To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Assembly Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the National Assembly

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the National Assembly

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Tuesday, June 3, 1986 - Vol. 29 N° 37

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir. Avant de procéder aux affaires courantes, j'ai reçu ce matin un communiqué de M. le leader de l'Opposition. Je vais lui céder la parole immédiatement. M. le leader de l'Opposition.

Intervention sur un fait personnel M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Jeudi dernier, le 28 mai, le lendemain de votre décision relative au député de Hull et ministre délégué aux Services et Approvisionnements, le journal La Presse publiait un article signé par le journaliste Gilbert Brunet dans lequel je soulignais, comme j'ai eu l'occasion de le faire souvent dans cette Assemblée, les difficultés que nous éprouvons à faire en sorte que la période de questions se déroule dans le respect de nos règles de procédure, notamment de l'article 79 qui stipule que "la réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation. Elle doit être formulée de manière à ne susciter aucun débat."

Je conviens que mes remarques concernant la transgression des règles par les ministres depuis le 2 décembre dernier ont pu être interprétées de façon disgracieuse à votre égard. Cependant, aucune de ces remarques ne mettait en cause votre impartialité et la confiance que les parlementaires doivent entretenir à votre égard. Si nous avions, en effet, voulu contester ces éléments aussi essentiels, nous aurions utilisé les moyens parlementaires qui permettent à l'Opposition de retirer la confiance au président.

J'admets, M. le Président, que les ministériels ne vous rendent pas la tâche facile en ponctuant la période de questions de chahut et en répondant aux questions en violant régulièrement le règlement. J'admets également que nous aussi, nous avons adopté des attitudes qui appelaient des rappels à l'ordre. Cette situation, j'en conviens, a à quelques reprises provoqué des réactions très vives de ma part.

À cet égard, M. le Président, vous aurez cependant noté que l'attitude du groupe parlementaire que je représente fait preuve d'une discipline qui n'a cessé de s'affermir dans le but d'améliorer la qualité de nos débats et de faciliter d'autant votre tâche qui, nous le savons, est difficile.

Vous comprendrez également, M. le Président, que mon rôle de leader comporte aussi des exigences dont la première est de faire en sorte que les droits des députés que je représente soient scrupuleusement sauvegardés et, qu'à cet égard, je continuerai d'utiliser tous les moyens parlementaires mis à ma disposition pour que les droits de l'Opposition, qui ne compte que 23 députés mais qui fut appuyée par plus de 38 % de la population québécoise, le 2 décembre dernier, soient protégés.

Je crois, M. le Président, que cette mise au point clarifie la situation. Je puis vous assurer que vous pouvez compter sur la collaboration des membres de l'Opposition pour que la vie parlementaire se déroule correctement.

Le Président: Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Ce matin, il n'y aura aucune déclaration ministérielle ni aucune présentation de projets de loi.

Dépôt de documents. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Rapport annuel d'Hydro-Québec

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai l'honneur de vous présenter le rapport annuel d'Hydro-Québec pour l'exercice terminé le 31 décembre 1985.

Le Président: Document déposé. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Rapport annuel du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche

M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1984-1985 du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Le Président: Document déposé.

Rapports de commissions. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Étude détaillée du projet de loi 190

M. Rochefort: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 29 mai 1986 afin

de procéder à une consultation particulière et à l'étude détaillée du projet de loi 190, Loi concernant la ville de La Salle. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Rapport de commission déposé.

Il n'y a aucune pétition. Ce matin, il n'y aura aucune intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Nous allons procéder immédiatement à la période de questions orales. M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

La rencontre des premiers ministres pour discuter du libre-échange

M. Johnson (Anjou): Ma question s'adresse au premier ministre et elle touche une rencontre qui a eu lieu hier à Ottawa entre ies premiers ministres des provinces et le premier ministre du Canada. On sait que le premier ministre du Canada a reçu ses collègues des provinces hier pour discuter de la question du libre-échange; est-ce que le premier ministre pourrait nous faire rapport?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Cette rencontre faisait suite à d'autres rencontres de fonctionnaires et de ministres, dont le ministre du Commerce extérieur du Québec, et faisait suite aux représentations des différentes provinces. Il a donc été décidé que le gouvernement canadien pourrait faire des propositions. On nous a soumis des paramètres très généraux, des grands principes sur lesquels nous ne pouvons pas être en désaccord. On nous a donné également des assurances sur la pleine information qui sera donnée aux représentants des provinces durant les négociations et, finalement, on a donné une assurance très ferme sur l'implication des provinces dans le processus de ratification, parce que c'est cela la police d'assurance ultime pour le Québec, et irremplaçable, que nous soyons impliqués dans le processus de ratification avec une formule satisfaisante pour le Québec. En gros, ce sont les conclusions de la rencontre d'hier qui sera suivie d'une autre rencontre dans trois mois.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Est-il exact que le nouveau premier ministre de l'Alberta défendait le point de vue des provinces, à savoir que celles-ci devraient non seulement être pleinement informées, mais participer d'une façon plus intensive au processus de négociation et d'élaboration des mandats? Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Toutes les provinces étaient d'accord pour une participation aussi forte que possible des provinces au processus de négociation. Quant à nous du Québec, le ministre du Commerce extérieur et moi-même avons toujours dit qu'il n'était pas indispensable d'être présents à la table de négociation même, puisque, dans l'ordre naturel des choses au Canada, c'est le gouvernement canadien qui est responsable du commerce international. Donc, il n'est pas essentiel que nous soyons à la table puisque, comme je le disais hier, à la sortie, à certains journalistes, à ce moment-là les Américains, qui constituent également une fédération, pourraient insister pour avoir des représentants également de différents États.

Dans la mesure où nous sommes pleinement impliqués dans l'élaboration des mandats, dans la ratification et dans la poursuite des négociations, nous avons suffisamment de protection pour protéger les droits du Québec.

Le Président: M. le chef de l'Opposition en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Compte tenu du sommaire que nous a fait le premier ministre tout à l'heure des conclusions de la rencontre, la notion de pleine participation semble être disparue du vocabulaire des premiers ministres. Est-ce que le premier ministre du Québec considère que simplement la pleine information et la possibilité d'élaborer une participation des provinces à la ratification d'un éventuel traité sont suffisantes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, il n'y a pas de modification dans la position du Québec. Le chef de l'Opposition a eu l'occasion de me poser plusieurs questions depuis quelques semaines là-dessus. Je lui disais que nous demandions de participer pleinement à l'élaboration des mandats. Hier soir, on nous a soumis les principes généraux qui seront soumis lors des premières rencontres entre les deux gouvernements. Il demandait également que le Québec soit pleinement assuré quant à la ratification. Nous avons obtenu ces assurances et il n'y a pas de modification dans la position du Québec.

Le Président: M. le chef de l'Opposition en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Quelle formule le premier ministre favorise-t-il pour les fins de

la ratification?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: II y a plusieurs formules qu'on peut considérer. Je ne crois pas que nous serions d'accord, quant à nous, avec la formule qu'a déjà proposée le précédent gouvernement le 16 avril 1981. Nous ne sommes pas d'accord avec cette formule-là, parce que la formule du Parti québécois ne donne pas au Québec le droit qui lui permettrait de refuser un traité avec lequel il ne serait pas d'accord. C'est-à-dire que, selon votre propre formule, cela pourrait être imposé au Québec. Nous ne sommes donc pas d'accord avec cette formule.

Il y a d'autres formules, celle de Victoria, qu'on connaît et qui donne un droit de veto régional: le Québec étant l'une des régions, il obtient ce droit de veto. Il y a le consentement unanime des provinces qui donne à chacune des provinces la possibilité d'exprimer son accord ou son refus et possiblement aussi d'autres formules. Les deux formules que je viens de mentionner, à l'exception de celle qui a été proposée en 1981, pourraient permettre au Québec de s'affirmer s'il était en désaccord avec le traité en question.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que le premier ministre...

Le Président: M. le chef de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je dois comprendre que le premier ministre nous donne l'assurance qu'il exigera pour le Québec un veto en termes de ratification d'un éventuel accord de libre-échange?

Le Président: M. le premier ministre.

Une voix: On ne le donnera pas nous autres.

M. Bourassa: M. le Président, c'est assez bizarre qu'on demande cela alors qu'on l'a abandonné.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: M. le premier ministre, en réponse à la question.

M. Bourassa: Je dirai au chef de l'Opposition que j'exigerai pour le Québec la possibilité d'accepter ou de refuser, quelle que soit la formule. Je parlais tantôt de deux exemples de consentement unanime. J'ai déjà mentionné que, si nous n'étions pas d'accord et que ce traité allait contre les intérêts du Québec, nous voulons obtenir le droit de pouvoir le refuser. D'ailleurs, comme je l'ai déjà mentionné à quelques reprises, il y a une jurisprudence qui existe et qui permet surtout aux provinces, en vertu de la juridiction des provinces en matière de commerce, d'économie et d'application des traités, d'avoir leur mot à dire dans l'application et l'acceptation des traités internationaux.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Le premier ministre ne croit-il pas que ce principe de la mise en vigueur des traités, il aurait dû l'invoquer pour les fins d'obtenir une participation plus grande du Québec qui aille au-delà de la simple information venant du gouvernement fédéral?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: C'est absolument faux ce que dit le chef de l'Opposition. Cela va bien au-delà de la simple information; il devrait le savoir puisque je viens de lui dire que nous allons pleinement participer à l'élaboration des mandats.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Le premier ministre peut-il nous dire, puisqu'il a l'intention de participer à l'élaboration des mandats, s'il a fait valoir le point de vue de la spécificité culturelle, particulièrement la spécificité linguistique du Québec, dans le cadre des négociations du libre-échange et les conséquences éventuelles d'un accord de libre-échange en matière linguistique et culturelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, nous l'avons fait valoir à plusieurs reprises. Il n'est pas question, et le gouvernement canadien est tout à fait d'accord, de négocier la souveraineté culturelle du Québec et du Canada. Je crois que le gouvernement canadien a déjà exprimé, à plusieurs reprises, je crois... Le premier ministre du Canada, M. Mulroney, notamment dans un discours à Chicago il y a quelques mois, avait été très clair sur le fait que la souveraineté culturelle du Canada ne faisait pas partie de la négociation. Nous avons tenu compte hier de certains paramètres généraux qui concernent strictement des questions économiques.

Le Président: M. le chef de l'Opposi-

tion.

M. Johnson (Anjou): En matière économique, est-ce que le premier ministre a l'intention de permettre au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec de participer au comité mis sur pied par le premier ministre et a-t-il l'intention de faire en sorte que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation soit, d'office, membre du comité et un participant entier à cette question?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je suis convaincu, et le chef de l'Opposition est sûrement d'accord, de l'importance, pour l'agriculture du Québec - et j'en ai parlé à plusieurs reprises hier - de ces négociations. C'est pourquoi le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de même que tous les ministres qui peuvent être intéressés à ces questions, sont pleinement impliqués à l'intérieur du processus gouvernemental aux négociations en cours.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, question additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Le premier ministre comprendra que je comprends que tous ses ministres peuvent intervenir puisqu'ils sont membres du Conseil des ministres. La question que je lui pose est la suivante: Est-ce que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, compte tenu de la dimension économique fondamentale de ce dossier pour les Québécois à l'égard des Américains, fera partie du sous-comité du Conseil des ministres qui touche la question du libre-échange?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, chaque fois que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui fait partie d'un gouvernement qui forme ce sous-comité, pourra faire une contribution utile -d'ailleurs il y a des relations très étroites entre les différents ministères et le sous-comité - il le fera à ce moment-là. Car il y a plusieurs secteurs: il y a la question du textile qui est importante, la question des mines, la question des forêts. Alors, à ce moment, le sous-comité devrait être composé du gouvernement entier. Je ne comprends pas la façon de procéder du chef de l'Opposition. Cela explique pourquoi peut-être il se retrouve où il est aujourd'hui.

Le Président: M. le chef de l'Opposition. M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Cela vous arrivera un jour aussi. M. le Président, est-ce que...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, vous avez la parole. Question additionnelle.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je dois donc comprendre de la réponse du premier ministre que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ne fera pas partie, tel quel, du comité en matière de libre-échange et qu'il en est...

Le Président: M. le premier ministre. Alors, M. le député de Gouin, question principale. (10 h 20)

La participation des nouveaux médecins au Régime d'assurance-maladie

M. Rochefort: Oui, M. le Président. À la suite de l'opposition presque unanime suscitée par l'attitude autoritaire, unilatérale et précipitée de la ministre de la Santé et des Services sociaux...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Sans commentaires, M. le député de Gouin, sur l'attitude du ministre. Posez votre question principale.

M. Rochefort: Question de règlement, c'est le préambule de ma question? Ce n'est pas moi qui soulève...

Le Président: Sans commentaires, sans disputes. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rochefort: ...des débats ce sont les décisions de la ministre. Comme je le disais, à la suite de l'opposition presque unanime suscitée par l'attitude autoritaire, unilatérale et précipitée de la ministre de la Santé et des Services sociaux, dans le cadre des projets de loi 74 et 75 et par la décision du gouvernement concernant les conditions d'exercice de la médecine et devant les nombreuses demandes de commissions parlementaires sur ces questions, la ministre réagissait en fin de semaine en déclarant que l'imbroglio découlait d'une erreur dans la rédaction de la décision du gouvernement et que la correction de cette erreur éliminait toute nécessité de commission parlementaire. Finalement, la ministre déclarait n'avoir jamais recommandé les mesures coercitives en question au Conseil des ministres, mais refusait du même coup de rendre public son mémoire et ses recommandations au Conseil des ministres. Ma question a la ministre est la suivante: Comment la ministre peut-elle prétendre que les décisions concernant le droit de participation des nouveaux médecins

au régime d'assurance-maladie ne font pas suite à son mémoire au Conseil des ministres, alors que la décision no 8684 du Conseil des ministres, datée du 23 avril 1986, se lit comme suit: Le Conseil des ministres décide à la suite du mémoire daté du 11 mars 1986 présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux et le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et là il y a quatre pages de décisions.

Comment expliquer que ces décisions ne font pas suite à son mémoire alors que la décision dit qu'il fait suite au mémoire déposé par la ministre?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: J'ai longuement répondu à cette question, hier. Mon gouvernement a une préoccupation. C'est celle de voir à une meilleure répartition des effectifs médicaux dans tout le Québec. Je pense que tout le monde sait que non seulement dans les régions éloignées, mais souvent dans les régions intermédiaires et même quelquefois dans la grande région urbaine de Montréal, les effectifs médicaux ne sont pas distribués de telle manière qu'on puisse répondre d'une façon adéquate aux besoins essentiels de la population. L'objectif de la loi 75 est de permettre une meilleure planification de ces effectifs médicaux. Cette loi se situe dans la foulée de la loi 27 qu'elle vient rendre opérationnelle quant au plan des effectifs médicaux et nous avons l'intention de poursuivre dans ce sens.

Le Présidente M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: M. le Président, je répète ma question: Comment la ministre peut-elle prétendre que les décisions ne font pas suite au mémoire qu'elle a déposé puisque la décision 8684 signée par M. Roch Bolduc, Secrétaire général du gouvernement, se lit comme suit: "Le Conseil des ministres décide, à la suite du mémoire daté du 11 mars 1986 présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux et le ministre de l'Enseignement supérieur..."?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que le député de Gouin vient de répondre lui-même. C'est à la suite du mémoire qu'une telle décision a été prise. Je répète ce que j'ai dit hier. En ce qui touche à la distribution des effectifs, c'est exact, elle était contenue au mémoire. Mais, quant aux questions que le député de Gouin m'a posées hier, la réponse demeure la même, c'est non, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: Oui, M. le Président. Comment la ministre peut-elle prétendre qu'elle n'a pas recommandé au Conseil des ministres les règles de participation des nouveaux médecins au Régime d'assurance-maladie, alors qu'elle déclarait hier - dans le premier cas, on parle de cette obligation: Je n'ai jamais fait une telle recommandation au Conseil des ministres. De toute façon, elle n'a pas été retenue, elle a même été modifiée avant les protestations.

M. le Président, ma question est simple: Comment une recommandation peut-elle ne pas avoir été retenue et comment peut-elle avoir été modifiée si elle n'existe pas?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le député de Gouin hier m'a posé la question, à savoir si j'avais fait la recommandation suivante: D'assujettir dans la politique d'entrée en première année de médecine, en 1987-1988, l'obtention des postes à la signature d'un engagement par lequel les étudiants reconnaissent avoir pris connaissance et accepté le fait qu'ils n'auront pas un droit automatique de participation au Régime d'assurance-maladie à la fin de leurs études. J'ai dit que cette partie de la décision du Conseil des ministres a été modifiée et retirée avant même les protestations des fédérations. Je maintiens encore une fois que je ne suis jamais venue au Conseil des ministres avec une telle proposition.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: Oui, M. le Président, devant la confusion évidente entretenue par la ministre...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rochefort: ...quelle est la décision exacte du Conseil des ministres? La ministre a-t-elle, oui ou non, le mandat d'assujettir l'entrée en médecine des étudiants à une signature d'un engagement par lequel ils reconnaissent qu'ils ne seront pas automatiquement des médecins participants et la ministre a-t-elle le mandat, oui ou non, du Conseil des ministres de préparer un projet de loi établissant une corrélation parfaite entre le droit de participation au régime et les plans d'effectifs médicaux?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je regrette que le député de Gouin n'ait pas pris connaissance du communiqué de presse qui a été distribué le 9 mai et qui, justement, faisait état des dispositions prises par les deux ministères - le ministère de l'Éducation et le ministère de la Santé et des Services sociaux - quant au nombre d'étudiants et de postes prévus pour l'internat et les résidences en spécialité ou en omnipratique. Alors, je lui conseillerais de retourner regarder cette décision du 9 mai qui lui donnera les faits exacts.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: M. le Président, la période de questions n'est pas une opération où on se réfère aux communiqués de presse. Je pose une question...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. Rochefort: ...à la ministre...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sans aucune remarque, M. le député de Gouin. Cela fait deux fois que je vous en avise. Posez votre question additionnelle, s'il vous plaît.

M. Rochefort: Je répète ma question. La ministre a-t-elle, oui ou non, le mandat du Conseil des ministres d'assujettir l'entrée en médecine pour les nouveaux étudiants à la signature d'un engagement par lequel ils reconnaissent qu'ils ne seront pas nécessairement des médecins participants. A-t-elle le mandat du Conseil des ministres d'élaborer un projet de loi qui établit une corrélation entre la participation au régime et les plans d'effectifs médicaux, oui ou non?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. À l'ordre, s'il vous plaît: Vous avez la parole, madame.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je sais que le député de Gouin aime beaucoup entretenir la confusion. Il me semble que c'est au moins la cinquième fois que je lui réponds que dans le cas de l'entrée en médecine des étudiants qui n'auront pas d'engagement, ce n'est même pas partie de la décision à laquelle vous faites continuellement référence. Je vous ai dit que cela a été retiré.

Dans le deuxième cas, à savoir si j'ai reçu du Conseil des ministres un mandat de préparer une loi dans le sens où vous le dites, oui, c'est dans la décision du Conseil des ministres, mais conditionnellement aux études sur la détermination des effectifs 1986-1987 et de toutes les considérations qui doivent entourer cette étude. Les recommandations seront faites au Conseil des ministres suivant les résultats de l'étude.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: M. le Président, la ministre reconnaît-elle que les projets de loi 74 et 75 constituent une étape majeure et déterminante dans la mise en place d'un cadre législatif qui viendra restreindre radicalement l'accès à la pratique médicale?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, dans le cas de la loi 74, il s'agit de modifications à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie. Dans le cas de la loi 75, je répète que c'est étendre les dispositions de la loi 27 aux régions et aux sous-régions, pour permettre une planification adéquate des effectifs médicaux.

Le député de Gouin pourra brandir tous les spectres qu'il voudra, c'est là la réalité. Le gouvernement veut faire une tentative réelle et un effort réel pour répondre aux attentes de la population en régions éloignées qui demande depuis des années qu'on fasse une meilleure planification des effectifs médicaux. C'est là l'objectif poursuivi par la loi 75.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: M. le Président, la ministre maintient-elle sa décision, annoncée hier, de ne pas tenir une commission parlementaire sur ces projets de loi, à la suite du télégramme que lui faisaient parvenir les présidents des trois fédérations ce matin en disant: Compte tenu des réponses apportées hier, nous tenons toujours à une commission parlementaire, et aussi, compte tenu des déclarations du président de la corporation des médecins qui affirmait, hier, à la suite des réponses de la ministre: Nous voulons deux fois plus une commission parlementaire? (10 h 30)

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je maintiens ma décision de ne pas tenir de commission parlementaire. Il s'agit d'étendre un principe qui a déjà été accepté au moment de la loi 27, celui de faire des plans d'effectifs médicaux en établissement que, maintenant, nous ferons aux niveaux régional

et sous-régional et ceci, pour une meilleure planification des effectifs médicaux dans l'ensemble du Québec. Cela ne change pas le principe de cette loi. Le chef de l'Opposition pourra se le rappeler fort bien et c'est là l'objet de... Il y a eu une commission parlementaire pour la réglementation de la loi 27 et il y a eu une commission parlementaire qui a duré trois jours le printemps dernier, précisément sur la distribution des effectifs médicaux où les trois fédérations, à chaque occasion, ont eu le loisir de se faire entendre.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en principale.

La firme Pominville et la

luttre contre la fusion de

Baie-Comeau et de Hauterive

M. Chevrette: M. le Président, le 1er mai dernier, en commission parlementaire, le député de Hull et ministre délégué aux Services et Approvisionnements nous disait que la firme Pominville avait obtenu le mandat de préparer des propositions pour modifier le système du fichier central. Le 15 mai, c'était le mandat de préparer des mandats pour d'autres firmes. Hier, dans le dépôt du mandat, il s'agissait de s'attaquer au coeur même du système informatisé qui évite le favoritisme. Ma question est la suivante: Le ministre peut-il nous dire depuis combien de temps il connaît la firme Pominville et s'il a eu des liens avec cette firme avant la lutte contre le projet de loi 37 concernant la fusion des villes de Baie-Comeau et Hauterive?

Le Président: M. le ministre délégué aux Services et Approvisionnements.

M. Roeheleau: Merci, M. le Président. Afin de répondre au leader de l'Opposition, à savoir si je connais depuis longtemps la firme Roger Pominville, oui, M. le Président, cela fait très longtemps que je connais la firme Roger Pominville. Elle a exercé plusieurs mandats pour les municipalités de plusieurs régions du Québec. Alors que j'étais maire de Hull, elle a exercé des mandats et avant que je sois maire de Hull, elle a également exercé des mandats pour la ville de Hull, la Communauté régionale de l'Outaouais, la Commission de transport de la Communauté régionale de l'Outaouais, plusieurs villes du Québec, la ville de Gatineau, Loretteville et j'en passe. Je connais très bien l'intégrité, l'honnêteté et les compétences de cette firme en administration.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Le ministre admet-il avoir utilisé son influence pour que la firme Roger Pominville Limitée obtienne un contrat sur la structuration des services de la Communauté régionale de l'Outaouais alors qu'il était maire de Hull et responsable des conditions de travail des employés de la Communauté régionale de l'Outaouais?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre délégué aux Services et Approvisionnements.

M. Gratton: Question de règlement.

Le Président: Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'opportunité d'interroger le député de Hull à titre de maire de Hull, puisqu'il ne l'est plus depuis fort longtemps?

M. Chevrette: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: J'ai l'intention de démontrer clairement que la firme Pominville a accompagné les premiers pas dans la vie publique du député de Hull jusqu'à sa rentrée comme ministre.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, pourriez-vous lire l'article 75, s'il vous plaît?

Le Président: J'allais le faire mais j'attendais la fin de l'argumentation. À l'article 75 du règlement, on lit: "Les questions doivent porter sur des affaires d'intérêt public, ayant un caractère d'actualité ou d'urgence, qui relèvent d'un ministre ou du gouvernement. Toute autre question doit, être inscrite au feuilleton." M. le leader de l'Opposition, si vous voulez changer la formulation de votre dernière question, étant donné qu'elle s'adressait au député de Hull, du temps qu'il était maire de Hull et étant donné qu'elle ne s'adresse pas au ministre ou à une affaire qui a un caractère d'actualité ou d'intérêt public relatif à un dossier que le ministre a à travailler actuellement? En changeant votre question, M. le leader de l'Opposition, je pense que vous pourriez facilement l'adresser au ministre en question.

M. Chevrette: L'actuel ministre délégué aux Services et Approvisionnements reconnaît-il avoir eu des liens, comme ministre actuellement et comme maire à l'époque, toujours avec cette même firme? Je lui pose la question: Reconnaît-il que, chaque fois qu'il a détenu un poste public, il a plaidé pour la firme Pominville afin d'obtenir des mandats grâce à l'influence qu'il avait?

Le Président: M. le ministre délégué aux Services et Approvisionnements

M. Rocheleau: M. le Président, j'aurais sûrement pu répondre à la première question aussi. Il est bien évident que la firme Roger Pominville n'a jamais eu besoin du maire de Hull dans le temps, non plus du député et encore moins du ministre délégué aux Services et Approvisionnements pour se trouver des contrats au Québec. C'est une firme compétente, une firme efficace, une firme qui a été retenue par un grand nombre de municipalités, par un grand nombre d'organismes à caractère public et qui a la compétence de faire le travail que je lui ai confié. Cela fait suite et cela confirme sûrement les premiers propos tenus en cette Chambre par le député de Roberval, si j'ai souvenance, au mois de décembre dernier, quand il se demandait ce qu'on allait faire du ministère des Services et Approvisionnements et pourquoi on avait créé ce ministère.

J'avais fait allusion, dans le temps, j'avais référé au Vérificateur général du Québec et plus particulièrement au rapport qui avait été déposé en cette Chambre dans les jours qui ont suivi, dans lequel on avait déjà déterminé que près d'un tiers des soumissions n'étaient pas passées par le fichier central du gouvernement. Cela commandait une étude tout à fait particulière, une étude qui était à l'épreuve de tout doute futur. Je trouve très curieux les propos que tient le leader de l'Opposition. Nous aurons sûrement, dans les prochains jours, l'occasion de discuter longuement sur le sujet et d'apporter toutes les réponses aux questions, même celles où on peut sentir une insinuation dans les propos que tient le leader de l'Opposition.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Comment le ministre peut-il vanter les mérites d'une firme, vanter son honnêteté et son intégrité alors que lui-même nie que cette firme ait préparé des discours pour l'Opposition, alors que c'est cette firme même qui facture? Qui ment donc si je dois prendre la parole du ministre en cette Chambre? Comment le ministre peut-il soutenir autant de qualités à une firme qui lui impute des droits ou des privilèges qu'il aurait eu de cette firme alors qu'il prétend qu'ils sont faux?

Le Président: M. le ministre délégué aux Services et Approvisionnements.

M. Rocheleau: J'ai mentionné à plusieurs reprises, en cette Chambre, au cours des derniers jours, que la firme Roger Pominville, au mois de décembre 1981, avait été retenue par la ville de Baie-Comeau pour se défendre contre les agressions du gouvernement péquiste du temps, c'est-à-dire contre la loi 37 créant une fusion forcée de deux municipalités. Nous n'avons jamais demandé, en tant qu'Opposition, à la firme Roger Pominville de nous préparer quelque document que ce soit. Cela a été clairement indiqué en cette Chambre. Si, à l'intérieur du mandat que Baie-Comeau avait confié à la firme Roger Pominville, la firme Roger Pominville a cru bon de permettre à cette Chambre d'avoir tous les dossiers pertinents à la loi 37, si on a pu, à l'intérieur de la facturation et si, aujourd'hui, on critique la transparence avec laquelle la firme Roger Pominville a détaillé sa facture, je trouve que c'est malheureux de votre part d'investiguer cela parce qu'il est tout à l'honneur de la firme Pominville d'avoir inscrit dans les moindres détails le travail qu'elle faisait non pas à la demande de l'Opposition, mais beaucoup plus dans le mandat que lui avaient confié les autorités municipales de Baie-Comeau. (10 h 40)

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Est-ce que la firme Roger Pominville Ltée ment lorsqu'elle charge nommément aux citoyens de Baie-Comeau—Hauterive des honoraires pour préparation de discours de deuxième lecture pour l'actuel ministre Rocheleau?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Question de règlement, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En vertu de l'article 77, paragraphe 2, je ne vois pas en quoi le leader de l'Opposition persiste à vouloir confondre ce qu'une firme, à l'extérieur de cette Chambre, peut avoir fait et le rôle du ministre, et confondre également la différence entre préparer ou ne pas préparer un discours et lire ou ne pas lire un discours en cette Chambre.

Le Président: M. le leader de

l'Opposition, sur la question de règlement.

M. Chevrette: C'est un bel effort du député de Vaudreuil-Soulanges pour essayer de camoufler les propos qui ont été dits dans cette Chambre.

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Chevrette: En cette Chambre c'est le ministre, député de Hull qui s'est levé et a affirmé ne pas avoir préparé de discours comme tels. C'est lui-même qui a affirmé de son siège avoir eu des discours mais ne pas les avoir utilisés. Dans un troisième temps, le même député-ministre a dit qu'on ne lui avait pas demandé de discours. On veut savoir, une fois pour toutes, en vertu de la règle de procédure normale de question et réponse, quelle version le ministre retient. II ne peut y avoir trois versions, une le lundi, une le mardi et une le mercredi en cette Chambre.

Une voix: Bien oui!

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Présumément, et si c'était vrai, le ministre serait obligé de s'excuser le jeudi.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, mais on sait très bien qu'il ne le fera pas parce que ce n'est pas son habitude.

Le Président: Si vous me le permettez, sur la question de règlement qui a été soulevée, M. le leader adjoint du gouvernement a soulevé l'article 77.2. Si je me rappelle bien, M. le leader de l'Opposition, dans votre question additionnelle vous aviez demandé au ministre délégué aux Services et Approvisionnements si la firme Pominville mentait, etc. Il ne peut répondre pour une tierce personne. Vous ne pouvez également fonder votre question sur une supposition. Transformez votre question additionnelle et je pense qu'elle sera acceptée.

M. Chevrette: Comment prétendre que la firme Pominville peut être honnête, intègre et formidable si elle prétend préparer des discours et que le ministre dit qu'il n'a pas...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'essaie de voir ce sur quoi le leader de l'Opposition est en train de plaider: ou on plaide sur la question de règlement ou on veut soulever un débat de fond quant à des qualités de toutes sortes de gens en dehors de la Chambre. Je ne vois pas très bien ce que le leader de l'Opposition fait là, debout.

Le Président: Je vais entendre votre question et voir si elle est recevable ou non. Terminez votre question, M. le leader de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Chevrette: M. le Président, vous m'avez dit de reformuler ma question et c'est la suivante: Comment le ministre peut-il, de son siège, vanter l'honnêteté et l'intégrité d'une firme alors qu'il soutient ne pas avoir eu de discours et que cette firme demande des frais, pour avoir préparé des discours, aux citoyens de Baie-Comeau— Hauterive?

Le Président: M. le ministre délégué aux Services et Approvisionnements.

M. Rocheleau: M. le Président, je vous dis que cela fait pitié comme question!

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo! Le Président: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Cela fait moins pitié que le ministre.

Des voix: Oh! Oh! Oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre, sans aucun commentaire et sans soulever aucun débat, répondez à la question que le leader de l'Opposition vous a posée.

À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rocheleau: J'ai pu, dans le passé, apprécier la firme Roger Pominville, comme plusieurs municipalités du Québec et plusieurs dirigeants municipaux et dirigeants d'organismes ont pu l'apprécier aussi. J'ai dit aussi en cette Chambre qu'on n'avait jamais utilisé ou prononcé de discours écrits par la firme Roger Pominville. Cela n'empêche pas... Peut-être que le leader de l'Opposition pourrait aller demander lui-même à la firme Roger Pominville d'expliciter son mandat, ce n'est sûrement pas à moi ici en cette Chambre d'expliciter le mandat qui avait été

confié à la firme Roger Pominville par la ville de Baie-Comeau, au moment où on a étudié le projet de loi 37. La seule chose qu'il nous est permis de dire au cours du débat qui suivra sûrement et l'adoption qui viendra du projet de loi 68 créant le ministère des Services et Approvisionnements, c'est qu'on pourra faire état de plusieurs éléments qui nous ont amenés à consulter une firme d'experts-conseils en administration afin d'avoir certaines recommandations que nous pourrions mettre en pratique par la suite pour le plus grand bénéfice du gouvernement du Québec.

M. Chevrette: Dernière question additionnelle.

Le Président: Une dernière question additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Dernière question additionnelle aujourd'hui, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait déposer la liste des employés permanents de cette superfirme Roger Pominville Ltée?

Des voix: Oh!

Le Président: M. le ministre délégué aux Services et Approvisionnements.

M. Rocheleau: M. le Président.

Une voix: ...au Canada.

Le Président: M. le ministre.

M. Rocheleau: C'est pratiquement incroyable. M. le Président, est-ce que...

Le Président: M. le ministre.

Une voix: Ce n'est pas une question.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rocheleau: Est-ce que c'est au ministre délégué aux Services et Approvisionnements de déposer en cette Chambre le nom de l'ensemble des employés d'une firme d'experts-conseils au Québec? Ma grand conscience du bon Dieu, M. le Président...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rocheleau: ...ça s'peut-y? J'ai l'impression que le leader de l'Opposition est dépourvu ce matin, qu'il tente, par tous les moyens, de s'excuser de m'avoir posé initialement cette question-là en Chambre et qu'il ne sait plus comment s'en sortir.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, en principale.

Rentabilité de la concentration

des vols commerciaux de

longue durée à Mirabel

Mme Harel: M. le Président, depuis 1969, l'écart dans le nombre de passagers aux aéroports de Montréal et de Toronto est passé de 27 % à plus de 115 %. Ces chiffres se retrouvent dans une quarantaine d'analyses et d'études rendues publiques par le président Sauriol, du Conseil consultatif des aéroports de Montréal, lesquelles démontrent qu'il serait plus rentable de concentrer les vols commerciaux de longue durée à Mirabel. M. le Président, je crois que, demain, à Ottawa, les représentants de ce conseil consultatif doivent rencontrer les députés conservateurs pour expliquer officiellement le choix qui est retenu.

Ma question s'adresse au ministre des Transports. Le ministre a-t-il été informé des recommandations qui sont retenues par ce comité consultatif et qui seraient transmises demain? Entend-il faire des représentations ou faire connaître ses recommandations?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je veux d'abord dire à Mme la députée que j'ai eu l'occasion, au cours du mois de février, de rencontrer des membres du comité qui ont alors présenté certaines solutions. Je veux lui dire aussi que, si je ne m'abuse, les statistiques de 27 % et 115 % sont à compter de 1976 et non pas de 1967, sans allusion au changement politique de l'époque. Je les ai rencontrés et ils ont eu l'occasion de me faire part de leurs recherches. Le sous-ministre adjoint au transport aérien a également été membre du comité chargé de la cueillette de données et il a apporté toute la contribution nécessaire et utile que le ministère des Transports pouvait fournir tout au long de l'analyse.

Quant à savoir si votre question supplémentaire pourrait être: Est-ce que le ministère des Transports a, quant à lui, un choix? Ce n'est pas au ministère des Transports du Québec d'avoir un choix quant aux aéroports. Le ministère des Transports du Québec prendra les responsabilités qui lui incombent au moment où le gouvernement fédéral aura lui-même pris sa décision quant aux aéroports.

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, en additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, je crois que le ministre des Transports du Québec a

rencontré son homologue fédéral hier. A-t-il été question, au cours de leur rencontre, de ces études, de ces analyses qui sont maintenant connues et qui nous rappellent que, de 1969 à 1983, sur le trafic aérien, l'écart a été de 27 % à 116 % entre Montréal et Toronto. Lors de cette rencontre d'hier, quelles ont été les représentations que le ministre des Transports du Québec a faites à son homologue fédéral?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): Effectivement, comme Mme la députée l'a dit, j'avais l'occasion hier de rencontrer pour la première fois, dans une séance de travail, M. Mazankowski. Nous avons soumis de notre côté seize sujets de discussion, le premier étant, bien sûr - c'est davantage à cette question que je m'attendais ce matin - le projet de loi C-75. Comme c'est un projet de loi contentieux entre le fédéral et le provincial, la seule question qui m'est venue en cette Chambre jusqu'à maintenant provenait d'un député du côté ministériel.

On me pose la question à ce moment-ci: Est-ce qu'il a été question? Nous avons d'abord traité du cas C-75, de cas de régions éloignées comme la desserte de la Basse-Côte-Nord, tant sur le plan aérien que sur le plan maritime, de la desserte des tles-de-la-Madeleine, des aménagements routiers de Saint-Augustin, et nous avons aussi échangé très brièvement avec M. Mazankowski quant aux aéroports. Ce que j'ai dit à M. Mazankowski est exactement ce que j'ai dit dans ma première réponse à Mme la députée de Maisonneuve: Décidez et, selon votre décision, dépendront un certain nombre d'actions du gouvernement du Québec. Quant au réseau routier, nous prendrons nos responsabilités lorsque vous aurez pris les vôtres. (10 h 50)

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, question additionnelle.

Mme Harel: M. le Président, est-ce qu'on doit conclure des propos que le ministre a tenus qu'il entend endosser la décision qui sera retenue par son homologue fédéral? Doit-on comprendre que cette décision du fédéral sera celle qui sera retenue par le ministre des Transports du Québec en matière des aéroports à Montréal? Le ministre...

Le Président: Mme la députée.

Mme Harel: ...est-il prêt à accepter qu'une motion soit adoptée à cette Assemblée pour demander, en matière de taxes aux usagers...

Le Président: Vous êtes sur une question additionnelle, Mme la députée.

Mme Harel: Très bien, M. le Président. On reviendra sur la motion.

Donc, sur la question, est-ce que le ministre des Transports du Québec entend endosser la décision qui sera prise par son homologue fédéral en matière du choix des aéroports à Montréal?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): Toute conclusion que pourrait tirer Mme la députée de Maisonneuve à ce moment-ci est prématurée.

Le Président: M. le député de Saint-Maurice, question principale?

Organismes d'État qui n'ont plus de justification

M. Lemire: M. le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du trésor. Le gouvernement a confié au début de l'année à un comité spécial le mandat d'analyser la structure et le fonctionnement de l'appareil gouvernemental. Ce comité semble avoir fait rapport au gouvernement et l'on apprend que, sur 200 organismes de toutes sortes qui composent l'appareil de l'État, il y en a apparemment une bonne quantité qui sont devenus inutiles et d'autres dont la mission est semblable.

Ma question: Le président du Conseil du trésor pourrait-il nous indiquer combien de ces organismes font double ou triple emploi, dont la mission ou la raison d'être n'est plus pertinente? Dans quelle mesure la rationalisation envisagée ferait-elle augmenter l'efficacité et la productivité de la structure gouvernementale?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, effectivement, dans le cadre du mandat qui a été confié au comité sur la révision des structures de programmes gouvernementaux, le comité a analysé les 200 organismes qui subsistent actuellement au gouvernement du Québec et a fait une recommandation au Conseil des ministres qui touche environ 50 % de ces organismes; elle les touche en ce sens que les recommandations concernent soit les fusions de certains organismes, l'abandon de certains autres, le réaménagement de certains et ainsi de suite. Nous croyons que si les recommandations du comité sont acceptées par le Conseil des ministres, elles permettront une plus grande efficacité de l'administration gouverne-

mentale.

M. Lemire: M. le Président, question additionnelle.

Le Président: Question additionnelle. Très courte.

M. Lemire: Le président du Conseil du trésor évalue à combien les économies que pourraient réaliser le gouvernement et les contribuables du Québec grâce à cette rationalisation de la structure gouvernementale? Peut-il nous dire quel impact auront ces mesures pour la population québécoise?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, selon les décisions qui seront prises par le Conseil des ministres, si elles étaient acceptées intégralement, nous pourrions évaluer, même si à ce stade-ci les évaluations sont strictement préliminaires, des économies qui pourraient aller, sur une base annuelle, après l'application des recommandations, jusqu'à 100 000 000 $.

Actuellement, nous avons prévu dans les crédits budgétaires 1986-1987 des économies d'un montant de 20 000 000 $ pour la première étape de l'application de ces recommandations.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, une dernière question additionnelle avant la fin de la période régulière de questions.

M. Gendron: Oui, une très courte question additionnelle. Le président du Conseil du trésor ne croit-il pas qu'une étude qui a fouillé au-delà de 200 organismes, comme cela a été mentionné, et pour laquelle au-delà de 50 % des recommandations touchent effectivement la pertinence ou l'existence même de ces organismes, est suffisamment importante pour que le rapport soit ensuite déposé et qu'il est d'intérêt public?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, le rapport du comité fait des recommandations. Cela ne veut pas dire que toutes ces recommandations seront applicables en pratique. Chacun des ministres responsables de ces organismes et chacun des ministères sont actuellement à faire une analyse de ces recommandations et à faire les suggestions nécessaires en fonction de ces recommandations. Je ne crois pas qu'il soit d'intérêt public, pour le moment, de divulguer le contenu de ce rapport. La décision du Conseil des ministres viendra en temps et lieu.

Le Président: Fin de la période de questions.

Il y a maintenant un complément de réponse qui sera apporté par M. le ministre délégué aux Forêts à la suite d'une question posée par M. le député de Duplessis. M. le ministre, vous avez la parole.

La production de plants confiée à la CIP et à Consolidated Bathurst

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci. Je vous remercie d'avoir reporté mon complément de réponse à aujourd'hui, par déférence pour le député de Duplessis qui était absent hier. Je voudrais qu'il prenne avis, tout de même, que je n'ai pas pris l'engagement et que je n'ai pas promis de suivre la programmation totale du gouvernement précédent en ce qui concerne la production de plants. Dans le cas de la compagnie CIP, je tiens à vous mentionner qu'il s'agit d'un premier contrat négocié à long terme avec une compagnie forestière. D'une durée de cinq ans, ce contrat implique la production de 47 500 000 plants destinés aux régions de Trois-Rivières et de l'Outaouais. La production de 6 300 000 plants en serre commencera en janvier 1987 et la production de 3 200 000 plants en tunnel commencera, quant à elle, en mai 1987.

Le contrat devrait être complété le 1er septembre 1992 et il pourra être renouvelé, à ce moment, pour une autre période de cinq ans, en fonction de nos besoins, des coûts et de la qualité des produits. Il s'agit d'une production globale composée de 79 % d'épinette noire, 17 % de pin gris et de 4 % d'épinette blanche. Si on a choisi ces essences, c'est en raison de leur résistance à la tordeuse des bourgeons de l'épinette. CIP produira ces plants dans ses serres et pépinières à Harrington, dans le comté d'Argenteuil.

Par ailleurs, dans le cas de Consolidated Bathurst, il s'agit d'un deuxième contrat de production de plants à long terme négocié par mon ministère avec une compagnie forestière. Pour la production de plants en récipients et lorsque nous utilisons des récipients en tunnel, nous utilisons des récipients de 45 cavités et de 67 cavités en serre.

Il implique la production de 25 000 000 de plants pour la région de Trois-Rivières. La durée du contrat est également de cinq ans. La compagnie Consolidated Bathurst entend négocier la production de plants en tunnel dès le mois prochain, c'est-à-dire actuellement. Il s'agit d'une production globale de 60 % d'épinette noire et de 40 % de pins gris. Consolidated Bathurst produira

ses plants sur le site de reboisement de la Mauricie, soit à Saint-Étienne-des-Grès. Comme vous pouvez le constater, le ministère est très actif dans la négociation de contrats de production de plants avec les compagnies forestières. Plusieurs contrats sont en négociation actuellement et je suis heureux d'annoncer que nous sommes parvenus à des ententes avec CIP et Consol et je félicite Kruger-Domtar de s'être associée à des groupements locaux pour la production de plants en Estrie. Je vous remercie.

Le Président: M. le député de Duplessis, question additionnelle.

M. Perron: Je vous remercie. Je voudrais remercier le ministre d'avoir répondu à la question que je lui avais posée la semaine dernière. Maintenant, je voudrais lui poser la question suivante: Comment peut-il concilier ce qu'il a dit dès le début de son intervention, en réponse à la question que je lui avais posée, et la décision du Conseil du trésor prise en date du 5 mars 1985, à savoir que le ministère de l'Énergie et des Ressources et le ministère des Forêts devaient...

Le Président: M. le député de Richelieu, s'il vous plaît! M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je répète ma question. Compte tenu du début de l'intervention du ministre délégué aux Forêts, comment ce dernier peut-il concilier ce qu'il a dit au début avec la décision du Conseil du trésor, du 5 mars 1985, à savoir que le ministère de l'Énergie et des Ressources exigerait que les centres de production soient situés à l'intérieur de la région administrative à laquelle sont destinés les plants? (11 heures)

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je dirai au député de Duplessis que c'était un voeu et que dans le même arrêté on mentionnait "si possible". C'est exactement ce que nous faisons, dans la mesure du possible. Nous tentons de localiser les centres production de plants dans les endroits où les plants seront reboisés.

Le Président: Merci, M. le ministre. Fin de la période de questions. Ce matin il n'y a aucun vote de reporté.

Motions sans préavis, M. le ministre des Relations internationales. M. le ministre, vous avez la parole.

Appui aux efforts de Mgr Desmond Tutu en vue de trouver une solution pacifique aux problèmes raciaux

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: M. le Président, j'aimerais, avec le consentement de l'Assemblée, présenter la motion suivante relative à la présence au Québec de Mgr Desmond Tutu. La motion se lit comme suit: "Que, compte tenu de la prise de position antérieure de l'Assemblée nationale relative à la politique d'apartheid pratiquée par le gouvernement de l'Afrique du Sud et compte tenu de la sensibilité de la population du Québec à l'égard du respect des droits humains, cette Assemblée appuie les efforts de Mgr Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix et prima de l'Église anglicane australe présentement en séjour au Québec, en vue de trouver une solution pacifique aux problèmes raciaux et aux violations des droits de l'homme dont est victime la population noire de l'Afrique du Sud."

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte? Il y a consentement. Allez M. le ministre, vous avez la parole.

M. Rémillard: M. le Président, l'évêque de Johannesburg et Prix Nobel de la paix, Mgr Desmond Tutu est de passage à Montréal pour participer à diverses activités qui clôturent la Semaine contre le racisme et l'apartheid. Mgr Tutu a ainsi répondu à l'invitation qui lui a été faite par les organisateurs de ces activités, soit le Centre d'information et de documentation sur le Mozambique et l'Afrique australe. L'initiative de cet organisme non gouvernemental a reçu l'appui d'un grand nombre de personnalités et d'organismes.

M. le Président, on ne peut que s'associer à ces démarches de Mgr Tutu pour mettre fin à ce régime inqualifiable qu'est l'apartheid, lequel prend en otage une population, une majorité, la majorité noire d'Afrique du Sud. Nous ne pouvons que nous associer à cette démarche de Mgr Tutu parce qu'elle s'inscrit aussi dans un contexte de paix et de recherche de paix, pour une meilleure égalité entre des hommes et des femmes qui naissent à égalité et qui doivent manifester tout au long de leur vie en société ce principe d'égalité.

Nous avons déjà associé nos efforts à ces revendications de Mgr Tutu et on peut rappeler, bien sûr, que le 23 mars 1978 l'Assemblée nationale votait une motion de blâme à l'Afrique du Sud pour la façon dont ce pays brime les droits de la personne justement par le système de l'apartheid. Rappelons aussi, M. le Président, que le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, s'est joint aux chefs d'État des pays francophones, lors du sommet de Paris en février dernier, pour appuyer la

déclaration commune de ce premier sommet de la francophonie sur l'Afrique australe pour condamner l'apartheid.

M. le Président, il faut donc saluer en Mgr Tutu l'homme de paix, l'homme d'espoir pour un peuple qui est opprimé, cette majorité noire d'Afrique du Sud. Et nous ne pouvons que nous joindre à Mgr Tutu pour espérer qu'on mette fin à cette situation intolérable. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre. M. le chef de l'Opposition sur la même motion.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, évidemment, j'entends associer l'Opposition à cette motion. Nous aurions...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. J'entends évidemment associer l'Opposition à cette motion. Nous aurions peut-être aimé que la motion réflète un peu plus ce qui était l'objet spécifique de la visite de Mgr Tutu, notamment la question des sanctions économiques face a l'Afrique du Sud.

Je comprends le choix qu'a fait le ministre d'évoquer peut-être en termes plus généraux ce qu'est le combat de Desmond Tutu. S'il y a une cause qui réussit à unir les gens qui sont préoccupés par la justice, la liberté et la démocratie, c'est bien celle de la lutte contre l'apartheid qui, je crois, va bien au-delà des lignes de partis politiques.

Hier, à Montréal, Mgr Tutu, au prix de fatigue considérable pour sa personne, est venu lancer un appel au gouvernement du Québec, au gouvernement du Canada et aux populations auxquelles il s'est adressé, tantôt à Toronto et, hier, un peu plus longuement à Montréal, à l'occasion de cinq rencontres qui ont meublé cette journée extrêmement exigeante pour lui.

Devant ces groupes, hier, Mgr Tutu a notamment lancé ce qu'il appelait un appel de détresse en disant: "En Afrique du Sud, nous sommes sur un volcan qui est sur le point de faire éruption", parce qu'il voit tous les jours des jeunes dans ce pays être tentés sérieusement de recourir à la violence pour obtenir la fin de l'apartheid, parce qu'il a également vu chaque jour, ou presque, en Afrique du Sud, depuis l'automne 1984, des morts - 1600, à ce jour, ont péri par la violence - parce que chaque jour il voit un gouvernement entêté résister et refuser le changement de ce système inique mis sur pied il y a 75 ans au prix et au détriment de la liberté des êtres humains que forme la majorité noire d'Afrique du Sud.

Mgr Tutu nous disait hier: II reste une possibilité de nous éloigner du précipice. Le prix Nobel de la paix de 1984 faisait ainsi appel à la notion de sanctions économiques qui devraient être prises, selon lui, contre le gouvernement d'Afrique du Sud. À celles et à ceux qui, en Occident, et notamment en Occident blanc, ont tendance à considérer, comme je le voyais tout récemment encore, ce matin, dans un éditorial, que des sanctions économiques contre l'Afrique du Sud n'auraient comme effet que de faire souffrir la majorité noire - à ces personnes, Mgr Tutu, qui pourtant connaît bien l'Afrique du Sud où il est né et où il a passé sa vie, qui connaît Crossroads comme Port Elizabeth où se sont déroulés ces événements sanglants et pénibles depuis un certain temps, répond: Je ne crois pas en ce nouvel altruisme des Occidentaux. Je vous dis, moi, que, de mon pays, ce que je vois, c'est que des sanctions économiques contre ce gouvernement n'amèneront pas la souffrance à un peuple qui souffre déjà, mais amèneront peut-être la solution que nous recherchons, c'est-à-dire la fin de l'apartheid, et cette perspective, une fois pour toutes, d'un État démocratique où le vote de chacun a le même poids. Car il croit que ces sanctions économiques permettront de créer de telles pressions sur le gouvernement sud-africain que cela permettra la libération des prisonniers politiques, le retour des exilés politiques, que cela permettra également d'entamer des pourparlers avec les leaders noirs, avec l'ensemble des partis politiques sud-africains, pour doter ce pays d'une véritable constitution démocratique et mettre fin au régime de l'apartheid.

Mgr Tutu a lancé le 2 avril dernier un appel aux sanctions économiques pour établir, disait-il, "une Afrique du Sud non raciale, démocratique, participative et juste". Cet appel doit être entendu et nous souhaitons que le gouvernement du Québec fasse valoir auprès du gouvernement fédéral son intérêt pour que cette approche de sanctions économiques contre l'Afrique du Sud ne soit pas écartée. Comme le disait Mgr Tutu hier soir à la Place des Arts, devant au-delà de 1000 personnes, si le Danemark l'a fait, pourquoi le Canada ne ferait-il pas de même?

Je me permets de rappeler, M. le Président, que l'Assemblée nationale du Québec s'est déjà prononcée sur cette question, comme l'a évoqué le ministre, mais également que nous avons adopté ici en 1977, si je ne m'abuse, une motion qui intimait à la Société des alcools du Québec de cesser de vendre du vin en provenance d'Afrique du Sud. Je crois que c'est par des gestes concrets comme celui-là, par des rencontres qui nous rendent perméables à l'humanité en même temps qu'à l'audace de cet homme d'Afrique du Sud que nous

pourrons apporter notre modeste contribution à faire avancer les choses. Merci. (11 h 10)

Le Président: Est-ce que la motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Modifications à la composition des commissions parlementaires

M. Lefebvre: M. le Président, des modifications ont été apportées à certaines commissions parlementaires et je voudrais déposer la liste attestant ces changements.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gendron: M. le Président, je trouve que ce n'est pas assez clair. Est-ce que ce sont des changements modifiant la composition des commissions?

M. Lefebvre: Effectivement, la composition. Il y a un exemplaire pour le leader adjoint de l'Opposition.

Le Président: Si on veut en remettre copie au leader adjoint.

M. Gendron: II n'y a pas de problème, M. le Président.

Le Président: II y a consentement? M. Gendron: Oui.

Le Président: C'est une motion qui doit être adoptée. Il y a consentement pour les déposer, mais la motion doit être adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce que cette motion est adoptée?

M. Gendron: Oui.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, à la salle Louis-Joseph-Papineau, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la commission de la culture poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 61, Loi modifiant la Loi sur la Société de radiotélévision du Québec.

À la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 80, Loi modifiant la Loi concernant l'impôt sur le tabac afin de contrer le détournement de la taxe par des intermédiaires; projet de loi 81, Loi modifiant la Loi concernant la taxe sur les carburants afin de contrer le détournement de la taxe par des intermédiaires; projet de loi 79, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu afin de contrer le détournement, par des intermédiaires, de taxes perçues ou d'impôts déduits à la source.

À la salle du Conseil législatif, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, dès le moment de l'adoption du principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux, jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée du projet de loi 71, Loi modifiant la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles.

Je donne également avis que, le mardi 10 juin 1986, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'aménagement et des équipements entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: le projet de loi 218, Loi concernant certaines transactions entre la Compagnie de Jésus et la Corporation du Collège Jean-de-Brébeuf; le projet de loi 202, Loi concernant la ville de Deux-Montagnes, et le projet de loi 252, Loi concernant la ville de Saint-Césaire.

Je fais motion pour que le ministre de la Justice soit membre de la commission de l'aménagement et des équipements pour la durée de l'étude du projet de loi 218.

Le Président: Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Motion adoptée.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Le 22 mai dernier, le député de Gouin a donné avis de son intention de soulever un débat de fin de séance afin de poursuivre l'étude de la question des coupures aux programmes de soins dentaires. De consentement, il avait été entendu que ce débat de fin de soirée serait reporté à une séance ultérieure. Toutefois, comme nous sommes présentement au mois de juin, il

nous faut un nouveau consentement pour que ce débat puisse être tenu aujourd'hui même, à 18 heures. Est-ce qu'il y a consentement à cet effet des deux côtés de cette Chambre?

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Le Président: Cela va? Consentement.

M. Gratton: Oui, d'accord, M. le Président.

Le Président: II y aura débat de fin de séance ce soir, à 18 heures. Y a-t-il d'autres renseignements concernant les travaux de l'Assemblée?

M. le leader de l'Opposition, avez-vous d'autres renseignements à demander sur les travaux de l'Assemblée? Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 1, s'il vous plaît.

Prise en considération du rapport de la commission qui a procédé à

une consultation générale sur

le projet de règlement concernant

l'accès à l'égalité

Le Président: Article 1, prise en considération du rapport de la commission des institutions qui a procédé à une consultation générale sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité. Mme la députée de Maisonneuve, en reprise du débat sur le rapport de cette commission.

Mme Harel: Je dois comprendre, M. le Président, que nous avons à notre disposition une période de temps impartie aux deux formations politiques de l'ordre de...

Le Président: Si vous me le permettez, Mme la députée de Maisonneuve, il s'agit d'un débat restreint d'une durée totale de deux heures. Immédiatement lorsque le débat sera enclenché, je veux rencontrer les deux leaders ici, à l'arrière.

M. Chevrette: Une heure, une heure.

Le Président: Une heure, une heure. On me dit qu'il y a eu entente de part et d'autre de cette Chambre pour que ce soit une heure de chaque côté de cette Chambre, pour un total de deux heures.

Mme Harel: Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Maisonneuve, vous avez la parole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: II s'agit donc de la discussion, du débat sur l'adoption d'un rapport de commission parlementaire qui a siégé les 8, 9, 10 et 11 octobre 1985 afin de procéder à une consultation générale sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité. Ces programmes d'accès à l'égalité, nous avons peut-être intérêt à les expliquer. Il y a certainement beaucoup d'intérêt parmi la population de savoir quels sont ces programmes d'accès à l'égalité et pour qui de tels programmes d'accès à l'égalité, pour compenser quelles inégalités. Puisqu'on cherche à mettre en oeuvre des programmes d'égalité, de quelles inégalités et de quelles discriminations doit-on parler pour justifier ainsi le dépôt de programmes semblables?

D'abord, Mme la Présidente, il faut savoir que déjà de très nombreux groupes avaient réclamé, le plus rapidement possible, le dépôt de ce procès-verbal, de même que l'adoption, par l'actuel gouvernement, de cette réglementation concernant les programmes d'accès à l'égalité. Je pense à une coalition qui regroupait près de 170 organismes à travers le Québec, une coalition qui faisait part, au début de mai dernier, de son empressement à souhaiter l'adoption par l'Assemblée nationale le plus rapidement possible de ce rapport de commission de manière à permettre la mise en oeuvre de ce règlement.

Parmi ces groupes, j'en nommerai quelques-uns qui ont été vraiment à l'origine de l'adoption d'un tel règlement. Pour ces groupes, ce règlement d'accès à l'égalité est un élément essentiel pour permettre, entre autres, aux femmes, aux membres de communautés culturelles et aux personnes qui souffrent d'un handicap d'accéder réellement à l'égalité en emploi dans les secteurs public, parapublic et privé. Je reviendrai sur le fait qu'il est certainement, pour bon nombre de ces groupes, assez inquiétant de voir que, dans le secteur privé, l'actuel gouvernement ne semble pas se conformer aux engagements électoraux qui avaient été annoncés durant la campagne électorale. (11 h 20)

C'est donc une coalition autour de l'Action travail des femmes qui comprenait un ensemble de groupes d'intervention qui souhaitaient l'accélération de l'adoption de ce règlement. Un tel règlement n'est pas nouveau dans les sociétés industrielles. Il faut évidemment savoir que c'est un débat qui est maintenant quasi résolu chez nos voisins du Sud, chez les Américains. Plusieurs intervenants, lors des travaux de la commission parlementaire d'octobre dernier, faisaient justement valoir que dans les relations du travail maintenant, aux États-Unis, l'ensemble des entreprises étaient tenues à une sorte d'obligation contractuelle qui était même assortie d'objectifs

numériques, une sorte d'obligation contractuelle lorsqu'une entreprise voulait transiger avec un gouvernement, fédéral, municipal ou d'un État. On faisait valoir que les chefs d'entreprise eux-mêmes manifestaient une relative satisfaction à l'égard de la mise en place de ce règlement. C'est étonnant parce qu'il faut, évidemment, se rappeler que nos voisins du Sud, nos voisins américains ont précédé de près de dix ans, dans leur opinion publique, ce débat sur l'application de telles mesures.

Il y a eu des attaques persistantes, même devant les tribunaux américains, dès le départ contre ces programmes d'action positive. Il faut savoir qu'ils se sont imposés peu à peu, au cours des dix dernières années.

Au niveau fédéral maintenant aux États-Unis ils sont si nombreux qu'il serait même difficile par une recherche minutieuse d'en faire le compte exact. On estime cependant que le Congrès a voté de 60 à 80 programmes d'égalité en emploi. Il faut ajouter à ces programmes votés au niveau fédéral les très nombreux programmes adoptés dans les États, les villes ou les comtés.

Malgré l'opposition de départ - parce que les employeurs américains manifestaient une opposition de départ équivalente à celle que l'on retrouve souvent dans les milieux d'affaires québécois présentement - les employeurs se déclarent maintenant très contents du programme d'accès à l'égalité institué notamment en vertu de l'obligation contractuelle. J'y reviendrai, sur cette obligation contractuelle qu'il nous faut souhaiter implanter maintenant ici au Québec parce que, entre autres avantages, disent les employeurs américains, le moral des employés est meilleur et la productivité s'en est trouvée accrue.

C'est intéressant de voir que la revue Fortune, une publication très connue dans les milieux économiques et qui jouit d'une grande notorité, disait l'automne dernier, lors d'un reportage sur l'ensemble de ces programmes mis en vigueur: "L'obligation contractuelle assortie d'objectifs numériques fait maintenant partie des habitudes d'administration de la grande entreprise américaine. Les programmes d'accès à l'égalité atténuent les conflits, améliorent le rendement et sont rentables. Les employeurs interrogés entendent donc maintenir les programmes d'accès à l'égalité, même advenant un assouplissement de l'administration Reagan dans le domaine." Même dans la perspective où l'administration fédérale diluerait la vigueur qui avait été donnée auparavant à ces programmes d'accès à l'égalité, les employeurs disaient être soucieux de les maintenir, compte tenu des effets positifs qu'ils avaient engendrés.

Évidemment, la première question qu'il faut se poser est: Pourquoi des programmes d'accès à l'égalité? C'est certain, Mme la Présidente, qu'ils ne peuvent être envisagés que pour compenser une participation jugée inégale jusqu'à maintenant aux avantages de notre société. Que l'on pense aux femmes sur le marché de l'emploi ou aux membres de communautés culturelles ou encore à des personnes qui souffrent d'un handicap, il faut reconnaître - et je crois que maintenant l'opinion le reconnaît - que collectivement, en matière d'emploi, ces personnes ne détiennent pas la place qu'elles devraient avoir et que, pour remédier à cette réalité d'inégalité et de sous-représentation... Quelques chiffres éloquents le démontrent amplement. Pensons simplement aux écarts de revenu; quelles que soient les professions exercées par les femmes, l'écart de revenu moyen d'emploi entre les hommes et les femmes se situait toujours à 57 % en 1981. Ce sont là les chiffres du dernier recensement. Évidemment, avec le recensement qui est fait maintenant en 1986, nous aurons des chiffres encore plus à jour, mais, malgré la scolarisation accrue, malgré l'accès au marché de l'emploi, l'écart de revenu moyen entre les hommes et les femmes était toujours de 57 %. C'est donc dire qu'il y a là une situation évidente de discrimination, de sous-représentation, une situation parfois même d'absence chronique. Pensons à certains secteurs d'emploi où les femmes sont nettement sous-représentées, pour comprendre la nécessité de tels programmes et partager les objectifs qui sont visés par de tels programmes qui consistent à offrir les conditions pour que ces groupes soient membres à part entière de la société, compte tenu qu'il y a un rattrapage à faire qui n'est évidemment pas possible du jour au lendemain, puisque ce sont là souvent des conséquences de siècles et certainement de décennies d'inégalité.

L'objectif des programmes d'action positive, c'est donc de faire en sorte que la répartition des individus reflète plus correctement la diversité de la population. On doit reconnaître qu'en améliorant ainsi la situation, qu'en améliorant les conditions, qu'en améliorant les résultats nets des groupes qui sont sous-représentés il va de soi que les groupes surreprésentés se trouvent à bénéficier de moins d'avantages et qu'en compensation ces programmes d'action viennent certainement, pour un certain temps du moins, mettre les groupes mieux représentés dans la société en situation d'attente quant à la croissance des avantages qu'ils doivent en tirer.

C'est donc dire, Mme la Présidente, que non seulement aux États-Unis, mais dans la majorité des pays industrialisés... Une étude récente a été faite par la Commission des communautés économiques européennes qui s'intitulait "Pour l'égalité des chances", programme d'action, et qui faisait voir que

l'ensemble des pays de l'Ouest, que l'ensemble des pays qui se regroupent au sein de la communauté européenne, donc l'ensemble de ceux qui partagent actuellement des valeurs communes, se sont également donné des programmes d'action pour promouvoir l'égalité des chances, notamment pour les femmes. Ces programmes d'action d'égalité des chances prévoient également des programmes d'action positive et permettent de nous rendre compte qu'un peu partout la conscience des sociétés est interpellée par la sous-représentation chronique de certains groupes qui la composent. Les programmes d'action positive ont été élaborés dans le cadre de la Commission des communautés économiques européennes de manière à pouvoir s'implanter dans l'ensemble des pays qui composent la communauté.

C'est donc dire que nous avons certainement ce matin à disposer d'une question importante, d'une question qui est jugée importante. Je vous rappelais tantôt l'organisation d'une coalition autour d'Action travail des femmes, une coalition qui regroupait plus de 170 organismes et qui réclamait cette réglementation le plus rapidement possible. On se rappelle que l'actuel ministre de la Justice, qui siégeait à l'époque pour l'Opposition au moment de la tenue de la consultation, en octobre dernier, s'engageait à mettre en oeuvre cette réglementation pour l'application de programmes d'accès à l'égalité. Non seulement, disait-il, il allait le faire le plus rapidement possible, il s'engageait à le faire dès les premières semaines ou presque de l'entrée au pouvoir de son gouvernement. (11 h 30)

Mais, de plus, l'actuel ministre de la Justice se rappellera qu'après avoir longuement interrogé les différents groupes qui se sont présentés devant la commission pour faire valoir leur point de vue il concluait, à l'intention des groupes représentant les gens d'affaires et les entreprises, qu'il était temps de revoir le règlement et que tout le monde était d'accord pour le retoucher de manière à examiner le modèle qui était fourni aux États-Unis. Le ministre faisait valoir qu'il était sans doute temps d'examiner ce modèle puisque les compagnies qui sont ici, disait-il, font cela à leur siège social aux États-Unis. Elles sont tenues d'adopter de tels programmes qui sont même assortis d'objectifs numériques aux États-Unis et donc tenues à transiger, si elles tiennent à le faire avec l'État, dans le cadre d'une obligation contractuelle. Le ministre disait: Les compagnies qui sont ici, dont la société mère le fait aux États-Unis et qui veulent vendre au gouvernement américain par le biais de filiales, soit dans l'État de Vermont, soit dans l'État de New York, doivent s'y soumettre et pourtant ces compagnies sont profitables. Le ministre se disait que les compagnies pouvaient certainement accepter d'avoir les mêmes programmes ici qu'aux États-Unis.

C'était là une indication claire, je crois, de l'orientation qui était développée afin d'assortir ce programme d'accès à l'égalité de conditions déjà en place, je le rappelle, dans la juridiction fédérale à Ottawa et annoncée par la ministre Flora MacDonald, de conditions qui amènent les entreprises qui veulent transiger avec le gouvernement à mettre en vigueur, à réaliser de tels programmes d'accès à l'égalité.

C'était d'ailleurs là, Mme la Présidente, une des recommandations fermes de la Conférence nationale sur la sécurité économique des Québécoises qui avait lieu en mai dernier, une recommandation retenue comme prioritaire par l'ensemble des intervenants qui se sont rencontrés dans le cadre de la première partie de cette Conférence nationale sur la sécurité économique des Québécoises.

On se rappellera que la recommandation était de créer un comité consultatif sur les programmes d'accès à l'égalité, lequel comité consultatif est d'ailleurs recommandé dans le rapport de la commission que nous étudions présentement, et d'établir une obligation contractuelle pour les entreprises faisant affaires avec le gouvernement. À ma connaissance, c'est là une des recommandations que l'on retrouve dans ce rapport que nous avons adopté ce matin. De même la création d'un fonds d'aide pour permettre aux personnes qui veulent se prévaloir des dispositions d'exiger, dans leur milieu de travail, dans leur entreprise, la réalisation d'un tel programme, donc d'un fonds d'aide pour leur permettre de faire valoir leurs droits. De même un soutien financier et technique aux secteurs public et parapublic. On sait que dès l'automne dernier s'est élaboré un plan de programme d'action à l'intention principalement des ministères à effectif féminin élevé. On sait que ce plan a été rendu public dernièrement. De même un soutien financier - c'était là une autre des recommandations de cette conférence nationale tenue en mai dernier - et technique aux entreprises établissant un programme volontaire d'accès à l'égalité.

Je vous rappelle, Mme la Présidente, que dans le plan d'action qui a été rendu public par la ministre déléguée à la Condition féminine il est prévu un soutien financier de l'ordre de quelques millions de dollars - je pourrais le vérifier - qui va permettre, semb!e-t-il, à un total de 25 entreprises de bénéficier d'une subvention pour mettre en vigueur un tel programme d'accès à l'intention de leurs employées.

C'est là, évidemment, une mesure incitative qui est intéressante. Elle aura certainement le mérite d'amener certains

employeurs, pour bénéficier de cette subvention les premiers, à prendre les devants dans l'application d'un tel programme. Mais malgré le fait que ce soit intéressant, une telle subvention, c'est insuffisant du fait d'abord qu'elle ne s'adresse qu'à 25 entreprises au plus et que ce sont des milliers d'entreprises qui devraient mettre en place de tels programmes. C'est donc avec insistance que nous la souhaitons, de ce côté-ci et c'est avec insistance que les groupes qui, dans notre société, sont sensibilisés à cette question des programmes d'accès à l'égalité, donc tous ces intervenants réclament la mise en place d'une obligation contractuelle pour les entreprises qui veulent transiger avec l'État. Et on sait que ces entreprises sont très nombreuses, compte tenu de l'apport économique de l'État dans notre société.

C'est très important que les entreprises qui veulent transiger avec l'État, au niveau québécois, soient tenues, comme c'est le cas dans la juridiction fédérale, de faire valoir la mise en place de tels programmes pour obtenir des contrats. D'ailleurs, je vous rappelle que c'est là un engagement ferme, un engagement électoral de l'actuel gouvernement qui, l'automne dernier, lors de la présentation de ses engagements en matière de condition féminine, faisait valoir qu'il entendait rendre obligatoires et établir de tels programmes d'accès à l'égalité pour les entreprises privées qui souhaitaient transiger avec l'État. C'est, évidemment, avec une certaine impatience que nous attendons l'annonce de cette obligation contractuelle. J'ai eu l'occasion d'en parler avec Mme la ministre déléguée à la Condition féminine lors d'une interpellation pour souhaiter que le comité qui avait été mis sur pied l'automne dernier et qui avait pour mandat d'établir les modalités de fonctionnement d'un tel lien contractuel rende public son rapport le plus rapidement possible.

On se rappelle que ce comité, qui est, je crois, composé de représentants de différents ministères, doit normalement rendre public son rapport en juin. Il nous apparaît absolument inacceptable qu'il y ait l'adoption d'une réglementation en matière d'accès à l'égalité qui ne soit pas assortie d'un lien contractuel et qui ne soit pas, finalement, conforme à l'engagement que prenait le Parti libéral lors de la dernière campagne électorale. Il faut voir que cette Assemblée ne dispose pas des questions plusieurs fois dans une même session et que le temps est propice puisque, dans les jours qui viennent, comme cela, d'ailleurs, est prévu dans les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, nous allons, à la suite de l'adoption du rapport de ce procès-verbal de la commission parlementaire, voir publier à la Gazette officielle le projet de règlement qui doit, comme on le sait, suivre de quelques jours l'adoption du procès-verbal dans cette Assemblée. Il nous apparaît essentiel que ce règlement comprenne cette obligation contractuelle et soit assorti des modalités de fonctionnement de cette obligation contractuelle. (11 h 40)

Je vous rappelle, d'ailleurs, à ce sujet, que l'obligation contractuelle mise en oeuvre au niveau fédéral s'adresse à toute entreprise de plus de 100 employés qui transige avec le gouvernement pour un contrat de plus de 200 000 $. Évidemment, cela ne comprend pas un très grand nombre d'entreprises. C'est extrêmement modeste d'obliger un tel type d'entreprises à réaliser des programmes d'accès à l'égalité puisqu'il y a peu d'entreprises qui répondent à ces normes de 100 employés et plus et de contrats de plus de 200 000 $. On n'a qu'à vérifier les crédits lors de l'étude des engagements financiers du gouvernement dans les différentes commissions parlementaires pour se rendre compte que c'est peu de contrats qui sont de plus de 200 000 $. La très grande majorité des crédits que nous examinons est pour des transactions de 200 000 $ et moins. C'est donc dire qu'il faut certainement s'interroger sur les modalités de fonctionnement d'une telle obligation contractuelle et certainement il faut s'interroger sur la possibilité d'étendre à des transactions de moins de 200 000 $ l'obligation pour une entreprise qui veut transiger avec l'État de faire connaître la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité.

Par exemple, le Devoir titrait en 1985 lorsque le projet fédéral était rendu public par la ministre de l'Emploi et de l'Immigration: "Peu de compagnies seront touchées par les programmes d'accès à l'égalité" c'était justement parce que les entreprises qui obtiennent des contrats gouvernementaux de 200 000 $ et plus sont un tout petit nombre. C'est donc dire que, si le gouvernement entend réellement donner suite à son engagement électoral, engagement - je le répète - d'établir pour les entreprises privées qui transigent avec le gouvernement les mêmes exigences en termes de programmes obligatoires d'accès à l'égalité que dans les secteurs public et parapublic, s'il veut réellement rendre vigoureuses ces conditions de mise en place de programmes d'accès à l'égalité, il doit envisager de le faire pour des entreprises qui transigent pour des sommes de moins de 200 000 $. D'une certaine façon, nous n'en attendons pas moins de l'actuel gouvernement compte tenu de l'ensemble des déclarations qui ont été faites lors des audiences d'octobre dernier, où à la fois, la députée de Jonquière à l'époque, critique du gouvernement en matière de condition féminine et le

député d'alors, devenu l'actuel ministre de la Justice, faisaient valoir la nécessité de l'implantation d'un programme énergique, vigoureux et assorti de conditions qui en permettraient réellement l'application et qui permettraient réellement à un bon nombre d'employées dans notre société d'en bénéficier.

Je laisserai à mes collègues qui veulent également intervenir sur cette question - qui sont extrêmement satisfaits de voir qu'enfin nous procédons à l'adoption du rapport de la commission et qui, d'ailleurs, s'inquiétaient du retard qu'apportait le gouvernement à le déposer devant cette Chambre - la chance d'intervenir plus rapidement.

Je veux simplement signaler ce qui peut sans doute nous apparaître comme une démarche positive et un signe des temps, puisque les entreprises membres du Conseil du patronat faisaient connaître à la fin de mai dernier la tenue d'une session d'information patronale, le 13 juin prochain, qui portera sur les programmes d'accès à l'égalité. C'est quand même intéressant et je crois que c'est un signe des temps de voir qu'au lieu d'adopter une attitude contre ces programmes d'accès à l'égalité et qu'au lieu d'adopter une attitude qui en retarderait l'application, le Conseil du patronat invitait ses membres à cette session d'information patronale pour apporter, et je les cite, "une contribution concrète à la réalisation de tels programmes". Souhaitons, Mme la Présidente, que cela indique un pas dans la bonne direction parce qu'il en va de l'intérêt - je le rappelle - de groupes qui, dans notre société, ont jusqu'à maintenant été mis certainement à l'écart de bien des avantages dont d'autres ont pu bénéficier.

Je souhaite donc que le plus rapidement possible nous soient connues la nature de ce règlement que le gouvernement entend publier à la Gazette officielle, de même que les conditions qui y seront assorties pour mettre en place une obligation contractuelle, de façon que ce ne soient pas que les travailleurs et les travailleuses des secteurs public et parapublic qui en bénéficient, mais que l'ensemble des employés du secteur privé, qui, très souvent, sont mis à l'écart des avantages que les employés du secteur public obtiennent, puissent également bénéficier de la réalisation de tels programmes. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Maisonneuve. M. le député de Beauharnois.

M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci, Mme la Présidente. J'interviens aujourd'hui afin de livrer quelques commentaires à la suite du dépôt du rapport, le 24 avril dernier, de la commission des institutions sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité.

J'aimerais souligner au départ qu'à titre de nouveau député depuis le 2 décembre 1985, donc, de nouveau membre de la commission des institutions et de vice-président de cette commission parlementaire, je n'ai pu, malheureusement, assister et être présent à la présentation des différents mémoires et discussions qui ont suivi, puisque ces audiences ont eu lieu avant mon entrée dans cette Chambre.

Mais il faut dire que le premier mandat dont la commission des institutions a hérité a été, justement, ce dossier, c'est-à-dire l'étude du projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité. Il nous était impossible, naturellement, de reprendre tout le travail, puisqu'il aurait fallu reprendre toutes les audiences. Vous savez qu'en octobre 1985 il y a eu des audiences. Près de 27 ou 29 mémoires ont été déposés par différents organismes, que ce soit le Conseil du patronat du Québec, le Centre Émersion Manicouagan Inc., l'Association des manufacturiers canadiens, le Collectif des femmes immigrantes de Montréal, la Commission des droits de la personne, etc. Donc, il y en a eu plusieurs. Des débats s'ensuivirent et le rapport a été déposé.

Soit dit en passant, M. le Président, il serait important de remercier tous les organismes qui ont participé de près ou de loin à ces audiences, qui ont déposé des mémoires et qui ont eu l'énergie nécessaire pour les débattre en commission parlementaire.

Donc, il a fallu, pour nous, en tant que nouveaux membres de cette commission parlementaire, refaire l'étude de ces mémoires. Il nous était impossible, comme je le disais tantôt, de reprendre le travail depuis le début, parce qu'il aurait fallu refaire des audiences publiques. Nous avons demandé au service de recherche de nous fournir une synthèse des différents mémoires qui ont été déposés pendant les audiences, de même qu'une synthèse des débats.

Je profite de l'occasion pour remercier les personnes du service de recherche, parce qu'elles ont déposé un travail d'une qualité extraordinaire. D'ailleurs, il est bon de souligner que ce projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité est soumis au processus de discussions et de consultations depuis déjà 1982. La Commission des droits de la personne soumettait déjà, en 1982, avant que soit voté en décembre 1982 la Charte des droits et libertés de la personne, un projet de règlement. C'est en mars 1983 que la consultation débuta réellement sur un projet de règlement. Il s'ensuivit un accord en juillet 1983, un troisième en avril 1984 et, enfin, un dernier en octobre 1984.

Donc, les discussions et le processus

sont amorcés depuis un bon bout de temps. Il importe que nous puissions, dans un avenir plus ou moins rapproché, nous pencher sur un projet de loi en ce sens. (11 h 50)

La lecture des différents mémoires présentés par les organismes, tels la CSN, la CDP, le CPQ, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration et le Conseil du statut de la femme, me renvoyait à plusieurs images et situations vécues par les citoyens et citoyennes du comté de Beauharnois que je représente. Il semble exister un consensus sur la nécessité de l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité. D'ailleurs, dois-je le souligner, les députés de cette Chambre, sans distinction -il est important de ne pas faire de discrimination - s'entendent sur le fond de ce programme. Je crois que, par définition, un programme d'accès à l'égalité indique que l'inégalité existe et personne n'est contre l'équité. Nous avons tous à un moment ou à un autre été sensibilisés ou, à tout le moins, cela a été porté à notre attention qu'un ou des groupes se retrouvaient moins présents et moins représentés à plusieurs endroits; que les femmes ne comptaient que pour 10 % des effectifs des postes supérieurs sans parler, évidemment, des groupes ethniques. Il ressort des interventions et mémoires présentés à la commission que nous ne retrouvons pas dans le projet de règlement la référence aux communautés culturelles et aux peuples autochtones. C'est un oubli important qui a été noté et qui fait partie du rapport de la commission.

Il est bon de rappeler que les communautés culturelles représentent aujourd'hui près de 20 % de la population et sont regroupées dans quelque 30 groupes ethniques. Il semble, toutefois, que la définition donnée aux mots "communautés culturelles" varie d'un individu à l'autre, d'un organisme à un autre. À titre d'exemple, ceux nés au Québec ou au Canada ou ayant la citoyenneté entrent-ils dans cette définition? Cela ne devrait pas nous empêcher d'avoir une vision large. L'approche principale vis-à-vis des communautés en regard de l'accessibilité à l'emploi se recoupe actuellement dans la perception qu'ont celles-ci. À plus court terme, nous devrions pouvoir les rejoindre dans leurs médias précis.

Cela m'amène à traiter de tout le débat qui entoure l'application proprement dite de ce programme et qu'on appelle l'obligation contractuelle. L'obligation contractuelle est une disposition par laquelle les entreprises qui obtiennent un contrat du gouvernement sont obligées de mettre sur pied des programmes d'accès à l'égalité ayant comme critères, soit l'obligation ferme ou volontaire de mettre sur pied un tel programme, soit la fixation d'une clientèle cible avec quotas ou non. Les entreprises qui seraient soumises à cette obligation seraient celles comportant au moins 100 employés et dont les contrats octroyés seraient supérieurs à 200 000 $. Déjà, plusieurs points de discorde sont apparus à ce chapitre. Certaines personnes ne veulent pas et définissent comme coercitif qu'on les oblige à adopter ce programme d'accès à l'égalité. Elles y voient une discrimination envers ceux qui ne seraient pas touchés par le programme. À l'opposé, d'autres veulent rendre obligatoire le règlement, arguant que c'est la seule façon tangible de progresser rapidement à ce titre.

Les arguments sont fort valables d'un côté comme de l'autre. Cependant, j'aimerais rapporter, comme il a été fait mention dans les mémoires, l'expérience américaine sur ce qu'on a appelé la discrimination positive avec le quatorzième amendement. Des décisions ont fait ressortir le fait qu'on devrait regarder en fonction de l'individu et non d'un groupe cible et ainsi ne pas pénaliser des personnes innocentes ce qui équivaudrait à réduire substantiellement l'objectif que nous voudrions atteindre avec un programme d'accès - et j'ai d'énormes interrogations sur la partie de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés - est la possibilité de subir le test avec succès. Quelles entreprises seront soumises à ce règlement d'accès à l'égalité? Des entreprises comptant 100 employés, ayant des contrats de 200 000 $ et plus. Combien de compagnies cela représente-t-il? S'agit-il de 100, 200, 300 compagnies? Doit-on abaisser ces critères et appliquer le programme aux PME qui sont de plus en plus, comme nous le savons, les grands employeurs au Québec? Tout d'abord, fait à remarquer, les PME réclament depuis longtemps moins de règlements. C'est une question importante qui ne manque pas d'intérêt. Comme je le souligne depuis de nombreuses années - et je rejoins plusieurs intervenants là-dessus - la loi aide, c'est certain, mais elle ne règle pas tout. La sensibilisation, elle, demeure le plus précieux des acquis.

Nous sommes tous pour l'égalité. L'application et les solutions sont plus diverses. Une première étape, l'assujettissement des entreprises de plus de 100 employés ayant des contrats de 200 000 $, rejoindrait, si ma mémoire est fidèle, celles définies par le fédéral, en cette matière, par la loi 62. Tout en ayant à l'esprit que beaucoup de personnes susceptibles d'être rejointes par un programme d'accès à l'égalité se retrouvent dans des emplois tels les vêtements, la chaussure, la restauration, etc., et qu'elles sont, dans la très grande majorité, non syndiquées, il faudra vérifier l'effet d'entraînement concret de ce programme éventuel pour cette couche de la population.

Comme toute implantation de programme ou projet le commande, qui surveillera, qui donnera les informations pertinentes, qui fera respecter le règlement et qui définira les outils de travail? Ce comité dit consultatif pourrait être sous la gouverne de la CDP comme plusieurs l'ont proposé. C'est une possibilité à envisager. Pour ma part, je pense aussi que le ministère de la Condition féminine pourra faire ce boulot. De toute façon, ce qui est le plus important, c'est le cadre, peu importe le ministère ou l'organisme consultatif. Il s'agira aussi de bien définir et mandat et mécanismes.

Il y a beaucoup à dire sur l'égalité en 1986: 20 % des communautés ethniques et 52 % de l'électorat sont féminins. Mais, comme je le soulignais tantôt et afin de rendre irréversible une situation, il est certain qu'on a quelquefois besoin d'une loi. Mais la sensibilisation demeurera l'arme permettant de prendre le mal d'où il vient; c'est pourquoi nous devons aussi commencer le processus dans le domaine de l'éducation.

Je voudrais terminer en disant que dans le comté de Beauharnois on peut retrouver, dans des secteurs, entre 30 % et 40 % de familles monoparentales dont la gouverne est sous la responsabilité de la femme. Leur situation n'est pas toujours rose et il est important qu'avec le temps on ne perpétue pas ce qui existe actuellement. Nous savons aussi que le ministre de la Justice a l'intention de déposer ce projet au Conseil des ministres dans les semaines qui suivent, et, nous espérons, avant la fin de juin. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Beauharnois. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner le débat. Je fais également motion...

Mme Vermette: Mme la Présidente...

M. Lefebvre: Je m'excuse, est-ce que madame...

Mme Vermette: Oui, je devais intervenir sur le projet de loi.

M. Lefebvre: Je ferai subséquemment motion pour ajourner les débats, après que l'on aura entendu madame, étant donné que le député de Marquette veut également intervenir et qu'il est absent aujourd'hui.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Mme la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole en ce qui concerne le programme d'accès à l'égalité des chances. C'est dans la Charte québécoise des droits et libertés que l'on prévoit, aux articles 86 et suivants, une mécanique légale permettant la mise sur pied et l'imposition du programme d'accès à l'égalité. Ces amendements, qui couvrent le secteur privé, ont été incorporés à la charte en 1982 à la suite d'une vaste consultation populaire sous forme de commission parlementaire. Il s'agit d'une mécanique originale inscrite dans le coeur même de la charte et qui est sans égal au Canada et même en Amérique.

C'est sous le gouvernement du Parti québécois que s'est poursuivi le processus d'adoption du règlement mentionné à l'article 86.9 de la charte. Un projet de règlement a été prépublié à la Gazette officielle et la commission parlementaire prévue a été tenue par le ministre de la Justice, Raynald Fréchette, à l'automne 1985. En parallèle à cette démarche, lors du sommet Décisions 85, sur les femmes, au printemps 1985, le gouvernement avait proclamé certaines parties de l'article 86, surtout 86.1, afin que des programmes d'accès à l'égalité puissent être mis sur pied dans les secteurs public et parapublic sans attendre l'entrée en vigueur de la réglementation. (12 heures)

Nous en sommes donc rendus à l'étape finale. Depuis le 24 mai 1986, le gouvernement peut adopter le projet de règlement n'importe quand.

Quelques interrogations nous viennent à l'esprit. Quand le projet final sera-t-il soumis au Conseil des ministres? Y aura-t-il un recul par rapport au projet soumis en commission parlementaire et qui constitue un minimum vital? Nos inquiétudes sont grandes. Le ministre de la Justice, du temps qu'il était dans l'Opposition, était peu favorable à un mécanisme obligatoire concernant le secteur privé ou à un contrôle quelconque de la Commission des droits de la personne sur les entreprises qui pratiquent la discrimination. D'un autre côté, la ministre, Mme Gagnon-Tremblay, la semaine dernière, a été extrêmement floue au niveau des échéanciers par rapport à ces règlements et a parlé de volontariat par rapport au secteur privé.

Toute la question de l'obligation contractuelle, "contract appliance", des fournisseurs du gouvernement qui forme un des volets importants d'une politique d'accès à l'égalité est toujours en suspens à la suite de l'énoncé de politique de la ministre déléguée à la Condition féminine. L'engagement du gouvernement précédent, firme de 100 employés et contrats de 200 000 $, semble être de plus en plus loin d'être réalisé. On parle toujours de comités

interministériels et d'éventuelles recommandations au Conseil des ministres, mais sans plus. Le gouvernement actuel s'apprête, d'ailleurs, à modifier substantiellement la charte québécoise des droits, sans commission parlementaire, par le biais du projet de loi 87 qui fusionne le Comité de protection de la jeunesse et la Commission des droits de la personne.

Au-delà des considérations qui viennent d'être énoncées, je pense qu'il est important pour plus d'un, notamment les femmes, les communautés culturelles et les handicapés, de participer à un programme d'accès à l'égalité. Il est important de reconnaître la valeur de ces êtres à l'intérieur de notre collectivité. Il est légitime pour tous et chacun d'entre nous, dans notre société, de vouloir participer au développement, à tous les développements possibles dans une collectivité.

Je pense que les femmes ont fait énormément pour permettre la promotion et le développement économique, social et culturel que nous connaissons au Québec. Qui plus est, il faut leur donner une chance d'accès à l'égalité, reconnaître leurs capacités et l'apport auquel elles ont largement contribué depuis les débuts de la colonie. À ces femmes, il faut s'en souvenir, on a toujours demandé un rôle à tenir. Au tout début de la colonie, on leur a demandé de donner leurs hommes, et elles l'ont fait. On leur a demandé de donner leurs fils, et elles l'ont fait. On leur a demandé d'éduquer leurs filles, et elles l'ont fait. Aujourd'hui, ces mêmes femmes qui ont toujours répondu à l'appel qu'on leur a formulé se posent des questions et veulent reprendre la place qu'on leur a demandé d'occuper mais sans jamais tenir compte de leur dévouement et de la place qu'elles devraient occuper en toute plénitude.

Il faut reconnaître aussi que dans notre société, à l'heure actuelle, plus d'une femme occupe des responsabilités importantes. Nous n'avons qu'à penser à ces femmes qui ont charge de famille, à ces femmes qui doivent prendre des responsabilités d'éducation et prendre des responsabilités pour faire en sorte que leurs enfants soient des citoyens à part entière dans notre société. En favorisant un programme d'accès à l'égalité, c'est à ces femmes aussi que je pense et ces femmes ont le droit d'avoir l'égalité en ce qui concerne une reconnaissance salariale et une possibilité d'emploi. Ces femmes veulent et ont toujours voulu démontrer de la bonne volonté et participé à l'intérieur du développement économique de notre société.

Je pense aussi à un autre groupe cible qu'on appelle les personnes handicapées. Ces personnes ont aussi le droit dans notre société d'occuper une place aussi revalorisante que la population active par leur force de travail. Ces handicapés qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent avec autant d'aisance apporter la contribution que, souvent, ils souhaiteraient n'en sont pas moins capables de rendre précisément leur tribut au monde du travail et de faire en sorte que l'ensemble de la société puisse bénéficier de leur apport à l'intérieur de leur force de travail aussi.

Nous ne pouvons que nous réjouir de favoriser cet accès à l'égalité dans le monde du travail par cette réglementation. Ce qui est important, c'est de considérer que cette réglementation n'est qu'un début et ne répond que partiellement à un besoin. En ce qui concerne les femmes, ce n'est pas un privilège, mais c'est réellement une reconnaissance qui leur est due. En ce qui concerne les handicapés, ce n'est pas non plus un privilège, mais c'est reconnaître que ces gens sont bien intégrés dans notre société et que, quelque puisse être leur handicap, ils constituent un apport important au développement et au rayonnement de l'ensemble de notre collectivité.

Personne n'aime se sentir marginalisé. Je pense que c'est important pour ces gens de participer au développement et au rayonnement économique, culturel et social du coin de terre que l'on occupe. C'est important de sensibiliser les entreprises au rôle social qu'elles doivent jouer dans notre société, d'où l'importance de l'intervention de l'État dans certains dossiers, notamment celui de l'accès à l'égalité. L'État doit jouer un rôle d'agent de changement dans les mentalités parce que ce n'est pas toujours facile pour certaines entreprises et certains industriels de concilier le droit des uns avec leur objectif fondamental qui est celui du profit. N'eût été de l'intervention gouvernementale dans certains dossiers, je me demande encore si tous les progrès que nous connaissons actuellement seraient aussi éclatants et aussi manifestes que ce que nous pouvons retrouver dans un projet de règlement tel que l'accès à l'égalité.

Trop souvent, hélas, la notion du profit empêche l'amélioration de la qualité de vie de bien des gens. Il faut constater une fois de plus que c'est à force de pressions qu'on peut arriver à des changements de mentalité. Fort heureusement, l'État et les municipalités vont accomplir leur rôle et leur mission. Souhaitons que l'entreprise privée emboîtera le pas, que l'entreprise privée, au-delà des règlements, pourra aller beaucoup plus loin et permettra à une plus grande partie de notre population de participer pleinement à l'enrichissement collectif. Merci, Mme la Présidente. (12 h 10)

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme France Dionne

Mme Dionne: Merci, Mme la Présidente. C'est avec satisfaction que j'ai appris que les recommandations formulées par la commission parlementaire des institutions dans son rapport déboucheront sur l'adoption prochaine du projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité.

En effet, avec cet outil, nous pourrons enfin agir ou, si vous le voulez, réagir efficacement à des dénonciations discriminatoires. D'ici peu, donc, la Commission des droits de la personne disposera du cadre nécessaire pour intervenir, que ce soit à la suite d'une plainte ou, encore, résultant d'une analyse de situation qu'elle aura constatée dans une entreprise ou dans un établissement.

L'adoption du règlement, prévue au mois de juin, viendra compléter l'intervention gouvernementale en matière d'accès à l'égalité. En effet, la ministre déléguée à la Condition féminine annonçait jeudi dernier, à l'occasion du dévoilement du plan d'action gouvernemental en matière de condition féminine pour l'année 1986-1987, un ensemble de mesures relatives à l'accès à l'égalité en emploi pour les femmes.

Par ces mesures, le gouvernement traduit sa volonté d'ajouter une approche volontaire à son volet obligatoire de sorte que le Québec soit un terrain propice à l'implantation de programmes d'accès à l'égalité. Sur ce point, d'ailleurs, il tire profit de l'expérience vécue par d'autres pays comme les États-Unis, la France et plusieurs autres où on a démontré que c'est beaucoup plus une approche volontaire appuyée par des incitatifs d'ordre économique que par des règles coercitives seules que l'on parvenait à appliquer des programmes efficaces d'accès à l'égalité.

Dans les minutes qui suivent, je vous exposerai brièvement la nature de l'approche incitative adoptée par le gouvernement pour assurer à courte échéance la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité pour les femmes en emploi dans le réseau de l'éducation aux niveaux primaire, secondaire, collégial et universitaire, dans celui de la santé et des services sociaux, dans le monde municipal ainsi que dans le secteur privé.

Une injection de à 600 000 $ est prévue au cours des trois prochaines années pour le plan de démarrage de programmes d'accès à l'égalité dans les secteurs parapublic et du monde municipal. Entre autres activités d'ici à 1989, 36 commissions scolaires, 30 collèges, 12 universités, 30 établissements du réseau de la santé et des services sociaux et une vingtaine de municipalités auront mis en place des projets pilotes d'accès à l'égalité. Avec ce bassin d'expériences pilotes et la méthodologie qui sera développée, nous aurons facilité l'implantation de programmes qui seront en harmonie avec la situation et la culture en présence dans les milieux visés.

Du côté du secteur privé, une injection de 1 500 000 $ est prévue au cours des deux prochaines années. Le Québec entend, avec la collaboration des entreprises intéressées, mettre sur pied sur une base volontaire des programmes d'accès à l'égalité, développer des modèles d'intervention adaptés à la culture organisationnelle propre à chacune d'entre elles, compte tenu de sa taille et de son secteur d'activité.

Ainsi, comptons-nous appuyer financièrement et techniquement une trentaine d'entreprises dont certaines ont déjà été identifiées dans le cadre d'un projet de jumelage avec la France. Ce projet, issu d'une entente franco-québécoise en matière de droits de la femme, permettra non seulement aux entreprises impliquées d'implanter des programmes d'accès à l'égalité mais aussi d'échanger avec des partenaires qui ont une plus longue expérience qu'elles en la matière.

Ces programmes d'accès à l'égalité, parce qu'ils concernent à la fois les entreprises, les individus et les syndicats, nécessitent une concertation soutenue à tous les niveaux. C'est dans cette optique qu'un comité consultatif sera formé sous peu. Il regroupera des représentants des secteurs patronal et syndical ainsi que des groupes de femmes provenant des communautés culturelles, autochtones et handicapées ainsi que des organismes gouvernementaux impliqués dans l'accès à l'égalité. Il agira à titre conseil et tentera de raffiner les moyens pour favoriser l'implantation de programmes d'accès à l'égalité. II aura également la responsabilité de diffuser ses résultats auprès des milieux concernés.

Parce que le gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre un ensemble de mesures favorisant l'accès à l'égalité, il se devait d'évaluer l'obligation contractuelle, mesure qui soumet les entreprises désirant contracter avec le gouvernement à certaines règles d'accès à l'égalité en emploi. À ce sujet, le gouvernement sera appelé à prendre position sur le rapport que déposera bientôt le groupe de travail sur l'obligation contractuelle.

Enfin, dans le courant de l'année, nous disposerons du rapport du comité de travail sur le fonds d'aide. J'aimerais vous rappeler que le fonds d'aide a pour objectif de soutenir financièrement les femmes désirant monter et défendre un dossier devant la Commission des droits et libertés de la personne concernant l'implantation de programmes d'accès à l'égalité dans une entreprise donnée. Le gouvernement verra à analyser les recommandations de ce comité dès que possible.

Trop longtemps et pas seulement au Québec, les femmes ont vécu les effets de pratiques discriminatoires sur le marché du travail, dont l'un des résultats est le

confinement de celles-ci dans deux ou trois types d'emploi. Dorénavant, plus présentes dans les différents secteurs de l'économie et plus instruites, les femmes s'affirment davantage comme un facteur dynamique de développement économique dans les sociétés occidentales. Pensons à celles qui percent en créant leur propre entreprise ou en accédant à des emplois non traditionnels. Voilà des cas qui, bien que n'étant pas encore légion, constituent une amorce de changement social important quant à la visibilité de la capacité des femmes et quant à la nécessité de l'exploiter pour le plus grand bénéfice de tous et toutes. Voilà un changement que le gouvernement tient à maintenir et à encourager. À cet effet, il entend s'associer avec les partenaires du milieu.

Les programmes d'accès à l'égalité ne sont pas la panacée de tous les maux des femmes, mais ils ont l'avantage d'être des instruments d'analyse et des moyens efficaces pour corriger les effets de situations discriminatoires subies par les femmes et d'autres groupes cibles.

Les recommandations de la commission parlementaire des institutions et le règlement qui en émergera constituent une part essentielle de la volonté gouvernementale de réaliser l'égalité des hommes et des femmes et de fournir au Québec un outil précieux et détaillé pour mettre en application des programmes d'accès à l'égalité recommandés ou imposés. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Mercier.

M. Godin: Je demande la suspension du débat. Je pourrais revenir après la période du lunch pour faire mon intervention.

Le Vice-Président: Donc, ce serait l'ajournement du débat.

M. Godin: D'accord. Très bien.

Le Vice-Président: Très bien. Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Godin: M. le Président, merci.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Compte tenu de l'heure, je vous demanderais la suspension des travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion de suspension de nos travaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Nos travaux sont donc suspendus jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président: Veuillez prendre place, s'il vous plaîtî Veuillez prendre place, M. le leader du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 1, s'il vous plaît!

Le Vice-Président: Très bien, nous sommes donc aux affaires du jour. Article 1, reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions qui a procédé à une consultation générale sur le projet de règlement concernant les programmes d'accès à l'égalité, rapport qui a été déposé en cette Assemblée le 24 avril 1986.

L'ajournement du débat a été demandé par le député de Mercier sur cette question à l'heure du midi; je reconnais donc à ce stade-ci M. le député de Mercier tout en précisant que sur le temps de répartition convenu dans ce débat restreint, il reste au parti d'Opposition un total de 17 minutes et au parti ministériel 30 minutes.

M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: Nous en sommes maintenant, dans ce domaine, au stade de la récolte des fruits après les promesses des fleurs, les promesses des libéraux pendant la campagne électorale. En fait, pendant le mandat précédent, les libéraux ont passé quatre années à demander au gouvernement d'agir rapidement dans ce domaine de manière que l'égalité en emploi soit garantie aux handicapés, aux femmes et aux communautés culturelles. Des pas importants ont été franchis. Entre autres, la charte des droits a été amendée de manière à permettre une discrimination positive, de manière à permettre que des programmes soient mis en place afin de s'assurer que les membres des communautés culturelles aient des postes, des emplois au sein du gouvernement et de la fonction publique.

À l'époque, l'actuel ministre de la Justice, M. Herbert Marx, accusait le Québec de faire marche arrière et déclarait qu'il s'expliquait mal l'absence de volonté du gouvernement Lévesque à ce sujet et, en particulier, le silence étrange de la ministre de la Condition féminine, Mme Francine

Lalonde. Les mêmes journaux, dont la Presse de Montréal, nous annonçaient en janvier dernier, donc après l'élection, que l'égalité des femmes était retardée. À mon tour de m'étonner, comme le faisait à l'époque le ministre de la Justice, le député de D'Arcy McGee. Je m'explique mal, moi aussi, l'absence de volonté politique du gouvernement Bourassa maintenant sur ce sujet et, en particulier, le silence étrange de la ministre de la Condition féminine, la députée dont j'oublie le nom du comté mais que les gens auront reconnue, Mme Gagnon-Tremblay.

On peut donc dire que le Parti libéral a eu une politique avant l'élection et une politique après, comme les photos que l'on voyait à l'époque des gens chauves qui étaient photographiés avant et après ou des gens obèses avant et après. Maintenant, on constate que les reproches que les libéraux faisaient au gouvernement Lévesque de l'époque s'appliquent mot pour mot, virgules comprises ou non comprises, accents et paragraphes compris, à l'attitude actuelle du gouvernement libéral. Donc, au moment où on se parle, le ministre de la Justice, le druide Panoramix du gouvernement, prépare sa potion magique qui aura pour objet de redresser la situation et de faire que l'inégalité des groupes visés par la Charte des droits de la personne, nommément les femmes, les handicapés et les minorités culturelles ou ethniques du Québec, auront enfin une chance d'avoir accès à des postes au gouvernement du Québec et, également, à tout programme qui était discriminatoire dans le passé.

Nous attendons donc avec impatience la potion magique que le druide Panoramix du comté de D'Arcy McGee nous livrera et nous servira, parce que les groupes s'inquiètent beaucoup de l'attitude actuelle du gouvernement libéral. Pour une raison très simple, M. le Président, encore une fois il y avait eu un avant et un après. Pendant la campagne électorale, le Parti libéral promettait aux groupes ethniques, entre autres, une place plus importante dans les émissions normales de Radio-Québec. Or, après, que se passe-t-il? L'émission Arrimage, qui était une émission ethnique, la seule fenêtre ethnique en fait de la télévision du Québec, a été sacrifiée sur l'autel des coupures du ministre des Communications et du président du Conseil du trésor.

Encore une fois il y a eu un avant et un après et on se rend compte que le discours avant et les actions après sont tout à fait différents. On peut donc dire qu'ils ont appliqué un vieux principe bien connu dans les milieux: "words, words, words" ou, comme on dit à Venise: "parole, parole, parole", expression que connaît bien mon ami le député de Viau qui est l'adjoint parlementaire de la ministre de l'Immigration. M. le député de Roberval mon accent italien vous intéresse? Approchez-vous! je vais vous en donner plus.

Donc, aujourd'hui, égalité retardée. Avant, le député de D'Arcy McGee déplorait la lenteur du Québec et, aujourd'hui, les mêmes libéraux retardent l'égalité. Dans des discours devant le Centre de recherche-action sur les relations raciales, le CRARR, le ministre promettait en février dernier qu'il y aurait de l'action dans ce domaine-là. Il attendait avec impatience le rapport de la commission dont j'ai fait partie, la commission des institutions, qui vise à proposer au ministre des actions concrètes, des formules pratiques et efficaces qui donneront des fruits. Comme je le dis, maintenant nous en sommes au stade de récolter des fruits et on souhaite que les promesses du ministre de la Justice et député de D'Arcy McGee, le druide Panoramix, seront, pour une fois, à la hauteur de ce que l'engagement électoral représentait. L'engagement électoral, le voici: "L'égalité de tous en matière d'emploi demeure une priorité", le député Herbert Marx de D'Arcy McGee.

Mais où voit-on les signes concrets d'une telle priorité? On ne les voit pas encore, M. le Président. On les cherche, on les attend, on a beau mettre nos lunettes, ajuster nos télescopes et nos microscopes, on ne voit rien paraître à l'horizon. Pourtant, ces mêmes députés libéraux, à l'époque "back-benchers", étaient les chiens de garde des droits des minorités que je viens de mentionner, les handicapés, les femmes et les membres des communautés culturelles. Ce qui est étonnant, c'est que ces mêmes défenseurs - visière levée, sabre au poing -des minorités, on ne les voit plus aujourd'hui aussi enthousiastes qu'avant dans ce domaine. Ils sont devenus aussi lents à pousser que les asperges qui, comme on le sait, prennent trois ans avant de donner des fruits. N'est-ce pas, M. le ministre de l'Agriculture?

M. Garon: Avant de donner des légumes.

M. Godin: Avant de donner des légumes, pardon. Pour moi, l'asperge est un fruit. Par conséquent c'est bon: on ne discutera pas sur le sexe des anges ni des fruits et légumes, ni des fruits de la terre.

Si on vérifie, M. le Président, les mesures proposées par les États pour marquer qu'elles améliorent leurs relations intercommunautaires, on cite, dans le document des Nations Unies que j'ai ici en main:

La présence des divers groupes ethniques au gouvernement, dans la fonction publique et dans les associations professionnelles. Voilà donc une des mesures suggérées par les Nations Unies pour s'assurer que les minorités ethniques et culturelles seront présentes à chaque étape, à chaque

stade de la vie sociale, dans un pays donné.

Deuxième mesure, la création de comités et organismes spéciaux qui vérifient que les membres de tous les groupes ethniques sont présents là où le gouvernement s'est engagé à ce qu'ils soient présents.

Également, modification des manuels scolaires contenant des observations ou bien une présentation des faits historiques qui nuisent à une bonne compréhension entre groupes ethniques et linguistiques. Ce point, M. le Président, a déjà été proposé par le gouvernement précédent et réalisé en grande partie.

Le point suivant, l'utilisation dans les écoles de nouveaux manuels et matériel pédagogiques où l'histoire des groupes minoritaires a sa place à côté de celle de la majorité.

Voilà donc des mesures que 28 pays ont citées aux Nations Unies comme étant des faits précis et concrets comprenant ce que ces États ont fait pour bien montrer que, pour eux, l'égalité entre les groupes ethniques et la majorité nationale du pays est une chose sérieuse et concrète.

Déjà, on voit quelques exemples. Les allusions ethniques ou diffamatoires ou antisémites ou sexistes ont été enlevées des manuels scolaires du Québec, grâce à une décision du gouvernement précédent.

Nous cherchons maintenant, dans le gouvernement actuel, des décisions semblables qui ont été prises, et on cherche en vain, M. le Président, comme on dit en anglais, "we are at a loss to find anything" qui prouveraient leur bonne volonté et qui prouveraient que les discours dans lesquels on prône l'accès à égalité sont autre chose que des mots, sont autre chose que des mots vides de sens.

Il faut donc souhaiter que le ministre, qui a largement dépassé les 30 jours que lui donne la loi pour livrer les fruits de ses promesses... Nous osons donc espérer que ces promesses s'incarneront à des modèles précis d'action, entre autres, ce qui est cité dans la discussion depuis fort longtemps, ce qu'on appelle en anglais "contract compliance", c'est-à-dire une obligation contractuelle que je vais vous définir, M. le Président. Il s'agirait pour l'État d'identifier une liste d'une série d'entreprises qui vendent au gouvernement des objets ou des biens ou des services, et l'État forcerait ces entreprises à engager un nombre X de personnes issues des trois groupes déjà mentionnés par contrat. Une entreprise qui refuserait de se plier à de tels engagements se verrait privée dans l'avenir d'achats gouvernementaux.

Ces mêmes mesures ont été utilisées dans d'autres pays, nommément aux États-Unis et au Canada anglais, avec un résultat patent qui est vérifiable.

Nous souhaitons personnellement et en tant que parti que le "contract compliance", c'est-à-dire l'obligation contractuelle soit une des mesures que le gouvernement adopte parce que nous croyons que la pure incitation dans ce domaine ne mène à rien. Ceux qui sont un peu plus âgés que le leader adjoint du gouvernement se souviendront qu'à une époque le Parti libéral au gouvernement avait décidé d'inciter l'entreprise québécoise à se franciser avant une loi, comme la loi 22 ou 101, qui les forcerait à le faire.

On se souviendra également que M. Kevin Drummond, à l'époque ministre de l'Agriculture, je pense, M. le Président, a raconté dans un article célèbre du Montreal Star, malheureusement défunt, comment cette méthode d'incitation de l'entreprise à une francisation volontaire avait été un échec total et complet. Par la suite, il avait fallu adopter la loi 22 à l'époque pour s'assurer que l'objectif visé serait atteint. C'est pourquoi, M. le Président, toute formule qui laisserait l'entreprise libre d'agir dans ce domaine et qui se fierait sur sa bonne volonté, sur une conscience sociale développée à l'égard des trois minorités déjà mentionnées, serait vouée à l'échec, et nous ne pouvons espérer de résultats concrets que si l'entreprise se voit forcée de le faire par une loi ou un règlement contraignant et par une méthode non moins contraignante qui serait l'obligation contractuelle. À défaut de quoi, nous en serons encore au stade des paroles verbales, "parole, parole, parole", comme on dit en Italien, c'est-à-dire des mots vides de sens, de la paille qui vole au vent. À Athènes, on dit... Je l'ai oublié, M. le Président. Donc, sans un engagement précis et surtout sans des formules concrètes éprouvées ailleurs, comme l'obligation contractuelle, nous manquerons le bateau et nous nous retrouverons dans la position, dans la situation où nous sommes présentement, c'est-à-dire pas de résultat.

La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles a mentionné ici même, il y a une semaine, que des nominations avaient été faites au sein du cabinet et au sein des organismes du gouvernement qui faisaient une large place à des gens, des personnes issues des communautés culturelles. Nous attendons encore des chiffres concrets ou des pourcentages qui illustrent que ces mesures ont été vraiment appliquées. J'ai demandé à la ministre de déposer ces chiffres. On les attend toujours. Elle a fait également état d'un rapport du Conseil du trésor qui serait un inventaire des emplois nouveaux créés par le gouvernement actuel depuis le 2 décembre et qui sortirait le pourcentage des nominations faites en faveur de gens issus de groupes ethniques ou de communautés culturelles.

J'ai presque supplié la ministre de déposer ce rapport. C'est un document public maintenant puisque cela a été fait par le

Conseil du trésor aux frais du public et, encore là, on attend que le rapport soit déposé de manière qu'il soit étudié et qu'on puisse comparer la rapidité libérale avec la lenteur soi-disant péquiste. Nous craignons, quand ces chiffres seront connus, que le résultat soit le même, parce qu'il n'y a pas encore dans les statuts gouvernementaux de formule précise qui non seulement incite poliment et gentiment des anges descendus du ciel à agir, mais qui ont affaire à une réalité économique très contraignante. Nous craignons que nous en soyons encore au stade des promesses en l'air et que, par conséquent, le Parti libéral se réfugie derrière je ne sais quel écran, quel camouflage pour ne rien faire. (15 h 20)

De toute façon, ceux qui nous écoutent qui sont membres de groupes ethniques, soit ceux qui ont rêvé à une action rapide du gouvernement actuel, nous pouvons les assurer que nous serons ici pour être les porte-parole, M. le député de Portneuf, des gens a qui vous avez promis mer et monde avant l'élection mais qui, aujourd'hui, attendent que les fruits portent la promesse des fleurs mais ils attendent en vain et les fleurs partent déjà au vent, le vent froid de mai des États nordiques, des villes nordiques comme Québec et Portneuf et les fleurs partent tellement vite qu'il n'y a même pas de fruits.

Donc, M. le Président, je termine en vous disant que nous souhaitons que les discours du druide Panoramix qui prône l'accès à l'égalité, le député de D'Arcy McGee, que j'ai baptisé ainsi parce qu'il travaille sur une potion magique, M. le député de Portneuf et M. le Président, qui visera à accorder l'égalité des chances aux groupes ethniques, aux femmes et aux handicapés...

Après dix ans de promesses, faites surtout pendant les périodes électorales, et j'en veux pour preuve uniquement le document libéral qui s'appelle "À parts égales" qui promettait à Radio-Québec d'autres émissions ethniques alors que la première qui a été coupée, cela a été l'émission Arrimage...

Ce que nous voulons et ce que les groupes ethniques veulent et souhaitent et ce pour quoi ils veulent qu'on se batte ici, à l'égard du gouvernement, sinon contre le gouvernement, c'est précisément des actions concrètes. Donc, M. le Président, nous avisons le gouvernement actuel et le ministre de la Justice que nous les suivrons de très près pour nous assurer qu'ils livreront la marchandise promise et qu'enfin ils donneront une chance égale et un peu justice aux groupes visés par la résolution adoptée par la commission des institutions qui vise précisément des mesures concrètes pour l'égalité en emploi partout au Québec. Merci, M. le

Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour l'ajournement du débat.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Je vous demande d'appeler l'article 41, M. le Président, s'il vous plaît!

Projet de loi 69 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 41 M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux. La parole est au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, le cheptel, qui se compose de plusieurs espèces animales mises en élevage, constitue la pierre d'assise de l'économie agro-alimentaire du Québec. En 1985, les productions animales ont fourni environ 80 % du revenu des agriculteurs québécois. Une des obligations qui incombent notamment au gouvernement et au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, c'est d'assurer la protection de la santé des animaux qui vivent sur le territoire où s'applique la juridiction du Québec en cette matière. Plusieurs moyens ont déjà été mis en oeuvre pour accomplir cette tâche.

La Loi sur la protection sanitaire des animaux constitue l'un des principaux outils sur lesquels doit compter le ministre pour s'acquitter de son devoir de protéger le cheptel contre les maladies contagieuses et parasitaires qui peuvent l'affecter et même le décimer. Cette loi, d'abord promulguée en 1935, a subi des modifications à plusieurs reprises, la dernière de ces modifications datant de 1982. Actuellement, la Loi sur la protection sanitaire des animaux comporte

quatre sections: la section I, qui vise la protection des animaux contre les maladies contagieuses et parasitaires, la section II, qui vise l'inspection des étalons reproducteurs offerts au public, la section III, qui vise le contrôle des activités inhérentes à l'application des techniques de l'insémination artificielle et finalement la section IV, qui vise la vente aux enchères d'animaux vivants.

La section I de la loi s'applique aux maladies contagieuses ou parasitaires désignées par règlement. Les dispositions de cette section ne visent que les chevaux, les bovins, les moutons, les porcs, les volailles, les chiens, les chats et les animaux à fourrure élevés en captivité. Cette liste n'englobe pas les autres espèces animales mises en élevage, tels les chèvres, les lapins, divers gibiers d'élevage et les poissons élevés en captivité. Cela n'englobe pas non plus les oeufs et les ovules fécondés des animaux.

Pourtant, les élevages caprins, (les chèvres) et les élevages cunicoles, référant aux lapins, ont connu un essor considérable au cours des cinq dernières années et le développement amorcé se continue. Les gibiers d'élevage tels que le bison et le faisan représentent suffisamment d'animaux pour propager des agents infectieux dangereux pour le cheptel. Les établissements de pisciculture se font de plus en plus nombreux et les poissons dont on fait l'élevage sont particulièrement vulnérables à certaines maladies.

Quant aux oeufs et aux ovules fécondés, leur transfert d'un animal à l'autre, préconisé comme méthode de multiplication génétique, ne va pas sans présenter des possibilités de transmission de maladies contagieuses, encore une fois. Or, la technique du transfert et du clonage embryonnaire font l'objet d'une utilisation de plus en plus fréquente par les éleveurs de bovins. En outre, la recherche et le développement technologique en ce domaine permettent de croire que les éleveurs de porcs, de moutons, de chèvres, de chevaux et de lapins pourront utiliser éventuellement cette technique pour améliorer la qualité de leurs élevages.

L'article 3 de la loi actuelle donne au gouvernement un pouvoir de réglementation en diverses matières, notamment de régir la vente, l'exposition, la détention et le transport d'animaux atteints d'une maladie contagieuse ou parasitaire, elle-même désignée par règlement. En accordant le pouvoir d'intervenir uniquement par règlement sur les animaux atteints de maladies contagieuses ou parasitaires, le texte actuel ne tient pas compte du caractère de transmissibilité souvent fulgurant de plusieurs maladies. Cela signifie que les animaux qui sont venus en contact avec d'autres animaux porteurs de germes pathogènes, mais qui n'ont pas encore montré des symptômes de maladies ne sont pas visés par la présente loi, même si on les soupçonne d'être devenus eux-mêmes porteurs de gènes pathogènes. Une telle pratique comporte des dangers sérieux, particulièrement en permettant le déplacement, la vente et le transport d'animaux qui peuvent être en phase d'incubation d'une maladie infectieuse.

Le septième alinéa de l'article 3 de la loi confère au gouvernement le pouvoir d'obliger, par règlement, le propriétaire ou le possesseur d'un animal atteint d'une maladie contagieuse ou parasitaire de le déclarer à un officier désigné. Tout en étant valable, cette disposition nous paraît incomplète et présente un certain nombre d'inconvénients. En effet, à cause des caractéristiques mêmes de certaines maladies, celles-ci peuvent être extrêmement difficiles à identifier par des personnes qui n'ont pas la compétence et la formation pour le faire. En présence d'une maladie contagieuse grave, tout retard dans l'identification positive de la condition et l'application de mesures sanitaires appropriées peut avoir des conséquences néfastes sur plusieurs animaux.

Depuis 1948, les éleveurs du Québec peuvent faire appel à l'insémination artificielle pour féconder les femelles bovines. D'abord utilisé à l'état frais et transporté comme tel, le sperme de taureau fut par la suite récolté, dilué et congelé à -196°C pour en assurer la conservation à long terme. Le développement de cette technique a permis une amélioration de la qualité du cheptel en facilitant aux éleveurs du Québec l'accès à un capital génétique de haute qualité disponible en tout temps de l'année. La conservation prolongée de la semence de géniteurs de très haute qualité a permis à plusieurs éleveurs d'établir une stratégie de croisements qui a su leur assurer une place enviable parmi les meilleurs producteurs de bovins laitiers au monde. Actuellement, plus de 65 % des 615 000 vaches laitières du Québec sont fécondées artificiellement. La proportion est de 7 % pour les femelles des races de boucherie.

Dès 1948, le gouvernement du Québec a jugé bon de s'impliquer dans le développement de l'insémination artificielle bovine en fondant le Centre d'insémination artificielle du Québec à Saint-Hyacinthe. Il s'agit du seul centre de récolte, de conditionnement et de conservation en exploitation dans la province. À ce titre, le Québec se distingue des autres provinces canadiennes et des États américains où l'insémination artificielle s'est développée sous l'égide de l'entreprise privée, souvent sous le mode coopératif. Actuellement, le Centre d'insémination artificielle du Québec compte plus d'une centaine de taureaux et a produit 2 891 007 doses de semence, ce qu'on appelle des paillettes, en 1985. Le volume des ventes au Québec atteint 889 248 paillettes alors que 370 495

doses sont vendues aux autres provinces canadiennes et a l'étranger. Le prix des paillettes vendues au Québec varie de 2 $ à 35 $ pour une moyenne de 5,56 $ alors qu'il varie de 5 $ à 75 $ pour une moyenne de 13,07 $ pour les paillettes écoulées sur les marchés extérieurs.

Au cours des dernières décennies, le recours accru à ce mode de fertilisation a permis de constater que l'intervention de l'homme dans le processus d'accouplement des bovins présentait certains risques de transmission de maladies. De plus, cette pratique peut permettre de falsifier la généalogie des animaux. (15 h 30)

Pour pallier ces inconvénients, le ministère de l'Agriculture instaurait en 1986 un régime légal et réglementaire qui canalise la distribution de la semence et le règlement a permis la création d'un réseau d'établissements de mise en place de la semence connu sous le vocable de cercles d'amélioration du bétail. Ces derniers ont pour mandat d'assurer à leurs membres les services d'un ou plusieurs techniciens (inséminateurs) qui procèdent à l'insémination artificielle des animaux.

Toutes les personnes qui produisent, manipulent ou utilisent la semence, y compris les cercles d'amélioration du bétail, doivent être détentrices d'un permis émis par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Les cercles d'amélioration du bétail ne peuvent s'approvisionner qu'au Centre d'insémination artificielle du Québec avec lequel ils sont d'ailleurs liés par contrat. Ce régime facilite les contrôles sanitaires de la semence, puisqu'un seul centre de production doit être surveillé.

Dans les régions agricoles desservies par un établissement de mise en place de la semence, aucun producteur agricole ne peut procéder lui-même à l'insémination de ses propres animaux. Cette autorisation n'est accordée qu'aux éleveurs dont l'exploitation est située sur un territoire non couvert par un cercle d'amélioration du bétail. À ce jour, tout le territoire du Québec est desservi par 90 cercles d'amélioration et on peut affirmer qu'en 1986, aucun éleveur ne peut légalement procéder lui-même à l'insémination artificielle de ses femelles bovines. En Ontario et dans les autres provinces, l'agriculteur qui le désire peut acheter du sperme de taureau et pratiquer lui-même l'insémination artificielle de ses animaux.

Près de 15 000 000 d'inséminations artificielles ont été exécutées depuis les débuts de son utilisation au Québec en 1948. On peut donc affirmer que les méthodes de prélèvement, de conditionnement, de conservation, de transport et de mise en place de la semence font l'objet d'une vaste expérience chez les utilisateurs. Toutefois, la sécurité relative de l'utilisation de cette technique repose sur le respect de normes sanitaires très rigoureuses, très strictes. Le choix des animaux, l'hygiène et la salubrité du matériel utilisé, la formation des techniciens qui récoltent la semence et ceux qui l'utilisent pour l'insémination des femelles doit faire l'objet d'une attention spéciale. S'il y a défaut de respecter les règles d'hygiène et de salubrité à toutes les étapes d'intervention, plusieurs maladies infectieuses peuvent être transmises aux animaux soumis à la collecte du sperme ou à l'insémination. La brucellose, la leptospirose, la rhino-trachéite infectieuse bovine et la leucose en sont des exemples.

Le contrôle de l'incidence de ces maladies demeure possible pourvu que tous les intervenants qui manipulent les animaux ou la semence respectent des règles strictes. Ce principe est enfin reconnu par les scientifiques et par les utilisateurs.

Il importe également de s'assurer de l'authenticité de la provenance de la semence utilisée. Toute erreur dans le marquage adéquat des lots de semence récoltés et congelés peut entraîner la plus grande confusion dans la tenue des livres généalogiques, lesquels sont à la base de la valeur économique des troupeaux. La moindre erreur à cet égard risque d'affecter la valeur de notre cheptel.

Par ailleurs, à l'instar des éleveurs des autres provinces canadiennes et de la plupart des États américains, les éleveurs québécois revendiquent la possibilité de procéder eux-mêmes à l'insémination artificielle de leurs femelles bovines. Les motifs évoqués pour ce faire sont nombreux. Des économies financières notables peuvent être réalisées. De plus, le fait d'avoir la semence en sa possession rend l'éleveur capable de procéder à l'insémination de ses bêtes au moment qu'il juge le plus opportun pour obtenir un taux de fertilisation optimum. L'inséminateur qui agit pour le compte d'un cercle d'amélioration du bétail, quant à lui, fonctionne selon des horaires qui ne sont pas toujours compatibles avec le cycle sexuel des bovins.

Présentement, un agriculteur qui aurait des problèmes de fonctionnement personnel avec un inséminateur à l'emploi de son cercle d'amélioration du bétail ne peut faire appel à un autre inséminateur travaillant sur un territoire contigu. La seule issue qui s'offre à lui est d'abandonner l'utilisation de la technique, d'acheter un taureau et de favoriser la saillie naturelle avec tous les dangers et risques que cela comporte.

Par ailleurs, le nombre de personnes qui manipulent la semence risque d'augmenter de façon substantielle si les éleveurs deviennent autorisés en vertu de la loi à procéder eux-mêmes à l'insémination artificielle de leurs animaux. Le contrôle sanitaire et

généalogique du sperme devient alors crucial. En effet, l'éleveur, à l'opposé d'un cercle d'amélioration du bétail, ne peut être tenu, en vertu d'une disposition québécoise, de s'approvisionner auprès du Centre d'insémination artificielle du Québec, considérant la Charte des droits et libertés de la personne et la juridiction fédérale en matière de commerce. Une certaine quantité de semence provenant de l'extérieur pourra donc infiltrer le marché québécois et la qualité de ce produit doit être contrôlée afin de protéger la santé et la valeur génétique de notre cheptel.

Actuellement, au Québec, beaucoup d'élevages sont très spécialisés et de type intensif. Les conditions présentes dans ces élevages, telles que le confinement, la concentration des sujets ainsi que la mauvaise qualité de l'air qui en résulte prédisposent les animaux aux maladies de toutes sortes. Certaines pratiques ont été développées afin d'atténuer et de prévenir les manifestations de ces maladies et permettre ainsi au bétail d'atteindre un taux de croissance optimal.

Les moyens actuellement déployés reposent sur l'utilisation des médicaments qui sont administrés aux animaux en élevage intensif durant une bonne partie de leur vie. Puisque les sujets sont très nombreux dans ces élevages, le moyen le plus pratique et le plus efficace de leur administrer ces médicaments est évidemment de les mêler a leurs aliments.

Le commerce des aliments médicamenteux pour l'élevage intensif occupe donc une place importante dans l'industrie agricole québécoise. La préparation des aliments médicamenteux est une activité complexe et elle exige des précautions constantes et des installations adéquates. Négliger l'une ou l'autre peut entraîner des conséquences sanitaires et économiques considérables.

L'irrespect des recommandations du fabricant de médicaments ou une préparation incorrecte des aliments peuvent conduire à la contamination des produits d'origine animale destinés à la consommation humaine. Or, tous les médicaments sont potentiellement toxiques. On ne doit donc pas les trouver dans l'assiette du consommateur. Afin d'éviter la contamination des produits d'origine animale par des résidus chimiques, les fabricants établissent un délai d'attente pour chaque médicament utilisé chez les animaux de ferme. Des recherches menées selon des méthodes scientifiques précises permettent d'établir le délai nécessaire à l'organisme animal pour éliminer le médicament qui lui a été administré. C'est, en fait, ce qu'on appelle le délai d'attente. Ce délai d'attente est ensuite approuvé par le Bureau des médicaments vétérinaires du ministère de la Santé nationale et du Bien-Être social du Canada.

Par ailleurs, sous l'aspect économique il est important de souligner que la qualité des denrées alimentaires, en particulier l'absence de résidus chimiques dans les aliments, est devenue un critère de qualité de plus en plus recherché. Le maintien ou le développement de certains marchés d'exportation dépend parfois de ce critère de qualité. Ce fut notamment le cas au printemps 1985 du porc canadien exporté vers les États-Unis. Quatre États américains avaient bloqué l'importation de porc provenant du Canada parce que susceptible de contenir du chloramphénicol. Le gouvernement canadien a dû bannir l'usage de cet antibiotique le 24 juillet suivant.

Au Québec, plus de 200 meuniers offrent le service de préparation d'aliments médicamenteux et vendent ces produits. De plus, on évalue à environ 2800 le nombre d'éleveurs qui disposent de l'équipement nécessaire à la préparation de ces aliments. Ces personnes manipulent environ la moitié des médicaments administrés aux animaux du Québec, c'est-à-dire environ 50 % de la valeur du marché.

Avant le 20 juin 1984, il y a deux ans, les seules personnes habilitées à préparer et à vendre des aliments médicamenteux sur le territoire québécois étaient les membres de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Les pharmaciens ne disposent toutefois pas de l'équipement nécessaire pour produire des aliments médicamenteux en quantité requise par les éleveurs spécialisés. Ce sont donc les meuniers et divers éleveurs qui remplissent ces fonctions et, conséquemment, l'Ordre des pharmaciens du Québec se trouve dans l'impossibilité d'exercer un contrôle sur la qualité et la quantité de ces services. L'ordre ne peut, en effet, imposer ses règlements qu'aux pharmaciens et non aux meuniers et aux éleveurs. Un fait est important à remarquer cependant. Cette corporation professionnelle peut poursuivre pour exercice illégal de la pharmacie, et c'est ce qu'elle comptait faire à l'égard des meuniers en 1984.

Le législateur a donc décidé, le 20 juin 1984, d'autoriser les personnes qui préparaient ou vendaient des aliments médicamenteux à continuer de poser ces actes pour une période d'un an à compter du 20 juin 1984. Ce moratoire qui fut accordé en vertu de l'article 119 de la Loi modifiant diverses dispositions législatives fut prolongé une première fois en juin 1985 et une seconde fois en décembre dernier, sur recommandation du ministre responsable de l'application des lois professionnelles et moi-même. Le moratoire prend fin le 1er septembre prochain et, a compter de cette date, les personnes qui préparent et vendent des aliments médicamenteux le feront dans

l'illégalité si aucune loi n'est adoptée pour régulariser leur situation. (15 h 40)

Le projet de loi qu'on étudie actuellement et qui vient modifier la Loi sur la protection sanitaire des animaux, a notamment comme objectif d'apporter une solution à ces trois situations particulières de l'élevage que je viens de décrire sommairement.

Les questions se rapportant aux maladies contagieuses et parasitaires ainsi qu'aux aliments médicamenteux ont déjà été soulevées par mon prédécesseur. Un projet de loi fut même proposé afin d'apporter les modifications législatives jugées nécessaires. Toutefois, le projet de loi fut déposé le 18 juin 1985, c'est-à-dire l'avant-veille de l'ajournement des travaux de la Chambre. La loi n'a pu évidemment être adoptée pour des raisons évidentes et aucune mesure permanente n'apportait des solutions à envisager.

Les nouvelles dispositions touchant les maladies contagieuses et les aliments médicamenteux proposées aujourd'hui s'inspirent particulièrement de celles prévues au projet de loi déposé le 18 juin 1985 par mon prédécesseur. Certaines modifications y ont été apportées, compte tenu des commentaires formulés par les intéressés.

Les nouvelles mesures proposées pour l'insémination artificielle sont, quant à elles, tout à fait originales. Le principe sous-jacent fut toutefois proposé par un groupe d'intervenants composé des cercles d'amélioration du bétail qui représentent les éleveurs, des syndicats d'inséminateurs et des représentants du Centre d'insémination artificielle du Québec.

Le projet de loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux propose d'apporter certaines modifications à la section I de la loi. Une première modification consiste à amender l'article 7 de la loi de façon que la section I s'applique à tout animal d'élevage, ainsi que ses oeufs et ovules fécondés. Cette modification permettra une meilleure surveillance de toutes les espèces animales qui composent les élevages au Québec. Elle permettra de plus la protection des animaux qui composent les élevages où se pratique la fécondation des femelles par le transfert d'embryons.

Une deuxième modification consiste à étendre le pouvoir réglementaire du gouvernement non seulement aux animaux atteints de maladies contagieuses ou parasitaires, mais également à ceux qui sont soupçonnés d'être atteints de ces maladies et à ceux qui sont venus en contact avec de tels animaux. Ces nouvelles dispositions visent à mieux protéger les animaux en raison des possibilités de contagion de plusieurs pathologies. En effet, plusieurs maladies ont une longue période d'incubation et des animaux porteurs de germes pathogènes peuvent transmettre ceux-ci avant même d'avoir manifesté des symptômes de la maladie. Il convient donc de restreindre, du moins temporairement, les mouvements de tous les animaux qui ont été en contact avec des animaux malades ou soupçonnés de l'être.

Une troisième modification consiste à obliger le médecin vétérinaire à rapporter à un fonctionnaire désigné par le ministre toute maladie contagieuse ou parasitaire visée par le règlement. Le médecin vétérinaire est la seule personne légalement réputée compétente pour poser un diagnostic de maladie animale. Un diagnostic précis de maladie suppose une formation et des connaissances que ne possèdent généralement pas les propriétaires et les possesseurs d'animaux. En imposant au médecin vétérinaire l'obligation de déclarer les maladies visées au règlement, l'Assemblée nationale adoptera une disposition semblable à celle contenue dans la Loi fédérale sur les maladies et la protection des animaux. Cette dernière loi a permis de procéder à l'éradication complète de la tuberculose et de la brucellose bovine au Québec et de maintenir à un niveau minimal l'émergence de la rage chez toutes les espèces susceptibles d'en être atteintes.

Quant à l'insémination artificielle, les modifications proposées à la section III de la loi ont pour objectifs principaux d'autoriser les éleveurs à procéder eux-mêmes à l'insémination artificielle de leurs animaux à condition, évidemment, qu'ils soient détenteurs d'un permis délivré à cette fin, et d'améliorer les pouvoirs du gouvernement pour réaliser le contrôle sanitaire et généalogique de la semence.

En termes concrets, la première modification consiste à changer les dispositions de la loi relatives à l'exemption de permis pour la manipulation du sperme. Le texte actuel prévoit qu'un médecin vétérinaire qui procède à l'insémination artificielle d'un animal à des fins médicales n'est pas tenu de détenir un permis pour ce faire. Il en est de même, c'est la même chose pour un éleveur qui procède, dans les cas prévus par règlement, à l'insémination artificielle d'un de ses animaux. Le changement proposé soumettrait tout éleveur qui pratique l'insémination artificielle sur ses animaux à l'obligation de détenir un permis.

La deuxième modification consiste à adapter les pouvoirs réglementaires du gouvernement au fait que de nombreux éleveurs pourront procéder à l'insémination artificielle de leurs animaux et que ceux-ci ne peuvent être tenus de s'approvisionner auprès du seul centre de production de semence au Québec.

Les changements apportés donnent au gouvernement le pouvoir de déterminer: premièrement, des catégories de permis et d'établir les compétences exigibles de toute

personne qui en fait la demande; deuxièmement, de déterminer les conditions de salubrité, de qualité, de prélèvement, de conditionnement et de marquage du sperme destiné à l'insémination artificielle d'un animal; troisièmement, de déterminer les méthodes qui doivent être suivies pour un échantillonnage ou une analyse en application de la section III de la loi; quatrièmement, de déterminer l'endroit où un éleveur doit conserver le sperme d'animal; et, finalement, de déterminer, parmi les dispositions d'un règlement pris en vertu de la section III, celles dont la violation est punissable aux termes des dispositions pénales de la loi.

Ces mesures visent à établir des normes strictes quant à la qualité sanitaire et génétique du sperme. Elles permettent, en outre, au gouvernement de contrôler facilement le respect de ces normres.

La troisième modification consiste à doter la section III de la loi de dispositions qui établissent des prohibitions d'ordre général applicables au sperme, aux établissements et aux équipements qui sont utilisés pour le manipuler, le distribuer ou en faire le commerce. De concert avec les nouveaux pouvoirs réglementaires, cette mesure favorisera le respect des normes de qualité.

Pour ce qui est des aliments médicamenteux, le projet de loi prévoit l'ajout d'une nouvelle sous-section sur les médicaments vétérinaires à la Loi sur la protection sanitaire des animaux. Cette nouvelle sous-section vise notamment à autoriser des personnes autres que des pharmaciens à préparer ou à vendre des aliments médicamenteux pour le bétail, à condition qu'elles soient détentrices d'un permis délivré à cet effet. Il y a dans le projet de loi une distinction formelle entre les personnes qui préparent des aliments médicamenteux pour leurs propres besoins, par exemple, les propriétaire de "mix-mills", plusieurs producteurs agricoles, et les obligations qui sont imparties aux personnes qui préparent les aliments médicamenteux à des fins commerciales. Le gouvernement pourra déterminer, par règlement, des catégories de permis et le ministère en prévoit actuellement deux: l'une pour la préparation et l'autre pour la préparation et la vente des aliments médicamenteux. Les normes d'équipement et de fonctionnement applicables à chaque catégorie seront différentes, cela va de soi, et celles-ci seront comprises dans le règlement.

En plus d'autoriser des personnes à exercer des activités qui relèvent de la pharmacie, cette nouvelle sous-section de la loi permet au gouvernement d'exercer un certain contrôle sur la qualité des produits. Ceci permettra d'éviter de façon encore plus efficace la contamination, par des résidus de médicaments, des aliments offerts aux consommateurs.

Cela ne signifie par pour autant que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation rejette les contrôles qui s'appliquent actuellement. Les épreuves de dépistage des résidus lors de l'inspection des viandes dans les abattoirs continuent et continueront à être effectuées. Le projet de loi n'a pas non plus comme objectif d'exclure les meuniers et les éleveurs du Québec de l'application de la loi fédérale relative aux aliments du bétail et du règlement sur les médicaments qui ne peuvent être vendus que sur ordonnance d'un médecin vétérinaire. La nouvelle section vise plutôt à combler les lacunes présentes dans le réseau de distribution des aliments médicamenteux et de contrôle des résidus de médicaments. Les mesures proposées favorisent en effet le contrôle des résidus avant l'abattage des animaux. À titre d'exemple, le vendeur d'un animal devra déclarer par écrit à l'acheteur, le fait qu'un médicament ait été administré à cet animal et pour lequel le délai d'attente n'est pas écoulé. En outre, des épreuves de dépistage pourront être effectuées lors de la réception des animaux dans les abattoirs, avant l'abattage, et des sanctions pourront être imposées aux personnes qui ont acheminé des animaux porteurs de résidus.

De plus, cette section permet au ministre d'élaborer des programmes pour autoriser d'autres personnes que les pharmaciens et les médecins vétérinaires à vendre ou administrer des médicaments destinés aux animaux. Ces programmes sont soumis à l'approbation du gouvernement qui peut les modifier. Cette mesure a pour but d'assurer la disponibilité des médicaments dans certaines situations particulières, tels les cas d'épidémies. (15 h 50)

Dans un autre ordre d'idées, les dispositions traitant de l'inspection, de la saisie, l'émission de permis, les infractions et peines sont comprises dans diverses sections de la loi. Une carence d'uniformité en complique l'application. Il y aurait lieu de régulariser cette situation par les modifications législatives qu'on y apporte aujourd'hui. De plus, la loi actuelle n'accorde aucun droit d'appel de la décision rendue relativement à une demande de permis. Il est donc proposé d'abroger les articles de la Loi sur la protection sanitaire des animaux qui traitent de l'inspection, de la perquisition, de la saisie ou de la confiscation; de certaines conditions d'émission de permis et des infractions et des peines. Ces mesures sont redéfinies dans une nouvelle sous-section, laquelle comprend également des dispositions accordant un droit d'appel de la décision rendue relativement à une demande de permis, ce qui est tout à fait légitime. Les peines d'emprisonnement prévues aux sections 1 et 2 de la loi actuelle sont abolies,

compte tenu de leur désuétude.

Voilà l'essentiel du propos que je voulais tenir comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation auprès de mes collègues de l'Assemblée nationale en regard de l'importance du projet de loi 69 qui est déposé et dont on amorce l'étude aujourd'hui. Essentiellement, les mesures que ce projet de loi contient, sont des mesures qui, à plusieurs égards, peuvent paraître techniques, mais qui sont très importantes pour ne pas dire fondamentales pour l'économie agricole du Québec.

On se doit, dans un premier temps, de poursuivre dans cette démarche qui a comme objectif qu'on s'inscrive davantage sous l'égide de l'excellence au Québec. Le législateur, le gouvernement, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation par des lois qu'il a appliquées a l'obligation de s'assurer, de faire en sorte que tous les moyens techniques, les moyens physiques en termes de contrôle, en termes de règlement, etc., qu'on se donne tous ces moyens pour s'assurer que la qualité des aliments est exceptionnelle. Dans un premier temps, compte tenu de l'importance des productions animales dans notre économie, cela va de soi, c'est l'ensemble de notre crédibilité qui en dépend comme province productrice, mais aussi l'intérêt des consommateurs.

J'ai eu l'occasion de reconduire le moratoire en décembre 1985. Ce moratoire s'applique jusqu'en septembre 1986. Je m'étais engagé à déposer le projet de loi. C'est ce qu'on a fait récemment, le 15 mai dernier. La loi est à l'étude actuellement. Je présume que le débat en deuxième lecture se terminera assez rapidement. Je m'étais engagé, toutefois, en décembre dernier à ce qu'on puisse, une fois le projet de loi étudié en deuxième lecture, déposer la partie du règlement concernant les aliments médicamenteux, parce que c'était assez délicat, c'était assez conflictuel. Certains y voyaient la perte éventuelle d'un droit ou d'un privilège qui leur avait déjà été dévolu. Je m'étais engagé, dis-je, à ce qu'on tienne une commission parlementaire.

Effectivement, l'honorable député de Frontenac et adjoint parlementaire du gouvernement annonçait ce matin, au moment des avis à la Chambre, que la commission allait se réunir le mardi 10 juin prochain pour entendre un certain nombre d'intervenants et en regard non seulement du projet de loi, mais aussi et surtout du libellé du règlement que je pourrai rendre public d'ici la fin de la semaine, cela va de soi. C'est un projet de loi important pour l'économie agricole. C'est un projet de loi qui est important pour maintenir notre réputation d'excellence au niveau de la production et au niveau de la qualité finale- ment du cheptel québécois. Je vous remercie et j'ose espérer et présumer que le projet de loi sera adopté unanimement. Merci.

Le Vice-Président: Merci, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je cède maintenant la parole au député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, un projet de loi avait été déposé, le projet de loi 65, le 18 juin 1985, et n'avait pas été adopté à ce moment, l'Opposition estimant qu'elle avait besoin de plus de temps pour l'analyser. J'estime qu'aujourd'hui, l'Opposition qui est devenue le gouvernement, qui a eu le temps de l'analyser, a sûrement une copie des règlements qu'elle entend présenter avec le projet de loi et je vais commencer par indiquer au ministre que nous souhaitons avoir une copie des règlements avant d'entendre les différentes institutions.

M. le Président, j'aimerais dire au ministre de la Justice...

Une voix: ...qui n'est pas à sa place.

M. Garon: ...qui, d'abord, n'est pas à sa place et qui crie à travers la Chambre, alors que, normalement, un ministre de la Justice devrait donner l'exemple...

Une voix: C'est cela.

M. Garon: ...que la plupart du temps, j'ai fourni les règlements avec mes projets de loi, contrairement à ce qu'il dit. Notamment, par exemple, avant les auditions sur les petits abattoirs. Dès 1977, j'ai fourni les règlements avec les projets de loi sur les petits abattoirs, un projet de règlements qui était volumineux. Régulièrement, lorsque l'Opposition me le demandait, je produisais les règlements en même temps que les projets de loi ou quelques jours après, pour permettre à l'Opposition de mieux saisir la portée des projets de loi.

Aujourd'hui, dans le cas qui nous touche, c'est essentiellement un projet de loi dont la teneur se retrouvera dans les règlements. Les règlements sont considérables. Je vais lire quelques articles pour indiquer à quel point les règlements sont considérables. Si on pense que les gens peuvent se prononcer sur... D'autant plus que le ministre se donne, dans un pouvoir réglementaire, le pouvoir de vider sa loi de sa substance quand, à l'article 55.9, il dit: "Le gouvernement peut, par règlement: 2° soustraire une catégorie de personnes de l'obligation d'être titulaire d'un permis pour préparer un aliment médicamenteux pour ses propres animaux".

À toutes fins utiles, on pourrait, par

les règlements, vider complètement la loi de sa substance et n'avoir aucune responsabilité en vertu de la loi. M. le Président, c'est pourquoi je fais la demande formelle au gouvernement et au ministre de l'Agriculture de nous produire une copie du projet de règlements, puisqu'il a sûrement eu le temps de le faire, avec tous ces mois qui ont passé.

Le ministre de la Justice qui, lui, a un projet de loi devant l'Assemblée, le projet de loi sur les règlements, devrait être le premier à m'appuyer...

Une voix: Bien oui!

M. Garon: ...parce que lui-même dit qu'il faudrait un peu plus de cohérence dans les règlements. Il y aura de la cohérence entre les règlements et la loi quand les gens pourront étudier la loi avec une copie des règlements pour voir dans quelle direction s'est dirigé le gouvernement.

Je ferais remarquer également au ministre de la Justice qu'on met des dispositions dans ce projet de loi qui ont pour but d'écarter par règlement des personnes des dispositions de la loi. Je ferais remarquer au ministre de la Justice, qui était apparemment un professeur de droits et libertés, que ce n'est pas véritablement -surtout pour un universitaire qui veut améliorer les projets de loi - la façon de faire des lois.

Je lui dis, en tant que ministre de la Justice, que donner au gouvernement, par un pouvoir réglementaire, le pouvoir de soustraire des catégories complètes de personnes de l'application de la loi, c'est, à ce moment se retrouver, à toutes fins utiles, devant un pouvoir exorbitant du gouvernement qui pourra vider la loi de sa substance.

Je reviendrai sur le sujet tout à l'heure. J'avais dit au ministre de la Justice, lors de l'étude de son projet de loi sur les règlements en deuxième lecture, que l'objectif était louable, mais que je n'étais pas certain que le ministre était capable d'appliquer cet objectif. Dès aujourd'hui il me démontre, par sa réaction, que son projet de loi était là pour la galerie et qu'il n'a pas l'intention du tout de faire en sorte que les règlements puissent être mieux connus ou mieux étudiés en même temps que les projets de loi.

Je vais reparler du contenu des règlements dans ce projet de loi. Les règlements dans ce projet de loi vont être aussi importants, sinon plus importants que la loi, parce que le pouvoir réglementaire est considérable. Non seulement, M. le Président, est-on dans des matières spéciales... (16 heures)

J'ai eu l'occasion, au cours des dernières années, de travailler dans ce secteur. Quand je suis arrivé au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en 1976, on venait de prélever 3000 échantillons de lait pour voir quelle était la proportion de nos produits laitiers contenant des antibiotiques. Sur les 3000 échantillons analysés, il y en avait plus de 3 % qui contenaient des antibiotiques. Devant cette constatation, qui avait été faite quelques années auparavant, j'ai immédiatement donné des instructions pour faire en sorte que l'on multiplie les échantillons et qu'on punisse sévèrement ceux qui utilisaient des produits médicamenteux, des antibiotiques pour soigner leurs animaux et qui ne respectaient pas le délai nécessaire pour faire en sorte que les antibiotiques soient éliminés des produits laitiers.

Le résultat, c'est qu'on faisait environ 60 000 analyses par année, et je me souviens des derniers résultats: il y a un an ou deux, au lieu d'avoir 3 % des produits laitiers qui contenaient des antibiotiques - sur 3000, c'est 90, c'est considérable - il n'y en avait pas 90 sur 60 000 échantillons. Le taux - je m'en souviens par coeur - était de 0,0027 %. Cela veut dire mille fois moins que lorsque nous avions pris la succession des libéraux. Mille fois moins de produits médicamenteux dans le lait que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976, parce que l'analyse datait de cette époque.

Nous avons mis en place des régimes de prévention, non seulement un régime d'assurance vétérinaire curatif pour les soins à apporter aux animaux lorsqu'ils sont malades, mais nous avons généralisé un plan d'intervention préventif pour avoir, dans la régie ou l'administration des fermes, un plan sanitaire de prévention pour faire en sorte que les soins curatifs soient moins nécessaires grâce à la prévention.

Nous avons également mis en place de nombreux programmes de contrôle de la santé, de vérification de la santé des animaux pour faire en sorte qu'au Québec on ait de meilleurs résultats qu'ailleurs; non seulement avoir des résultats semblables à ceux d'ailleurs, mais avoir des résultats meilleurs qu'ailleurs. Le résultat s'est fait sentir également puisque dès 1985, le taux le plus bas de brucellose au Canada était au Québec, le taux le plus bas d'antibiotiques dans le lait était chez nous. C'est chez nous qu'on retrouvait les contrôles les plus sévères, de sorte que nous étions en train de faire notre marque à ce point de vue.

Il demeurait cependant certains secteurs où on devait avoir un meilleur contrôle. C'est l'automne dernier, par exemple, que la liste des médicaments vétérinaires qui devaient être accessibles sur prescription a été adoptée par le gouvernement du Parti québécois. Autrefois, aucun gouvernement n'avait voulu toucher à cette question parce qu'il la trouvait trop chatouilleuse. Contrairement à ce qui avait été fait, même

en période électorale ou au cours d'une période préélectorale le gouvernement du Parti québécois a accepté une liste de médicaments vétérinaires qui devaient nécessiter une prescription pour pouvoir être administrés aux animaux. Pourquoi encore là? Pour faire en sorte que des produits médicamenteux plus dangereux, plus forts qui pourraient avoir des conséquences plus graves sur la santé humaine si la viande était consommée alors qu'il reste des résidus dans la viande, pour que ces contrôles puissent être faits de sorte qu'on ait une viande plus saine au Québec. Cela a été adopté.

J'avais également déposé au cours du mois de juin 1985 un projet de loi qui allait exactement dans le sens d'exiger des permis de ceux qui voulaient faire des aliments médicamenteux, c'est-à-dire mêler à des aliments des médicaments à être administrés aux animaux. Vous savez qu'on ne peut pas donner des médicaments... Dans certains cas, c'est facile à faire sous forme de piqûre mais, dans d'autres cas, alors qu'un médicament doit être donné par voie buccale, on peut difficilement administrer les médicaments aux vaches ou aux boeufs à la cuillère à soupe. L'une des façons de le faire, c'est justement de mêler les médicaments aux aliments qu'on leur donne à manger. Cependant, on comprendra que, du fait que des gens puissent préparer les médicaments et les administrer aux animaux, les médicaments peuvent parfois être donnés en trop grande quantité et des délais d'attente doivent être respectés. Il y a un ensemble qu'il fallait contrôler, qui devait être mieux administré. C'était l'objet du projet de loi 65 que j'avais déposé au mois de juin dernier à l'Assemblée nationale.

Il faut dire qu'antérieurement il y avait eu, au mois de février 1985, une conférence socio-économique sur la santé animale qui regroupait tous les intervenants du Québec dans le secteur de la santé animale: ceux qui auraient dû s'en occuper, ceux qui devaient s'en occuper, ceux qui devraient s'en occuper et ceux qui ne s'en étaient pas occupés alors qu'ils auraient dû s'en occuper. Il faut dire que cela remonte au temps où les pharmaciens avaient la responsabilité dans ce domaine. Mais les pharmaciens ont trouvé peut-être plus compliqué d'avoir des pharmacies pour les médicaments vétérinaires de sorte que, dans les faits, l'Ordre des pharmaciens ne s'est pas occupé de s'assurer que les médicaments vétérinaires soient administrés selon les normes prescrites. On a vu au cours des années, même si c'est un champ d'action qu'il aurait peut-être aimé, que dans les faits l'Ordre des pharmaciens ne s'est pas occupé de ce secteur. Les vétérinaires souhaitaient occuper ce champ et il fallait déterminer les responsabilités de chacun pour qu'il y ait une certaine cohérence dans l'ensemble du système.

C'est pour cela que le député de Portneuf a mentionné que le gouvernement du Parti québécois, qui s'était aperçu qu'il y avait un vide, a accepté durant une période d'un an de donner un délai pour faire en sorte que la question des médicaments vétérinaires puisse être véritablement réglementée, régie une fois pour toutes et que chacun y trouve sa place, le rôle de chacun, les préparateurs d'aliments médicamenteux, les utilisateurs d'aliments médicamenteux, les vétérinaires qui soignent les animaux, de même que les pharmaciens auxquels la loi accordait un rôle pour faire en sorte que le système entier soit bien coordonné et plus étanche. Vous vous rappellerez le nombre de mesures que le gouvernement du Parti québécois a dû adopter pour mettre de l'ordre dans tout ce système où c'était véritablement le capharnaüm. Il faut dire qu'aujourd'hui nous sommes sans doute l'endroit en Amérique du Nord où ces questions sont le mieux contrôlées. Avec un projet de loi qui pourrait trouver une bonne application sur la protection sanitaire des animaux, on pourrait boucler la boucle dans l'ensemble du système avec toutes les mesures qui ont été mises en application au cours des dernières années. Cependant, il faut que ce soit bien fait. Vous savez, le ministre n'en a pas parlé, mais c'est au Québec qu'est vendue la plus forte quantité de médicaments pour des fins animales. Le pourcentage est ici le plus fort. (16 h 10)

Puisqu'il a été indiqué que des gens pourraient venir soumettre leurs représentations en commission parlementaire, il serait important de demander à l'Ordre des vétérinaires ou aux associations des vétérinaires qui viendront nous rencontrer de nous dire quelles sont les proportions dans lesquelles les médicaments sont administrés dans l'ensemble du Canada. On verra qu'il y a une très forte consommation de médicaments au Québec et qu'il est important que cette consommation de médicaments soit faite par les animaux et non pas ceux qui vont manger leur viande plus tard.

Si les règles de même que les périodes et les délais ne sont pas respectés dans la posologie, il en résultera des problèmes pour la santé des humains. Le système qui a été mis en place au cours des années a démontré, selon les résultats obtenus, que nous avons indiqués lors de la conférence socio-économique de 1985, que le Québec avait résolu les problèmes mieux qu'ailleurs. Ce n'est pas pour rien, par exemple, que le gouvernement a déclaré le Québec, zone exempte de brucellose, alors que l'Ontario n'a pas le résultat. Les vétérinaires au Québec ont joué un rôle considérable dans ce sens, et c'est peut-être significatif que la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-

Hyacinthe, rattachée à l'Université de Montréal, ait une pleine accréditation de l'American Veterinarian Association, c'est-à-dire l'Association américaine des vétérinaires, alors que l'Ontario a une accréditation restreinte.

Il arrive souvent que le gouvernement libéral aime nous comparer à l'Ontario. Je ne détestais pas cela, j'aimais nous comparer pour être meilleur que l'Ontario. Non pas essayer de courir après l'Ontario, mais de faire en sorte que ce soit l'Ontario qui essaie de courir après nous. On peut dire avec fierté que, dans ce domaine, dans le domaine de la médecine vétérinaire, on a reconnu qu'au Canada, le Québec est en avant des autres. Pourquoi? Parce qu'on a donné de la place aux vétérinaires. On leur a permis d'exercer assez que certains m'ont parfois reproché de favoriser les vétérinaires. Je ne favorisais pas les vétérinaires, j'essayais de créer un équilibre en leur permettant de jouer tout le rôle qu'ils peuvent jouer.

Je pense que ce n'est pas un mince succès que d'avoir réussi à nommer au ministère de l'Agriculture un sous-ministre responsable de l'inspection des aliments et de la santé animale. Tout cela se tient. La santé animale et l'inspection des aliments est dirigée par un vétérinaire avec différents secteurs d'inspection: l'inspection des produits laitiers, l'inspection des produits carnés, des viandes, inspection des produits horticoles, les fruits et légumes, inspection aussi des produits de la pêche. Pourquoi? Afin que l'on ait des produits meilleurs qu'ailleurs avec des contrôles ici et là.

Par exemple, j'ai fait faire des études partout dans le fleuve Saint-Laurent afin de vérifier le contenu en produits chimiques des poissons. Vous savez qu'il y a des seuils de tolérance. Quand les produits chimiques des animaux sont consommés par les êtres humains, ils s'additionnent et ne s'éliminent pas facilement. On voit parfois dans le secteur de l'environnement des gens qui pourchassent des cultivateurs comme des ennemis mais oublient de travailler davantage contre les pluies acides, alors qu'on sait que les pluies acides rejettent entre 65 et 90 livres à l'hectare, alors qu'on pense que le seuil de tolérance ne devrait pas dépasser 50 livres. C'est du jus! 65 à 90 livres de déchets au Québec actuellement par des pluies acides sous forme de souffre ou de dérivé du souffre qui tombe sur nos terres, dans l'ensemble du territoire québécois et qui provient des États-Unis et de l'Ontario. Nous avions adopté des mesures pour faire en sorte que la principale usine qui rejetait ces produits soit obligée de faire les corrections nécessaires sur un certain nombre d'années.

Quand on pense également que le lac Ontario est un dépotoir à ciel ouvert, que la plupart des saumons qui ont été transplantés ont le cancer des parties sexuelles, parce que, apparemment, chez les poissons le cancer commence surtout par les parties sexuelles, ce qui fait que dans le lac Ontario, parce qu'il y a eu des déchets de produits chimiques accumulés, est terriblement contaminé. Quand on voit que l'eau que nous boirons provient de là en partie, je dois vous dire que ce n'est pas très rassurant pour les gens qui boiront de cette eau qui vient en partie du lac Ontario. Elle ne vient pas uniquement de là mais en partie. C'est pourquoi, pour la santé humaine, quand on parle de dangers et qu'on regarde l'eau polluée par les pluies acides, par des produits chimiques qui proviennent en grande partie des eaux contaminées des Grands Lacs...

On avait fait des analyses aussi sur l'anguille. L'anguille qui vient de nos rivières est en bonne santé mais celle qui vient du lac Ontario l'automne était moins bonne parce qu'il y avait eu des rejets de produits chimiques dans une rivière des États-Unis. On voit un certain laxisme dans l'administration de ces lois. Pourquoi? Parce que c'est plus facile de s'attaquer à un cultivateur dont la vache a produit ses excréments trop près d'un cours d'eau mais on oublie trop souvent que la véritable pollution ne vient pas de là. Elle vient des véritables produits chimiques, des pluies acides, des eaux qui viennent des Grands Lacs et peuvent provenir aussi des produits chimiques consommés par nos animaux ou par les poissons que nous mangerons.

C'est pourquoi au ministère de l'Agriculture, le gouvernement du Parti québécois n'a pas lésiné pour mettre en place un service d'inspection important pour protéger les consommateurs du Québec, pour analyser, à l'aide d'appareils sophistiqués, les eaux, les poissons et les viandes que nous consommons. Certaines de ces analyses coûtent au-delà de 100 $ chacune et certains de ces appareils qui font ces analyses pour déterminer les parties par millions qu'on trouve dans ces produits, coûtent 500 000 $ chacun. Il faut avoir un plan d'ensemble. Il ne s'agit pas d'inspecter une ou deux affaires, mais il faut avoir un plan d'ensemble sur le plan de l'inspection des aliments et de la santé animale pour véritablement réaliser des objectifs. Nos objectifs n'étaient pas de se comparer à l'Ontario mais de produire les meilleurs produits au monde, d'être plus sévères, s'il le fallait, pour avoir une meilleure qualité d'aliments pour que, lorsque le consommateur achète des produits, il se dise: J'achète un produit québécois et j'aurai un meilleur produit. C'est notre marque de commerce.

Un des pays les plus prospères au monde actuellement est le Danemark. Il a les règles les plus sévères au point de vue alimentaire. Qu'il s'agisse des viandes et, dans le domaine des médicaments... Je dois

dire que les conversations que j'avais eues avec les officiers danois, le ministre et ses principaux officiers, les organismes de service d'inspection avec lesquels j'ai eu l'occasion de discuter pendant un bon bout de temps - plus d'une journée - m'ont permis d'obtenir leur façon de procéder, leur procédé, d'avoir même eu beaucoup plus dans d'autres pays Scandinaves, des normes d'inspection, des qualités d'inspection. (16 h 20) 11 n'y a pas longtemps, quand on parlait du pays qui avait la plus belle qualité de vie au monde, c'était le Danemark. Le Danemark est un pays qui ressemble au Québec en beaucoup plus petit, qui a une population de 4 500 000 habitants, qui est indépendant, qui est le premier au monde au point de vue de la qualité de vie, indépendant avec une population de 4 500 000 habitants, quelques fois plus grand que la Nouvelle-Écosse, mais qui visait des objectifs à différents endroits au point de vue de la qualité. Le contrôle des médicaments, par exemple, est d'une sévérité telle qu'ils ne permettent pas des aliments médicamenteux. C'est très sévère.

Une voix: Pour les animaux.

M. Garon: Pardon?

Une voix: Pour les animaux.

M. Garon: Pour les animaux. Des produits, aliments médicamenteux pour les animaux. Pourquoi? Parce qu'ils craignent l'accoutumance des animaux aux médicaments et ils craignent qu'avec les années il faille augmenter les doses pour pouvoir contrôler les maladies. C'est dire à quel point il y a une recherche de la qualité pas seulement à ce niveau-là, mais dans différents secteurs: le contrôle des viandes, du lait. Il y a différentes manières de faire pour arriver à un produit de qualité supérieure. C'est ce que nous avons voulu faire, nous aussi, au Québec, avoir un système plus sévère.

Je sais que le député de Beauce-Sud n'est pas d'accord avec mes façons de faire dans le domaine des pêches puisqu'il a dit que je voulais aller trop vite. J'estimais qu'il fallait avoir la meilleure qualité de produits marins au Québec le plus rapidement possible. Je considérais que c'était important. Le député de Beauce-Sud, lui, va y aller en bicycle, pas trop vite. Vous pensez qu'en 1986, la vitesse du son, la vitesse de l'avion n'est plus nécessaire. C'est vrai que nous avons agi rapidement et je peux vous dire aujourd'hui, quand je vois certaines usines qu'on a maintenant au Québec, qu'elles ont un haut degré de qualité parce que nous avons été sévères. Je vous dirai qu'aujourd'hui un grand nombre d'industriels et de pêcheurs sont d'accord. Je vous ferai remarquer que la succession que nous avons prise en 1976, c'était terrible. J'ai été le ministre qui, le premier, imaginez-vous, pour les pêcheurs qui vont en mer pendant cinq jours, a autorisé une toilette à bord d'un bateau.

Une voix: C'est vrai.

M. Garon: Le gouvernement de M. Bourassa entre 1970 et 1976 ne permettait pas des toilettes à bord des bateaux, il considérait que c'était un luxe. J'ai été le premier également à autoriser des douches, pas seulement une. J'ai dit: S'ils en veulent deux, ce n'est pas cela qui coûte le plus cher à bord d'un bateau, une douche. Quand quelqu'un va en mer, au soleil, dans l'eau salée, pendant quatre ou cinq jours à travailler très fort, une douche à la fin de la journée, ce n'est pas un luxe. Avant que le Parti québécois soit au pouvoir en 1976, il n'y avait pas de douche sur les bateaux. C'était un luxe. Même les fonctionnaires m'avaient dit: M. Garon, il ne faut pas que vous preniez les bateaux de pêche pour des bateaux de plaisance. J'ai dit: Je pense qu'en 1980 - j'ai eu les Pêches en 1980 - il n'est pas anormal dans un bateau, où cinq ou six personnes vont passer quasiment une semaine, qu'il y ait des toilettes et des douches. C'est pour dire d'où on partait.

On partait de loin. Les cales des bateaux étaient en bois et ne pouvaient pas, même avec la meilleure bonne volonté des pêcheurs, c'était impossible... Je me souviens même des premières photos de l'OPDQ, l'Office de planification et de développement du Québec. Quand il voulait montrer que les pêches du Québec n'étaient pas pires, c'était d'un vieux baril tout rouillé dont le poisson débordait qu'ils vidaient le poisson. Pourquoi? Parce que celui qui avait pris la photo et qui l'avait fait imprimer ne connaissait pas mieux. Il pensait que c'était beau de voir que le poisson débordait, sauf que le baril était tout rouillé. Bien souvent, on montrait un pêcheur avec un pic qui piquait la morue avec un croc souvent qui était un peu rouillé aussi. Il avait peut-être bien piqué pas rien que des morues.

Vous savez, aujourd'hui, quand on regarde le secteur des pêches, beaucoup d'usines du Québec sont aussi propres qu'un hôpital. Les planchers sont lisses. C'est interdit d'avoir des craques dans le plancher parce que les bactéries ou les maladies peuvent s'y infiltrer. Les murs sont en vinyle, un genre de produit très lisse, de même que les plafonds. Les appareils de ventilation doivent changer l'air de toute l'usine tant de fois par jour. Les instruments, les équipements ne peuvent pas être dans des matériaux qui peuvent rouiller.

Aujourd'hui, j'incite tous ceux qui nous écoutent - il n'y en a peut-être pas beaucoup à cette heure de l'après-midi - s'ils

font un tour en Gaspésie cet été, de ne pas se gêner, par exemple, pour aller voir la nouvelle usine de Newport. H y a des vitres pour pouvoir voir ce que cela a l'air dans l'usine. Ou allez à Grande-Rivière, aux Crustacés de Gaspé ou, encore, aux Poisson salé gaspésien et regardez, en faisant le tour, s'il y a d'autres usines, de quoi cela a l'air une usine de pêche. On verra aujourd'hui qu'une usine de pêche c'est très moderne. Ceux qui iront aux Îles-de-la-Madeleine pourront voir Madelipêche. Juste devant Madelipêche j'ai même dû donner l'ordre de démolir une cabane dont le seul mérite était d'avoir été là à peu près 90 ans; on voyait l'air entre les planches et il y avait aussi assez d'espace pour faire entrer les mulots et les rats.

Tout cela a été démoli pour faire en sorte qu'aujourd'hui nos usines dans le secteur des pêches sont des usines parmi les plus modernes et dont on devrait être fier. Au lieu de faire comme le ministre responsable des pêches, le député de Beauce-Sud, qui a passé son temps à dire qu'on allait trop vite, il devrait être fier qu'on soit allé vite. On ne veut pas revenir aux bicycles à pédales sans vitesses, avec des vieilles poignées, avec des vieilles sonnettes. J'imagine qu'il ne veut pas revenir à cela. Il essaie d'aller vite dans les bicycles. Bien, pourquoi on n'irait pas vite dans le poisson pour avoir un poisson plus moderne, avoir des produits de meilleure qualité? C'est ce qu'on a réalisé et on a été fier de le faire.

Dans les abattoirs on a fait une modernisation dans l'ensemble du Québec dont peu de pays peuvent s'enorgueillir avec autant de succès qu'au Québec. Cela nous donne la garantie que nos produits sont meilleurs. Mais il faut travailler non seulement sur les bâtisses. Les gens disaient qu'il ne fallait pas travailler seulement sur les bâtisses. Il fallait aussi travailler sur les bâtisses. Il faut travailler sur les bâtisses mais aussi travailler sur les produits.

Maintenant, normalement, dans ces secteurs, il reste encore au ministre responsable - avant longtemps, je reviendrai sur cette question - de décider que tout le secteur des pêches finisse sa modernisation. Elle est quasiment terminée mais il en reste un morceau et il ne trouve pas important que le gouvernement mette de l'argent là-dedans, surtout sur la Basse-Côte-Nord, la Moyenne-Côte-Nord.

Si tous ces projets sont terminés, on trouvera au Québec, dans le secteur alimentaire, des usines de première qualité. On n'était pas gêné de faire venir les acheteurs américains, de les inviter à venir voir nos entreprises. Je peux vous dire - j'ai eu des félicitations - qu'on peut vendre de l'électricité, mais, souvent, vendre du poisson coûte moins cher d'investissement et cela fait travailler plus de monde. Les Américains étaient estomaqués de voir toute la modernisation qu'on avait chez nous parce qu'il faut faire cela.

Vous savez qu'en Europe, même quand on vend du poisson, on peut montrer le bateau qui le produit et mettre la marque du bateau sur l'emballage. Ici, au Québec, il faut faire la même chose. Il faut être capable non seulement d'avoir modernisé des usines mais, maintenant, de surveiller le produit. Dans le secteur des pêches, on a un système pour analyser le produit, le poisson, d'un bout à l'autre, dans le bateau, dont la cale maintenant est moderne et construite avec des matériaux qui ne contamineront pas le poisson, dans les systèmes de débarquement, dans les usines, dans les camions pour faire le transport, qui va permettre de garder la qualité.

C'est la même chose dans le secteur des viandes. Il faut pouvoir analyser le produit aussi et l'analyser à partir du lieu où se fait l'élevage, chez les fournisseurs, les éleveurs qui vont fournir des aliments médicamenteux, si on veut véritablement faire en sorte que le consommateur mange un produit où il n'y aura pas de résidus médicamenteux parce que quelqu'un qui achète de la viande ne veut pas avoir les antibiotiques fournis dans la viande, il faut avoir un système d'ensemble. (16 h 30)

Maintenant, nous avons adopté un ensemble de mesures au cours des dix dernières années qui ont fait en sorte qu'on est les plus avancés. Il manquait encore une loi que nous avions présentée au mois de juin 1985 et qui n'avait pas été adoptée. Je comprends. Je ne blâme personne à ce moment, parce que l'Opposition voulait avoir le temps de l'analyser. Cependant, au mois de décembre, en arrivant au gouvernement, ils ne voulaient pas encore l'adopter parce que, entre le mois de juin et le mois de décembre, je pense qu'ils ont fait autre chose que d'analyser les lois qui étaient déposées au feuilleton.

Finalement, le ministre ne voulait pas non plus adopter la loi telle quelle, parce que je pense bien qu'il voulait y mettre son fion. Finalement, le projet de loi est annoncé parce qu'on n'a pas voulu un délai d'un an. Le ministre nous avait demandé un délai d'un an. On a dit non. Le délai d'un an est trop long. On craint qu'avec les mois qui vont passer, avec un délai d'un an, on ne sente pas la pression assez forte pour aller dans cette direction. Finalement, c'est un délai de huit mois qui a été adopté, c'est-à-dire jusqu'à la fin d'août. En adoptant ce projet de loi d'ici à la fin de la semaine, avant la fin de la session, il sera possible de faire les règlements pour que le tout soit en vigueur à partir du 1er septembre.

Le ministre comprendra que les règlements vont être nécessaires. Si on regarde le

projet de loi, on voit, par exemple, dans 16s premiers articles, qu'il change certains paragraphes seulement en ajoutant, dans les définitions, "et qui est désigné par règlement". Il a ajouté beaucoup de pouvoirs réglementaires qui n'y étaient pas auparavant, qui peuvent être nécessaires. Mais je me suis étonné un peu, je me suis dit qu'il manque de coordination quelque part puisque ce gouvernement trouvait toujours, lorsqu'il était dans l'Opposition, qu'on réglementait trop. Il réglemente encore plus que nous réglementions.

Autrefois, par exemple, on disait: Une maladie contagieuse, par exemple, au paragraphe 2, signifie une maladie qui peut être transmise d'un animal à un autre par contact direct ou autrement. Le gouvernement propose d'ajouter "et qui est désignée par règlement". Une maladie parasitaire signifie une maladie causée par un parasite, et on ajoute "et qui est désigné par règlement". Je comprends que ces termes se trouvaient ailleurs et que c'est un pouvoir réglementaire qui est important. Pour prouver à quel point le pouvoir réglementaire est important, je vais vous lire un article sur l'insémination artificielle. L'article 12 qui remplace l'article 26: "Nul ne peut, pour l'insémination artificielle d'un animal, prélever, détenir, préparer, utiliser, acheter, échanger ou donner, mettre en vente ou en dépôt, vendre dans un lieu quelconque, transporter, faire transporter du sperme d'animal qui est impropre à l'insémination -ce n'est pas tout le monde qui voit cela -ou qui ne répond pas aux conditions de salubrité, de qualité, de prélèvement, de conditionnement et de marquage déterminées par règlement." C'est le règlement qui va venir dire tout cela.

Là, le règlement, on ne l'a pas. Après cela, on ajoute encore dans un autre article: "II est interdit d'utiliser, selon le cas, pour la production, le conditionnement ou la conservation du sperme d'animal ainsi que pour la mise en place de ce sperme dans le tractus génital d'une femelle animale, un lieu ou un équipement qui n'est pas conforme aux normes établies par règlement..." On est rendu dans le tractus animal, et cela prend des règlements en plus. Vous vous imaginez que ce serait peut-être une bonne chose qu'on voie le règlement, parce que je suis persuadé qu'aucun député en cette Chambre ne saura ce qu'il adopte s'il ne voit pas le règlement. Ce serait absolument absurde d'adopter des lois qu'on ne comprend pas.

Je regarde l'article 28, pour vous donner un exemple, qui est un article important: "Le gouvernement peut adopter des règlements pour: déterminer les conditions dans lesquelles une personne peut faire le commerce du sperme d'un animal, en garder en sa possession ou pour restreindre ces activités ainsi que l'insémination artificielle d'un animal à des catégories de personnes qu'il détermine - cela va être encore dans le règlement - 2° déterminer les catégories de permis ainsi que les droits, conditions et restrictions relatifs à chaque catégorie..." Normalement, on trouve les catégories de permis dans la loi. Là, le gouvernement s'est donné ce pouvoir dans les règlements, alors que si vous regardez la loi sur les abattoirs, si vous regardez la loi sur les usines de pêche, ces pouvoirs étaient dans la loi, les catégories d'usines étaient dans la loi. Mais, aujourd'hui, même les catégories de permis ne sont plus dans la loi; elles vont être dans les règlements. Imaginez-vous le pouvoir exorbitant que se donne le gouvernement. Quand le gouvernement dit: On va être plus clair; on va être plus transparent, le gouvernement du Parti libéral, au contraire, fait en sorte que les catégories de permis vont se retrouver dans le règlement.

C'est comme cela sans arrêt. Je continuerai en vous disant, par exemple, de regarder seulement l'importance de ce que je vais vous lire. Remarquez bien, je suis convaincu que l'Association des consommateurs ne pourra pas admettre une chose comme celle-là; les associations de consommateurs vont se renseigner; elles vont demander plus de sécurité que cela; elles ne voudront pas laisser tout cela dans un pouvoir réglementaire - à l'article 55.3, on dit: "Une personne ne peut préparer un aliment médicamenteux pour ses propres animaux ou pour les animaux dont elle a la garde, à moins d'être titulaire d'un permis délivré à cette fin par le ministre."

Regardez bien ce qu'on dit après. "Le présent article ne s'applique pas: 1° à une personne habilitée à préparer un médicament en vertu de la Loi sur la pharmacie". Il n'y a pas de danger la. "2° à une personne qui détient un permis visé à l'article 55.2". Regardez bien cela: "3° à une personne soustraite à l'obligation d'être titulaire d'un permis selon un règlement adopté en vertu du paragraphe 2 de l'article 55.9".

Vous allez voir à l'article 55.9. On dit: "Le gouvernement peut, par règlement: soustraire une catégorie de personnes de l'obligation d'être titulaire d'un permis pour préparer un aliment médicamenteux pour ses propres animaux." Cela veut dire que, dans le fond, tout le pouvoir qui est dans cette loi peut être enlevé par un règlement, peut rendre à néant l'objectif de la loi et c'est absolument anormal. Jamais, je n'ai vu dans un projet de loi un pouvoir si grand de vider la loi de son contenu. Jamais, je n'ai vu cela en dix ans au Parlement. Jamais, je n'ai vu une loi capable de vider autant la loi de sa substance par un pouvoir réglementaire qu'on donne au ministre.

On est dans un domaine qui touche la

santé de tous les consommateurs du Québec. Tous les consommateurs du Québec sont visés par ce projet de loi, parce qu'il s'agit de la protection sanitaire des animaux, c'est-à-dire de la viande qu'ils vont manger. À moins d'être végétariens, tous les Québécois sont touchés par ce projet de loi. C'est évident, quand on parle d'une loi et qu'on voit un titre comme cela - La protection sanitaire des animaux - on pense qu'on vise les perruches, mais ce n'est pas cela. On ne vise pas les perruches.

Au contraire, les perruches ont des chances d'être exclues, mais je pense qu'elles ne le seront pas parce qu'elles peuvent contaminer elles aussi. Vous savez que, par exemple, un des agents de contamination, ce sont les chats, les chats qui se promènent un peu partout et qui, après cela, grafignent. C'est souvent une cause de maladie. Pourquoi? Parce que la protection sanitaire des animaux, c'est ce qui touche le monde le plus.

Il y a des maladies qui sont transmises par les animaux et il faut contrôler plusieurs animaux qui ne concernent même pas les consommateurs au point de vue de l'alimentation, mais qui peuvent transmettre des maladies. Le contrôle des maladies et la protection sanitaire des animaux visent d'abord la protection des consommateurs et des êtres humains.

M. le Président, je vois que vous regardez l'horloge avec une certaine intensité, mais je pense qu'il me reste encore 15 ou 20 minutes.

Le Vice-Président: Effectivement, M. le député de Lévis, je ne regarde pas l'horloge avec plus d'intensité et je ne voudrais pas que vous me prêtiez des intentions. Je vous dirai que vous avez exactement jusqu'à 16 h 54 pour faire votre intervention. Donc, vous avez exactement 15 minutes.

M. Garon: Je vous remercie, M. le Président, parce que j'étais en train de raccourcir mon propos, alors que je suis dans le vif du sujet. Je veux indiquer au fond, que ce règlement...

Une voix: C'est un long préambule.

M. Garon: C'est pourquoi il est important de voir les règlements. Autant que les gens du parti ministériel, nous sommes d'accord pour le principe d'une telle loi, mais à condition que la loi existe. Nous sommes d'accord sur le principe d'une telle loi. Nous avions même fait le dépôt de cette loi au mois de juin 1985. Le ministre a fait des changements, mais il ne faudrait pas que ces changements aient pour effet de vider la loi de sa substance. Nous sommes d'accord que la protection sanitaire des animaux soit plus poussée au Québec. Nous l'avons indiqué à plusieurs reprises. Nous avons travaillé pendant des années pour arriver à ce projet de loi et je sais à quel point il est nécessaire. (16 h 40)

Le ministre, qui a sûrement vu des statistiques et des analyses concernant les problèmes de contenu médicamenteux dans les animaux, je sait à quel point cette loi est nécessaire. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'ameuter tout le monde pour le faire, mais il faut le faire. Le principe de cette loi sera voté à tour de bras par l'Opposition, mais on va s'assurer en commission parlementaire que les dispositions qui doivent se trouver dans le projet de loi pour faire en sorte que l'objectif visé soit réalisé s'y trouvent. On ne voudrait pas adopter une loi bidon, adopter une loi dans laquelle il y aura des voeux pieux alors que le pouvoir réel d'administration se trouverait dans les règlements sur lesquels on n'a pas de contrôle.

Ce serait facile, à ce moment-là, de détourner la loi de sa fin. Il faut absolument que cette loi, pour les consommateurs du Québec, soit appliquée. II ne s'agit pas de mettre les contrôles les plus onéreux possible pour ceux qui auront besoin de ces médicaments, il ne s'agit pas de rendre la vie le plus difficile possible aux vétérinaires, aux pharmaciens, aux éleveurs et même aux marchands de moulée qui vont préparer des aliments médicamenteux. Il ne s'agit pas de leur rendre la vie désagréable, mais il faut, pour la protection des consommateurs du Québec, que ces dispositions veuillent dire quelque chose et que le pouvoir réglementaire ne vienne pas défaire ces objectifs souhaités par la loi.

Le pouvoir réglementaire est très important dans cette loi, plus important que dans n'importe quelle autre loi. On trouve dans ce pouvoir réglementaire des dispositions exorbitantes. Je ne dis pas que c'est ce que le ministre veut faire, mais il pourrait le faire avec cette loi. Il faut trouver dans la loi les dispositions les plus fortes. Les catégories de permis devraient se retrouver dans la loi. On ne devrait pas dire: C'est le gouvernement qui va déterminer les catégories de permis. Je pense, par exemple, à l'article 14 où on dit: "L'article 45 de cette loi est modifié: "1 par l'addition, dans le premier alinéa, après le paragraphe n, du suivant: "o) déterminer, parmi les dispositions d'un règlement adopté en vertu du présent article, celles dont la violation est punissable aux termes de l'article 55.44."

Voyez-vous cela? C'est le gouvernement qui va fixer les pénalités par règlement alors qu'on ne connaîtra pas les pénalités qui peuvent être encourues par celui qui ferait une infraction à la loi. Ce serait quand même curieux que toutes les mesures soient

adoptées en vertu de la loi, qu'ensuite la loi permette certaines dispositions, certains objectifs, et que ce soit le règlement qui viendrait déterminer non seulement les infractions, mais surtout les pénalités. Il faut que les pénalités se retrouvent dans le projet de loi. Le pouvoir de fixer les pénalités est un pouvoir qui appartient à la loi. On trouve normalement le montant des amendes dans les projets de loi.

Je ne comprends pas que le ministre de la Justice, qui se prétend un homme éveillé, accepte que des pénalités relatives à un projet de loi se retrouvent dans les règlements. Voyons donc, ce n'est pas normal! On va parler de liberté de la personne, des droits de la personne alors que par règlement on va adopter les pénalités! Depuis quand? Je fais appel non pas au ministre partisan, mais au professeur de droit d'autrefois qui écrivait de beaux articles dans la revue du Barreau, que je me plaisais à lire, où il expliquait les grands principes du droit. Depuis qu'il est nommé ministre, je ne l'ai vu en appliquer aucun.

J'invite le ministre de la Justice, en vertu des règles normales du ministère de la Justice, à examiner le projet de loi, à voir si la force du pouvoir réglementaire est capable de vider toute la loi de son contenu, à voir que les catégories de permis ne sont pas fixées dans le projet de loi, que les infractions ne sont pas fixées dans le projet de loi que tout cela va se faire par règlement. Les députés - je ne parle pas des nouveaux députés qui n'ont pas vécu ces dernières années, mais de ceux qui étaient là - doivent se rappeler, chaque fois qu'il y a eu vélléité de faire cela, à quel point ils avaient les regards et les voix outranciers. Ils se levaient scandalisés. Jamais un projet de loi n'aura permis autant de pouvoirs réglementaires à tous les niveaux.

C'est ce sur quoi je veux attirer l'attention. Non pas parce que nous sommes contre le projet de loi; nous sommes pour le projet de loi et l'objet de la deuxième lecture, c'est de parler sur le principe. Nous sommes pour le principe du contrôle des aliments médicamenteux, d'une meilleure réglementation concernant l'insémination artificielle. Le ministre a donné des chiffres... Je suis fier, au fond, car les résultats qu'il a donnés pour 1985, ce sont un peu mes résultats. Il a montré à quel point, au Québec, l'insémination artificielle est utilisée, à quel point on en exporte et le jour n'est pas loin où on exportera autant qu'on en utilise au Québec. C'est une entreprise qui est rentable. On ne perd pas d'argent avec le Centre d'insémination artificielle du Québec. On verra à quel point ce travail a été considérablement amélioré au cours des années. Mais il faut absolument que les dispositions qu'on va mettre dans le projet de loi soient publiques, qu'on ne réserve pas tout cela dans le pouvoir réglementaire. Aujourd'hui, nous sommes seulement le 3 juin. On ne partira pas d'ici avant le 20, peut-être le 23. Si le ministre veut prendre une semaine de plus pour améliorer son projet de loi, pour faire en sorte que les dispositions se trouvent dans le projet de loi plutôt que dans les règlements, il aura le consentement de l'Opposition en ce sens. C'est un projet de loi qu'on souhaite ardemment, on aurait voulu le faire adopter à l'époque où on formait le gouvernement, mais il y avait des résistances du côté de l'Opposition. Que l'Opposition, qui est devenue le gouvernement ait voulu avoir un délai additionnel, on ne l'en blâme pas. Cependant, maintenant que nous en sommes à adopter le projet de loi, il faudrait que ce projet ait toute la substance nécessaire pour qu'il puisse être administré correctement. Le ministre sait à quel point c'est un secteur difficile. Il sait que, lors du premier mandat de son premier ministre, le ministre de l'Agriculture de l'époque a dû démissionner là-dessus. M. Toupin a quitté le ministère de l'Agriculture pour des questions d'inspection. Pourquoi? Pas parce que la loi ne prévoyait pas le meilleur. La loi avait de bons objectifs sauf qu'il n'y avait rien pour l'administration et que le problème est survenu pour des raisons administratives.

Le ministre des Pêches à Ottawa, M. Fraser, a dû démissionner. Je l'ai connu et je suis persuadé qu'il a été mal pris avec l'administration de la loi.

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Lévis. Question de règlement, M. le ministre de l'Agriculture.

M. Pagé: M. le Président, je veux strictement rétablir les faits. Le député de Lévis devra confirmer que jamais un ministre de l'Agriculture sous notre gouvernement n'a dû démissionner en regard de cette question.

Le Vice-Président: M. le député de Lévis, je vous cède la parole de nouveau.

M. Garon: Si le ministre de l'Agriculture veut que je sois plus précis: après le scandale de la charogne en 1975 -tout le monde a connu cela, il y a eu des films sur la CECO, la Commission d'enquête sur le crime organisé - le ministre de l'Agriculture a été muté au ministère des Terres et Forêts. En tout cas, je ne peux pas lire dans la pensée du premier ministre, mais tous ceux qui ont vécu ces années se rappellent que c'est à ce moment-là que le ministre a été muté et personne n'a douté que c'était à cause du scandale de la charogne. S'il n'est pas écrit sur le papier où il y a eu le changement et que le ministre de l'Agriculture a été muté pour cette raison, je peux bien l'admettre. Mais tout le

monde, dans l'opinion publique, savait que le ministre de l'Agriculture a été muté à ce moment-là parce que, sur le plan administratif, son ministère avait été une passoire terrible et qu'il avait eu des avertissements de ses fonctionnaires. Tout cela est enregistré sur film. À l'époque, ce fut l'une des émissions télévisées les plus populaires. Tout le monde écoutait cela. Ceux qui se rappelleront l'année 1975 se souviendront que tout le monde était devant la télévision. Cela nuisait aux autres émissions de télévision, parce que les gens voulaient voir ce qui se passait là-dedans. Je vois le député de Matapédia qui parle de pertinence. Je dois vous dire que c'est pertinent quand on parle d'inspection...

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Lévis. Question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Sauf erreur, je pense qu'il reste au député de Lévis environ deux ou trois minutes. Je l'inviterais, à tout le moins, pour la fin de son intervention à respecter la pertinence du débat.

Le Vice-Président: D'accord. Là-dessus, M. le leader adjoint... H vous reste quatre minutes, M. le député de Lévis.

Une voix: Trois minutes et demie.

Le Vice-Président: Je dois vous dire que le projet de loi en cause concerne la protection sanitaire des animaux. Nous sommes dans un sujet fort connexe à ce sujet. Je laisse la parole au député de Lévis en le prévenant qu'il lui reste exactement quatre minutes. (16 h 50)

M. Garon: M. le Président, il va me rester une minute de plus parce que le temps que vous venez de prendre le député de Portneuf, le leader adjoint de l'Opposition et vous pour répondre à leurs questions, cela a pris mon temps. Le leader adjoint ne comprend pas - c'est inquiétant - que ce dont on parle, c'est de la qualité des aliments. Ce ne sont pas les fesses des ours dans le bois qu'on veut protéger, elles ne sont pas mangées par les consommateurs, ce ne sont pas non plus les animaux non comestibles que l'on protège, ce sont les animaux comestibles. La protection sanitaire des animaux vise des viandes qui seront consommées par les consommateurs. Quand je parle de l'inspection des aliments et de la protection sanitaire des animaux, je suis dans le vif du sujet. Si le leader adjoint du gouvernement réagit ainsi, cela est inquiétant aussi, cela veut dire qu'il n'y a pas véritablement de cohérence dans le caucus du Parti libéral.

Je peux vous dire que c'est un secteur difficile, un secteur risqué aussi. Comme ministre de l'Agriculture - je l'ai été assez longtemps pour le savoir - je peux ajouter que c'est le secteur le plus inquiétant pour un ministre de l'Agriculture parce qu'il ne sait jamais ce qui va arriver. Il y a 400 inspecteurs sur le terrain et il ne sait jamais ce qui peut arriver. Aujourd'hui, c'est mieux organisé que ce ne l'était, c'est moins inquiétant que ce l'était, mais c'est toujours inquiétant.

Vous avez vu que le ministre fédéral des Pêches a dû démissionner pour une question d'inspection des aliments. On est dans un secteur qui touche tout le monde au Québec, qui touche 6 500 000 consommateurs et ce projet de loi est l'un des plus importants qui seront votés dans cette Législature. C'est pourquoi j'ai demandé au ministre de l'Agriculture de nous fournir les règlements et d'accepter, même si cela prend une semaine de plus - nous sommes pour le projet de loi et nous allons l'aider à adopter ce projet de loi - d'enlever des dispositions qu'on veut transférer aux pouvoirs réglementaires. Il est important d'avoir ces dispositions dans la loi et non pas dans les règlements. Un règlement, avec les pouvoirs exorbitants que l'on trouve dans le pouvoir réglementaire... Je n'ai jamais vu, en dix ans, une loi qui donne autant de pouvoirs réglementaires. On peut vider une loi de sa substance.

Les pressions seront constantes sur le gouvernement, sur le ministre de l'Agriculture afin que les règlements soient le moins exigeants possible, alors que, dans ce secteur, qui touche tous les consommateurs du Québec, les règlements et la loi doivent être très exigeants. C'est pourquoi on faciliterait l'administration de cette loi si son adoption était faite correctement, en analysant rigoureusement chacun des articles, afin que le public québécois soit mieux protégé par la protection sanitaire des animaux qu'un jour, ils consommeront comme viande ou comme sous-produits dans des produits laitiers, dans des produits laitiers transformés ou dans des produits qui connaîtront plusieurs transformations. Si la contagion, la maladie, les médicaments, les produits chimiques se retrouvent dans les aliments, ce sont les consommateurs qui, au bout du compte, vont payer. Cette loi doit viser non seulement à protéger les consommateurs, mais à faire en sorte qu'il ne sera pas possible de la contourner.

C'est pourquoi, en terminant, je demande au ministre que certaines dispositions fondamentales se retrouvent dans le projet de loi plutôt que dans le projet de règlements et qu'en même temps, on puisse avoir des copies du projet de règlements pour

faire une analyse sérieuse de cette loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président: M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): En vertu de l'article 216, est-ce que je pourrais poser une question au député de Lévis?

Le Vice-Président: D'accord, M. le député de Matapédia. Est-ce que le député de Lévis accepte une question du député de Matapédia? Cette question doit être brève et la réponse doit également être brève. M. le député de Matapédia.

M. Paradis (Matapédia): Merci, M. le Président. J'aimerais demander au député de Lévis, ex-ministre de l'Agriculture, compte tenu de ses propos à l'égard des pharmaciens tout à l'heure, dans son allocution, s'il n'a pas reçu, en date du 2 octobre 1985, une lettre des pharmaciens demandant que la juridiction sur la préparation et la vente des aliments médicamenteux soit faite sous la surveillance d'un pharmacien, lettre que j'ai ici?

Le Vice-Président: M. le député de Lévis.

M. Garon: Le député aura l'occasion de s'intéresser à cette question parce que l'Ordre des pharmaciens est l'un des organismes susceptibles de venir devant la commission parlementaire. Nous pourrons démontrer facilement, avec l'Office des professions, à quel point personne ne s'est occupé de cette question, pas plus les pharmaciens. Je ne les blâme pas de ne pas l'avoir fait, parce qu'ils n'avaient pas les instruments et les facilités pour le faire sauf que tout le monde s'est reposé sur les pharmaciens pour faire cette tâche qui n'a pas été assumée. C'est pourquoi le gouvernement a dû agir à un moment donné et faire un moratoire pour prévoir un système qui fonctionnerait plutôt qu'un qui ne marcherait pas, même si ceux qui étaient habilités à le faire ne le faisaient pas.

Le Vice-Président: Merci, M. le député de Lévis.

Je reconnais maintenant dans le débat sur le projet de loi 69 Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme France Dionne

Mme Dionne: Merci, M. le Président. Le projet de loi 69 présentement à l'étude modifie la Loi sur la protection sanitaire des animaux. Cette loi promulguée en 1935 a subi au cours des années plusieurs modifications dont la dernière en 1982.

Toutefois, l'agriculture, comme les autres secteurs de l'économie, évolue très rapidement et le projet de loi 69 permet l'actualisation de ladite loi, tenant compte de la diversification du cheptel québécois. Il est important de protéger aujourd'hui non seulement les animaux d'élevage mais également les élevages où se pratique la fécondation des femelles par transfert d'embryons.

Les maladies contagieuses ou parasitaires, comme on le sait, peuvent être transmises également par le contact avec les animaux contaminés et on doit prendre en considération les périodes d'incubation plus ou moins longues. Il est donc important d'étendre le pouvoir réglementaire du gouvernement afin de protéger notre cheptel présent et futur. Une modification permettra d'une part, de mettre à profit la compétence et la connaissance des médecins vétérinaires dans la détection des foyers de maladies contagieuses ou parasitaires et, d'autre part, une meilleure concertation des différents intervenants, que ce soit l'agriculteur, le transporteur, l'acheteur aussi bien que le vétérinaire et l'inspecteur.

D'autre part, l'insémination artificielle a permis depuis 1948 l'accès à un capital génétique de haute qualité, améliorant ainsi le cheptel québécois. Bien qu'on puisse affirmer que la méthode de prélèvement, de conditionnement, de conservation, de transport et de mise en place de la semence soit au point, il nous faut dans ce secteur respecter les règles d'hygiène et de salubrité à toutes les étapes d'intervention.

La présente modification permettra entre autres aux éleveurs de pratiquer eux-mêmes la technique de l'insémination artificielle comme dans d'autres provinces canadiennes, à condition toutefois qu'ils soient détenteurs d'un permis. De plus, elle permettra de mieux adapter l'insémination artificielle au cycle sexuel des animaux, de pratiquer davantage les croisements génétiques ainsi qu'à l'éleveur de réaliser des économies d'argent. D'ailleurs, les éleveurs verront accroître leur accessibilité à la possession de sperme de taureau hautement recherché au niveau international.

Les modifications consistent également à adapter les pouvoirs réglementaires du gouvernement dans ce sens afin de s'assurer des conditions de salubrité, de qualité de prélèvement, ce qui est également très important.

La troisième modification de la Loi sur la protection sanitaire des animaux touche la préparation et la vente des aliments médicamenteux. Depuis le 20 juin 1984, un moratoire avait été imposé sur cette question, moratoire prolongé jusqu'au 1er septembre 1986.

Comme on le sait, plusieurs médicaments sont introduits dans les aliments

préparés par des meuniers ou par les éleveurs eux-mêmes. Toutefois, les pharmaciens ne disposent pas de l'équipement nécessaire pour produire ces aliments médicamenteux en quantité requise par les élevages spécialisés. La solution que nous envisageons permettra d'autoriser des personnes autres que les pharmaciens à préparer ou à vendre des aliments médicamenteux et cela avec permis, donc, avec contrôle gouvernemental.

On assurera donc la disponibilité des aliments médicamenteux aux éleveurs tout en garantissant un contrôle de leur préparation et de leur distribution, tout en aidant à prévenir la contamination des produits d'origine animale. (17 heures)

La dernière modification présentée dans le projet de loi 69 consiste à abroger les articles sur l'inspection, la saisie sur les permis, les appels et les infractions et peines. Ces dernières modifications, j'en suis très heureuse, simplifient les dispositions nécessaires à l'administration de la loi, facilitent la tâche des inspecteurs et uniformisent les dispositions légales relatives à la demande de permis.

En conclusion, Mme la Présidente, c'est un projet de loi qui protège mieux nos animaux, mieux notre viande et mieux l'alimentation des Québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Charles Messier

M. Messier: Merci, Mme la Présidente. Je tenais, en tant que député de la capitale agro-alimentaire, à m'associer au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation au moment de la présentation de ce projet de loi qui vise substantiellement à modifier des sections de la Loi sur la protection sanitaire des animaux, à étendre certaines dispositions et à clarifier certaines obligations.

L'agriculture et les denrées représentent dans notre économie québécoise une portion importante de notre enrichissement collectif. Cet enrichissement collectif prend toute sa valeur lorsque 80 % du revenu des agriculteurs en 1984 est lié à la production animale. Vous comprendrez facilement notre ligne maîtresse qui vise à assurer à nos agriculteurs la meilleure santé possible de leurs animaux et aux consommateurs une qualité de nourriture de très haut standard. Ce sera rendu possible avec les principales modifications que notre gouvernement entend apporter.

Une de ces approches, c'est d'introduire une plus large catégorie d'animaux, de les cataloguer selon les règlements et d'y inclure d'autres espèces animales mises en élevage. De même, les établissements de pisciculture devraient être assujettis à cette nouvelle réglementation car les possibilités de maladies contagieuses y sont très présentes.

L'apport vers une meilleure gestion de la santé animale doit être transporté à la technique de transfert et du clonage embryonnaire. La Faculté de médecine vétérinaire, qui fête d'ailleurs son centenaire cette année, possède cette expertise. Son programme de recherche est bien structuré et permet de croire que, d'ici peu, dans d'autres domaines que celui des bovins, la technique de clonage et de transfert d'embryons pourra s'élargir pour les éleveurs de porc, de mouton, de chèvre, de cheval, etc.

D'autres dispositions s'ajouteront pour élargir le champ d'application quant aux maladies contagieuses. Le gouvernement pouvait agir uniquement sur les animaux atteints de maladies contagieuses et ne tenait pas compte du caractère de transmissibilité de ces maladies. Nous venons donc de corriger une situation qui était, à mon avis, fondamentale car il faudra que le propriétaire d'un animal susceptible d'avoir une maladie contagieuse avise un officier désigné. Comme nouveau gouvernement, nous allons mettre l'accent sur la prévention des maladies contagieuses.

Nous voulons aussi apporter des modifications à la section III de la Loi sur la protection sanitaire des animaux qui concerne particulièrement l'insémination artificielle. Il faut savoir, Mme la Présidente, que plus de 65 % des 615 000 vaches sont fécondées artificiellement. Les semences proviennent du seul centre de récolte, de conditionnement et de conservation de la province et c'est dans le comté de Saint-Hyacinthe, c'est-à-dire le CIAQ, communément appelé le Centre d'insémination artificielle du Québec. Des chiffres fort éloquents nous démontrent que le CIAQ a produit pas loin de 3 000 000 de doses de semence en 1985. Les ventes au Québec sont de 890 000 doses et 370 000 doses sont exportées vers les autres provinces et même à l'extérieur.

La courroie de transmission chez l'éleveur du Québec est constituée par les cercles d'amélioration du bétail qui offrent à leurs membres des techniciens qui procèdent à l'insémination artificielle. Par concordance, nous voulons étendre aux producteurs la possibilité d'inséminer leurs bovins afin d'assurer la meilleure qualité car nous avons présentement cette excellente expertise. Nous sommes dans l'obligation de leur demander d'avoir un permis car nous devons garder notre marque de commerce. En échange, les éleveurs pourront réaliser des économies fort importantes et pourront, à un autre niveau, s'adapter au cycle sexuel des

animaux.

Un autre point qui fait foi d'une volonté d'agir concerne la vente et la préparation d'aliments médicamenteux. Il appert que le moyen le plus pratique et le plus efficace de soigner des animaux, c'est de mélanger aux aliments les médicaments que requiert leur état de santé. Par ce fait, le gouvernement doit garder en tête que, si l'on suit la chaîne alimentaire, les consommateurs retrouveront sur leur table la résultante de notre vigilance.

Enfin, Mme la Présidente, le respect ou le non-respect des directives données par le fabricant peuvent finir, en fin de compte, par une contamination du consommateur, car tous les médicaments sont potentiellement toxiques.

Afin d'éviter une contamination, nous devons agir avec célérité. Présentement au Québec, plus de 200 meuniers offrent le service de préparation des médicaments et plus de 2800 éleveurs possèdent les équipements nécessaires à la préparation de ces aliments. Après évaluation de la situation et sachant que seules les personnes habilitées à vendre des médicaments sont les pharmaciens et que ceux-ci ne disposent pas des équipements nécessaires à la production d'aliments médicamenteux en quantité industrielle, le ministère veut étendre la possibilité de vendre ou préparer des médicaments à d'autres personnes munies d'un permis à cet effet, ce qui assurerait la disponibilité plus grande aux éleveurs québécois des aliments médicamenteux.

Une autre particularité reliée à cette modification serait de restreindre la vente d'animaux ou l'abattage d'animaux ayant reçu un médicament et que la période de résorption n'est pas terminée.

En conclusion, Mme la Présidente, je crois fermement que les nouvelles dispositions à la loi aideront l'ensemble du monde agricole et contribueront à protéger davantage les consommateurs québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais être très bref et mon intervention ne sera là que pour sensibiliser le ministre à une carence dans les règlements pour protéger davantage les animaux.

Je regarde la réglementation et le gouvernement peut faire des règlements sur beaucoup de choses: pour régir la vente, la mise en vente, l'exposition, la détention, le transport, pour fins de vente ou d'échange d'animaux atteints d'une maladie contagieuse, statuer sur des conditions de salubrité sur les écuries, etc., les expositions, toujours pour protéger les animaux lorsqu'ils sont atteints de maladies contagieuses.

Cependant, il y a une chose. Je voudrais sensibiliser le ministre sur un seul point. C'est que, dans des cas où des propriétaires de troupeau abandonnent leur troupeau, soit un abandon simple, soit à cause d'une dette trop onéreuse, une faillite où il pourrait y avoir plusieurs prêteurs, dans ce cas, les animaux, surtout les animaux de ferme, sont laissés à eux-mêmes, ils sont en détresse et les prêteurs se chicanent pendant assez longtemps pour que personne ne réclame les animaux ou ne les vendent entre-temps.

Je ne vois pas de loi actuellement au Québec ni dans cette nouvelle loi de protection un article qui protège ces animaux en détresse. Pour ceux qui connaissent la ferme, vous savez très bien que, si une vache n'est pas traite pendant une semaine, les conséquences sont très graves. Alors, il n'y a rien dans cette nouvelle loi qui protège ces animaux. Il faudrait peut-être faire obligation au prêteur, quand il prête sur un troupeau, de surveiller et, s'il y a abandon, quel que soit le prêt qu'il a fait, qu'il en soit directement responsable. Je ne sais pas. Je crois que c'est au ministre de légiférer dans ce sens pour protéger les animaux de la ferme.

Si jamais il y avait dans cette loi un article pour protéger ces animaux laissés à eux-mêmes, soit par pur abandon, soit aussi parfois par décès, une succession qui ne s'occupe pas des animaux qui sont laissés dans le testament, une ferme abandonnée tout simplement soit par prêt ou soit par pur abandon, eh bien! ces animaux ne sont pas protégés. Ce n'est que pour cette partie que je trouve très importante sur la protection des animaux de la ferme que j'interviens parce qu'on protège par la SPCA les animaux errants, les chats, les chiens sur les routes et les animaux qui sont, en plus d'être nourriciers, des grands fournisseurs autant en lait qu'en laine de la plupart des Québécois. Dans nos lois, je crois que nous n'avons rien pour les protéger lorsque des propriétaires, pour une raison ou une autre, les laissent seuls ou les abandonnent. (17 h 10)

C'est juste pour vous sensibiliser à cela. Si vous apportiez un amendement à cette loi quelque part ou un article spécial pour protéger ces troupeaux en détresse afin que nous les sauvions comme on se doit de le faire, je suis persuadé, M. le ministre, que l'Opposition voterait avec joie cet amendement sans apporter aucune difficulté. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Terrebonne. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de

l'Alimentation, en réplique.

M. Michel Pagé (réplique)

M. Pagé; Merci. C'est avec beaucoup d'intérêt, beaucoup d'attention que j'ai écouté mes honorables collègues, et, plus particulièrement, les commentaires du député de Lévis qui, au cours de l'heure qu'il a occupée cet après-midi, a fait plusieurs commentaires sur le projet de loi 69. Je retiens du débat en deuxième lecture que l'ensemble des députés, et j'en suis fort satisfait, sont d'accord avec le principe du projet de loi. La députée et les députés qui sont intervenus ont indiqué la volonté de cette Assemblée, une volonté clairement exprimée des deux côtés de la Chambre, de souscrire au principe voulant qu'on renforce les mesures visant un meilleur contrôle des aliments, non seulement produits, mais mis en marché au Québec. On a accepté le principe de mesures particulières visant, entre autres, l'insémination artificielle, comme j'ai eu l'occasion d'y faire référence. On sait que notre cheptel québécois fait l'envie de ceux qui viennent nous visiter, la qualité génétique de nos troupeaux fait l'envie de ceux qui viennent ici au Canada et au Québec.

Le Québec a atteint, par la contribution, évidemment, des producteurs, des différentes associations, la structure qu'on s'est donnée, que ce soit pour le contrôle de la santé, que ce soit pour l'insémination artificielle, par les politiques gouvernementales, il faut en convenir. On a atteint un niveau d'excellence de la production et on doit se donner et revoir occasionnellement des mesures comme celles-là, afin de se donner les garanties que ce niveau d'excellence soit, non seulement conservé, mais même dépassé.

Le projet de loi fait référence, entre autres, à tout l'aspect des aliments médicamenteux. Je ne veux pas revenir sur le problème qui a été engendré par la situation de droit qui prévaut depuis quelques années en vertu de laquelle ce seraient les pharmaciens qui seraient habilités évidemment à délivrer de telles ordonnances, à distribuer de tels médicaments, à ajouter et prescrire l'ajout de tels médicaments aux aliments. Cela a été établi. Le gouvernement devait intervenir.

Un premier moratoire a été imposé. J'ai reconduit ce moratoire comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en décembre dernier. Les dispositions qui sont prévues aujourd'hui dans le projet de loi 69 font en sorte qu'on se donne maintenant une structure de droit qui engendrera une situation de fait en vertu de laquelle le problème sera réglé. Le projet de loi vise plusieurs moyens, plusieurs façons de s'assurer essentiellement que ce que le consommateur mange dans son assiette soit de qualité exceptionnelle, hors de tout doute, et qu'on se donne les meilleures garanties. Et pour cela, j'apprécie que les députés de cette Chambre, non seulement souscrivent au principe, mais soient conscients de l'importance de la qualité du contrôle de la qualité de nos aliments, non seulement pour le consommateur, parce que c'est primordial, c'est essentiel, mais aussi pour l'ensemble de l'économie agricole.

Là où je dois sursauter, cependant, et j'ai été très surpris, cela a été de voir les critiques nombreuses qui ont été soulevées par le député de Lévis. J'ai même pensé qu'il avait découvert de vieux discours laissés ou abandonnés dans les banquettes de l'Opposition. Lorsque celui-ci nous dit, entre autres, parce qu'il a passé beaucoup de temps sur l'aspect des règlements... Il en a fait des commentaires sur les règlements. C'était inacceptable. C'était inopportun de la part du ministre de présenter un projet de loi conférant autant de pouvoirs qui doivent être exercés en fonction du pouvoir réglementaire. Mme la Présidente, je dois vous dire que la loi qu'on a déposée constitue l'ossature des objectifs à atteindre, des moyens qu'on entend prendre pour les atteindre, mais la chair sur cette ossature qui viendra nous permettre d'articuler cette loi, de la faire vivre, de l'appliquer dans le milieu, doit s'appuyer, doit s'exercer par le pouvoir réglementaire.

Le député de Lévis a tenté de nous donner des leçons de morale en nous disant que, pour un projet de loi comme celui-là, nous devrions déposer les règlements. Il a même failli présenter une motion d'ajournement ou une motion de report du projet de loi. C'est ce que je pensais, lorsque je l'ai vu parler d'un délai d'une semaine.

Je dois dire ceci: Lorsque le député de Lévis était le ministre de l'Agriculture, lors de la loi 48, la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales, lorsqu'il a présenté devant cette Chambre la Loi sur la prévention des maladies de la pomme de terre, les règlements n'ont pas été déposés. Dans certains cas, les règlements n'ont même pas été encore adoptés. La loi 49, la Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, jamais, selon les informations que je possède, les règlements n'ont été soumis. Ils n'ont même pas été adoptés durant le mandat, après que la loi fut adoptée.

En ce qui concerne la Loi sur le mérite de la restauration et le mérite du pêcheur, qui a été adoptée sous l'ancien gouvernement, projet de loi présenté par mon prédécesseur, les règlements sont en train de se faire. Ils n'ont certainement pas été faits dans le temps de son mandat.

M. le Président, on a fortement décrié le fait que le règlement sur...

La Vice-Présidente: M. le député de Lévis, je m'excuse.

M. Garon: Je pourrais soulever une question de règlement et dire que si le député de Portneuf n'a pas les règlements de la Loi sur le mérite du pêcheur et de la Loi sur le mérite de la restauration, je pourrais lui en fournir une copie, parce qu'ils sont faits depuis longtemps. Les projets de règlement sont faits depuis longtemps...

M. Pagé: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le ministre.

M. Pagé: ...le député de Lévis, au nom de l'Opposition aujourd'hui, veut exiger du gouvernement et m'adresse des reproches, comme titulaire de l'Agriculture et à mon collègue de la Justice, alors que si on a un exemple qu'on ne doit pas suivre comme ministre, c'est bien l'exemple qui a été donné par le député de Lévis, alors qu'il occupait la fonction de ministre de l'Agriculture.

Vous n'avez pas témoigné de la plus grande des transparences au chapitre du pouvoir réglementaire. On a l'intention de faire plus et de faire mieux. Mme la Présidente, je n'ai pas eu besoin des représentations du député de Lévis, parce qu'on a un gouvernement de ce côté-ci de la Chambre qui est conscient, qui est farouchement déterminé à être transparent, à associer davantage, le plus possible, ceux et celles qui sont concernés par les projets de loi à un processus de réaction tout à fait démocratique en commission parlementaire.

C'est pourquoi, dès le mois de décembre, j'indiquais à cette Chambre qu'au moment de l'étude en deuxième lecture du projet de loi sur la santé animale, je serais en mesure - je m'étais engagé - de déposer, après la deuxième lecture, tout l'aspect des règlements qui concerne l'ajout d'un médicament aux aliments.

D'ailleurs, Mme la Présidente, je peux confirmer à cette Chambre que d'ici jeudi en matinée, au plus tard, je pourrai faire parvenir aux députés de la commission parlementaire et aux groupes, aux associations, aux individus que nous rencontrerons la semaine prochaine, le 10 juin prochain, en commission parlementaire, copie du projet de règlement concernant toute la section des aliments médicamenteux et, cela, soucieux que nous sommes d'être transparents, d'être ouverts et, finalement, d'associer celles et ceux qui sont concernés par notre projet de loi, qu'on puisse entendre leurs commentaires avant l'étude du projet de loi en troisième lecture. (17 h 20)

Je ne voudrais pas prolonger indûment ce débat en deuxième lecture. Je peux indiquer ceci, cependant: Le député de Lévis nous a fait part de plusieurs inquiétudes. Pour lui, c'était exorbitant, le pouvoir réglementaire qu'on se donne. Je peux donner l'assurance suivante aux membres de cette Chambre: Le pouvoir réglementaire n'est pas plus envahissant, si je peux utiliser le terme, n'est pas plus important dans ce projet qu'il ne l'était dans le projet de loi déposé par mon prédécesseur. Nous aurons l'occasion en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi article par article - c'est donc dire après les auditions du mardi 10 juin prochain - de démontrer hors de tout doute le caractère sérieux, le bien-fondé, le pourquoi des dispositions prévues au présent projet de loi accordant un pouvoir réglementaire, lequel n'est pas plus exorbitant que ce que l'ancien ministre avait lui-même prévu dans le projet de loi qu'il avait déposé ici à l'Assemblée nationale et qui n'a pas été adopté.

Mme la Présidente, je ne reprendrai pas les propos du député de Lévis qui en a profité, comme d'habitude, pour sortir un peu du sujet, pour causer. Comme on le sait, le député de Lévis est de commerce agréable, et c'est pourquoi je n'ai pas soulevé de question de règlement, même s'il était tout à fait en dehors du sujet. Cela avait quand même un certain intérêt pour nous, compte tenu du caractère intéressant et parfois pittoresque de ses propos.

Le député de Terrebonne a soulevé une question très intéressante. Il demande aux législateurs du Québec, à l'Assemblée nationale du Québec de profiter de l'étude de ce projet de loi pour prévoir des dispositions permettant une intervention immédiate, rapide, dans le cas d'abandon d'animaux. Le problème est le suivant. Il y a certainement pour nous un intérêt à intervenir. Cependant, les dispositions législatives qui régissent actuellement de tels actes s'inscrivent dans le cadre d'infractions prévues au Code criminel. C'est en vertu du Code criminel du Canada qu'une intervention peut être faite. Cependant, je peux prendre auprès du député de Terrebonne l'engagement que cette question sera étudiée et nous aurons l'occasion de discuter de sa proposition lors de l'étude du projet de loi article par article en commission parlementaire.

En parlant des infractions, le député de Lévis se dit surpris. Je dois dire que la loi précédente n'avait pas de section particulière visant les infractions. La loi actuelle prévoit plutôt des dispositions en vertu desquelles des contrôles, des infractions peuvent être imposées aux contrevenants à certaines dispositions de la loi. J'ai préféré regrouper les infractions, les poursuites sous l'égide d'une section particulière. Je donne suite aux recommandations qui avaient d'ailleurs été formulées à mon prédécesseur, selon les informations que j'ai de la part des gens qui

siègent au comité de la législation, mais il avait préféré maintenir une structure juridique d'infractions qui apparaissaient un peu partout, des 10 $, 15 $, 25 $ et 100 $, alors que nous croyons qu'il est plus judicieux d'intervenir par une section particulière pour les infractions. L'objet des dispositions de cette loi est important, c'est un secteur vital pour le consommateur du Québec, pour l'économie agricole. Nous prendrons les moyens rigoureux pour nous assurer que nos lois seront respectées. Cet objectif commandait d'écrire une section particulière pour les infractions.

Mme la Présidente, voilà l'essentiel de la réplique que j'avais à faire. J'ose espérer que le vote sera unanime sur le principe. Nous serons disposés, mardi prochain, à entendre les groupes, lesquels seront invités, soit dit en passant, dès demain après-midi. Ils recevront copie du règlement concernant le volet des aliments médicamenteux, et ils pourront compléter leurs réflexions et leur analyse avant de venir témoigner ici mardi prochain. Dès la fin de ces travaux, nous amorcerons - dès le lendemain, j'espère bien - l'étude du projet de loi article par article. On pourra alors reprendre chacun des reproches ou des inquiétudes soulevées par le député de Lévis qui, selon moi, a sorti aujourd'hui un vieux discours d'Opposition et nous l'a purement et simplement livré. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le débat étant clos, le principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour déférer le projet de loi 69 à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

J'avise cette Assemblée que la commission tiendra des auditions particulières avant de procéder à l'étude détaillée du projet de loi. La liste des représentants d'organismes qui devraient être entendus le mardi 10 juin 1986 sera communiquée à l'Assemblée dans les meilleurs délais, probablement demain, après consultation avec l'Opposition.

Je voudrais en profiter, Mme la Présidente, pour répéter un avis qui a été donné ce matin, à savoir que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'ali- mentation poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 71, Loi modifiant la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles, et ce, immédiatement jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, le tout à la salle du Conseil législatif.

Je vous demanderais maintenant, Mme la Présidente, d'appeler l'article...

M. Chevrette: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Est-ce que le leader adjoint du gouvernement me permet une question? Je voudrais vérifier si j'ai bien compris tout à l'heure. Le ministre a annoncé en cette Chambre dans son droit de réplique qu'il avait l'intention de déposer la réglementation et je n'ai pas saisi quel jour de la semaine prochaine il avait l'intention de déposer le projet de règlement. Cela pourrait avoir de l'importance, parce que, si c'est mardi, cela permettrait à tous les parlementaires d'avoir le projet de réglementation pour interroger les groupes qui seront convoqués.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Pagé: Mme la Présidente, j'ai indiqué que les règlements concernant une section de la loi seraient disponibles tel que je m'y étais engagé en décembre. C'est donc dire qu'à compter de jeudi matin, au plus tard, je pourrai transmettre aux membres de la commission et aussi aux invités qui viendront témoigner le mardi 10 juin les règlements concernant l'aspect des aliments médicamenteux, mais seulement cette partie de la réglementation.

La Vice-Présidente: Est-ce que cela répond à votre question, M. le leader de l'Opposition?

M. Chevrette: Oui.

La Vice-Présidente: Est-ce que la motion pour déférer ledit projet de loi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation est adoptée?

M. Chevrette: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: L'article 3, Mme la Présidente.

Projet de loi 60

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 3, nous allons donc reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 60, Loi modifiant le Code de la sécurité routière. M. le leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais tout d'abord dire au ministre des Transports que l'Opposition adhère totalement au principe de ce projet de loi. Vous savez sans doute qu'à titre d'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, j'ai été à même de mesurer à plusieurs reprises l'impact énorme de la conduite automobile sur le bilan de la santé au Québec. Lorsqu'on regarde, par exemple, les chiffres de 1985 et qu'on y observe 63 000 accidents de la route, soit 12 % de plus qu'en 1984, je pense que ces chiffres sont d'une éloquence totale. De ces 63 000 accidents, environ 45 000 ont causé des dommages corporels dont 7700 blessures très graves et 54 000 blessures légères aux personnes impliquées dans ces accidents.

Ce bilan en vies humaines et, dans bien des cas, en personnes handicapées pour le reste de leur vie ou encore hospitalisées temporairement est plutôt effroyable. Je pense que les gouvernements, depuis déjà plusieurs années, se soucient de ce problème, de cette calamité, si on peut s'exprimer ainsi, qui, malheureusement n'est pas près de diminuer. Je pense qu'il nous faut absolument inventorier la gamme des solutions possibles. On a essayé par la prévention dans beaucoup de villes du Québec. Entre autres - cela en a fait sourire plusieurs - dans la région de l'Estrie, à Rock-Forest, on a utilisé des mannequins dans les autos-patrouilles pour essayer de sensibiliser la population à la prudence. Cela n'a pas porté tous les fruits escomptés. Le ministre nous présente cette fois-ci un projet de loi dans lequel il insère des mesures un peu plus radicales quant au montant des amendes pour les infractions. Je ne pense pas que l'Opposition s'opposera au contrôle de ces actes criminels, loin de là. (17 h 30)

D'autre part, j'espère que le ministre, lors de la commission parlementaire... Cet exposé se veut une sensibilisation. Il y a eu des exposés de faits en cette Chambre; je pense au député d'Ungava qui a exposé quelques idées hier qui peuvent être très intéressantes à traiter quant au permis de travail et peut-être lors de la première infraction. Je demanderais au ministre, d'ici les travaux de cette commission parlementaire, d'y songer sérieusement parce que, dans bien des cas, il y a des circonstances atténuantes qui peuvent de facto ou prima facie, à première vue, être étudiées de façon différente que de voir quelqu'un appliquer une loi de façon radicale. À mon avis, cela mériterait d'être fouillé un peu plus.

Il y a également la petite notion de l'oubli de renouvellement comparativement à celui qui ne se conforme pas du tout à la loi. Un simple oubli semble être traité sur le plan financier de la même façon: 600 $ pour une infraction, un simple oubli. Je ne sais pas, mais peut-être que le ministre aura des arguments pour dire: On doit y penser, quand arrive l'échéance d'un permis de conduire; si vous n'y pensez pas, tant pis pour vous! C'est possible, mais j'écouterai le ministre là-dessus. Il me semble que c'est peut-être un peu fort.

Il y a un autre aspect qui m'a frappé à la lecture de ce projet de loi, c'est la récidive. Sur la récidive, le ministre est clair et son projet de loi parle de lui-même. On a une excellente occasion de dire aux gens: C'est fini, il n'y aura plus de folie là-dessus, surtout pour les actes criminels. Je pense que l'Opposition sera entièrement d'accord avec le ministre, qu'il ne s'inquiète pas là-dessus. Cependant, pour les paroisses, les villes ou les milieux frontaliers, est-ce que le ministre, lors de sa réplique ou à la commission parlementaire, pourrait nous dire si le "racket" des permis de conduire des autres provinces ne viendrait pas jouer dans le décor? Je vous avoue qu'on n'en a pas parlé tellement en Chambre, mais on me dit que c'est devenu une pratique assez courante dans certains milieux frontaliers.

J'aimerais savoir quels sont les moyens à la disposition du ministre des Transports pour éviter cette fameuse utilisation du permis d'une autre province dans la province de Québec. On sait que ce peut être le cas, par exemple, en Ontario, ce peut être le cas même d'un permis américain, celui du Vermont, par exemple, pour ceux qui sont à proximité du Vermont, ou encore du Nouveau-Brunswick. J'aimerais savoir si le ministre a prévu des mécanismes pour vérifier si ce "racket" n'est pas simplement la soupape de ceux qui voudraient échapper aux règles de la province de Québec?

Un dernier point là-dessus avant de donner la chance au ministre de faire sa réplique. J'aimerais savoir du ministre s'il a fait faire des évaluations par son ministère, par ses hauts fonctionnaires, sur le nombre d'individus, de conducteurs québécois qui pourraient se promener sur les routes du Québec sans permis de conduire. Tout en étant d'accord avec le principe de la suspension des permis, est-ce que la loi ne sera pas la cause, par le fait même - c'est une question fondamentale qu'il faut se poser - s'il y a perte de permis de conduire, de facto, qu'il y ait plus de gens sur les routes

sans permis de conduire?

Le ministre a-t-il fait évaluer par ses hauts fonctionnaires s'il n'y a pas danger de revenir à peu près à la situation que l'on a connue antérieurement à la Loi sur l'assurance automobile où un grand nombre de conducteurs se promenaient, par exemple, sans assurance au Québec? Comme il y a une partie de l'assurance qui est reliée au permis de conduire, est-ce que le fait de suspendre les permis de conduire n'aura pas pour effet - c'est une question que je pose, je suis d'accord avec la mesure, je veux rassurer le ministre - n'y aura-t-il pas danger que l'on retrouve sur les routes du Québec un très grand nombre de conducteurs sans permis, donc, sans assurance, ce qui forcerait le ministre, à mon point de vue, à revenir avec ce fameux fonds d'indemnisation des victimes d'actes criminels que l'on avait antérieurement, parce que les individus n'avaient pas le sou, n'avaient pas d'assurance et que les victimes, pour avoir de l'argent, devaient faire une réclamation au Fonds d'indemnisation des actes criminels du Québec?

Ce sont là quelques questions. Bien sûr que nous aurons à étudier en détail article par article ce projet de loi. Recevez l'assurance que l'Opposition votera pour le principe de ce projet de loi et proposera au ministre certains amendements, certaines clarifications et certaines mesures susceptibles de bonifier ce projet de loi, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

M. le ministre des Transports, en réplique.

M. Marc-Yvan Côté (réplique)

M. Côté (Charlesbourg): Mme la Présidente, je suis extrêmement heureux à ce moment-ci d'avoir la chance de conclure sur le discours de deuxième lecture et de remercier en premier lieu l'Opposition et les députés ministériels qui se sont levés en grand nombre pour démontrer très clairement qu'il était possible de faire l'unanimité autour de principes lorsque la situation le permet et, dans ce cas-ci, au niveau du Code de la sécurité routière.

Le discours de jeudi dernier en cette Chambre était très clair et se voulait le plus limpide possible. Je conviens que ce ne sont pas tous les députés qui ont la chance d'être dans les dossiers de la même manière que le ministre l'est presque quotidiennement avec cet ensemble de dossiers. Ayant eu à le défendre aux comités ministériels, au Conseil des ministres, je possède donc toute une série d'informations à ce moment-ci que je ne pouvais, bien sûr, et dont je n'avais pas le temps de donner à l'ensemble de la population et aux députés présents. À l'étude article par article en commission parlementaire, il y a donc toute une série d'informations que je pourrai transmettre à la fois aux députés de l'Opposition et aux députés ministériels qui s'interrogent sur un ensemble de points qui, je pense, devront être discutés plus à fond en présence des gens de la Régie de l'assurance automobile qui m'accompagneront lors de l'étude article par article. Que ce soit par oubli, au sujet du permis restreint, des problèmes frontaliers qui ne sont pas touchés par ces problèmes-ci... J'en profite pour informer le député de Joliette qu'il n'est pas possible d'obtenir un permis provenant de la province de l'Ontario si vous ne déposez pas votre permis valide provenant du Québec.

Ce que nous avons connu comme expérience il y a quelque temps, un journaliste allant se chercher un permis à Hawkesbury en Ontario, celui-ci n'a pas obtenu le permis après vérification puisqu'il avait donné une case postale et que pour obtenir un permis de l'Ontario il faut donner une adresse. Ne fournissant pas une adresse, il n'a donc pu obtenir le permis. Il y a donc eu des échanges additionnels avec l'Ontario pour tenter de colmater toutes les brèches possibles quant aux permis et obligation est faite à celui qui va obtenir un permis de l'Ontario de déposer copie du permis provincial. Si ce permis devenait un permis suspendu, après échange d'informations avec la province de Québec, l'Ontario poursuivrait l'individu et vice versa, compte tenu des échanges que nous avons avec l'Ontario.

Effectivement, Mme la députée de Maisonneuve qui est porte-parole et critique officielle de l'Opposition en matière de sécurité routière, avait un certain nombre d'inquiétudes sur les dossiers qu'elle a évoqués où nous aurions dû intervenir à ce moment-ci. Cette démarche de mesures qui interviennent à ce moment-ci vise des actes criminels. Je l'ai fort bien dit et répété, c'est une première démarche. D'autres viendront à l'automne à nouveau quant au Code de la sécurité routière visant principalement le port de la ceinture de sécurité de même que la vérification mécanique, d'autres causes dans lesquelles on doit intervenir pour baisser le coût des accidents.

Ce que nous avons voulu faire, c'est intervenir effectivement là où 50 % des accidents sont causés par la boisson. C'est cette première mesure que nous pouvions adopter dès maintenant pour qu'elle soit appliquable au cours de l'été. Encore ce matin, dans les journaux, on lisait: Neuf morts accidentelles hier sur les routes du Québec. Excès de vitesse, boisson, etc. Regardez chaque jour, chaque fin de semaine, selon les heures, du vendredi soir

jusqu'au dimanche matin, toute une série de personnes perdent la vie ou ont des blessures sérieuses et le phénomène de l'alcool est présent partout. (17 h 40)

Je suis heureux que l'Opposition ait donné son accord à des mesures aussi - il faut bien le dire - draconiennes, des mesures très dures que j'avais annoncées au mois de mars et au sujet desquelles la presse disait que le ministre des Transports n'avait pas lésiné. Je pense qu'il faut marquer un temps d'arrêt à ce moment-ci pour bien signifier à tout le monde que le temps des folies sur les routes est terminé.

Si j'ai bien lu et, dans certains cas, entendu les discours, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, deux problèmes majeurs subsistaient quant à l'impossibilité pour quelqu'un qui serait condamné en vertu des quatorze points du Code criminel que j'ai évoqués lors de mon discours de deuxième lecture d'obtenir un permis restreint. Cela causait certains problèmes aux yeux de l'Opposition et l'exemple des camionneurs donné par le député d'Ungava mérite qu'on s'y attarde davantage.

Il faut se rappeler et ne jamais oublier qu'actuellement la personne qui perd son permis de conduire parce qu'elle a eu 0,08 % d'alcool dans le sang n'a pas la possibilité d'obtenir un permis restreint. Si c'est plus de 0,08 %, cette personne perd son permis et ne peut pas aller devant un tribunal pour obtenir un permis restreint parce que c'est impossible. Le délai aujourd'hui est de trois mois. Nous ajoutons à ces trois mois neuf autres mois de façon que les gens réfléchissent. Si c'est une cause de perte d'emploi, ce le sera aussi - ce l'est actuellement - parce que déjà, dans le Code criminel fédéral, les individus sont privés de la possibilité d'obtenir un permis restreint. Donc, nous ajoutons neuf mois pour bien signifier que c'est fini.

On dit souvent que pour l'alcool, il faut frapper dur. J'ai aussi eu des recommandations. En circulant dans tout le Québec, j'ai rencontré des individus qui disaient: Côté, tu y vas dur! Souvent aussi, des camionneurs m'ont dit: Écoute! les fins de semaine on aime bien ça, nous autres aussi, aller fêter; comme on n'a pas notre camion pour travailler, on peut se permettre un peu plus de liberté. Bien, je ne suis pas sûr de cela du tout et j'aurai beaucoup de plaisir à dialoguer, à échanger des commentaires avec les députés en commission parlementaire, parce que si le comportement humain est tel pendant les fins de semaine lorsque vous êtes en congé, vous risquez autant la vie des personnes sur la route que vous pourriez éventuellement la risquer au volant d'un camion, je pense que, dans ce sens-là, cela va prendre de l'argumentation additionnelle afin de me convaincre qu'on puisse reculer là-dessus. Mais je ne suis pas fermé et je pense que l'étude article par article, avec de l'argumentation additionnelle de part et d'autre, nous permettra de cheminer et peut-être d'éclairer davantage, par des faits, l'Opposition sur ce qu'on devrait faire. Je ne suis pas fermé; nous allons en discuter.

Une remarque de mon collègue de Louis-Hébert m'a impressionné. Je veux la répéter parce que je la trouve vraie. Il disait: Le fait de pouvoir conduire un véhicule automobile ne découle pas d'un droit fondamental, mais d'un privilège. Effectivement, c'est un privilège aujourd'hui de conduire une automobile ou un camion. Ce n'est pas un droit fondamental. À partir du moment où on s'entend sur cette base, on ne lèse personne qui abuse d'un privilège. Nous ramenons les choses à leur véritable dimension. Ce que nous voulons, c'est protéger la vie de ceux qui respectent les lois et règlements au Québec. Dans ce sens, cela a été une remarque fort appréciée de la part de mon collègue.

Lorsqu'on parle d'infractions criminelles, les 14 que j'ai mentionnées, négligence causant des lésions corporelles, je pense, aujourd'hui, que le temps a prouvé que nous devons agir de façon définitive. La campagne de publicité menée par la Régie de l'assurance automobile qui a pour thème "L'alcool, c'est criminel" a, aujourd'hui, toute sa signification. Je n'ai pas besoin de vous rappeler à ce niveau qu'il est encore extrêmement facile d'obtenir un permis restreint et que 95 % des gens qui demandent ce permis restreint l'obtiennent. Comme je l'ai dit, il s'agit d'avoir le meilleur avocat et d'avoir un bon juge. À ce moment, tout est plaidable et, finalement, on ne se gêne pas d'amener toute une série de personnes pour témoigner en faveur du contrevenant.

Dans l'application de tout cela - cela fait référence a ce qu'a dit Mme la députée de Maisonneuve et ce qu'a répété le député de Joliette aujourd'hui - combien y a-t-il de personnes qui, aujourd'hui, circulent sur les routes du Québec et qui n'ont pas de permis? On évalue à peu près entre 250 000 et 300 000 le nombre de personnes qui circulent sur les routes du Québec sans permis. Est-ce que les mesures proposées n'auront pas l'effet d'ajouter? Je pense que c'est une question qui est très bien posée et a laquelle il faudra répondre. Mais un premier élément de réponse est que, dans la mesure où nous donnons au Code de la sécurité routière toutes les dents qu'il faut, ainsi nous faciliterons le travail des policiers qui pourront davantage arrêter les gens sans faire rire d'eux sur les routes du Québec. Encore faudra-t-il que ce travail se fasse et j'y reviendrai tout à l'heure.

Finalement, perdre un permis, ce n'est

pas la fin du monde non plus. Si vous voulez sortir - cela s'adresse a l'ensemble de la population du Québec - pour aller prendre un bon coup un samedi soir, un vendredi soir ou un dimanche, sortez avec des amis et organisez-vous pour qu'il y en ait un dans la "gang" qui ne prenne pas un coup, premièrement. Deuxièmement, il y a des taxis et, troisièmement, il y a le transport en commun. Finalement, si vous êtes dans un hôtel, il y a des chambres. De telle sorte que vous allez protéger non seulement votre vie, mais la vie de ceux que vous pourriez rencontrer sur les routes du Québec.

C'est aussi très important. Je vois le député de Joliette qui acquiesce et qui dit que cela a bien du bon sens. Je pense qu'on va sauver toute une série de victimes, donc des coûts ultimement.

Certains disent: Effectivement, on gagne notre vie avec notre permis de conduire. Ce que je réponds à cela: Si votre vie dépend de la route, raison de plus de respecter les lois et de s'assurer que vous ne mettez pas votre vie et celle des autres en danger. Là-dessus, c'est clair. Nous verrons en cours de discussion article par article les amendements ou les aménagements additionnels que nous pourrions apporter.

Le deuxième élément majeur sur lequel l'Opposition a posé des questions était au niveau des amendes imposées qui passent de 200 $ à 600 $ et de 500 $ à 2000 $. Je pense que je pourrai, à ce moment-là, fournir certainement à l'Opposition toute une série d'arguments et de statistiques qui révéleront très bien ce que nous visons. C'est véritablement d'inciter les récidivistes à ne pas commettre d'autres bévues comme celle-là et leur dire que, bien souvent, c'est par l'argent qu'on va réussir à les avoir. Et les peines sont effectivement très sévères. La vision globale, elle est claire. Nous voulons, dans un premier temps, inscrire notre démarche contre les actes criminels. Nous allons, par la suite, intervenir par d'autres amendements qui visent toujours la sécurité routière dans le code à l'automne. Nous allons - et nous avons déjà fait, dans certains cas - publié deux règlements concernant le transport de matières dangereuses, concernant les normes d'arrimage.

Nous publierons, très bientôt, une tarification simplifiée des paiements, des permis, des immatriculations. Nous allons continuer dans cette voie dans le domaine de l'éducation, par un règlement régissant les cours de conduite automobile. Ce que nous faisons maintenant, bien sûr, d'abord, nous rendons plus sévères les peines, mais plus significatives aussi. Nous simplifions nos lois, nos règlements pour les rendre plus faciles à comprendre, d'abord, par ceux qui doivent les respecter et, ensuite, par ceux qui doivent les appliquer. Donc, ce que nous visons, c'est une application plus rationnelle, mais beaucoup plus rapide, beaucoup plus facile de nos lois et règlements.

Deuxièmement, et la question a été posée, elle a été soulevée, à propos: moyens pour faire appliquer la loi. C'est clair qu'immédiatement on fait référence aux policiers, aux corps de police qui ont à appliquer cette nouvelle loi, ces règlements. Le plus bel exemple, je l'ai donné en deuxième lecture, dans la région 03, avril 1985 par rapport à avril 1984, au-delà de 7000 infractions additionnelles de distribuées par rapport à 1984, ce qui a signifié une présence beaucoup plus soutenue des effectifs policiers sur les routes et, dans ce sens -oui, on me signale que c'est 1986 par rapport à 1985 - cela a signifié très nettement une baisse de 150 accidents, et, par conséquent, on a sauvé des vies et des blessures majeures. (17 h 50)

II est possible, dans l'état actuel de nos lois, de faire mieux avec ce que nous avons en simplifiant davantage nos lois, en y mettant davantage, nous allons revaloriser le rôle du policier, et celui-ci pourra faire son travail sans penser que, demain, quelqu'un qui n'a pas son permis ou un récidiviste puisse passer devant lui en disant: On peut contourner la loi et on peut obtenir un permis restreint quand on voudra, il s'agit d'avoir le bon avocat et le bon juge. Nous avons donc limité à son strict minimum la possibilité de l'obtenir et même à l'automne, lors de la deuxième révision du Code de la sécurité routière, nous allons aussi agir à ce sujet pour bien baliser la possibilité d'obtenir ces permis restreints. Encore là, il faut bien comprendre que la personne qui perdrait son permis de conduire parce qu'elle a reçu quatre "tickets" et que cela totalise au-delà de douze points n'est pas visée par les amendements que nous présentons aujourd'hui. Elle pourra toujours justifier devant le juge que son permis lui est nécessaire pour son travail. À ce sujet, nous n'avons rien changé. À l'automne, nous le baliserons davantage parce qu'il n'est pas normal que, dans les cas de suspension d'un permis d'un individu pour infraction au code, 95 % des personnes qui se présentent devant les tribunaux puissent recevoir un permis restreint. Je pense qu'il y a une certaine balise et qu'il n'est pas vrai que tout le monde a obligatoirement besoin de son permis pour travailler. Un camionneur, j'en conviens, mais quelqu'un qui se rend au travail au centre-ville n'a pas nécessairement besoin de son permis pour aller travailler. Il y a du transport en commun et je pense que les règlements sont là pour être respectés et ils le seront.

Donc, il y a un troisième niveau où il faudra intervenir: Sur le plan de l'éducation. Je l'ai dit tout à l'heure et je le répète:

Nous allons intervenir par un règlement sur les écoles de conduite, celles-là mêmes qui forment les jeunes individus qui vont chercher leurs permis et qui devront être beaucoup plus sélectives et devront faire leur enseignement en fonction de l'ensemble du Code de la sécurité routière et non pas en fonction de questionnaires qui auraient été piratés par X individus qui vont ramener telle question du questionnaire, tel individu, la septième ou tel individu la dixième, de telle sorte qu'au bout de deux semaines, certaines écoles de conduite puissent obtenir l'ensemble du questionnaire et préparer le cours en fonction des questions posées.

À celles-là, je dis: Préparez-vous, nous aurons des surprises pour vous très bientôt. Évidemment, l'éducation, oui, la sensibilisation, l'information du public et la Régie de l'assurance automobile feront une bonne partie de ce travail.

En terminant, Mme la Présidente, je veux remercier de l'excellente collaboration que j'ai eue tout au cours de ces travaux -cela va se poursuivre - la Régie de l'assurance automobile, tous ceux qui ont travaillé, l'Opposition qui appuie les principes de ce projet de loi et mes collègues ministériels qui sont intervenus en grand nombre également pour souligner l'importance que le gouvernement attachait à cette mesure.

En conclusion, je vous dis: Si sur le plan de l'éducation et de l'information, on ne réussit pas à faire comprendre aux gens que l'alcool au volant, c'est criminel, il convient maintenant de rendre nos actions cohérentes avec notre pensée. C'est dans cette optique qu'il nous fallait donner à la loi tout le sens que nous lui avons donné. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Transports. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Mme la Présidente, en vertu de l'article 213 de notre règlement, j'aimerais poser une question au ministre des Transports.

La Vice-Présidente: Effectivement, M. le député d'Ungava, en vertu de l'article 213, il vous est permis de poser une question au ministre des Transports. Mais j'aimerais vous rappeler, M. le député d'Ungava et également M. le ministre des Transports, que la question et la réponse doivent être brèves. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, Mme la Présidente.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais d'abord consentir.

M. Claveau: Merci de votre consente- ment. Est-ce que, à la suite de ce que vient de dire le ministre, il a l'intention de réviser l'ensemble de la législation concernant le camionnage en général, peut-être d'une façon plus spécifique le camionnage en vrac ainsi que le transport du bois en longueur qui reste toujours une zone grise à l'intérieur de la législation québécoise du camionnage.

La Vice-Présidente: M. le ministre des Transports.

M. Côté (Charlesbourg): Cela ferait l'objet d'une très bonne question lors de la période des questions. Je pense qu'on pourrait discuter très longtemps de l'incidence de la question que vous posez par rapport à la sécurité routière. Il y a effectivement un règlement qui existe sur le transport des matières en vrac. On peut aussi parler des billots sur certaines routes. D'ailleurs, j'ai reçu dernièrement des gens de l'industrie papetière et de l'Association du bois de sciage qui ont fait certaines revendications à ce sujet. Nous avons convenu de former avec le ministère un comité qui analysera l'ensemble de cette réglementation afin de la rendre plus conforme aux exigences d'aujourd'hui.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Transports.

Le débat sur le projet de loi 60 est donc terminé et nous allons passer à l'adoption du principe. Est-ce que le principe du projet de loi 60, Loi modifiant le Code de la sécurité routière, est adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour déférer le projet de loi 60 à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, étant donné l'heure...

M. Chevrette: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...est-ce que vous annoncez le report ou si on doit vous en faire la demande? La ministre arrive, cela va.

M. Lefebvre: J'allais demander la suspension des travaux, mais étant donné l'arrivée de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, nous allons passer au débat de fin de séance.

Débat de fin de séance

La Vice-Présidente: Effectivement, en vertu des règlements de cette Chambre, le président a reçu un avis demandant un débat de fin de séance. J'aimerais informer les deux partis, à savoir le député de Gouin et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'ils ont un droit de parole de cinq minutes chacun et que le député de Gouin a droit à une réplique de deux minutes.

M. le député de Gouin.

Deniers réduits au programme de soins dentaires pour les enfants

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. En annonçant une coupure de l'ordre de 8 000 000 $ à 20 000 000 $ au programme de soins dentaires pour les enfants, la ministre de la Santé et des Services sociaux indiquait une fois de plus de façon très claire que la santé dentaire des enfants du Québec se situait au dernier rang de ses priorités personnelles. C'est un choix politique qu'a effectué la ministre de la Santé et des Services sociaux que d'appliquer cette coupure budgétaire au programme de soins dentaires plutôt qu'à un autre programme de la Régie de l'assurance-maladie du Québec ou plutôt qu'à un autre poste budgétaire de son ministère qui, rappelons-le, a un budget de l'ordre de 8 000 000 000 $.

Si la santé dentaire des enfants du Québec était importante, si cette santé dentaire était prioritaire pour la ministre de la Santé et des Services sociaux, elle aurait protégé pleinement le programme actuel de soins dentaires qui, faut-il le rappeler, de l'avis de tous, a fait ses preuves, puisqu'il a permis aux Québécois de voir leur état général de santé dentaire s'améliorer considérablement au cours des dernières années et pour lequel les enfants du Québec ont encore des besoins importants puisque, là aussi, l'ensemble des intervenants reconnaît que nous avons encore du rattrapage à faire en cette matière.

Mais, pour la grande responsable de la santé des Québécois et des Québécoises et des familles québécoises, comme ministre responsable de la famille, il est évident que le dossier de la santé dentaire des enfants du Québec n'est ni une priorité politique ni une priorité budgétaire. D'ailleurs, cette coupure a suscité l'opposition unanime de tous les spécialistes du domaine de la santé dentaire et des différentes associations familiales du Québec, donc de tous ceux et de toutes celles qui se préoccupent de la santé dentaire des enfants du Québec, pour qui c'est une question importante.

Toutes ces personnes sont venues s'opposer fortement à cette décision. Cette nouvelle coupure de la ministre de la Santé et des Services sociaux dans le programme des soins dentaires met fin aux deux examens annuels qui étaient payés jusqu'à maintenant par la Régie de l'assurance-maladie. Maintenant, il n'y aura qu'un seul examen payé. Cette décision va à l'encontre de la pratique de la dentisterie, de l'enseignement dispensé en la matière dans les universités du Québec, du Canada et des États-Unis et des recommandations de l'ensemble des spécialistes du domaine. Tout le monde reconnaît que, pour des enfants, deux examens annuels sont nécessaires, souhaitables pour une bonne santé dentaire. D'ailleurs, personne, aucun spécialiste n'est venu appuyer la décision de la ministre. Tout au plus, la ministre a-t-elle réussi à trouver quelques spécialistes qui s'interrogent sur l'absolue nécessité d'un tel programme de deux examens par année.

D'autre part, il faut rappeler que cette compression budgétaire ne représente pas que 8 000 000 $ de coupures, mais bien n'importe quoi entre 8 000 000 $ et 20 000 000 $ et je m'explique. Un examen annuel pour les enfants du Québec, c'est vrai, c'est 8 000 000 $. Mais lorsque les enfants se présentaient à cet examen chez le dentiste, celui-ci, à l'occasion, dépistait des caries. La réparation des caries était assurée et elle est toujours assurée par la Régie de l'assurance-maladie. Elle représente une somme d'environ 12 000 000 $.

Or, les enfants ne se présentant pas chez le dentiste pour ce deuxième examen, on ne dépistera pas de caries et on les réparera encore moins. Donc, l'économie totale pour le gouvernement du Québec de cette coupure n'est pas de 8 000 000 $, mais bien de 8 000 000 $ à 20 000 000 $. D'autre part, il faut rappeler que ces études que la ministre a tenté de citer ne sont sûrement pas très convaincantes, puisqu'elle a maintenu deux examens par année pour les enfants dont les parents sont bénéficiaires de l'aide sociale.

Nous, du Parti québécois, sommes d'accord avec cette mesure, puisque nous souhaitons que tous les enfants du Québec bénéficient de deux examens chez le dentiste par année, tel que c'était le cas sous un gouvernement du Parti québécois.

Il faut rappeler aussi, Mme la

Présidente, qu'il s'agit là de l'introduction d'un ticket modérateur de 23 $ pour donner accès aux enfants du Québec à des soins dentaires dans bon nombre de cas. Donc, il faut conclure que c'est la fin de la gratuité, que cela réduit l'accessibilité au programme parce que des gens n'auront pas les moyens de payer cet examen; finalement, c'est la fin de l'universalité puisqu'il y aura deux catégories de citoyens, les enfants dont les parents sont bénéficiaires de l'aide sociale et les autres enfants du Québec, alors que l'universalité veut dire tout le monde sur un pied d'égalité. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Mme la Vice-Présidente: Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. On vient d'avoir une autre démonstration de la capacité quasi incroyable de démagogie du député de Gouin. Quand il vient nous dire - je vais reprendre la dernière remarque - qu'on vient d'introduire un ticket modérateur parce que les bénéficiaires de l'aide sociale vont continuer à être couverts et que les autres ne le seront pas, peut-il nous dire ce que son gouvernement a fait quand il a coupé la restauration pour les enfants de 13, 14 et 15 ans, mais qu'on l'a gardée pour les bénéficiaire de l'aide sociale?

Une voix: Exact.

Mme Lavoie-Roux: II nous dit: C'est la dernière des priorités, pour la ministre de la Santé et des Services sociaux, que la santé dentaire. Je dirais: Ce gouvernement n'avait pas de priorités, puisqu'en 1982, il a coupé pour 30 000 000 $ dans les services de santé dentaire, sans compter que l'actuel chef de l'Opposition avait même proposé à son gouvernement - il était ministre de la Santé et des Services sociaux dans le temps - l'abolition totale des programmes de soins dentaires.

Cela dit, je pense que la population n'est pas dupe des exagérations du député de Gouin. Il est important pour la population de savoir que le programme de santé dentaire pour les enfants est conservé tel quel sauf pour cette coupure de 8 000 000 $ sur un programme global de 71 000 000 $. La seule différence, c'est que les enfants ne pourront avoir recours qu'à un examen au lieu de deux, mais que le reste des services, ce qui inclut les services diagnostics pour les groupes d'âge jusqu'à quinze ans inclusivement, les services de restauration pour les enfants de zéro à douze ans, les services de prévention dont seuls les enfants de douze à quinze ans sont couverts par le programme, les moins de douze ans étant visés par le programme public de services dentaires préventifs...

Mme la Présidente, c'est donc ce que je veux dire à la population et c'est ce qui intéresse la population. L'ensemble du programme de santé dentaire pour les enfants, tel qu'il existe, sauf pour la réduction de deux à un examen par année, est conservé dans sa totalité. Je voudrais rappeler également que de toutes les provinces du Canada, les deux seules autres provinces qui ont un programme comparable au nôtre sont la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard où on n'a qu'un examen dentaire par année.

M. le député de Gouin peut bien se réclamer de l'appui des spécialistes et de l'Association des dentistes du Québec, mais ils étaient prêts, eux, à troquer cet examen contre la disparition totale de tout service d'examen et de dépistage, pour les enfants de treize, quatorze et quinze ans qui n'ont absolument rien d'autre à leur disposition.

M. le Président, je suis contente de dire à la population que, non seulement le programme est réduit de deux examens à un, mais qu'il couvrira encore tous les autres programmes actuels et que, pour notre gouvernement, contrairement à l'Opposition alors qu'elle était le gouvernement, la priorité, c'est la santé. J'en veux comme preuve que nous avons ajouté cette année dans le budget global de la Santé et des Services sociaux 465 000 000 $ alors que l'autre gouvernement qui était là avant n'a fait que couper et couper au point que quand nous avons pris la relève, nous avons dû ramasser les pots cassés.

Mme la Présidente, je suis contente de dire à la population: Vous pouvez continuer d'amener vos enfants chez le dentiste. J'espère que vous allez les amener en plus grand nombre et que la santé dentaire, non seulement dans le cabinet du dentiste, mais également dans la vie quotidienne, deviendra une priorité pour l'ensemble des familles québécoises. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le député de Gouin, en réplique.

M. Jacques Rochefort (réplique)

M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. D'une part, je souligne que, encore une fois, la ministre de la Santé et des Services sociaux n'explique pas pourquoi c'est sur le programme de soins dentaires qu'elle a appliqué sa compression budgétaire. Donc, elle nous explique encore une fois que c'est sa dernière priorité.

Deuxièmement, Mme la Présidente, quand la ministre de la Santé et des Services

sociaux vient mêler les notions de ticket modérateur, comme elle vient de le faire, et d'universalité, je pense que c'est l'illustration de l'improvisation totale qui a marqué sa promesse électorale de maintenir l'universalité, l'accessibilité et la gratuité. Parce que, Mme la Présidente, lorsqu'on doit payer 23 $ pour asseoir son enfant sur une chaise de dentiste pour qu'on puisse, par la suite, dépister des caries à réparer pour lesquelles l'État paiera, cela s'appelle un ticket modérateur de 23 $ pour tout le monde qui sait de quoi il parle en la matière. La décision de la ministre, Mme la Présidente, vient défaire, vient annuler les efforts nombreux, les énergies considérables que les Québécois et les Québécoises ont investies dans la santé dentaire de leurs enfants depuis un certain nombre d'années, qui ont donné des résultats et dont nous avons encore besoin, comme société, pour poursuivre la marche que nous avons amorcée il y a quelques années.

Je rappellerai aussi, Mme la Présidente, qu'en 1982 - ce que la ministre oublie de dire souvent - en faisant des compressions budgétaires comme on l'a fait alors que nous étions dans la pire crise économique que le Québec ait connue depuis 1929, nous avons étendu le programme de prévention dentaire à 100 % des enfants du Québec, puisque nous avons instauré un programme en milieu scolaire, dans les garderies, réalisé par des hygiénistes dentaires qui sont rattachés à des CLSC. Que la ministre en fasse donc autant pour les enfants du Québec et là, on pourra noter qu'elle a enfin reconnu qu'il y a une priorité en la matière et qu'elle pose un geste concret et positif dans le sens de l'amélioration de la santé dentaire des enfants du Québec. Mais jusqu'à maintenant, Mme la Présidente, nous notons que c'est la dernière de ses priorités et la ministre devra porter longtemps cette responsabilité. Merci.

Une voix: Bravo! Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Gouin. Le débat de fin de séance étant clos, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 9)

(Reprise à 20 h 3)

Le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 36 du feuilleton.

Projet de loi 58 Adoption du principe

Le Président: À l'article 36 du feuilleton, M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science propose l'adoption du principe du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants. M. le ministre de l'Éducation, vous avez maintenant la parole.

M. Claude Ryan

M. Ryan: En présentant, aujourd'hui, le projet de loi 58, le gouvernement du Québec veut mettre un point final à une phase mouvementée de notre histoire linguistique. Il veut permettre que nous abordions ensemble, Québécois de toutes origines, de toutes conditions sociales et de toutes allégeances politiques, les défis de l'avenir dans un esprit de concorde, de commune acceptation de la loi et de solidarité plus forte que jamais devant les tâches qui nous attendent. Un peuple divisé contre lui-même est dangereusement affaibli, un peuple dont les citoyens de familles aux racines anciennes n'ont pas l'aptitude à développer chez leurs concitoyens ayant des racines plus récentes la conviction qu'ils sont chez eux et reçus sur un pied d'égalité avec tous les autres ne saurait être qu'un peuple insécure et incertain. Un peuple, enfin, où tous, quelle que soit leur origine, leur langue, leur culture ou leur religion, qui ne se sentirait pas traité avec dignité et compréhension, est un peuple voué aux déchirements internes et à l'affaiblissement devant les défis de l'extérieur.

La langue française est la langue commune de tous les Québécois, elle est notre trésor le plus précieux, c'est pourquoi nous sommes fiers de la parler non seulement dans cette Chambre, mais également dans nos foyers respectifs, dans nos milieux de travail, dans notre activité culturelle, dans nos syndicats et associations diverses, à la radio, à la télévision, à l'école, au collège, à l'université. C'est pourquoi, aussi, nous voulons que cette langue commune soit parlée non seulement par les francophones, mais aussi par tous ceux et toutes celles qui se réclament du beau titre de citoyens et citoyennes du Québec. Ces pensées ne sont la propriété exclusive ni du Parti libéral ni du Parti québécois ni de quelque association que ce soit. Elles nous sont communes. Elles font partie de ce trésor de valeurs largement acceptées parmi nous qui constituent notre raison d'être et notre raison de fonctionner comme peuple francophone sur le continent nord-américain.

C'est en m'inspirant de ces pensées que je veux présenter à l'Assemblée nationale le

projet de loi 58 sur l'admission de certains enfants à l'enseignement en anglais. Je voudrais démontrer que la solution proposée dans ce projet de loi à un problème très épineux, gui n'a cessé de nous hanter tous depuis plus de neuf ans, est la plus susceptible de nous conduire à une unité accrue et surtout de mieux nous éguiper à nous engager ensemble vers la conguête des défis qui nous invitent à nous tourner, non pas vers le passé, mais vers l'avenir.

Pour bien saisir le problème auguel nous faisons face et la solution gue préconise le gouvernement, il faut d'abord situer le problème dans une juste perspective historique. Il faut ensuite examiner les avantages et les inconvénients de la solution proposée. Tels sont les deux thèmes majeurs gue j'entends examiner dans cette intervention. Je crois gue nous serons ensuite en mesure de conclure gue la solution gue propose le gouvernement est d'emblée la plus humaine, la plus réaliste, la plus démocratigue, la plus simple, la plus efficace à court terme et enfin la plus susceptible, pourvu gue nous y mettions l'effort de compréhension reguis, de renforcer notre volonté commune d'envisager l'avenir dans un esprit de solidarité et de collaboration et aussi dans un esprit de commun attachement actif à la pleine observance de la Charte de la langue française.

Lorsgue nous avons pris le pouvoir le 2 décembre dernier, il se trouvait encore dans les écoles publiques anglaises du Québec, surtout dans la région de Montréal, quelque 1500 élèves qui, selon la loi 101, auraient normalement dû être inscrits à l'école française. Contre la volonté du législateur, contre la volonté du gouvernement, la fréguentation de l'école anglaise par ces enfants commença dès le milieu de septembre 1977, c'est-à-dire dès la première année de l'entrée en vigueur de la Charte de la langue française. Envers et contre tous, cette présence s'est maintenue depuis ce temps, si bien gu'aujourd'hui, il se trouve plusieurs personnes au Québec gui ont fait toutes leurs études primaires et secondaires en anglais d'une manière non conforme aux exigences de la loi 101 et gue l'on trouve encore aujourd'hui quelque 1500 élèves qui sont dans la même situation d'illégalité présumée au sein des écoles anglaises. Ces élèves sont en très forte majorité d'origine autre gue française ou anglaise. Très peu d'entre eux sont d'origine française. Selon les données gue l'on trouve à ce sujet dans le rapport Rondeau, il s'agit pour la plupart d'enfants dont les parents sont d'origine italienne, portugaise, chinoise, grecque ou asiatique, dans cet ordre d'importance. La très grande majorité de ces élèves sont, à n'en point douter, des enfants d'immigrants. Dans la plupart des cas, leurs parents sont en effet venus s'établir au Québec entre 1960 et 1977. Autre caractéristigue de ces élèves, leurs parents n'étaient peut-être pas citoyens canadiens au moment de l'entrée en vigueur de la loi 101, mais, aujourd'hui, ces parents sont des citoyens canadiens dans une proportion gue le rapport Rondeau établit à 91 %. (20 h 10)

Rien n'autorise à penser, M. le Président, gue les parents de ces élèves dits illégaux soient des citoyens moins respectueux des lois que les autres. Ils sont au contraire, de commune renommée et de manière très générale, des pères et des mères de famille exemplaires, des travailleurs industrieux dans leur milieu professionnel dont la plupart sont d'ailleurs de condition modeste, des paroissiens fidèles au sein de leur communauté religieuse, des membres actifs dans leurs associations ethnigues respectives, des citoyens qui s'acguittent de toutes leurs obligations, fiscales, légales et autres, envers la société. En un mot, rien, sauf la situation scolaire particulière de leurs enfants, ne permet de les distinguer de leurs concitoyens. Il en va de même, à plus forte raison, de leurs enfants gui ont été pargués dans des écoles anglaises pour des raisons que nous examinerons tantôt. Ni ces élèves ni leurs parents ne sont des malfaiteurs. Ils ne sont pas davantage des transgresseurs des lois au sens habituel du terme. Non seulement n'ont-ils retiré aucun profit de la situation où ils se trouvent maintenant, mais ils ont dû subir maintes conséguences négatives qu'elle entraîne. Ils se sont également imposé des sacrifices financiers et autres importants comme prix à payer pour la situation où ils sont installés.

Pourguoi ces citoyens se sont-ils retrouvés dans la situation que nous déplorons tous? Pourquoi cette situation a-t-elle duré aussi longtemps? Pourquoi le gouvernement précédent s'est-il révélé impuissant, de 1977 à 1985, à faire disparaître cette situation? Voilà ce qu'il nous faut d'abord chercher à comprendre si nous voulons vraiment saisir la nature du problème auquel nous faisons face.

Cette histoire commence avec une tendance qui s'était fortement implantée dans la région montréalaise au lendemain du deuxième conflit mondial. Entre les deux guerres mondiales, l'immigration en provenance de l'Europe continentale avait été fort réduite en nombre au Québec. L'intégration des immigrants en provenance de pays d'Europe continentale s'était plutôt faite du côté francophone. En tout cas, aucun problème grave d'assimilation à la communauté anglophone n'avait été signalé de ce côté avant la période de l'après-guerre.

Avec les années quarante-cinq et cinquante, on observe toutefois un change-

ment prononcé. De plus en plus, les enfants de foyers d'immigrants prennent la route de l'école anglaise, si bien qu'au début des années soixante les enfants de foyers d'immigrants avaient pris l'habitude de fréquenter l'école anglaise dans une proportion supérieure à 85 % tandis que les écoles franco-catholiques demeuraient passablement fermées à l'accueil d'enfants en provenance de milieux autres que canadiens-français. Les écoles anglo-catholiques et anglo-protestantes manifestaient à l'endroit de ces enfants une grande ouverture et une capacité d'adaptation . considérablement supérieure, si bien qu'au début des années soixante l'école anglaise apparaissait de plus en plus comme une véritable passoire servant de lieu d'assimilation à la minorité anglophone pour les enfants d'imigrants.

Comme cette tendance avait atteint un point que plusieurs considéraient critique et qu'elle coïncidait avec un fléchissement marqué de la natalité chez la majorité francophone, un mouvement d'opinion de plus en plus fort réclama l'abandon de la politique de libre choix qui avait toujours présidé au Québec à l'orientation scolaire des enfants.

Une première tentative de redressement fut esquissée par le gouvernement d'Union Nationale que présidait Jean-Jacques Bertrand en 1969 avec la loi 63. Cette loi voulait promouvoir la fréquentation accrue de l'école française par les enfants d'immigrants, mais elle voulait le faire par le recours à la persuasion plutôt qu'à la coercition. Elle entendait mettre nettement l'accent sur la valorisation de l'école française, mais elle ne créait aucune contrainte particulière pour les parents au moment du choix de l'école de leurs enfants. Quelques années plus tard, il fallait se rendre à une triste évidence. La loi 63 n'avait pratiquement rien changé. Elle avait débouché dans plusieurs endroits, en particulier... On s'en souvient sans doute dans la municipalité de Saint-Léonard, située au nord-est de Montréal, sur des perturbations sociales souvent marquées de violence et très inquiétantes.

La tendance vers l'école anglaise chez les immigrants était demeurée pratiquement au même point. La deuxième tentative de redressement fut mise en oeuvre par le gouvernement libéral de Robert Bourassa avec la loi 22. Cette loi entendait restreindre l'accès de l'école anglaise en subordonnant l'admission d'un enfant à l'école anglaise à son attitude à recevoir l'enseignement dans cette langue. Elle instituait aussi certaines formes de contingentement quant au nombre d'élèves pouvant être admis à l'école anglaise. Le chapitre de la loi 22 traitant de la langue d'enseignement fut jugé inacceptable par les éléments nationalistes qui y virent un refus de faire face au problème. Elle fut également jugée inacceptable par les milieux anglophones et les communautés ethniques du Québec qui la jugèrent trop sévère. Elle fut, nous nous en souvenons tous, l'une des causes majeures de la défaite du Parti libéral aux élections de 1976.

La troisième tentative de redressement fut enfin tentée par le gouvernement du Parti québécois avec la loi 101. Cette loi, adoptée à la fin du mois d'août 1977, introduisait un critère nouveau plus concret, plus simple d'application et plus limitatif quant à ses conséquences possibles pour l'admission à l'école anglaise. Il s'agissait du critère de l'école primaire fréquentée par les parents au Québec même. Aux parents ayant fréquenté l'école anglaise au Québec, la loi 101 reconnaissait le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. À tous les autres, de façon générale, elle enjoignait d'inscrire leurs enfants à l'école française.

Le critère de la fréquentation de l'école primaire anglaise au Québec devait se révéler, à l'expérience, pratique et efficace. Nul ne songe, aujourd'hui, à le mettre de côté même s'il comporte des conséquences pratiques auxquelles nous devons être attentifs et auxquelles le projet de loi que nous présentons aujourd'hui propose un remède réaliste et fort modéré.

En introduisant ce critère de la fréquentation de l'école primaire anglaise, le gouvernement du temps modifiait profondément les règles du jeu, auxquelles s'étaient habitués les citoyens du Québec. Il introduisait des germes importants de division au sein même des communautés ethniques chez lesquelles les liens familiaux, nous le savons, ont une importance très grande.

Aussi, de nombreux observateurs recommandèrent-ils au gouvernement de l'époque de procéder en cette matière avec tact et doigté, de mettre le temps de son côté, d'appliquer graduellement sa nouvelle politique de manière à en effacer toute forme de discrimination ou de rétroactivité réelle ou apparente.

Trois ans plus tôt, la Commission d'enquête sur la langue française présidée par M. Gendron, après avoir soigneusement examiné le problème du choix de la langue d'enseignement, avait conclu qu'il fallait abandonner la liberté de choix et obliger les francophones et les nouveaux venus au Québec à orienter leurs enfants vers l'école française.

L'enquête qu'avait conduite la commission Gendron l'avait rendue consciente des dangers de perturbation sociale que ce changement de cap menaçait d'entraîner. Aussi, la commission Gendron avait-elle recommandé que le gouvernement s'accorde une période de transition de trois à cinq ans pour procéder à l'implantation de la nouvelle politique qu'elle réclamait? (20 h 20)

Vers la même époque, la communauté italienne, par l'intermédiaire de la Fédération des associations italiennes du Québec, s'était déclarée disposée à accepter un changement majeur de politique en matière de langue d'enseignement. Elle acceptait qu'à l'avenir, la langue d'enseignement soit déterminée par voie législative, elle renonçait aussi au principe du libre choix en matière de langue d'enseignement, mais elle demandait, en contrepartie, que toute nouvelle législation s'applique aux immigrants de l'avenir et non point à ceux du passé. Elle demandait aussi que toute nouvelle législation n'ait aucun effet rétroactif pour les immigrants déjà implantés au Québec.

De manière plus concrète encore, évoquons le contexte précis dans lequel fut adoptée la loi 101 et dans lequel fut entreprise sa mise en application. Cette loi fut adoptée, je l'ai rappelé tantôt, à la fin d'août 1977. Il fut décrété du même coup que son application se ferait dès la rentrée des classes en septembre de la même année, c'est-à-dire quelques jours à peine plus tard. Or, déjà, l'inscription des élèves en vue de l'année scolaire 1977-1978 avait eu lieu le printemps précédent. Elle avait eu lieu en février et en mars sous l'empire normal de la législation alors existante et de nombreux parents, qui avaient déjà inscrit leurs enfants à l'école anglaise, en conformité avec la loi existante, se voyaient très rapidement, d'un trait de plume du législateur, je dirais même brutalement, retirer ce droit rétroactivement par l'effet de la loi 101. Ils étaient mis en demeure de se conformer immédiatement à la loi 101 sans autre avertissement.

Le gouvernement avait été prévenu de nombreuses sources des dangers inhérents à cette manière inhumaine et fort peu réaliste de procéder. Il avait été invité à faire montre de souplesse et de discernement par de nombreux observateurs, y compris celui qui vous parle. Il avait lui-même, en Chambre, pris l'engagement de faire montre de souplesse au chapitre de l'application de la loi. C'est néanmoins dans un contexte chargé de tension, d'appréhension, de méfiance et de crainte que l'on entreprit l'année scolaire en septembre 1977. Moins familiers avec notre contexte politique, profondément opposés à l'option séparatiste qui formait alors la trame de fond de toute l'action gouvernementale qu'on nous ressassait à l'époque à tout propos et pour toutes sortes de prétextes, convaincus, à tort ou à raison, d'avoir été victimes d'une mesure à caractère rétroactif, de nombreux parents d'immigrants décidèrent alors de garder leurs enfants dans les écoles anglaises où ils les avaient légalement inscrits avant l'adoption de la loi 101.

Telle fut l'origine du problème des élèves illégaux auquel nous faisons face aujourd'hui. Ce problème commença dans une atmosphère de drame, dans un climat de haute tension culturelle et sociale, dans un contexte caractérisé par des appréhensions profondes et invincibles dans l'immédiat quant aux intentions du gouvernement du temps et aux conséquences qui allaient découler de ses actions pour l'avenir du Québec.

Le gouvernement ayant refusé de faire montre de la souplesse qui lui avait été recommandé, il lui incombait de faire en sorte que dans le secteur de l'enseignement comme dans les autres, sa loi soit fidèlement observée. Il lui incombait de prendre les moyens nécessaires pour qu'il soit mis fin rapidement à la présence illégale dans les écoles anglaises d'élèves dont le nombre fut rapidement estimé à près de 3000. Mais, au lieu d'agir comme il en avait les moyens et comme tout gouvernement en a les moyens lorsqu'il le veut, le gouvernement de l'époque préféra faire montre d'impuissance sinon d'indifférence.

Pour des motifs dont on doit reconnaître l'inspiration civilisée, le ministre de l'Éducation du temps refusa de recourir à la force pour évincer les élèves illégaux des écoles anglaises. Pour des motifs inhérents à sa philosophie politique, il refusa par ailleurs d'adapter, d'ajuster sa loi et son action à la situation nouvelle qui avait surgi, si bien qu'au bout d'un certain temps, le ministre de l'Éducation de l'époque en était réduit à enregistrer en cette Chambre l'aveu le plus triste, la profession d'indifférence la plus lamentable et la plus inhumaine qu'on n'ait probablement jamais entendue en cette enceinte. Je le dis avec d'autant plus de regret que cet aveu venait d'un homme hautement civilisé par ailleurs. Les élèves en question, affirma-t-il un jour en cette Chambre, sont aux yeux du gouvernement des "non persons", c'est-à-dire des non existants, des personnes qui n'existent tout simplement pas. On peut ne pas aimer une personne. On peut nourrir à son endroit des pensées chargées d'animosité. On peut même agir à son endroit de manière injuste. On peut être tenté de la dépouiller de son bien. Mais peut-on être plus dur à l'endroit de son prochain qu'en niant son existence même, en lui refusant le droit d'exister même s'il existe bel et bien?

Telle était pourtant la position absurde à laquelle le gouvernement de l'époque s'était lui-même acculé par son entêtement originel et, par la suite, par son impuissance chronique. Le gouvernement refusa dès le départ de reconnaître l'existence des élèves illégaux. Il refusa en conséquence de leur accorder le moindre statut légal ou administratif, la moindre subvention, la moindre reconnaissance académique, la moindre attention. Il n'eut pas le courage en contrepartie de prendre les moyens qui eussent été nécessaires pour mettre fin à

cette situation qui était, de toute évidence, profondément inacceptable et profondément injuste à long terme pour les enfants concernés.

Qu'à partir d'une position aussi déplorable on en ait été conduit à assister d'année en année à la reconduction du problème des illégaux, cela n'a rien d'étonnant. C'est le contraire qui eût été surprenant, M. le Président. Il y eut bien, en 1981, l'enquête confiée à Me François Aquin et les recommandations qui s'ensuivirent, mais le mandat confié à l'enquêteur était trop limité et l'enquête de ce dernier demeurait trop éloignée des motivations profondes des milieux concernés pour donner des résultats valables. Aussi, déboucha-t-on sur des recommandations qui n'eurent aucun effet appréciable sinon que le gouvernement dépensa quelques millions à s'entêter à vouloir les faire appliquer quand même.

En 1983, peu après avoir assumé le rôle de porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, j'entreprenais une étude approfondie du problème des élèves illégaux. Le ministre de l'Éducation de l'époque, M. Camille Laurin, m'assurait qu'il accueillerait avec intérêt les résultats de cette étude dont j'avais pris la peine de le saisir personnellement. Or, quelques mois plus tard, je publiais un rapport détaillé de cette étude en l'accompagnant de recommandations précises à l'intention du gouvernement. Ce rapport se heurta malheureusement à une totale indifférence de la part du ministre et du gouvernement. Jamais je ne pus même obtenir une réaction explicite aux propositions qu'il contenait. (20 h 30)

Nous fûmes ainsi conduits jusqu'à l'élection de décembre dernier sans que, après neuf ans, rien de sérieux n'ait été entrepris pour résoudre le problème des illégaux. Le nombre des illégaux avait certes diminué vu que, depuis 1981, seuls les frères et soeurs des élèves déjà dans les écoles anglaises de manière illégale avaient été admis dans les écoles anglaises. On avait cessé d'admettre des enfants en provenance d'autres familles que celles qui avaient déjà des enfants dans ces écoles. Mais il restait encore, à la fin de décembre, quelque 1500 élèves illégalement présents dans les écoles anglaises dont plus des trois quarts - je porte ce fait à l'attention de nos amis de l'Opposition - étaient présents soit au secondaire, soit au deuxième cycle du niveau élémentaire, ce qui complique singulièrement la proposition qu'on formule souvent de les transférer purement et simplement du côté de l'école française. On n'en est plus au début du problème, il a vieilli considérablement, le vin a pris une tout autre tonalité depuis ce temps.

Le Parti libéral du Québec s'était engagé, lors de la dernière campagne électorale, à apporter une solution humaine au problème des élèves illégaux. Il avait parlé d'une solution équitable, juste et rapide. Il n'avait pas pris d'autres engagements que celui-là. Tout ce qu'on lui impute de part et d'autre, au-delà de ceci, ne se trouve aucunement dans les engagements que nous avons présentés à la population à l'occasion de la campagne électorale. Peu après que nous eûmes pris le pouvoir, il m'apparut évident, en ma qualité de ministre de l'Éducation, que nous devions agir rapidement sur ce problème, sous peine de contribuer à notre tour à son pourrissement.

Aussi, m'apparut-il que nous avions le devoir d'apporter une solution au problème dès avant la prochaine année scolaire, c'est-à-dire à temps pour que les élèves qui se présenteront aux écoles en septembre ne soient plus en présence de ce problème. Avant d'agir, je voulus toutefois m'entourer de l'avis d'un groupe de travail formé de personnes sérieuses, compétentes et très bien informées des problèmes reliés à l'intégration des enfants des communautés ethniques dans notre système scolaire, présidé par M. Jean-Claude Rondeau, ex-directeur général de la Commission des écoles catholiques de Montréal. M. Rondeau fait partie du personnel de mon cabinet politique. J'en suis fier et j'ose espérer que ce n'est pas diminuer la qualité d'une personne que de l'inviter à faire partie du cabinet politique du ministre de l'Éducation.

Je ne formais pas ce groupe de travail pour qu'il refasse le travail que j'avais fait trois ans plus tôt, mais pour qu'il en vienne à examiner les avenues d'action qui s'offraient à nous et qu'il me propose des choses concrètes. Le fond du problème, nous l'avions examiné et résumé depuis fort longtemps. À M. Rondeau, vinrent s'adjoindre M. Michael Macchiagodena, directeur général adjoint de la Commission des écoles catholiques de Montréal, M. Gérald Brown, qui est directeur des services aux anglophones au ministère de l'Éducation du Québec, M. Jeff Polenz, qui est agent de liaison à mon cabinet politique auprès des communautés ethniques et de la communauté anglophone, et, finalement, M. William Cusano, député de Viau.

Le groupe fut formé le 21 février. Deux mois plus tard, soit à la fin d'avril, il me soumettait un rapport dans lequel il recommandait que l'Assemblée nationale décrète une amnistie générale pour tous les élèves inscrits illégalement dans les écoles anglaises.

Il me faudrait citer au complet ce document empreint de réalisme et de générosité pour en faire apprécier la valeur. Je me bornerai, vu le peu de temps dont nous disposons, à citer les passages suivants qui illustrent très bien, à mon humble point de vue, l'esprit général du rapport. Après

avoir fait l'examen de toutes les données du problème, le comité Rondeau en arrive aux conclusions suivantes: "Nous sommes d'accord avec l'orientation générale de la loi 101 qui vise à faire du français la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires dans le respect des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise et celui des communautés ethniques. Nous croyons que des modifications tout a fait mineures à la loi 101 pourraient permettre de corriger certaines anomalies et de régler en même temps le cas d'un certain nombre d'élèves illégalement admis à l'école anglaise. Nous sommes persuadés que la situation d'illégalité quant à l'admission à l'école anglaise a assez duré et qu'une solution doit être apportée pour la prochaine rentrée scolaire. Les motifs sont les suivants. "La présence d'un grand nombre d'illégaux dans certaines écoles anglaises cause de graves problèmes, parfois majeurs, de places-élèves dans ces écoles. En outre, l'organisation scolaire s'avère de plus en plus compliquée. Les élèves qui terminent leurs études secondaires ne peuvent pas se présenter aux examens du ministère de l'Éducation et ne peuvent pas obtenir en conséquence de certification de leurs études. Les parents doivent fournir une contribution financière qui devient plus lourde à supporter après plusieurs années. Le système scolaire, enfin, vit dans un état d'hypocrisie institutionnelle prolongée qui est peu conforme avec nos valeurs démocratiques. Voilà autant de motifs qui justifient - c'est toujours le comité qui parle - une intervention, au besoin, extraordinaire de l'Assemblée nationale."

Le comité continue: "Nous ajoutons foi à l'engagement des membres de plusieurs associations anglophones à l'effet de ne plus admettre d'élèves illégaux à l'avenir si le gouvernement apporte une solution pour l'ensemble des cas actuels. Nous suggérons toutefois que des mesures draconiennes accompagnent la solution de ce problème de manière à éviter la répétition du phénomène dans l'avenir. Nous sommes convaincus que la solution adoptée par le gouvernement doit rejoindre la totalité des anglophones et des allophones présents illégalement dans les écoles anglaises. Il est cependant difficile de ne pas inclure en même temps les francophones de vieille souche qui n'ont jamais accepté la fin de la politique du libre choix." Et le comité recommande que l'Assemblée nationale décrète une amnistie générale pour tous les élèves illégalement admis à l'école anglaise, pourvu qu'ils s'identifient à leur commission scolaire au plus tard le 15 mai 1986. Les membres du groupe de travail sont d'avis qu'il est trop tard pour adopter des mesures sélectives qui obligeraient à faire une étude de chaque dossier d'élève. Il aurait fallu pour cela en arriver à une décision au plus tard au mois de décembre. Il était trop tard pour envisager une solution pratique, une solution efficace à ce moment de l'année, à moins qu'il ne s'agisse d'une solution à caractère très général.

Ceci m'amène, M. le Président, à vous parler de la position qu'a décidé d'adopter le gouvernement avec le projet de loi 58. Ayant moi-même préconisé en 1983 des solutions plus nuancées, plus diversifiées que celles que préconisait le rapport Rondeau, je fus d'abord étonné de la recommandation principale du document. J'ai décidé de l'étudier attentivement et de la comparer à d'autres solutions possibles de manière à m'assurer que c'était bien la seule manière pratique, efficace et transparente de régler le problème une fois pour toutes. De concert avec le gouvernement, je me suis finalement rallié à la solution que préconisait le rapport Rondeau et ce pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, la solution est bien simple. Il s'agit que tous les enfants qui sont dans les écoles anglaises de manière illégale à l'heure actuelle, qui l'étaient en date du 15 avril dernier, présentent, par l'intermédiaire de leurs parents, une demande d'admission régulière à l'école anglaise à leur commission scolaire. Celle-ci transmettra la demande au Bureau d'admissibilité, qui fonctionne sous l'autorité du ministre de l'Éducation, et, après s'être assuré que les enfants concernés ont bel et bien suivi pendant tout le temps passé à l'école anglaise les programmes d'étude approuvés par le ministre et reçu une formation en conséquence, ils pourront être considérés comme étant régulièrement admis à l'école anglaise. C'est l'essentiel de la solution. Il y a un autre point dont je parlerai tantôt si le temps m'en est laissé, mais je pense qu'il vaut la peine de se concentrer sur l'essentiel.

Pour l'avenir, nous disons: II n'y avait pas de sanction suffisante dans la loi 101. Le gouvernement précédent aurait pu en mettre des sanctions plus fortes. Il n'a pas voulu. C'est son choix. Je ne lui fais pas de procès. Mais nous autres, nous nous sommes dit: Si nous réglons le problème, nous allons en même temps prévenir tous les intéressés qui ne recommenceront qu'à leurs risques et périls. C'est pourquoi nous introduisons dans le projet de loi 58 des sanctions beaucoup plus sévères que celles qui étaient prévues de manière générale dans la loi 101. Pourquoi cette solution? J'admets que c'est une solution d'exception. Je ne serais pas prêt à la recommander tous les jours; loin de là. Je crois que c'est une solution qui est tout à fait à l'intérieur du rayon de pouvoir dont dispose un Parlement souverain comme l'Assemblée nationale du Québec.

On aime souvent invoquer dans cette

Chambre, à juste titre, la souveraineté dont est investie l'Assemblée nationale. Or, le pouvoir de dirimer une situation comme celle à laquelle nous faisons face depuis neuf ans est de ceux qui sont inhérents au pouvoir souverain d'une Assemblée parlementaire et en usant de ce pouvoir que nous n'utilisons que très rarement, je pense que nous ferons une affirmation de notre souveraineté dont nous sommes parfaitement capables. Je ne pense pas que nous nous diminuons aux yeux de qui que ce soit si nous faisons ce geste de franche reconnaissance. C'est une réalité qui a défié les uns et les autres au cours des neuf dernières années. Par conséquent, c'est une mesure qui est parfaitement à l'intérieur des attributions normales de cette Assemblée parlementaire souveraine qu'est notre Assemblée nationale. (20 h 40)

Deuxièmement, c'est une solution imbue d'esprit humanitaire. C'est une solution humaine. Nous faisons face à des jeunes enfants, ne l'oublions point, qui ont été placés dans une situation de fausseté juridique, sociale et culturelle, dans la plupart des cas, depuis de nombreuses années parce que, comme je l'ai dit plus tôt, 80 % d'entre eux ont déjà passé la quatrième année. Ils sont en cinquième, sixième, septième année et au-delà. Il faut comprendre qu'ils ont déjà beaucoup souffert. Leurs parents aussi ont subi des traumatismes profonds. Je pense que si nous adoptons une solution comme celle-là, c'est la solution qui entraînera le moins de perturbation dans la vie de ces personnes qui en ont déjà trop subi jusqu'à maintenant.

Je pense qu'un Parlement est capable de cela. Il est capable d'humanité. On ne se diminue pas, personne, en faisant cela. Nous parlons souvent des communautés ethniques. Comme les communautés ethniques sont principalement concernées, nous parlons de les rapprocher de nous et nous rapprocher d'elles. Si on pose un geste humain, un geste empreint de compréhension, cela va faire plus pour le rapprochement que toutes les visites des chefs politiques au congrès d'Alliance Québec et de n'importe quel groupe que ce soit.

C'est une solution qui est égalitaire. On a évoqué d'autres possibilités. Le chef de l'Opposition m'a déjà interrogé dans cette Chambre sur certaines restrictions qu'il jugeait souhaitables. Je lui ai dit que nous n'en voulions point du côté du gouvernement parce que nous voulons une solution après l'application de laquelle tous les élèves concernés se sentiront rigoureusement égaux à leurs condisciples aussi longtemps qu'ils seront à l'école et à leurs concitoyens une fois qu'ils seront entrés dans la vie adulte. La seule solution qui est capable de procurer ce résultat c'est celle à laquelle nous en sommes venus avec le projet de loi 58.

Troisièmement, c'est une solution qui ne fait de mal à personne. À y penser comme il faut, c'est une solution qui ne fait de mal à personne. Nous n'ajoutons aucun élément nouveau à ceux qui se trouvent déjà dans les écoles anglaises. On peut bien agiter les drapeaux, l'épouvantail de la crainte de l'assimilation, mais tout ce que nous faisons c'est de reconnaître qu'il y a des enfants qui sont dans ces écoles et on dit: Comme on n'a pas été capable de les en sortir pendant près de dix ans, on va reconnaître qu'ils sont là. On ne décrète pas qu'ils y seront. On reconnaît qu'ils y sont. On ne fait de mal à personne. On n'enlève de droits à qui que ce soit.

Il y en a qui ont dit que c'est terrible pour ceux qui ont observé la loi. Pour être franc avec vous, M. le Président, je trouve cela terrible d'entendre des propos comme ceux-là parce que moi, je n'ai jamais regretté d'avoir observé la loi et je n'ai jamais comparé ma situation, chaque fois que j'ai observé la loi, à celle de celui qui ne l'avait pas observée et qui a été l'objet d'une sanction moins sévère devant le tribunal, éventuellement d'une libération complète.

Que de fois, devant les tribunaux, il y a des gens qui se présentent et le magistrat leur dit: Retournez chez vous, mon ami. Tâchez de mieux faire la prochaine fois. On va oublier cela. C'est votre première offense. On ne vous en tiendra pas rigueur. Il y a parfois des criminels. Il y en a un qui avait tué combien de personnes l'autre fois? Il a hérité de quelques années en prison. On n'a entendu personne dans cette Chambre dire qu'il y avait eu une injustice flagrante.

Je pense qu'il faut se mettre les pieds à terre, se rendre compte qu'avec cette solution-ci, nous ne faisons réellement de mal à personne et, surtout, nous ne changeons absolument rien à la situation qui existe aujourd'hui. Nous la régularisons avec courage, franchise et la plus grande transparence possible. Il n'y a rien, aucun motif caché dans notre attitude, aucun calcul. C'est simplement un comportement conséquent avec celui que nous avons tenu depuis plusieurs années. Je pense que vous pourrez le reconnaître, en particulier, de celui qui vous parle. Il ne s'est jamais démarqué sur ce problème d'une ligne franche, claire, depuis le tout début du problème.

Je relisais ces jours derniers un article éditorial que j'écrivais dans le Devoir dès le 7 ou le 8 septembre 1977, prévenant le gouvernement. Vous avez sans doute lu l'article. Vous allez voir qu'il n'y a pas de contradiction avec l'attitude de ce temps-là et l'attitude d'aujourd'hui. Quand on a des principes clairs, on peut continuer.

C'est une solution qui survient dans un contexte où il n'y a pas lieu d'agiter des

épouvantails en ce qui touche l'avenir. J'ai déjà eu l'occasion de citer dans cette Chambre des statistiques éloquentes. Je me reporte à 1976-1977. Je ne veux pas faire de partisanerie à rebours avec cela. Je pense qu'on prend les chiffres comme ils nous sont présentés. J'avais demandé des chiffres à mes collaborateurs du ministère de l'Éducation. Ils me les ont fournis ces jours derniers. En 1976-1977, la proportion des élèves inscrits dans notre système québécois et qui étaient aux écoles françaises était de 83,4 % du total. Sur tous les enfants inscrits dans le système scolaire, il y en avait 83,4 % qui étaient du côté français. Au 30 septembre dernier, le pourcentage était de 89,2 %, alors que la proportion des francophones dans la population du Québec est d'à peu près 82 %. Ce qui veut dire que les effets que nous avons recherchés avec les interventions législatives successives dont nous avons parlé ont été très largement atteints au point qu'aujourd'hui les résultats que nous avons dépassent les attentes même des auteurs de la loi 101.

À cela, il faut ajouter une autre donnée importante. Savez-vous que, sur les élèves qui pourraient être admis légalement à l'école anglaise, il y en a au-delà de 13 000 qui sont inscrits dans les écoles françaises de toute manière, au-delà de 13 000 dont les parents ont compris - et je les en félicite - qu'il pouvait être avantageux pour leurs enfants et pour la communauté québécoise que ceux-ci aient la chance de recevoir leur formation primaire et/ou secondaire en français. Cela vient s'ajouter. Si vous ajoutez en plus au moins, au bas mot, 15 000 élèves qui sont inscrits dans les classes d'immersion d'écoles anglaises et qui, dans ces classes d'immersion, reçoivent les deux tiers ou les trois quarts de leur formation scolaire dans la langue française, vous avez une idée de la situation nouvelle à laquelle nous faisons face. Il me semble que, dans cette situation nouvelle, je n'ai pas le temps de jouer les épouvantails et d'agiter le drapeau de la crainte. Je pense que c'est le temps de faire preuve de mansuétude, de magnanimité, de générosité et d'ouverture. Par conséquent, la solution que nous proposons, je pense, n'a pas Heu de provoquer des crises d'anxiété. On ne sera pas obligé d'aller voir le psychiatre pour cela.

Enfin, c'est une solution prudente au point de vue juridique. Il faut penser à tous les aspects. Je pense que vous pouvez compter sur nous pour cela. J'ai devant moi une action qui a été instituée devant les tribunaux récemment, une action instituée par une commission scolaire protestante mettant en cause la constitutionnalité de certaines mesures qui découlent directement de l'application de certaines dispositions de la loi 101. En particulier, c'est une contestation judiciaire qui vise à faire régulariser par les moyens juridiques le statut d'un grand nombre d'enfants illégaux. Je ne prétends pas que cette action soit destinée à l'emporter devant les tribunaux, mais je vous dis une chose: il est arrivé assez souvent, ces dernières années, que les tribunaux ont décidé contrairement aux anticipations gouvernementales, vous en savez quelque chose du côté de l'Opposition. Il ne vous reste pas grand-chose de toutes les prétentions juridiques que nous avons entendues, combien de fois dans cette Chambre et auxquelles vous vous êtes obstinés à vous en tenir, contrairement à tous les avis de réalisme juridique que vous prodiguait gratuitement l'Opposition.

Je vous dis qu'avec la mesure que nous préconisons, les risques inhérents à ceux-ci disparaissent. S'il fallait que le statut de la moitié ou des trois quarts de ces enfants soit légalisé, déclaré constitutionnel et qu'ensuite ils instituent des mesures en paiement rétroactif pour les subventions qu'ils n'ont point reçues, voyez-vous où nous irions avec ce problème? Avez-vous pensé aux conséquences un peu? Cette question reste ouverte. J'estime que les sommes qu'aurait dû normalement dépenser le Québec pour ces enfants et qu'il n'a point dépensées en raison de l'existence - appelons cela "système"; le chef de l'Opposition a déjà employé ce terme, il y avait des éléments de système là-dedans incontestablement - les sommes que nous avons épargnées, je dirais, presque sur le dos de ces enfants, sans dire que ce fut nécessairement la faute, unique du gouvernement, se chiffrent entre 35 000 000 $ et 40 000 000 $. S'il fallait qu'interviennent des décisions judiciaires qui nous obligent à regarder en arrière comme certains aiment beaucoup le faire plutôt qu'en avant, je ne pense pas que ce serait intéressant pour personne. (20 h 50)

Moi je vous dis: comme ministre de l'Éducation, je suis plus intéressé à bâtir un système d'éducation de qualité, à m'orienter vers les vrais problèmes de notre système d'enseignement que de continuer à pourrir dans ces querelles judiciaires interminables et innombrables dans lesquelles on s'est complu pendant des années et dont le bilan très lourd a été transmis à votre humble serviteur. J'essaie de liquider ce bilan de la manière la plus réaliste et la plus efficace possible. On n'abandonnera pas certains principes quand il y en a qui sont impliqués. On ne poursuivra pas les disputes judiciaires seulement pour le plaisir de se frapper la poitrine en disant que nous sommes donc bons au service de la nation. On est au service de nos concitoyens tout court, et, les abstractions, nous allons les laisser pour d'autres exercices.

Enfin, je crois que c'est une solution

qui est réaliste sur le plan politique. Parce que, avec cela, je pense que nous mettons un terme au problème. On n'en parlera plus ni d'un côté ni de l'autre. Nous ne vous ennuierons plus avec ce problème, c'est fini. Nous allons régler le problème, nous allons accueillir ces enfants. Ils n'entreront plus par les soupiraux dans les écoles, ils ne seront plus obligés de se sauver par la porte d'en arrière...

Des voix: Ha! Ha!

Le Président: Â l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: ...lorque arrive l'inspecteur appréhendé. Ils ne seront plus obligés de chercher leurs noms sur les listes. Ils ne seront plus obligés, quand arrivera leur premier contact avec un employeur éventuel de se demander: Est-ce que j'ai perdu mon certificat d'études ou si je n'en aurai point? Ils seront sur le même pied que tous les autres. Ils pourront envisager leur avenir avec sérénité et confiance. Ils pourront faire confiance à leurs concitoyens du Québec. Je vous dis une chose. Si nous adoptons cette solution, je pense que, tous ensemble, nous pourrons regarder l'avenir avec beaucoup plus de calme et de tranquille assurance. On a dit: Le ministre de l'Éducation est un homme généreux, peut-être qu'il n'a pas trop les pieds à terre. Cela m'étonne parce que je ne me fais pas reprocher cela trop souvent par ceux qui me connaissent bien.

Nous avons pris nos précautions. D'abord, ce n'était pas si difficile que cela de prendre contact avec les milieux intéressés. Quand on s'en donnait la peine, c'était bien facile, on trouvait vite les adresses, on se faisait vite donner des noms de personnes et on pouvait se former une idée très directe du problème et des conditions possibles d'une solution. Nous avons causé avec tous ces groupes, nous les avons rencontrés franchement, nous avons mis les cartes sur la table. Je leur ai dit en particulier: Je veux qu'il soit bien clair qu'on ne se retrouvera pas encore aux prises avec une situation semblable dans un an, deux ans ou cinq ans.

Je veux vous donner lecture, M. le Président, d'une lettre que je recevais ces jours derniers du président de la Provincial Association of Catholic Teachers, du président de la Quebec Association of Catholic School Administrators, du président d'un groupe qui agissait dans cette situation au nom des parents et qui se lit à peu près comme ceci. Je peux vous en donner lecture au complet, je pense que je vais la lire en langue anglaise. Ce ne sera pas trop une page en anglais sur un discours d'une heure; je pense que la proportion est bien conservée. "May we begin by expressing our sincere appreciation to you personally, to the Members of Parliament of the Liberal Party, Mr. Rondeau, the members of the task force on the "illegals" for a compassionate and effective solution to a very serious problem. "Our association and the parent representatives of the Bill 101 students have taken careful note of the provisions of Bill 58. We wish to assure you that the students who have been attending the English Catholic Schools as PACT Bill 101 students have followed the identical courses of studies and have been subject to exactly the same examinations and examination procedures as the regular students and this includes the provincial examinations where applicable. All the students will be able to supply your Department with transcript of marks, report cards which reflect this. "We further wish to assure you that, as of the passage of Bill 58 into law, the teachers and school administrators represented by PACT and QACSA have no intention now or in the future of becoming involved in such a program again."

Nous voulons vous assurer que les professeurs et les administrateurs scolaires qui ont pu être impliqués dans ce système au cours des dernières années n'ont aucune intention d'être impliqués de nouveau dans une situation semblable.

J'ai rencontré ces personnes il y a à peu près une quinzaine de jours. Je veux vous communiquer, M. le Président, le climat de forte émotion dans lequel s'est déroulée cette rencontre. Franchement, je les regardais, je les écoutais et je me disais: je ne peux pas considérer qu'il s'agit d'une situation comme une autre. Je pense que c'était mon devoir comme administrateur public et comme officier élu de laisser s'ouvrir non seulement mon esprit, mais aussi mon coeur. Je l'ai fait en toute simplicité et je pense que je présente une vue très transparente de ce que j'ai perçu, de ce que nous voulons faire.

En conclusion, M. le Président, je voudrais tirer les observations suivantes. Tout d'abord, si vous me le permettez, je veux dire un mot brièvement d'une disposition de la loi 58. Il y en a qui se sont beaucoup inquiétés du pouvoir prétendument discrétionnaire que le ministre voudrait s'attribuer avec la disposition dans laquelle il est dit que pour des raisons graves d'ordre humanitaire ou familial, sur recommandation de la commission d'appel, le ministre pourra admettre un enfant à l'école anglaise. On reconnaîtra comme moi, du côté de l'Opposition, que le critère de la fréquentation de l'école primaire anglaise par les parents est un critère qui ne peut pas répondre à toutes les situations. La vie nous présente des situations complètement imprévisibles par moments. Il faut absolument que nous disposions d'une certaine

marge de discrétion. Allez demander aux personnes qui ont siégé à la commission d'appel depuis dix ans combien de fois elles ont pu se trouver aux prises avec des situations devant lesquelles elles auraient conclu sans aucune hésitation à l'opportunité de l'admission à l'école anglaise, devant lesquelles elles étaient obligées de conclure: Vu la lettre de la loi; nous ne pouvons rien faire, retournez chez vous. Je connais même des membres de la commission d'appel qui ont démissioné à cause de cela.

Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait une certaine soupape pour qu'on puisse faire face de manière positive à des situations dont il me fera grandement plaisir de fournir des exemples concrets lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire. C'est tout ce que nous voulons. On aurait bien pu dire - et si l'Opposition le demandait, je pense que j'y consentirais sans discussion -on va donner ce pouvoir à la commission d'appel. J'en serais bien soulagé. J'en serais le plus soulagé des hommes. Je ne voudrais pas qu'on pense un instant que je m'approprie ce pouvoir-là. Cela va m'embarrasser et cela embarrassera mes successeurs également. Nous avons inscrit cette disposition pour la raison suivante. C'est que nous voulons éviter de créer l'impression que la commission d'appel pourrait devenir une passoire. Si on mettait un critère de caractère général parmi ceux dont devrait tenir compte la commission d'appel, il pourrait arriver que se crée l'impression que l'on se sert de cela pour passer à peu près n'importe quel cas. Tandis que si on laisse la commission d'appel disposer des cas en vertu d'un critère rigoureux comme celui de la fréquentation de l'école primaire anglaise par les parents, à ce moment-là, cela prendra des motifs vraiment exceptionnels sur lesquels la commission d'appel n'aura point prise, sauf pour en saisir le ministre de l'Éducation. Et le ministre devra faire rapport, chaque année, lorsqu'il déposera son rapport annuel à vos pieds, M. le Président, du nombre de cas qu'il aura eu à régler ainsi et les raisons qui auront motivé ses décisions dans chaque cas.

Ce n'est pas sorcier. Il n'y a pas un gros danger d'arbitraire là-dedans. Il y a bien d'autres lois que je connais qui créent des dangers d'arbitraire infiniment plus étendus. Je vous demande cela au nom de l'humanité et je vous dis, encore une fois... De l'humanité... Je ne parle pas de l'humanité en général, mais des principes d'humanité qui doivent nous inspirer tous, évidemment. Non, parce que je n'ai pas la prétention de parler au nom de trop de monde. Je parle au nom de mes convictions et je suis sûr de rejoindre bien du monde avec cela. Je ne suis pas obligé de me réclamer d'au nom de et au nom de, contrairement à bien des associations qui ont souvent appuyé le parti d'en face. Je le dis à dessein. Maintenant, je reviens à l'essentiel. Par conséquent, c'est pour des principes d'humanité que nous le demandons et si l'Opposition voulait présenter un amendement qui remettrait cela à la commission d'appel, nous l'étudierons dans un esprit hautement positif.

Je sais, M. le Président, qu'il peut être tentant pour l'Opposition de chercher à se faire du capital politique en s'opposant farouchement au projet de loi 58 comme s'il était l'oeuvre de méchants qui voudraient mettre en déroute tout l'appareil construit autour de la loi 101, la Charte de la langue française. J'invite l'Opposition à regarder plus haut et plus loin. Je l'invite à penser d'abord au bien des enfants concernés. Je l'invite aussi à penser d'abord à l'unité de notre communauté nationale québécoise. Je l'invite à penser à l'avantage énorme que nous retirerions tous ensemble d'une solidarité accrue qui nous permettrait par la suite de mieux faire face dans les années à venir au défi de l'application rigoureuse ferme et humaine de la loi 101 dans toutes ses dispositions concernant la langue d'enseignement. (21 heures)

Je renouvelle dans cette Chambre - je l'ai fait tout à l'heure, je le dis clairement en terminant - ma détermination à conserver le critère de la fréquentation de l'école primaire anglaise comme critère majeur, comme critère tout premier pour l'admission des enfants à l'école anglaise. C'est un point sur lequel, au cours des dernières années, j'ai évolué personnellement, parce que au tout début je n'étais pas favorable à ce critère. Mais, à l'application, j'ai constaté que c'était un critère efficace et j'ai ajusté mes vues en conséquence. C'est une question de moyens. Sur les principes, mes positions n'ont point changé. Mais c'est un point sur lequel l'Opposition peut compter sur l'engagement ferme du gouvernement. Je dis en retour à l'Opposition que, si elle acceptait de faire cause commune avec le gouvernement sur ce point, nous éliminerions très vite du paysage un problème qui n'est intéressant pour personne. Je pense que nous créerions une atmosphère de détente, d'acceptation mutuelle et je dirais même de fraternité dans notre Québec qui en a hautement besoin. Si vous voulez la lutte, nous sommes prêts à la prendre aussi. Mois, je suis fait pour les deux. Comme journaliste, j'ai aimé la polémique. Je m'en suis nourri pendant des années et je n'ai point perdu cet instinct profond mais je suis meilleur quand je m'élève un peu au-dessus de cet instinct. C'est ce que j'essaie de faire.

À ceux qui ont participé - je termine par ces mots, M. le Président - d'une manière ou d'une autre à la création et au maintien du système qui a permis de manière illégale la présence de centaines et, à

certains moments, de quelques milliers d'élèves dans les écoles anglaises, contrairement aux dispositions de la loi 101, je voudrais soumettre les quelques réflexions suivantes. Tout d'abord, leur action pouvait se comprendre au plan humain et je ne veux point en juger à ce moment-ci. Mais elle s'inscrivait en faux contre une tendance profonde et irréversible de l'orientation de notre société québécoise qui va vers l'affirmation de plus en plus quotidienne, de plus en plus forte, de plus en plus vigoureuse de son caractère français. J'invite ces personnes, après le cheminement douloureux qu'elles ont pu connaître, à entrer de plein gré dans le consensus plus large au sein duquel on peut être infiniment plus heureux, plus productif et plus efficace au sein de la société québécoise. Je les assure que, du côté du gouvernement, nous les accueillerons sans porter de jugement et sans ouvrir continuellement le livre du comportement qu'ils ont pu suivre au cours des dix dernières années.

Je leur rappelle également que le mode d'action qu'elles ont emprunté demeure foncièrement irrecevable dans une société démocratique comme la nôtre. Dans une société démocratique, les recours des citoyens contre les lois qu'ils jugent injustes ou irréalistes sont d'ordre politique. Ils peuvent et doivent se battre, s'ils estiment certaines lois injustes, contre les auteurs de ces lois. Ils ont le pouvoir de les remplacer par d'autres aux commandes du pouvoir. Mais il n'est permis dans aucune circonstance que des citoyens décident de prendre la loi dans leurs mains et de se faire justice eux-mêmes. Dans ce cas-ci, nous déplorons tous le caractère de l'action qui a été entreprise. Nous comprenons cependant les circonstances dans lesquelles a pris naissance cette situation malheureuse à laquelle nous voulons mettre un terme.

J'espère, encore une fois, qu'avec la coopération de tous les membres de l'Assemblée nationale, nous pourrons très rapidement résoudre le problème des élèves illégalement présents dans nos écoles anglaises d'une manière humaine, réaliste et efficace et ouvrir, une fois pour toutes, un chapitre nouveau de notre histoire collective. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre de l'Éducation. Sur l'adoption du principe du même projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants, je vais maintenant céder la parole à M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. Jusqu'à tout récemment, je reconnaissais dans la première partie de l'exposé du ministre de l'Éducation son souci de présenter les problèmes d'une façon élevée, parfois même un peu philosophique et dans cette section de la métaphysique et de la philosophie qui nous amène habituellement à la morale et dont il se préoccupe, jusqu'à ce qu'il arrive cependant à s'introduire dans les vasistas, à voir des inspecteurs qui faisaient fuir les enfants à travers les soupiraux. Jusque-là, le discours du ministre, bien que j'aie été en désaccord avec un certain nombre d'interprétations dont il nous a fait part, ressemblait aux qualités que nous lui reconnaissons. Mais à partir du moment où le ministre est venu nous parler des inspecteurs qui s'introduisaient subrepticement, peut-être même de nuit, aurait-il pu ajouter pour donner un effet à sa métaphore, pour faire peur comme des ogres aux enfants illégaux, cela allait, mais à partir de là, cela n'a plus de sens. Et cela démontre combien ce sujet donne lieu si souvent même parmi les plus beaux esprits à la tentation démagogique.

Le ministre de l'Éducation a également affirmé un certain nombre de choses étonnantes. Il nous a dit, par exemple, que cette loi proposait une solution égalitaire. Oui, c'est une solution égalitaire: que vous ayez respecté les lois du Québec ou non, vous serez traités de la même façon. Voilà ce que nous dit ce projet de loi pour l'essentiel. Et c'est un message pour l'avenir qui n'est pas très rassurant pour nos concitoyens.

Il a également affirmé un certain nombre de choses étonnantes au sujet de la rétroactivité de la loi 101. Il nous a dit que la loi 101, adoptée, on le sait, à la fin de l'été 1977... Si cela a été adopté à la fin de l'année 1977, c'est parce que le Parti libéral a fait un "filibuster" qui a duré, si je me souviens bien, près de 140 heures en plein mois de juillet; je me souviens, j'étais simple député au début de ce "filibuster" et membre du Conseil des ministres à la fin.

Quand il affirme que la loi 101 était rétroactive, c'est qu'il prend à son compte cette interprétation du concept de rétroactivité évoquée par certaines communautés culturelles du Québec qui, c'est vrai, en 1977 disaient: Très bien, nous acceptons cette orientation qu'il n'y aura plus de libre choix au Québec, mais que cela ne s'applique que pour les immigrants à venir.

Ce qu'oublie de mentionner le ministre de l'Éducation, c'est que c'est par centaines de milliers, puisque le Québec est une terre d'accueil, que se comptent les personnes dites allophones sur le territoire du Québec au moment où ces choses se sont prononcées, en 1977. Si c'est cela une loi rétroactive, quand on regarde de façon générale les balances migratoires, le solde migratoire du Québec et la quantité de personnes qui sont

venues chez nous depuis 25 ans pour redresser la situation du français, il aurait fallu attendre à peu près de 60 à 75 ans. Il y a quand même des limites. La loi 101, c'est vrai, s'est présentée dans un contexte où le Québec français a choisi de s'affirmer notamment en matière scolaire.

Je voulais simplement que ces remarques soient une introduction puisque c'est le ministre qui m'a incité à traiter de ces dimensions. On touche là un sujet sensible, à fleur de peau, on le sait, avec lequel, d'ailleurs, un certain nombre de membres de l'Assemblée nationale sont mal à l'aise, je le sais aussi. Comme tous les membres de cette Assemblée, qui ont eu à traiter un jour des questions linguistiques, j'ai senti que nous avions à trancher entre le droit collectif et les droits individuels. Chaque fois que l'on a à trancher dans des matières qui relèvent du concept de droit collectif et qu'on doit toucher à ce que les gens considèrent comme des droits individuels, ma foi, il ne faut pas faire cela avec indifférence, surtout pas avec insouciance et encore moins avec inconscience. C'est pour cela que, quand les membres de cette Assemblée ont à se pencher sur ces questions linguistiques, ils savent qu'ils et qu'elles font du droit collectif, car la caractéristique du Québec est d'être la seule terre en Amérique du Nord où il y a une majorité française qui veut le demeurer, et qu'à ce titre, parce que nous sommes en Amérique du Nord, pour y voir, pour nous assurer du développement du français, il faut faire du droit collectif. (21 h 10)

Cette notion de droit collectif, je le sais, répugne à un certain nombre de juristes parmi lesquels nous retrouvons d'ailleurs les chantres du système fédéral dans lequel nous vivons.

Le concept de droit collectif répugne à un certain esprit en matière de droits et libertés. Il est, on le sait, un concept développé plus facilement dans des pays d'expression française que dans les pays de culture anglo-saxonne. Mais voilà la vraie question! Voilà la différence! Voilà la source du malaise profond d'ailleurs dans le Parti libéral autour de cette question!

Ce projet de loi n'est pas urgent. Il intervient dans un contexte de confusion autour des questions linguistiques, confusion produite, alimentée par des ministres et même le premier ministre dans ce gouvernement, bien qu'il faille donner au ministre de l'Éducation d'être le moins incohérent dans l'incohérence.

Ce projet de loi est inacceptable parce qu'il prononce l'amnistie pure et simple, solution, M. le Président, je vous le dirai, de facilité. Il est évident que le gouvernement qui a précédé celui qui est là aurait pu régler le problème de la même façon. Je comprends, l'amnistie générale pure et simple, sans condition, qui reconnaît les conséquences, non seulement pour maintenant, mais pour des générations à venir du non-respect des lois du Parlement du Québec. C'est une solution qui n'est pas très exigeante quand on veut vraiment faire face aux enjeux qui sont devant nous.

Cette décision se prend dans un contexte, et vous me permettrez, M. le Président, pendant les quelque 45 minutes qui m'appartiennent, d'évoquer ça contexte, qui, à mon avis, est fondamental dans l'interprétation qu'on fait de l'histoire de la législation linguistique au Québec. La loi 101 posait au Québec, en 1977, un choix, celui de faire en sorte que le Québec soit le plus français possible. Je dis bien "le plus français possible" parce que, précisément, nous sommes en Amérique du Nord, nous sommes pénétrés par les médias d'expression anglaise, nous pouvons même nous enrichir de cette diversité linguistique et culturelle qui est la nôtre. Mais, il n'y a pas si longtemps, un certain nombre de gens en politique au Québec, dans les années soixante, disaient qu'il faudrait que le Québec soit aussi français que l'Ontario est anglais, et, ma foi, cela faisait presque partie de la sagesse populaire que de s'exprimer en ces termes. Je doute cependant que l'actuel ministre de l'Éducation ait écrit un éditorial dans les années soixante pour s'exprimer en ces termes.

Le choix fait par la loi 101 était de s'assurer que, sur ce territoire, le seul où les Québécois francophones habitent un endroit où ils contrôlent au minimum une partie de son environnement politique et collectif, que les francophones sur ce territoire soient assurés que la langue des communications, des services, de l'affichage, de la législation reflète cette réalité collective qui est que nous sommes une majorité et que nous entendons le demeurer.

Il y avait évidemment, dans ce contexte, des dispositions qui touchaient la langue d'enseignement. Le principe affirmé dans la loi 101, c'est que toute personne au Québec - c'est la règle - qui veut avoir accès à l'école publique ou subventionnée à même les deniers publics doit aller à l'école française. Le principe est clair, limpide et accepte de souffrir un certain nombre d'exceptions.

Je rappellerai que ce principe, non seulement il donne la perspective de ce que signifie l'exigence d'être un peuple différent en Amérique du Nord et le prix qu'il faut payer pour. C'est un prix que je suis prêt à payer et je suis prêt à ce que mes enfants le paient parce que si je n'étais pas prêt à payer ce prix-là, ma foi, je serais peut-être plus confortable en Caroline du Sud, au moins il ne fait pas froid au mois de juin. J'ai choisi le Québec et je fais le choix

d'être un Nord-Américain différent tous les jours et je suis conscient qu'il faut nous donner un certain nombre d'instruments pour le demeurer.

Parmi ces instruments, l'intégration linguistique, la cohabitation dans le respect mutuel de la diversité culturelle québécoise, mais l'affirmation nette et claire, que les écoles publiques au Québec et que les écoles privées subventionnées par l'État, si on veut y avoir accès, on y va dans la langue française. C'est cela le principe de base de la loi 101, rien d'autre, et il souffre des exceptions.

Première exception, tous les Québécois d'expression anglaise qui sont eux-mêmes allés à l'école ici, ou dont un frère ou une soeur est allé à l'école anglaise, se voient confirmer ce droit dans la loi 101 de continuer, pour les générations à venir dans leur cas, à fréquenter l'école de la minorité, ce qui, permettez-moi de le dire, n'a absolument rien de comparable à ce qu'on trouve ailleurs dans le reste du Canada, et le ministre de l'Éducation, pour sa part, le sait. Je ne veux pas ici refaire la bataille de Louis Riel. Je ne veux pas refaire même la bataille de Penatanguishene, en Ontario. Je ne veux pas ressortir des placards ce qui a même amené Alliance Québec à prendre la défense des francophones hors Québec. Permettez-moi de dire, M. le Président, que cette terre et ce Parlement ont raison d'être fiers du traitement qu'ils ont donné à la minorité anglaise chez eux.

La loi 101 intervenait donc après près de 20 ans de tension autour de cette question linguistique. On se souviendra évidemment de Saint-Léonard. On se souviendra du grand débat autour du libre choix et même un parti politique fut formé à cette époque qui s'appelait le Parti du libre choix. C'était un enjeu politique majeur à la fin des années soixante, au début des années soixante-dix. Le choix fait par la société québécoise, cela a été non au libre choix. Un choix clair de dire, comme société: Nous croyons qu'il en vaut la chandelle et le coût, si nous voulons demeurer différents en Amérique du Nord, c'est de faire en sorte que le système public et le système subventionné soient, pour l'essentiel, français et que l'exception soit attribuée dans des conditions exceptionnelles. Tout cela n'empêche pas que cela s'est fait dans un contexte d'affirmation de la vitalité du Québec, non pas un Québec folklorique, retourné sur lui-même, parlant une langue qui ne serait comprise par personne d'autre et imperméable aux grands mouvements du continent sur le plan économique ou sur le plan culturel, bien au contraire. Tout cela est intervenu dans un contexte où, au Québec, sur le plan économique, notamment grâce au rôle de l'État, de plus en plus les membres de la majorité québécoise se sont affirmés et ils et elles ont eu l'appui du gouvernement du Québec pour ce faire.

La loi 101 fut donc adoptée. Cela a eu un certain nombre de conséquences, des conséquences positives évidentes d'affirmation, de fierté, suffisamment, M. le Président, pour qu'on dise, comme je l'entends parfois, que le Parti québécois a été victime de ses propres succès. (21 h 20)

Puisque de nombreux amis libéraux, car j'ai quelques amis chez les libéraux... les libéraux étant finalement assez nombreux, il faut bien le reconnaître... pour un temps. Certains libéraux l'affirment. C'est un peu vrai. Ce qui a accompagné la loi 101, cela a été une affirmation de fierté, d'assurance qui a rendu moins pertinente une bonne partie du discours dit nationaliste parce que moins vécu dans le quotidien par les gens, parce que l'humiliation de se présenter dans un magasin sur deux sur la rue Sainte-Catherine et de se faire parler en anglais plutôt qu'en français était disparue du décor, parce que de plus en plus de francophones ont réussi à gravir les échelons socio-économiques dans des grandes entreprises dont le siège social était à Toronto ou à Boston ou à Chicago ou à Los Angeles, parce qu'à compter de 1976, disons-le, le Québec français s'est affirmé.

Mais la loi 101 a eu deux conséquences très négatives et vraiment négatives, celles-là. La première conséquence négative a été le rapatriement unilatéral de la constitution qui a amené le gouvernement canadien, au nom des droits et libertés, à restreindre la souveraineté de ce Parlement dont parlait le ministre de l'Éducation tout à l'heure en matière linguistique, la "clause Canada", la clause universelle que le ministre pourrait être tenté de faire adopter par décret par le Conseil des ministres. Des restrictions dans l'article 23 et dans la Charte des droits et libertés de la personne diminuèrent l'aire de liberté, du peu de souveraineté que ce Parlement possède.

Au-delà de l'article 133 de 1867, au-delà de ses dispositions en matière scolaire qui, à toutes fins utiles, empêchent le Québec de faire une réforme qui est souhaitée par tout le monde sur le plan scolaire, le gouvernement fédéral, en 1981, se justifiant de ce qui avait été présenté, même par certains des libéraux, comme étant un traitement abusif des minorités, est intervenu pour restreindre les pouvoirs de ce Parlement.

Je crois que cela a été la conséquence la plus désastreuse de la loi 101. Que l'État fédéral, au nom d'une vision symétrique des minorités au Canada, ne tenant pas compte du caractère spécifique du territoire québécois, ce lieu où il y a une majorité française en Amérique du Nord, est venu introduire cette banalisation de nos institutions, ces reculs que nous avons enregistrés

depuis constamment, au nom des droits et libertés, dans la charte canadienne, en matière linguistique notamment, et que nous risquons peut-être aussi de connaître en matière d'affichage, au nom de la liberté d'expression, y compris en matière commerciale comme le spécifie bien la constitution canadienne.

Je dis donc, M. le Président, qu'un des effets négatifs de la loi 101 aura été essentiellement d'amener l'État fédéral à restreindre les pouvoirs de ce Parlement. Et je dis que ce gouvernement renonce à exiger dans les pourparlers constitutionnels qu'on affirme une fois pour toutes qu'en matière linguistique c'est l'Assemblée nationale du Québec qui devrait décider. Personne d'autre. Pas notre juge de la Cour suprême, pas quatre, cinq, sept juges de la Cour d'appel, mais le Parlement du Québec et personne d'autre.

Le deuxième effet négatif, c'est évidemment le problème auquel nous faisons face aujourd'hui: cette situation concernant les illégaux. Un certain nombre de personnes dans des communautés culturelles, le ministre l'a lui-même évoqué... Tantôt il évoque la "clause Canada", mais là, il était très clair aujourd'hui. Il nous disait: L'immense majorité des personnes dont on parle sont issues des communautés ethniques dites allophones: italophones, grecques, portugaise, chinoise, asiatique. Donc, nouveaux Québécois. Un certain nombre d'entre elles et d'entre eux ont choisi de ne pas respecter la loi. C'est un choix que ses parents ont fait. Je ne tiens pas à m'acharner ni sur les enfants ni sur les parents. Je ne peux mettre en doute les qualités de parents qu'ont ces personnes, mais je me permets de dire qu'ils ne se sont pas comportés comme de bons citoyens. Ils n'ont pas respecté la loi. Diriger un discours moral qui a tendance à faire de ces personnes des martyrs, c'est un discours dangereux. C'est un discours qui ne tient pas compte de la souveraineté de ce Parlement, qui existait avant que le ministre ne soit ministre et qui existait avant que nous y soyons aussi et qui existe toujours.

Le ministre de l'Éducation nous a dit: Oui, mais ces citoyens avaient l'impression qu'une sorte de pacte social était brisé. Il nous a répondu cela à l'heure de la période des questions. Je lui dis: Et les autres, avaient-ils cette impression? S'ils l'avaient, pourquoi elles et eux ont-ils respecté la loi? Ce genre d'argument casuiste, peu logique et peu cohérent est dangereux quand on a à considérer le rôle de nos institutions.

Ces illégaux, très concrètement... D'abord, ce n'est pas vrai que les inspecteurs se présentent à travers les vasistas et les soupiraux. Est-ce qu'on pourrait se le dire une fois pour toutes? On pourra dire ce qu'on voudra en face et chez certains de leurs amis ou de leurs conseillers pour faire plaisir à quelques "cartoonistes" des États-Unis, de Toronto ou d'ailleurs qui nous détestent sans nous connaître: ce n'est pas vrai que nous avons traité de façon inhumaine qui que ce soit à propos des questions linguistiques au Québec. Ce serait avoir un peu d'honneur et de fierté en face que de le reconnaître. Cette mentalité de fausse culpabilité autour d'un enjeu fondamental pour le peuple québécois, quant à moi, me déçoit venant de ce ministre qui, pourtant, à une certaine époque, a écrit des choses qui en faisaient un homme préoccupé par ces grands enjeux, mais pour qui, maintenant, la question linguistique est une contrainte à administrer et non pas une chose à affirmer.

Revenons à ces enfants illégaux. À la CECM, à Jérôme-Le Royer surtout, quelques centaines, connivence évidente de directeurs d'école d'un certain nombre de professeurs qui, dans bien des cas, je dois le dire, ne savaient pas qui étaient les illégaux dans leurs classes. Ils savaient simplement qu'ils avaient deux ou trois enfants de plus que normalement. On ne peut leur en faire le reproche individuel. Quant aux directions d'écoles, c'est autre chose, par exemple. Quant aux commissaires de la CECM et de l'école Jérôme-Le Royer, c'est autre chose. Ils savaient et pendant neuf ans ils ont accepté de mettre sur pied un système de désobéissance civile aux lois du Québec. Il faut le dire, car c'est cela qui est en cause.

On remarquera que je ne m'en prends pas aux enfants. Je m'en prends cependant à ces adultes responsables, cadres scolaires payés à 50 000 $, 60 000 $ par année, syndicalistes d'un certain nombre de syndicats, la section anglophone de la CECM, enseignants... Et, encore une fois, rarement, les enseignants étaient-ils de complicité parce qu'ils ne savaient pas qui étaient les illégaux dans leurs classes. Ils savaient simplement qu'il y en avait. (21 h 30)

Pendant neuf ans, de façon organisée systématique, on a défié des lois du Québec. Aujourd'hui, le ministre nous dit: On va passer l'éponge sur l'ardoise. Nous on dit: Vous pouvez, à la rigueur, prendre l'efface, mais ce serait peut-être un peu normal qu'il reste quelques traits de craie sur l'ardoise.

Se fermer les yeux sur neuf ans de collusion systématique par un certain nombre de dirigeants de la CECM et de Jérôme-Le Royer, c'est se mettre la tête dans le sable. Et puis! Faire appel à des gens qu'on dit bien connaître le problème pour conseiller le ministre sur cette question! Je comprends, dans certains cas, ils ont été des acteurs de ce défi des lois du Québec. Il faut dire les choses comme elles sont. Ce n'est pas vrai, M. le Président, que nous allons entourer d'une sorte de discrétion et silence cette question parce que le ministre

de l'Éducation serait tenté de nous accuser de démagogie à l'égard des enfants. Je n'ai pas parlé des enfants. Je parle de ses cadres scolaires.

On nous reproche, M. le Président, on dit: Mais le gouvernement du PQ n'a rien fait! Comment le gouvernement du PQ n'a rien fait? D'abord, je vous ferai remarquer qu'en 1977-1978, dans le New York Times, dans le Boston Globe, dans le Chicago Tribune et, dans certains cas, dans le Globe and Mail de Toronto qui devrait quand même pas être si loin que cela, si on se fie à nos amis d'en face, on a fait une présentation des lois linguistiques avilissantes. On a présenté une image du Québec s'inspirant souvent des discours du Parti libéral pendant le "filibuster" 1977 pour projeter de la société québécoise, à l'extérieur, une image absolument horrifiante. Et même pour justifier des intolérances comme celles que j'ai entendues récemment venant d'interlocuteurs ontariens, s'adressant à une ligne ouverte à M. Peterson et Bourassa, qui viennent dire: Les ententes entre l'Ontario, ce n'est pas bon, c'est bien connu au Québec, c'est juste s'ils ne mettent pas en prison le monde qui est anglais. Cette attitude d'intransigeance, de présentation négative de ce qu'a été le rôle de ce Parlement en 1976, 1977, 1978, c'est largement à cause du Parti libéral lui-même. Aujourd'hui, il paie pour cela, car c'est lui qui est au pouvoir. Il paie pour cette image parfois avilissante du Québec qu'on lui a donnée de lui-même.

On nous dit: Rien n'a été fait à l'époque. Je me souviens de la nomination de François Aquin, juriste remarquable, homme d'une grande probité intellectuelle, humaniste parmi les juristes si j'en connais un, qui a été caricaturé dans la presse anglophone du reste du pays comme étant une espèce d'ogre qui irait chercher les enfants dans les classes. Pourtant, je sais que François Aquin, jamais, n'a utilisé son pouvoir d'assignation. Jamais il n'a obligé qui que ce soit, en dépit de la loi qui lui en donnait les pouvoirs, de comparaître devant lui. Mais il a recherché un consensus. Il a rencontré des parents, des représentants de ces cadres scolaires dont je parlais, des gens de la CECM, de Le Royer. Il n'a jamais demandé même la liste des enfants. Car pour la demander, parce qu'il n'avait pas la collaboration de ces cadres, il aurait été obligé de demander une injonction.

Il a tenté une médiation, de bonne foi, honnêtement, ouvertement. Je rappelle que c'était en 1981, après l'élection, en début de second mandat. Me Aquin, par ses démarches, a amené près de 240 familles à accepter que leurs enfants passent du secteur anglophone au secteur francophone. Là est intervenu quelque chose. Un jugement de la Cour suprême disant que le Québec n'avait pas de droit de veto. C'est à ce jour, précisément, de l'automne 1981 que le transfert du côté anglophone vers le secteur francophone a cessé. Car ce jour, M. le Président, non pas parce que nous nous étions conduits de façon irresponsable, non pas parce que le gouvernement ne faisait pas ce qu'il avait à faire, non pas parce que Me Aquin aurait rudoyé des citoyens, bien au contraire, mais parce que la Cour suprême a décidé que le Québec n'avait pas de droit de veto et donc que la machine du rapatriement était en branle de façon certaine et qu'elle comportait des dispositions en matière linguistique, cela a été fini de la bonne foi des cadres scolaires et des familles impliquées.

Il faut donc se dire que ce problème est politique, car il a été politisé, M. le Président. Ce n'est pas nous qui l'avons politisé, c'est le Parti libéral et ses amis. Ses amis d'Ottawa qui, à compter de 1981, voulaient s'assurer qu'en matière linguistique c'est dans la constitution canadienne qu'on réglerait cela, pas dans les lois du Parlement du Québec. La base du problème politique autour des illégaux, c'est celle-là, M. le Président. Le ministre l'oublie trop souvent.

Évidemment, cela s'est politisé, il faut bien le dire, un peu plus lors des dernières élections. Il fallait bien qu'un certain nombre de nos amis d'en face prennent des engagements. J'ai eu moi-même des pressions d'une des communautés importantes de Montréal sur la question de l'amnistie et j'ai parlé de tolérance. Je n'ai pas pris, comme certains organisateurs et candidats libéraux de l'est de Montréal, un engagement à régler le problème rapidement dès qu'on y serait. Alors, les libéraux ont dit: On va régler cela. Alors, le mot "cela", M. le Président, c'est le projet de loi 58. Le mot "cela", c'est aussi une dette électorale d'un certain nombre de candidats. Et on viendrait nous dire ici qu'il s'agit essentiellement de considérations hautement humanitaires. Mais non, M. le Président. C'est une dette électorale. Une promesse remplie, une des rares, une des rares que remplit le Parti libéral. Mais une promesse du Parti libéral néanmoins.

Cette loi intervient dans un contexte qui est celui de la mollesse et du recul sur tous les fronts et, encore une fois, le ministre de l'Éducation se distingue comme étant le moins incohérent des incohérents dans ce gouvernement autour de cette question. Je sais qu'en le ciblant comme cela, je ne lui rends pas nécessairement service, mais il compendra que je ne suis pas ici pour lui rendre service. Mollesse, recul du Procureur général qui change d'idée trois fois sur les poursuites en matière d'affichage, d'une ministre responsable de la loi 101, vice-première ministre, ministre des Affaires culturelles qui n'est pas exactement sûre si elle doit parler de généralités ou de détails,

mais qui, dans un cas comme dans l'autre, se contredit ou reste silencieuse, une ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles qui a peine à voir la vocation de son ministère à l'égard de l'affichage, à l'égard du rôle des organismes, et maintenant en matière d'éducation et d'immigration aussi. J'entends la ministre. Elle devrait s'inspirer peut-être un peu au moins du ministre de l'Éducation au sujet des questions linguistiques. Ce serait déjà un progrès.

Ce ministre présente donc un projet de loi qui rend payante l'illégalité. On éponge pour ces cadres scolaires, on ne fait pas de distinction entre les enfants au primaire ou au secondaire, où on aurait pensé que le gouvernement aurait peut-être pu apporter un traitement différent des cas, selon qu'ils étaient au primaire ou au secondaire. Évidemment, il y a en vertu de l'article 23 du "Canada Bill" tant attendu et dont on était certain qu'il viendrait au moment de ce jugement de la Cour suprême en 1981 disant que le Québec n'avait pas de droit de veto, il y a, dis-je, en vertu de l'article 23 la transmission de cette loi aux frères et soeurs et aux descendants des principales personnes sujettes ainsi qu'à leurs frères et soeurs. (21 h 40)

En somme, prime à l'illégalité, aucune exigence d'une connaissance spécifique du français, l'effet multiplicateur à travers les générations, les frères et soeurs, en oubliant que, déjà, ils et elles ont accès au cégep car le système a trouvé même des formules légales pour leur permettre l'accès au cégep. Le ministre n'en a pas parlé beaucoup, mais je pense qu'il connaît les méthodes qui sont utilisées pour accéder au cégep en dépit du fait qu'on n'ait pas un diplôme reconnu en vertu de la loi.

Le ministre nous parlait d'avenir, de la nécessité de la confiance, de la solidarité, plutôt que du passé. Je lui dirai que, pour l'avenir, il envoie de bien mauvais messages aux citoyens. D'abord, sur l'illégalité, pas seulement dans ce secteur, dans tous les secteurs d'activité de la société, en faisant équivaloir un comportement délictuel à l'égard d'une loi, non respectueux d'une loi du Parlement, dans un secteur ou l'autre, sans qu'il y ait rien rien rien en termes de sanction, même pas symbolique, qui y soit rattaché. C'est prendre le problème par le mauvais bout de la lorgnette. Contexte, encore une fois, d'incohérence, de malaise du Parti libéral, sauf le paiement de sa dette politique, notamment à Montréal. Incapacité de ce gouvernement de nous affirmer clairement que la loi 101 ne connaîtra plus aucun recul. Le ministre de l'Éducation nous dit qu'en matière d'éducation - il l'a laissé entendre aujourd'hui - il n'y aurait plus de recul de la loi 101. Je reverrai les galées attentivement car je l'ai entendu le dire deux fois. Peut-être ses paroles ont-elles dépassé sa pensée, mais j'aimerais tellement entendre de la ministre responsable de l'application de la loi dans les autres secteurs qu'il n'y aura aucun recul de la loi 101. Je crains que nous ne l'entendrons pas.

Nous, nous voyons les choses différemment. Nous les voyons différemment parce que nous croyons que, à cause de votre force politique, à cause du mandat que vous venez d'avoir et à cause du fait que, précisément, le Parti libéral est très implanté dans les communautés culturelles, le Parti libéral et ce ministre en particulier manquent une occasion extraordinaire de faire avec eux cheminer les communautés culturelles autour de cette question. Et vous avez beaucoup plus de crédibilité que nous n'en avons jamais eu pour le faire entre 1976 et 1985. Mais vous n'utilisez pas cette crédibilité pour faire cheminer l'affirmation du fait français au Québec. C'est là que vous vous trompez, parce que vous raisonnez non pas en fonction, en ce moment, des intérêts du Québec, mais de ceux du Parti libéral du Québec. C'est là l'erreur que vous faites. On ne prétend pas que vous n'êtes pas québécois, on ne dit pas que vous n'avez pas à coeur un certain nombre des valeurs que nous partageons, mais on dit que, lorsqu'on a les valeurs du Québec à coeur, lorsqu'on croit à l'affirmation du fait français, on se sert de son pouvoir politique. Ce pouvoir, vous l'avez et il n'exige pas de vous une attitude oppressive ou hargneuse. Au contraire. Vous avez entre vos mains la capacité de faire avancer les communautés culturelles dans le sens non pas de l'affirmation d'un Québec platement bilingue, ordinaire, ennuyeux pour tout dire, mais d'un Québec d'abord et avant tout société française; oui, ouverte sur les autres, oui, ouverte sur la langue de la majorité du continent, mais qui affirme sa spécificité. C'est cela que nous vous reprochons.

Ce projet de loi, dette politique, a pris la question linguistique par le mauvais biais et ne sert ni les intérêts du Québec ni vos intérêts à long terme.

Des voix: Bravo!

Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'appuyer le projet de loi 58 présenté par le ministre de l'Éducation. Depuis neuf ans, nous vivons au Québec une situation difficile et inacceptable, surtout dans un pays civilisé comme le Québec. Nous avons, depuis neuf ans, des centaines d'élèves dans nos écoles anglaises, dont les parents viennent de tous les pays au monde, qui ont

été qualifiés par l'ancien gouvernement du Québec comme des "nonpersons". Depuis neuf ans, les commissions scolaires n'ont reçu aucune subvention pour financer leur éducation.

Une voix: C'est normal.

Mme Dougherty: Oui, c'est peut-être normal. Et le gouvernement n'a pas reconnu leurs accomplissements puisqu'il ne leur a pas accordé de diplôme lors de leur graduation. Les enfants en question sont des illégaux, selon l'ancien gouvernement, parce que, selon la loi 101, ils reçoivent ou ils ont reçu leur éducation en anglais en dépit de leur non-admissibilité à l'école anglaise en vertu de la loi 101. Le but du projet de loi 58, dont on discute ce soir, est de régulariser le statut de ces élèves, ainsi que d'empêcher qu'une telle situation ne se développe à l'avenir.

Le projet de loi prévoit également que, dorénavant, sur recommandation de la commission d'appel, le ministre de l'Éducation peut, pour des motifs graves d'ordre familial ou humanitaire, déclarer admissible à recevoir l'enseignement en anglais un enfant qui ne satisfait pas aux conditions prévues par la loi 101. Afin de comprendre pourquoi la situation lamentable visée par le projet de loi 58 s'est développée, il faut retourner dans le passé, en 1977. Il faut se situer à cette époque pour comprendre le chaos créé par l'adoption de la loi 101, surtout dans la région du grand Montréal.

Mme la Présidente, je vais continuer en anglais parce que la plupart des familles et des communautés affectées par la loi 58 sont de langue anglaise ou parlent surtout l'anglais. So, I am going to continue in English because most of the people affected by Bill 58 are predominately speakers of the English language. (21 h 50)

In order to understand Bill 58 and why it is necessary, I think we have to go back to remember and understand the situation that existed in 1977 when Bill 101 was adopted.

After a long and very hot debate during the summer of 1977, Bill 101 was finally adopted in August 1977, just a very few days before the opening of school in September. The reason for Bill 101 was primarely to stop the flow of immigrants into the English schools, particularly in the area of Montreal where most newly arrived Quebeckers over the years had settled, and secondly to counter the trend which was developing in the French schools of a rapidly dropping enrolment because of a very fast turnaround in the birthrate in the French community. And these two trends were considered threatening to the equilibrium of

French and English, particularly in the region of Greater Montreal where most immigrants over the years had normally settled.

Bill 101 said that henceforth, all education, primary and secondary, would be in French, except for certain categories of people who would be eligible in english. These include children who had one parent who had been educated in English in Québec or children of parents who were resident in Québec at the time of the adoption of Bill 101 who had had their primary education elsewhere in the world in English. Of course, children who were already enrolled in English schools at the time of the adoption of Bill 101, or their brothers or sisters that follow them, were eligible for English education and there were certain exceptions foreseen in the law regarding children who had severe learning difficulties as well as people who were visiting Québec on a temporary stay.

In the fall of 1977, when Bill 101 was adopted, thousands of children who were planning to enter English schools at all levels, and they were not only entering kindergarten, and grade one, and the early levels, they were entering all of the levels for the first time in English schools. Many of them, most in fact, had been registered in those schools since the March before, in March 1977, which was the normal time for registration for the following year. Thousands of parents found their children's status, their children's right to enter English schools suddenly in question with the adoption of Bill 101.

Some school boards who had many many hundreds of these children whose status was in question were at a serious loss to deal with the numbers involved because according to Bill 101 it was not the school boards'job to determine who was eligible for English and who was not. It was the Bureau d'admissibilité à l'école anglaise that had the mandate to determine which children were, in fact, eligible. Furthermore, the parents had a right to appeal if they did not agree with the decision of the bureau d'admissibilité. So, in many many cases, it took months and, sometimes, years for the status of children to be determined by the bureau or the commission d'appel.

One of the practical and most disconcerting difficulties was that every parent of a newly entering child who wanted to be admitted to the English school system had to prove in writing thay they, in fact, had been educated in English, either in Québec or elsewhere in the world, provided of course they were residents in Québec at the time of the adoption of the Bill.

You can imagine the problems of trying to prove that you were educated in English, especially if you did not go to English school in Québec. There were hundreds of parents who claimed and who, later, were able to

justify that they, in fact, had attended to English elementary school, but it was in other countries where perhaps the school did not exist anymore, where perhaps the records had been destroyed and, in some cases, the school itself had been destroyed. And yet, these parents had to prove in writing and this took months and months and months of investigation, and many inspectors on the part of the government to check out the proof the parents were offering. So this was a very tune-consuming and disquieting time for many parents. In the case of children with learning difficulties, many months and hours of time on the part of professionals were taken up trying to document and establish that, indeed, certain children were eligible for English and should be considered as exceptions to Bill 101.

I do not believe that the government ever understood the magnitude of the problem faced in the fall of 1977, at the entry of school just about one week after the adoption of Bill 101. One of the major causes of the violent reaction of many thousands of parents was the fact that, effectively, the Bill 101 was retroactive, retroactive up to 20 years, that was one of the major problems. I think, if you examine the so-called "illegal children", you will find that most of those parents had been here for many years in Québec. They arrived in the 40's, in the 50's, in the 60's, Greeks, Portuguese, Chinese, Italians, Germans, Ungarians, Ukrainians, who immigrated to Canada in those years and, as young children. Many of them began, English school in grade 2, grade 3, grade 4, sometimes, at the high school level. And 20 years later, they expected and hoped that their children would go to English school because they had found that they had had a good education in the English schools and, furthermore, they had learned French at the same time. Suddenly their children were not able to have the same education as they, because they had not had all of their primary education in English. They were penalized and with Bill 101 their expectations could not be realized.

They chose English school not because they did not want their children to learn French. On the contrary, it was because they wanted to be sure that their children would have English so that they can be mobile in North America. But they also wanted to be sure that the schools would teach good French as a second language, so their children could be effective workers and play an important role in the life of Québec.

Furthermore, I think it is recognized by all of us that, historically, immigrants had been conditioned to go to English schools because they had not always, over the years, been welcomed in French schools. So, thousands of parents found suddenly that under the terms of Bill 101, their children were not eligible for English schools. The shock and disappointment of these parents and the difficulty faced by the Board in sorting out who was eligible for English education and who was not, left many hundreds of parents in the situation of refusing French education. In the English catholic schools, the teachers mobilized together to absorb many of these children in their classrooms and they even raised extra money to provide extra teachers so that these children could be given an adequate education. (22 heures)

Another category of people who were caught and very disappointed by Bill 101 -and amongs them are some of the so-called illegals that we are dealing with tonight -are English parents who had sent their children long ago to bilingual schools. The children of these parents who have had the foresight to send their children to bilingual schools found themselves suddenly unable to send their children to English schools. So, we had the ridiculous situation of English parents who had lived here in Québec all their lives, who had attended bilingual schools, but who could not send their children to English schools.

Another category of parents who attached severely Bill 101 were black parents who had come from very poor countries where they had little or no education. These parents were very embarrassed to have to prove that they had indeed gone to English school through their primary years because many of them had not been to school at all and, yet, without that proof, they could not send their children to English school. They were English-speaking, had been English-speaking all their lives and were living in Québec but they could not send their children to English schools.

You have another category of children who were caught in the fall of 1977 and for whom there was a problem, and it has been all these years, are teenage children who come from other English-speaking countries. We have had difficulty in Québec for people coming with teenage children from England, from United States, from New Zeland, from Australia, whose teenagers are not admissible to English schools. They cannot complete their education in English.

I know of several cases where the children have had very difficult time adjusting in their teenage years. This has created great stress on their families, so much so that many of these children have not been able to get a graduation diploma from a French high school.

It is true that there is a temporary stay provision in Bill 101 but many families cannot honestly claim temporary stay or the companies for whom the parents work will

not vouch for temporary employment. Many of our major hightech companies, Pratt & Withney, Bell, Northern, Rolls Royce, Spar, have been complaining for years that some of the highly qualified specialists that they want to bring into Québec from English-speaking countries, from England perhaps, from Germany, from the United States, will not come. They are reticent to come because their children are already almost through high school and they are not prepared to make the transfer at that age. This is something that is very serious in terms of the highly qualified manpower that we very much need in Québec in certain areas.

Madam Chairman, at the time of Bill 101, I was the chairman of a very large schoolboard in Montreal which was severely hit by Bill 101. As chairman of that board, called upon to apply Bill 101, I can tell you that I was the recipient of fear, hostility and disappointment on the part of thousands of parents. Thousands of parents who knew little French and were afraid that they were no longer going to be able to communicate with their teachers, that their children were going to be cut off from them and that they could not help them in their education. They were afraid because they felt betrayed by a country to which they had come, which they thought was a country of freedom, liberty and opportunity where they could live and work in two languages.

After months of pleading with the Government, asking that the retroactivity question be looked at that the schoolboards and the parents be given time to work out their status and regularize who was eligible for what, the question of teenagers be reconsidered after pleading for months for some humanity and common sense and being refused, most of the Boards adopted Bill 101. I can tell you that over the years most of the parents who have accepted to put their children in French schools have found that it was an opportunity that they have welcomed and they were happy that their children have had the opportunity for French education.

I think that I am also very happy to see that the whole business of second language English which was of great concern to so many of these immigrant parents, whose children are amongst the illegals, is a growing concern amongst the French parents in Québec. I am convinced that all parents in Québec, no matter what their language of origin is, believe that what they want for their children is good English and good French so that they can operate not only in Québec, but they want them to broaden their horizons to be able to operate in North America and in the world. This is a growing economic imperative and if we, Quebeckers, want to succeed in what is now often referred to as the global village. The

Opposition will argue that to regularize the illegals is to discriminate or to penalize those who have accepted French education in accordance with Bill 101. I cannot accept that perspective.

La Vice-Présidente: Mme la députée de Jacques-Cartier, est-ce que vous pourriez conclure, s'il vous plaît? Votre temps est écoulé.

Mme Dougherty: Merci. To regard French as a penalty and English as a reward is no way to look at the situation. I think that if we are going to succeed, we have to accept the fact that French is essential for all Quebeckers, but so is English if we want to live in a larger world. The Opposition will also argue that it is not morally correct to forgive those who have committed an illegal act. I maintain that these children have done nothing illegal. A penalty has been imposed on the Boards since they have not received funds for these children. But to be described as a non-person for many years is surely one of the most serious penalties that can be suffered by anybody. Let us adopt Bill 58 in a spirit of generosity and humanity and get on with the business of providing all Quebeckers, no matter what their language of origin is, an education which will prepare them well for the future. Thank you.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours de M. le ministre. J'ai regardé aussi l'attitude qu'il avait ici en cette Assemblée. Elle différait de beaucoup de celle qu'il a eue de façon peut-être émotive au moment de la période de questions il y a quelque temps ici en cette Assemblée. J'espère que M. le ministre, dans le débat qui commence, qui semble être un débat quand même intéressant, qui va amener des idées de part et d'autre, va garder la même façon de voir les choses de telle sorte qu'il ne tombera pas dans la partie de démagogie dans laquelle la députée de Jacques-Cartier voulait l'amener tout à l'heure sur la pitié qu'on peut avoir pour des gens qui ont transgressé les lois. (22 h 10)

Mme la députée de Jacques-Cartier semble dire qu'il faut tout oublier. Il y a des gens qui ne devraient pas être appelés illégaux, les gens qui ont transgressé la loi. Elle semble oublier que si elle était ou si j'étais dans la rue, sur la Grande-Allée, ici en face, et que je passais sur un feu rouge, je deviendrais d'une certaine façon en

contravention avec une loi. Vous allez faire la différence entre un humain et entre le fait de passer sur un feu rouge. Mais ce que je veux faire saisir à Mme la députée - M. le ministre fait dire de monter le débat - je veux juste la ramener à ce qu'elle a voulu dire. Il y a, de la part de la députée de Jacques-Cartier justement, cette partie de démagogie qu'il est possible de faire parce qu'il s'agit d'enfants. Le chef de l'Opposition a bien fait comprendre à M. le ministre, et à ceux du Parti libéral qui l'écoutaient tout à l'heure que ce contre quoi nous en avons, ce n'est pas les enfants. Les enfants, est-ce que ce sont des martyrs comme voudrait le faire passer le rapport Rondeau, comme semblent dire certaines personnes de l'autre côté? Non, ce ne sont pas des martyrs, ils sont encore à l'école, ils sont là, ils ont suivi des cours. Même, dans certains cas - le ministre en est bien conscient, il l'a lui-même dit, il n'en a pas parlé pendant son discours, mais il a répandu à cette question pendant une période de questions - il y a des enfants qui, de ce groupe, se trouvent actuellement au niveau du cégep.

D'un autre côté, il y a des parents qui, quand on les regarde, sont de groupes ethniques, que ce soit italien, que ce soit portugais, que ce soit grec, que ce soit chinois ou de d'autres nationalités de ce coin, et ce sont des gens qui ont outrepassé une loi. Je voudrais revenir à la partie de la fin du discours de M. le ministre, quand il disait que des gens étaient maintenant prêts à observer la loi. Quelles sont ces personnes? Quels sont ces hommes ou ces femmes qui ont, à l'intérieur de leur administration scolaire, que ce soit comme cadre ou comme commissaire d'écoles, agi illégalement?

Ils ont fait un système qui a permis la mise sur pied d'un groupe de jeunes étudiants qui ont perduré dans le système anglophone alors que la loi 101 ne le leur permettait pas. Ils ont agi illégalement. Ces personnes, qui sont dans l'administration, sont aujourd'hui à blâmer, madame, qu'on le veuille ou pas. Ils ont outrepassé une loi. M. le ministre fait signe que non, ils ne sont pas à blâmer. Ces gens, aujourd'hui, écrivent à M. le ministre...

M. Ryan: Une question de privilège, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Quelle est votre question de règlement, M. le ministre de l'Éducation?

M. Ryan: Je voudrais vous demander si, quand on n'a point parlé, l'orateur a le droit de nous imputer des paroles.

La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le ministre, je n'ai pas compris votre question.

M. Jolivet: ...Mme la Présidente. Il n'y a pas de question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre, pouvez-vous répéter votre question de règlement? Je m'excuse, mais je ne l'ai pas...

M. Ryan: Je vais vous la poser. Je vais vous demander une directive: Lorsqu'on n'a point parlé, est-ce que l'orateur qui s'exprime a le droit de nous imputer des paroles?

La Vice-Présidente: M. le ministre, si vous pensez qu'il vous a imputé des paroles que vous n'avez pas dites, peut-être que, par l'article 212, à la suite de l'intervention de M. le député de Laviolette, vous pourriez revenir sur le sujet.

M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Mme la Présidente, d'une façon ou d'une autre, M. le ministre a voulu simplement m'interrompre dans un discours que j'étais en train de faire en partant du fait qu'il y a des expressions visuelles, il y a des gestes qui sont posés ici en cette Chambre et qu'on peut comprendre aussi bien qu'une parole qui a pu être dite.

Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il y a des gens qui sont dans l'administration, qui ont érigé un système pour permettre à des jeunes de continuer dans un système scolaire que la loi 101 ne permettait pas. Il faut la regarder et se poser la question: Est-ce que le projet de loi qui est devant nous, c'est un projet qui constitue un véritable règlement du problème qui a été posé devant l'ensemble de la fréquentation scolaire de façon illégale dans des écoles anglaises par un nombre d'environ 1500 illégaux?

Est-ce que le projet de loi qui est là est un projet de loi qui amène un véritable règlement? Non! Il vient faire ce que le ministre a toujours dit, une amnistie générale. Il vient permettre à des gens d'effacer, comme il le disait, l'ardoise et de recommencer en neuf comme si rien ne s'était passé, comme s'il n'y a pas d'un côté des gens qui ont observé la loi et de l'autre côté des gens qui n'ont pas observé la loi et qui sont devenus illégaux par le fait même. Qu'est-ce que le ministre ou les gens de son parti disent? Il y a de la part du Parti québécois, depuis neuf ans, un dossier qui n'a pas été réglé. Il faut comprendre pourquoi il n'a pas été réglé.

C'est là que je veux revenir à ce que je disais tout à l'heure, aux lettres que M. le ministre a reçues, dans lesquelles les gens s'engagent à respecter la loi alors que nous avons vécu, depuis 1977, avec ces mêmes personnes qui ont décidé de ne pas respecter la loi et d'être, dans ce contexte, des gens qui, illégalement, permettaient à des jeunes

de perdurer dans le système.

Qu'est-ce qu'offre le projet de loi 58? Il offre une prime l'illégalité. Que le ministre aime ou n'aime pas ce mot, qu'il aime le mot amnistie ou qu'il ne l'aime pas, tout ce que l'on peut dire c'est ce qui arrive: c'est qu'on amnistie tout le monde. D'abord les enfants, ensuite les parents, ensuite le système scolaire qui l'a permis. Ces gens ont donc bénéficié pendant ces années de la complicité, active dans certains cas et passive dans d'autres, d'intervenants scolaires anglophones, je répète: enseignants, directeurs d'écoles, commissions scolaires. Ils ont donc reçu cet appui et c'est cela que le projet de loi 58 vient tasser du revers de la main.

En contrepartie de ce que peut offrir le projet de loi comme tel, que vient-il offrir? C'est qu'il exprime le non-respect de ceux qui ont respecté la loi, les membres des communautés culturelles qui ont accepté d'entrer, à la suite de la loi elle-même, à la suite des rencontres qui ont eu lieu avec Me Aquin et qui ont permis, justement, d'entrer dans le système francophone tel que le prévoyait la loi 101. Si on veut bien situer le problème des élèves qui, depuis l'automne 1977, reçoivent ou ont reçu illégalement l'enseignement en anglais au Québec, il est donc bon, à ce moment, de se rappeler de façon sommaire l'ensemble des dispositions législatives qui sont en cause. L'article 72 de la Charte de la langue française, celle qu'on appelle la loi 101 de l'été 1977, établit la règle générale que l'enseignement se donne en français dans des classes et des écoles relevant des commissions scolaires ou des institutions privées subventionnées. Ceci n'était pas nouveau puisque, dès 1969, la loi 63 avait énoncé la même règle générale qui avait été ensuite reprise au mois de juillet 1974 par la fameuse loi 22. On doit aussi noter - et cela fait suite à d'autres possibilités dans le système - que l'article 72 ne s'applique pas aux écoles non subventionnées. Que disait l'article 72? L'article 72 disait: L'enseignement se donne en français dans des classes maternelles, dans des écoles primaires et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au présent chapitre. Cette disposition vaut pour les organismes scolaires au sens de l'annexe et s'applique aussi aux enseignements subventionnés dispensés par les institutions déclarées d'intérêt public ou reconnues pour fins de subvention en vertu de la Loi sur l'enseignement privé.

L'article 73 va énoncer certaines exceptions à la règle générale donnée par l'article 72. Je ne les mentionnerai pas parce que la députée de Jacques-Cartier les a mentionnées tout à l'heure. C'est là que la loi 101 devient différente par rapport à la loi 63 et à la loi 22. La loi 63 prévoyait que l'enseignement pouvait se donner en anglais aux enfants dont les parents en faisaient la demande. La deuxième, c'est-à-dire la loi 22, ajoutait une condition, la connaissance suffisante de l'anglais pour recevoir l'enseignement dans cette langue, ce qui supposait la vérification de cette connaissance par des tests qu'on appelait des tests linguistiques. Les inconvénients majeurs de ces tests linguistiques c'est que les enfants devaient subir un stress qui était attaché à la vérification de la condition posée et là, Mme la députée de Jacques-Cartier aurait raison. Pas la loi 101. Rien ne pouvait garantir que tous les enfants d'une même famille allaient réussir aussi bien les tests imposés. De plus, la porte était ouverte à une sorte de marché clandestin de cours d'anglais, qu'on a décrié un peu partout à ce moment-là, destinés à rendre les enfants aptes à recevoir l'enseignement en anglais. Donc, l'article 73 de la loi 101 est marqué par la triple préoccupation qui était d'établir un critère objectif indépendant des performances linguistiques des enfants, d'éviter la séparation des familles ainsi que, quoi qu'en pense la députée de Jacques-Cartier, tout effet rétroactif, tout en établissant clairement que les familles qui allaient s'établir au Québec par la suite devaient envoyer leurs enfants à l'école française et ceci sans aucune discrimination envers tous les immigrants. C'est ce que la loi 101 prévoyait. C'est pourquoi tous les enfants qui recevaient légalement l'enseignement en anglais au préscolaire, au primaire ou au secondaire lors de leur dernière année de scolarité avant l'entrée en vigueur de la loi se voient confirmer le droit de continuer à recevoir l'enseignement en anglais. (22 h 20)

Donc, pas d'effet rétroactif. Que les gens aient imaginé qu'il y en avait, je peux le comprendre. Mais vouloir continuer dans le sens de ces allégations, c'est vouloir continuer la démagogie de certaines personnes. De plus, pour éviter la séparation des familles, le même droit est accordé à tous leurs frères et à leurs soeurs cadets. Donc, jusqu'à maintenant, pas de discrimination mais plutôt une ouverture pour les gens déjà en place; pour tous les nouveaux arrivants, l'école française. Pour les personnes domiciliées au Québec avant l'entrée en vigueur de la loi, le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise reposait sur le critère de la fréquentation scolaire en anglais n'importe où dans le monde alors que pour les personnes établies au Québec par la suite, le critère qui devait être utilisé et qui est utilisé était celui de la réception de l'enseignement primaire en anglais au Québec. Donc, la loi 101, à l'article 73, permettait certaines dérogations à l'article 72.

D'autres exceptions étaient aussi prévues aux articles 81, 85, 86, 87 et 88 du

projet de loi 101 pour différentes possibilités. Les prescriptions de la loi 101 étaient claires au moment où elles ont été formulées. Elles ont cependant été compliquées quelque peu par l'article 23 de la charte canadienne des droits. Ce qu'on retient habituellement de l'article 23, c'est le fait qu'on l'appelle la "clause Canada". Vous vous souvenez: "clause Québec" dans la loi 101 et la réciprocité avec les provinces qui acceptaient d'agir de la même façon envers les francophones venant du Québec comme nous acceptions d'agir envers les jeunes venant des autres provinces.

Un exemple, Mme la Présidente, de ce qui est justement la différence entre ce que prévoyait la loi 101 et ce que prévoit la charte canadienne des droits et la constitution canadienne se trouve dans ma propre famille. Deux garçons d'une famille de dix enfants. Mon frère a toujours vécu, qu'il le veuille ou non, dans des provinces anglaises, soit en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Qu'est-ce qui arrive avec la constitution canadienne dans le cas de notre famille? Ce n'est pas la loi 101 qui divise selon la langue, c'est la charte canadienne et la constitution canadienne. Mon frère n'a pas pu faire éduquer ses enfants dans les écoles françaises de la Nouvelle-Écosse ou de l'Ontario. Ceux-ci parlent actuellement anglais et c'est ce que j'ai appelé la branche anglaise des Jolivet. Ce n'est pas la loi 101 qui a permis ces choses, quoi qu'en pensent les gens du Québec. Donc, si cela ne se faisait pas en vertu de la "clause Canada", il semble qu'il aurait assez peu d'influence sur l'ensemble du problème des élèves illégaux dont le rapport Rondeau s'occupe, puisque la grande majorité des gens dont le rapport Rondeau fait mention sont des immigrants: les Italiens, les Grecs, les Portugais, les Chinois et autres. Dans le rapport Rondeau, on dit que les gens provenant du Canada occupent le cinquième rang. Donc, il aurait pu y avoir des sanctions. Une sanction serait odieuse: ce serait de l'utiliser pour pénaliser les enfants, parce que, en fait, comme je le disais tout à l'heure, ils ne sont pas les vrais coupables.

Le nouveau gouvernement arrive et propose une solution. Dans le rapport Rondeau, on expose dès le départ un préjugé qu'on considère favorable à l'égard des personnes qui ont violé la loi. C'est ce que propose le rapport Rondeau, c'est un préjugé favorable à l'égard de ces personnes. On s'emploie même dès le début à les considérer comme étant des victimes d'une loi, dit-on, oppressive. On dit même que cette loi comporte un effet rétroactif. La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de participer à une discussion avec M. le ministre de l'Éducation. Il m'a dit qu'il n'aimait pas les lois rétroactives, qu'il n'en voulait pas. Je dois vous dire qu'effectivement le rapport

Rondeau, la proposition qui est devant nous, parle d'effets rétroactifs pour des gens qui ont violé une loi, alors qu'ils devaient la respecter. C'est cela qui fait dire à des gens: Moi, j'ai respecté la loi, je ne suis pas capable de suivre la même voie que ceux qui ne l'ont pas respectée. Le ministre dit: Ils n'ont pas à s'en faire, vous savez bien que ces gens n'ont pas à regarder ce qu'ils auraient obtenu s'ils n'avaient pas observé la loi. C'est, de la part d'un ministre, un langage difficile à accepter, qui pourrait être plus logique.

Mais ce qui est encore pire, c'est que la loi 58 telle que présentée a un effet non seulement sur les enfants, mais surtout sur les descendants, frères et soeurs, et cela, il y a des gens qui ne le prennent pas et qui disent qu'on devrait travailler dans le sens d'un meilleur respect de ceux qui ont observé la loi et que la solution proposée soit différente de celle que nous propose la loi 58.

Je vais arrêter là, Mme la Présidente, parce que vous me dites que mon temps est écoulé. Je vais laisser à d'autres de mes collègues le soin de continuer cette discussion sur l'adoption du principe du projet de loi 58. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laviolette. Mme la députée de Groulx.

Mme Madeleine Bleau

Mme Bleau: Le projet de loi 58 permet enfin de régler une situation qui devenait de plus en plus intolérable pour les élèves, les parents et les divers intervenants du domaine scolaire. Je m'associe aux motifs invoqués par le rapport Rondeau pour reconnaître le bien-fondé et l'importance de sanctionner ce projet de loi au plus tôt. En effet, il est important de clarifier les règlements d'admissibilité à l'école anglaise qui rendent l'organisation scolaire fort compliquée. Encore plus essentielle est l'obtention de leur certificat d'études secondaires pour les enfants qui n'ont pas eu un mot à dire dans le choix de leur école. Surtout, il faut faire cesser cet état d'hypocrisie institutionnelle, peu conforme avec nos valeurs démocratiques.

Le projet de loi 58 ne remet pas en cause le bien-fondé de la loi 101, mais permet de corriger certaines anomalies sous l'éclairage de la Charte canadienne des droits et libertés et de tirer enfin une ligne sur ce conflit en évitant de pénaliser les enfants qui ont trop souvent servi d'otages dans cette guerre d'adultes. C'est un geste humanitaire et sage, et je m'associe au courage du ministre de l'Éducation et de mon gouvernement. Ce n'est pas en essayant d'oublier un problème qu'il se réglera comme par magie.

Les gens de l'Opposition, alors qu'ils étaient au pouvoir, auraient eu tout le temps d'apporter des solutions, mais ils n'ont pas eu le courage de le faire de façon humaine, complète et efficace. C'est de la démagogie de la part de l'Opposition que de reprocher à l'actuel ministre de l'Éducation de régler le problème des enfants inscrits illégalement à l'école anglaise, alors que ce sont ces mêmes gens qui ont laissé traîner les choses depuis presque une décennie maintenant. Sortons-nous la tête du sable et prenons nos responsabilités, même si ce n'est pas toujours facile. (22 h 30)

Plusieurs solutions ont été envisagées et suggérées par le groupe de travail constitué aux fins de régler la situation des élèves illégalement admis à l'école anglaise. Le ministre de l'Éducation n'est pas homme à agir sans réflexion et à la légère. Je lui suis reconnaissante de nous proposer la meilleure des solutions après en avoir pesé le pour et le contre. Il faut reconnaître, Mme la Présidente, que la solution que le ministre propose est très raisonnable et souhaitable pour mettre fin à ce laisser-aller qui n'augure rien de bon pour l'avenir social du Québec. D'une part elle ne pénalise pas les enfants et, d'autre part, elle prévient qu'une telle situation ne se reproduise par l'établissement de règles claires et de sanctions prévues pour dissuader les contrevenants de contourner la loi dans l'avenir.

J'appuie entièrement le projet de loi 58 parce que je crois sincèrement que ce n'est pas par des actions répressives que nous protégerons notre culture mais plutôt par des actions positives.

Nous avons un problème démographique à surmonter et l'une des voies de solution est de permettre à des communautés ethniques diverses de s'établir et de croître ici, sans crainte de l'intolérance ou de politiques d'assimilation forcée. C'est bien plutôt par notre ouverture d'esprit et notre accueil que ces différents groupes deviendront graduellement de véritables Québécois et accepteront de participer positivement au développement du Québec.

En vertu du projet de loi 58 les aspirants au statut de Québécois sauront maintenant que le fait français est la base de la société québécoise et que, malgré le respect qu'ils sont en droit d'attendre envers leur culture d'origine, ils doivent s'attendre à devoir vivre dans la langue du pays qui les accueille.

Cela étant dit, il faut reconnaître que ce n'était pas le cas pour les arrivants de l'époque précédant la prise de conscience du gouvernement face à l'affirmation de la culture et de la langue de la majorité du Québec.

Le projet de loi 58, en mettant fin à une situation génératrice de tensions, ne menace aucunement le français qui est et restera la langue de la majorité au Québec.

Je me sens beaucoup plus menacée dans ma langue quand je constate la baisse de qualité qu'elle subit tant à l'école et dans la famille que dans les affaires. Je suis persuadée que nous pouvons atteindre la qualité linguistique essentielle au développement de notre culture, d'abord en cessant les affrontements stériles dans ce domaine et ensuite en favorisant et en démontrant une fierté linguistique et culturelle qui est l'apanage d'une société qui se sent sûre d'elle-même et qui est, par conséquent, tolérante.

À ceux qui se sentiraient lésés parce qu'ils se seraient soumis à la loi 101, je leur affirme qu'ils ont déjà leur récompense, car le but ultime de leur adaptation au Québec est de faire leurs la langue et la culture du coin de terre où ils ont choisi d'élire domicile. C'est par ce processus essentiel qu'ils se percevront comme membres à part entière de la société québécoise, sans nier la richesse qu'on ne pourra jamais leur enlever, c'est-à-dire la connaissance d'une langue et d'une culture qui leur étaient propres avant leur venue chez nous.

Ces gens ont des acquis importants pour notre société et je suis heureuse qu'à leur contact les Québécois francophones aient la chance d'élargir leur vision du monde. J'aimerais en profiter ici pour souhaiter que les Québécois ne se limitent pas à leurs frontières mais plutôt s'ouvrent à d'autres cultures. C'est en étant invitants et ouverts que nous deviendrons une société forte tant du point de vue culturel et intellectuel qu'économique.

C'est à cet égard que je souligne l'importance que nous devrions tous accorder à l'apprentissage d'une deuxième langue pour nos jeunes. Hélas, force m'est donnée de constater qu'il y a place à l'amélioration à ce chapitre. Ce n'est pas en refusant la possibilité à nos jeunes d'apprendre convenablement l'anglais comme langue seconde que nous pourrons nous établir dans une situation concurrentielle avec le reste du monde. Je souligne, en outre, l'importance d'améliorer l'apprentissage du français dans nos écoles et dans l'ensemble de nos médias. C'est par un enrichissement soutenu que nous conserverons notre culture et notre fierté de francophones et non par des mesures répressives et des situations ambiguës, telles que nous les connaissons dans ce problème des illégaux.

Je suis heureuse de constater que près de 89 % de nos enfants sont éduqués dans la langue de la majorité au Québec. Le gouvernement se doit de veiller à ce que ce pourcentage demeure et même augmente. Sans être le seul facteur d'explication, il faut reconnaître que la loi 101 y a joué un

rôle. C'est pourquoi, je le répète, Mme la Présidente, le ministre de l'Éducation est sage en ne remettant pas en cause l'orientation générale de la loi 101, mais l'imbroglio créé par les règlements d'admission à l'école anglaise a assez duré. Nous comprenons maintenant que plusieurs groupes se soient sentis lésés en regard du libre choix qu'ils croyaient acquis à leur arrivée chez nous. Nous croyons fermement qu'en inscrivant leurs enfants à l'école anglaise, ils ne voulaient pas se placer dans l'illégalité, mais se défendre contre ce qu'ils croyaient être une injustice.

Le fait que des parents aient accepté de payer des frais de scolarité pour leurs enfants démontre à quel point ils étaient convaincus du bien-fondé de leur décision. Nous offrons donc à ceux-ci une amnistie qui ne se veut pas une prime à la désobéissance, mais une manière de régler le problème de façon humaine et définitive. La situation sera claire avec l'adoption du projet de loi 58, et nos futurs concitoyens sauront qu'en choisissant le Québec ils choisiront de vivre en français et surtout qu'ils choisiront un pays qui respecte l'entité de chacun par l'application, dans ses lois, de valeurs démocratiques. Ce n'est pas en accusant aujourd'hui les cadres et les commissaires, comme l'ont fait le chef de l'Opposition et le député de Laviolette, que nous réglerons ce qu'ils n'ont pu régler durant neuf ans.

Je conclurai, Mme la Présidente, en félicitant le ministre de l'Éducation pour son souci de créer un climat de confiance et de collaboration tout en évitant qu'une situation semblable ne se reproduise. Le bien-être et l'avenir de tous les jeunes Québécois constituent la raison principale de notre projet de loi. Par cette sage décision, nous réglons un problème qui traîne depuis trop longtemps et nous évitons, par des règlements clairs, de reprendre un débat stérile. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Groulx.

M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Nous voilà réunis à 22 h 40 pour discuter d'un projet de loi qui, sans l'ombre d'un doute, retient l'attention de tout le Québec. Ce projet de loi retient l'attention de tout le Québec parce que, effectivement, il touche au coeur même d'un certain nombre d'acquis qui ont été gagnés à la lumière, à la suite de longues luttes, longues luttes sociales et longues luttes politiques, et qui ont permis, il y a un certain nombre d'années - neuf ans plus précisément - de clarifier ici au Québec, sur ce territoire, une situation qui n'aurait pu durer davantage. Il importe de rappeler, à ce moment-ci, un certain nombre de faits historiques. (22 h 40)

En effet, comment pouvons-nous penser discuter d'un projet de loi comme le projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants, comment pourrions-nous discuter de ce projet de loi dans le contexte où il est actuellement devant cette Chambre sans rappeler un certain nombre de choses, un certain nombre de faits qui sont maintenant partie intégrante de notre histoire et que les Québécois et les Québécoises de toute ethnie se rappelleront certainement avec un certain respect?

Mme la Présidente, faudra-t-il rappeler, au cours des années, les premières années, les luttes que les francophones ont dû entreprendre, ont dû soutenir et ce, à partir d'une période aussi lointaine dans notre histoire que la fin du XVIIIe siècle? Comment parler de ce projet de loi dans le contexte où on se trouve, sans tenir compte du fait que la minorité française sur le continent ne s'élève guère plus qu'à 6 000 000 d'habitants dont la très grande majorité se concentre au Québec? Comment pouvons-nous entreprendre et aborder sérieusement l'étude de ce projet de loi sans tenir compte, bien sûr, de la période plus proche de nous mais déjà relativement loin de la régression du fait français au Québec? Qui d'entre nous, qui des gens qui nous écoutent ne se souviendraient pas d'une certaine période, voilà peut-être 15 ou 20 ans ou davantage, où le fait de parler français même au Québec constituait un handicap sérieux? Qui ne se souviendra pas, dans ma région, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, où les seuls emplois intéressants, les seuls emplois autres que des emplois de manoeuvre étaient réservés à ceux qui possédaient la langue anglaise et qui étaient d'origine souvent différente de la nôtre?

Mme la Présidente, souvent les gens se demandent pourquoi le Saguenay—Lac-Saint-Jean a des croyances politiques qui, à certaines occasions, et on l'a vu récemment, se distinguent d'autres régions du Québec. C'est peut-être que dans une région francophone à 99 % on a vécu à une certaine période le problème linguistique avec plus d'acuité qu'ailleurs, parce que dans une région è 99 % francophone, les emplois de cadre et même de contremaître dans les grandes entreprises qui constituaient la base et l'essentiel de notre économie, ces emplois étaient réservés à des gens qui étaient de langue anglaise.

Voilà quelques faits qui, heureusement, sont maintenant chose du passé. Heureusement, aujourd'hui, les gouvernements au cours des années, par un certain nombre de projets de loi, par des actions politiques cohérentes, difficiles à mener, il faut le

dire, des gens de l'autre côté en ont déjà mené de ces actions, ont réussi à préserver le fait français au Québec.

Il y a eu des projets de loi éminemment contestés. Qu'il me suffise de rappeler la loi 63, la loi 22 et, bien sûr, ce projet de loi, cette loi qui a permis véritablement, une fois pour toutes, d'affirmer le fait français au Québec, la loi 101, cette loi 101 qui, après une dure bataille ici à l'Assemblée nationale, a finalement été cette loi qui a permis, il faut bien le dire, de ramener au Québec la paix sociale. On se souviendra que les lois précédentes n'avaient fait qu'ajouter à la confusion, tandis que la loi 101 a permis une fois pour toutes de dire clairement, à tous ceux et celles qui étaient intéressés par ce problème et qui étaient concernés, que c'est en français que ça se passe et selon tel et tel critère. La loi 101, qui était en réalité, il faut bien le dire, le résultat des efforts conjugués de toute la société québécoise, le résultat des efforts conjugués de l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec, la loi 101, par le long cheminement qui a été le sien, par la démarche profondément difficile et lente qui a été la sienne, a été un projet de loi marquant de notre vie sociale et politique puisqu'elle rétablissait la situation.

Voilà - et on en est rendu à l'objet essentiel de nos travaux de ce soir - qu'à une certaine période des personnes récalcitrantes ont décidé, pour un certain nombre de raisons qu'il ne m'appartient pas de juger, d'inciter un certain nombre de familles, d'inciter des gens à défier des aspects de cette loi 101. Après avoir vécu collectivement une démarche, qui a été longue, difficile, pénible, mais combien valorisante pour le peuple québécois, voilà que des associations syndicales, voilà que des cadres scolaires, voilà que certains commissaires d'écoles complaisants, voilà que certains citoyens récalcitrants s'organisent pour défier un élément important de cette loi 101.

Mme la Présidente, le ministre nous a fait, selon son habitude, un discours fort intéressant, un discours qui faisait appel dans certains cas à des arguments très rationnels, on en convient, mais un discours aussi qui, malheureusement, faisait appel, dans bien des cas, à des arguments passablement émotifs. J'ai été un peu étonné de voir le ministre de l'Éducation ramener constamment le débat et l'essentiel de son argumentation autour du fait que les enfants ne pouvaient être tenus responsables de la situation, et il a raison dans les faits. J'ai entendu le ministre de l'Éducation nous dire que les enfants étaient les victimes d'un ensemble de circonstances, et il a raison sur le fond. Je citerai un article de M. Rudy Le Cours, dans le Journal de Québec, où le ministre disait: Écoutez, je pense qu'ils savent qu'ils ont agi d'une manière éminemment contestable. Les plus malheureux de cette situation, ce sont les enfants concernés, leurs parents et ceux qui ont été impliqués dans cette action.

Je respecte le ministre, je respecte son point de vue concernant les enfants et j'y adhère. Là où je suis passablement étonné de son attitude et de son discours, c'est lorsqu'il brandit le spectre des inspecteurs inquisiteurs qui pourchassent les enfants qui ne sont pas responsables de la situation, ils les pourchassent dans les écoles et les enfants doivent se camoufler, se cacher, s'enlever de la vue des inspecteurs, disparaître, à toutes fins utiles, de la circulation. Pauvres enfants et méchants inspecteurs! Voilà ce que le ministre essaie de nous dire dans son argumentation.

Le ministre nous dit également que les anglophones à l'époque ont perçu cela comme un bris du contrat social. Soit, admettons qu'en 1977 les 144 parents d'enfants qui ont réagi négativement à la loi ont pu se sentir, sur le coup, lésés. Admettons qu'ils ont pu sentir que le contrat social était rompu. Admettons que les 128 parents, qui ont envoyé leurs enfants à l'école anglaise en 1978, pouvaient encore, deux ans après, se sentir frustrés, réagir négativement.

Est-ce qu'on viendra me dire, Mme la Présidente, que les parents qui ont inscrit 58 enfants à l'école anglaise en 1985-1986, neuf ans après que la loi eut été adoptée par ce Parlement, étaient aussi légitimés de penser qu'on brisait au Québec un contrat social? Ces enfants n'étaient probablement puisqu'il s'agit d'une entrée à l'école anglaise - pas nés au moment où la loi a été adoptée par ce Parlement. Peut-on aujourd'hui légitimement utiliser l'argument qu'on a brisé le contrat social envers ces gens dont les enfants n'étaient même pas nés au moment où la loi a été adoptée? Mme la Présidente, on pourrait remonter dans le temps. On pourrait se demander si, cinq ans, six ans après l'adoption de la loi, les parents étaient toujours légitimés de penser qu'on avait brisé au Québec le contrat social. Voilà la question qu'on est en droit de se poser.

Le ministre dans son argumentation va jusqu'à citer le cas d'un délateur qui fut, semble-t-il, presque amnistié par la justice après avoir aidé celle-ci à découvrir ou à élucider un certain nombre de crimes. Mme la Présidente, vraiment on n'a pas compris ce que cela venait faire dans la discussion. Il n'y a aucun point de comparaison, il n'y a aucun élément semblable et ce n'est certainement pas l'argument qui honore le plus le ministre. (22 h 50)

Dans sa plaidoirie, Mme la Présidente, le ministre nous parle d'ouverture. Faites donc preuve d'ouverture, nous dit-il. Faites donc preuve de tolérance, nous dit-il. Faites donc preuve de largeur d'esprit, de largeur

de vues. Voilà les arguments du ministre. Je vous demanderai simplement, Mme la Présidente: Me Aquin ne faisait-il pas preuve d'ouverture d'esprit quand il parlait de faire une campagne d'information pour inciter les "illégaux" à réintégrer l'école française? Me Aquin ne faisait-il pas preuve de tolérance à l'endroit des "illégaux" lorsqu'il demandait à l'État de s'engager à renoncer à toute poursuite dans le cas des gens qui retourneraient dans le droit chemin? Est-ce que Me Aquin en 1981 ne faisait pas preuve de largeur de vues lorsqu'il suggérait un projet d'accueil complet pour les élèves qui étaient concernés par l'objet de son rapport? Est-ce que Me Aquin ne faisait pas preuve d'ouverture, de tolérance et de largeur de vues lorsqu'il parlait d'inscriptions assouplies pour ces enfants illégaux, lorsqu'il parlait de délai raisonnable pour se remettre en loi, lorsqu'il parlait d'évaluation pédagogique et linguistique appropriée, lorsqu'il parlait de mesures de soutien linguistique pour réintégrer le droit chemin, lorsqu'il parlait d'ajustements quant au financement de l'enseignement de ces enfants? Est-ce que ce n'est pas faire preuve d'ouverture, de tolérance et de largeur de vues face à ceux qui avaient défié la loi?

Mme la Présidente, aujourd'hui, on nous demande, on nous implore de faire preuve d'ouverture, de tolérance et de largeur de vues. Mais il me semble que nous en avons fait preuve, déjà et que nous sommes toujours disposés à faire preuve d'ouverture, de tolérance et de largeur de vues. Mais la vérité a toujours ses droits. Il nous semble qu'il y a des gens au Québec qui ont accepté, malgré eux, dans certains cas, de respecter fondamentalement les principes de la loi 101 qui avait été votée et adoptée par ce Parlement. Il y a des gens au Québec qui auraient voulu aussi profiter de l'école anglaise. Il y a des gens qui auraient voulu, par choix ou à cause de leur milieu social, envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Mais ces gens ont majoritairement respecté l'institution démocratique qu'est le Parlement. Ils ont respecté les lois qui sont votées dans ce même Parlement.

Mais, parce qu'un certain nombre de gens s'en sont exemptés, parce que, pendant des années, des cadres scolaires, des commissaires d'écoles, des directeurs d'école ont décidé de défier la loi, parce qu'il y a encore des inscriptions qui se sont faites à l'école anglaise récemment, neuf ans après, parce que des gens ont décidé qu'on avait brisé le contrat social au Québec, quand, voilà neuf ans, on a décidé que, selon certains critères, c'est en français que cela se passait au Québec, aujourd'hui, alors qu'on veut régler leur problème, le ministre nous demande de faire preuve de tolérance, de largeur de vues et de beaucoup de magnanimité envers ces gens-là. Il nous demande de faire fi de tous ces gens qui, aujourd'hui, doivent se mordre les pouces d'avoir respecté la loi puisque le ministre bénit, en quelque sorte, tous ces gens, puisque le ministre élargit les droits de ces gens-là à leurs descendants et à leurs frères et soeurs.

Mme la Présidente, on se demande un peu où s'en va ce gouvernement du côté linguistique. On se demande sincèrement s'il y a une politique d'ensemble de ce gouvernement. Est-ce qu'il y a deux personnes qui pensent pareil dans ce gouvernement du côté linguistique? Est-ce que c'est le ministre de la Justice qui a raison quand il parle de suspendre les poursuites relatives à l'affichage en anglais ou à l'affichage bilingue? Est-ce que c'est le ministre de l'Éducation qui a raison quand il parle d'amnistier les enfants qui ont défié la loi depuis neuf ans au Québec et cela sans aucune espèce de compensation quelle qu'elle soit? Est-ce que c'est chacun des députés qui sont en cette Chambre et qui ont souvent des visions différentes de ce qu'est et de ce que devrait être la politique linguistique du gouvernement? Est-ce qu'enfin quelqu'un de responsable dans cette équipe ministérielle va se lever et nous énoncer clairement dans les faits ce qu'est la politique linguistique de ce gouvernement, quelle est l'orientation qu'on compte prendre? Est-ce qu'on compte amnistier a posteriori tous ceux et celles qui mettront de côté des dispositions de la loi 101? Est-ce cela qu'on compte faire dans ce gouvernement? Est-ce qu'on compte laisser de côté ou bénir ou donner plus de droits encore à ceux qui ont refusé de se soumettre à une loi légitimement adoptée dans ce Parlement? Est-ce cela, la ligne de conduite du gouvernement? Ou est-ce une ligne de conduite différente, plus serrée, plus proche de la réalité?

Motion de report

Manifestement, ce gouvernement n'a pas de ligne directrice, n'a pas de politique linguistique claire. C'est pour cela, pour lui donner le temps de se préparer une politique linguistique claire qu'en vertu de l'article 240 de notre règlement je propose d'amender la motion principale en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans six mois", de telle sorte qu'ils auront le temps de se préparer et d'être cohérents dans les projets de loi qu'ils nous présenteront. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député de Roberval. En vertu de l'article 240, une motion de report doit faire l'objet d'un débat restreint, c'est-à-dire d'un débat de deux heures. S'il n'y a pas de consentement de la Chambre pour se

partager les deux heures, je devrai... Est-ce qu'il y a consentement de la Chambre ou s'il y a eu une entente pour le débat de deux heures? M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Habituellement, c'est le gouvernement qui parle. On va laisser parler le gouvernement.

La Vice-Présidentes M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, au moment où on se parle, effectivement, il n'y a pas d'entente, mais je peux vous suggérer de suspendre pour cinq ou dix minutes, le temps qu'on puisse se parler pour voir si on peut s'entendre. Sinon, c'est vous qui déciderez. Ce que je suggère, c'est de suspendre pour cinq minutes.

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement pour une suspension de cinq minutes, parce qu'il faut tout de même qu'il y ait entente sur le temps?

M. Gendron: Oui, oui, il y a consentement.

La Vice-Présidente: Nous allons suspendre pour une durée de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 58)

(Reprise à 23 h 38)

La Vice-Présidente: S'il vous platt, que chacun reprenne son siège. À l'ordre, s'il vous plaît! Que chacun regagne son siège. Je vais maintenant rendre ma décision sur la motion de report présentée par le député de Roberval sur le projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants.

En vertu de l'article 240 in fine, "la motion de report fait l'objet d'un débat restreint". Or, en vertu de l'article 210 du règlement, on définit ce qu'est un débat restreint: "la durée d'un débat restreint est d'au plus deux heures". Cet article 210 est une exception à la règle générale du temps de parole stipulée à l'article 209.

Après une réunion avec les leaders conformément à l'article 210, je constate qu'aucun accord n'est intervenu pour le partage du temps. En vertu du paragraphe 6 de l'article 2, il me revient la tâche d'organiser le débat restreint.

La limite qui nous est imposée par l'article 210 étant déjà une exception à la règle générale qui donne ouverture à la discussion à l'Assemblée, je me vois dans l'obligation de ne pas restreindre davantage le droit de parole des députés. En effet, il faut favoriser la discussion la plus large possible sur toute question soumise à la considération de cette Assemblée.

Par conséquent, je reconnaîtrai autant d'intervenants qui se présenteront jusqu'à concurrence de la limite de temps imposée par l'article 210 en respectant, autant que possible, l'alternance et en limitant la durée de chaque discours à dix minutes.

M. le député de "Chevrette" sur la motion de report.

M. Charbonneau: De Verchères, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Verchères sur la motion de report.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Un jour, je vous prédis qu'il y aura probablement un comté, le comté de "Chevrette".

Mme la Présidente, j'interviens, à ce moment-ci, sur la motion de report présentée par mon collègue, le député de Roberval, parce que, d'abord, je pense que, déjà, le fait d'avoir présenté à la discussion du Parlement ce projet de loi en soirée est inacceptable.

Mme la Présidente, le parrain du projet de loi, le député d'Argenteuil est un ancien journaliste comme moi. D'ailleurs, c'est mon ancien patron au Devoir. Il sait très bien que, si un gouvernement veut que les médias d'information et que l'opinion publique suivent attentivement un débat important et que, en particulier, l'Opposition qui a le mandat dans la société de faire entendre des points de vue contraires au gouvernement ait l'occasion non seulement de faire entendre ses points de vue, mais que ses points de vue soient véhiculés à travers les médias dans l'opinion publique, il faut que cela se fasse dans un moment particulier qui permette aux journalistes de suivre les débats et d'en faire rapport à la population.

Mme la Présidente, il n'y a pas un journaliste, ici, à 23 h 40 qui écoute le débat sur la loi 58. Il n'y en avait pas un, non plus, à 20 heures lorsque le député d'Argenteuil a commencé ce débat. Il n'y en avait pas plus ce soir à 21 heures lorsque le chef de l'Opposition a fait son intervention. On doit constater qu'à ce moment-ci faire ce type de débat important, c'est dévaluer la nature même du débat qui est présenté. Ce n'est pas un débat mineur, comme le prétendent les membres du gouvernement; c'est un débat qui touche à une des questions les plus fondamentales, les plus délicates, les plus sensibles et, à certains égards aussi - on l'a vécu, il y a quelques années - les plus explosives que notre société ait connue. L'immense tableau qui est derrière vous, Mme la Présidente, a trait à

un débat linguistique il y a plus de 200 ans dans cette Assemblée. C'est dire que la question linguistique a toujours été au coeur des préoccupations de l'ensemble de la population du Québec et en particulier des élus de cette population.

Non seulement on nous présente un projet de loi en fin de soirée et on va nous obliger à siéger dans la nuit - eux qui ont longtemps décrié cette pratique alors qu'ils étaient dans l'Opposition - mais on nous présente un projet de loi important qui touche à la question linguistique en fin de session et on le fait sans consultation de la population avec, comme seule opinion indépendante, l'opinion d'un comité de personnes qu'on a mis sur pied, cinq personnes dont un conseiller spécial du ministre de l'Éducation, un attaché politique du ministre de l'Éducation, un député ministériel - quelle impartialité va-t-on retrouver? - membre d'une communauté ethnique, culturelle, une des communautés qui ont réclamé une amnistie pour les "illégaux", donc un député qui est complètement objectif sur cette question, et deux personnes qui sont également des gens des communautés culturelles.

Mme la Présidente, le fait d'avoir choisi ce type de composition, d'avoir refusé toute consultation, d'avoir refusé de présenter à l'opinion publique une position de gouvernement sur l'ensemble de la question linguistique, cela nous oblige à ce moment-ci à utiliser tous les moyens parlementaires qui sont à notre disposition pour faire obstruction aux tentatives du gouvernement.

Ce projet de loi n'est pas mineur. Il se situe dans un contexte particulier où le gouvernement par son attitude démontre de la tiédeur, du relâchement sur des questions fondamentales qui sont toutes reliées les unes aux autres, tiédeur et relâchement autour de la question linguistique reliée à l'affichage, tiédeur autour de la question de la langue du travail. Pas plus tard qu'il y a quatre jours, le 31 mai, dans le Soleil, on titrait: Le relâchement atteint les usines. La francisation marque le pas. Tiédeur autour de l'intégration des immigrants et des nouveaux arrivants, tiédeur et relâchement autour de la juridiction constitutionnelle du Québec en matière linguistique. C'est dans ce contexte, Mme la Présidente, que se situe la présentation du projet de loi 58 sur l'amnistie des illégaux. Ce n'est pas uniquement un projet mineur qui concerne une petite partie du dossier linguistique que l'on veut rouvrir pour régler un problème qui n'avait pas été réglé auparavant alors que tout le reste ne fait pas problème et que tout le reste ne provoque pas de discussion dans la société. Ce n'est pas cela qui se passe actuellement. Ce qui se passe actuellement c'est qu'on a devant nous un nouveau gouvernement qui, par son attitude, par le comportement de ses ministres et par celui de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration... Celle-ci donne des messages à la communauté anglophone et aux communautés ethniques et culturelles du Québec en leur disant: Nous, du Parti libéral, nous du gouvernement libéral, tout ce qui n'est pas francophone c'est anglophone. C'est cela que la ministre a fait. C'est dans ce contexte, Mme la Présidente, que j'ai expliqué tantôt à un de vos collègues et que je vous explique publiquement la raison pour laquelle on pense que ce projet de loi n'est pas mineur. Il est important et beaucoup plus important que le ministre de l'Éducation n'a voulu le prétendre dans son intervention de tantôt. Il est beaucoup plus important que ce que les députés ministériels vont dire au cours des prochaines heures et des prochains jours. Ce projet de loi s'inscrit dans un plan d'action et dans une attitude globale du gouvernement en ce sens qu'il s'attaque à la fibre même de l'identité nationale québécoise, c'est-à-dire la question linguistique. Si on avait devant nous un gouvernement qui était au-dessus de tout soupçon, qui n'avait pas par son attitude réanimé et encouragé des gens dans la région de Montréal en particulier et dans la région de l'Outaouais à revenir à des anciennes habitudes et à revenir à une époque où finalement lorsqu'on parlait en français dans certains milieux c'était sinon s'abaisser du moins faire une concession majeure que daigner répondre en français, que daigner parler en français, que daigner s'adresser en français à des concitoyens et à des concitoyennes... C'est cette attitude que les ministres du gouvernement libéral encouragent depuis le 2 décembre. À l'égard de la francisation dans les entreprises et de la langue du travail, on écrivait dans le premier paragraphe d'un article du Soleil cette semaine: "Et la venue d'un gouvernement qui ne cache pas sa tiédeur à l'égard de la loi 101 semble avoir accentué cette tendance. Le relâchement qui a été constaté dans la francisation de l'affichage depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux apparaît maintenant dans les usines du Québec". Cela apparaît dans les usines du Québec, cela apparaît dans les rues de Montréal, cela apparaît dans les rues des municipalités de l'île de Montréal, cela apparaît dans les rues des municipalités de l'Outaouais et cela apparaît dans l'attitude...

La Vice-Présidente; À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappellerai l'article 36 où il est bien mentionné qu'on ne peut interrompre l'intervention d'un député. M. le député de Verchères, vous pouvez continuer.

M. Charbonneau: Mme la Présidente, je peux comprendre que mes propos agacent le député de Sainte-Anne, mais j'espère...

M. Polak: Mme la Présidente, une question de règlement.

La Vice-Présidente: Une question de règlement, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Mme la Présidente, le député ne parle pas du tout sur le projet de loi 58, il parle d'une tout autre affaire. S'il n'a rien à dire qu'il arrête de parler.

M. Chevrette: Sur la question de règlement.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition. (23 h 50)

M. Chevrette: Mme la Présidente, je pense que vous avez fait un rappel à l'ordre en vertu de l'article 36 et le député de Sainte-Anne devrait s'y conformer, purement et simplement, et ne pas chercher à interrompre le député de Verchères.

M. Charbonneau: Mme la Présidente, pour la bonne...

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je veux bien qu'il y ait des rappels à l'ordre en vertu de l'article 36, mais je me permettrai d'en faire un en vertu de l'article 211 au député de Verchères, de s'en tenir non pas à la motion de fond sur l'adoption du principe du projet de loi 58, mais, évidemment, sur la motion de report suggérée par son propre groupe parlementaire.

M. Charbonneau: On va vous faire un dessin, monsieur!

La Vice-Présidente: Veuillez continuer...

M. Charbonneau: Mme la Présidente, je comprends que le leader adjoint du gouvernement a besoin d'un dessin, on va lui en faire un. Ce que le leader du gouvernement n'a pas voulu comprendre dans les propos que j'ai tenus, c'est que, si on demande un report, c'est pour permettre au gouvernement de nous dire clairement où il loge sur la question de l'affichage, sur la question de la francisation de la langue du travail, sur la question de l'intégration des immigrants à la communauté francophone, sur la question...

Des voix: Bravo!

M. Charbonneau: ...de la compétence du Québec en matière linguistique. C'est pour cela qu'on veut que le gouvernement prenne six mois pour réfléchir, parce qu'on pense que ce projet de loi, le projet de loi 58, doit être étudié dans le contexte global d'une politique linguistique qui doit nous être livrée par le gouvernement. Le gouvernement doit mettre ses couleurs sur la table, il doit nous dire où il loge sur l'ensemble des questions linguistiques.

Je termine, Mme la Présidente. Je pense qu'à cet égard six mois, ce ne sera pas trop au gouvernement pour calmer les tempêtes qu'il a commencé à soulever un peu partout à l'intérieur du Québec à l'égard de son attitude dans le domaine linguistique.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Verchères. M. le ministre de l'Éducation.

Une voix: Lui, il était au Devoir. M. Claude Ryan

M. Ryan: Mme la Présidente, je crois que le député de Verchères, mon bon ami...

Une voix: Le camarade.

M. Ryan: ...vient de faire la preuve qu'il n'y a aucune justification à la motion de report présentée par l'Opposition.

Une voix: C'est vrai.

M. Ryan: S'il avait pu apporter le moindre argument indiquant que, sur le sujet qui est en discussion avec le projet de loi 58, un report pourrait être de quelque utilité, j'aurais compris son raisonnement. Mais, à l'exemple du chef de l'Opposition ce soir, il s'est perdu dans des avenues latérales. Ils ont ouvert toutes sortes d'avenues de côté, parce qu'ils n'ont rien à dire...

Une voix: C'est cela.

M. Ryan: ...sur le sujet qui est en discussion avec le projet de loi 58. Le chef de l'Opposition a passé son temps dans son discours, ce soir, à dire: Je ne parle pas des enfants, je ne veux pas faire de tort aux enfants. C'est le sujet qui est en discussion avec le projet de loi 58, Mme la Présidente. Ce n'est pas la langue de l'affichage, ce n'est pas la langue de ceci et de cela, ce n'est pas le problème général de l'intégration des immigrants à la communauté francophone, c'est le problème des 1500 enfants qui sont dans les écoles anglaises de manière illégale par suite de la négligence et de l'impuissance de ce gouvernement d'autrefois...

Des voix: Bravo!

Une voix: Très ingénieux!

M. Ryan: Ils ont eu neuf ans pour enfanter même pas d'une souris, pour enfanter de frayeurs sans cesse renouvelées, mais jamais de solutions. J'ai été scandalisé ce soir, et cela ne m'arrive pas souvent, j'ai été scandalisé d'entendre...

M. Blais: II a enlevé son col romain.

M. Ryan: Celle-là, on pourra vous la faire ravaler, M. le député de Jonquière. On va vous en montrer dans ce domaine, comme dans d'autres. Vous êtes mieux de rester dans les Affaires municipales.

Des voix: Bravo!

M. Ryan: Je m'excuse, c'était le député de Terrebonne. Alors, je ne lui réponds pas. J'ai été scandalisé, mais disons que j'ai été étonné si le langage paraît ecclésiastique et effraie le député de Terrebonne. J'ai été étonné d'entendre le chef de l'Opposition et d'autres ténors à sa suite, y compris, je crois, mon bon ami, le député de Laviolette, dire: On les connaît les coupables; il y avait un système. Le député et chef de l'Opposition dit: II y avait les commissaires de la CECM, les commissaires de la commission scolaire Le Royer, les cadres administratifs supérieurs. Il a dit: Je n'attaque pas les principaux, il y avait les directeurs d'école aussi. Qu'est-ce que vous avez fait pendant neuf ans? Vous saviez cela. Pendant neuf ans vous êtes restés assis sur votre siège et vous ne faisiez rien; vous allez venir les attaquer maintenant que vous êtes sûrs de n'avoir rien à faire du côté de l'Opposition? C'est une comédie monumentale. Ce n'est pas comme cela qu'on diriqe les affaires publiques. Vous nous avez laissé un problème. Vous avez eu neuf ans pour le régler et, maintenant, vous voulez six mois. Pourquoi? Qu'est-ce que vous avez à dire au cours des six prochains mois? Vous auriez pu commencer ce soir. "You have nothing to say, my friends." Je vous comprends et je sympathise avec vous, mais je ne voudrais pas que vous retardiez l'action d'un gouvernement qui sait ce qu'il a à faire.

C'est évident en vous écoutant parler ce soir que personne d'entre vous n'a eu beaucoup de temps pour étudier le rapport Rondeau. Vous vous êtes intéressés à savoir si M. Rondeau était dans mon cabinet politique ou à un autre niveau. Ce sont des questions secondaires. Tout le monde sait que M. Rondeau a la compétence pour s'occuper de ces choses-là, de même que toutes les autres personnes qui faisaient partie du comité. Voici ce qu'ils nous disent: "Nous sommes persuadés que la situation d'illégalité quant à l'admission à l'école anglaise a assez duré et qu'une solution doit être apportée pour la prochaine rentrée scolaire." C'est toute l'économie du projet de loi, on vous l'a dit autant comme autant; il faut que ce problème soit réglé avant la prochaine année scolaire. Je ne sais pas si le député de Roberval se rend compte qu'avec la motion de report qu'il présente il nous renvoie exactement au mois de décembre. Qu'est-ce qu'on va faire au mois de décembre? On va partir pour le congé de Noël? Pensez-vous que vous allez vous empêcher de dormir avec le problème des "illégaux" pendant ce temps-là? Pas d'après ce que vous avez fait pendant neuf ans.

Une voix: Bien non.

M. Ryan: On vous dit: II faut régler le problème. D'abord, il y a de ces enfants qui sortent des études; ils n'ont pas de diplôme. Il y en a qui se présentent sur le marché du travail - je pense qu'on est sensible à cela de l'autre côté de la Chambre - et l'employeur leur dit: J'ai besoin d'un certificat... Par exemple, s'ils se présentent au gouvernement du Québec pour un poste, ils ont besoin d'un certificat d'études. Ils vont dire: Je n'en ai pas, j'étais un non-existant aux yeux du gouvernement du Québec pendant neuf ans. J'étais un "nonperson", cela n'existait pas pour moi ces papiers. Vous dites: Un an de plus ou de moins. Avec la paresse dont vous avez fait preuve, je sais que cela ne vous fait aucune différence, mais pour nous cela en fait une très grosse et nous allons le régler pour le mois de septembre.

Ensuite, pour l'organisation scolaire, si on veut faire quelque chose, si on les régularise, il va falloir les réintégrer dans les classes. On va larmoyer dans quelques jours sur le problème du ratio dans les classes. Je prévois que le député d'Abitibi-Ouest aura des choses intéressantes à nous dire là-dessus, mais dans ce secteur-là cela fait des années que l'on marche avec un ratio maître-élèves qui est bien au-delà de toutes les normes imposées par le gouvernement ou reconnues dans les conventions collectives. On dit: On va régler ce problème aussi et, en même temps, on va en profiter pour régler les conditions de travail. On va mettre les choses en ordre partout. Mais cela demande que l'on sache à quoi s'en tenir. Déjà, nous sommes en retard pour la prochaine année scolaire, mais il y a moyen de régler le problème parce qu'on l'a vu venir depuis déjà une couple de mois et on a déclaré publiquement quelle était notre intention, mais, si l'Opposition nous disait: On a des choses à vous apporter, on a pensé à cela et on va vous arriver avec des choses très importantes, on dirait: Apportez-les-nous ce soir. Mais, même si on attendait deux ou trois mois, on ne sera pas plus avancés qu'on ne l'était. Vous n'avez rien trouvé à dire dans tout ce qu'on a discuté jusqu'à maintenant et, si on allait consentir au délai,

vous continueriez à vous complaire dans la paresse intellectuelle et dans la passivité et l'indifférence les plus totales à l'endroit de ce problème.

Mme la Présidente, je vous dis en dernier lieu que les conditions sont réunies pour une solution juste, rapide et efficace. J'ai fait le tour de tous les intervenants qui sont impliqués dans ce dossier. Nous les avons tous rencontrés et nous avons établi les éléments d'une solution viable. Je ne pense pas que l'on doive tout renvoyer aux calendes grecques, dans l'espoir d'être capable de rattraper le poisson dans six mois, alors qu'on ne le sait même pas. Par conséquent, vous comprenez parfaitement, Mme la Présidente, qu'il s'agit là d'une motion dilatoire du genre le plus classique et les Parlements responsables, devant les motions dilatoires, agissent le plus rapidement possible et passent à l'action. (Minuit)

Des voix: Bravo! Bravol

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Éducation. M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, Mme la Présidente.

Si nous avons proposé, par l'intermédiaire de mon collègue de Roberval, une motion de report, c'est justement pour permettre au gouvernement de ne pas parler seulement d'un aspect du sujet mais de l'ensemble du sujet.

Le ministre dit: Écoutez, il n'y a pas d'urgence. Je vais simplement vous lire ce que Mme Lysiane Gagnon disait dans un article de la Presse, le 1er mai, intitulé: "Une amnistie injustifiable". "De fait, comme le signalait la semaine dernière le chroniqueur Don McPherson dans la Gazette, il n'était même pas nécessaire d'amnistier les "illégaux". "L'amnistie s'imposerait, évidemment, pour des raisons humanitaires, si leur statut semi-clandestin les empêchait d'obtenir leur diplôme et brisait leur chance d'avenir. Mais ce n'est pas le cas. Les autorités du réseau anglo-catholique, complices actives de ces inscriptions illégales, remettent à ces élèves des "diplômes" légèrement différents du document réglementaire, mais la différence n'est pas perceptible au profane. L'épicier qui embauchera tel gamin de 16 ans pour transporter des caisses ne lui demandera pas son diplôme et le cas échéant, il n'y verrait que du feu. "Leur statut imprécis n'empêche nullement les "illégaux" de poursuivre leurs études...". Je sors du texte pour dire que le ministre l'a évoqué quand il parlait du cégep. Je reviens au texte: "...de poursuivre leurs études, les cégeps et les universités anglophones reconnaissant leur pseudo-diplôme de fin d'études secondaires. Au bout de cette longue chaîne de complicités, l'élève "illégal" se retrouve muni d'un diplôme collégial ou universitaire en bonne et due forme. Qu'est-ce que c'est que ce pathos autour du stigmate dont ces enfants seraient victimes et qu'il faudrait de toute urgence effacer par une amnistie transmissible à leurs propres enfants?" Encore plus à leurs frères et à leurs soeurs.

C'est justement pourquoi nous demandons un report de six mois, pour permettre à ce gouvernement de ne pas regarder un seul problème mais l'ensemble du problème linguistique. Je pense que c'est important. Il n'y a pas seulement le fait qu'on doive avoir confiance en ceux qui sont engagés par le ministre. Je peux avoir confiance en vous. Je peux avoir confiance en ceux que vous engagez. Cependant, je peux contester le fait que des gens, qui ont été dans le dossier à divers degrés, soient maintenant dans un comité qui a présenté un rapport qui amnistie à toutes fins utiles les gens qui ont posé des gestes illégaux.

Je n'ai rien contre M. Jean-Claude Rondeau, qui est le conseiller spécial du ministre. Je n'ai rien contre M. Jeff Polenz, qui est votre attaché politique. Je n'ai rien contre le député de Viau, que j'estime et avec qui j'ai beaucoup de contact et de discussions. Je ne connais pas MM. Gerald Brown ni Michael Macchiagodena, sauf que je peux vous dire une chose, c'est qu'à côté de ceux-là on vous avait proposé d'autres personnes qui pourraient vous conseiller. Vous auriez pu prendre le temps dans les six mois pour regarder ce que l'Alliance des professeurs de Montréal propose dans une rude mise en garde au ministre Ryan, dit l'article. Vous auriez pu regarder ce que la CEQ veut. Elle a quand même quelque chose à dire dans l'ensemble du dossier. Dans sa demande, elle veut une réaffirmation de la loi 101. Elle pose l'ensemble du processus, même au niveau des "illégaux".

Peut-être qu'une commission parlementaire et peut-être que le délai de six mois nous permettraient, à l'Assemblée nationale, de connaître autre chose qu'un rapport provenant des gens engagés par le ministre dans son propre cabinet, de députés de l'Assemblée nationale qui ont pris des engagements lors de l'élection pour régler ce problème, selon leur dire. Aussi, cela pourrait permettre à d'autres personnes que celles qui ont pu être directement concernées par le problème de faire valoir leur point, non seulement sur l'ensemble des "illégaux" mais sur l'ensemble du problème linguistique au Québec.

Je pourrais regarder le fait que nous demandions à d'autres personnes, qui sont concernées par le phénomène, de venir s'exprimer en commission parlementaire.

Qu'est-ce que le ministre a à cacher? Pourquoi a-t-il peur de demander à ces gens de venir s'expliquer? Pourquoi ne pas prendre les six prochains mois pour faire comprendre aux gens du Parti libéral que de payer une dette électorale à partir d'une amnistie générale, sans considérer les effets que cela produira sur ceux qui ont respecté la loi... Il faudrait que des gens puissent au moins venir dire au ministre: Écoutez, nous voulons vous dire que nous ne sommes pas d'accord. Voici les solutions que nous pourrions vous proposer. Mais non. Le ministre dit: Non. L'absolution aux "illégaux" s'étend aux frères, aux soeurs et aux descendants: "Ryan confirme que l'amnistie s'étend aux descendants des "illégaux" de la loi 101... Je m'excuse, quand on cite un journal, on lit ce qui est incrit.

Or, quand on dit ces choses, on dit simplement: M. le ministre, vous avez pris une décision qui vous appartient. D'un autre côté, nous jugeons que ce n'est peut-être pas la meilleure dans les circonstances. Peut-être que des conditions auraient dû être mises, comme la CEQ le propose, au niveau d'une amnistie conditionnelle. Je ne discute pas de ceci maintenant. Je dis: M. le ministre, pourriez-vous demander à votre leader de convoquer, pendant les six mois qui viennent, demain matin s'il le faut, une commission parlementaire pour permettre à des gens de venir exprimer leur position? Peut-être qu'on prendra d'autres décisions que celles prises par le comité, qui est formé par des gens travaillant pour le ministre, qui est formé d'un député de l'Assemblée nationale qui avait pris un engagement électoral et qui essaie de combler l'ensemble des engagements électoraux de ses collègues, et qu'on dira à M. le ministre: Nous avons l'occasion de nous exprimer et nous croyons que ce que vous a proposé votre comité, qu'on pourrait peut-être qualifier, entre guillemets, de "partisan", que ce comité ait la chance de se faire dire qu'il a peut-être pris la mauvaise voie et que le ministre change d'avis.

J'écoutais le ministre tout à l'heure, je lui faisais une mise en garde toute simple, au début de mon intervention sur la motion de fond, en disant: M. le ministre, quand vous êtes comme vous étiez lors de la discussion de fond, je vous trouvais correct. Quand vous devenez démagogique, comme vous l'avez été tout à l'heure, à ce moment, je commence à croire que vous aimez un peu cette façon de voir les choses et c'est un peu ce que les gens veulent vous dire: M. le ministre, regardez ce problème à tête refroidie et non pas avec le sentiment émotif que vous avez exprimé lorsque vous avez répondu à mon collègue de Verchères sur la motion de report.

Je vous dis, M. le ministre, que nous ne proposons pas, pour le plaisir, une motion de report. On vous propose cette motion pour permettre au gouvernement de regarder le problème des illégaux dans l'ensemble de toute cette politique linguistique dont on ne connaît pas, de a à z, la teneur. Nous avons le ministre de la Justice qui pose des gestes sur la question des causes qui sont pendantes et des causes qu'il n'amène pas durant les tribunaux. Nous avons la vice-première ministre qui pose d'autres gestes et qui ne semble pas savoir à quelle place se situer. Nous avons la ministre de l'Immigration qui profite de certaines circonstances pour s'adresser en anglais aux ethnies, au lieu de s'exprimer dans la langue officielle du Québec.

Dans ce sens, je vous dis: Regardons l'ensemble, profitons des six mois d'une commission parlementaire et peut-être qu'on aura l'occasion, à ce moment, d'avoir une décision qui soit meilleure que celle qui est présentée par le projet de loi 58. Est-ce que j'ai terminé, M. le Président?

Le Vice-Président: II vous reste deux minutes, M. le député, si vous voulez les utiliser.

M. Jolivet: II me reste deux minutes. Je dois vous dire que j'espère que M. le ministre pourra comprendre notre appel. M. le ministre se met à sourire. Je vous le demande humblement, M. le ministre, écoutez-nous, demandez aux gens de venir vous exprimer comment ils voient ce problème et quelles sont les solutions qui pourraient être apportées et faire en sorte que, au lieu d'avoir une décision basée sur un rapport qu'on peut juger de partisan, on ait une décision qui fera peut-être, je l'espère comme vous, l'unanimité de l'Assemblée nationale pour le bien des enfants et aussi, en même temps, pour s'assurer qu'on ne donne pas une prime à l'illégalité. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a un intervenant? M. le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones.

M. Raymond Savoie

M. Savoie: M. le Président, sur la motion de report, je ne comprends pas ou je comprends mal la position de l'Opposition. On nous dit: C'est une situation qui existe depuis neuf ans. On dépose un projet de loi pour régulariser la situation et, à ce moment, elle demande qu'on le reporte encore six mois et demi afin de remettre à plus tard le débat de fond sur cette question.

On n'est pas le Parti québécois, M. le Président, pour remettre des décisions qui doivent se prendre immédiatement. On doit assumer nos responsabilités et c'est ce que

je crois que nous sommes en train de faire. Lorsqu'on parle "d'illégaux", on parle finalement des enfants. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'on est en train de discuter d'enfants, de nos jeunes finalement, à qui on doit rendre justice et dont on doit régulariser la situation, situation que même l'Opposition trouve non acceptable. (0 h 10)

L'Opposition nous dit: Oui, on est d'accord pour régulariser la situation. Oui, on est d'accord et il faut agir le plus rapidement possible. Ensuite, ses députés nous disent: On demande un délai de six mois. On nous demande de revoir la situation pour six mois additionnels. Ce n'est pas acceptable.

Nous, on dit, M. le Président, que les arguments de l'Opposition ne sont pas acceptables puisqu'ils nous opposent. D'abord, il faut protéger la langue française. Si on doit punir des enfants pour protéger notre langue, je dois me poser des questions. Si le Parti québécois n'est pas intervenu dans ce débat, si le Parti québécois a refusé, à plusieurs reprises, d'agir dans ce dossier justement parce que cela impliquait des enfants, alors que nous on veut présenter une solution, pourquoi s'oppose-t-il?

Ces gens nous ont présenté une argumentation dans le sens qu'en donnant une amnistie, M. le Président, nous allons favoriser, donner une récompense à ceux qui n'ont pas agi dans le respect de la loi. Je n'ai jamais entendu dire directement ou indirectement, de la part de ceux qui ont respecté la loi, qu'ils voulaient justement qu'on punisse ceux qui n'ont pas tenu compte de la loi adoptée par le Parti québécois.

Nous vivons des situations très difficiles, particulièrement en régions. Je pourrais vous citer plusieurs cas de gens qui viennent de l'extérieur, qui viennent du Manitoba, de la Saskatchewan, qui sont chez nous pour trois ou quatre ans et ils doivent ensuite quitter. Les enfants sont venus ici, ils sont inscrits dans une école secondaire et doivent quitter pour l'extérieur et ils n'ont pas leur diplôme. Là, on s'oppose, on dit: Encore un autre six mois, M. le Président, on doit les punir davantage. Moi, je ne crois pas que c'est le cas.

Je pense que le problème peut se décrire précisément comme suit: cela porte sur des enfants, sur un élément qui est une question d'amnistie. Vous êtes d'accord pour dire: Oui, on doit régulariser le problème, mais non, on ne veut pas donner une amnistie totale. On veut que cela soit une amnistie partielle. Je ne comprends pas la logique d'une telle position. Si on donne une amnistie et si on dit qu'elle est partielle, on va traîner dans nos lois, dans nos règlements un ensemble, une partie de notre population qui va dire que, par exemple, ceux et celles qui ont des frères et soeurs, mais qui étaient des "illégaux" ne peuvent pas aller à l'école anglaise. On doit diviser des familles davantage, on doit continuer à augmenter la division qui règne. Ce n'est pas nous qui avons créé ce problème, M. le Président. Nous sommes arrivés, le problème existait depuis déjà neuf ans, et on a dit: On le règle; on le règle en donnant une amnistie totale, on règle le problème de façon définitive et, je crois, dans l'intérêt du Québec.

Lorsqu'on parle d'amnistie, il est très difficile de faire un partage. Je me rappelle très bien une situation qui est décrite dans une pièce de Shakespeare, où justement on devait rendre, suite à un contrat, une loi privée, une livre de chair qui a été donnée en gage. À ce moment-là, on cite un extrait où on dits "The quality of mercy is not strained. It droppeth as the gentle rain from heaven, upon the place beneath: it is twice blessed, it blessed him that gives, and him that takes. Tis mightiest in the mightiest, it becomes the throne monarch, better than his crown".

Je crois que, justement, si le ministre de l'Éducation veut régulariser cette situation, veut justement accorder l'amnistie de l'État à des gens qui vivent une situation pénible, qui ont outrepassé une loi qu'ils croyaient injuste, qui dépassait les normes ou l'orientation de l'État, s'il veut accorder cette clémence, il est en droit de le faire. S'il doit le faire, il doit le faire avec la largesse que peut contenir le mot "clémence", sans restriction, tout en protégeant les droits de nos francophones, tout en assurant que, justement, la situation ne se reproduira pas, mais en assurant que l'"amnistie", que la clémence de l'État soit totale dans l'intérêt de nos enfants, justement pour empêcher que survienne plus tard, une réglementation que je crois injuste vis-à-vis les enfants qui ont outrepassé les normes d'alors.

M. le Président, je crois que la position de ce parti est louable. Je crois également que la position qu'a prise le ministre de l'Éducation est sans reproche et digne d'un homme d'État. Je crois qu'elle montre une largesse et une ouverture d'esprit. Je crois qu'on démontre, par cette motion de report également, la difficulté de concevoir une solution immédiate, une solution intéressante et une solution acceptable pour l'ensemble de la population québécoise. Je conçois mal leur motion de report. Je conçois mal leur opposition à ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Je me lève évidemment pour parler pour la motion

de report. Je pense que le ministre va comprendre le sens qu'on apporte à ce projet de loi et à la raison qui fait en sorte que, oui, on veut en discuter davantage. La projet de loi 58 s'en prend à la loi 101, il ne faut pas l'oublier. C'est global. C'est une question de culture et c'est une question de langue dans le contexte québécois spécialement, c'est global cela ne peut pas être bloc par bloc et complètement isolé et particulièrement avec ce qu'on traverse depuis le 2 décembre. Vous allez comprendre cela, M. le ministre, j'en suis convaincu. Quand on fait une brèche dans une loi aussi fondamentale que la loi 101, la Charte de la langue française, la moindre brèche fait en sorte que l'ensemble est pénalisé ou l'ensemble est affaibli. Ce ne sont pas les mesures, depuis quelques mois, qui manquent ou les craintes qui sont suscitées. Le projet de loi 58 est une de ces craintes qui est probablement aussi importante, sinon plus, que tous les gestes qui ont été posés ou qui n'ont pas été posés par le gouvernement libéral actuel.

Donc, la loi 101 est fondamentale pour le Québec. Dans un contexte nord-américain, où on ne représente même pas 5 % de la population francophone, le seul gouvernement responsable d'un peuple de culture française en Amérique du Nord, comment ne prendrions-nous pas tous les moyens, non seulement pour se protéger, mais pour se développer, pour s'affirmer et surtout s'affirmer culturellement en Amérique du Nord? Ce n'est pas surprenant et ce n'est pas seulement au Québec qu'on fait cela. On lisait dans les journaux, cette semaine, que les Américains se proposent de déposer un projet de loi pour affirmer que l'anglais est la langue nationale des Américains. Ce n'est pas loin, les États-Unis. Ce n'est pourtant pas le Québec qui les menace. Ils sont 250 000 000. Et, pourtant, ils sentent le besoin d'affirmer par une loi que la langue officielle est l'anglais aux États-Unis, alors que le peuple le plus puissant au monde, ce sont les Américains. Alors qu'à peu près tous les peuples francophones, espagnols ou de toutes les cultures au monde sentent le besoin de se protéger contre la culture américaine, les Américains, chez eux, ont l'intention de déposer et d'adopter un projet de loi pour affirmer que l'anglais est la langue nationale aux États-Unis. On ne va pas à contre courant avec la loi 101. C'est notre devoir en Amérique du Nord d'être les protecteurs de la culture française.

Avec le projet de loi 58, c'est une menace, c'est une brèche qu'on amène dans la Charte de la langue française. On ne peut pas se permettre d'adopter cela en fin de session en pleine nuit. M. le Président, je ne suis pas d'accord sur cela. Les gens qui sont en face, c'est vrai qu'il n'y en a pas beaucoup qui étaient là en 1977, sauf qu'ils ont trouvé cela important pendant tout l'été de discuter de la Charte de la langue française, de la loi 101, parce que c'était fondamental. Aujourd'hui on peut se permettre de changer cela sur un point très important de cette même charte parce que c'est l'éducation, donc, c'est l'avenir, c'est les jeunes, c'est l'avenir du Québec! On pourrait se permettre d'adopter cela en fin de session, un changement pareil, en pleine nuit comme si ce n'était pas important et presque sans consultation! Le ministre disait qu'il a fait des consultations. Oui, il a fait des consultations. Il en a fait pour les gens directement impliqués. Comme dit mon collègue, avec un comité politique: un député, deux attachés politiques et des gens qui sont directeurs des services aux anglophones au ministère de l'Éducation, le-directeur adjoint, secteur anglais de la CECM. Cela en fait des consultations. On ne peut pas nier cela. Mais c'est un comité drôlement politique et drôlement orienté. (0 h 20)

Le secteur de l'éducation, le secteur de la survie de la culture française au Québec ce n'est pas vrai que cela concerne seulement les gens impliqués dans ce dossier. Cela concerne juste les gens impliqués dans ce dossier. Cela concerne toute la population et on doit se donner six mois pour permettre à tous ceux qui s'intéressent - donc toute la population - de pouvoir au moins faire des commentaires là-dessus.

C'est inacceptable de passer cela comme ça. Je suis convaincu qu'on a raison d'être inquiets là-dessus. C'est une brèche. Si c'était la seule, peut-être qu'on aurait moins raison, sauf qu'on a juste à regarder ce qui s'est passé depuis le 2 décembre. C'est l'affichage unilingue anglais et on revient à l'affichage bilingue. Même si c'est contre la loi 101, l'affichage, première attaque. Radio-Québec, parce que c'est un autre type de développement culturel francophone à l'intérieur du Québec...

C'est la pertinence, M. le Président, parce que ce que je veux démontrer, c'est que la loi 58 fait partie d'un tout qui fait en sorte qu'on s'attaque à l'esprit même de la Charte de la langue française. Radio-Québec, l'affichage, les "illégaux", la "clause Canada". Ils vont se donner des pouvoirs, ensuite, ce sera la clause universelle. Les pouvoirs de contrôle linguistique: céder à Ottawa. On l'a vu. La clause "nonobstant" a été retirée, on donne plus de pouvoirs à Ottawa.

M. le Président, on ne peut pas, nous, dilapider la loi 101, la Charte de la langue française, comme cela, de toutes les façons, sans demander au moins que tous les Québécois, par leurs groupes, par leurs associations, puissent s'exprimer là-dessus. Ce projet de loi en est une bonne occasion.

Ici, en 1977, cela valait la peine de passer l'été pour étudier la Charte de la

langue française. Pour quelle raison cela ne vaudrait-il pas la peine encore aujourd'hui? J'ai bien écouté le ministre de l'Éducation tantôt dans son exposé. La seule justification qui a semblé porter sur l'urgence, c'est qu'il avait pris un engagement électoral. C'est beau, entendre cela! En tout cas, ce n'est pas responsable. L'urgence d'adopter cela, c'est qu'on avait pris un engagement électoral. Pour quelle raison cet engagement électoral est-il si pressant? Les dettes politiques probablement, mais c'est injustifiable pour l'ensemble de la population. On justifie l'urgence en fin de session et en pleine nuit sur le fait qu'on avait pris un engagement électoral. Pourtant, on avait pris bien d'autres engagements électoraux, entre autres baisse d'impôts et baisse de taxes, et on a fait complètement le contraire dans le budget. Mais on nous dit quoi? Écoutez, on ne peut pas faire tout cela la première année. Ce n'était peut-être pas nécessaire d'adopter celle-là, non plus, dans les six premiers mois, d'urgence, comme cela.

Il y a eu bien d'autres engagements: la raffinerie de sucre et Radio-Québec. Pourtant, on fait le contraire là-dedans. Donc, il faudrait faire attention pour que le discours de l'autre côté ne soit pas noir ou blanc en fonction de ses engagements électoraux. Qu'on ait une ligne de conduite.

Mais ce qui nous inquiète, nous, et ce qui inquiète beaucoup de Québécois, c'est qu'il semble y avoir sur les plans culturel et de la Charte de la langue française une ligne directrice, de l'autre côté, qui est l'affaiblissement. La loi 58 va dans ce sens et c'est pourquoi on ne peut pas se le permettre. On a beau utiliser des chiffres, de l'autre côté, et dire que cela s'est amélioré. Oui, cela s'est amélioré, sauf qu'il faut également les chiffres qui sont sortis, les derniers chiffres récents qui ne viennent pas du Parti québécois, mais qui viennent de Statistique Canada ou de rapports importants, de rapports complètement impartiaux et qui nous disent que, oui, en six ans, grâce à la loi 101, on a réussi à faire en sorte que 50 % des allophones viennent à l'école française. On est passé de 20 % à 50 %. Bien, c'est drôlement inquiétant que, malgré ou avec la loi 101, à peine un allophone sur deux ait décidé de venir à l'école française et on va venir avec la loi 58, maintenant, accepter l'illégalité. Quant à moi, je comprends qu'on amène cela comme ça, en fin de session et en pleine nuit, parce que, lorsqu'on amène un projet de loi pour discuter de la reconnaissance et de la récompense de la désobéissance civile, on ne peut pas faire cela autrement qu'en cachette et à la noirceur. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au député de Sainte-Anne. M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. On discute la motion du député de Roberval pour reporter l'étude du projet de loi 58 à six mois. Si jamais on a vu un exemple d'une motion dilatoire, on a ici le cas typique, parce que nous parlons d'une loi qui concerne l'enseignement des enfants. Le but de la loi est très clair. C'est pour régulariser la situation maintenant pour que, au mois de septembre, les enfants puissent reprendre leurs études d'une manière calme et que la paix soit rétablie dans les écoles, s'il y avait des problèmes. Qu'est-ce que suggèrent les péquistes? On va reporter cela au 4 décembre, mon anniversaire de naissance, par hasard.

Le 4 décembre 1986 est au milieu de l'année scolaire. C'est la tactique de l'Opposition pour dire: Voici, cela va être discuté au mois de décembre 1986. Pourquoi? Parce que vous voulez justement qu'il y ait des problèmes. Vous voulez justement vous faire du capital politique sur le dos des enfants. Or, nous ne voulons pas cela, nous.

J'écoutais parler les députés péquistes. Je suis heureux que le député de Verchères soit ici parce que j'étais là quand il a parlé de l'affichage. M. le député de Verchères, on ne parle pas de l'affichage; on parle de l'éducation des enfants. Il y a une distinction. Il a parlé de la compétence du Québec en matière linguistique. Il avait les deux bras en l'air et des larmes dans les yeux. S'il vous plaît, M. le député de Verchères! Il n'y a pas de problème en matière linguistique, parce que notre position est claire et l'a toujours été. C'est la primauté du français avec le respect des minorités. Mais c'est un vrai respect et non pas le respect que vous démontrez, vous.

Le député de Laviolette, le porte-parole de l'éducation, qui a parlé sur cette motion, a dit du ministre de l'Éducation: Cela nous prend une tête refroidie. S'il vous plaît, s'il y a une tête refroidie dans notre délégation, c'est celle du ministre de l'Éducation. C'est un homme calme. C'est un homme qui a une tête refroidie. C'est un homme qui a pensé à cette question, qui y a bien réfléchi et qui a décidé de présenter ce projet de loi 58 comme geste humanitaire pour régler un problème qui traîne depuis neuf ans.

C'était le 3 novembre 1977, il y a presque neuf ans, que j'ai écrit à votre premier ministre de l'époque, M. René Lévesque, parce que j'étais commissaire d'école dans le temps. J'ai l'article du Devoir devant moi, pour ceux qui sont intéressés. J'avais demandé à l'époque un acte humanitaire, un acte de compréhension, une sorte de pardon. Peut-être qu'il est vrai au plan légal que les gestes qui ont été

posés n'étaient pas corrects, mais au plan humanitaire... Parce qu'on parle de petits enfants, on a attendu neuf ans. Je pense qu'il est à peu près temps que notre ministre de l'Éducation règle ce problème à la manière que nous vous avions offerte il y a neuf ans. Si vous voulez avoir une autre période de six mois, vous êtes pas mal sur la voie d'une motion dilatoire.

Le député de Shefford, lui, parle du besoin du Québec de s'affirmer en Amérique du Nord. Nous sommes d'accord là-dessus. Mais cela ne veut pas dire du tout qu'il faut remettre à six mois l'étude de ce projet de loi. Nous sommes prêts pour cela depuis longtemps. Cela ne va rien changer du tout dans l'affaire. Vous le savez très bien. Vous cherchez quelque chose. C'est difficile. Je comprends qu'après une élection on cherche une clientèle parce que vous en avez perdu pas mal. Donc, là, vous vous cherchez une clientèle et vous allez dire n'importe quoi. L'autre jour, c'étaient les assistés sociaux. Aujourd'hui, c'est cela. Finalement, vous avez trouvé quelque chose et ce sont les enfants. Mais je peux vous dire que vous n'irez pas loin avec cela. Vraiment, la clientèle n'est pas là. La clientèle n'était pas là à minuit et elle n'y est pas non plus à une heure du matin, en dépit de votre motion de report, en dépit de tous les grands discours que vous faites là-dessus, parce que le public, malgré tout le respect que je vous dois, n'est plus avec vous là-dedans.

S'il vous plaît, comprenez donc une fois pour toutes qu'il ne sert à rien de retarder cette affaire-là. Il s'agit d'un geste humanitaire. Il ne s'agit pas d'une tentative d'attaquer ou d'affaiblir la loi 101 en aucune manière. Vous le savez très bien. Si vous vous regardez intérieurement et d'une manière vraiment sincère, vous serez d'accord avec nous. Si vous cherchez vraiment un sujet de discussion, cherchez autre chose. Pas cela.

Quand j'ai entendu ces députés parler sur cette motion de report de six mois, peut-être qu'ils auraient dû prendre deux ou trois mois. Au moins, on aurait pu dire qu'ils voulaient reporter la question avant le mois de septembre. Mais, six mois, cela reporte la question en plein milieu de l'année scolaire, soit au mois de décembre 1986. (0 h 30)

On a dit de nous qu'on était en train d'attaquer la loi 101. On parle ici de 1500 enfants. Savez-vous, messieurs et mesdames les députés péquistes, qu'il y a 20 000 enfants admissibles à l'enseignement de l'anglais et qui sont volontairement, sans votre intervention, allés dans le système francophone pour apprendre le français? Ils sont là volontairement. Ils sont 20 000 enfants. La bonne volonté est là. Vous êtes en retard, c'est malheureux, parce que les temps ont changé, il y a eu une évolution dans le Québec. On n'a plus besoin d'avoir des "illégaux". Rien. Pas de problème du tout. Ce n'est pas nécessaire parce que la primauté du français a été établie. Les allophones sont pas mal intelligents, ils ont compris volontairement, et c'est vrai que la loi 101 a aidé à faire comprendre cela. C'est vrai que cela a pris une évolution, au point qu'il y a 20 000 de ces enfants qui y sont. Allez voir au PSBGM, dans les écoles protestantes de Montréal, vous ne trouvez plus de classes de petits enfants anglais purs, cela n'existe plus. Ils apprennent tous le français parce qu'ils savent qu'il faut l'apprendre et le connaître, et ils le font par bonne volonté. Avec votre motion pour reporter cela, pour essayer de susciter un autre débat linguistique, vous êtes en arrière du wagon. C'est malheureux, mais il faut le dire: Cherchez-vous un autre cheval de bataille. Merci beaucoup.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président, il m'est très agréable de prendre la parole pour appuyer mon confrère de Roberval sur la motion de report. Cette loi nous arrive de façon très intempestive. Le temps est inopportun pour présenter cette loi à l'Assemblée nationale. Pourquoi? Il y a un temps pour chaque chose et présenter cette loi à l'Assemblée nationale, c'est intempestif.

Voici pourquoi, M. le Président. Ces gens sont encore sous l'influence de la fièvre de la campagne électorale et, pour une loi d'une intensité aussi dramatique et aussi chaude, il faut un esprit refroidi. Ils sont à l'aube du pouvoir et, après six mois, ils nagent encore dans l'euphorie de cette immense victoire qu'ils ont emportée. Je leur concède cette victoire, bien sûr, mais ce n'est pas dans l'euphorie que l'on prend des décisions aussi importantes que celle de parler de la langue, quand on a remporté une victoire en la piétinant. Cette fièvre que vous avez dans votre début de mandat vous empêche d'être lucides dans l'appréciation du texte que vous nous présentez. Voilà pourquoi la motion de report, M. le Président, pour un. Pour deux, laissant tomber calmement cette fièvre qui vous habite et laissant tomber calmement ces promesses olé olé de la dernière campagne, eh bien, vous allez regarder la situation en face et vous rendre compte dans quelques mois que c'était inopportun.

C'est pour vous aider, c'est par condescendance envers le pouvoir que nous faisons cette motion de report. J'aimerais donc que vous attrapiez au vol cette perche que nous vous tendons, parce qu'elle est salvatrice pour vous. C'est une perche

salvatrice parce que vous vous engouffrez. Nous sommes là pour que votre parti ne soit pas accusé d'être tombé dans le précipice si peu de temps après avoir pris le pouvoir. Nous sommes là pour vous aider. C'est pour cela qu'un après l'autre nous vous disons: Ciel, "ô temps suspends ton vol" afin que ces gens-là aient le temps de regarder pas seulement l'expression, pas seulement la forme, mais le fond de la pensée qui se trouve dans cette loi.

Il y a une pensée dans cette loi. Est-ce que vous l'avez remarquée? Ce n'est pas seulement le numéro. Il ne faut pas voter seulement pour le numéro; il faut voter pour ce qui est écrit dans les pages qui suivent le numéro. Il ne faut pas être un numéro seulement lorsqu'on est élu. Il faut regarder ce que les pages nous amènent dans les lois. On les lit page par page, feuille par feuille.

Nous voulons vous aider. Nous sommes un parti sérieux. Nous sommes une Opposition constructive. Nous sommes là pour supporter le pouvoir et essayer de l'empêcher de crouler quand il veut faire un geste qu'il ne devrait pas faire dans le désespoir de respecter des engagements olé olé d'une campagne qui l'a amené aussi fort au pouvoir. Comprenez-vous au moins ça? C'est exactement ce qui vous arrive.

Des voix: Barrez les portes!

M. Blais: Je ne voudrais pas qu'on barre les portes, M. le Président, comme certains le suggèrent. Il y en a qui se lèvent. Laissez-les sortir. Je voudrais que ceux qui sont assis aient la fièvre, s'ils le veulent, pour défendre leur projet. Mais il ne faut pas qu'ils soient malades jusqu'à en attraper la picotte. Il faut que les gens défendent leur projet, mais il ne faut pas qu'ils se grattent continuellement sur le projet. Il faut qu'ils regardent le fond et, en grattant le fond du projet, il comprend son essence. C'est cela que nous voulons avec cette motion de report. Nous voulons que vous compreniez l'essence du projet de loi du ministre de l'Éducation. J'ai beaucoup de respect pour ce dernier. C'est un homme extraordinaire. Vous êtes très chanceux de l'avoir. Il remonte beaucoup votre standing.

Des voix: Bravo!

M. Blais: II remonte le standing intellectuel de votre formation, c'est vrai. Mais cet homme, vous lui donnez tellement de travail qu'il peut avoir des faiblesses et cette loi 58...

Des voix: Ah! Ah!

M. Blais: II ne peut pas tout faire et vous lui laissez tout. Il ne peut pas tout faire. Il étouffe sous le poids du travail que vous lui donnez parce qu'il est la poutre qui soutient votre parti. Sans lui, l'édifice libéral croulerait. Quand il était chef, je lui ai dit en Chambre, ici: Vous ne serez certainement pas longtemps chef du Parti libéral parce que le Parti libéral n'a pas besoin d'un homme qui pense, mais il a besoin d'un homme qui dépense. Et il est parti. Et il est parti. Et il est parti. Mais, ciel, que j'aimerais donc que vous regardiez la perche que nous vous tendons si généreusement, sans parti pris, complètement dénudés. Nous nous présentons nus devant vous avec une grande sincérité. Une grande sincérité. Il faudrait absolument que vous sautiez sur cette perche.

M. le Président, il y a des temps pour tout. Il y a des temps pour la réflexion dans un projet de loi aussi important. Il y a des temps pour la compréhension aussi. Il ne faut pas se laisser aveugler par la partisanerie. On jurerait qu'il y en a parmi vous. Je ne veux pas juger, mais il me semble que je vois des sourires complices et partisans. Il me semble. C'est malheureux dans une chose aussi importante qu'un projet de loi comme celui-là, qui regarde l'essence même de la nation et qui l'affecte dans sa prime jeunesse. Cette motion de report, vous devriez la regarder avec toute l'intelligence qu'elle commande. Il le faut absolument. Le temps de la compétence est arrivé. Je n'ai absolument rien à dire contre le comité qui a fait la sélection et qui a apporté des solutions, parce qu'on lui a donné comme mandat - je connais très bien M. Rondeau, c'est un homme d'une très grande compétence - d'apporter des solutions pour que les "illégaux" deviennent des légaux. Il a fait son travail.

Des voix: Bravo! (0 h 40)

M. Blais: II a fait son travail. C'est la commande qui souffrait dans son essence. On lui donnait un mandat en lui disant la conclusion: Donnez-nous les moyens pour que les "illégaux" deviennent légaux. C'est pour cela que j'aimerais, M. le Président...

Le Vice-Président: Une demi-minute.

M. Blais: J'aimerais, M. le Président, que tous les députés qui sont en face de vous - je ne parle pas de notre groupe, notre groupe, il a compris, mais des autres, les 98 ou ce qu'il en reste lisent, je les en supplie, ce projet car il est porteur de malheurs pour l'avenir, pour votre parti. Je ne vous le souhaite pas, c'est pour cela que je demande une motion de report. J'espère qu'avec nous vous allez voter pour la motion du député de Roberval. M. le Président, je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président: Je cède maintenant

la parole au député de Frontenac et leader adjoint du gouvernement.

M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'intervenir après le député de Terrebonne, ce n'est pas nécessairement chose facile. J'ajouterai qu'avec un ami comme s'est présenté le député de Terrebonne on n'a pas besoin d'ennemi. Une motion de report, M. le Président, c'est une exception au principe. C'est une procédure exceptionnelle et l'exception doit être justifiée. La dernière intervention du député de Terrebonne en est un exemple; il n'y a pas, dans ces dix minutes d'intervention, un seul argument pouvant justifier de reporter l'adoption du principe de la loi 58. Ce projet de loi vise à régulariser la situation des enfants qui fréquentent illégalement l'école anglaise et vise également à empêcher que des enfants ne reçoivent illégalement l'enseignement en anglais dans l'avenir.

La motion de report du Parti québécois indique de façon claire que, lorsqu'on nous dit être préoccupé par les soins dentaires des enfants du Québec, c'est de la fumisterie, exactement comme ce qu'on est train de vivre et de faire ce soir. On nous dit être très préoccupé par les soins dentaires des enfants, ce avec quoi on est d'acccord fondamentalement, sauf que je trouve paradoxal qu'en même temps le sort de 1500 enfants qui sont à toutes fins utiles dans l'illégalité d'aucune façon ne préoccupe l'Opposition.

Je trouve également un peu comique d'entendre le député de Laviolette que moi, comme le ministre de l'Éducation, j'aime bien, sauf qu'on ne peut quand même tout laisser passer, prétendre que la loi 58 est une prime à l'illégalité. Il faudrait se souvenir, M. le Président, du geste posé par cette Opposition qui, en 1976, a pris le pouvoir et qui, dans les quelques mois qui ont suivi la prise du pouvoir, a rayé d'un trait de plume 1500 plaintes pendantes devant les tribunaux. On se souviendra qu'à l'époque ce geste avait été considéré et évalué comme une entorse excessivement grave au principe qui veut que l'exécutif n'intervienne d'aucune façon dans le judiciaire. On se souviendra également du règlement intervenu à l'occasion des discussions sur le saccage de la Baie James.

Lorsqu'on nous parle d'illégalité, M. le Président, je ne suis pas impressionné. Le PQ, par une motion de report - et c'est ce qu'on nous a dit tout à l'heure - voudrait discuter davantage après neuf ans passés sans que, d'aucune façon, on ne se penche sur le problème, sans qu'on apporte l'ombre d'une solution. On veut par une motion de report empêcher le nouveau gouvernement d'agir.

Non seulement on n'a pas agi, on veut nous empêcher d'agir. Le Parti libéral du Québec, au cours de la campagne électorale, s'était engagé à moyen terme, dans des délais raisonnables, à régler ce problème. C'est ce qu'on fait ce soir. On veut régler un problème qui existe depuis des années, comme je viens de le mentionner, de sorte que tous les enfants du Québec se retrouvent avec le même statut. On a vanté les mérites du ministre de l'Éducation. On le considère comme un homme extraordinaire et à toutes fins utiles, comme un homme incapable de faire la moindre erreur. C'est à peu près ce qu'on nous a dit et on n'est pas d'accord avec sa solution. De deux choses l'une, si le ministre de l'Éducation est un homme extraordinaire, la solution qu'il vous offre est tout aussi extraordinaire. Prenez-la donc! La solution, vous n'avez pas pu la trouver en neuf ans. Après six mois de pouvoir, on vous en offre une. Évidemment, c'est gênant. C'est gênant pour vous, mesdames et messieurs de l'Opposition, de réaliser qu'on règle en dedans de six mois un problème que vous-mêmes avez créé et que vous n'avez pas pu régler en dedans de neuf ans. C'est gênant! C'est évident qu'une motion de report vous permettra, comme le disait le député de Sainte-Anne, de continuer à tripoter et à galvauder et à vous bâtir du capital politique sur de la fumisterie. C'est ce que vous voulez faire. Vous avez créé le problème, on va vous le régler, laissez-nous travailler! Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Avant de céder la parole à l'intervant suivant, je ferai simplement remarquer, sans viser plus particulièrement un député ou l'autre dans cette Chambre, une tradition: lorsque vous faites un discours, vous vous adressez non pas directement à un député - et cela comprend l'ensemble des députés - mais plutôt à la présidence, pour éviter évidemment tout quiproquo ou tout débat qu'il pourrait susciter dans cette Assemblée. Je vous demanderais donc de respecter cette règle de notre procédure et de vous adresser à la présidence lors de vos interventions. Je reconnais maintenant M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, M. le Président. À voir aller le débat depuis le dépôt de la motion de report présentée par mon collègue le député de Roberval, on s'aperçoit que discuter des questions linguistiques et par surcroît, discuter de ces questions en pleine nuit, cela produit des situations comme celle à laquelle nous assistons depuis quelques heures qui fait que les esprits commencent à s'échauffer. On a eu une illustration très frappante et très marquante par l'intervention du ministre de l'Éducation lui-

même sur la motion du député de Roberval, où le ministre a tout à coup adopté une attitude arrogante, une attitude méprisante et une attitude de politicien de pas très haut niveau. M. le Président, par la suite, on a assisté à une intervention du ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones aussi, c'est le titre auquel il tient le plus, paraît-il. Avec l'intervention qu'il a faite, j'espère qu'il connaît beaucoup mieux ses dossiers dans le domaine des mines et des autochtones, sinon il ne restera pas beaucoup d'autochtones au Québec et toutes les mines vont fermer avant longtemps.

Quant au leader adjoint du gouvernement, celui-ci, de toute évidence, est intervenu dans un dossier pour lequel il n'était pas préparé. Il a utilisé des arguments basés sur des faits qu'il ne connaissait pas très bien. Lorsque le leader adjoint du gouvernement parle des 1500 plaintes que nous avons retirées en 1977, je lui dirai que si ces plaintes ont été retirées, c'est parce que, comme gouvernement en 1974 et 1975, vous aviez mal monté vos dossiers et qu'aucune plainte ne donnait suite à des condamnations parce que vous aviez mal monté vos dossiers. On arrive précisément à cette motion de report. Prenez donc un peu plus de temps pour préparer vos projets de loi de façon qu'on ne se retrouve pas dans des situations comme celles qui ont découlé de trop de gestes que des gouvernements libéraux ont posés par le passé, des gestes qui découlaient de décisions improvisées, de décisions irresponsables, de dossiers mal préparés et qui donnaient lieu à des choses qui retroussaient à tout venant, è tout moment, dans des dossiers que vous aviez mal préparés et dont vous aviez mal évalué la portée et les conséquences.

M. le Président, si nous proposons aujourd'hui que le débat entourant l'adoption du projet de loi 58 soit reporté de six mois, c'est que nous voulons aussi que ce projet de loi soit discuté au grand jour dans la société québécoise. Si le ministre de l'Éducation est certain des avancés qu'il a faits, s'il est sûr de la justesse des propositions législatives qu'il fait, qu'il ait donc au moins le courage, la franchise et la transparence d'en discuter au grand jour, devant l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui lui ont donné des mandats et qui auront à juger de la façon dont il se sera acquitté des tâches qu'il a à remplir comme ministre de l'Éducation. (0 h 50)

M. le Président, on ne traite pas de ces questions à la cachette, on ne traite pas de ces questions à la sauvette. Prenez donc le temps de discuter de ces questions au grand jour et prenez donc le temps de consulter l'ensemble des intervenants qui veulent se faire entendre sur ces questions.

Comment le ministre de l'Éducation peut-il établir un climat de concertation, un climat de confiance, un climat de saine collaboration avec des intervenants variés, multiples, du monde de l'éducation s'il leur refuse le droit de venir dire ce qu'ils pensent sur les lois qu'il dépose à l'Assemblée nationale? Voilà une attitude irresponsable et qui créera un climat malsain dans toutes les activités du monde de l'éducation au Québec. Qu'un ministre de l'Éducation, qui, du haut de sa grandeur, vienne de façon aussi autoritaire traiter l'ensemble de ceux et de celles qui, demain, qui, après-demain, auront à travailler avec lui pour faire en sorte que l'éducation au Québec soit une priorité chaque jour, pour faire en sorte que la qualité de l'éducation soit une réalité chaque jour au Québec, comment le ministre de l'Éducation pourra-t-il maintenir ce climat de collaboration, susciter cette adhésion, cette confiance de la plupart des intervenants s'il leur défend, s'il leur refuse le droit de venir se faire entendre, non seulement de lui, mais de l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale qui sont intéressés et qui ont reçu des mandats tout aussi légitimes et importants que ceux qu'a reçus le ministre de l'Éducation pour ces questions et les autres qui relèvent de l'Assemblée nationale? M. le Président, le ministre nous dit: J'ai créé un comité qui a fait enquête, qui a étudié ces questions et qui m'a fait rapport. Je lui dirai sans aucune hésitation que ce que le ministre a créé, c'est un comité, non pas partisan, mais un comité bidon, un comité dont le rapport était écrit avant même qu'il n'ait siégé pour une première fois. Ce comité, M. le Président, est formé de qui? D'un attaché politique du ministre de l'Éducation, donc quelqu'un qui répond chaque jour de ses mandats, de ses décisions et de ses gestes au ministre de l'Éducation, d'un conseiller spécial du ministre de l'Éducation, qui, lui aussi, doit faire rapport chaque jour au ministre de ce qu'il fait, de ce qu'il prépare, de ce qu'il recommande, d'un haut fonctionnaire du ministère de l'Éducation, directeur des services aux anglophones, d'un directeur général adjoint au secteur anglais à la CECM, qui a probablement, lui aussi, participé à la situation dans laquelle on se trouve, peut-être bien, mais qui est associé au minimum - je vois le ministre de l'Éducation qui hoche la tête - à une commission scolaire, qui a été associé à la situation pour laquelle nous nous retrouvons ici aujourd'hui, et d'un député qui a peut-être, lui aussi, puisque c'est un ancien directeur d'école, qui est peut-être lui aussi associé à la situation qui fait que nous sommes réunis aujourd'hui ici. M. le Président, je prétends que, si le ministre de l'Éducation peut se vanter d'avoir un rapport d'un comité bidon, d'un comité dont les conclusions étaient connues avant même qu'il

ait siégé pour une première fois, qu'il ait donc au moins le sens de l'équité pour permettre aux autres Québécois et Québécoises, qui connaissent ces questions et qui veulent se faire entendre sur ces questions, de se présenter ici en commission parlementaire, comme le ministre de l'Éducation l'aurait exigé s'il avait été de ce côté-ci de la Chambre.

Tantôt, il portait des jugements sur les interventions des députés de l'Opposition. Sur sa façon de traiter de la façon dont l'Opposition assume ses responsabilités, je lui dirai qu'il a la mémoire très courte. Je me souviens très bien de la façon dont il s'est aquitté de sa tâche lorsqu'il était député de l'Opposition, et nous n'avons aucune leçon à recevoir du ministre de l'Éducation.

Des voix: Ho! Ho!

M. Rochefort: Le ministre de l'Éducation nous a dit tantôt dans son discours que les enfants dont il est question sont des enfants pour lesquels les parents avaient légalement fait une demande d'admission avant l'adoption du projet de loi 101 qui, elle, a tardé c'est donc arrivé après les dates prévues pour les demandes d'admission à l'école.

Je dirai au ministre de l'Éducation que, si tel était véritablement le cas, le ministre de l'Éducation n'aurait pas prévu de couvrir par sa loi tous les enfants qui sont illégalement au secteur anglophone et qui y étaient jusqu'au 15 avril dernier. Le ministre aurait prévu une date qui ne couvrait que les enfants auxquels il a fait allusion de façon exclusive dans son discours. Effectivement, le ministre a fait allusion d'une façon exclusive à ces enfants; jamais il n'a fait allusion que d'autres enfants s'étaient inscrits par la suite.

Je pense que le ministre de l'Éducation doit utiliser les six mois que nous sommes prêts à lui accorder pour refaire ses devoirs, pour reconsulter ses collègues, pour les informer de la portée réelle du projet de loi qu'il leur présente. Quand on entend des interventions comme celles de ses collègues ministériels et parlementaires, ils ont besoin d'au moins six mois pour refaire leurs devoirs, pour préparer un projet de loi qui sera bien rédigé, un projet de loi qui pourra être étudié eu égard à l'ensemble de la politique linguistique du gouvernement libéral avec lequel le premier ministre dit être aujourd'hui piégé. Nous lui donnons six mois pour sortir du piège dans lequel il s'est lui-même enferré. Lorsqu'il en sera sorti, nous pourrons traiter de cette question puisque, de toute façon, ces enfants continuent d'aller à l'école et que, aucune façon, six mois de plus ne viendront nuire au droit qui pourrait leur être reconnu par la suite. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Beauharnois.

M. Serge Marcil

M. Marcil: Merci, M. le Président. Vouloir reporter ce projet de loi, c'est vouloir s'esquiver encore. Cela fait déjà neuf ans qu'on traîne un problème. Je pense que ce ne sont pas six mois de plus qui vont améliorer la situation. On a parlé de faits tantôt. On a parlé de la loi 63. On a parlé également de la loi 22. On parle aujourd'hui de la loi 101. Il y a certains éléments de la loi 101 que les gens tentent d'ignorer.

Dans le domaine scolaire, en août 1977, quand on a décidé d'adopter le projet de loi 101, il y a eu un tollé de la part de francophones au Québec. Certains francophones disaient: La loi 101 favorise une partie des Québécois: Les anglophones, eux, peuvent envoyer leurs enfants dans une école française, ils peuvent donc devenir bilingues alors que vous, les francophones, on ne peut pas envoyer nos enfants dans une école anglophone, on n'a pas le droit. Le ministre de l'époque, le parrain de la loi 101, lui, disait: Ne vous inquiétez pas; on va améliorer l'enseignement de l'anglais dans les écoles secondaires francophones; nos enfants francophones vont pouvoir sortir bilingues du niveau secondaire. Tout le monde était pour cela.

Cependant, à l'époque, l'enseignement de l'anglais se donnait en cinq périodes de cinquante minutes/semaine dans les écoles secondaires. Il y a eu une modification au régime pédagogique: On est passé de cinq périodes de cinquante minutes/semaine à trois périodes de cinquante minutes/semaine en secondaire I, II et III. C'est ce qu'on appelle l'amélioration de la qualité de l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les écoles francophones.

En plus, on a décidé de comprimer de 20 % les salaires des enseignants. En plus de comprimer les salaires, on a augmenté également la tâche des enseignants au niveau secondaire. On a pris des enseignants de l'anglais au niveau secondaire dans les écoles francophones qui avaient à s'occuper de quatre groupes à cinq périodes/semaine de cinquante minutes et on leur a donné sept groupes à trois périodes/semaine de cinquante minutes. C'est ce qu'on appelait l'amélioration de la qualité de l'enseignement de l'anglais langue seconde. (1 heure)

Malgré tout cela, le Parti libéral du Québec... Et je pense qu'on est ici ce soir pour affirmer que la loi 101 doit demeurer. Personne du Parti libéral, en cette Assemblée, n'est contre la loi 101, au contraire. Cependant, on a dit aux gens qu'on va améliorer l'enseignement de la langue anglaise, langue seconde, dans les

écoles secondaires et on va le faire. On a un ministre de l'Éducation pour le faire.

Quand on dit qu'il faut reporter de six mois l'adoption de ce projet de loi 58, pour permettre aux gens de réfléchir davantage sur le problème, il me semble qu'on a assez réfléchi pendant neuf ans. Si on a un geste à poser ce soir, c'est ce soir qu'il faut le poser, ce n'est pas dans six mois. Quand les députés de l'Opposition disent que ce n'est pas une heure pour discuter d'un projet de loi, surtout sur la langue, la loi 101, qui est fondamentale pour le peuple québécois, je dis que tous les projets de loi que l'on dépose à l'Assemblée nationale sont tous importants. Si le projet de loi était si important pour eux, ils n'auraient pas attendu à 23 heures pour demander le report de ce projet de loi, ils l'auraient demandé dès le début ce soir, a 20 heures, lorsque le ministre de l'Éducation a annoncé son projet de loi. On n'aurait pas attendu à 23 heures pour le demander.

M. le Président, j'espère que vouloir corriger une situation d'injustice pour des enfants, qui perdure déjà depuis neuf ans, est jugée comme étant un geste positif de la part du gouvernement responsable. Le peuple québécois considère ce geste comme étant juste et équitable pour des enfants qui veulent devenir légaux, des enfants qui ont les mêmes droits que tous les Québécois, À partir de ce soir, nous allons régler cette situation une fois pour toutes et on n'attendra pas six ans.

Quand on voit le député de Gouin qui, je ne dirais pas, insulte les membres du parti ministériel, c'est à peu près cela, on se dit que d'améliorer la situation ce n'est pas de la démagogie. Créer une situation positive pour les enfants, ce n'est pas de la démagogie, c'est un geste légitime qu'il faut poser, et je crois que le gouvernement du Parti libéral élu le 2 décembre 1985 doit le poser, et c'est ce soir qu'on le fait, pas dans six mois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. A la suite de mes collègues de l'Opposition, j'appuierai la motion de report présentée par le député de Roberval. En effet, j'estime que ce projet de loi est trop important et fait une brèche trop sérieuse à la loi 101 pour qu'on en dispose la nuit, à la sauvette, à la fin d'une session. Il est trop important pour qu'on en dispose sans avoir en main la politique linguistique de ce gouvernement.

Comment voulez-vous que l'on puisse faire un travail sérieux? Comment voulez-vous que l'on puisse comprendre ou imaginer les effets de cette modification à la loi 101 si on n'a pas en main l'ensemble de la politique linguistique de ce gouvernement? Elle est réclamée par différents organismes. Les chroniqueurs parlementaires la réclament et l'attendent. A titre d'engagement électoral, le premier ministre, alors chef du parti, l'a promise. On ne peut pas disposer de cette loi sans avoir en main la politique linguistique de ce gouvernement, et, qui plus est, on ne peut pas disposer de cette loi, parce que cette loi ne vient pas régler le problème de la fréquentation illégale des écoles anglaises, elle vient la récompenser.

Tout à l'heure, j'entendais un député qui établissait un parallèle entre les plaintes qui avaient été retirées à l'endroit des travailleurs de la baie James coupables de saccage et la présente loi qui, finalement, amnistie les "illégaux". Jamais les plaintes retirées à l'endroit des travailleurs de la baie James auront permis à leurs enfants d'aller faire du saccage. Alors que le projet de loi qui nous est présenté, non seulement amnistie les illégaux qui sont inscrits dans les écoles, mais vient accorder le privilège à leurs descendants, à leurs frères, à leurs soeurs et, comme l'illustrait un caricaturiste, pourquoi pas à leurs petits amis.

Depuis le 2 décembre, M. le Président, divers événements nous amènent à constater la fragilité des acquis en matière linguistique. Dès le lendemain des élections, dès la venue au pouvoir de ce gouvernement, c'est l'affichage bilingue quand ce n'est pas unilingue à Montréal. C'est le durcissement qu'on a vu récemment à Alliance Québec qui ne se contente plus de réclamer la "clause Canada", mais qui veut la clause universelle, ni plus ni moins.

On nous dit que de plus en plus c'est la "bilinguilisation" dans les entreprises. Nos acquis sont fragiles parce qu'ils sont jeunes, parce qu'ils sont récents. Comme n'importe quel organisme, institution ou humain, quand vous êtes jeunes, à l'âge de l'adolescence ou de la petite enfance, vous avez besoin d'un minimum de protection. C'était ce que le Québec s'était donné progressivement pour s'assurer qu'au cours des années on développe cette assurance qui nous permettait de préserver notre langue.

On ne sait pas actuellement où nous mène ce gouvernement à matière linguistique, mais je me demande aussi s'il le sait. On sait cependant que tranquillement, petit à petit, on est en train, par différents gestes, de gruger les acquis et les outils qu'on s'était donnés pour protéger notre langue. Le premier ministre nous annonce qu'il va modifier la loi 101. La loi 58 vient faire une brèche importante dans la loi 101. La vice-première ministre nous annonce la refonte, l'abolition, la restructuration des organismes de surveillance de la loi 101.

J'ajouterais Radio-Québec, qui est quand même, à certains égards, un outil qu'on s'était donné pour préserver notre

langue et notre culture. On est en train de l'aliéner complètement. Je pense, et le ministre de l'Éducation se le rappellera, plus modestement, à un petit programme qu'on s'était donné d'aide à l'édition française scientifique; il est carrément aboli. Ce qu'on invoque: il n'était pas suffisamment important. C'était toujours mieux que rien. Petit à petit, on est en train de perdre ces outils qu'on s'était donnés.

On amnistie les "illégaux" en invoquant, et avec raison, qu'ils sont peu responsables des actes que leur ont fait poser leurs parents. J'aurais aimé voir le ministre qui nous dit: II faudrait faire preuve de magnanimité, d'ouverture, d'humanité à l'endroit de ces jeunes. J'aurais voulu qu'il fasse preuve des mêmes qualités à l'endroit des autres jeunes du Québec à qui il avait fait aussi des promesses, envers lesquels il avait pris des engagements. Je pense aux étudiants, aux jeunes assistés sociaux, aux coupures qu'il a faites de façon importante en éducation, en enseignement supérieur.

M. le Président, je voterai pour cette motion et j'espère que le gouvernement suivra en ce sens. Il n'y a pas l'urgence qu'invoque le ministre de l'Éducation pour justifier l'adoption hâtive de ce projet de loi. Il n'y a pas cette urgence parce que de son aveu même, les jeunes sont rendus au cégep de façon très calme, ils sont rendus au cégep. S'ils sont au cégep, voulez-vous me dire où se trouve le problème? J'ai vérifié -il faut le croire - je voulais aller aux informations. Depuis cinq ans, vous retrouvez des jeunes "illégaux" dans les cégeps anglophones du Québec et tous les cégeps en admettent.

Dites-moi à présent où est le problème. Si ce problème est plus urgent que celui des jeunes itinérants, que celui des jeunes assistés sociaux, que celui des étudiants qui ont besoin d'aide financière. La seule différence c'est un engagement que ce gouvernement a pris envers une clientèle, sa clientèle. C'est l'engagement qu'il estime le plus urgent de tenir. (1 h 10)

Les enfants qui entrent à l'école primaire et secondaire par les soupiraux, par les vasistas, M. le Président, je n'y crois pas. Je suis obligée de répéter quand on réussi à rentrer au collège alors qu'on connaît les règles d'admission dans les collèges et les règles édictées en vertu du règlement des études collégiales... je me demande quelle est l'urgence d'adopter à la hâte et de nuit un tel projet de loi? J'espère qu'on y réfléchira suffisamment et qu'on acceptera non pas d'effacer le projet de loi, mais de le reporter pour nous donner le temps d'avoir en main la politique linguistique de ce gouvernement et à la lumière de cette politique, examiner le projet de loi qui nous est soumis. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Saint-Jacques.

M. Chagnon: M. le Président, il y a erreur sur la personne.

Le Vice-Président: Je m'excuse, je cède la parole au député de Saint-Louis.

M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Je préfère de beaucoup. M. le Président, nous sommes ici ce soir pour parler d'une motion de report de six mois.

Une voix: Ce matin.

M. Chagnon: Ce matin. Mes collègues me font signe qu'il est 1 h 10. Nous sommes donc, ce matin, à parler d'une motion pour un report de six mois. La tristesse dans cette motion de report, c'est qu'elle a été présentée par un ancien cadre scolaire qui est maintenant député du comté de Roberval. Il aurait dû savoir, lui, quels sont les problèmes que nous pose et que pose à l'ensemble de l'organisation scolaire cette motion de report de six mois.

Avant d'y parvenir, d'y arriver, permettez-moi de citer et de renoter quelques phrases qui, peut-être, deviendront célèbres dans cette Assemblée et qui ont été présentées par des députés de l'Opposition pour défendre leur cause. Pensons au député de Laviolette qui nous disait: Vous savez, ce n'est pas si grave que cela le problème. Maintenant on fait des fac-similés, je l'ai lu dans les journaux. On fait des fac-similés de diplômes de fin d'études secondaires qui sont non reconnaissables pour les profanes. Quel genre d'argument est-ce? Qu'est-ce qui arrive pour ceux qui vont vouloir aller au cégep? Ce ne sont pas des profanes qui vont faire l'étude des diplômes de fin d'études secondaires au cégep, ce ne sont pas des profanes qui vont faire l'analyse des diplômes de fin d'études secondaires à l'université?

Le député de Shefford nous dit que les chiffres de Statistique Canada qui remontent effectivement en 1981... cela il ne nous le dit pas. C'est aujourd'hui la journée du recensement. Nous aurons les chiffres du prochain recensement dans six mois, dans huit mois, dans un an. Peut-on se fier encore aux chiffres d'il y a cinq ans qui viennent même, finalement, apporter de l'aide au ministre de l'Éducation dans l'ensemble de sa dialectique et qui vient justifier le dépôt du projet de loi 58.

Le député de Terrebonne quant à lui nous a dit qu'il se présentait nu devant nous. Heureusement qu'à cette heure les enfants sont couchés et ceux qui nous écoutent sont

d'âge probablement adulte et n'auront pas reconnu grand-chose dans les propos du député de Terrebonne. Le député de Terrebonne a dit que le ministre était extraordinaire, venant en cela contredire son collègue de Gouin qui disait que le ministre, lui, faisait de la petite politique.

Le député de Gouin disait du comité Rondeau mis sur pied par le ministre de l'Éducation que c'était un comité bidon. Il faut comprendre que le député de Gouin n'a pas lu le rapport Rondeau parce qu'il l'aurait probablement jugé autrement. Le comité Aquin qui avait été mis sur pied par le précédent gouvernement, vous ne pouvez certainement pas prétendre à la transparence politique du choix de son auteur, Me Aquin. Par contre, les accusations de basse politique, de petite politique et de manque de courage de la part du député de Gouin à l'égard du député d'Argenteuil sont assez troublantes, M. le Président. Cela en prend du courage de la part du député du comté d'Argenteuil pour présenter ce projet de loi, mais cela a pris beaucoup de lâcheté de la part de l'ancien gouvernement qui n'a absolument rien réglé pendant les huit dernières années, à propos de cette question.

Une motion de report de six mois, M. le Président, six mois qui viennent démontrer l'irresponsabilité de l'Opposition en matière d'organisation scolaire. Qu'est-ce que cela veut dire, six mois, par rapport à la période où nous sommes aujourd'hui? Six mois de report, cela veut dire six mois d'attente de plus pour des enfants qui attendent déjà depuis huit ans que le cas soit réglé. Cela veut dire, deuxièmement, six mois de retard dans les inscriptions de ces enfants. Cela veut dire, troisièmement, six mois de retard dans la constitution des groupes d'élèves. Il faut les constituer, ces groupes d'élèves, à partir du moment où on a leur inscription. Cela fait partie de l'ensemble de l'organisation scolaire que chacune des écoles, que chacune des commissions scolaires du Québec doit mettre sur pied pour faire en sorte que ces élèves reçoivent des cours. Cela veut dire que cela implique aussi six mois de retard dans l'engagement des professeurs.

Cela me surprend que... Des professeurs, il y en avait plusieurs parmi les membres de l'Opposition: le député de Joliette en fut un, le député de Roberval en fut un, le député d'Abitibi-Ouest en fut un. Plusieurs de ces anciens professeurs ont-ils si complètement été déconnectés de leur ancien milieu de travail pour ne pas savoir que les retards dans la constitution des groupes d'élèves et les retards dans l'engagement des professeurs impliquent en même temps six mois de retard dans les règles de transfert, six mois de retard dans l'application des conventions collectives, c'est six mois de retard particulièrement en ce qui concerne toutes les règles de mutation et d'affectation que nous retrouvons au chapitre 5.8 des conventions collectives? C'est six mois de retard dans l'ensemble de l'organisation scolaire du Québec, parce qu'on ne veut pas comprendre que 1500 élèves souffrent injustement et de façon tout à fait inhumaine depuis huit ans du sort qu'on leur a fait à cause de l'organisation interne incluse dans la loi 101.

M. le Président, j'en appelle à l'Opposition pour dépasser les limites les plus simples de son ignorance de l'organisation scolaire. J'en appelle aussi à l'Opposition pour que 1500 jeunes du Québec - tout à l'heure, le député d'Abitibi-Ouest nous citait Shakespeare - puissent enfin un jour être reconnus, pour que ces jeunes puissent enfin un jour avoir un diplôme, une certification d'études secondaires comme nous tenterons de le faire avec l'adoption éventuelle du projet de loi 58, si nous pouvons passer pardessus toutes les mesures dilatoires que mettra de l'avant l'Opposition. J'en appelle donc à l'Opposition pour se rallier. Pour 1500 jeunes du Québec, "être ou ne pas être", c'est là toute la question.

M. le Président, nous ne pouvons retarder impunément le fait que 1500 jeunes du Québec n'aient pas encore eu droit à ces diplômes de fin d'études secondaires ou même à cette reconnaissance d'étudiant dûment inscrit au système des écoles publiques du Québec. Pour en avoir rencontré plusieurs à l'extérieur de mon comté et quelques-uns même dans mon comté, des jeunes d'origine portugaise, c'est un triste sort que celui qui leur a été réservé depuis maintenant huit ans.

Si cette loi vient corriger les problèmes qu'a causés l'application d'une partie de la loi 101 et simplement d'une partie de la loi 101, comme le souligne le rapport Rondeau d'ailleurs, il ne faut pas faire table rase de la loi 101, mais il faut simplement corriger cette question des 1500 élèves qui devront être admissibles à l'enseignement en anglais, mais uniquement pour ceux qui sont là. Pour les autres et ceux à venir, des dispositions de la loi 58 font en sorte d'éviter que le problème qui a été causé depuis huit ans puisse revenir à la surface dans les années à venir. (1 h 20)

M. le Président, en conclusion, faisons en sorte de reconnaître un statut qui soit pour le moins justifié à 1500 élèves du Québec pour que, encore une fois, nous puissions les reconnaître comme des étudiants normaux, inscrits dans un système normal, et par lequel nous devrons absoudre des jeunes du Québec, des jeunes qui n'ont pas recherché le fait d'être au centre d'un dilemme, au centre de nos préoccupations de ce soir.

Encore une fois, pour 1500 jeunes du

Québec, ce projet de loi représente une porte de sortie honorable qui fera en sorte qu'ils ne pourront plus dire: Être ou ne plus être au Québec, ce n'est plus là la question, puisqu'elle est réglée. Merci, M, le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Puisque je ne reconnais maintenant aucun autre intervenant qui demande la parole dans ce débat, je mets donc fin au débat restreint de cette motion de report. Je vais maintenant la mettre aux voix. Est-ce que la motion du député de Roberval, visant à reporter l'adoption de principe du projet de loi 58 à six mois est adoptée?

Des voix: Vote enregistré.

Le Vice-Président: Vote enregistré. Qu'on appelle les députés. (1 h 22 - 1 h 27)

Le Vice-Président: Nous sommes prêts à mettre aux voix la motion. Est-ce que la motion de report du député de Roberval visant à reporter à six mois l'adoption de principe du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants, est adoptée? Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent se lever s'il vous plaît.

Le Secrétaire: M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Jolivet (Laviolette), M. Rochefort (Gouin), Mme Juneau (Johnson), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Gauthier (Roberval), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Blais (Terrebonne), M. Dufour (Jonquière), M. Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve), M. Desbiens (Dubuc).

Le Vice-Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire: M. Gratton (Gatineau), M. Ryan (Argenteuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Robic (Bourassa), M. Picotte (Maskinongé), M. Fortier (Outremont), M. Gobeil (Verdun), M. Cusano (Viau), M. Dauphin (Marquette), M. Philibert (Trois-Rivières), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Lefebvre (Frontenac), M. Maciocia (Viger), M. Middlemiss (Pontiac), M. Beaudin (Gaspé), M. Cannon (La Peltrie), M. Chagnon (Saint-Louis), Mme Pelchat (Vachon), M. Polak (Sainte-Anne), M. Assad (Papineau), M. Audet (Beauce-Nord), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), Mme Hovington (Matane), Mme Trépanier (Dorion), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Gervais (L'Assomption), M.

Trudel (Bourget), Mme Bleau (Groulx), M. Bradet (Charlevoix), M. Brouillette (Champlain), M. Camden (Lotbinière), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Farrah (Iles-de-la-Madeleine), M. Forget (Prévost), M. Gardner (Arthabaska), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Laporte (Sainte-Marie), M. Dubois (Huntingdon), M. Hains (Saint-Henri), M. Houde (Berthier), M. Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), M. Leclerc (Taschereau), M. Hétu (Labelle), M. Joly (Fabre), M. Khelfa (Richelieu), M. Lemieux (Vanier), M. Marcil (Beauharnois), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Poulin (Chauveau), M. Richard (Nicolet), M. Tremblay (Rimouski), M. Saint-Roch (Drummond).

Le Vice-Président: II n'y a pas d'abstention?

Le Secrétaire: Non.

Pour: 17. Contre: 57.

Le Vice-Président: Cette motion de report est donc rejetée.

M. Gratton: M. le Président, nous reprenons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 58 et comme c'est à mon tour d'intervenir, je vous proposerais l'ajournement du débat.

Des voix: Ha! Ha!

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Est-ce que quelqu'un peut proposer l'ajournement de nos travaux, s'il vous plaît? M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je suis volontaire.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement de nos travaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Nos travaux sont donc ajournés à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 1 h 32)

Document(s) related to the sitting