà été dévolu. Je
m'étais engagé, dis-je, à ce qu'on tienne une commission
parlementaire.
Effectivement, l'honorable député de Frontenac et adjoint
parlementaire du gouvernement annonçait ce matin, au moment des avis
à la Chambre, que la commission allait se réunir le mardi 10 juin
prochain pour entendre un certain nombre d'intervenants et en regard non
seulement du projet de loi, mais aussi et surtout du libellé du
règlement que je pourrai rendre public d'ici la fin de la semaine, cela
va de soi. C'est un projet de loi important pour l'économie agricole.
C'est un projet de loi qui est important pour maintenir notre réputation
d'excellence au niveau de la production et au niveau de la qualité
finale- ment du cheptel québécois. Je vous remercie et j'ose
espérer et présumer que le projet de loi sera adopté
unanimement. Merci.
Le Vice-Président: Merci, M. le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation. Je cède maintenant la parole
au député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, un projet de loi avait
été déposé, le projet de loi 65, le 18 juin 1985,
et n'avait pas été adopté à ce moment, l'Opposition
estimant qu'elle avait besoin de plus de temps pour l'analyser. J'estime
qu'aujourd'hui, l'Opposition qui est devenue le gouvernement, qui a eu le temps
de l'analyser, a sûrement une copie des règlements qu'elle entend
présenter avec le projet de loi et je vais commencer par indiquer au
ministre que nous souhaitons avoir une copie des règlements avant
d'entendre les différentes institutions.
M. le Président, j'aimerais dire au ministre de la Justice...
Une voix: ...qui n'est pas à sa place.
M. Garon: ...qui, d'abord, n'est pas à sa place et qui
crie à travers la Chambre, alors que, normalement, un ministre de la
Justice devrait donner l'exemple...
Une voix: C'est cela.
M. Garon: ...que la plupart du temps, j'ai fourni les
règlements avec mes projets de loi, contrairement à ce qu'il dit.
Notamment, par exemple, avant les auditions sur les petits abattoirs.
Dès 1977, j'ai fourni les règlements avec les projets de loi sur
les petits abattoirs, un projet de règlements qui était
volumineux. Régulièrement, lorsque l'Opposition me le demandait,
je produisais les règlements en même temps que les projets de loi
ou quelques jours après, pour permettre à l'Opposition de mieux
saisir la portée des projets de loi.
Aujourd'hui, dans le cas qui nous touche, c'est essentiellement un
projet de loi dont la teneur se retrouvera dans les règlements. Les
règlements sont considérables. Je vais lire quelques articles
pour indiquer à quel point les règlements sont
considérables. Si on pense que les gens peuvent se prononcer sur...
D'autant plus que le ministre se donne, dans un pouvoir réglementaire,
le pouvoir de vider sa loi de sa substance quand, à l'article 55.9, il
dit: "Le gouvernement peut, par règlement: 2° soustraire une
catégorie de personnes de l'obligation d'être titulaire d'un
permis pour préparer un aliment médicamenteux pour ses propres
animaux".
À toutes fins utiles, on pourrait, par
les règlements, vider complètement la loi de sa substance
et n'avoir aucune responsabilité en vertu de la loi. M. le
Président, c'est pourquoi je fais la demande formelle au gouvernement et
au ministre de l'Agriculture de nous produire une copie du projet de
règlements, puisqu'il a sûrement eu le temps de le faire, avec
tous ces mois qui ont passé.
Le ministre de la Justice qui, lui, a un projet de loi devant
l'Assemblée, le projet de loi sur les règlements, devrait
être le premier à m'appuyer...
Une voix: Bien oui!
M. Garon: ...parce que lui-même dit qu'il faudrait un peu
plus de cohérence dans les règlements. Il y aura de la
cohérence entre les règlements et la loi quand les gens pourront
étudier la loi avec une copie des règlements pour voir dans
quelle direction s'est dirigé le gouvernement.
Je ferais remarquer également au ministre de la Justice qu'on met
des dispositions dans ce projet de loi qui ont pour but d'écarter par
règlement des personnes des dispositions de la loi. Je ferais remarquer
au ministre de la Justice, qui était apparemment un professeur de droits
et libertés, que ce n'est pas véritablement -surtout pour un
universitaire qui veut améliorer les projets de loi - la façon de
faire des lois.
Je lui dis, en tant que ministre de la Justice, que donner au
gouvernement, par un pouvoir réglementaire, le pouvoir de soustraire des
catégories complètes de personnes de l'application de la loi,
c'est, à ce moment se retrouver, à toutes fins utiles, devant un
pouvoir exorbitant du gouvernement qui pourra vider la loi de sa substance.
Je reviendrai sur le sujet tout à l'heure. J'avais dit au
ministre de la Justice, lors de l'étude de son projet de loi sur les
règlements en deuxième lecture, que l'objectif était
louable, mais que je n'étais pas certain que le ministre était
capable d'appliquer cet objectif. Dès aujourd'hui il me démontre,
par sa réaction, que son projet de loi était là pour la
galerie et qu'il n'a pas l'intention du tout de faire en sorte que les
règlements puissent être mieux connus ou mieux
étudiés en même temps que les projets de loi.
Je vais reparler du contenu des règlements dans ce projet de loi.
Les règlements dans ce projet de loi vont être aussi importants,
sinon plus importants que la loi, parce que le pouvoir réglementaire est
considérable. Non seulement, M. le Président, est-on dans des
matières spéciales... (16 heures)
J'ai eu l'occasion, au cours des dernières années, de
travailler dans ce secteur. Quand je suis arrivé au ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en 1976, on venait de
prélever 3000 échantillons de lait pour voir quelle était
la proportion de nos produits laitiers contenant des antibiotiques. Sur les
3000 échantillons analysés, il y en avait plus de 3 % qui
contenaient des antibiotiques. Devant cette constatation, qui avait
été faite quelques années auparavant, j'ai
immédiatement donné des instructions pour faire en sorte que l'on
multiplie les échantillons et qu'on punisse sévèrement
ceux qui utilisaient des produits médicamenteux, des antibiotiques pour
soigner leurs animaux et qui ne respectaient pas le délai
nécessaire pour faire en sorte que les antibiotiques soient
éliminés des produits laitiers.
Le résultat, c'est qu'on faisait environ 60 000 analyses par
année, et je me souviens des derniers résultats: il y a un an ou
deux, au lieu d'avoir 3 % des produits laitiers qui contenaient des
antibiotiques - sur 3000, c'est 90, c'est considérable - il n'y en avait
pas 90 sur 60 000 échantillons. Le taux - je m'en souviens par coeur -
était de 0,0027 %. Cela veut dire mille fois moins que lorsque nous
avions pris la succession des libéraux. Mille fois moins de produits
médicamenteux dans le lait que lorsque nous sommes arrivés au
pouvoir en 1976, parce que l'analyse datait de cette époque.
Nous avons mis en place des régimes de prévention, non
seulement un régime d'assurance vétérinaire curatif pour
les soins à apporter aux animaux lorsqu'ils sont malades, mais nous
avons généralisé un plan d'intervention préventif
pour avoir, dans la régie ou l'administration des fermes, un plan
sanitaire de prévention pour faire en sorte que les soins curatifs
soient moins nécessaires grâce à la prévention.
Nous avons également mis en place de nombreux programmes de
contrôle de la santé, de vérification de la santé
des animaux pour faire en sorte qu'au Québec on ait de meilleurs
résultats qu'ailleurs; non seulement avoir des résultats
semblables à ceux d'ailleurs, mais avoir des résultats meilleurs
qu'ailleurs. Le résultat s'est fait sentir également puisque
dès 1985, le taux le plus bas de brucellose au Canada était au
Québec, le taux le plus bas d'antibiotiques dans le lait était
chez nous. C'est chez nous qu'on retrouvait les contrôles les plus
sévères, de sorte que nous étions en train de faire notre
marque à ce point de vue.
Il demeurait cependant certains secteurs où on devait avoir un
meilleur contrôle. C'est l'automne dernier, par exemple, que la liste des
médicaments vétérinaires qui devaient être
accessibles sur prescription a été adoptée par le
gouvernement du Parti québécois. Autrefois, aucun gouvernement
n'avait voulu toucher à cette question parce qu'il la trouvait trop
chatouilleuse. Contrairement à ce qui avait été fait,
même
en période électorale ou au cours d'une période
préélectorale le gouvernement du Parti québécois a
accepté une liste de médicaments vétérinaires qui
devaient nécessiter une prescription pour pouvoir être
administrés aux animaux. Pourquoi encore là? Pour faire en sorte
que des produits médicamenteux plus dangereux, plus forts qui pourraient
avoir des conséquences plus graves sur la santé humaine si la
viande était consommée alors qu'il reste des résidus dans
la viande, pour que ces contrôles puissent être faits de sorte
qu'on ait une viande plus saine au Québec. Cela a été
adopté.
J'avais également déposé au cours du mois de juin
1985 un projet de loi qui allait exactement dans le sens d'exiger des permis de
ceux qui voulaient faire des aliments médicamenteux, c'est-à-dire
mêler à des aliments des médicaments à être
administrés aux animaux. Vous savez qu'on ne peut pas donner des
médicaments... Dans certains cas, c'est facile à faire sous forme
de piqûre mais, dans d'autres cas, alors qu'un médicament doit
être donné par voie buccale, on peut difficilement administrer les
médicaments aux vaches ou aux boeufs à la cuillère
à soupe. L'une des façons de le faire, c'est justement de
mêler les médicaments aux aliments qu'on leur donne à
manger. Cependant, on comprendra que, du fait que des gens puissent
préparer les médicaments et les administrer aux animaux, les
médicaments peuvent parfois être donnés en trop grande
quantité et des délais d'attente doivent être
respectés. Il y a un ensemble qu'il fallait contrôler, qui devait
être mieux administré. C'était l'objet du projet de loi 65
que j'avais déposé au mois de juin dernier à
l'Assemblée nationale.
Il faut dire qu'antérieurement il y avait eu, au mois de
février 1985, une conférence socio-économique sur la
santé animale qui regroupait tous les intervenants du Québec dans
le secteur de la santé animale: ceux qui auraient dû s'en occuper,
ceux qui devaient s'en occuper, ceux qui devraient s'en occuper et ceux qui ne
s'en étaient pas occupés alors qu'ils auraient dû s'en
occuper. Il faut dire que cela remonte au temps où les pharmaciens
avaient la responsabilité dans ce domaine. Mais les pharmaciens ont
trouvé peut-être plus compliqué d'avoir des pharmacies pour
les médicaments vétérinaires de sorte que, dans les faits,
l'Ordre des pharmaciens ne s'est pas occupé de s'assurer que les
médicaments vétérinaires soient administrés selon
les normes prescrites. On a vu au cours des années, même si c'est
un champ d'action qu'il aurait peut-être aimé, que dans les faits
l'Ordre des pharmaciens ne s'est pas occupé de ce secteur. Les
vétérinaires souhaitaient occuper ce champ et il fallait
déterminer les responsabilités de chacun pour qu'il y ait une
certaine cohérence dans l'ensemble du système.
C'est pour cela que le député de Portneuf a
mentionné que le gouvernement du Parti québécois, qui
s'était aperçu qu'il y avait un vide, a accepté durant une
période d'un an de donner un délai pour faire en sorte que la
question des médicaments vétérinaires puisse être
véritablement réglementée, régie une fois pour
toutes et que chacun y trouve sa place, le rôle de chacun, les
préparateurs d'aliments médicamenteux, les utilisateurs
d'aliments médicamenteux, les vétérinaires qui soignent
les animaux, de même que les pharmaciens auxquels la loi accordait un
rôle pour faire en sorte que le système entier soit bien
coordonné et plus étanche. Vous vous rappellerez le nombre de
mesures que le gouvernement du Parti québécois a dû adopter
pour mettre de l'ordre dans tout ce système où c'était
véritablement le capharnaüm. Il faut dire qu'aujourd'hui nous
sommes sans doute l'endroit en Amérique du Nord où ces questions
sont le mieux contrôlées. Avec un projet de loi qui pourrait
trouver une bonne application sur la protection sanitaire des animaux, on
pourrait boucler la boucle dans l'ensemble du système avec toutes les
mesures qui ont été mises en application au cours des
dernières années. Cependant, il faut que ce soit bien fait. Vous
savez, le ministre n'en a pas parlé, mais c'est au Québec qu'est
vendue la plus forte quantité de médicaments pour des fins
animales. Le pourcentage est ici le plus fort. (16 h 10)
Puisqu'il a été indiqué que des gens pourraient
venir soumettre leurs représentations en commission parlementaire, il
serait important de demander à l'Ordre des vétérinaires ou
aux associations des vétérinaires qui viendront nous rencontrer
de nous dire quelles sont les proportions dans lesquelles les
médicaments sont administrés dans l'ensemble du Canada. On verra
qu'il y a une très forte consommation de médicaments au
Québec et qu'il est important que cette consommation de
médicaments soit faite par les animaux et non pas ceux qui vont manger
leur viande plus tard.
Si les règles de même que les périodes et les
délais ne sont pas respectés dans la posologie, il en
résultera des problèmes pour la santé des humains. Le
système qui a été mis en place au cours des années
a démontré, selon les résultats obtenus, que nous avons
indiqués lors de la conférence socio-économique de 1985,
que le Québec avait résolu les problèmes mieux
qu'ailleurs. Ce n'est pas pour rien, par exemple, que le gouvernement a
déclaré le Québec, zone exempte de brucellose, alors que
l'Ontario n'a pas le résultat. Les vétérinaires au
Québec ont joué un rôle considérable dans ce sens,
et c'est peut-être significatif que la Faculté de médecine
vétérinaire de Saint-
Hyacinthe, rattachée à l'Université de
Montréal, ait une pleine accréditation de l'American Veterinarian
Association, c'est-à-dire l'Association américaine des
vétérinaires, alors que l'Ontario a une accréditation
restreinte.
Il arrive souvent que le gouvernement libéral aime nous comparer
à l'Ontario. Je ne détestais pas cela, j'aimais nous comparer
pour être meilleur que l'Ontario. Non pas essayer de courir après
l'Ontario, mais de faire en sorte que ce soit l'Ontario qui essaie de courir
après nous. On peut dire avec fierté que, dans ce domaine, dans
le domaine de la médecine vétérinaire, on a reconnu qu'au
Canada, le Québec est en avant des autres. Pourquoi? Parce qu'on a
donné de la place aux vétérinaires. On leur a permis
d'exercer assez que certains m'ont parfois reproché de favoriser les
vétérinaires. Je ne favorisais pas les
vétérinaires, j'essayais de créer un équilibre en
leur permettant de jouer tout le rôle qu'ils peuvent jouer.
Je pense que ce n'est pas un mince succès que d'avoir
réussi à nommer au ministère de l'Agriculture un
sous-ministre responsable de l'inspection des aliments et de la santé
animale. Tout cela se tient. La santé animale et l'inspection des
aliments est dirigée par un vétérinaire avec
différents secteurs d'inspection: l'inspection des produits laitiers,
l'inspection des produits carnés, des viandes, inspection des produits
horticoles, les fruits et légumes, inspection aussi des produits de la
pêche. Pourquoi? Afin que l'on ait des produits meilleurs qu'ailleurs
avec des contrôles ici et là.
Par exemple, j'ai fait faire des études partout dans le fleuve
Saint-Laurent afin de vérifier le contenu en produits chimiques des
poissons. Vous savez qu'il y a des seuils de tolérance. Quand les
produits chimiques des animaux sont consommés par les êtres
humains, ils s'additionnent et ne s'éliminent pas facilement. On voit
parfois dans le secteur de l'environnement des gens qui pourchassent des
cultivateurs comme des ennemis mais oublient de travailler davantage contre les
pluies acides, alors qu'on sait que les pluies acides rejettent entre 65 et 90
livres à l'hectare, alors qu'on pense que le seuil de tolérance
ne devrait pas dépasser 50 livres. C'est du jus! 65 à 90 livres
de déchets au Québec actuellement par des pluies acides sous
forme de souffre ou de dérivé du souffre qui tombe sur nos
terres, dans l'ensemble du territoire québécois et qui provient
des États-Unis et de l'Ontario. Nous avions adopté des mesures
pour faire en sorte que la principale usine qui rejetait ces produits soit
obligée de faire les corrections nécessaires sur un certain
nombre d'années.
Quand on pense également que le lac Ontario est un
dépotoir à ciel ouvert, que la plupart des saumons qui ont
été transplantés ont le cancer des parties sexuelles,
parce que, apparemment, chez les poissons le cancer commence surtout par les
parties sexuelles, ce qui fait que dans le lac Ontario, parce qu'il y a eu des
déchets de produits chimiques accumulés, est terriblement
contaminé. Quand on voit que l'eau que nous boirons provient de
là en partie, je dois vous dire que ce n'est pas très rassurant
pour les gens qui boiront de cette eau qui vient en partie du lac Ontario. Elle
ne vient pas uniquement de là mais en partie. C'est pourquoi, pour la
santé humaine, quand on parle de dangers et qu'on regarde l'eau
polluée par les pluies acides, par des produits chimiques qui
proviennent en grande partie des eaux contaminées des Grands Lacs...
On avait fait des analyses aussi sur l'anguille. L'anguille qui vient de
nos rivières est en bonne santé mais celle qui vient du lac
Ontario l'automne était moins bonne parce qu'il y avait eu des rejets de
produits chimiques dans une rivière des États-Unis. On voit un
certain laxisme dans l'administration de ces lois. Pourquoi? Parce que c'est
plus facile de s'attaquer à un cultivateur dont la vache a produit ses
excréments trop près d'un cours d'eau mais on oublie trop souvent
que la véritable pollution ne vient pas de là. Elle vient des
véritables produits chimiques, des pluies acides, des eaux qui viennent
des Grands Lacs et peuvent provenir aussi des produits chimiques
consommés par nos animaux ou par les poissons que nous mangerons.
C'est pourquoi au ministère de l'Agriculture, le gouvernement du
Parti québécois n'a pas lésiné pour mettre en place
un service d'inspection important pour protéger les consommateurs du
Québec, pour analyser, à l'aide d'appareils sophistiqués,
les eaux, les poissons et les viandes que nous consommons. Certaines de ces
analyses coûtent au-delà de 100 $ chacune et certains de ces
appareils qui font ces analyses pour déterminer les parties par millions
qu'on trouve dans ces produits, coûtent 500 000 $ chacun. Il faut avoir
un plan d'ensemble. Il ne s'agit pas d'inspecter une ou deux affaires, mais il
faut avoir un plan d'ensemble sur le plan de l'inspection des aliments et de la
santé animale pour véritablement réaliser des objectifs.
Nos objectifs n'étaient pas de se comparer à l'Ontario mais de
produire les meilleurs produits au monde, d'être plus
sévères, s'il le fallait, pour avoir une meilleure qualité
d'aliments pour que, lorsque le consommateur achète des produits, il se
dise: J'achète un produit québécois et j'aurai un meilleur
produit. C'est notre marque de commerce.
Un des pays les plus prospères au monde actuellement est le
Danemark. Il a les règles les plus sévères au point de vue
alimentaire. Qu'il s'agisse des viandes et, dans le domaine des
médicaments... Je dois
dire que les conversations que j'avais eues avec les officiers danois,
le ministre et ses principaux officiers, les organismes de service d'inspection
avec lesquels j'ai eu l'occasion de discuter pendant un bon bout de temps -
plus d'une journée - m'ont permis d'obtenir leur façon de
procéder, leur procédé, d'avoir même eu beaucoup
plus dans d'autres pays Scandinaves, des normes d'inspection, des
qualités d'inspection. (16 h 20) 11 n'y a pas longtemps, quand on
parlait du pays qui avait la plus belle qualité de vie au monde,
c'était le Danemark. Le Danemark est un pays qui ressemble au
Québec en beaucoup plus petit, qui a une population de 4 500 000
habitants, qui est indépendant, qui est le premier au monde au point de
vue de la qualité de vie, indépendant avec une population de 4
500 000 habitants, quelques fois plus grand que la Nouvelle-Écosse, mais
qui visait des objectifs à différents endroits au point de vue de
la qualité. Le contrôle des médicaments, par exemple, est
d'une sévérité telle qu'ils ne permettent pas des aliments
médicamenteux. C'est très sévère.
Une voix: Pour les animaux.
M. Garon: Pardon?
Une voix: Pour les animaux.
M. Garon: Pour les animaux. Des produits, aliments
médicamenteux pour les animaux. Pourquoi? Parce qu'ils craignent
l'accoutumance des animaux aux médicaments et ils craignent qu'avec les
années il faille augmenter les doses pour pouvoir contrôler les
maladies. C'est dire à quel point il y a une recherche de la
qualité pas seulement à ce niveau-là, mais dans
différents secteurs: le contrôle des viandes, du lait. Il y a
différentes manières de faire pour arriver à un produit de
qualité supérieure. C'est ce que nous avons voulu faire, nous
aussi, au Québec, avoir un système plus sévère.
Je sais que le député de Beauce-Sud n'est pas d'accord
avec mes façons de faire dans le domaine des pêches puisqu'il a
dit que je voulais aller trop vite. J'estimais qu'il fallait avoir la meilleure
qualité de produits marins au Québec le plus rapidement possible.
Je considérais que c'était important. Le député de
Beauce-Sud, lui, va y aller en bicycle, pas trop vite. Vous pensez qu'en 1986,
la vitesse du son, la vitesse de l'avion n'est plus nécessaire. C'est
vrai que nous avons agi rapidement et je peux vous dire aujourd'hui, quand je
vois certaines usines qu'on a maintenant au Québec, qu'elles ont un haut
degré de qualité parce que nous avons été
sévères. Je vous dirai qu'aujourd'hui un grand nombre
d'industriels et de pêcheurs sont d'accord. Je vous ferai remarquer que
la succession que nous avons prise en 1976, c'était terrible. J'ai
été le ministre qui, le premier, imaginez-vous, pour les
pêcheurs qui vont en mer pendant cinq jours, a autorisé une
toilette à bord d'un bateau.
Une voix: C'est vrai.
M. Garon: Le gouvernement de M. Bourassa entre 1970 et 1976 ne
permettait pas des toilettes à bord des bateaux, il considérait
que c'était un luxe. J'ai été le premier également
à autoriser des douches, pas seulement une. J'ai dit: S'ils en veulent
deux, ce n'est pas cela qui coûte le plus cher à bord d'un bateau,
une douche. Quand quelqu'un va en mer, au soleil, dans l'eau salée,
pendant quatre ou cinq jours à travailler très fort, une douche
à la fin de la journée, ce n'est pas un luxe. Avant que le Parti
québécois soit au pouvoir en 1976, il n'y avait pas de douche sur
les bateaux. C'était un luxe. Même les fonctionnaires m'avaient
dit: M. Garon, il ne faut pas que vous preniez les bateaux de pêche pour
des bateaux de plaisance. J'ai dit: Je pense qu'en 1980 - j'ai eu les
Pêches en 1980 - il n'est pas anormal dans un bateau, où cinq ou
six personnes vont passer quasiment une semaine, qu'il y ait des toilettes et
des douches. C'est pour dire d'où on partait.
On partait de loin. Les cales des bateaux étaient en bois et ne
pouvaient pas, même avec la meilleure bonne volonté des
pêcheurs, c'était impossible... Je me souviens même des
premières photos de l'OPDQ, l'Office de planification et de
développement du Québec. Quand il voulait montrer que les
pêches du Québec n'étaient pas pires, c'était d'un
vieux baril tout rouillé dont le poisson débordait qu'ils
vidaient le poisson. Pourquoi? Parce que celui qui avait pris la photo et qui
l'avait fait imprimer ne connaissait pas mieux. Il pensait que c'était
beau de voir que le poisson débordait, sauf que le baril était
tout rouillé. Bien souvent, on montrait un pêcheur avec un pic qui
piquait la morue avec un croc souvent qui était un peu rouillé
aussi. Il avait peut-être bien piqué pas rien que des morues.
Vous savez, aujourd'hui, quand on regarde le secteur des pêches,
beaucoup d'usines du Québec sont aussi propres qu'un hôpital. Les
planchers sont lisses. C'est interdit d'avoir des craques dans le plancher
parce que les bactéries ou les maladies peuvent s'y infiltrer. Les murs
sont en vinyle, un genre de produit très lisse, de même que les
plafonds. Les appareils de ventilation doivent changer l'air de toute l'usine
tant de fois par jour. Les instruments, les équipements ne peuvent pas
être dans des matériaux qui peuvent rouiller.
Aujourd'hui, j'incite tous ceux qui nous écoutent - il n'y en a
peut-être pas beaucoup à cette heure de l'après-midi -
s'ils
font un tour en Gaspésie cet été, de ne pas se
gêner, par exemple, pour aller voir la nouvelle usine de Newport. H y a
des vitres pour pouvoir voir ce que cela a l'air dans l'usine. Ou allez
à Grande-Rivière, aux Crustacés de Gaspé ou,
encore, aux Poisson salé gaspésien et regardez, en faisant le
tour, s'il y a d'autres usines, de quoi cela a l'air une usine de pêche.
On verra aujourd'hui qu'une usine de pêche c'est très moderne.
Ceux qui iront aux Îles-de-la-Madeleine pourront voir Madelipêche.
Juste devant Madelipêche j'ai même dû donner l'ordre de
démolir une cabane dont le seul mérite était d'avoir
été là à peu près 90 ans; on voyait l'air
entre les planches et il y avait aussi assez d'espace pour faire entrer les
mulots et les rats.
Tout cela a été démoli pour faire en sorte
qu'aujourd'hui nos usines dans le secteur des pêches sont des usines
parmi les plus modernes et dont on devrait être fier. Au lieu de faire
comme le ministre responsable des pêches, le député de
Beauce-Sud, qui a passé son temps à dire qu'on allait trop vite,
il devrait être fier qu'on soit allé vite. On ne veut pas revenir
aux bicycles à pédales sans vitesses, avec des vieilles
poignées, avec des vieilles sonnettes. J'imagine qu'il ne veut pas
revenir à cela. Il essaie d'aller vite dans les bicycles. Bien, pourquoi
on n'irait pas vite dans le poisson pour avoir un poisson plus moderne, avoir
des produits de meilleure qualité? C'est ce qu'on a
réalisé et on a été fier de le faire.
Dans les abattoirs on a fait une modernisation dans l'ensemble du
Québec dont peu de pays peuvent s'enorgueillir avec autant de
succès qu'au Québec. Cela nous donne la garantie que nos produits
sont meilleurs. Mais il faut travailler non seulement sur les bâtisses.
Les gens disaient qu'il ne fallait pas travailler seulement sur les
bâtisses. Il fallait aussi travailler sur les bâtisses. Il faut
travailler sur les bâtisses mais aussi travailler sur les produits.
Maintenant, normalement, dans ces secteurs, il reste encore au ministre
responsable - avant longtemps, je reviendrai sur cette question - de
décider que tout le secteur des pêches finisse sa modernisation.
Elle est quasiment terminée mais il en reste un morceau et il ne trouve
pas important que le gouvernement mette de l'argent là-dedans, surtout
sur la Basse-Côte-Nord, la Moyenne-Côte-Nord.
Si tous ces projets sont terminés, on trouvera au Québec,
dans le secteur alimentaire, des usines de première qualité. On
n'était pas gêné de faire venir les acheteurs
américains, de les inviter à venir voir nos entreprises. Je peux
vous dire - j'ai eu des félicitations - qu'on peut vendre de
l'électricité, mais, souvent, vendre du poisson coûte moins
cher d'investissement et cela fait travailler plus de monde. Les
Américains étaient estomaqués de voir toute la
modernisation qu'on avait chez nous parce qu'il faut faire cela.
Vous savez qu'en Europe, même quand on vend du poisson, on peut
montrer le bateau qui le produit et mettre la marque du bateau sur l'emballage.
Ici, au Québec, il faut faire la même chose. Il faut être
capable non seulement d'avoir modernisé des usines mais, maintenant, de
surveiller le produit. Dans le secteur des pêches, on a un système
pour analyser le produit, le poisson, d'un bout à l'autre, dans le
bateau, dont la cale maintenant est moderne et construite avec des
matériaux qui ne contamineront pas le poisson, dans les systèmes
de débarquement, dans les usines, dans les camions pour faire le
transport, qui va permettre de garder la qualité.
C'est la même chose dans le secteur des viandes. Il faut pouvoir
analyser le produit aussi et l'analyser à partir du lieu où se
fait l'élevage, chez les fournisseurs, les éleveurs qui vont
fournir des aliments médicamenteux, si on veut véritablement
faire en sorte que le consommateur mange un produit où il n'y aura pas
de résidus médicamenteux parce que quelqu'un qui achète de
la viande ne veut pas avoir les antibiotiques fournis dans la viande, il faut
avoir un système d'ensemble. (16 h 30)
Maintenant, nous avons adopté un ensemble de mesures au cours des
dix dernières années qui ont fait en sorte qu'on est les plus
avancés. Il manquait encore une loi que nous avions
présentée au mois de juin 1985 et qui n'avait pas
été adoptée. Je comprends. Je ne blâme personne
à ce moment, parce que l'Opposition voulait avoir le temps de
l'analyser. Cependant, au mois de décembre, en arrivant au gouvernement,
ils ne voulaient pas encore l'adopter parce que, entre le mois de juin et le
mois de décembre, je pense qu'ils ont fait autre chose que d'analyser
les lois qui étaient déposées au feuilleton.
Finalement, le ministre ne voulait pas non plus adopter la loi telle
quelle, parce que je pense bien qu'il voulait y mettre son fion. Finalement, le
projet de loi est annoncé parce qu'on n'a pas voulu un délai d'un
an. Le ministre nous avait demandé un délai d'un an. On a dit
non. Le délai d'un an est trop long. On craint qu'avec les mois qui vont
passer, avec un délai d'un an, on ne sente pas la pression assez forte
pour aller dans cette direction. Finalement, c'est un délai de huit mois
qui a été adopté, c'est-à-dire jusqu'à la
fin d'août. En adoptant ce projet de loi d'ici à la fin de la
semaine, avant la fin de la session, il sera possible de faire les
règlements pour que le tout soit en vigueur à partir du 1er
septembre.
Le ministre comprendra que les règlements vont être
nécessaires. Si on regarde le
projet de loi, on voit, par exemple, dans 16s premiers articles, qu'il
change certains paragraphes seulement en ajoutant, dans les définitions,
"et qui est désigné par règlement". Il a ajouté
beaucoup de pouvoirs réglementaires qui n'y étaient pas
auparavant, qui peuvent être nécessaires. Mais je me suis
étonné un peu, je me suis dit qu'il manque de coordination
quelque part puisque ce gouvernement trouvait toujours, lorsqu'il était
dans l'Opposition, qu'on réglementait trop. Il réglemente encore
plus que nous réglementions.
Autrefois, par exemple, on disait: Une maladie contagieuse, par exemple,
au paragraphe 2, signifie une maladie qui peut être transmise d'un animal
à un autre par contact direct ou autrement. Le gouvernement propose
d'ajouter "et qui est désignée par règlement". Une maladie
parasitaire signifie une maladie causée par un parasite, et on ajoute
"et qui est désigné par règlement". Je comprends que ces
termes se trouvaient ailleurs et que c'est un pouvoir réglementaire qui
est important. Pour prouver à quel point le pouvoir réglementaire
est important, je vais vous lire un article sur l'insémination
artificielle. L'article 12 qui remplace l'article 26: "Nul ne peut, pour
l'insémination artificielle d'un animal, prélever,
détenir, préparer, utiliser, acheter, échanger ou donner,
mettre en vente ou en dépôt, vendre dans un lieu quelconque,
transporter, faire transporter du sperme d'animal qui est impropre à
l'insémination -ce n'est pas tout le monde qui voit cela -ou qui ne
répond pas aux conditions de salubrité, de qualité, de
prélèvement, de conditionnement et de marquage
déterminées par règlement." C'est le règlement qui
va venir dire tout cela.
Là, le règlement, on ne l'a pas. Après cela, on
ajoute encore dans un autre article: "II est interdit d'utiliser, selon le cas,
pour la production, le conditionnement ou la conservation du sperme d'animal
ainsi que pour la mise en place de ce sperme dans le tractus génital
d'une femelle animale, un lieu ou un équipement qui n'est pas conforme
aux normes établies par règlement..." On est rendu dans le
tractus animal, et cela prend des règlements en plus. Vous vous imaginez
que ce serait peut-être une bonne chose qu'on voie le règlement,
parce que je suis persuadé qu'aucun député en cette
Chambre ne saura ce qu'il adopte s'il ne voit pas le règlement. Ce
serait absolument absurde d'adopter des lois qu'on ne comprend pas.
Je regarde l'article 28, pour vous donner un exemple, qui est un article
important: "Le gouvernement peut adopter des règlements pour:
déterminer les conditions dans lesquelles une personne peut faire le
commerce du sperme d'un animal, en garder en sa possession ou pour restreindre
ces activités ainsi que l'insémination artificielle d'un animal
à des catégories de personnes qu'il détermine - cela va
être encore dans le règlement - 2° déterminer les
catégories de permis ainsi que les droits, conditions et restrictions
relatifs à chaque catégorie..." Normalement, on trouve les
catégories de permis dans la loi. Là, le gouvernement s'est
donné ce pouvoir dans les règlements, alors que si vous regardez
la loi sur les abattoirs, si vous regardez la loi sur les usines de
pêche, ces pouvoirs étaient dans la loi, les catégories
d'usines étaient dans la loi. Mais, aujourd'hui, même les
catégories de permis ne sont plus dans la loi; elles vont être
dans les règlements. Imaginez-vous le pouvoir exorbitant que se donne le
gouvernement. Quand le gouvernement dit: On va être plus clair; on va
être plus transparent, le gouvernement du Parti libéral, au
contraire, fait en sorte que les catégories de permis vont se retrouver
dans le règlement.
C'est comme cela sans arrêt. Je continuerai en vous disant, par
exemple, de regarder seulement l'importance de ce que je vais vous lire.
Remarquez bien, je suis convaincu que l'Association des consommateurs ne pourra
pas admettre une chose comme celle-là; les associations de consommateurs
vont se renseigner; elles vont demander plus de sécurité que
cela; elles ne voudront pas laisser tout cela dans un pouvoir
réglementaire - à l'article 55.3, on dit: "Une personne ne peut
préparer un aliment médicamenteux pour ses propres animaux ou
pour les animaux dont elle a la garde, à moins d'être titulaire
d'un permis délivré à cette fin par le ministre."
Regardez bien ce qu'on dit après. "Le présent article ne
s'applique pas: 1° à une personne habilitée à
préparer un médicament en vertu de la Loi sur la pharmacie". Il
n'y a pas de danger la. "2° à une personne qui détient un
permis visé à l'article 55.2". Regardez bien cela: "3°
à une personne soustraite à l'obligation d'être titulaire
d'un permis selon un règlement adopté en vertu du paragraphe 2 de
l'article 55.9".
Vous allez voir à l'article 55.9. On dit: "Le gouvernement peut,
par règlement: soustraire une catégorie de personnes de
l'obligation d'être titulaire d'un permis pour préparer un aliment
médicamenteux pour ses propres animaux." Cela veut dire que, dans le
fond, tout le pouvoir qui est dans cette loi peut être enlevé par
un règlement, peut rendre à néant l'objectif de la loi et
c'est absolument anormal. Jamais, je n'ai vu dans un projet de loi un pouvoir
si grand de vider la loi de son contenu. Jamais, je n'ai vu cela en dix ans au
Parlement. Jamais, je n'ai vu une loi capable de vider autant la loi de sa
substance par un pouvoir réglementaire qu'on donne au ministre.
On est dans un domaine qui touche la
santé de tous les consommateurs du Québec. Tous les
consommateurs du Québec sont visés par ce projet de loi, parce
qu'il s'agit de la protection sanitaire des animaux, c'est-à-dire de la
viande qu'ils vont manger. À moins d'être
végétariens, tous les Québécois sont touchés
par ce projet de loi. C'est évident, quand on parle d'une loi et qu'on
voit un titre comme cela - La protection sanitaire des animaux - on pense qu'on
vise les perruches, mais ce n'est pas cela. On ne vise pas les perruches.
Au contraire, les perruches ont des chances d'être exclues, mais
je pense qu'elles ne le seront pas parce qu'elles peuvent contaminer elles
aussi. Vous savez que, par exemple, un des agents de contamination, ce sont les
chats, les chats qui se promènent un peu partout et qui, après
cela, grafignent. C'est souvent une cause de maladie. Pourquoi? Parce que la
protection sanitaire des animaux, c'est ce qui touche le monde le plus.
Il y a des maladies qui sont transmises par les animaux et il faut
contrôler plusieurs animaux qui ne concernent même pas les
consommateurs au point de vue de l'alimentation, mais qui peuvent transmettre
des maladies. Le contrôle des maladies et la protection sanitaire des
animaux visent d'abord la protection des consommateurs et des êtres
humains.
M. le Président, je vois que vous regardez l'horloge avec une
certaine intensité, mais je pense qu'il me reste encore 15 ou 20
minutes.
Le Vice-Président: Effectivement, M. le
député de Lévis, je ne regarde pas l'horloge avec plus
d'intensité et je ne voudrais pas que vous me prêtiez des
intentions. Je vous dirai que vous avez exactement jusqu'à 16 h 54 pour
faire votre intervention. Donc, vous avez exactement 15 minutes.
M. Garon: Je vous remercie, M. le Président, parce que
j'étais en train de raccourcir mon propos, alors que je suis dans le vif
du sujet. Je veux indiquer au fond, que ce règlement...
Une voix: C'est un long préambule.
M. Garon: C'est pourquoi il est important de voir les
règlements. Autant que les gens du parti ministériel, nous sommes
d'accord pour le principe d'une telle loi, mais à condition que la loi
existe. Nous sommes d'accord sur le principe d'une telle loi. Nous avions
même fait le dépôt de cette loi au mois de juin 1985. Le
ministre a fait des changements, mais il ne faudrait pas que ces changements
aient pour effet de vider la loi de sa substance. Nous sommes d'accord que la
protection sanitaire des animaux soit plus poussée au Québec.
Nous l'avons indiqué à plusieurs reprises. Nous avons
travaillé pendant des années pour arriver à ce projet de
loi et je sais à quel point il est nécessaire. (16 h 40)
Le ministre, qui a sûrement vu des statistiques et des analyses
concernant les problèmes de contenu médicamenteux dans les
animaux, je sait à quel point cette loi est nécessaire. Ce n'est
peut-être pas nécessaire d'ameuter tout le monde pour le faire,
mais il faut le faire. Le principe de cette loi sera voté à tour
de bras par l'Opposition, mais on va s'assurer en commission parlementaire que
les dispositions qui doivent se trouver dans le projet de loi pour faire en
sorte que l'objectif visé soit réalisé s'y trouvent. On ne
voudrait pas adopter une loi bidon, adopter une loi dans laquelle il y aura des
voeux pieux alors que le pouvoir réel d'administration se trouverait
dans les règlements sur lesquels on n'a pas de contrôle.
Ce serait facile, à ce moment-là, de détourner la
loi de sa fin. Il faut absolument que cette loi, pour les consommateurs du
Québec, soit appliquée. II ne s'agit pas de mettre les
contrôles les plus onéreux possible pour ceux qui auront besoin de
ces médicaments, il ne s'agit pas de rendre la vie le plus difficile
possible aux vétérinaires, aux pharmaciens, aux éleveurs
et même aux marchands de moulée qui vont préparer des
aliments médicamenteux. Il ne s'agit pas de leur rendre la vie
désagréable, mais il faut, pour la protection des consommateurs
du Québec, que ces dispositions veuillent dire quelque chose et que le
pouvoir réglementaire ne vienne pas défaire ces objectifs
souhaités par la loi.
Le pouvoir réglementaire est très important dans cette
loi, plus important que dans n'importe quelle autre loi. On trouve dans ce
pouvoir réglementaire des dispositions exorbitantes. Je ne dis pas que
c'est ce que le ministre veut faire, mais il pourrait le faire avec cette loi.
Il faut trouver dans la loi les dispositions les plus fortes. Les
catégories de permis devraient se retrouver dans la loi. On ne devrait
pas dire: C'est le gouvernement qui va déterminer les catégories
de permis. Je pense, par exemple, à l'article 14 où on dit:
"L'article 45 de cette loi est modifié: "1 par l'addition, dans le
premier alinéa, après le paragraphe n, du suivant: "o)
déterminer, parmi les dispositions d'un règlement adopté
en vertu du présent article, celles dont la violation est punissable aux
termes de l'article 55.44."
Voyez-vous cela? C'est le gouvernement qui va fixer les
pénalités par règlement alors qu'on ne connaîtra pas
les pénalités qui peuvent être encourues par celui qui
ferait une infraction à la loi. Ce serait quand même curieux que
toutes les mesures soient
adoptées en vertu de la loi, qu'ensuite la loi permette certaines
dispositions, certains objectifs, et que ce soit le règlement qui
viendrait déterminer non seulement les infractions, mais surtout les
pénalités. Il faut que les pénalités se retrouvent
dans le projet de loi. Le pouvoir de fixer les pénalités est un
pouvoir qui appartient à la loi. On trouve normalement le montant des
amendes dans les projets de loi.
Je ne comprends pas que le ministre de la Justice, qui se prétend
un homme éveillé, accepte que des pénalités
relatives à un projet de loi se retrouvent dans les règlements.
Voyons donc, ce n'est pas normal! On va parler de liberté de la
personne, des droits de la personne alors que par règlement on va
adopter les pénalités! Depuis quand? Je fais appel non pas au
ministre partisan, mais au professeur de droit d'autrefois qui écrivait
de beaux articles dans la revue du Barreau, que je me plaisais à lire,
où il expliquait les grands principes du droit. Depuis qu'il est
nommé ministre, je ne l'ai vu en appliquer aucun.
J'invite le ministre de la Justice, en vertu des règles normales
du ministère de la Justice, à examiner le projet de loi, à
voir si la force du pouvoir réglementaire est capable de vider toute la
loi de son contenu, à voir que les catégories de permis ne sont
pas fixées dans le projet de loi, que les infractions ne sont pas
fixées dans le projet de loi que tout cela va se faire par
règlement. Les députés - je ne parle pas des nouveaux
députés qui n'ont pas vécu ces dernières
années, mais de ceux qui étaient là - doivent se rappeler,
chaque fois qu'il y a eu vélléité de faire cela, à
quel point ils avaient les regards et les voix outranciers. Ils se levaient
scandalisés. Jamais un projet de loi n'aura permis autant de pouvoirs
réglementaires à tous les niveaux.
C'est ce sur quoi je veux attirer l'attention. Non pas parce que nous
sommes contre le projet de loi; nous sommes pour le projet de loi et l'objet de
la deuxième lecture, c'est de parler sur le principe. Nous sommes pour
le principe du contrôle des aliments médicamenteux, d'une
meilleure réglementation concernant l'insémination artificielle.
Le ministre a donné des chiffres... Je suis fier, au fond, car les
résultats qu'il a donnés pour 1985, ce sont un peu mes
résultats. Il a montré à quel point, au Québec,
l'insémination artificielle est utilisée, à quel point on
en exporte et le jour n'est pas loin où on exportera autant qu'on en
utilise au Québec. C'est une entreprise qui est rentable. On ne perd pas
d'argent avec le Centre d'insémination artificielle du Québec. On
verra à quel point ce travail a été
considérablement amélioré au cours des années. Mais
il faut absolument que les dispositions qu'on va mettre dans le projet de loi
soient publiques, qu'on ne réserve pas tout cela dans le pouvoir
réglementaire. Aujourd'hui, nous sommes seulement le 3 juin. On ne
partira pas d'ici avant le 20, peut-être le 23. Si le ministre veut
prendre une semaine de plus pour améliorer son projet de loi, pour faire
en sorte que les dispositions se trouvent dans le projet de loi plutôt
que dans les règlements, il aura le consentement de l'Opposition en ce
sens. C'est un projet de loi qu'on souhaite ardemment, on aurait voulu le faire
adopter à l'époque où on formait le gouvernement, mais il
y avait des résistances du côté de l'Opposition. Que
l'Opposition, qui est devenue le gouvernement ait voulu avoir un délai
additionnel, on ne l'en blâme pas. Cependant, maintenant que nous en
sommes à adopter le projet de loi, il faudrait que ce projet ait toute
la substance nécessaire pour qu'il puisse être administré
correctement. Le ministre sait à quel point c'est un secteur difficile.
Il sait que, lors du premier mandat de son premier ministre, le ministre de
l'Agriculture de l'époque a dû démissionner
là-dessus. M. Toupin a quitté le ministère de
l'Agriculture pour des questions d'inspection. Pourquoi? Pas parce que la loi
ne prévoyait pas le meilleur. La loi avait de bons objectifs sauf qu'il
n'y avait rien pour l'administration et que le problème est survenu pour
des raisons administratives.
Le ministre des Pêches à Ottawa, M. Fraser, a dû
démissionner. Je l'ai connu et je suis persuadé qu'il a
été mal pris avec l'administration de la loi.
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Lévis. Question de règlement, M. le ministre de
l'Agriculture.
M. Pagé: M. le Président, je veux strictement
rétablir les faits. Le député de Lévis devra
confirmer que jamais un ministre de l'Agriculture sous notre gouvernement n'a
dû démissionner en regard de cette question.
Le Vice-Président: M. le député de
Lévis, je vous cède la parole de nouveau.
M. Garon: Si le ministre de l'Agriculture veut que je sois plus
précis: après le scandale de la charogne en 1975 -tout le monde a
connu cela, il y a eu des films sur la CECO, la Commission d'enquête sur
le crime organisé - le ministre de l'Agriculture a été
muté au ministère des Terres et Forêts. En tout cas, je ne
peux pas lire dans la pensée du premier ministre, mais tous ceux qui ont
vécu ces années se rappellent que c'est à ce
moment-là que le ministre a été muté et personne
n'a douté que c'était à cause du scandale de la charogne.
S'il n'est pas écrit sur le papier où il y a eu le changement et
que le ministre de l'Agriculture a été muté pour cette
raison, je peux bien l'admettre. Mais tout le
monde, dans l'opinion publique, savait que le ministre de l'Agriculture
a été muté à ce moment-là parce que, sur le
plan administratif, son ministère avait été une passoire
terrible et qu'il avait eu des avertissements de ses fonctionnaires. Tout cela
est enregistré sur film. À l'époque, ce fut l'une des
émissions télévisées les plus populaires. Tout le
monde écoutait cela. Ceux qui se rappelleront l'année 1975 se
souviendront que tout le monde était devant la télévision.
Cela nuisait aux autres émissions de télévision, parce que
les gens voulaient voir ce qui se passait là-dedans. Je vois le
député de Matapédia qui parle de pertinence. Je dois vous
dire que c'est pertinent quand on parle d'inspection...
M. Lefebvre: M. le Président.
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Lévis. Question de règlement, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Sauf erreur, je pense qu'il reste au
député de Lévis environ deux ou trois minutes. Je
l'inviterais, à tout le moins, pour la fin de son intervention à
respecter la pertinence du débat.
Le Vice-Président: D'accord. Là-dessus, M. le
leader adjoint... H vous reste quatre minutes, M. le député de
Lévis.
Une voix: Trois minutes et demie.
Le Vice-Président: Je dois vous dire que le projet de loi
en cause concerne la protection sanitaire des animaux. Nous sommes dans un
sujet fort connexe à ce sujet. Je laisse la parole au
député de Lévis en le prévenant qu'il lui reste
exactement quatre minutes. (16 h 50)
M. Garon: M. le Président, il va me rester une minute de
plus parce que le temps que vous venez de prendre le député de
Portneuf, le leader adjoint de l'Opposition et vous pour répondre
à leurs questions, cela a pris mon temps. Le leader adjoint ne comprend
pas - c'est inquiétant - que ce dont on parle, c'est de la
qualité des aliments. Ce ne sont pas les fesses des ours dans le bois
qu'on veut protéger, elles ne sont pas mangées par les
consommateurs, ce ne sont pas non plus les animaux non comestibles que l'on
protège, ce sont les animaux comestibles. La protection sanitaire des
animaux vise des viandes qui seront consommées par les consommateurs.
Quand je parle de l'inspection des aliments et de la protection sanitaire des
animaux, je suis dans le vif du sujet. Si le leader adjoint du gouvernement
réagit ainsi, cela est inquiétant aussi, cela veut dire qu'il n'y
a pas véritablement de cohérence dans le caucus du Parti
libéral.
Je peux vous dire que c'est un secteur difficile, un secteur
risqué aussi. Comme ministre de l'Agriculture - je l'ai
été assez longtemps pour le savoir - je peux ajouter que c'est le
secteur le plus inquiétant pour un ministre de l'Agriculture parce qu'il
ne sait jamais ce qui va arriver. Il y a 400 inspecteurs sur le terrain et il
ne sait jamais ce qui peut arriver. Aujourd'hui, c'est mieux organisé
que ce ne l'était, c'est moins inquiétant que ce l'était,
mais c'est toujours inquiétant.
Vous avez vu que le ministre fédéral des Pêches a
dû démissionner pour une question d'inspection des aliments. On
est dans un secteur qui touche tout le monde au Québec, qui touche 6 500
000 consommateurs et ce projet de loi est l'un des plus importants qui seront
votés dans cette Législature. C'est pourquoi j'ai demandé
au ministre de l'Agriculture de nous fournir les règlements et
d'accepter, même si cela prend une semaine de plus - nous sommes pour le
projet de loi et nous allons l'aider à adopter ce projet de loi -
d'enlever des dispositions qu'on veut transférer aux pouvoirs
réglementaires. Il est important d'avoir ces dispositions dans la loi et
non pas dans les règlements. Un règlement, avec les pouvoirs
exorbitants que l'on trouve dans le pouvoir réglementaire... Je n'ai
jamais vu, en dix ans, une loi qui donne autant de pouvoirs
réglementaires. On peut vider une loi de sa substance.
Les pressions seront constantes sur le gouvernement, sur le ministre de
l'Agriculture afin que les règlements soient le moins exigeants
possible, alors que, dans ce secteur, qui touche tous les consommateurs du
Québec, les règlements et la loi doivent être très
exigeants. C'est pourquoi on faciliterait l'administration de cette loi si son
adoption était faite correctement, en analysant rigoureusement chacun
des articles, afin que le public québécois soit mieux
protégé par la protection sanitaire des animaux qu'un jour, ils
consommeront comme viande ou comme sous-produits dans des produits laitiers,
dans des produits laitiers transformés ou dans des produits qui
connaîtront plusieurs transformations. Si la contagion, la maladie, les
médicaments, les produits chimiques se retrouvent dans les aliments, ce
sont les consommateurs qui, au bout du compte, vont payer. Cette loi doit viser
non seulement à protéger les consommateurs, mais à faire
en sorte qu'il ne sera pas possible de la contourner.
C'est pourquoi, en terminant, je demande au ministre que certaines
dispositions fondamentales se retrouvent dans le projet de loi plutôt que
dans le projet de règlements et qu'en même temps, on puisse avoir
des copies du projet de règlements pour
faire une analyse sérieuse de cette loi. Je vous remercie.
Le Vice-Président: M. le député de
Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): En vertu de l'article 216, est-ce
que je pourrais poser une question au député de Lévis?
Le Vice-Président: D'accord, M. le député de
Matapédia. Est-ce que le député de Lévis accepte
une question du député de Matapédia? Cette question doit
être brève et la réponse doit également être
brève. M. le député de Matapédia.
M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président.
J'aimerais demander au député de Lévis, ex-ministre de
l'Agriculture, compte tenu de ses propos à l'égard des
pharmaciens tout à l'heure, dans son allocution, s'il n'a pas
reçu, en date du 2 octobre 1985, une lettre des pharmaciens demandant
que la juridiction sur la préparation et la vente des aliments
médicamenteux soit faite sous la surveillance d'un pharmacien, lettre
que j'ai ici?
Le Vice-Président: M. le député de
Lévis.
M. Garon: Le député aura l'occasion de
s'intéresser à cette question parce que l'Ordre des pharmaciens
est l'un des organismes susceptibles de venir devant la commission
parlementaire. Nous pourrons démontrer facilement, avec l'Office des
professions, à quel point personne ne s'est occupé de cette
question, pas plus les pharmaciens. Je ne les blâme pas de ne pas l'avoir
fait, parce qu'ils n'avaient pas les instruments et les facilités pour
le faire sauf que tout le monde s'est reposé sur les pharmaciens pour
faire cette tâche qui n'a pas été assumée. C'est
pourquoi le gouvernement a dû agir à un moment donné et
faire un moratoire pour prévoir un système qui fonctionnerait
plutôt qu'un qui ne marcherait pas, même si ceux qui étaient
habilités à le faire ne le faisaient pas.
Le Vice-Président: Merci, M. le député de
Lévis.
Je reconnais maintenant dans le débat sur le projet de loi 69 Mme
la députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, M. le Président. Le projet de loi 69
présentement à l'étude modifie la Loi sur la protection
sanitaire des animaux. Cette loi promulguée en 1935 a subi au cours des
années plusieurs modifications dont la dernière en 1982.
Toutefois, l'agriculture, comme les autres secteurs de
l'économie, évolue très rapidement et le projet de loi 69
permet l'actualisation de ladite loi, tenant compte de la diversification du
cheptel québécois. Il est important de protéger
aujourd'hui non seulement les animaux d'élevage mais également
les élevages où se pratique la fécondation des femelles
par transfert d'embryons.
Les maladies contagieuses ou parasitaires, comme on le sait, peuvent
être transmises également par le contact avec les animaux
contaminés et on doit prendre en considération les
périodes d'incubation plus ou moins longues. Il est donc important
d'étendre le pouvoir réglementaire du gouvernement afin de
protéger notre cheptel présent et futur. Une modification
permettra d'une part, de mettre à profit la compétence et la
connaissance des médecins vétérinaires dans la
détection des foyers de maladies contagieuses ou parasitaires et,
d'autre part, une meilleure concertation des différents intervenants,
que ce soit l'agriculteur, le transporteur, l'acheteur aussi bien que le
vétérinaire et l'inspecteur.
D'autre part, l'insémination artificielle a permis depuis 1948
l'accès à un capital génétique de haute
qualité, améliorant ainsi le cheptel québécois.
Bien qu'on puisse affirmer que la méthode de prélèvement,
de conditionnement, de conservation, de transport et de mise en place de la
semence soit au point, il nous faut dans ce secteur respecter les règles
d'hygiène et de salubrité à toutes les étapes
d'intervention.
La présente modification permettra entre autres aux
éleveurs de pratiquer eux-mêmes la technique de
l'insémination artificielle comme dans d'autres provinces canadiennes,
à condition toutefois qu'ils soient détenteurs d'un permis. De
plus, elle permettra de mieux adapter l'insémination artificielle au
cycle sexuel des animaux, de pratiquer davantage les croisements
génétiques ainsi qu'à l'éleveur de réaliser
des économies d'argent. D'ailleurs, les éleveurs verront
accroître leur accessibilité à la possession de sperme de
taureau hautement recherché au niveau international.
Les modifications consistent également à adapter les
pouvoirs réglementaires du gouvernement dans ce sens afin de s'assurer
des conditions de salubrité, de qualité de
prélèvement, ce qui est également très
important.
La troisième modification de la Loi sur la protection sanitaire
des animaux touche la préparation et la vente des aliments
médicamenteux. Depuis le 20 juin 1984, un moratoire avait
été imposé sur cette question, moratoire prolongé
jusqu'au 1er septembre 1986.
Comme on le sait, plusieurs médicaments sont introduits dans les
aliments
préparés par des meuniers ou par les éleveurs
eux-mêmes. Toutefois, les pharmaciens ne disposent pas de
l'équipement nécessaire pour produire ces aliments
médicamenteux en quantité requise par les élevages
spécialisés. La solution que nous envisageons permettra
d'autoriser des personnes autres que les pharmaciens à préparer
ou à vendre des aliments médicamenteux et cela avec permis, donc,
avec contrôle gouvernemental.
On assurera donc la disponibilité des aliments
médicamenteux aux éleveurs tout en garantissant un contrôle
de leur préparation et de leur distribution, tout en aidant à
prévenir la contamination des produits d'origine animale. (17
heures)
La dernière modification présentée dans le projet
de loi 69 consiste à abroger les articles sur l'inspection, la saisie
sur les permis, les appels et les infractions et peines. Ces dernières
modifications, j'en suis très heureuse, simplifient les dispositions
nécessaires à l'administration de la loi, facilitent la
tâche des inspecteurs et uniformisent les dispositions légales
relatives à la demande de permis.
En conclusion, Mme la Présidente, c'est un projet de loi qui
protège mieux nos animaux, mieux notre viande et mieux l'alimentation
des Québécois. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Charles Messier
M. Messier: Merci, Mme la Présidente. Je tenais, en tant
que député de la capitale agro-alimentaire, à m'associer
au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation au
moment de la présentation de ce projet de loi qui vise substantiellement
à modifier des sections de la Loi sur la protection sanitaire des
animaux, à étendre certaines dispositions et à clarifier
certaines obligations.
L'agriculture et les denrées représentent dans notre
économie québécoise une portion importante de notre
enrichissement collectif. Cet enrichissement collectif prend toute sa valeur
lorsque 80 % du revenu des agriculteurs en 1984 est lié à la
production animale. Vous comprendrez facilement notre ligne maîtresse qui
vise à assurer à nos agriculteurs la meilleure santé
possible de leurs animaux et aux consommateurs une qualité de nourriture
de très haut standard. Ce sera rendu possible avec les principales
modifications que notre gouvernement entend apporter.
Une de ces approches, c'est d'introduire une plus large catégorie
d'animaux, de les cataloguer selon les règlements et d'y inclure
d'autres espèces animales mises en élevage. De même,
les établissements de pisciculture devraient être assujettis
à cette nouvelle réglementation car les possibilités de
maladies contagieuses y sont très présentes.
L'apport vers une meilleure gestion de la santé animale doit
être transporté à la technique de transfert et du clonage
embryonnaire. La Faculté de médecine vétérinaire,
qui fête d'ailleurs son centenaire cette année, possède
cette expertise. Son programme de recherche est bien structuré et permet
de croire que, d'ici peu, dans d'autres domaines que celui des bovins, la
technique de clonage et de transfert d'embryons pourra s'élargir pour
les éleveurs de porc, de mouton, de chèvre, de cheval, etc.
D'autres dispositions s'ajouteront pour élargir le champ
d'application quant aux maladies contagieuses. Le gouvernement pouvait agir
uniquement sur les animaux atteints de maladies contagieuses et ne tenait pas
compte du caractère de transmissibilité de ces maladies. Nous
venons donc de corriger une situation qui était, à mon avis,
fondamentale car il faudra que le propriétaire d'un animal susceptible
d'avoir une maladie contagieuse avise un officier désigné. Comme
nouveau gouvernement, nous allons mettre l'accent sur la prévention des
maladies contagieuses.
Nous voulons aussi apporter des modifications à la section III de
la Loi sur la protection sanitaire des animaux qui concerne
particulièrement l'insémination artificielle. Il faut savoir, Mme
la Présidente, que plus de 65 % des 615 000 vaches sont
fécondées artificiellement. Les semences proviennent du seul
centre de récolte, de conditionnement et de conservation de la province
et c'est dans le comté de Saint-Hyacinthe, c'est-à-dire le CIAQ,
communément appelé le Centre d'insémination artificielle
du Québec. Des chiffres fort éloquents nous démontrent que
le CIAQ a produit pas loin de 3 000 000 de doses de semence en 1985. Les ventes
au Québec sont de 890 000 doses et 370 000 doses sont exportées
vers les autres provinces et même à l'extérieur.
La courroie de transmission chez l'éleveur du Québec est
constituée par les cercles d'amélioration du bétail qui
offrent à leurs membres des techniciens qui procèdent à
l'insémination artificielle. Par concordance, nous voulons
étendre aux producteurs la possibilité d'inséminer leurs
bovins afin d'assurer la meilleure qualité car nous avons
présentement cette excellente expertise. Nous sommes dans l'obligation
de leur demander d'avoir un permis car nous devons garder notre marque de
commerce. En échange, les éleveurs pourront réaliser des
économies fort importantes et pourront, à un autre niveau,
s'adapter au cycle sexuel des
animaux.
Un autre point qui fait foi d'une volonté d'agir concerne la
vente et la préparation d'aliments médicamenteux. Il appert que
le moyen le plus pratique et le plus efficace de soigner des animaux, c'est de
mélanger aux aliments les médicaments que requiert leur
état de santé. Par ce fait, le gouvernement doit garder en
tête que, si l'on suit la chaîne alimentaire, les consommateurs
retrouveront sur leur table la résultante de notre vigilance.
Enfin, Mme la Présidente, le respect ou le non-respect des
directives données par le fabricant peuvent finir, en fin de compte, par
une contamination du consommateur, car tous les médicaments sont
potentiellement toxiques.
Afin d'éviter une contamination, nous devons agir avec
célérité. Présentement au Québec, plus de
200 meuniers offrent le service de préparation des médicaments et
plus de 2800 éleveurs possèdent les équipements
nécessaires à la préparation de ces aliments. Après
évaluation de la situation et sachant que seules les personnes
habilitées à vendre des médicaments sont les pharmaciens
et que ceux-ci ne disposent pas des équipements nécessaires
à la production d'aliments médicamenteux en quantité
industrielle, le ministère veut étendre la possibilité de
vendre ou préparer des médicaments à d'autres personnes
munies d'un permis à cet effet, ce qui assurerait la
disponibilité plus grande aux éleveurs québécois
des aliments médicamenteux.
Une autre particularité reliée à cette modification
serait de restreindre la vente d'animaux ou l'abattage d'animaux ayant
reçu un médicament et que la période de résorption
n'est pas terminée.
En conclusion, Mme la Présidente, je crois fermement que les
nouvelles dispositions à la loi aideront l'ensemble du monde agricole et
contribueront à protéger davantage les consommateurs
québécois. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Hyacinthe. M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais
être très bref et mon intervention ne sera là que pour
sensibiliser le ministre à une carence dans les règlements pour
protéger davantage les animaux.
Je regarde la réglementation et le gouvernement peut faire des
règlements sur beaucoup de choses: pour régir la vente, la mise
en vente, l'exposition, la détention, le transport, pour fins de vente
ou d'échange d'animaux atteints d'une maladie contagieuse, statuer sur
des conditions de salubrité sur les écuries, etc., les
expositions, toujours pour protéger les animaux lorsqu'ils sont atteints
de maladies contagieuses.
Cependant, il y a une chose. Je voudrais sensibiliser le ministre sur un
seul point. C'est que, dans des cas où des propriétaires de
troupeau abandonnent leur troupeau, soit un abandon simple, soit à cause
d'une dette trop onéreuse, une faillite où il pourrait y avoir
plusieurs prêteurs, dans ce cas, les animaux, surtout les animaux de
ferme, sont laissés à eux-mêmes, ils sont en
détresse et les prêteurs se chicanent pendant assez longtemps pour
que personne ne réclame les animaux ou ne les vendent entre-temps.
Je ne vois pas de loi actuellement au Québec ni dans cette
nouvelle loi de protection un article qui protège ces animaux en
détresse. Pour ceux qui connaissent la ferme, vous savez très
bien que, si une vache n'est pas traite pendant une semaine, les
conséquences sont très graves. Alors, il n'y a rien dans cette
nouvelle loi qui protège ces animaux. Il faudrait peut-être faire
obligation au prêteur, quand il prête sur un troupeau, de
surveiller et, s'il y a abandon, quel que soit le prêt qu'il a fait,
qu'il en soit directement responsable. Je ne sais pas. Je crois que c'est au
ministre de légiférer dans ce sens pour protéger les
animaux de la ferme.
Si jamais il y avait dans cette loi un article pour protéger ces
animaux laissés à eux-mêmes, soit par pur abandon, soit
aussi parfois par décès, une succession qui ne s'occupe pas des
animaux qui sont laissés dans le testament, une ferme abandonnée
tout simplement soit par prêt ou soit par pur abandon, eh bien! ces
animaux ne sont pas protégés. Ce n'est que pour cette partie que
je trouve très importante sur la protection des animaux de la ferme que
j'interviens parce qu'on protège par la SPCA les animaux errants, les
chats, les chiens sur les routes et les animaux qui sont, en plus d'être
nourriciers, des grands fournisseurs autant en lait qu'en laine de la plupart
des Québécois. Dans nos lois, je crois que nous n'avons rien pour
les protéger lorsque des propriétaires, pour une raison ou une
autre, les laissent seuls ou les abandonnent. (17 h 10)
C'est juste pour vous sensibiliser à cela. Si vous apportiez un
amendement à cette loi quelque part ou un article spécial pour
protéger ces troupeaux en détresse afin que nous les sauvions
comme on se doit de le faire, je suis persuadé, M. le ministre, que
l'Opposition voterait avec joie cet amendement sans apporter aucune
difficulté. Merci beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Terrebonne. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, en réplique.
M. Michel Pagé (réplique)
M. Pagé; Merci. C'est avec beaucoup
d'intérêt, beaucoup d'attention que j'ai écouté mes
honorables collègues, et, plus particulièrement, les commentaires
du député de Lévis qui, au cours de l'heure qu'il a
occupée cet après-midi, a fait plusieurs commentaires sur le
projet de loi 69. Je retiens du débat en deuxième lecture que
l'ensemble des députés, et j'en suis fort satisfait, sont
d'accord avec le principe du projet de loi. La députée et les
députés qui sont intervenus ont indiqué la volonté
de cette Assemblée, une volonté clairement exprimée des
deux côtés de la Chambre, de souscrire au principe voulant qu'on
renforce les mesures visant un meilleur contrôle des aliments, non
seulement produits, mais mis en marché au Québec. On a
accepté le principe de mesures particulières visant, entre
autres, l'insémination artificielle, comme j'ai eu l'occasion d'y faire
référence. On sait que notre cheptel québécois fait
l'envie de ceux qui viennent nous visiter, la qualité
génétique de nos troupeaux fait l'envie de ceux qui viennent ici
au Canada et au Québec.
Le Québec a atteint, par la contribution, évidemment, des
producteurs, des différentes associations, la structure qu'on s'est
donnée, que ce soit pour le contrôle de la santé, que ce
soit pour l'insémination artificielle, par les politiques
gouvernementales, il faut en convenir. On a atteint un niveau d'excellence de
la production et on doit se donner et revoir occasionnellement des mesures
comme celles-là, afin de se donner les garanties que ce niveau
d'excellence soit, non seulement conservé, mais même
dépassé.
Le projet de loi fait référence, entre autres, à
tout l'aspect des aliments médicamenteux. Je ne veux pas revenir sur le
problème qui a été engendré par la situation de
droit qui prévaut depuis quelques années en vertu de laquelle ce
seraient les pharmaciens qui seraient habilités évidemment
à délivrer de telles ordonnances, à distribuer de tels
médicaments, à ajouter et prescrire l'ajout de tels
médicaments aux aliments. Cela a été établi. Le
gouvernement devait intervenir.
Un premier moratoire a été imposé. J'ai reconduit
ce moratoire comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation en décembre dernier. Les dispositions qui sont
prévues aujourd'hui dans le projet de loi 69 font en sorte qu'on se
donne maintenant une structure de droit qui engendrera une situation de fait en
vertu de laquelle le problème sera réglé. Le projet de loi
vise plusieurs moyens, plusieurs façons de s'assurer essentiellement que
ce que le consommateur mange dans son assiette soit de qualité
exceptionnelle, hors de tout doute, et qu'on se donne les meilleures garanties.
Et pour cela, j'apprécie que les députés de cette Chambre,
non seulement souscrivent au principe, mais soient conscients de l'importance
de la qualité du contrôle de la qualité de nos aliments,
non seulement pour le consommateur, parce que c'est primordial, c'est
essentiel, mais aussi pour l'ensemble de l'économie agricole.
Là où je dois sursauter, cependant, et j'ai
été très surpris, cela a été de voir les
critiques nombreuses qui ont été soulevées par le
député de Lévis. J'ai même pensé qu'il avait
découvert de vieux discours laissés ou abandonnés dans les
banquettes de l'Opposition. Lorsque celui-ci nous dit, entre autres, parce
qu'il a passé beaucoup de temps sur l'aspect des règlements... Il
en a fait des commentaires sur les règlements. C'était
inacceptable. C'était inopportun de la part du ministre de
présenter un projet de loi conférant autant de pouvoirs qui
doivent être exercés en fonction du pouvoir réglementaire.
Mme la Présidente, je dois vous dire que la loi qu'on a
déposée constitue l'ossature des objectifs à atteindre,
des moyens qu'on entend prendre pour les atteindre, mais la chair sur cette
ossature qui viendra nous permettre d'articuler cette loi, de la faire vivre,
de l'appliquer dans le milieu, doit s'appuyer, doit s'exercer par le pouvoir
réglementaire.
Le député de Lévis a tenté de nous donner
des leçons de morale en nous disant que, pour un projet de loi comme
celui-là, nous devrions déposer les règlements. Il a
même failli présenter une motion d'ajournement ou une motion de
report du projet de loi. C'est ce que je pensais, lorsque je l'ai vu parler
d'un délai d'une semaine.
Je dois dire ceci: Lorsque le député de Lévis
était le ministre de l'Agriculture, lors de la loi 48, la Loi sur les
pêcheries et l'aquaculture commerciales, lorsqu'il a
présenté devant cette Chambre la Loi sur la prévention des
maladies de la pomme de terre, les règlements n'ont pas
été déposés. Dans certains cas, les
règlements n'ont même pas été encore adoptés.
La loi 49, la Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits
marins et les aliments, jamais, selon les informations que je possède,
les règlements n'ont été soumis. Ils n'ont même pas
été adoptés durant le mandat, après que la loi fut
adoptée.
En ce qui concerne la Loi sur le mérite de la restauration et le
mérite du pêcheur, qui a été adoptée sous
l'ancien gouvernement, projet de loi présenté par mon
prédécesseur, les règlements sont en train de se faire.
Ils n'ont certainement pas été faits dans le temps de son
mandat.
M. le Président, on a fortement décrié le fait que
le règlement sur...
La Vice-Présidente: M. le député de
Lévis, je m'excuse.
M. Garon: Je pourrais soulever une question de règlement
et dire que si le député de Portneuf n'a pas les
règlements de la Loi sur le mérite du pêcheur et de la Loi
sur le mérite de la restauration, je pourrais lui en fournir une copie,
parce qu'ils sont faits depuis longtemps. Les projets de règlement sont
faits depuis longtemps...
M. Pagé: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le ministre.
M. Pagé: ...le député de Lévis, au
nom de l'Opposition aujourd'hui, veut exiger du gouvernement et m'adresse des
reproches, comme titulaire de l'Agriculture et à mon collègue de
la Justice, alors que si on a un exemple qu'on ne doit pas suivre comme
ministre, c'est bien l'exemple qui a été donné par le
député de Lévis, alors qu'il occupait la fonction de
ministre de l'Agriculture.
Vous n'avez pas témoigné de la plus grande des
transparences au chapitre du pouvoir réglementaire. On a l'intention de
faire plus et de faire mieux. Mme la Présidente, je n'ai pas eu besoin
des représentations du député de Lévis, parce qu'on
a un gouvernement de ce côté-ci de la Chambre qui est conscient,
qui est farouchement déterminé à être transparent,
à associer davantage, le plus possible, ceux et celles qui sont
concernés par les projets de loi à un processus de
réaction tout à fait démocratique en commission
parlementaire.
C'est pourquoi, dès le mois de décembre, j'indiquais
à cette Chambre qu'au moment de l'étude en deuxième
lecture du projet de loi sur la santé animale, je serais en mesure - je
m'étais engagé - de déposer, après la
deuxième lecture, tout l'aspect des règlements qui concerne
l'ajout d'un médicament aux aliments.
D'ailleurs, Mme la Présidente, je peux confirmer à cette
Chambre que d'ici jeudi en matinée, au plus tard, je pourrai faire
parvenir aux députés de la commission parlementaire et aux
groupes, aux associations, aux individus que nous rencontrerons la semaine
prochaine, le 10 juin prochain, en commission parlementaire, copie du projet de
règlement concernant toute la section des aliments médicamenteux
et, cela, soucieux que nous sommes d'être transparents, d'être
ouverts et, finalement, d'associer celles et ceux qui sont concernés par
notre projet de loi, qu'on puisse entendre leurs commentaires avant
l'étude du projet de loi en troisième lecture. (17 h 20)
Je ne voudrais pas prolonger indûment ce débat en
deuxième lecture. Je peux indiquer ceci, cependant: Le
député de Lévis nous a fait part de plusieurs
inquiétudes. Pour lui, c'était exorbitant, le pouvoir
réglementaire qu'on se donne. Je peux donner l'assurance suivante aux
membres de cette Chambre: Le pouvoir réglementaire n'est pas plus
envahissant, si je peux utiliser le terme, n'est pas plus important dans ce
projet qu'il ne l'était dans le projet de loi déposé par
mon prédécesseur. Nous aurons l'occasion en commission
parlementaire, lors de l'étude du projet de loi article par article -
c'est donc dire après les auditions du mardi 10 juin prochain - de
démontrer hors de tout doute le caractère sérieux, le
bien-fondé, le pourquoi des dispositions prévues au
présent projet de loi accordant un pouvoir réglementaire, lequel
n'est pas plus exorbitant que ce que l'ancien ministre avait lui-même
prévu dans le projet de loi qu'il avait déposé ici
à l'Assemblée nationale et qui n'a pas été
adopté.
Mme la Présidente, je ne reprendrai pas les propos du
député de Lévis qui en a profité, comme d'habitude,
pour sortir un peu du sujet, pour causer. Comme on le sait, le
député de Lévis est de commerce agréable, et c'est
pourquoi je n'ai pas soulevé de question de règlement, même
s'il était tout à fait en dehors du sujet. Cela avait quand
même un certain intérêt pour nous, compte tenu du
caractère intéressant et parfois pittoresque de ses propos.
Le député de Terrebonne a soulevé une question
très intéressante. Il demande aux législateurs du
Québec, à l'Assemblée nationale du Québec de
profiter de l'étude de ce projet de loi pour prévoir des
dispositions permettant une intervention immédiate, rapide, dans le cas
d'abandon d'animaux. Le problème est le suivant. Il y a certainement
pour nous un intérêt à intervenir. Cependant, les
dispositions législatives qui régissent actuellement de tels
actes s'inscrivent dans le cadre d'infractions prévues au Code criminel.
C'est en vertu du Code criminel du Canada qu'une intervention peut être
faite. Cependant, je peux prendre auprès du député de
Terrebonne l'engagement que cette question sera étudiée et nous
aurons l'occasion de discuter de sa proposition lors de l'étude du
projet de loi article par article en commission parlementaire.
En parlant des infractions, le député de Lévis se
dit surpris. Je dois dire que la loi précédente n'avait pas de
section particulière visant les infractions. La loi actuelle
prévoit plutôt des dispositions en vertu desquelles des
contrôles, des infractions peuvent être imposées aux
contrevenants à certaines dispositions de la loi. J'ai
préféré regrouper les infractions, les poursuites sous
l'égide d'une section particulière. Je donne suite aux
recommandations qui avaient d'ailleurs été formulées
à mon prédécesseur, selon les informations que j'ai de la
part des gens qui
siègent au comité de la législation, mais il avait
préféré maintenir une structure juridique d'infractions
qui apparaissaient un peu partout, des 10 $, 15 $, 25 $ et 100 $, alors que
nous croyons qu'il est plus judicieux d'intervenir par une section
particulière pour les infractions. L'objet des dispositions de cette loi
est important, c'est un secteur vital pour le consommateur du Québec,
pour l'économie agricole. Nous prendrons les moyens rigoureux pour nous
assurer que nos lois seront respectées. Cet objectif commandait
d'écrire une section particulière pour les infractions.
Mme la Présidente, voilà l'essentiel de la réplique
que j'avais à faire. J'ose espérer que le vote sera unanime sur
le principe. Nous serons disposés, mardi prochain, à entendre les
groupes, lesquels seront invités, soit dit en passant, dès demain
après-midi. Ils recevront copie du règlement concernant le volet
des aliments médicamenteux, et ils pourront compléter leurs
réflexions et leur analyse avant de venir témoigner ici mardi
prochain. Dès la fin de ces travaux, nous amorcerons - dès le
lendemain, j'espère bien - l'étude du projet de loi article par
article. On pourra alors reprendre chacun des reproches ou des
inquiétudes soulevées par le député de Lévis
qui, selon moi, a sorti aujourd'hui un vieux discours d'Opposition et nous l'a
purement et simplement livré. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le débat
étant clos, le principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur la
protection sanitaire des animaux est-il adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour
déférer le projet de loi 69 à la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.
J'avise cette Assemblée que la commission tiendra des auditions
particulières avant de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi. La liste des représentants
d'organismes qui devraient être entendus le mardi 10 juin 1986 sera
communiquée à l'Assemblée dans les meilleurs
délais, probablement demain, après consultation avec
l'Opposition.
Je voudrais en profiter, Mme la Présidente, pour
répéter un avis qui a été donné ce matin,
à savoir que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'ali- mentation poursuivra l'étude détaillée du projet de
loi 71, Loi modifiant la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations
agricoles, et ce, immédiatement jusqu'à 18 heures et, si
nécessaire, de 20 heures à 24 heures, le tout à la salle
du Conseil législatif.
Je vous demanderais maintenant, Mme la Présidente, d'appeler
l'article...
M. Chevrette: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que le leader adjoint du gouvernement me
permet une question? Je voudrais vérifier si j'ai bien compris tout
à l'heure. Le ministre a annoncé en cette Chambre dans son droit
de réplique qu'il avait l'intention de déposer la
réglementation et je n'ai pas saisi quel jour de la semaine prochaine il
avait l'intention de déposer le projet de règlement. Cela
pourrait avoir de l'importance, parce que, si c'est mardi, cela permettrait
à tous les parlementaires d'avoir le projet de réglementation
pour interroger les groupes qui seront convoqués.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Pagé: Mme la Présidente, j'ai indiqué que
les règlements concernant une section de la loi seraient disponibles tel
que je m'y étais engagé en décembre. C'est donc dire
qu'à compter de jeudi matin, au plus tard, je pourrai transmettre aux
membres de la commission et aussi aux invités qui viendront
témoigner le mardi 10 juin les règlements concernant l'aspect des
aliments médicamenteux, mais seulement cette partie de la
réglementation.
La Vice-Présidente: Est-ce que cela répond à
votre question, M. le leader de l'Opposition?
M. Chevrette: Oui.
La Vice-Présidente: Est-ce que la motion pour
déférer ledit projet de loi à la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation est adoptée?
M. Chevrette: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: L'article 3, Mme la Présidente.
Projet de loi 60
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 3, nous allons
donc reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 60,
Loi modifiant le Code de la sécurité routière. M. le
leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais tout
d'abord dire au ministre des Transports que l'Opposition adhère
totalement au principe de ce projet de loi. Vous savez sans doute qu'à
titre d'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux du
Québec, j'ai été à même de mesurer à
plusieurs reprises l'impact énorme de la conduite automobile sur le
bilan de la santé au Québec. Lorsqu'on regarde, par exemple, les
chiffres de 1985 et qu'on y observe 63 000 accidents de la route, soit 12 % de
plus qu'en 1984, je pense que ces chiffres sont d'une éloquence totale.
De ces 63 000 accidents, environ 45 000 ont causé des dommages corporels
dont 7700 blessures très graves et 54 000 blessures
légères aux personnes impliquées dans ces accidents.
Ce bilan en vies humaines et, dans bien des cas, en personnes
handicapées pour le reste de leur vie ou encore hospitalisées
temporairement est plutôt effroyable. Je pense que les gouvernements,
depuis déjà plusieurs années, se soucient de ce
problème, de cette calamité, si on peut s'exprimer ainsi, qui,
malheureusement n'est pas près de diminuer. Je pense qu'il nous faut
absolument inventorier la gamme des solutions possibles. On a essayé par
la prévention dans beaucoup de villes du Québec. Entre autres -
cela en a fait sourire plusieurs - dans la région de l'Estrie, à
Rock-Forest, on a utilisé des mannequins dans les autos-patrouilles pour
essayer de sensibiliser la population à la prudence. Cela n'a pas
porté tous les fruits escomptés. Le ministre nous présente
cette fois-ci un projet de loi dans lequel il insère des mesures un peu
plus radicales quant au montant des amendes pour les infractions. Je ne pense
pas que l'Opposition s'opposera au contrôle de ces actes criminels, loin
de là. (17 h 30)
D'autre part, j'espère que le ministre, lors de la commission
parlementaire... Cet exposé se veut une sensibilisation. Il y a eu des
exposés de faits en cette Chambre; je pense au député
d'Ungava qui a exposé quelques idées hier qui peuvent être
très intéressantes à traiter quant au permis de travail et
peut-être lors de la première infraction. Je demanderais au
ministre, d'ici les travaux de cette commission parlementaire, d'y songer
sérieusement parce que, dans bien des cas, il y a des circonstances
atténuantes qui peuvent de facto ou prima facie, à
première vue, être étudiées de façon
différente que de voir quelqu'un appliquer une loi de façon
radicale. À mon avis, cela mériterait d'être fouillé
un peu plus.
Il y a également la petite notion de l'oubli de renouvellement
comparativement à celui qui ne se conforme pas du tout à la loi.
Un simple oubli semble être traité sur le plan financier de la
même façon: 600 $ pour une infraction, un simple oubli. Je ne sais
pas, mais peut-être que le ministre aura des arguments pour dire: On doit
y penser, quand arrive l'échéance d'un permis de conduire; si
vous n'y pensez pas, tant pis pour vous! C'est possible, mais
j'écouterai le ministre là-dessus. Il me semble que c'est
peut-être un peu fort.
Il y a un autre aspect qui m'a frappé à la lecture de ce
projet de loi, c'est la récidive. Sur la récidive, le ministre
est clair et son projet de loi parle de lui-même. On a une excellente
occasion de dire aux gens: C'est fini, il n'y aura plus de folie
là-dessus, surtout pour les actes criminels. Je pense que l'Opposition
sera entièrement d'accord avec le ministre, qu'il ne s'inquiète
pas là-dessus. Cependant, pour les paroisses, les villes ou les milieux
frontaliers, est-ce que le ministre, lors de sa réplique ou à la
commission parlementaire, pourrait nous dire si le "racket" des permis de
conduire des autres provinces ne viendrait pas jouer dans le décor? Je
vous avoue qu'on n'en a pas parlé tellement en Chambre, mais on me dit
que c'est devenu une pratique assez courante dans certains milieux
frontaliers.
J'aimerais savoir quels sont les moyens à la disposition du
ministre des Transports pour éviter cette fameuse utilisation du permis
d'une autre province dans la province de Québec. On sait que ce peut
être le cas, par exemple, en Ontario, ce peut être le cas
même d'un permis américain, celui du Vermont, par exemple, pour
ceux qui sont à proximité du Vermont, ou encore du
Nouveau-Brunswick. J'aimerais savoir si le ministre a prévu des
mécanismes pour vérifier si ce "racket" n'est pas simplement la
soupape de ceux qui voudraient échapper aux règles de la province
de Québec?
Un dernier point là-dessus avant de donner la chance au ministre
de faire sa réplique. J'aimerais savoir du ministre s'il a fait faire
des évaluations par son ministère, par ses hauts fonctionnaires,
sur le nombre d'individus, de conducteurs québécois qui
pourraient se promener sur les routes du Québec sans permis de conduire.
Tout en étant d'accord avec le principe de la suspension des permis,
est-ce que la loi ne sera pas la cause, par le fait même - c'est une
question fondamentale qu'il faut se poser - s'il y a perte de permis de
conduire, de facto, qu'il y ait plus de gens sur les routes
sans permis de conduire?
Le ministre a-t-il fait évaluer par ses hauts fonctionnaires s'il
n'y a pas danger de revenir à peu près à la situation que
l'on a connue antérieurement à la Loi sur l'assurance automobile
où un grand nombre de conducteurs se promenaient, par exemple, sans
assurance au Québec? Comme il y a une partie de l'assurance qui est
reliée au permis de conduire, est-ce que le fait de suspendre les permis
de conduire n'aura pas pour effet - c'est une question que je pose, je suis
d'accord avec la mesure, je veux rassurer le ministre - n'y aura-t-il pas
danger que l'on retrouve sur les routes du Québec un très grand
nombre de conducteurs sans permis, donc, sans assurance, ce qui forcerait le
ministre, à mon point de vue, à revenir avec ce fameux fonds
d'indemnisation des victimes d'actes criminels que l'on avait
antérieurement, parce que les individus n'avaient pas le sou, n'avaient
pas d'assurance et que les victimes, pour avoir de l'argent, devaient faire une
réclamation au Fonds d'indemnisation des actes criminels du
Québec?
Ce sont là quelques questions. Bien sûr que nous aurons
à étudier en détail article par article ce projet de loi.
Recevez l'assurance que l'Opposition votera pour le principe de ce projet de
loi et proposera au ministre certains amendements, certaines clarifications et
certaines mesures susceptibles de bonifier ce projet de loi, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Joliette et leader de l'Opposition.
M. le ministre des Transports, en réplique.
M. Marc-Yvan Côté
(réplique)
M. Côté (Charlesbourg): Mme la Présidente, je
suis extrêmement heureux à ce moment-ci d'avoir la chance de
conclure sur le discours de deuxième lecture et de remercier en premier
lieu l'Opposition et les députés ministériels qui se sont
levés en grand nombre pour démontrer très clairement qu'il
était possible de faire l'unanimité autour de principes lorsque
la situation le permet et, dans ce cas-ci, au niveau du Code de la
sécurité routière.
Le discours de jeudi dernier en cette Chambre était très
clair et se voulait le plus limpide possible. Je conviens que ce ne sont pas
tous les députés qui ont la chance d'être dans les dossiers
de la même manière que le ministre l'est presque quotidiennement
avec cet ensemble de dossiers. Ayant eu à le défendre aux
comités ministériels, au Conseil des ministres, je possède
donc toute une série d'informations à ce moment-ci que je ne
pouvais, bien sûr, et dont je n'avais pas le temps de donner à
l'ensemble de la population et aux députés présents.
À l'étude article par article en commission parlementaire, il y a
donc toute une série d'informations que je pourrai transmettre à
la fois aux députés de l'Opposition et aux députés
ministériels qui s'interrogent sur un ensemble de points qui, je pense,
devront être discutés plus à fond en présence des
gens de la Régie de l'assurance automobile qui m'accompagneront lors de
l'étude article par article. Que ce soit par oubli, au sujet du permis
restreint, des problèmes frontaliers qui ne sont pas touchés par
ces problèmes-ci... J'en profite pour informer le député
de Joliette qu'il n'est pas possible d'obtenir un permis provenant de la
province de l'Ontario si vous ne déposez pas votre permis valide
provenant du Québec.
Ce que nous avons connu comme expérience il y a quelque temps, un
journaliste allant se chercher un permis à Hawkesbury en Ontario,
celui-ci n'a pas obtenu le permis après vérification puisqu'il
avait donné une case postale et que pour obtenir un permis de l'Ontario
il faut donner une adresse. Ne fournissant pas une adresse, il n'a donc pu
obtenir le permis. Il y a donc eu des échanges additionnels avec
l'Ontario pour tenter de colmater toutes les brèches possibles quant aux
permis et obligation est faite à celui qui va obtenir un permis de
l'Ontario de déposer copie du permis provincial. Si ce permis devenait
un permis suspendu, après échange d'informations avec la province
de Québec, l'Ontario poursuivrait l'individu et vice versa, compte tenu
des échanges que nous avons avec l'Ontario.
Effectivement, Mme la députée de Maisonneuve qui est
porte-parole et critique officielle de l'Opposition en matière de
sécurité routière, avait un certain nombre
d'inquiétudes sur les dossiers qu'elle a évoqués où
nous aurions dû intervenir à ce moment-ci. Cette démarche
de mesures qui interviennent à ce moment-ci vise des actes criminels. Je
l'ai fort bien dit et répété, c'est une première
démarche. D'autres viendront à l'automne à nouveau quant
au Code de la sécurité routière visant principalement le
port de la ceinture de sécurité de même que la
vérification mécanique, d'autres causes dans lesquelles on doit
intervenir pour baisser le coût des accidents.
Ce que nous avons voulu faire, c'est intervenir effectivement là
où 50 % des accidents sont causés par la boisson. C'est cette
première mesure que nous pouvions adopter dès maintenant pour
qu'elle soit appliquable au cours de l'été. Encore ce matin, dans
les journaux, on lisait: Neuf morts accidentelles hier sur les routes du
Québec. Excès de vitesse, boisson, etc. Regardez chaque jour,
chaque fin de semaine, selon les heures, du vendredi soir
jusqu'au dimanche matin, toute une série de personnes perdent la
vie ou ont des blessures sérieuses et le phénomène de
l'alcool est présent partout. (17 h 40)
Je suis heureux que l'Opposition ait donné son accord à
des mesures aussi - il faut bien le dire - draconiennes, des mesures
très dures que j'avais annoncées au mois de mars et au sujet
desquelles la presse disait que le ministre des Transports n'avait pas
lésiné. Je pense qu'il faut marquer un temps d'arrêt
à ce moment-ci pour bien signifier à tout le monde que le temps
des folies sur les routes est terminé.
Si j'ai bien lu et, dans certains cas, entendu les discours, tant du
côté ministériel que du côté de l'Opposition,
deux problèmes majeurs subsistaient quant à
l'impossibilité pour quelqu'un qui serait condamné en vertu des
quatorze points du Code criminel que j'ai évoqués lors de mon
discours de deuxième lecture d'obtenir un permis restreint. Cela causait
certains problèmes aux yeux de l'Opposition et l'exemple des camionneurs
donné par le député d'Ungava mérite qu'on s'y
attarde davantage.
Il faut se rappeler et ne jamais oublier qu'actuellement la personne qui
perd son permis de conduire parce qu'elle a eu 0,08 % d'alcool dans le sang n'a
pas la possibilité d'obtenir un permis restreint. Si c'est plus de 0,08
%, cette personne perd son permis et ne peut pas aller devant un tribunal pour
obtenir un permis restreint parce que c'est impossible. Le délai
aujourd'hui est de trois mois. Nous ajoutons à ces trois mois neuf
autres mois de façon que les gens réfléchissent. Si c'est
une cause de perte d'emploi, ce le sera aussi - ce l'est actuellement - parce
que déjà, dans le Code criminel fédéral, les
individus sont privés de la possibilité d'obtenir un permis
restreint. Donc, nous ajoutons neuf mois pour bien signifier que c'est
fini.
On dit souvent que pour l'alcool, il faut frapper dur. J'ai aussi eu des
recommandations. En circulant dans tout le Québec, j'ai rencontré
des individus qui disaient: Côté, tu y vas dur! Souvent aussi, des
camionneurs m'ont dit: Écoute! les fins de semaine on aime bien
ça, nous autres aussi, aller fêter; comme on n'a pas notre camion
pour travailler, on peut se permettre un peu plus de liberté. Bien, je
ne suis pas sûr de cela du tout et j'aurai beaucoup de plaisir à
dialoguer, à échanger des commentaires avec les
députés en commission parlementaire, parce que si le comportement
humain est tel pendant les fins de semaine lorsque vous êtes en
congé, vous risquez autant la vie des personnes sur la route que vous
pourriez éventuellement la risquer au volant d'un camion, je pense que,
dans ce sens-là, cela va prendre de l'argumentation additionnelle afin
de me convaincre qu'on puisse reculer là-dessus. Mais je ne suis pas
fermé et je pense que l'étude article par article, avec de
l'argumentation additionnelle de part et d'autre, nous permettra de cheminer et
peut-être d'éclairer davantage, par des faits, l'Opposition sur ce
qu'on devrait faire. Je ne suis pas fermé; nous allons en discuter.
Une remarque de mon collègue de Louis-Hébert m'a
impressionné. Je veux la répéter parce que je la trouve
vraie. Il disait: Le fait de pouvoir conduire un véhicule automobile ne
découle pas d'un droit fondamental, mais d'un privilège.
Effectivement, c'est un privilège aujourd'hui de conduire une automobile
ou un camion. Ce n'est pas un droit fondamental. À partir du moment
où on s'entend sur cette base, on ne lèse personne qui abuse d'un
privilège. Nous ramenons les choses à leur véritable
dimension. Ce que nous voulons, c'est protéger la vie de ceux qui
respectent les lois et règlements au Québec. Dans ce sens, cela a
été une remarque fort appréciée de la part de mon
collègue.
Lorsqu'on parle d'infractions criminelles, les 14 que j'ai
mentionnées, négligence causant des lésions corporelles,
je pense, aujourd'hui, que le temps a prouvé que nous devons agir de
façon définitive. La campagne de publicité menée
par la Régie de l'assurance automobile qui a pour thème
"L'alcool, c'est criminel" a, aujourd'hui, toute sa signification. Je n'ai pas
besoin de vous rappeler à ce niveau qu'il est encore extrêmement
facile d'obtenir un permis restreint et que 95 % des gens qui demandent ce
permis restreint l'obtiennent. Comme je l'ai dit, il s'agit d'avoir le meilleur
avocat et d'avoir un bon juge. À ce moment, tout est plaidable et,
finalement, on ne se gêne pas d'amener toute une série de
personnes pour témoigner en faveur du contrevenant.
Dans l'application de tout cela - cela fait référence a ce
qu'a dit Mme la députée de Maisonneuve et ce qu'a
répété le député de Joliette aujourd'hui -
combien y a-t-il de personnes qui, aujourd'hui, circulent sur les routes du
Québec et qui n'ont pas de permis? On évalue à peu
près entre 250 000 et 300 000 le nombre de personnes qui circulent sur
les routes du Québec sans permis. Est-ce que les mesures
proposées n'auront pas l'effet d'ajouter? Je pense que c'est une
question qui est très bien posée et a laquelle il faudra
répondre. Mais un premier élément de réponse est
que, dans la mesure où nous donnons au Code de la sécurité
routière toutes les dents qu'il faut, ainsi nous faciliterons le travail
des policiers qui pourront davantage arrêter les gens sans faire rire
d'eux sur les routes du Québec. Encore faudra-t-il que ce travail se
fasse et j'y reviendrai tout à l'heure.
Finalement, perdre un permis, ce n'est
pas la fin du monde non plus. Si vous voulez sortir - cela s'adresse a
l'ensemble de la population du Québec - pour aller prendre un bon coup
un samedi soir, un vendredi soir ou un dimanche, sortez avec des amis et
organisez-vous pour qu'il y en ait un dans la "gang" qui ne prenne pas un coup,
premièrement. Deuxièmement, il y a des taxis et,
troisièmement, il y a le transport en commun. Finalement, si vous
êtes dans un hôtel, il y a des chambres. De telle sorte que vous
allez protéger non seulement votre vie, mais la vie de ceux que vous
pourriez rencontrer sur les routes du Québec.
C'est aussi très important. Je vois le député de
Joliette qui acquiesce et qui dit que cela a bien du bon sens. Je pense qu'on
va sauver toute une série de victimes, donc des coûts
ultimement.
Certains disent: Effectivement, on gagne notre vie avec notre permis de
conduire. Ce que je réponds à cela: Si votre vie dépend de
la route, raison de plus de respecter les lois et de s'assurer que vous ne
mettez pas votre vie et celle des autres en danger. Là-dessus, c'est
clair. Nous verrons en cours de discussion article par article les amendements
ou les aménagements additionnels que nous pourrions apporter.
Le deuxième élément majeur sur lequel l'Opposition
a posé des questions était au niveau des amendes imposées
qui passent de 200 $ à 600 $ et de 500 $ à 2000 $. Je pense que
je pourrai, à ce moment-là, fournir certainement à
l'Opposition toute une série d'arguments et de statistiques qui
révéleront très bien ce que nous visons. C'est
véritablement d'inciter les récidivistes à ne pas
commettre d'autres bévues comme celle-là et leur dire que, bien
souvent, c'est par l'argent qu'on va réussir à les avoir. Et les
peines sont effectivement très sévères. La vision globale,
elle est claire. Nous voulons, dans un premier temps, inscrire notre
démarche contre les actes criminels. Nous allons, par la suite,
intervenir par d'autres amendements qui visent toujours la
sécurité routière dans le code à l'automne. Nous
allons - et nous avons déjà fait, dans certains cas -
publié deux règlements concernant le transport de matières
dangereuses, concernant les normes d'arrimage.
Nous publierons, très bientôt, une tarification
simplifiée des paiements, des permis, des immatriculations. Nous allons
continuer dans cette voie dans le domaine de l'éducation, par un
règlement régissant les cours de conduite automobile. Ce que nous
faisons maintenant, bien sûr, d'abord, nous rendons plus
sévères les peines, mais plus significatives aussi. Nous
simplifions nos lois, nos règlements pour les rendre plus faciles
à comprendre, d'abord, par ceux qui doivent les respecter et, ensuite,
par ceux qui doivent les appliquer. Donc, ce que nous visons, c'est une
application plus rationnelle, mais beaucoup plus rapide, beaucoup plus facile
de nos lois et règlements.
Deuxièmement, et la question a été posée,
elle a été soulevée, à propos: moyens pour faire
appliquer la loi. C'est clair qu'immédiatement on fait
référence aux policiers, aux corps de police qui ont à
appliquer cette nouvelle loi, ces règlements. Le plus bel exemple, je
l'ai donné en deuxième lecture, dans la région 03, avril
1985 par rapport à avril 1984, au-delà de 7000 infractions
additionnelles de distribuées par rapport à 1984, ce qui a
signifié une présence beaucoup plus soutenue des effectifs
policiers sur les routes et, dans ce sens -oui, on me signale que c'est 1986
par rapport à 1985 - cela a signifié très nettement une
baisse de 150 accidents, et, par conséquent, on a sauvé des vies
et des blessures majeures. (17 h 50)
II est possible, dans l'état actuel de nos lois, de faire mieux
avec ce que nous avons en simplifiant davantage nos lois, en y mettant
davantage, nous allons revaloriser le rôle du policier, et celui-ci
pourra faire son travail sans penser que, demain, quelqu'un qui n'a pas son
permis ou un récidiviste puisse passer devant lui en disant: On peut
contourner la loi et on peut obtenir un permis restreint quand on voudra, il
s'agit d'avoir le bon avocat et le bon juge. Nous avons donc limité
à son strict minimum la possibilité de l'obtenir et même
à l'automne, lors de la deuxième révision du Code de la
sécurité routière, nous allons aussi agir à ce
sujet pour bien baliser la possibilité d'obtenir ces permis restreints.
Encore là, il faut bien comprendre que la personne qui perdrait son
permis de conduire parce qu'elle a reçu quatre "tickets" et que cela
totalise au-delà de douze points n'est pas visée par les
amendements que nous présentons aujourd'hui. Elle pourra toujours
justifier devant le juge que son permis lui est nécessaire pour son
travail. À ce sujet, nous n'avons rien changé. À
l'automne, nous le baliserons davantage parce qu'il n'est pas normal que, dans
les cas de suspension d'un permis d'un individu pour infraction au code, 95 %
des personnes qui se présentent devant les tribunaux puissent recevoir
un permis restreint. Je pense qu'il y a une certaine balise et qu'il n'est pas
vrai que tout le monde a obligatoirement besoin de son permis pour travailler.
Un camionneur, j'en conviens, mais quelqu'un qui se rend au travail au
centre-ville n'a pas nécessairement besoin de son permis pour aller
travailler. Il y a du transport en commun et je pense que les règlements
sont là pour être respectés et ils le seront.
Donc, il y a un troisième niveau où il faudra intervenir:
Sur le plan de l'éducation. Je l'ai dit tout à l'heure et je le
répète:
Nous allons intervenir par un règlement sur les écoles de
conduite, celles-là mêmes qui forment les jeunes individus qui
vont chercher leurs permis et qui devront être beaucoup plus
sélectives et devront faire leur enseignement en fonction de l'ensemble
du Code de la sécurité routière et non pas en fonction de
questionnaires qui auraient été piratés par X individus
qui vont ramener telle question du questionnaire, tel individu, la
septième ou tel individu la dixième, de telle sorte qu'au bout de
deux semaines, certaines écoles de conduite puissent obtenir l'ensemble
du questionnaire et préparer le cours en fonction des questions
posées.
À celles-là, je dis: Préparez-vous, nous aurons des
surprises pour vous très bientôt. Évidemment,
l'éducation, oui, la sensibilisation, l'information du public et la
Régie de l'assurance automobile feront une bonne partie de ce
travail.
En terminant, Mme la Présidente, je veux remercier de
l'excellente collaboration que j'ai eue tout au cours de ces travaux -cela va
se poursuivre - la Régie de l'assurance automobile, tous ceux qui ont
travaillé, l'Opposition qui appuie les principes de ce projet de loi et
mes collègues ministériels qui sont intervenus en grand nombre
également pour souligner l'importance que le gouvernement attachait
à cette mesure.
En conclusion, je vous dis: Si sur le plan de l'éducation et de
l'information, on ne réussit pas à faire comprendre aux gens que
l'alcool au volant, c'est criminel, il convient maintenant de rendre nos
actions cohérentes avec notre pensée. C'est dans cette optique
qu'il nous fallait donner à la loi tout le sens que nous lui avons
donné. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Transports.
M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Mme la Présidente, en vertu de l'article 213
de notre règlement, j'aimerais poser une question au ministre des
Transports.
La Vice-Présidente: Effectivement, M. le
député d'Ungava, en vertu de l'article 213, il vous est permis de
poser une question au ministre des Transports. Mais j'aimerais vous rappeler,
M. le député d'Ungava et également M. le ministre des
Transports, que la question et la réponse doivent être
brèves. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, Mme la Présidente.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais d'abord
consentir.
M. Claveau: Merci de votre consente- ment. Est-ce que, à
la suite de ce que vient de dire le ministre, il a l'intention de
réviser l'ensemble de la législation concernant le camionnage en
général, peut-être d'une façon plus
spécifique le camionnage en vrac ainsi que le transport du bois en
longueur qui reste toujours une zone grise à l'intérieur de la
législation québécoise du camionnage.
La Vice-Présidente: M. le ministre des Transports.
M. Côté (Charlesbourg): Cela ferait l'objet d'une
très bonne question lors de la période des questions. Je pense
qu'on pourrait discuter très longtemps de l'incidence de la question que
vous posez par rapport à la sécurité routière. Il y
a effectivement un règlement qui existe sur le transport des
matières en vrac. On peut aussi parler des billots sur certaines routes.
D'ailleurs, j'ai reçu dernièrement des gens de l'industrie
papetière et de l'Association du bois de sciage qui ont fait certaines
revendications à ce sujet. Nous avons convenu de former avec le
ministère un comité qui analysera l'ensemble de cette
réglementation afin de la rendre plus conforme aux exigences
d'aujourd'hui.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des
Transports.
Le débat sur le projet de loi 60 est donc terminé et nous
allons passer à l'adoption du principe. Est-ce que le principe du projet
de loi 60, Loi modifiant le Code de la sécurité routière,
est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour
déférer le projet de loi 60 à la commission de
l'aménagement et des équipements pour étude
détaillée.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, étant donné
l'heure...
M. Chevrette: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...est-ce que vous annoncez le report ou si on doit
vous en faire la demande? La ministre arrive, cela va.
M. Lefebvre: J'allais demander la suspension des travaux, mais
étant donné l'arrivée de Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux, nous allons passer au débat de fin
de séance.
Débat de fin de séance
La Vice-Présidente: Effectivement, en vertu des
règlements de cette Chambre, le président a reçu un avis
demandant un débat de fin de séance. J'aimerais informer les deux
partis, à savoir le député de Gouin et Mme la ministre de
la Santé et des Services sociaux, qu'ils ont un droit de parole de cinq
minutes chacun et que le député de Gouin a droit à une
réplique de deux minutes.
M. le député de Gouin.
Deniers réduits au programme de soins dentaires
pour les enfants
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. En
annonçant une coupure de l'ordre de 8 000 000 $ à 20 000 000 $ au
programme de soins dentaires pour les enfants, la ministre de la Santé
et des Services sociaux indiquait une fois de plus de façon très
claire que la santé dentaire des enfants du Québec se situait au
dernier rang de ses priorités personnelles. C'est un choix politique
qu'a effectué la ministre de la Santé et des Services sociaux que
d'appliquer cette coupure budgétaire au programme de soins dentaires
plutôt qu'à un autre programme de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec ou plutôt qu'à un autre poste
budgétaire de son ministère qui, rappelons-le, a un budget de
l'ordre de 8 000 000 000 $.
Si la santé dentaire des enfants du Québec était
importante, si cette santé dentaire était prioritaire pour la
ministre de la Santé et des Services sociaux, elle aurait
protégé pleinement le programme actuel de soins dentaires qui,
faut-il le rappeler, de l'avis de tous, a fait ses preuves, puisqu'il a permis
aux Québécois de voir leur état général de
santé dentaire s'améliorer considérablement au cours des
dernières années et pour lequel les enfants du Québec ont
encore des besoins importants puisque, là aussi, l'ensemble des
intervenants reconnaît que nous avons encore du rattrapage à faire
en cette matière.
Mais, pour la grande responsable de la santé des
Québécois et des Québécoises et des familles
québécoises, comme ministre responsable de la famille, il est
évident que le dossier de la santé dentaire des enfants du
Québec n'est ni une priorité politique ni une priorité
budgétaire. D'ailleurs, cette coupure a suscité l'opposition
unanime de tous les spécialistes du domaine de la santé dentaire
et des différentes associations familiales du Québec, donc de
tous ceux et de toutes celles qui se préoccupent de la santé
dentaire des enfants du Québec, pour qui c'est une question
importante.
Toutes ces personnes sont venues s'opposer fortement à cette
décision. Cette nouvelle coupure de la ministre de la Santé et
des Services sociaux dans le programme des soins dentaires met fin aux deux
examens annuels qui étaient payés jusqu'à maintenant par
la Régie de l'assurance-maladie. Maintenant, il n'y aura qu'un seul
examen payé. Cette décision va à l'encontre de la pratique
de la dentisterie, de l'enseignement dispensé en la matière dans
les universités du Québec, du Canada et des États-Unis et
des recommandations de l'ensemble des spécialistes du domaine. Tout le
monde reconnaît que, pour des enfants, deux examens annuels sont
nécessaires, souhaitables pour une bonne santé dentaire.
D'ailleurs, personne, aucun spécialiste n'est venu appuyer la
décision de la ministre. Tout au plus, la ministre a-t-elle
réussi à trouver quelques spécialistes qui s'interrogent
sur l'absolue nécessité d'un tel programme de deux examens par
année.
D'autre part, il faut rappeler que cette compression budgétaire
ne représente pas que 8 000 000 $ de coupures, mais bien n'importe quoi
entre 8 000 000 $ et 20 000 000 $ et je m'explique. Un examen annuel pour les
enfants du Québec, c'est vrai, c'est 8 000 000 $. Mais lorsque les
enfants se présentaient à cet examen chez le dentiste, celui-ci,
à l'occasion, dépistait des caries. La réparation des
caries était assurée et elle est toujours assurée par la
Régie de l'assurance-maladie. Elle représente une somme d'environ
12 000 000 $.
Or, les enfants ne se présentant pas chez le dentiste pour ce
deuxième examen, on ne dépistera pas de caries et on les
réparera encore moins. Donc, l'économie totale pour le
gouvernement du Québec de cette coupure n'est pas de 8 000 000 $, mais
bien de 8 000 000 $ à 20 000 000 $. D'autre part, il faut rappeler que
ces études que la ministre a tenté de citer ne sont
sûrement pas très convaincantes, puisqu'elle a maintenu deux
examens par année pour les enfants dont les parents sont
bénéficiaires de l'aide sociale.
Nous, du Parti québécois, sommes d'accord avec cette
mesure, puisque nous souhaitons que tous les enfants du Québec
bénéficient de deux examens chez le dentiste par année,
tel que c'était le cas sous un gouvernement du Parti
québécois.
Il faut rappeler aussi, Mme la
Présidente, qu'il s'agit là de l'introduction d'un ticket
modérateur de 23 $ pour donner accès aux enfants du Québec
à des soins dentaires dans bon nombre de cas. Donc, il faut conclure que
c'est la fin de la gratuité, que cela réduit
l'accessibilité au programme parce que des gens n'auront pas les moyens
de payer cet examen; finalement, c'est la fin de l'universalité
puisqu'il y aura deux catégories de citoyens, les enfants dont les
parents sont bénéficiaires de l'aide sociale et les autres
enfants du Québec, alors que l'universalité veut dire tout le
monde sur un pied d'égalité. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
Mme la Vice-Présidente: Merci, M. le député
de Gouin. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. On vient
d'avoir une autre démonstration de la capacité quasi incroyable
de démagogie du député de Gouin. Quand il vient nous dire
- je vais reprendre la dernière remarque - qu'on vient d'introduire un
ticket modérateur parce que les bénéficiaires de l'aide
sociale vont continuer à être couverts et que les autres ne le
seront pas, peut-il nous dire ce que son gouvernement a fait quand il a
coupé la restauration pour les enfants de 13, 14 et 15 ans, mais qu'on
l'a gardée pour les bénéficiaire de l'aide sociale?
Une voix: Exact.
Mme Lavoie-Roux: II nous dit: C'est la dernière des
priorités, pour la ministre de la Santé et des Services sociaux,
que la santé dentaire. Je dirais: Ce gouvernement n'avait pas de
priorités, puisqu'en 1982, il a coupé pour 30 000 000 $ dans les
services de santé dentaire, sans compter que l'actuel chef de
l'Opposition avait même proposé à son gouvernement - il
était ministre de la Santé et des Services sociaux dans le temps
- l'abolition totale des programmes de soins dentaires.
Cela dit, je pense que la population n'est pas dupe des
exagérations du député de Gouin. Il est important pour la
population de savoir que le programme de santé dentaire pour les enfants
est conservé tel quel sauf pour cette coupure de 8 000 000 $ sur un
programme global de 71 000 000 $. La seule différence, c'est que les
enfants ne pourront avoir recours qu'à un examen au lieu de deux, mais
que le reste des services, ce qui inclut les services diagnostics pour les
groupes d'âge jusqu'à quinze ans inclusivement, les services de
restauration pour les enfants de zéro à douze ans, les services
de prévention dont seuls les enfants de douze à quinze ans sont
couverts par le programme, les moins de douze ans étant visés par
le programme public de services dentaires préventifs...
Mme la Présidente, c'est donc ce que je veux dire à la
population et c'est ce qui intéresse la population. L'ensemble du
programme de santé dentaire pour les enfants, tel qu'il existe, sauf
pour la réduction de deux à un examen par année, est
conservé dans sa totalité. Je voudrais rappeler également
que de toutes les provinces du Canada, les deux seules autres provinces qui ont
un programme comparable au nôtre sont la Nouvelle-Écosse et
l'Île-du-Prince-Édouard où on n'a qu'un examen dentaire par
année.
M. le député de Gouin peut bien se réclamer de
l'appui des spécialistes et de l'Association des dentistes du
Québec, mais ils étaient prêts, eux, à troquer cet
examen contre la disparition totale de tout service d'examen et de
dépistage, pour les enfants de treize, quatorze et quinze ans qui n'ont
absolument rien d'autre à leur disposition.
M. le Président, je suis contente de dire à la population
que, non seulement le programme est réduit de deux examens à un,
mais qu'il couvrira encore tous les autres programmes actuels et que, pour
notre gouvernement, contrairement à l'Opposition alors qu'elle
était le gouvernement, la priorité, c'est la santé. J'en
veux comme preuve que nous avons ajouté cette année dans le
budget global de la Santé et des Services sociaux 465 000 000 $ alors
que l'autre gouvernement qui était là avant n'a fait que couper
et couper au point que quand nous avons pris la relève, nous avons
dû ramasser les pots cassés.
Mme la Présidente, je suis contente de dire à la
population: Vous pouvez continuer d'amener vos enfants chez le dentiste.
J'espère que vous allez les amener en plus grand nombre et que la
santé dentaire, non seulement dans le cabinet du dentiste, mais
également dans la vie quotidienne, deviendra une priorité pour
l'ensemble des familles québécoises. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux. M. le député de Gouin, en
réplique.
M. Jacques Rochefort (réplique)
M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. D'une part, je
souligne que, encore une fois, la ministre de la Santé et des Services
sociaux n'explique pas pourquoi c'est sur le programme de soins dentaires
qu'elle a appliqué sa compression budgétaire. Donc, elle nous
explique encore une fois que c'est sa dernière priorité.
Deuxièmement, Mme la Présidente, quand la ministre de la
Santé et des Services
sociaux vient mêler les notions de ticket modérateur, comme
elle vient de le faire, et d'universalité, je pense que c'est
l'illustration de l'improvisation totale qui a marqué sa promesse
électorale de maintenir l'universalité, l'accessibilité et
la gratuité. Parce que, Mme la Présidente, lorsqu'on doit payer
23 $ pour asseoir son enfant sur une chaise de dentiste pour qu'on puisse, par
la suite, dépister des caries à réparer pour lesquelles
l'État paiera, cela s'appelle un ticket modérateur de 23 $ pour
tout le monde qui sait de quoi il parle en la matière. La
décision de la ministre, Mme la Présidente, vient défaire,
vient annuler les efforts nombreux, les énergies considérables
que les Québécois et les Québécoises ont investies
dans la santé dentaire de leurs enfants depuis un certain nombre
d'années, qui ont donné des résultats et dont nous avons
encore besoin, comme société, pour poursuivre la marche que nous
avons amorcée il y a quelques années.
Je rappellerai aussi, Mme la Présidente, qu'en 1982 - ce que la
ministre oublie de dire souvent - en faisant des compressions
budgétaires comme on l'a fait alors que nous étions dans la pire
crise économique que le Québec ait connue depuis 1929, nous avons
étendu le programme de prévention dentaire à 100 % des
enfants du Québec, puisque nous avons instauré un programme en
milieu scolaire, dans les garderies, réalisé par des
hygiénistes dentaires qui sont rattachés à des CLSC. Que
la ministre en fasse donc autant pour les enfants du Québec et
là, on pourra noter qu'elle a enfin reconnu qu'il y a une
priorité en la matière et qu'elle pose un geste concret et
positif dans le sens de l'amélioration de la santé dentaire des
enfants du Québec. Mais jusqu'à maintenant, Mme la
Présidente, nous notons que c'est la dernière de ses
priorités et la ministre devra porter longtemps cette
responsabilité. Merci.
Une voix: Bravo! Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Gouin. Le débat de fin de séance étant clos, nous allons
suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 9)
(Reprise à 20 h 3)
Le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous
plaît! M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je vous
demanderais d'appeler l'article 36 du feuilleton.
Projet de loi 58 Adoption du principe
Le Président: À l'article 36 du feuilleton, M. le
ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la
Science propose l'adoption du principe du projet de loi 58, Loi sur
l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants.
M. le ministre de l'Éducation, vous avez maintenant la parole.
M. Claude Ryan
M. Ryan: En présentant, aujourd'hui, le projet de loi 58,
le gouvernement du Québec veut mettre un point final à une phase
mouvementée de notre histoire linguistique. Il veut permettre que nous
abordions ensemble, Québécois de toutes origines, de toutes
conditions sociales et de toutes allégeances politiques, les
défis de l'avenir dans un esprit de concorde, de commune acceptation de
la loi et de solidarité plus forte que jamais devant les tâches
qui nous attendent. Un peuple divisé contre lui-même est
dangereusement affaibli, un peuple dont les citoyens de familles aux racines
anciennes n'ont pas l'aptitude à développer chez leurs
concitoyens ayant des racines plus récentes la conviction qu'ils sont
chez eux et reçus sur un pied d'égalité avec tous les
autres ne saurait être qu'un peuple insécure et incertain. Un
peuple, enfin, où tous, quelle que soit leur origine, leur langue, leur
culture ou leur religion, qui ne se sentirait pas traité avec
dignité et compréhension, est un peuple voué aux
déchirements internes et à l'affaiblissement devant les
défis de l'extérieur.
La langue française est la langue commune de tous les
Québécois, elle est notre trésor le plus précieux,
c'est pourquoi nous sommes fiers de la parler non seulement dans cette Chambre,
mais également dans nos foyers respectifs, dans nos milieux de travail,
dans notre activité culturelle, dans nos syndicats et associations
diverses, à la radio, à la télévision, à
l'école, au collège, à l'université. C'est
pourquoi, aussi, nous voulons que cette langue commune soit parlée non
seulement par les francophones, mais aussi par tous ceux et toutes celles qui
se réclament du beau titre de citoyens et citoyennes du Québec.
Ces pensées ne sont la propriété exclusive ni du Parti
libéral ni du Parti québécois ni de quelque association
que ce soit. Elles nous sont communes. Elles font partie de ce trésor de
valeurs largement acceptées parmi nous qui constituent notre raison
d'être et notre raison de fonctionner comme peuple francophone sur le
continent nord-américain.
C'est en m'inspirant de ces pensées que je veux présenter
à l'Assemblée nationale le
projet de loi 58 sur l'admission de certains enfants à
l'enseignement en anglais. Je voudrais démontrer que la solution
proposée dans ce projet de loi à un problème très
épineux, gui n'a cessé de nous hanter tous depuis plus de neuf
ans, est la plus susceptible de nous conduire à une unité accrue
et surtout de mieux nous éguiper à nous engager ensemble vers la
conguête des défis qui nous invitent à nous tourner, non
pas vers le passé, mais vers l'avenir.
Pour bien saisir le problème auguel nous faisons face et la
solution gue préconise le gouvernement, il faut d'abord situer le
problème dans une juste perspective historique. Il faut ensuite examiner
les avantages et les inconvénients de la solution proposée. Tels
sont les deux thèmes majeurs gue j'entends examiner dans cette
intervention. Je crois gue nous serons ensuite en mesure de conclure gue la
solution gue propose le gouvernement est d'emblée la plus humaine, la
plus réaliste, la plus démocratigue, la plus simple, la plus
efficace à court terme et enfin la plus susceptible, pourvu gue nous y
mettions l'effort de compréhension reguis, de renforcer notre
volonté commune d'envisager l'avenir dans un esprit de solidarité
et de collaboration et aussi dans un esprit de commun attachement actif
à la pleine observance de la Charte de la langue française.
Lorsgue nous avons pris le pouvoir le 2 décembre dernier, il se
trouvait encore dans les écoles publiques anglaises du Québec,
surtout dans la région de Montréal, quelque 1500
élèves qui, selon la loi 101, auraient normalement dû
être inscrits à l'école française. Contre la
volonté du législateur, contre la volonté du gouvernement,
la fréguentation de l'école anglaise par ces enfants
commença dès le milieu de septembre 1977, c'est-à-dire
dès la première année de l'entrée en vigueur de la
Charte de la langue française. Envers et contre tous, cette
présence s'est maintenue depuis ce temps, si bien gu'aujourd'hui, il se
trouve plusieurs personnes au Québec gui ont fait toutes leurs
études primaires et secondaires en anglais d'une manière non
conforme aux exigences de la loi 101 et gue l'on trouve encore aujourd'hui
quelque 1500 élèves qui sont dans la même situation
d'illégalité présumée au sein des écoles
anglaises. Ces élèves sont en très forte majorité
d'origine autre gue française ou anglaise. Très peu d'entre eux
sont d'origine française. Selon les données gue l'on trouve
à ce sujet dans le rapport Rondeau, il s'agit pour la plupart d'enfants
dont les parents sont d'origine italienne, portugaise, chinoise, grecque ou
asiatique, dans cet ordre d'importance. La très grande majorité
de ces élèves sont, à n'en point douter, des enfants
d'immigrants. Dans la plupart des cas, leurs parents sont en effet venus
s'établir au Québec entre 1960 et 1977. Autre
caractéristigue de ces élèves, leurs parents
n'étaient peut-être pas citoyens canadiens au moment de
l'entrée en vigueur de la loi 101, mais, aujourd'hui, ces parents sont
des citoyens canadiens dans une proportion gue le rapport Rondeau
établit à 91 %. (20 h 10)
Rien n'autorise à penser, M. le Président, gue les parents
de ces élèves dits illégaux soient des citoyens moins
respectueux des lois que les autres. Ils sont au contraire, de commune
renommée et de manière très générale, des
pères et des mères de famille exemplaires, des travailleurs
industrieux dans leur milieu professionnel dont la plupart sont d'ailleurs de
condition modeste, des paroissiens fidèles au sein de leur
communauté religieuse, des membres actifs dans leurs associations
ethnigues respectives, des citoyens qui s'acguittent de toutes leurs
obligations, fiscales, légales et autres, envers la
société. En un mot, rien, sauf la situation scolaire
particulière de leurs enfants, ne permet de les distinguer de leurs
concitoyens. Il en va de même, à plus forte raison, de leurs
enfants gui ont été pargués dans des écoles
anglaises pour des raisons que nous examinerons tantôt. Ni ces
élèves ni leurs parents ne sont des malfaiteurs. Ils ne sont pas
davantage des transgresseurs des lois au sens habituel du terme. Non seulement
n'ont-ils retiré aucun profit de la situation où ils se trouvent
maintenant, mais ils ont dû subir maintes conséguences
négatives qu'elle entraîne. Ils se sont également
imposé des sacrifices financiers et autres importants comme prix
à payer pour la situation où ils sont installés.
Pourguoi ces citoyens se sont-ils retrouvés dans la situation que
nous déplorons tous? Pourquoi cette situation a-t-elle duré aussi
longtemps? Pourquoi le gouvernement précédent s'est-il
révélé impuissant, de 1977 à 1985, à faire
disparaître cette situation? Voilà ce qu'il nous faut d'abord
chercher à comprendre si nous voulons vraiment saisir la nature du
problème auquel nous faisons face.
Cette histoire commence avec une tendance qui s'était fortement
implantée dans la région montréalaise au lendemain du
deuxième conflit mondial. Entre les deux guerres mondiales,
l'immigration en provenance de l'Europe continentale avait été
fort réduite en nombre au Québec. L'intégration des
immigrants en provenance de pays d'Europe continentale s'était
plutôt faite du côté francophone. En tout cas, aucun
problème grave d'assimilation à la communauté anglophone
n'avait été signalé de ce côté avant la
période de l'après-guerre.
Avec les années quarante-cinq et cinquante, on observe toutefois
un change-
ment prononcé. De plus en plus, les enfants de foyers
d'immigrants prennent la route de l'école anglaise, si bien qu'au
début des années soixante les enfants de foyers d'immigrants
avaient pris l'habitude de fréquenter l'école anglaise dans une
proportion supérieure à 85 % tandis que les écoles
franco-catholiques demeuraient passablement fermées à l'accueil
d'enfants en provenance de milieux autres que canadiens-français. Les
écoles anglo-catholiques et anglo-protestantes manifestaient à
l'endroit de ces enfants une grande ouverture et une capacité
d'adaptation . considérablement supérieure, si bien qu'au
début des années soixante l'école anglaise apparaissait de
plus en plus comme une véritable passoire servant de lieu d'assimilation
à la minorité anglophone pour les enfants d'imigrants.
Comme cette tendance avait atteint un point que plusieurs
considéraient critique et qu'elle coïncidait avec un
fléchissement marqué de la natalité chez la
majorité francophone, un mouvement d'opinion de plus en plus fort
réclama l'abandon de la politique de libre choix qui avait toujours
présidé au Québec à l'orientation scolaire des
enfants.
Une première tentative de redressement fut esquissée par
le gouvernement d'Union Nationale que présidait Jean-Jacques Bertrand en
1969 avec la loi 63. Cette loi voulait promouvoir la fréquentation
accrue de l'école française par les enfants d'immigrants, mais
elle voulait le faire par le recours à la persuasion plutôt
qu'à la coercition. Elle entendait mettre nettement l'accent sur la
valorisation de l'école française, mais elle ne créait
aucune contrainte particulière pour les parents au moment du choix de
l'école de leurs enfants. Quelques années plus tard, il fallait
se rendre à une triste évidence. La loi 63 n'avait pratiquement
rien changé. Elle avait débouché dans plusieurs endroits,
en particulier... On s'en souvient sans doute dans la municipalité de
Saint-Léonard, située au nord-est de Montréal, sur des
perturbations sociales souvent marquées de violence et très
inquiétantes.
La tendance vers l'école anglaise chez les immigrants
était demeurée pratiquement au même point. La
deuxième tentative de redressement fut mise en oeuvre par le
gouvernement libéral de Robert Bourassa avec la loi 22. Cette loi
entendait restreindre l'accès de l'école anglaise en subordonnant
l'admission d'un enfant à l'école anglaise à son attitude
à recevoir l'enseignement dans cette langue. Elle instituait aussi
certaines formes de contingentement quant au nombre d'élèves
pouvant être admis à l'école anglaise. Le chapitre de la
loi 22 traitant de la langue d'enseignement fut jugé inacceptable par
les éléments nationalistes qui y virent un refus de faire face au
problème. Elle fut également jugée inacceptable par les
milieux anglophones et les communautés ethniques du Québec qui la
jugèrent trop sévère. Elle fut, nous nous en souvenons
tous, l'une des causes majeures de la défaite du Parti libéral
aux élections de 1976.
La troisième tentative de redressement fut enfin tentée
par le gouvernement du Parti québécois avec la loi 101. Cette
loi, adoptée à la fin du mois d'août 1977, introduisait un
critère nouveau plus concret, plus simple d'application et plus
limitatif quant à ses conséquences possibles pour l'admission
à l'école anglaise. Il s'agissait du critère de
l'école primaire fréquentée par les parents au
Québec même. Aux parents ayant fréquenté
l'école anglaise au Québec, la loi 101 reconnaissait le droit
d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. À tous les
autres, de façon générale, elle enjoignait d'inscrire
leurs enfants à l'école française.
Le critère de la fréquentation de l'école primaire
anglaise au Québec devait se révéler, à
l'expérience, pratique et efficace. Nul ne songe, aujourd'hui, à
le mettre de côté même s'il comporte des conséquences
pratiques auxquelles nous devons être attentifs et auxquelles le projet
de loi que nous présentons aujourd'hui propose un remède
réaliste et fort modéré.
En introduisant ce critère de la fréquentation de
l'école primaire anglaise, le gouvernement du temps modifiait
profondément les règles du jeu, auxquelles s'étaient
habitués les citoyens du Québec. Il introduisait des germes
importants de division au sein même des communautés ethniques chez
lesquelles les liens familiaux, nous le savons, ont une importance très
grande.
Aussi, de nombreux observateurs recommandèrent-ils au
gouvernement de l'époque de procéder en cette matière avec
tact et doigté, de mettre le temps de son côté, d'appliquer
graduellement sa nouvelle politique de manière à en effacer toute
forme de discrimination ou de rétroactivité réelle ou
apparente.
Trois ans plus tôt, la Commission d'enquête sur la langue
française présidée par M. Gendron, après avoir
soigneusement examiné le problème du choix de la langue
d'enseignement, avait conclu qu'il fallait abandonner la liberté de
choix et obliger les francophones et les nouveaux venus au Québec
à orienter leurs enfants vers l'école française.
L'enquête qu'avait conduite la commission Gendron l'avait rendue
consciente des dangers de perturbation sociale que ce changement de cap
menaçait d'entraîner. Aussi, la commission Gendron avait-elle
recommandé que le gouvernement s'accorde une période de
transition de trois à cinq ans pour procéder à
l'implantation de la nouvelle politique qu'elle réclamait? (20 h 20)
Vers la même époque, la communauté italienne, par
l'intermédiaire de la Fédération des associations
italiennes du Québec, s'était déclarée
disposée à accepter un changement majeur de politique en
matière de langue d'enseignement. Elle acceptait qu'à l'avenir,
la langue d'enseignement soit déterminée par voie
législative, elle renonçait aussi au principe du libre choix en
matière de langue d'enseignement, mais elle demandait, en contrepartie,
que toute nouvelle législation s'applique aux immigrants de l'avenir et
non point à ceux du passé. Elle demandait aussi que toute
nouvelle législation n'ait aucun effet rétroactif pour les
immigrants déjà implantés au Québec.
De manière plus concrète encore, évoquons le
contexte précis dans lequel fut adoptée la loi 101 et dans lequel
fut entreprise sa mise en application. Cette loi fut adoptée, je l'ai
rappelé tantôt, à la fin d'août 1977. Il fut
décrété du même coup que son application se ferait
dès la rentrée des classes en septembre de la même
année, c'est-à-dire quelques jours à peine plus tard. Or,
déjà, l'inscription des élèves en vue de
l'année scolaire 1977-1978 avait eu lieu le printemps
précédent. Elle avait eu lieu en février et en mars sous
l'empire normal de la législation alors existante et de nombreux
parents, qui avaient déjà inscrit leurs enfants à
l'école anglaise, en conformité avec la loi existante, se
voyaient très rapidement, d'un trait de plume du législateur, je
dirais même brutalement, retirer ce droit rétroactivement par
l'effet de la loi 101. Ils étaient mis en demeure de se conformer
immédiatement à la loi 101 sans autre avertissement.
Le gouvernement avait été prévenu de nombreuses
sources des dangers inhérents à cette manière inhumaine et
fort peu réaliste de procéder. Il avait été
invité à faire montre de souplesse et de discernement par de
nombreux observateurs, y compris celui qui vous parle. Il avait lui-même,
en Chambre, pris l'engagement de faire montre de souplesse au chapitre de
l'application de la loi. C'est néanmoins dans un contexte chargé
de tension, d'appréhension, de méfiance et de crainte que l'on
entreprit l'année scolaire en septembre 1977. Moins familiers avec notre
contexte politique, profondément opposés à l'option
séparatiste qui formait alors la trame de fond de toute l'action
gouvernementale qu'on nous ressassait à l'époque à tout
propos et pour toutes sortes de prétextes, convaincus, à tort ou
à raison, d'avoir été victimes d'une mesure à
caractère rétroactif, de nombreux parents d'immigrants
décidèrent alors de garder leurs enfants dans les écoles
anglaises où ils les avaient légalement inscrits avant l'adoption
de la loi 101.
Telle fut l'origine du problème des élèves
illégaux auquel nous faisons face aujourd'hui. Ce problème
commença dans une atmosphère de drame, dans un climat de haute
tension culturelle et sociale, dans un contexte caractérisé par
des appréhensions profondes et invincibles dans l'immédiat quant
aux intentions du gouvernement du temps et aux conséquences qui allaient
découler de ses actions pour l'avenir du Québec.
Le gouvernement ayant refusé de faire montre de la souplesse qui
lui avait été recommandé, il lui incombait de faire en
sorte que dans le secteur de l'enseignement comme dans les autres, sa loi soit
fidèlement observée. Il lui incombait de prendre les moyens
nécessaires pour qu'il soit mis fin rapidement à la
présence illégale dans les écoles anglaises
d'élèves dont le nombre fut rapidement estimé à
près de 3000. Mais, au lieu d'agir comme il en avait les moyens et comme
tout gouvernement en a les moyens lorsqu'il le veut, le gouvernement de
l'époque préféra faire montre d'impuissance sinon
d'indifférence.
Pour des motifs dont on doit reconnaître l'inspiration
civilisée, le ministre de l'Éducation du temps refusa de recourir
à la force pour évincer les élèves illégaux
des écoles anglaises. Pour des motifs inhérents à sa
philosophie politique, il refusa par ailleurs d'adapter, d'ajuster sa loi et
son action à la situation nouvelle qui avait surgi, si bien qu'au bout
d'un certain temps, le ministre de l'Éducation de l'époque en
était réduit à enregistrer en cette Chambre l'aveu le plus
triste, la profession d'indifférence la plus lamentable et la plus
inhumaine qu'on n'ait probablement jamais entendue en cette enceinte. Je le dis
avec d'autant plus de regret que cet aveu venait d'un homme hautement
civilisé par ailleurs. Les élèves en question,
affirma-t-il un jour en cette Chambre, sont aux yeux du gouvernement des "non
persons", c'est-à-dire des non existants, des personnes qui n'existent
tout simplement pas. On peut ne pas aimer une personne. On peut nourrir
à son endroit des pensées chargées d'animosité. On
peut même agir à son endroit de manière injuste. On peut
être tenté de la dépouiller de son bien. Mais peut-on
être plus dur à l'endroit de son prochain qu'en niant son
existence même, en lui refusant le droit d'exister même s'il existe
bel et bien?
Telle était pourtant la position absurde à laquelle le
gouvernement de l'époque s'était lui-même acculé par
son entêtement originel et, par la suite, par son impuissance chronique.
Le gouvernement refusa dès le départ de reconnaître
l'existence des élèves illégaux. Il refusa en
conséquence de leur accorder le moindre statut légal ou
administratif, la moindre subvention, la moindre reconnaissance
académique, la moindre attention. Il n'eut pas le courage en
contrepartie de prendre les moyens qui eussent été
nécessaires pour mettre fin à
cette situation qui était, de toute évidence,
profondément inacceptable et profondément injuste à long
terme pour les enfants concernés.
Qu'à partir d'une position aussi déplorable on en ait
été conduit à assister d'année en année
à la reconduction du problème des illégaux, cela n'a rien
d'étonnant. C'est le contraire qui eût été
surprenant, M. le Président. Il y eut bien, en 1981, l'enquête
confiée à Me François Aquin et les recommandations qui
s'ensuivirent, mais le mandat confié à l'enquêteur
était trop limité et l'enquête de ce dernier demeurait trop
éloignée des motivations profondes des milieux concernés
pour donner des résultats valables. Aussi, déboucha-t-on sur des
recommandations qui n'eurent aucun effet appréciable sinon que le
gouvernement dépensa quelques millions à s'entêter à
vouloir les faire appliquer quand même.
En 1983, peu après avoir assumé le rôle de
porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation,
j'entreprenais une étude approfondie du problème des
élèves illégaux. Le ministre de l'Éducation de
l'époque, M. Camille Laurin, m'assurait qu'il accueillerait avec
intérêt les résultats de cette étude dont j'avais
pris la peine de le saisir personnellement. Or, quelques mois plus tard, je
publiais un rapport détaillé de cette étude en
l'accompagnant de recommandations précises à l'intention du
gouvernement. Ce rapport se heurta malheureusement à une totale
indifférence de la part du ministre et du gouvernement. Jamais je ne pus
même obtenir une réaction explicite aux propositions qu'il
contenait. (20 h 30)
Nous fûmes ainsi conduits jusqu'à l'élection de
décembre dernier sans que, après neuf ans, rien de sérieux
n'ait été entrepris pour résoudre le problème des
illégaux. Le nombre des illégaux avait certes diminué vu
que, depuis 1981, seuls les frères et soeurs des élèves
déjà dans les écoles anglaises de manière
illégale avaient été admis dans les écoles
anglaises. On avait cessé d'admettre des enfants en provenance d'autres
familles que celles qui avaient déjà des enfants dans ces
écoles. Mais il restait encore, à la fin de décembre,
quelque 1500 élèves illégalement présents dans les
écoles anglaises dont plus des trois quarts - je porte ce fait à
l'attention de nos amis de l'Opposition - étaient présents soit
au secondaire, soit au deuxième cycle du niveau
élémentaire, ce qui complique singulièrement la
proposition qu'on formule souvent de les transférer purement et
simplement du côté de l'école française. On n'en est
plus au début du problème, il a vieilli considérablement,
le vin a pris une tout autre tonalité depuis ce temps.
Le Parti libéral du Québec s'était engagé,
lors de la dernière campagne électorale, à apporter une
solution humaine au problème des élèves illégaux.
Il avait parlé d'une solution équitable, juste et rapide. Il
n'avait pas pris d'autres engagements que celui-là. Tout ce qu'on lui
impute de part et d'autre, au-delà de ceci, ne se trouve aucunement dans
les engagements que nous avons présentés à la population
à l'occasion de la campagne électorale. Peu après que nous
eûmes pris le pouvoir, il m'apparut évident, en ma qualité
de ministre de l'Éducation, que nous devions agir rapidement sur ce
problème, sous peine de contribuer à notre tour à son
pourrissement.
Aussi, m'apparut-il que nous avions le devoir d'apporter une solution au
problème dès avant la prochaine année scolaire,
c'est-à-dire à temps pour que les élèves qui se
présenteront aux écoles en septembre ne soient plus en
présence de ce problème. Avant d'agir, je voulus toutefois
m'entourer de l'avis d'un groupe de travail formé de personnes
sérieuses, compétentes et très bien informées des
problèmes reliés à l'intégration des enfants des
communautés ethniques dans notre système scolaire,
présidé par M. Jean-Claude Rondeau, ex-directeur
général de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. M. Rondeau fait partie du personnel de mon cabinet politique.
J'en suis fier et j'ose espérer que ce n'est pas diminuer la
qualité d'une personne que de l'inviter à faire partie du cabinet
politique du ministre de l'Éducation.
Je ne formais pas ce groupe de travail pour qu'il refasse le travail que
j'avais fait trois ans plus tôt, mais pour qu'il en vienne à
examiner les avenues d'action qui s'offraient à nous et qu'il me propose
des choses concrètes. Le fond du problème, nous l'avions
examiné et résumé depuis fort longtemps. À M.
Rondeau, vinrent s'adjoindre M. Michael Macchiagodena, directeur
général adjoint de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, M. Gérald Brown, qui est directeur des services aux
anglophones au ministère de l'Éducation du Québec, M. Jeff
Polenz, qui est agent de liaison à mon cabinet politique auprès
des communautés ethniques et de la communauté anglophone, et,
finalement, M. William Cusano, député de Viau.
Le groupe fut formé le 21 février. Deux mois plus tard,
soit à la fin d'avril, il me soumettait un rapport dans lequel il
recommandait que l'Assemblée nationale décrète une
amnistie générale pour tous les élèves inscrits
illégalement dans les écoles anglaises.
Il me faudrait citer au complet ce document empreint de réalisme
et de générosité pour en faire apprécier la valeur.
Je me bornerai, vu le peu de temps dont nous disposons, à citer les
passages suivants qui illustrent très bien, à mon humble point de
vue, l'esprit général du rapport. Après
avoir fait l'examen de toutes les données du problème, le
comité Rondeau en arrive aux conclusions suivantes: "Nous sommes
d'accord avec l'orientation générale de la loi 101 qui vise
à faire du français la langue normale et habituelle du travail,
de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires dans le
respect des institutions de la communauté québécoise
d'expression anglaise et celui des communautés ethniques. Nous croyons
que des modifications tout a fait mineures à la loi 101 pourraient
permettre de corriger certaines anomalies et de régler en même
temps le cas d'un certain nombre d'élèves illégalement
admis à l'école anglaise. Nous sommes persuadés que la
situation d'illégalité quant à l'admission à
l'école anglaise a assez duré et qu'une solution doit être
apportée pour la prochaine rentrée scolaire. Les motifs sont les
suivants. "La présence d'un grand nombre d'illégaux dans
certaines écoles anglaises cause de graves problèmes, parfois
majeurs, de places-élèves dans ces écoles. En outre,
l'organisation scolaire s'avère de plus en plus compliquée. Les
élèves qui terminent leurs études secondaires ne peuvent
pas se présenter aux examens du ministère de l'Éducation
et ne peuvent pas obtenir en conséquence de certification de leurs
études. Les parents doivent fournir une contribution financière
qui devient plus lourde à supporter après plusieurs
années. Le système scolaire, enfin, vit dans un état
d'hypocrisie institutionnelle prolongée qui est peu conforme avec nos
valeurs démocratiques. Voilà autant de motifs qui justifient -
c'est toujours le comité qui parle - une intervention, au besoin,
extraordinaire de l'Assemblée nationale."
Le comité continue: "Nous ajoutons foi à l'engagement des
membres de plusieurs associations anglophones à l'effet de ne plus
admettre d'élèves illégaux à l'avenir si le
gouvernement apporte une solution pour l'ensemble des cas actuels. Nous
suggérons toutefois que des mesures draconiennes accompagnent la
solution de ce problème de manière à éviter la
répétition du phénomène dans l'avenir. Nous sommes
convaincus que la solution adoptée par le gouvernement doit rejoindre la
totalité des anglophones et des allophones présents
illégalement dans les écoles anglaises. Il est cependant
difficile de ne pas inclure en même temps les francophones de vieille
souche qui n'ont jamais accepté la fin de la politique du libre choix."
Et le comité recommande que l'Assemblée nationale
décrète une amnistie générale pour tous les
élèves illégalement admis à l'école
anglaise, pourvu qu'ils s'identifient à leur commission scolaire au plus
tard le 15 mai 1986. Les membres du groupe de travail sont d'avis qu'il est
trop tard pour adopter des mesures sélectives qui obligeraient à
faire une étude de chaque dossier d'élève. Il aurait fallu
pour cela en arriver à une décision au plus tard au mois de
décembre. Il était trop tard pour envisager une solution
pratique, une solution efficace à ce moment de l'année, à
moins qu'il ne s'agisse d'une solution à caractère très
général.
Ceci m'amène, M. le Président, à vous parler de la
position qu'a décidé d'adopter le gouvernement avec le projet de
loi 58. Ayant moi-même préconisé en 1983 des solutions plus
nuancées, plus diversifiées que celles que préconisait le
rapport Rondeau, je fus d'abord étonné de la recommandation
principale du document. J'ai décidé de l'étudier
attentivement et de la comparer à d'autres solutions possibles de
manière à m'assurer que c'était bien la seule
manière pratique, efficace et transparente de régler le
problème une fois pour toutes. De concert avec le gouvernement, je me
suis finalement rallié à la solution que préconisait le
rapport Rondeau et ce pour les raisons suivantes.
Tout d'abord, la solution est bien simple. Il s'agit que tous les
enfants qui sont dans les écoles anglaises de manière
illégale à l'heure actuelle, qui l'étaient en date du 15
avril dernier, présentent, par l'intermédiaire de leurs parents,
une demande d'admission régulière à l'école
anglaise à leur commission scolaire. Celle-ci transmettra la demande au
Bureau d'admissibilité, qui fonctionne sous l'autorité du
ministre de l'Éducation, et, après s'être assuré que
les enfants concernés ont bel et bien suivi pendant tout le temps
passé à l'école anglaise les programmes d'étude
approuvés par le ministre et reçu une formation en
conséquence, ils pourront être considérés comme
étant régulièrement admis à l'école
anglaise. C'est l'essentiel de la solution. Il y a un autre point dont je
parlerai tantôt si le temps m'en est laissé, mais je pense qu'il
vaut la peine de se concentrer sur l'essentiel.
Pour l'avenir, nous disons: II n'y avait pas de sanction suffisante dans
la loi 101. Le gouvernement précédent aurait pu en mettre des
sanctions plus fortes. Il n'a pas voulu. C'est son choix. Je ne lui fais pas de
procès. Mais nous autres, nous nous sommes dit: Si nous réglons
le problème, nous allons en même temps prévenir tous les
intéressés qui ne recommenceront qu'à leurs risques et
périls. C'est pourquoi nous introduisons dans le projet de loi 58 des
sanctions beaucoup plus sévères que celles qui étaient
prévues de manière générale dans la loi 101.
Pourquoi cette solution? J'admets que c'est une solution d'exception. Je ne
serais pas prêt à la recommander tous les jours; loin de
là. Je crois que c'est une solution qui est tout à fait à
l'intérieur du rayon de pouvoir dont dispose un Parlement souverain
comme l'Assemblée nationale du Québec.
On aime souvent invoquer dans cette
Chambre, à juste titre, la souveraineté dont est investie
l'Assemblée nationale. Or, le pouvoir de dirimer une situation comme
celle à laquelle nous faisons face depuis neuf ans est de ceux qui sont
inhérents au pouvoir souverain d'une Assemblée parlementaire et
en usant de ce pouvoir que nous n'utilisons que très rarement, je pense
que nous ferons une affirmation de notre souveraineté dont nous sommes
parfaitement capables. Je ne pense pas que nous nous diminuons aux yeux de qui
que ce soit si nous faisons ce geste de franche reconnaissance. C'est une
réalité qui a défié les uns et les autres au cours
des neuf dernières années. Par conséquent, c'est une
mesure qui est parfaitement à l'intérieur des attributions
normales de cette Assemblée parlementaire souveraine qu'est notre
Assemblée nationale. (20 h 40)
Deuxièmement, c'est une solution imbue d'esprit humanitaire.
C'est une solution humaine. Nous faisons face à des jeunes enfants, ne
l'oublions point, qui ont été placés dans une situation de
fausseté juridique, sociale et culturelle, dans la plupart des cas,
depuis de nombreuses années parce que, comme je l'ai dit plus tôt,
80 % d'entre eux ont déjà passé la quatrième
année. Ils sont en cinquième, sixième, septième
année et au-delà. Il faut comprendre qu'ils ont
déjà beaucoup souffert. Leurs parents aussi ont subi des
traumatismes profonds. Je pense que si nous adoptons une solution comme
celle-là, c'est la solution qui entraînera le moins de
perturbation dans la vie de ces personnes qui en ont déjà trop
subi jusqu'à maintenant.
Je pense qu'un Parlement est capable de cela. Il est capable
d'humanité. On ne se diminue pas, personne, en faisant cela. Nous
parlons souvent des communautés ethniques. Comme les communautés
ethniques sont principalement concernées, nous parlons de les rapprocher
de nous et nous rapprocher d'elles. Si on pose un geste humain, un geste
empreint de compréhension, cela va faire plus pour le rapprochement que
toutes les visites des chefs politiques au congrès d'Alliance
Québec et de n'importe quel groupe que ce soit.
C'est une solution qui est égalitaire. On a évoqué
d'autres possibilités. Le chef de l'Opposition m'a déjà
interrogé dans cette Chambre sur certaines restrictions qu'il jugeait
souhaitables. Je lui ai dit que nous n'en voulions point du côté
du gouvernement parce que nous voulons une solution après l'application
de laquelle tous les élèves concernés se sentiront
rigoureusement égaux à leurs condisciples aussi longtemps qu'ils
seront à l'école et à leurs concitoyens une fois qu'ils
seront entrés dans la vie adulte. La seule solution qui est capable de
procurer ce résultat c'est celle à laquelle nous en sommes venus
avec le projet de loi 58.
Troisièmement, c'est une solution qui ne fait de mal à
personne. À y penser comme il faut, c'est une solution qui ne fait de
mal à personne. Nous n'ajoutons aucun élément nouveau
à ceux qui se trouvent déjà dans les écoles
anglaises. On peut bien agiter les drapeaux, l'épouvantail de la crainte
de l'assimilation, mais tout ce que nous faisons c'est de reconnaître
qu'il y a des enfants qui sont dans ces écoles et on dit: Comme on n'a
pas été capable de les en sortir pendant près de dix ans,
on va reconnaître qu'ils sont là. On ne décrète pas
qu'ils y seront. On reconnaît qu'ils y sont. On ne fait de mal à
personne. On n'enlève de droits à qui que ce soit.
Il y en a qui ont dit que c'est terrible pour ceux qui ont
observé la loi. Pour être franc avec vous, M. le Président,
je trouve cela terrible d'entendre des propos comme ceux-là parce que
moi, je n'ai jamais regretté d'avoir observé la loi et je n'ai
jamais comparé ma situation, chaque fois que j'ai observé la loi,
à celle de celui qui ne l'avait pas observée et qui a
été l'objet d'une sanction moins sévère devant le
tribunal, éventuellement d'une libération complète.
Que de fois, devant les tribunaux, il y a des gens qui se
présentent et le magistrat leur dit: Retournez chez vous, mon ami.
Tâchez de mieux faire la prochaine fois. On va oublier cela. C'est votre
première offense. On ne vous en tiendra pas rigueur. Il y a parfois des
criminels. Il y en a un qui avait tué combien de personnes l'autre fois?
Il a hérité de quelques années en prison. On n'a entendu
personne dans cette Chambre dire qu'il y avait eu une injustice flagrante.
Je pense qu'il faut se mettre les pieds à terre, se rendre compte
qu'avec cette solution-ci, nous ne faisons réellement de mal à
personne et, surtout, nous ne changeons absolument rien à la situation
qui existe aujourd'hui. Nous la régularisons avec courage, franchise et
la plus grande transparence possible. Il n'y a rien, aucun motif caché
dans notre attitude, aucun calcul. C'est simplement un comportement
conséquent avec celui que nous avons tenu depuis plusieurs
années. Je pense que vous pourrez le reconnaître, en particulier,
de celui qui vous parle. Il ne s'est jamais démarqué sur ce
problème d'une ligne franche, claire, depuis le tout début du
problème.
Je relisais ces jours derniers un article éditorial que
j'écrivais dans le Devoir dès le 7 ou le 8 septembre 1977,
prévenant le gouvernement. Vous avez sans doute lu l'article. Vous allez
voir qu'il n'y a pas de contradiction avec l'attitude de ce temps-là et
l'attitude d'aujourd'hui. Quand on a des principes clairs, on peut
continuer.
C'est une solution qui survient dans un contexte où il n'y a pas
lieu d'agiter des
épouvantails en ce qui touche l'avenir. J'ai déjà
eu l'occasion de citer dans cette Chambre des statistiques éloquentes.
Je me reporte à 1976-1977. Je ne veux pas faire de partisanerie à
rebours avec cela. Je pense qu'on prend les chiffres comme ils nous sont
présentés. J'avais demandé des chiffres à mes
collaborateurs du ministère de l'Éducation. Ils me les ont
fournis ces jours derniers. En 1976-1977, la proportion des
élèves inscrits dans notre système québécois
et qui étaient aux écoles françaises était de 83,4
% du total. Sur tous les enfants inscrits dans le système scolaire, il y
en avait 83,4 % qui étaient du côté français. Au 30
septembre dernier, le pourcentage était de 89,2 %, alors que la
proportion des francophones dans la population du Québec est d'à
peu près 82 %. Ce qui veut dire que les effets que nous avons
recherchés avec les interventions législatives successives dont
nous avons parlé ont été très largement atteints au
point qu'aujourd'hui les résultats que nous avons dépassent les
attentes même des auteurs de la loi 101.
À cela, il faut ajouter une autre donnée importante.
Savez-vous que, sur les élèves qui pourraient être admis
légalement à l'école anglaise, il y en a au-delà de
13 000 qui sont inscrits dans les écoles françaises de toute
manière, au-delà de 13 000 dont les parents ont compris - et je
les en félicite - qu'il pouvait être avantageux pour leurs enfants
et pour la communauté québécoise que ceux-ci aient la
chance de recevoir leur formation primaire et/ou secondaire en français.
Cela vient s'ajouter. Si vous ajoutez en plus au moins, au bas mot, 15 000
élèves qui sont inscrits dans les classes d'immersion
d'écoles anglaises et qui, dans ces classes d'immersion,
reçoivent les deux tiers ou les trois quarts de leur formation scolaire
dans la langue française, vous avez une idée de la situation
nouvelle à laquelle nous faisons face. Il me semble que, dans cette
situation nouvelle, je n'ai pas le temps de jouer les épouvantails et
d'agiter le drapeau de la crainte. Je pense que c'est le temps de faire preuve
de mansuétude, de magnanimité, de générosité
et d'ouverture. Par conséquent, la solution que nous proposons, je
pense, n'a pas Heu de provoquer des crises d'anxiété. On ne sera
pas obligé d'aller voir le psychiatre pour cela.
Enfin, c'est une solution prudente au point de vue juridique. Il faut
penser à tous les aspects. Je pense que vous pouvez compter sur nous
pour cela. J'ai devant moi une action qui a été instituée
devant les tribunaux récemment, une action instituée par une
commission scolaire protestante mettant en cause la constitutionnalité
de certaines mesures qui découlent directement de l'application de
certaines dispositions de la loi 101. En particulier, c'est une contestation
judiciaire qui vise à faire régulariser par les moyens juridiques
le statut d'un grand nombre d'enfants illégaux. Je ne prétends
pas que cette action soit destinée à l'emporter devant les
tribunaux, mais je vous dis une chose: il est arrivé assez souvent, ces
dernières années, que les tribunaux ont décidé
contrairement aux anticipations gouvernementales, vous en savez quelque chose
du côté de l'Opposition. Il ne vous reste pas grand-chose de
toutes les prétentions juridiques que nous avons entendues, combien de
fois dans cette Chambre et auxquelles vous vous êtes obstinés
à vous en tenir, contrairement à tous les avis de réalisme
juridique que vous prodiguait gratuitement l'Opposition.
Je vous dis qu'avec la mesure que nous préconisons, les risques
inhérents à ceux-ci disparaissent. S'il fallait que le statut de
la moitié ou des trois quarts de ces enfants soit
légalisé, déclaré constitutionnel et qu'ensuite ils
instituent des mesures en paiement rétroactif pour les subventions
qu'ils n'ont point reçues, voyez-vous où nous irions avec ce
problème? Avez-vous pensé aux conséquences un peu? Cette
question reste ouverte. J'estime que les sommes qu'aurait dû normalement
dépenser le Québec pour ces enfants et qu'il n'a point
dépensées en raison de l'existence - appelons cela
"système"; le chef de l'Opposition a déjà employé
ce terme, il y avait des éléments de système
là-dedans incontestablement - les sommes que nous avons
épargnées, je dirais, presque sur le dos de ces enfants, sans
dire que ce fut nécessairement la faute, unique du gouvernement, se
chiffrent entre 35 000 000 $ et 40 000 000 $. S'il fallait qu'interviennent des
décisions judiciaires qui nous obligent à regarder en
arrière comme certains aiment beaucoup le faire plutôt qu'en
avant, je ne pense pas que ce serait intéressant pour personne. (20 h
50)
Moi je vous dis: comme ministre de l'Éducation, je suis plus
intéressé à bâtir un système
d'éducation de qualité, à m'orienter vers les vrais
problèmes de notre système d'enseignement que de continuer
à pourrir dans ces querelles judiciaires interminables et innombrables
dans lesquelles on s'est complu pendant des années et dont le bilan
très lourd a été transmis à votre humble serviteur.
J'essaie de liquider ce bilan de la manière la plus réaliste et
la plus efficace possible. On n'abandonnera pas certains principes quand il y
en a qui sont impliqués. On ne poursuivra pas les disputes judiciaires
seulement pour le plaisir de se frapper la poitrine en disant que nous sommes
donc bons au service de la nation. On est au service de nos concitoyens tout
court, et, les abstractions, nous allons les laisser pour d'autres
exercices.
Enfin, je crois que c'est une solution
qui est réaliste sur le plan politique. Parce que, avec cela, je
pense que nous mettons un terme au problème. On n'en parlera plus ni
d'un côté ni de l'autre. Nous ne vous ennuierons plus avec ce
problème, c'est fini. Nous allons régler le problème, nous
allons accueillir ces enfants. Ils n'entreront plus par les soupiraux dans les
écoles, ils ne seront plus obligés de se sauver par la porte d'en
arrière...
Des voix: Ha! Ha!
Le Président: Â l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: ...lorque arrive l'inspecteur appréhendé.
Ils ne seront plus obligés de chercher leurs noms sur les listes. Ils ne
seront plus obligés, quand arrivera leur premier contact avec un
employeur éventuel de se demander: Est-ce que j'ai perdu mon certificat
d'études ou si je n'en aurai point? Ils seront sur le même pied
que tous les autres. Ils pourront envisager leur avenir avec
sérénité et confiance. Ils pourront faire confiance
à leurs concitoyens du Québec. Je vous dis une chose. Si nous
adoptons cette solution, je pense que, tous ensemble, nous pourrons regarder
l'avenir avec beaucoup plus de calme et de tranquille assurance. On a dit: Le
ministre de l'Éducation est un homme généreux,
peut-être qu'il n'a pas trop les pieds à terre. Cela
m'étonne parce que je ne me fais pas reprocher cela trop souvent par
ceux qui me connaissent bien.
Nous avons pris nos précautions. D'abord, ce n'était pas
si difficile que cela de prendre contact avec les milieux
intéressés. Quand on s'en donnait la peine, c'était bien
facile, on trouvait vite les adresses, on se faisait vite donner des noms de
personnes et on pouvait se former une idée très directe du
problème et des conditions possibles d'une solution. Nous avons
causé avec tous ces groupes, nous les avons rencontrés
franchement, nous avons mis les cartes sur la table. Je leur ai dit en
particulier: Je veux qu'il soit bien clair qu'on ne se retrouvera pas encore
aux prises avec une situation semblable dans un an, deux ans ou cinq ans.
Je veux vous donner lecture, M. le Président, d'une lettre que je
recevais ces jours derniers du président de la Provincial Association of
Catholic Teachers, du président de la Quebec Association of Catholic
School Administrators, du président d'un groupe qui agissait dans cette
situation au nom des parents et qui se lit à peu près comme ceci.
Je peux vous en donner lecture au complet, je pense que je vais la lire en
langue anglaise. Ce ne sera pas trop une page en anglais sur un discours d'une
heure; je pense que la proportion est bien conservée. "May we begin by
expressing our sincere appreciation to you personally, to the Members of
Parliament of the Liberal Party, Mr. Rondeau, the members of the task force on
the "illegals" for a compassionate and effective solution to a very serious
problem. "Our association and the parent representatives of the Bill 101
students have taken careful note of the provisions of Bill 58. We wish to
assure you that the students who have been attending the English Catholic
Schools as PACT Bill 101 students have followed the identical courses of
studies and have been subject to exactly the same examinations and examination
procedures as the regular students and this includes the provincial
examinations where applicable. All the students will be able to supply your
Department with transcript of marks, report cards which reflect this. "We
further wish to assure you that, as of the passage of Bill 58 into law, the
teachers and school administrators represented by PACT and QACSA have no
intention now or in the future of becoming involved in such a program
again."
Nous voulons vous assurer que les professeurs et les administrateurs
scolaires qui ont pu être impliqués dans ce système au
cours des dernières années n'ont aucune intention d'être
impliqués de nouveau dans une situation semblable.
J'ai rencontré ces personnes il y a à peu près une
quinzaine de jours. Je veux vous communiquer, M. le Président, le climat
de forte émotion dans lequel s'est déroulée cette
rencontre. Franchement, je les regardais, je les écoutais et je me
disais: je ne peux pas considérer qu'il s'agit d'une situation comme une
autre. Je pense que c'était mon devoir comme administrateur public et
comme officier élu de laisser s'ouvrir non seulement mon esprit, mais
aussi mon coeur. Je l'ai fait en toute simplicité et je pense que je
présente une vue très transparente de ce que j'ai perçu,
de ce que nous voulons faire.
En conclusion, M. le Président, je voudrais tirer les
observations suivantes. Tout d'abord, si vous me le permettez, je veux dire un
mot brièvement d'une disposition de la loi 58. Il y en a qui se sont
beaucoup inquiétés du pouvoir prétendument
discrétionnaire que le ministre voudrait s'attribuer avec la disposition
dans laquelle il est dit que pour des raisons graves d'ordre humanitaire ou
familial, sur recommandation de la commission d'appel, le ministre pourra
admettre un enfant à l'école anglaise. On reconnaîtra comme
moi, du côté de l'Opposition, que le critère de la
fréquentation de l'école primaire anglaise par les parents est un
critère qui ne peut pas répondre à toutes les situations.
La vie nous présente des situations complètement
imprévisibles par moments. Il faut absolument que nous disposions d'une
certaine
marge de discrétion. Allez demander aux personnes qui ont
siégé à la commission d'appel depuis dix ans combien de
fois elles ont pu se trouver aux prises avec des situations devant lesquelles
elles auraient conclu sans aucune hésitation à
l'opportunité de l'admission à l'école anglaise, devant
lesquelles elles étaient obligées de conclure: Vu la lettre de la
loi; nous ne pouvons rien faire, retournez chez vous. Je connais même des
membres de la commission d'appel qui ont démissioné à
cause de cela.
Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une certaine soupape pour qu'on puisse
faire face de manière positive à des situations dont il me fera
grandement plaisir de fournir des exemples concrets lors de l'étude du
projet de loi en commission parlementaire. C'est tout ce que nous voulons. On
aurait bien pu dire - et si l'Opposition le demandait, je pense que j'y
consentirais sans discussion -on va donner ce pouvoir à la commission
d'appel. J'en serais bien soulagé. J'en serais le plus soulagé
des hommes. Je ne voudrais pas qu'on pense un instant que je m'approprie ce
pouvoir-là. Cela va m'embarrasser et cela embarrassera mes successeurs
également. Nous avons inscrit cette disposition pour la raison suivante.
C'est que nous voulons éviter de créer l'impression que la
commission d'appel pourrait devenir une passoire. Si on mettait un
critère de caractère général parmi ceux dont
devrait tenir compte la commission d'appel, il pourrait arriver que se
crée l'impression que l'on se sert de cela pour passer à peu
près n'importe quel cas. Tandis que si on laisse la commission d'appel
disposer des cas en vertu d'un critère rigoureux comme celui de la
fréquentation de l'école primaire anglaise par les parents,
à ce moment-là, cela prendra des motifs vraiment exceptionnels
sur lesquels la commission d'appel n'aura point prise, sauf pour en saisir le
ministre de l'Éducation. Et le ministre devra faire rapport, chaque
année, lorsqu'il déposera son rapport annuel à vos pieds,
M. le Président, du nombre de cas qu'il aura eu à régler
ainsi et les raisons qui auront motivé ses décisions dans chaque
cas.
Ce n'est pas sorcier. Il n'y a pas un gros danger d'arbitraire
là-dedans. Il y a bien d'autres lois que je connais qui créent
des dangers d'arbitraire infiniment plus étendus. Je vous demande cela
au nom de l'humanité et je vous dis, encore une fois... De
l'humanité... Je ne parle pas de l'humanité en
général, mais des principes d'humanité qui doivent nous
inspirer tous, évidemment. Non, parce que je n'ai pas la
prétention de parler au nom de trop de monde. Je parle au nom de mes
convictions et je suis sûr de rejoindre bien du monde avec cela. Je ne
suis pas obligé de me réclamer d'au nom de et au nom de,
contrairement à bien des associations qui ont souvent appuyé le
parti d'en face. Je le dis à dessein. Maintenant, je reviens à
l'essentiel. Par conséquent, c'est pour des principes d'humanité
que nous le demandons et si l'Opposition voulait présenter un amendement
qui remettrait cela à la commission d'appel, nous l'étudierons
dans un esprit hautement positif.
Je sais, M. le Président, qu'il peut être tentant pour
l'Opposition de chercher à se faire du capital politique en s'opposant
farouchement au projet de loi 58 comme s'il était l'oeuvre de
méchants qui voudraient mettre en déroute tout l'appareil
construit autour de la loi 101, la Charte de la langue française.
J'invite l'Opposition à regarder plus haut et plus loin. Je l'invite
à penser d'abord au bien des enfants concernés. Je l'invite aussi
à penser d'abord à l'unité de notre communauté
nationale québécoise. Je l'invite à penser à
l'avantage énorme que nous retirerions tous ensemble d'une
solidarité accrue qui nous permettrait par la suite de mieux faire face
dans les années à venir au défi de l'application
rigoureuse ferme et humaine de la loi 101 dans toutes ses dispositions
concernant la langue d'enseignement. (21 heures)
Je renouvelle dans cette Chambre - je l'ai fait tout à l'heure,
je le dis clairement en terminant - ma détermination à conserver
le critère de la fréquentation de l'école primaire
anglaise comme critère majeur, comme critère tout premier pour
l'admission des enfants à l'école anglaise. C'est un point sur
lequel, au cours des dernières années, j'ai évolué
personnellement, parce que au tout début je n'étais pas favorable
à ce critère. Mais, à l'application, j'ai constaté
que c'était un critère efficace et j'ai ajusté mes vues en
conséquence. C'est une question de moyens. Sur les principes, mes
positions n'ont point changé. Mais c'est un point sur lequel
l'Opposition peut compter sur l'engagement ferme du gouvernement. Je dis en
retour à l'Opposition que, si elle acceptait de faire cause commune avec
le gouvernement sur ce point, nous éliminerions très vite du
paysage un problème qui n'est intéressant pour personne. Je pense
que nous créerions une atmosphère de détente,
d'acceptation mutuelle et je dirais même de fraternité dans notre
Québec qui en a hautement besoin. Si vous voulez la lutte, nous sommes
prêts à la prendre aussi. Mois, je suis fait pour les deux. Comme
journaliste, j'ai aimé la polémique. Je m'en suis nourri pendant
des années et je n'ai point perdu cet instinct profond mais je suis
meilleur quand je m'élève un peu au-dessus de cet instinct. C'est
ce que j'essaie de faire.
À ceux qui ont participé - je termine par ces mots, M. le
Président - d'une manière ou d'une autre à la
création et au maintien du système qui a permis de manière
illégale la présence de centaines et, à
certains moments, de quelques milliers d'élèves dans les
écoles anglaises, contrairement aux dispositions de la loi 101, je
voudrais soumettre les quelques réflexions suivantes. Tout d'abord, leur
action pouvait se comprendre au plan humain et je ne veux point en juger
à ce moment-ci. Mais elle s'inscrivait en faux contre une tendance
profonde et irréversible de l'orientation de notre société
québécoise qui va vers l'affirmation de plus en plus quotidienne,
de plus en plus forte, de plus en plus vigoureuse de son caractère
français. J'invite ces personnes, après le cheminement douloureux
qu'elles ont pu connaître, à entrer de plein gré dans le
consensus plus large au sein duquel on peut être infiniment plus heureux,
plus productif et plus efficace au sein de la société
québécoise. Je les assure que, du côté du
gouvernement, nous les accueillerons sans porter de jugement et sans ouvrir
continuellement le livre du comportement qu'ils ont pu suivre au cours des dix
dernières années.
Je leur rappelle également que le mode d'action qu'elles ont
emprunté demeure foncièrement irrecevable dans une
société démocratique comme la nôtre. Dans une
société démocratique, les recours des citoyens contre les
lois qu'ils jugent injustes ou irréalistes sont d'ordre politique. Ils
peuvent et doivent se battre, s'ils estiment certaines lois injustes, contre
les auteurs de ces lois. Ils ont le pouvoir de les remplacer par d'autres aux
commandes du pouvoir. Mais il n'est permis dans aucune circonstance que des
citoyens décident de prendre la loi dans leurs mains et de se faire
justice eux-mêmes. Dans ce cas-ci, nous déplorons tous le
caractère de l'action qui a été entreprise. Nous
comprenons cependant les circonstances dans lesquelles a pris naissance cette
situation malheureuse à laquelle nous voulons mettre un terme.
J'espère, encore une fois, qu'avec la coopération de tous
les membres de l'Assemblée nationale, nous pourrons très
rapidement résoudre le problème des élèves
illégalement présents dans nos écoles anglaises d'une
manière humaine, réaliste et efficace et ouvrir, une fois pour
toutes, un chapitre nouveau de notre histoire collective. Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci, M. le ministre de l'Éducation.
Sur l'adoption du principe du même projet de loi 58, Loi sur
l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants,
je vais maintenant céder la parole à M. le chef de
l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. Jusqu'à
tout récemment, je reconnaissais dans la première partie de
l'exposé du ministre de l'Éducation son souci de présenter
les problèmes d'une façon élevée, parfois
même un peu philosophique et dans cette section de la métaphysique
et de la philosophie qui nous amène habituellement à la morale et
dont il se préoccupe, jusqu'à ce qu'il arrive cependant à
s'introduire dans les vasistas, à voir des inspecteurs qui faisaient
fuir les enfants à travers les soupiraux. Jusque-là, le discours
du ministre, bien que j'aie été en désaccord avec un
certain nombre d'interprétations dont il nous a fait part, ressemblait
aux qualités que nous lui reconnaissons. Mais à partir du moment
où le ministre est venu nous parler des inspecteurs qui s'introduisaient
subrepticement, peut-être même de nuit, aurait-il pu ajouter pour
donner un effet à sa métaphore, pour faire peur comme des ogres
aux enfants illégaux, cela allait, mais à partir de là,
cela n'a plus de sens. Et cela démontre combien ce sujet donne lieu si
souvent même parmi les plus beaux esprits à la tentation
démagogique.
Le ministre de l'Éducation a également affirmé un
certain nombre de choses étonnantes. Il nous a dit, par exemple, que
cette loi proposait une solution égalitaire. Oui, c'est une solution
égalitaire: que vous ayez respecté les lois du Québec ou
non, vous serez traités de la même façon. Voilà ce
que nous dit ce projet de loi pour l'essentiel. Et c'est un message pour
l'avenir qui n'est pas très rassurant pour nos concitoyens.
Il a également affirmé un certain nombre de choses
étonnantes au sujet de la rétroactivité de la loi 101. Il
nous a dit que la loi 101, adoptée, on le sait, à la fin de
l'été 1977... Si cela a été adopté à
la fin de l'année 1977, c'est parce que le Parti libéral a fait
un "filibuster" qui a duré, si je me souviens bien, près de 140
heures en plein mois de juillet; je me souviens, j'étais simple
député au début de ce "filibuster" et membre du Conseil
des ministres à la fin.
Quand il affirme que la loi 101 était rétroactive, c'est
qu'il prend à son compte cette interprétation du concept de
rétroactivité évoquée par certaines
communautés culturelles du Québec qui, c'est vrai, en 1977
disaient: Très bien, nous acceptons cette orientation qu'il n'y aura
plus de libre choix au Québec, mais que cela ne s'applique que pour les
immigrants à venir.
Ce qu'oublie de mentionner le ministre de l'Éducation, c'est que
c'est par centaines de milliers, puisque le Québec est une terre
d'accueil, que se comptent les personnes dites allophones sur le territoire du
Québec au moment où ces choses se sont prononcées, en
1977. Si c'est cela une loi rétroactive, quand on regarde de
façon générale les balances migratoires, le solde
migratoire du Québec et la quantité de personnes qui sont
venues chez nous depuis 25 ans pour redresser la situation du
français, il aurait fallu attendre à peu près de 60
à 75 ans. Il y a quand même des limites. La loi 101, c'est vrai,
s'est présentée dans un contexte où le Québec
français a choisi de s'affirmer notamment en matière
scolaire.
Je voulais simplement que ces remarques soient une introduction puisque
c'est le ministre qui m'a incité à traiter de ces dimensions. On
touche là un sujet sensible, à fleur de peau, on le sait, avec
lequel, d'ailleurs, un certain nombre de membres de l'Assemblée
nationale sont mal à l'aise, je le sais aussi. Comme tous les membres de
cette Assemblée, qui ont eu à traiter un jour des questions
linguistiques, j'ai senti que nous avions à trancher entre le droit
collectif et les droits individuels. Chaque fois que l'on a à trancher
dans des matières qui relèvent du concept de droit collectif et
qu'on doit toucher à ce que les gens considèrent comme des droits
individuels, ma foi, il ne faut pas faire cela avec indifférence,
surtout pas avec insouciance et encore moins avec inconscience. C'est pour cela
que, quand les membres de cette Assemblée ont à se pencher sur
ces questions linguistiques, ils savent qu'ils et qu'elles font du droit
collectif, car la caractéristique du Québec est d'être la
seule terre en Amérique du Nord où il y a une majorité
française qui veut le demeurer, et qu'à ce titre, parce que nous
sommes en Amérique du Nord, pour y voir, pour nous assurer du
développement du français, il faut faire du droit collectif. (21
h 10)
Cette notion de droit collectif, je le sais, répugne à un
certain nombre de juristes parmi lesquels nous retrouvons d'ailleurs les
chantres du système fédéral dans lequel nous vivons.
Le concept de droit collectif répugne à un certain esprit
en matière de droits et libertés. Il est, on le sait, un concept
développé plus facilement dans des pays d'expression
française que dans les pays de culture anglo-saxonne. Mais voilà
la vraie question! Voilà la différence! Voilà la source du
malaise profond d'ailleurs dans le Parti libéral autour de cette
question!
Ce projet de loi n'est pas urgent. Il intervient dans un contexte de
confusion autour des questions linguistiques, confusion produite,
alimentée par des ministres et même le premier ministre dans ce
gouvernement, bien qu'il faille donner au ministre de l'Éducation
d'être le moins incohérent dans l'incohérence.
Ce projet de loi est inacceptable parce qu'il prononce l'amnistie pure
et simple, solution, M. le Président, je vous le dirai, de
facilité. Il est évident que le gouvernement qui a
précédé celui qui est là aurait pu régler le
problème de la même façon. Je comprends, l'amnistie
générale pure et simple, sans condition, qui reconnaît les
conséquences, non seulement pour maintenant, mais pour des
générations à venir du non-respect des lois du Parlement
du Québec. C'est une solution qui n'est pas très exigeante quand
on veut vraiment faire face aux enjeux qui sont devant nous.
Cette décision se prend dans un contexte, et vous me permettrez,
M. le Président, pendant les quelque 45 minutes qui m'appartiennent,
d'évoquer ça contexte, qui, à mon avis, est fondamental
dans l'interprétation qu'on fait de l'histoire de la législation
linguistique au Québec. La loi 101 posait au Québec, en 1977, un
choix, celui de faire en sorte que le Québec soit le plus
français possible. Je dis bien "le plus français possible" parce
que, précisément, nous sommes en Amérique du Nord, nous
sommes pénétrés par les médias d'expression
anglaise, nous pouvons même nous enrichir de cette diversité
linguistique et culturelle qui est la nôtre. Mais, il n'y a pas si
longtemps, un certain nombre de gens en politique au Québec, dans les
années soixante, disaient qu'il faudrait que le Québec soit aussi
français que l'Ontario est anglais, et, ma foi, cela faisait presque
partie de la sagesse populaire que de s'exprimer en ces termes. Je doute
cependant que l'actuel ministre de l'Éducation ait écrit un
éditorial dans les années soixante pour s'exprimer en ces
termes.
Le choix fait par la loi 101 était de s'assurer que, sur ce
territoire, le seul où les Québécois francophones habitent
un endroit où ils contrôlent au minimum une partie de son
environnement politique et collectif, que les francophones sur ce territoire
soient assurés que la langue des communications, des services, de
l'affichage, de la législation reflète cette
réalité collective qui est que nous sommes une majorité et
que nous entendons le demeurer.
Il y avait évidemment, dans ce contexte, des dispositions qui
touchaient la langue d'enseignement. Le principe affirmé dans la loi
101, c'est que toute personne au Québec - c'est la règle - qui
veut avoir accès à l'école publique ou
subventionnée à même les deniers publics doit aller
à l'école française. Le principe est clair, limpide et
accepte de souffrir un certain nombre d'exceptions.
Je rappellerai que ce principe, non seulement il donne la perspective de
ce que signifie l'exigence d'être un peuple différent en
Amérique du Nord et le prix qu'il faut payer pour. C'est un prix que je
suis prêt à payer et je suis prêt à ce que mes
enfants le paient parce que si je n'étais pas prêt à payer
ce prix-là, ma foi, je serais peut-être plus confortable en
Caroline du Sud, au moins il ne fait pas froid au mois de juin. J'ai choisi le
Québec et je fais le choix
d'être un Nord-Américain différent tous les jours et
je suis conscient qu'il faut nous donner un certain nombre d'instruments pour
le demeurer.
Parmi ces instruments, l'intégration linguistique, la
cohabitation dans le respect mutuel de la diversité culturelle
québécoise, mais l'affirmation nette et claire, que les
écoles publiques au Québec et que les écoles
privées subventionnées par l'État, si on veut y avoir
accès, on y va dans la langue française. C'est cela le principe
de base de la loi 101, rien d'autre, et il souffre des exceptions.
Première exception, tous les Québécois d'expression
anglaise qui sont eux-mêmes allés à l'école ici, ou
dont un frère ou une soeur est allé à l'école
anglaise, se voient confirmer ce droit dans la loi 101 de continuer, pour les
générations à venir dans leur cas, à
fréquenter l'école de la minorité, ce qui, permettez-moi
de le dire, n'a absolument rien de comparable à ce qu'on trouve ailleurs
dans le reste du Canada, et le ministre de l'Éducation, pour sa part, le
sait. Je ne veux pas ici refaire la bataille de Louis Riel. Je ne veux pas
refaire même la bataille de Penatanguishene, en Ontario. Je ne veux pas
ressortir des placards ce qui a même amené Alliance Québec
à prendre la défense des francophones hors Québec.
Permettez-moi de dire, M. le Président, que cette terre et ce Parlement
ont raison d'être fiers du traitement qu'ils ont donné à la
minorité anglaise chez eux.
La loi 101 intervenait donc après près de 20 ans de
tension autour de cette question linguistique. On se souviendra
évidemment de Saint-Léonard. On se souviendra du grand
débat autour du libre choix et même un parti politique fut
formé à cette époque qui s'appelait le Parti du libre
choix. C'était un enjeu politique majeur à la fin des
années soixante, au début des années soixante-dix. Le
choix fait par la société québécoise, cela a
été non au libre choix. Un choix clair de dire, comme
société: Nous croyons qu'il en vaut la chandelle et le
coût, si nous voulons demeurer différents en Amérique du
Nord, c'est de faire en sorte que le système public et le système
subventionné soient, pour l'essentiel, français et que
l'exception soit attribuée dans des conditions exceptionnelles. Tout
cela n'empêche pas que cela s'est fait dans un contexte d'affirmation de
la vitalité du Québec, non pas un Québec folklorique,
retourné sur lui-même, parlant une langue qui ne serait comprise
par personne d'autre et imperméable aux grands mouvements du continent
sur le plan économique ou sur le plan culturel, bien au contraire. Tout
cela est intervenu dans un contexte où, au Québec, sur le plan
économique, notamment grâce au rôle de l'État, de
plus en plus les membres de la majorité québécoise se sont
affirmés et ils et elles ont eu l'appui du gouvernement du Québec
pour ce faire.
La loi 101 fut donc adoptée. Cela a eu un certain nombre de
conséquences, des conséquences positives évidentes
d'affirmation, de fierté, suffisamment, M. le Président, pour
qu'on dise, comme je l'entends parfois, que le Parti québécois a
été victime de ses propres succès. (21 h 20)
Puisque de nombreux amis libéraux, car j'ai quelques amis chez
les libéraux... les libéraux étant finalement assez
nombreux, il faut bien le reconnaître... pour un temps. Certains
libéraux l'affirment. C'est un peu vrai. Ce qui a accompagné la
loi 101, cela a été une affirmation de fierté, d'assurance
qui a rendu moins pertinente une bonne partie du discours dit nationaliste
parce que moins vécu dans le quotidien par les gens, parce que
l'humiliation de se présenter dans un magasin sur deux sur la rue
Sainte-Catherine et de se faire parler en anglais plutôt qu'en
français était disparue du décor, parce que de plus en
plus de francophones ont réussi à gravir les échelons
socio-économiques dans des grandes entreprises dont le siège
social était à Toronto ou à Boston ou à Chicago ou
à Los Angeles, parce qu'à compter de 1976, disons-le, le
Québec français s'est affirmé.
Mais la loi 101 a eu deux conséquences très
négatives et vraiment négatives, celles-là. La
première conséquence négative a été le
rapatriement unilatéral de la constitution qui a amené le
gouvernement canadien, au nom des droits et libertés, à
restreindre la souveraineté de ce Parlement dont parlait le ministre de
l'Éducation tout à l'heure en matière linguistique, la
"clause Canada", la clause universelle que le ministre pourrait être
tenté de faire adopter par décret par le Conseil des ministres.
Des restrictions dans l'article 23 et dans la Charte des droits et
libertés de la personne diminuèrent l'aire de liberté, du
peu de souveraineté que ce Parlement possède.
Au-delà de l'article 133 de 1867, au-delà de ses
dispositions en matière scolaire qui, à toutes fins utiles,
empêchent le Québec de faire une réforme qui est
souhaitée par tout le monde sur le plan scolaire, le gouvernement
fédéral, en 1981, se justifiant de ce qui avait été
présenté, même par certains des libéraux, comme
étant un traitement abusif des minorités, est intervenu pour
restreindre les pouvoirs de ce Parlement.
Je crois que cela a été la conséquence la plus
désastreuse de la loi 101. Que l'État fédéral, au
nom d'une vision symétrique des minorités au Canada, ne tenant
pas compte du caractère spécifique du territoire
québécois, ce lieu où il y a une majorité
française en Amérique du Nord, est venu introduire cette
banalisation de nos institutions, ces reculs que nous avons
enregistrés
depuis constamment, au nom des droits et libertés, dans la charte
canadienne, en matière linguistique notamment, et que nous risquons
peut-être aussi de connaître en matière d'affichage, au nom
de la liberté d'expression, y compris en matière commerciale
comme le spécifie bien la constitution canadienne.
Je dis donc, M. le Président, qu'un des effets négatifs de
la loi 101 aura été essentiellement d'amener l'État
fédéral à restreindre les pouvoirs de ce Parlement. Et je
dis que ce gouvernement renonce à exiger dans les pourparlers
constitutionnels qu'on affirme une fois pour toutes qu'en matière
linguistique c'est l'Assemblée nationale du Québec qui devrait
décider. Personne d'autre. Pas notre juge de la Cour suprême, pas
quatre, cinq, sept juges de la Cour d'appel, mais le Parlement du Québec
et personne d'autre.
Le deuxième effet négatif, c'est évidemment le
problème auquel nous faisons face aujourd'hui: cette situation
concernant les illégaux. Un certain nombre de personnes dans des
communautés culturelles, le ministre l'a lui-même
évoqué... Tantôt il évoque la "clause Canada", mais
là, il était très clair aujourd'hui. Il nous disait:
L'immense majorité des personnes dont on parle sont issues des
communautés ethniques dites allophones: italophones, grecques,
portugaise, chinoise, asiatique. Donc, nouveaux Québécois. Un
certain nombre d'entre elles et d'entre eux ont choisi de ne pas respecter la
loi. C'est un choix que ses parents ont fait. Je ne tiens pas à
m'acharner ni sur les enfants ni sur les parents. Je ne peux mettre en doute
les qualités de parents qu'ont ces personnes, mais je me permets de dire
qu'ils ne se sont pas comportés comme de bons citoyens. Ils n'ont pas
respecté la loi. Diriger un discours moral qui a tendance à faire
de ces personnes des martyrs, c'est un discours dangereux. C'est un discours
qui ne tient pas compte de la souveraineté de ce Parlement, qui existait
avant que le ministre ne soit ministre et qui existait avant que nous y soyons
aussi et qui existe toujours.
Le ministre de l'Éducation nous a dit: Oui, mais ces citoyens
avaient l'impression qu'une sorte de pacte social était brisé. Il
nous a répondu cela à l'heure de la période des questions.
Je lui dis: Et les autres, avaient-ils cette impression? S'ils l'avaient,
pourquoi elles et eux ont-ils respecté la loi? Ce genre d'argument
casuiste, peu logique et peu cohérent est dangereux quand on a à
considérer le rôle de nos institutions.
Ces illégaux, très concrètement... D'abord, ce
n'est pas vrai que les inspecteurs se présentent à travers les
vasistas et les soupiraux. Est-ce qu'on pourrait se le dire une fois pour
toutes? On pourra dire ce qu'on voudra en face et chez certains de leurs amis
ou de leurs conseillers pour faire plaisir à quelques "cartoonistes" des
États-Unis, de Toronto ou d'ailleurs qui nous détestent sans nous
connaître: ce n'est pas vrai que nous avons traité de façon
inhumaine qui que ce soit à propos des questions linguistiques au
Québec. Ce serait avoir un peu d'honneur et de fierté en face que
de le reconnaître. Cette mentalité de fausse culpabilité
autour d'un enjeu fondamental pour le peuple québécois, quant
à moi, me déçoit venant de ce ministre qui, pourtant,
à une certaine époque, a écrit des choses qui en faisaient
un homme préoccupé par ces grands enjeux, mais pour qui,
maintenant, la question linguistique est une contrainte à administrer et
non pas une chose à affirmer.
Revenons à ces enfants illégaux. À la CECM,
à Jérôme-Le Royer surtout, quelques centaines, connivence
évidente de directeurs d'école d'un certain nombre de professeurs
qui, dans bien des cas, je dois le dire, ne savaient pas qui étaient les
illégaux dans leurs classes. Ils savaient simplement qu'ils avaient deux
ou trois enfants de plus que normalement. On ne peut leur en faire le reproche
individuel. Quant aux directions d'écoles, c'est autre chose, par
exemple. Quant aux commissaires de la CECM et de l'école
Jérôme-Le Royer, c'est autre chose. Ils savaient et pendant neuf
ans ils ont accepté de mettre sur pied un système de
désobéissance civile aux lois du Québec. Il faut le dire,
car c'est cela qui est en cause.
On remarquera que je ne m'en prends pas aux enfants. Je m'en prends
cependant à ces adultes responsables, cadres scolaires payés
à 50 000 $, 60 000 $ par année, syndicalistes d'un certain nombre
de syndicats, la section anglophone de la CECM, enseignants... Et, encore une
fois, rarement, les enseignants étaient-ils de complicité parce
qu'ils ne savaient pas qui étaient les illégaux dans leurs
classes. Ils savaient simplement qu'il y en avait. (21 h 30)
Pendant neuf ans, de façon organisée systématique,
on a défié des lois du Québec. Aujourd'hui, le ministre
nous dit: On va passer l'éponge sur l'ardoise. Nous on dit: Vous pouvez,
à la rigueur, prendre l'efface, mais ce serait peut-être un peu
normal qu'il reste quelques traits de craie sur l'ardoise.
Se fermer les yeux sur neuf ans de collusion systématique par un
certain nombre de dirigeants de la CECM et de Jérôme-Le Royer,
c'est se mettre la tête dans le sable. Et puis! Faire appel à des
gens qu'on dit bien connaître le problème pour conseiller le
ministre sur cette question! Je comprends, dans certains cas, ils ont
été des acteurs de ce défi des lois du Québec. Il
faut dire les choses comme elles sont. Ce n'est pas vrai, M. le
Président, que nous allons entourer d'une sorte de discrétion et
silence cette question parce que le ministre
de l'Éducation serait tenté de nous accuser de
démagogie à l'égard des enfants. Je n'ai pas parlé
des enfants. Je parle de ses cadres scolaires.
On nous reproche, M. le Président, on dit: Mais le gouvernement
du PQ n'a rien fait! Comment le gouvernement du PQ n'a rien fait? D'abord, je
vous ferai remarquer qu'en 1977-1978, dans le New York Times, dans le Boston
Globe, dans le Chicago Tribune et, dans certains cas, dans le Globe and Mail de
Toronto qui devrait quand même pas être si loin que cela, si on se
fie à nos amis d'en face, on a fait une présentation des lois
linguistiques avilissantes. On a présenté une image du
Québec s'inspirant souvent des discours du Parti libéral pendant
le "filibuster" 1977 pour projeter de la société
québécoise, à l'extérieur, une image absolument
horrifiante. Et même pour justifier des intolérances comme celles
que j'ai entendues récemment venant d'interlocuteurs ontariens,
s'adressant à une ligne ouverte à M. Peterson et Bourassa, qui
viennent dire: Les ententes entre l'Ontario, ce n'est pas bon, c'est bien connu
au Québec, c'est juste s'ils ne mettent pas en prison le monde qui est
anglais. Cette attitude d'intransigeance, de présentation
négative de ce qu'a été le rôle de ce Parlement en
1976, 1977, 1978, c'est largement à cause du Parti libéral
lui-même. Aujourd'hui, il paie pour cela, car c'est lui qui est au
pouvoir. Il paie pour cette image parfois avilissante du Québec qu'on
lui a donnée de lui-même.
On nous dit: Rien n'a été fait à l'époque.
Je me souviens de la nomination de François Aquin, juriste remarquable,
homme d'une grande probité intellectuelle, humaniste parmi les juristes
si j'en connais un, qui a été caricaturé dans la presse
anglophone du reste du pays comme étant une espèce d'ogre qui
irait chercher les enfants dans les classes. Pourtant, je sais que
François Aquin, jamais, n'a utilisé son pouvoir d'assignation.
Jamais il n'a obligé qui que ce soit, en dépit de la loi qui lui
en donnait les pouvoirs, de comparaître devant lui. Mais il a
recherché un consensus. Il a rencontré des parents, des
représentants de ces cadres scolaires dont je parlais, des gens de la
CECM, de Le Royer. Il n'a jamais demandé même la liste des
enfants. Car pour la demander, parce qu'il n'avait pas la collaboration de ces
cadres, il aurait été obligé de demander une
injonction.
Il a tenté une médiation, de bonne foi, honnêtement,
ouvertement. Je rappelle que c'était en 1981, après
l'élection, en début de second mandat. Me Aquin, par ses
démarches, a amené près de 240 familles à accepter
que leurs enfants passent du secteur anglophone au secteur francophone.
Là est intervenu quelque chose. Un jugement de la Cour suprême
disant que le Québec n'avait pas de droit de veto. C'est à ce
jour, précisément, de l'automne 1981 que le transfert du
côté anglophone vers le secteur francophone a cessé. Car ce
jour, M. le Président, non pas parce que nous nous étions
conduits de façon irresponsable, non pas parce que le gouvernement ne
faisait pas ce qu'il avait à faire, non pas parce que Me Aquin aurait
rudoyé des citoyens, bien au contraire, mais parce que la Cour
suprême a décidé que le Québec n'avait pas de droit
de veto et donc que la machine du rapatriement était en branle de
façon certaine et qu'elle comportait des dispositions en matière
linguistique, cela a été fini de la bonne foi des cadres
scolaires et des familles impliquées.
Il faut donc se dire que ce problème est politique, car il a
été politisé, M. le Président. Ce n'est pas nous
qui l'avons politisé, c'est le Parti libéral et ses amis. Ses
amis d'Ottawa qui, à compter de 1981, voulaient s'assurer qu'en
matière linguistique c'est dans la constitution canadienne qu'on
réglerait cela, pas dans les lois du Parlement du Québec. La base
du problème politique autour des illégaux, c'est celle-là,
M. le Président. Le ministre l'oublie trop souvent.
Évidemment, cela s'est politisé, il faut bien le dire, un
peu plus lors des dernières élections. Il fallait bien qu'un
certain nombre de nos amis d'en face prennent des engagements. J'ai eu
moi-même des pressions d'une des communautés importantes de
Montréal sur la question de l'amnistie et j'ai parlé de
tolérance. Je n'ai pas pris, comme certains organisateurs et candidats
libéraux de l'est de Montréal, un engagement à
régler le problème rapidement dès qu'on y serait. Alors,
les libéraux ont dit: On va régler cela. Alors, le mot "cela", M.
le Président, c'est le projet de loi 58. Le mot "cela", c'est aussi une
dette électorale d'un certain nombre de candidats. Et on viendrait nous
dire ici qu'il s'agit essentiellement de considérations hautement
humanitaires. Mais non, M. le Président. C'est une dette
électorale. Une promesse remplie, une des rares, une des rares que
remplit le Parti libéral. Mais une promesse du Parti libéral
néanmoins.
Cette loi intervient dans un contexte qui est celui de la mollesse et du
recul sur tous les fronts et, encore une fois, le ministre de
l'Éducation se distingue comme étant le moins incohérent
des incohérents dans ce gouvernement autour de cette question. Je sais
qu'en le ciblant comme cela, je ne lui rends pas nécessairement service,
mais il compendra que je ne suis pas ici pour lui rendre service. Mollesse,
recul du Procureur général qui change d'idée trois fois
sur les poursuites en matière d'affichage, d'une ministre responsable de
la loi 101, vice-première ministre, ministre des Affaires culturelles
qui n'est pas exactement sûre si elle doit parler de
généralités ou de détails,
mais qui, dans un cas comme dans l'autre, se contredit ou reste
silencieuse, une ministre de l'Immigration et des Communautés
culturelles qui a peine à voir la vocation de son ministère
à l'égard de l'affichage, à l'égard du rôle
des organismes, et maintenant en matière d'éducation et
d'immigration aussi. J'entends la ministre. Elle devrait s'inspirer
peut-être un peu au moins du ministre de l'Éducation au sujet des
questions linguistiques. Ce serait déjà un progrès.
Ce ministre présente donc un projet de loi qui rend payante
l'illégalité. On éponge pour ces cadres scolaires, on ne
fait pas de distinction entre les enfants au primaire ou au secondaire,
où on aurait pensé que le gouvernement aurait peut-être pu
apporter un traitement différent des cas, selon qu'ils étaient au
primaire ou au secondaire. Évidemment, il y a en vertu de l'article 23
du "Canada Bill" tant attendu et dont on était certain qu'il viendrait
au moment de ce jugement de la Cour suprême en 1981 disant que le
Québec n'avait pas de droit de veto, il y a, dis-je, en vertu de
l'article 23 la transmission de cette loi aux frères et soeurs et aux
descendants des principales personnes sujettes ainsi qu'à leurs
frères et soeurs. (21 h 40)
En somme, prime à l'illégalité, aucune exigence
d'une connaissance spécifique du français, l'effet multiplicateur
à travers les générations, les frères et soeurs, en
oubliant que, déjà, ils et elles ont accès au cégep
car le système a trouvé même des formules légales
pour leur permettre l'accès au cégep. Le ministre n'en a pas
parlé beaucoup, mais je pense qu'il connaît les méthodes
qui sont utilisées pour accéder au cégep en dépit
du fait qu'on n'ait pas un diplôme reconnu en vertu de la loi.
Le ministre nous parlait d'avenir, de la nécessité de la
confiance, de la solidarité, plutôt que du passé. Je lui
dirai que, pour l'avenir, il envoie de bien mauvais messages aux citoyens.
D'abord, sur l'illégalité, pas seulement dans ce secteur, dans
tous les secteurs d'activité de la société, en faisant
équivaloir un comportement délictuel à l'égard
d'une loi, non respectueux d'une loi du Parlement, dans un secteur ou l'autre,
sans qu'il y ait rien rien rien en termes de sanction, même pas
symbolique, qui y soit rattaché. C'est prendre le problème par le
mauvais bout de la lorgnette. Contexte, encore une fois, d'incohérence,
de malaise du Parti libéral, sauf le paiement de sa dette politique,
notamment à Montréal. Incapacité de ce gouvernement de
nous affirmer clairement que la loi 101 ne connaîtra plus aucun recul. Le
ministre de l'Éducation nous dit qu'en matière d'éducation
- il l'a laissé entendre aujourd'hui - il n'y aurait plus de recul de la
loi 101. Je reverrai les galées attentivement car je l'ai entendu le
dire deux fois. Peut-être ses paroles ont-elles dépassé sa
pensée, mais j'aimerais tellement entendre de la ministre responsable de
l'application de la loi dans les autres secteurs qu'il n'y aura aucun recul de
la loi 101. Je crains que nous ne l'entendrons pas.
Nous, nous voyons les choses différemment. Nous les voyons
différemment parce que nous croyons que, à cause de votre force
politique, à cause du mandat que vous venez d'avoir et à cause du
fait que, précisément, le Parti libéral est très
implanté dans les communautés culturelles, le Parti
libéral et ce ministre en particulier manquent une occasion
extraordinaire de faire avec eux cheminer les communautés culturelles
autour de cette question. Et vous avez beaucoup plus de
crédibilité que nous n'en avons jamais eu pour le faire entre
1976 et 1985. Mais vous n'utilisez pas cette crédibilité pour
faire cheminer l'affirmation du fait français au Québec. C'est
là que vous vous trompez, parce que vous raisonnez non pas en fonction,
en ce moment, des intérêts du Québec, mais de ceux du Parti
libéral du Québec. C'est là l'erreur que vous faites. On
ne prétend pas que vous n'êtes pas québécois, on ne
dit pas que vous n'avez pas à coeur un certain nombre des valeurs que
nous partageons, mais on dit que, lorsqu'on a les valeurs du Québec
à coeur, lorsqu'on croit à l'affirmation du fait français,
on se sert de son pouvoir politique. Ce pouvoir, vous l'avez et il n'exige pas
de vous une attitude oppressive ou hargneuse. Au contraire. Vous avez entre vos
mains la capacité de faire avancer les communautés culturelles
dans le sens non pas de l'affirmation d'un Québec platement bilingue,
ordinaire, ennuyeux pour tout dire, mais d'un Québec d'abord et avant
tout société française; oui, ouverte sur les autres, oui,
ouverte sur la langue de la majorité du continent, mais qui affirme sa
spécificité. C'est cela que nous vous reprochons.
Ce projet de loi, dette politique, a pris la question linguistique par
le mauvais biais et ne sert ni les intérêts du Québec ni
vos intérêts à long terme.
Des voix: Bravo!
Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition. Je vais
maintenant céder la parole à Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'appuyer le projet de loi 58 présenté par le ministre de
l'Éducation. Depuis neuf ans, nous vivons au Québec une situation
difficile et inacceptable, surtout dans un pays civilisé comme le
Québec. Nous avons, depuis neuf ans, des centaines
d'élèves dans nos écoles anglaises, dont les parents
viennent de tous les pays au monde, qui ont
été qualifiés par l'ancien gouvernement du
Québec comme des "nonpersons". Depuis neuf ans, les commissions
scolaires n'ont reçu aucune subvention pour financer leur
éducation.
Une voix: C'est normal.
Mme Dougherty: Oui, c'est peut-être normal. Et le
gouvernement n'a pas reconnu leurs accomplissements puisqu'il ne leur a pas
accordé de diplôme lors de leur graduation. Les enfants en
question sont des illégaux, selon l'ancien gouvernement, parce que,
selon la loi 101, ils reçoivent ou ils ont reçu leur
éducation en anglais en dépit de leur non-admissibilité
à l'école anglaise en vertu de la loi 101. Le but du projet de
loi 58, dont on discute ce soir, est de régulariser le statut de ces
élèves, ainsi que d'empêcher qu'une telle situation ne se
développe à l'avenir.
Le projet de loi prévoit également que, dorénavant,
sur recommandation de la commission d'appel, le ministre de l'Éducation
peut, pour des motifs graves d'ordre familial ou humanitaire, déclarer
admissible à recevoir l'enseignement en anglais un enfant qui ne
satisfait pas aux conditions prévues par la loi 101. Afin de comprendre
pourquoi la situation lamentable visée par le projet de loi 58 s'est
développée, il faut retourner dans le passé, en 1977. Il
faut se situer à cette époque pour comprendre le chaos
créé par l'adoption de la loi 101, surtout dans la région
du grand Montréal.
Mme la Présidente, je vais continuer en anglais parce que la
plupart des familles et des communautés affectées par la loi 58
sont de langue anglaise ou parlent surtout l'anglais. So, I am going to
continue in English because most of the people affected by Bill 58 are
predominately speakers of the English language. (21 h 50)
In order to understand Bill 58 and why it is necessary, I think we have
to go back to remember and understand the situation that existed in 1977 when
Bill 101 was adopted.
After a long and very hot debate during the summer of 1977, Bill 101 was
finally adopted in August 1977, just a very few days before the opening of
school in September. The reason for Bill 101 was primarely to stop the flow of
immigrants into the English schools, particularly in the area of Montreal where
most newly arrived Quebeckers over the years had settled, and secondly to
counter the trend which was developing in the French schools of a rapidly
dropping enrolment because of a very fast turnaround in the birthrate in the
French community. And these two trends were considered threatening to the
equilibrium of
French and English, particularly in the region of Greater Montreal where
most immigrants over the years had normally settled.
Bill 101 said that henceforth, all education, primary and secondary,
would be in French, except for certain categories of people who would be
eligible in english. These include children who had one parent who had been
educated in English in Québec or children of parents who were resident
in Québec at the time of the adoption of Bill 101 who had had their
primary education elsewhere in the world in English. Of course, children who
were already enrolled in English schools at the time of the adoption of Bill
101, or their brothers or sisters that follow them, were eligible for English
education and there were certain exceptions foreseen in the law regarding
children who had severe learning difficulties as well as people who were
visiting Québec on a temporary stay.
In the fall of 1977, when Bill 101 was adopted, thousands of children
who were planning to enter English schools at all levels, and they were not
only entering kindergarten, and grade one, and the early levels, they were
entering all of the levels for the first time in English schools. Many of them,
most in fact, had been registered in those schools since the March before, in
March 1977, which was the normal time for registration for the following year.
Thousands of parents found their children's status, their children's right to
enter English schools suddenly in question with the adoption of Bill 101.
Some school boards who had many many hundreds of these children whose
status was in question were at a serious loss to deal with the numbers involved
because according to Bill 101 it was not the school boards'job to determine who
was eligible for English and who was not. It was the Bureau
d'admissibilité à l'école anglaise that had the mandate to
determine which children were, in fact, eligible. Furthermore, the parents had
a right to appeal if they did not agree with the decision of the bureau
d'admissibilité. So, in many many cases, it took months and, sometimes,
years for the status of children to be determined by the bureau or the
commission d'appel.
One of the practical and most disconcerting difficulties was that every
parent of a newly entering child who wanted to be admitted to the English
school system had to prove in writing thay they, in fact, had been educated in
English, either in Québec or elsewhere in the world, provided of course
they were residents in Québec at the time of the adoption of the
Bill.
You can imagine the problems of trying to prove that you were educated
in English, especially if you did not go to English school in Québec.
There were hundreds of parents who claimed and who, later, were able to
justify that they, in fact, had attended to English elementary school,
but it was in other countries where perhaps the school did not exist anymore,
where perhaps the records had been destroyed and, in some cases, the school
itself had been destroyed. And yet, these parents had to prove in writing and
this took months and months and months of investigation, and many inspectors on
the part of the government to check out the proof the parents were offering. So
this was a very tune-consuming and disquieting time for many parents. In the
case of children with learning difficulties, many months and hours of time on
the part of professionals were taken up trying to document and establish that,
indeed, certain children were eligible for English and should be considered as
exceptions to Bill 101.
I do not believe that the government ever understood the magnitude of
the problem faced in the fall of 1977, at the entry of school just about one
week after the adoption of Bill 101. One of the major causes of the violent
reaction of many thousands of parents was the fact that, effectively, the Bill
101 was retroactive, retroactive up to 20 years, that was one of the major
problems. I think, if you examine the so-called "illegal children", you will
find that most of those parents had been here for many years in Québec.
They arrived in the 40's, in the 50's, in the 60's, Greeks, Portuguese,
Chinese, Italians, Germans, Ungarians, Ukrainians, who immigrated to Canada in
those years and, as young children. Many of them began, English school in grade
2, grade 3, grade 4, sometimes, at the high school level. And 20 years later,
they expected and hoped that their children would go to English school because
they had found that they had had a good education in the English schools and,
furthermore, they had learned French at the same time. Suddenly their children
were not able to have the same education as they, because they had not had all
of their primary education in English. They were penalized and with Bill 101
their expectations could not be realized.
They chose English school not because they did not want their children
to learn French. On the contrary, it was because they wanted to be sure that
their children would have English so that they can be mobile in North America.
But they also wanted to be sure that the schools would teach good French as a
second language, so their children could be effective workers and play an
important role in the life of Québec.
Furthermore, I think it is recognized by all of us that, historically,
immigrants had been conditioned to go to English schools because they had not
always, over the years, been welcomed in French schools. So, thousands of
parents found suddenly that under the terms of Bill 101, their children were
not eligible for English schools. The shock and disappointment of these parents
and the difficulty faced by the Board in sorting out who was eligible for
English education and who was not, left many hundreds of parents in the
situation of refusing French education. In the English catholic schools, the
teachers mobilized together to absorb many of these children in their
classrooms and they even raised extra money to provide extra teachers so that
these children could be given an adequate education. (22 heures)
Another category of people who were caught and very disappointed by Bill
101 -and amongs them are some of the so-called illegals that we are dealing
with tonight -are English parents who had sent their children long ago to
bilingual schools. The children of these parents who have had the foresight to
send their children to bilingual schools found themselves suddenly unable to
send their children to English schools. So, we had the ridiculous situation of
English parents who had lived here in Québec all their lives, who had
attended bilingual schools, but who could not send their children to English
schools.
Another category of parents who attached severely Bill 101 were black
parents who had come from very poor countries where they had little or no
education. These parents were very embarrassed to have to prove that they had
indeed gone to English school through their primary years because many of them
had not been to school at all and, yet, without that proof, they could not send
their children to English school. They were English-speaking, had been
English-speaking all their lives and were living in Québec but they
could not send their children to English schools.
You have another category of children who were caught in the fall of
1977 and for whom there was a problem, and it has been all these years, are
teenage children who come from other English-speaking countries. We have had
difficulty in Québec for people coming with teenage children from
England, from United States, from New Zeland, from Australia, whose teenagers
are not admissible to English schools. They cannot complete their education in
English.
I know of several cases where the children have had very difficult time
adjusting in their teenage years. This has created great stress on their
families, so much so that many of these children have not been able to get a
graduation diploma from a French high school.
It is true that there is a temporary stay provision in Bill 101 but many
families cannot honestly claim temporary stay or the companies for whom the
parents work will
not vouch for temporary employment. Many of our major hightech
companies, Pratt & Withney, Bell, Northern, Rolls Royce, Spar, have been
complaining for years that some of the highly qualified specialists that they
want to bring into Québec from English-speaking countries, from England
perhaps, from Germany, from the United States, will not come. They are reticent
to come because their children are already almost through high school and they
are not prepared to make the transfer at that age. This is something that is
very serious in terms of the highly qualified manpower that we very much need
in Québec in certain areas.
Madam Chairman, at the time of Bill 101, I was the chairman of a very
large schoolboard in Montreal which was severely hit by Bill 101. As chairman
of that board, called upon to apply Bill 101, I can tell you that I was the
recipient of fear, hostility and disappointment on the part of thousands of
parents. Thousands of parents who knew little French and were afraid that they
were no longer going to be able to communicate with their teachers, that their
children were going to be cut off from them and that they could not help them
in their education. They were afraid because they felt betrayed by a country to
which they had come, which they thought was a country of freedom, liberty and
opportunity where they could live and work in two languages.
After months of pleading with the Government, asking that the
retroactivity question be looked at that the schoolboards and the parents be
given time to work out their status and regularize who was eligible for what,
the question of teenagers be reconsidered after pleading for months for some
humanity and common sense and being refused, most of the Boards adopted Bill
101. I can tell you that over the years most of the parents who have accepted
to put their children in French schools have found that it was an opportunity
that they have welcomed and they were happy that their children have had the
opportunity for French education.
I think that I am also very happy to see that the whole business of
second language English which was of great concern to so many of these
immigrant parents, whose children are amongst the illegals, is a growing
concern amongst the French parents in Québec. I am convinced that all
parents in Québec, no matter what their language of origin is, believe
that what they want for their children is good English and good French so that
they can operate not only in Québec, but they want them to broaden their
horizons to be able to operate in North America and in the world. This is a
growing economic imperative and if we, Quebeckers, want to succeed in what is
now often referred to as the global village. The
Opposition will argue that to regularize the illegals is to discriminate
or to penalize those who have accepted French education in accordance with Bill
101. I cannot accept that perspective.
La Vice-Présidente: Mme la députée de
Jacques-Cartier, est-ce que vous pourriez conclure, s'il vous plaît?
Votre temps est écoulé.
Mme Dougherty: Merci. To regard French as a penalty and English
as a reward is no way to look at the situation. I think that if we are going to
succeed, we have to accept the fact that French is essential for all
Quebeckers, but so is English if we want to live in a larger world. The
Opposition will also argue that it is not morally correct to forgive those who
have committed an illegal act. I maintain that these children have done nothing
illegal. A penalty has been imposed on the Boards since they have not received
funds for these children. But to be described as a non-person for many years is
surely one of the most serious penalties that can be suffered by anybody. Let
us adopt Bill 58 in a spirit of generosity and humanity and get on with the
business of providing all Quebeckers, no matter what their language of origin
is, an education which will prepare them well for the future. Thank you.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Jacques-Cartier. M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci. J'ai écouté avec beaucoup
d'attention le discours de M. le ministre. J'ai regardé aussi l'attitude
qu'il avait ici en cette Assemblée. Elle différait de beaucoup de
celle qu'il a eue de façon peut-être émotive au moment de
la période de questions il y a quelque temps ici en cette
Assemblée. J'espère que M. le ministre, dans le débat qui
commence, qui semble être un débat quand même
intéressant, qui va amener des idées de part et d'autre, va
garder la même façon de voir les choses de telle sorte qu'il ne
tombera pas dans la partie de démagogie dans laquelle la
députée de Jacques-Cartier voulait l'amener tout à l'heure
sur la pitié qu'on peut avoir pour des gens qui ont transgressé
les lois. (22 h 10)
Mme la députée de Jacques-Cartier semble dire qu'il faut
tout oublier. Il y a des gens qui ne devraient pas être appelés
illégaux, les gens qui ont transgressé la loi. Elle semble
oublier que si elle était ou si j'étais dans la rue, sur la
Grande-Allée, ici en face, et que je passais sur un feu rouge, je
deviendrais d'une certaine façon en
contravention avec une loi. Vous allez faire la différence entre
un humain et entre le fait de passer sur un feu rouge. Mais ce que je veux
faire saisir à Mme la députée - M. le ministre fait dire
de monter le débat - je veux juste la ramener à ce qu'elle a
voulu dire. Il y a, de la part de la députée de Jacques-Cartier
justement, cette partie de démagogie qu'il est possible de faire parce
qu'il s'agit d'enfants. Le chef de l'Opposition a bien fait comprendre à
M. le ministre, et à ceux du Parti libéral qui
l'écoutaient tout à l'heure que ce contre quoi nous en avons, ce
n'est pas les enfants. Les enfants, est-ce que ce sont des martyrs comme
voudrait le faire passer le rapport Rondeau, comme semblent dire certaines
personnes de l'autre côté? Non, ce ne sont pas des martyrs, ils
sont encore à l'école, ils sont là, ils ont suivi des
cours. Même, dans certains cas - le ministre en est bien conscient, il
l'a lui-même dit, il n'en a pas parlé pendant son discours, mais
il a répandu à cette question pendant une période de
questions - il y a des enfants qui, de ce groupe, se trouvent actuellement au
niveau du cégep.
D'un autre côté, il y a des parents qui, quand on les
regarde, sont de groupes ethniques, que ce soit italien, que ce soit portugais,
que ce soit grec, que ce soit chinois ou de d'autres nationalités de ce
coin, et ce sont des gens qui ont outrepassé une loi. Je voudrais
revenir à la partie de la fin du discours de M. le ministre, quand il
disait que des gens étaient maintenant prêts à observer la
loi. Quelles sont ces personnes? Quels sont ces hommes ou ces femmes qui ont,
à l'intérieur de leur administration scolaire, que ce soit comme
cadre ou comme commissaire d'écoles, agi illégalement?
Ils ont fait un système qui a permis la mise sur pied d'un groupe
de jeunes étudiants qui ont perduré dans le système
anglophone alors que la loi 101 ne le leur permettait pas. Ils ont agi
illégalement. Ces personnes, qui sont dans l'administration, sont
aujourd'hui à blâmer, madame, qu'on le veuille ou pas. Ils ont
outrepassé une loi. M. le ministre fait signe que non, ils ne sont pas
à blâmer. Ces gens, aujourd'hui, écrivent à M. le
ministre...
M. Ryan: Une question de privilège, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Quelle est votre question de
règlement, M. le ministre de l'Éducation?
M. Ryan: Je voudrais vous demander si, quand on n'a point
parlé, l'orateur a le droit de nous imputer des paroles.
La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le ministre, je n'ai
pas compris votre question.
M. Jolivet: ...Mme la Présidente. Il n'y a pas de question
de règlement, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre, pouvez-vous
répéter votre question de règlement? Je m'excuse, mais je
ne l'ai pas...
M. Ryan: Je vais vous la poser. Je vais vous demander une
directive: Lorsqu'on n'a point parlé, est-ce que l'orateur qui s'exprime
a le droit de nous imputer des paroles?
La Vice-Présidente: M. le ministre, si vous pensez qu'il
vous a imputé des paroles que vous n'avez pas dites, peut-être
que, par l'article 212, à la suite de l'intervention de M. le
député de Laviolette, vous pourriez revenir sur le sujet.
M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Mme la Présidente, d'une façon ou d'une
autre, M. le ministre a voulu simplement m'interrompre dans un discours que
j'étais en train de faire en partant du fait qu'il y a des expressions
visuelles, il y a des gestes qui sont posés ici en cette Chambre et
qu'on peut comprendre aussi bien qu'une parole qui a pu être dite.
Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il y a des gens qui sont dans
l'administration, qui ont érigé un système pour permettre
à des jeunes de continuer dans un système scolaire que la loi 101
ne permettait pas. Il faut la regarder et se poser la question: Est-ce que le
projet de loi qui est devant nous, c'est un projet qui constitue un
véritable règlement du problème qui a été
posé devant l'ensemble de la fréquentation scolaire de
façon illégale dans des écoles anglaises par un nombre
d'environ 1500 illégaux?
Est-ce que le projet de loi qui est là est un projet de loi qui
amène un véritable règlement? Non! Il vient faire ce que
le ministre a toujours dit, une amnistie générale. Il vient
permettre à des gens d'effacer, comme il le disait, l'ardoise et de
recommencer en neuf comme si rien ne s'était passé, comme s'il
n'y a pas d'un côté des gens qui ont observé la loi et de
l'autre côté des gens qui n'ont pas observé la loi et qui
sont devenus illégaux par le fait même. Qu'est-ce que le ministre
ou les gens de son parti disent? Il y a de la part du Parti
québécois, depuis neuf ans, un dossier qui n'a pas
été réglé. Il faut comprendre pourquoi il n'a pas
été réglé.
C'est là que je veux revenir à ce que je disais tout
à l'heure, aux lettres que M. le ministre a reçues, dans
lesquelles les gens s'engagent à respecter la loi alors que nous avons
vécu, depuis 1977, avec ces mêmes personnes qui ont
décidé de ne pas respecter la loi et d'être, dans ce
contexte, des gens qui, illégalement, permettaient à des
jeunes
de perdurer dans le système.
Qu'est-ce qu'offre le projet de loi 58? Il offre une prime
l'illégalité. Que le ministre aime ou n'aime pas ce mot, qu'il
aime le mot amnistie ou qu'il ne l'aime pas, tout ce que l'on peut dire c'est
ce qui arrive: c'est qu'on amnistie tout le monde. D'abord les enfants, ensuite
les parents, ensuite le système scolaire qui l'a permis. Ces gens ont
donc bénéficié pendant ces années de la
complicité, active dans certains cas et passive dans d'autres,
d'intervenants scolaires anglophones, je répète: enseignants,
directeurs d'écoles, commissions scolaires. Ils ont donc reçu cet
appui et c'est cela que le projet de loi 58 vient tasser du revers de la
main.
En contrepartie de ce que peut offrir le projet de loi comme tel, que
vient-il offrir? C'est qu'il exprime le non-respect de ceux qui ont
respecté la loi, les membres des communautés culturelles qui ont
accepté d'entrer, à la suite de la loi elle-même, à
la suite des rencontres qui ont eu lieu avec Me Aquin et qui ont permis,
justement, d'entrer dans le système francophone tel que le
prévoyait la loi 101. Si on veut bien situer le problème des
élèves qui, depuis l'automne 1977, reçoivent ou ont
reçu illégalement l'enseignement en anglais au Québec, il
est donc bon, à ce moment, de se rappeler de façon sommaire
l'ensemble des dispositions législatives qui sont en cause. L'article 72
de la Charte de la langue française, celle qu'on appelle la loi 101 de
l'été 1977, établit la règle générale
que l'enseignement se donne en français dans des classes et des
écoles relevant des commissions scolaires ou des institutions
privées subventionnées. Ceci n'était pas nouveau puisque,
dès 1969, la loi 63 avait énoncé la même
règle générale qui avait été ensuite reprise
au mois de juillet 1974 par la fameuse loi 22. On doit aussi noter - et cela
fait suite à d'autres possibilités dans le système - que
l'article 72 ne s'applique pas aux écoles non subventionnées. Que
disait l'article 72? L'article 72 disait: L'enseignement se donne en
français dans des classes maternelles, dans des écoles primaires
et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au
présent chapitre. Cette disposition vaut pour les organismes scolaires
au sens de l'annexe et s'applique aussi aux enseignements subventionnés
dispensés par les institutions déclarées
d'intérêt public ou reconnues pour fins de subvention en vertu de
la Loi sur l'enseignement privé.
L'article 73 va énoncer certaines exceptions à la
règle générale donnée par l'article 72. Je ne les
mentionnerai pas parce que la députée de Jacques-Cartier les a
mentionnées tout à l'heure. C'est là que la loi 101
devient différente par rapport à la loi 63 et à la loi 22.
La loi 63 prévoyait que l'enseignement pouvait se donner en anglais aux
enfants dont les parents en faisaient la demande. La deuxième,
c'est-à-dire la loi 22, ajoutait une condition, la connaissance
suffisante de l'anglais pour recevoir l'enseignement dans cette langue, ce qui
supposait la vérification de cette connaissance par des tests qu'on
appelait des tests linguistiques. Les inconvénients majeurs de ces tests
linguistiques c'est que les enfants devaient subir un stress qui était
attaché à la vérification de la condition posée et
là, Mme la députée de Jacques-Cartier aurait raison. Pas
la loi 101. Rien ne pouvait garantir que tous les enfants d'une même
famille allaient réussir aussi bien les tests imposés. De plus,
la porte était ouverte à une sorte de marché clandestin de
cours d'anglais, qu'on a décrié un peu partout à ce
moment-là, destinés à rendre les enfants aptes à
recevoir l'enseignement en anglais. Donc, l'article 73 de la loi 101 est
marqué par la triple préoccupation qui était
d'établir un critère objectif indépendant des performances
linguistiques des enfants, d'éviter la séparation des familles
ainsi que, quoi qu'en pense la députée de Jacques-Cartier, tout
effet rétroactif, tout en établissant clairement que les familles
qui allaient s'établir au Québec par la suite devaient envoyer
leurs enfants à l'école française et ceci sans aucune
discrimination envers tous les immigrants. C'est ce que la loi 101
prévoyait. C'est pourquoi tous les enfants qui recevaient
légalement l'enseignement en anglais au préscolaire, au primaire
ou au secondaire lors de leur dernière année de scolarité
avant l'entrée en vigueur de la loi se voient confirmer le droit de
continuer à recevoir l'enseignement en anglais. (22 h 20)
Donc, pas d'effet rétroactif. Que les gens aient imaginé
qu'il y en avait, je peux le comprendre. Mais vouloir continuer dans le sens de
ces allégations, c'est vouloir continuer la démagogie de
certaines personnes. De plus, pour éviter la séparation des
familles, le même droit est accordé à tous leurs
frères et à leurs soeurs cadets. Donc, jusqu'à maintenant,
pas de discrimination mais plutôt une ouverture pour les gens
déjà en place; pour tous les nouveaux arrivants, l'école
française. Pour les personnes domiciliées au Québec avant
l'entrée en vigueur de la loi, le droit d'envoyer leurs enfants à
l'école anglaise reposait sur le critère de la
fréquentation scolaire en anglais n'importe où dans le monde
alors que pour les personnes établies au Québec par la suite, le
critère qui devait être utilisé et qui est utilisé
était celui de la réception de l'enseignement primaire en anglais
au Québec. Donc, la loi 101, à l'article 73, permettait certaines
dérogations à l'article 72.
D'autres exceptions étaient aussi prévues aux articles 81,
85, 86, 87 et 88 du
projet de loi 101 pour différentes possibilités. Les
prescriptions de la loi 101 étaient claires au moment où elles
ont été formulées. Elles ont cependant été
compliquées quelque peu par l'article 23 de la charte canadienne des
droits. Ce qu'on retient habituellement de l'article 23, c'est le fait qu'on
l'appelle la "clause Canada". Vous vous souvenez: "clause Québec" dans
la loi 101 et la réciprocité avec les provinces qui acceptaient
d'agir de la même façon envers les francophones venant du
Québec comme nous acceptions d'agir envers les jeunes venant des autres
provinces.
Un exemple, Mme la Présidente, de ce qui est justement la
différence entre ce que prévoyait la loi 101 et ce que
prévoit la charte canadienne des droits et la constitution canadienne se
trouve dans ma propre famille. Deux garçons d'une famille de dix
enfants. Mon frère a toujours vécu, qu'il le veuille ou non, dans
des provinces anglaises, soit en Ontario et en Nouvelle-Écosse.
Qu'est-ce qui arrive avec la constitution canadienne dans le cas de notre
famille? Ce n'est pas la loi 101 qui divise selon la langue, c'est la charte
canadienne et la constitution canadienne. Mon frère n'a pas pu faire
éduquer ses enfants dans les écoles françaises de la
Nouvelle-Écosse ou de l'Ontario. Ceux-ci parlent actuellement anglais et
c'est ce que j'ai appelé la branche anglaise des Jolivet. Ce n'est pas
la loi 101 qui a permis ces choses, quoi qu'en pensent les gens du
Québec. Donc, si cela ne se faisait pas en vertu de la "clause Canada",
il semble qu'il aurait assez peu d'influence sur l'ensemble du problème
des élèves illégaux dont le rapport Rondeau s'occupe,
puisque la grande majorité des gens dont le rapport Rondeau fait mention
sont des immigrants: les Italiens, les Grecs, les Portugais, les Chinois et
autres. Dans le rapport Rondeau, on dit que les gens provenant du Canada
occupent le cinquième rang. Donc, il aurait pu y avoir des sanctions.
Une sanction serait odieuse: ce serait de l'utiliser pour pénaliser les
enfants, parce que, en fait, comme je le disais tout à l'heure, ils ne
sont pas les vrais coupables.
Le nouveau gouvernement arrive et propose une solution. Dans le rapport
Rondeau, on expose dès le départ un préjugé qu'on
considère favorable à l'égard des personnes qui ont
violé la loi. C'est ce que propose le rapport Rondeau, c'est un
préjugé favorable à l'égard de ces personnes. On
s'emploie même dès le début à les considérer
comme étant des victimes d'une loi, dit-on, oppressive. On dit
même que cette loi comporte un effet rétroactif. La semaine
dernière, j'ai eu l'occasion de participer à une discussion avec
M. le ministre de l'Éducation. Il m'a dit qu'il n'aimait pas les lois
rétroactives, qu'il n'en voulait pas. Je dois vous dire qu'effectivement
le rapport
Rondeau, la proposition qui est devant nous, parle d'effets
rétroactifs pour des gens qui ont violé une loi, alors qu'ils
devaient la respecter. C'est cela qui fait dire à des gens: Moi, j'ai
respecté la loi, je ne suis pas capable de suivre la même voie que
ceux qui ne l'ont pas respectée. Le ministre dit: Ils n'ont pas à
s'en faire, vous savez bien que ces gens n'ont pas à regarder ce qu'ils
auraient obtenu s'ils n'avaient pas observé la loi. C'est, de la part
d'un ministre, un langage difficile à accepter, qui pourrait être
plus logique.
Mais ce qui est encore pire, c'est que la loi 58 telle que
présentée a un effet non seulement sur les enfants, mais surtout
sur les descendants, frères et soeurs, et cela, il y a des gens qui ne
le prennent pas et qui disent qu'on devrait travailler dans le sens d'un
meilleur respect de ceux qui ont observé la loi et que la solution
proposée soit différente de celle que nous propose la loi 58.
Je vais arrêter là, Mme la Présidente, parce que
vous me dites que mon temps est écoulé. Je vais laisser à
d'autres de mes collègues le soin de continuer cette discussion sur
l'adoption du principe du projet de loi 58. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laviolette. Mme la députée de Groulx.
Mme Madeleine Bleau
Mme Bleau: Le projet de loi 58 permet enfin de régler une
situation qui devenait de plus en plus intolérable pour les
élèves, les parents et les divers intervenants du domaine
scolaire. Je m'associe aux motifs invoqués par le rapport Rondeau pour
reconnaître le bien-fondé et l'importance de sanctionner ce projet
de loi au plus tôt. En effet, il est important de clarifier les
règlements d'admissibilité à l'école anglaise qui
rendent l'organisation scolaire fort compliquée. Encore plus essentielle
est l'obtention de leur certificat d'études secondaires pour les enfants
qui n'ont pas eu un mot à dire dans le choix de leur école.
Surtout, il faut faire cesser cet état d'hypocrisie institutionnelle,
peu conforme avec nos valeurs démocratiques.
Le projet de loi 58 ne remet pas en cause le bien-fondé de la loi
101, mais permet de corriger certaines anomalies sous l'éclairage de la
Charte canadienne des droits et libertés et de tirer enfin une ligne sur
ce conflit en évitant de pénaliser les enfants qui ont trop
souvent servi d'otages dans cette guerre d'adultes. C'est un geste humanitaire
et sage, et je m'associe au courage du ministre de l'Éducation et de mon
gouvernement. Ce n'est pas en essayant d'oublier un problème qu'il se
réglera comme par magie.
Les gens de l'Opposition, alors qu'ils étaient au pouvoir,
auraient eu tout le temps d'apporter des solutions, mais ils n'ont pas eu le
courage de le faire de façon humaine, complète et efficace. C'est
de la démagogie de la part de l'Opposition que de reprocher à
l'actuel ministre de l'Éducation de régler le problème des
enfants inscrits illégalement à l'école anglaise, alors
que ce sont ces mêmes gens qui ont laissé traîner les choses
depuis presque une décennie maintenant. Sortons-nous la tête du
sable et prenons nos responsabilités, même si ce n'est pas
toujours facile. (22 h 30)
Plusieurs solutions ont été envisagées et
suggérées par le groupe de travail constitué aux fins de
régler la situation des élèves illégalement admis
à l'école anglaise. Le ministre de l'Éducation n'est pas
homme à agir sans réflexion et à la légère.
Je lui suis reconnaissante de nous proposer la meilleure des solutions
après en avoir pesé le pour et le contre. Il faut
reconnaître, Mme la Présidente, que la solution que le ministre
propose est très raisonnable et souhaitable pour mettre fin à ce
laisser-aller qui n'augure rien de bon pour l'avenir social du Québec.
D'une part elle ne pénalise pas les enfants et, d'autre part, elle
prévient qu'une telle situation ne se reproduise par
l'établissement de règles claires et de sanctions prévues
pour dissuader les contrevenants de contourner la loi dans l'avenir.
J'appuie entièrement le projet de loi 58 parce que je crois
sincèrement que ce n'est pas par des actions répressives que nous
protégerons notre culture mais plutôt par des actions
positives.
Nous avons un problème démographique à surmonter et
l'une des voies de solution est de permettre à des communautés
ethniques diverses de s'établir et de croître ici, sans crainte de
l'intolérance ou de politiques d'assimilation forcée. C'est bien
plutôt par notre ouverture d'esprit et notre accueil que ces
différents groupes deviendront graduellement de véritables
Québécois et accepteront de participer positivement au
développement du Québec.
En vertu du projet de loi 58 les aspirants au statut de
Québécois sauront maintenant que le fait français est la
base de la société québécoise et que, malgré
le respect qu'ils sont en droit d'attendre envers leur culture d'origine, ils
doivent s'attendre à devoir vivre dans la langue du pays qui les
accueille.
Cela étant dit, il faut reconnaître que ce n'était
pas le cas pour les arrivants de l'époque précédant la
prise de conscience du gouvernement face à l'affirmation de la culture
et de la langue de la majorité du Québec.
Le projet de loi 58, en mettant fin à une situation
génératrice de tensions, ne menace aucunement le français
qui est et restera la langue de la majorité au Québec.
Je me sens beaucoup plus menacée dans ma langue quand je constate
la baisse de qualité qu'elle subit tant à l'école et dans
la famille que dans les affaires. Je suis persuadée que nous pouvons
atteindre la qualité linguistique essentielle au développement de
notre culture, d'abord en cessant les affrontements stériles dans ce
domaine et ensuite en favorisant et en démontrant une fierté
linguistique et culturelle qui est l'apanage d'une société qui se
sent sûre d'elle-même et qui est, par conséquent,
tolérante.
À ceux qui se sentiraient lésés parce qu'ils se
seraient soumis à la loi 101, je leur affirme qu'ils ont
déjà leur récompense, car le but ultime de leur adaptation
au Québec est de faire leurs la langue et la culture du coin de terre
où ils ont choisi d'élire domicile. C'est par ce processus
essentiel qu'ils se percevront comme membres à part entière de la
société québécoise, sans nier la richesse qu'on ne
pourra jamais leur enlever, c'est-à-dire la connaissance d'une langue et
d'une culture qui leur étaient propres avant leur venue chez nous.
Ces gens ont des acquis importants pour notre société et
je suis heureuse qu'à leur contact les Québécois
francophones aient la chance d'élargir leur vision du monde. J'aimerais
en profiter ici pour souhaiter que les Québécois ne se limitent
pas à leurs frontières mais plutôt s'ouvrent à
d'autres cultures. C'est en étant invitants et ouverts que nous
deviendrons une société forte tant du point de vue culturel et
intellectuel qu'économique.
C'est à cet égard que je souligne l'importance que nous
devrions tous accorder à l'apprentissage d'une deuxième langue
pour nos jeunes. Hélas, force m'est donnée de constater qu'il y a
place à l'amélioration à ce chapitre. Ce n'est pas en
refusant la possibilité à nos jeunes d'apprendre convenablement
l'anglais comme langue seconde que nous pourrons nous établir dans une
situation concurrentielle avec le reste du monde. Je souligne, en outre,
l'importance d'améliorer l'apprentissage du français dans nos
écoles et dans l'ensemble de nos médias. C'est par un
enrichissement soutenu que nous conserverons notre culture et notre
fierté de francophones et non par des mesures répressives et des
situations ambiguës, telles que nous les connaissons dans ce
problème des illégaux.
Je suis heureuse de constater que près de 89 % de nos enfants
sont éduqués dans la langue de la majorité au
Québec. Le gouvernement se doit de veiller à ce que ce
pourcentage demeure et même augmente. Sans être le seul facteur
d'explication, il faut reconnaître que la loi 101 y a joué un
rôle. C'est pourquoi, je le répète, Mme la
Présidente, le ministre de l'Éducation est sage en ne remettant
pas en cause l'orientation générale de la loi 101, mais
l'imbroglio créé par les règlements d'admission à
l'école anglaise a assez duré. Nous comprenons maintenant que
plusieurs groupes se soient sentis lésés en regard du libre choix
qu'ils croyaient acquis à leur arrivée chez nous. Nous croyons
fermement qu'en inscrivant leurs enfants à l'école anglaise, ils
ne voulaient pas se placer dans l'illégalité, mais se
défendre contre ce qu'ils croyaient être une injustice.
Le fait que des parents aient accepté de payer des frais de
scolarité pour leurs enfants démontre à quel point ils
étaient convaincus du bien-fondé de leur décision. Nous
offrons donc à ceux-ci une amnistie qui ne se veut pas une prime
à la désobéissance, mais une manière de
régler le problème de façon humaine et définitive.
La situation sera claire avec l'adoption du projet de loi 58, et nos futurs
concitoyens sauront qu'en choisissant le Québec ils choisiront de vivre
en français et surtout qu'ils choisiront un pays qui respecte
l'entité de chacun par l'application, dans ses lois, de valeurs
démocratiques. Ce n'est pas en accusant aujourd'hui les cadres et les
commissaires, comme l'ont fait le chef de l'Opposition et le
député de Laviolette, que nous réglerons ce qu'ils n'ont
pu régler durant neuf ans.
Je conclurai, Mme la Présidente, en félicitant le ministre
de l'Éducation pour son souci de créer un climat de confiance et
de collaboration tout en évitant qu'une situation semblable ne se
reproduise. Le bien-être et l'avenir de tous les jeunes
Québécois constituent la raison principale de notre projet de
loi. Par cette sage décision, nous réglons un problème qui
traîne depuis trop longtemps et nous évitons, par des
règlements clairs, de reprendre un débat stérile. Je vous
remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Groulx.
M. le député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Nous
voilà réunis à 22 h 40 pour discuter d'un projet de loi
qui, sans l'ombre d'un doute, retient l'attention de tout le Québec. Ce
projet de loi retient l'attention de tout le Québec parce que,
effectivement, il touche au coeur même d'un certain nombre d'acquis qui
ont été gagnés à la lumière, à la
suite de longues luttes, longues luttes sociales et longues luttes politiques,
et qui ont permis, il y a un certain nombre d'années - neuf ans plus
précisément - de clarifier ici au Québec, sur ce
territoire, une situation qui n'aurait pu durer davantage. Il importe de
rappeler, à ce moment-ci, un certain nombre de faits historiques. (22 h
40)
En effet, comment pouvons-nous penser discuter d'un projet de loi comme
le projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en
anglais de certains enfants, comment pourrions-nous discuter de ce projet de
loi dans le contexte où il est actuellement devant cette Chambre sans
rappeler un certain nombre de choses, un certain nombre de faits qui sont
maintenant partie intégrante de notre histoire et que les
Québécois et les Québécoises de toute ethnie se
rappelleront certainement avec un certain respect?
Mme la Présidente, faudra-t-il rappeler, au cours des
années, les premières années, les luttes que les
francophones ont dû entreprendre, ont dû soutenir et ce, à
partir d'une période aussi lointaine dans notre histoire que la fin du
XVIIIe siècle? Comment parler de ce projet de loi dans le contexte
où on se trouve, sans tenir compte du fait que la minorité
française sur le continent ne s'élève guère plus
qu'à 6 000 000 d'habitants dont la très grande majorité se
concentre au Québec? Comment pouvons-nous entreprendre et aborder
sérieusement l'étude de ce projet de loi sans tenir compte, bien
sûr, de la période plus proche de nous mais déjà
relativement loin de la régression du fait français au
Québec? Qui d'entre nous, qui des gens qui nous écoutent ne se
souviendraient pas d'une certaine période, voilà peut-être
15 ou 20 ans ou davantage, où le fait de parler français
même au Québec constituait un handicap sérieux? Qui ne se
souviendra pas, dans ma région, le SaguenayLac-Saint-Jean,
où les seuls emplois intéressants, les seuls emplois autres que
des emplois de manoeuvre étaient réservés à ceux
qui possédaient la langue anglaise et qui étaient d'origine
souvent différente de la nôtre?
Mme la Présidente, souvent les gens se demandent pourquoi le
SaguenayLac-Saint-Jean a des croyances politiques qui, à certaines
occasions, et on l'a vu récemment, se distinguent d'autres
régions du Québec. C'est peut-être que dans une
région francophone à 99 % on a vécu à une certaine
période le problème linguistique avec plus d'acuité
qu'ailleurs, parce que dans une région è 99 % francophone, les
emplois de cadre et même de contremaître dans les grandes
entreprises qui constituaient la base et l'essentiel de notre économie,
ces emplois étaient réservés à des gens qui
étaient de langue anglaise.
Voilà quelques faits qui, heureusement, sont maintenant chose du
passé. Heureusement, aujourd'hui, les gouvernements au cours des
années, par un certain nombre de projets de loi, par des actions
politiques cohérentes, difficiles à mener, il faut le
dire, des gens de l'autre côté en ont déjà
mené de ces actions, ont réussi à préserver le fait
français au Québec.
Il y a eu des projets de loi éminemment contestés. Qu'il
me suffise de rappeler la loi 63, la loi 22 et, bien sûr, ce projet de
loi, cette loi qui a permis véritablement, une fois pour toutes,
d'affirmer le fait français au Québec, la loi 101, cette loi 101
qui, après une dure bataille ici à l'Assemblée nationale,
a finalement été cette loi qui a permis, il faut bien le dire, de
ramener au Québec la paix sociale. On se souviendra que les lois
précédentes n'avaient fait qu'ajouter à la confusion,
tandis que la loi 101 a permis une fois pour toutes de dire clairement,
à tous ceux et celles qui étaient intéressés par ce
problème et qui étaient concernés, que c'est en
français que ça se passe et selon tel et tel critère. La
loi 101, qui était en réalité, il faut bien le dire, le
résultat des efforts conjugués de toute la société
québécoise, le résultat des efforts conjugués de
l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec,
la loi 101, par le long cheminement qui a été le sien, par la
démarche profondément difficile et lente qui a été
la sienne, a été un projet de loi marquant de notre vie sociale
et politique puisqu'elle rétablissait la situation.
Voilà - et on en est rendu à l'objet essentiel de nos
travaux de ce soir - qu'à une certaine période des personnes
récalcitrantes ont décidé, pour un certain nombre de
raisons qu'il ne m'appartient pas de juger, d'inciter un certain nombre de
familles, d'inciter des gens à défier des aspects de cette loi
101. Après avoir vécu collectivement une démarche, qui a
été longue, difficile, pénible, mais combien valorisante
pour le peuple québécois, voilà que des associations
syndicales, voilà que des cadres scolaires, voilà que certains
commissaires d'écoles complaisants, voilà que certains citoyens
récalcitrants s'organisent pour défier un élément
important de cette loi 101.
Mme la Présidente, le ministre nous a fait, selon son habitude,
un discours fort intéressant, un discours qui faisait appel dans
certains cas à des arguments très rationnels, on en convient,
mais un discours aussi qui, malheureusement, faisait appel, dans bien des cas,
à des arguments passablement émotifs. J'ai été un
peu étonné de voir le ministre de l'Éducation ramener
constamment le débat et l'essentiel de son argumentation autour du fait
que les enfants ne pouvaient être tenus responsables de la situation, et
il a raison dans les faits. J'ai entendu le ministre de l'Éducation nous
dire que les enfants étaient les victimes d'un ensemble de
circonstances, et il a raison sur le fond. Je citerai un article de M. Rudy Le
Cours, dans le Journal de Québec, où le ministre disait:
Écoutez, je pense qu'ils savent qu'ils ont agi d'une manière
éminemment contestable. Les plus malheureux de cette situation, ce sont
les enfants concernés, leurs parents et ceux qui ont été
impliqués dans cette action.
Je respecte le ministre, je respecte son point de vue concernant les
enfants et j'y adhère. Là où je suis passablement
étonné de son attitude et de son discours, c'est lorsqu'il
brandit le spectre des inspecteurs inquisiteurs qui pourchassent les enfants
qui ne sont pas responsables de la situation, ils les pourchassent dans les
écoles et les enfants doivent se camoufler, se cacher, s'enlever de la
vue des inspecteurs, disparaître, à toutes fins utiles, de la
circulation. Pauvres enfants et méchants inspecteurs! Voilà ce
que le ministre essaie de nous dire dans son argumentation.
Le ministre nous dit également que les anglophones à
l'époque ont perçu cela comme un bris du contrat social. Soit,
admettons qu'en 1977 les 144 parents d'enfants qui ont réagi
négativement à la loi ont pu se sentir, sur le coup,
lésés. Admettons qu'ils ont pu sentir que le contrat social
était rompu. Admettons que les 128 parents, qui ont envoyé leurs
enfants à l'école anglaise en 1978, pouvaient encore, deux ans
après, se sentir frustrés, réagir négativement.
Est-ce qu'on viendra me dire, Mme la Présidente, que les parents
qui ont inscrit 58 enfants à l'école anglaise en 1985-1986, neuf
ans après que la loi eut été adoptée par ce
Parlement, étaient aussi légitimés de penser qu'on brisait
au Québec un contrat social? Ces enfants n'étaient probablement
puisqu'il s'agit d'une entrée à l'école anglaise - pas
nés au moment où la loi a été adoptée par ce
Parlement. Peut-on aujourd'hui légitimement utiliser l'argument qu'on a
brisé le contrat social envers ces gens dont les enfants
n'étaient même pas nés au moment où la loi a
été adoptée? Mme la Présidente, on pourrait
remonter dans le temps. On pourrait se demander si, cinq ans, six ans
après l'adoption de la loi, les parents étaient toujours
légitimés de penser qu'on avait brisé au Québec le
contrat social. Voilà la question qu'on est en droit de se poser.
Le ministre dans son argumentation va jusqu'à citer le cas d'un
délateur qui fut, semble-t-il, presque amnistié par la justice
après avoir aidé celle-ci à découvrir ou à
élucider un certain nombre de crimes. Mme la Présidente, vraiment
on n'a pas compris ce que cela venait faire dans la discussion. Il n'y a aucun
point de comparaison, il n'y a aucun élément semblable et ce
n'est certainement pas l'argument qui honore le plus le ministre. (22 h 50)
Dans sa plaidoirie, Mme la Présidente, le ministre nous parle
d'ouverture. Faites donc preuve d'ouverture, nous dit-il. Faites donc preuve de
tolérance, nous dit-il. Faites donc preuve de largeur d'esprit, de
largeur
de vues. Voilà les arguments du ministre. Je vous demanderai
simplement, Mme la Présidente: Me Aquin ne faisait-il pas preuve
d'ouverture d'esprit quand il parlait de faire une campagne d'information pour
inciter les "illégaux" à réintégrer l'école
française? Me Aquin ne faisait-il pas preuve de tolérance
à l'endroit des "illégaux" lorsqu'il demandait à
l'État de s'engager à renoncer à toute poursuite dans le
cas des gens qui retourneraient dans le droit chemin? Est-ce que Me Aquin en
1981 ne faisait pas preuve de largeur de vues lorsqu'il suggérait un
projet d'accueil complet pour les élèves qui étaient
concernés par l'objet de son rapport? Est-ce que Me Aquin ne faisait pas
preuve d'ouverture, de tolérance et de largeur de vues lorsqu'il parlait
d'inscriptions assouplies pour ces enfants illégaux, lorsqu'il parlait
de délai raisonnable pour se remettre en loi, lorsqu'il parlait
d'évaluation pédagogique et linguistique appropriée,
lorsqu'il parlait de mesures de soutien linguistique pour
réintégrer le droit chemin, lorsqu'il parlait d'ajustements quant
au financement de l'enseignement de ces enfants? Est-ce que ce n'est pas faire
preuve d'ouverture, de tolérance et de largeur de vues face à
ceux qui avaient défié la loi?
Mme la Présidente, aujourd'hui, on nous demande, on nous implore
de faire preuve d'ouverture, de tolérance et de largeur de vues. Mais il
me semble que nous en avons fait preuve, déjà et que nous sommes
toujours disposés à faire preuve d'ouverture, de tolérance
et de largeur de vues. Mais la vérité a toujours ses droits. Il
nous semble qu'il y a des gens au Québec qui ont accepté,
malgré eux, dans certains cas, de respecter fondamentalement les
principes de la loi 101 qui avait été votée et
adoptée par ce Parlement. Il y a des gens au Québec qui auraient
voulu aussi profiter de l'école anglaise. Il y a des gens qui auraient
voulu, par choix ou à cause de leur milieu social, envoyer leurs enfants
à l'école anglaise. Mais ces gens ont majoritairement
respecté l'institution démocratique qu'est le Parlement. Ils ont
respecté les lois qui sont votées dans ce même
Parlement.
Mais, parce qu'un certain nombre de gens s'en sont exemptés,
parce que, pendant des années, des cadres scolaires, des commissaires
d'écoles, des directeurs d'école ont décidé de
défier la loi, parce qu'il y a encore des inscriptions qui se sont
faites à l'école anglaise récemment, neuf ans
après, parce que des gens ont décidé qu'on avait
brisé le contrat social au Québec, quand, voilà neuf ans,
on a décidé que, selon certains critères, c'est en
français que cela se passait au Québec, aujourd'hui, alors qu'on
veut régler leur problème, le ministre nous demande de faire
preuve de tolérance, de largeur de vues et de beaucoup de
magnanimité envers ces gens-là. Il nous demande de faire fi de
tous ces gens qui, aujourd'hui, doivent se mordre les pouces d'avoir
respecté la loi puisque le ministre bénit, en quelque sorte, tous
ces gens, puisque le ministre élargit les droits de ces gens-là
à leurs descendants et à leurs frères et soeurs.
Mme la Présidente, on se demande un peu où s'en va ce
gouvernement du côté linguistique. On se demande
sincèrement s'il y a une politique d'ensemble de ce gouvernement. Est-ce
qu'il y a deux personnes qui pensent pareil dans ce gouvernement du
côté linguistique? Est-ce que c'est le ministre de la Justice qui
a raison quand il parle de suspendre les poursuites relatives à
l'affichage en anglais ou à l'affichage bilingue? Est-ce que c'est le
ministre de l'Éducation qui a raison quand il parle d'amnistier les
enfants qui ont défié la loi depuis neuf ans au Québec et
cela sans aucune espèce de compensation quelle qu'elle soit? Est-ce que
c'est chacun des députés qui sont en cette Chambre et qui ont
souvent des visions différentes de ce qu'est et de ce que devrait
être la politique linguistique du gouvernement? Est-ce qu'enfin quelqu'un
de responsable dans cette équipe ministérielle va se lever et
nous énoncer clairement dans les faits ce qu'est la politique
linguistique de ce gouvernement, quelle est l'orientation qu'on compte prendre?
Est-ce qu'on compte amnistier a posteriori tous ceux et celles qui mettront de
côté des dispositions de la loi 101? Est-ce cela qu'on compte
faire dans ce gouvernement? Est-ce qu'on compte laisser de côté ou
bénir ou donner plus de droits encore à ceux qui ont
refusé de se soumettre à une loi légitimement
adoptée dans ce Parlement? Est-ce cela, la ligne de conduite du
gouvernement? Ou est-ce une ligne de conduite différente, plus
serrée, plus proche de la réalité?
Motion de report
Manifestement, ce gouvernement n'a pas de ligne directrice, n'a pas de
politique linguistique claire. C'est pour cela, pour lui donner le temps de se
préparer une politique linguistique claire qu'en vertu de l'article 240
de notre règlement je propose d'amender la motion principale en
retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans
six mois", de telle sorte qu'ils auront le temps de se préparer et
d'être cohérents dans les projets de loi qu'ils nous
présenteront. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le
député de Roberval. En vertu de l'article 240, une motion de
report doit faire l'objet d'un débat restreint, c'est-à-dire d'un
débat de deux heures. S'il n'y a pas de consentement de la Chambre pour
se
partager les deux heures, je devrai... Est-ce qu'il y a consentement de
la Chambre ou s'il y a eu une entente pour le débat de deux heures? M.
le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: Habituellement, c'est le gouvernement qui parle. On
va laisser parler le gouvernement.
La Vice-Présidentes M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, au moment où on se
parle, effectivement, il n'y a pas d'entente, mais je peux vous suggérer
de suspendre pour cinq ou dix minutes, le temps qu'on puisse se parler pour
voir si on peut s'entendre. Sinon, c'est vous qui déciderez. Ce que je
suggère, c'est de suspendre pour cinq minutes.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement pour une
suspension de cinq minutes, parce qu'il faut tout de même qu'il y ait
entente sur le temps?
M. Gendron: Oui, oui, il y a consentement.
La Vice-Présidente: Nous allons suspendre pour une
durée de cinq minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 58)
(Reprise à 23 h 38)
La Vice-Présidente: S'il vous platt, que chacun reprenne
son siège. À l'ordre, s'il vous plaît! Que chacun regagne
son siège. Je vais maintenant rendre ma décision sur la motion de
report présentée par le député de Roberval sur le
projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en
anglais de certains enfants.
En vertu de l'article 240 in fine, "la motion de report fait l'objet
d'un débat restreint". Or, en vertu de l'article 210 du
règlement, on définit ce qu'est un débat restreint: "la
durée d'un débat restreint est d'au plus deux heures". Cet
article 210 est une exception à la règle générale
du temps de parole stipulée à l'article 209.
Après une réunion avec les leaders conformément
à l'article 210, je constate qu'aucun accord n'est intervenu pour le
partage du temps. En vertu du paragraphe 6 de l'article 2, il me revient la
tâche d'organiser le débat restreint.
La limite qui nous est imposée par l'article 210 étant
déjà une exception à la règle
générale qui donne ouverture à la discussion à
l'Assemblée, je me vois dans l'obligation de ne pas restreindre
davantage le droit de parole des députés. En effet, il faut
favoriser la discussion la plus large possible sur toute question soumise
à la considération de cette Assemblée.
Par conséquent, je reconnaîtrai autant d'intervenants qui
se présenteront jusqu'à concurrence de la limite de temps
imposée par l'article 210 en respectant, autant que possible,
l'alternance et en limitant la durée de chaque discours à dix
minutes.
M. le député de "Chevrette" sur la motion de report.
M. Charbonneau: De Verchères, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Verchères sur la motion de report.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Un jour, je vous prédis qu'il y aura
probablement un comté, le comté de "Chevrette".
Mme la Présidente, j'interviens, à ce moment-ci, sur la
motion de report présentée par mon collègue, le
député de Roberval, parce que, d'abord, je pense que,
déjà, le fait d'avoir présenté à la
discussion du Parlement ce projet de loi en soirée est inacceptable.
Mme la Présidente, le parrain du projet de loi, le
député d'Argenteuil est un ancien journaliste comme moi.
D'ailleurs, c'est mon ancien patron au Devoir. Il sait très bien que, si
un gouvernement veut que les médias d'information et que l'opinion
publique suivent attentivement un débat important et que, en
particulier, l'Opposition qui a le mandat dans la société de
faire entendre des points de vue contraires au gouvernement ait l'occasion non
seulement de faire entendre ses points de vue, mais que ses points de vue
soient véhiculés à travers les médias dans
l'opinion publique, il faut que cela se fasse dans un moment particulier qui
permette aux journalistes de suivre les débats et d'en faire rapport
à la population.
Mme la Présidente, il n'y a pas un journaliste, ici, à 23
h 40 qui écoute le débat sur la loi 58. Il n'y en avait pas un,
non plus, à 20 heures lorsque le député d'Argenteuil a
commencé ce débat. Il n'y en avait pas plus ce soir à 21
heures lorsque le chef de l'Opposition a fait son intervention. On doit
constater qu'à ce moment-ci faire ce type de débat important,
c'est dévaluer la nature même du débat qui est
présenté. Ce n'est pas un débat mineur, comme le
prétendent les membres du gouvernement; c'est un débat qui touche
à une des questions les plus fondamentales, les plus délicates,
les plus sensibles et, à certains égards aussi - on l'a
vécu, il y a quelques années - les plus explosives que notre
société ait connue. L'immense tableau qui est derrière
vous, Mme la Présidente, a trait à
un débat linguistique il y a plus de 200 ans dans cette
Assemblée. C'est dire que la question linguistique a toujours
été au coeur des préoccupations de l'ensemble de la
population du Québec et en particulier des élus de cette
population.
Non seulement on nous présente un projet de loi en fin de
soirée et on va nous obliger à siéger dans la nuit - eux
qui ont longtemps décrié cette pratique alors qu'ils
étaient dans l'Opposition - mais on nous présente un projet de
loi important qui touche à la question linguistique en fin de session et
on le fait sans consultation de la population avec, comme seule opinion
indépendante, l'opinion d'un comité de personnes qu'on a mis sur
pied, cinq personnes dont un conseiller spécial du ministre de
l'Éducation, un attaché politique du ministre de
l'Éducation, un député ministériel - quelle
impartialité va-t-on retrouver? - membre d'une communauté
ethnique, culturelle, une des communautés qui ont réclamé
une amnistie pour les "illégaux", donc un député qui est
complètement objectif sur cette question, et deux personnes qui sont
également des gens des communautés culturelles.
Mme la Présidente, le fait d'avoir choisi ce type de composition,
d'avoir refusé toute consultation, d'avoir refusé de
présenter à l'opinion publique une position de gouvernement sur
l'ensemble de la question linguistique, cela nous oblige à ce moment-ci
à utiliser tous les moyens parlementaires qui sont à notre
disposition pour faire obstruction aux tentatives du gouvernement.
Ce projet de loi n'est pas mineur. Il se situe dans un contexte
particulier où le gouvernement par son attitude démontre de la
tiédeur, du relâchement sur des questions fondamentales qui sont
toutes reliées les unes aux autres, tiédeur et relâchement
autour de la question linguistique reliée à l'affichage,
tiédeur autour de la question de la langue du travail. Pas plus tard
qu'il y a quatre jours, le 31 mai, dans le Soleil, on titrait: Le
relâchement atteint les usines. La francisation marque le pas.
Tiédeur autour de l'intégration des immigrants et des nouveaux
arrivants, tiédeur et relâchement autour de la juridiction
constitutionnelle du Québec en matière linguistique. C'est dans
ce contexte, Mme la Présidente, que se situe la présentation du
projet de loi 58 sur l'amnistie des illégaux. Ce n'est pas uniquement un
projet mineur qui concerne une petite partie du dossier linguistique que l'on
veut rouvrir pour régler un problème qui n'avait pas
été réglé auparavant alors que tout le reste ne
fait pas problème et que tout le reste ne provoque pas de discussion
dans la société. Ce n'est pas cela qui se passe actuellement. Ce
qui se passe actuellement c'est qu'on a devant nous un nouveau gouvernement
qui, par son attitude, par le comportement de ses ministres et par celui de la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration... Celle-ci
donne des messages à la communauté anglophone et aux
communautés ethniques et culturelles du Québec en leur disant:
Nous, du Parti libéral, nous du gouvernement libéral, tout ce qui
n'est pas francophone c'est anglophone. C'est cela que la ministre a fait.
C'est dans ce contexte, Mme la Présidente, que j'ai expliqué
tantôt à un de vos collègues et que je vous explique
publiquement la raison pour laquelle on pense que ce projet de loi n'est pas
mineur. Il est important et beaucoup plus important que le ministre de
l'Éducation n'a voulu le prétendre dans son intervention de
tantôt. Il est beaucoup plus important que ce que les
députés ministériels vont dire au cours des prochaines
heures et des prochains jours. Ce projet de loi s'inscrit dans un plan d'action
et dans une attitude globale du gouvernement en ce sens qu'il s'attaque
à la fibre même de l'identité nationale
québécoise, c'est-à-dire la question linguistique. Si on
avait devant nous un gouvernement qui était au-dessus de tout
soupçon, qui n'avait pas par son attitude réanimé et
encouragé des gens dans la région de Montréal en
particulier et dans la région de l'Outaouais à revenir à
des anciennes habitudes et à revenir à une époque
où finalement lorsqu'on parlait en français dans certains milieux
c'était sinon s'abaisser du moins faire une concession majeure que
daigner répondre en français, que daigner parler en
français, que daigner s'adresser en français à des
concitoyens et à des concitoyennes... C'est cette attitude que les
ministres du gouvernement libéral encouragent depuis le 2
décembre. À l'égard de la francisation dans les
entreprises et de la langue du travail, on écrivait dans le premier
paragraphe d'un article du Soleil cette semaine: "Et la venue d'un gouvernement
qui ne cache pas sa tiédeur à l'égard de la loi 101 semble
avoir accentué cette tendance. Le relâchement qui a
été constaté dans la francisation de l'affichage depuis
l'arrivée au pouvoir des libéraux apparaît maintenant dans
les usines du Québec". Cela apparaît dans les usines du
Québec, cela apparaît dans les rues de Montréal, cela
apparaît dans les rues des municipalités de l'île de
Montréal, cela apparaît dans les rues des municipalités de
l'Outaouais et cela apparaît dans l'attitude...
La Vice-Présidente; À l'ordre, s'il vous
plaît! Je vous rappellerai l'article 36 où il est bien
mentionné qu'on ne peut interrompre l'intervention d'un
député. M. le député de Verchères, vous
pouvez continuer.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, je peux comprendre que
mes propos agacent le député de Sainte-Anne, mais
j'espère...
M. Polak: Mme la Présidente, une question de
règlement.
La Vice-Présidente: Une question de règlement, M.
le député de Sainte-Anne.
M. Polak: Mme la Présidente, le député ne
parle pas du tout sur le projet de loi 58, il parle d'une tout autre affaire.
S'il n'a rien à dire qu'il arrête de parler.
M. Chevrette: Sur la question de règlement.
La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition. (23 h
50)
M. Chevrette: Mme la Présidente, je pense que vous avez
fait un rappel à l'ordre en vertu de l'article 36 et le
député de Sainte-Anne devrait s'y conformer, purement et
simplement, et ne pas chercher à interrompre le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, pour la bonne...
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je veux bien qu'il y ait des
rappels à l'ordre en vertu de l'article 36, mais je me permettrai d'en
faire un en vertu de l'article 211 au député de Verchères,
de s'en tenir non pas à la motion de fond sur l'adoption du principe du
projet de loi 58, mais, évidemment, sur la motion de report
suggérée par son propre groupe parlementaire.
M. Charbonneau: On va vous faire un dessin, monsieur!
La Vice-Présidente: Veuillez continuer...
M. Charbonneau: Mme la Présidente, je comprends que le
leader adjoint du gouvernement a besoin d'un dessin, on va lui en faire un. Ce
que le leader du gouvernement n'a pas voulu comprendre dans les propos que j'ai
tenus, c'est que, si on demande un report, c'est pour permettre au gouvernement
de nous dire clairement où il loge sur la question de l'affichage, sur
la question de la francisation de la langue du travail, sur la question de
l'intégration des immigrants à la communauté francophone,
sur la question...
Des voix: Bravo!
M. Charbonneau: ...de la compétence du Québec en
matière linguistique. C'est pour cela qu'on veut que le gouvernement
prenne six mois pour réfléchir, parce qu'on pense que ce projet
de loi, le projet de loi 58, doit être étudié dans le
contexte global d'une politique linguistique qui doit nous être
livrée par le gouvernement. Le gouvernement doit mettre ses couleurs sur
la table, il doit nous dire où il loge sur l'ensemble des questions
linguistiques.
Je termine, Mme la Présidente. Je pense qu'à cet
égard six mois, ce ne sera pas trop au gouvernement pour calmer les
tempêtes qu'il a commencé à soulever un peu partout
à l'intérieur du Québec à l'égard de son
attitude dans le domaine linguistique.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Verchères. M. le ministre de l'Éducation.
Une voix: Lui, il était au Devoir. M. Claude
Ryan
M. Ryan: Mme la Présidente, je crois que le
député de Verchères, mon bon ami...
Une voix: Le camarade.
M. Ryan: ...vient de faire la preuve qu'il n'y a aucune
justification à la motion de report présentée par
l'Opposition.
Une voix: C'est vrai.
M. Ryan: S'il avait pu apporter le moindre argument indiquant
que, sur le sujet qui est en discussion avec le projet de loi 58, un report
pourrait être de quelque utilité, j'aurais compris son
raisonnement. Mais, à l'exemple du chef de l'Opposition ce soir, il
s'est perdu dans des avenues latérales. Ils ont ouvert toutes sortes
d'avenues de côté, parce qu'ils n'ont rien à dire...
Une voix: C'est cela.
M. Ryan: ...sur le sujet qui est en discussion avec le projet de
loi 58. Le chef de l'Opposition a passé son temps dans son discours, ce
soir, à dire: Je ne parle pas des enfants, je ne veux pas faire de tort
aux enfants. C'est le sujet qui est en discussion avec le projet de loi 58, Mme
la Présidente. Ce n'est pas la langue de l'affichage, ce n'est pas la
langue de ceci et de cela, ce n'est pas le problème
général de l'intégration des immigrants à la
communauté francophone, c'est le problème des 1500 enfants qui
sont dans les écoles anglaises de manière illégale par
suite de la négligence et de l'impuissance de ce gouvernement
d'autrefois...
Des voix: Bravo!
Une voix: Très ingénieux!
M. Ryan: Ils ont eu neuf ans pour enfanter même pas d'une
souris, pour enfanter de frayeurs sans cesse renouvelées, mais jamais de
solutions. J'ai été scandalisé ce soir, et cela ne
m'arrive pas souvent, j'ai été scandalisé
d'entendre...
M. Blais: II a enlevé son col romain.
M. Ryan: Celle-là, on pourra vous la faire ravaler, M. le
député de Jonquière. On va vous en montrer dans ce
domaine, comme dans d'autres. Vous êtes mieux de rester dans les Affaires
municipales.
Des voix: Bravo!
M. Ryan: Je m'excuse, c'était le député de
Terrebonne. Alors, je ne lui réponds pas. J'ai été
scandalisé, mais disons que j'ai été étonné
si le langage paraît ecclésiastique et effraie le
député de Terrebonne. J'ai été étonné
d'entendre le chef de l'Opposition et d'autres ténors à sa suite,
y compris, je crois, mon bon ami, le député de Laviolette, dire:
On les connaît les coupables; il y avait un système. Le
député et chef de l'Opposition dit: II y avait les commissaires
de la CECM, les commissaires de la commission scolaire Le Royer, les cadres
administratifs supérieurs. Il a dit: Je n'attaque pas les principaux, il
y avait les directeurs d'école aussi. Qu'est-ce que vous avez fait
pendant neuf ans? Vous saviez cela. Pendant neuf ans vous êtes
restés assis sur votre siège et vous ne faisiez rien; vous allez
venir les attaquer maintenant que vous êtes sûrs de n'avoir rien
à faire du côté de l'Opposition? C'est une comédie
monumentale. Ce n'est pas comme cela qu'on diriqe les affaires publiques. Vous
nous avez laissé un problème. Vous avez eu neuf ans pour le
régler et, maintenant, vous voulez six mois. Pourquoi? Qu'est-ce que
vous avez à dire au cours des six prochains mois? Vous auriez pu
commencer ce soir. "You have nothing to say, my friends." Je vous comprends et
je sympathise avec vous, mais je ne voudrais pas que vous retardiez l'action
d'un gouvernement qui sait ce qu'il a à faire.
C'est évident en vous écoutant parler ce soir que personne
d'entre vous n'a eu beaucoup de temps pour étudier le rapport Rondeau.
Vous vous êtes intéressés à savoir si M. Rondeau
était dans mon cabinet politique ou à un autre niveau. Ce sont
des questions secondaires. Tout le monde sait que M. Rondeau a la
compétence pour s'occuper de ces choses-là, de même que
toutes les autres personnes qui faisaient partie du comité. Voici ce
qu'ils nous disent: "Nous sommes persuadés que la situation
d'illégalité quant à l'admission à l'école
anglaise a assez duré et qu'une solution doit être apportée
pour la prochaine rentrée scolaire." C'est toute l'économie du
projet de loi, on vous l'a dit autant comme autant; il faut que ce
problème soit réglé avant la prochaine année
scolaire. Je ne sais pas si le député de Roberval se rend compte
qu'avec la motion de report qu'il présente il nous renvoie exactement au
mois de décembre. Qu'est-ce qu'on va faire au mois de décembre?
On va partir pour le congé de Noël? Pensez-vous que vous allez vous
empêcher de dormir avec le problème des "illégaux" pendant
ce temps-là? Pas d'après ce que vous avez fait pendant neuf
ans.
Une voix: Bien non.
M. Ryan: On vous dit: II faut régler le problème.
D'abord, il y a de ces enfants qui sortent des études; ils n'ont pas de
diplôme. Il y en a qui se présentent sur le marché du
travail - je pense qu'on est sensible à cela de l'autre
côté de la Chambre - et l'employeur leur dit: J'ai besoin d'un
certificat... Par exemple, s'ils se présentent au gouvernement du
Québec pour un poste, ils ont besoin d'un certificat d'études.
Ils vont dire: Je n'en ai pas, j'étais un non-existant aux yeux du
gouvernement du Québec pendant neuf ans. J'étais un "nonperson",
cela n'existait pas pour moi ces papiers. Vous dites: Un an de plus ou de
moins. Avec la paresse dont vous avez fait preuve, je sais que cela ne vous
fait aucune différence, mais pour nous cela en fait une très
grosse et nous allons le régler pour le mois de septembre.
Ensuite, pour l'organisation scolaire, si on veut faire quelque chose,
si on les régularise, il va falloir les réintégrer dans
les classes. On va larmoyer dans quelques jours sur le problème du ratio
dans les classes. Je prévois que le député d'Abitibi-Ouest
aura des choses intéressantes à nous dire là-dessus, mais
dans ce secteur-là cela fait des années que l'on marche avec un
ratio maître-élèves qui est bien au-delà de toutes
les normes imposées par le gouvernement ou reconnues dans les
conventions collectives. On dit: On va régler ce problème aussi
et, en même temps, on va en profiter pour régler les conditions de
travail. On va mettre les choses en ordre partout. Mais cela demande que l'on
sache à quoi s'en tenir. Déjà, nous sommes en retard pour
la prochaine année scolaire, mais il y a moyen de régler le
problème parce qu'on l'a vu venir depuis déjà une couple
de mois et on a déclaré publiquement quelle était notre
intention, mais, si l'Opposition nous disait: On a des choses à vous
apporter, on a pensé à cela et on va vous arriver avec des choses
très importantes, on dirait: Apportez-les-nous ce soir. Mais, même
si on attendait deux ou trois mois, on ne sera pas plus avancés qu'on ne
l'était. Vous n'avez rien trouvé à dire dans tout ce qu'on
a discuté jusqu'à maintenant et, si on allait consentir au
délai,
vous continueriez à vous complaire dans la paresse intellectuelle
et dans la passivité et l'indifférence les plus totales à
l'endroit de ce problème.
Mme la Présidente, je vous dis en dernier lieu que les conditions
sont réunies pour une solution juste, rapide et efficace. J'ai fait le
tour de tous les intervenants qui sont impliqués dans ce dossier. Nous
les avons tous rencontrés et nous avons établi les
éléments d'une solution viable. Je ne pense pas que l'on doive
tout renvoyer aux calendes grecques, dans l'espoir d'être capable de
rattraper le poisson dans six mois, alors qu'on ne le sait même pas. Par
conséquent, vous comprenez parfaitement, Mme la Présidente, qu'il
s'agit là d'une motion dilatoire du genre le plus classique et les
Parlements responsables, devant les motions dilatoires, agissent le plus
rapidement possible et passent à l'action. (Minuit)
Des voix: Bravo! Bravol
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Éducation. M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente.
Si nous avons proposé, par l'intermédiaire de mon
collègue de Roberval, une motion de report, c'est justement pour
permettre au gouvernement de ne pas parler seulement d'un aspect du sujet mais
de l'ensemble du sujet.
Le ministre dit: Écoutez, il n'y a pas d'urgence. Je vais
simplement vous lire ce que Mme Lysiane Gagnon disait dans un article de la
Presse, le 1er mai, intitulé: "Une amnistie injustifiable". "De fait,
comme le signalait la semaine dernière le chroniqueur Don McPherson dans
la Gazette, il n'était même pas nécessaire d'amnistier les
"illégaux". "L'amnistie s'imposerait, évidemment, pour des
raisons humanitaires, si leur statut semi-clandestin les empêchait
d'obtenir leur diplôme et brisait leur chance d'avenir. Mais ce n'est pas
le cas. Les autorités du réseau anglo-catholique, complices
actives de ces inscriptions illégales, remettent à ces
élèves des "diplômes" légèrement
différents du document réglementaire, mais la différence
n'est pas perceptible au profane. L'épicier qui embauchera tel gamin de
16 ans pour transporter des caisses ne lui demandera pas son diplôme et
le cas échéant, il n'y verrait que du feu. "Leur statut
imprécis n'empêche nullement les "illégaux" de poursuivre
leurs études...". Je sors du texte pour dire que le ministre l'a
évoqué quand il parlait du cégep. Je reviens au texte:
"...de poursuivre leurs études, les cégeps et les
universités anglophones reconnaissant leur pseudo-diplôme de fin
d'études secondaires. Au bout de cette longue chaîne de
complicités, l'élève "illégal" se retrouve muni
d'un diplôme collégial ou universitaire en bonne et due forme.
Qu'est-ce que c'est que ce pathos autour du stigmate dont ces enfants seraient
victimes et qu'il faudrait de toute urgence effacer par une amnistie
transmissible à leurs propres enfants?" Encore plus à leurs
frères et à leurs soeurs.
C'est justement pourquoi nous demandons un report de six mois, pour
permettre à ce gouvernement de ne pas regarder un seul problème
mais l'ensemble du problème linguistique. Je pense que c'est important.
Il n'y a pas seulement le fait qu'on doive avoir confiance en ceux qui sont
engagés par le ministre. Je peux avoir confiance en vous. Je peux avoir
confiance en ceux que vous engagez. Cependant, je peux contester le fait que
des gens, qui ont été dans le dossier à divers
degrés, soient maintenant dans un comité qui a
présenté un rapport qui amnistie à toutes fins utiles les
gens qui ont posé des gestes illégaux.
Je n'ai rien contre M. Jean-Claude Rondeau, qui est le conseiller
spécial du ministre. Je n'ai rien contre M. Jeff Polenz, qui est votre
attaché politique. Je n'ai rien contre le député de Viau,
que j'estime et avec qui j'ai beaucoup de contact et de discussions. Je ne
connais pas MM. Gerald Brown ni Michael Macchiagodena, sauf que je peux vous
dire une chose, c'est qu'à côté de ceux-là on vous
avait proposé d'autres personnes qui pourraient vous conseiller. Vous
auriez pu prendre le temps dans les six mois pour regarder ce que l'Alliance
des professeurs de Montréal propose dans une rude mise en garde au
ministre Ryan, dit l'article. Vous auriez pu regarder ce que la CEQ veut. Elle
a quand même quelque chose à dire dans l'ensemble du dossier. Dans
sa demande, elle veut une réaffirmation de la loi 101. Elle pose
l'ensemble du processus, même au niveau des "illégaux".
Peut-être qu'une commission parlementaire et peut-être que
le délai de six mois nous permettraient, à l'Assemblée
nationale, de connaître autre chose qu'un rapport provenant des gens
engagés par le ministre dans son propre cabinet, de
députés de l'Assemblée nationale qui ont pris des
engagements lors de l'élection pour régler ce problème,
selon leur dire. Aussi, cela pourrait permettre à d'autres personnes que
celles qui ont pu être directement concernées par le
problème de faire valoir leur point, non seulement sur l'ensemble des
"illégaux" mais sur l'ensemble du problème linguistique au
Québec.
Je pourrais regarder le fait que nous demandions à d'autres
personnes, qui sont concernées par le phénomène, de venir
s'exprimer en commission parlementaire.
Qu'est-ce que le ministre a à cacher? Pourquoi a-t-il peur de
demander à ces gens de venir s'expliquer? Pourquoi ne pas prendre les
six prochains mois pour faire comprendre aux gens du Parti libéral que
de payer une dette électorale à partir d'une amnistie
générale, sans considérer les effets que cela produira sur
ceux qui ont respecté la loi... Il faudrait que des gens puissent au
moins venir dire au ministre: Écoutez, nous voulons vous dire que nous
ne sommes pas d'accord. Voici les solutions que nous pourrions vous proposer.
Mais non. Le ministre dit: Non. L'absolution aux "illégaux"
s'étend aux frères, aux soeurs et aux descendants: "Ryan confirme
que l'amnistie s'étend aux descendants des "illégaux" de la loi
101... Je m'excuse, quand on cite un journal, on lit ce qui est incrit.
Or, quand on dit ces choses, on dit simplement: M. le ministre, vous
avez pris une décision qui vous appartient. D'un autre
côté, nous jugeons que ce n'est peut-être pas la meilleure
dans les circonstances. Peut-être que des conditions auraient dû
être mises, comme la CEQ le propose, au niveau d'une amnistie
conditionnelle. Je ne discute pas de ceci maintenant. Je dis: M. le ministre,
pourriez-vous demander à votre leader de convoquer, pendant les six mois
qui viennent, demain matin s'il le faut, une commission parlementaire pour
permettre à des gens de venir exprimer leur position? Peut-être
qu'on prendra d'autres décisions que celles prises par le comité,
qui est formé par des gens travaillant pour le ministre, qui est
formé d'un député de l'Assemblée nationale qui
avait pris un engagement électoral et qui essaie de combler l'ensemble
des engagements électoraux de ses collègues, et qu'on dira
à M. le ministre: Nous avons l'occasion de nous exprimer et nous croyons
que ce que vous a proposé votre comité, qu'on pourrait
peut-être qualifier, entre guillemets, de "partisan", que ce
comité ait la chance de se faire dire qu'il a peut-être pris la
mauvaise voie et que le ministre change d'avis.
J'écoutais le ministre tout à l'heure, je lui faisais une
mise en garde toute simple, au début de mon intervention sur la motion
de fond, en disant: M. le ministre, quand vous êtes comme vous
étiez lors de la discussion de fond, je vous trouvais correct. Quand
vous devenez démagogique, comme vous l'avez été tout
à l'heure, à ce moment, je commence à croire que vous
aimez un peu cette façon de voir les choses et c'est un peu ce que les
gens veulent vous dire: M. le ministre, regardez ce problème à
tête refroidie et non pas avec le sentiment émotif que vous avez
exprimé lorsque vous avez répondu à mon collègue de
Verchères sur la motion de report.
Je vous dis, M. le ministre, que nous ne proposons pas, pour le plaisir,
une motion de report. On vous propose cette motion pour permettre au
gouvernement de regarder le problème des illégaux dans l'ensemble
de toute cette politique linguistique dont on ne connaît pas, de a
à z, la teneur. Nous avons le ministre de la Justice qui pose des gestes
sur la question des causes qui sont pendantes et des causes qu'il
n'amène pas durant les tribunaux. Nous avons la vice-première
ministre qui pose d'autres gestes et qui ne semble pas savoir à quelle
place se situer. Nous avons la ministre de l'Immigration qui profite de
certaines circonstances pour s'adresser en anglais aux ethnies, au lieu de
s'exprimer dans la langue officielle du Québec.
Dans ce sens, je vous dis: Regardons l'ensemble, profitons des six mois
d'une commission parlementaire et peut-être qu'on aura l'occasion,
à ce moment, d'avoir une décision qui soit meilleure que celle
qui est présentée par le projet de loi 58. Est-ce que j'ai
terminé, M. le Président?
Le Vice-Président: II vous reste deux minutes, M. le
député, si vous voulez les utiliser.
M. Jolivet: II me reste deux minutes. Je dois vous dire que
j'espère que M. le ministre pourra comprendre notre appel. M. le
ministre se met à sourire. Je vous le demande humblement, M. le
ministre, écoutez-nous, demandez aux gens de venir vous exprimer comment
ils voient ce problème et quelles sont les solutions qui pourraient
être apportées et faire en sorte que, au lieu d'avoir une
décision basée sur un rapport qu'on peut juger de partisan, on
ait une décision qui fera peut-être, je l'espère comme
vous, l'unanimité de l'Assemblée nationale pour le bien des
enfants et aussi, en même temps, pour s'assurer qu'on ne donne pas une
prime à l'illégalité. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a un intervenant? M. le
ministre délégué aux Mines et aux Affaires
autochtones.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: M. le Président, sur la motion de report, je ne
comprends pas ou je comprends mal la position de l'Opposition. On nous dit:
C'est une situation qui existe depuis neuf ans. On dépose un projet de
loi pour régulariser la situation et, à ce moment, elle demande
qu'on le reporte encore six mois et demi afin de remettre à plus tard le
débat de fond sur cette question.
On n'est pas le Parti québécois, M. le Président,
pour remettre des décisions qui doivent se prendre immédiatement.
On doit assumer nos responsabilités et c'est ce que
je crois que nous sommes en train de faire. Lorsqu'on parle
"d'illégaux", on parle finalement des enfants. Ce qu'il faut retenir,
c'est qu'on est en train de discuter d'enfants, de nos jeunes finalement,
à qui on doit rendre justice et dont on doit régulariser la
situation, situation que même l'Opposition trouve non acceptable. (0 h
10)
L'Opposition nous dit: Oui, on est d'accord pour régulariser la
situation. Oui, on est d'accord et il faut agir le plus rapidement possible.
Ensuite, ses députés nous disent: On demande un délai de
six mois. On nous demande de revoir la situation pour six mois additionnels. Ce
n'est pas acceptable.
Nous, on dit, M. le Président, que les arguments de l'Opposition
ne sont pas acceptables puisqu'ils nous opposent. D'abord, il faut
protéger la langue française. Si on doit punir des enfants pour
protéger notre langue, je dois me poser des questions. Si le Parti
québécois n'est pas intervenu dans ce débat, si le Parti
québécois a refusé, à plusieurs reprises, d'agir
dans ce dossier justement parce que cela impliquait des enfants, alors que nous
on veut présenter une solution, pourquoi s'oppose-t-il?
Ces gens nous ont présenté une argumentation dans le sens
qu'en donnant une amnistie, M. le Président, nous allons favoriser,
donner une récompense à ceux qui n'ont pas agi dans le respect de
la loi. Je n'ai jamais entendu dire directement ou indirectement, de la part de
ceux qui ont respecté la loi, qu'ils voulaient justement qu'on punisse
ceux qui n'ont pas tenu compte de la loi adoptée par le Parti
québécois.
Nous vivons des situations très difficiles,
particulièrement en régions. Je pourrais vous citer plusieurs cas
de gens qui viennent de l'extérieur, qui viennent du Manitoba, de la
Saskatchewan, qui sont chez nous pour trois ou quatre ans et ils doivent
ensuite quitter. Les enfants sont venus ici, ils sont inscrits dans une
école secondaire et doivent quitter pour l'extérieur et ils n'ont
pas leur diplôme. Là, on s'oppose, on dit: Encore un autre six
mois, M. le Président, on doit les punir davantage. Moi, je ne crois pas
que c'est le cas.
Je pense que le problème peut se décrire
précisément comme suit: cela porte sur des enfants, sur un
élément qui est une question d'amnistie. Vous êtes d'accord
pour dire: Oui, on doit régulariser le problème, mais non, on ne
veut pas donner une amnistie totale. On veut que cela soit une amnistie
partielle. Je ne comprends pas la logique d'une telle position. Si on donne une
amnistie et si on dit qu'elle est partielle, on va traîner dans nos lois,
dans nos règlements un ensemble, une partie de notre population qui va
dire que, par exemple, ceux et celles qui ont des frères et soeurs, mais
qui étaient des "illégaux" ne peuvent pas aller à
l'école anglaise. On doit diviser des familles davantage, on doit
continuer à augmenter la division qui règne. Ce n'est pas nous
qui avons créé ce problème, M. le Président. Nous
sommes arrivés, le problème existait depuis déjà
neuf ans, et on a dit: On le règle; on le règle en donnant une
amnistie totale, on règle le problème de façon
définitive et, je crois, dans l'intérêt du
Québec.
Lorsqu'on parle d'amnistie, il est très difficile de faire un
partage. Je me rappelle très bien une situation qui est décrite
dans une pièce de Shakespeare, où justement on devait rendre,
suite à un contrat, une loi privée, une livre de chair qui a
été donnée en gage. À ce moment-là, on cite
un extrait où on dits "The quality of mercy is not strained. It droppeth
as the gentle rain from heaven, upon the place beneath: it is twice blessed, it
blessed him that gives, and him that takes. Tis mightiest in the mightiest, it
becomes the throne monarch, better than his crown".
Je crois que, justement, si le ministre de l'Éducation veut
régulariser cette situation, veut justement accorder l'amnistie de
l'État à des gens qui vivent une situation pénible, qui
ont outrepassé une loi qu'ils croyaient injuste, qui dépassait
les normes ou l'orientation de l'État, s'il veut accorder cette
clémence, il est en droit de le faire. S'il doit le faire, il doit le
faire avec la largesse que peut contenir le mot "clémence", sans
restriction, tout en protégeant les droits de nos francophones, tout en
assurant que, justement, la situation ne se reproduira pas, mais en assurant
que l'"amnistie", que la clémence de l'État soit totale dans
l'intérêt de nos enfants, justement pour empêcher que
survienne plus tard, une réglementation que je crois injuste
vis-à-vis les enfants qui ont outrepassé les normes d'alors.
M. le Président, je crois que la position de ce parti est
louable. Je crois également que la position qu'a prise le ministre de
l'Éducation est sans reproche et digne d'un homme d'État. Je
crois qu'elle montre une largesse et une ouverture d'esprit. Je crois qu'on
démontre, par cette motion de report également, la
difficulté de concevoir une solution immédiate, une solution
intéressante et une solution acceptable pour l'ensemble de la population
québécoise. Je conçois mal leur motion de report. Je
conçois mal leur opposition à ce projet de loi. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Je me lève
évidemment pour parler pour la motion
de report. Je pense que le ministre va comprendre le sens qu'on apporte
à ce projet de loi et à la raison qui fait en sorte que, oui, on
veut en discuter davantage. La projet de loi 58 s'en prend à la loi 101,
il ne faut pas l'oublier. C'est global. C'est une question de culture et c'est
une question de langue dans le contexte québécois
spécialement, c'est global cela ne peut pas être bloc par bloc et
complètement isolé et particulièrement avec ce qu'on
traverse depuis le 2 décembre. Vous allez comprendre cela, M. le
ministre, j'en suis convaincu. Quand on fait une brèche dans une loi
aussi fondamentale que la loi 101, la Charte de la langue française, la
moindre brèche fait en sorte que l'ensemble est pénalisé
ou l'ensemble est affaibli. Ce ne sont pas les mesures, depuis quelques mois,
qui manquent ou les craintes qui sont suscitées. Le projet de loi 58 est
une de ces craintes qui est probablement aussi importante, sinon plus, que tous
les gestes qui ont été posés ou qui n'ont pas
été posés par le gouvernement libéral actuel.
Donc, la loi 101 est fondamentale pour le Québec. Dans un
contexte nord-américain, où on ne représente même
pas 5 % de la population francophone, le seul gouvernement responsable d'un
peuple de culture française en Amérique du Nord, comment ne
prendrions-nous pas tous les moyens, non seulement pour se protéger,
mais pour se développer, pour s'affirmer et surtout s'affirmer
culturellement en Amérique du Nord? Ce n'est pas surprenant et ce n'est
pas seulement au Québec qu'on fait cela. On lisait dans les journaux,
cette semaine, que les Américains se proposent de déposer un
projet de loi pour affirmer que l'anglais est la langue nationale des
Américains. Ce n'est pas loin, les États-Unis. Ce n'est pourtant
pas le Québec qui les menace. Ils sont 250 000 000. Et, pourtant, ils
sentent le besoin d'affirmer par une loi que la langue officielle est l'anglais
aux États-Unis, alors que le peuple le plus puissant au monde, ce sont
les Américains. Alors qu'à peu près tous les peuples
francophones, espagnols ou de toutes les cultures au monde sentent le besoin de
se protéger contre la culture américaine, les Américains,
chez eux, ont l'intention de déposer et d'adopter un projet de loi pour
affirmer que l'anglais est la langue nationale aux États-Unis. On ne va
pas à contre courant avec la loi 101. C'est notre devoir en
Amérique du Nord d'être les protecteurs de la culture
française.
Avec le projet de loi 58, c'est une menace, c'est une brèche
qu'on amène dans la Charte de la langue française. On ne peut pas
se permettre d'adopter cela en fin de session en pleine nuit. M. le
Président, je ne suis pas d'accord sur cela. Les gens qui sont en face,
c'est vrai qu'il n'y en a pas beaucoup qui étaient là en 1977,
sauf qu'ils ont trouvé cela important pendant tout l'été
de discuter de la Charte de la langue française, de la loi 101, parce
que c'était fondamental. Aujourd'hui on peut se permettre de changer
cela sur un point très important de cette même charte parce que
c'est l'éducation, donc, c'est l'avenir, c'est les jeunes, c'est
l'avenir du Québec! On pourrait se permettre d'adopter cela en fin de
session, un changement pareil, en pleine nuit comme si ce n'était pas
important et presque sans consultation! Le ministre disait qu'il a fait des
consultations. Oui, il a fait des consultations. Il en a fait pour les gens
directement impliqués. Comme dit mon collègue, avec un
comité politique: un député, deux attachés
politiques et des gens qui sont directeurs des services aux anglophones au
ministère de l'Éducation, le-directeur adjoint, secteur anglais
de la CECM. Cela en fait des consultations. On ne peut pas nier cela. Mais
c'est un comité drôlement politique et drôlement
orienté. (0 h 20)
Le secteur de l'éducation, le secteur de la survie de la culture
française au Québec ce n'est pas vrai que cela concerne seulement
les gens impliqués dans ce dossier. Cela concerne juste les gens
impliqués dans ce dossier. Cela concerne toute la population et on doit
se donner six mois pour permettre à tous ceux qui s'intéressent -
donc toute la population - de pouvoir au moins faire des commentaires
là-dessus.
C'est inacceptable de passer cela comme ça. Je suis convaincu
qu'on a raison d'être inquiets là-dessus. C'est une brèche.
Si c'était la seule, peut-être qu'on aurait moins raison, sauf
qu'on a juste à regarder ce qui s'est passé depuis le 2
décembre. C'est l'affichage unilingue anglais et on revient à
l'affichage bilingue. Même si c'est contre la loi 101, l'affichage,
première attaque. Radio-Québec, parce que c'est un autre type de
développement culturel francophone à l'intérieur du
Québec...
C'est la pertinence, M. le Président, parce que ce que je veux
démontrer, c'est que la loi 58 fait partie d'un tout qui fait en sorte
qu'on s'attaque à l'esprit même de la Charte de la langue
française. Radio-Québec, l'affichage, les "illégaux", la
"clause Canada". Ils vont se donner des pouvoirs, ensuite, ce sera la clause
universelle. Les pouvoirs de contrôle linguistique: céder à
Ottawa. On l'a vu. La clause "nonobstant" a été retirée,
on donne plus de pouvoirs à Ottawa.
M. le Président, on ne peut pas, nous, dilapider la loi 101, la
Charte de la langue française, comme cela, de toutes les façons,
sans demander au moins que tous les Québécois, par leurs groupes,
par leurs associations, puissent s'exprimer là-dessus. Ce projet de loi
en est une bonne occasion.
Ici, en 1977, cela valait la peine de passer l'été pour
étudier la Charte de la
langue française. Pour quelle raison cela ne vaudrait-il pas la
peine encore aujourd'hui? J'ai bien écouté le ministre de
l'Éducation tantôt dans son exposé. La seule justification
qui a semblé porter sur l'urgence, c'est qu'il avait pris un engagement
électoral. C'est beau, entendre cela! En tout cas, ce n'est pas
responsable. L'urgence d'adopter cela, c'est qu'on avait pris un engagement
électoral. Pour quelle raison cet engagement électoral est-il si
pressant? Les dettes politiques probablement, mais c'est injustifiable pour
l'ensemble de la population. On justifie l'urgence en fin de session et en
pleine nuit sur le fait qu'on avait pris un engagement électoral.
Pourtant, on avait pris bien d'autres engagements électoraux, entre
autres baisse d'impôts et baisse de taxes, et on a fait
complètement le contraire dans le budget. Mais on nous dit quoi?
Écoutez, on ne peut pas faire tout cela la première année.
Ce n'était peut-être pas nécessaire d'adopter
celle-là, non plus, dans les six premiers mois, d'urgence, comme
cela.
Il y a eu bien d'autres engagements: la raffinerie de sucre et
Radio-Québec. Pourtant, on fait le contraire là-dedans. Donc, il
faudrait faire attention pour que le discours de l'autre côté ne
soit pas noir ou blanc en fonction de ses engagements électoraux. Qu'on
ait une ligne de conduite.
Mais ce qui nous inquiète, nous, et ce qui inquiète
beaucoup de Québécois, c'est qu'il semble y avoir sur les plans
culturel et de la Charte de la langue française une ligne directrice, de
l'autre côté, qui est l'affaiblissement. La loi 58 va dans ce sens
et c'est pourquoi on ne peut pas se le permettre. On a beau utiliser des
chiffres, de l'autre côté, et dire que cela s'est
amélioré. Oui, cela s'est amélioré, sauf qu'il faut
également les chiffres qui sont sortis, les derniers chiffres
récents qui ne viennent pas du Parti québécois, mais qui
viennent de Statistique Canada ou de rapports importants, de rapports
complètement impartiaux et qui nous disent que, oui, en six ans,
grâce à la loi 101, on a réussi à faire en sorte que
50 % des allophones viennent à l'école française. On est
passé de 20 % à 50 %. Bien, c'est drôlement
inquiétant que, malgré ou avec la loi 101, à peine un
allophone sur deux ait décidé de venir à l'école
française et on va venir avec la loi 58, maintenant, accepter
l'illégalité. Quant à moi, je comprends qu'on amène
cela comme ça, en fin de session et en pleine nuit, parce que, lorsqu'on
amène un projet de loi pour discuter de la reconnaissance et de la
récompense de la désobéissance civile, on ne peut pas
faire cela autrement qu'en cachette et à la noirceur. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au
député de Sainte-Anne. M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. On discute la motion du
député de Roberval pour reporter l'étude du projet de loi
58 à six mois. Si jamais on a vu un exemple d'une motion dilatoire, on a
ici le cas typique, parce que nous parlons d'une loi qui concerne
l'enseignement des enfants. Le but de la loi est très clair. C'est pour
régulariser la situation maintenant pour que, au mois de septembre, les
enfants puissent reprendre leurs études d'une manière calme et
que la paix soit rétablie dans les écoles, s'il y avait des
problèmes. Qu'est-ce que suggèrent les péquistes? On va
reporter cela au 4 décembre, mon anniversaire de naissance, par
hasard.
Le 4 décembre 1986 est au milieu de l'année scolaire.
C'est la tactique de l'Opposition pour dire: Voici, cela va être
discuté au mois de décembre 1986. Pourquoi? Parce que vous voulez
justement qu'il y ait des problèmes. Vous voulez justement vous faire du
capital politique sur le dos des enfants. Or, nous ne voulons pas cela,
nous.
J'écoutais parler les députés péquistes. Je
suis heureux que le député de Verchères soit ici parce que
j'étais là quand il a parlé de l'affichage. M. le
député de Verchères, on ne parle pas de l'affichage; on
parle de l'éducation des enfants. Il y a une distinction. Il a
parlé de la compétence du Québec en matière
linguistique. Il avait les deux bras en l'air et des larmes dans les yeux. S'il
vous plaît, M. le député de Verchères! Il n'y a pas
de problème en matière linguistique, parce que notre position est
claire et l'a toujours été. C'est la primauté du
français avec le respect des minorités. Mais c'est un vrai
respect et non pas le respect que vous démontrez, vous.
Le député de Laviolette, le porte-parole de
l'éducation, qui a parlé sur cette motion, a dit du ministre de
l'Éducation: Cela nous prend une tête refroidie. S'il vous
plaît, s'il y a une tête refroidie dans notre
délégation, c'est celle du ministre de l'Éducation. C'est
un homme calme. C'est un homme qui a une tête refroidie. C'est un homme
qui a pensé à cette question, qui y a bien réfléchi
et qui a décidé de présenter ce projet de loi 58 comme
geste humanitaire pour régler un problème qui traîne depuis
neuf ans.
C'était le 3 novembre 1977, il y a presque neuf ans, que j'ai
écrit à votre premier ministre de l'époque, M. René
Lévesque, parce que j'étais commissaire d'école dans le
temps. J'ai l'article du Devoir devant moi, pour ceux qui sont
intéressés. J'avais demandé à l'époque un
acte humanitaire, un acte de compréhension, une sorte de pardon.
Peut-être qu'il est vrai au plan légal que les gestes qui ont
été
posés n'étaient pas corrects, mais au plan humanitaire...
Parce qu'on parle de petits enfants, on a attendu neuf ans. Je pense qu'il est
à peu près temps que notre ministre de l'Éducation
règle ce problème à la manière que nous vous avions
offerte il y a neuf ans. Si vous voulez avoir une autre période de six
mois, vous êtes pas mal sur la voie d'une motion dilatoire.
Le député de Shefford, lui, parle du besoin du
Québec de s'affirmer en Amérique du Nord. Nous sommes d'accord
là-dessus. Mais cela ne veut pas dire du tout qu'il faut remettre
à six mois l'étude de ce projet de loi. Nous sommes prêts
pour cela depuis longtemps. Cela ne va rien changer du tout dans l'affaire.
Vous le savez très bien. Vous cherchez quelque chose. C'est difficile.
Je comprends qu'après une élection on cherche une
clientèle parce que vous en avez perdu pas mal. Donc, là, vous
vous cherchez une clientèle et vous allez dire n'importe quoi. L'autre
jour, c'étaient les assistés sociaux. Aujourd'hui, c'est cela.
Finalement, vous avez trouvé quelque chose et ce sont les enfants. Mais
je peux vous dire que vous n'irez pas loin avec cela. Vraiment, la
clientèle n'est pas là. La clientèle n'était pas
là à minuit et elle n'y est pas non plus à une heure du
matin, en dépit de votre motion de report, en dépit de tous les
grands discours que vous faites là-dessus, parce que le public,
malgré tout le respect que je vous dois, n'est plus avec vous
là-dedans.
S'il vous plaît, comprenez donc une fois pour toutes qu'il ne sert
à rien de retarder cette affaire-là. Il s'agit d'un geste
humanitaire. Il ne s'agit pas d'une tentative d'attaquer ou d'affaiblir la loi
101 en aucune manière. Vous le savez très bien. Si vous vous
regardez intérieurement et d'une manière vraiment sincère,
vous serez d'accord avec nous. Si vous cherchez vraiment un sujet de
discussion, cherchez autre chose. Pas cela.
Quand j'ai entendu ces députés parler sur cette motion de
report de six mois, peut-être qu'ils auraient dû prendre deux ou
trois mois. Au moins, on aurait pu dire qu'ils voulaient reporter la question
avant le mois de septembre. Mais, six mois, cela reporte la question en plein
milieu de l'année scolaire, soit au mois de décembre 1986. (0 h
30)
On a dit de nous qu'on était en train d'attaquer la loi 101. On
parle ici de 1500 enfants. Savez-vous, messieurs et mesdames les
députés péquistes, qu'il y a 20 000 enfants admissibles
à l'enseignement de l'anglais et qui sont volontairement, sans votre
intervention, allés dans le système francophone pour apprendre le
français? Ils sont là volontairement. Ils sont 20 000 enfants. La
bonne volonté est là. Vous êtes en retard, c'est
malheureux, parce que les temps ont changé, il y a eu une
évolution dans le Québec. On n'a plus besoin d'avoir des
"illégaux". Rien. Pas de problème du tout. Ce n'est pas
nécessaire parce que la primauté du français a
été établie. Les allophones sont pas mal intelligents, ils
ont compris volontairement, et c'est vrai que la loi 101 a aidé à
faire comprendre cela. C'est vrai que cela a pris une évolution, au
point qu'il y a 20 000 de ces enfants qui y sont. Allez voir au PSBGM, dans les
écoles protestantes de Montréal, vous ne trouvez plus de classes
de petits enfants anglais purs, cela n'existe plus. Ils apprennent tous le
français parce qu'ils savent qu'il faut l'apprendre et le
connaître, et ils le font par bonne volonté. Avec votre motion
pour reporter cela, pour essayer de susciter un autre débat
linguistique, vous êtes en arrière du wagon. C'est malheureux,
mais il faut le dire: Cherchez-vous un autre cheval de bataille. Merci
beaucoup.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président, il m'est
très agréable de prendre la parole pour appuyer mon
confrère de Roberval sur la motion de report. Cette loi nous arrive de
façon très intempestive. Le temps est inopportun pour
présenter cette loi à l'Assemblée nationale. Pourquoi? Il
y a un temps pour chaque chose et présenter cette loi à
l'Assemblée nationale, c'est intempestif.
Voici pourquoi, M. le Président. Ces gens sont encore sous
l'influence de la fièvre de la campagne électorale et, pour une
loi d'une intensité aussi dramatique et aussi chaude, il faut un esprit
refroidi. Ils sont à l'aube du pouvoir et, après six mois, ils
nagent encore dans l'euphorie de cette immense victoire qu'ils ont
emportée. Je leur concède cette victoire, bien sûr, mais ce
n'est pas dans l'euphorie que l'on prend des décisions aussi importantes
que celle de parler de la langue, quand on a remporté une victoire en la
piétinant. Cette fièvre que vous avez dans votre début de
mandat vous empêche d'être lucides dans l'appréciation du
texte que vous nous présentez. Voilà pourquoi la motion de
report, M. le Président, pour un. Pour deux, laissant tomber calmement
cette fièvre qui vous habite et laissant tomber calmement ces promesses
olé olé de la dernière campagne, eh bien, vous allez
regarder la situation en face et vous rendre compte dans quelques mois que
c'était inopportun.
C'est pour vous aider, c'est par condescendance envers le pouvoir que
nous faisons cette motion de report. J'aimerais donc que vous attrapiez au vol
cette perche que nous vous tendons, parce qu'elle est salvatrice pour vous.
C'est une perche
salvatrice parce que vous vous engouffrez. Nous sommes là pour
que votre parti ne soit pas accusé d'être tombé dans le
précipice si peu de temps après avoir pris le pouvoir. Nous
sommes là pour vous aider. C'est pour cela qu'un après l'autre
nous vous disons: Ciel, "ô temps suspends ton vol" afin que ces
gens-là aient le temps de regarder pas seulement l'expression, pas
seulement la forme, mais le fond de la pensée qui se trouve dans cette
loi.
Il y a une pensée dans cette loi. Est-ce que vous l'avez
remarquée? Ce n'est pas seulement le numéro. Il ne faut pas voter
seulement pour le numéro; il faut voter pour ce qui est écrit
dans les pages qui suivent le numéro. Il ne faut pas être un
numéro seulement lorsqu'on est élu. Il faut regarder ce que les
pages nous amènent dans les lois. On les lit page par page, feuille par
feuille.
Nous voulons vous aider. Nous sommes un parti sérieux. Nous
sommes une Opposition constructive. Nous sommes là pour supporter le
pouvoir et essayer de l'empêcher de crouler quand il veut faire un geste
qu'il ne devrait pas faire dans le désespoir de respecter des
engagements olé olé d'une campagne qui l'a amené aussi
fort au pouvoir. Comprenez-vous au moins ça? C'est exactement ce qui
vous arrive.
Des voix: Barrez les portes!
M. Blais: Je ne voudrais pas qu'on barre les portes, M. le
Président, comme certains le suggèrent. Il y en a qui se
lèvent. Laissez-les sortir. Je voudrais que ceux qui sont assis aient la
fièvre, s'ils le veulent, pour défendre leur projet. Mais il ne
faut pas qu'ils soient malades jusqu'à en attraper la picotte. Il faut
que les gens défendent leur projet, mais il ne faut pas qu'ils se
grattent continuellement sur le projet. Il faut qu'ils regardent le fond et, en
grattant le fond du projet, il comprend son essence. C'est cela que nous
voulons avec cette motion de report. Nous voulons que vous compreniez l'essence
du projet de loi du ministre de l'Éducation. J'ai beaucoup de respect
pour ce dernier. C'est un homme extraordinaire. Vous êtes très
chanceux de l'avoir. Il remonte beaucoup votre standing.
Des voix: Bravo!
M. Blais: II remonte le standing intellectuel de votre formation,
c'est vrai. Mais cet homme, vous lui donnez tellement de travail qu'il peut
avoir des faiblesses et cette loi 58...
Des voix: Ah! Ah!
M. Blais: II ne peut pas tout faire et vous lui laissez tout. Il
ne peut pas tout faire. Il étouffe sous le poids du travail que vous lui
donnez parce qu'il est la poutre qui soutient votre parti. Sans lui,
l'édifice libéral croulerait. Quand il était chef, je lui
ai dit en Chambre, ici: Vous ne serez certainement pas longtemps chef du Parti
libéral parce que le Parti libéral n'a pas besoin d'un homme qui
pense, mais il a besoin d'un homme qui dépense. Et il est parti. Et il
est parti. Et il est parti. Mais, ciel, que j'aimerais donc que vous regardiez
la perche que nous vous tendons si généreusement, sans parti
pris, complètement dénudés. Nous nous présentons
nus devant vous avec une grande sincérité. Une grande
sincérité. Il faudrait absolument que vous sautiez sur cette
perche.
M. le Président, il y a des temps pour tout. Il y a des temps
pour la réflexion dans un projet de loi aussi important. Il y a des
temps pour la compréhension aussi. Il ne faut pas se laisser aveugler
par la partisanerie. On jurerait qu'il y en a parmi vous. Je ne veux pas juger,
mais il me semble que je vois des sourires complices et partisans. Il me
semble. C'est malheureux dans une chose aussi importante qu'un projet de loi
comme celui-là, qui regarde l'essence même de la nation et qui
l'affecte dans sa prime jeunesse. Cette motion de report, vous devriez la
regarder avec toute l'intelligence qu'elle commande. Il le faut absolument. Le
temps de la compétence est arrivé. Je n'ai absolument rien
à dire contre le comité qui a fait la sélection et qui a
apporté des solutions, parce qu'on lui a donné comme mandat - je
connais très bien M. Rondeau, c'est un homme d'une très grande
compétence - d'apporter des solutions pour que les "illégaux"
deviennent des légaux. Il a fait son travail.
Des voix: Bravo! (0 h 40)
M. Blais: II a fait son travail. C'est la commande qui souffrait
dans son essence. On lui donnait un mandat en lui disant la conclusion:
Donnez-nous les moyens pour que les "illégaux" deviennent légaux.
C'est pour cela que j'aimerais, M. le Président...
Le Vice-Président: Une demi-minute.
M. Blais: J'aimerais, M. le Président, que tous les
députés qui sont en face de vous - je ne parle pas de notre
groupe, notre groupe, il a compris, mais des autres, les 98 ou ce qu'il en
reste lisent, je les en supplie, ce projet car il est porteur de malheurs pour
l'avenir, pour votre parti. Je ne vous le souhaite pas, c'est pour cela que je
demande une motion de report. J'espère qu'avec nous vous allez voter
pour la motion du député de Roberval. M. le Président, je
vous remercie beaucoup.
Le Vice-Président: Je cède maintenant
la parole au député de Frontenac et leader adjoint du
gouvernement.
M. Roger Lefebvre
M. Lefebvre: M. le Président, le moins que l'on puisse
dire, c'est qu'intervenir après le député de Terrebonne,
ce n'est pas nécessairement chose facile. J'ajouterai qu'avec un ami
comme s'est présenté le député de Terrebonne on n'a
pas besoin d'ennemi. Une motion de report, M. le Président, c'est une
exception au principe. C'est une procédure exceptionnelle et l'exception
doit être justifiée. La dernière intervention du
député de Terrebonne en est un exemple; il n'y a pas, dans ces
dix minutes d'intervention, un seul argument pouvant justifier de reporter
l'adoption du principe de la loi 58. Ce projet de loi vise à
régulariser la situation des enfants qui fréquentent
illégalement l'école anglaise et vise également à
empêcher que des enfants ne reçoivent illégalement
l'enseignement en anglais dans l'avenir.
La motion de report du Parti québécois indique de
façon claire que, lorsqu'on nous dit être préoccupé
par les soins dentaires des enfants du Québec, c'est de la fumisterie,
exactement comme ce qu'on est train de vivre et de faire ce soir. On nous dit
être très préoccupé par les soins dentaires des
enfants, ce avec quoi on est d'acccord fondamentalement, sauf que je trouve
paradoxal qu'en même temps le sort de 1500 enfants qui sont à
toutes fins utiles dans l'illégalité d'aucune façon ne
préoccupe l'Opposition.
Je trouve également un peu comique d'entendre le
député de Laviolette que moi, comme le ministre de
l'Éducation, j'aime bien, sauf qu'on ne peut quand même tout
laisser passer, prétendre que la loi 58 est une prime à
l'illégalité. Il faudrait se souvenir, M. le Président, du
geste posé par cette Opposition qui, en 1976, a pris le pouvoir et qui,
dans les quelques mois qui ont suivi la prise du pouvoir, a rayé d'un
trait de plume 1500 plaintes pendantes devant les tribunaux. On se souviendra
qu'à l'époque ce geste avait été
considéré et évalué comme une entorse excessivement
grave au principe qui veut que l'exécutif n'intervienne d'aucune
façon dans le judiciaire. On se souviendra également du
règlement intervenu à l'occasion des discussions sur le saccage
de la Baie James.
Lorsqu'on nous parle d'illégalité, M. le Président,
je ne suis pas impressionné. Le PQ, par une motion de report - et c'est
ce qu'on nous a dit tout à l'heure - voudrait discuter davantage
après neuf ans passés sans que, d'aucune façon, on ne se
penche sur le problème, sans qu'on apporte l'ombre d'une solution. On
veut par une motion de report empêcher le nouveau gouvernement
d'agir.
Non seulement on n'a pas agi, on veut nous empêcher d'agir. Le
Parti libéral du Québec, au cours de la campagne
électorale, s'était engagé à moyen terme, dans des
délais raisonnables, à régler ce problème. C'est ce
qu'on fait ce soir. On veut régler un problème qui existe depuis
des années, comme je viens de le mentionner, de sorte que tous les
enfants du Québec se retrouvent avec le même statut. On a
vanté les mérites du ministre de l'Éducation. On le
considère comme un homme extraordinaire et à toutes fins utiles,
comme un homme incapable de faire la moindre erreur. C'est à peu
près ce qu'on nous a dit et on n'est pas d'accord avec sa solution. De
deux choses l'une, si le ministre de l'Éducation est un homme
extraordinaire, la solution qu'il vous offre est tout aussi extraordinaire.
Prenez-la donc! La solution, vous n'avez pas pu la trouver en neuf ans.
Après six mois de pouvoir, on vous en offre une. Évidemment,
c'est gênant. C'est gênant pour vous, mesdames et messieurs de
l'Opposition, de réaliser qu'on règle en dedans de six mois un
problème que vous-mêmes avez créé et que vous n'avez
pas pu régler en dedans de neuf ans. C'est gênant! C'est
évident qu'une motion de report vous permettra, comme le disait le
député de Sainte-Anne, de continuer à tripoter et à
galvauder et à vous bâtir du capital politique sur de la
fumisterie. C'est ce que vous voulez faire. Vous avez créé le
problème, on va vous le régler, laissez-nous travailler! Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président: Avant de céder la parole
à l'intervant suivant, je ferai simplement remarquer, sans viser plus
particulièrement un député ou l'autre dans cette Chambre,
une tradition: lorsque vous faites un discours, vous vous adressez non pas
directement à un député - et cela comprend l'ensemble des
députés - mais plutôt à la présidence, pour
éviter évidemment tout quiproquo ou tout débat qu'il
pourrait susciter dans cette Assemblée. Je vous demanderais donc de
respecter cette règle de notre procédure et de vous adresser
à la présidence lors de vos interventions. Je reconnais
maintenant M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, M. le Président. À voir aller
le débat depuis le dépôt de la motion de report
présentée par mon collègue le député de
Roberval, on s'aperçoit que discuter des questions linguistiques et par
surcroît, discuter de ces questions en pleine nuit, cela produit des
situations comme celle à laquelle nous assistons depuis quelques heures
qui fait que les esprits commencent à s'échauffer. On a eu une
illustration très frappante et très marquante par l'intervention
du ministre de l'Éducation lui-
même sur la motion du député de Roberval, où
le ministre a tout à coup adopté une attitude arrogante, une
attitude méprisante et une attitude de politicien de pas très
haut niveau. M. le Président, par la suite, on a assisté à
une intervention du ministre délégué aux Mines et aux
Affaires autochtones aussi, c'est le titre auquel il tient le plus,
paraît-il. Avec l'intervention qu'il a faite, j'espère qu'il
connaît beaucoup mieux ses dossiers dans le domaine des mines et des
autochtones, sinon il ne restera pas beaucoup d'autochtones au Québec et
toutes les mines vont fermer avant longtemps.
Quant au leader adjoint du gouvernement, celui-ci, de toute
évidence, est intervenu dans un dossier pour lequel il n'était
pas préparé. Il a utilisé des arguments basés sur
des faits qu'il ne connaissait pas très bien. Lorsque le leader adjoint
du gouvernement parle des 1500 plaintes que nous avons retirées en 1977,
je lui dirai que si ces plaintes ont été retirées, c'est
parce que, comme gouvernement en 1974 et 1975, vous aviez mal monté vos
dossiers et qu'aucune plainte ne donnait suite à des condamnations parce
que vous aviez mal monté vos dossiers. On arrive
précisément à cette motion de report. Prenez donc un peu
plus de temps pour préparer vos projets de loi de façon qu'on ne
se retrouve pas dans des situations comme celles qui ont découlé
de trop de gestes que des gouvernements libéraux ont posés par le
passé, des gestes qui découlaient de décisions
improvisées, de décisions irresponsables, de dossiers mal
préparés et qui donnaient lieu à des choses qui
retroussaient à tout venant, è tout moment, dans des dossiers que
vous aviez mal préparés et dont vous aviez mal
évalué la portée et les conséquences.
M. le Président, si nous proposons aujourd'hui que le
débat entourant l'adoption du projet de loi 58 soit reporté de
six mois, c'est que nous voulons aussi que ce projet de loi soit discuté
au grand jour dans la société québécoise. Si le
ministre de l'Éducation est certain des avancés qu'il a faits,
s'il est sûr de la justesse des propositions législatives qu'il
fait, qu'il ait donc au moins le courage, la franchise et la transparence d'en
discuter au grand jour, devant l'ensemble des Québécois et des
Québécoises qui lui ont donné des mandats et qui auront
à juger de la façon dont il se sera acquitté des
tâches qu'il a à remplir comme ministre de l'Éducation. (0
h 50)
M. le Président, on ne traite pas de ces questions à la
cachette, on ne traite pas de ces questions à la sauvette. Prenez donc
le temps de discuter de ces questions au grand jour et prenez donc le temps de
consulter l'ensemble des intervenants qui veulent se faire entendre sur ces
questions.
Comment le ministre de l'Éducation peut-il établir un
climat de concertation, un climat de confiance, un climat de saine
collaboration avec des intervenants variés, multiples, du monde de
l'éducation s'il leur refuse le droit de venir dire ce qu'ils pensent
sur les lois qu'il dépose à l'Assemblée nationale?
Voilà une attitude irresponsable et qui créera un climat malsain
dans toutes les activités du monde de l'éducation au
Québec. Qu'un ministre de l'Éducation, qui, du haut de sa
grandeur, vienne de façon aussi autoritaire traiter l'ensemble de ceux
et de celles qui, demain, qui, après-demain, auront à travailler
avec lui pour faire en sorte que l'éducation au Québec soit une
priorité chaque jour, pour faire en sorte que la qualité de
l'éducation soit une réalité chaque jour au Québec,
comment le ministre de l'Éducation pourra-t-il maintenir ce climat de
collaboration, susciter cette adhésion, cette confiance de la plupart
des intervenants s'il leur défend, s'il leur refuse le droit de venir se
faire entendre, non seulement de lui, mais de l'ensemble des membres de
l'Assemblée nationale qui sont intéressés et qui ont
reçu des mandats tout aussi légitimes et importants que ceux qu'a
reçus le ministre de l'Éducation pour ces questions et les autres
qui relèvent de l'Assemblée nationale? M. le Président, le
ministre nous dit: J'ai créé un comité qui a fait
enquête, qui a étudié ces questions et qui m'a fait
rapport. Je lui dirai sans aucune hésitation que ce que le ministre a
créé, c'est un comité, non pas partisan, mais un
comité bidon, un comité dont le rapport était écrit
avant même qu'il n'ait siégé pour une première fois.
Ce comité, M. le Président, est formé de qui? D'un
attaché politique du ministre de l'Éducation, donc quelqu'un qui
répond chaque jour de ses mandats, de ses décisions et de ses
gestes au ministre de l'Éducation, d'un conseiller spécial du
ministre de l'Éducation, qui, lui aussi, doit faire rapport chaque jour
au ministre de ce qu'il fait, de ce qu'il prépare, de ce qu'il
recommande, d'un haut fonctionnaire du ministère de l'Éducation,
directeur des services aux anglophones, d'un directeur général
adjoint au secteur anglais à la CECM, qui a probablement, lui aussi,
participé à la situation dans laquelle on se trouve,
peut-être bien, mais qui est associé au minimum - je vois le
ministre de l'Éducation qui hoche la tête - à une
commission scolaire, qui a été associé à la
situation pour laquelle nous nous retrouvons ici aujourd'hui, et d'un
député qui a peut-être, lui aussi, puisque c'est un ancien
directeur d'école, qui est peut-être lui aussi associé
à la situation qui fait que nous sommes réunis aujourd'hui ici.
M. le Président, je prétends que, si le ministre de
l'Éducation peut se vanter d'avoir un rapport d'un comité bidon,
d'un comité dont les conclusions étaient connues avant même
qu'il
ait siégé pour une première fois, qu'il ait donc au
moins le sens de l'équité pour permettre aux autres
Québécois et Québécoises, qui connaissent ces
questions et qui veulent se faire entendre sur ces questions, de se
présenter ici en commission parlementaire, comme le ministre de
l'Éducation l'aurait exigé s'il avait été de ce
côté-ci de la Chambre.
Tantôt, il portait des jugements sur les interventions des
députés de l'Opposition. Sur sa façon de traiter de la
façon dont l'Opposition assume ses responsabilités, je lui dirai
qu'il a la mémoire très courte. Je me souviens très bien
de la façon dont il s'est aquitté de sa tâche lorsqu'il
était député de l'Opposition, et nous n'avons aucune
leçon à recevoir du ministre de l'Éducation.
Des voix: Ho! Ho!
M. Rochefort: Le ministre de l'Éducation nous a dit
tantôt dans son discours que les enfants dont il est question sont des
enfants pour lesquels les parents avaient légalement fait une demande
d'admission avant l'adoption du projet de loi 101 qui, elle, a tardé
c'est donc arrivé après les dates prévues pour les
demandes d'admission à l'école.
Je dirai au ministre de l'Éducation que, si tel était
véritablement le cas, le ministre de l'Éducation n'aurait pas
prévu de couvrir par sa loi tous les enfants qui sont
illégalement au secteur anglophone et qui y étaient jusqu'au 15
avril dernier. Le ministre aurait prévu une date qui ne couvrait que les
enfants auxquels il a fait allusion de façon exclusive dans son
discours. Effectivement, le ministre a fait allusion d'une façon
exclusive à ces enfants; jamais il n'a fait allusion que d'autres
enfants s'étaient inscrits par la suite.
Je pense que le ministre de l'Éducation doit utiliser les six
mois que nous sommes prêts à lui accorder pour refaire ses
devoirs, pour reconsulter ses collègues, pour les informer de la
portée réelle du projet de loi qu'il leur présente. Quand
on entend des interventions comme celles de ses collègues
ministériels et parlementaires, ils ont besoin d'au moins six mois pour
refaire leurs devoirs, pour préparer un projet de loi qui sera bien
rédigé, un projet de loi qui pourra être
étudié eu égard à l'ensemble de la politique
linguistique du gouvernement libéral avec lequel le premier ministre dit
être aujourd'hui piégé. Nous lui donnons six mois pour
sortir du piège dans lequel il s'est lui-même enferré.
Lorsqu'il en sera sorti, nous pourrons traiter de cette question puisque, de
toute façon, ces enfants continuent d'aller à l'école et
que, aucune façon, six mois de plus ne viendront nuire au droit qui
pourrait leur être reconnu par la suite. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Beauharnois.
M. Serge Marcil
M. Marcil: Merci, M. le Président. Vouloir reporter ce
projet de loi, c'est vouloir s'esquiver encore. Cela fait déjà
neuf ans qu'on traîne un problème. Je pense que ce ne sont pas six
mois de plus qui vont améliorer la situation. On a parlé de faits
tantôt. On a parlé de la loi 63. On a parlé
également de la loi 22. On parle aujourd'hui de la loi 101. Il y a
certains éléments de la loi 101 que les gens tentent
d'ignorer.
Dans le domaine scolaire, en août 1977, quand on a
décidé d'adopter le projet de loi 101, il y a eu un tollé
de la part de francophones au Québec. Certains francophones disaient: La
loi 101 favorise une partie des Québécois: Les anglophones, eux,
peuvent envoyer leurs enfants dans une école française, ils
peuvent donc devenir bilingues alors que vous, les francophones, on ne peut pas
envoyer nos enfants dans une école anglophone, on n'a pas le droit. Le
ministre de l'époque, le parrain de la loi 101, lui, disait: Ne vous
inquiétez pas; on va améliorer l'enseignement de l'anglais dans
les écoles secondaires francophones; nos enfants francophones vont
pouvoir sortir bilingues du niveau secondaire. Tout le monde était pour
cela.
Cependant, à l'époque, l'enseignement de l'anglais se
donnait en cinq périodes de cinquante minutes/semaine dans les
écoles secondaires. Il y a eu une modification au régime
pédagogique: On est passé de cinq périodes de cinquante
minutes/semaine à trois périodes de cinquante minutes/semaine en
secondaire I, II et III. C'est ce qu'on appelle l'amélioration de la
qualité de l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les
écoles francophones.
En plus, on a décidé de comprimer de 20 % les salaires des
enseignants. En plus de comprimer les salaires, on a augmenté
également la tâche des enseignants au niveau secondaire. On a pris
des enseignants de l'anglais au niveau secondaire dans les écoles
francophones qui avaient à s'occuper de quatre groupes à cinq
périodes/semaine de cinquante minutes et on leur a donné sept
groupes à trois périodes/semaine de cinquante minutes. C'est ce
qu'on appelait l'amélioration de la qualité de l'enseignement de
l'anglais langue seconde. (1 heure)
Malgré tout cela, le Parti libéral du Québec... Et
je pense qu'on est ici ce soir pour affirmer que la loi 101 doit demeurer.
Personne du Parti libéral, en cette Assemblée, n'est contre la
loi 101, au contraire. Cependant, on a dit aux gens qu'on va améliorer
l'enseignement de la langue anglaise, langue seconde, dans les
écoles secondaires et on va le faire. On a un ministre de
l'Éducation pour le faire.
Quand on dit qu'il faut reporter de six mois l'adoption de ce projet de
loi 58, pour permettre aux gens de réfléchir davantage sur le
problème, il me semble qu'on a assez réfléchi pendant neuf
ans. Si on a un geste à poser ce soir, c'est ce soir qu'il faut le
poser, ce n'est pas dans six mois. Quand les députés de
l'Opposition disent que ce n'est pas une heure pour discuter d'un projet de
loi, surtout sur la langue, la loi 101, qui est fondamentale pour le peuple
québécois, je dis que tous les projets de loi que l'on
dépose à l'Assemblée nationale sont tous importants. Si le
projet de loi était si important pour eux, ils n'auraient pas attendu
à 23 heures pour demander le report de ce projet de loi, ils l'auraient
demandé dès le début ce soir, a 20 heures, lorsque le
ministre de l'Éducation a annoncé son projet de loi. On n'aurait
pas attendu à 23 heures pour le demander.
M. le Président, j'espère que vouloir corriger une
situation d'injustice pour des enfants, qui perdure déjà depuis
neuf ans, est jugée comme étant un geste positif de la part du
gouvernement responsable. Le peuple québécois considère ce
geste comme étant juste et équitable pour des enfants qui veulent
devenir légaux, des enfants qui ont les mêmes droits que tous les
Québécois, À partir de ce soir, nous allons régler
cette situation une fois pour toutes et on n'attendra pas six ans.
Quand on voit le député de Gouin qui, je ne dirais pas,
insulte les membres du parti ministériel, c'est à peu près
cela, on se dit que d'améliorer la situation ce n'est pas de la
démagogie. Créer une situation positive pour les enfants, ce
n'est pas de la démagogie, c'est un geste légitime qu'il faut
poser, et je crois que le gouvernement du Parti libéral élu le 2
décembre 1985 doit le poser, et c'est ce soir qu'on le fait, pas dans
six mois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. A la suite de mes
collègues de l'Opposition, j'appuierai la motion de report
présentée par le député de Roberval. En effet,
j'estime que ce projet de loi est trop important et fait une brèche trop
sérieuse à la loi 101 pour qu'on en dispose la nuit, à la
sauvette, à la fin d'une session. Il est trop important pour qu'on en
dispose sans avoir en main la politique linguistique de ce gouvernement.
Comment voulez-vous que l'on puisse faire un travail sérieux?
Comment voulez-vous que l'on puisse comprendre ou imaginer les effets de cette
modification à la loi 101 si on n'a pas en main l'ensemble de la
politique linguistique de ce gouvernement? Elle est réclamée par
différents organismes. Les chroniqueurs parlementaires la
réclament et l'attendent. A titre d'engagement électoral, le
premier ministre, alors chef du parti, l'a promise. On ne peut pas disposer de
cette loi sans avoir en main la politique linguistique de ce gouvernement, et,
qui plus est, on ne peut pas disposer de cette loi, parce que cette loi ne
vient pas régler le problème de la fréquentation
illégale des écoles anglaises, elle vient la
récompenser.
Tout à l'heure, j'entendais un député qui
établissait un parallèle entre les plaintes qui avaient
été retirées à l'endroit des travailleurs de la
baie James coupables de saccage et la présente loi qui, finalement,
amnistie les "illégaux". Jamais les plaintes retirées à
l'endroit des travailleurs de la baie James auront permis à leurs
enfants d'aller faire du saccage. Alors que le projet de loi qui nous est
présenté, non seulement amnistie les illégaux qui sont
inscrits dans les écoles, mais vient accorder le privilège
à leurs descendants, à leurs frères, à leurs soeurs
et, comme l'illustrait un caricaturiste, pourquoi pas à leurs petits
amis.
Depuis le 2 décembre, M. le Président, divers
événements nous amènent à constater la
fragilité des acquis en matière linguistique. Dès le
lendemain des élections, dès la venue au pouvoir de ce
gouvernement, c'est l'affichage bilingue quand ce n'est pas unilingue à
Montréal. C'est le durcissement qu'on a vu récemment à
Alliance Québec qui ne se contente plus de réclamer la "clause
Canada", mais qui veut la clause universelle, ni plus ni moins.
On nous dit que de plus en plus c'est la "bilinguilisation" dans les
entreprises. Nos acquis sont fragiles parce qu'ils sont jeunes, parce qu'ils
sont récents. Comme n'importe quel organisme, institution ou humain,
quand vous êtes jeunes, à l'âge de l'adolescence ou de la
petite enfance, vous avez besoin d'un minimum de protection. C'était ce
que le Québec s'était donné progressivement pour s'assurer
qu'au cours des années on développe cette assurance qui nous
permettait de préserver notre langue.
On ne sait pas actuellement où nous mène ce gouvernement
à matière linguistique, mais je me demande aussi s'il le sait. On
sait cependant que tranquillement, petit à petit, on est en train, par
différents gestes, de gruger les acquis et les outils qu'on
s'était donnés pour protéger notre langue. Le premier
ministre nous annonce qu'il va modifier la loi 101. La loi 58 vient faire une
brèche importante dans la loi 101. La vice-première ministre nous
annonce la refonte, l'abolition, la restructuration des organismes de
surveillance de la loi 101.
J'ajouterais Radio-Québec, qui est quand même, à
certains égards, un outil qu'on s'était donné pour
préserver notre
langue et notre culture. On est en train de l'aliéner
complètement. Je pense, et le ministre de l'Éducation se le
rappellera, plus modestement, à un petit programme qu'on s'était
donné d'aide à l'édition française scientifique; il
est carrément aboli. Ce qu'on invoque: il n'était pas
suffisamment important. C'était toujours mieux que rien. Petit à
petit, on est en train de perdre ces outils qu'on s'était
donnés.
On amnistie les "illégaux" en invoquant, et avec raison, qu'ils
sont peu responsables des actes que leur ont fait poser leurs parents. J'aurais
aimé voir le ministre qui nous dit: II faudrait faire preuve de
magnanimité, d'ouverture, d'humanité à l'endroit de ces
jeunes. J'aurais voulu qu'il fasse preuve des mêmes qualités
à l'endroit des autres jeunes du Québec à qui il avait
fait aussi des promesses, envers lesquels il avait pris des engagements. Je
pense aux étudiants, aux jeunes assistés sociaux, aux coupures
qu'il a faites de façon importante en éducation, en enseignement
supérieur.
M. le Président, je voterai pour cette motion et j'espère
que le gouvernement suivra en ce sens. Il n'y a pas l'urgence qu'invoque le
ministre de l'Éducation pour justifier l'adoption hâtive de ce
projet de loi. Il n'y a pas cette urgence parce que de son aveu même, les
jeunes sont rendus au cégep de façon très calme, ils sont
rendus au cégep. S'ils sont au cégep, voulez-vous me dire
où se trouve le problème? J'ai vérifié -il faut le
croire - je voulais aller aux informations. Depuis cinq ans, vous retrouvez des
jeunes "illégaux" dans les cégeps anglophones du Québec et
tous les cégeps en admettent.
Dites-moi à présent où est le problème. Si
ce problème est plus urgent que celui des jeunes itinérants, que
celui des jeunes assistés sociaux, que celui des étudiants qui
ont besoin d'aide financière. La seule différence c'est un
engagement que ce gouvernement a pris envers une clientèle, sa
clientèle. C'est l'engagement qu'il estime le plus urgent de tenir. (1 h
10)
Les enfants qui entrent à l'école primaire et secondaire
par les soupiraux, par les vasistas, M. le Président, je n'y crois pas.
Je suis obligée de répéter quand on réussi à
rentrer au collège alors qu'on connaît les règles
d'admission dans les collèges et les règles
édictées en vertu du règlement des études
collégiales... je me demande quelle est l'urgence d'adopter à la
hâte et de nuit un tel projet de loi? J'espère qu'on y
réfléchira suffisamment et qu'on acceptera non pas d'effacer le
projet de loi, mais de le reporter pour nous donner le temps d'avoir en main la
politique linguistique de ce gouvernement et à la lumière de
cette politique, examiner le projet de loi qui nous est soumis. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Saint-Jacques.
M. Chagnon: M. le Président, il y a erreur sur la
personne.
Le Vice-Président: Je m'excuse, je cède la parole
au député de Saint-Louis.
M. Jacques Chagnon
M. Chagnon: Je préfère de beaucoup. M. le
Président, nous sommes ici ce soir pour parler d'une motion de report de
six mois.
Une voix: Ce matin.
M. Chagnon: Ce matin. Mes collègues me font signe qu'il
est 1 h 10. Nous sommes donc, ce matin, à parler d'une motion pour un
report de six mois. La tristesse dans cette motion de report, c'est qu'elle a
été présentée par un ancien cadre scolaire qui est
maintenant député du comté de Roberval. Il aurait dû
savoir, lui, quels sont les problèmes que nous pose et que pose à
l'ensemble de l'organisation scolaire cette motion de report de six mois.
Avant d'y parvenir, d'y arriver, permettez-moi de citer et de renoter
quelques phrases qui, peut-être, deviendront célèbres dans
cette Assemblée et qui ont été présentées
par des députés de l'Opposition pour défendre leur cause.
Pensons au député de Laviolette qui nous disait: Vous savez, ce
n'est pas si grave que cela le problème. Maintenant on fait des
fac-similés, je l'ai lu dans les journaux. On fait des
fac-similés de diplômes de fin d'études secondaires qui
sont non reconnaissables pour les profanes. Quel genre d'argument est-ce?
Qu'est-ce qui arrive pour ceux qui vont vouloir aller au cégep? Ce ne
sont pas des profanes qui vont faire l'étude des diplômes de fin
d'études secondaires au cégep, ce ne sont pas des profanes qui
vont faire l'analyse des diplômes de fin d'études secondaires
à l'université?
Le député de Shefford nous dit que les chiffres de
Statistique Canada qui remontent effectivement en 1981... cela il ne nous le
dit pas. C'est aujourd'hui la journée du recensement. Nous aurons les
chiffres du prochain recensement dans six mois, dans huit mois, dans un an.
Peut-on se fier encore aux chiffres d'il y a cinq ans qui viennent même,
finalement, apporter de l'aide au ministre de l'Éducation dans
l'ensemble de sa dialectique et qui vient justifier le dépôt du
projet de loi 58.
Le député de Terrebonne quant à lui nous a dit
qu'il se présentait nu devant nous. Heureusement qu'à cette heure
les enfants sont couchés et ceux qui nous écoutent sont
d'âge probablement adulte et n'auront pas reconnu grand-chose dans
les propos du député de Terrebonne. Le député de
Terrebonne a dit que le ministre était extraordinaire, venant en cela
contredire son collègue de Gouin qui disait que le ministre, lui,
faisait de la petite politique.
Le député de Gouin disait du comité Rondeau mis sur
pied par le ministre de l'Éducation que c'était un comité
bidon. Il faut comprendre que le député de Gouin n'a pas lu le
rapport Rondeau parce qu'il l'aurait probablement jugé autrement. Le
comité Aquin qui avait été mis sur pied par le
précédent gouvernement, vous ne pouvez certainement pas
prétendre à la transparence politique du choix de son auteur, Me
Aquin. Par contre, les accusations de basse politique, de petite politique et
de manque de courage de la part du député de Gouin à
l'égard du député d'Argenteuil sont assez troublantes, M.
le Président. Cela en prend du courage de la part du
député du comté d'Argenteuil pour présenter ce
projet de loi, mais cela a pris beaucoup de lâcheté de la part de
l'ancien gouvernement qui n'a absolument rien réglé pendant les
huit dernières années, à propos de cette question.
Une motion de report de six mois, M. le Président, six mois qui
viennent démontrer l'irresponsabilité de l'Opposition en
matière d'organisation scolaire. Qu'est-ce que cela veut dire, six mois,
par rapport à la période où nous sommes aujourd'hui? Six
mois de report, cela veut dire six mois d'attente de plus pour des enfants qui
attendent déjà depuis huit ans que le cas soit
réglé. Cela veut dire, deuxièmement, six mois de retard
dans les inscriptions de ces enfants. Cela veut dire, troisièmement, six
mois de retard dans la constitution des groupes d'élèves. Il faut
les constituer, ces groupes d'élèves, à partir du moment
où on a leur inscription. Cela fait partie de l'ensemble de
l'organisation scolaire que chacune des écoles, que chacune des
commissions scolaires du Québec doit mettre sur pied pour faire en sorte
que ces élèves reçoivent des cours. Cela veut dire que
cela implique aussi six mois de retard dans l'engagement des professeurs.
Cela me surprend que... Des professeurs, il y en avait plusieurs parmi
les membres de l'Opposition: le député de Joliette en fut un, le
député de Roberval en fut un, le député
d'Abitibi-Ouest en fut un. Plusieurs de ces anciens professeurs ont-ils si
complètement été déconnectés de leur ancien
milieu de travail pour ne pas savoir que les retards dans la constitution des
groupes d'élèves et les retards dans l'engagement des professeurs
impliquent en même temps six mois de retard dans les règles de
transfert, six mois de retard dans l'application des conventions collectives,
c'est six mois de retard particulièrement en ce qui concerne toutes les
règles de mutation et d'affectation que nous retrouvons au chapitre 5.8
des conventions collectives? C'est six mois de retard dans l'ensemble de
l'organisation scolaire du Québec, parce qu'on ne veut pas comprendre
que 1500 élèves souffrent injustement et de façon tout
à fait inhumaine depuis huit ans du sort qu'on leur a fait à
cause de l'organisation interne incluse dans la loi 101.
M. le Président, j'en appelle à l'Opposition pour
dépasser les limites les plus simples de son ignorance de l'organisation
scolaire. J'en appelle aussi à l'Opposition pour que 1500 jeunes du
Québec - tout à l'heure, le député d'Abitibi-Ouest
nous citait Shakespeare - puissent enfin un jour être reconnus, pour que
ces jeunes puissent enfin un jour avoir un diplôme, une certification
d'études secondaires comme nous tenterons de le faire avec l'adoption
éventuelle du projet de loi 58, si nous pouvons passer pardessus toutes
les mesures dilatoires que mettra de l'avant l'Opposition. J'en appelle donc
à l'Opposition pour se rallier. Pour 1500 jeunes du Québec,
"être ou ne pas être", c'est là toute la question.
M. le Président, nous ne pouvons retarder impunément le
fait que 1500 jeunes du Québec n'aient pas encore eu droit à ces
diplômes de fin d'études secondaires ou même à cette
reconnaissance d'étudiant dûment inscrit au système des
écoles publiques du Québec. Pour en avoir rencontré
plusieurs à l'extérieur de mon comté et quelques-uns
même dans mon comté, des jeunes d'origine portugaise, c'est un
triste sort que celui qui leur a été réservé depuis
maintenant huit ans.
Si cette loi vient corriger les problèmes qu'a causés
l'application d'une partie de la loi 101 et simplement d'une partie de la loi
101, comme le souligne le rapport Rondeau d'ailleurs, il ne faut pas faire
table rase de la loi 101, mais il faut simplement corriger cette question des
1500 élèves qui devront être admissibles à
l'enseignement en anglais, mais uniquement pour ceux qui sont là. Pour
les autres et ceux à venir, des dispositions de la loi 58 font en sorte
d'éviter que le problème qui a été causé
depuis huit ans puisse revenir à la surface dans les années
à venir. (1 h 20)
M. le Président, en conclusion, faisons en sorte de
reconnaître un statut qui soit pour le moins justifié à
1500 élèves du Québec pour que, encore une fois, nous
puissions les reconnaître comme des étudiants normaux, inscrits
dans un système normal, et par lequel nous devrons absoudre des jeunes
du Québec, des jeunes qui n'ont pas recherché le fait
d'être au centre d'un dilemme, au centre de nos préoccupations de
ce soir.
Encore une fois, pour 1500 jeunes du
Québec, ce projet de loi représente une porte de sortie
honorable qui fera en sorte qu'ils ne pourront plus dire: Être ou ne plus
être au Québec, ce n'est plus là la question, puisqu'elle
est réglée. Merci, M, le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Puisque je ne reconnais maintenant
aucun autre intervenant qui demande la parole dans ce débat, je mets
donc fin au débat restreint de cette motion de report. Je vais
maintenant la mettre aux voix. Est-ce que la motion du député de
Roberval, visant à reporter l'adoption de principe du projet de loi 58
à six mois est adoptée?
Des voix: Vote enregistré.
Le Vice-Président: Vote enregistré. Qu'on appelle
les députés. (1 h 22 - 1 h 27)
Le Vice-Président: Nous sommes prêts à mettre
aux voix la motion. Est-ce que la motion de report du député de
Roberval visant à reporter à six mois l'adoption de principe du
projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en
anglais de certains enfants, est adoptée? Que ceux et celles qui sont en
faveur de cette motion veuillent se lever s'il vous plaît.
Le Secrétaire: M. Chevrette (Joliette), M. Perron
(Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Jolivet (Laviolette), M. Rochefort
(Gouin), Mme Juneau (Johnson), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Gauthier (Roberval), Mme Vermette (Marie-Victorin), M.
Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Blais (Terrebonne), M. Dufour
(Jonquière), M. Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens
(Dubuc).
Le Vice-Président: Que ceux et celles qui sont contre
cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire: M. Gratton (Gatineau), M. Ryan
(Argenteuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Côté
(Rivière-du-Loup), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Robic (Bourassa), M.
Picotte (Maskinongé), M. Fortier (Outremont), M. Gobeil (Verdun), M.
Cusano (Viau), M. Dauphin (Marquette), M. Philibert (Trois-Rivières),
Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Lefebvre (Frontenac), M. Maciocia (Viger),
M. Middlemiss (Pontiac), M. Beaudin (Gaspé), M. Cannon (La Peltrie), M.
Chagnon (Saint-Louis), Mme Pelchat (Vachon), M. Polak (Sainte-Anne), M. Assad
(Papineau), M. Audet (Beauce-Nord), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), Mme
Hovington (Matane), Mme Trépanier (Dorion), Mme Bélanger
(Mégantic-Compton), M. Gervais (L'Assomption), M.
Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), M. Bradet (Charlevoix), M.
Brouillette (Champlain), M. Camden (Lotbinière), Mme Cardinal
(Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), M. Farrah (Iles-de-la-Madeleine), M. Forget
(Prévost), M. Gardner (Arthabaska), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M.
Laporte (Sainte-Marie), M. Dubois (Huntingdon), M. Hains (Saint-Henri), M.
Houde (Berthier), M. Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), M. Leclerc
(Taschereau), M. Hétu (Labelle), M. Joly (Fabre), M. Khelfa (Richelieu),
M. Lemieux (Vanier), M. Marcil (Beauharnois), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M.
Poulin (Chauveau), M. Richard (Nicolet), M. Tremblay (Rimouski), M. Saint-Roch
(Drummond).
Le Vice-Président: II n'y a pas d'abstention?
Le Secrétaire: Non.
Pour: 17. Contre: 57.
Le Vice-Président: Cette motion de report est donc
rejetée.
M. Gratton: M. le Président, nous reprenons le
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 58 et comme c'est
à mon tour d'intervenir, je vous proposerais l'ajournement du
débat.
Des voix: Ha! Ha!
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
du débat est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Est-ce que quelqu'un
peut proposer l'ajournement de nos travaux, s'il vous plaît? M. le leader
du gouvernement.
M. Gratton: Je suis volontaire.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
de nos travaux est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Nos travaux sont donc ajournés
à ce matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 1 h 32)