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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Monday, December 8, 1986 - Vol. 29 N° 73

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

Dix heures huit minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

Nous allons maintenant procéder aux iffaires courantes. Déclarations ministériel-2S. Mme la ministre des Affaires culturelles.

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président: Sur une question de èglement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, nous avons reçu dans les délais une déclaration inistérielle pour l'annonce d'amendements législatifs. J'ai beau remonter dans le temps pour voir si c'est une coutume du Parlement l'amender un projet de loi par le biais d'une déclaration ministérielle et je n'ai pas trouvé de précédent en la matière. Je comprends que, dans le discours inaugural de décembre dernier, Mme la vice-première ministre avait longuement expliqué qu'on légiférerait beaucoup mieux en cette enceinte, qu'on aurait des projets de loi bien préparés, qu'on aurait des lois qui répondraient aux aspirations des citoyens et citoyennes du Québec. Aujourd'hui, on crée un précédent en amendant un projet de loi par déclaration ministérielle sachant que, lorsqu'un projet de loi est déposé, ce n'est qu'en commission parlementaire qu'on peut parler de recevabilité ou de non-recevabilité desdits amendements. Je suis surpris de cette procédure.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur cette question de règlement.

M. Gratton: M. le Président, le but de la déclaration ministérielle de Mme la vice-première ministre, ce matin, n'a rien à voir avec le fait d'amender le projet de loi 140. s'agit d'annoncer les amendements. C'est évident que seule l'Assemblée nationale, au moment approprié, pourra procéder à l'adoption des amendements. Il n'y a donc absolument rien à reprocher à cette procédure. On fait une déclaration ministérielle pour que l'ensemble de la population, l'ensemble de l'Assemblée nationale soit saisie des amendements au moment le plus opportun et le plus rapidement possible.

D'ailleurs, M. le Président, je citerais, à titre de précédent, une déclaration semblable de M. Marc-André Bédard alors qu'il était ministre délégué à la Réforme électorale - je vous prie d'aller vérifier, je ne pourrais pas vous donner la date exacte -et leader du gouvernement. Il avait procédé de cette façon, c'est-à-dire par une déclaration ministérielle, pour annoncer son intention d'apporter des modifications, des amendements à un projet de loi qui était déjà devant l'Assemblée nationale.

Le Président: Si vous me le permettez, j'avais reçu dans les délais requis la demande et l'avis de déclaration ministérielle de Mme la ministre des Affaires culturelles. J'avais également remarqué qu'étaient attachées des copies de projets d'amendements à un projet de loi qui est actuellement déposé en cette Chambre. J'ai étudié la question avant de me présenter ce matin et je suis prêt à conclure immédiatement. D'abord, dans un premier temps, une déclaration ministérielle est extrêmement large et Mme la vice-première ministre peut faire une déclaration ministérielle sur ce sujet.

Quant aux documents, à la suite de votre allusion, M. le leader de l'Opposition, cela prendra le consentement. Si Mme la vice-première ministre veut les déposer, ce sont des projets d'amendements et non pas des amendements. Ce ne sont que des documents pour consultation à cette étape-ci de la déclaration ministérielle et cela exigera un consentement de l'autre côté de la Chambre.

Advenant le cas où vous ne donniez pas votre consentement, M. le leader de l'Opposition, Mme la vice-première ministre pourra toujours déposer lors des affaires courantes un peu plus tard ce matin, au dépôt de documents, ses projets d'amendements tels qu'attachés à sa déclaration ministérielle. Je voudrais bien que ce soit clair. Il ne s'agit pas d'amendements au projet de loi mais plutôt de documents déposés qui devraient être considérés, par tous et chacun de vous en cette Chambre, comme des projets futurs d'amendements à ce projet de loi.

M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que vous me permettez de vous rappeler d'abord votre décision en ce qui regarde la dimension des soins dentaires qu'on voulait ajouter au projet de loi 74? Ce que je veux bien faire remarquer ici, c'est le statut des amendements qui sont déposés ou qui le seront. Nous n'avons pas l'intention de nous opposer au dépôt, mais ce que je voudrais bien entendre de votre bouche, M. le

Président, c'est que vous réitérez votre position face au projet de loi 74 où vous avez bel et bien dit que les amendements n'ont aucune valeur et que le Parlement a devant lui exclusivement le projet de loi déposé en bonne et due forme au moment de son dépôt en Chambre.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je peux concevoir que si on parle du contenu des amendements qui peuvent être jugés irrecevables parce qu'ils représentent un principe autre que celui qui est déjà inscrit dans un projet de loi, à l'étape ultérieure, c'est-à-dire au moment de leur présentation pour étude ou pour adoption à l'Assemblée nationale, le Président sera appelé à trancher sur la recevabilité. Mais au moment d'une déclaration ministérielle, les seules règles qui régissent nos déclarations ministérielles sont les articles 55 et 56 de notre règlement. Il n'y a rien, M. le Président, dans les articles 55 et 56 qui limite le ministre qui veut faire une déclaration ministérielle quant au contenu de la déclaration.

Je dis donc que même - et je ne présume pas de la déclaration que va faire Mme la vice-première ministre - s'il devait se révéler que, parmi les amendements dont elle veut saisir l'Assemblée nationale ou informer l'Assemblée nationale de son intention de présenter des amendements, même s'il s'en trouvait parmi ceux-là qui étaient irrecevables en fonction de quelque article de notre règlement que ce soit, ce n'est pas à ce moment-ci qu'il faudrait en juger, mais au moment de les soumettre pour adoption à l'Assemblée nationale ou à une commission parlementaire. Donc, au moment de la déclaration ministérielle, il n'y a rien qui empêche Mme la ministre d'informer les membres de l'Assemblée, la population, de ses intentions, même si ce sont des intentions législatives. À moins que le leader de l'Opposition ne m'indique que c'est pour donner la chance aux membres de l'Opposition qui sont absents présentement de venir en Chambre pour en prendre connaissance plus tard...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Gratton: ...M. le Président, je dirai qu'on devra procéder immédiatement.

Le Président: Une dernière...

M. Chevrette: M. le Président, sur les absences.

Le Président: Un instant! Une dernière intervention, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Quant aux absences, comme préambule à mon intervention, avec douze ou treize ministres absents toute la semaine passée, je pense bien qu'on n'a pas de leçon à tirer de ce côté-ci de la Chambre.

Des voix: Ah!

Le Président: Une dernière intervention.

M. Chevrette: Cela dit, M. le Président, le leader du gouvernement n'a pas répondu du tout à la demande que je vous ai faite. Je vous ai fait une demande concernant le statut ou la valeur juridique des amendements. Quand je vous réfère à votre décision concernant l'inclusion des soins dentaires comme coupure, l'impôt sur les enfants, au projet de loi 74, il faut être bien clair. Je vous demande si les amendements déposés sont nuls et non avenus au point de vue juridique tant et aussi longtemps que la commission parlementaire, qui doit disposer sur le fond, n'en a pas pris connaissance officiellement. C'est là la question et non pas les articles 55 et 56 qui parlent de déclaration ministérielle. On a eu le contenu de la déclaration ministérielle. On l'a étudiée, M. le Président, et je vous ai posé une question quant au statut juridique des amendements qui sont déposés.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Si cela peut aider à clarifier les choses, je suis tout à fait d'accord avec le leader de l'Opposition en supposant qu'il prétend que les amendements n'ont aucun statut juridique à partir du moment où ils sont déposés en même temps que la déclaration ministérielle. Je lui donne raison. Effectivement, les amendements ne peuvent pas être considérés avant que l'article de notre feuilleton qui porte sur le projet de loi 140 soit appelé. En supposant, par exemple, qu'à la suite de la déclaration ministérielle le gouvernement décidait de ne pas appeler l'article du feuilleton en question, évidemment, les amendements ne seraient pas considérés. Donc, leur statut juridique, quant à moi, ne commencera à exister qu'au moment où l'Assemblée nationale ou une de ses commissions sera saisie de la demande d'étudier le projet de loi 140.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, une dernière petite intervention. Je suis prêt à rendre ma décision.

M. Chevrette: Oui. Vous aviez dit que c'éteit la dernière puis vous avez redonné la parole à l'autre.

Le Président: Oui, mais vous aviez apporté un argument nouveau.

M. Chevrette: C'est pour cela que j'ai compris que vous pourriez me donner une autre occasion.

Le Président: D'accord, mais une dernière fois.

M. Chevrette: M. le Président, cela va plus loin que cela. Si je comprends bien nos règles de procédure et notre règlement, le Parlement n'en est même pas saisi officiellement, même s'il y a dépôt, si on se base sur nos règlements. Cela sert une conférence de presse de Mme la vice-première ministre, mais ce n'est pas juridiquement reconnu comme contenu accepté et déposé officiellement en cette Chambre.

Le Président: Je suis entièrement d'accord. M. le leader de l'Opposition, je vous donne entièrement raison, surtout avec les remarques que j'avais mentionnées. Je donne également raison au leader du gouvernement. Je l'avais mentionné au tout début, il s'agit de simples documents déposés pour consultation. La recevabilité d'aucun de ces futurs projets d'amendements, s'il y a lieu, n'a été prononcée et ce n'est pas à cette étape-ci ce matin que je vais me prononcer sur la recevabilité.

Maintenant, M. le leader de l'Opposition, je vais ajouter une autre chose: Si Mme la vice-première ministre insiste pour déposer ses futurs projets d'amendements ce matin concernant la déclaration ministérielle, elle a besoin de votre consentement. Sinon, elle le fera sans votre consentement, mais au dépôt de documents et c'est comme un simple document pour consultation. Cela n'a aucune autre valeur ce matin. Cela va? Alors, Mme la vice-première ministre, en déclaration ministérielle.

Amendements au projet de loi 140

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Lorsqu'il fut élu le 2 décembre 1985, le gouvernement libéral s'est engagé à assurer un leadership dans la gestion des affaires de l'État. Pour y arriver, le gouvernement du Québec a pris des mesures en vue de redresser une situation difficile aussi bien sur le plan économique que social, en ce qu'il fallut restaurer cette confiance entre l'État et les citoyens.

C'est également sous le sceau de la responsabilité que fut abordé le dossier linguistique dont la pièce législative majeure remonte à l'adoption, sous un gouvernement libéral, de la loi 22 qui proclamait le français langue officielle du Québec.

Par la suite, le gouvernement qui nous a précédés a fait adopter la loi 101 dont l'objet essentiel est le même que celui de la loi 22, à savoir la reconnaissance, la protection et la promotion du fait français au Québec. Pour notre formation politique, les principes et objectifs de cette législation correspondent toujours à notre philosophie, en ce sens qu'il revient à l'État de prendre les moyens nécessaires pour assurer la francisation du Québec. (10 h 20)

Enfin, dans son message inaugural du 16 décembre dernier, le nouveau gouvernement a clairement indiqué son intention d'adopter des mesures qui feraient en sorte que l'administration publique se caractérise par son efficacité en procédant, le cas échéant, à des modifications des structures administratives.

En janvier dernier, j'ai clairement exprimé mon intention de procéder a une révision du cadre institutionnel de la Charte de la langue française. Et le 20 juin, j'ai formé un groupe de travail présidé par M. Gilles Lalande, dont la réflexion fut axée autour de trois points majeurs: Examiner les fonctions des organismes chargés de l'application de la Charte de la langue française, étudier de près leur cadre institutionnel et leur structure administrative et enfin, regarder de près aussi le thème de la francisation en milieu de travail.

Ce rappel me semble nécessaire pour bien démontrer que la rédaction du projet de loi 140 modifiant la Charte de la langue française n'est pas le fruit d'improvisation ou d'une quelconque tentative du gouvernement d'altérer ou de diminuer l'importance du fait français au Québec. Bien au contraire, le projet de loi 140 prévoit un réaménagement des structures administratives et fera en sorte que seule la gestion de la politique linguistique québécoise soit modifiée afin d'en renforcer l'application.

Ainsi, ma volonté d'aborder la gestion de la politique linguistique n'altère en rien l'essence ou la nature même de la charte. 11 faut bien comprendre que les missions et les objectifs qui sont actuellement dévolus aux différentes composantes administratives sont non seulement préservés, mais certains d'entre eux seront renforcés par le biais d'ajouts qui auront comme conséquence d'en améliorer la gestion.

Cette constatation ne m'a tout de même pas empêchée d'analyser et de considérer les commentaires et les suggestions formulés par des organismes, des groupements ou des personnes à titre individuel à l'égard du projet de loi 140.

C'est dans ce contexte que je désire déposer en cette Chambre, aujourd'hui, des amendements qui préciseront certains points, de manière à préciser les objectifs et a renforcer les moyens mis de l'avant dans le projet de loi 140.

Parmi les amendements, on constatera un ajout à l'article 116 qui précise que tout mandat confié à l'Office de la langue

française doit découler des avis, des constatations, des conclusions, des études ou des recherches que lui transmet le haut comité. Cet amendement fera en sorte d'assurer un trait d'union entre l'Office de la langue française et le haut comité.

À l'article 117, nous proposons un amendement pour faire en sorte que des directives données par le ministre et portant sur les objectifs et les orientations de l'office, lesquelles auront été approuvées par le gouvernement, puissent faire l'objet d'un débat à la commission de la culture dans les 30 jours du dépôt de ladite directive.

En outre, nous précisons à l'article 156.6 que le rapport des activités de l'Office de la langue française doit inclure les objectifs et orientations de l'office pour l'année qui vient.

À l'article 118h, nous désirons dissiper tout malentendu en remplaçant l'expression "non francophone" par les mots "d'une langue autre que française".

Nous reformulons l'article 169 et supprimons l'article 170. En vertu de l'amendement proposé, nous allégeons le processus de redressement. En effet, si les efforts de conciliation entrepris par l'enquêteur auprès du présumé contrevenant sont infructueux, l'enquêteur transmet le dossier au procureur général, afin que celui-ci en fasse l'étude et intente, s'il y a lieu, des poursuites pénales. Ce processus ne forcera pas le président de l'office à adresser une dernière mise en demeure au présumé contrevenant.

À l'article 185, où l'on prévoit que le Haut Comité de la langue française conseillera le ministre sur la politique québécoise de la langue française, sont ajoutés les mots suivants: "ainsi que sur les moyens propres à assurer le rayonnement dans le monde francophone".

D'autre part, nous précisons à l'article 186 que les francophones hors Québec et ceux de la francophonie internationale seront des membres associés du haut comité et n'auront pas le droit de vote.

Par ailleurs, un amendement précisera aux articles concernés qu'un des membres du haut comité en sera le président et non le secrétaire général.

À l'article 187, nous précisons que le haut comité doit faire part au ministre, au moins annuellement, de ses constatations et de ses conclusions sur l'évolution de la situation linguistique au Québec.

Nous introduisons le nouvel article 188.1 qui a pour effet d'obliger le ministre à rendre publics, dans un délai raisonnable, les avis, constatations et conclusions qu'il a reçus du haut comité, de même que les études et les recherches que celui-ci lui a transmises.

Voilà, M. le Président, l'essentiel des amendements que je désire déposer en vue d'enrichir le projet de loi 140 modifiant la Charte de la langue française et qui, j'en suis sûre, répondra aux interrogations suscitées au cours des dernières semaines.

Le Président: Merci, Mme la vice-première ministre. Sur la déclaration ministérielle de Mme la vice-première ministre, je vais reconnaître maintenant M. le chef de l'Opposition. M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le 13 novembre dernier, le gouvernement déposait à la date limite du dépôt des projets de loi le projet de loi 140, alors que le projet de loi 142 avait été déposé la veille.

Depuis ce temps, la vice-première ministre elle-même, ainsi que d'autres membres du gouvernement ont accusé de façon systématique l'Opposition d'être responsable des réactions extrêmement négatives que ces projets de loi ont soulevées un peu partout dans la population, opposition qui s'est manifestée non seulement dans les centrales syndicales, mais également au Conseil du patronat, par les réserves du maire de Montréal, par des commissions scolaires, par le maire de Hull, par la Chambre de commerce de Montréal et de plus en plus par d'autres groupes, y compris un certain nombre de grands universitaires du Québec qui ont étudié ces questions à fond depuis un certain nombre d'années. M. le Président, on nous accusait, à ce moment, de partisanerie, on nous accusait même de désinformation, sans compter ce week-end noir auquel se seraient livrés ces irresponsables qu'auraient été ceux qui véhiculent l'information aux yeux du premier ministre et des membres du caucus libéral.

Ce matin, nous assistons à une volte-face qui donne raison à l'Opposition quant au caractère improvisé, mal fait et risible du processus gouvernemental en matière linguistique. Ces amendements, à première vue, puisque, encore une fois, nous ne pouvons en être saisis juridiquement, techniquement, dans notre procédure parlementaire, avant la commission pour l'étude article par article, au départ, à l'égard de la vision que nous exposions que ce gouvernement assimilait tous les non-francophones à la minorité de langue anglaise, nous donnent raison quant à cet argument. Ils nous donnent raison quant au caractère complètement alambiqué du processus de poursuites que la loi 140 venait modifier. Ils nous donnent raison quant au caractère un peu farfelu du Haut Comité de la langue française où on aurait demandé à des gens de l'extérieur du Québec de se prononcer sur des questions internes en matière

linguistique. Ils donnent raison à notre argumentation selon laquelle la vision que le gouvernement avait en ce qui concerne les directives en matière linguistique était une vision dirigiste et imprudente.

C'est précisément parce que dans l'improvisation parfaite la ministre vient donner raison à une partie de l'argumentaire de l'Opposition que nous considérons que ce gouvernement fait preuve d'improvisation en matière de politique linguistique, qu'il ferait preuve d'improvisation dans les projets de loi 140 et 142, qu'il fait preuve d'improvisation dans cette déclaration ministérielle quant à sa nature et à sa portée juridique.

En conclusion, M. le Président, devant cette volte-face du gouvernement, nous dirons au gouvernement: Retournez faire vos devoirs. Établissez une politique linguistique et refaites ce projet de loi pour qu'on en discute sereinement au printemps.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je remercie M. le chef de l'Opposition. Mme la vice-première ministre.

Mme Lise Bacon (réplique)

Mme Bacon: II fait plaisir de constater la belle unité du parti de l'Opposition, le Parti québécois, sur ce sujet important, M. le Président. C'est là seulement qu'il peut se retrouver!

Il semble que le chef de l'Opposition soit tout à fait malheureux que nous ayons été à l'écoute de la population et que nous ayons apporté des changements au projet de loi que nous avons déposé. C'est évident que cela dérange un peu les arguments dont il s'est servi depuis le début, depuis le dépôt même du projet de loi 140. Lui est d'accord avec le projet de loi 142 et le député de Mercier est d'accord avec le projet de loi 140 et ils font un plat des discussions que nous avons eues depuis le début. (10 h 30)

M. le Président, il est facile pour le Parti québécois d'exploiter à son avantage les sentiments de méfiance que peuvent avoir certaines personnes. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est M. Marcel Adam de La Presse. C'est facile aussi quand on sait que l'ex-gouvernement péquiste avait lui-même commencé à édenter la loi 101 pour faire droit aux doléances justifiées des anglophones et qu'il songeait à lui apporter des amendements semblables à ceux que projette le gouvernement libéral. On se dit que c'est de bonne guerre, mais ce n'est pas moins hypocrite pour autant.

Des voix: Bravo!

Une voix: Cela paraît qu'elle ne nous aime pas!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Tin de la déclaration ministérielle. Nous allons continuer les affaires courantes.

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article h du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 235

Le Président: II s'agit d'un projet de loi d'intérêt privé. Si vous me permettez, j'ai reçu le rapport du Directeur de la législation. Ce dernier a constaté que l'avis a été publié conformément aux règles de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.

M. le député de Shefford propose le projet de loi privé portant le numéro 235, Loi modifiant la charte de la ville de Granby. L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi?

Une voix: Oui, M. le Président.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements et que le ministre des Affaires municipales en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Dépôts de documents. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Pourriez-vous reconnaître Mme la vice-première ministre pour qu'elle puisse déposer les amendements dont elle a parlé dans sa déclaration ministérielle?

Le Président: Mme la vice-première ministre. Document de consultation.

Amendements au projet de loi 140

Mme Bacon: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les projets d'amendements à la loi 140.

Le Président: Tel que mentionné, dépôt de documents pour consultation. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de documents?

Dépôts de rapports de commissions. Dépôts de pétitions. M. le chef de l'Opposition.

Requêtes demandant de faire

respecter la Charte de la langue française

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 101 pétitionnaires résidents du comté d'Anjou invoquant les faits suivants: "Que la Charte de la langue française a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de la population du Québec; "Que le gouvernement fait subir de multiples reculs à la langue française et "que le nombre de violations de la Charte...

Le Président: M. le chef de l'Opposition. Si vous me le permettez, on est à l'étape des dépôts de pétitions et j'aimerais bien entendre le contenu de la pétition de M. le chef de l'Opposition.

Une voix: C'est sa majorité, M. le Président.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: On pourrait en avoir 119...

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou); ...invoquant les faits suivants: "Que la Charte de la langue française a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de la population du Québec; "Que le gouvernement fait subir de multiples reculs à la langue française au Québec et "que le nombre de violations de la Charte de la langue est en croissance et "concluant à ce que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement de faire respecter, dans son esprit et dans sa lettre, la Charte de la langue française et de cesser de favoriser, de multiples façons, le recul de la langue française au Québec."

Le Président: Pétition déposée. M. le chef de l'Opposition, une deuxième pétition?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 101 pétitionnaires résidents du comté de Saint-Laurent...

Des voix: Ah!

M. Johnson (Anjou): ...invoquant les faits suivants: "Que la Charte de la langue française a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de la population du Québec; "Que le gouvernement a fait subir de multiples reculs à la langue française au Québec et "que le nombre de violations de la Charte de la langue est en croissance...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): ...et "concluant à ce que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement de faire respecter, dans son esprit et dans sa lettre, la Charte de la langue française et de cesser de favoriser, de multiples façons, le recul de la langue française au Québec."

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Taillon, toujours à l'étape des dépôts de pétitions.

Demande de maintenir les écoles de transition sur le territoire de Chambly

M. Filion: C'est bien cela, M. le Président. Je crois comprendre que les leaders ont discuté ensemble pour me permettre de déposer une pétition que j'ai reçue de 7000 personnes de mon comté. Cette pétition, cependant, n'obéissant pas à toutes les règles que vous avez fixées la semaine dernière, je requiers donc le consentement de cette Assemblée pour le dépôt de cette pétition.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader du gouvernement?

M. Gratton: Oui, M. le Président, même si cette pétition n'est pas conforme aux règles de pratique, nous consentons volontiers à ce qu'elle soit déposée.

Le Président: M. le député de Taillon, vous avez la parole.

M. Filion: Je remercie le leader du gouvernement. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 7000 pétitionnaires résidents du territoire de la commission scolaire régionale de Chambly. Cette pétition invoque les faits suivants: "Que la commission scolaire régionale de Chambly vise dans ses objectifs la fermeture des écoles secondaires de quartier au profit des polyvalentes; "Que les parents ont fait part de leur volonté inébranlable de conserver l'école

Saint-Jean-Baptiste ainsi que les autres écoles de transition et "Concluant à ce que soient maintenues dans leur forme actuelle l'école Saint-Jean-Baptiste ainsi que toutes les autres écoles de transition sises sur le territoire de la commission scolaire régionale de Chambly.

Le Président: Pétition déposée. M. Filion: Merci.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres pétitions?

Ce matin il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Avant de procéder à la période de questions et réponses orales j'avise immédiatement les membres de cette Assemblée que M. le ministre délégué à la Privatisation aura un complément de réponse à apporter à la question que lui posait vendredi dernier M. le député de Bertrand concernant le dossier de Cambior. À cette étape-là, M. le ministre délégué à la Privatisation avait pris avis de la question.

Nous allons maintenant procéder à la période de questions orales.

Je reconnais M. le député de Verchères en principale.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Indexation des prestations et réforme de l'aide sociale

M. Charbonneau: M. le Président, on a eu d'abord la promesse du gouvernement à l'égard de la parité de l'aide sociale, promesse ajournée. On a eu par la suite la promesse de la réforme globale de l'aide sociale et on a eu des promesses de mesures temporaires.

La semaine dernière le ministre a été un peu sauvé par la cloche. Il ne nous a pas expliqué très clairement de quelle indexation il parlait quand il parlait d'une indexation comme mesure temporaire à entrer en vigueur prochainement.

Je voudrais savoir aujourd'hui, et je pense que les 700 000 assistés sociaux du Québec voudraient le savoir également, si c'est l'indexation prévue normalement le 1er janvier 1987, l'indexation annuelle qui fait suite à l'abolition de l'indexation trimestrielle ou si c'est une indexation différente et, donc, qui correspondrait effectivement à une mesure temporaire en attendant que la réforme de l'aide sociale soit mise en application.

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, comme je l'ai indiqué la semaine dernière, il s'agit de l'indexation annuelle qui, contrairement aux propos du député de Verchères au printemps, n'a absolument pas été abolie, qui est ajustée en fonction des mesures qui étaient contenues dans le budget du ministre des Finances du printemps dernier, spécialement en ce qui a trait à la taxe de vente qui était appliquée à l'huile à chauffage et qui tient compte également de certaines mesures de réajustement quant aux allocations familiales fédérales.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Cette fois-ci c'est clair, M. le Président. Dans ce cas-là, est-ce qu'il y a d'autres mesures temporaires -puisqu'on ne peut pas parler d'une mesure temporaire dans ce cas-là - que vous envisagez, faisant suite à la déclaration du premier ministre, en attendant que la réforme de l'aide sociale intervienne?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne comprends pas l'interprétation qu'en fait le député de Verchères. L'indexation n'est pas une mesure temporaire, c'est une mesure qui s'applique à chaque année et elle est permanente.

M. Charbonneau: M. le Président, la question était claire.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Vous avez déclaré que vous mettriez en place des mesures temporaires en attendant l'entrée en vigueur de la réforme de l'aide sociale. Aujourd'hui vous nous dites que ce n'est pas une mesure temporaire. Je vous demande s'il y a une ou des mesures temporaires que vous envisagez et quelles sont ces mesures temporaires puisque ce n'est pas l'indexation annuelle de l'aide sociale.

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail. (10 h 40)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le premier ministre a indiqué en cette Chambre que, quant à la parité, quant à la réforme, quant au programme APTE, etc., des annonces seraient faites à la fin de novembre ou au début de décembre.

Nous avons également indiqué que le rapport Forget avait une incidence

importante quant au déménagement possible de clientèles de l'assurance-chômage à l'aide sociale ou vice versa. Le rapport Forget a été rendu public la semaine dernière. Nos gens se sont mis immédiatement à l'étude de ce rapport. Quant à la réforme comme telle, il y aura demain rencontre entre le ministre concerné et le premier ministre au bureau de celui-ci.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Que voulait dire le ministre lorsque, récemment, il a parlé, à l'égard des mesures temporaires, d'une indexation de taxe d'ici à la fin de 1986 ou le début de 1987? Que voulait-il dire lorsqu'il a parlé de cela à des journalistes?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je renvoie le député de Verchères au budget déposé par le ministre des Finances au printemps.

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: En additionnelle, M. le Président. Puisqu'il n'y a pas de mesure temporaire, quand le ministre entend-il déposer son projet de réforme globale et est-ce qu'il entend respecter l'engagement du premier ministre, à savoir qu'en attendant l'entrée en vigueur de la réforme de l'aide sociale il y aurait des mesures temporaires, particulièrement pour les moins de 70 ans, étant donné que le gouvernement n'est pas prêt à leur accorder la parité?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, cela ne me fait rien que le député de Verchères pose des questions à répétition, mais je lui demanderais d'accorder une certaine importance aux réponses que nous lui donnons. Je viens de lui indiquer, il y a quelques instants, quant au dépôt d'un projet de réforme de l'aide sociale, que le premier ministre avait parlé de la fin novembre ou du début décembre, qu'on avait déjà indiqué très clairement en cette Chambre que le rapport Forget aurait une incidence à moyen et à long terme sur les bassins de clientèles de l'aide sociale et qu'on ne peut présenter une réforme sans tenir compte de ces incidences à moyen et à long terme, que le rapport Forget a été déposé la semaine passée, qu'immédiatement nos gens se sont mis au travail pour évaluer l'incidence de ce déplacement des clientèles et que, dès demain, il y aura une rencontre entre le ministre concerné et le premier ministre. Est-ce qu'on peut agir plus rapidement?

Une voix: Bon! Voilà:

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Vous étiez prêts, il y a un an, à agir. Cela fait un an qu'on attend. Est-ce que...

Le Président: Un instant: M. le député de Verchères, en additionnelle. S'il vous plaît, une question additionnelle.

M. Charbonneau: Est-ce que vous entendez parler au premier ministre et discuter avec lui de mesures temporaires à mettre en oeuvre et en application d'ici à ce que la réforme puisse, elle, être opérationnelle?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'entends discuter avec le premier ministre, demain, de l'ensemble des mesures qui touchent à l'aide sociale, y compris l'indexation qui sera annoncée d'ici peu pour l'an prochain. Quant aux attentes dont vous parlez, les assistés sociaux vous ont entendu suffisamment longtemps qu'ils ont décidé de se débarrasser de vous autres l'année passée.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Verchères, en additionnelle.

M. Charbonneau: Est-ce que le ministre entend indiquer au premier ministre que sa compréhension de la parité de l'aide sociale, selon le mémoire qu'il a présenté cet été, signifie qu'il s'agit d'une parité conditionnelle et qu'à cet égard il s'agit du statu quo? Est-ce qu'après un an vous allez vous résoudre à dire la vérité aux 700 000 assistés sociaux du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je vous ferai remarquer que le député de Verchères a perdu un peu l'évolution du dossier au cours de l'année.

Lorsque nous avons hérité du dossier, il y avait effectivement 700 000 personnes qui dépendaient de l'aide sociale au Québec. Je vous ai annoncé - je pense que je l'ai annoncé suffisamment clairement, vendredi, il y a deux semaines - que ce nombre avait baissé de 57 000 depuis mars l'an passé. Donc, vous pourriez...

Des voix: Bravo!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...parler d'une clientèle qui a diminué de près de 10 %. Ceux qui y demeurent ont encore besoin de l'aide de l'État et de l'intervention de l'État, surtout les jeunes de moins de 30 ans qui sont condamnés à vivre avec la discrimination que vous avez établie dans le système et qui méritent toute l'attention du gouvernement. Contrairement à votre chef qui s'est déjà prononcé contre la parité de l'aide sociale, l'actuel chef du gouvernement est pour la parité de l'aide sociale et, pour lui comme pour le ministre concerné, parité veut dire justice et égalité.

Le Président: M. le député de Verchères, question additionnelle.

M. Charbonneau: Est-ce que le ministre sait, en fanfaronnant, que le système qu'il veut changer a été mis en place par son chef en 1974, d'une part? D'autre part, est-ce qu'il va cesser de raconter des histoires aux gens quand les documents qu'il présente...

M. Chevrette: II a commencé deux fois par "est-ce que".

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! M. le leader de l'Opposition, j'allais intervenir exactement sur ce sujet. M. le député de Verchères, vous avez la parole. Concluez avec votre question.

M. Charbonneau: Est-ce que le ministre va cesser de raconter des histoires à la population et nous avouer clairement, comme il le fait dans ses documents qu'il signe au Conseil du trésor et au cabinet, que la parité dont il parle et dont il parlait en campagne électorale est essentiellement ce qui existe actuellement et qu'il n'y a pas de changement?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De mon siège, j'affirme que les propos du député de Verchères sont faux et mensongers.

M. Charbonneau: Alors, M. le Président...

Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et ministre du Travail, je vous demande de retirer les deux allusions que vous venez de faire quant aux propos du député de Verchères dans sa dernière question. S'il vous plaît, M. le ministre. Sans commentaires, s'il vous plaît.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je retire mes propos en maintenant qu'ils sont contraires à la vérité.

Le Président: M. le député de Verchères, question additionnelle.

M. Charbonneau: Question additionnelle, M. le Président. Comment le ministre peut-il utiliser les adjectifs qu'il a utilisés...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: ...quand, dans son document, on lit à la page 4 "Les bénéficiaires qui refuseraient de participer à une mesure de maintien ou de développement de l'employabilité...

Le Président: Vous êtes sur une question additionnelle et déjà vous avez dépassé le temps permis. Sur une question de règlement, M. le député de Verchères. Vous êtes sur une question additionnelle.

M. Charbonneau: M. le Président, je sais que je suis sur une question additionnelle. Je sais par ailleurs que c'est un sujet important qui concerne beaucoup de gens et je sais que j'ai posé la question dans les formes. Je terminais la citation qui n'est pas longue, M. le Président.

Le Président: Bon. Alors, vous devez... M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président. On retrouve la définition d'une question complémentaire dans notre règlement. Elle ne permet pas qu'on cite des extraits de déclarations antérieures.

Des voix: ...

M. Gratton: Bien non. Quand on posait des questions, nous, dans l'Opposition, on ne faisait jamais cela. Et j'invite le député, M. le Président...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je voudrais comprendre la question de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Si on veut faire état de déclarations antérieures ou d'engagements antérieurs, on le fait dans le préambule.

Mais au moment où on pose une question complémentaire, il faut absolument respecter l'article 78 qui dit qu'il est permis de poser une ou plusieurs questions complémentaires -d'ailleurs, il y en a eu plusieurs de posées -et que ces questions doivent être brèves, précises et sans préambule. Donc, M. le Président, le fait de citer un extrait, même bref, même court, d'un document quelconque, selon moi, ne répond pas aux exigences de l'article 78.

M. Chevrette: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président, mais pour autant que la question est sous forme interrogative et correcte, on peut demander...

Le Président: À l'ordre!

M. Chevrette: ...si le ministre maintient une déclaration qu'il a faite. C'est tout à fait dans la forme. Si on prenait la voie tracée par le savant leader de l'Opposition qui, durant ses neuf ans...

Une voix: Du gouvernement.

M. Chevrette: Du gouvernement. Tellement savant, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Cela commençait à être intéressant. M. le leader de l'Opposition, vous avez la parole.

M. Chevrette: M. le Président, vous remarquerez que j'ai parlé de sa sagesse mais que je n'ai pas parlé d'un exemple à suivre. Cela dit, si vous deviez suivre exactement ce qu'il propose, on ne pourrait jamais poser de question sur ce qu'un ministre déclare, ce qui est tout à fait farfelu, M. le Président. Cette sagesse s'est vite transformée en une méconnaissance des faits.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: On peut référer à une déclaration antérieure ou à un engagement antérieur. Ce que je dis, c'est qu'on ne peut pas les citer dans le cadre d'une question complémentaire. Autrement, cela devient une question principale. (10 h 50)

Le Président: Non, je vais rendre ma décision avant. Ce pourquoi j'étais intervenu, M. le député de Verchères, c'est que vous dépassiez le temps. Vous aviez déjà interrogé une première fois, au tout début de votre intervention... vous aviez commencé à lire des propos qu'a sûrement prononcés, à un moment donné, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais vous vous exposez à faire plus qu'une question complémentaire quand vous prenez ce procédé. Je pense que, dans le passé, cela a été fait aussi. Il est vrai que vous pouvez, à l'intérieur d'une question additionnelle, peut-être faire allusion et même en citer quelques mots, mais de là à faire la lecture, là vous venez directement en principale, et vous dépassez le temps qui est extrêmement restreint pour une additionnelle.

Maintenant, quant à votre thème de ce matin, M. le député de Verchères, nous sommes rendus à la neuvième. Si je compte la principale, cela fait déjà plusieurs questions. C'est ce pourquoi je vous dis: Posez votre question additionnelle, mais très très brièvement, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: La question est la suivante. Comment le ministre peut-il concilier ses écrits et son mémoire au Conseil des ministres avec les propos qu'il tient depuis un an sur la parité de l'aide sociale? Comment concilie-t-il le fait que dans son mémoire les gens qui ne participeront pas à des mesures d'employabilité verront leurs prestations diminuer avec la situation actuelle qui fait en sorte que les gens ont la parité à condition de participer à des mesures de relèvement de l'employabilité?

Le Président: M. le ministre de le Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et du Travail.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Essentiellement, ce que le député de Verchères a de la difficulté à saisir, c'est cette discrimination dont sont victimes les jeunes à l'aide sociale. Le jeune qui est âgé de 29 ans, 364 jours et moins est traita différemment de celui qui est âgé de 30 an: et 1 heure. L'engagement électoral du Part libéral du Québec, en combinant l'abolitior de la discrimination à cause de l'âge avec le programme APTE, c'est de faire en sorte que les gens soient traités, quel que soit leui âge, sans discrimination, de façon juste el égale.

Le Président: En principale maintenant M. le député de Bertrand.

Exemptions à la Loi sur les heures d'affaires

M. Parent (Bertrand): Merci. Le 2: juillet dernier, le ministre de l'Industrie el du Commerce donnait avis dans la Gazette officielle de l'adoption d'un prochain règlement ayant pour objet d'exclure de

l'application de la Loi sur les heures d'affaires, entre autres, les halles d'alimentation, ceux qui oeuvraient antérieurement au 12 janvier 1985, de même que la vente d'articles neufs d'une valeur de moins de 20 $ dans les marchés aux puces. Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce peut nous dire quand il entend faire adopter ce projet de règlement?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le Président, comme on le sait, ce problème des heures d'affaires ou heures d'ouverture, notamment les heures d'ouverture le dimanche dans certains secteurs d'activité commerciale, donne lieu à des consultations très larges, qu'il s'agisse de détaillants indépendants, qu'il s'agisse de ceux qui, sous une bannière quelconque, font des affaires, qu'il s'agisse des établissements relativement petits situés sur des coins de rue, de façon indépendante, ou dans des marchés publics, qu'il s'agisse des habitudes des consommateurs ou consommatrices et qu'il s'agisse des employés engagés dans tous ces commerces, tout cela représente un potentiel considérable pour une consultation que, quant à moi, comme ministre responsable, je continue à mener.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Le ministre ne reconnaît-il pas qu'en multipliant ainsi les exemptions à la Loi sur les heures d'affaires, il ouvre la porte à un déséquilibre de la structure traditionnelle du commerce au Québec en désavantageant les petits commerçants, les petits détaillants en alimentation au profit de quelques grands centres?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le député de Bertrand est tombé dans le même travers que son collègue de Verchères. Il n'a pas écouté la réponse. Ce que j'ai indiqué, c'est que les consultations se poursuivent, que nous sommes l'objet, comme gouvernement, de demandes extrêmement variées, diverses, et qu'il faut nous assurer que nous trancherons dans le respect de la liberté de commerce, dans le respect de l'accessibilité possible des consommatrices aux heures où cela fait l'affaire des consommatrices pour se procurer certains biens, dans le respect du mode de vie des employés, des propriétaires de petites entreprises et de petits commerces. J'ai expliqué au député que c'est quelque chose de passablement complexe où un équilibre doit être recherché. J'espère, M. le Président, le trouver fort bientôt.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Puisque le ministre de l'Industrie et du Commerce reconnaît qu'il y avait beaucoup de consultation, pourquoi le 23 juillet dernier a-t-il déposé cet avis dans la Gazette officielle pour procéder à un changement de réglementation manifestant, par le fait même, une volonté politique de changer la loi et le statu quo actuel?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, il ne s'agit pas de changer la loi. Il s'agit d'adopter un règlement en vertu de la loi, première des choses.

Deuxièmement, je rappelle au député que le processus de prépublication d'un règlement vise à donner avis aux intervenants éventuels que le gouvernement envisage - c'est un projet - de faire adopter un règlement encadrant une activité commerciale d'une certaine façon afin de donner aux gens intéressés l'occasion de faire valoir leur point de vue. C'est ce qu'un grand nombre d'entre eux - j'en ai évoqué quelques-uns - ont su faire depuis le 23 juillet. Les consultations se poursuivent.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: Oui, M. le Président. Compte tenu des réponses du ministre de l'Industrie et du Commerce, pourquoi n'accepte-t-il pas de tenir publiquement cette consultation à l'occasion d'une commission parlementaire où toutes ces consultations pourront être faites publiquement pour l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, nous savons qu'à l'occasion des derniers amendements à cette loi il y avait eu de très larges consultations qui avaient donné lieu à la longue liste d'exceptions que dénonçait le député de Bertrand.

Nous avons hérité de cette situation qui fait état d'une loi et d'un très grand nombre d'exceptions. Il s'agissait de voir, à compter du 30 juin, date limite où une série d'exceptions venaient à échéance, comment nous pouvions faire durer Une situation qui semblait acceptable, comment nous pouvions alternativement la modifier quelque peu,

comment nous pouvions essentiellement trouver l'équilibre dans un champ extrêmement restreint. Car il ne s'agit pas là d'un remaniement complet de la loi et des règlements, mais bien d'une adresse particulière à l'endroit de certains secteurs, certains établissements, dans certaines activités économiques, en l'occurrence, la vente d'aliments au détail. Il ne s'agit pas d'un changement considérable et je dirais global à la loi, mais bien de certains ajustements et nous procédons aux consultations avec les personnes plus immédiatement touchées par des ajustements éventuels.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): En additionnelle au ministre délégué aux PME. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est d'accord avec les modifications qui seront apportées par le projet de règlement par rapport à sa position de défendre les petits commerçants au Québec?

Le Président: M. le ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Vallerand: Je pense que mon collègue du ministère de l'Industrie et du Commerce a apporté tous les éléments suffisants pour rassurer l'ensemble des agents économiques visés par le projet de règlement. À la fois, l'énumération qu'il a faite de la consultation qu'il est à conduire...

Je pense qu'on peut dès lors être assuré que l'ensemble des agents économiques et au premier chef - M. le député de Bertrand, je le reconnais et je vous félicite de l'avoir souligné - les petits commerçants qui seront principalement appelés à conjuguer avec ce nouveau règlement et cette nouvelle réforme dans l'esprit, comme l'a expliqué mon collègue du ministère de l'Industrie et du Commerce, du respect de l'évolution des habitudes de consommation auprès de l'ensemble des consommateurs et consommatrices du Québec, dans le respect, également, des arrangements commerciaux de l'ensemble des commerces de détail du Québec, dans le respect, dis-je, de l'ensemble des considérations implicites à ce règlement en voie d'évolution... Merci.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en principale.

Le progrès des négociations

dans les secteurs public

et parapublic

M. Chevrette: M. le Président, dans La Presse et Le Soleil de samedi, on pouvait lire sous un gros titre: Accord imminent entre l'État et ses employés.

Depuis lors, les centrales convoquent la presse l'une après l'autre pour nier ces faits, affirmant que, s'il y a des intentions, cela ne se vérifie pas aux tables de négociation et que les mandats ne correspondent pas aux fuites stratégiques de la part du gouvernement.

M. le Président, entre-temps, d'autre part, il y a des bénéficiaires qui vivent dans l'anxiété parce qu'on sait très bien qu'une grève dans la fonction publique et en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux fait beaucoup plus mal, même si elle n'est pas effective quand elle est annoncée. Je pense que la ministre pourrait corroborer mes dires en ce sens que beaucoup de bénéficiaires sont inquiets tant et aussi longtemps ou bien qu'elle soit annulée officiellement, qu'elle soit reportée ou qu'elle soit effective. (11 heures)

Ma question s'adresse donc au président du Conseil du trésor qui de jour en jour annonce que cela va bien. Est-ce que les centrales ont tort d'affirmer que les mandats ne reflètent pas la fuite stratégique du Conseil du trésor?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor, vous avez la parole.

M. Gobeil: M. le Président, je voudrais d'abord corriger le député de Joliette. Il n'y a pas eu de fuite stratégique du Conseil du trésor. Comme il l'a mentionné, il y a un article dans deux journaux de fin de semaine qui mentionnait un accord imminent. Quant à moi, j'ai dit depuis quelques mois que nous avions aux tables de négociation tous les éléments pour en arriver à des conventions signées et je suis toujours optimiste qu'on puisse y arriver. Le journaliste qui a écrit cet article a, j'imagine, recueilli des renseignements là où il a pu en recueillir. Il fait son travail et je ne peux que l'en féliciter. Quant à savoir si un accord est imminent, j'ose croire que nous arriverons à des conventions négociées le plus rapidement possible à l'avantage de tous les citoyens et citoyennes de la province de Québec.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: Est-ce que le président du Conseil du trésor, qui affirme que tous les éléments sont rendus aux tables, peut nous affirmer que les six éléments pouvant conduire à un accord dans les meilleurs délais sont dans les mandats aux tables de négociation?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, je veux bien croire que le député de Joliette et les membres de l'Opposition souhaiteraient que ça aille mal dans les négociations, mais ce n'est pas le cas. Je ne crois pas qu'on doive en cette Chambre discuter de six éléments ou de douze éléments, quels qu'ils soient, qui ont fait l'objet d'un article dans un journal ou dans plusieurs journaux.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le président du Conseil du trésor peut nous dire, tout en félicitant le journaliste qui a écrit ces six éléments, que ces éléments font partie du mandat et que c'est la faute de ses porte-parole si ce n'est pas rendu aux tables de négociation?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, le député de Joliette va me forcer à regretter l'absence du député d'Abitibi-Ouest.

Le Président: À la question, M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, les mandats sont constitués de plusieurs éléments, beaucoup plus que de six éléments. Les demandes syndicales sont constituées aussi de beaucoup plus que de six éléments. Certains de ces éléments peuvent faire partie de mandats ou, d'autres, de demandes; c'est un ensemble. Nous considérons, aux tables de négocation, l'ensemble des demandes dans le cadre des mandats qui sont dégagés. Je répète pour le bénéfice du député de Joliette que c'est aux tables que cela se passe et que c'est aux tables que cela doit se passer.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, pour le bénéfice du président du Conseil du trésor, nos collègues de Duplessis et d'Abitibi-Ouest seraient ici s'il y avait un meilleur service à Quebecair.

Le Président: En additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Ma question est la suivante...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît; À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, en addi- tionnelle. Si la raison fondamentale de l'échec des négociations présentement, c'est qu'il n'y a pas de mandat et qu'il n'y a pas de dépôt aux tables, alors que le ministre nous dit que les mandats sont tous en possession de ses porte-parole, qu'attend-il, comme ministre responsable, pour éviter ces grèves et qu'attend-il pour que ces dépôts soient effectifs aux tables, puisque la raison fondamentale, à ce qu'on me dit, c'est qu'il n'y a pas concordance entre les affirmations et les dépôts? Qu'attend-il pour faire déposer ses porte-parole, pour éviter la grève, l'anxiété, etc.?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, si la députée de Maisonneuve était en cette Chambre, elle pourrait poser des questions au ministre des Transports concernant Quebecair. J'aimerais quand même faire remarquer que les députés d'Abitibi et ceux du côté ministériel sont là ce matin.

M. le Président, le député de Joliette n'est pas sans savoir que dans toute négociation concernant les conventions collectives, les deux parties ne sont pas nécessairement d'accord la première journée des négociations et qu'il y a, au fur et à mesure des discussions, une évolution vers des ententes. C'est ce qui se passe actuellement, comme dans toute autre négociation et comme cela s'est passé généralement dans les négociations des secteurs public et parapublic. Exception faite de 1982, c'est généralement ce qui se passe.

J'ai dit et je répète en cette Chambre que les négociations qui se passent aux tables évoluent très bien. Les deux parties négocient intensément et cela principalement depuis les derniers jours. Les deux parties semblent avoir le désir très fort - je peux affirmer cela pour le côté patronal et j'en ai aussi le sentiment pour ce qui est du côté syndical - d'en arriver à des conventions négociées et tous les efforts sont faits dans ce sens.

Une voix: Adopté, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): En additionnelle, M. le Président. Au-delà du cours de secondaire V que le ministre veut nous faire en matière de relations du travail, est-ce que le ministre pourrait nous dire...

Le Président: En additionnelle, M. le chef de l'Opposition. Votre question, M. le chef de l'Opposition, en additionnelle. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si cela ne plaît pas au président du Conseil du trésor, très bien! Au niveau du cours qu'il nous donne, sixième année primaire, en matière de négociation, est-ce que le président du Conseil du trésor pourrait nous dire simplement et clairement si les mandats qu'il a évoqués ici, à l'Assemblée nationale et dans les couloirs devant les journalistes, se sont traduits concrètement par des dépôts là où, comme il le dit, cela doit se faire, c'est-à-dire à la table de négociation?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Gobeil: M. le Président, le chef de l'Opposition conviendra avec moi que je répondais au député de Joliette lorsqu'il invoque que mes réponses étaient des réponses d'un élève de secondaire V.

Des voix: Primaire!

Le Président: À la question, M. le ministre.

M. Gobeil: M. le Président...

Le Président: Si vous me permettez, j'ai beaucoup de difficulté à avoir des questions et des réponses ce matin; c'est lundi. M. le président du Conseil du trésor.

Une voix: Passons au primaire maintenant.

M. Gobeil: M. le Président, je répondrai au chef de l'Opposition et j'essaierai d'avoir une réponse d'universitaire. Les mandats qui ont été dégagés initialement par le Conseil du trésor et amendés au fur et à mesure des discussions aux tables de négociation ont été exposés très clairement à la partie syndicale.

Je suis sûr également que le chef de l'Opposition comprendra qu'en cours de négociation, nous devons, vis-à-vis des centrales syndicales, utiliser ce qu'on appelle la méthode d'exploration. Je puis affirmer au chef de l'Opposition que les unités syndicales, les centrales syndicales et les représentants syndicaux connaissent la position du gouvernement dans la majorité sinon dans toutes les matières.

Quand je dis la majorité, il y a exception pour les salaires potentiels de 1987 et 1988 qui pourraient faire l'objet de négociations après une entente de principe sur les matières, incluant la matière salariale de l'année 1986.

Le Président: En principale, je reconnais un député de la formation ministérielle, M. le député de Rimouski. (11 h 10)

Une voix: L'autoroute, l'autoroute!

Fonds de recherche et de développement à Québec Téléphone

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Communications. En mai et juin dernier, le ministère des Communications avait suggéré certaines recommandations à la Régie des services publics quant à la création d'un fonds de recherche et de développement provenant de la compagnie Québec Téléphone. Le 10 novembre dernier, la Régie des services publics ordonnait à ladite compagnie de créer un fonds de recherche et de développement en télécommunications. L'entreprise Québec Téléphone située dans mon comté emploie 2000 personnes et dessert 210 000 usagers dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord, la Beauce et Portneuf. La recherche et le développement économique et régional représentent un élément majeur dans une région comme la mienne. Ma question s'adresse au ministre des Communications. Le ministre peut-il nous dire si Québec Téléphone a l'intention d'aller de l'avant avec ce programme? Si oui, quelles sont les démarches en cours?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. French: M. le Président, dans le litige qui traînait depuis deux ans entre la Régie des services publics et Québec Téléphone concernant le taux de rendement acceptable sur le capital que peut accepter le régulateur vis-à-vis de l'industrie qui détient un monopole, le ministère des Communications a recommandé à la Régie des services publics avec le concours de Québec Téléphone qu'une façon de réduire le taux de rendement serait de créer un fonds de recherche et de développement en région d'une somme de 10 000 000 $. Cette suggestion a été retenue par la Régie des services publics. Québec Téléphone l'accepte, le projet va de l'avant et, le 10 décembre, il y aura dépôt par Québec Téléphone pour approbation des lignes directrices financières et comptables de gestion du fonds.

Dans quatre mois, il y aura dépôt de la politique de gestion du fonds et des critères d'acceptation du projet. Les discussions sont en cours entre le ministère des Communications du Québec, la Régie des services publics et Québec Téléphone pour préparer des projets concrets dans le secteur des télécommunications. Nous sommes très heureux de ce développement qui est, croyons-nous, un des plus larges projets de recherche et de développement jamais entrepris dans les régions périphériques du Québec. Nous savons combien importants sont ces efforts de recherche et de développement pour la création d'emplois et pour les

retombées économiques, plus particulièrement en région périphérique.

Le Président: En principale, Mme la députée de Johnson.

Épandage de purin de porc à Kingsbury

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, les citoyens et citoyennes du Québec devraient pratiquement être immunisés contre certains problèmes environnementaux graves. Pour la deuxième fois en neuf mois, les citoyens du village de Kingsbury dans le comté de Johnson vivent des heures d'inquiétude à cause de l'épandage de purin de porc. Le 18 novembre dernier, il y a eu un épandage massif; on parle de 100 000 à 125 000 gallons de purin qui ont été déversés sur un terrain en pente et rocailleux et cela avec l'approbation, par téléphone, du ministère de l'Environnement régional. Le ministre est-il au courant que les citoyens du village de Kingsbury ont été privés d'eau potable durant quinze jours d'affilée? Qu'entend-il faire pour qu'une catastrophe semblable ne se reproduise plus?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

À l'ordre, s'il vous plaît: J'ai très bien saisi la question de Mme la députée de Johnson. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, le 17 novembre, il y a eu effectivement une requête de la firme Porcherie de l'Est au ministère de l'Environnement pour un épandage de purin de porc. Cet épandage a été sollicité par l'inspecteur municipal de l'environnement de l'endroit qui a communiqué avec le ministère. Le ministère a fait connaître toutes les normes qui s'appliquaient dans ce cas. L'épandage a été fait selon les directives du ministère dans des cas semblables qui s'appliquent à toutes les porcheries du Québec. Le 18 novembre, un conseiller municipal a porté plainte. Les services du ministère se sont enquis de la situation ainsi que l'inspecteur municipal de l'Environnement qui n'a détecté aucune faille dans le système d'épandage selon les normes du ministère. Le 21 novembre, on a communiqué avec le ministère de l'Environnement pour dire que vers 16 heures on décelait que l'eau potable de la municipalité était impropre à la consommation. Urgence-Environnement a été sur place tout de suite, ce 21 novembre. Puis, Urgence-Environnement a fait participer tous les services du ministère. À partir du 21 novembre, le ministère a travaillé presque sans relâche. Des tests ont été faits, des échantillonnages ont été pris, dès le 22 novembre, et d'autres échantillonnages, quatre jours plus tard, soit le 26 novembre. Le 24 novembre, il y a eu une enquête totale du ministère. Deux personnes y ont été engagées à temps plein. Elles ont fait sept visites et cinq inspections sur tous les lieux d'épandage de l'endroit.

Nous agissons avec la plus grande priorité, avec la plus grande fermeté pour déceler d'abord les coupables et ensuite, pour rétablir la situation normale. Vendredi dernier, nous avons pu émettre un communiqué pour aviser tous les gens de l'endroit que l'eau était potable à nouveau.

Le Président: Mme la députée de Johnson, en additionnelle.

Mme Juneau: Je parle d'une situation grave. Des familles complètes ont été malades et il me parle d'enquête. Je veux savoir si le ministre va réagir et de façon ferme afin que cette chose-là ne se reproduise plus, et que nos familles dans les villages de cette région ou ailleurs au Québec ne soient plus malades parce que le ministre ne prend pas ses responsabilités.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, je suis prêt, comme ministre de l'Environnement, à accepter toutes les responsabilités de mon ministère et je le fais. En même temps, il ne faudrait pas que la députée commence à charrier. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Cela fait trois ans qu'il y a là des épandages, c'est la quatrième fois que cela se produit. Ne venez pas nous dire qu'on a des solutions miracles aux épandages de purin de porc au Québec.

Mme la députée, pour la première fois depuis que ce gouvernement est en place, les ministres de l'Environnement et de l'Agriculture se parlent souvent. Nous avons fait un comité...

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Lincoln: Attendez, attendez ma réponse, vous avez demandé notre solution.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. Lincoln: Nous avons un comité

permanent entre le ministre de l'Agriculture, ses fonctionnaires et moi-même. Nous allons trouver des solutions. Mais je serais malhonnête envers la population de dire que d'un jour à l'autre on aura trouvé des solutions miracles pour les épandages de purin de porc dans toute la province de Québec.

On a mis cette chose en grande priorité, au ministère. Vous dites qu'il ne faudrait pas faire d'enquête. En même temps, il faut savoir ce qui s'est passé. On a envoyé là tous les fonctionnaires du ministère. On se penche aussi sur cette question d'aviculture avec l'UPA et avec le ministère de l'Agriculture de façon continue depuis quelques mois. Tout de même, si vous avez des solutions miracles à ces problèmes, produisez-les.

Il y a 8000 producteurs de porc dans cette région. Il faudrait presque 8000 inspecteurs pour empêcher des déversements sauvages. C'est vrai. On en a cinq. On fait notre possible avec nos moyens, mais la solution permanente c'est de négocier quelque chose avec le ministère de l'Agriculture, ce que nous faisons de façon continue.

Je prends un engagement envers notre population et les autres que ce qui se passe depuis des années sera corrigé dans un temps raisonnable.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député de Terrebonne, en additionnelle.

M. Blais: Plutôt que de se fâcher et de venir le visage purpurin, le ministre pourrait-il prendre réellement ses responsabilités et demander à ses inspecteurs d'appliquer les normes de sorte que l'épandage ne se fasse pas sur des terrains rocailleux qui conduisent le purin directement à la rivière et ainsi rendre l'eau "impropice" à la consommation?

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député de Terrebonne, avant de permettre au ministre de l'Environnement de répondre à la question, j'aimerais que vous retiriez le qualificatif employé quant au visage de M. le ministre, sinon on n'en finira plus. (11 h 20)

M. Blais: M. le Président, question de règlement, s'il vous plaît! Le mot "purpurin", c'est un qualificatif qui veut dire rouge pourpre, et c'est très parlementaire, M. le Président.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: Vous comprendrez que, dans le contexte du sujet débattu actuelle- ment, cela porte drôlement à confusion. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je rappellerai au député de Terrebonne que le mot "impropice" n'existe nulle part.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Gratton: Même quand on parle de purin.

Le Président: M. le député de Terrebonne.

M. Blais: C'est votre gouvernement qui est "impropice", M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Lincoln: Je suppose, M. le Président, que c'est là une pollution de langage de la part...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: II y a des normes là-dedans.

Une voix: Oui, il y a des normes.

Le Président: À la question, s'il vous plaît!

M. Lincoln: Oui, là aussi, il y a des normes à respecter. Je suppose que vous parlez d'eau impropre.

Une voix: Oui, oui.

M. Lincoln: L'eau impropre dans les régions agricoles, on ne l'a pas découverte hier. Cela existe déjà. J'ai déjà dit au député qui vient de poser une question que nous nous assurons, de la façon la plus ferme possible, que les épandages soient faits selon les normes. Là, il y a une présomption d'accusation formelle contre les propriétaires de la porcherie qui ont épandu du purin le 17 novembre. Pourtant, il n'est pas clair que ce soit ça la cause fondamentale du problème. C'est pourquoi il y a enquête du ministère. On ne peut pas accuser a priori des gens lorsqu'ils sont censés avoir suivi les normes. Nous sommes en train de faire une enquête intensive sur la question. Deux échantillonnages ont été pris par les laboratoires du ministère. L'eau est potable actuellement. Je regrette beaucoup, autant que la députée, que cela se soit produit. Ce qu'il faut, ce sont des solutions à long terme et nous les prenons avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation afin que cette situation ne se répète plus. Elle s'est répétée bien plus longtemps avant et ce n'est pas nous qui l'avons inventée, madame.

Le Président: Une dernière question très brève, M. le député de Jonquière.

La fermeture de la ville de Schefferville

M. Dufour: Vendredi dernier, en réponse à ma question concernant la mise en tutelle de Schefferville, le ministre des Affaires municipales, dans sa réponse lue, a seulement rappelé les faits connus lorsqu'il nous a arraché la loi concernant la fermeture de Schefferville et il n'a rien changé. En agissant ainsi, est-ce que le ministre reconnaît que sa décision de fermer Schefferville était prématurée ou aurait-il des faits à cacher?

Des voix: Oh!

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation.

Une voix: Ni l'un ni l'autre.

M. Bourbeau: M. le Président, la décision de fermer éventuellement la ville de Schefferville a été prise par le gouvernement après mûre réflexion. Je ne peux pas dire qu'elle était prématurée. La décision est en train d'être mise en application, et cela se fait au fur et à mesure des mois. Je ne vois pas en quoi le député peut prétendre que nous agissons d'une façon prématurée.

Le Président: Fin de la période des questions et réponses orales.

Je vais maintenant reconnaître, tel qu'annoncé antérieurement, M. le ministre délégué à la Privatisation en réponse à une question sur Cambior. M. le ministre.

Vente des actifs de SOQUEM à Cambior

M. Fortier: M. le Président, l'Opposition me demandait jeudi et vendredi dernier un dépôt de documents et j'ai profité du week-end pour faire le point avec mes fonctionnaires sur le sujet. H me fait plaisir de dire au député de Bertrand qu'en ce qui concerne la convention entre SOQUEM et Cambior nous n'avons aucune hésitation à déposer ce document en cette Chambre. Nous l'avions reçu, mais il y avait une faute typographique. Le document a été retourné aux avocats et, incessamment, je pourrai le déposer en cette Chambre. On me dit que ce pourrait être demain ou après-demain. Dès que je recevrai la copie, je la déposerai en cette Chambre.

En ce qui concerne le document de McNeil, Mantha, j'avais été porté à croire que ce document incluait des annexes contenant des jugements de valeur sur des compagnies aurifères québécoises cotées à la

Bourse. Après vérification, j'ai constaté qu'il n'en était rien et je désire corriger les faits. En conséquence, si l'Opposition désire toujours que je dépose ce document de McNeil, Mantha, il me fait plaisir de le déposer en cette Chambre.

M. le Président, le député...

Le Présidents Si vous me permettez, est-ce qu'il y a toujours consentement pour déposer le document?

Une voix: ...

Le Président: Oui? Alors, document déposé.

M. Fortier: Le député de Bertrand m'avait également posé une question à propos d'un énoncé de la firme McLeod Young and Weir ayant trait à la chute de production à la mine Doyon. Il me posait cette question: Est-ce que le ministre a pris connaissance de ce commentaire et si oui, comment peut-il expliquer que quelques mois plus tard, le 24 septembre, les dirigeants de la mine Doyon annonçaient non pas une baisse de la production mais une augmentation de 50 %?

M. le Président, je crois que la question est sérieuse et j'aimerais apporter un complément de réponse. Dans le rapport de McLeod Young and Weir daté du 7 octobre 1985, l'évaluation de cette firme s'appuyait sur une production estimée de 87 000 onces d'or en 1986-1987. Or, au mois de mars, McLeod Young and Weir constate la possibilité d'une chute substantielle de la production de la mine Doyon à la suite de l'examen de rapports internes du gestionnaire de la mine Doyon, qui est Lac Minerais et non pas Cambior, comme vous le savez.

Par conséquent, l'évaluation de Cambior effectuée par McLeod Young and Weir datée du 23 avril 1986 présume d'une production de 80 000 onces d'or en 1986. En plus, une baisse importante de la production est prévue en 1989, soit au moment où la production à ciel ouvert devrait être terminée.

C'est donc dire, M. le Président, qu'au mois d'avril, à la suite d'une visite a la mine Doyon, McLeod Young and Weir a pu constater qu'il y aurait baisse de production puisque, comme je l'ai indiqué vendredi dernier, il y aurait nécessité d'exploiter la mine en souterrain et, en conséquence, que les coûts de production seraient augmentés.

M. le Président, ce qu'il faut noter, c'est que ce qui a été annoncé le 24 septembre dernier - et je remercie le député de sa question, parce je crois qu'il s'agit là d'un élément de réponse qu'il est important de donner à la population - ce n'était pas une annonce en ce qui a trait à la production de la mine mais plutôt à une

augmentation de la production du moulin qui est en surface de la mine. C'est donc dire qu'au sujet de l'augmentation de 50 % de la production de la mine Doyon, il importe de préciser qu'il s'agit d'une augmentation de 50 % de la capacité de la production du moulin de la mine et que cette capacité sera portée à 3300 tonnes par jour au lieu de 1500 tonnes par jour.

Cette augmentation sera financée par un investissement de 16 000 000 $ dont la moitié sera financée par Cambior. Je précise immédiatement que n'eût été du fait qu'il y a eu émission d'actions et que nous avons pu laisser dans Cambior une encaisse importante, que cette augmentation de production à la mine même - je parle de l'augmentation du moulin - ce qui augmente la rentabilité globale de la mine, cet investissement n'aurait pu se faire, parce que SOQUEM n'avait pas les moyens financiers de le faire et que ce n'est qu'à la suite de la privatisation de Cambior que cette opération a pu se faire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre. M. le député de Bertrand, question additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Oui, question additionnelle. À la suite des réponses que le ministre me fournit, comment peut-il expliquer que tous les tableaux de l'étude McLeod Young and Weir, dans les prévisions budgétaires 1986-1987-1988, prévoyaient, pour l'évaluation des actifs aurifères, une production de 160 000 onces d'or et qu'à la suite de cette annonce, en septembre dernier, on parle maintenant d'une production, dès 1986, de 205 000 ou 210 000 onces d'or par rapport aux prévisions qui étaient faites dès le mois d'avril dernier?

Le Président: M. le ministre délégué à la Privatisation.

M. Fortier: M. le Président, ce qu'il faut savoir, c'est si Lac Minerals, le gestionnaire de cette mine, s'est intéressé davantage à la production de la mine Doyon, récemment, c'est dû au fait qu'un juge ontarien a décidé il y a quelques mois que la mine Emlo qui lui appartenait auparavant ne lui appartenait plus; d'où un intérêt subit pour la mine Doyon, puisque c'est une mine qui n'est pas contestée par le jugement de la cour ontarienne.

Récemment, en plus, il faut indiquer -je crois que le député a pu en prendre connaissance mais c'est bien de le rappeler -que des forages récents qui ont été faits dans la partie ouest de la mine ont déterminé qu'il y avait un filon qui n'était pas connu et qu'en conséquence, les réserves minières dans la mine Doyon étaient plus considérables que celles que nous connaissions dans le passé. (11 h 30)

C'est donc dire - et le député sera d'accord avec moi quand on parle des réserves minières - que ces chiffres évoluent dans le temps et que c'est à la suite de cet intérêt subit pour la mine Doyon de la part de Lac Minerais et de Cambior, par le fait qu'il y a eu des forages récents qui ont indiqué un potentiel plus important et un filon extrêmement riche dans la partie ouest de la mine... c'est à partir de ces données que Lac Minerais et que Cambior ont déterminé de profiter de cette aubaine et d'activer la production de la mine. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre. Fin de la période de questions et du complément, tel qu'annoncé.

Nous allons continuer les affaires courantes. Ce matin, il n'y aura pas de vote de reporté.

Motions sans préavis. À l'ordre, s'il vous plaît!

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Gratton: Oui, je désire aviser l'Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes, jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre indiqué: Premièrement, le projet de loi 127, le Code de la sécurité routière; deuxièmement, le projet de loi 121, Loi concernant certaines rétrocessions de droits dont le gouvernement est devenu titulaire par expropriation avant le 1er avril 1976 et finalement, le projet de loi 144, Loi modifiant la Loi sur les transports.

À la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction.

Finalement, de midi à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée de deux projets de loi dans l'ordre suivant: Premièrement, le projet de loi 132, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et, deuxièmement, le projet de loi 117, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la protection sanitaire des animaux.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...c'est une remarque que je veux faire publiquement quand même parce que je dois parler cet après-midi, et notre formation a présenté une motion de blâme. Je comprends que pour le leader du gouvernement c'est important que ses commissions fonctionnent, mais il me semble que lorsqu'une formation politique propose une motion de blâme, en particulier dans une fin de session où la durée n'est que de deux heures, il est important qu'il y ait suspension - j'en fais une demande expresse au leader du gouvernement - pour que de 15 heures à 17 heures, pour la motion de blâme, on puisse véritablement permettre à notre formation politique d'être en Chambre pour permettre de plaider sur le fond de cette motion de blâme.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: ...j'ai déjà indiqué au leader de l'Opposition que j'étais prêt à discuter de possibilité de ce côté, mais il n'est quand même pas pour me demander d'acquiescer à une demande qui ferait en sorte qu'on suspende les travaux de trois commissions pendant une durée de deux heures au moment où on a toutes les indications, toutes les raisons de croire qu'il s'agit, du côté de l'Opposition, de faire de l'obstruction systématique. Je dis que je suis prêt à discuter avec le leader de l'Opposition. Je vais m'assurer qu'on puisse faire les choses convenablement, mais au moment où on se parle, il n'est pas question de changer les avis que je viens de donner avant que j'en aie discuté avec le leader de l'Opposition.

Le Président: Renseignements concernant les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour. Fin des affaires courantes.

Affaires du jour.

Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je vous prie d'appeler l'article 60 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 147 Adoption

Le Président: À l'article 60, au feuilleton, il s'agit de l'adoption du projet de loi 147, Loi modifiant la Loi sur la délimitation des circonscriptions électorales, présenté par M. le ministre du Revenu. Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant sur l'adoption du projet de loi 147. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je pense que tout a été dit autour de ce projet de loi 147, à moins que le porte-parole de l'Opposition n'ait des remarques ou des questions à poser. Je pense que, quant à nous, nous sommes prêts à procéder à l'adoption du projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente. Je croyais qu'on faisait un autre projet de loi avant celui-ci. Quelques commentaires pour dire au ministre responsable de la Réforme électorale qu'il reste de moins en moins de temps avant l'ajournement de nos travaux pour la période des fêtes et qu'en conséquence j'imagine que nous devrons nous reparler dans les prochains jours pour que nous puissions satisfaire le voeu formellement exprimé par l'Opposition et accepté tout aussi formellement par le ministre responsable de la Réforme électorale en ce sens qu'avant l'ajournement de Noël, nous puissions, comme Assemblée dans son ensemble, en venir aux objectifs de la Chambre quant au mandat, à la durée et à la date de la commission parlementaire qui devra étudier l'ensemble de la question de la délimitation des circonscriptions électorales.

Je veux rappeler aussi que nous attendons, entre autres, du ministre responsable de la Réforme électorale un document qui était en préparation à son secrétariat. Cela nous permettra de bien définir ce mandat pour que les membres de cette Assemblée qui sont intéressés à participer aux travaux de la commission puissent rapidement s'entendre sur l'ensemble des éléments qui devront encadrer les travaux de cette commission parlementaire pour que celle-ci puisse fonctionner efficacement dans un esprit constructif de saine collaboration, selon le voeu également partagé par l'ensemble des membres de cette Assemblée d'en arriver à des consensus autour de cette question.

Tel que nous l'avons prévu dans un amendement qui a été ajouté au projet de loi au moment de son étude article par article, dès que les consensus auront été élaborés par les membres de la commission de l'Assemblée nationale, la Commission de la représentation électorale pourra, dès ce moment, entreprendre ses travaux préliminaires pour préparer ce qu'on appelle dans la loi le rapport préliminaire, pour que celui-ci puisse être déposé dans des délais assez brefs, afin de nous permettre

d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, soit celui d'en arriver au plus tard à la fin de 1988 ou tout au plus au début de l'année 1989 avec un décret dans la Gazette officielle du Québec quant aux nouvelles délimitations des circonscriptions électorales du Québec. En ce sens, nous attendons ce document du ministre.

Nous souhaitons participer à la préparation de ce mandat, de la durée et du moment de la commission pour que, je le répète, nous puissions rapidement travailler autour de cette question à partir des ententes formellement intervenues entre les membres de l'Assemblée nationale, particulièrement entre le ministre responsable de la Réforme électorale ainsi que moi-même, à titre de porte-parole de ma formation politique, en ce sens que nous légiférerons à compter de la prochaine session en priorité sur les consensus, c'est-à-dire sur les accords qui seront intervenus entre les deux formations politiques au cours de la commission parlementaire qui sera tenue au mois de janvier ou février prochain.

À partir de ces éléments, Mme la Présidente, nous sommes prêts à procéder à l'adoption en troisième lecture du projet de loi 147. Mais, je réitère que nous souhaitons qu'on nous transmette le document en question rapidement, que nous soyons associés à l'élaboration du mandat de la commission parlementaire pour que nous puissions en faire un mandat formel de l'Assemblée nationale avant l'ajournement de nos travaux, le 19 décembre prochain. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Gouin. M. le ministre responsable de la Réforme électorale, est-ce que vous avez d'autres commentaires à faire concernant le projet de loi 147?

M. Michel Gratton

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, tout simplement pour vous dire que, effectivement, je reconnais que nous avons pris les engagements dont parle le député de Gouin. Dès cette semaine, ou en tout cas, au plus tard la semaine prochaine, je le rencontrerai avec le document dont il a parlé et qui est présentement en préparation au secrétariat à la réforme électorale. Nous examinerons ensemble le libellé d'un mandat à donner à la commission. Nous aviserons du moment et de la durée de ladite commission qui, comme je l'ai indiqué, siégera au plus tard au début de février, mais ce sera probablement plutôt la troisième semaine de janvier. Donc, tout cela sera fait et on l'annoncera de façon officielle et formelle ici, à l'Assemblée nationale, avant que nous nous quittions pour l'ajournement des fêtes.

Je reconnais d'emblée que le travail de cette commission servira ensuite à la préparation d'un projet de loi qui devra, lui, être voté avant le 1er mai prochain pour amender la loi actuelle sur la représentation électorale et ce, à partir des engagements, des ententes, ou des accords qui auront pu être dégagés entre les deux formations politiques représentées à l'Assemblée nationale au cours de cette commission parlementaire.

La Vice-Présidente: Je crois comprendre qu'à ce stade-ci, le débat étant clos, nous allons donc passer à l'adoption du projet de loi. Est-ce que le projet de loi 147, Loi modifiant la Loi sur la délimitation des circonscriptions électorales, est adopté? (11 h 40)

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je vous demande d'appeler l'article 24 du feuilleton.

Projet de loi 139 Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 24, il s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 139, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse concernant l'adoption internationale. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, le projet de loi 139 que je présente aujourd'hui devant cette Chambre vise à modifier la Loi sur la protection de la jeunesse en ce qui a trait à l'adoption internationale. Dans son esprit, ce projet accorde au gouvernement le pouvoir de préciser par règlement les modalités d'intervention du Directeur de la protection de la jeunesse ou d'un organisme reconnu par la ministre dans le processus d'adoption internationale. Il prévoit également une infraction contre une personne qui fait entrer ou contribue à faire entrer au Québec un enfant né hors du Québec en contravention des dispositions de la loi et de ses règlements d'application.

Je voudrais simplement rappeler que ce n'est pas la première fois que nous discutons d'adoption internationale au Québec et que, dans le passé, alors que j'étais moi-même porte-parole de l'Opposition en cette matière, j'ai constamment concuru, dans l'intérêt des enfants, à appuyer toute mesure qui visait à améliorer le processus de l'adoption internationale.

On doit se rendre à l'évidence que, malgré le fait que nous ayons légiféré dans

cette Chambre à quelques reprises sur l'adoption internationale, l'adoption d'enfants domiciliés hors Québec continue à susciter une grande incertitude. L'apparente confusion dans ce dossier justifie donc la présente intervention législative en même temps qu'elle commande la réaffirmation de certains principes de base relatifs à l'institution de l'adoption. Parmi ces principes fondamentaux, le gouvernement tient à réitérer le fait que l'adoption plénière a seule droit de cité au Québec. Cette politique gouvernementale s'appuie sur le respect des droits de l'enfant et de son intérêt. L'adoption plénière confère en effet à tous les enfants l'égalité devant la loi en leur accordant les mêmes droits et obligations, quelle que soit l'origine de leur naissance.

En regard de ce qui précède, je me permettrai ici d'apporter quelques éléments, afin d'assurer une perspective complète du dossier. Historiquement, l'adoption existait chez certains peuples afin de permettre à une personne d'entrer dans une famille par une action légale. L'adoption était alors conçue dans l'intérêt de la famille adoptive car elle visait à assurer la transmission du nom, la perpétuité de la famille. Cette institution perdit de son importance avec la réorganisation du pouvoir en ce qui a trait aux États. Elle devint plutôt un moyen de secourir des enfants sans famille ou abandonnés. Les lois devaient alors sanctionner une nouvelle réalité. L'adoption est conçue non plus en faveur de la famille adoptive, mais en faveur de l'enfant. Jusqu'en 1970, le Québec fait adopter des enfants dans différents États américains et en Europe, particulièrement en France. À partir de cette date, cependant, le phénomène de l'adoption d'enfants étrangers par les Québécois commence à prendre de plus en plus d'ampleur. La baisse du taux de natalité, entre autres, le support accru aux familles monoparentales et l'évolution des mentalités contribuent à allonger la liste des couples postulant pour une adoption internationale, compte tenu que le nombre d'enfants adoptables au Québec diminue, contrairement à ce que nous avions connu dans les années quarante, cinquante et même soixante.

Compte tenu de la progression rapide de cette problématique, un certain nombre de problèmes ont émergé tant d'ordre social que psychologique, juridique et diplomatique.

La Vice-Présidente: Je m'excuse, Mme la ministre. J'ai une question de règlement concernant le quorum. Je vais donc vérifier si effectivement il y a quorum. Nous avons quorum présentement. Mme la ministre, vous pouvez continuer.

Mme Lavoie-Roux: Un premier pro- blème. À la suite de cette hausse de demandes d'adoption internationale, un premier problème relatif au statut de l'enfant s'est posé d'une façon de plus en plus aiguë. L'absence de lignes directrices dans ce dossier a conduit le législateur à des modifications en 1980 et, ensuite, en 1983. L'égalité de tous les enfants devant la loi est un des principes de base de ces modifications. Des changements importants sont apportés aux règles relatives à l'affiliation, en espérant instaurer une uniformité dans le processus et les effets de l'adoption.

Ce souci d'assurer l'égalité des enfants se manifeste dans toute cette approche. Il édicte, entre autres, des dispositions en ce sens que l'adoption constitue un moyen pour intégrer l'enfant à une nouvelle famille et lui assurer les mêmes droits qu'à un enfant dont la filiation est établie par le sang.

Un des buts principaux de cette réforme est que la situation juridique de l'enfant par rapport à ses parents adoptifs soit clairement établie. De nouvelles modifications législatives en 1983 se situent dans la même lignée que celles de 1981. Les débats de l'Assemblée nationale de cette époque ont clairement fait ressortir l'intention du législateur dans le projet de loi 55 du temps.

À ce moment - je suis heureuse de le réitérer aujourd'hui - je constatais avec satisfaction que le projet de loi présenté par le gouvernement antérieur était dans la bonne direction et qu'il posait, pour l'adoption des enfants étrangers, les mêmes conditions qu'à l'égard des enfants québécois et que seule l'adoption plénière était reconnue en droit québécois.

Cependant, en même temps qu'on a voulu éviter les adoptions boiteuses et peu claires quant aux démarches suivies, les dispositions du projet de loi 55 à la reconnaissance des adoptions prononcées par un tribunal étranger soulèvent des difficultés d'application et d'interprétation et c'est la raison pour laquelle le gouvernement doit intervenir de nouveau aujourd'hui. C'est là l'objectif du projet de loi 139.

Entre autres mesures, à cette fin, le 19 novembre 1986, le gouvernement approuvait une directive émise aux établissements en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse afin d'assurer l'atteinte des objectifs de l'intervention sociale en matière d'adoption internationale. Cette directive, Mme la Présidente, réaffirme les mesures législatives concernant l'égalité des enfants devant la loi et le fait qu'ils ont tous les mêmes droits et obligations, qu'il s'agisse d'un enfant né au Québec ou hors Québec.

Elle réaffirme aussi que l'adoption consacre la rupture complète du lien de filiation avec la famille d'origine et la création d'un lien de filiation unique qui unit

l'enfant à l'adoptant. C'est ce qu'on désigne sous l'appellation "adoption plénière". Cette directive vise également à informer les futurs adoptants que l'adoption d'un enfant né hors Québec est possible lorsque l'État d'origine de l'enfant permet qu'un résident québécois puisse y obtenir un jugement d'adoption plénière ou lorsque le gouvernement du Québec a conclu un accord avec un État en vue d'un placement au Québec pour une adoption au Québec d'un enfant domicilié dans cet État.

Mme la Présidente, les avantages liés au fait que notre Code civil a établi l'assise de l'adoption internationale par une adoption dite plénière sont nombreux. L'enfant n'a qu'une seule filiation et tous les enfants sont égaux devant la loi, puisque l'enfant né hors Québec bénéficie des mêmes droits que l'enfant québécois adopté. Le consentement des parents d'origine et les exigences des autres pays sont respectés. La sécurité psychologique et juridique de l'enfant et de ses parents adoptifs est assurée.

L'adoption privée. Les trafics d'enfants dans les pays sont freinés et les adoptions juridiquement contestables évitées. Cette directive, qui précise notamment les situations où le Secrétariat de l'adoption internationale et le Directeur de la protection de la jeunesse peuvent intervenir doit être envisagée conjointement avec deux autres mesures, dont certaines sont précisément prévues au présent projet de loi, à savoir: d'abord, circonstancier les conditions et modalités selon lesquelles le directeur ou un organisme reconnu peut intervenir en matière d'adoption internationale; deuxièmement, clarifier l'infraction relative au fait de faire entrer ou de contribuer à faire entrer au Québec un enfant né hors Québec et ce, contrairement aux prescriptions de Loi sur la protection de la jeunesse; la nécessité de clarifier les conditions et modalités d'intervention du Directeur de la protection de la jeunesse et d'un organisme reconnu origine d'une imprécision tant au Code civil qu'à la Loi sur la protection de la jeunesse. (11 h 50)

Ces lois stipulent que les requérants ont le choix de procéder par l'un des intermédiaires suivants: le ministre de la Santé et des Services sociaux par le truchement du secrétariat à l'adoption, le Directeur de la protection de la jeunesse et un organisme reconnu. Conséquemment, la loi ne précise pas à quelles étapes du processus chacun des intermédiaires devrait intervenir compte tenu des responsabilités qu'il doit assumer en vertu de la loi ou d'une entente avec le ministre. Ces responsabilités sont dans une approche complémentaire inhérente à la compétence et aux habiletés de chacun.

Le Directeur de la protection de la jeunesse assume tout au long du processus des responsabilités déterminantes qui lui sont dévolues par le Code civil, par le Code de procédure civile et par la Loi sur la protection de la jeunesse: par exemple, l'examen des futurs adoptants. Le rôle du Directeur de la protection de la jeunesse est donc circonscrit par les responsabilités qui lui sont attribuées particulièrement.

L'article 72.2 de la Loi sur la protection de la jeunesse prévoit la reconnaissance d'un organisme du Québec aux fins de l'adoption d'un enfant domicilié hors Québec. Des jugements récents du Tribunal de la jeunesse et certaines difficultés vécues par les organismes dans d'autres pays nous démontrent sans l'ombre d'un doute que nous devons circonscrire le cadre dans lequel un organisme peut agir: par exemple, l'accompagnement des enfants, l'accompagnement des adoptants, l'aide aux adoptants en termes de support, conseil et assistance. Compte tenu de l'importance d'encadrer ces organismes pour leur intervention au Québec et dans les pays étrangers et compte tenu des difficultés d'une permanence de leurs membres, il semble nécessaire qu'ils agissent dans le cadre d'une entente avec le ministre dans laquelle seront déterminées les responsabilités selon leur compétence et habileté.

Il est de ma responsabilité d'élaborer des règles qui doivent guider l'action de ces organismes. Il est donc essentiel d'avoir le pouvoir habilitant de réglementer les conditions et les modalités selon lesquelles le Directeur de la protection de la jeunesse et un organisme reconnu peuvent agir en matière d'adoption internationale. Les difficultés d'application nous amènent à conclure que le secrétariat à l'adoption exerce notamment les responsabilités suivantes à titre de représentant de la ministre de la Santé et des Services sociaux: les accords avec les pays étrangers, la reconnaissance et l'entente avec des organismes au Québec, la vérification et l'interprétation des lois étrangères, la détermination des documents nécessaires à la preuve au Québec, par exemple, du consentement donné par les parents d'origine, de l'adoptabilité de l'enfant et de l'acceptation en vue de l'entrée de l'enfant au Québec et enfin, la finalisation du processus d'adoption dans le pays étranger et au Québec.

Dans ce contexte, le Secrétariat à l'adoption internationale est un agent régulateur et de coordination et est impliqué dans le processus d'adoption du début jusqu'à la fin. C'est pourquoi le pouvoir de réglementation précisera les conditions et modalités selon lesquelles le Directeur de la protection de la jeunesse et un organisme reconnu peuvent intervenir en matière d'adoption internationale. Conséquemment, ces diverses mesures nous permettront de clarifier le rôle de chacun des intervenants: secrétariat à l'adoption, Directeur de la

protection de la jeunesse et un organisme reconnu.

Avant de passer à la deuxième disposition, j'aimerais ouvrir une parenthèse, particulièrement pour les parents qui attendent depuis longtemps la possibilité d'adopter un enfant sur le plan international et qui doivent subir les contraintes très dures du temps. On sait fort bien que des parents qui prennent la décision d'adopter un enfant s'y préparent pendant un an ou deux avant que n'intervienne une décision. Finalement, le processus leur paraît très long et on est porté à en tenir le Secrétariat à l'adoption internationale de même que le Directeur de la protection de la jeunesse responsables des lenteurs de tout le processus de l'adoption.

Sans vouloir dire que tous et chacun sont à l'abri de quelque reproche que ce soit, parce qu'il faudrait vraiment à ce moment-là être très présomptueux, je pense qu'il est important que le nombre d'enfants disponibles pour une adoption plénière dans les pays étrangers soit quand même limité et que, du côté du Secrétariat à l'adoption internationale et du Directeur de la protection de la jeunesse, des efforts soient fournis pour accélérer le processus. Je peux les assurer que tous les efforts seront faits en ce sens-là. Il reste quand même une réalité: l'adoption des enfants au plan international est une opération complexe qui demande à être traitée avec tous les égards qu'une telle opération peut vouloir dire.

Encore une fois, le nombre d'enfants que les pays sont prêts à laisser aller pour une adoption internationale est quand même très limité. Si on y ajoute le cas des pays qui n'acceptent que l'adoption simple, c'est-à-dire qui ne désirent pas une rupture du lien de filiation avec la famille d'origine, la situation se complique encore davantage. C'est dans ce sens-là que nous prévoyons conclure des ententes avec certains pays ou certains États pour clarifier cette situation, de sorte que les enfants qui seront laissés pour adoption dans ces États où l'on ne prévoit que l'adoption simple, pourront être adoptés comme des enfants dont le statut d'enfant abandonné ou d'orphelin est vraiment reconnu, de sorte que, dans ces cas-là aussi, on pourra, après entente avec les États, procéder à une adoption plénière. Nous pensons que cela permettrait de clarifier ces situations extrêmement ambiguës et de contrer aussi, nous l'espérons, ces démarches qui se font privément, la plupart du temps, j'en suis convaincue, avec de très bonnes intentions, mais qui, néanmoins, créent des difficultés juridiques pour l'enfant que les parents pensent adopter d'une façon tout à fait régulière.

Quant à l'infraction qui est également prévue, c'est parce que, à la suite de certaines demandes d'enquêtes au ministère de la Justice, ce dernier a été dans l'impossibilité de procéder, du fait que l'article 135.1 tel que rédigé, ne permet pas d'identifier et de prouver les actes faits au Québec. La sanction pénale, de même que l'obligation civile imposée aux adoptants d'être évalués et de procéder à l'adoption par un intermédiaire reconnu, ne peuvent recevoir d'application pratique et plusieurs adoptions se font actuellement sans respecter ces conditions.

Pour que l'adoption se fasse dans l'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits, il est essentiel non seulement de mesurer les éléments juridiques, mais également les aspects psychologiques et sociaux. L'examen et l'intervention d'un intermédiaire visent à préciser cet objectif. Pour s'assurer que les adoptants respectent ces obligations, il est nécessaire de préciser l'infraction déjà prévue au paragraphe c de l'article 135.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Enfin, j'ai envisagé d'autres moyens pour favoriser l'adoption d'un enfant né hors Québec. Tel que prévu à la Loi sur la protection de la jeunesse, le Secrétariat à l'adoption internationale, en collaboration avec le ministère des Relations internationales, s'engagent dans une démarche intensive avec les pays étrangers dans le respect des principes que consacrent nos textes législatifs et ceux de ces pays pour faciliter l'adoption d'enfants et leur procurer un milieu parental, familial et affectif.

Ces accords avec les pays étrangers visent à permettre, entre autres, le placement au Québec, pour une adoption au Québec, comme je le disais il y a quelques moments, d'un enfant orphelin ou déclaré abandonné par une autorité judiciaire de l'État où il est domicilié. Cette démarche s'inscrit dans la ligne des déclarations internationales et est conforme aux demandes des autres pays.

À titre de ministre de la Santé et des Services sociaux, j'ai la responsabilité, en matière d'adoption internationale, de considérer les droits et les intérêts de toutes les parties: l'enfant, tout d'abord, les parents d'origine et les futurs adoptants.

Conséquemment, les divers moyens que j'ai envisagés visent à assurer le respect des droits de l'enfant et de son intérêt, à apporter la sécurité juridique et psychologique à cet enfant et aux adoptants québécois et à garantir le respect de la volonté des parents d'origine et du pays où est domicilié l'enfant.

Ces moyens se situent également dans une optique de collaboration de tous les intervenants: mon ministère, par le Secrétariat à l'adoption internationale et les directeurs de la protection de la jeunesse, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, le ministère des Relations internationales et le ministère de la Justice.

J'espère donc, en terminant, Mme la Présidente, que cette Chambre sera unanime à reconnaître que les effets d'une adoption prononcée ou reconnue au Québec doivent conférer à l'enfant et à ses parents adoptifs les mêmes droits et obligations qu'une filiation par le sang et que c'est la responsabilité du gouvernement de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que soit respecté ce principe fondamental. Je me permets de souligner à cette Chambre que les lois les plus modernes et les énoncés de principe des grands organismes internationaux s'orientent en ce sens. Merci, Mme la Présidente. (12 heures)

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Mme la Présidente, en ce qui concerne la Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse concernant l'adoption internationale, il est important de se rappeler une époque fort heureuse au Québec alors qu'il n'y avait vraiment pas de problème quant à l'adoption, puisque le Québec était un pays qui avait des enfants en abondance et même une source d'approvisionnement pour l'ensemble des parents hors Québec qui voulaient avoir des enfants et qui étaient incapables, par les voies naturelles, de sang, d'en avoir.

Il y a eu une époque où, effectivement, les problèmes n'étaient pas ceux dont nous avons aujourd'hui à discuter. C'était chez nous que l'adoption se faisait le plus facilement. Les parents qui avaient manifesté le voeu de pouvoir jouir de la paternité et de la maternité par le biais de l'adoption pouvaient facilement trouver ici, au Québec, l'enfant qui pouvait répondre à leur voeu, à leur souhait et à leurs aspirations.

Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte fort différent. De plus en plus, avec le taux de natalité au Québec, il est très difficile de trouver ici, sur place, les enfants qui pourraient faciliter l'adoption pour ces parents désireux de jouer un rôle important auprès de ces enfants.

Nous devons donc faire appel de plus en plus à l'adoption internationale et nous devons faire appel à des pays pour des raisons souvent économiques et aussi pour des raisons humanitaires. Ces raisons font qu'il y a une disponiblité en ce qui concerne l'adoption internationale et favorisent ces familles qui veulent vraiment fonder un foyer et éduquer des enfants selon les coutumes et les traditions du Québec. Mais voilà, aller dans des pays autres que le Québec implique pour ces parents une certaine démarche. Ce n'est pas toujours facile d'imposer à un enfant dont les racines appartiennent à un autre continent la tradition purement et franchement québécoise et de l'éduquer. Cet enfant, peu importe l'éducation qu'il recevra au Québec, aura toujours ce lien d'appartenance au continent où il est né et où ses parents naturels vivent.

On ne peut en faire fi, on ne peut passer outre à cela, parce que la majorité des parents qui ont adopté des enfants venant de continents étrangers ont toujours respecté cette vision des choses. Ils ont toujours respecté le lieu d'origine des enfants qu'ils avaient adoptés. Il est important et essentiel pour ces enfants de conserver leur lieu d'origine et de conserver aussi une partie du patrimoine qui est celui de leur coin de naissance.

Nous arrivons maintenant à l'adoption internationale et ce n'est pas facile, Mme la Présidente, pour les parents qui décident d'adopter un enfant. Il y a de nombreuses heures d'anxiété et d'angoisse et un cheminement long et parfois pénible avant d'arriver à prendre une décision, à savoir si, oui ou non, ils sont capables d'adopter un enfant ou si, oui ou non, ils se sentent la responsabilité d'éduquer un enfant qui vient d'un autre continent, soit par rapport à sa couleur, soit par rapport à la culture, soit par rapport à un contexte qui n'est pas particulier au nôtre, mais qui a tous ses effets d'entraînement. Les parents doivent faire une démarche afin de vraiment savoir s'ils ont la capacité, s'ils ont aussi toute l'expertise et l'appui nécessaire pour arriver à prendre leur décision.

Effectivement, l'adoption est un phénomène complexe, une démarche complexe qui demande beaucoup de concertation et de collaboration. Premièrement, quand on regarde le processus de l'adoption, je pense que, quand on veut un enfant hors du Québec, il faut vraiment faire l'objet d'une démarche. Ce n'est jamais facile, les objets de démarche parce que, chaque fois, les parents doivent démontrer qu'ils sont vraiment aptes à élever et éduquer des enfants. Ils doivent démontrer qu'ils ont aussi la capacité, l'intégrité morale pour élever ces enfants et cela constitue un dossier.

Il y a actuellement beaucoup d'organismes bénévoles qu'on appelle les organismes intermédiaires qui travaillent dans des pays différents qui font justement cette recherche d'enfants aptes à l'adoption pour ces parents qui sont ici en voie de les faire et espèrent pouvoir élever et éduquer des enfants d'autres pays d'origine.

Donc, Mme la Présidente, je pourrais vous dire un peu le processus. Premièrement, l'État fait l'objet d'un accord avec le Québec; l'organisme bénévole accrédité par le gouvernement du Québec identifie les enfants, constitue le dossier de l'enfant. Selon la réception, selon le besoin de la liste des postulants par le secrétariat à l'adoption,

selon certains critères des pays, il faut s'inscrire sur une liste au DPJ, au département de la protection de la jeunesse qui appartient à un CSS. Et c'est là qu'on commence à faire enquête, qu'on monte le dossier et qu'on prend toutes les considérations des parents.

Selon la réception des postulants, on achemine cela au secrétariat à l'adoption selon les critères des pays d'origine. Encore là, on fait une autre évaluation des postulants, soit par région ou par pays et à ce moment-là la décision de la DPJ accepte ou refuse les postulants. Ceci étant fait, on transmet au secrétariat à l'adoption des évaluations qui sont positives. Et il y a un jumelage qui se fait dans les pays d'origine et est transmis au secrétariat à l'adoption, à l'organisme reconnu qui doit informer le DPJ.

La DPJ, doit informer les requérants et informe le secrétariat à l'adoption qui accepte ou refuse la proposition. Le département de la protection de la jeunesse informe le Secrétariat à l'adoption. L'organisme reconnu ou le postulant - parce que les parents ne peuvent aller d'eux-mêmes chercher un enfant, il faut qu'ils passent par un organisme reconnu - accompagne l'enfant au Québec et la DPJ ou le secrétariat à l'adoption à ce moment est avisé. À ce moment-ci, la dernière étape, c'est le placement de l'enfant chez les requérants.

Alors, vous pouvez voir que c'est un processus assez complexe qui est long en termes de délai parce qu'il y a justement des ententes entre pays. Il y a aussi tout le processus d'évaluation, d'une part, des requérants et des postulants et aussi on regarde les possibilités et les disponibilités à l'intérieur des autres pays.

Tout ce temps, des délais s'accumulent. Autant de délais pour les parents qui, avant la phase de décision, devaient justement se décider à savoir si oui ou non ils se sentaient aptes, habiles, capables d'accepter les différences que pouvait inclure cette adoption. Une fois le processus fait, une fois cette démarche faite, s'enclenche justement le processus officiel, tantôt par la Direction de la protection de la jeunesse, tantôt par le secrétariat à l'adoption. (12 h 10)

En effet il a pu arriver, au cours de tout ce processus, certains malencontreux accidents. Je pense qu'actuellement toutes les décisions ont toujours été prises à l'égard d'un enfant et des parents qui voulaient justement rendre la vie heureuse, harmonieuse à un enfant, des parents qui voulaient donner un contexte chaleureux, quelquefois même, je pourrais dire, douillet à un enfant, pouvoir l'aimer, le chérir et le caresser. L'enfant a droit à la qualité de vie d'un milieu familial uni et stable. C'est pourquoi nous sommes - c'est vrai circonspects devant des situations, parce qu'il y va de l'avenir d'un enfant. On ne peut pas déplacer un enfant de son pays d'origine pour l'introduire dans un foyer d'accueil ou dans un foyer d'adoption, pour le mettre dans des situations pires que ce qu'il pourrait vivre dans son pays d'origine, bien sûr, et nous en sommes tous conscients.

Nous sommes conscients qu'il faut y aller prudemment. La prudence est de mise, effectivement. Il ne faut pas non plus encourager certains abus de la part peut-être de parents naturels ou quelquefois de parents malheureusement qui se veulent des requérants ou des postulants à l'adoption. Oui, Mme la Présidente, tout cela doit être pris en considération. Tout cela a été pris en considération, des efforts ont été faits en ce sens et on nous a donné une loi pour permettre, justement, que ces abus ne se produisent pas. C'est pour cela aussi que des évaluations sévères qui demandent certains délais aux parents et aux requérants existent.

Je conviens avec ces parents de leur anxiété et je conviens aussi avec les parents de leur impatience à savoir si oui ou non c'est possible qu'ils puissent enfin caresser le rêve le plus important de leur vie, et enfin pouvoir le réaliser. Je pense que personne ne met en doute cette attente, personne ne met en doute cette impatience et tous nous cherchons à trouver les solutions les plus propices, les plus probables pour permettre à ces parents de pouvoir concrétiser le plus rapidement possible leur rêve qui souvent, malheureusement, est l'aboutissement d'un très long cheminement.

Très souvent, avant d'adopter un enfant, on y réfléchit longtemps. Il y a des conséquences importantes et des conséquences graves à la responsabilité de l'éducation, à la responsabilité morale d'éduquer un enfant. Je pense que les gens qui veulent avoir des enfants le font sérieusement et le font dans un élan d'amour, dans un élan de partage et dans un élan charitable aussi. À mon avis, il n'y a que de nobles sentiments en cause quand on veut adopter un enfant.

Par contre, Mme la Présidente, depuis le mois d'août dernier, le Secrétariat à l'adoption internationale a interdit les adoptions d'enfants de certains pays, notamment, le Guatémala, la république Dominicaine, l'Équateur, le Mexique et le Brésil parce que la loi sur l'adoption de ces pays n'est pas compatible avec la Loi sur l'adoption du Québec. Ce que demande actuellement le ministère de la Santé et des Services sociaux par la voie du Secrétariat à l'adoption internationale, c'est que les gens rendent leur loi sur l'adoption conforme à celle du Québec. Cette demande va à l'encontre de l'article 622.1 du Code civil du Québec. Il est stipulé que le Tribunal de la jeunesse, appelé à reconnaître un jugement

d'adoption rendu hors du Québec, s'assure que ce jugement a pour effet, en vertu de la loi étrangère, de créer une filiation. Si l'adoptant est domicilié au Québec au moment de l'adoption, le tribunal s'assure, en outre, que la demande a fait l'objet d'un examen par le département de la protection de la jeunesse, et que l'adoptant a agi par l'intermédiaire du ministre de la Santé et des Services sociaux, du Directeur de la protection de la jeunesse et d'un jugement reconnu par le ministre à cette fin. Ce que dit cet article, c'est que le Tribunal de la jeunesse doit vérifier que le jugement d'adoption crée un lien de filiation en vertu de la loi étrangère. C'est l'interprétation donnée dans le jugement du juge Dorion qui conteste et dénonce le rôle et les attitudes du secrétariat à l'adoption.

Effectivement, le secrétariat à l'adoption ne joue probablement pas actuellement le rôle qu'il serait appelé à jouer. Son rôle doit être repensé, modifié, mais pour ce faire, je pense qu'il est important qu'il y ait consultation pour savoir quelle est la meilleure façon pour le secrétariat à l'adoption de jouer ce rôle et de permettre à l'ensemble des parents désireux d'élever une famille, désireux d'aider et d'aimer des enfants, de le faire le plus rapidement possible au moment où le processus de demande est déclenché.

Le mandat du secrétariat à l'adoption est un mandat d'intermédiaire et celui-ci ne peut s'arroger les droits qui sont accordés au Tribunal de la jeunesse et par la suite décider de couper tout lien avec les pays dont la loi sur l'adoption n'est pas compatible avec les lois du Québec. Il revient au Tribunal de la jeunesse de s'assurer que la loi étrangère créera un lien d'affiliation pour l'enfant.

La demande est forte au Québec pour l'adoption d'enfants et parce qu'on a oublié certains pays dont les lois ne correspondaient pas à celle du Québec, un grand nombre d'enfants ne pourront plus faire l'objet d'adoption et un grand nombre de parents seront lésés dans leurs aspirations les plus naturelles et les plus profondes.

En effet, le décret 172886 adopté le 19 novembre 1986 par le gouvernement - ce décret-ci - vient faire en sorte que l'adoption simple est interdite, c'est-à-dire que si le lien d'adoption créé n'est pas celui du Québec, l'adoption est interdite. On vient ainsi de léqaliser une pratique qui existait au mois d'août dernier. Pourquoi la loi 139, actuellement, alors qu'au mois de novembre on émettait un décret à cette fin? Déjà, au mois de novembre on stipulait que l'adoption plénière avait seul droit de cité au Québec. Les articles 628 et 629 du Code civil sont très clairs à cet égard. Le législateur ne laisse subsister qu'un seul lien de filiation, celui qui unit l'adopté et l'adoptant.

La reconnaissance d'un jugement d'adoption prononcé à l'étranger est régi par l'article 622.1 du Code civil. Le lien de filiation dont il est question à cet article doit nécessairement s'entendre au sens du droit québécois, articles 628 et 629 du Code civil. Donc, le législateur a posé à cet article l'exigence de la rupture du lien de filiation avec le parent d'origine.

Le projet de loi 139, Mme la Présidente, donne le pouvoir de réglementation au ministre qui viendra appliquer ce décret. Je comprends mal le système parlementaire qui veut qu'on puisse édicter des décrets et après adopter les lois qui auront des règlements dont on ne peut connaître la teneur actuellement. Pourquoi passer à de telles actions alors que tous savent fort bien que les règlements peuvent se faire sans être acceptés par la majorité des membres de l'Assemblée nationale? Pourquoi aussi tous ces changements sans faire appel à l'ensemble des gens qui sont conscients que des améliorations s'imposent dans le domaine de l'adoption internationale, des parents qui sont d'accord pour qu'on puisse ouvrir le dialogue pour améliorer la formule, parce qu'eux aussi doivent vivre l'anxiété, eux aussi se sentent pris de panique vis-à-vis de certaines attitudes?

Les principaux concernés, ces parents pour qui l'intérêt est de prendre soin d'un enfant et de donner le plus d'amour possible, ces parents pour qui le sens de la vie prime toute autre intention, je pense qu'il aurait été décent de prendre en considération leurs appels pour pouvoir écouter ce qu'ils ont à dire avec d'autres intervenants du milieu. (12 h 20)

II faut voir souvent à quel point ces parents so sentent désemparés. Nous vivons actuellement un contexte assez spécial au Québec. À cause du mauvais fonctionnement et des embûches mis par le secrétariat à l'adoption, certains couples font des adoptions privées, d'autres déménagent au Nouveau-Brunswick ou en Ontario et utilisent des mécanismes juridiques de ces provinces pour faire l'adoption. Ils sont reçus de façon plus humaine et leurs dossiers sont traités plus rapidement. Dans le même sens, l'organisme Monde-Enfants propose des enfants à des parents de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick privant ainsi les parents du Québec d'enfants à adopter.

Il est important de repenser le rôle du secrétariat à l'adoption, du Directeur de la protection de la jeunesse et des organismes reconnus, afin de rendre leur intervention plus efficaces. Des correctifs sont nécessaires, et il revient au gouvernement de légiférer de façon responsable et non pas de procéder par règlements comme il est proposé dans le projet de loi 139. Je pense que le gouvernement ne fait pas face à ses reponsabilités par de tels processus. Il aurait

été plus avantageux d'entreprendre une commission parlementaire à cet effet et d'ouvrir le dialogue avec les principaux intéressés qui ne demandent pas mieux que d'améliorer la situation dans laquelle ils se sentent plus souvent qu'autrement victimes.

Comment peut-on se donner autant de pouvoirs par réglementation? Où s'exerce la démocratie? Le gouvernement nous démontre, une fois de plus, le peu de soucis qu'il a des problèmes et des revendications des citoyens du Québec. Le gouvernement légifère à la sauvette par décret dans un domaine aussi délicat que l'adoption internationale d'un enfant. C'est d'enfants que nous parlons et non pas de marchandises, de denrées. Ce sont des gens, ce sont des couples qui sont impliqués dans le processus. Le gouvernement a l'obligation morale de les écouter, de légiférer en gouvernement responsable au vu et au su de tous et non pas d'imposer ses volontés par décrets et par règlements. Le gouvernement agit en provocateur en disant aux gens: Vous n'êtes pas d'accord avec nos règlements, alors contestez devant les tribunaux! Je pense qu'une telle attitude de la part d'un gouvernement n'est pas une attitude responsable. Quand on connaît les coûts d'une contestation devant les tribunaux et quand on connaît dans quelle situation très souvent sont ces parents - ce ne sont pas toujours les parents les plus aisés et les familles les plus aisées qui veulent vraiment adopter des enfants, ce sont des parents qui ont du coeur au ventre, pour qui la notion de famille est importante et qui ont le désir de faire, des enfants, des adultes avertis et responsables pour notre société - c'est leur rendre très mauvais service que de leur donner tout à fait comme seul moyen de recours de contester devant les tribunaux.

Il y avait des moyens beaucoup plus simples. Il y avait une façon beaucoup plus respectable soit celle qui permettait justement d'entendre ces parents et d'ouvrir une commission qui favorisait à l'ensemble des principaux intéressés un dialogue qui aurait permis d'améliorer les situations actuelles que tout le monde est d'accord pour améliorer. Je pense que, déjà, un grand pas aurait été fait. Je crois que, quelquefois, on peut avoir réticence à ouvrir le dialogue lorsque cela va dans tous les sens et dans toutes le directions. S'il y a un consensus, que ce soit les parents qui soient réquérants d'une adoption, que ce soit les gens appartenant à la protection de la jeunesse ou que ce soit les principaux organismes, tous sont d'accord qu'il faut améliorer cette situation, se mettre à table, discuter ensemble et trouver les meilleurs moyens qui permettraient justement à ces parents de faire en sorte d'alléger leur anxiété et d'alléger aussi tout le processus qu'ils ont à subir pour adopter un enfant.

Le projet de loi 139 prévoit des pénalités. Actuellement, c'est un gouvernement, il ne faut pas se le cacher, qui n'y va pas de main morte pour les pénalités. Je dirais même qu'il y va avec des dents de loup. Quelquefois, je pourrais même parler des dents de la mer.

Le projet de loi 139 prévoit des pénalités qui seront imposées à ceux qui voudraient faire une adoption privée sans passer par les intermédiaires. Très souvent, les couples sont forcés de faire des adoptions privées à cause des politiques du secrétariat à l'adoption. Que ce soit pour retarder l'entrée de l'enfant au Québec, les longs délais dans l'évaluation des adoptants et des enfants découragent les adoptants. Le gouvernement devrait s'engager à régulariser le plus tôt possible le statut des enfants entrés au Québec plutôt que de traiter les adoptants en voleurs d'enfants en leur imposant des pénalités, alors qu'ils sont eux-mêmes victimes d'injustice.

Le projet de loi 139 ne légifère pas. Les dispositions législatives seront dans les règlements. Nous demandons que les correctifs demandés par les adoptants, ces couples québécois désirant adopter un enfant à l'étranger, soient apportés. Nous voterons en faveur du projet de loi 139 et verrons à ce que les demandes et les intérêts des couples soient entendus, et que ceux-ci ne soient pas brimés dans leur droit fondamental de fonder une famille.

Mme la Présidente, il y a plein de causes en suspens actuellement. Il y a plein de parents au Québec qui ne savent pas ce qui va arriver de leurs demandes et, s'ils pourront, un jour, réaliser leur voeu le plus cher, le plus important dans la vie, celui de créer un foyer et de donner de l'amour autour d'eux et de faire rayonner ces enfants pour qu'enfin ils puissent devenir des adultes responsables et leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans la société du Québec, notre pays, un pays d'avenir et un pays prospère.

Je pense que nous devrions aider ces parents et nous devrions les écouter. Mme la ministre, on fera notre possible pour que ces parents puissent être entendus et nous vous demanderons de prendre les moyens et les mesures nécessaires pour qu'enfin on ne prenne les parents, les adoptants, pour des voleurs d'enfants, mais qu'on les accepte comme des gens responsables pour qui la vie, pour qui donner de l'amour fait partie de leurs priorités et demeure le plus grand objectif de leur vie. Il faut qu'enfin leurs voix soient entendues pour leur permettre de réaliser le rêve le plus important.

Il faudra repenser le secrétariat à l'adoption et il faudra vérifier avec les principaux intéressés la somme des problèmes qu'ils ont dû vivre avant de pouvoir vraiment se sentir les parents des enfants qu'ils avaient adoptés. Il y a là matière à réflexion

et il y a là aussi une expertise considérable qui permettra d'arriver à trouver des solutions beaucoup plus adaptées et beaucoup plus humaines que ce projet de loi qu'on nous passe après décret et tout simplement pour permettre des règlements à la sauvette, au vu et au su de personne. (12 h 30)

Mme la Présidente, j'espère que nos voix seront entendues par la ministre et qu'elle fera en sorte que ces parents pourront, de concert avec les principaux organismes intéressés, avec les gens qui travaillent à l'intérieur de la DPJ, trouver ces solutions qui permettront de rétablir la situation, d'ouvrir d'autres pays qui ne font qu'une banque d'avantages pour l'ensemble des parents désireux d'avoir un enfant. Je rappelle qu'actuellement, dans les pays du Guatemala, de la république Dominicaine, en Équateur, au Mexique, au Brésil, parce que la loi d'adoption de ces pays n'est pas compatible avec l'adoption au Québec, les demandes ne peuvent être considérées. Depuis le mois d'août dernier, dans ces pays, adopter des enfants est interdit pour les Québécois et Québécoises qui désirent jouer leur rôle de parents et fonder un foyer. Les parents adoptants sont trop malheureusement considérés comme des voleurs d'enfants, alors que leur seul but est de fonder une famille, ce qui, pour certains d'entre eux, représente d'énormes déboursés, dans certains cas, des sommes allant jusqu'à 10 000 $ ou 15 000 $.

J'ose espérer qu'on pourra permettre a l'ensemble des gens concernés et de bonne volonté... Comme je connais la ministre qui est une ministre de bonne volonté, je sais qu'elle va prendre ses responsabilités et faire en sorte que ces familles qui sont si désireuses de communiquer avec elle, de discuter avec elle pour faire valoir leur problèmes et de trouver des solutions pratiques, viables et humaines. Je sais qu'elle prendra la bonne décision pour que ces gens-là puissent être entendus et que nous puissions nous repencher plus tard sur le projet, une fois que tout aura été bien cerné, une fois qu'on aura trouvé des solutions, non pas de dernière minute et de rapidité, mais des solutions qui permettront de répondre vraiment aux aspirations de ces parents. De cette façon, l'adoption internationale sera beaucoup plus humaine et permettra aux parents et à ces enfants de pouvoir vivre d'une façon beaucoup plus humaine et sans heurts.

Je termine en disant à la ministre que notre plus grand souhait est que les enfants qui viendront ici au Québec seront dans une terre accueillante, une terre qui leur permettra de devenir de bons citoyens, qui répondra aux objectifs des parents et qui permettra de trouver des moyens de favoriser la plus grande intégration possible, compte tenu de leur lieu d'origine auquel ils ne pourront jamais renoncer, parce qu'on ne peut jamais renoncer à ses racines. Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je dois commencer en disant que je n'ai pas très bien compris si l'Opposition est pour ou contre le projet de loi en question. J'ai cru comprendre, dans une certaine partie du discours de la députée de Marie-Victorin, que le gouvernement était accusé par l'Opposition de traiter les enfants comme s'ils étaient matière à commerce, qu'on émettait des amendes, qu'on faisait des lois et des amendes avec des dents de loup pour ceux qui vont à l'encontre des lois en matière d'adoption. À la toute fin, la députée nous a assurés qu'elle était convaincue que la ministre était de bonne foi dans toute cette affaire et la réponse à savoir si l'Opposition est pour ou contre, moi, en tout cas, je ne l'ai pas eue. En essayant de mêler toutes les choses ensemble, nous nous mêlons nous-mêmes quelquefois. J'aimerais simplement rappeler à la députée de Marie-Victorin que les amendes qu'elle a dénoncées tout à l'heure ne sont pas des amendes comme telles, qui sont prévues ici, mais des amendes déjà reconnues et qui existent dans le projet de loi 55 adopté en 1983. Le projet de loi actuel ne vient, finalement, qu'opérationaliser de façon réelle le principe qui a été consacré dans le projet de loi 55. C'est un pouvoir de réglementation que le gouvernement se donne afin de pouvoir identifier à quelle étape chaque organisme va intervenir dans le processus d'adoption pour éviter d'avoir des situations qui sont au détriment de l'intérêt des enfants, parce qu'il peut y avoir confusion quant au statut légal de l'enfant selon les conditions qui prévalent dans leur pays d'origine.

Il est clair que ce n'est pas la première fois qu'on parle d'adoption en cette Chambre. Nous l'avons fait en 1980 et en 1983. Cette Chambre se souviendra d'avoir fait le choix, à ce moment, d'accorder à l'adoption plénière le droit de cité au Québec au détriment de l'adoption simple. C'est un choix que la Chambre avait fait à l'unanimité à ce moment-là, puisque l'adoption simple ne rompt pas le lien naturel avec la famille d'origine de l'adopté, qui conserve ainsi des droits et des obligations relativement à cette dernière. Avec l'adoption simple, le lien juridique avec le parent d'origine demeure. Même si les liens sont socialement rompus dans le vécu quotidien, l'adopté a un statut juridique

différent de celui de l'enfant québécois.

L'adoption plénière, quant à elle, consacre la rupture complète du lien de filiation avec la famille d'origine et la création d'un lien de filiation unique qui unit l'enfant à l'adoptant. Il ne subsiste donc aucun lien juridique ou social avec la famille d'origine. Les articles 628 et 629 de notre Code civil sont clairs à cet égard, Mme la Présidente.

L'option de l'adoption plénière avait donc et a toujours pour but d'assurer la sécurité psychologique et juridique de l'enfant et de ses parents adoptifs. Pour un enfant né hors Québec, de nombreux problèmes peuvent se poser du fait d'être adopté dans un pays autre que celui dont il est originaire. Or, plus sa situation juridique sera incertaine, davantage il se sentira écartelé entre son pays et sa famille d'origine d'une part et son pays et sa famille d'adoption d'autre part.

Il est donc essentiel de pallier l'insécurité liée au fait que l'enfant puisse légalement appartenir à deux familles. Il importe également que la famille adoptive puisse bénéficier d'une certaine stabilité, parce que ce qui guide le projet de loi que nous avons devant nous, c'est effectivement l'intérêt premier de l'enfant. Il faut qu'on puisse s'assurer que les adoptions sont des adoptions plénières pour que l'enfant puisse avoir cette stabilité psychologique, ainsi que la famille. Sans cela, on peut souvent se retrouver dans des situations qui nuisent à l'enfant et à son épanouissement.

Outre la normalisation du statut de l'enfant adopté, les principes fondamentaux de l'adoption posent d'autres constats. Lors de la deuxième lecture du projet de loi 55, en 1983, le ministre de l'époque disait à ce propos: "II faut s'assurer que le premier droit d'un enfant, du tiers monde ou d'ailleurs, est d'abord d'appartenir à une famille et cette famille, dans la meilleure des hypothèses, doit être sa famille d'origine, dans son pays d'origine."

Le principe de l'adoption internationale est identique à celui de l'adoption locale. Il vise à procurer, sur une base stable, à l'enfant qui en est privé, l'environnement familial, parental et affectif requis pour réaliser son épanouissement personnel et lui assurer le maximum de sécurité. Dans ce contexte, les droits des adoptants sont secondaires à ceux de l'enfant, Mme la Présidente. Le bonheur du couple qui peut être ainsi réalisé ou la volonté de personnes désireuses de contribuer à apaiser la misère ne doit être considéré que comme des effets secondaires. Le respect de la personne de l'enfant, sujet de droit à part entière, commande une telle orientation. L'ex-ministre responsable du projet de loi 55, l'actuel chef ' de l'Opposition, mentionnait effectivement à cet effet: "II ne s'agit pas de procurer à des familles des enfants abandonnés mais bien de trouver pour un enfant abandonné une famille. C'est une distinction importante dans l'approche que nous devons avoir à l'égard de l'adoption internationale."

L'actuelle ministre de la Santé et des Services sociaux, critique de l'Opposition à l'époque, affirmait dans le même sens: "Le problème qui se pose pour les parents du Québec qui désirent adopter un enfant c'est vraiment de concilier - il ne faut jamais perdre cela de vue - ce désir fort légitime d'une famille de vouloir adopter un enfant et le droit des enfants eux-mêmes. S'il y a un choix à faire entre les deux, c'est le droit de l'enfant qui doit être d'abord considéré et qui ne doit pas être soumis à toutes sortes d'aléas qui émanent des meilleures intentions du monde."

Au moment où a été adopté le projet de loi 55, l'Opposition et le gouvernement en place étaient tous deux d'accord avec le principe de la priorité à accorder à l'unité familiale pour le bien-être et le développement de l'enfant et le droit de l'enfant à une qualité de vie dans son milieu d'origine. Ils étaient d'accord aussi pour reconnaître que la vie dans un milieu familial stable et uni du pays d'origine de l'enfant, même si les conditions de vie sont difficiles, doit être préférée à l'adoption internationale. Il est également essentiel que soient respectés la volonté et le consentement des parents biologiques d'un enfant susceptible d'être adopté, en toute connaissance des effets et conséquences de l'adoption. (12 h 40)

En présence d'un enfant abandonné, l'adoption peut par ailleurs constituer pour cet enfant un moyen approprié de retrouver un milieu familial susceptible de lui fournir les éléments nécessaires à un épanouissement harmonieux. Il n'en demeure pas moins que de plus en plus d'organismes internationaux prennent officiellement position et s'inquiètent du nombre d'enfants qui partent en adoption transnationale. Ainsi, les 33 pays représentés au douzième congrès de l'Association internationale des magistrats de la jeunesse et de la famille, tenu en août dernier au Brésil, ont adopté à l'unanimité des résolutions qui visent à aider, à supporter la famille et à éviter au maximum de retirer l'enfant de son milieu. L'adoption internationale est considérée comme une solution exceptionnelle.

La Déclaration universelle des droits de l'enfant en 1959, la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 et le projet de déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à l'adoption et au placement familial d'enfants sur le plan national et international de l'ONU, daté du 8 septembre, abondent tous dans le sens des principes affirmés au Code civil du Québec

et à la Loi sur la protection de la jeunesse. Les pays du tiers monde acceptent de plus en plus mal de jouer le rôle de pourvoyeurs d'enfants ou, dans certains cas, de se faire des complices tacites, par leur incapacité d'agir, de trafic d'enfants.

En plus de l'aspect essentiel du respect de l'égalité et des droits de l'enfant par la reconnaissance d'un lien de filiation unique, les modifications législatives de 1983 étaient donc justifiées par des motifs très sérieux. On a voulu, en identifiant légalement les intermédiaires, freiner les adoptions faites par des intermédiaires privés et le trafic d'enfants dans les pays en palliant à l'exploitation des couples trop empressés d'adopter un enfant étranger. On a voulu également s'assurer du respect de la portée du consentement des parents d'origine.

En même temps qu'on a voulu éviter les adoptions boiteuses et peu claires quant aux démarches suivies, les dispositions de la loi 55 de l'époque relativement à la reconnaissance des adoptions prononcées par un tribunal étranger soulèvent des difficultés d'application et d'interprétation. Ce dernier point est d'ailleurs l'objet de nombreux litiges. Depuis 1983, il semble, malgré la volonté du législateur voulant assurer la sécurité psychologique et juridique de l'enfant et de ses parents adoptifs, qu'il subsiste de nombreuses interprétations des règles applicables à l'adoption internationale, notamment en ce qui concerne la notion d'intermédiaire et le rôle qui lui est confié. De nombreuses situations confuses ont amené ces ambiguïtés.

C'est compte tenu de cette situation et du fait qu'ils doivent attendre de trois à cinq ans avant d'accueillir un enfant que certains requérants, pour la plupart qui ont connaissance des exigences de la loi et des conséquences de leur décision, ont alors adopté privément l'enfant dans le pays étranger. Plus souvent qu'autrement, c'était une adoption simple. Un bon nombre d'enfants se trouvent donc présentement au Québec dans une situation irrégulière, c'est-à-dire sans l'autorisation du secrétariat, avec ou sans jugement d'adoption émanant du pays d'origine, avec ou sans examen du Directeur de la protection de la jeunesse.

L'adoption internationale exige donc une assise juridique sans laquelle tout modèle d'intervention risque d'être voué à l'incertitude, l'insécurité, sinon l'échec à long terme. Il faut donc affirmer de nouveau et avec force la position du législateur à compter de 1980 et la règle de droit qui a été édictée. Le gouvernement actuel veut, par le projet de loi qui est devant nous, réaffirmer cette volonté d'assurer la sécurité psychologique et juridique de l'enfant et de ses parents adoptifs en apportant les modifications nécessaires à la loi afin que son application soit encore plus claire et spéci- fique.

En terminant, j'aimerais simplement répéter que ce qui guide ce projet de loi c'est effectivement l'intérêt premier des enfants. C'est un projet de loi qui permettra effectivement d'opérationaliser sans ambiguïté, de clarifier les ambiguïtés qui existent quant au statut de l'enfant adopté par adoption internationale, de s'assurer que c'est l'adoption plénière qui est la règle au Québec, parce que c'est l'adoption plénière qui permet une filiation unique qui sert le mieux l'enfant et sa famille. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laurier. M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais prendre un certain nombre de minutes pour aborder quelques-uns des éléments qui me semblent particulièrement importants dans le cadre de l'étude du projet de loi 139 et qui traitent de cette question de l'adoption internationale.

Il faut voir, à partir même du court débat que nous avons connu ici depuis la dernière heure et aussi à partir de nombreuses remarques, de nombreuses représentations qu'ils nous ont faites dans nos circonscriptions électorales à l'occasion de rencontres avec des groupes organisés qui sont directement concernés par ces questions, combien la question de l'adoption internationale est une question importante. C'est une question qui touche à un nombre de plus en plus grand de familles du Québec et qui suscite non seulement un intérêt qui est grand mais qui suscite beaucoup d'insatisfactions, qui suscite beaucoup de frustrations chez les hommes et les femmes qui doivent vivre avec les règles que nous avons adoptées - oui, je le reconnais, comme le disait le député de Laurier - à l'unanimité des membres de cette Chambre au cours des dernières années.

Comme me le disait récemment un couple de mon comté pour lequel j'ai déjà communiqué avec la ministre de la Santé et des Services sociaux, comme il me le disait, la décision d'adopter un enfant est au fond encore plus difficile et plus profonde et plus compliquée surtout pour un couple que celle de décider d'avoir un enfant naturellement lorsqu'on le peut. Non seulement doivent-ils prendre cette décision d'en arriver à ce stade qui est celui de dire puisque nous n'aurons pas d'autres enfants ou pour d'autres raisons nous souhaitons définitivement, après mûre réflexion, adopter un enfant, mais une fois que cette décision est prise, reconnaissons que pour des raisons objectives que ce couple entre dans une mécanique qui est longue, complexe, délicate et s'échelonne sur un certain nombre

d'années. Finalement, contrairement à un couple qui peut ou qui décide d'avoir des enfants naturellement, où l'attente est généralement de neuf mois de grossesse et, à l'occasion, de quelques mois qui précèdent ce début de grossesse, pour ces hommes et ces femmes qui ont décidé de constituer une famille à partir d'un enfant adopté, pour des raisons à eux, ce temps d'attente est très long dans bon nombre de cas et c'est très difficile à supporter, sûrement tout autant que pour un couple qui tente d'avoir naturellement des enfants et pour qui ça prend un certain temps à y parvenir.

Comme je le disais, l'ensemble des démarches, des procédures à suivre, des évaluations qui sont faites font en sorte qu'on se retrouve avec des situations où bon nombre de ces couples sortent de cette expérience, de vivre tout le processus d'adoption, insatisfaits, frustrés, déçus et parfois même, malheureusement, amers de toute cette expérience personnelle qu'ils ont dû vivre avec souvent, pour aboutissement, après quatre, cinq ou six années, une réponse négative.

Je crois que nous devons être sensibles à ces difficultés humaines très grandes que vivent ces hommes et ces femmes qui subissent un processus comme celui-là. Malgré les gestes qui ont été posés, malgré le geste que la ministre nous demande de poser ce matin et auquel nous souscrivons, je crois que nous devons poser, comme Assemblée nationale, un geste plus large, plus important, plus profond, qui, d'une part, nous permettrait de nous refaire une tête sur cette question. Justement peut-être de faire un premier bilan de ces nouveaux mécanismes, de ces nouvelles procédures que nous avons mis en place au cours des dernières années, au cours duquel aussi nous pourrions discuter, d'une part, avec les hommes et les femmes qui ont eu à administrer, à gérer ce processus, que ce soit le Secrétariat à l'adoption, que ce soit les directions de la protection de la jeunesse qui sont impliquées dans ce processus. (12 h 50)

Nous pourrions aussi de le faire avec les hommes et les femmes qui ont vécu avec plus ou moins de succès tout ce processus comme parents qui ont fait une demande d'adoption et qui ont été pendant une période x, y, z, en attente d'un enfant et qui ont connu un résultat positif ou négatif et qui ont donc eu l'occasion de réfléchir à toutes les implications, à toutes les conséquences de ce vécu, de subir ce long processus pour eux, et qui pourrait venir éclairer les membres de l'Assemblée nationale sur des modifications qui pourraient être apportées à ces différents mécanismes que nous avons préparés au cours des dernières années.

Si jamais nous décidions de maintenir ces mécanismes, cela pourrait être fait dans une forme et à partir d'un processus parlementaire qui irait chercher un plus large appui chez ceux et celles qui sont directement concernés, qui fassent en sorte qu'on connaisse mieux la procédure et les fondements de cette procédure pour diminuer considérablement ces sources d'insatisfaction, d'amertume, de frustration, de déception que vivent trop souvent les hommes et les femmes qui ont choisi de fonder ou de compléter leur famille grâce à l'adoption internationale. En ce sens, Mme la Présidente, je veux personnellement suggérer à la ministre de la Santé et des Services sociaux, à son groupe parlementaire, que nous choisissions ce sujet pour réaliser un mandat d'initiative de la commission ou d'une sous-commission de la commission des affaires sociales de notre Assemblée pour que, profitant d'un sujet qui n'est pas l'objet d'un débat partisan, mais d'un débat de société important, nous puissions, au cours du printemps qui s'en vient, confier à une sous-commission de la commission des affaires sociales un mandat d'initiative, donc, un mandat donné conjointement par l'Opposition et la majorité ministérielle à un groupe de représentants de ces deux formations politiques pour faire le point sur cette question.

Comme je le disais tantôt, c'est pour entendre les hommes et les femmes qui ont eu et qui gèrent ces mécanismes et pour entendre les hommes et les femmes qui ont subi avec ou sans succès ce processus et pour discuter avec des groupes, des associations et des individus qui ont des propositions à nous faire pour améliorer ces mécanismes que nous avons mis en place. Ensuite, entre nous les membres de l'Assemblée, pour que nous puissions, dans la mesure du possible, apporter des amendements, apporter des changements à ces mécanismes qui iraient dans le sens de donner une plus grande satisfaction, de faciliter les choses tout en maintenant des principes clairs, importants et fondamentaux auxquels nous tenons tous comme membres de cette Assemblée et comme membres de la société tout entière. Cela pourrait aussi au minimum faire oeuvre pédagogique, c'est-à-dire permettre à des gens de se faire entendre et permettre aux membres de l'Assemblée de mieux expliquer et de mieux justifier les choix qui seront faits quant aux processus qui devront être maintenus ou qui devront être respectés. Nous ne pouvons maintenir, en ce qui me concerne, ce climat, cet état d'esprit qui entoure l'adoption internationale depuis un certain nombre de mois au Québec.

Je le répète, je ne fais de reproche à personne. Je constate humainement qu'il y a un problème et que nous devons reconnaître qu'il y a un problème. Nous devons être

sensibles aux situations que vivent et que nous témoignent les familles qui ont vécu des expériences, à l'occasion malheureuses. Compte tenu de l'importance que nous accordons, oui, aux enfants concernés et de l'importance aussi que nous accordons aux hommes et aux femmes qui choisissent de fonder ou de compléter leur famille par l'adoption internationale, qui choisissent de poser un geste pleinement normal qui est celui d'avoir une famille, nous devons pouvoir leur permettre de le faire dans un cadre où, dès le départ, ce sera source de joie, ce sera source de motivation, ce sera source de déploiement d'énergies nouvelles, de motivations autour de l'avènement heureux qui est l'arrivée d'un enfant dans une famille et non pas d'en arriver à un aboutissement de la venue ou du souhait de la venue d'un enfant qui est toujours un événement heureux, comme nous y arrivons à l'occasion par des processus d'adoption internationale avec des résultats qui ne sont pas satisfaisants et des résultats qui sont plutôt source souvent, malheureusement, de déceptions et de frustrations, même si je reconnais que dans bon nombre de cas aussi, l'aboutissement est heureux et que ces gens fondent des familles qui rendent heureux parents et enfants et qui font aussi que, de cette façon, les Québécois et les Québécoises fondent de plus en plus de familles qui, faut-il le rappeler, sont le centre important de vie de l'ensemble de notre société. Donc, je fais cette suggestion en mon nom personnel afin que nous nous donnions un mandat d'initiative par une sous-commission de la commission des affaires sociales pour étudier ces questions.

Je veux aussi dire qu'en ce qui me concerne, il faudra réfléchir à cette question avec en tête continuellement cette préocuppation, de plus en plus forte dans notre société et ici même a l'Assemblée nationale, d'en arriver à une politique de la famille au Québec. Lorsqu'on parle d'adoption internationale on parle aussi de la famille du Québec. Lorsqu'on parle de la famille au Québec on doit aujourd'hui parler de plus en plus de la nécessité d'en arriver à une politique de soutien aux familles du Québec. Je veux qu'on ait cette préoccupation aussi lorsque nous discutons de cette question de l'adoption internationale de la même façon qu'il faut trouver une façon de l'intégrer à cette nouvelle réflexion de politique de la population compte tenu de l'état de la démographie au Québec où on a un taux de natalité de plus en plus faible, c'est-à-dire une diminution effarante de notre taux de natalité. Si l'on veut trouver d'autres moyens de continuer à se développer, à grandir et à grossir comme peuple il faut alors intégrer la question de l'adoption internationale dans cette préoccupation quant à nos politiques de population et donc quant à nos réflexions entourant les questions de démographie.

Donc, je conclus mon intervention -puisque non pas mon temps mais le temps de notre Assemblée semble s'achever - en disant que nous souscrivons au projet de loi. Tant mieux si ce projet de loi peut permettre de régler un certain nombre de cas qui pourraient survenir dans les semaines et les mois qui viendront. Nous en serons fiers. Nous voulons aussi qu'on saisisse cette occasion d'avoir justement un débat qui ne soit pas source de discussions partisanes sur une question importante pour un assez grand nombre d'hommes et de femmes du Québec, pour qu'on se penche, dans un cadre non partisan, sur cette question et que nous en arrivions à des consensus avec les intervenants, avec les hommes et les femmes du Québec qui vivent, qui ont vécu ou qui seront appelés un jour à vivre ce processus, pour en arriver à quelque chose de plus positif en termes d'aboutissements et de résultats, et qui tiendra compte de nos réflexions et des décisions que nous devrons prendre dans les prochains mois, autour de notre politique de la famille et autour des réflexions que nous menons quant à l'état de la démographie au Québec.

Je conclus en souhaitant que non seulement nous adoptions ce projet de loi, Mme la Présidente, mais qu'aussi nous donnions suite rapidement à cette suggestion que je fais à l'Assemblée pour que l'adoption internationale soit vraiment un sujet positif, un sujet encourageant, un sujet motivant pour l'ensemble des hommes et des femmes qui choisissent de fonder ou de compléter leur famille de cette façon. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, compte tenu de l'heure, j'aimerais demander l'ajournement du débat pour que je puisse exercer mon droit de réplique, qui sera relativement bref, mais qui doit être fait. Merci.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 heures)

Motion de censure proposant que

l'Assemblée blâme le gouvernement

d'affaiblir le caractère français du

Québec, de démanteler les instruments

de développement économique et d'avoir

renié ses promesses électorales

à l'égard des jeunes

Le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît! En vertu d'un ordre de cette Assemblée de jeudi dernier et également en vertu de l'article 304 du règlement, le chef de l'Opposition présente cet après-midi une motion de blâme qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement libéral d'affaiblir le caractère français du Québec, de démanteler les instruments de développement économique dont s'est dotée la société québécoise et qu'elle le blâme également d'avoir renié les promesses électorales du Parti libéral, notamment à l'égard des jeunes et de ceux et celles dont la situation économique et sociale est fragile."

Sur cette motion de blâme, en vertu de l'article 304 de notre règlement, je vais reconnaître le proposeur, c'est-à-dire le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou); Merci, M. le Président. Je relis le texte de cette motion dont vous avez fait lecture pour m'assurer que nos collègues d'en face, en particulier, aient l'occasion d'y réfléchir un peu: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement libéral d'affaiblir le caractère français du Québec, de démanteler les instruments de développement économique dont s'est dotée la société québécoise et qu'elle le blâme également d'avoir renié les promesses électorales du Parti libéral, notamment à l'égard des jeunes et de ceux et celles dont la situation économique et sociale est la plus fragile."

Cette motion traduit notre déception et celle de la population à l'égard d'un gouvernement qui promettait de faire de l'emploi, de la jeunesse, de la santé, des finances publiques et de la langue sa priorité "prioritaire". C'était tellement une priorité "prioritaire" que le résultat, dans l'ensemble de ces secteurs, est un échec non seulement pour le gouvernement, mais pour les citoyens qui, après un an de vie de ce gouvernement libéral, se retrouvent avec des promesses brisées, des espoirs déçus, des attentes auxquelles on n'a pas répondu et un Québec qui, en pratique, s'affaiblit. Il s'affaiblit sur le plan linguistique, en termes d'emplois et en termes d'instruments collectifs que nous nous sommes donnés pour faire progresser le Québec depuis un certain nombre d'années.

Au sujet de l'emploi, il n'y a pas eu de création d'emplois au Québec, en chiffres absolus, depuis que le gouvernement libéral est là. En effet, le mois de janvier 1986 était un mois record, depuis un certain nombre d'années, quant au nombre d'emplois que nous avions atteint, c'est-à-dire 2 890 000 emplois au Québec. Au mois de novembre, donc, onze mois plus tard, il y a encore 2 890 000 Québécoises et Québécois au travail. Cela s'appelle l'échec d'une politique en matière d'emploi qui devait, priorité prioritaire là-dessus aussi, M. le Président, donner de l'espoir, du travail, une façon de vivre sa vie de façon satisfaisante pour des milliers de nos concitoyens. Au moins 80 000 personnes déçues, puisqu'on avait promis 80 000 emplois.

Deuxièmement, le gouvernement libéral n'a rien fait pour les jeunes depuis qu'il est en place. Non seulement n'a-t-il rien fait, mais également, jusqu'à maintenant il n'a pas répondu aux attentes qu'il avait suscitées. Qu'on pense, par exemple, à la réforme de l'aide sociale, à cette promesse faite à quelque 75 000 assistés sociaux de moins de 30 ans, qu'ils et qu'elles bénéficieraient de la parité de l'aide sociale, c'est-à-dire qu'au lieu de recevoir 163 $ par mois, ces gens-là auraient autour de 455 $ par mois. Rien n'est fait dans ce domaine encore.

On assiste essentiellement à un retour sur la planche à dessin commandé par le premier ministre à l'égard du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, comme on assistera sûrement, d'ici à quelques jours, à un ordre de retour sur la planche à dessin à la ministre des Affaires culturelles pour qu'elle refasse ses devoirs en matière linguistique.

La parité de l'aide sociale n'a pas été accordée. On a même renié formellement ces promesses. Un gouvernement qui, à l'élection, s'est présenté avec des priorités prioritaires et n'en fait rien.

Les frais de scolarité, même chose. On n'est pas obligé d'attendre, on n'a qu'à entendre ce qui se passe dans un pays comme la France, un pays où on dit que la jeunesse est tout aussi démobilisée que la jeunesse québécoise, mais qui n'a pas accepté qu'un gouvernement s'en prenne aux règles qui permettent l'accessibilité à l'enseignement supérieur. Et pourtant, ce gouvernement, qui avait promis le gel des frais de scolarité pendant la campagne électorale, a permis que le ministre de l'Éducation autorise l'augmentation des frais dits afférents, les frais d'inscription, de papeterie et autres. À ma connaissance, M. le Président, ces frais qui ont été augmentés de façon extrêmement substantielle partout sur le territoire du Québec dans les universités ne l'ont pas été dans un contexte d'inflation particulière au cours de l'année dans ses produits ou ses productions de services

universitaires.

Un gouvernement qui, à l'égard des jeunes, était censé produire la Corporation d'investissement jeunesse dont on connaît l'historique, qui a été créée avant la dernière élection par le gouvernement qui a précédé celui de l'actuel premier ministre, la Corporation d'investissement jeunesse qui visait à dire à ces gens d'affaires qui sont préoccupés par l'état de l'emploi des jeunes d'aujourd'hui, je le sais: Puisque vous en êtes préoccupé, impliquez-vous. Il ne manquait que les mesures fiscales pour appliquer ce projet. Les personnes étaient contactées, les objectifs étaient donnés, la sensibilisation et même la mobilisation de ce milieu étaient prêtes et, douze mois après, M. le Président, rien n'est encore fait, sinon probablement un spectacle électoraliste que nous réserve le premier ministre mercredi prochain, je crois, avec des gens du milieu des affaires, pour nous apprendre que la Société d'investissement jeunesse va voir le jour, douze mois en retard. Des centaines d'emplois, des milliers d'espoirs gaspillés à des fins partisanes pour faire une belle fin d'année pour le Parti libéral. Ce n'est pas une belle fin d'année pour les jeunes.

Un gouvernement qui, en même temps, ne se préoccupe pas des régions, on l'a vu, que ce soit dans la réduction des budgets dans le secteur du transport, dans le secteur de l'aménagement, dans le secteur du développement régional, dans le secteur du transport aérien, avec la gaffe monumentale de Quebecair qui, elle, fait partie de cet autre volet pour lequel, M. le Président, nous blâmons l'actuel gouvernement de son inaction ou de ses actions négatives.

En termes d'emplois, qu'est-ce que la privatisation a donné depuis un an au Québec? Cela a donné 737 emplois directs qui ont été perdus à la suite de ces quatre privatisations: dans Cambior, 30 employés de SOQUEM; dans la raffinerie de sucre, 143 pertes d'emploi sans compter, évidemment, les effets sur les producteurs agricoles; dans Quebecair, 274 emplois; au Manoir Richelieu, on n'en parle même pas, près de 300 employés qui sont remis en cause.

En soi, M. le Président, la privatisation ne génère pas d'emplois. Quand on décide de privatiser une entreprise qui appartient à l'État, ce à quoi on assiste c'est au déplacement d'une masse d'épargne au Québec vers le contrôle d'une entreprise existante et non pas de nouveaux investissements. Les 150 000 000 $ de Cambior, c'est de l'argent qui est passé des goussets d'un certain nombre de personnes qui avaient de l'épargne, ou des entités corporatives qui en avaient, qui est passé simplement pour acheter le contrôle d'opérations existantes. Pas un emploi de créé. Au contraire, des emplois perdus chez les entreprises qui ont été privatisées.

Cette conception qu'a le gouvernement tout à fait idéologique, tout à fait doctrinaire du développement économique est en train non seulement de faire perdre des emplois, non seulement de gaspiller un potentiel d'argent qui servirait à investir, à développer et à créer de l'emploi, mais est en train de priver le Québec d'un certain nombre d'instruments. (15 h 10)

II n'y aurait pas à Windsor, Québec, près de Sherbrooke dans les Cantons de l'Est, un investissement de près de 1 000 000 000 $ qui va permettre à Domtar d'être une entreprise qui demeure concurrentielle sur le marché américain s'il n'y avait pas eu Dofor, société d'État. Pourquoi? Ce n'est pas compliqué. Quand la Société générale de financement, par Dofor, et la Caisse de dépôt et placement contrôlent une multinationale comme Domtar, cela permet que les décisions de nouveaux investissements se fassent en fonction des intérêts des Québécois.

Je le dis en tout respect pour les gens du milieu des affaires qui appartiendraient à d'autres groupes ou d'autres tendances, il est évident que vous ne pouvez pas demander à des gens du Wisconsin, de Chicago, de l'Alberta, de la Colombie britannique et surtout pas de l'Ontario, quand ils ont le choix dans l'implantation entre deux sites, un au Québec et un dans leur coin, vous ne pouvez pas leur demander de choisir, pour la couleur de nos yeux, que ce soit au Québec.

Le développement économique est un rapport de forces, M. le Président. L'histoire du Québec est marquée par une vision des intérêts supérieurs de l'économie canadienne, par l'État fédéral, le gouvernement ontarien, le grand système bancaire, une vision qui n'avait de supérieur que le lac qui porte ce nom et qui est en Ontario. Un des contrepoids que les Québécois ont trouvé depuis 20 ans pour s'assurer que des investissements massifs se fassent sur leur territoire, c'est la participation de l'État québécois à ces investissements, au contrôle de ces décisions économiques, pour faire jouer un réseau d'intérêts parce qu'il n'y a rien de mauvais en soi dans un réseau d'intérêts; s'il sert les intérêts de la collectivité, en termes d'emplois, c'est une bonne chose.

Ma foi, M. le Président, si j'étais vice-président, moi, d'une entreprise ontarienne, d'une banque, par exemple, ayant son siège social à Toronto, le gros de ses activités à Toronto, quand je prends des décisions, je m'arrangerais sûrement pour qu'elles soient du domaine de la rentabilité et qu'elles aient des retombées structurantes à moyen et à long terme sur mon entreprise, qu'on puisse en tirer des profits.

Si j'avais le choix entre deux sites équivalents, je choisirais le site qui va

donner des emplois à mes beaux-frères, mes belles-soeurs, mes cousins et mes amis. C'est normal. C'est comme cela que ça marche dans le secteur privé. Le secteur privé au Canada est concentré en Ontario. Et un des contrepoids à cela, ce n'est pas compliqué, c'est l'État québécois. Ce n'est pas par idéologie que l'État québécois est présent dans l'économie. Il a été là, pour des fins de développement économique, dans une relation de rapport de forces avec l'Ouest canadien et, particulièrement, l'Ontario.

Ce gouvernement, M. le Président, fait semblant de ne pas comprendre. Il est en train d'aller chercher un gain de capital rapide, vite fait dans des grands secteurs d'intervention de l'État québécois qui servent à investir à nouveau et à créer des emplois? Pourquoi? Pour régler les problèmes de finances publiques, nous dit le premier ministre. Je lui en reparlerai dans quelques minutes.

On va de scandale en scandale dans cette approche. Le scandale des 60 plaintes de groupes de citoyens dans les régions à la Commission des transports fédérale, dans le cas de Quebecair. La perte de cette présence québécoise au chapitre des ligues majeures de l'industrie aéronautique au Canada. Quand on sait que la compagnie Pacific Western, qui vient d'acheter CP Air, a été formée à partir de l'équivalent de Quebecair par le gouvernement de l'Alberta, il y a un certain nombre d'années. Quand on sait maintenant qu'il y a au Canada l'équivalent d'un monopole partagé - pas partagé dans le secteur privé - entre Air Canada et CP Air, maintenant contrôlé par Pacific Western, dont l'origine est albertaine et qui a été privatisée non pas d'une façon aussi irresponsable que ce qu'on a vu ici, M. le Président, mais par une dilution graduelle du capital auprès des citoyens de l'Alberta. Cela a donné un instrument puissant à l'Ouest.

Le Québec, depuis que ce gouvernement est en place, a fait exactement le contraire. Les Québécois sont maintenant condamnés à faire voler des avions des années cinquante dans les régions en donnant de mauvais services, tout cela au nom de la privatisation, alors qu'on a perdu près de 300 emplois hautement payés, importants, dans le secteur de l'aviation au Québec. Les francophones ont toujours dû se battre pour être présents dans le secteur aérien au Canada et au Québec. Le gouvernement, lui, a jeté le gant parce qu'il ne voulait pas se battre.

Quant à la langue, M. le Président, nous aurons abondamment le temps de traiter de cette question dans les jours qui viennent à moins que le leader du gouvernement ou le premier ministre ne nous impose d'en traiter la nuit. Je pense qu'ils préfèrent l'obscurité. Je vois le premier ministre qui sourit, et qui me dit qu'il va y penser. Je comprends qu'avec ce qu'ils sont en train de faire, M. le Président, qu'il préfère faire cela le soir et de préférence la nuit. Pas le soir, la nuit! Ce sont des gens qui ne sont pas très forts, M. le Président, sur le plan de l'application des lois, surtout pas en matière linguistique: la mollesse, le mauvais signal envoyé dans la société, non seulement le set carré auquel participe la ministre qui m'a l'air d'être, comme on dit dans les sets carrés, la câleuse du set carré. Un autre qui joue du ruine-babines. Je pense ici, M. le Président, à cette politique linguistique que cherchait le ministre des Communications auprès du ministre de la Justice, qui nous explique que, poursuit, poursuit pas, cela dépend des semaines pendant que se détériore la situation.

Un gouvernement visiblement mal à l'aise avec cette question, pas bien dans sa peau. Pourquoi? Parce que, M. le Président, il n'a pas d'orientation claire en matière linguistique et parce qu'il veut tout ramener à des questions de nature technique, alors que la question linguistique se pose bien au-delà des dimensions techniques chez nous.

Ce n'est pas inscrit dans la loi 101 que, quand vous allez chez un dépanneur de la rue Saint-Laurent à Montréal, on devrait s'adresser à vous en français d'abord. Cela ne sera jamais stipulé dans les lois du Québec. On n'a pas besoin de faire cela. Si certains pays ont choisi de le faire, si certains pays se battent encore autour de ce type d'enjeu, on ne fera pas cela au Québec. On le sait. On n'est pas en Albanie, ici. Ce ne sera jamais inscrit dans la loi que les gens doivent d'abord s'adresser à vous en français, mais cela se passait, M. le Président, depuis une dizaine d'années. Des efforts systématiques étaient faits par les gens de la communauté anglophone ou les gens des communautés culturelles qui, de plus en plus, avaient tendance à s'intégrer dans leur vie de tous les jours à la majorité québécoise sur le seul territoire où il y a une majorité de francophones en Amérique du Nord.

Ce n'est pas non plus, M. le Président, marqué dans la loi 101 que de grandes entreprises dans le secteur des communications au Québec - je pense par exemple à Cossette et associés pour ne nommer que celle-là - devraient faire les campagnes nationales pour les produits de consommation, je pense ici à de grandes chaînes de restauration, de nourriture sur le pouce ou de "fast food", si je veux bien me faire comprendre. Ce n'est pas marqué dans la loi 101. Mais cela se passe. Pourquoi?

Alors qu'il y a dix ans, les grandes entreprises américaines ou canadiennes faisaient faire la conception, le dessin, la planification, les conseils juridiques à Toronto; elles envoyaient tout cela à Québec

et des traducteurs s'en occupaient. Maintenant, quand une grande entreprise canadienne décide de faire une campagne de publicité massive, elle s'adresse directement à des entreprises québécoises. Je pense à certaines entreprises, comme celle que j'ai nommée tout à l'heure, qui ont 100 000 000 $ de chiffres d'affaires. Qu'est-ce que c'est? Ce sont des emplois pour nos diplômés de cégep en communications; ce sont des emplois pour nos diplômés universitaires dans le secteur de la conception graphique, de la conception publicitaire; ce sont des emplois pour les équipes de radio et de télévision qui réalisent les produits de publicité commerciale; ce sont des Québécois qui ont ces emplois. Ce n'est pas marqué dans la loi 101. Pourquoi cela arrivait-il, M. le Président? Cela arrivait depuis dix ans, et de plus en plus.

Comme ce n'est pas marqué dans la loi 101 que ce sont des francophones sortis de l'École des hautes études commerciales qui devraient diriger les grandes entreprises multinationales sur le territoire du Québec, qui deviennent, pour prendre l'expression américaine, "senior executive officer" d'une grande maison de courtage, par exemple, pour un ancien président de l'École des hautes études commerciales. Ce n'est pas marqué dans la loi qu'ils devaient être là, mais cela se passait depuis dix ans. Pourquoi? Parce qu'il y avait une volonté collective, parce qu'on ne peut pas privatiser la langue au Québec. On ne peut pas faire de la question linguistique qu'un enjeu des personnes; on ne peut pas transformer cet enjeu collectif fondamental, comme le fait la ministre des Affaires culturelles, en une espèce de société du bon parler français, M. le Président.

(15 h 20)

C'est une histoire de rapport de forces là aussi. Il faut que la collectivité manifeste son attachement au fait qu'on veut que cela se passe en français au Québec. Je suis d'accord que des Québécois soient bilingues, trilingues; mes enfants seront bilingues et probablement trilingues, M. le Président. Mais je veux que le Québec soit français, par exemple, et il faut que cela vienne du gouvernement.

Déception, confusion dans le secteur linguistique et, finalement, des finances publiques. Ah! la nouvelle priorité prioritaire du gouvernement, M. le Président. Elle n'existait pas pendant l'élection la priorité prioritaire des finances publiques. Le premier ministre tirait des milliards par les fenêtres chaque fois qu'il ouvrait la bouche devant un auditoire. C'est à coups de dizaines de millions que cela coulait de source du côté du Parti libéral, ces grands gestionnaires libéraux qui étaient train de troquer littéralement leur appétit du pouvoir contre des promesses irresponsables, un maquignonnage. J'ai entendu celui qui dirige aujourd'hui le gouvernement dans un débat à la radio expliquer qu'il n'y avait pas de problème avec ses promesses. Il y aurait 1 200 000 000 $ de revenus de plus l'année suivante. Il avait oublié de dire qu'il y aurait également des dépenses de plus, ce superéconomiste qui, dans le fond, s'est révélé un mauvais comptable. C'est encore pire.

Les finances publiques. Depuis 1981, il y a une impasse financière qui varie entre 500 000 000 $ et 700 000 000 $ tous les ans. Le précédent gouvernement ne s'en est jamais caché. Cela lui a valu, au coeur de la crise économique, en 1982, une période extrêmement difficile avec les syndicats des secteurs public et parapublic. Pourquoi? Parce qu'il y avait une crise économique et que le rythme de croissance des dépenses publiques, particulièrement depuis le passage du gouvernement I de celui qui le dirige de 1970 à 1976, que cette croissance des dépenses publiques s'est sédimentée de façon telle qu'il y a, d'année en année, ce problème d'environ 600 000 000 $ à 700 000 000 $ d'impasse financière.

Le premier ministre nous dit qu'il y a un trou de 1 200 000 000 $. Ah! M. le Président, il change. Des fois, c'est 2 000 000 000 $ et, des fois, c'est 1 700 000 000 $. Je vais prendre une de ses déclarations récentes, un trou de 1 200 000 000 $. Je vais vous dire comment c'est arrivé. Il y a une impasse financière de 600 000 000 $ et il y a une marge de manoeuvre inexistante de 600 000 000 $. On additionne la marge de manoeuvre inexistante que proposait le premier ministre pendant la campagne électorale et l'impasse financière. Savez-vous ce que cela donne, M. le Président? Cela donne le trou que le premier ministre essaie de décrire, alors qu'il oublie, notamment, que le 28 novembre 1985 il avait promis publiquement, solennellement, avec son coeur, profondément convaincu, et de la hauteur de toute la fonction à laquelle il aspirait tant, que jamais il n'invoquerait l'état des finances publiques pour revenir sur ses promesses. Comme cela était convaincant le 28 novembre 1985, mais comme cela est désolant aujourd'hui!

Voici un gouvernement, je le disais tout à l'heure, qui n'est pas très fort en droit. Quand on voit un Solliciteur général qui, au gré de ses entrevues ou des questions qui lui sont posées en commission parlementaire, déclare des choses qui remettent en cause, au moins en apparence, sa connaissance du droit, quand on a un ministre de la Justice qui fait une politique gouvernementale officielle de ne pas appliquer la loi en matière linguistique, quand on a une ministre chargée de l'application de la loi 101 qui dépose, aujourd'hui, 17 projets d'amendement

à un projet de loi de 34 articles, ce n'est pas du monde fort en droit qu'on a en face de nous.

Quant au premier ministre, au sujet de ses promesses, il plaidera sans doute l'état des finances publiques. Je lui dirai ceci: II ignore, lui aussi, un principe fondamental de notre droit qui s'applique à son incapacité de répondre à ses engagements et à ses promesses à l'égard des jeunes, à l'égard de la création d'emplois au Québec, à l'égard de la qualité de nos services, à l'égard de la réponse aux besoins des personnes qui sont les besoins les plus criants dans une société. Il y a un principe de droit qu'il devrait pourtant connaître, lui qui a également fait du droit: Nul ne peut invoquer sa propre turpitude. Merci, M. le Président.

Le Président: Je remercie le chef de l'Opposition. Sur la même motion de blâme, je vais maintenant reconnaître M. le premier ministre.

M. le premier ministre, vous avez la parole.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, en écoutant le chef de l'Opposition, je me rappelais une remarque que m'avait faite le premier ministre de Grèce, en 1975, M. Karamanlis, alors que nous discutions du système parlementaire dans lequel nous devons travailler. Il m'avait dit, quand on parlait des responsabilités à la fois du pouvoir et de l'Opposition, que le problème dans notre système politique, c'est que si l'Opposition n'était pas démagogue elle serait obligée de dire qu'elle est d'accord avec le gouvernement.

En écoutant le chef de l'Opposition...

M. Johnson (Anjou): Ce n'était pas l'époque des colonels?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: M. le Président, je demanderais au chef de l'Opposition de respecter le premier ministre, M. Karamanlis. Je pense qu'il tombe très mal en l'associant au régime des colonels alors que lui-même, durant plusieurs décennies...

M. Johnson (Anjou): Question de règlement, M. le Président.

Une voix: Je comprends donc!

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

À l'ordre, s'il vous plaît!

S'il y a des propos, M. le chef de l'Opposition, que vous voulez rétablir à la fin de l'intervention du premier ministre, vous pourrez, en vertu de l'article 212, demander d'intervenir à la fin et, également, si vous voulez poser une question au premier ministre à la fin de son intervention, vous pourrez le faire en vertu de l'article 213.

M. Johnson (Anjou): ...

Le Président: Si vous me le permettez, je pense que le chef de l'Opposition a eu toute la latitude pour s'adresser à cette Assemblée et son droit a été très bien respecté. J'aimerais pouvoir entendre également le premier ministre. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je respecte votre décision mais je peux vous dire que, de mon côté, si le chef de l'Opposition trouve matière à poser une question, avec le consentement... D'accord, parfait, je ne crains pas les questions du chef de l'Opposition. Ce que je voudrais lui dire, c'est qu'il devrait s'excuser auprès de M. Karamanlis. S'il y a un homme politique en Grèce qui a combattu durant des décennies pour le retour à la démocratie dans ce pays, c'est bien lui. (15 h 30)

Je me demande, en écoutant le chef de l'Opposition, s'il est très proche de la réalité politique québécoise. Il semble bien qu'à l'écouter durant au-delà de vingt minutes, il a très peu trouvé, dans l'action du gouvernement depuis un an, des raisons, une attitude ou des gestes positifs.

Je dis qu'il est loin de la réalité politique, parce qu'on doit quand même constater que l'ensemble des études scientifiques qui sont faites ou les sondages révèlent encore une très nette majorité de la population qui appuie le gouvernement du Québec. Plus que cela - je ne le dis pas pour causer du déplaisir au chef de l'Opposition - je lisais dans un journal, alors que M. Samson, journaliste, approfondissait l'étude d'un sondage publié, que près de 40 % des gens de son parti sont satisfaits du gouvernement libéral. Ce ne sont pas des chiffres qui sont de nature à apaiser les inquiétudes du chef de l'Opposition sur son leadership.

Je voudrais, M. le Président, très brièvement répondre aux propos du chef de l'Opposition sur la question linguistique. Je dis "très brièvement", parce que la ministre responsable de l'application de la loi 101 doit également prononcer un discours, durant ce débat, sur cette question. Je voudrais quand même, encore une fois, parce que j'ai les textes devant moi... Quand le chef de l'Opposition continue de dire que le gouvernement actuel veut bilinguiser le Québec, je ne crois pas qu'il contribue, comme il devrait le faire comme chef de l'Opposition, à l'harmonie sociale qu'on doit

rechercher, qu'on soit dans l'Opposition ou au pouvoir.

Le chef de l'Opposition se souvient du discours qu'il a prononcé devant Alliance Québec le 1er juin, alors qu'il mentionnait en anglais, parce que tout son discours, malheureusement - je vais le citer en anglais - était en anglais, il n'y avait aucune version française de son texte... Tout son discours avait été prononcé en anglais, pas une seule phrase en français. Il était à ce moment-là dans une phase intensive de son double langage, au début de juin, quelques jours avant la démission forcée de son chef. Je dirais qu'à ce moment-là le chef de l'Opposition mentionnait "by law", comme quoi on devait avoir une loi, "by law", on devait avoir une loi qui se trouverait à inscrire - le chef de l'Opposition l'a admis lui-même - les droits de la minorité anglophone à des services sociaux de santé et des services sociaux.

Donc, c'est lui-même, quelques mois avant l'élection, au mois de juin 1985, qui demandait, qui s'engageait, qui affirmait solennellement qu'on devait avoir une loi telle que nous la proposons, dans le projet de loi 142, qu'on devait avoir une loi donnant ce droit à la minorité anglophone, une loi, à toutes fins utiles, humanitaire. Et son geste, évidemment, avait été fortement apprécié. Je vois une déclaration de M. Michael Goldbloom, président d'Alliance Québec, qui qualifie d'historique, presque les larmes aux yeux, l'offre de Johnson de négocier entre Québécois. M. Michael Goldbloom. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition se souvient de ses déclarations.

Je pourrais citer également une déclaration de M. René Lévesque, le 17 mai 1985, qui mentionnait également que le gouvernement du Québec était prêt à s'engager à inscrire dans ses lois fondamentales le droit de la minorité anglophone de recevoir dans sa langue les soins de santé et les services sociaux, ainsi que son droit à ses propres institutions culturelles et éducatives. Voilà un point sur lequel le chef de l'Opposition était d'accord avec son ancien chef. Je voudrais le rappeler à la mémoire du chef de l'Opposition; cela pourra, je l'espère, contribuer à donner une allure plus positive aux débats sur le projet de loi 142.

M. le Président, je n'accepte pas les reproches du chef de l'Opposition sur la non-observance de la loi 101. J'ai eu l'occasion de lui mentionner à plusieurs reprises toutes les poursuites qui ont été prises pour faire observer la loi. J'ai eu l'occasion de rappeler au chef de l'Opposition qu'il était ministre de la Justice, qu'il a fait prescrire des causes, qu'il a accepté systématiquement des reports, avant même que le jugement Boudreault ne soit connu. Je voudrais quand même dire au chef de l'Opposition qu'il est peut-être le plus mal placé en cette Chambre pour donner des leçons au Procureur général.

Le chef de l'Opposition a probablement pris connaissance d'un article hier sur les poursuites qui ont été prises par le Procureur général. On a entamé des procédures le 12 septembre dernier, alors que le Procureur général a pris des poursuites contre un restaurant de la rue Sainte-Catherine Ouest qui annonçait ses produits dans des termes jugés anglophones: "smoked meat". Le restaurant a été poursuivi, on a vu cela hier. On dit même dans l'article que le député de Mercier fréquente régulièrement ce restaurant et que lui-même demande également du "smoked meat".

M. le Président, je crois qu'avec des exemples comme ceux-là, qui ont été rendus publics hier... Qu'est-ce que le chef de l'Opposition demande de plus? On poursuit quand même des établissements et on leur demande d'annoncer "boeuf mariné" au lieu de "smoked meat". Cela a été fait par le présent gouvernement.

M. le Président, j'aime mieux donner des faits concrets que de m'en tenir à des généralités, comme le font souvent nos amis d'en face. Je veux simplement donner un exemple concret très très récent dont on a pris connaissance hier dans le cas de l'application de la loi. Ce n'est pas ridicule. Est-ce que le chef de l'Opposition n'accepte pas que le Procureur général aille à ce point pour faire respecter la loi 101, le caractère français du Québec? Il me semble qu'il y a un exemple très concret qui devrait convaincre le chef de l'Opposition s'il était objectif.

Donc, je disais tantôt que la ministre responsable va parler de cette question-là. J'ai l'intention plutôt de parler de questions économiques cet après-midi pour répondre aux propos du chef de l'Opposition sur le bilan économique après la première année. Je ne suis évidemment pas d'accord avec le chef de l'Opposition qui dit qu'absolument rien n'a été fait. Nous avons cette année une croissance réelle plus élevée que celle qui avait été prévue, 3,4 %, plus élevée que celle du Canada qui est prévue pour être 3,2 %, plus élevée que celle des grands pays d'Europe dont la moyenne est de 2,9 %, plus élevée que celle des États-Unis qui est prévue pour être 2,6 %. Je pense que 3,4 % est une performance très acceptable qui a permis également 56 600 mises en chantier de logements pour 1986 par rapport à 48 700 pour 1985. Ce sont des résultats qui parlent par eux-mêmes.

On peut mentionner, je le fais brièvement parce que j'en ai parlé à plusieurs reprises, les hausses des investissements beaucoup plus élevées que prévu. C'était prévu à 3,6 % au mois de janvier, c'est rendu à 7,4 %. Je pourrais donner toute une

autre série de faits. Le nombre très élevé d'émissions de REA, les hommages qui ont été rendus à l'administration du Québec par des journaux très réputés ou des revues comme le New York Times et Time Magazine qui disait qu'il y avait un nouvel esprit, un nouveau dynamisme au Québec.

Et cette confiance beaucoup plus forte dans l'avenir économique du Québec, on la constate également par 63 000 nouveaux emplois. Je ne vois pas comment le chef de l'Opposition peut conclure au fait qu'il n'y a pas d'emplois nouveaux au Québec. Il est probablement la seule personne à pouvoir soutenir une telle affirmation. Tout le monde prévoit de 60 000 à 65 000 nouveaux emplois au Québec en 1986. Comment peut-il prendre le risque d'affecter autant sa crédibilité économique qui n'était pas déjà tellement forte, en soutenant aujourd'hui qu'aucun emploi ne sera créé au Québec en 1986, alors que tout le monde reconnaît qu'il y en aura 63 000 ou un minimum de 60 000, calculé sur onze mois? (15 h 40)

Si on veut discuter maintenant, dans le cas de la situation économique, du chômage des jeunes, je dis au chef de l'Opposition, à l'ancien premier ministre qui a mentionné les gestes qu'il avait posés concernant la Société d'investissement jeunesse, que là aussi nous avons fait preuve de beaucoup de détermination. Beaucoup de gestes ont été posés, et j'y reviendrai jeudi ou vendredi à l'occasion du débat sur le projet de loi. On peut mentionner la hausse du salaire minimum qui favorise les jeunes d'une façon toute spéciale. On peut mentionner le gel des frais de scolarité. Il reste quand même que nous avons des frais de scolarité qui sont les plus bas en Amérique du Nord et que, malgré cela, nous avons maintenu le gel des frais de scolarité. On peut mentionner les subventions accrues aux jeunes agriculteurs, les bourses qui ont été accordées pour les étudiants des régions éloignées. Nous avons deux projets de loi: le Conseil permanent de la jeunesse et la Société d'investissement jeunesse. Je pense qu'on peut dire, M. le Président, quand on regarde l'ensemble de ces mesures, qu'on a plus fait pour les jeunes du Québec depuis un an que vous avez fait durant neuf ans de pouvoir, de 1976 à 1985.

M. le Président, le chef de l'Opposition a voulu traiter - je dois constater son courage - de la question des finances publiques. Il s'est référé au débat que nous avons eu l'année dernière. Si le chef de l'Opposition veut simplement refléter la réalité, il sait fort bien que tout le débat de l'année dernière durant la campagne électorale - j'y reviens, parce qu'il a quand même mentionné ce fait - portait sur une marge de manoeuvre, soit de 150 000 000 $, qui équivalait à ses promesses, ou de 400 000 000 $, qui équivalait aux promesses du Parti libéral. Nous avions pris, d'une façon définitive et ferme, pour 400 000 000 $ de promesses dont la plupart ont été remplies.

Des voix: Ha! Ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bourassa: Oui, M. le Président. On pourra mentionner à l'Opposition tantôt les réductions d'impôt. Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que nous n'avons pas trouvé un écart de 400 000 000 $, nous avons trouvé un écart de 1 700 000 000 $. Si nous avions trouvé un écart de 400 000 000 $, je crois que la situation aurait été relativement facile. Dans les états financiers qui ont été rendus publics au mois de novembre, on ne mentionnait pas un déficit prévisible de 4 700 000 000 $. Ce n'est pas le déficit dont on parlait. On parlait d'un déficit d'environ 3 000 000 000 $ pour 1986-1987 d'où le manque à gagner, d'où le trou de 1 700 000 000 $. Il faut quand même dire que nous avons à faire face à ce déficit qui a fait doubler le service de la dette. Alors que nous avions un service de la dette, il y a dix ans, d'environ 7,7 %, il est maintenant de 15,7 %. C'est la situation financière que nous avons retrouvée, 15,7 % que nous sommes obligés d'affecter dans notre budget au service de la dette à cause de l'administration de ces tristes sires durant environ neuf ans.

Il nous faut également tenir compte qu'il y a eu des baisses dans les paiements de péréquation. On les connaît, je l'ai mentionné. Évidemment, l'Opposition a décidé, pour des raisons qui demeurent obscures, de ne pas soulever cette question, de ne pas appuyer le gouvernement pour réclamer ses droits dans les paiements de péréquation. Un silence total, absolu de la part du Parti québécois sur des demandes très légitimes du gouvernement du Québec de récupérer son butin auprès du gouvernement fédéral. J'espère qu'il n'y a pas des connivences de caisses électorales qui pourraient expliquer ce silence de l'Opposition, M. le Président.

Ce que je dis, c'est que nous avons trouvé une situation financière extrêmement difficile et que nous avons décidé en même temps d'éliminer les dépenses superflues. Pas question pour nous de gaspiller des millions et des millions de dollars à la télévision pour dire: On se donne des forces, alors qu'on s'affaiblissait, alors qu'on coupait le budget de l'Office des personnes handicapées de 1 000 000 $, de 17 %. À ce moment-là, le gouvernement du Parti québécois gaspillait des millions et des millions de dollars à la télévision pour exprimer sa vanité, alors qu'il

coupait 147 000 000 $ dans les hôpitaux. Quelle était l'administration du secteur hospitalier? Je vois le leader de l'Opposition qui était ministre des Affaires sociales. Quelle était sa solution aux problèmes hospitaliers?

Je me souviens de sa déclaration qui avait suscité un immense éclat de rire au Québec: On va remplacer les directeurs généraux des hôpitaux par des personnes en chômage. C'était là sa solution pour faire face aux problèmes dans les hôpitaux. De notre côté, M. le Président, on a présenté des budgets, on a augmenté pour près de 1 000 000 000 $ parce que nous considérons que les soins de la santé sont des soins essentiels.

Dans le domaine économique, nous avons réorienté la Société générale de financement. Nous la gardons comme un instrument de développement économique. On le voit dans le cas de Marine Industrie, on le voit dans le cas de Pétromont, on le voit dans d'autres projets d'usines dont on a pris connaissance ces jours récents, notamment dans l'est de Montréal. On s'aperçoit qu'on veut garder le rôle économique à la Société générale de financement. Parfois, il nous faut évidemment trouver des fonds. Demain, il nous faudra, à la suite de cet exemple par excellence de déprivatisation dommageable pour le Québec, l'amiante - voilà une déprivatisation très dommageable pour le Québec - rembourser comptant 170 000 000 $ à cause des gestes de l'ancien gouvernement.

Donc, M. le Président, nous n'avons pas l'intention de démolir l'État. Au contraire, nous voulons, par exemple, dans le cas de Dofor, permettre à la société québécoise de faire un gain collectif. Pas question de vendre Dofor pour payer l'épicerie. Est-ce que je devrai encore expliquer au chef de l'Opposition que les profits vont être inscrits comme gains de capital, comme profits budgétaires et que le gain qui sera fait pour le gouvernement du Québec aura pour but de réduire les besoins financiers, de réduire la dette du Québec? Donc, je crois que le chef de l'Opposition devrait comprendre qu'il n'est pas question dans ce cas de prendre cet argent, étant donné que, dans notre cas, on a mis fin à cette pratique d'emprunter à long terme pour financer des dépenses courantes; 4 622 000 000 $ ont été empruntés à long terme pour financer des dépenses courantes. Non seulement on met fin à cette pratique qui a existé durant neuf ans avec l'ancien gouvernement, mais on va utiliser les gains de capital que nous pouvons faire dans ces entreprises pour réduire la dette, de manière à réduire un peu le service de la dette et à diminuer le fardeau pour les jeunes d'aujourd'hui des remboursements qu'ils devront faire dans une génération.

En plus, M. le Président, alors que Dofor n'a donné que 5 000 000 $ de revenus à la Société générale de financement, on souhaite pouvoir permettre à la Société générale de financement de récolter 100 000 000 $ qui lui permettront de continuer son rôle de développement économique.

Je pourrais répondre sur tous les aspects des critiques du chef de l'Opposition. Je pense que j'ai mentionné certains faits tantôt sur le développement régional. Le chef de l'Opposition rigolait un peu sur les engagements du gouvernement. On s'est engagé à réduire l'impôt sur le revenu. On l'a fait. Dans le cas de l'essence, étant donné qu'on parle de développement régional, on a posé une première étape. On a réduit la surtaxe sur l'essence dans les régions périphériques. Je crois que c'est un fait bien concret. Dans le cas des primes d'assurances, on a éliminé la taxe de vente de 9 % sur les primes d'assurances dans le secteur de la santé, de la maladie ou des accidents. Je me souviens que le chef de l'Opposition trouvait que cette mesure ne créait pas d'emplois mais cette mesure se trouve à améliorer la justice sociale dans notre société.

Quant aux investissements à venir, j'ai déjà eu l'occasion de mentionner Norsk Hydro. Il y a Matane. Il y a la question des investissements pour la région de Montréal. On sait qu'au début de la semaine dernière, le maire de Montréal, M. Doré et moi-même avions exprimé notre accord pour permettre et encourager le gouvernement fédéral à faire adopter sa législation sur les brevets, parce qu'on sait que l'adoption de cette législation va permettre, dans le domaine de la recherche, d'augmenter substantiellement les investissements au Canada et, notamment, au Québec. Le maire de Montréal est d'accord avec le gouvernement du Québec pour donner son accord à ce projet de loi. (15 h 50)

II y a toute la question de la haute technologie, il y a la question du développement nordique du Québec, notamment la phase 2 de la Baie James. On doit constater que l'accueil qui est fait aux possibilités québécoises demeure très positif et très encourageant. Tout cela, M. le Président, dans un climat de stabilité politique. Je crois qu'il est important de le mentionner parce que le chef de l'Opposition n'en a pas parlé, et pour cause. Parce qu'avec les propositions de son parti pour ce qui a trait à la stabilité politique, sa proposition d'un haut conseil de la république - voilà qui va contribuer à la stabilité politique du Québec, un haut conseil de la république au Québec -avec ses variations vis-à-vis de l'avenir constitutionnel du Québec, que ce soit le "beau risque" ou que ce soit, par exemple, au mois de septembre, son affirmation

comme quoi la souveraineté n'est plus nécessaire au développement du Québec, alors qu'il a voté pour une résolution en sens contraire, il y a deux semaines, avec toutes ces contradictions et ces variations, il n'est pas étonnant que le chef de l'Opposition ait décidé de ne pas parler de stabilité politique. Nous, nous en parlons, parce que notre position est claire et précise et qu'elle va contribuer à augmenter la confiance dans l'avenir québécois. Donc d'un côté, M. le Président, nous avons ce réalisme, ce dynamisme, cette stabilité avec le gouvernement du Parti libéral. De l'autre, nous avons cette duplicité, ce cynisme et cette hypocrisie. Voilà pourquoi la population garde encore la plus grande confiance dans le gouvernement actuel, et voilà pourquoi nous allons continuer de travailler avec la plus grande détermination au bien collectif de tous les Québécois.

Le Président: S'il vous plaît! Je remercie le premier ministre. Sur la même motion de blâme présentée par le chef de l'Opposition, je vais maintenant reconnaître le leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, parlant d'hypocrisie, c'est à peu près la première fois que je vois un homme sans sourire présenter autant de faussetés en l'espace de 25 minutes, et ce, sans rire et en essayant de faire croire à la population que tout ce qu'il émet ce sont des vérités.

Nous allons nous en parler quelque peu, parce que je me souviendrai toujours de la vice-première ministre qui, dans son discours inaugural - parce que son chef avait manqué le bateau dans Bertrand et qu'il devait se présenter un peu plus tard dans Saint-Laurent - qui disait en cette Chambre: "D'ici 1990, le gouvernement va créer 400 000 emplois avec toute l'énergie..." Elle ressemblait un peu à son chef quand elle énonçait ce principe, cette volonté politique de créer des emplois. "Nous allons mettre tout en oeuvre pour créer des emplois pour les jeunes." Cela fait un an, et on disait cela avant les élections.

Depuis lors, quel est le résultat? Après, c'est 20 000 emplois de moins que la dernière année du gouvernement précédent. C'est 60 000 emplois au maximum que créera ce gouvernement cette année, alors qu'au dire du premier ministre, il y a une reprise économique. C'est effrayant comme le climat est bon. Au lieu de 82 000 emplois comme le gouvernement du Parti québécois a créés, il s'en tirera en fin de décembre avec à peine 60 000 et il va être chanceux si c'est 60 000 . Et il trouve le moyen de se vanter. Si cela n'est pas de l'hypocrisie, mon père dirait tout au moins que c'est un visage à deux faces. Cela est clair.

M. le Président, avant les élections, que disait-il? "Nous allons tout mettre en oeuvre, nous allons injecter dans l'économie, nous allons faire en sorte qu'il y ait un regain de vie économique au Québec." Qu'ont-ils fait après les élections? Ils ont coupé dans les programmes de la SDI. Au lieu de 1100 entreprises québécoises qui seront soutenues, ce sera 400 annoncées par le ministre de l'Industrie et du Commerce. Qu'ont-ils fait au Fonds de développement régional qui aidait nos petites et moyennes entreprises dans nos régions à sauver des emplois, à en créer? Ils ont coupé 13 500 000 $ au Fonds de développement régional. M. le Président, avant ce n'est pas pareil comme après pour eux autres. On appelle cela quoi? De l'hypocrisie pure et simple.

On a dit également: II faut absolument injecter dans le réseau routier. Mme la vice-première ministre appuyait là-dessus parce que c'était générateur d'emplois que d'injecter des sommes d'argent dans la construction et dans la réfection de nos routes. 2 000 000 000 $ de promesses électorales de leur côté. Qu'ont-ils fait après l'élection? Coupures de 73 000 000 $ dans le domaine de la construction et de la réfection de notre réseau routier. Ce qui veut dire quoi? Une perte de 6500 emplois, parce que le rapport Middlemiss nous dit qu'à chaque 80 000 000 $, c'est au moins 7000 emplois qu'on crée.

M. le Président, à partir de leurs propres chiffres, on leur démontre que leurs engagements antérieurs aux élections par rapport aux coupures réelles faites après les élections c'est encore une fois de l'hypocrisie, du double langage. On a promis d'améliorer le réseau routier. On a promis de construire des routes pour 2 000 000 000 $. On trouve le moyen dès la première année de couper 73 000 000 $ et de faire perdre des emplois ainsi à au moins 6500 Québécois qui auraient pu travailler. Cela, c'est dans nos régions, c'est dans les milieux ruraux, semi-ruraux, semi-urbains que travaillent ces gens. Ce gouvernement les avait fait rêver avant; voici les résultats après: hypocrisie, M. le Président.

Qu'est-ce qu'on avait dit à Saint-Hilaire dans la région du comté de Verchères? On avait dit: Soyez sans crainte. C'est le premier ministre lui-même qui avait dit: II y aura au moins une commission parlementaire avant qu'on procède à une vente quelconque de la raffinerie. Cela c'était avant les élections. C'était écrit noir sur blanc. Après les élections, on vend la raffinerie sans commission parlementaire, sans même rendre public le contrat de vente parce qu'on a peur qu'on découvre les vrais dessous de la vente. On appelle cela comment, M. le Président? On appelle cela de l'hypocrisie.

Je vais continuer. On avait dit également qu'il nous fallait absolument se dégager une marge de manoeuvre de 600 000 000 $. Le chef du gouvernement ridiculisait le chef de l'Opposition quand celui-ci lui disait: Vous n'aurez pas vos 600 000 000 $. Voyons! Cela n'existe- pas. Il a dit: Cela existe, il n'y a pas de problème. Plus que cela, le 29 novembre, que disait le premier ministre aux journalistes qui lui disaient: M. le premier ministre, lorsque vous allez être élu le 2 décembre, allez-vous invoquer le fait que c'est l'administration précédente qui est responsable? Non, non, je prends l'engagement solennel devant tous les Québécois de ne pas invoquer le fait que c'est l'administration précédente. Je sais qu'il existe une marge de manoeuvre et je n'invoquerai pas cela, M. le Président. Il n'y a pas une cassette, il n'y a pas une fois qu'il ne se lève en Chambre avec ses 26 ou 27 tourtereaux pour nous servir la perpétuelle cassette: C'est la faute de l'ancien gouvernement.

M. le Président, c'est cela qui l'a forcé d'ailleurs... Il se connaît lui-même, parce qu'il a pris l'engagement, durant la campagne électorale, quand il a vu que les journalistes étaient sceptiques vis-à-vis ces ballounes qu'il gonflait un peu partout, il a dit: Je prends l'engagement de respecter mes engagements. Imaginez-vous, M. le Président! Quelle colonne vertébrale? Quel homme public fort? Quel chef d'État avons-nous? Quelle parole a-t-il? Hypocrisiel Tartuferie!

Je continue. Qu'est-ce qu'il avait fait? Il avait pris l'engagement, comme je le disais tantôt, de ne pas invoquer... Et tous ses ministres, même ce matin, même en son absence, ils ont réussi à apprendre la cassette: II n'y en a pas un qui ne se lève sans dire que c'est la faute de l'ancien gouvernement. Vous devez avoir hâte de commencer à conduire le Québec. Vous devez avoir le courage de prendre vos décisions et de les assumer pleinement. Il me semble qu'après un an, vous pourriez changer votre cassette, parce que l'aiguille commence à être éméchée un tant soit peu.

M. le Président, le chef du gouvernement et ses ministres se promenaient dans tout le Québec et disaient: Nous allons améliorer les services. Nous allons baisser les impôts, baisser le déficit et améliorer les services. C'est pour cela que le premier ministre voyait des marges de manoeuvre partout. Il promettait tout. Donc, M. le Président, qu'ont-ils fait? Il vient de se lever il y a à peine quelques minutes pour dire: Nous avons injecté près de 1 000 000 000 $ dans la santé et les services sociaux. Vous n'auriez pas pu injecter un peu moins et ne pas couper les soins dentaires? Au lieu de vous vanter d'avoir injecté 873 000 000 $ dans le domaine de la santé et des services sociaux, vous n'auriez pas pu injecter seule- ment 865 000 000 $ et ne pas couper les soins dentaires aux jeunes, dans la santé des dents de nos enfants? Mais non. Où est-ce qu'ils les ont injectés? Ils ne peuvent pas le dire. Où est-ce qu'ils ont déposé ou injecté des sommes d'argent? On ne comprend plus rien. Parce que quand on fait le tour de chacune de nos régions... On constate des compressions de 1 500 000 $ à l'hôpital régional de Joliette, 350 000 $ au centre d'accueil voisin, 60 000 $ dans l'autre. Ils ont coupé 21 postes dont 3 aux soins intensifs à l'hôpital régional de Joliette. Et, ils ont injecté 873 000 000 $? Mais où? Où, M. le Président? Hypocrisie! On cherche! Qu'est-ce qu'il cache? Quelqu'un cache, quelqu'un est hypocrite; sinon, il rend tout public. (16 heures)

Donc, M. le Président, discours avant et réalité après. Ils ont coupé le lait dans les écoles et, grâce aux fédérations des producteurs de lait, on a réussi à le maintenir, mais pas grâce à eux autres. Ils ont injecté dans les services. Ils coupent le lait aux enfants. Je pourrais continuer d'en énumérer une série. Ils ont dit, pour les services en régions: Les régions du Québec seront traitées correctement. Un ministre qui vient de la ville pour traiter des régions. Ponction dans le Fonds de développement régional, abolition des services de Radio-Québec, services aux initiatives jeunesse coupés. Qu'ont-ils dit des médias communautaires? Le ministre se lève et dit: Peut-être. Je vais me battre et je verrai. Cela fait des "mosus" d'engagements pour soutenir nos régions. Discours d'avant, M. le Président, réalité d'après. On appelle cela de l'hypocrisie, de l'hypocrisie pure et simple.

La parité de l'aide sociale, je vois le premier ministre payer des autobus pour amener des jeunes au centre Paul-Sauvé, 5000 jeunes pour se faire acclamer! Je demande au jeune: Qu'est-ce que tu fais là? Il me dit: Je ne le sais pas, ils ont payé mon passage. Ils sont venus applaudir un chef qui leur promettait la parité de l'aide sociale. Que se passe-t-il après? Après, le ministre du Travail et ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a fait un travail tout croche, le premier ministre l'a renvoyé sur le banc: Va refaire tes travaux!

On ne sait plus si c'est en 1988 ou en 1989 qu'il y aura une parité. On ne sait pas quel type de parité, mais, là, c'est clair que c'est reculé. Le rapport Forget leur sert d'échappatoire pour le moment, mais voici la réalité: Avant, ils disaient aux jeunes: Votez pour nous autres. Parité, sans autre promesse. Quelle est la réalité d'après? Rien! Hypocrisie, M. le Président! Mensonge vis-à-vis de la jeunesse québécoise. On a illusionné les jeunes Québécois. On a même désindexé les assistés sociaux aux trois mois, comme

cela était, pour faire une seule indexation annuelle. Cela profite à qui? Sûrement pas aux assistés sociaux. On a trouvé bon de faire une chose: leur lancer les "Boubou macoutes" après. C'est cela la réalisation de la campagne électorale par rapport aux engagements du premier ministre, M. le Président.

Amélioration des prêts et bourses. Cela faisait partie intégrante du discours inaugural de Mme la ministre: Nous allons améliorer les prêts et bourses. Vous savez tout le dynamisme qu'on lui connaît, ce cher premier ministre. Il a coupé 24 000 000 $ et il leur en avait promis 25 000 000 $. Promesse avant, réalité après! Il est non seulement à 25 000 000 $ de sa promesse., il est à 49 000 000 $ maintenant de l'engagement qu'il a pris. C'est effrayantl Comment appelle-t-on cela? Promettre avant et faire autre chose après, dans le sens inverse? Hypocrisie. Il faut le dire, il faut appeler les choses par leur nom.

Dans les salles d'urgence la semaine dernière, on a dit qu'on avait passé des jours épouvantables à Maisonneuve-Rosemont, ce qu'on avait jamais vu. Ce n'est pas grave, cela va bien! Ils ont injecté 873 000 000 $ et ils ne coupent nulle part. Cela va bien, cela empire partout!

M. le Président, prenons les handicapés, la priorité des priorités que disait le premier ministre. C'est une question de bon sens et de civilisation, disait-il. Il faut qu'un gouvernement se respecte vis-à-vis d'eux. On se promène un peu partout, dans tous les bureaux de comté pour entendre: On ne peut pas rien faire! Le président du Conseil du trésor a coupé. Ce n'est pas cela qu'on leur disait avant, on disait: Priorité des priorités. Pourquoi les handicapés se promènent-ils? Je suppose que c'est toute une "gang" de personnes qui ne comprennent rien. Elles viennent toutes nous voir, chacun dans nos comtés, pour dire que le gouvernement a bien fait, qu'il a réalisé la priorité des priorités? Hypocrisie, M. le Président! Trompe-l'oeil vis-à-vis de ces gens handicapés de notre société!

M. le Président, je pourrais parler de l'amélioration des services. Ils ont sans doute amélioré les services au Québec en coupant les cliniques de MTS à Lévis, en gelant toutes les subventions aux maisons de jeunes; c'est sans doute une amélioration des services! Les groupes de femmes qui avaient une politique de financement ont subi ces mêmes gels. On ne tient même pas compte du taux d'occupation. Dans notre région, il y a une seule maison de femmes, un seul centre d'accueil pour femmes, et il n'a absolument rien, M. le Président!

Je continuerais en parlant des taxes. Ils n'ont aucunement augmenté les taxes, bien non! Les 9 % sur l'huile à chauffage, ce n'est pas une taxe, cela! L'augmentation de 81 % sur les plaques d'immatriculation et sur le permis de conduire, ce n'est pas une taxe, cela! Bien non! Ces gens-là n'ont pas augmenté les taxes! Ils ont fait 10 $ de cadeau aux bas salariés de 20 000 $ et moins et 875 $ aux gros. Ils ont amélioré le sort des Québécois, M. le Président: 10 $ pour un salarié de 20 000 $ et moins, en le surtaxant de 9 % pour l'huile à chauffage, en surtaxant le permis de conduire, en surtaxant l'immatriculation, mais en s'assurant, par exemple, que l'essence va rapporter tout autant en la gelant au plafond, au point le plus élevé, même si cela baisse ailleurs. C'est cela qu'a fait ce gouvernement. Hypocrisie!

Dans la défense du fait français, on a été obligé d'arrêter le ministre de l'Éducation qui s'apprêtait à amnistier la province au complet, une certaine nuit. Les amendements - une loi très bien préparée par Mme la ministre! - 14 amendements déposés, ce matin: affaiblissement des structures. Et on va arriver aux services tout à l'heure. Cela va bien à part cela. Ils ont voulu améliorer le climat de travail. Tout va bien au Québec! Quand les jeunes ont débrayé dans les universités, c'était vraiment pour rien. C'était pour faire respecter leur engagement. Voyons! Faut-il être absent de ce monde!

Les employés de la construction qui déambulaient la semaine dernière devant le parlement, c'est parce que les relations du travail sont bonnes au Québec. Voyons! Les grèves, ce matin, dans les hôpitaux, c'est parce que cela va bien! C'est excellent comme climat de relations du travail. Le soutien scolaire qui est en grève toute la journée demain. Cela va très bien! Voyons! lis se sont targués d'améliorer les relations du travail.

En Chambre, qu'est-ce qu'on fait durant ce temps? Voici ce que disait la vice-première ministre: "...et l'Assemblée nationale va également changer. Elle sera beaucoup plus rigoureuse et innovatrice dans l'exercice de ses fonctions - c'est Mme la vice-première ministre qui parle, au mois de décembre dernier, il y a un an - il y aura moins de lois; il y aura, par contre, plus de temps consacré pour contrôler l'administration publique." C'est elle qui disait cela.

Ce gouvernement a placé le leader du gouvernement, qui admettait à La Presse samedi dernier qu'il y avait eu un trou législatif, qu'il y avait des problèmes, dans une situation où il a même de la difficulté à programmer son menu de fin de session. Il se demande comment il va réussir à passer tout cet amalgame de lois de dernière minute: les projets de loi 140, 142, soi-disant de gros projets de loi. Nous allons innover, nous allons étudier d'une façon correcte, le législatif pourra mieux contrôler l'exécutif.

Ils attendent à la dernière minute pour nous présenter des projets de loi importants pour l'avenir du Québec. On pense nous passer le bulldozer, on s'imagine qu'on va faire notre travail à la sauvette. Nous allons faire notre travail comme il le faut. J'ai voulu durant quelques minutes vous démontrer ce qu'était le vrai visage de l'hypocrisie. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je remercie le leader de l'Opposition. Avant de céder la parole à Mme la vice-première ministre, je voudrais simplement faire une mise au point. C'est par inadvertance et inattention de ma part si je ne suis pas intervenu, M. le leader de l'Opposition, au tout début de votre intervention, lorsque vous avez fait dire des faussetés à la dernière intervention qui s'adressait directement à un membre de cette Assemblée. Je n'ai pas l'intention de vous demander de retirer vos paroles mais, pour ne pas que votre intervention serve d'antécédent et de précédent, je rappelle simplement aux membres de cette Assemblée que faire dire des faussetés à quelqu'un de cette Assemblée a été retenu trois fois comme non parlementaire en vertu des articles 35.6 et 35.7. Au tout début de votre intervention, le qualificatif que vous aviez employé, c'est faire dire des faussetés au dernier discours qui s'adressait directement au premier ministre. Je ne suis pas intervenu, parce que j'étais à prendre des notes. On me l'a fait remarquer et je voulais faire cette mise au point. Si j'avais eu connaissance de ces mots, M. le leader de l'Opposition, j'aurais demandé immédiatement que vous les retiriez.

Je vais reconnaître sur la même motion Mme la vice-première ministre.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: M. le Président, on me permettra de resituer le contexte dans lequel s'inscrit le débat d'aujourd'hui. Je n'ai pas l'intention de tomber dans le même genre de démagogie que le leader de l'Opposition. Il s'agit, pour l'Opposition, de reprocher au présent gouvernement d'avoir tenté d'apporter un éclairage nouveau dans le dossier à la lumière de l'évolution des mentalités, de l'évolution aussi des attitudes tant collectives qu'individuelles. On se souviendra que le mandat du gouvernement qui nous a précédés s'est principalement caractérisé par ce climat d'insécurité, par ce climat d'incertitude qu'il a réussi à créer dans tous les dossiers importants qu'il a menés. Mais, avant tout, cette incertitude engendrée par les actions, les orientations du gouvernement du Parti québécois était d'abord d'ordre politique. À maintes reprises, j'ai indiqué que le présent gouvernement n'avait pas de leçon à recevoir, du simple fait que son identité, ses options politiques, ses orientations ne remettaient nullement en cause le bien-être de la société québécoise. (16 h 10)

Par exemple, dans le secteur culturel que je connais bien, j'ai constaté, au cours de ma tournée des régions, combien l'ancien gouvernement a carrément négligé de se préoccuper du développement des artistes et créateurs qui vivent en dehors des grands centres urbains, car ce gouvernement était d'abord préoccupé de sa bonne visibilité nationale, de sa visibilité d'État souverain, de sa visibilité de grand rêve, et il est demeuré sourd aux besoins réels des citoyens et des citoyennes vivant en régions.

Ce gouvernement, qui brandissait bien haut l'étendard de l'identité, l'autonomie culturelle, a laissé s'empoussiérer sur les tablettes pendant des années des demandes du milieu, créant ainsi chez les Québécois et les Québécoises un sentiment d'insécurité et d'incertitude face au développement culturel de leurs régions. Ce gouvernement avait cette aptitude de ne pas entendre les problèmes des citoyens, de ne pas voir la réalité en face. Après un certain temps, cette politique de l'autruche a créé ce climat d'insécurité, d'incertitude qui a conduit ces savants rêveurs là où vous le savez le 2 décembre 1985.

Bien au contraire, l'esprit du présent gouvernement imprègne cette sécurité recherchée dans les milieux politique, économique, social ou culturel, parce qu'il assume le leadership nécessaire à cette stabilité et à cette prospérité de l'ensemble du Québec. Le présent gouvernement a choisi cette voie, convaincu qu'il répond aux besoins et aux aspirations des Québécoises et des Québécois en créant les conditions favorables au développement économique, social et culturel de toutes les régions du Québec. C'est précisément sous le thème de la stabilité que je pourrais résumer l'ensemble des actions entreprises par notre gouvernement tout au long de cette première année du présent mandat.

Sur la question plus particulière de la langue française, notre gouvernement a clairement indiqué qu'il entendait maintenir les mêmes principes tout en renforçant les moyens d'application de la Charte de la langue française. Nous avons donc également insisté sur cette recherche d'un consensus dans la population afin de faire évoluer notre culture, notre façon de vivre, nos attitudes dans le sens de la paix et de l'harmonie. Notre message demeure le même en ce sens que nous ne craignons pas d'affronter les défis tels qu'ils se présentent. Nous ne craignons pas non plus de susciter ces discussions qui s'inscrivent dans l'évolution normale d'une société, une évolution marquée au coin de la tolérance et de l'ouverture vis-

à-vis d'autres cultures, vis-à-vis d'autres traditions et vis-à-vis d'autres façons de vivre. Cette façon d'assumer la gestion des affaires de l'État ne nous empêche toutefois pas de respecter davantage les acquis du passé et de renforcer ses aspects positifs.

Dans le dossier linguistique, nous avons tenu compte de cette volonté de la population québécoise de conserver les éléments essentiels, non seulement à la survie du français, mais également à son développement, à son épanouissement dans le sens de l'excellence, de la rigueur dans la dimension d'un français écrit et parlé de qualité. Ce concept d'excellence est celui d'une langue d'usage de qualité au Québec, non dans le sens restrictif où on en parlait encore il y a quelques années, à savoir de tenir un langage châtié dans les salons, mais bien une langue française capable de traduire ce que nous ressentons, ce que nous vivons quotidiennement, au travail comme à la maison.

La première condition pour être fier de notre langue, c'est de nous assurer que nous disposons d'un outil suffisamment développé et moderne pour véhiculer, et cela, dans tous les domaines de l'activité humaine... Si nos parents étaient fiers de parler la langue française, ainsi que l'ont proclamé nos plus éminents écrivains et penseurs, tels les Henri Bourassa, chanoine Groulx et, plus récemment, Félix-Antoine Savard, c'est que cette langue était celle d'usage dans leur vie de travail d'abord. Notre grand défi au Québec c'est de faire en sorte que la langue française s'adapte aux nouveaux secteurs de développement économique et social. Valoriser la francisation au Québec est et demeurera un pur discours académique si nous, comme peuple francophone, n'avons pas cette volonté, cette détermination de parler français dans nos milieux de travail respectifs. Je pense ici particulièrement au secteur de la haute technologie où la langue d'usage est, à l'échelle internationale, prioritairement l'anglais. D'ailleurs, à ce sujet les autres pays francophones, dont la France, rencontrent aussi les mêmes difficultés que nous.

À l'égard du dossier linguistique, deux solutions s'offraient au gouvernement du Québec. D'une part, nous pouvions écarter toutes les discussions sur le mode de gestion de la Charte de la langue française. Cette voie du statu quo nous semblait inadéquate dans la mesure où les lacunes, les lenteurs d'application de la loi n'auraient pas été relevées à temps pour ensuite corriger la situation.

D'autre part, l'option de moderniser l'administration de la Charte de la langue française s'offrait à nous. Cette voie d'action que nous avons privilégiée offrait l'avantage de maintenir les acquis du passé, de protéger aussi les principes et les objectifs de la Charte de la langue française tout en voulant assurer l'efficacité des ressources. C'est précisément la voie du courage politique qui a guidé notre action dans le but de répondre à l'intérêt de l'ensemble de la population.

Cette façon de susciter des débats du côté de l'Opposition ne fait qu'engendrer confusion dans la mesure où l'on tente de convaincre la population qu'une pièce législative aurait pour effet de modifier le visage français du Québec, alors qu'un examen attentif et un tant soit peu honnête du projet de loi 140 démontre clairement que notre volonté consiste à prendre les moyens nécessaires pour nous assurer que l'administration de la Charte de la langue française puisse être faite avec rigueur et équité.

Mais qu'est-ce donc que ce réflexe de fausse pudeur de l'Opposition qui la pousse à refuser tout ajustement de nos mécanismes institutionnels pour en accroître la performance? Cette fausse pudeur c'est cette tentative de manipulation de l'opinion publique qui tend à faire croire que le gouvernement libéral veut affaiblir la Charte de la langue, alors que justement il la renforce. Belle tactique de l'Opposition qui veut ainsi masquer l'inaction des dernières années du gouvernement péquiste par son manque de courage politique. Car il faut bien que la population le sache un jour ou l'autre, M. le Président: sitôt la loi 101 votée, l'ancien gouvernement s'était empressé de tout faire pour éviter que sortent sur la place publique les problèmes rencontrés par l'application de la charte.

À cette époque, l'ancien gouvernement ne voulait surtout pas soulever de nouveau le débat linguistique, évidemment, puisqu'il voulait conserver intacte sa belle image de gouvernement qui a, lui, réglé le problème linguistique au Québec.

Cette époque de jeu de cache-cache est révolue. La réalité c'est que l'ancien gouvernement n'a su que faire avec le problème des illégaux dans les écoles. La réalité c'est que l'ancien gouvernement a imposé un moratoire de près d'une année en 1982 à la Commission de la protection de la langue, qui s'appelait Commission de surveillance dans le temps, concernant l'application de l'article 58 sur l'affichage. Soit dit en passant, de quel droit le ministre d'alors, le père de la loi 101, avait-il imposé à un organisme qu'il voulait autonome un moratoire qui a bloqué tout le processus normal d'enquête et de poursuite en matière d'affichage? La réalité c'est que. l'ancien gouvernement a de nouveau imposé un moratoire dans les faits en 1984 lorsque les poursuites, eu égard à l'article 58, ont été suspendues parce qu'une cause sur ce sujet était devant les tribunaux. La réalité, encore une fois, c'est que les sondages nous montrent et démontrent que la francisation

au Québec accuse un ralentissement depuis 1982 et que ce constat n'a pas ému l'ancien gouvernement au point d'en alerter l'opinion publique, comme vous le faites maintenant en dénonçant avec tant de larmes de crocodile, la main sur le coeur, M. le Président, l'affaiblissement du fait français sous un gouvernement libéral. (16 h 20)

Mais, enfin, qu'a donc fait l'ancien gouvernement en 1982, en 1983, en 1984 et en 1985 pour corriger la situation? Rien, car ce bon gouvernement se préoccupait d'abord de ses querelles de famille pour savoir qui partira avec l'héritage du père, ce qui fait que, lorsque j'entends le chef de l'Opposition s'émouvoir devant les problèmes linguistiques au Québec maintenant, je souris - oui, M. le Président, je souris - et permettez-moi de ne pas qualifier en cette Chambre les sentiments que recouvre ce sourire.

La réalité, c'est que le gouvernement du Parti québécois n'a pas eu le courage de faire appliquer sa propre loi en matière linguistique, traumatisé qu'il était après le référendum. Aujourd'hui, en 1986, je m'étonne donc que l'Opposition veuille ainsi résister à toute initiative dont l'objectif consiste à raffermir la Charte de la langue française et à accentuer la francisation du Québec. Dans un état moderne, dans une société où tout évolue si rapidement, il faut faire face aux défis qui se présentent et s'inscrivent en évolution avec elle; sinon, les actions entreprises par l'État risquent d'être rapidement déphasées par rapport aux réalités.

Je dis aussi à l'Opposition que, dans un État moderne, différents moyens doivent être pris pour garder intacts des principes, des principes d'une législation tout en renforçant son administration et ce, au nom de l'efficacité et de l'efficience des ressources. C'est probablement là un concept qui échappe à l'Opposition et, d'ailleurs, n'est-ce pas une difficulté propre à cette formation politique de ne pouvoir s'adapter à la volonté populaire? Je pense ici à sa thèse indépendantiste qui l'aura empêchée d'acquérir la confiance de la population le 2 décembre 1985 et que ce parti a de nouveau maintenue dans son programme lors de ses récentes assises. Mais il est vrai que, quant à être assis entre deux chaises, aussi bien que ce soit du côté de l'Opposition!

Je dirai également que ce n'est pas uniquement une crise de confiance qui sévit au sein du Parti québécois, mais que c'est véritablement une crise d'identité en ce que les troupes sont toujours divisées entre elles. Incapable de retrouver son équilibre entre la souveraineté, d'une part, et l'association, d'autre part, cette formation politique reflète toujours cette incertitude d'autrefois. Je comprends aisément que l'Opposition tente de s'accrocher à la moindre bouée qui, sur le plan politique, pourrait apporter quelques bénéfices à court terme, si minces soient-ils. Comment comprendre, par exemple, cette façon de relier le projet de modification des structures administratives de la charte à la question de l'affichage au Québec? Certes, nous comprenons aisément que le rôle de l'Opposition consiste à susciter des débats dans les règles parlementaires. De telles batailles entre formations politiques s'acceptent facilement dans la mesure, toutefois, où elles sont menées avec rigueur, mais aussi avec sincérité. Or, j'ai toutes les raisons de croire que la stratégie de l'Opposition consiste, à ce stade-ci, à s'accrocher à cette bouée qui détournerait l'attention des problèmes internes auxquels elle doit faire face, soit cette crise d'identité qui perdure depuis le référendum de 1980.

Notre gouvernement continuera d'agir en fonction des intérêts de la population québécoise et de maintenir ce climat de confiance qui a caractérisé la première année de pouvoir. Nous nous engageons à poursuivre nos efforts en vue d'assurer la prospérité de l'ensemble du Québec aussi bien sur les plans social, économique que culturel. Nous poursuivons cet élan entrepris le 2 décembre 1985 en vue d'assurer la paix linguistique au Québec et d'offrir à toutes les Québécoises et à tous les Québécois une qualité de vie culturelle. Malgré les critiques apportées par l'Opposition, notre gouvernement maintiendra cette confiance acquise auprès de la population en cherchant à améliorer sa qualité de vie. Cette qualité de vie, à son tour, passe par l'amélioration du climat économique, du climat politique et du climat social au Québec. Des pas importants ont été franchis depuis le début de notre mandat et d'autres défis s'offriront à nous. Notre intention est d'y faire face d'une façon aussi rationnelle que possible. Voilà ce que j'appelle, M. le Président, une orientation claire et précise afin d'assumer nos responsabilités dans le meilleur intérêt de toute la population québécoise.

Quant à la protection du visage français au Québec, comme je le démontrais précédemment, je me demande de plus en plus si l'ancien gouvernement a accompli tous ses devoirs. Il a failli à sa tâche et a réussi à masquer ses faillites jusqu'à la fin de son mandat. Mais nous voilà rendus à l'heure de vérité. Bien sûr, s'apercevant que la rigidité de la charte contrevenait à certaines réalités, on a consenti, en 1983, à des assouplissements en adoptant la loi 57. Mais ce gouvernement n'a pris aucune initiative pour ajuster et renforcer la législation qui doit assurer la francisation au Québec.

Je crois que la population a parfaitement compris la ligne d'action de notre gouvernement. Elle a très bien saisi notre

volonté de maintenir et de renforcer le caractère français au Québec. Somme toute, je suis loin d'être sûre que l'ancien gouvernement ait assumé ses responsabilités comme gardien de notre langue car il y a une différence énorme entre le fait de proclamer bien haut un principe, énoncer des objectifs et tout mettre en oeuvre en vue de les faire respecter. Plus progresse le débat, moins la sincérité de l'Opposition me paraît évidente.

C'est dans ce contexte que doivent être saisies les intentions exprimées par notre gouvernement, soit de vouloir rectifier le tir de la politique linguistique du Québec et corriger aussi les lacunes de l'ancien gouvernement. En fin de compte, la population québécoise comprend la portée de nos intentions et ne s'offusque pas de cet effort de redressement et aussi de cet effort de modernisation de l'application de la Charte de la langue française.

Quant au visage français du Québec, le gouvernement du Québec a maintes fois réitéré son intention non seulement d'en assurer la prédominance, mais également de la renforcer en ce qui concerne la qualité. Cependant, la protection et la promotion du français au Québec ne sauraient être assumées uniquement par le gouvernement. Ce dernier pourra créer les conditions favorables à l'épanouissement du français au Québec dans la mesure où les citoyennes, les citoyens partageront à titre individuel cette responsabilité.

Par ailleurs, le débat créé autour de la question linguistique au cours des dernières semaines commence à être démystifié. Certains observateurs de la scène politique québécoise ont bien saisi la portée des changements que le gouvernement veut apporter. Ils ont aussi analysé la stratégie de l'Opposition dans ce dossier. À cet effet, je ne citerai qu'un passage significatif d'un éditorial du quotidien La Presse du 4 décembre dernier dans lequel Marcel Adam constate, et je le cite: "II est donc facile pour le Parti québécois d'exploiter à son avantage ce sentiment de méfiance en l'accusant - le gouvernement - de vouloir neutraliser la loi 101 pour mieux bilinguiser le Québec. Quand on sait que l'ex-gouvernement péquiste avait lui-même commencé à édenter la loi 101 pour faire droit aux doléances justifiées des anglophones et qu'il songeait à lui apporter des amendements semblables à ceux que projette le gouvernement libéral, on se dit que c'est de bonne guerre, mais ce n'est pas moins hypocrite pour autant."

Cette constatation me paraît importante dans le cadre du présent débat. À partir de celle-ci, en effet, j'y vois là une attitude négative qui caractérise bien l'Opposition en ce qu'elle croit pouvoir changer de masque aussi facilement entre le moment où le gouvernement du Parti québécois était au pouvoir et aujourd'hui, en souhaitant qu'une telle attitude passe inaperçue.

Or, la population québécoise n'est pas dupe d'une telle stratégie. Si le gouvernement actuel a choisi d'agir dans ce dossier, c'est que plusieurs lacunes apparaissaient de plus en plus évidentes. Si l'ancien gouvernement avait été plus rigoureux dans l'administration de sa propre loi, s'il avait été plus ferme dans sa volonté de régler les problèmes et s'il avait fait preuve d'un courage politique au lieu de décréter un moratoire sur les poursuites, on pourrait prendre plus au sérieux les remarques formulées aujourd'hui par l'Opposition, dont le laxisme s'est confirmé dans le passé. (16 h 30)

En effet, non seulement l'analyse de l'Opposition, en regard du projet de la loi 140, par exemple, ne colle-t-elle pas à la réalité, mais avec un peu de recul, on s'aperçoit que l'ancien gouvernement du Parti québécois ouvrait les portes plus grandes que nous le faisons maintenant. Rappelons-nous que le chef de l'Opposition actuel s'était lui-même engagé à donner à la minorité anglophone la garantie législative qu'elle veut obtenir en matière de soins de santé et de services sociaux dans sa langue.

Comment interpréter les hauts cris de l'Opposition aujourd'hui, alors que le chef du Parti québécois ouvrait lui-même une telle porte? Pourtant, il ne craignait pas qu'un tel engagement crée un second réseau de soins de santé au Québec, ou encore faut-il en déduire que son sens humanitaire s'est transformé à ce point avant et après le 2 décembre 1985?

Quant au projet de restructuration des organismes qui sont voués à la protection de la Charte de la langue française, l'ex-ministre des Communautés culturelles et député du comté de Mercier convenait en janvier dernier qu'il fallait en revoir l'administration, révision qu'il aurait sans doute désiré refaire lui-même, et c'est lui-même qui le disait. Une autre volte-face de l'Opposition qui arrive mal à assurer une cohérence dans ses propos d'hier et ses propos d'aujourd'hui. Une autre volte-face qui se compare à celle portant sur leur option politique qui, au gré des années, au gré des conjonctures, évoluait dans le sens d'un opportunisme que la population a vite compris le 2 décembre 1985 en accordant sa confiance à un gouvernement libéral.

D'un autre côté, l'argument de l'Opposition manque de contenu, et j'en prendrai pour seule preuve la question de l'affichage commercial. Plusieurs affirmations ont été faites au cours des dernières semaines. Un fait demeure, l'affaiblissement du français à Montréal ne date pas du 2 décembre 1985. Les inventaires effectués par l'un ou l'autre des médias ou des organismes chargés de l'application de la charte ont

démontré que l'État devra surveiller de près les tendances et évolutions de la langue française, surtout si elles dérogent aux principes et modalités de la loi.

Le président de la Commission de la protection de la langue française constatait, il y a quelque temps, une recrudescence des plaintes portées à son attention concernant l'affichage. Il faut bien comprendre qu'il s'agit de plaintes et non de situations qui auraient subitement évolué depuis le 2 décembre 1985. Que s'est-il donc passé, M. le Président, avant le 2 décembre 1985? La loi était-elle rigoureusement respectée et le suivi des dossiers était-il assuré de façon étanche par l'ancien gouvernement du Parti québécois? II y a quelque chose de défectueux dans l'argumentation de l'Opposition, et on prend un malin plaisir à nous démontrer un affaiblissement du français au Québec, mais on oublie, comme par hasard, de nous illustrer la façon dont a été administrée la Charte de la langue française sous l'ancien gouvernement.

Or, dans la présente discussion, c'est précisément là que le bât blesse. Je souhaite donc que la sincérité domine dans un tel débat, que l'Opposition puisse nuancer ses propos et tenter de situer les constatations d'aujourd'hui dans leur véritable contexte, soit dans celui de l'évolution administrative d'un dossier. En d'autres termes, la présence de la langue française a évolué entre le moment où furent adoptés les principes de la loi 22 aussi bien que de la loi 101, et les conclusions de certaines études qui dénotent que les affaiblissements datent bien avant le 2 décembre 1985, on dit même depuis 1982. Il faudrait reconsidérer tous les gestes administratifs posés depuis l'adoption de la loi 101 et vérifier le suivi des enquêtes et des déclarations de certains ministres de l'époque pour vérifier si tout a été fait, si l'ancien gouvernement a assumé entièrement ses responsabilités dans le dossier.

Voilà, M. le Président, le véritable enjeu dans le débat d'aujourd'hui. Pour sa part, le gouvernement actuel assumera ses responsabilités dans le sens d'une véritable protection et promotion de la langue française au Québec dans l'intérêt de l'ensemble de la poulation québécoise. Merci.

Le Président: Je remercie la vice-première ministre. Le dernier des intervenants du côté de l'Opposition, sur la même motion, est le député de Lac-Saint-Jean. M. le député, vous avez la parole.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, le 12 novembre 1985, l'an dernier en pleine campagne électorale, le chef du Parti libéral devant les membres de la Chambre de commerce de Montréal s'engageait formel- lement et sans équivoque, sans réserve, à créer au Québec 400 000 emplois lors de son mandat, s'il était élu à la tête du gouvernement. Cela fait 80 000 emplois par année, à supposer bien sûr qu'il fasse les cinq années d'un mandat normal. 80 000 emplois par année; 400 000 emplois au cours de son mandat.

Quelques jours plus tard, le 17 novembre 1985, toujours en campagne électorale, cette fois-ci au Centre Paul-Sauvé, devant quelques milliers de jeunes rassemblés pour cette occasion, le même chef du Parti libéral leur promettait tout aussi formellement des jobs. Nous allons, disait-il - et je le cite - vous redonner confiance en vous redonnant le droit au travail. La création d'emplois pour les jeunes, telle était, disait le chef du Parti libéral, la priorité des priorités de son gouvernement s'il était élu le 2 décembre 1985. Cela fait plus d'un an.

Aujourd'hui, qu'en est-il de ces deux engagements majeurs au plan économique? En matière de création d'emplois, on le sait maintenant, les statistiques sont là pour le confirmer, au cours de sa première année, le gouvernement libéral créera tout au plus 60 000 emplois, peut-être moins comme le signalait tantôt mon collègue de Joliette. Cela tournera autour de 55 000, maximum 60 000 emplois. On est à 20 000, à 25 000 emplois en dessous de l'objectif, de l'engagement formel pris par le chef du Parti libéral en novembre 1985, en pleine campagne électorale.

Quant aux jeunes, M. le Président, il faut constater qu'ils ont été bernés, trompés et qu'ils attendent toujours que le gouvernement se souvienne, que le gouvernement se rappelle de sa priorité des priorités, comme le chef du Parti libéral le disait si bien en novembre 1985. Entretemps, ces jeunes, une bonne partie en tout cas, continuent de recevoir leur chèque de bien-être social, toujours au même niveau, toujours au même montant. Car on le sait, ils attendent encore la réalisation de la promesse de la parité de l'aide sociale pour les jeunes assistés sociaux de 30 ans et moins. Si on faisait aujourd'hui le même rassemblement au Centre Paul-Sauvé, je pense que l'atmosphère serait sans doute moins euphorique. On danserait un peu moins. Au Centre Paul-Sauvé ce serait pas mal moins joyeux et, si on pouvait y compter, y dénombrer autant de pancartes qu'à l'époque, les inscriptions auraient peut-être changé.

M. le Président, comment expliquer cet échec lamentable au plan économique de la première année du mandat du gouvernement libéral en matière de développement économique? Comment l'expliquer? Je pense qu'on doit l'expliquer par le fait que ce gouvernement, qui nous promettait en période électorale, une politique globale, une

politique cohérente de développement économique, une politique stimulante de création d'emplois n'a accouché, à toutes fins utiles, que d'une politique de démantèlement des outils économiques du Québec. Au lieu d'une politique globale et cohérente de développement économique et de création d'emplois, ce gouvernement n'a accouché finalement que d'une politique de liquidation de nos instruments de développement économique. On a assisté à la mise en vigueur, à la mise en route d'une mise en vente, d'une mise à l'encan des sociétés d'État québécoises qu'on avait mises en place au cours des 25 dernières années, sans se préoccuper le moindrement du monde des impacts positifs, du rôle bénéfique que jouaient ces sociétés d'État dans la société québécoise, particulièrement en régions. (16 h 40)

C'est cela la politique ambitieuse de relance, de. développement économique, de création d'emplois qu'on nous promettait au cours de la campagne électorale 1985. Cela se réduit maintenant, depuis plusieurs mois, cette politique ambitieuse se résume à une vente de feu, à une vente à l'encan de nos instruments économiques, de notre patrimoine économique, M. le Président. Or, non seulement la politique de privatisation de ce gouvernement tient lieu de politique de développement économique, mais, en plus, il faut constater que cette politique de privatisation est carrément improvisée, bâclée à maints égards, mal préparée, mal planifiée, une politique brouillonne, dépourvue de rigueur à plusieurs titres et, surtout, une politique de privatisation sans qu'elle ne soit accompagnée d'une analyse sérieuse, d'une analyse en profondeur des conséquences, des impacts sur les économies régionales. Je pense que tout le monde constatera, tout le monde reconnaîtra que les retombées économiques majeures en matière d'investissement et en matière de création d'emplois des sociétés d'État se sont d'abord et avant tout produites en régions. Ce sont les économies régionales qui ont bénéficié d'abord et avant tout de l'action des sociétés d'État et le gros des emplois, la plus grande proportion des emplois créés par les sociétés d'État, on les retrouvait dans les économies régionales. Or, on privatise, M. le Président, on liquide les sociétés d'État sans analyse sérieuse, profonde, des impacts de ces actions sur les économies régionales.

Passons-les rapidement en revue, M. le Président - je pense que c'est utile - et examinons-en rapidement les effets: Raffinerie de sucre. Non seulement on ferme une entreprise, non seulement on crée du chômage en mettant des gens à pied, mais, en plus, on crée du même coup une situation de monopole dans le secteur du sucre et tout le monde sait qu'une situation de monopole ne peut être que néfaste et nuisible aux consommateurs québécois.

Quebecair. Non seulement on liquide les actifs, M. le Président, en vendant les meilleurs appareils de l'entreprise, non seulement on abandonne des activités jugées rentables - je pense en particulier au nolisement, aux vols nolisés - mais également, en privatisant Quebecair, on le sait, on crée du chômage en mettant à pied plusieurs centaines de personnes et, surtout - il ne faut pas l'oublier - cette action a eu comme conséquence une dégradation, une détérioration considérable, substantielle des services aériens dans les régions du Québec. Les régions s'en sont vite rendu compte et ont d'ailleurs multiplié les plaintes auprès de la Commission fédérale des transports pour obtenir, à tout le moins, des audiences publiques sur la privatisation de Quebecair. Le plus ironique dans tout cela, M. le Président, c'est que le ministre qui a procédé à cette privatisation de Quebecair, si néfaste aux régions, c'est le titulaire du développement régional. C'est un peu bizarre et un peu ironique de constater cela.

Cambior. En privatisant les principaux actifs de SOQUEM, on le sait, on trouve moyen - on l'a mentionné et révélé, ici, en cette Chambre - de sous-évaluer d'au moins une cinquantaine de millions la valeur des actions de Cambior.

Une voix: Ce n'est pas vrai.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, je ne vous ai pas donné la parole. On est sur une motion de blâme. Le règlement prévoit que, si vous avez une question à poser ou une intervention à faire, vous le ferez après. Vous pourrez aussi intervenir sur la même motion s'il reste du temps à votre formation politique, mais vous ne pouvez intervenir à cette étape-ci.

M. Brassard: Cela fait mal à l'encanteur en chef!

M. le Président, en mettant en vente les actions de Cambior, on a sous-évalué la valeur de ces actions. C'est l'État, c'est la collectivité qui perd dans cette opération.

Manoir Richelieu, M. le Président. La première des privatisations du gouvernement libéral. Qu'en dire, sinon que cette action a bouleversé socialement toute une région du Québec. Pourquoi? Parce qu'on a ignoré l'esprit même du Code du travail. On a mis de côté, on a ignoré la présence d'un syndicat et l'existence même d'une convention collective en vendant le Manoir Richelieu.

Dofor, M. le Président. La vente des actions Donohue et Domtar détenues par la Société générale de financement par Dofor est, à notre point de vue, carrément, propre-

ment scandaleuse parce que le gouvernement a annoncé clairement son intention d'utiliser le fruit de cette privatisation pour renflouer à coups de centaines de millions la caisse du ministre des Finances; donc, de payer l'épicerie, comme on l'a mentionné tantôt. C'est là une action proprement indécente. Si, au moins, on utilisait ces centaines de millions pour faire du développement économique dans les régions, pour permettre à la Société générale de financement d'ouvrir de nouvelles pistes de développement, d'occuper de nouveaux créneaux de développement économique. Mais non, on va s'en servir pour payer l'épicerie, pour renflouer la caisse du ministre des Finances.

Enfin, Madelipêche. Plus de 1000 emplois aux Îles-de-la-Madeleine qui sont en péril. On ne peut pas obtenir du gouvernement la garantie que ces quelque 1000 emplois seront maintenus. Également, des activités de transformation dans le secteur des pêches sont mises en danger puisqu'on vend Madelipêche en plusieurs lots. Lorsque nous examinons l'action du gouvernement en matière de privatisation, nous avons raison de parler de liquidation, de dilapidation de notre patrimoine économique. Certains vont jusqu'à parler de vandalisme. Nous avons même raison de parler de vandalisme. C'est pour cette raison que nous dénonçons cette absence de véritable politique économique cohérente de la part du gouvernement libéral qui se résume à une politique de démantèlement, à une politique de liquidation d'outils économiques, d'instruments économiques dont on s'est doté au cours des 25 dernières années et qui ont eu des effets bénéfiques en matière d'investissements et de création d'emplois, particulièrement dans les économies régionales.

Il y a plus d'un an, à l'occasion de la campagne électorale, ce gouvernement, surtout par la voix de son chef, s'engageait formellement à créer 400 000 emplois au cours de ce mandat. Cette promesse n'a pas été tenue, le gouvernement n'a pas tenu parole en matière de création d'emplois. Mais, surtout, ce gouvernement, par la voix de son chef, lors de la campagne électorale de 1985, s'engageait à créer des emplois pour les jeunes du Québec, à faire en sorte que les jeunes trouvent des emplois et quittent l'aide sociale. Or, on est obligé, aujourd'hui, de reconnaître que ces promesses majeures du gouvernement en matière économique, ces engagements formels en matière de création d'emplois et en matière de développement économique n'ont pas été tenus mais ont été remplacés par une politique de démantèlement, de dilapidation de notre patrimoine économique. Je pense que, devant ces actions, ce gouvernement mérite d'être blâmé. Merci, M. le Président.

Le Président: Je remercie le député de Lac-Saint-Jean. Le dernier intervenant sur la même motion est le leader du gouvernement.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, si je comprends bien, je dispose de quatre minutes...

Une voix: Consentement.

M. Gratton: ...et je vous dirai que c'est amplement de temps pour dire tout le sérieux que je pense de cette motion du chef de l'Opposition. Le sérieux et l'à-propos d'une motion qui, à ce moment-ci, vient répondre au désir de qui?

S'il faut en croire une étude récente menée par le Conseil du patronat, deux personnes sur trois qu'on rencontre dans la rue ou dans les centres commerciaux se disent satisfaites du travail du gouvernement actuel. On peut donc se demander si la motion de censure, une quatrième au cours de la dernière année, depuis le mois de mars dernier - on sait que l'Opposition ne dispose que de six pour l'ensemble d'une session et voilà qu'on en a une quatrième aujourd'hui, quatrième qui regroupe les trois premières... On en a eu une qui portait sur les jeunes, une autre motion du mercredi portait sur la privatisation; évidemment, il y en a eu une autre sur la langue et, aujourd'hui, on n'est pas trop sûr de quoi on devrait blâmer le gouvernement, alors, on fourre tout cela dans la motion fourre-tout et on dit: Voici la quatrième. C'est un amalgame des trois premières. Cela ne fait pas sérieux. Et quand on pense que deux personnes sur trois sont satisfaites du gouvernement, il faut donc trouver les raisons de la présentation de cette motion seulement dans le désir des membres du Parti québécois. (16 h 50)

Or, fait assez curieux - et le premier ministre l'a signalé tantôt - un sondage SORECOM publié en fin de semaine nous disait que 36 % des personnes qui se disent prêtes à voter pour le Parti québécois, qui, quand on leur demande leur intention de vote, disent qu'elles voteraient pour le Parti québécois s'il y avait une élection demain, avouent être satisfaites du travail effectué par le premier ministre et son gouvernement.

Donc, ce n'est pas l'ensemble des péquistes qui motivent le chef de l'Opposition à présenter sa motion, mais seulement 64 % puisque 36 %, eux, sont en désaccord, 36 % des péquistes sont en désaccord avec le chef de l'Opposition. Évidemment, il peut peut-être se consoler de savoir que, dans le même sondage, on révèle que 57 % des sympathisants péquistes voient dans le chef de l'Opposition actuel le meilleur chef politique. Comme le disait Jacques Samson

dans sa chronique, samedi, c'est un peu mince, mais le chef de l'Opposition peut dormir en paix puisque Jean Garon ne recueille que 7 %, lui.

Le danger qui guette le chef de l'Opposition, n'est-ce pas justement, alors qu'il y en a déjà 36 % qui ne sont pas d'accord sur sa façon de faire les choses, notamment, par sa motion de blâme aujourd'hui, qu'il risque que les autres 64 %, quand ils constatent le manque de contenu de l'Opposition et de son chef, commencent, eux aussi, à se poser des questions? Le chef de l'Opposition, à tort et à travers, à partir de discours comme ceux qu'on vient d'entendre qui s'appuient sur des désirs de l'Opposition plutôt que sur des faits... On parle d'une crise linguistique au Québec. Où existe-t-elle? Uniquement dans l'esprit de ces messieurs qui la voudraient bien, qui la souhaitent, la crise linguistique, mais qui devront nécessairement convaincre la population que, dans le projet de loi 142, on fait plus que ce que l'actuel chef de l'Opposition lui-même s'était engagé à faire, non seulement dans le document de son parti, de son gouvernement quant à ses propositions constitutionnelles, mais également en cours d'élection, devant Alliance Québec et également durant la campagne électorale.

On y reviendra à l'occasion des débats sur le projet de loi 142. Le chef de l'Opposition crie au loup sur le projet de loi 142, et les gens finiront par savoir - ils commencent déjà à le savoir - que le chef de l'Opposition crie au loup sans raison justifiable. Ils vont continuer de percevoir que, quand le chef de l'Opposition crie au loup sur le projet de loi 140, là non plus, ce n'est pas justifié.

Quand cela arrivera - et cela va venir, je fais confiance à l'intelligence des Québécois - on comprendra que la seule raison pour le chef de l'Opposition de s'acharner sur la question de la langue, c'est pour raffermir son leadership. L'ayant constaté, la population fera de nouveau, dès la première occasion, ce que nous ferons cet après-midi, soit le renvoyer, comme nous, en votant contre la motion de censure du chef de l'Opposition, à ses devoirs en l'invitant à faire beaucoup mieux s'il veut se mériter la confiance des Québécois.

Le Président: Je remercie M. le leader du gouvernement. Maintenant, pour son droit de réplique sur la motion, je vais reconnaître M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): Malheureusement, on parle encore de la langue au Québec, dix ans après l'adoption de la loi 101 ou à peu près.

Ce n'est pas à cause du Parti québécois, ce n'est pas à cause de l'Opposition, ce n'est pas à cause de la manipulation, comme l'a répété la vice-première ministre, c'est à l'adoption de la loi 101 ou à peu près. Ce n'est pas à cause du Parti québécois, ce n'est pas à cause de l'Opposition, ce n'est pas à cause de la manipulation, comme l'a répété la vice-première ministre, c'est à cause de l'incohérence de ce gouvernement. Et cela, les Québécois l'ont senti depuis un certain nombre de semaines et de mois.

Heureusement que le ridicule ne tue pas, car la vice-première ministre et une demi-douzaine d'autres ministres seraient déjà morts depuis quelques semaines.

Une voix: Nommez-les!

M. Johnson (Anjou): La personne la plus partisane que je connaisse en face, celle qui occupe le poste de vice-première ministre et responsable du dossier linguistique, est précisément la personne qui rend ce débat partisan, celle qui avait réussi à passer à travers ses crédits au mois de mars en ne disant pas un mot sur le français langue de travail et qui se contentait de parler de la Société du bon parler français.

L'incohérence ne vient pas du Parti québécois. La vice-première ministre pourra bien faire des procès d'intention, revenir au référendum ou même en 1962, si cela l'amuse, à l'époque du RIN. Ce que je sais, M. le Président, c'est qu'elle et même le premier ministre sont en train de couvrir de ridicule le gouvernement du Québec, suffisamment pour que le journal Le Monde en ait fait état mercredi dernier. Je ne pense pas que le Parti québécois ait manipulé le journal Le Monde récemment lui qui dénonçait la situation de confusion linguistique dans laquelle le gouvernement du Québec avait plongé le Québec depuis un certain nombre de mois.

Le premier ministre nous parle des poursuites au sujet des "smoked meat" pour démontrer ce qui, à ses yeux, serait ridicule mais en disant que, quant à lui, il est fier de ce ridicule alors que la solution n'est pas de poursuivre les gens qui affichent "smoked meat", bien que j'avoue franchement que je ne vois pas vraiment le genre de traduction qu'on ferait de ce merveilleux plat inventé par des gens de la rue Saint-Laurent à une certaine époque et qui est popularisé maintenant en Amérique du Nord. La solution serait de se débarrasser de son Procureur général et d'en trouver un qui appliquera adéquatement, fermement et intelligemment la loi.

M. le Président, ce gouvernement n'a pas vu que le Québec entier est inquiet, pas juste le Parti québécois, pas seulement l'Opposition, mais l'ensemble des citoyens du Québec sont préoccupés parce qu'ils sentent la mollesse de ce gouvernement en matière

linguistique, ils sentent l'incohérence, ils voient qu'il y a absence de fermeté et de volonté. Cela inquiète les Québécois et avec raison, M. le Président.

Est-ce que nous aurions participé, heureusement, depuis quelques semaines à sensibiliser l'ensemble des Québécois à cela? Oui, je le souhaite, j'en suis même convaincu et j'en suis extrêmement fier. C'est cela le rôle d'une Opposition. Je suis d'autant plus heureux qu'aujourd'hui la vice-première ministre, dans son discours, nous a livré un magnifique éloge funèbre du projet de loi 140.

Sur la privatisation, à peu près pas un mot du premier ministre. Pas une réponse à cette affirmation que nous faisons que le processus de privatisation, mal enclenché là aussi comme dans le reste parce qu'il n'est pas accompagné d'une politique économique adéquate en termes de recherche de création d'emplois sur le territoire québécois, cette politique de privatisation se solde non seulement par des pertes d'emplois mais simplement par le déplacement de capital sans investissement et sans création d'emplois additionnels.

Le super négociateur avec le fédéral! Beau succès dans la péréquation, beau succès dans Matane, beau succès dans le bois d'oeuvre, le gâchis du bois d'oeuvre où le gouvernement du Québec s'est conduit, comme le disait un ancien membre de cette Assemblée qui en a été le doyen longtemps, comme des pee wee autour de la question du libre-échange, notamment quant à la question du bois d'oeuvre où on en apprend tous les jours au premier ministre dans ce dossier, lequel de toute évidence, ne suit pas le dossier.

Ce qui est plus dramatique, c'est au niveau de l'emploi. Pitoyable démonstration que nous fait le premier ministre que, par rapport à l'ensemble de l'année 1985, en dépit de ses promesses, il sera au minimum 20 000 emplois en dessous de ce qu'il prévoyait. Pitoyable de voir que le premier ministre du Québec n'accuse pas publiquement le coup qu'il y a au mois de novembre 1986, pas un emploi de plus que ce qu'il y avait au mois de janvier sur le territoire du Québec.

Heureusement que le mois de janvier a été bon. Heureusement que février a été bon, suite de l'ancien gouvernement, à moins qu'on ne prétende qu'en l'espace de quelques jours ils aient tout modifié pour créer des emplois en l'espace de 30 jours. Et heureusement, M. le Président, parce que plus les mois avancent dans l'année, plus le taux moyen de création d'emplois baisse. Heureusement que l'année finit dans quelques jours; sans cela, on finirait peut-être à 5000 ou à moins 5000. (17 heures)

Triste, M. le Président, parce que je comprends le premier ministre qui doit être préoccupé en ce moment. Quand on regarde ce qui se passe sur le plan économique au Québec en dépit de l'augmentation des investissements par rapport à l'année 1985, grâce, notamment au secteur immobilier et grâce à certains grands projets comme Domtar et comme Pechiney, en dépit du fait que le taux de chômage est plus ou moins stable ou même légèrement réduit, mais on l'explique par le fait qu'il y a moins de gens qui se déclarent en recherche d'emploi parce qu'ils sont tannés d'en chercher, en dépit de tout cela, M. le Président, sur le plan de l'emploi, cela stagne au Québec depuis douze mois. Si j'étais premier ministre du Québec, je serais préoccupé par cela et je suis sûr que le premier ministre du Québec est préoccupé par cela, mais il devrait arrêter de dire que cela va bien. Qu'il vienne au printemps, au retour de la session, avec une politique économique cohérente, autre chose que des propos verbeux ou du "name-dropping" de sa dernière rencontre à New York avec son club de fans d'Hydro-Québec. Qu'il vienne avec autre chose que le rêve de paver la Côte-Nord au grand complet pour régler les problèmes économiques du Québec. Qu'il vienne avec une vision cohérente, des créneaux de développement économique au Québec, de l'ajustement des programmes de sécurité du revenu et des régimes sociaux au Québec dans une perspective de création d'emplois, d'une négociation intelligente avec le gouvernement fédéral en matière de création d'emplois et en matière de pouvoirs pour le Québec dans ce secteur. Qu'il vienne avec cela, M. le Président, et on le croira. En attendant, cependant, nous considérons qu'il faut blâmer ce gouvernement après un an d'absence de gouvernement.

Le Président: Je remercie M. le chef de l'Opposition.

Sur la motion de censure présentée par M. le chef de l'Opposition, en vertu de l'article 304, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté. Une voix: Oui, adopté.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais suggérer...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je présume que l'Opposition veut, exige un... Une voix: Ils ne sont même pas cinq.

M. Gratton: ...vote enregistré, M. le Président. Je ferai remarquer qu'il n'y a pas

le nombre de cinq députés requis par le règlement. Nous pourrions donc défaire cette motion de censure. M. le Président, je pense que nous dirons tout simplement: Rejeté.

Le Président: La motion présentée par M. le chef de l'Opposition, en vertu de l'article 304, motion de censure, est rejetée.

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je suggérerais que nous suspendions nos travaux quelques minutes afin de donner à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux l'occasion de se rendre ici. Effectivement, on m'informe qu'elle est en route. Donc, ce sera une question de quelques minutes.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour suspendre les travaux de cette Assemblée pendant quelques minutes?

Une voix: Oui.

Le Président: M. le whip... Suspension quelques minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 13)

Le Vice-Président: Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, avant de vous demander d'appeler l'article 24 du feuilleton, j'aimerais faire une mise au point. Je m'excuse auprès du chef de l'Opposition. Tantôt, j'ai indiqué que la motion de blâme ou de censure était rejetée mais, effectivement, nous avions informé l'Opposition que le vote enregistré sur la motion se tiendrait à 17 h 45. Donc, les députés seront invités à venir voter sur la motion de censure du chef de l'Opposition à 17 h 45. Cela étant dit, M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 24 du feuilleton et de reconnaître Mme la ministre en réplique.

Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du gouvernement. Simplement, pour être clair, disons que le vote qui avait été enregistré sur la motion comme devant être rejetée est donc révoqué. Au procès-verbal, nous consignons qu'à la demande de l'Opposition il y aura vote enregistré sur la motion de censure. À la demande du leader du gouvernement, ce vote aura lieu à 17 h 45.

Une voix: C'est cela.

Projet de loi 139

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président: Très bien. J'appelle maintenant l'article 24 du feuilleton. Nous reprenons le débat sur la motion de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux voulant que le principe du projet de loi 139, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, soit maintenant adopté. Dans le cadre de ce débat, nous en sommes à la réplique de Mme la ministre. Je cède donc la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Thérèse Lavoie-Roux (réplique)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais prendre quelques minutes pour la réplique dans le débat sur le projet de loi 139 qui modifie la Loi sur la protection de la jeunesse concernant l'adoption internationale.

Je voudrais tout simplement, peut-être pour l'intérêt des personnes qui nous écoutent et qui sont certainement préoccupées par toute cette question de l'adoption internationale, rectifier certains faits que la députée de Marie-Victorin a affirmés ce matin. Elle a sans aucun doute peut-être créé l'impression que nous imposerions nos lois à d'autres pays qui ne reconnaissent que l'adoption simple. Je vois ici le chef de l'Opposition, qui a déjà été l'un des parrains des modifications qui avaient été apportées à la loi sur l'adoption internationale. À cette occasion, nous avions réaffirmé le principe de la reconnaissance uniquement de l'adoption plénière, c'est-à-dire de l'adoption qui rompt tous les liens entre l'enfant adopté et ses parents, ce que ne reconnaît pas l'adoption simple, comme c'est la coutume dans un certain nombre de pays, ayant pour résultat de créer des problèmes ici aux enfants qui sont adoptés, quant à leur statut juridique, et également aux parents qui sont les adoptants et qui peuvent aussi faire face à des réclamations de la part des parents d'origine.

Alors, il ne s'agira pas pour le Québec d'imposer sa loi à d'autres pays. Au contraire, si les pays veulent continuer de reconnaître uniquement l'adoption simple, je pense que c'est leur décision mais, en ce qui a trait au Québec, nous voulons réaffirmer le principe de l'adoption plénière et, dans ce sens, reconfirmer l'égalité de tous les enfants du Québec. Qu'ils soient des enfants adoptés ou des enfants naturels, tous les enfants sont sur le même pied et on a à leur endroit les mêmes obligations.

Alors, les démarches que nous voulons faire sont les suivantes: D'une part, il y a déjà des pays qui, comme le Québec ou

comme les autres provinces du Canada, ne reconnaissent que l'adoption plénière. Dans le cas des autres pays qui ne reconnaissent que l'adoption simple, comme un bon nombre de pays de l'Amérique centrale, nous voulons avec eux signer des ententes qui feront que l'adoption simple pourrait avoir, dans le cas des enfants abandonnés ou orphelins, l'effet de l'adoption plénière s'ils sont adoptés au Québec.

Cela m'apparaît très important de rectifier cette chose. Il ne s'agit pas d'imposer nos lois à d'autres, mais, de nous assurer que les enfants qui sont ici au Québec comme enfants adoptés auront le même statut que tous les autres enfants du Québec et que, même parmi les enfants adoptés, il n'y aura pas deux classes d'enfants.

Je voudrais également revenir quelque peu sur le rôle du Secrétariat à l'adoption internationale. Ce secrétariat qui fut créé sous l'ancien gouvernement et peut-être au moment où le chef de l'Opposition actuel était ministre des Affaires sociales, si je ne m'abuse, à moins qu'il ait été créé au moment où le Dr Laurin était ministre des Affaires sociales, en tout cas, cela a été créé sous l'ancien gouvernement. Ce matin, on l'a fortement critiqué. Oubliant sans doute que le secrétariat a toujours agi selon la volonté politique des gouvernants qui étaient en place et que, s'il s'est créé des ambiguïtés et des confusions, c'est que peut-être les indications que l'on a données au moment de ces problèmes, au Secrétariat de l'adoption internationale, les directives ou les orientations n'ont pas toujours été très claires.

Je pense que le rôle du secrétariat n'a pas à être mis en cause parce qu'il a été créé, compte tenu d'un vacuum ou d'un vide qui existait dans tout le domaine de l'adoption internationale au moment où les Québécois recouraient de plus en plus à l'adoption internationale, compte tenu du fait que les enfants libres pour l'adoption au Québec devenaient de plus en plus rares et qu'en même temps les familles exprimaient ce désir de se tourner vers d'autres pays pour adopter des enfants.

Dans le cas du Secrétariat à l'adoption internationale, comme je le disais ce matin, peut-être y a-t-il des choses qui peuvent être modifiées quant à son fonctionnement, mais quant à son existence même, je pense qu'il ne saurait être question, à ce moment-ci, de la remettre en cause. Maintenant, il est un autre point qui reste. C'est celui de tous les cas d'adoption simple qui ont été faits depuis 1983. Ils seront considérés cas par cas parce que ces enfants, pour un bon nombre d'entre eux, sont parfois rentrés à l'occasion d'une adoption privée. Il n'y a pas de jugement d'adoption qui a été accordé dans leur cas, si bien qu'ils se retrouvent dans une situation assez ambiguë ici, de même que les parents qui les ont adoptés se retrouvent aussi dans un état d'incertitude qui, je pense n'est bon ni pour les enfants ni pour les adoptants. Ces cas seront considérés un par un et nous nous efforcerons de trouver la solution la plus humaine possible dans les circonstances.

Je voudrais également dire, M. le Président, que s'il est vrai qu'il y a des parents qui ont éprouvé des difficultés et qui en éprouvent encore, particulièrement dans le cas des enfants qui sont entrés ici avec une perspective d'adoption simple et dont le jugement d'adoption n'a pas encore été rendu, il faut bien aussi parler de toutes les familles - le député de Gouin le mentionnait d'ailleurs ce matin - et de tous les parents qui ont eu l'occasion d'adopter non seulement un enfant, mais souvent plusieurs enfants et pour qui l'opération a été - le terme est peut-être un peu particulier - pour qui la démarche a été très satisfaisante et qui ont, à partir de l'adoption internationale, constitué des familles qui peuvent s'épanouir au Québec dans les meilleures conditions possible. En même temps que l'on examinera toute la question de l'adoption simple, je pense qu'il faut penser également à ces familles où l'adoption a été un succès.

En dernier lieu, M. le Président, il y a eu ce matin une proposition du député de Gouin en ce sens qu'on puisse examiner toute cette question de l'adoption internationale dans un contexte beaucoup plus large, peut-être plus détendu, non pas dans un forum qui peut risquer d'être plus partisan, quoique je pense que de part et d'autre de la Chambre, on admettra que quand cette question de l'adoption internationale a été soulevée à quelques occasions, nous nous sommes toujours efforcés justement d'adopter une attitude non partisane. Dans ce cas-là comme dans le cas de la protection de la jeunesse où nous avions établi ou créé une commission non partisane pour réexaminer toute la Loi sur la protection de la jeunesse, je pense qu'à la suite de la suggestion du député de Gouin, un exercice similaire pourrait se faire au sujet de l'adoption internationale, cela m'apparaît une proposition intéressante.

Ce qui n'existait pas au moment où nous avions pour une première fois créé une commission non partisane dans le cas de la protection de la jeunesse, aujourd'hui nos règles parlementaires nous le permettent par le truchement des commissions parlementaires, soit à partir de la décision d'une commission de prendre un mandat d'initiative pour se pencher sur toute cette question de l'adoption internationale. Cela intéresserait au plus haut point les organismes qui travaillent dans ce domaine. Cela permettrait peut-être aussi d'envisager des solutions nouvelles, des solutions qui auraient des

répercussions à moyen et à long terme qui soient plus importantes que strictement les corrections que nous devons faire aujourd'hui, compte tenu de la confusion qui a été créée - là-dessus, je corrigerais le député de Gouin - non seulement dans les derniers mois, mais depuis 1983, après les modifications qui avaient été adoptées, encore une fois, à l'unanimité, avec le désir de corriger une situation malencontreuse peut-être à certains égards qui s'était développée jusqu'à ce moment-là. On a tenté de la corriger en 1983; nous sommes encore obligés de la corriger en 1986.

Si une réflexion de la part des membres de la commission des affaires sociales pouvait permettre des solutions plus stables et à plus long terme, cela serait fort souhaitable. Mais le député de Gouin, que je remercie pour sa suggestion constructive, connaît les règles de fonctionnement des commissions et il ne saurait relever de la ministre de décider des mandats d'initiative que les commissions ou la commission des affaires sociales veut bien se donner. Mais, sachant au moins que j'éprouve une certaine sympathie, pour ne pas dire une sympathie certaine, à l'endroit d'un tel mandat d'initiative, il reviendra maintenant aux membres de la commission des affaires sociales de faire le nécessaire et de s'entendre, s'ils le peuvent, pour travailler sur un tel mandat d'initiative.

M. le Président, je suis fort consciente que, en dépit des amendements ou des pouvoirs de règlement qui seront accordés à la ministre par ces modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse, tous les problèmes ne seront pas résolus, mais je crois que l'ensemble de l'Assemblée nationale se réjouira sans doute que soit réaffirmé de nouveau et sans ambiguïté que, dans le cas du Québec, notre règle quant à l'adoption internationale est la règle de l'adoption plénière pour assurer justement aux enfants adoptés qu'ils ont les mêmes droits que tous les enfants du Québec et que particulièrement les enfants adoptés de pays étrangers aient également les mêmes droits que les enfants adoptés au Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Le débat étant clos à cette étape de l'étude du projet de loi, la motion d'adoption du principe du projet de loi 139, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse concernant l'adoption internationale, proposé par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, compte tenu qu'il est 17 h 30 et qu'un vote est prévu à 17 h 45, il était de notre intention de proposer l'amorce du débat sur le principe du projet de loi 142, mais, plutôt que de faire subir à Mme la ministre une interruption de son discours à quinze minutes de son début, je suggère qu'on suspende et qu'on reprenne à 20 heures, tout en ayant pris le vote à 17 h 45.

Renvoi à la commission des affaires sociales

Avant d'en faire la proposition formelle, il y a lieu que je propose de déférer le projet de loi 139 à la commission des affaires sociales pour étude détaillée. M. le Président, je fais maintenant la suggestion que nous suspendions la séance jusqu'à 17 h 45.

Le Vice-Président: Très bien.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est parce que...

Le Vice-Président: Un instant! Simplement pour être dans les formes, cette motion de déférence est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, en fait, il resterait quinze minutes à la ministre, je trouve que c'est assez long pour annoncer le retrait du projet de loi. Quinze minutes, cela devrait être assez.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, non merci au chef de l'Opposition. On pourrait entamer autre chose aussi, mais nous avons communiqué avec le bureau du leader et nous avons convenu qu'il serait plus utile de suspendre.

Le Vice-Président: D'accord, il y a donc consentement. Nous allons suspendre nos travaux pour quinze minutes environ et nous allons reprendre pour le vote à 17 h 45. Nous suspendons nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 30)

(Reprise à 17 h 45)

Le Vice-Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît!

Mise aux voix de la motion de censure

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de censure présentée par M. le chef de l'Opposition en vertu de l'article 304 du Règlement, motion qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement libéral d'affaiblir le caractère français du Québec, de démanteler les instruments de développement économique dont s'est dotée la société québécoise et qu'elle le blâme également d'avoir renié les promesses électorales du Parti libéral, notamment à l'égard des jeunes et de ceux et celles dont la situation économique et sociale est fragile."

Que les députés qui sont pour la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Johnson (Anjou), Chevrette (Joliette),

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Un instant, s'il vous plaît! Il n'y a pas de consentement? Non. Alors, que les deux députés qui sont entrés après le début de la mise aux voix...

Une voix: On ne peut pas entrer pendant un vote.

Le Vice-Président: Ils ne peuvent pas entrer non plus. Je leur demande de sortir.

Une voix: Ils ne peuvent pas sortir non plus.

Le Vice-Président: Je leur demande de sortir de l'Assemblée, puisqu'il n'y a pas consentement.

Une voix: II y a consentement quant à nous.

Une voix: C'était sa fête.

Une voix: On ne peut pas s'attendre à autre chose.

Le Vice-Président: Très bien.

Le Secrétaire adjoint: M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis), Rochefort (Gouin), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau (Johnson), MM. Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Godin (Mercier), Mme Vermette (Marie-Victo-rin), MM. Paré (Shefford), Claveau (Ungava), Boulerice (Saint-Jacques), Blais (Terrebonne), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Desbiens (Dubuc).

Le Vice-Président: Que les députés qui sont contre la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent), Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Levesque (Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paradis (Brome-Missisquoi), Côté (Rivière-du-Loup), Savoie (Abitibi-Est), Vallerand (Crémazie), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Picotte (Maskinongé), Fortier (Outremont), Mme Bégin (Bellechasse), MM. Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Philibert (Trois-Rivières), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier), Doyon (Louis-Hébert), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Rivard (Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Bélisle (Mille-Iles), Mmes Hovington (Matane), Trépanier (Dorion), Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption), Mme Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Camden (Lotbinière), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Després (Limoilou), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gau-vîn (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Hamel (Sherbrooke), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains (Saint-Henri), Houde (Berthier), Kehoe (Chapleau), Mme Le-gault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Lemieux (Vanier), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Tremblay (Iberville), Thérien (Rousseau), Théorêt (Vimont), Saint-Roch (Drummond).

Le Vice-Président: II n'y a aucune abstention?

Le Secrétaire: Pour: 21

Contre: 74

Abstentions: 0

Le Vice-Président: La motion est rejetée.

Considérant l'heure tardive, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 20 h 3)

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. le ministre de l'Énergie et leader adjoint du gouvernement.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 27, s'il vous plaît.

Projet de loi 142 Adoption du principe

La Vice-Présidente: Â l'article 27 du feuilleton, il s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 142, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui a été présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux le 12 novembre dernier. Mme la ministre.

M. Rochefort: Je m'excuse auprès de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux mais j'imagine que la ministre a un discours important à faire, Mme la Présidente, suffisamment important pour qu'on ait quorum.

La Vice-Présidente: Je vais vérifier.

J'ai vérifié, nous sommes treize. Comme il y a quorum, Mme la ministre, vous pouvez commencer.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, le projet de loi 142, modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, a pour objet de prévoir le droit à toute personne d'expression anglaise de recevoir dans sa langue des services de santé et des services sociaux, compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui les dispensent. Il prévoit en outre des modalités qui permettront d'assurer ces services.

Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est de garantir l'exercice d'un droit, consacrer dans la loi le droit pour la minorité anglophone de recevoir des services dans le domaine de la santé et des services sociaux dans sa langue. Un droit qui n'est pas constitutionnellement ou légalement reconnu n'a pas de portée opératoire réelle. Et s'il est vrai que, dans les faits, ces services leur sont, même actuellement, dans une large mesure, prodigués dans leur langue, ils demeurent néanmoins soumis à la bonne volonté de celui ou de celle qui dispense les services.

Pour le gouvernement, cette reconnaissance du droit aux services pour les personnes d'expression anglaise permettra de prendre des mesures susceptibles de favoriser l'exercice de ce droit. Actuellement, le dispensateur de services a la discrétion de les offrir ou non en langue anglaise. Par la reconnaissance du droit et des mesures pour le faire valoir, un élément majeur intervient du fait que le bénéficiaire pourra effectivement les obtenir en langue anglaise.

Cet engagement, nous l'avons annoncé lors du discours d'ouverture, et, sur ce point, nous recevons l'appui de la population et des différents intervenants du réseau de la santé et des services sociaux qui, s'ils ont exprimé des réserves quant aux modalités d'application, ont quand même fait consensus sur le principe d'un tel projet. Et les différentes associations d'établissements nous ont toutes manifesté sans exception qu'elles partageaient les préoccupations du gouvernement à l'origine du projet de loi 142, qui vise à assurer aux bénéficiaires de la communauté anglophone du Québec l'accès à des services de santé et des services sociaux dans leur langue.

Mme la Présidente, on a voulu assimiler ce projet de loi à un projet linguistique. Au contraire, il s'agit d'un projet de loi qui vise à faciliter l'accès de la minorité anglophone à des services de santé et des services sociaux dans leur langue. Cette minorité d'expression anglaise demande particulièrement pour les personnes les plus démunies, qu'il s'agisse des personnes âgées, des personnes handicapées souffrant d'une déficience mentale ou autre, ou des jeunes en besoin de protection ou en difficulté d'apprentissage, que ces gens puissent avoir accès, dans des limites évidemment raisonnables et compte tenu de l'organisation des services et de la disponibilité des ressources, à des services dans leur langue.

En 1971, l'adoption de la Loi sur les services de santé et les services sociaux a permis l'attribution de droits précis formulés comme un ensemble et portant notamment sur les services de santé et les services sociaux. À ce chapitre, l'article 4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux énonce que toute personne a droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social avec continuité et de façon personnalisée, compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services.

Le libellé de ces dispositions législatives accorde à toute personne le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux à toutes les étapes de sa vie, selon sa situation et ses besoins. Quand le législateur a ainsi voulu reconnaître ce droit à la santé énoncé à l'article 4 de la Loi sur la santé et les services sociaux, il avait comme préoccupation d'assurer à l'ensemble de la population répartie sur tout le territoire du Québec des services de santé et des services sociaux suffisants répartis de façon à répondre adéquatement aux besoins qu'on voulait alors couvrir. C'est donc le texte de l'article 4 de cette loi qui

matérialise ce droit aux services dans un énoncé très général exprimant un principe fondamental.

La teneur des dispositions législatives contenues dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui concèdent à toute personne le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux, reconnaît en quelque sorte l'existence d'un droit public à l'obtention de services. Il s'agit d'un droit qui découle directement de la loi, qui en fixe l'accessibilité et l'étendue.

Cependant, il serait erroné de soutenir que tous les services doivent nécessairement être tous rendus. En effet, la loi prévoit que chacun a droit à des services et non aux services ou à tout service. Certaines limites sont établies par la loi, par les permis que détiennent les établissements, par les plans d'organisation, par les budgets et par les circonstances. Il faut se rappeler, Mme la Présidente, que les ressources, tant humaines que matérielles, ne sont pas illimitées et qu'elles varient d'un établissement à l'autre. Néanmoins, dès que des services sont fournis, ils doivent respecter des critères scientifique, humain et social. Ils doivent l'être avec continuité et de façon personnalisée.

Ce droit aux services énoncé à l'article 4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux a un impact majeur quant à la qualité des services qui doivent être dispensés aux bénéficiaires, car c'est au nom du bénéficiaire que le droit est énoncé. Quelle est la portée de l'article 4 en matière d'accessibilité à des services de santé et des services sociaux en langue anglaise? Pour répondre à cette question, il faut tenir compte des autres dispositions de la loi et seul l'article 5 de cette loi fait référence à la langue et il se situe dans le même esprit que l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cet article n'a pour effet que de conférer à une personne d'expression anglaise le droit à des services de santé et des services sociaux dans sa langue. Il a simplement pour effet de lui conférer le droit à des services de santé et des services sociaux sans distinction fondée sur la langue.

Conséquemment, si le principe de l'article 4 devait se lire isolément, nous ne pourrions, en matière de santé et de services sociaux en langue anglaise, lui donner une grande portée. Pour conférer un véritable effet opératoire à l'article 4, d'autres dispositions doivent édicter des obligations complémentaires.

Excusez-moi un instant, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Est-ce que cela va?

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Mme la Présidente. En effet, dans le cadre des obligations établies par la loi, toute personne est en droit de recevoir toute sa vie durant les services requis par sa condition physique, psychologique ou sociale. De plus, la dispensation des services sociaux et des services de santé doit s'effectuer dans le plus grand respect des droits fondamentaux de la personne. Ces droits sont protégés à la fois par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et par la Charte des droits et libertés de la personne.

Par ailleurs, à la limite, on pourrait affirmer que, compte tenu de l'obligation de fournir des services adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, les établissements qui disposent de l'organisation et des ressources nécessaires devraient pouvoir offrir des services dans la langue parlée du bénéficiaire lorsque celui-ci est dans l'incapacité de s'exprimer en français ou, encore, lorsque la complexité du cas exige un dialogue dans sa langue, même si le bénéficiaire peut s'exprimer dans un français usuel, c'est-à-dire adéquat pour des activités courantes, mais insuffisant lorsqu'il s'agit d'un problème délicat d'ordre social. C'est d'ailleurs pour cette raison humanitaire que nous nous penchons sur des mesures de meilleure accessibilité à des services de santé et des services sociaux aux communautés culturelles.

S'appuyant sur le choix social qui est à la base même de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le projet de loi 142 vise à préciser les règles légales pour assurer le respect du droit à des services de santé et des services sociaux aux citoyens d'expression anglaise. Notre gouvernement veut reconnaître que les personnes appartenant à la communauté d'expression anglaise ont le droit de recevoir dans leur langue les services de santé et les services sociaux et nous l'avons réaffirmé dans le discours inaugural de décembre 1985.

Mais la question centrale n'est pas une question linguistique. L'enjeu est plutôt la possibilité pour une personne de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats, de déterminer comment ce droit aux services peut recevoir une application concrète et, dans le cas présent, s'il y a lieu de reconnaître explicitement une relation entre la prestation des services de santé et des services sociaux et la langue dans laquelle ces services sont dispensés.

Il n'y a pas de doute que notre gouvernement doit s'assurer et assurera, à l'instar du gouvernement qui nous a précédés, que le français demeure la langue commune de tous les Québécois et occupe dans toutes les sphères de l'activité humaine au Québec la place prééminente qui lui revient.

Cependant, le gouvernement, tout en tentant de traduire ces objectifs dans le vécu quotidien, doit se rappeler qu'il existe au Québec une population qui appartient à la communauté anglophone, soit qu'elle soit de

culture et de langue maternelle anglaises, soit qu'au fil des ans elle se soit intégrée à cette communauté. Cette dernière réalité illustre bien une situation de fait véritable, à savoir que certains de nos programmes sociaux d'intégration à la communauté francophone n'ont pas atteint, Mme la Présidente, certaines catégories bien précises de la population.

Je pense ici aux diverses mesures d'intégration prévues dans les lois 22 et 101, que l'on retrouve dans les secteurs du travail et de l'éducation et qui, pour des raisons historiques, entre autres, que nous connaissons bien, n'ont pas atteint des catégories de la population québécoise, notamment une partie des communautés culturelles, en particulier, la plus âgée.

À ce chapitre, on ne saurait dire que les mesures proposées par notre gouvernement visent à favoriser l'intégration des allophones à la communauté d'expression anglaise comme certains ont pu le croire ou l'ont laissé entendre, puisque la langue dans laquelle les services de santé et les services sociaux sont dispensés n'a d'autre objectif -et ceci est très important - que d'assurer des services adéquats au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. De plus, il convient de le rappeler, la langue de travail et de l'éducation sont les outils qui ont été privilégiés à deux reprises par le législateur pour assurer l'intégration à la majorité francophone. Concernant les services de santé et les services sociaux à la minorité anglophone, nous estimons qu'il s'agit d'un droit que nous voulons assurer pour nos concitoyens anglophones et que l'exercice de ce droit ne met nullement en péril l'avenir de la langue et de la culture française.

Ce droit ne saurait donc devenir un élément d'intégration des allophones à la communauté anglophone. D'ailleurs, dans les régions à l'extérieur de Montréal, on peut affirmer que le problème de l'intégration des allophones ou des communautés culturelles -je préfère de beaucoup cette terminologie que le mot "allophone" - à la communauté anglophone ne se pose pas, puisque la totalité, à quelques exceptions près s'il en existe, s'est intégré à la communauté francophone. Certes la région de l'Outaouais peut faire exception. Mais personne, Mme la Présidente, ne s'est interrogé jusqu'à ce jour sur le fait que, non seulement des allophones, mais aussi des francophones de cette région, vont chercher dans les établissements anglophones de l'Ontario leurs services médicaux, précisément parce qu'on s'est davantage inquiété de la proximité de services adéquats que de leur dispensation dans la langue anglaise, le recours à ces services étant presque toujours, sinon toujours, de nature temporaire.

Il en va de même pour d'autres régions frontalières. Que l'on songe, par exemple aux francophones et peut-être aussi à certains anglophones de la région de la baie des Chaleurs qui vont chercher des services fréquemment au Nouveau-Brunswick; que l'on pense à la population des Îles-de-la-Madeleine qui va .chercher des services à l'Île-du-Prince-Édouard ou encore à la Basse et Moyenne Côte-Nord qui vont chercher des services à Terre-Neuve. Et que dire de la population de l'agglomération de Montréal où, depuis des décennies, des francophones et des allophones vont chercher des services régulièrement dans les établissements hospitaliers de langue anglaise. Pourtant, personne jusqu'à ce jour n'a prétendu qu'il s'agissait-là d'un outil d'anglicisation.

Je recevais des chiffres, Mme la Présidente, que j'aurai l'occasion de donner plus en détail en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, sur la fréquentation des personnes autres que celles appartenant à la communauté anglophone ou à la minorité anglophone et qui fréquentent les institutions anglophones, de Montréal. C'est dans une proportion d'environ un tiers d'anglophones, un tiers de francophones et un tiers de membres des communautés culturelles que l'on fréquente ces institutions anglophones, sans que pour autant on ait crié à la catastrophe. (20 h 20)

D'ailleurs, il conviendrait peut-être de faire une digression pour se demander pourquoi un si grand nombre d'allophones vont chercher leurs services dans les institutions anglophones, sinon que ces dernières, depuis déjà longtemps, ont intégré à leur personnel un grand nombre de personnes d'origines autres que française et anglaise. Il convient de dire, Mme la Présidente, que les institutions francophones, aussi sensibilisées à cette réalité et bien que sensibilisées à cette réalité, pour des raisons que l'on connaît, n'ont amorcé que plus récemment une semblable démarche. D'où la nécessité pour elles, et elles y croient, d'accentuer leurs efforts dans ce domaine.

Mme la Présidente, ce qui nous apparaît important, c'est d'assurer à la personne d'expression anglaise... Je sais que ce terme, qui a été utilisé dans la loi 101 pour parler de la communauté d'expression anglaise, prête souvent à discussions. Mme la Présidente, pour nous, dans le domaine de la santé et des services sociaux, assurer à la personne d'expression anglaise, c'est assurer à cette personne qui peut le mieux exprimer ses besoins dans cette langue lorsqu'elle requiert des services de santé ou des services sociaux, de pouvoir le faire dans la langue anglaise. Sachant fort bien que la langue est un outil de communication privilégié dans ces domaines, c'est d'ailleurs pour cette raison que mon ministère, comme je le mentionnais plus haut, a formé un

comité de travail qui examine le problème de l'accès des bénéficiaires des communautés culturelles à des services de santé et des services sociaux dans leur langue. D'ailleurs, leurs recommandations devraient me parvenir au cours des premiers mois de la nouvelle année.

Certains ont soulevé le fait que cette garantie devrait exister pour tous. Si elle existe pour les anglophones inscrits dans la loi, elle devrait aussi exister pour les membres des communautés culturelles.

Nous croyons, Mme la Présidente, que seule la minorité anglophone peut se réclamer d'un tel droit en raison de facteurs historiques que nous connaissons tous comme d'ailleurs dans les autres provinces du Canada, bien qu'avec plus de difficultés, il faut l'admettre, seules les minorités francophones peuvent réclamer de leurs gouvernants et de façon législative des services en français dans le domaine de l'éducation ou encore dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Mme la Présidente, je reconnais que des efforts sont déployés dans le réseau actuel des établissements de santé et des services sociaux à l'endroit des anglophones et des communautés culturelles. Je m'en réjouis et je les encourage à poursuivre leurs efforts dans le même sens. Je pense qu'il est important de se doter d'un cadre juridique qui consacre le droit à des services en langue anglaise et que nous puissions, à l'intérieur, rendre ce droit opératoire en faisant des arrangements ou en planifiant sur le plan administratif des mesures qui font que ces gens pourront véritablement recevoir des services dans leur langue.

D'ailleurs, Mme la Présidente, de telles considérations devraient recevoir l'appui incontesté de l'Opposition en cette Chambre, puisqu'en juin 1985, l'actuel leader de l'Opposition, alors ministre des Affaires sociales, avait lui-même évoqué en cette Chambre, en- réponse à une question, la possibilité pour chaque bénéficiaire de recevoir les services de santé et les services sociaux dans sa langue. Il avait énoncé, et je cite: "Je pense que c'est acquis au niveau du gouvernement. II n'y a personne qui conteste cela de ce côté. Je pense que ce qu'il y a d'important au niveau de la santé et des services sociaux, c'est que le bénéficiaire ait une qualité de services."

Également - nous avons eu l'occasion de l'évoquer en cette Chambre, il y a quelques jours - l'actuel chef de l'Opposition avait pris, vis-à-vis de la minorité anglophone, un engagement semblable au nôtre alors qu'en juin 1985 toujours, dans le contexte des propositions constitutionnelles du gouvernement dont il faisait partie à titre de ministre de la Justice et des Affaires canadiennes, il avait inclus le droit de la minorité de langue anglaise à ses institutions culturelles et éducatives, ainsi que le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux dans sa langue. Pour ce dernier - et ce sont ses mots - ce droit n'était aucunement négociable.

Plus encore, en campagne électorale, le premier ministre d'alors avait promis, dans une entrevue au journal The Gazette du mercredi 13 novembre 1985, de faire adopter une loi pour assurer ce droit. Il avait déclaré, et je cite en anglais: "And I think we should guarantee by law in Québec, in fundamental rights, the right for English-speaking people to get health and social services in their language." Je n'ose croire, aujourd'hui, que cet engagement relevait d'un opportunisme électoral mais, bien au contraire, qu'il reflétait les convictions profondes du chef de l'Opposition.

D'ailleurs, faudrait-il rappeler que, même au moment du débat sur la loi 101, le seul amendement - mais je pense qu'il était de taille - que le gouvernement d'alors avait accepté était de permettre aux enfants présentant des troubles d'apprentissage graves de pouvoir recevoir des services en langue anglaise si ceci se révélait la meilleure mesure pour eux. Ce sont de ces problèmes que nous parlons aujourd'hui quand nous parlons de dispensation de services de santé et de services sociaux.

Il ne s'agit pas non plus dans la loi 142, comme certains voudraient le croire, d'établir ou de créer de nouvelles institutions anglophones. On sait que le Québec compte déjà un bon nombre de ces institutions, dont l'ancien gouvernement avait d'ailleurs reconnu le statut particulier par des amendements à la loi 101, mais strictement au niveau de la communication interne dans ces établissements. Il s'agit plutôt, avec la collaboration des conseils régionaux de la santé et des services sociaux, de coordonner les ressources existantes pour permettre que la "livraison" des services en anglais soit plus accessible à la population de langue anglaise. Qu'il suffise de dire que dans certaines régions du Québec, à l'extérieur de la grande région montréalaise - qu'on pense à la péninsule gaspésienne, à la Côte-Nord, aux Cantons de l'Est et à l'Outaouais - se retrouvent des groupes significatifs de gens de langue anglaise qui y sont établis depuis plusieurs générations. L'ex-ministre des Affaires sociales lui-même a été témoin que, même à Montréal où, normalement, ces ressources existent, il y avait de la place pour de l'amélioration dans la coordination des services et des ressources pour, précisément, permettre que les personnes âgées, les enfants ayant besoin de protection, puissent recevoir des services en langue anglaise. Il s'agit donc d'assurer, là où sont requis des services spécialisés requis par des personnes handicapées, des services psychiatriques, des services spécialisés pour des jeunes qui ont

des problèmes ou pour des personnes âgées, que ces services puissent être corrigés par une meilleure coordination des ressources tant au niveau régional qu'au niveau interrégional.

La commission Charbonneau, d'ailleurs, avait fait des recommandations très précises à ce sujet, demandant que l'on rende plus accessibles à la communauté anglophone, aux enfants et aux parents qui éprouvaient des problèmes, des services dans leur langue. Elle avait d'ailleurs étendu cette recommandation également aux enfants des communautés culturelles.

Le projet de loi 42 vient donc corriger la situation existante et ne crée pas de nouveaux établissements ni de système parallèle de services sociaux et de santé, comme je l'ai mentionné précédemment. Il permettra de désigner les établissements qui auront le mandat particulier d'offrir des services sur le plan régional à leur communauté d'expression anglaise, mais tous ces établissements devront continuer - je tiens à le dire - de respecter la Charte de la langue française. Ils devront offrir en français, comme ils le font présentement, à la population du Québec tous les services qu'ils dispensent.

Le projet de loi 42 n'entraînera pas la création de nouveaux établissements dont le mandat sera de desservir la communauté d'expression anglaise. Il prévoit un mécanisme par lequel les conseils régionaux mettront au point, à la suite de consultations avec leurs établissements, des plans réalistes en vue d'assurer les services dans les régions. Il n'obligera pas chaque établissement à offrir des services en anglais ou à avoir du personnel bilingue. Cependant, si les services et le personnel ne sont pas offerts au sein d'une région en particulier, il exigera que le conseil régional détermine la façon la plus efficace d'assurer que ces services soient accessibles d'une manière ou d'une autre à la population d'expression anglaise. Il ne fait aucun doute que tous les réaménagements nécessaires se feront dans le contexte, tel que décrit par la loi, des ressources disponibles existantes dans le secteur des affaires sociales. (20 h 30)

Pour le législateur, la reconnaissance du droit aux services implique donc de prendre les mesures susceptibles de favoriser l'exercice de ce droit, notamment par la désignation par règlement, pour la région que le gouvernement indique, d'établissements qui sont tenus de rendre accessibles en langue anglaise des services de santé et des services sociaux. Ces établissements seront désignés parmi ceux reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 de la Charte de la langue française. Également, par l'élaboration par un conseil régional en collaboration avec les établissements d'un programme d'accès à des services de santé et des services sociaux en langue anglaise dans les établissements qu'il indique, compte tenu de l'organisation et des ressources de ces établissements.

À ce chapitre, des modifications seront proposées au projet initial visant à circonscrire l'exercice du droit reconnu à la communauté d'expression anglaise de recevoir en langue anglaise des services de santé et des services sociaux. Ainsi, nous nous proposons d'inclure à l'article 2 du projet de loi une disposition qui permettra l'exercice du droit reconnu dans la mesure où le prévoit un programme d'accessibilité visé par la loi.

Également, l'article 3 sera modifié afin de prévoir la possibilité pour un conseil régional, dans l'élaboration d'un programme d'accès à des services de santé et des services sociaux en langue anglaise, de collaborer non seulement conjointement avec les établissements mais conjointement avec d'autres conseils régionaux le cas échéant. Il est évident que certaines régions du Québec où la population anglophone est en si petit nombre ne pourront, à l'intérieur, désigner de ces établissements et qu'elles devront le faire conjointement avec d'autres régions.

Ces modifications que nous proposons et ces mesures que nous avançons sont nécessaires afin de se situer dans un contexte où un droit est énoncé et des mesures concrètes sont prises pour en assurer l'exercice.

La question centrale est de reconnaître une relation entre d'une part la prestation de services de santé et de services sociaux et d'autre part la langue dans laquelle ces services sont dispensés. Concrètement, la dispensation des services englobe l'ensemble des gestes et des actions qui constituent le tissu de communication entre le dispensateur de services et un bénéficiaire. Il ne peut s'agir simplement dans ce domaine que de poser des gestes ou d'appliquer des techniques, mais le dispensateur de services doit au premier chef entrer en communication avec le bénéficiaire.

Dans le domaine des services de santé et des services sociaux, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une intervention dont l'un des principaux éléments est d'établir la communication entre les personnes, et non une action mécanique, et ceci plus particulièrement dans des gestes qui doivent être posés et qui sont véritablement assis sur une communication entre le dispensateur et le bénéficiaire.

Comme je l'ai évoqué précédemment, Mme la Présidente, du strict point de vue humain, il ne faut pas oublier que le bénéficiaire de services de santé et de services sociaux est un être vulnérable. Mentionnons à titre d'exemple l'enfant en besoin de protection, la personne âgée ou la personne handicapée. Nonobstant toute

considération juridique, il serait pour le moins contraire à l'équité d'exiger que, en plus de lutter pour régler un problème essentiel, cette personne soit dans l'obligation de lutter pour faire valoir son droit d'obtenir des services en langue anglaise. Tout devrait au contraire converger à éviter qu'elle doive s'en préoccuper.

Du côté du bénéficiaire, le droit aux services n'a pas d'autre limite que celle des besoins. Du côté de la société, il existe une limite évidente, soit celle des possibilités; mais encore faut-il que toutes les possibilités existantes soient explorées et exploitées.

Pour le gouvernement, cette reconnaissance à toute personne d'expression anglaise de recevoir des services de santé et des services sociaux dans la langue anglaise et ce, dans le cadre d'un programme d'accessibilité, implique de prendre des mesures susceptibles de favoriser l'exercice de ce droit.

En cette matière, le rôle de l'État n'est pas simple. Cependant, je crois que la préoccupation première en matière d'accessibilité à des services est de viser au maximum à répondre à des besoins individuels et qu'à cet effet la langue constitue un élément majeur. Nous retrouvons là l'objectif essentiel de ce projet de loi et des mesures qui y sont proposées.

Je voudrais, avant de clore cette partie importante du projet de loi 142, indiquer à l'Opposition, qui manifeste des inquiétudes vis-à-vis le terme utilisé "personne d'expression anglaise", qui est d'ailleurs, je tiens à le redire, le terme que le gouvernement antérieur avait retenu dans la Charte de la langue française au moment des amendements apportés en 1985, je crois, que nous sommes prêts, s'ils ont des amendements qui peuvent faciliter l'identification de ces personnes... Pour nous, ce sont des personnes qui, au moment où elles requièrent des services de santé et des services sociaux, ne se sentent plus capables d'exprimer leurs besoins dans cette langue. Si on trouve une autre définition, nous l'examinerons avec beaucoup d'attention, Mme la Présidente.

Il y a également, dans ce projet de loi, deux autres modifications qui, par rapport à ces quatre articles dont je viens de parler, sont évidemment beaucoup moins importantes. Par exemple, le projet de loi modifie les dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui assujettissent les établissements publics et privés conventionnés du réseau de la santé à obtenir l'autorisation du gouvernement pour poser certains actes juridiques, tels l'acquisition, la construction, la transformation ou la démolition d'un immeuble pour les fins de ces établissements, l'aliénation d'un tel immeuble ou son utilisation à d'autres fins.

Ces autorisations, qui obligent le Conseil des ministres à adopter de nombreux décrets - je pense que le chef de l'Opposition s'en souviendra sans doute particulièrement en matière de construction d'immeubles où la moindre modification du projet de construction entraîne des demandes d'autorisation supplémentaires, ont toujours été données par le Conseil des ministres sur recommandation préalable du Conseil du trésor. Le projet de loi prévoit que ces autorisations seront dorénavant données par le Conseil du trésor plutôt que par le gouvernement au terme de décrets. De plus, pour alléger davantage la démarche, le projet de loi prévoit que le Conseil du trésor pourra en outre déléguer au ministre de la Santé et des Services sociaux les pouvoirs d'autorisation que le projet de loi lui attribue.

Enfin, en ce qui a trait aux conflits d'intérêts, le projet de loi 142 propose que des modifications soient apportées visant à assouplir les règles relatives aux conflits d'intérêts quant aux membres du conseil d'administration d'un établissement public, sauf en ce qui concerne le directeur général. Ce dernier doit, en effet, se consacrer à temps plein à l'accomplissement de ses fonctions et être automatiquement membre du conseil d'administration de l'établissement. On ne peut raisonnablement lui permettre de posséder un intérêt dans une entreprise qui met en conflit son intérêt personnel et celui de l'établissement. Les règles actuelles de l'article 95 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux doivent donc continuer à s'appliquer au directeur général, c'est-à-dire que ce dernier ne peut, en aucune façon, se placer en situation de conflit d'intérêts. Si cette situation se présentait, il devrait alors choisir entre son intérêt et sa charge d'administrateur. Dans son cas, cela signifie qu'il doit également choisir entre son intérêt et son poste de directeur général.

Les règles actuelles prévues à l'article 95 de la loi sont reprises pour le directeur général dans le premier alinéa du nouvel article et ce dernier ne pourra posséder, sous peine de déchéance de sa charge, un intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt personnel et celui de l'établissement.

Quant aux membres du conseil d'administration d'un établissement public, la situation est différente. En vertu des règles actuelles, ces membres ne peuvent posséder aucun intérêt, si minime soit-il, qui entre en conflit avec celui de l'établissement. En pratique, cela a, dans le passé, privé un établissement public de voir siéger à son conseil d'administration des personnes expertes dans leur champ d'activité respectif oeuvrant au sein d'entreprises qui pourraient éventuellement être susceptibles de conclure des contrats avec l'établissement. (20 h 40)

Si les règles concernant les conflits d'intérêts dans le cas des membres du conseil d'administration étaient moins rigoureuses, ces experts pourraient être incités à devenir membres de conseils d'administration d'établissements publics et contribueraient ainsi à enrichir de leurs connaissances et de leur expérience les débats et les prises de décision de ces conseils.

Il est donc souhaitable d'assouplir les règles relatives aux conflits d'intérêts en ce qui a trait à tout membre du conseil d'administration d'un établissement public autre que le directeur général. Voilà, Mme la Présidente, les principales dispositions que prévoit le projet de loi 142 en matière de services de santé et de services sociaux en anglais, d'autorisations aux établissements et de conflits d'intérêts.

En conclusion, vous me permettrez de réaffirmer que, tout en adhérant aux principes qui assurent la primauté du français dans toutes les sphères d'activités au Québec, notre gouvernement ne s'est jamais dérobé à sa tâche de faire valoir les droits-de la minorité anglophone. Nous demeurons convaincus de l'appui de la population dans cette démarche qui ne fait aucun accroc à la Charte de la langue française, mais permet d'assurer à la minorité anglophone l'accessibilité à des services de santé et des services sociaux dans sa langue. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, nous voilà encore à nouveau en train de parler de la question linguistique. La ministre aura bien tenté de nous expliquer que son projet de loi est essentiellement un projet relevant du secteur des affaires sociales, mais elle n'aura pas été très convaincante, étant donné qu'elle a passé au moins la moitié de son exposé à plaider en matière linguistique. Car, Mme la Présidente, il s'agit bel et bien d'un projet de loi en matière linguistique, dans un contexte où ce n'est pas le Parti québécois, l'Opposition, quels que soient les motifs qu'on veuille imputer à celui qui vous parle ou à sa formation politique, qui a soulevé un tollé depuis un certain nombre de semaines et de mois, mais c'est bel et bien le Parti libéral qui soulève à nouveau la question linguistique au Québec dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, autour de ces deux projets de loi et autour de ces états d'âme du premier ministre - je l'ai déjà évoqué - qu'on entend à tout bout de champ, chaque fois qu'un micro lui est planté sous le nez.

J'entendais cet après-midi, d'ailleurs, dans ce contexte la collègue de la ministre de la Santé et des Services sociaux nous dire: Comment peut-on susciter des inquiétudes chez les Québécois en matière d'affichage alors que nous discutons de la loi 140 ou de la loi 142 touchant les organismes d'application de la langue française ou touchant le projet de sa collègue, la ministre de la Santé et des Services sociaux?

Mme la Présidente, la réponse est simple. C'est le premier ministre lui-même qui sème la confusion. Chaque fois que nous avons soulevé les malhabiletés de ce gouvernement, son côté éléphant dans un magasin de porcelaine, son côté presque inconscient dans toutes les mesures touchant la question linguistique, c'est le premier ministre lui-même qui en revenait à la question de l'affichage. La confusion qui a été créée au Québec depuis cinq mois autour du débat linguistique provient, d'une part, de la volonté très claire de ce gouvernement de mettre au pas une partie importante de l'opinion publique qui réclame que le Québec soit français et, deuxièmement, de la confusion entretenue par le chef du Parti libéral et un certain nombre de ses collègues qui nous ont tout le temps parlé d'affichage alors qu'on discutait d'autre chose.

Et aujourd'hui on viendrait s'en plainde. Aujourd'hui, la ministre de la Santé et des Services sociaux voudrait nous faire croire que son projet de loi n'a pas de portée linguistique alors que, le jour de son dépôt, le premier ministre faisait des déclarations sur les districts bilingues. Mme la Présidente, il s'agit d'un projet de loi linguistique dans la logique interne du premier ministre comme dans les faits. Malheureusement, encore une fois, les rouges viennent remettre en question un certain nombre de choses acquises ou que les Québécois ont considérées comme acquises depuis plusieurs années.

Quand on discute des questions linguistiques, quand on discute des rapports entre communautés linguistiques au Canada et au Québec, en particulier, il faut avoir à l'esprit qu'il n'y a pas de symétrie et de réciprocité de situation entre la minorité anglophone du Québec et les minorités hors Québec qui sont francophones. Je m'explique. Peut-être faut-il faire ces rappels historiques, malheureusement, alors que ce débat s'enclenche autour de quelque chose qui relève essentiellement, là aussi, du droit collectif et non pas des droits individuels, c'est-à-dire du droit des minorités. On sait qu'il n'y a même pas un siècle, il y avait une majorité de gens d'expression française au Manitoba. On sait, Mme la Présidente, qu'aujourd'hui ils sont moins nombreux que d'autres minorités ou communautés culturelles.

On sait que ces minorités ont été

dépouillées de façon systématique au cours des années jusqu'à tout récemment de leurs droits en matière scolaire, de leurs droits en matière de santé, de leurs droits dans les institutions démocratiques du Manitoba, comme ce fut le cas en Ontario, mais que, depuis quelques années, au nom d'une certaine vision "pancanadianiste", du bilinguisme et du multiculturanisme, on a restauré pour ce qui reste des minorités francophones hors Québec un certain nombre de droits bien aléatoires, bien illusoires dans certains cas, et qui exigeront pendant des années que la Cour suprême statue sur des nuances pour savoir s'il y aura un commissaire d'expression française au sein d'une commission scolaire.

Ce n'est pourtant pas le cas de la minorité anglophone du Québec. Ce n'est pas l'anglais qui est en danger au Québec, ou même les services en langue anglaise qui sont en danger au Québec. C'est le français en Amérique du Nord qui est en cause, et c'est toujours par ce biais qu'il faut approcher les questions visant à concilier les droits collectifs et les droits individuels, ou à harmoniser les relations entre les communautés.

Dans un contexte comme celui-là, Mme la Présidente, un gouvernement et, au premier chef, celui qui dirige le gouvernement a une responsabilité considérable, une responsabilité qui doit l'amener à avoir une attitude claire, une attitude ferme, une volonté manifeste et perçue comme étant manifeste dans notre société. Une volonté aussi qui s'appuie sur le plus large consensus possible. Je ne dis pas l'unanimité. Il n'y aura jamais, dans quelque société démocratique que ce soit, unanimité quand il s'agit d'aménager à un second niveau, qui est celui du droit au-delà des faits, les rapports entre collectivités. Particulièrement, dans un contexte où les Québécois francophones se considèrent comme minoritaires en Amérique du Nord, ce qui est un fait et ce qui sera un fait dans la nuit des temps, à tout jamais.

Aussi, dans un contexte où la minorité anglophone du Québec, depuis un certain nombre d'années, connaît une situation de minorisation sur le plan des chiffres, dans la mesure où cette communauté est affectée aussi par une situation démographique, comme un exode qui fut extrêmement important au milieu des années soixante et à la fin des années soixante-dix. Or, qu'en est-il de la minorité anglaise au Québec en matière de santé et de services sociaux? (20 h 50)

D'abord les services sont là. Ils existent; ils coûtent des centaines de millions à l'État. Il ne faut quand même pas venir nous dire ici qu'on est en train de fonder la Croix Rouge. Les services de santé et les services sociaux existent pour la minorité de langue anglaise du Québec. Ces services, Mme la Présidente, ils existent depuis la Conquête, au milieu du XVIIIe siècle, et cela ne... J'entends Mme la ministre dire: Oui, depuis les Plaines d'Abraham. Bien, c'est un fait: Depuis les Plaines d'Abraham, il y a des services à la communauté de langue anglaise du Québec en matière de santé et de services sociaux. Cela a commencé probablement le jour où ils ont enterré Wolfe; et ils ont installé probablement un petit hôpital militaire dans le champ d'Abraham. Cela a dû commencer là.

Mme la Présidente, aujourd'hui il y a le Royal Victoria à Montréal, le Montreal General, le Montréal Children's, le Sherbrooke Hospital. Il y a également l'Hôpital communautaire de Pontiac. Il y a 38 établissements de santé de langue anglaise: 31 centres hospitaliers, 3 CLSC, 2 centres de services sociaux, Ville-Marie Social Services et également le CSS juif dont une bonne partie de la clientèle, on le sait, est de langue anglaise, mais qui obtient aussi des services dans la langue souvent partagée par les gens de la communauté juive, qui est le yiddish dans bien des cas ou même l'hébreu dans certains cas absolument exceptionnels. Il y a 38 centres d'accueil pour personnes âgées, 14 centres de réadaptation. Tout cela Mme la Présidente coûte des centaines de millions. Vous n'avez pas entendu celui qui vous parle, à l'époque où il était ministre des Affaires sociales ou qu'il occupait quelque autre fonction, s'en plaindre.

Je considère que ce peuple sur ce territoire, depuis qu'il a vécu sa différenciation sur le continent, a toujours fait en sorte qu'en pratique, depuis je dirais un certain nombre d'années, autour de la Révolution tranquille, on traite correctement, adéquatement, d'une façon dont nous pouvons être fiers comme collectivité face à n'importe quelle province canadienne et face probablement à la plupart des États américains... L'État québécois et la collectivité québécoise ont consacré des ressources gigantesques dans le secteur de la santé à l'égard de la communauté de langue anglaise du Québec.

Ce n'est donc pas le caractère humanitaire instantané de ce projet de loi qui est en cause, bien que je considère qu'il y a une certaine vision humaniste, que je suis prêt à partager dans ses considérations quant à la recherche de certaines garanties pour la communauté et cette minorité historique qui a des droits bien particuliers dans notre société. Mais, ce n'est pas son caractère humanitaire immédiat qui est en cause. Si nous n'adoptions pas cette loi d'ici Noël, cela ne changera rien à Harvey Barken à l'Hôpital général de Montréal. Cela ne changera rien pour la direction du Royal Victoria, du Children's Hospital, du Queen

Mary, du St. Mary ou des autres. Une voix: Côte-des-neiges.

M. Johnson (Anjou): Côte-des-neiges, pardon. Le centre hospitalier Côte-des-neiges, dont le nom a été francisé. Dans son nom, on le sait.

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaîtl M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Merci. Si vraiment la ministre était préoccupée par des questions de nature purement humanitaire plutôt que des questions d'aménagement de droits entre collectivités, dont elle devient le fer de lance parce que sa collègue la vice-première ministre, ministre des Affaires culturelles, est incapable peut-être de susciter une certaine affection de ce côté-ci de la Chambre ou de la part de l'opinion publique... Mais la ministre, elle, de la Santé et des Services sociaux devient le fer de lance d'une législation linguistique dont les buts sont essentiellement juridiques et non pas des buts humanitaires - qu'on se comprenne bien - dans sa traduction concrète, dans la réalité. Car, si la ministre était vraiment intéressée par la dimension de la dispensation de services de santé et de services sociaux dans une autre langue que le français, elle mettrait beaucoup plus d'énergie à s'assurer que continue ce qui se fait en ce moment dans le réseau des affaires sociales, notamment, à l'égard des communautés culturelles, car les communautés culturelles aussi bénéficient de plus en plus de services importants dans leur langue.

En effet, Mme la Présidente, si les fonds restent limités, s'il y a encore des ressources à y mettre, et on connaît les disponibilités budgétaires de la collectivité, il n'en demeure pas moins que le Conseil régional de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain a mis sur pied un programme d'accessibilité aux services de première ligne dans les CLSC où se retrouve une forte proportion des communautés culturelles au Québec et cela, sous l'ancien gouvernement, Mme la Présidente, puisqu'on aime tant en parler de l'autre côté. Tout cela s'est traduit par des services accordés aux non-francophones non anglophones du Québec dans leur langue. Je ne dirais pas de façon généralisée, je ne dirais pas avec l'assurance qu'il n'y a pas à l'occasion des situations sur le plan clinique qui deviennent difficiles. Il n'y a peut-être pas tant de psychiatres d'origine arménienne, par exemple. Il n'y a peut-être pas tant de travailleurs sociaux qui viennent des pays d'Europe de l'Est qui parlent des langues comme le serbo-croate, par exemple. Mais il n'en demeure pas moins qu'au CLSC Saint-

Louis du Parc, que le député de Laurier connaît bien, 40 % du personnel sont affectés à des services aux clientèles qui ne sont ni francophones ni anglophones, qu'au CLSC de Côté Saint-Luc, on y dispense des services dans douze langues différentes, pas seulement en français et en anglais. Par exemple, au CSS de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, il y a 15 % des postes, c'est-à-dire cinq postes unilingues anglais et sept bilingues pour donner des services à une population dans le Bas-du-Fleuve, qui est une minorité historique d'une certaine importance.

La ministre devrait plutôt consacrer son énergie, non pas à demander au Parlement de siéger en catastrophe jour et nuit sur ces projets linguistiques, mais devrait peut-être passer son temps auprès de son collègue du Conseil du trésor pour dégager des ressources, obtenir une planification du réseau des CLSC qui permette que de plus en plus le réseau des CLSC au Québec offre des services dans la langue première des communautés culturelles, que ce soit en grec, en portugais, en arménien, en italien, pour l'ensemble, par exemple, des communautés hispaniques qui sont des gens de plus en plus nombreux chez nous, en espagnol. Pourtant, la ministre a choisi une autre voie.

Pour notre part, nous croyons que c'est cela la vraie priorité sur le plan de l'énergie qu'il faut mettre: S'assurer que les ententes administratives, le réseau des CLSC, donnent de plus en plus de services dans de plus en plus de langues pour les communautés culturelles. C'est plus important que de dire dans une loi: Tenons pour acquis que les établissements de langue anglaise du Québec, eux, auront cette mission de desservir les populations des communautés culturelles en anglais, alors qu'il faut avoir une certaine vision du cheminement du Québec pour les années à venir.

Ce cheminement, Mme la Présidente, c'est celui d'une situation démographique que nous connaissons, d'une diminution du taux de natalité au Québec. On ne réglera pas le problème des établissements anglophones ou visant à desservir les communautés culturelles par une augmentation du taux de natalité des francophones, mais constatons les faits. (21 heures)

Les faits, c'est que, de plus en plus, les francophones se reproduisent de moins en moins. Deuxièmement, le Québec sera une terre qui se peuplera largement par l'immigration. Je suis de ceux et celles qui croient que l'immigration au Québec est un phénomène sain, un phénomène dont nous avons besoin comme société, comme territoire et comme peuple, et auquel il nous faudra nous adapter adéquatement. Je ne suis pas de ceux qui pensent que les immigrants

sont des voleurs de "jobs". Je suis de ceux qui savent que la plupart de celles et ceux qui choisissent de venir s'établir chez nous se trouveront un emploi plus rapidement, investiront rapidement et atteindront rapidement un degré d'autosuffisance économique en vue d'en faire des citoyens productifs.

La question qui se pose, c'est de savoir si cette ouverture que nous devons manifester comme société à l'égard de l'immigration conduira graduellement les communautés culturelles à cheminer en français au Québec ou à cheminer en langue anglaise au Québec. Nous croyons, pour notre part, que la langue commune des Québécois, surtout quand on regarde l'avenir du Québec, quand on voit les courbes démographiques, quand on voit la pression en matière d'immigration, devra être le français et qu'en conséquence la société, pour s'y ajuster, doit prendre des moyens dans tous les secteurs d'activité humaine.

C'est ce qui m'a amené et c'est ce qui a amené notre parti à suggérer récemment, dans un document que nous avons rendu public il y a quelques semaines, qu'en matière d'immigration il fallait s'assurer que ceux qui veulent venir s'établir chez nous savent qu'ils viennent s'installer dans une société française. Il faut qu'ils le sachent avant de venir. Je dirais presque, sans considérer qu'un immigrant en devenir n'a pas de droits avant d'obtenir un statut, qu'il va de soi qu'il faut informer ceux qui veulent venir s'établir au Québec qu'ils vont vivre dans une société à majorité française mais qui, par ailleurs, est une société minoritaire en Amérique du Nord. Cela implique donc un certain nombre de cheminements, pour ne pas dire de contraintes. Cela a amené la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles à dénoncer notre approche quand nous disions que nous étions convaincus qu'en matière d'immigration il fallait favoriser non pas exclusivement, mais favoriser dans notre politique d'immigration l'entrée de groupes plus facilement "francophonisables".

La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles a dénoncé notre document en disant que c'était de la discrimination. C'est faire preuve d'ignorance de l'existence dans nos lois de dispositions qui prévoient précisément, depuis l'entente Cullen-Couture en 1977, que le critère de l'apprentissage du français, à l'exception des réfugiés qui sont toujours des gens qui arrivent dans des conditions d'extrême vulnérabilité, que le critère de connaissance du français est un critère qui entre en ligne de compte dans la sélection de l'immigration, ce qui est normal. Tous les pays civilisés du monde pratiquent une approche en matière d'immigration qui va dans le sens des objectifs démocratiquement définis dans cette collectivité.

L'un des objectifs auxquels la ministre de la Santé et des Services sociaux prétend souscrire de même que ses collègues, bien qu'il faudrait peut-être qu'elle enseigne quelque chose à sa collègue de l'Immigration et des Communautés culturelles, l'une des choses auxquelles les Québécois souscrivent, c'est qu'il faut favoriser l'intégration, et non pas l'assimilation, des nouveaux arrivants au Québec à la majorité. Il faut donc traduire cela dans des politiques d'immigration certes, dans des politiques dans un ministère comme celui des Communautés culturelles qui favorisent l'épanouissement de ces communautés. Mais aussi, il faut le traduire dans d'autres secteurs, y compris en matière sociale. C'est là qu'intervient le projet de loi de la ministre.

On regarde un document du Parti libéral daté du mois de novembre 1985, signé par M. Dauphin et M. Sirros. Je cite le document sous la signature de l'actuel député de Laurier et du député de Marquette. On y lit cette phrase: "II faut reconnaître l'existence et la pérennité des institutions de services sociaux et de santé d'expression anglaise qui offrent de nombreux services aux minorités culturelles."

Cette vision est celle du Parti libéral et c'est la base du projet de loi que nous avons devant nous. C'est dire que nous allons maintenant, dans notre système de santé et de services sociaux, assigner une mission particulière au réseau d'établissements anglophones du Québec de desservir les communautés culturelles en anglais. Et c'est cela, l'aberration de ce projet de loi. C'est cela qui est inacceptable, ainsi qu'un certain nombre d'autres choses dans ce projet de loi.

C'est dans ce projet, dans la mesure où nous pouvons constater que, non seulement c'est la conviction intime, profonde, convaincue du Parti libéral que ces établissements ont une mission qu'ils ont déjà accomplie, mais on vient maintenant le confirmer dans une loi qui pourra, elle, faire l'objet de recours judiciaires aux fins d'affectation de ressources additionnelles. Car, en ce moment, il faut voir comment cela se passe. Quand la ministre de la Santé et des Services sociaux a 12 000 000 $ d'argent de monopoly ou autres à distribuer aux établissements, dans un secteur d'activité donné, disons pour la région de Montréal, comment cela se passe-t-il?

La ministre dit: J'ai 12 000 000 $ pour le perfectionnement des appareils diagnostiques, radiologiques et électrophysiques. Bon! Son ministère lui remplit plein de documents, et il y a plein d'experts qui regardent cela. Elle va au Trésor, et elle se fait dire par les ingénieurs du Trésor que ce n'est pas nécessaire mais, néanmoins, elle finit par remporter une bataille; il faut bien qu'elle en remporte de temps en temps.

Qu'est-ce qui se passe le lendemain? Le lendemain, le Conseil régional de la santé et des services sociaux se réunit. Ils ont des commissions administratives et ils décident de l'allocation des budgets entre les différents établissements. Vous savez, ce ne sont pas des petites luttes. Quand le Royal Vic et le Notre-Dame se prennent aux cheveux pour savoir qui va avoir les millions, c'est épique, cela! La ministre, d'ailleurs, a dû commencer à y goûter un peu depuis un an.

Mme Lavoie-Roux: Pas encore.

M. Johnson (Anjou): Cela va venir. Quand ces géants des réseaux décident de se battre entre eux pour avoir les ressources que l'État met à leur disposition dans le développement, il y a des arbitrages, pour prendre un anglicisme, "excruciants" qui se font autour des tables. Qu'arrivera-t-il avec ce projet de loi? Il arrivera que dans certains programmes, un établissement anglophone, insatisfait de l'arbitrage autour de la table du CRSSS, pourra dire: Moi, je considère, en vertu de l'article 2 ou de l'article 6 ou de l'article 8 du projet de loi de la ministre, que je devrais avoir des ressources additionnelles pour remplir la nouvelle mission qu'on m'a donnée. Et puis il ira en Cour supérieure. Et puis il demandera à un juge de statuer au lieu de la ministre ou de la conférence administrative du CRSSS. Au détriment de qui cela va-t-il se faire? Cela va se faire, par définition, au détriment d'autres établissements, donc, des établissements francophones de Montréal.

Des voix: Oh! Oh! Voyons donc!

M. Johnson (Anjou): C'est cela, parce que l'argent, la ministre ne peut l'inventer. Je comprends que le premier ministre nous annonçait tout à l'heure qu'il avait distribué 1 000 000 000 $ de plus pour la santé. Je suis sûr que la ministre aurait aimé que ce soit vrai; elle n'aurait pas de problème, si c'était vrai.

Mme Lavoie-Roux: 1 000 000 $. M. Rochefort: C'est faux.

M. Johnson (Anjou): Le premier ministre a dit 1 000 000 000 $ cet après-midi. Vous ne le saviez pas? Il vous a fait un cadeau de 275 000 000 $ lors d'un discours tout à l'heure. Mais ce n'est pas grave, il est habitué, il en a fait pour des milliards de même pendant la campagne électorale. (21 h 10)

Ce projet de loi, assignant une mission spécifique aux établissements anglais du Québec, non seulement confirmera-t-il ce qui existe déjà mais il donnera un moyen addi- tionnel à ces établissements qui visent à aller chercher plus de clientèle. C'est vrai pour Notre-Dame aussi, c'est vrai pour tout le monde:. les établissements du réseau veulent plus de clientèle parce qu'ils veulent grossir, parce que ce sont de grosses machines, parce qu'ils sont convaincus qu'ils sont les meilleurs et, ma foi, s'ils n'étaient pas convaincus qu'ils sont les meilleurs, ils ne devraient pas être là. C'est comme ça qu'on maintient un système intéressant en termes de qualité pour nos concitoyens. Mais ils veulent grandir. Et voici un instrument, dans ce projet de loi, qui donne un moyen additionnel pour aller chercher des ressources. C'est imprudent. La ministre me fait signe que non, mais c'est ça que son projet de loi va permettre. Ce n'est peut-être pas son intention en ce moment, mais si ce n'est pas son intention pourquoi a-t-elle mis ça dans le projet de loi? Parce que c'est peut-être improvisé un peu aussi, comme le reste de ce que fait ce gouvernement en matière linguistique, Mme la Présidente.

La communauté anglaise demande depuis un certain nombre d'années - et je crois que le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui connaissait bien Darcy Colson et d'autres qui ont oeuvré en santé et services sociaux au Québec au CSSVM et ailleurs - et a commencé cette revendication de façon assez précise quelque part en 1978-1979. Cela venait essentiellement autour de l'appréhension qu'avait la communauté de langue anglaise de la dilution de l'importance du CSS Ville-Marie - Ville-Marie Social Services, qui est le CSS de langue anglaise de Montréal - dans le cadre de la complétion du réseau des CLSC; et ils voyaient se diluer l'importance de l'armature institutionnelle que la communauté de langue anglaise avait au moment où on ferait graduellement les transferts vers les CLSC.

Deuxièmement, cette revendication, véhiculée par Alliance Québec en particulier et fort bien, dans des dossiers fortement étoffés, dans un langage pondéré mais dans des demandes qui demeuraient, dans certains cas, assez radicales, ces demandes également arrivent dans un contexte où la communauté de langue anglaise est préoccupée quant à son nombre, particulièrement au tournant des années soixante-dix~quatre-vingt, alors qu'au-delà de 75 000 Québécois d'expression anglaise avaient quitté notre territoire, comme il y en avait eu un nombre à peu près équivalent dans le milieu des années soixante, pour des considérations de nature économique et aussi des considérations reliées à ce qui se passe au Québec: le fait que des gens ne se reconnaissaient pas dans ce qui se passait. Tout cela se traduit par un vieillissement prématuré d'une communauté donnée sur un plan démographique, ce qui est le cas, entre autres, pour la communauté juive du Québec

où une personne sur cinq est âgée de plus de 65 ans. La communauté de langue anglaise appréhende une situation de cette nature. Elle veut donc réagir, elle sent le Québec se franciser de plus en plus, elle sent ses nombres diminuer, elle sent le vieillissement précoce de la communauté pouvant se faire, elle sent ses établissements comme voyant graduellement une diminution de leur budget éventuel compte tenu des nombres qui diminuent. Elle réagit donc, elle réagit donc, dans le cas d'Alliance Québec, d'une façon très précise, très ouverte d'ailleurs, je dois le dire, et très honnête dans la façon de formuler ses objectifs, bien qu'on pourrait avoir de longues discussions sur les études statistiques publiées par Alliance Québec.

Cette volonté réaffirmée d'une vocation en santé et services sociaux devient: Nous voulons compenser la diminution des anglophones d'origine dans notre communauté par une intégration de plus en plus importante des gens des communautés culturelles à l'intérieur de la communauté anglophone du Québec. Ce n'est pas une absurdité en soi parce que, historiquement, cela a été ainsi longtemps au Québec. La force économique, une certaine approche culturelle dans le milieu anglophone du Québec et, il faut bien le dire, pendant des décennies, un certain repli sur eux-mêmes, des Canadiens français à l'égard de ces questions ont fait que de plus en plus, pendant des années, jusqu'à quelque part au début des années soixante, les nouveaux Québécois s'intégraient surtout à la communauté de langue anglaise. Cela a changé de façon extrêmement importante au milieu des années soixante-dix, entre autres avec la loi 101 et une volonté qui accompagnait la loi 101 non seulement de l'intégration scolaire des nouveaux arrivants, mais également de dispensation de services dans des langues tierces autres que le français et l'anglais par le réseau public québécois formé essentiellement ou très majoritairement d'établissements francophones.

C'est dans un contexte comme celui-là que se posent toutes ces questions qui préoccupent la ministre, dans un contexte historique où le gouvernement précédent, y compris celui qui vous parle, s'est adressé à Alliance Québec, et il faudrait peut-être d'abord... Je vous enverrai la version française du texte. Il semble que les services de recherche du premier ministre qui, habituellement, ont eu avec le CAD et d'autres la réputation d'être efficaces, ne le sont pas. Il existe une version française du texte à Alliance Québec, étant donné que j'ai dit quand même quelques mots en français aussi à Alliance Québec, je pensais que je devais rendre cette politesse à un auditoire qui était largement bilingue.

C'est dans ce contexte que je me suis adressé à Alliance Québec en disant que dans un Québec qui de plus en plus se francise, qui de plus en plus devient de fait un État français d'Amérique du Nord, je comprends l'aspiration légitime de la minorité historique de langue anglaise beaucoup mieux, disons-le, que ce ne fut le cas de ceux qui dirigeaient le Manitoba ou l'Ontario à l'égard des francophones. Je comprends cette recherche de garantie, sur le plan juridique, d'une minorité qui, de plus en plus, se sent vivre comme une minorité. Et c'est ce qui m'a amené à dire que nous serions prêts à consentir à la minorité de langue anglaise de telles garanties, "by law", mais "in fundamental laws". Et les lois fondamentales, au Québec, sont des lois d'aménagement de droit collectif et ne prétendent pas venir régler des pseudo-questions humanitaires à l'égard de la communauté de langue anglaise.

Ce dont on parle, Mme la Présidente, et si le député de Notre-Dame-de-Grâce et d'autres veulent être parfaitement honnêtes, ils citeront ce texte d'Alliance Québec dans toutes les parties qui touchent la question de la reconnaissance des droits et ils y verront quoi, Mme la Présidente? Ils y verront que le contexte dont nous parlons est un Québec qui se francise de plus en plus. Est-ce le cas? Est-ce le cas en ce moment? Je ne le pense pas. Pas depuis un an. Ce n'est pas cela le climat, pas avec la résurgence des documents unilingues qui arrivent dans nos boîtes aux lettres, pas avec la résurgence de l'utilisation de formules qui consacrent la notion qu'au Québec cela se passe en anglais comme en français de façon indistincte. Même des formulaires du ministère du Travail sont imprimés de façon bilingue. J'en ai reçu un récemment. En voici un. Même le ministère du Travail sent le besoin de publier des formulaires bilingues. Est-ce que cela ressemble à un Québec qui se francise de plus en plus? Non, et que ce soit les annonces des grandes compagnies de distribution alimentaire, que ce soit les grands magasins à rayons qui se targuent dans leur campagne de publicité de jouer avec la loi ou presque. Je ne peux pas dire qu'on vit un contexte où le Québec se francise de plus en plus depuis un an. Je pense que nos concitoyens de la minorité de langue anglaise du Québec ne se sentent pas exactement rejetés de ce temps-ci, surtout pas par le gouvernement du Québec actuel.

Est-ce qu'il y a une politique linguistique aussi? Non, il n'y a pas de politique linguistique de ce gouvernement. Aucun document; des extraits, des bribes, à gauche et à droite, encore une fois, d'improvisation d'une demi-douzaine de ministres ou d'adjoints parlementaires intéressés à ces questions. Quelque chose de solide, de cohérent, de clair, qui affirme cette volonté d'un Québec français à tous les niveaux et d'une volonté de soutien, d'appui

aux communautés culturelles dans un cheminement avec la majorité francophone, je ne vois rien de cela. Le contexte est profondément différent et cette inquiétude grandissante dans la population du Québec qui, je le disais cet après-midi au premier ministre, sent qu'il y a un affaiblissement de la volonté, des reculs. Je ne dis pas que le premier ministre s'y complaît. Je sais que c'est un homme sensible même si, à l'occasion, je ne le trouve pas toujours sensé sur un certain nombre de choses. C'est une question d'opinion. C'est un homme sensible et il sent le malaise en ce moment. Il sait que c'est son parti qui l'a créé. (21 h 20)

Le Québec ne vit plus tout à fait à l'heure de la loi 101. Ce gouvernement a fait en sorte, le Parti libéral a fait en sorte que le Québec ne vive plus à l'heure de la loi 101. Il n'a pas à s'étonner de l'inquiétude de nos concitoyens. Il faut donc plus de temps pour travailler adéquatement autour de cette question délicate, complexe de l'aménagement des droits des communautés entre elles. Ce n'est surtout pas dans le climat de fin de session qu'il faut faire cela, Mme la Présidente. C'est d'autant moins le temps que le Parlement est déjà saisi d'un projet de loi comme le projet de loi 119 en matière de construction, qui a amené 5000 personnes à manifester bruyamment contre l'autre jour, comme le projet de loi 150 sur les forêts, qui en ce moment fait l'objet de récriminations des principales associations représentant l'industrie forestière, comme le projet de loi 124 sur les soins dentaires, ce gouvernement qui, comprenez-vous, se vantait, à 15 heures cet après-midi, d'avoir injecté 1 000 000 000 $ de plus dans la santé, mais qui demande à la ministre de la Santé et des Services sociaux, la députée de L'Acadie, de couper 8 000 000 $ dans les soins dentaires pour les enfants, comme s'il n'avait pas assez d'argent.

Le Parlement est déjà saisi de projets de loi importants et, à moins de dix jours de la fin de nos travaux, est-ce qu'on prétendra régler dans un climat adéquat, avec des études, des appréciations, les impacts concrets de cette législation? Encore une fois et en principe, la notion de trouver des aménagements des droits de la minorité de langue anglaise au Québec est loin d'être une notion qui nous répugne, au contraire. Mais encore faut-il avoir les instruments et le contexte propice pour le faire. Ces instruments ne sont pas là. On a essayé de nous présenter cela à la sauvette. La ministre nous disait encore tout à l'heure que c'était une loi humanitaire, alors que c'est une loi qui affecte profondément les droits linguistiques sur le territoire du Québec.

Quand on regarde le projet de loi 140 dans ce même contexte, 34 articles, 17 amendements ce matin, un travail bâclé, mal fait, improvisé, des travaux mal planifiés de la part d'un leader, un goulot d'étranglement en fin de session qui rend impossible toute discussion normale, en profondeur, toute présence des intervenants, celles et ceux qui font le consensus. Quant à la loi 142, je le rappellerai, les associations qui appliquent les services de santé et services sociaux au Québec, l'Association des hôpitaux du Québec, l'Association des centres de services sociaux du Québec, la Fédération des CLSC du Québec, l'Association des centres d'accueil du Québec, toutes ces associations ont exprimé de fortes réserves sur ce projet de loi et trois d'entre elles ont demandé au gouvernement de surseoir pour le moment à l'adoption de ce projet de loi. Le seul consensus qui existe est un consensus contre la précipitation du gouvernement dans cette question.

En plus de cela, Mme la Présidente, on va nous faire siéger la nuit pour discuter d'une chose qui, pourtant, a besoin du plein jour au Québec, si on veut que cela fasse l'objet d'un minimum de consensus dans la société. Il faut se donner du temps. Il faut se donner plus de temps que n'est prêt à en prendre le gouvernement.

La minorité francophone d'Amérique du Nord est essentiellement concentrée sur le territoire québécois. Si, dans son histoire, elle a été exploitée jusqu'à tout récemment ou, enfin, dans une perspective historique, quelque part autour des années cinquante, néanmoins, elle a su tranquillement s'affranchir de son état de sous-développement en sachant aussi être respectueuse de sa minorité historique la plus importante, qui est la minorité de langue anglaise. Le gouvernement, en agissant avec une telle précipitation, prétendrait faire fi de cette évolution historique. Il présente un projet de loi qui à nouveau, je le rappelle, non seulement ne fait pas le consensus, sauf celui contre son adoption, mais il présente également un projet de loi qui va donner une mission qui déborde largement ce que devraient faire les établissements existants du réseau de la santé et des services sociaux.

Non pas que les allophones, les gens des communautés culturelles ne puissent pas fréquenter les établissements de langue anglaise. Au contraire. Le principe de base de notre loi, c'est qu'un individu choisit l'établissement où il veut aller. Cela doit rester comme cela. Qu'on soit de quelque origine que ce soit, si on veut aller à l'hôpital le plus près, ou l'hôpital où on connaît un médecin, ou celui où on connaît des gens du personnel, c'est le droit le plus strict des citoyens que de le faire, sauf, il faut le reconnaître, en psychiatrie où c'est sectorisé comme on le sait depuis de nombreuses années. Pour l'ensemble des

services de santé, le citoyen a le droit de choisir son établissement. Ce n'est pas cela qu'on remet en cause. Ce qu'on remet en cause, c'est la volonté que démontre ce gouvernement d'assigner une mission particulière au réseau d'établissements anglophones du Québec en ce qui a trait à la desserte de services auprès des communautés culturelles, qui ne pourra se traduire, d'une part, que par une bilinguisation systémique, je ne dis pas systématique, je dis systémique, une bilinguisation de système d'une partie du réseau, ce gui n'est pas souhaitable, deuxièmement, par un appel de ressources qui ne pourra se faire qu'au détriment des autres éléments du réseau.

Au nom des droits de la minorité de langue anglaise, on voudra accaparer des ressources additionnelles pour desservir les communautés culturelles, alors que celles-ci doivent être desservies par l'ensemble du réseau, donc, les établissements francophones, dans la pleine mesure du possible des moyens des ressources disponibles. Car il faut que le réseau français, notamment celui des CLSC, de plus en plus donne des services dans leur langue à l'ensemble des communautés culturelles du Québec.

Pour nous, il y aurait trois préalables à une loi qui traite de cette question. Le premier, c'est de reconnaître qu'il s'agit ici d'un aménagement de droit collectif. Je sais que c'est une notion qui répugne à un certain nombre de nos collègues d'en face qui ne croient pas au concept de droit collectif. Mais, il s'agit vraiment de rapports entre deux groupes et il faut donc prendre les instruments juridiques qui vont de pair avec la réalité que l'on veut modifier, et non pas prétendre passer par le biais des lois en matière de santé et de services sociaux, changer le mandat des établissements, créer des perturbations sur le plan de l'appel des ressources.

Deuxièmement, il faut que ces droits fondamentaux d'une minorité, non pas les gens d'expression anglaise, mais bel et bien la communauté d'expression anglaise du Québec, puissent être intégrés à une loi fondamentale. Celle que j'évoquais devant Alliance Québec, il y a plus d'un an, et dont j'ai réitéré l'importance pour le Québec, c'est une constitution écrite interne du Québec. C'est là que va l'aménagement des droits des collectivités. Pas dans une loi qui peut être changée par une simple majorité du Parlement.

Troisièmement, nous pourrions souhaiter, Mme la Présidente, que le gouvernement accompagne cette préoccupation à l'égard d'une confirmation et d'une garantie juridique de services existants au Québec, d'une revendication en matière constitutionnelle qui fait qu'une fois pour toutes on obtienne que l'Assemblée nationale du Québec, les élus des citoyens du Québec soient les seuls responsables de toute la législation linguistique sur le territoire québécois. Nous n'avons pas cette revendication dans le dossier constitutionnel du gouvernement. II a abandonné cette revendication. (21 h 30)

II n'y a pas d'urgence à adopter les projets de loi 140 et 142. Pourquoi le gouvernement n'attend-il pas au printemps? Il n'y en a pas d'urgence sinon la précipitation de votre improvisation. Il faut une politique globale en matière linguistique. Il faut la recherche d'un consensus, et ce ne sont pas les propos fielleux de la vice-première ministre à l'égard de l'Opposition et du Parti québécois qui iront chercher un consensus. Ce ne sont pas des attitudes aussi partisanes et chauvines que celles que nous avons vues cet après-midi qui permettront au Parti libéral d'aller chercher un consensus, ni dans le Parlement, ni chez les intervenants majeurs au Québec.

Si le premier ministre veut vraiment un débat non-partisan, comme le prétendait la vice-première ministre, pourquoi ne pas convoquer au printemps une commission parlementaire? Pourquoi ne pas faire en sorte que vous accompagniez cette volonté de garantir dans la législation les droits d'une minorité historique d'une demande en matière constitutionnelle, qui dirait une fois pour toutes qu'on est assez du grand monde au Québec pour être les seuls à décider en matière linguistique sans se le faire imposer par le reste du Canada?

Dans la mesure, Mme la Présidente, où le gouvernement ne veut pas prendre le temps qu'il faut sur un sujet aussi important, aussi fondamental, nous devrons considérer qu'il s'agit d'une vaste entreprise d'improvisation à la sauvette, mal planifiée et quelque peu irresponsable, et que c'est le gouvernement du Parti libéral du Québec qui provoque un climat désagréable autour de cette question, un climat qui fait sortir des fantômes des armoires. Pourquoi? Parce que le gouvernement en cette matière montre qu'il n'est pas digne de la confiance des Québécois en matière linguistique. C'est aussi simple que cela.

Je suggérerais à la ministre non pas d'amender son projet de loi, mais de s'amender elle-même et de ne pas prétendre que ce projet de loi est essentiellement un petit projet omnibus dans le secteur des affaires sociales. C'est un aménagement majeur dans le temps et dans notre histoire en matière de droits entre les collectivités, Mme la Présidente. Il me semble que le projet de loi 142 et le projet de loi 140 méritent mieux que le traitement de nuit que vous voulez leur donner.

La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Mme la Présidente, je dois dire que depuis à peu près 50 minutes maintenant, j'essaie de voir dans le discours du chef de l'Opposition ce qui avait rapport avec le projet de loi 142. Je dois vous dire, Mme la Présidente, que je n'ai pas trouvé grand-chose. Je m'attendais que le chef de l'Opposition fasse une motion de report et j'aurais compris le sens de sa motion, parce que cela aurait donné à l'Opposition le temps et une raison pour faire une motion de report. Ce serait pour leur donner l'occasion de faire leur devoir et de trouver quelque chose à dire contre ce projet de loi.

Le chef de l'Opposition a parlé sur tout et sur rien. Le chef de l'Opposition nous a ramenés sur les Plaines d'Abraham, a passé par le Manitoba, a parlé de l'intégration de façon générale, a lié le projet de loi 140 au projet de loi 142 et finalement, est abouti à dire qu'une des raisons pour lesquelles il est contre ce projet de loi, c'est parce qu'on aurait dû l'inscrire dans la loi fondamentale, dans une constitution qui, selon ses paroles, ne pourrait pas être changée par n'importe quel gouvernement.

J'ai essayé de comprendre la logique de tout cela, Mme la Présidente, parce que si on demande que l'on inscrive quelque chose dans une constitution pour que ce soit au-delà des capacités de chaque gouvernement de changer quelque chose chaque fois qu'il y a une Législature, j'imagine que l'on accorde une certaine importance à ce que l'on veut qui soit inscrit dans la constitution. Je vois mal pourquoi on serait contre l'adoption du projet de loi, si on est prêt à aller jusqu'à l'inscription dans la constitution des lois fondamentales. Où est la logique? Pendant 50 minutes on nous a parlé de façon générale sur la question linguistique. On a beau essayer de dire et de faire comprendre à l'Opposition qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi linguistique... L'Opposition peut jouer le jeu qu'elle a choisi de jouer en essayant de faire en sorte que la population assimile le projet de loi 140, le débat sur les affiches, avec la question des réseaux de la santé et des services sociaux présentée dans le projet de loi 142. Ils savent que c'est foncièrement, je ne dirais pas malhonnête, parce que vous allez me dire que ce n'est pas parlementaire, mais ce n'est foncièrement pas correct, Mme la Présidente, parce que nous parlons ici effectivement des réseaux de la santé et des services sociaux. Nous ne disons pas que les affiches devant les magasins devraient être en français, en anglais, unilingues, ou quoi que ce soit, nous parlons des réseaux de la santé et des services sociaux.

Le chef de l'Opposition a passé une partie de son discours qui devait traiter en quelque sorte de la loi 142 à parler des communautés culturelles. J'ai trouvé que c'était là une remarquable absence de cohérence et de compréhension, parce qu'il a cité - j'aurais dû lui demander de me laisser une copie - ce qui était, semble-t-il, signé de ma main où je disais que les institutions anglophones ou les communautés culturelles pourraient avoir recours aux services des institutions anglophones. La majeure partie du discours du chef de l'Opposition a porté sur quelque chose qui n'est nulle part dans la loi, à savoir que la loi donne un mandat spécifique aux établissements anglophones de desservir les communautés culturelles, les communautés culturelles devant, dorénavant, s'adresser au réseau anglophone au Québec pour avoir des services sociaux et de santé.

Mme la Présidente, il n'y a rien de plus faux. Il n'y a absolument rien dans le projet de loi qui donne un mandat spécifique aux institutions anglophones, par rapport aux communautés culturelles. Le seul mandat spécifique qui est donné aux institutions "anglophones", entre guillemets, est effectivement d'offrir des services sociaux et de santé en langue anglaise.

Le projet de loi affirme que toute personne d'expression anglaise a le droit de recevoir des services sociaux et de santé en langue anglaise, compte tenu de l'organisation et des ressources de l'établissement qui dispense ces services. Nous l'avons admis et la ministre l'a fait tout à l'heure. C'est pour cela que je ne comprends pas pourquoi le chef de l'Opposition dit qu'il y a effectivement des personnes qui ne sont pas de race anglo-saxonne, qui sont d'origine grecque, italienne ou portugaise, mais qui, pour une raison ou pour une autre, dans une situation, auront besoin des services sociaux et de santé pour plusieurs raisons. Par exemple, le fait qu'elles soient arrivées ici avant tout ce qui s'est passé ici au Québec depuis les dix ou quinze dernières années, elles se retrouvent dans une situation où elles ne comprennent pas le français. C'est vrai, Mme la Présidente, il en existe des personnes comme cela. J'en connais beaucoup. Ma mère, par exemple, en est une. Cela fait 30 ans qu'elle est ici, elle ne parle pas un mot de français, très peu d'anglais, j'ajouterais. Il est vrai que le projet de loi donnera le droit à ces personnes qui ont besoin de services, qui n'arrivent pas à comprendre le français ou à s'exprimer, de s'adresser à un établissement où on leur parlera en anglais pour recevoir des soins.

L'Opposition oublie continuellement une chose. C'est d'une clientèle qu'on parle. On ne parle pas, je le répète, d'un projet de loi linguistique, on parle d'un projet de loi qui touche le réseau de la santé et des services sociaux. Posez-vous la question: Qui s'adresse aux réseaux? Pourquoi? Vous pouvez compter très spécifiquement les clientèles qui s'adressent aux réseaux. Ce sont les malades

qui vont dans les hôpitaux, les personnes âgées pour les soins d'hébergement, les malades psychiatriques, les handicapés intellectuels, les handicapés physiques, les familles en situation de crise, les enfants mésadaptés sociaux - le député de Verchères se reconnaîtrait là-dedans à la suite du rapport Charbonneau - ce sont des gens qui vivent tous, sans exception, une situation de crise physique ou psychologique. (21 h 40)

Parlons maintenant des communautés culturelles et de toute cette argumentation qui est faite autour de l'intégration des communautés culturelles dans la société québécoise francophone. Depuis toujours, j'ai appuyé ce principe - je l'appuie toujours au sein de la communauté grecque et de toutes les autres communautés culturelles - que l'avenir et le présent au Québec, c'est en français que cela se passe. Mais il faut aussi comprendre quelque chose, quand on parle d'intégration. L'intégration ne se fait pas à travers le réseau des services de santé et des services sociaux. Ce sont des établissements qui sont là pour venir en aide aux individus qui vivent une situation de crise, un problème, un déséquilibre physique ou psychologique. L'intégration se fait par les écoles et le marché du travail. Ce n'est pas parce que le chef de l'Opposition ou le Parti québécois ou quiconque voudrait voir, par exemple, le patient psychiatrique d'une communauté culturelle qui arrive à parler un peu l'anglais... Ce n'est pas parce qu'on va lui dire d'aller se faire traiter par un psychiatre unilingue français qu'il va mieux s'intégrer à la communauté québécoise francophone.

Le projet de loi parle, et je le répète, particulièrement de situations vis-à-vis des individus qui s'adressent au réseau. Quand on nous sort l'argument qu'on va bilinguiser le réseau, on oublie une chose: le réseau est composé d'institutions. Toutes les institutions sont régies, entre autres, par la Charte de la langue française, la loi 101, qui fait en sorte que la langue du travail est le français, demeure le français et demeurera le français. La langue des services, oui, elle peut s'adapter aux besoins des clientèles. Il y a une distinction qui est faite, c'est vrai, dans le projet de loi par rapport à la communauté anglophone. C'est vrai et je pense qu'il n'y a pas un membre de quelque communauté culturelle que ce soit, autre que la communauté anglaise, qui va réclamer les mêmes droits historiques que la communauté anglaise. Il n'y a personne d'autre qui a le même vécu. Étant d'origine grecque moi-même, je sais fort bien que je ne réclamerai pas, au nom de la communauté grecque ou de quelque autre communauté culturelle que ce soit, que le Québec inscrive dans ses lois le droit à tout citoyen d'origine grecque de recevoir des services sociaux et de santé en grec, parce qu'il y a effectivement une différence entre la communauté d'expression anglaise et les autres communautés culturelles. Toutes les communautés culturelles le comprennent et sont prêtes à l'accepter.

Il y a aussi une chose dans ce projet de loi dont l'Opposition ne parle presque jamais. C'est la première fois qu'un gouvernement prend la peine de mettre dans une loi le fait que les services seront organisés dorénavant en tenant compte aussi de l'aspect socioculturel et linguistique. Vous aurez remarqué qu'il n'est pas fait mention de quelle langue on parle. Mais on parle bien des particularités socioculturelles et linguistiques des clientèles. Savez-vous ce que cela fait? Ce n'est pas très difficile à voir. Cela fait en sorte que, dans une région ou dans les services où c'est possible, on peut effectivement adapter des services pour les Grecs, pour les Italiens, pour les Portugais. Je vais vous donner des exemples. Les personnes âgées grecques - je vais prendre cette communauté parce que je la connais mieux que les autres - sont aussi placées en institutions d'hébergement, par exemple. Mais savez-vous ce qui arrive? J'ai vécu des cas personnels quand je travaillais à titre d'agent de relations humaines où j'ai eu à placer des personnes âgées qui ont fait une demande de placement. Savez-vous ce qui arrive? Elles sont placées deux ou trois dans une institution francophone ou quelquefois même anglophone; deux ou trois ici, trois ou quatre là-bas, quelquefois une toute seule, etc. Savez-vous ce qui arrive à ces gens-là? Ce n'est pas leur intégration dans la communauté francophone qui est favorisée quand on les met dans un centre d'accueil francophone, mais c'est leur vie qui est écourtée parce que, finalement, elles se retrouvent dans un endroit où elles ne reconnaissent rien: ni la langue, ni la nourriture, ni d'autres personnes avec lesquelles elles peuvent parler. Est-ce que ce serait trop demander à un gouvernement de voir à l'organisation de ces services en tenant compte également des aspects socioculturels et linguistiques des clientèles de telle sorte qu'on pourrait regrouper ces personnes, qui sont éparpillées ici et là dans les centres d'accueil, dans ce cas-ci, dans un endroit où il y aurait d'autres personnes, d'autres patients avec lesquels elles pourraient communiquer, alors que l'établissement serait plus en mesure d'engager du personnel qui pourrait parler la langue, sans pour autant changer le fait que la langue de travail de ces gens demeurerait le français. Parce que le réseau demeure francophone.

Il peut y avoir des institutions qui desservent des clientèles en anglais ou dans d'autres langues. Il n'y a rien, dans tout ce que le chef de l'Opposition a dit, qui met en opposition le fait qu'il y a des institutions

qui sont reconnues comme dispensant des services en anglais et les efforts qui peuvent être faits par le réseau d'offrir des services dans d'autres langues. Il n'y a rien dans le projet de loi - je le répète et je vous mets au défi de me montrer où cela se trouve -qui donne un mandat particulier aux établissements anglophones pour desservir les communautés culturelles. C'est vrai que, s'il y a des gens des communautés culturelles qui parlent anglais mieux que français ou ne parlent pas français et ont besoin de se faire soigner, le projet de loi va leur donner le droit d'aller se faire traiter dans une langue entre ces deux, l'anglais et le français, qu'ils comprennent. Où est la chose sorcière là-dedans? Où est la chose méchante là-dedans?

À moins qu'on soit rendu, de l'autre côté, à faire équivaloir l'intégration à l'écrasement. Le débat sur l'intégration n'a aucune place dans ces discussions-ci. Je vous répète que l'intégration, si vous connaissez le moindrement le vécu, se fait à l'école, pendant les années d'école et les études; c'est à ce moment qu'on va commencer à orienter les gens du côté français. Et au travail. Ce n'est pas en allant chercher les services d'un médecin, d'un psychiatre, d'un travailleur social, d'un service de placement, d'un centre de réadaptation, ce n'est pas en demandant à la famille qui vient de vivre une crise d'aller voir un travailleur social avec lequel ils ne peuvent pas communiquer qu'on va intégrer les gens.

Quand on parle d'un projet de loi humanitaire, c'est dans ce cadre qu'on en parle. Si la condition humaine vous préoccupe le moindrement, vous accepterez que la langue dans ce domaine n'est pas le débat linguistique dont il s'agit quand on parle des affiches. La langue, dans ce domaine, est un instrument de thérapie, ni plus ni moins, un instrument absolument essentiel pour des services adéquats.

C'est avec beaucoup d'incrédulité que j'entendais tous ces arguments concernant les communautés culturelles depuis le moment où on a annoncé que ce projet de loi serait présenté. Je vous le répète, la faille est énorme quand on parle de ce projet de loi comme d'un instrument d'intégration à la société anglophone. Je pense que la personne qui va prendre quelques minutes, de façon sereine et objective, pour regarder de qui on parle, de quel genre de situation on parle et pourquoi ces gens ont recours à des services, elle va vite comprendre qu'il ne faudrait pas faire des débats sur l'intégration des communautés culturelles du côté anglophone ou francophone dans le cadre de ce projet de loi, à moins qu'on ne vise qu'à faire du capital politique à court terme et à courte vue.

Cela ne peut s'expliquer autrement que par le fait qu'on a vu, du côté de l'Opposition, une occasion en or, en quelque sorte, de lier ce projet de loi à un débat qui est effectivement émotif, à un débat où les passions sont vite ranimées, d'assimiler ce projet de loi à tout le reste, d'utiliser des mots comme "intégration aux communautés culturelles anglaises" et d'affirmer toutes sortes de choses qui ne sont aucunement dans le projet de loi. Je vous le répète, aucune mission particulière n'est donnée aux établissements anglophones pour desservir les communautés culturelles. (21 h 50)

S'il n'y a pas de mission particulière qui est donnée, il n'y a pas non plus, d'un autre côté, un empêchement quelconque aux établissements plus reconnus comme francophones, si vous voulez, de ne pas desservir ces communautés culturelles. Qu'est-ce qui empêcherait, par exemple, le Centre de services sociaux de Montréal métropolitain - ils ont commencé dans cette voie et tant mieux, ils devraient être encouragés à continuer - à engager du personnel qui va refléter la composition des communautés culturelles? Ce sera tout à fait naturel et spontané pour les membres de ces communautés culturelles de s'adresser à ces institutions qui peuvent leur parler dans une langue et une culture aussi - parce que ce n'est pas juste une question de traduction -qu'ils peuvent comprendre. C'est pour ça que tout ce débat autour de l'intégration, je le trouve foncièrement malhonnête. Car il n'existe pas de débat sur l'intégration quand on parle de services de santé et de services sociaux.

Mme la Présidente, je vous répéterai, pour qui veut bien le voir, que c'est la première fois qu'un projet de loi vient donner une ouverture réelle spécifiquement aux communautés culturelles en permettant l'organisation des services en fonction des caractéristiques socioculturelles et linguistiques des clientèles. Si vous jumelez ça avec le comité dont la ministre a parlé, qui est en train d'examiner toute la question de l'accessibilité des services sociaux spécifiquement aux communautés culturelles, ça aussi c'est la première fois que ça se fait en fonction des services sociaux et de santé parce que, jusqu'à maintenant, on a laissé les choses aux établissements, qui avaient la bonne volonté de le faire et je les en félicite.

Je reviendrai, dans une seconde, sur un autre argument avancé contre ce projet de loi. Cela a parfois été laissé aux conseils régionaux qui rédigeaient des rapports, mais jamais ça n'avait été amené au niveau politique.

Le débat autour des communautés culturelles et de l'accessibilité des services sociaux date, j'en ai une connaissance personnelle parce qu'une des premières choses que j'avais faites quand j'étais directeur général du CLSC Parc Extension

fut effectivement d'organiser un colloque sur cette question-là avec deux autres CLSC. C'était en 1978. Depuis 1978, les colloques, les études, les discussions, les rapports au niveau des établissements, au niveau des groupes communautaires, etc., etc., ont été répétés, mais jamais il n'y a eu une volonté expresse au niveau politique d'agir.

Une voix: C'est faux!

M. Sirros: Ce n'est pas faux, Mme la Présidente, ce n'est pas faux, c'est tout à fait vrai. Des choses ont été faites au niveau des établissements et, encore une fois, je félicite les gens qui les ont faites. On a eu récemment des représentations qui nous ont été faites en disant: Comme on fait déjà des choses, pourquoi adoptez-vous un projet de loi?

La Vice-Présidente: Pourriez-vous conclure, M. le député de Laurier? Votre temps est écoulé.

M. Sirros: Mon Dieu! ça passe vite, j'aurais beaucoup à dire, Mme la Présidente.

Des voix: Consentement! Consentement! Consentement!

La Vice-Présidente: Est-ce que...

M. Charbonneau: Mme la Présidente...

Une voix: Quelques minutes! Consentement.

M. Charbonneau: Mme la Présidente, si le député prend cinq minutes de plus, est-ce qu'il consentirait à ce que j'aie le même temps pour lui donner la réplique?

M. Gendron: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Comme leader adjoint de l'Opposition, je pense qu'on peut offrir au député qui a la parole qu'il dépasse son temps de quelques minutes. On conviendra du fair-play nécessaire dans certains cas de ce côté-ci de la Chambre, mais on jugera chaque cas au mérite. Je ne veux pas en faire une politique.

M. Sirros: Mme la Présidente, je n'avais pas l'intention de prendre beaucoup plus de temps que ce qui m'était alloué. Il y en a peut-être pour quelques minutes. Si le député de Verchères éprouve par la suite le besoin de parler pour une ou deux minutes additionnelles afin de s'assurer qu'il aura tout le temps voulu pour dire ce qu'il aura à dire, ce ne sera pas moi qui l'empêcherai de le faire.

En conclusion, je trouve très dommage que l'Opposition ait choisi de parler de ce projet de loi dans le cadre du débat linguistique. Il y a un débat linguistique au Québec et c'est vrai qu'il ne sera jamais clos comme tel, mais je m'attendrais que les gens adultes, quand on parle de choses - ce n'est pas pour faire pleurer les gens mais c'est la réalité - en termes de personnes qui sont dans un besoin spécifique par rapport à leur situation personnelle, psychologique ou physique, à ce que les gens adultes arrivent à faire la part des choses et qu'on arrête de crier et de nous blâmer pour ce que vous voulez. Si le choix est d'aller dans un sens, par exemple, dans les affiches ou autres, ce sont des choses qui nous démarquent. Mais quand on parle effectivement de choses comme le projet de loi 142, où on parle des services sociaux et de santé à la communauté d'expression anglaise, à toute personne d'expression anglaise, cela peut inclure des membres de communautés culturelles qui, pour des raisons historiques, ont appris cette langue jusqu'à maintenant et ont besoin de services. Je pense, Mme la Présidente, qu'on devrait trouver ce qu'on reconnaît dans le Québec tout entier et le Québec francophone, la générosité, la compréhension et l'humanisme. Je vous dis, Mme la Présidente, que ces qualités sont mal représentées ici par les gens de l'Opposition. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laurier.

M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Oui pour la générosité, oui pour l'humanisme, mais non pour la bêtise. Le député de Laurier, dans toute son intervention, nous a donné l'impression -c'est cela qui nous choque profondément à l'égard de ce projet de loi, outre des divisions fondamentales dont je parlerai un peu plus tard - qu'actuellement on vit dans une société qui n'offre pas aux groupes minoritaires des services dans leur langue. C'est comme si, en écoutant le député de Laurier, au Québec il n'existait pas d'établissement qui donne des services de santé et des services sociaux en langue anglaise. C'est comme si, au Québec il n'y avait pas d'établissement, en particulier à Montréal, qui donne des services dans des langues différentes, grecque, portugaise, allemande, vietnamienne, etc. On pourrait prendre toute une série de langues qui sont actuellement utilisées dans les établissements de santé et de services sociaux du Québec. C'est comme si cette réalité n'existait pas actuellement. On écoutait le député de

Laurier et on avait l'impression de vivre dans une société intolérante, dans une société qui ne fait pas de cas de ses minorités, et c'est cela qui est choquant, c'est cela qui est humiliant pour un Québécois francophone d'entendre ce genre de discours.

Le Québec est probablement l'une des sociétés les plus ouvertes, les plus tolérantes, les plus généreuses et les plus humanistes qui existent actuellement sur la planète, et il le sait très bien, lui. Mais le genre de discours qu'il vient de tenir, c'est choquant pour moi et pour mes compatriotes d'expression française et de langue française. C'est humiliant, c'est inacceptable et cela nous révolte du plus profond de nos tripes que d'entendre ce genre de discours où on a l'impression que nous, les minorités, on ne les a pas respectées au Québec, alors qu'on fait plus au Québec que probablement partout ailleurs en Amérique du Nord et dans la plupart des pays, où les gens qui sont ici représentés à l'Assemblée nationale et qui viennent de pays différents, multiples, dont le député de Laurier, n'en font dans leur propre pays. Il le sait très bien, le député de Laurier. C'est cela qui est choquant dans le discours et dans le genre de discours qu'on vient d'entendre.

J'ai ici la liste des établissements qui, à Montréal, donnent des services dans des langues étrangères: le CLSC Parc Extension, le CLSC Saint-Louis du Parc, le CLSC Rivière-des-Prairies, le CLSC Outremont, le CLSC Centre-ville, le CLSC Côte-des-Neiges, le CLSC Centre-sud, le CLSC NDG, le CLSC Côte-Saint-Luc le CLSC Montréal-Nord, le CLSC Saint-Léonard, le CLSC La Petite Patrie. Ce sont les CLSC seulement. Le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, les CSS, le nombre de centres hospitaliers à Montréal qui donnent des services également dans différentes langues, pas uniquement en langue anglaise. Quand on pense en plus à tout ce que les anglophones du Québec ont comme services garantis et assurés, cela n'a aucune commune mesure avec ce qui existe pour les Canadiens français dans les autres provinces de ce pays que vous défendez tant. Et là on vient essayer de nous faire la leçon et, en plus, prétendre que ce projet de loi n'est pas un projet de loi à portée linguistique, que c'est un projet de loi uniquement humanitaire concernant des services sociaux et des services de santé à dispenser.

Le problème, c'est que le projet de loi ne dit pas que les services dont nous a parlé le député de Laurier sont actuellement dispensés. Est-ce que ces services sont dispensés comme il faudrait qu'ils le soient? La perfection n'est pas de ce monde et je pense que tout le monde admettra qu'il y a encore place pour améliorer les services. Mais ce n'est pas vrai que c'est nécessaire- ment par ce projet de loi. (22 heures)

On n'a pas eu besoin de ce projet de loi au cours des dernières années pour améliorer les services dans les différents établissements de santé et de services sociaux à Montréal et dans d'autres régions du Québec. On a agi. Et, contrairement à ce que le député de Laurier nous a indiqué, oui il y avait une volonté politique et les budgets étaient octroyés par la volonté politique du gouvernement du Parti québécois. À cet égard, le gouvernement du Parti québécois a fait plus dans ses années de pouvoir, malgré le fait qu'il n'ait pas eu l'appui électoral de ces communautés, généralement il a fait plus que le Parti libéral qui, lui, pouvait bénéficier depuis des générations de l'appui électoral de ces communautés, en plus de l'appui électoral de la communauté anglophone.

On l'a fait malgré tout, malgré le fait que ces gens très majoritairement ne votent pas encore pour nous, parce qu'on y croyait, Mme la Présidente. Et c'est pour cela qu'on y a mis les fonds qu'il fallait. C'est pour cela qu'on croit et qu'on croyait qu'il fallait continuer à développer ces services. Qu'on ne vienne pas aujourd'hui tenir des discours comme si ces services n'existaient pas et que tout à coup, par la grâce libérale, par la bonne générosité libérale et la bonne compréhension libérale, ces services vont apparaître au Québec, faisant en sorte que maintenant on soit une société généreuse, humaniste et tolérante, comme si on ne l'était pas maintenant.

Mme la Présidente, le projet de loi dit dans son préambule et dans ses articles: "Ce projet de loi modifie de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour tenir compte des particularités linguistiques d'une région et prévoir le droit à toute personne d'expression anglaise de recevoir dans sa langue des services de santé et des services sociaux." C'est cela, Mme la Présidente.

Et le député de Laurier vient nous dire que ce n'est pas un projet de loi linguistique! Je m'excuse. C'est un projet de loi essentiellement linguistique dans la mesure où on utilise l'expression "personne d'expression anglaise". Ce que nous dénonçons, c'est que ces trois mots signifient dans les faits que nous allons assimiler, c'est-à-dire confondre les gens de la communauté anglo-québécoise avec les gens des communautés ethniques culturelles autres qu'anglo-québécoises. C'est cela que l'on dit par cette expression. C'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente, différentes personnes au Québec qui ne peuvent pas être associées au Parti québécois, qui ont leurs responsabilités dans notre société se sont prononcées.

Il y a un certain nombre d'éditorialistes

au cours des dernières semaines, des derniers jours, qui ont analysé le projet de loi 142. La ministre me dit non, alors je vais lui rappeler l'éditorial du 15 novembre 1986 -cela ne fait pas tellement longtemps - "Et un pas en arrière," signé par Paul-André Comeau, l'éditorialiste, le rédacteur en chef du Devoir. Je connais très bien Le Devoir parce que j'y ai travaillé et Mme la députée de L'Acadie, qui est ministre de la Santé et des Services sociaux, connaît très bien Le Devoir et cet éditorialiste; elle connaît très bien l'influence de ce journal et le sérieux que Le Devoir a toujours mis à étudier et à décortiquer les questions constitutionnelles.

Voici ce qu'on dit: "Le projet de loi sur l'offre de services de santé en langue anglaise soulève, lui aussi, inquiétude et crainte. Mettre à la disposition de la communauté d'expression anglaise de tels services, cela s'inscrit dans une tradition de "fair play" dont le Québec a depuis longtemps fait la démonstration. Étendre cette disposition à toute personne d'expression anglaise - et c'est exactement ce que dit le texte de la loi - n'est-ce pas émettre un message équivoque en direction des allophones et de tout immigrant éventuel?"

Et je poursuis la citation, Mme la Présidente. "Il suffira de se dire d'expression anglaise - définition de la langue d'usage -pour avoir droit à des services dans cette langue. La porte serait ouverte, dit Paul-André Comeau, à une évolution dangereuse, à d'inacceptables retours en arrière et à la contestation d'autres dispositions de la loi 101 qui prévoient l'intégration des immigrants à la collectivité francophone, notamment au chapitre des écoles. L'enjeu est grave on risque de réduire à néant la possibilité de compenser par l'immigration le déclin démographique des Québécois et des francophones dans l'ensemble de la fédération canadienne."

Ce n'est pas un député péquiste qui écrit cela. C'est le rédacteur en chef du Devoir, l'un des journaux les plus influents du Québec et l'un des journaux à s'être penché depuis des générations sur la question linguistique et la défense de la langue française.

Jacques Dumais dans Le Soleil, Mme la Présidente, disait le lendemain, le 16 novembre: "Le projet de loi 142 crée, dans les faits, un deuxième réseau, anglophone celui-là, de santé et de services sociaux. Qui plus est, certains de ses articles sont à ce point libéraux qu'ils permettraient aux établissements anglophones d'élargir leur base justificative aux communautés allophones -c'est-à-dire ethniques autres qu'anglaises -que la loi 101 intègre à la majorité francophone. Compte tenu de l'attrait de l'anglais pour tout néo-Québécois gagnant une Amérique sans frontières, sachant leurs difficultés à se familiariser avec la langue de Molière beaucoup plus complexe, ce deuxième réseau, unique au Canada, contribuerait à rendre davantage minoritaires les francophones qui, du fait de leur dénatalité, requièrent pour leur pérennité l'apport des groupes ethniques francophonisables." Lui aussi a utilisé l'expression "francophonisable" qui a été décriée par la ministre des Communautés culturelles.

Jean-Pierre Proulx qui est un des journalistes qui, dans le Québec d'aujourd'hui, a le plus étudié ces questions, Mme la Présidente, nous disait à peine pas plus tard que ce matin, dans Le Devoir: "Le véritable enjeu du projet de loi 142... C'est de la bilinguisation du réseau des affaires sociales dont il s'agit." Il ajoutait en conclusion de son texte d'analyse: "En clair, la prestation des services pourrait donc être exigée non seulement dans les institutions de la "communauté d'expression anglaise" - ce qui va de soi - mais encore de la part des institutions communes", c'est-à-dire même des institutions francophones. "C'est là la véritable innovation de ce projet de loi par rapport à l'économie générale de la loi 101. "Cette innovation risque surtout d'entraîner une bilinguisation officielle plus ou moins poussée du réseau. L'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 - c'est-à-dire l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la constitution canadienne - a eu très exactement cet effet dans le secteur de la justice où, en pratique, les institutions fonctionnent autant en français qu'en anglais. C'est là-dessus que va porter la bagarre politique car c'est vraiment là où les partis se séparent." Et il a raison.

Mme la Présidente, vous avez vu comme moi la ministre nous dire que ce projet de loi n'était pas commenté par les éditorialistes. Je viens d'en citer trois parmi les plus réputés, les plus intègres, et ceux qui se sont penchés le plus souvent et le plus profondément sur les questions linguistiques. Le député de Laurier va continuer de prétendre, lui et ses collègues, que le projet de loi 142 est un petit projet de loi mineur qui n'est pas un projet de loi linguistique. Voyons donc! Il faut un minimum d'honnêteté intellectuelle et reconnaître les choses telles qu'elles sont. Ce n'est pas un petit projet de loi. C'est un projet de loi majeur parce qu'il concerne la survie de la communauté francophone du Québec, du peuple francophone.

On me disait: L'intégration des communautés culturelles ne se fait pas par les services de santé et les services sociaux. C'est évident qu'elle ne se fait pas uniquement par les services de santé et les services sociaux. Elle se fait par toute une série d'institutions, et de situations, et de comportements, et de messages que l'on

adresse à ces communautés. Le problème, c'est que ce projet de toi, non seulement est-il condamnable dans le texte même, dans le libellé comme je viens de vous l'indiquer, mais il se situe dans un contexte particulier qu'il ne faut pas oublier. Le projet de loi 142 intervient un an après la prise du pouvoir par le Parti libéral. Un an après un arrêt du processus de francisation au Québec. Un an après l'arrêt du processus d'intégration des immigrants à la communauté francophone, parce que, depuis un an, ce gouvernement, par ses gestes, par ses paroles, par son comportement, c'est-à-dire par le comportement de ses différents ministres et porte-parole, a fait en sorte que, maintenant au Québec, les communautés culturelles pensent de plus en plus que cela peut se faire en anglais, et de plus en plus les comportements qu'on avait dénoncés, qui avaient amené le gouvernement du Parti québécois à présenter et à adopter la loi 101, ces comportements on les retrouve maintenant visiblement. Il faut vraiment être déconnecté de la réalité pour ne pas voir ce qui se passe depuis un an.

Il s'agit tout simplement de se promener sur la rue Sainte-Catherine à Montréal, sur la rue Saint-Denis à Montréal, et dans toute une série de quartiers de Montréal pour se rendre compte de ce qui se passe. Et c'est cela la réalité. (22 h 10)

Or, le projet de loi 142 intervient dans ce processus, dans ce contexte où la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration s'adresse en anglais aux communautés culturelles. Où on dit finalement aux immigrants: Écoutez, si vous vous intégrez à la communauté anglophone, il n'y a pas de problème. En même temps, ce qu'on dit par le projet de loi 142, non seulement il n'y a pas de problème, mais on va vous aider, on va vous encourager à le faire. C'est cela le drame du projet de loi 142. Un projet de loi qui se situe dans un contexte qui est un contexte dangereux, actuellement un contexte qui va à l'encontre des intérêts du peuple francophone du Québec. Un contexte qui fait en sorte qu'on est dans une situation de détérioration du français au Québec et de la situation du peuple francophone ici. C'est ce que les Québécois francophones sentent. C'est ce qu'ils vous disent dans les sondages. C'est ce que les Québécois vivent quotidiennement, en particulier ceux qui vivent à Montréal et dans certaines régions du Québec. C'est cela qu'on sent. Et ce projet de loi est un message additionnel aux nouveaux immigrants grecs, portugais, vietnamiens, européens, américains, sud-américains, asiatiques.

Ce projet de loi est un message additionnel, avec tous les messages que le gouvernement leur adresse depuis un an, malgré la belle profession de foi du député de Laurier qui nous dit: "Moi, je leur dis que c'est en français que cela se passe." Mais ce que vous leur dites quotidiennement et ce que vous leur dites par ce projet de loi, c'est que c'est en anglais que cela peut se passer au Québec. C'est ce que vous leur dites. C'est ce que vous leur dites par le projet de loi 142.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais votre collaboration. Pour éviter aussi qu'on évite tout affrontement, j'aimerais aussi qu'on s'adresse à la présidence.

M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Mme la Présidente, voilà ce qui est profondément inacceptable. Voilà ce qui a amené des éditorialistes sérieux à se prononcer. Je ne parlerai même pas des raisons qui ont amené différentes associations dans le secteur de la santé et des services sociaux à dénoncer le projet de loi et à en demander le retrait ou tout au moins le report, Mme la Présidente.

Mon collègue le député de Gouin, qui est le critique de l'Opposition en matière de santé et de services sociaux, en parlera plus à fond demain puisqu'il est plus au fait que moi. Mais je voudrais simplement rappeler à ce moment-ci que l'Association des centres d'accueil du Québec, la Fédération des CLSC du Québec, l'Association des centres de services sociaux du Québec et l'Association des hôpitaux du Québec se sont tous prononcés contre le projet de loi 142 pour des raisons supplémentaires aux raisons que je viens d'invoquer, Mme la Présidente, des raisons qui sont liées au fonctionnement administratif et juridique et aux conséquences juridiques et administratives du projet de loi à l'égard du fonctionnement. Sans compter le fait que ce projet de loi est un vote de blâme à l'endroit des gens qui travaillent dans les services de santé et les services sociaux au Québec et qui se tuent à l'ouvrage depuis un certain nombre d'années pour donner un peu plus à chaque jour de meilleurs services de santé et de meilleurs services sociaux dans les langues des communautés culturelles et ethniques du Québec.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes. Le député de Laurier, la députée de L'Acadie, ministre de la Santé et des Services sociaux, et moi-même avons participé à une commission parlementaire sur la protection de la jeunesse et donc sur les jeunes en difficultés. On a été à même de voir un certain nombre de problèmes. C'est vrai qu'il faut de l'amélioration. Je l'ai dit tantôt.

Quand on était au gouvernement, on a fait des gestes d'amélioration, mais c'est une chose d'améliorer les services de santé et les services sociaux dans les différentes langues

des communautés ethniques qui vivent au Québec et qui forment le Québec d'aujourd'hui et c'est une autre chose de faire en sorte qu'avec un projet de loi on ouvre les portes des institutions de la communauté anglo-québécoise à ces minorités, qu'on leur donne un message que c'est vers ces institutions-là que maintenant elles doivent se diriger. Ce n'est pas cela qu'on veut qu'ils comprennent comme message. Ce qu'on veut qu'ils comprennent c'est que, dans le réseau francophone public du Québec, il y ait partout des possibilités, là où les communautés sont installées, d'avoir des services dans ces langues.

Ce que je pense, c'est que la mère du député de Laurier, qui parle un petit peu anglais et presque pas le français comme il nous disait, si elle avait un problème et qu'elle devait se présenter à son CLSC ou encore dans un hôpital, ce que je pense qu'elle devrait avoir, ce ne sont pas des services en anglais, ce sont des services en grec. C'est ce qu'on a commencé à développer au Québec au cours des dernières années et c'est ce qu'il faut continuer de développer au Québec. Mais non pas un projet de loi qui va faire en sorte que, finalement, la mère du député de Laurier va se diriger vers un hôpital anglophone, un CLSC anglophone ou un CSS anglophone et qu'elle va recevoir des services en anglais, ou peut-être en grec, dans un établissement anglophone où finalement elle va comprendre une chose, elle, qui est une nouvelle arrivante depuis 30 ans, mais qui est restée une grecque. Elle va comprendre qu'au Québec on est dans un pays anglais. Elle vit en Amérique du Nord et la situation c'est que l'anglais a la place importante et dominante. C'est cela le message que vous donnez avec le projet de loi 142. C'est ce qui fait que c'est un projet de loi, à nos yeux, inacceptable. C'est ce qui en fait un projet de loi majeur parce qu'il touche profondément à notre identité nationale et à la survie de notre collectivité.

Le chef de l'Opposition l'a indiqué tantôt. Ce projet de loi intervient à un moment donné, à un moment particulier où la situation démographique du Québec est délicate et où l'avenir du Québec est, entre autres, aussi lié à l'intégration et à l'accueil des nouveaux immigrants. Avec un projet de loi comme cela, on sent la situation devenir très dangereuse, Mme la Présidente.

Ce projet de loi n'est pas un projet de loi urgent. Ce projet de loi mérite d'être évalué au mérite et, si la ministre nous dit qu'il n'y a pas tellement de problèmes, face au tollé qui se lève et face aux opinions qui ont été émises par toutes les associations concernées dans le réseau de la santé et des services sociaux, qu'elle procède à des consultations publiques, Mme la Présidente, qu'elle dise au chef du gouvernement qu'il est temps d'avoir une politique linguistique et que l'on ait des revendications constitutionnelles claires à l'égard du dossier linguistique.

Motion de report

Pour cela, Mme la Présidente, cela prend du temps. Pour permettre à la ministre de faire ses devoirs et pour permettre au député de Laurier de faire également ses devoirs, je vais présenter la motion qui suit: En vertu de l'article 240, je propose d'amender la motion principale en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans six mois".

Voilà, Mme la Présidente, la motion de report que je formule à ce moment-ci pour permettre au gouvernement d'aller faire ses devoirs et d'écouter les gens qui ont des choses à dire. C'est un projet de loi fondamental. Le député de Laurier, pour d'autres raisons que moi, me faisait signe que oui. Or, les projets de loi fondamentaux en cette Assemblée nationale - c'est la tradition depuis des années - on prend le temps qu'il faut pour les faire adopter et on consulte la population. Avec la motion que je présente, Mme la Présidente, on va donner au gouvernement le temps de faire les choses correctement et d'une façon qui respecte la tradition démocratique de l'Assemblée nationale du Québec. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

M. Sirros: Mme la Présidente, question de règlement, en vertu de l'article 212.

La Vice-Présidente: Question de règlement, en vertu de l'article...

M. Sirros: En vertu de l'article 212, j'aimerais brièvement, étant donné que je crois avoir été mal compris, donner des explications. Mes propos ont certainement été déformés. Premièrement, Mme la Présidente, je n'ai jamais dit que le projet de loi était mineur; j'ai dit que le projet de loi était important pour les communautés culturelles, parce que cela permettait l'adaptation des services dans la langue des différentes communautés culturelles, là où c'est possible. J'ai dit que le projet de loi était important pour les anglophones et la dispensation des services en anglais et j'ai dit que le projet de loi était aussi important pour la communauté québécoise francophone parce que j'estimais qu'il exprimait la générosité, la compassion et l'humanisme qui caractérisent le peuple québécois bien mieux que l'Opposition du Parti québécois. J'ai dit que la garantie des services en anglais n'était aucunement incompatible avec le développement des services dans d'autres

langues, Mme la Présidente.

Alors, simplement pour rétablir ces faits, je sais que, pouvant les déformer, les membres de l'Opposition peuvent faire toutes sortes de discours, mais je tenais à faire cette...

La Vice-Présidente: Vos remarques étant faites, M. le député de Laurier, je vais maintenant me prononcer sur la recevabilité de la motion de report qui est recevable à ce stade-ci. Compte tenu qu'il s'agit d'un débat restreint, nous allons suspendre quelques minutes pour rencontrer les leaders de chaque groupe parlementaire et pour discuter du temps qui sera réparti aux groupes. Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 18)

(Reprise à 22 h 22)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vais maintenant faire connaître à cette Chambre l'entente intervenue concernant le débat restreint. Le débat restreint serait réparti comme suit: une heure pour chaque groupe parlementaire sans limite de temps par intervention. Si un groupe parlementaire ne prend pas tout son temps, celui-ci reviendra à l'autre groupe parlementaire. Je suis prête à reconnaître le premier intervenant.

M. le député de Laurier, sur la motion de report.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je devrais remercier le député de Verchères de m'avoir donné l'occasion de parler une deuxième fois en présentant cette motion de report, parce qu'effectivement je n'ai pas dit tout ce que j'avais à dire la première fois. Je disais dans mon intervention, tout à l'heure, que je m'attendais que l'Opposition présente une motion de report pour qu'elle trouve des arguments en vue d'appuyer les raisons pour lesquelles il semble qu'elle soit contre ce projet de loi. Mon discours a été suivi d'une envolée que je ne peux qualifier autrement que de démagogique, portant encore une fois sur toute la question de l'intégration des communautés culturelles, comme si le projet de loi était un instrument d'anglicisation, et concluant avec une demande de reporter l'étude de ce projet de loi à une date ultérieure.

Il y a un an à peine, on a eu une campagne électorale. Durant cette campagne électorale, les deux partis ont pris un engagement à peu près similaire: soit de garantir des services sociaux et de santé à la minorité anglophone, comme le disaient le Parti québécois et nous-mêmes, à la communauté d'expression anglaise. Si, après un an, le Parti québécois estime que c'est trop tôt pour statuer sur la question par un projet de loi qui fait essentiellement deux choses: établir un droit, expliciter clairement que toute personne d'expression anglaise a le droit de recevoir des services sociaux et de santé en langue anglaise et, deuxièmement, mettre sur pied un mécanisme afin de livrer ces services... Il n'y a rien dans le projet de loi - et je le répète - qui donne un mandat particulier aux établissements anglophones vis-à-vis des communautés culturelles. Il n'y a rien dans le projet de loi qui dise aux gens qui sont sur le terrain qu'ils n'ont pas fait un bon travail ou qu'ils ne font pas d'efforts afin de rendre les services accessibles aux communautés culturelles ou aux anglophones, etc.

Par contre, si, effectivement, le travail se fait sur le terrain d'une certaine façon et qu'arrive un projet de loi à l'Assemblée nationale qui va dans le même sens et appuie ce qui se fait sur le terrain, j'ai du mal à voir pourquoi les gens sur le terrain le reçoivent comme un blâme. Normalement, si je me place dans cette situation, si je veux faire quelque chose vis-à-vis des services accessibles en anglais, en grec ou en italien et que mon gouvernement vienne dire que l'organisation des services sociaux et de santé doit tenir compte des caractéristiques socioculturelles et linguistiques des clientèles, je me sens soulagé. J'aurais bien aimé, au temps où j'étais dans le réseau, avoir le même genre de projet de loi débattu ici en Chambre pour que je puisse m'appuyer, comme intervenant social, sur une loi qui m'aurait donné un appui par rapport à ce que je voulais faire dans le réseau. Et, effectivement, le réseau et les gens qui essaient d'améliorer l'accessibilité des services sociaux à l'intérieur du réseau devraient normalement trouver un appui dans ce projet loi. Je ne peux expliquer l'opposition au projet de loi que pat un aveuglement, une incapacité qui a d'ailleurs été très bien illustrée par le député de Verchères, une incapacité d'aller au-delà des mots, au-delà d'un conditionnement qui s'est fait au Québec depuis quinze ans.

Je demeure fondamentalement étonné de voir comment les réponses sont conditionnées. Aussitôt qu'on a parlé de communautés d'expression anglaise, de communautés culturelles, de garanties linguistiques, tout d'un coup on a fait des associations qui ne sont pas dans le projet de loi. Ce qui a amené l'Opposition à demander un report qui, je pense bien, leur servira beaucoup plus à trouver des arguments sérieux. Je suggère, que quel que soit le délai qu'ils demandent, peu importe le nombre de mois demandés par l'Opposition,

qu'ils ne trouveront pas d'autres arguments.

Il est vrai que le projet de loi va faire que certaines personnes des communautés culturelles qui comprennent l'anglais et non pasx le français, pour des raisons de développement, d'immigration il y a plusieurs années, que ces gens, oui, iront vers des services offerts en anglais s'il n'y a pas de services dans leur langue. Je répète qu'il n'y a rien qui met en opposition la garantie des services de santé et des services sociaux en langue anglaise avec le développement des services sociaux et de santé en différentes langues. Mais il n'est que raisonnable de croire que nous ne serons jamais en mesure au Québec, comme partout ailleurs au monde, de pouvoir garantir tous les services de santé et de services sociaux dans toutes les langues.

Nous avons quelque chose comme 80 communautés culturelles installées au Québec. Est-ce que le député de Verchères voulait nous dire tout à l'heure qu'on devrait, au lieu de présenter ce projet de loi, garantir des services sociaux et de santé dans 89 langues? Il y a quand même une réalité historique qui caractérise le Québec et c'est peut-être ce qui distingue le Parti libéral du Parti québécois: nous reconnaissons cette réalité historique qui fait qu'il y a effectivement deux peuples fondateurs au Canada et au Québec, deux communautés qui existent côte à côte, depuis fort longtemps. Et c'est vrai que la communauté anglaise a pu et su développer ses propres services sociaux et de santé depuis des années. Le chef de l'Opposition lui-même a fait un lapsus quand il référait à l'hôpital Queen Mary, je pense, qui était anciennement un hôpital anglophone et qui est devenu un hôpital francophone à cause, effectivement, de la façon dont les services sont organisés, où on ne tient pas compte des caractéristiques socioculturelles et linguistiques, mais où on tient compte surtout d'un territoire spécifique.

Nous croyons qu'il est beaucoup plus clair, beaucoup plus limpide et beaucoup plus raisonnable d'accepter des situations qui sont évidentes pour qui veut bien les voir. Il y a une réalité socioculturelle et linguistique qui entre dans l'organisation des soins de santé et des services sociaux et on doit tenir compte de cet aspect. Tenir compte de cela nous donne également la possibilité, là où c'est possible de façon raisonnable, d'offrir et de développer des services dans d'autres langues que l'anglais. Je le répète, ce n'est que parce que l'Opposition du Parti québécois veut bien trouver quelque chose autour de quoi ils peuvent s'acharner qu'ils insistent pour voir des choses qui ne sont pas dans la loi. (22 h 30)

II n'y a rien dans la loi qui mette en opposition le développement des services sociaux et de santé dans plusieurs langues avec la garantie établie dans la loi à l'article 5.1 que "toute personne d'expression anglaise a le droit de recevoir en langue anglaise des services de santé et des services sociaux, compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services".

On nous a dit également qu'il y aura probablement des difficultés juridiques, qu'on demandera de l'argent et que, si on demande de l'argent, on prendra l'argent des francophones. C'est faux, Mme la Présidente. La ministre a indiqué que, même si déjà on s'estime très couvert du côté de l'investissement des ressources, avec "compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services", il y aura davantage pour garantir effectivement qu'on parle de l'organisation des services à l'intérieur de ce qui existe. Il s'agit d'un projet de loi qui veut assurer que des services soient organisés de la façon la plus flexible et la plus humaine possible. Il n'y a aucune raison, outre le désir de l'Opposition de se trouver un cheval de bataille, qui devrait nous amener à retarder l'adoption de ce projet de loi.

Je suis convaincu que quiconque - je l'ai déjà dit et je le répète - veut bien le voir avec un oeil objectif s'apercevra très rapidement que ce n'est pas un projet de loi mineur, mais ce n'est certainement pas un projet de loi qui chambarde tout le système. Aucun réseau parallèle n'est créé, aucune structure supplémentaire n'est mise sur pied, aucune création de nouveaux établissements, aucune bilinguisation faite au niveau systémique, comme l'a dit le chef de l'Opposition, parce que toutes les dispositions de la loi 101 demeurent en vigueur en ce qui concerne la langue du travail. Oui, il y aura certains établissements qui dispenseront certains services et d'autres l'ensemble de leurs services en anglais, mais tous les établissements sont tenus par la loi de dispenser l'ensemble de leurs services en français.

En conclusion, je ne peux que rejeter avec les députés ministériels cette motion de report qui n'est qu'une tactique pour retarder le débat, qui donnera peut-être quelques heures de plus à l'Opposition afin de trouver des arguments un peu plus sérieux que ceux qu'elle a présentés jusqu'à maintenant.

Je vous souligne très respectueusement, Mme la Présidente, que l'Opposition se trouve un peu mal prise dans ce dossier parce qu'elle avait à peu près dit la même chose: Nous sommes prêts à garantir dans nos lois fondamentales... Le chef de l'Opposition l'a dit tout à l'heure, il aimerait bien qu'il y ait un jour une constitution du Québec dans laquelle il pourrait mettre la garantie de services sociaux et de santé en langue anglaise. Nous lui disons que, s'il est

prêt à mettre cette garantie dans une éventuelle constitution, pourquoi ne ferait-il pas un pas de bonne volonté, un geste qui montrerait sa bonne foi en acceptant de l'inscrire tout au moins dans une loi qui parle spécifiquement de l'organisation des services de santé et des services sociaux? Est-ce qu'il y a quelque chose de plus cohérent, quand on veut garantir des services sociaux et de santé, que de le mettre dans la loi qui parle de l'organisation des services de santé et des services sociaux? Si ce n'est pas le cas, si, parce qu'il n'y a pas une constitution dans laquelle le Parti québécois puisse inscrire ce droit-là, il est contre l'adoption d'un tel projet de loi, je vous dis que c'est une contradiction qui ne tient pas debout, autrement que par la démagogie dans laquelle le Parti québécois sait exceller. Merci, Mme la Présidente.

Une voix: Très bien:

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laurier.

M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Je désire prendre la parole à ce moment-ci du débat qui retient l'attention de l'Assemblée depuis quelques heures pour venir appuyer la motion du député de Verchères qui vise à reporter au printemps prochain le débat entourant le projet de loi 142.

On pourrait très bien nous dire que cette motion du député de Verchères visant à surseoir à l'adoption du principe du projet de loi 142 n'est pas admissible pour les gens du parti ministériel parce qu'il y a urgence d'agir maintenant. C'est un motif qu'on aurait pu nous présenter et que n'a pas mis de l'avant le député de Laurier dans l'intervention qu'il vient de faire sur cette motion de report.

Je reconnais là-dessus, là-dessus spécifiquement, son honnêteté. Il n'a pas dit qu'il y avait urgence que l'Assemblée nationale du Québec intervienne maintenant, avec le projet de loi 142 comme instrument, dans le cadre des objectifs visés par le gouvernement et il avait raison de ne pas invoquer l'urgence d'agir parce que j'affirme qu'il n'y a aucune urgence d'agir avec le projet de loi 142. Il n'y a personne au Québec, actuellement, qui puisse prétendre -et qui prétende, d'ailleurs - ne pas recevoir des services de santé et des services sociaux convenables et satisfaisants, compte tenu des ressources qui existent.

On ne peut prétendre, comme l'a fait le premier ministre, comme l'a fait, malheureusement, aussi ta ministre de la Santé et des Services sociaux, lorsqu'on est franc et sincère, que le projet de loi 142 doit être adopté maintenant parce qu'avec le projet de loi 142 adopté et sanctionné on pourrait donner des services, enfin, aux gens de la minorité anglophone ou des communautés culturelles du Québec.

On ne peut affirmer une telle chose parce que telle n'est pas la situation. Bien au contraire, au moment où nous parlons, au moment où nous débattons ce projet de loi, il y a des services qui sont donnés à l'ensemble des Québécois et des Québécoises sur l'ensemble du territoire québécois, que ce soit pour des problèmes nécessitant l'utilisation de services de santé ou l'utilisation de services sociaux. D'ailleurs, Mme la Présidente, la Loi sur les services de santé et les services sociaux elle-même, celle qui existe, reconnaît cette nécessité de donner des services à l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Je me permettrai de lire l'article 5 de cette loi qui dit: "Les services de santé et les services sociaux doivent être accordés sans distinction ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, la langue, l'ascendance nationale, l'origine sociale, les moeurs ou les convictions politiques de la personne qui les demande ou des membres de sa famille." On a donc déjà une loi qui fait en sorte que tous les hommes et toutes les femmes qui vivent au Québec ont droit - et ils les reçoivent effectivement - à des services de santé et à des services sociaux qui correspondent à leurs besoins.

L'Association des hôpitaux du Québec, quant à elle, affirme dans le mémoire qu'elle a transmis à la ministre de la Santé et des Services sociaux à la page 2, "De plus, tous et non pas quelques-uns - les centres hospitaliers ont de longue date fourni des services accessibles aux bénéficiaires d'expression anglaise, compte tenu de leurs ressources et de leur organisation, conformément à l'article 5 de la loi sur la santé et les services sociaux, de même que sans discrimination conformément à l'article 5 de cette loi." Quand on pense que l'Association des hôpitaux du Québec est cette grande association panquébécoise qui regroupe tous les centres hospitaliers du Québec, incluant les centres hospitaliers anglophones comme le Royal Victoria, le Montreal General, le Montreal Children's Hospital et l'ensemble des centres hospitaliers anglophones que nous connaissons. Ce sont, ensemble, tous les membres de l'Association des hôpitaux du Québec qui viennent affirmer non pas dans un mémoire qui date de deux ou trois ans, mais dans leur mémoire personnel à la ministre de la Santé et des Services sociaux sur le projet de loi 142 qu'ils offrent des services dans tous leurs centres hospitaliers à l'ensemble des Québécois de la minorité anglophone ou des minorités culturelles.

Qu'est-ce qu'on retrouve dans les centres de services sociaux? Dans les centres

de services sociaux, on retrouve non seulement des services en français et des services en anglais, mais des services dans bon nombre des langues des différentes communautés culturelles du Québec et cela, non seulement à Montréal, mais partout sur le territoire du Québec. (22 h 40)

Prenons un certain nombre d'exemples. D'une part, sur le territoire de l'île de Montréal, il y a le Centre de services sociaux Ville-Marie qui donne des services aux citoyens de l'ouest de l'île de Montréal, mais qui donne essentiellement des services à l'ensemble des citoyens de la grande région de Montréal qui ont des besoins en services sociaux en langue anglaise. Il y a le Centre de services sociaux juifs à la famille, de Montréal qui donne des services sociaux en langue anglaise et dans la langue des Juifs de l'ouest de Montréal.

Le Centre de services sociaux de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine, alors qu'on retrouve sur son territoire une population d'à peu près 15 % d'anglophones, a, au sein de son personnel, 15 % de ses postes qui sont ou unilingues anglais ou bilingues et parfaitement bilingues. Le Centre de services sociaux Laurentides-Lanaudière a des services, particulièrement dans la région de Lachute, qui correspondent à la minorité anglophone qu'on retrouve dans cette région. Le Centre de services sociaux Richelieu, où on retrouve à peu près 11 % de citoyens anglophones, a 15 % de ses postes affichés comme postes bilingues pour son personnel; on y donne, au moment où on se parle, des services dans la langue anglaise en plus des services dans la langue française. Le Centre de services sociaux de la Côte-Nord a à peu près 12 % de ses postes qui sont affichés bilingues pour donner des services à la minorité anglophone de la Côte-Nord; on y retrouve même deux postes avec des personnes qui sont en mesure de donner des services aux Amérindiens qu'on retrouve sur la Côte-Nord. Le CSSO, Centre de services sociaux de l'Outaouais, population encore là d'environ 15 % d'anglophones: 30 % du personnel du Centre de services sociaux de l'Outaouais sont bilingues; on exige que ces postes soient bilingues pour donner des services à la minorité anglophone de cette région.

Et c'est le cas de l'ensemble des centres de services sociaux sur l'ensemble du territoire du Québec. On sait que le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, le centre des services sociaux, donc, de l'est de l'île de Montréal, non seulement donne des services aux Québécois de langue française qui habitent l'est de l'île de Montréal, mais que bon nombre de ses employés, de ses travailleurs sociaux, de ses organisateurs communautaires parlent anglais, un certain nombre l'italien, un certain nombre le portugais, le grec, pour être en mesure de donner des services à la population des différentes communautés culturelles et des différentes communautés ethniques de l'est de Montréal.

Dans les CLSC, dans les centres locaux de services communautaires, on donne non seulement des services en français, non seulement des services en anglais, mais des services dans bon nombre de langues des communautés culturelles de l'île de Montréal. Je prendrai à ce titre un premier exemple qui est le CLSC de ma circonscription électorale, le Centre local de services communautaires la Petite Patrie qui, faut-il le rappeler, est un CLSC qui couvre une population francophone à 80 %, 9 % de minorité italienne et 2 % d'autres langues. Qu'est-ce qu'on retrouve dans ce CLSC qui couvre un territoire à 80 % francophone? On retrouve du personnel qui parle français évidemment, mais du personnel qui parle anglais, du personnel qui parle italien, du personnel qui parle espagnol, qui est en mesure de donner des services à l'ensemble des minorités. Et je ne parle pas de deux secrétaires qui travaillent pour un cadre. Je parle de personnel qui donne des services directement aux bénéficiaires du Centre local de services communautaires la Petite Patrie. Prenons, par exemple, le service de maintien à domicile du CLSC la Petite Patrie. Il y a un médecin qui parle anglais et neuf infirmières qui peuvent s'exprimer en anglais; sur les 29 auxiliaires familiales, six s'expriment en anglais, cinq en italien et trois dans une autre langue. Chez les travailleurs sociaux, un s'exprime en anglais, un en italien et il y a deux travailleurs communautaires qui peuvent s'exprimer dans la langue anglaise. On a des organisateurs communautaires qui peuvent s'exprimer en italien, qui peuvent s'exprimer en espagnol. C'est dans un CLSC de l'est de Montréal dont 80 % des bénéficiaires sont des francophones.

Prenons d'autres CLSC. Le CLSC Parc Extension a des programmes pour l'ensemble des minorités qu'on retrouve sur son territoire. Au CLSC Saint-Louis du Parc, on retrouve 30 % du personnel qui est composé de Néo-Québécois et 40 % si on regroupe l'ensemble du personnel qui est affecté à des services à la clientèle, donc aux bénéficiaires. On a même un système d'accueil au CLSC Saint-Louis du Parc, qui permet d'accueillir les bénéficiaires dans cinq langues différentes. Le Centre local de services communautaires de Rivière-des-Prairies reflète la composition culturelle de son territoire. Le Centre local de services communautaires d'Outremont, à cause de l'importance de la communauté juive qu'on retrouve sur son territoire, a adapté des programmes en fonction de la communauté juive qu'on y retrouve. Le Centre local de

services communautaires du centre-ville de Montréal où deux personnes de la communauté chinoise siègent au conseil d'administration et travaillent à adapter les programmes pour ces différents bénéficiaires.

Le Centre local de services communautaires Côte-des-Neiges où on retrouve une infirmière juive orthodoxe, où on retrouve des gens qui donnent des cours en vietnamien, en espagnol, en portugais, qui donnent des soirées d'information à l'intention des gens qui se sont réfugiés au Québec, où on retrouve des intervenants auprès des familles, qui parlent plusieurs langues. Pensons au CLSC du centre-sud et Notre-Dame-de-Grâce, Montréal-Ouest, qui est un pré-CLSC où là aussi on retrouve un personnel qui reflète parfaitement les diversités linguistiques et les diversités culturelles qu'on retrouve sur son territoire. Le Centre local de services communautaires de Côte-Saint-Luc, qui donne des services dans plus de douze langues. Celui de Montréal-Nord, où on retrouve une concentration importante de membres de la communauté haïtienne et italienne, qui reflète cette communauté dans son conseil d'administration et dans son personnel et, donc, dans l'ensemble des programmes qu'il dispense.

Pensons au CLSC Saint-Léonard, c'est un CLSC qui donne des cours prénatals aux femmes haïtiennes, qui a mis sur pied des groupes d'intervention aux familles italiennes qui gardent leurs parents, qui a mis en place un système de dépliants et de chroniques en italien et en portugais et qui, là aussi, a un personnel qui reflète parfaitement la composition culturelle de son territoire. Pensons, Mme la Présidente, à ce gigantesque travail qui a été réalisé par le Conseil régional de la santé et des services sociaux, qui a préparé un répertoire, non pas il y a quatre ans, mais au mois d'octobre dernier. Il a rempli et complété un répertoire de l'ensemble des services sociaux et des services de santé de première ligne disponibles dans l'ensemble des CLSC de l'île de Montréal par territoire et par langue.

Savez-vous qu'on retrouve tous ces services dans tous ces CLSC, qui sont offerts en langue anglaise sur l'île de Montréal? Savez-vous qu'on retrouve des services dans environ une trentaine de langues, de communautés culturelles différentes les unes des autres, qu'on retrouve sur l'île de Montréal, que ce soient des communautés africaines, allemandes, arabes, arméniennes, autochtones, belges, bulgares, cambodgiennes, chinoises, grecques, haïtiennes, hispanophones, hollandaises, hongroises, indiennes, italiennes, jamaïcaines, japonaises, juives parlant yiddish ou hébreux, polonaises, portugaises, roumaines, russes, tchèques, turques, ukrainiennes, vietnamiennes, yougoslaves. Ce ne sont pas des promesses.

Ce n'est pas un discours politique. C'est une réalité. Il y a des services qu'on retrouve dans toutes ces langues, dans toutes ces communautés dans différents CLSC de l'île de Montréal.

Ce n'est pas nous qui avons préparé cela par notre service de recherche. C'est le Conseil régional de la santé et des services sociaux du Montréal métropolitain qui nous a fourni ces renseignements, à nous comme à l'ensemble des Montréalais et des Montréalaises, pas plus tard qu'au mois d'octobre dernier. L'Office de la langue française reconnaît déjà une imposante liste d'établissements de santé et de services sociaux qui sont reconnus, en vertu de la loi 101, pour avoir comme langue de communication interne l'anglais et on sait très bien ce que cela veut dire dans les faits. Cela veut dire qu'ils offrent, qu'ils fournissent des services de santé et des services sociaux dans la langue anglaise aux gens de la communauté anglophone et qu'ils fournissent aussi des services à des minorités culturelles du Québec.

On en a une longue liste. Pensons au centre hospitalier St. Mary, au centre hospitalier juif de l'Espérance, à l'Hôpital chinois de Montréal, à l'Hôpital de Montréal pour enfants, qu'on appelle le Montreal Children's, à l'Hôpital des convalescents de Montréal, à l'hôpital Douglas, à l'Hôpital Général de Lachine, à l'Hôpital Général de Montréal, à l'Hôpital Général Lakeshore, à l'hôpital général juif-Sir Mortimer B Davis, à l'hôpital Grace Dart, au Mont-Sinaï, au Reddy Memorial, au Reine-Élizabeth, au Royal Victoria, au Santa Cabrini, au Shriners, à des CLSC, des services sociaux, des centres d'accueil d'hébergement pour personnes âgées, des centres d'accueil de réadaptation, cela existe. Cela existe. (22 h 50)

Le député de Laurier lui-même, dans une entrevue qu'il accordait récemment au Journal de Montréal nous disait: Le projet de loi 142, c'est pour légiférer le statu quo, pour faire en sorte que la loi corresponde à ce qui existe. Je vois le député de Laurier qui hoche la tête, Mme la Présidente. Je le cite au texte: "Pour nous, le projet de loi 142 ne vient qu'officialiser le statu quo." Citation au texte d'une entrevue qu'il a accordée à Michelle Coudi-Lord, du Journal de Montréal, le 18 novembre 1986. Cela ne fait pas deux ans. Cela fait quelques semaines à peine.

Qu'on ne vienne pas tenter de nous dire qu'il y a urgence à procéder; qu'on ne vienne pas nous présenter le projet de loi 142 comme un projet de loi humanitaire qui nécessite un vote à la vapeur, de toute urgence, en pleine nuit des membres de l'Assemblée nationale parce qu'il y a des hommes et des femmes qui, au Québec, attendent après l'adoption du projet de loi

142 pour obtenir un service de santé ou pour obtenir un service social. Non, il y a actuellement des services de santé et des services sociaux qui sont dispensés aux membres de la communauté anglophone et aux membres des communautés culturelles du Québec, des services qui ont été donnés et qui ont pris de l'ampleur sous un gouvernement du Parti québécois et qui ont été rendus possibles grâce aux efforts des hommes et des femmes qui travaillent dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ces hommes et ces femmes ont fait un travail colossal pour arriver, à partir d'aménagements administratifs, à partir d'une organisation intelligente du réseau de la santé et des services sociaux, à donner des services aux gens de la communauté anglophone et aux gens des communautés culturelles du Québec. Cela illustre jusqu'à quel point il n'y a pas d'urgence à procéder à l'adoption à la vapeur, en pleine nuit, en catastrophe du projet de loi 142.

On aurait pu aussi nous dire: Bien, écoutez, c'est une promesse électorale qui a fait l'objet d'un large consensus. On a discuté largement avec l'ensemble des intervenants du réseau pour en arriver à ce projet de loi et ce projet de loi est l'aboutissement d'un long processus de consultation, de concertation et d'association de l'ensemble des groupes qui interviennent chaque jour dans le réseau de la santé et des services sociaux au Québec. Mais tel n'est pas le cas.

On s'est limité en campagne électorale à faire une promesse électorale rapide qu'on a très peu mise de l'avant du côté francophone, mais dont on traitait dans les assemblées auprès de la minorité anglophone du Québec. Depuis ce temps, rien. Depuis ce temps, il ne s'est rien passé. Jamais la ministre de la Santé et des Services sociaux n'a associé à ceci, par exemple, les associations qui s'intéressent à ces questions, les associations qui regroupent les hommes et les femmes qui donnent ces services de santé et ces services sociaux aux minorités, qui le font à partir de cette ouverture qui a toujours caractérisé les Québécois et les Québécoises en général, cette ouverture d'esprit qui fait qu'aujourd'hui nous sommes le peuple qui traite le mieux sa minorité partout dans le monde occidental parce que nous sommes un peuple généreux, un peuple qui ne marchande pas les services aux minorités, un peuple qui ne négocie pas les services aux minorités, un peuple qui a toujours reconnu que c'était nécessaire, que c'était essentiel et qui n'avait pas besoin d'une loi, qui n'avait pas besoin d'attendre une loi pour commencer à donner des services aux membres de la communauté anglophone du Québec ou aux membres des différentes communautés culturelles du Québec; parce que les Québécois forment un peuple, parce que les Québécois sont des gens généreux, des gens ouverts, des gens qui veulent vivre avec les membres de la communauté anglophone du Québec et les membres des communautés culturelles du Québec et non pas contre eux comme on le fait dans les autres provinces canadiennes à l'endroit des minorités francophones qu'on retrouve dans ces provinces. Ce n'est pas l'apanage des Québécois d'avoir une telle attitude, au contraire.

On n'a jamais eu besoin d'une loi pour le faire. On l'a fait à partir d'une volonté collective de respecter les hommes et les femmes qui sont dans la minorité anglophone ou dans les minorités culturelles du Québec, tout autant qu'on respecte les gens qui sont au Québec membres de la majorité francophone. Pour cela, on n'a pas eu besoin d'un projet de loi, encore moins d'un projet de loi apporté en catastrophe, à la dernière minute, à l'Assemblée nationale.

Ce projet de loi est tellement en catastrophe que nul autre que le premier ministre disait quelques jours après son dépôt - et je cite la transcription préliminaire du Journal des débats, le 27 novembre 1986, 14 h 26, à la page R-5303; c'est le premier ministre du Québec, le chef du gouvernement, qui parle du projet de loi 142 déposé quelques jours plus tôt - "J'ai dit tantôt - et je le cite au texte - au chef de l'Opposition que nous étions prêts, nous en avons déjà discuté, à examiner certaines modifications pour éviter dans un cas - il parle de la loi 140 - que les sanctions aient moins de portée et que, dans l'autre cas, le projet de loi - et là on parle du projet de loi 142 -puisse être une passoire."

Donc, le premier ministre reconnaissait, dans les jours qui ont suivi le dépôt du projet de loi 142, qu'il s'agissait dans les faits non pas d'un projet humanitaire, non pas d'un projet qui avait pour objectif de donner des services de santé et des services sociaux à la minorité anglophone et aux minorités culturelles du Québec, mais bien d'un projet de loi qui, dans le texte connu au moment de son dépôt, était une passoire au plan linguistique. Le premier ministre nous disait: Je vais apporter des amendements pour que ce projet de loi ne soit pas une passoire. Où sont-ils, ces amendements9 Où sont-ils, les amendements qui vont permettre que le projet de loi 142 ne soit pas une passoire au plan linguistique, ne soit pas un panier percé, mais serve bien à dispenser des services de santé et des services sociaux aux membres des différentes minorités du Québec? Où sont-ils, ces amendements?

Ce matin, la ministre des Affaires culturelles a déposé ici une douzaine d'amendements au projet de loi 140. Qu'a fait la ministre de la Santé et des Services sociaux par rapport au projet de loi 142,

qualifié par le premier ministre lui-même d'être une passoire au plan linguistique, un panier percé au plan linguistique? Où sont-ils, ces amendements? Ce ne sont même pas des amendements. La ministre a évoqué quelques réflexions qui n'apportent absolument rien de neuf quant à cette préoccupation de faire en sorte que le projet de loi 142 ne soit pas une passoire au plan linguistique.

Non seulement le projet de loi a été apporté en catastrophe, non seulement le projet de loi ne présente d'aucune façon une urgence, une nécessité d'être adopté maintenant pour donner des services, parce qu'ils existent ces services et ils existent depuis longtemps et ils continueront d'exister en ce qui nous concerne, mais ce projet de loi ne répond même pas, à partir du discours que nous a fait la ministre, aux attentes du premier ministre lui-même qui nous disait: Oui, il faudrait apporter des amendements importants pour éviter que ce projet de loi ne soit une passoire.

Du côté du monde de la santé et des services sociaux, que nous disent ces associations des services de santé et des services sociaux? L'Association des hôpitaux du Québec a fait parvenir un mémoire à la ministre de la Santé et des Services sociaux. Que dit-elle sur le projet de loi, sur le fond? L'Association des hôpitaux du Québec dit: "Cependant, l'Association des hôpitaux du Québec est d'avis que le choix des moyens proposés par les dispositions du projet de loi 142, aux articles 1, 2, 3 et 9, demeure discutable. Elle poursuit: "Nous soutenons que l'insertion de l'article 5.1 dans la loi sur la santé et les services sociaux porte atteinte à l'économie générale de la loi et n'ajoute rien de plus à ce que consacre l'effet combiné des articles 4 et 5 de la loi. D'ailleurs, une telle insertion risque de saper la portée parapluie de la Charte de la langue française et vient mitiger la portée particulière de son application aux établissements de santé et de services sociaux." Ils poursuivent un peu plus loin, toujours les gens de l'Association des hôpitaux du Québec: "La Loi sur les services de santé et des services sociaux n'a pas pour objet de supporter la déclaration des droits fondamentaux généraux, surtout si on les retrouve déjà suffisamment énoncés et protégés dans d'autres lois, comme c'est le cas de l'accès à des services dans une autre langue que la langue française, par l'application de la Charte de la langue française. Il s'agirait là d'une insertion qui devient inédite dans l'économie du droit québécois et qui risque de placer les centres hospitaliers dans une position délicate." L'Association des hôpitaux du Québec de conclure: "Pour toutes ces considérations, l'Association des hôpitaux du Québec se considère justifiée de demander le retrait des articles 2, 3 et 9 du projet de loi 142." (23 heures)

Trois autres associations, après avoir passé plus de deux heures dans le bureau de la ministre, deux heures au cours desquelles la ministre a tenté de les convaincre d'appuyer son projet de loi, non seulement se sont prononcées sur le contenu du texte du projet de loi 142, mais sur le contenu des explications et de la défense qu'en faisait devant elles la ministre de la Santé et des Services sociaux. Quelle a été leur conclusion? Cela a été: Suspendez, il faut surseoir à l'adoption de ce projet de loi, il faut interrompre l'étude du projet de loi. Que demandent-elles? Qu'elles puissent en discuter dans un autre cadre que celui d'un projet de loi, dans le cadre qui leur a permis jusqu'à ce jour de donner des services de santé et des services sociaux à la minorité anglophone et aux différentes communautés culturelles du Québec.

Donc, la conclusion, quelle est-elle? Aucune association du réseau de la santé et des services sociaux n'est venue appuyer, même du bout des lèvres, le contenu du projet de loi de la ministre. La ministre se retrouve seule avec son caucus et son Conseil des ministres pour défendre son projet de loi. Personne du monde de la santé et des services sociaux qui donne déjà ces services à la population ne vient appuyer ce projet de loi. Au contraire, ces gens-là disent à la ministre: Mme la ministre, nous trouvons odieux que, par votre projet de loi, vous veniez porter un jugement d'incompétence et d'insatisfaction sur le travail que nous avons réalisé au cours des dernières années en matière de dispensation de services de santé et de services sociaux aux minorités du Québec. Comment la ministre, demain, pourra-t-elle demander à ces différentes associations, à ces hommes et à ces femmes, de venir l'appuyer dans sa volonté, de venir collaborer, d'avoir une contribution positive quant aux objectifs qu'elle recherche alors qu'elle leur dit: Vous ne connaissez rien là-dedans, vous n'avez rien fait de bien par rapport à cela et je vous considère tellement peu que je ne vous associe même pas à l'élaboration de mon projet de loi?

Non, Mme la Présidente, ce projet de loi doit retourner sur les tables de travail. Ce projet de loi ne constitue d'aucune façon une urgence. La seule urgence qui entoure le projet de loi 142 est une urgence urgente pour la ministre de la Santé et des Services sociaux de retourner faire ses devoirs et, cette fois, de faire ses devoirs avec l'ensemble des hommes et des femmes qui travaillent chaque jour dans le réseau de la santé et des services sociaux pour qu'elle vienne s'amender du geste odieux qu'elle a porté à leur endroit, s'excuser auprès d'eux et, maintenant, les associer dans une

démarche positive, constructive, dynamique qui leur permettra d'être encouragés, d'être motivés à faire plus comme ils sont prêts à le faire. Ils sont prêts, d'ailleurs, s'il reste un certain nombre de problèmes, à corriger ces problèmes avec la même volonté et la même détermination qui les a animés jusqu'aujourd'hui, eu égard à ces services aux minorités. Mais ils veulent le faire de la même façon qu'ils ont réussi admirablement bien jusqu'aujourd'hui, à partir d'une organisation intelligente du réseau, à partir d'aménagements administratifs. C'est ce qu'ils demandent à la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Je crois que la motion de mon collègue, le député de Verchères, qui vise à reporter de six mois l'étude de ce projet de loi permettra à la ministre de s'amender et de passer à cette urgence qui est celle de refaire ses devoirs et, cette fois, non pas les faire à la sauvette, en cachette et dans l'improvisation, mais les faire avec l'ensemble de ses collaborateurs, avec l'ensemble de ces hommes et de ces femmes dont elle a un besoin absolument essentiel pour lui permettre de poursuivre dans cette voie qui vise à améliorer la qualité des services de santé et des services sociaux pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, il est évident que nous allons voter contre la motion de report présentée par l'Opposition. Cela me fait un peu sourire quand j'écoute les leçons que nous servent tant le critique de l'Opposition en matière de santé et de services sociaux que d'autres de ses collègues, quand ils nous disent que nous présentons ce projet de loi à la sauvette et que nous allons les forcer à discuter des neuf articles que contient ce projet de loi dans des circonstances absolument inadmissibles.

Puis-je rappeler au critique officiel de l'Opposition en matière de santé et de services sociaux, le député de Gouin, de même qu'à son chef en particulier, qui était en 1981, ministre des Affaires sociales que dans une période tout aussi courte, on nous forçait à siéger même en commission parlementaire alors que le règlement prévoit que nous ne pouvons y siéger jusqu'à minuit, nous avons siégé pendant quinze jours sur la loi 27 jusqu'à 3 heures du matin, une loi qui contenait au-delà de 200 articles. Il a fallu l'avaler en quinze jours.

Des voix: Exactement! C'est vrai! Je me le rappelle.

La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais la collaboration de cette Chambre; le droit de parole est maintenant à Mme la ministre et j'aimerais bien qu'on respecte son droit de parole. Mme la ministre, vous pouvez y aller.

Mme Lavoie-Roux: Et pourtant, il ne s'agissait pas d'un projet de loi bénin, c'était un projet de loi qui venait apporter des modifications importantes à la loi 27, tellement importantes que pendant les quatre ou cinq années qui ont suivi, le gouvernement d'alors n'a même pas pu mettre en pratique ou édicter les règlements qui devaient suivre la sanction de ce projet de loi même cinq ans après. C'est vous dire, Mme la Présidente, qu'il ne s'agissait pas d'un problème très simple. Nous sommes encore à travailler sur la réglementation de ce fameux projet de loi et il y en a une partie qui n'a pas encore fait l'objet de la réglementation.

Je m'étonne. J'entendais le député de Verchères le mentionner et le député de Gouin est revenu avec une foule d'exemples nous citant tous les organismes ou les établissements qui offrent déjà, dans différentes langues, aux communautés culturelles des services de santé et des services sociaux. Je m'en réjouis, je l'ai d'ailleurs souligné tout à l'heure, j'ai indiqué les efforts qui avaient été faits. Si tous ces services existent, quoiqu'ils aient admis qu'il y avait encore des problèmes - il faut bien que je le concède - je me demande quelle est la difficulté viscérale à ce que ce droit soit inscrit dans une loi, puisque cela ne présente aucun problème. Tous les services existent, à vous entendre parler, il n'y a que quelques problèmes ici et là. Je m'explique mal que maintenant on fasse une telle opposition à inscrire, à consacrer dans un projet de loi l'exercice d'un droit.

Vous savez, Mme la Présidente, quand cette Chambre a adopté - je n'y étais pas à ce moment-là, mais nous avons accepté par la suite - d'autres amendements à la Charte des droits et libertés de la personne, quand on a présenté et fait adopter par cette Assemblée nationale la Charte des droits et libertés de la personne, ce n'était pas parce que les droits n'étaient pas respectés ou que les droits n'existaient pas; au contraire, on a voulu consacrer dans une loi l'exercice de droits qui existaient dans les faits.

Il faut voir ailleurs, il faut voir d'autres motifs, une autre motivation à cette opposition d'inscrire dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux ce droit pour les anglophones à recevoir des services dans la langue anglaise. Il faut bien concevoir que la loi 65 - je l'ai expliqué longuement après le souper, en fait, à 20 heures - contient de nombreux autres droits

et que celui-ci vient - si tout cela existe aussi parfaitement que l'Opposition le dit -inscrire ou consacrer un droit pour la communauté anglophone.

On a entendu tout à l'heure le député de Gouin nous citer l'Association des hôpitaux du Québec qui a fait une déclaration il y a une dizaine de jours, ou peut-être quinze jours maintenant. Je voudrais vous citer une autre lettre de l'Association des hôpitaux du Québec qui est arrivée à mon bureau le 4 décembre, c'est tout récent: "Mme la ministre, je voudrais par la présente préciser les vues de l'Association des hôpitaux du Québec à l'égard du projet de loi 142 quant à ses dispositions portant sur la question linguistique. Ce projet de loi, que vous avez présenté à l'Assemblée nationale tout récemment, est actuellement objet d'études par les députés. "Cette précision me semble d'autant plus importante que Le Devoir, dans son édition du 3 décembre dernier, à l'occasion d'un titre sensasionnaliste, a détourné les intentions des représentations que nous venions de faire au nom des hôpitaux du Québec sur ce projet de loi. (23 h 10) "Nous tenons à vous dire que nous partageons les objectifs clairement exprimés par votre gouvernement."

Il s'agit de l'Association des hôpitaux du Québec, Mme la Présidente, à savoir de mieux adapter les services sociaux aux besoins des populations, en considérant aussi leurs besoins linguistiques. C'est notamment le cas de l'importante minorité anglophone du Québec où qu'elle soit, dans la mesure, évidemment, des possibilités de nos organisations hospitalières. Ceci est prévu dans le projet de loi tel qu'il est présenté à cette Assemblée. "Non seulement avons-nous affaire à une question de droit social, mais encore traitons-nous en cette occasion d'un sujet dont plusieurs volets touchent la dimension humaine des soins et le respect de la personne malade." C'est l'Association des hôpitaux du Québec qui s'exprime ainsi, Mme la Présidente. "C'est là une position que nous avons soutenue depuis longtemps et que nous avons véhiculée tant au gouvernement actuel qu'au gouvernement précédent. C'est ainsi que nous avons appuyé fortement le mémoire présenté par 29 établissements anglophones en septembre 1983 à la commission parlementaire des communautés culturelles et de l'immigration. Il est à souligner que les représentations supportées par notre association à cette époque portaient sur la question de fond, soulevée maintenant par le projet de loi 142 et sur d'autres aspects linguistiques toujours d'actualité et pertinents!"

On fait croire à la population qu'on n'a jamais entendu parler du problème avant aujourd'hui, non pas dans le projet de loi qui est devant nous, je vous le concède, mais c'est une discussion qui a cours au Québec depuis maintenant de très nombreuses années. Je vous dirais même qu'il en fut question pendant de longues heures lors du débat sur la loi 101. Il a été repris au moment de la loi 57, qui venait amender la loi 101. "Tel que nous le précisons dans le mémoire que nous venons de vous transmettre, une partie des membres de l'association identifiée à la communauté anglophone a contribué au développement du système de santé actuel. Il nous semble important de protéger et de maintenir en conséquence l'apport de cette communauté à notre patrimoine québécois."

Je vais lire la lettre jusqu'à la fin: "Ce qui fait l'objet de nos préoccupations, c'est que le projet de loi 142 nous semble créer un certain nombre d'imbroglios juridiques et que le choix des moyens proposés par certaines de ces dispositions nous semble discutable. Cependant, nous tenons à réaffirmer que l'association ne remet nullement en cause les objectifs poursuivis par le gouvernement dans ce projet de loi. Recevez, Mme la ministre, l'assurance de mes bons sentiments."

La Vice-Présidente: M. le député de Gouin.

M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente, en vertu de l'article 214, est-ce que la ministre pourrait déposer le document dont elle vient de citer une partie?

Mme Lavoie-Roux: Cela me fait plaisir. On va en faire une copie étant donné que...

M. Rochefort: Sûrement qu'on va vous laisser votre original, madame, pour vos archives et vos mémoires éventuellement.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est môme pas un original; c'est déjà une copie. C'est un communiqué de presse qui a été rendu public d'ailleurs.

La Vice-Présidente: Document déposé. Vous pouvez poursuivre, Mme la ministre.

Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, en ce qui a trait aux trois associations auxquelles on se réfère souvent, l'Association des centres d'accueil, les CLSC et l'Association des CSS, c'est assez étonnant que ce soit le député de Gouin qui ait appris à cette Chambre qu'ils avaient passé deux heures avec moi. Il semble qu'il est peut-être en communication plus directe avec certains des membres de ces groupes que

peut-être je ne le suis moi-même. De toute façon, il est bien renseigné.

Une chose est certaine, j'ai rencontré ces groupes à leur demande. Nous avons été ensemble. C'est le député qui m'a appris que c'étaient deux heures, parce que je n'avais vraiment pas calculé sur ma montre le temps que nous avions passé ensemble... Quand nous nous sommes quittés, et, Mme la Présidente, je le dis ici en toute franchise, ces personnes nous ont dit qu'elles étaient d'accord, comme d'ailleurs elles l'indiquent dans leur télégramme, sur le principe, et je l'ai cité tout à l'heure au texte, sur les objectifs qui sont à l'origine du projet de loi 142, mais qu'elles avaient eu une perception erronnée du projet de loi. Nous nous sommes quittées sans qu'aucune représentation ne soit faite après ces deux heures d'entretien, à savoir que nous devions surseoir ou que nous devions retirer le projet de loi, ce que, d'ailleurs, elles n'ont pas dit. Elles ont demandé de surseoir au projet de loi. Ce n'est que 48 heures plus tard que trois des quatre organismes qui sont venus me rencontrer ont tout à coup fait cette déclaration, qui, encore une fois, ne met pas en question l'objectif ou le principe du projet de loi, mais demande de surseoir au projet de loi.

Je crois que nous aurons amplement le temps, durant les jours ou les semaines qui vont suivre, de faire le tour de ce projet de loi d'une façon détaillée, avec responsabilité. J'ai signalé tout à l'heure aux députés de l'Opposition que, s'ils avaient des amendements significatifs à apporter et que leur bien-fondé m'apparaissait tout à fait juste, nous serions ouverts à examiner leurs amendements.

Je voudrais, en terminant, dire, M. le Président, que, déjà, au discours inaugural, nous en avons parlé, que c'était notre intention de présenter ce projet de loi. Le député de Gouin se rappellera que, lors de l'étude des crédits, quand il m'a demandé quelles étaient mes intentions, je crois - il me faudrait quand même vérifier - j'en ai parlé à ce moment. À plusieurs reprises, j'en ai parlé publiquement, j'ai dit que c'était l'intention de mon ministère de présenter un tel projet de loi. Alors, je pense qu'on ne peut pas parler d'un projet de loi qui arrive par surprise et qui prend tout le monde par surprise.

Encore une fois, M. le Président, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur la motivation profonde de l'Opposition pour s'opposer d'une façon aussi vive à l'adoption d'un principe qui, selon elle - et selon moi aussi - vient confirmer l'exercice d'un droit qui, heureusement, existe largement, mais qui viendra quand même le consacrer et le mettre à l'abri de l'arbitraire de qui voudrait ne pas respecter ce droit que l'on reconnaît, je pense, de part et d'autre.

J'ai entendu tout à l'heure le chef de l'Opposition parler des droits historiques de la communauté anglophone et dire qu'ils étaient très particuliers et que les communautés culturelles d'autres origines ethniques ne pouvaient s'y référer à cause de l'histoire. J'ai cru sentir de la part du chef de l'Opposition que, sur le fond même, il était d'accord pour que la communauté anglophone puisse obtenir ce droit dans la loi quant à l'usage de l'anglais dans la livraison des services de santé et de services sociaux.

M. le Président, encore une fois, l'Opposition nous tient un double langage et je voudrais savoir comment il se fait que le chef de l'Opposition, qui s'est engagé à même inscrire dans une loi constitutionnelle ce qu'il considère un droit fondamental pour la communauté anglophone de recevoir des services en langue anglaise dans le domaine de la santé et des services sociaux veuille aujourd'hui s'opposer à ce que l'Assemblée nationale adopte, par une loi statutaire, ce principe du droit à l'usage de l'anglais pour la communauté anglophone dans la réception des services de santé et des services sociaux.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Je suis heureux de m'associer à la motion de report présentée par le député de Verchères et je crois que la ministre de la Santé et des Services sociaux vient d'oublier de quoi elle parlait.

Je n'ai pas entendu de sa bouche, durant les quinze à vingt minutes pendant lesquelles elle a parlé, un seul argument qui militait en faveur de l'étude immédiate du projet de loi 142. C'est quand même extraordinaire, M. le Président, que la ministre de la Santé et des Services sociaux et le député de Laurier avant elle soient incapables de présenter à cette Chambre un argumentaire, le plus mince soit-il, pour convaincre cette Chambre d'agir immédiatement sur le projet de loi 142. Je trouve cela absolument incroyable. Alors que le Québec lui-même est en état d'instabilité linguistique, alors que tous les intervenants du milieu des affaires sociales, les collaborateurs de la ministre, les institutions avec lesquelles la ministre doit travailler sont contre le projet de loi, lui demandent ou d'y surseoir ou de le retirer complètement, la ministre de la Santé et des Services sociaux intervenant sur cette motion ne trouve même pas un seul argument juste susceptible de convaincre les membres indécis de cette Chambre. Et j'en reconnais dans cette Chambre qui sont indécis et qui écoutent avant d'enregistrer un vote. Je trouve cela remarquable.

Je ferai remarquer également à la ministre de la Santé et des Services sociaux que son interprétation de la position prise par les associations des réseaux d'établissements et d'institutions fait l'objet, de sa part, d'une interprétation pour le moins élastique. D'abord la première chose, c'est que ces groupes, la fédération des CLSC, l'Association des centres de services sociaux du Québec, l'Association des centres d'accueil du Québec et l'ACHAP également, ont envoyé un télégramme à la ministre le 28 novembre lui demandant d'être entendus d'urgence. Quelques jours plus tard, le 4 décembre, ils envoyaient un télégramme à la ministre, et je pense que cela vaut la peine, M. le Président, de lire le dernier attendu de ce télégramme ainsi que la conclusion.

Le télégramme, signé encore une fois par M. Roger Pednaud, président de l'ACAQ, M. Miville Lapointe, vice-président de l'Association des centres de services sociaux du Québec, M. Paul Leguerrier, président de la fédération des CLSC du Québec, dit ceci et ce n'est pas d'un député de l'Opposition. "Attendu que des ajustements sont possibles à l'intérieur du cadre actuel sans qu'il soit nécessaire d'adopter une législation spécifique aux conséquences imprévisibles pour ce faire, attendu que les établissements du réseau de la santé et des services sociaux ne peuvent s'empêcher de voir dans la présentation de ce projet de loi une appréciation négative de leur action au niveau de l'accessibilité des services et de leur capacité de les améliorer, interprétation négative par la ministre qui est la titulaire du portefeuille de la santé qui doit tous les jours travailler avec des intervenants qui donnent les services en fin de compte, qui doit coordonner l'ensemble des politiques sur le territoire du Québec en matière de santé et de services sociaux, qui se plaignent de l'appréciation négative que fait la ministre de leur travail."

Et le télégramme concluait, je cite: "Pour ces différents motifs, Mme la ministre, nous demandons au gouvernement du Québec - j'ajouterais s'il y en a un - de surseoir à l'adoption du projet de loi 142 et d'explorer avec nous des avenues de solution plus adéquates pour garantir aux bénéficiaires de la communauté anglophone et aux bénéficiaires des autres communautés culturelles l'accès aux services de santé et aux services sociaux de qualité auxquels ils ont droit." (23 h 20)

Or, voilà la demande que font à l'unanimité les intervenants du réseau, comme on dit en jargon. Les intervenants, ce sont quand même eux qui assument la direction sur le terrain des établissements où toute la population, quelle que soit son origine, se rend pour recevoir les traitements auxquels elle a droit. Mais la ministre met cela de côté. Elle nous lit une partie de la lettre de l'Association des hôpitaux du

Québec, de l'AHQ. J'aimerais bien en avoir la version complète et intégrale.

Maintenant, une autre chose est fascinante dans le discours de la ministre. Elle nous a dit tantôt: vous savez, la loi 27, le ministre des Affaires sociales, l'actuel chef de l'Opposition l'avait" adoptée en 1981. Il l'avait adoptée mais après avoir travaillé dix ou douze jours. Mais ce que la ministre oublie de dire ou veut oublier, c'est que la loi 27, en définitive, faisait l'objet d'un consensus parmi tous les intervenants du réseau des affaires sociales, y inclus les professionnels et, bien plus, l'Opposition d'alors, l'actuel gouvernement a voté pour la loi 27. Il y a une grande différence entre légiférer contre et envers tous et légiférer avec le consensus, l'appui des intervenants d'un réseau ou d'un milieu ou d'un secteur d'activités. Cela me surprend qu'après un an de pouvoir, les libéraux n'aient pas encore appris cette différence fondamentale qu'il y a dans une loi où on impose d'autorité des diktats sans recourir, sans chercher non plus à faire des consensus, à bâtir au moins un commencement d'unanimité autour d'un projet de loi.

Je trouve cela inquiétant pour l'avenir. Les institutions parlent de conséquences imprévisibles. Les éditorialistes, avec mon collègue de Gouin, les assistés tantôt, parlent d'effets néfastes. Mais le minimum, quand même, qu'on puisse dire, sans charrier, pour employer l'expression du député de Laurier, c'est que le monde qui vit et qui vivra avec cette loi-là n'en veut pas. C'est clair. C'est simple. C'est cela que tous les intervenants passent leur temps à vous dire. Oui, la loi consacre un état de fait en bonne partie. C'est sûr. Mais il ne faut pas oublier, cependant, que c'est une loi qui est du secteur linguistique. C'est cela que le député de Laurier et la ministre oublient. Ce n'est pas une loi où on est en train de parler de bricole. Ce n'est pas une loi où on est en train de structurer ou de refaire une partie des structures de l'intérieur d'un centre d'accueil.

C'est une loi à portée linguistique. Actuellement, au Québec - le gouvernement libéral l'aurait-il oublié? il existe, comme j'ai dit tantôt, un climat d'insécurité linguistique particulier. Uniquement à Radio-Québec, la semaine dernière, pas besoin de faire des gros sondages, à l'émission Droit de parole, 1300 sur 1600 intervenants grosso modo, 1300 ont dit que le français est actuellement menacé au Québec. II y en a 300 qui ont dit que le français ne l'était pas. Le visage français du Québec n'était pas en péril. Cela fait une proportion de 70 % ou 75 % quand même. D'où vient cette insécurité linguistique, M. le Président? Est-ce que le gouvernement du Parti québécois aurait adopté des lois qui ont créé des situations génératrices d'angoisse pour la

majorité francophone du Québec? Non.

L'insécurité linguistique vient des actes, des omissions, des ballons, des tergiversations, des valses hésitation, des sets carrés, comme disait le chef de l'Opposition, par l'ensemble du gouvernement libéral et il y en a des pages et des pages. Cela a commencé par la non-poursuite et cela a continué. Maintenant, le gouvernement libéral est surpris de déposer un projet de loi et de constater que tout le monde est contre. C'est que le Parti libéral a perdu depuis un an toute crédibilité en matière linguistique et qu'il n'est pas en état de déposer un projet de loi sur cette question-là, alors que la population est inquiète et angoissée. Et cette angoisse, cette insécurité est d'une ampleur telle que plusieurs autres intervenants en dehors du milieu de la santé ont dû se prononcer sur les projets de loi 140 et 142.

La Chambre de commerce de Montréal, je pense qu'on ne pourrait pas les taxer de quoi que ce soit à notre égard. Comme, dans certains cas, on dit: l'Opposition est partisane, je ne pense pas qu'on puisse dire que le député de Laurier et Mme la ministre puissent dire que la Chambre de commerce fait preuve de partisanerie quand elle demande au gouvernement Bourassa de retirer les deux projets de loi. Je ne crois pas, M. le Président, que tous les intervenants, que tous les éditorialistes, qui se sont prononcés à peu près unanimement contre les projets de loi 140 et 142, soient dans l'erreur. Cela ne se peut quand même pas que la ministre de la Santé et des Services sociaux soit la seule au Québec à avoir le bon pas. Cela ne se peut pas que tout le monde, à part elle, marche d'un mauvais pas. (23 h 30)

Je pense que six mois pourraient être très utiles pour la ministre, peut-être pour réaliser ce que je viens de dire, pour réaliser qu'actuellement le consensus au Québec non seulement ne va pas dans le sens du projet de loi 142, mais il va contre.

M. le Président, où est l'urgence d'agir pour le gouvernement libéral, pour la ministre? Pourquoi . ne pas accepter cette motion de report que nous avons déposée? Évidemment, ils ne nous ont donné aucune raison. Durant les deux interventions, rien ne pouvant nous laisser croire à l'existence d'une seule raison. Moi, je vais lui dire: II y en a des bonnes pour retarder. Six mois pourraient être fort utiles pour la ministre, pour réaliser qu'elle est en train d'agir sectoriellement sur les lois linguistiques au Québec. Or, c'est ce qu'on ne peut pas faire.

La langue, M. le Président, n'est pas un dossier à traîter à la pièce, par ballons d'essai, par petites tentatives, petites lois ici, petites lois là. La langue doit se traiter d'une façon cohérente, d'une façon globale.

La ministre devrait réaliser que son projet de loi est une action sectorielle, mais en l'absence de toute politique linguistique cohérente.

Même le ministre des Communications vient de se joindre à nous. Il a confié candidement et sincèrement à un journaliste: Je la cherche, la politique linguistique. Six mois pourraient être utiles, M. le Président, pour la ministre de la Santé et des Services sociaux pour réaliser que tous les intervenants qui sont contre son projet de loi, elle doit aller les écouter, elle doit aller travailler avec ses principaux collaborateurs que sont les directeurs des établissements, les directeurs des réseaux.

La ministre doit sortir de sa tour d'ivoire, s'asseoir, expliquer, si son projet de loi est bon, pourquoi elle ne fait pas une commission parlementaire, M. le Président. Pourquoi ne pas s'asseoir avec les gens et le leur expliquer? C'est ce qu'on a fait avec le projet de loi 27. D'ailleurs, à l'époque, on l'a expliqué, ce projet de loi et à la fin c'était l'unanimité pour. Pourquoi refuser de bâtir ce consensus? Six mois, M. le Président, ce n'est sûrement pas trop, comme l'a fort bien explicité le député de Gouin, pour que la ministre de la Santé et des Services sociaux constate que les services, actuellement, sont disponibles dans son réseau pour les communautés culturelles.

J'ai noté sans faire la liste: 31 centres hospitaliers qui sont reconnus et où la langue de communication est l'anglais, 31 hôpitaux et pas parmi les plus petits, Royal Victoria, etc., 3 centres locaux de services communautaires, 2 centres de services sociaux, 36 centres d'accueil d'hébergement, 13 centres d'accueil de réadaptation et cela continue. Et cela continue. En six mois, ce n'est pas trop pour la ministre pour se rendre compte qu'elle doit prendre connaissance de ce qui a été fait sur le terrain. J'ai l'impression qu'elle a été mal informée à ce sujet-là.

En terminant, M. le Président, six mois ce n'est pas trop pour la ministre pour se rendre compte que son projet de loi est mal ficelé et mal bâti. Déjà elle nous annonce des amendements à la pièce. On va arriver en commission parlementaire peut-être en pleine nuit, comme ce soir. On voudrait légiférer linguistiquement en pleine nuit, dans l'obscurité. C'est bien le genre du gouvernement libéral, d'ailleurs. Nous, on dit: Reportez donc votre projet de loi dans six mois. Rendez-vous donc compte que les Québécois et les Québécoises qui travaillent dans les hôpitaux et ailleurs ne sont pas des tartes et un individu, qu'il soit de langue espagnole, de langue chinoise ou peu importe, de langue anglophone, on essaie de le comprendre et d'échanger avec lui. Six mois ce n'est pas trop pour se rendre compte, M. le Président, qu'à l'hôpital

Pierre-Boucher dans mon comté, quand arrive un membre de la communauté hispanique, on s'organise pour trouver la personne qui parle espagnol et on n'a pas eu besoin de la ministre pour faire cela.

M. le Président, six mois ce n'est pas trop pour que la ministre se rende compte qu'il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Au Québec, on sait vivre. Merci.

Le Vice-Président: Je cède la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Après avoir passé huit ans dans l'Opposition, M. le Président, je pense être capable de reconnaître des motions de report farfelues, parce que très occasionnellement on en a fait nous-mêmes, mais ce soir j'ai vu quelque chose qui était une première: le député de Taillon, pour combler le vide de cette motion de report, a relu en grande partie le discours de son chef de l'Opposition que ce dernier a livré il y a une heure et demie. C'est une nouvelle idée qui n'est jamais venue à l'esprit de l'Opposition libérale, à l'époque. Je trouve que c'est très original, pour lui peut-être mais c'est exceptionnellement plate pour la population qui est obligée d'écouter et cela demeure légèrement paresseux, à part cela.

M. le Président, j'ai l'intention d'adresser brièvement la parole aux membres de la communauté anglophone qui sont très influencés, touchés et affectés par ce projet de loi. Il y a des choses qu'ils doivent comprendre. Par la suite, j'ai l'intention de parler de quelques-uns des arguments qui ont été avancés par des membres du groupe d'en face contre la loi et pour la motion de report. Mais laissez-moi d'abord adresser quelques mots aux anglophones du Québec sur ce projet de loi, pas seulement pour eux, mais, pour eux, c'est certainement très important.

Some laws are more important than others. Occasionally, there is one which adds a new element to the definition of our society, which helps us to see more clearly who we are and what we stand for. Bill 142, whose purpose is to provide the English-speaking population of Quebec with legislative guarantees to hospital, health and social services in their own language - and, to the extent possible, from their own institutions - is a law of this kind.

It is a bill which says a great deal about the English-speaking minority. But it speaks even more elequently about the nature and the generosity of the francophone majority of Quebec. In the final analysis, it is their law.

Let us remember that the right of any minority group to public services in their own language is not a fundamental right. No government anywhere can undertake to provide schooling, health care and the hundreds of other collective benefits it furnishes in all of the languages represented in their population. And let it be said too that while a number of Canadian provinces are making serious and laudable efforts to provide French-language health services, the need for these efforts is heartbreakingly evident and long overdue.

No, the elements to Bill 142 are not basic rights. They are recognition of a fact, the existence in Quebec of a very large minority, 800 000 in number, who speak English, who have been in Quebec for over 200 years, who have contributed enormously to the development of Quebec and continue to do so and who have, over the years, created their own network of health and social services which they use, and which in a very important way form part of the definition of their own community. Bill 142 confirms and assures the continued existence of something which is already here.

Bill 142 also ensures that all reasonable efforts will be made to provide health and social services to those English-speaking Quebecers living in regions of Quebec which are not within the reach of these English-language institutions.

There is a broad consensus in Quebec for such guarantees. A poll conducted by SORECOM in September 1984 indicated that 85 % of the francophone majority - and 94 % of anglophones - believes that the English-speaking community should be able to receive social services in its own language. The preambule to the Charter of the French language, Bill 101, speaks specifically of the intention to respect "the institutions of the English-speaking community of Quebec". The Parti québécois government, and its leader, Pierre Marc Johnson, in their constitutional proposals of June 1985, promised to secure the rights of the English-speaking minority to receive health care and social services in its own language.

One could ask - and it has been asked tonight on a number of occasions - why legislative guarantees are necessary, if the institutions and services are already in existence. (23 h 40)

The answer is that for a number of years there has been a slow but very noticeable decline in the availability of English language services. This has come about not by design but due to the inevitable process of "homogenization" of health and social services which has accompanied the gradual transfer of responsabilities, and funding, from private institutions to the public sector. The francization of these services over the past two decades has not been the result of language legislation. In

fact, the only reference to help and social services in the Charter of the French language is a clause which exempts them partially from its requirements. The deterioration which has taken place is not the product of a government decision to make Quebec French. It is only the byproduct of a decision to standardize the quality and the procedures of health care services. That is the reason why Bill 142 has received almost unanimous support, even from those who are most committed to the objectives of Bill 101.

What will the new law mean in practice? First of all, it affirms the right of every member of the English-speaking community to receive hospital care, health care and social services in his own language, within reason and within the limits imposed by financial resources that are available. To ensure that this right becomes a reality, each regional health council is required to evaluate the present availability of services in its area, to propose an action plan to the Minister for approval and then to see that the plans are carried out. As a result, we hope we will soon see the day when nurses who speak only French will be no longer sent to English language elementary schools and when elderly anglophones will not be sent to nursing home where only French is spoken.

This is Bill 142. In a way, it does not seem to be all that important. It does not create a parallel system of health care. That system already exists. It does not commit the government to additional funding. It does not imply a reduction in the services available to the francophone majority.

But it is an important bill just the same, and it will be an important law. Because it says that despite all of the legitimate concerns and fears that the French-speaking people of Quebec about the future of their own language, the same people are quite capable of making a gesture of generosity and fraternity to their English-speaking neighbours, on a matter in which they have every right to say no. In doing so, they are confirming their acceptance of the presence of the English language community here in Quebec by guaranteeing those services and institutions which are absolutely fundamental to the existence of any language group. They are making a concrete statement about the kind of society we want to have here. I do not think is it at all out of place at this point for the English-speaking minority in Quebec to say that we understand and we appreciate this gesture very much.

M. le Président, ce que je viens de dire, c'était dans le sens d'une note de remerciement aux membres de la communauté francophone du Québec pour le geste qui est explicité dans le projet de loi 142. Je dois vous dire que j'ai été excessive- ment déçu par l'attitude du chef de l'Opposition, ce soir, qui a renié complètement les engagements qu'il avait pris avant l'élection de décembre 1985. Je pense que le temps est arrivé de le rappeler à l'ordre.

M. le Président, au mois de mai 1985, le gouvernement du Québec, de M. René Lévesque, a sorti un document qui était les propositions de réforme constitutionnelle. Dans ce document, ils se sont engagés formellement à reconnaître le droit des anglophones et leurs services par voie législative, advenant une refonte de la constitution canadienne.

Lors de l'élection, le nouveau premier ministre, M. Pierre Marc Johnson, a enlevé cet engagement de son encadrement constitutionnel et il s'est engagé, formellement, devant la population anglophone du Québec, à donner ces garanties législatives s'il était élu, même si la constitution du Canada n'était pas approuvée. Je pense que c'est important de citer exactement ce qu'il a dit. Il a parlé en anglais. Il a été cité en anglais mais je vais le traduire en français pour que ce soit très clair.

M. Johnson a dit: "Je crois que nous devrons garantir par voie législative le droit pour les anglophones d'obtenir les services sociaux et de santé dans leur langue." Il a ajouté: "Ce n'est pas nécessaire que ce soit lié au dossier constitutionnel." Quand on lui a demandé pourquoi il avait pris cet engagement en pleine campagne électorale, il a dit, et je le cite encore: "J'ai pris la décision moi-même. J'ai réfléchi là-dessus pendant deux ans, surtout depuis que je suis devenu ministre des Affaires sociales."

M. le Président, c'est la même personne qui est venue devant nous ce soir, au moment où elle avait une occasion incroyable d'essayer de rapprocher son parti des anglophones et des autres groupes minoritaires du Québec, il a perdu cette occasion, ce soir, par un discours d'hypocrite, comme je n'en ai jamais entendu de ma vie. Il a dit, premièrement, qu'il n'avait pas promis de donner les garanties linguistiques avant que la constitution canadienne n'ait été approuvée par le gouvernement québécois. C'est faux. Je viens de le citer textuellement dans ce sens. Il s'est dégagé de cet engagement en plein milieu de la campagne électorale.

Il a donné un autre argument pour renier ses engagements. Il a dit que c'était supposé être inscrit dans le cadre d'une constitution québécoise. À ma connaissance, M. le Président, il n'existe pas, dans le programme du Parti québécois, l'engagement de faire une constitution québécoise parce que vous n'avez pas de programme. La seule personne qui ait parlé de la question de la constitution québécoise, c'est le député péquiste de Vachon avant la dernière élection qui avait fait de cela son cheval de bataille.

Mais l'engagement de faire une constitution québécoise ne fait pas partie du programme du Parti québécois. Donc, c'est de l'hypocrisie totale de prétendre qu'on ne doit pas garantir les droits en question aux anglophones avant l'adoption de cette constitution québécoise qui ne fait même pas partie du programme du Parti québécois.

Le troisième argument qu'il a avancé a été la nécessité de faire une commission parlementaire non partisane. M. le Président, le chef de l'Opposition n'a jamais de sa vie participé à une commission parlementaire non partisane. Il n'y participera jamais parce qu'une telle chose n'existe pas.

Effectivement, M. le Président, une occasion historique que vous allez regretter d'avoir manquée a été perdue ce soir parce que la communauté anglophone et les autres communautés du Québec, qui vont peut-être un jour vous demander la même chose, et avec raison, parce qu'elles vont avoir une raison suffisante pour le justifier, vont se souvenir que vous êtes, ce soir, revenu sur des promesses que vous aviez faites pendant la campagne électorale et qu'une fois de plus vous avez trahi les minorités du Québec pour des raisons strictement partisanes et temporaires, surtout en raison du fait que vous n'avez aucun programme vous-même.

Je suis persuadé que le chef de l'Opposition est très mal à l'aise après ce qu'il a dit ce soir. J'ai l'impression que c'est quelque chose qui lui a été imposé par son caucus qui le rend très mal à l'aise parce qu'il avait déjà pris cet engagement. Il donnait l'impression d'être très mal à l'aise, du moins pendant son discours. Je le comprends parfaitement, entouré comme il l'est par les personnes en question.

M. le Président, laissez-moi vous expliquer très rapidement pourquoi cette loi est nécessaire. Il n'est pas question de créer un réseau parallèle parce que le réseau existe déjà. Comme vous avez pu le constater ce soir, les membres de l'Opposition ont soulevé à maintes reprises l'existence des institutions québécoises. Ce qui est arrivé au plan linguistique, et ce n'est la faute de personne, c'est qu'au fil des années on a assisté à un affaiblissement de ce réseau tout simplement parce qu'il y a eu une concentration, une homogénéisation de ce réseau à cause du fait que c'est devenu de plus en plus public, de plus en plus dirigé de Québec. En conséquence, les institutions formées à l'origine, par exemple, le Centre de services sociaux Ville-Marie, se voyaient dans une situation où elles étaient obligées de desservir une population territoriale, l'ouest de la ville de Montréal, dans toutes les langues tandis que les anglophones à l'est de la ville de Montréal n'avaient pas de services en anglais. C'était un peu la même chose, dans le sens contraire, pour les francophones de l'ouest de la ville.

(23 h 50)

Ce problème a été accentué par l'arrivée des CLSC qui avaient une tendance à être presque uniquement francophones. Je cite celui de Pierrefonds. Quand le CLSC a été établi dans ce coin, il y avait une population qui était à 60 % anglophone, mais le CLSC était administré par des francophones, par un conseil d'administration francophone, par un directeur général francophone et par du personnel francophone qui ne pouvaient aucunement s'identifier avec la population en place. Ces choses étaient ressenties par la population anglophone de la même façon qu'elles auraient été ressenties par vous-mêmes si la situation avait été l'inverse.

C'est ce genre de situation en ville et même de situations plus pénibles dans les régions où les institutions anglophones sont beaucoup plus rares et beaucoup plus limitées dans leurs services, c'est ce genre de problème, qui est devenu de plus en plus aigu avec l'affaiblissement du réseau, que nous voulons arrêter par l'adoption de ce projet de loi. Il n'est pas question de créer un réseau parallèle. Le réseau existe déjà. Il n'est pas question de leur donner plus d'argent. Nous voulons simplement nous assurer que les sommes qui y sont maintenant consacrées seront garanties. Il n'est pas question de prendre les emplois d'un groupe et de les donner à un autre.

M. le Président, en terminant, je veux répondre à la question qui touche la définition des personnes d'expression anglaise. Cela a déjà été dit par mes collègues, la ministre et le député de Laurier, mais je pense que c'est essentiel de le répéter. Le projet de loi a certainement des aspects linguistiques - on parle de la langue anglaise, donc, on ne peut pas dire qu'il n'y a rien de linguistique dans le projet de loi - mais ce n'est pas essentiellement un projet relié à la politique linguistique du Québec. Dès le départ, cela a été bien accepté par tout le monde que l'intégration des anglophones et des allophones doit se faire par la voie des institutions scolaires et par les institutions du travail, par le milieu de travail. Je pense qu'on peut dire que, si une personne a passé 12 ans de sa vie dans le réseau scolaire et 25 ou 30 ans de sa vie dans le réseau francophone du travail et qu'elle arrive à l'âge de 65 ans et qu'elle n'est toujours pas intégrée dans la langue française, on serait très mal avisé d'essayer de faire un dernier effort d'intégration quand elle est malade ou âgée et qu'elle a besoin des services sociaux et de santé. Je suis retourné en arrière jusqu'à la commission Gendron, et cela n'a jamais été prévu par personne que le réseau des affaires sociales doive être un outil de transfert linguistique.

C'est pourquoi le Parti libéral, le gouvernement en place et la ministre de la

Santé et des Services sociaux ont parfaitement raison de vous dire que ce de loi n'est pas un projet de loi à portée linguistique. C'est un projet de loi avec des objectifs humanitaires pour confirmer quelque chose qui existe déjà et pour s'assurer qu'il n'y aura pas une détérioration causée, comme je l'ai dit, par l'existence d'une centralisation de plus en plus accrue du système des affaires sociales et de la santé. J'espère que, dans les prochaines heures et surtout dans les prochaines semaines, les membres de l'Opposition vont tenir compte du fait qu'il y a beaucoup de monde et non seulement les anglophones qui ont vu l'attitude d'amertume qu'ils ont manifestée ce soir envers une vaste majorité de la population. Il faut se rappeler que 85 % des francophones se sont exprimés dans un sondage SORECOM il y a deux ans en faveur des services sociaux et de santé pour les anglophones dans leur propre langue. C'est une méfiance non seulement envers le gouvernement, mais c'est une méfiance envers une bonne partie de la population du Québec. Vous allez le payer cher à moins que vous ne changiez votre attitude et ce, rapidement. Merci.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard; Merci, M. le Président. La motion de report du député de Verchères est on ne peut plus pertinente dans les circonstances pour deux grandes raisons. D'abord, parce qu'il n'y a pas d'urgence à adopter le projet de loi 142 et, en second lieu, parce que, au sujet de ce projet de loi, le gouvernement est tout seul à avoir le pas.

D'abord, il n'y a pas d'urgence, M. le Président. Si on examine la réalité, si on examine les faits, on se rend compte qu'il n'y a aucune urgence à adopter en vitesse, rapidement, le projet de loi 142. Doit-on adopter rapidement ce projet de loi parce que, disent certains, il y a là un motif humanitaire? Doit-on se dépêcher d'adopter ce projet de loi parce que des citoyens et des citoyennes de langue anglaise au Québec sont privés de services sociaux et de services de santé dans leur langue? Doit-on adopter rapidement ce projet de loi parce que des anglophones au Québec se trouvent lésés dans leurs droits? Pas du tout, M. le Président! Pas du tout! Il n'y a pas de droits lésés. Il n'y a pas de citoyens anglophones qui sont privés de services de santé et de services sociaux. II n'y a donc aucun motif soi-disant humanitaire pour adopter en vitesse le projet de loi 142.

Il n'y a pas actuellement au Québec de communauté anglophone victime de persécution en matière de services de santé et de services sociaux. Bien au contraire, on a démontré longuement, entre autres le député de Gouin, qu'il y a au Québec de nombreux hôpitaux, de nombreux établissements hospitaliers, plusieurs centres locaux de services communautaires (CLSC), plusieurs centres de services sociaux (CSS), des centres d'accueil, qui dispensent des services en anglais. Comme le député de Notre-Dame-de-Grâce vient, d'ailleurs, de le confirmer tous ces établissements, actuellement et depuis fort longtemps d'ailleurs, dispensent des services sociaux et des services de santé en langue anglaise. Il n'y a donc pas de situation à redresser. Le gouvernement n'est pas obligé, dans les circonstances, de se faire redresseur de torts. Il n'y a pas de situation à redresser en matière de santé et de services sociaux dispensés en langue anglaise.

La communauté de langue anglaise au Québec a accès à toute la gamme des services de santé et des services sociaux; à Montréal, c'est bien évident, c'est bien sûr, là où elle est concentrée, mais il faut aussi signaler que, ailleurs au Québec, la communauté anglophone a également accès à des services de santé et à des services sociaux dans sa langue. Je pense, entre autres, à la Gaspésie, je pense également à la basse et à la moyenne Côte-Nord. Le député de Duplessis pourrait nous en parler longuement. Les petites communautés anglophones qui vivent sur la basse et la moyenne Côte-Nord ont accès à des services de santé et à des services sociaux dans leur langue. Il n'y a aucune plainte, d'ailleurs, émanant de ces nombreuses communautés qui sont disséminées sur la basse et la moyenne Côte-Nord. Au Québec, même ailleurs qu'à Montréal, la communauté anglaise a accès à des services de santé et à des services sociaux dans sa langue.

Donc, il n'y a pas urgence. Pourquoi le gouvernement et pourquoi la ministre sont-ils donc si pressés de faire adopter ce projet de loi? Où est l'urgence? Pourquoi cet empressement inexplicable à procéder en catastrophe? Pourquoi cet empressement à sortir le bulldozer, le rouleau compresseur, pour faire adopter ce projet de loi 142 sur les services de santé et les services sociaux? Il n'y a aucune raison, M. le Président, qui justifie le rouleau compresseur, qui justifie l'adoption en catastrophe de ce projet de loi. Il n'y a pas d'urgence! La réalité étant ce qu'elle est, les faits étant ce qu'ils sont, les citoyens et les citoyennes de langue anglaise au Québec ont actuellement accès à des services de santé et à des services sociaux dans leur langue. Il n'y a donc pas de situation à redresser d'urgence. (minuit)

Une deuxième raison, M. le Président, pour adopter cette motion de report présentée par le député de Verchères, c'est qu'il n'y a pas de consensus sur ce projet de

loi linguistique. Je vous signale que, sur un projet de loi linguistique, il est absolument essentiel, fondamental qu'on puisse faire largement consensus. C'est trop important, c'est trop capital, un projet de loi linguistique, c'est trop fondamental - cela touche à l'âme même du peuple - pour adopter des projets de loi de cette nature sans consensus, sans que ce soit basé, fondé sur un très large consensus.

Or, il nous faut reconnaître - c'est aussi une réalité - qu'il n'y a pas de consensus sur le projet de loi 142. Par conséquent, il est sage d'attendre, de prendre le temps qu'il faut pour examiner un problème de cette nature. Aucun intervenant intéressé à cette question n'est d'accord, n'a manifesté son accord à ce projet de loi.

La ministre est toute seule. Le gouvernement est tout seul à être d'accord pour faire adopter ce projet de loi. Tous les intervenants qui sont intéressés par le contenu de ce projet de loi ont manifesté leur désaccord et ont demandé qu'il soit retiré. Il y a d'abord l'Association des hôpitaux du Québec. Là-dessus, M. le Président, il est bon de signaler que la ministre a lu avec beaucoup de satisfaction une lettre du président de l'Association des hôpitaux du Québec, voulant sans doute insinuer qu'il y avait eu un changement d'opinion de la part de l'Association des hôpitaux du Québec. Pas du tout.

Dans sa lettre, il est vrai que le président indique qu'il est en accord avec l'objectif poursuivi par le gouvernement, c'est sûr. Mais, dans le mémoire aussi, il exprimait le même accord. Je vous cite le mémoire: "Pour toutes ces considérations, l'Association des hôpitaux du Québec se considère justifiée de demander le retrait des articles 2, 3 et 9 du projet de loi 142." C'est la dimension linguistique du projet de loi. Néanmoins, elle réitère qu'elle est d'accord avec l'objectif d'assurer l'accessibilité des services de santé aux personnes d'expression anglaise.

C'est ce qu'on retrouve dans la lettre. Il n'y a aucune différence entre la lettre déposée par la ministre tout à l'heure et le mémoire de l'Association des hôpitaux du Québec, aucune différence. Même contenu. L'Association des centres d'accueil, en désaccord également, demande le retrait. L'Association des centres de services sociaux du Québec, en désaccord, demande le retrait. La Fédération des CLSC du Québec, en désaccord, demande le retrait. Tous les intervenants intéressés par le contenu du projet de loi qui seraient impliqués, concernés par son application s'il était adopté, ont manifesté, ont exprimé leur désaccord et ont demandé que ce projet de loi soit retiré.

On pourrait citer les éditorialistes qui sont également en désaccord avec ce projet de loi. Les centrales syndicales et beaucoup d'organismes qui ne sont pas directement intéressés, concernés par l'application du projet de loi ont manifesté également leur désaccord. La ministre est toute seule à avoir le pas; le gouvernement est tout seul à avoir le pas, seul à vouloir faire adopter ce projet de loi.

Devant une telle levée de boucliers, devant une résistance aussi générale, devant une absence totale de consensus, ne convient-il pas, à tout le moins, de retarder le projet de loi? L'idéal serait de le retirer purement et simplement. Ce serait cela, la meilleure solution. Mais ne convient-il pas, à tout le moins, de le retarder de six mois? C'est l'objet de la motion de report du député de Verchères et elle est tout à fait pertinente dans les circonstances.

Si le gouvernement refuse de retirer son projet de loi, à tout le moins, il devrait accepter, devant l'absence d'urgence, d'une part et, deuxièmement, devant l'absence de consensus, la motion du député de Verchères, qui consiste à reporter l'étude de ce projet de loi de six mois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au député de Fabre.

M. Jean A. Joly

M. Joly: Merci, M. le Président. Tour à tour, on a entendu le député d'Anjou, qu'on appelle communément le chef de l'Opposition - c'est peut-être temporaire - on a entendu aussi le député de Verchères; on a entendu le député de Gouin. Â écouter tout ce beau et bon monde, dont le chef de l'Opposition qui nous a fait voyager des plaines d'Abraham au Manitoba, on se serait plutôt cru avec un guide touristique. Quant au député de Gouin, je n'ai jamais vu un si petit homme faire tant de dommages par la parole.

Lorsqu'on nous accuse de tenir un double langage, M. le Président, je pense que quand on crache en l'air, nécessairement cela nous retombe sur le nez. C'est le cas, ce soir, des gens de l'Opposition de cracher en l'air. On voudrait nous demander de prouver l'urgence du projet de loi 142, comme s'il était obligatoire de toujours faire adopter des projets de loi d'urgence. C'est l'Opposition. Si on écoutait ces gens, on reporterait le projet de loi 142 à six mois. Encore là, ce ne serait pas encore assez loin. D'après eux, ils ont tout fait au chapitre du service aux minorités, comme on les appelle.

Quand je parle du double langage, j'aimerais quand même que l'on revienne a ce qui a été dit dans le passé par ces illustres membres de l'Opposition qui, dans le temps, étaient au pouvoir. Pour n'en citer qu'un mais revenir peut-être à d'autres par après, j'ai ici une délaration dans Le Devoir,

du 12 juin 1985, où le ministre de la Santé et des Services sociaux du temps, qui est aujourd'hui le député de Joliette, qui l'est encore - je ne sais pas ce qui s'est passé mais il y a peut-être des gens qui ont manqué d'information dans le comté là-bas...

Des voix: Ha! Ha!

M. Joly: ...dit: "Le ministère des Affaires sociales parviendra à s'entendre avec les représentants anglophones sur les services à fournir en anglais dans les établissements de santé, à condition qu'aucun ne cherche à faire une bataille politique avec ce dossier. C'est ce qu'a déclaré, hier, le ministre des Affaires sociales. Et je cite, M. Guy Chevrette, en réponse aux questions du député libéral de Brome-Missisquoi, porte-parole du parti en matière d'affaires sociales."

Plus loin, on dit: "Chaque bénéficiaire aura la possibilité de recevoir les services dans sa langue."

Des voix: Ah! Ah!

M. Joly: "C'est acquis au niveau du gouvernement. Les ententes de services sont possibles pour autant que tous les groupes évitent de faire des guerres de clocher et des guerres de religion, a lancé le ministre Chevrette."

Des voix: Ah!

M. Joly: II revenait un peu plus fort en disant: "II faut, dit-il, se mettre à table pour trouver des solutions concrètes pour assurer aux bénéficiaires des services dans leur langue sans pour autant faire des batailles politiques, avec des petits "p"."

Des voix: Oh! Oh!

M. Joly: Double langage, M. le Président. C'est le gouvernement des petits "p": parler pour parler, payer pour payer. C'est ce qu'était le gouvernement du temps.

Juste une semaine avant la déclaration du député de Joliette, on dit: "Services sociaux en anglais", encore titré dans Le Devoir du 6 juin: "Le gouvernement entend bien s'assurer que les anglophones du Québec reçoivent des services sociaux et des soins de santé dans leur langue. C'est ce qu'a déclaré le ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Pierre Marc Johnson, en réponse aux questions de quelques journalistes."

Des voix: Ah!

(0 h 10)

Une voix: Double langage...

M. Joly: M. le Président, je suis un peu confus. Étant un jeune parlementaire...

Une voix: C'est vrai que cela ne t'en prend pas gros.

M. Joly: Cela n'en prend pas gros, mais quand c'est constant, je peux vous avouer que c'est bien dur sur le moral. Hier, je mentionnais que j'ai subi des châtiments dont celui d'écouter le député de Gouin, qui, de par sa démagogie, me force à prendre du recul et à essayer de trouver la vérité. Mais, encore là, la vérité, vous sembliez l'avoir avant les élections. Encore là, vous posiez à votre façon des genres d'approches vers une clientèle pas mal spéciale qui est celle que nous voulons continuer de respecter. Mais, encore là, de façon à les amadouer, vous teniez un double langage. "Prime minister Pierre Marc Johnson said last night that if the Parti Québécois is reelected December 2nd, it will pass a law guaranteeing English-speaking the right to health and social services in their own language."

Des voix: Bravo!

M. Joly: II l'a dit en français, il l'a répété en anglais, puis aujourd'hui il veut prendre du recul. Qu'il fasse attention avec les reculs, parce qu'il va se retrouver guide touristique, il ne sera pas chef longtemps.

Tout ceci pour vous dire, M. le Président, que lorsqu'on cherche à insinuer que le projet de loi 142 peut être une "passoire" linguistique, je vous dis, membres de l'Opposition: ce n'est "pas à soir", ce n'est "pas à soir" du tout.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Joly: M. le Président, quand on nous dit, actuellement, qu'en tant que gouvernement, on semble faire cavalier seul dans la présentation du projet de loi 142, j'aimerais que l'on reprenne ici ce qui se dit dans les sondages: 90 % des répondants croient que les Québécois d'expression anglaise devraient avoir le droit de recevoir des services dans leur langue. C'est 90 % et 72 % des répondants croient que la communauté d'expression anglaise a le droit de contrôler ses institutions tandis que 80 % des répondants croient que le gouvernement devrait faciliter la dispensation de services en anglais aux Québécois d'expression anglaise dans les établissements de langue anglaise.

Alors, quand on nous dit que l'on fait cavalier seul, je me demande ce que cela peut représenter tout ce beau monde, surtout quand en plus on nous dit que plus de 350 groupes communautaires, municipalités, associations, professionnels, églises, écoles et institutions appuient le besoin de garanties législatives pour protéger le service des

établissements sociaux et de santé en anglais et ont adopté des résolutions à cet effet. Alors, quand on me dit cela, je me sens pas mal moins seul. S'il y en a qui se sentent seuls ce soir, c'est peut-être l'Opposition. Il y en a un qui me mentionnait qu'il était prêt à passer pas mal de temps sur le projet. Il dit: Je suis bon pour la nuit. Je suis content mais nous on est bons pour la vie. Alors, vous ne serez pas là longtemps si on regarde la politique des deux partis avant les élections. Mais je suis content de dire que ce que l'on avait comme politique avant les élections, c'est exactement ce que l'on est en train de livrer aujourd'hui. C'est exactement ce que l'on est en train...

Une voix: C'est nouveau, cela?

M. Joly: Non, ce n'est rien de nouveau. C'est exactement ce que l'on est en train de garantir à la population. Si on disait que le gouvernement du Québec allait garantir des moyens et des mesures législatives, c'est ce' que l'on fait. Dans votre cas, c'était exactement ou à peu près la même chose, sauf qu'aujourd'hui, vous prenez du recul parce que vous vous sentez peut-être menacés. Mais on vous a prouvé hors de tout doute que cela ne vous coûtait rien de plus dans le fond. Tout ce que l'on fait, c'est de redistribuer des services. On est en train de les reconnaître, mais on est en train de les officialiser. C'est ce qu'on est en train de faire. On est en train de traiter, si vous voulez, nos minorités non pas comme des gens de deuxième classe, mais comme des gens qui font partie intégrante de cette grande communauté qu'est le Québec. C'est ce que nous sommes en train de faire, M. le Président.

En conclusion, je pense que, si on nous qualifie de faire ce qu'on appelle des promesses rouges, alors qu'ils nous en ont fait voir de toutes les couleurs durant neuf ans, je suis content d'être associé à ces promesses rouges. Je vais sûrement m'associer avec le gouvernement pour voter pour le projet de loi 142. Je félicite Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux pour le courage qu'elle a d'aller de l'avant et de faire en sorte qu'au lieu d'avoir un privilège ou une possibilité de privilège, cela devienne un droit. C'est là qu'on reconnaît toute cette dimension des gens du Parti libéral. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: M. le Président, avec le temps qui m'est imparti, je n'aurai pas le temps de faire une très longue plaidoirie pour convaincre les membres ministériels d'adopter la motion de report. Je veux simplement vous signaler qu'une multitude de raisons justifient l'Opposition de présenter cette motion de report. Je voudrais reprendre ce qui a déjà été dit, mais, en insistant sur deux aspects particuliers.

Règle générale, lorsque les parlementaires présentent une motion de report, c'est qu'il n'y a pas d'urgence à débattre de ce que nous débattons, ce qui est amené par le leader du gouvernement. Dans le présent cas, nous avons une loi où, manifestement, le gouvernement est complètement seul. C'est tellement exact que, même les intervenants qui se sont exprimés contre la motion, dans leurs points de vue, ont convenu que, de toute façon, dans les faits, les éléments prévus à la loi 142 pour offrir à la communauté anglophone des services dans leur langue, c'est exactement ce qui se passe au Québec depuis de nombreuses années. Quand on fait siéger la Chambre jusqu'à de telles heures, c'est généralement qu'on est convaincu de la nécessité de faire adopter rapidement le principe d'un projet de loi pour corriger des lacunes et des choses qui, dans une société ouverte comme la nôtre, devraient être corrigées.

Dans le présent cas, on n'a pas de lacunes à corriger. Le député de Fabre, au lieu de faire rigoler ses collègues ou d'essayer de les faire rigoler, à retardement en certaines occasions, aurait dû nous dire: Quant au projet de loi 142, regardez tous les appuis dont nous bénéficions. Regardez tout le monde qui réclame la nécessité et l'urgence d'avoir une loi qui conférerait par législation des choses qui, dans les faits, se font très bien administrativement, mais qui pourraient être bonifiées par toutes sortes de mesures administratives. D'ailleurs, cela a été indiqué par des gens, comme mon collègue du Saguenay—Lac-Saint-Jean l'expliquait si bien, qui ont à vivre ce que j'appellerais la dispensation des services. Ces gens ont dit très clairement: On est d'accord à 100 % avec l'objectif véhiculé, car, d'une part, c'est ce qui se fait dans la réalité, c'est ce qui se passe d'offrir aux anglophones... Contrairement aux chiffres que le député de Fabre citait, de notre côté, 100 % sont d'accord, pas 70 % ou 90 %, 100 % des membres de l'Opposition sont pleinement d'accord pour offrir des services à la communauté anglophone, comme cela se fait au Québec depuis toujours, dans le domaine des services de santé et des services socio-sanitaires. C'est à 100 % de ce côté-ci.

Ce n'est pas cela, le projet de loi. Dans ce projet de loi, comment se fait-il qu'ils seraient les seuls à se donner raison? Tous ceux qui ont regardé cela, les éditorialistes, ainsi que ceux qui vivent dans ce domaine, ont dit: II y a des dangers. Il ne

faut pas trop faire confiance à ces gens, car, dans votre bilan linguistique, c'est drôlement inquiétant. Un membre dit qu'il n'y a pas de problème, l'autre en voit, l'autre dit qu'il n'y a pas de politique linguistique, une autre voudrait parler seulement en anglais tout le temps, car, pour elle, c'est ce qui est important au Québec, même si l'on fait croire qu'ils ont beaucoup fait pour la francisation. (0 h 20)

C'est ce qu'on entend. On pourrait les citer. C'est ce qu'on entend qui est écoeurant. Je suis d'accord. On fait confiance à ces gens concernant une loi, alors que, dans les faits, cette offre de services a toujours été faite à la communauté anglophone. Je pense, M. le Président, qu'il y a une multitude de motifs pour adopter la motion de report. Il est clair qu'en ce qui concerne l'Opposition, on va voter pour la motion de report.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le leader du gouvernement.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Encore une fois, M. le Président, je suis appelé à clore un débat en quelque quatre minutes et je suis convaincu que je parviendrai, avec le concours de ceux qui m'ont précédé, à convaincre, sinon l'ensemble, tout au moins, une vaste majorité des membres de l'Assemblée de défaire cette motion de report.

Je vous dirai, M. le Président, que je serais tenté de l'appuyer, si j'étais convaincu que de reporter à six mois l'étude du projet de loi 142 pouvait apporter le même résultat, le même virage à 90 degrés ou à 180 degrés que celui qu'on a constaté entre le discours du chef de l'Opposition au cours de la campagne électorale et plus précisément devant Alliance Québec en juin 1985 et sa position qu'il nous a expliquée ce soir.

Une voix: Exactement cela!

M. Gratton: En juin 1985, durant la campagne électorale, le chef de l'Opposition disait clairement: "Nous, du Parti québécois, si nous sommes réélus, garantirons, dans une loi, le droit de la communauté anglophone à des services de santé, des services sociaux dans leur langue." C'est exactement ce qu'il promettait, ce qu'il s'engageait à faire. Ce soir, j'ai compris pourquoi le discours avait changé à 180 degrés. Il nous a expliqué que, quand il avait pris cet engagement devant Alliance Québec.

Une voix: En anglais.

M. Gratton: À ce moment le français était en progression partout au Québec. Le contexte était à ce point francisant et francisé qu'il pouvait se permettre un tel engagement.

Un an plus tard, tout cela a changé. Le visage du Québec a changé.

Une voix: C'est ton visage qui a changé.

M. Gratton: Pourquoi? Parce que le gouvernement a changé. Il nous dit, aujourd'hui, que, de toute façon, son engagement portait à inscrire ses droits de la communauté anglophone dans une loi fondamentale, dans une loi plus importante qu'une simple loi, comme le projet de loi 142, qui, lui, peut être modifié par n'importe quel Parlement. Son engagement portait sur l'inscription dans la constitution interne du Québec et par extension, évidemment, dans la constitution du Québec souverain qu'il souhaite toujours, dit-il à son collègue de Lévis de temps en temps.

M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que s'il fallait attendre que le chef de l'Opposition réalise ses engagements à l'égard de la communauté anglophone, il risquerait d'attendre pas mal longtemps. C'est pour cela qu'on ne fait pas confiance au Parti québécois, à l'Opposition. À moins qu'elle soit prête à nous dire que les volte-face de leur côté peuvent se faire aussi rapidement ou aussi fondamentalement en six mois que celles dont on a été témoin depuis juin 1985. C'est cousu de fil blanc, M. le Président.

Ce que vise à faire le projet de loi 142, ce n'est pas d'intégrer les communautés culturelles à la communauté anglophone. C'est faux, c'est archifaux. De le prétendre relève, soit de la malhonnêteté, soit de l'intérêt strictement partisan de politiciens qui ne méritent pas, selon moi, ce qualificatif. C'est petit. C'est tellement petit qu'on n'a pas besoin de se faire soutenir de façon artificielle par des associations. Nous sommes conscients et confiants que le projet de loi 142 traduit exactement l'engagement électoral que nous, en tant que parti, avons pris et que le chef de l'Opposition aussi avait pris, la différence fondamentale étant que nous, avant ou après les élections, nous avons le même discours, ce dont on ne peut accuser l'Opposition.

Le Vice-Président: Le débat restreint sur cette motion de report étant terminé, nous allons procéder à sa mise aux voix. Vote enregistré. Qu'on appelle les députés. (0 h 25 - 0 h 30)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir s'il vous plaît! Nous procédons maintenant à la mise aux voix de la motion de M. le député de Verchères visant à reporter de six mois l'étude de l'adoption du principe du projet de

loi 142, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Je vous demanderais votre collaboration, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais la collaboration de l'ensemble des députés.

Que les députés qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Chevrette (Joliette), Garon (Lévis), Rochefort (Gouin), Mme Juneau (Johnson), MM. Gendron (Abitibi-Ouest), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Paré (Shefford), Dufour (Jonquière), Parent (Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve).

Le Vice-Président: Que les députés qui s'opposent à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau (Laporte), Paradis (Brome-Missisquoi), Côté (Rivière-du-Loup), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), MM. Lincoln (Nelligan), French (Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Vallières (Richmond), Fortier (Outremont), Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Philibert (Trois-Rivières), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Lefebvre (Frontenac), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier), Doyon (Louis-Hébert), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Rivard (Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bélisle (Mille-Îles), Séguin (Montmorency), Mmes Trépanier (Dorion), Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption), Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière), Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Hamel (Sherbrooke), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Houde (Berthier), Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Marcil (Beauharnois), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Thérien (Rousseau), Théorêt (Vimont), Saint-Roch (Drummond).

Le Vice-Président: II n'y a aucune abstention.

Le Secrétaire: Pour: 12

Contre: 68

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président: La motion est donc rejetée. Nous allons maintenant poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 142. Est-ce qu'il y a un député qui veut intervenir dans le débat pour l'adoption du principe? Oui. Je reconnais maintenant M. le député de Nelligan et ministre de l'Environnement. Un instant, M. le ministre. Alors, MM. les députés ou Mmes les députées qui doivent quitter, veuillez le faire le plus rapidement possible s'il vous plaît! Très bien. M. le ministre de l'Environnement.

Reprise du débat sur l'adoption du principe

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, j'ai écouté jusqu'à présent les débats qui ont eu lieu sur le projet de loi 142 et je dois vous dire que j'ai été peiné de penser que nous revenons faire une bataille linguistique entre nous et de parler d'anglophones, de francophones et d'allophones. Nous de ce côté de la Chambre, nous avons toujours voulu, au sein du Parti libéral, que les gens essaient de se rejoindre comme personnes humaines avant tout, en cherchant à trouver des moyens de se rencontrer et en cherchant à dissiper tout ce qu'il y a de malentendus linguistiques possibles. Je dois vous dire que j'ai trouvé cela très peinant de penser qu'une loi qui a trait aux gens qui ont besoin de soins dans la société et qui sont des gens en demande de compassion et de soins de santé et de services sociaux soient en un certain sens les otages d'une querelle qui n'a rien à voir avec ce projet de loi.

Je suis le député qui a présenté la résolution sur les services sociaux et de santé pour la communauté d'expression anglaise au sein du Parti libéral et qui l'a acheminée au sein de nos divers congrès. Cette résolution est passée par la commission des services sociaux et de santé du Parti libéral. Cela n'a jamais été pour nous une question linguistique. C'est peut-être la plus grande fierté que nous ayons comme parti que, lorsque cette résolution a été débattue, tout le parti unanimement, toutes les régions et tous les comtés qui étaient majoritairement francophones comme ils le sont naturellement dans notre parti et aussi les comtés qui représentaient les minorités se sont tous rejoints sur cette résolution, parce que cela représentait bien plus et beaucoup plus qu'une affaire de langue et de problème linguistique; cela représentait fondamentalement la consécration d'un droit que nous pensions

tout à fait réaliste. C'est dans les circonstances où il y a des institutions d'expression anglaise que nous avions accepté de garantir cela dans leur expression, non pas pour la question linguistique elle-même mais pour les soins de santé spécialisés qu'on donne à une certaine communauté.

Je pense surtout aux grands malades, aux vielles personnes ou aux personnes âgées, aux handicapés intellectuels et physiques, aux malades psychiatriques qui cherchent tous les jours les services spécialisés dans leur langue parce que dans ce secteur des grands malades la langue de communication est la chose la plus importante. Combien de cas je pourrais vous citer de handicapés intellectuels qui ne peuvent pas dire quelques mots seulement dans une langue ou une autre parce qu'ils n'en ont pas les moyens intellectuels. Eux, ils cherchent à communiquer avec des gens spécialisés pour les comprendre et pour les aider à se valoriser. Je vous vois, Mme la députée, qui secouez la tête. Je sais de quoi je parle. J'ai un enfant handicapé, j'ai vécu avec lui 20 ans de ma vie, c'est à peine s'il peut dire trois ou quatre mots en langue anglaise. Il faut qu'il se fasse comprendre par des gens qui puissent l'entraîner à se valoriser. Dans le secteur de la santé et des services sociaux... (0 h 40)

M. Dufour: M. le Président.

M. Lincoln: Je m'excuse! Mme Juneau: M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant: Avez-vous une question de règlement? Un instant! M. le député de Jonquière sur une question de règlement.

M. Dufour: II s'adresse à Mme la députée de Johnson. J'ai l'impression que, à moins que le règlement ne soit changé, c'est au président qu'il doit s'adresser.

Le Vice-Président: Très bien. Il est évident que, au point de vue de notre règlement, aucun député ne peut s'adresser directement à un autre député... Un instant! Un instant, s'il vous plaît! Je n'avais pas expressément compris que le député de Nelligan s'adressait directement à Mme la députée de Johnson, comme vous l'avez mentionné. Je vais céder la parole à M. le député de Nelligan et je vais effectivement m'assurer que ce n'est pas le cas. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, peut-être que j'ai mal compris un geste de Mme la députée, je le conçois et je m'en excuse. Je croyais que vous disiez que vous ne compreniez pas ce que j'essayais de décrire; si j'ai mal compris, je m'en excuse.

Ce que je voulais souligner, M. le Président, c'est que pour des gens qui sont handicapés, pour des malades psychiatriques, la langue n'est pas une question linguistique, mais c'est une question de communication de base, presque essentielle et minimale, pour se faire comprendre dans des situations où ils ont besoin de compassion, où ils ont besoin de se valoriser, où ils ont besoin de recevoir des soins parfois spécialisés que seules des personnes qui peuvent comprendre leur mentalité et leur langue peuvent leur offrir. C'est cela que j'essayais dire.

Ce que cette loi essaie de consacrer, c'est vraiment une réalité essentielle, de base. Dans la communauté anglophone, avec ses institutions qui existent aujourd'hui, nous voulons, quant à nous, consacrer un droit que nous reconnaissons.

J'ai entendu autour de ce débat que l'Opposition essayait de soulever des questions d'urgence. Y a-t-il une urgence? S'il n'y a pas d'urgence, à ce moment-là, faut-il adopter cette loi? Toutes les lois que nous adoptons ici le sont-elles en urgence? N'avons-nous pas le droit fondamental, comme parti qui se respecte, de proposer des lois lors d'une session parlementaire, que vous acceptez ou non? Dans ce cas, il est tout à fait ironique que vous ne l'acceptiez pas, vous qui avez dit et redit que vous acceptiez l'objectif de la chose et que votre chef a prononcé à deux, trois ou quatre reprises l'engagement formel qu'il acceptait cette même chose que nous essayons de promouvoir.

Qu'y a-t-il de tellement drôle ou de tellement extraordinaire pour nous de proposer une loi qui découle même des fondements et des résolutions de notre parti depuis plusieurs années?

Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît! D'accord, M. le député, un instant. J'entends certains députés qui se relancent d'un côté à l'autre de l'Assemblée. Je vous demanderais de respecter notre règlement et d'écouter en silence. Si vous avez quelque chose à dire sur le sujet, je vous céderai la parole à nouveau. Je vous avertis immédiatement que je serai très strict pour le reste du débat de la soirée si cela se prolonge de cette façon ou que cela s'oriente vers cette façon de procéder. Je serais très strict à cet égard.

Je demanderais également à l'ensemble des députés, quand ils s'adresseront... M. le député de Lévis, un instant! Un instant, s'il vous plaît! Je demanderai également... Un instant! M. le député! M. le député, s'il vous plaît! M. le député de Lévis, je vous mentionne expressément que j'ai demandé à l'ensemble des députés leur collaboration, cela vous comprend et d'autres députés également. Notre règlement prévoit que tout député qui s'adresse à l'Assemblée doit le

faire en s'adressant au président, sans s'adresser directement à quelqu'un d'une autre formation politique ou même de sa propre formation politique. Je serai très sévère à ce point de vue-là. Je serai également très sévère sur les réactions que les députés auront dans le cadre des discours. J'interviendrai immédiatement et je sanctionnerai tout défaut, tout manquement à notre règlement.

M. le député de Nelligan et ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, je pense n'avoir rien dit de sournois, je ne sais pas pourquoi le député de Lévis s'offense. Tout ce que j'ai dit, c'est que c'était une résolution de notre parti, appuyée à l'unanimité par notre parti...

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Nelligan. M. le député de Lévis, je vous avertis formellement, comme tout autre député, de garder le silence absolu et d'écouter ceux qui ont à intervenir. Vous interviendrez à votre tour, comme l'ensemble des autres députés et j'avertirai nommément tous les députés qui contreviendront à cette directive.

M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, comme je le soulignais, je ne sais pas ce qui froisse le député qui a fait des remarques tout à l'heure. Tout ce que j'ai voulu souligner, c'est que notre parti, au fil des années, depuis déjà trois, quatre ou cinq ans, a discuté de cette résolution de la façon la plus ouverte possible, a passé cette résolution à travers toutes les instances de ses congrès, en a fait un engagement électoral formel et l'a inscrite dans son discours inaugural de décembre 1985.

Quoi donc de plus naturel que nous fassions suivre cet engagement d'une loi. Les députés de l'Opposition se sont presque offusqués qu'on ait présenté une loi qu'on avait dit qu'on allait présenter. Mais nous sommes fiers de tenir nos engagements électoraux. Je comprends que vous ne compreniez pas la chose, parce que vous, lorsqu'il s'est agi de votre engagement le plus formel, l'indépendance, vous avez dit: Ah oui, cela continue, mais on ne le met pas dans le programme électoral: une minute, c'est dedans, l'autre minute, ce n'est pas dedans.

Votre chef est d'accord pour l'indépendance, mais il ne veut pas la mettre dans le programme. Le chef associé est pour l'indépendance et voudrait la mettre dans le programme. Vous n'avez aucune politique fondamentale sur votre option fondamentale. Je comprends qu'aujourd'hui, vous trouviez cela drôle que nous voulions tenir nos engagements électoraux; c'est parce que vous ne comprenez pas la chose.

Vous aviez pris le même engagement formel sur les services de santé et les services sociaux en langue anglaise que vous reniez aujourd'hui, parce que vous venez demander des motions de report, comme l'a souligné le député de Gatineau, pour six mois; comme si dans six mois, vous aurez changé d'option, vous aurez changé d'optique et vous serez disposés à accueillir la loi 142.

Mais non, ce sera la même charade dans six mois. C'est pourquoi nous allons persister avec cela. Nous pensons que c'est la reconnaissance d'un droit tout à fait réaliste d'une communauté qui a des droits historiques, qui a un service d'institutions de santé et de services sociaux qu'elle veut voir reconnaître dans la loi. La loi pourrait être changée plus tard. Mais, en même temps, cela donne une assise à ces institutions, cela donne un droit fondamental à ces gens. Cela est déjà reconnu du reste par la loi 65 qui vient confirmer toute la chose, comme cela a été le cas pour vous-mêmes qui l'avez reconnu tout à fait ouvertement.

Je plaide pour la personne humaine beaucoup plus que pour le processus des lois. C'est quoi, cette histoire de dire: Cela ne devrait pas être dans une loi, cela devrait être dans la constitution. Cela ne devrait pas être dans la loi 142, cela devrait être dans la loi 101. Qu'est-ce que c'est que tout cela? Qu'est-ce que cela peut faire, les lois, les processus et les structures des lois? Ce sont les humains qui comptent. C'est ce qui est important. Oui, c'est cela.

On ne parle pas de bâtiments ici, on ne parle pas de routes, on ne parle pas d'affiches, on ne parle pas de bilinguisme, on ne parle pas de structures et on ne parle pas de bouts de papier. On parle de gens qui sont malades et on parle de gens qui cherchent à avoir des services. C'est la raison pour laquelle on va adopter la loi 142, et pour rien d'autre. C'est cela la clé de cette loi et nous allons nous battre pour que cette loi soit une réalité. On peut dire qu'il y a des services sociaux en anglais partout, on en a cité des listes.

On a dit qu'il y en a en Basse-Côte-Nord et en Gaspésie. Je pourrais vous dire qu'il y en a en Gaspésie et en Basse-Côte-Nord, mais il n'y en a pas pour le handicapé intellectuel en Gaspésie qui cherche un service spécialisé; il n'y en a pas pour le handicapé intellectuel, le vieillard ou le malade psychiatrique en Basse-Côte-Nord qui cherche un service spécialisé.

Ces services spécialisés sont donnés par certains centres, surtout dans la grande région de Montréal et parfois dans d'autres grandes régions, mais surtout dans la grande région de Montréal. Cette loi vient consacrer le fait, parce que dans ce...

Des voix: ...

Une voix: Va te coucher!

M. Lincoln: ...réseau de service... (0 h 50)

Le Vice-Président: Un instant! Je déplore ce qui se passe en ce moment à l'Assemblée. Je demanderais aux gens de s'en tenir à notre règlement et de maintenir un décorum en cette Chambre. M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: Tout réseau de services ne peut survivre que s'il y a des professionnels qualifiés dans ce réseau de services qui vont être intéressés à continuer de le renouveler. C'est la clef. Si on n'a pas un réseau de services à la communauté anglophone qui va pouvoir renouveler ses cadres, ses professionnels et ses spécialistes, nous n'en aurons jamais assez pour desservir la communauté, surtout la communauté régionale d'expression anglaise dans les services spécialisés.

Je peux vous dire que j'en sais quelque chose, parce que j'ai oeuvré pendant des années dans ce domaine comme bénévole. Parfois, il était très difficile d'avoir des services spécialisés dans certaines matières, parce qu'il n'y avait pas assez de ces spécialistes. S'il n'y en avait pas assez, même dans la grande région de Montréal, comment pouvez-vous concevoir que des gens des régions éloignées puissent trouver ces services en régions? C'est pourquoi nous voulons qu'il y ait cette consécration du droit de ces gens de recevoir ces services. S'ils ne les trouvent pas sur place, qu'ils puissent se déplacer et aller vers les services qui sont disponibles dans les grands centres. C'est la clef de tout. Même sur la rive sud ou dans l'est de Montréal, parfois, il y a eu des exemples où, théoriquement, les services étaient disponibles, mais, en pratique, ils ne l'étaient pas.

Je pourrais vous citer des quantités de cas. Je pourrais vous citer des cas de handicapés physiques, intellectuels, de malades psychiatriques et de vieillards. Mme la députée, qui est aujourd'hui ministre de la Santé et des Services sociaux, vous dira aussi qu'elle et moi avions, dans le temps, approché le ministre des Affaires sociales d'alors, qui est aujourd'hui leader de l'Opposition, pour un cas typique d'une dame qui ne pouvait pas s'exprimer autrement qu'en anglais. Elle s'était trouvée dans une maison pour personnes âgées. Elle était très malade et elle ne pouvait pas se faire comprendre. C'était aussi malheureux du point de vue des infirmières que du point de vue de la dame elle-même. C'était une situation qui ne faisait de bien ni d'un côté ni de l'autre. C'est ce genre de choses que nous voulons éviter en consacrant le droit à ces personnes de recevoir, lorsque les ressources sont disponibles, des services de santé et des services sociaux dans leur langue. C'est tout ce que cela veut dire. Cela ne veut pas dire plus que cela.

De dire que cela va bilinguiser le Québec, que cela va ouvrir tout un réseau parallèle pour les gens qui ne sont même pas de langue anglaise présentement, pour les immigrants, c'est de ne plus reconnaître la réalité du Québec. La réalité du Québec, aujourd'hui, c'est que tous les immigrants se dirigent de plus en plus vers l'école française. Les cas cités par mon collègue de Laurier sont des cas actuels ou du passé. Le Québec d'aujourd'hui et de demain est un Québec francophone, de plus en plus francophone, de plus en plus majoritairement francophone. Ceux d'entre nous qui rencontrent les immigrants constatent que ceux-ci, qu'ils viennent de n'importe quel pays du monde, la première langue qu'ils apprennent, c'est le français, à part leur langue d'origine. Dire, aujourd'hui, que ce réseau va ouvrir toute une panoplie de services en anglais aux nouveaux immigrants au Québec, c'est ignorer complètement la réalité que les immigrants vont devenir automatiquement francophones parce que tous leurs enfants vont à l'école française et qu'ils se rallient au milieu francophone parce qu'ils constatent que la réalité du Québec d'aujourd'hui est francophone. Même dans les centres ou dans les institutions anglophones où les anglophones sont en majorité, comme l'ont fait ressortir la ministre, mon collègue de Laurier et les autres, la loi 101 s'applique de toutes les façons. Tous les services sont donnés en français comme en anglais.

Je ne vois pas une seule raison pour laquelle vous vous inquiétez. Si vous aviez tellement de raisons de vous inquiéter, comment se fait-il que votre chef, le chef de l'Opposition, ait pris des engagements formels répétés? Si vous avez tellement d'objections pour ouvrir toute la question aux allophones, si vous avez tellement de questions à vous poser par rapport à la bilinguisation du Québec dans les services sociaux en anglais, comment acceptez-vous de l'inscrire dans votre propre constitution? Pouvez-vous répondre à cette question? N'est-ce pas complètement paradoxal que vous veniez nous dire que cette loi est dangereuse, qu'il ne faut pas la laisser là, qu'il faut la retirer parce que cela va bilinguiser le Québec? Mais, si on la met dans la constitution du Québec, à ce moment-là, cela ne va pas bilinguiser le Québec. Quel genre de logique est-ce?

Une voix: Péquiste.

Le Vice-Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Lincoln: Oui. Je crois, en conclusion, que, si vous êtes fondamentale-

ment pour l'objectif de cette loi, qui est un objectif réaliste, un objectif noble que vous avez accepté vous-mêmes, vous devez en conscience appuyer cette loi. La reporter à six mois ne changera rien aux choses. Nous, de ce parti, qui tenons à nos engagements électoraux, nous allons faire le cheminement de cette loi et, si vous dites qu'on l'adopte ce soir, c'est vous qui avez créé votre lit, parce que c'est vous qui adoptez des motions de report. Nous disons: Les humains avant les structures. C'est pourquoi nous allons voter pour cette loi.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Cela a du bon de siéger la nuit à l'Assemblée nationale, on apprend des choses. La dernière fois qu'on a siégé la nuit, on a appris du leader parlementaire - son premier aveu -que l'abolition du règlement de placement ne créait pas un emploi au Québec. Cette nuit, en écoutant le député de Nelligan, le ministre de l'Environnement, un collègue également de la ministre de la Santé et des Services sociaux, on vient d'apprendre qu'effectivement le projet de loi créait un réseau parallèle d'institutions, et c'est exactement ce qu'il vient de dire. M. le Président, vous ferez descendre les galées, il l'a dit il y a à peine sept ou huit minutes. Il a insisté là-dessus, à part cela. Tout ce que vient faire ce projet de loi, c'est de créer un réseau parallèle d'institutions pour offrir des services aux anglophones.

Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le député de Taillon: De la môme façon que j'ai rappelé tantôt à certains députés de l'Opposition de s'asseoir è leur place, d'écouter en silence, et, s'ils voulaient intervenir, de le faire proprio motu, suivant notre règlement, en demandant la parole à leur tour, je le répète à ma droite parce que je viens d'entendre des commentaires sur le discours du député de Taillon. Je n'admettrai pas cela, je sanctionnerai et je nommerai expressément les noms de ceux qui contreviendront au règlement.

M. le député de Taillon.

M. Filion: En ce sens-là, M. le Président, s'il faut siéger la nuit - avec les heures, peut-être que la vérité commence à sortir - de ce côté-ci, on sera disposé à faire de longues veilles, si cela peut apporter aux rangs gouvernementaux un peu de cohérence dans les discours, si cela peut faire en sorte qu'on commence à voir qu'au Conseil des ministres le projet de loi présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux reçoit des interprétations tout à fait différentes, parfois contradictoires, comme c'est le cas maintenant.

Je rappellerais également ceci, M. le Président. J'ai écouté attentivement l'intervention du ministre de l'Environnement, le député de Nelligan, qui nous dit: Ce sont les personnes qui comptent avant toute chose. C'est le même cas pour nous et c'est pour cela, M. le Président, que le Québec n'a pas attendu des lois pour faire en sorte que les services puissent être donnés au Québec, que les meilleurs services et les meilleurs traitements possible puissent être donnés à tous les citoyens québécois et québécoises, peu importe leur langue d'expression. C'est pour cela qu'il s'est bâti au Québec des endroits où on reçoit ces services et c'est pour cela que, même en dehors de ces endroits, aujourd'hui, une personne qui vient s'exprimer en anglais ou en espagnol à l'hôpital Pierre-Boucher, dans mon comté, on va trouver une façon de la servir, d'échanger avec ce patient pour comprendre, d'abord, son problème, puis pour lui expliquer le traitement ou le diagnostic qui s'impose dans le cas des soins de santé dans les hôpitaux. (1 heure)

La loi que veut adopter le gouvernement libéral, ce n'est pas celle-là qui va changer les attitudes dans les hôpitaux, dana les CLSC, dans les centres d'accueil. Les personnes qui vont donner les soins, ce n'est pas le député de Nelligan, ce n'est pas la ministre non plus, ce sont les infirmiers et les infirmières, les médecins, le personnel, le personnel de bureau, le personnel spécialisé et les professionnels, ceux qui vont donner les soins, ce sont eux qui disent au gouvernement libérait Retirez le projet de loi 142. Ce n'est pas seulement nous qui le disons. L'Association des centres de services sociaux, l'Association des hôpitaux du Québec, la Fédération des CLSC du Québec, l'Association des centres d'accueil plus l'association des centres privés subventionnés, l'ACHAP, ce sont ces groupes qui représentent les travailleurs et les travailleuses du secteur de la santé qui seront appelés à donner les soins quotidiennement sur le terrain, qui seront appelés à recevoir les gens, les Marocains, les Turcs, les Japonais, les Africains, peu importe. Ce n'est pas le ministre de l'Environnement qui va aller traiter les gens dans les hôpitaux et dans les centres d'accueil. C'est le monde. Et ce monde est contre votre projet de loi.

N'avez-vous pas compris le message qui a été envoyé depuis le dépôt, depuis le moment où, le 14 novembre, une journée avant la fin de la date de tombée des projets de loi, les organisations sectorielles,

une à une, à tour de rôle et ensemble, ont expliqué au gouvernement libéral qu'elles ne veulent pas de son projet de loi qui vient perturber le climat qui existe présentement et le travail qui avait été fait par les différentes institutions un peu partout sur le terrain?

C'est fascinant, cette espèce de double langage, non seulement dans le temps, mais à l'intérieur du Conseil des ministres et à l'intérieur de la Chambre. C'est fascinant. Les personnes passent-elles avant toute chose? Oui. C'est pour cela que votre projet de loi, nous, de l'Opposition, sommes contre, car ce qui compte, ce sont les êtres humains sur le terrain. C'est ce qui est important pour l'Opposition et c'est ce que nous avons défendu depuis neuf ans.

M. le Président, j'ai respecté les droits de parole des intervenants précédents. J'aimerais beaucoup que vous puissiez, sinon je vais le faire, appeler par son nom le député qui vient de m'interrompre.

Le Vice-Président: Effectivement, M. le député de Viau, je vous demanderais, comme je l'ai fait tantôt, de...

M. Filion: II fait le fou, à part cela!

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député! Je vous demanderais de respecter le droit de parole du député de Taillon et de ne faire aucun commentaire. Vous les ferez lors de votre intervention. M. le député de Taillon.

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. On vient, en plus de cela, encore une fois, tenter de nous dire que le projet de loi 142 n'est pas une loi linguistique. C'est fantastique. Je pense qu'on n'a pas besoin de faire un cours de droit pour comprendre la portée de la loi. On va seulement lire ensemble les notes explicatives du projet de loi 142. "Ce projet de loi modifie de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour tenir compte des particularités linguistiques d'une région et prévoir le droit à toute personne d'expression anglaise de recevoir dans sa langue des services de santé et des services sociaux". Ce n'est quand même pas l'Opposition qui a rédigé les notes explicatives du projet de loi. Je continue: "II prévoit aussi, pour ces bénéficiaires, les modalités qui assurent l'accessibilité aux services de santé et aux services sociaux en langue anglaise".

Le projet de loi 142 est, d'abord et avant tout, une loi linguistique, M. le Président, donc une loi dans un secteur où le Québec avait réussi, depuis 1977, à bâtir un équilibre passablement fort de l'ensemble des Québécois autour des grands acquis qu'avait amenés la loi 101. D'ailleurs, je rappellerais au gouvernement libéral qui est très féru de sondages que la loi 101 était, jusqu'au dépOt des projets de loi 140 et 142, la loi la plus socialement et la plus généralement acceptée par l'ensemble des Québécois. Le premier ministre et la ministre de la Santé et des Services sociaux auraient peut-être avantage, étant très friands de sondages, à prendre connaissance de cette donnée.

La loi 101 avait donc réussi à bâtir un édifice légal, socialement accepté et acceptable par l'ensemble de la communauté québécoise. Évidemment, la langue - on l'a souvent mentionné en cette Chambre - c'est fragile, c'est passionnant, cela soulève des discussions, cela soulève même, dans certains cas, des passions déréglées. Je pense que c'est tout à fait normal qu'on ait un peu d'émotivité dans ce débat. Mais ce qui est aussi normal, c'est de réussir à regarder cet ensemble législatif avec sa raison. On pouvait constater, avant que le gouvernement libéral dépose ce projet de loi, que cet édifice, si l'on veut, législatif, était, bien sûr, nécessaire, mais était très efficace au Québec. Depuis dix ans, on avait réussi à bâtir une certaine paix sociale.

Le député de Nelligan disait tantôt: Je regrette de devoir encore une fois intervenir sur des questions linguistiques. Mais qui a présenté le projet de loi 140? Qui a présenté le projet de loi 142? Ce n'est pas l'Opposition qui l'a fait, c'est le gouvernement libéral. Qui a envoyé des signaux tout croches au Québec, depuis le 2 décembre 1985, sinon le premier ministre, qui pourtant devrait se souvenir du genre de dégâts qu'il a causés au Québec entre 1970 et 1976 avec ses tentatives de lois linguistiques? Il devrait s'en souvenir, mais il l'a oublié, M. le Président. Aujourd'hui, tous les observateurs, unanimement, lui rappellent à quel point ses gestes législatifs, avec ces deux projets de loi, sont téméraires. Le député de Saint-Laurent, premier ministre du Québec, devrait se rappeler ce qu'on a vécu un peu partout au Québec entre 1970 et 1976, notamment à l'occasion du débat sur le projet de loi 22. Mais semble-t-il que la mémoire du premier ministre soit courte, là-dessus, comme sur ses engagements électoraux d'ailleurs en général, puisqu'il a récidivé en déposant des projets de loi qui ne font l'affaire de personne, sauf des députés libéraux, des projets de loi qui ont réussi à bâtir un mur d'opposition non seulement au Parlement, mais à l'extérieur du Parlement également. Unanimement tous les intervenants du réseau des affaires sociales n'en veulent pas et ce sont eux qui vont vivre avec la loi. Ce sont eux qui vont devoir l'appliquer, le cas échéant, et ils n'en veulent pas. Quelle sorte de législation autoritaire est déposée par le ministre?

En ce sens-là, M. le Président, je pense que la ministre de la Santé et des Services

sociaux, sans le savoir, a servi de tête de pont pour les lois linguistiques, comme elle avait servi de tête de pont pour les coupures budgétaires dans la santé. Je parle des soins dentaires. Dans ce cas-ci, peut-être les grands spécialistes en communication de la tour d'ivoire, du bunker du premier ministre, ont-ils dit: Ah, cela serait bon si c'était la ministre de la Santé et des Services sociaux qu'on envoyait avec notre petit projet de loi linguistique. Elle va nous passer cela en douceur, en prétextant qu'il s'agit là d'une loi humanitaire. Je pense que maintenant, surtout à la suite du discours qu'a fait tantôt le député de Nelligan, on peut être certain qu'il s'agit plutôt d'une loi linguistique. Ce qui me frappe beaucoup dans les discours qu'on a entendus ce soir de la part du parti ministériel, c'est qu'on ne semble pas capable de distinguer entre les objectifs d'un projet de loi et les moyens contenus dans un projet de loi pour atteindre soi-disant ces objectifs. Les députés libéraux qui ont pris la parole ce soir ont tous dit, finalement: nous sommes pour cela, les services en anglais. À 90 %, disait le député de Fabre; nous de ce côté, c'est à 100 %, mais pas seulement en anglais, en espagnol aussi, en grec, en portugais, en chinois, pour que tout le monde puisse être traité dans un hôpital ou un centre d'accueil d'une façon convenable. Nous sommes pour cela à 100 % de ce côté-ci. Mais cela, c'est une chose; c'est l'objectif du projet de loi.

Mais il faut regarder quels moyens on prend dans la loi pour atteindre ce principe. Dans ce cas-ci, c'est clair. Le projet de loi a pour effet d'intégrer les communautés culturelles aux anglophones et de créer, comme le mentionnait le député de Nelligan, un réseau parallèle d'établissements anglophones comparable à celui existant en matière d'éducation. Ce sont les moyens contenus dans le projet de loi 142 et c'est dans ce sens que le projet 142 vient, tout comme le projet de loi 140, briser le consensus social qui était obtenu lors de l'adoption de la loi 101. Il vient également briser le consensus social qui existait dans les établissements eux-mêmes.

Je l'ai mentionné tantôt, M. le Président, à l'occasion de la motion de report déposée par mon collègue, le député de Verchères, et, malheureusement, refusée par les gens d'en face, il existe au Québec 31 centres hospitaliers reconnus par l'Office de la langue française et où la langue de communication est l'anglais. Je vais vous épargner l'énumération de cette liste, mais il y en 31. Parmi les plus importants qui sautent aux yeux, on retrouve l'hôpital Royal Victoria, Santa Cabrini, Shriners, Reine-Élizabeth, Reddy Memorial, l'Hôpital neurologique de Montréal, Lachine, Montréal, Lakeshore, etc., 31 endroits, des centres hospitaliers, des CH dans le jargon du ministère de la Santé et des Services sociaux, où des services sont fournis en anglais et trois centres locaux de services communautaires où il s'abat un travail formidable. Je vais vous citer quelques exemples. Au CLSC Parc Extension, où près la moitié de la clientèle est d'origine grecque, on n'a pas attendu le projet de loi 142, on n'en a pas besoin pour créer une table de concertation interethnique qui a pour but d'identifier les problèmes communs. Au CLSC Saint-Louis du Parc, où 30 % du personnel est néo-québécois, où près de 30 % de la clientèle est grecque, il y a rédaction et distribution de dépliants dans trois langues sur les grossesses à risque. Le personnel en place parle trois langues, le réceptionniste, la téléphoniste, et on peut y faire l'accueil en cinq langues différentes. C'est au CLSC Saint-Louis du Parc. Je pourrais continuer, M. le Président, et vous dire ce qui se passe dans les deux centres de services sociaux qui sont le Centre de services sociaux Ville-Marie et le Centre de services sociaux juifs à la famille, les 36 centres d'accueil et d'hébergement et les 13 centres d'accueil et de réadaptation.

On n'avait pas besoin du projet de loi 142 pour offrir des services aux communautés culturelles et à la communauté anglophone. On n'avait pas besoin du projet de loi 142. Pourquoi? Parce que, d'abord et avant tout, ces services sont une affaire d'attitude et de comportement. C'est aussi une affaire de collaboration entre les intervenants, comme le CRSSS de Montréal réussit à le faire. Le projet de loi 142 est une gifle aux intervenants du milieu des affaires sociales. Je les comprends d'apprécier de façon très négative le projet de loi 142. (1 h 10)

En terminant, M. le Président, je voudrais vous signaler rapidement ceci. Le projet de loi 142 contient trois choses. Premièrement, il y a la partie linguistique qui est l'une des parties les plus importantes du projet de loi; deuxièmement, il concerne aussi - et on n'en a pas beaucoup parlé - la tutelle imposée à la ministre de la Santé et des Services sociaux par le président du Conseil du trésor qui, dorénavant, approuvera les actes juridiques que doivent poser les établissements; troisièmement, il contient des règles relatives aux conflits d'intérêts des membres du conseil d'administration.

Donc, il y a deux parties à ce projet de loi: une partie linguistique et une partie administrative. Ce que je suggère donc à cette Assemblée, c'est de scinder en deux le projet de loi 142.

Motion de scission

À cet effet, je dépose, M. le Président, la motion de scission suivante: Conformément aux dispositions de l'article 241 de nos règles

de procédure, je fais motion pour "que le projet de loi 142, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux, soit scindé en deux projets distincts: un premier projet intitulé Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant l'accessibilité des services de santé et des services sociaux dans une langue autre que française et comprenant les articles 1, 2, 3, 9 et 10, et un second projet intitulé Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux comprenant cette fois-ci les articles 4, 5, 6, 7, 8 et 10 du projet de loi."

Je vous ai remis, M. le Président, une copie de cette motion de scission. C'est simple: Que la partie linguistique fasse l'objet d'un projet de loi différent de la partie administrative et, si vraiment les gens d'en face sont sérieux et cohérents, ils vont appuyer cette motion de scission. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Donc, la motion est déposée et, avant de me prononcer sur sa recevabilité, je devrai prendre connaissance du contenu. Si la partie ministérielle veut bien examiner cette motion, je pourrai entendre ses arguments sur la recevabilité, de même que ceux de l'Opposition. M. le député de Nelligan et ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, avant que vous interveniez sur la motion, j'aurais voulu intervenir sur l'article 212 pour rectifier des propos qui ont été tenus par le député de Taillon qui a complètement déformé ce que j'ai dit.

Le Vice-Président: Très bien. Donc, M. le député, vous pouvez en vertu de l'article 212, si vous estimez que vos propos ont été mal compris ou déformés, donner de très brèves explications sur le discours que vous avez prononcé. Donc, je vous cède la parole.

M. Lincoln: Cela va être très très bref. Le député a dit plus d'une fois que j'avais soi-disant dit dans mon discours, que la loi 142 créerait un réseau parallèle. C'est tout le contraire que j'ai essayé de démontrer. C'est exactement tout le contraire. Je défie le député de Taillon d'aller chercher les galées et de me montrer où j'ai dit qu'il y aurait un réseau parallèle qui serait créé. C'est sur cela que je voulais intervenir pour que le Journal des débats sache tout à fait que ce n'était pas du tout mon intention et que ce n'était pas du tout le sens de mon discours de démontrer qu'un réseau parallèle serait créé.

M. Filion: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Très bien, M. le ministre. Sur une question de règlement, M. le député de Taillon.

M. Filion: Je pense que l'article 212 s'applique dans un cas où un député a prononcé des paroles qui ont été mal interprétées. Dans ce cas-ci, j'invite le député de Nelligan à relire ce qu'il a dit lui-même.

Le Vice-Président: Un instant! L'article 212 est très clair. On dit: "Tout député estimant que ses propos - estimant; donc, c'est d'après ce qu'il pense - ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé." Il n'est pas question d'engendrer un débat à nouveau, de repartir un débat, mais, comme j'ai permis vendredi à d'autres députés, à un député de l'Opposition de corriger certains propos qu'on lui avait imputés - il estimait que ses propos avaient été mal compris ou déformés et il a fait la mise au point, ce que le député de Nelligan, le ministre de l'Environnement, vient de faire - je pense que c'est dans la teneur de notre règlement. Cela clôt la discussion sur l'article 212 que nous avions à ce moment-ci.

Donc, maintenant, sur la motion de scission, M. le leader du gouvernement.

M. Grattons Oui, M. le Président. Il me semble qu'en vertu de l'article 241 la motion de scission que vient de présenter le député de Taillon, à sa face même, est irrecevable. Je suis donc prêt à entendre votre décision, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je voudrais vous lire d'abord l'article 205: "Toute motion de fond peut, sur motion sans préavis, être scindée lorsqu'elle contient plusieurs principes pouvant faire chacun l'objet d'une motion distincte. La motion de scission doit indiquer de quelle façon celle-ci s'effectue."

M. le Président, je vous réfère aux notes explicatives du projet de loi dont les deux premiers paragraphes se lisent comme suit: "Ce projet de loi modifie de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour tenir compte des particularités linguistiques d'une région et prévoir le droit à toute personne d'expression anglaise de recevoir dans sa langue des services de santé et des services sociaux, compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services. "Il prévoit aussi, pour ces bénéficiaires, les modalités qui assurent l'accessibilité aux services de santé et aux services sociaux en langue anglaise." C'est une chose, c'est un

principe.

Au troisième paragraphe, M. le Président, c'est bien dit: "Ce projet de loi modifie en outre les dispositions de la loi qui obligent un établissement à obtenir l'autorisation du gouvernement pour poser certains actes juridiques afin que cette autorisation soit dorénavant donnée par le Conseil du trésor. On y prévoit de plus que celui-ci pourra déléguer cette fonction au ministre."

C'est une tout autre chose. C'est une délégation de pouvoir qui n'a aucunement affaire avec la question linguistique des deux premiers paragraphes.

Si l'on voulait continuer, on verrait qu'il y a véritablement trois principes, comme mon collègue de Taillon l'a bien exprimé. "Enfin, ce projet de loi assouplit les règles relatives aux conflits d'intérêts au sein d'un conseil d'administration d'un établissement public."

C'est loin des affaires linguistiques, M. le Président. Donc, pour répéter l'argument du leader du gouvernement, à sa face même, la motion est recevable et j'attends votre décision.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, j'ai ici le Recueil des décisions concernant la procédure parlementaire. Quant aux précédents, par exemple, le leader de l'Opposition faisait valoir que la lecture des notes explicatives indique qu'il y a plus d'un principe au projet de loi. je vous prierais de lire, au dernier paragraphe, la décision qui a été rendue le 12 juin 1985. À ce moment, le président avait accepté la motion de scission. On lit, au dernier paragraphe: "Pour déterminer les principes d'un projet de loi, les notes explicatives n'ont aucune valeur juridique en soi."

C'est tellement vrai, M. le Président, qu'au moment où l'on sanctionne un projet de loi les notes explicatives disparaissent et n'existent plus dans la loi comme telle. C'est donc s'appuyer sur de mauvais arguments que de se replier sur les notes explicatives. Elles n'ont aucune valeur, comme la décision précédente le dit.

Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Dans la motion présentée par mon collègue de Taillon, vous pouvez y lire que la scission se réfère aux articles bien précis 1, 2, 3, 9 et 10. Vous verrez que les articles de loi... Je ne vais quand même pas lire tout le projet de loi. Les notes explicatives, dans ce cas précis, reflètent exactement les articles. Vous pourrez constater que ce qui regarde les services de santé, ce sont les articles 4, 5, 6, 7 et 8 du projet de loi 142. Les articles qui touchent la dimension linguistique sont les articles 1, 3, 9 et 10, parce que c'est la promulgation, donc, il sert aux deux. À sa face même, je le répète, c'est une belle tentative de la part du leader du gouvernement, mais, à cette heure-ci, il devra être contraint de faire les deux heures qui s'imposent.

Le Vice-Président: Évidemment, je devrai rendre une décision là-dessus. Je vais me retirer quelques instants. Nous allons suspendre la séance afin que je puisse rendre ma décision. Le leader du gouvernement faisait mention d'une décision concernant le contenu juridique des notes explicatives. Cela va de soi, évidemment, que les notes explicatives sous-tendent certains articles du projet de loi. À ce moment-ci, pour rendre ma décision, je dois me référer non pas aux notes explicatives, mais aux articles du projet de loi, à la lumière de la motion de scission que vous avez présentée, M. le député de Taillon. Sur ce, nous suspendons la séance pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 1 h 24)

(Reprise à 1 h 31)

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place, s'il vous plaît!

Sur la recevabilité de la motion de scission présentée par le député de Taillon, je déclare dès maintenant cette motion recevable puisque le projet de loi 142 présentement à l'étude contient plus d'un principe. Nous pouvons, tel que la motion l'a présenté, les scinder en deux catégories: dans un premier temps, les services de santé pour personnes d'expression anglaise et, dans un deuxième temps, certaines dispositions relatives à des dispositions d'ordre administratif. En conséquence, la motion est déclarée recevable et cette motion, au sens de notre règlement, fera l'objet d'un débat restreint d'un maximum de deux heures et, à la suite de la rencontre avec les leaders, il y a quelques instants... À l'ordre, s'il vous plaît!

À la suite de la rencontre que j'ai eue avec les leaders il y a quelques instants, il a été convenu que le partage du temps se ferait moitié moitié pour chaque parti, soit un maximum d'une heure pour chacune des formations politiques. Chaque formation n'est pas limitée, à l'intérieur de son enveloppe, quant aux interventions. Sur la motion, je cède la parole à M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Merci, M. le Président. La motion que vient de présenter le député de Taillon est évidemment une motion dilatoire

qui vise uniquement à retarder le débat de fond sur le principe du projet de loi 142 que - est-il utile de le rappeler? - nous avons abordé à 20 heures hier. Je vous indique donc tout de suite, M. le Président, que le gouvernement votera contre cette motion de scission puisqu'il ne saurait...

Des voix: Bravo!

M. Gratton: ...cautionner quelque motion ou quelque geste que ce soit posé par l'Opposition pour se défiler devant sa responsabilité et son devoir de procéder à l'étude et à l'adoption du principe du projet de loi 142.

J'indique tout de suite, M. le Président, pour que tous les membres de l'Assemblée soient bien informés, que, compte tenu que ce débat restreint durera au maximum deux heures et compte tenu de l'heure tardive, nous proposerons l'ajournement du débat immédiatement après que ce débat sera terminé. Nous en reporterons le vote à demain, à la fin de la période des affaires courantes. Je le dis de façon que tant l'Opposition que les membres ministériels de l'Assemblée nationale sachent que nous n'avons pas l'intention de poursuivre le débat sur le principe du projet de loi au-delà de cette durée accordée sur la motion de scission. Ce débat sur l'adoption du principe reprendra au cours de la séance de mardi qui, normalement, devrait être demain, mais qui est aujourd'hui.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Sur la motion de scission, M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président. Il est 1 h 35. Le leader du gouvernement a choisi de faire débattre d'un projet de loi qu'il a présenté comme un projet de loi important - un projet de loi majeur, nous ont dit un certain nombre de ministres de son équipe - non pas au moment où l'on discute des grandes questions dans notre société, mais au moment où il n'y a personne pour suivre les travaux de l'Assemblée nationale. Il veut être bien certain que ce débat entourant le projet de loi 142, sur lequel le gouvernement se sent sur la défensive, dont le gouvernement reconnaît toutes les faiblesses qui sont à la base et dans l'ensemble des articles qu'il contient, éveillera le moins grand nombre possible de Québécois et de Québécoises aux questions de contenu de ce projet de loi précipité, improvisé, mal rédigé. Comme le décrivait le premier ministre lui-même deux jours après son dépôt, c'est un projet de loi qui constitue carrément une passoire au plan linguistique, donc un panier percé linguistique. Voilà le projet de loi 142!

On décide de nous faire débattre de ces questions de nuit comme si c'était la façon de discuter des grandes questions dans notre société, en plein coeur de la nuit, plutôt qu'au grand jour, au vu et au su de tous et de l'ensemble de notre collectivité.

M. le Président, je me lève pour appuyer fortement la motion faite par le député de Taillon visant à scinder le projet de loi 142. Scinder le projet de loi 142, dans le jargon des parlementaires, c'est prendre un projet de loi omnibus, un projet de loi qui contient plusieurs dispositions qui ne sont pas liées les unes aux autres, et le diviser, en réunissant les dispositions qui concernent un même sujet, pour en faire deux projets de loi différents.

On se rappellera, M. le Président, qu'à l'occasion de l'élection du Parti libéral à la direction du Québec la vice-première ministre en tête et le leader du gouvernement, la suivant de pas très loin, sont venus tous les deux nous dire: C'est fini les lois omnibus. On va légiférer de façon claire, de façon ouverte, de façon transparente... M. le Président, je m'excuse, mais j'ai cru comprendre que vous aviez fait des rappels à l'ordre à certains de mes collègues tantôt. J'imagine que c'est bon pour les deux côtés de la Chambre?

Le Vice-Président: C'est déjà fait, M. le député. Allez-y, je vous écoute.

M. Rochefort: Je souhaiterais, M. le Président, avoir la possibilité de m'exprimer sans les bruits de fond que certains collègues font actuellement.

M. le Président, on nous l'avait promis: fini les projets de loi omnibus, on va légiférer avec des projets de loi qui ne vont traiter que d'un seul principe, que d'un seul secteur d'activité pour permettre aux membres de l'Assemblée nationale de mieux légiférer, de légiférer en toute clarté, en toute limpidité, en toute transparence pour permettre à l'ensemble des intervenants de notre société de participer au processus législatif, nous disait-on, pour permettre à tous ceux et toutes celles qui auront des choses à dire d'avoir le temps de voir que ces choses sont bien comprises dans le projet de loi et non pas cachées à l'intérieur de bon nombre de dispositions. Deuxièmement, par de plus petits projets de loi, nous répétait-on, nous aurons l'occasion de mieux associer les groupes au moyen de commissions parlementaires, de mieux associer les membres de l'Assemblée nationale, pour qu'ils puissent mieux participer au processus législatif.

M. le Président, il s'agissait là aussi d'une promesse de rouges, donc d'une promesse non tenue. Mais nous avons

l'occasion ce soir de permettre une fois - ce ne sera pas une habitude, vous allez pouvoir maintenir votre attitude de ne pas respecter vos promesses, ne vous en faites pas - à la majorité ministérielle de remplir partiellement un de ses engagements qui était celui de ne plus légiférer par des lois omnibus.

Ce que propose le député de Taillon, c'est que, d'une part, il y ait un projet de loi qui traite de la question des services de santé et des services sociaux dans une autre langue que le français, donc qu'un projet de loi distinct traite de l'ensemble des dispositions linguistiques que nous retrouvons dans le projet de loi 142. (1 h 40)

Regrouper l'ensemble des dispositions traitant des dimensions linguistiques du projet de loi 142 permettrait au gouvernement de sortir de ce carcan de précipitation dans lequel il s'est inséré à la date ultime pour déposer des projets de loi pour voir leur adoption avant le 19 décembre, soit le 13 novembre dernier. Il faut que le gouvernement sorte de ce carcan de précipitation dans lequel il s'est inscrit depuis le 13 novembre, eu égard aux dimensions linguistiques du projet de loi 142. Il faut qu'il permette un débat et non pas sur les objectifs du projet de loi. Ces objectifs sont tellement partagés par l'ensemble des Québécois et des Québécoises que déjà depuis plusieurs années et plusieurs décennies, par leur attitude de réceptivité, de respect des minorités, de générosité et de volonté réelle de partager leur vie et leur société avec les membres des différentes communautés, ces derniers donnent des services à l'ensemble de la population, de minorité anglophone ou membres des minorités culturelles du Québec, tant en ce qui concerne les services de santé que les services sociaux. Donc, on n'aurait pas besoin de revenir sur l'objectif du projet de loi, mais cela permettrait au gouvernement de refaire son projet de loi, de refaire un projet de loi 142, quant à ses dispositions linguistiques, qui corresponde en tous points au discours que nous tient la ministre de la Santé et des Services sociaux. Malheureusement, encore une fois, la ministre de la Santé et des Services sociaux nous tient un discours, et le projet de loi qu'elle a déposé est une tout autre chose.

M. le Président, on a beau trouver agréables les propos de la ministre de la Santé et des Services sociaux, elle ne sera pas toujours ministre de la Santé et des Services sociaux. De plus, lorsque des associations, des groupes ou des individus réclameront, devant un tribunal, à partir du projet de loi voté, les juges n'étudieront pas les questions qui leur seront soumises à partir des intentions, des discours, des appréciations faites par la ministre de la Santé et des Services sociaux, mais c'est à partir du contenu même du projet de loi que les juges décideront et recevront les demandes de clarification ou les plaintes qui seront portées devant eux. En conséquence, faire en sorte de distinguer les projets de loi l'un de l'autre permettrait à la ministre de la Santé et des Services sociaux - peut-être avec l'aide du président du Comité de législation de son gouvernement - de bâtir un projet de loi parfaitement conforme, en totalité et en exclusivité, au discours qui nous est tenu. Là aussi, sur cela comme sur tout le reste, on tient encore un double langage, un beau discours où on dit: Non, il n'y a pas de problème linguistique, et patati et patata. C'est un projet de loi qui, au dire même du premier ministre, est une passoire, un panier percé sur le plan linguistique.

Cela permettrait aussi à la ministre de la Santé et des Services sociaux de changer son attitude à l'égard des hommes et des femmes qui, chaque jour au Québec, donnent des services de santé et donnent des services sociaux aux Québécois et aux Québécoises qui ont besoin d'un soutien en matière sociale ou en matière de santé. On ne traite pas les intervenants du monde de la santé et des services sociaux, comme le fait la ministre de la Santé et des Services sociaux. On ne vient pas déposer à la toute dernière minute de notre session parlementaire un projet de loi, le déposer en précipitation, en catastrophe, en improvisation, en disant: Écoutez, je n'ai pas le temps de discuter avec vous de ce projet de loi, quand il sera adopté, vous l'appliquerez bêtement. Ce n'est pas comme cela qu'on fait marcher le monde, ni dans le réseau de la santé et des services sociaux, ni dans tout autre réseau, ni dans tout autre secteur d'organisation de notre société. Il faut que la ministre de la Santé et des Services sociaux s'amende, que la ministre de la Santé et des Services sociaux reconnaisse qu'elle a fait une erreur en voulant bousculer ses intervenants, ses partenaires du monde de la santé et des services sociaux. Il faut qu'elle vienne leur dire: Oui, je reconnais que vous avez bien fait votre travail dans la dispensation et la fourniture des services • de santé et des services sociaux à la minorité anglophone et aux minorités culturelles du Québec. Qu'elle vienne le reconnaître et leur dire qu'elle reconnaît le bon travail qu'ils ont fait. Qu'elle vienne avec eux, comme ils lui ont demandé, voir, à partir des problèmes que la ministre identifie comme des problèmes qui demeurent, quels sont les moyens et les aménagements administratifs qu'on peut réaliser sur les mêmes bases que celles qu'on a utilisées jusqu'à ce jour pour donner des services en quantité et en qualité suffisantes aux membres de la communauté anglophone et aux membres des minorités culturelles du Québec. Il faut que la ministre de la Santé et des Services sociaux réponde à cette demande de l'Association des centres

d'accueil du Québec, de la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec et de l'Association des centres des services sociaux du Québec, qui lui disaient: Mme la ministre, nous vous demandons de surseoir et d'interrompre l'adoption du projet de loi 142 et de venir explorer avec nous, les intervenants du réseau, Jes avenues de solutions adéquates pour garantir aux bénéficiaires de la communauté anglophone et aux bénéficiaires des autres communautés culturelles l'accès aux services de santé et aux services sociaux de qualité auxquels ils ont droit.

Dans ce même document, ces différentes associations non seulement reconnaissaient et réitéraient tout le travail qu'elles ont fait à ce jour pour donner ces services qui sont effectivement donnés à l'ensemble de ces personnes, mais reconnaissaient qu'on n'a pas besoin d'une loi pour donner des services, puisque le passé est garant de l'avenir, que, jusqu'à ce jour, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, par son article 5, reconnaît la nécessité de donner des services à tout le monde sans discrimination, quelle que soit leur langue, leur race, leur couleur, leur religion, leurs allégeances politiques, etc. et qu'à partir de cette disposition législative ils ont donné des services et ils veulent continuer à en donner. Cela permettrait donc à la ministre de retourner chercher cette adhésion, de rechercher cette confiance, de retrouver cet esprit de collaboration...

Le Vice-Président: M. le député de Gouin, je m'excuse. Sur une question de règlement, M. le député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, je me demande simplement si le député a mélangé ses feuilles. Il me semble que c'est le discours sur la motion de report et nous en sommes sur une motion de scission.

Une voix: II est tout mêlé.

Le Vice-Président: Un instant. Évidemment, M. le député de Gouin, je vous ai écouté attentivement et, à un moment donné, j'ai cru que vous aviez certains arguments qui ressemblaient plus à une motion de report qu'à une motion de scission. Je comprends, l'argumentation peut fusionner aussi dans ces genres de motion. C'est quand même assez ténu comme distinction. Je vous cède à nouveau la parole en vous demandant, M. le député de Gouin, si possible de discuter sur la motion de scission principalement.

M. Rochefort: M. le Président, vous me permettrez de féliciter le député de Laurier pour son intervention profonde et importante quant au fond des sujets débattus présente- ment. Je vous dirai que je suis justement en train de démontrer quelle utilisation pourrait faire le gouvernement s'il distinguait les deux projets de loi l'un de l'autre. Donc, pour faire ce que je propose, il faut scinder le projet de loi et c'est ce que je tente de démontrer. Évidemment, le député de Laurier n'a pas compris, mais là-dessus le premier ministre et moi, nous nous entendons très bien. Ce n'est pas pour rien qu'il ne l'a pas nommé ministre. Je comprends bien le premier ministre là-dessus.

Comme je le disais, cela permettrait donc à la ministre d'aller rechercher l'appui, la collaboration et le partenariat de ses collaborateurs du réseau de la santé et des services sociaux. On ne peut un jour traiter les partenaires du réseau de la santé et des services sociaux de façon autoritaire et, le lendemain, aller les voir et leur demander: Écoutez, accepteriez-vous de venir vous asseoir avec nous pour qu'on puisse discuter ensemble de l'amélioration de la qualité des services de santé au Québec? Non, M. le Président. Il faut qu'on ait toujours, en tout temps, une attitude ouverte, une attitude disponible, une attitude constructive, une attitude de confiance et de respect de nos partenaires si l'on veut aussi leur demander qu'ils donnent la pleine mesure de leurs moyens et de leurs capacités. Je pense qu'en distinguant les deux projets de loi la ministre aurait l'occasion de changer son fusil d'épaule quant à sa façon de travailler avec son réseau et elle pourrait aller rechercher cet appui et cette ouverture d'esprit du réseau qui sont nécessaires, peut-être pas à la ministre, mais à l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui sont aujourd'hui patients dans un hôpital ou bénéficiaires dans un centre d'accueil ou dans un centre local de services communautaires ou qui sont des gens qui n'utilisent pas aujourd'hui des services de santé et des services sociaux, mais qui pourraient, demain, après-demain, un jour, avoir à faire appel aux services de santé et aux services sociaux du Québec. Ils souhaiteront retrouver là un personnel qui est de bonne humeur, un personnel heureux, un personnel qui se sent respecté, qui se sent reconnu par les autorités gouvernementales. Et voilà un bon moyen pour permettre à la ministre d'aller rechercher cette adhésion. (1 h 50)

Le fait de scinder ces deux projets de loi, M. le Président, permettrait aussi à la ministre de retirer toutes les dimensions linguistiques incorrectes qu'on retrouve dans ce projet de loi.

M. le Président, la ministre de la Santé et des Services sociaux vient nous dire: Arrêtez de nous dire qu'on va intégrer à la minorité anglophone du Québec les communautés culturelles du Québec parce qu'on leur dit qu'il sera possible de se faire soigner ou obtenir des services sociaux en

langue anglaise. Elle nous dit que la langue de l'intégration - c'est bien connu - c'est la langue de travail et la langue de l'éducation. M. le Président, dans un contexte normal, dans un climat normal, on pourrait reconnaître que les propos de la ministre sont justes; mais dans un climat comme celui que nous connaissons depuis le 2 décembre 1985, lors de l'élection du gouvernement libéral à la tête du Québec, le projet de loi 142, eu égard à ces dispositions qui font en sorte qu'on dit à l'ensemble des membres des communautés culturelles du Québec de venir se faire servir en anglais dans le domaine de la santé et des services sociaux, non pas dans votre langue ou en français, mais en anglais, vient ajouter un nouveau signal aux communautés culturelles comme quoi on ne souhaite pas que cela se passe en français au Québec. Cela est un signal inadmissible et qui a été bien noté par l'ensemble des éditorialistes du Québec.

M. le Président, le leader du gouvernement, qui est venu nous faire un petit discours de clôture sur la motion de report, a accusé l'Opposition de tous les maux quant aux effets linguistiques que nous avons identifiés dans le projet de loi. Dois-je dire que, en tentant de nous insulter et de nous prêter des propos comme ceux qu'il nous a prêtés, ce que le leader du gouvernement a fait, c'est qu'il a insulté et pointé du doigt les éditorialistes qui ont vu la portée linguistique inadmissible du projet de loi 142 et qui l'ont dénoncée à de multiples reprises jusqu'à ce jour. Évidemment, il est plus facile de faire passer ces accusations 3ur le dos de l'Opposition que de prendre de front les éditorialistes du Québec; on reconnaît encore là l'absence de courage de la formation politique qui dirige le Québec depuis le 2 décembre 1985.

Or, donc, M. le Président, faire des éléments linguistiques un projet de loi à part permettrait au gouvernement d'aller discuter en commission parlementaire avec les intervenants de l'ensemble de ces questions, parce que c'est ce que ces intervenants ont demandé, permettrait de corriger pour vrai les trous contenus au projet de loi, les articles qui sont, au dire même du premier ministre, des passoires au plan linguistique. Cela permettrait de recréer un climat positif et constructif avec l'ensemble des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux.

D'autre part, M. le Président, la ministre, en conséquence d'une telle motion, pourrait faire un projet de loi qui amenderait à nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux et qui comprendrait les articles contenus au projet de loi 142 traitant des conflits d'intérêts et des responsabilités que le gouvernement a décidé non plus d'assumer lui-même, non plus de confier à la ministre de la Santé et des

Services sociaux, mais qu'il a décidé de confier au président du Conseil du trésor. Effectivement, M. le Président, dans le projet de loi 142, on transfère des pouvoirs qui sont entre les mains de la ministre de la Santé et des Services sociaux, comme de tous ceux qui l'ont précédée jusqu'à ce jour au Québec, qui sont entre les mains aussi du gouvernement comme réunion, comme ensemble, comme Conseil des ministres du Québec, on prend ces pouvoirs et on les transfère au Conseil du trésor. De quels pouvoirs s'agit-il? Il s'agit de la volonté que des établissements du réseau ont d'acquérir, d'aliéner des immeubles, de procéder à des immobilisations. Jusqu'à ce jour, sous tous les gouvernements qui ont précédé l'actuel gouvernement libéral, la ou le ministre de la Santé et des Services sociaux prenait le dossier en main et il posait les questions nécessaires pour bien le comprendre et, ensuite, lorsqu'il était d'accord avec le dossier, il allait au Conseil des ministres pour bien sensibiliser l'ensemble des membres du Conseil des ministres qui représentent différentes régions du Québec, différentes sphères d'activité de l'organisation de notre vie en société pour bien les sensibiliser et les associer à une décision visant à dire oui ou non à un établissement qui voulait construire, aliéner un immeuble, acquérir un immeuble, ou procéder à des immobilisations. Cela faisait en sorte que les établissements du réseau étaient défendus par leur ministre de la Santé et des Services sociaux et que, de plus, ils étaient certains que le Conseil des ministres était sensibilisé à ces questions importantes d'acquisition, de rénovation d'immeuble, d'immobilisation dans les mandats qui leur ont été donnés pour mieux servir la population.

Ce que le projet de loi 142 nous dit à cet égard, c'est que cette responsabilité ne sera plus celle de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Elle ne sera plus celle des membres du Conseil des ministres, mais bien celle du Conseil du trésor. C'est, pour nous, la consécration définitive, déjà bien amorcée et vraiment définitive de la tutelle de la ministre de la Santé et des Services sociaux par le président du Conseil du trésor. On l'a vu dans les coupures aux différents programmes de santé, les fermetures de lits et les abolitions de postes depuis quelques mois. On l'a vu dans le programme de soins dentaires dans lequel on coupe de 8 000 000 $ à 20 000 000 $, sur le dos des enfants du Québec.

Par ce projet de loi, on s'aperçoit que ce sont les tentacules du président du Conseil du trésor qui en prennent un morceau additionnel et qui font que pour l'essentiel, finalement, la ministre de la Santé et des Services sociaux sera maintenant sous la tutelle du président du Conseil du trésor; à un point tel que les

dispositions du projet de loi 142, sur ces questions, prévoient que, si jamais, un jour, le président du Conseil du trésor accepte de reconnaître qu'il s'agit là de questions qui relèvent de la ministre de la Santé et des Services sociaux, peut-être acceptera-t-il de redéléguer une partie de ses pouvoirs à la ministre de la Santé et des Services sociaux, à partir d'un cadre précis et d'obligations très formelles qu'il lui fera quant au respect des dispositions prévues au projet de loi 142. Or, nous disons que cela doit faire l'objet d'un projet de loi distinct qui doit être rediscuté avec l'ensemble des intervenants du réseau. Là aussi, il a reçu un désaccord formel de l'Association des hôpitaux du Québec.

Finalement, ce projet de loi à caractère un peu plus administratif, même si les conséquences sont aussi lourdes pour d'autres raisons, comprendrait aussi des dispositions sur les conflits d'intérêts. Là, on doit commencer à s'interroger un peu sur les volontés réelles de la ministre. Cela fait déjà un bon nombre de discours dans lesquels la ministre de la Santé et des Services sociaux évoque ses préoccupations quant aux conflits d'intérêts possibles pour les membres des conseils d'administration des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Elle a posé un certain nombre de gestes sur le plan administratif, eu égard à ces questions. Elle a inclus dans la loi 74 ou 75, au mois de juin dernier, différents éléments traitant des conflits d'intérêts dans les conseils d'administration des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Aujourd'hui, elle nous arrive avec un autre chapitre concernant encore une fois les conflits d'intérêts pour les membres des conseils d'administration dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux. J'avoue qu'on est sur le point de demander à la ministre de faire le point une fois pour toutes sur ces questions. Qu'elle fasse donc état une fois pour toutes de ses préoccupations des cas qu'elle voit ou qu'elle a peut-être observés au fil des ans dans le secteur de la santé et des services sociaux. On souhaite qu'un jour ou l'autre la ministre finisse par faire le point sur ces questions de façon globale, complète et définitive pour qu'on sache quelles sont ses réelles tracasseries sur ces questions.

En même temps que la ministre nous fait adopter ses petits bouts de chapitres concernant les conflits d'intérêts possibles dans les conseils d'administration, elle fait beaucoup de nominations aux conseils d'administration. Plusieurs nominations.

Une voix: Oui. On a vu ça.

M. Rochefort: Cet été, elle a fait des nominations dans l'ensemble des conseils d'administration d'à peu près 900 établisse- ments du réseau de la santé et des services sociaux. J'avoue, quand on dépose des projets de loi et qu'on dit qu'il faut adopter des mesures très strictes, très rigides, plus complètes que celles que nous possédions eu égard aux conflits d'intérêts possibles des membres des conseils d'administration, que l'on se demande si, là aussi, ce n'est pas encore le double discours. (2 heures)

Je fais adopter des dispositions pour pouvoir tenir un discours comme quoi c'est bien couvert, mais les dispositions que l'on fait adopter ne correspondent pas toujours. Je ne parle pas de tout le monde, M. le Président, loin de là; je parle d'un certain nombre d'inquiétudes que nous avons eues et que bon nombre d'intervenants du réseau de la santé et des services sociaux ont eues, à voir arriver certains hommes et certaines femmes à la tête de conseils d'administration à partir des nominations de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Là, on commence à s'interroger et on aura certaines questions à poser à la ministre à l'occasion de l'étude article par article du projet de loi, parce qu'il faut qu'une fois pour toutes elle fasse le point là-dessus et qu'elle établisse une corrélation directe entre ces dispositions législatives qu'elle nous fait voter chaque saison ou presque et les nominations qu'elle fait. On dénote, disons donc, pour le moins une absence de cohérence totale et complète entre les nominations qu'elle fait et les dispositions qu'elle souhaite voir adopter, eu égard à ces questions.

Or, M. le Président, en conclusion, nous souhaitons effectivement deux projets de loi: un projet de loi sur les questions linguistiques qui doit absolument être reporté en même temps, du même coup, au printemps prochain, parce qu'il n'y a pas urgence, parce qu'aussi il faut que la ministre aille faire des consultations publiques, au grand jour, au vu et au su de tous, pour faire en sorte qu'on en arrive à un projet de loi qui est non pas une passoire au plan linguistique et non pas un désaveu de ce qui a été fait jusqu'à aujourd'hui en matière de services de santé et de services sociaux aux minorités culturelles du Québec et à la minorité anglophone du Québec, mais bien plus un projet de loi qui permettrait de poursuivre le travail fort bien réalisé jusqu'à aujourd'hui et fort satisfaisant, eu égard à ces questions. Cela, non pas en serre chaude, en cachette et à la sauvette, dans la précipitation et l'improvisation, mais au grand jour, en prenant le temps qu'il faut pour faire en sorte que l'on sorte de là avec un projet de loi qui n'est pas farci de trous, mais qui ne va pas au-delà du discours et qui fait en sorte que l'on peut faire un pas réel de plus et non pas des pas de géant dans la volonté réelle de ce gouvernement

d'angliciser le Québec.

Deuxièmement, un projet de loi qui reprendra les dispositions plus administratives eu égard à la tutelle que le président du Conseil du trésor veut voir définitive sur sa collègue, la ministre de la Santé et des Services sociaux, et eu égard aux conflits d'intérêts dans les conseils d'administration dans le monde de la santé et des services sociaux. Même si on n'est pas d'accord avec l'ensemble de ces dispositions, sûrement pas avec celles traitant de la mise en tutelle définitive de la ministre de la Santé et des Services sociaux par le président du Conseil du trésor, on serait prêts à collaborer pour permettre au gouvernement, si tel est son désir, d'adopter son projet de loi avant le 19 décembre prochain, même si nous aurions là aussi des amendements à apporter et des représentations à faire pour améliorer le projet de loi et faire en sorte que l'on aide peut-être la ministre de la Santé et des Services sociaux à sortir du joug et des tentacules du président du Conseil du trésor.

Voilà, M. le Président, des motifs concrets, positifs, constructifs, visant à scinder le projet de loi 142 en deux projets de loi distincts pour permettre à l'ensemble des Québécois et des Québécoises de pouvoir voir un projet de loi respecter ce qui se fait, respecter les volontés du Québec et respecter l'ensemble des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux. Je vous remercie.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, il y a un an et quelques jours, je siégais pour la première fois à cette Assemblée nationale et le premier discours que j'avais à entendre était celui de Mme la vice-première ministre qui, de la voix suave qu'on lui connaît, avec ce sourire jovialiste qui la caractérise, nous parlait de lois improvisées, de lois mal rédigées, nous disait qu'il n'était plus question, au plus grand jamais, au Québec de rédiger des lois omnibus, des lois où il y avait tout là-dedans, que tout était pour être d'une étonnante limpidité et d'une extraordinaire clarté dans les lois que nous apporterait le nouveau gouvernement du Parti libéral.

On était pour légiférer peu et on était pour légiférer mieux. Un an et quelques jours après, je dois lever mon chapeau et la saluer, ils ont effectivement bien réussi à légiférer peu. Quand on regarde le régime Metrécal législatif qu'ils nous ont servi, effectivement, ils ont peu légiféré. Oh, coïncidence, M. le Président, ils ont peu légiféré surtout dans des domaines qu'ils n'avaient pas abordés! Dans les domaines où en campagne électorale il n'y a pas eu d'enjeu, là, on légifère. Est-ce qu'on légifère mieux, M. le Président? La question se pose.

Je vous remercie, M. le Président, d'imposer l'ordre aux gens d'en face qui ont toujours tendance à ne pas respecter le droit de parole de l'Opposition. Donc, légiférer mieux, soi-disant, mais "mieux" intervient sur des projets de loi dont il n'a jamais été question. On était pour consulter et être à l'écoute.

Ce matin, d'ailleurs, dans un discours où elle nous faisait part de sa grandeur d'âme, la ministre balayait une partie des gens qui, normalement, au Québec, sont ceux que l'on consulte. Elle avait réussi à les ramasser dans une injure dont elle seule a le secret. Elle disait: Vous savez, ces intellectuels rêveurs! Quel mépris envers les élites d'une société que de traiter les gens d'intellectuels rêveurs! Les intellectuels rêveurs ont bien répondu au projet de loi 142 que nous présente la ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Lavoie-Roux, en se disant tous et chacun unanimement contre le projet de loi qu'elle nous présente, lui demandant même d'y surseoir. Mon collègue de Laviolette a bien donné la définition du mot "surseoir" qui est d'interrompre le cours, arrêter, reprendre. C'est facile à "gober", je pense, une explication aussi simple que celle-là; c'est très facile, le député de Lafontaine le sait bien. Mais, on ne l'a pas fait.

On nous est arrivé avec un projet de loi qui porte sur deux sujets. Autant la vice-première ministre que la ministre de la Santé et des Services sociaux avouent donc qu'il s'agit d'un projet de loi omnibus. Il ne faut pas nous prendre pour des valises sous prétexte qu'on est 23, au contraire. On se rend bien compte de ce qui se passe officiellement en face et l'on se rend bien compte de ce qui se passe officieusement en face.

Ce projet de loi a deux portées, M. le Président. Il a une portée linguistique très importante dont il ne faut pas sous-estimer les répercussions sur l'avenir de la francophonie québécoise et une autre partie qui a des dimensions d'ordre administratif, d'ordre financier qui relève du président du Conseil du trésor, le mal aimé ou le malentendant peut-être du Conseil des ministres puisqu'il semble qu'aucune des recommandations et qu'aucun des commentaires des gens qui l'entourent dans cette soucoupe planétaire, sous le bunker, ne soit écouté. Il semble que personne n'écoute les revendications que peuvent poser de façon souvent très légitime et avec beaucoup d'intelligence des ministres comme le ministre de l'Éducation qui avait pourtant la réputation d'être un social-démocrate, la ministre de la Santé et des Services sociaux, la ministre déléguée à la Condition féminine et même le ministre des Relations

internationales à qui l'on a coupé les budgets d'une façon - on va employer un terme médical puisqu'on est en santé - drastique.

Donc, M. le Président, on est en train de nous présenter un projet de loi très mal rédigé. Au départ, comme le dit en perroquet ou en porte-à-faux, parce que cela ne peut pas être un porte-voix, l'honorable collègue de Lafontaine qui s'excite dans le fond de la salle malgré l'heure tardive et le sérieux dont ces propos devraient s'entourer, ils sont en train, d'une part, de démentir la vice-première ministre quand elle faisait le long énoncé de début de session en remplacement du député de Bertrand qui avait été défait à l'élection du 2 décembre et qui a dû attendre qu'une porte - comment appelle-t-on ce bois que l'on défonce facilement et qui ne blesse pas dans les films? -en balsa s'ouvre dans le comté de Saint-Laurent, porte très facile à enfoncer pour entrer quand on veut venir à l'Assemblée nationale. (2 h 10)

M. le Président ou M. le leader adjoint, est-ce que vous pouvez lui demander de... s'il vous plaît? Je vous remercie. Donc, la porte en balsa du comté de Saint-Laurent a été très facilement défoncée par le premier ministre au nom duquel Mme la vice-première ministre nous faisait part des belles et pieuses intentions du nouveau gouvernement. La vertu se retrouvait de ce bord, la tarte aux pommes est en train de cuire et, finalement, on était débarrassé de ces rêveurs intellectuels que nous étions supposés être parce que nous pratiquions la concertation nous, M. le Président. On était débarrassé de ces gens et maintenant tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais le meilleur des mondes, aujourd'hui, on voit ce que cela donne.

On a le projet de loi 142 qui est double, je vous le répète, avec un premier volet... J'allais dire "violait". Mon Dieu, quelle explication psychologique au lapsus! Avec comme premier vol ou "viol", puisque c'est le terme qu'il faut véritablement employer... Les lapsus, je vous l'ai dit, ont toujours des racines psychologiques très profondes et ils nous sont toujours suggérés par les agissements des gens d'en face. M. le Président, avec un premier volet, là, on dit: II y aura des services en langue anglaise pour ceux qui ne sont pas d'expression française.

On a fait cela sans débat. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux a reçu un télégramme. Les établissements du réseau de la santé et des services sociaux s'y refusent carrément. Elle a même essayé de les rencontrer pour les faire changer d'idée, M. le Président, et cela a été peine perdue de sa part. Ce sont des gens qui connaissent leur métier, des gens qui vivent sur le terrain quotidiennement et des gens qui voient très bien ce qui se passe dans le champ. Vous savez, les nuages du Complexe G peuvent parfois nous couper de la réalité de ce qui se passe à terre et surtout le manque d'éclairage de la salle planétaire du "bunker" peut, également empêcher de voir ce qui se passe à l'intérieur. Ces gens lui ont signifié un non catégorique.

Un projet de loi d'importance qu'on ose même nous présenter à 2 h 15. Est-ce qu'ils ont peur de venir en discuter en pleine clarté et non pas à la noirceur? Est-ce qu'ils ont peur de faire un débat là-dessus? Accepteraient-ils une invitation à venir faire un débat là-dessus? On va choisir un des plus beaux petits coins de pays qui puisse exister au Québec. On va faire un débat là-dessus dans le comté de Saint-Jacques, à la salle du Plateau, dans le parc Lafontaine. Je vais inviter ma collègue, l'affable députée de Vachon, à venir faire ce débat avec moi, quoique je préférerais avoir Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Au lieu de fréquenter les cocktails de Saint-Jacques, elle pourrait peut-être venir voir les gens de Saint-Jacques et on pourrait discuter avec les gens des établissements de santé et ceux des CLSC de mon comté. On pourrait parler avec les gens du CLSC centre sud, contre lequel elle portait en commission, il y a quelques heures, de très graves accusations -je ne les révélerai pas aujourd'hui, mais on reprendra le débat avec elle - et du CLSC centre-ville qui offre des services à nos compatriotes d'une autre langue que l'anglais, des services en français et des services dans leur langue. Ils reçoivent des services en espagnol, ils en reçoivent même de leur député, en espagnol. Le CLSC centre-ville donne des services à cause de la présence du quartier chinois...

Une voix: Olé!

M. Boulerice: Olé! Oui, effectivement, dans quelques mois, pour vous, ce sera "Olé!" et "bye-bye"! Au CLSC centre-ville, il y a une population d'origine chinoise qui reçoit des services dans sa langue. Avec le projet de loi que nous présente Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, le visage français de Montréal, cela va être du contre-plaqué, cela va être du faux plâtre, cela va être un trompe-l'oeil. À quoi cela va-t-il nous servir d'avoir un affichage et de donner un maquillage français à Montréal si on commence tranquillement à habituer ces gens en leur disant: Écoutez, vous êtes malades, nous sommes désolés, mais le traitement est en anglais? Il n'est pas en français et il n'est même pas dans votre langue. Seuls, nous sommes capables de bien vous servir, seuls, nous sommes capables de mettre le plâtre ou le cataplasme dans votre langue, parce que c'est nous, les établissements anglophones, qui allons faire cela. C'est la

création d'un deuxième réseau et d'un réseau parallèle, et c'est surtout - ce qui est pire encore - nier la compétence des établissements de santé de langue française au Québec, qui, depuis des années, font des efforts considérables pour donner dans les langues d'origine des services aux communautés.

On l'a fait en éducation. Le programme PELO, ce ne sont |ias les gens d'en face qui ont fait cela (programme d'enseignement des langues d'origine). Si dans mon quartier les jeunes Portugais de première, deuxième et troisième génération d'arrivée au Québec réapprennent la langue de leur père et nous font bénéficier de leur culture, c'est une mesure adoptée par le gouvernement du Parti québécois et non par les gens d'en face. Qu'est-ce qu'ils ont fait, eux? Ils n'ont rien fait à ce sujet.

Maintenant on nous présente cela pour des raisons humanitaires. Cela ressemble à certains journaux - il y en avait deux à l'époque; aujourd'hui il n'en reste plus qu'un - à certains articles d'éditorialistes ou à une presse électronique qui, le 16 novembre 1976, au matin, cherchaient dans les rues de Westmount le sang qui coulait, cette pauvre minorité anglophone égorgée, assassinée. Un peu plus, on était au Congo et nos autobus étaient remplis de Lumumba. Ce matin-là, j'ai pris l'autobus 63 qui descend Côte-des-Neiges et c'était plein de mes compatriotes anglophones de Montréal qui continuaient d'aller travailler chez Eaton, Ogilvy's et à n'importe quel autre type d'entreprises. Il y en a qui venaient travailler en français dans Saint-Jacques. Je pense que même ceux qui sont retournés le soir chez eux sont retournés en excellente santé, du moins la même qu'ils avaient lorsqu'ils ont quitté la maison le matin.

Le texte de loi qu'on nous présente actuellement va faire qu'en définitive ce gouvernement ne tient pas compte du contexte québécois, un contexte qui est délicat, un contexte dont les équilibres sont délicats et qui permet au français de s'y épanouir encore plus lorsqu'on lui donne les mesures auxquelles il a droit. Mais on préfère adopter à la vitesse et à la sauvette un projet de loi omnibus, à deux volets, en pleine nuit, en pleine noirceur. Le whip adjoint du Parti libéral déjà avoue de façon très honnête, qu'ils font cela en pleine nuit.

Une voix: Qestion de règlement. Whip en chef!

Le Vice-Président: Ce n'est pas une question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: C'est vrai qu'il ne m'appartenait peut-être pas d'apprécier son travail et de prendre une décision qui appartient au premier ministre, je m'en excuse. Donc, voilà qu'on va l'adopter effectivement en pleine nuit, à deux heures vingt minutes, en cachette et à la noirceur, sans avoir engagé les discussions et sans avoir été capable d'expliquer très clairement au vu et au su de tous qu'il existe au Québec, pour ce qui est des soins de santé aux communautés, de graves problèmes et un état d'urgence. (2 h 20)

On nous a fait le coup de Beyrouth-Ouest et de la médecine de guerre pour les urgences. Là, il pouvait peut-être y avoir une question d'urgence mais quand on regarde les résultats aujourd'hui - je suis bien placé pour les vivre dans deux des plus importants hôpitaux de Montréal, soit Notre-Dame et Saint-Luc, centres universitaires d'ailleurs tous les deux - je pense qu'il y a des urgences dont la ministre des Affaires sociales devrait s'occuper au lieu d'essayer de nous faire croire que le projet de loi 142 qu'elle nous présente revêt un caractère d'urgence tel qu'il faut tout suspendre à l'Assemblée nationale, qu'il faut apporter sac de couchage et thermos de café et passer une nuit complète et entière ici pour discuter d'un projet de loi très mal fait, très mal écrit, qui passe à côté, qui a trois, quatre, cinq ou dix volets qui n'ont absolument rien à voir avec le fond de la question, mais qu'elle aimerait bien voir adopter aujourd'hui parce que des discours ont été faits là-dessus géographiquement, dans des endroits bien localisés du Québec.

Par contre - je suis bien placé pour vous en parler ayant passé plus d'une année et demie, tous les jours, dans les rues de mon comté - c'est drôle, je n'ai jamais entendu un candidat du parti d'en face ou d'autres partis, discuter d'un problème comme celui-là et me tracer un portrait tel de la réalité que j'aurais pu arriver ce soir à l'Assemblée et dire: Écoutez, vous avez raison, c'est vrai, il y a urgence; il y a des gens qui n'ont pas de services, il y a des gens qui n'ont pas de soins, il y a des gens dont la vie est menacée parce qu'ils ne peuvent s'exprimer dans l'une des deux langues du Québec, le français ou l'anglais. En effet, s'ils ne les parlent pas... ce que semble faire un peu trop le député de Notre-Dame-de-Grâce, à qui je demanderais de bien vouloir faire silence dans cette Chambre. C'est une élémentaire politesse que nous lui rendons avec beaucoup de plaisir, mais il ne semble pas y avoir réciprocité. Il se pense peut-être encore en commission des institutions avec ses humeurs changeantes; il y a aussi des humeurs changeantes de l'autre côté. Personne n'est venu, M. le Président, depuis un an et demi, me dire qu'il y avait urgence à faire cela. S'il n'y pas urgence à faire cela...

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Saint-Jacques, j'ai un rappel au règlement. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: II ne serait peut-être pas bête qu'on réexplique au député de Saint-Jacques qu'il est à parler sur une motion de scission et non pas sur la motion de report qu'on a discutée tout à l'heure. Il parle d'urgence; alors, il serait peut-être bon qu'il change de dossier ou de feuilles, de points de repère. On est sur la motion de scission, j'aimerais bien qu'on le ramène à la pertinence.

Le Vice-Président: En, effet, M. le député de Saint-Jacques, je voudrais vous faire part que, depuis quelques moments, vous êtes plutôt, à mon point de vue, sur le fond même du projet de loi 142, alors qu'actuellement nous en sommes au débat restreint sur la motion de scission. Vous devez m'expliquer ou expliquer à l'Assemblée les raisons pour lesquelles vous êtes en faveur de la scission du projet de loi et non pas parler sur le fond même du projet de loi, lequel débat se poursuivra à une autre occasion. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Vous m'avez enlevé les paroles de la bouche, M. le Président, mais je ne vous en voudrai pas; vous connaissez le respect que j'ai envers votre personne. Je suis en faveur de la motion de scission parce que la loi n'est justement pas pertinente, M. le Président, elle n'est pas pertinente!

La loi touche deux volets complètement distincts l'un de l'autre: il y a des services à donner à une population dans des établissements et il y a des règles administratives, qui existent au niveau des conseils d'administration ou qui relèvent du Conseil du trésor, s'il s'agit d'engagements financiers. Si l'on se fie à la logique exprimée par la vice-première ministre du Québec, la no 2 du gouvernement, le projet de loi doit être "scindu" parce qu'il touche...

Des voix: Ha! Ha!

M. Boulerice: Oui, oui, "scindu", c'est le terme qu'il faut employer.

Une voix: Scindé.

M. Boulerice: Le gouvernement ne peut pas se ceindre d'un tel projet de loi, M. le Président, ce serait indécent. Ce ne serait sûrement pas une couronne à porter pour lui, un projet de loi aussi mal rédigé. C'est donc en contradiction avec l'énoncé gouvernemental quant aux nouvelles façons de légiférer au Québec. S'ils ont pris le temps d'écrire un texte, dont la ministre n'est pas sortie une seconde d'ailleurs quand elle nous l'a livré à l'ouverture de la première session, à ce moment-là, qu'on prêche par l'exemple et qu'on nous présente un texte de loi qui soit en conformité avec ce grand énoncé de politique qu'elle nous a lancé, drapée dans le manteau de la virginité, en nous disant: Ce sera maintenant comme ça. Ce n'est pas comme ça qu'on nous présente les projets de loi. Celui qu'on a actuellement, le projet de loi 142, doit être scindé de façon que les deux parties du texte puissent être mises en consultation auprès des gens du milieu.

Il y a peut-être certains milieux que les gens d'en face aiment consulter, mais, quant à nous, quand on parle du mot "milieu", on s'entend bien pour dire que ce sont les gens directement concernés. Qu'on vienne chez moi parler aux gens du Carrefour latino-américain pour savoir s'ils en veulent. Qu'on vienne ensuite en parler aux gens du CLSC centre sud, à qui ils sont en train de dire qu'ils font mal leur travail. Qu'ils prennent le temps de venir faire ça et après on en rediscutera s'ils jugent encore à propos, surtout opportun, mais d'abord et avant tout pertinent de présenter un nouveau projet de loi 142. Merci.

M. Vallières: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le whip du gouvernement.

M. Vallières: J'aurais une question à adresser au député de Saint-Jacques, s'il me le permet.

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Jacques, est-ce que vous consentez à ce que le whip du gouvernement vous adresse une question? Est-ce que vous y consentez?

M. Boulerice: Saint-Jacques n'a rien à cacher, M. le Président.

Le Vice-Président: Très bien. Je dois vous rappeler que cette question doit être brève et que la réponse doit être également très brève.

M. Vallières: Puisque le député de Saint-Jacques appuie la motion de scission, j'aimerais qu'il nous indique laquelle de ces deux parties de motion il compte appuyer? Quelle partie du projet de loi qui est scindé compte-t-il appuyer? Qu'il nous dise sur laquelle il est d'accord.

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Jacques.

Des voix: Ha! Ha!

M. Boulerice: Je n'ai jamais dit que j'appuierais une des deux parties. Je leur ai

dit d'aller refaire leurs travaux; ils sont mal faits. Quand ils reviendront, on verra.

Des voix: Ah bon!

Le Vice-Président: Très bien. Je cède maintenant la parole au leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de résumer en quelques phrases ma position sur cette motion de scission du projet de loi. D'abord, vous me permettrez de dire que, tel que rédigé, ce projet de loi, à sa face même, indique qu'il touche à deux choses nettement différentes. Parler de conflits d'intérêts et parler de changement d'autorité de la ministre de la Santé et des Services sociaux par rapport au Conseil du trésor, ce sont deux choses qui font partie du contexte administratif. Par ailleurs, parler de l'accessibilité aux soins en langue anglaise, c'est une chose qui peut être traitée complètement seule. À mon point de vue, c'est une erreur que de l'avoir imprimé de cette façon, parce qu'il ne permet pas un débat correct. On est obligé de mêler deux dimensions et je pense que cela brouille les cartes.

C'est pour cette raison fondamentale que, personnellement, je suis pour la scission. Je suis aussi pour la scission parce que le projet de loi, tel que libellé, à mon point de vue, prête à interprétation en ce sens qu'il laisse sous-entendre qu'au moment où on se parle il n'y aurait pas de services en langue anglaise. Je trouve dommage qu'il soit rédigé de cette façon. C'est donner une fausse impression d'un projet de loi. Le législateur ne doit pas parler pour ne rien dire. Il doit être clair. Il doit être limpide. (2 h 30)

Personnellement, ayant occupé le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux, j'ai toujours été d'une grande clarté avec quelque groupe que ce soit. Nulle part en Amérique du Nord ailleurs qu'au Québec, l'on ne retrouve autant de services que ceux qui sont donnés à notre minorité anglophone. Et voici qu'on essaie, par ce projet de loi, d'intéger les communautés allophones à la minorité anglophone du Québec. Cela m'apparaît une autre erreur fondamentale pour un coin de pays qui veut demeurer francophone dans cette mer nord-américaine anglophone.

M. le Président, je regrette qu'on laisse sous-entendre ces choses par les textes. Je le regrette fondamentalement, parce qu'à mon point de vue cela fausse le débat et je ne trouve pas cela correct.

Tout au long de mon règne au ministère de la Santé et des Services sociaux, j'ai toujours fortement appuyé sur le droit de l'individu. Je me suis toujours dit cependant que tout cela pouvait s'opérer par voie administrative. Pourquoi ai-je dit que cela devait s'effectuer par voie administrative? Parce que le Québec change de visage dans certains coins. H y a des régions qui étaient à 60 % anglophones il y a quelques années et qui sont à 40 % anglophones présentement. C'est la minorité francophone d'alors qui est devenue une majorité francophone. Je crains que dans certains milieux on ait l'inverse en tant que problème. Ce serait difficilement corrigeable des textes législatifs, alors que sur le plan administratif, d'une façon souple, d'une façon correcte, on peut spontanément, en l'espace d'une semaine au Conseil des ministres, modifier par décret des choses et faire en sorte de donner des directives ou d'émettre des décrets pour que l'on procède de telle et telle façon.

À mon point de vue, cela se fait, M. le Président. D'autant plus que dans le texte de loi je me rends compte que l'on parle de partage d'argent. Là encore dans les établissements ou dans les institutions, c'est extrêmement pénible. J'ai eu à vivre le partage entre VM et MM et j'explique que c'est le CSS Ville-Marie et le CSS Montréal métropolitain. J'avais demandé une étude et d'ailleurs je demanderai à la ministre demain, concernant mon énoncé sur le fond, de déposer les études qu'ils ont faites quant à la budgétisation des structures en place. Ce n'est pas toujours facile quand il y a des notions de territorialité et des notions linguistiques, puis qu'il y a des notions de conception de travail qui peuvent être différentes d'un organisme, d'une institution à une autre quand il s'agit de budgétiser.

Depuis longtemps on me criait sur tous les toits que le CSS Ville-Marie était surbudgétisé par rapport au CSS Montréal métropolitain. Malheureusement, les élections sont arrivées et je ne sais pas si l'étude a été remise à la ministre, mais on n'a pas eu d'étude sur ce point. Mais cela m'apparaîtrait important. Si jamais le rouleau compresseur passait et, la voix du nombre parlant, ce projet de loi était adopté tel quel, je suis persuadé, M. le Président, qu'on risquerait d'avoir des injustices monumentales.

Au Québec présentement on n'a pas le droit de se payer ce type d'injustice, sous prétexte que l'on règle des problèmes temporaires. J'ai eu à vivre des expériences et personnellement je suis un de ceux qui rencontraient régulièrement le comité des allophones, comité des allophones, d'ailleurs, auquel j'avais octroyé une subvention de 40 000 $, précisément pour qu'il se penche lui-même sur des politiques d'accessibilité aux services sociaux et aux services de santé, M. le Président. On ne me fera pas accroire que la mère haïtienne qui réside

dans tel quartier n'aimerait pas recevoir ses services dans sa langue. À mon point de vue, en ce qui concerne la politique d'embauche, favoriser l'engagement d'allophones qui peuvent traiter dans leur propre langue, ce serait une mesure carrément supérieure à ce que l'on vise par le projet de loi. C'est la même chose pour les italophones et pour les Portugais.

On peut, par des mesures administratives et avec une volonté politique, en arriver à présenter des politiques d'embauche, des politiques de rétention de personnel allophone à l'intérieur des structures, pour permettre la plus grande accessibilité. Bien souvent, ce qui manque présentement, en particulier auprès des personnes âgées allophones qui ne maîtrisent ni le français ni l'anglais, c'est qu'elles n'iront pas nécessairement chercher les services sociaux et les services de santé sous prétexte qu'elles ne sont comprises par personne. Je l'ai vécu ce problème et je suis profondément touché par ces situations auxquelles on a à faire face. C'est inconcevable que l'on ne puisse pas assurer dans leur langue, en particulier - je ne parle pas des jeunes qui peuvent s'intégrer à la communauté - aux personnes âgées, le droit d'avoir des services de qualité. Je suis l'un de ceux qui favorisent beaucoup la formule par le biais administratif. Je ne me suis pas démenti là-dessus.

J'écoutais le député de Fabre citer tantôt des extraits de déclarations que j'ai faites; je m'en suis toujours tenu à la dimension administrative, autant devant Alliance Québec qu'avec les groupes d'allophones. J'avais la conviction que je pouvais y arriver, M. le Président, comme ministre, à l'époque, parce que je considérais que ces formules sont souples et qu'elles tiennent compte des réalités et des situations mouvantes. Il y a des populations qui changent de place en l'espace d'un rien de temps. Je prends par exemple l'est de Montréal où l'on sait qu'il y a actuellement une forte concentration d'allophones. Les CLSC, à ce moment-là, n'ont peut-être pas le même visage qu'ils devraient avoir, ils n'ont peut-être pas le visage qu'ils devraient avoir et qu'ils avaient il y a à peine deux ou trois ans. Il y a eu des explosions de développements domicilaires et je pense qu'il nous faut tenir compte de ces réalités.

Je ne veux pas prolonger le débat à cette heure, M. le Président. J'aurai l'occasion de revenir sur le fond et j'espère que ma contribution permettra qu'on ait bien en tête, pour un, mon objectif fondamental qui est de permettre dans ce Québec à visage français que les droits individuels soient protégés, mais qu'on permette, avec cette ouverture vis-à-vis des allophones, qu'ils puissent recevoir les services dans leur langue par des politiques et par l'accentuation de la mise sur pied de programmes. Je pense que même les groupes d'allophones sont prêts présentement à faire des recommandations précises pour pallier ces lacunes existantes. C'est là-dessus qu'on devrait davantage axer nos débats.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, on a eu à débattre tout à l'heure une motion de report qui visait strictement à gagner du temps et à reporter le débat à plus tard, car on n'ose pas, évidemment, débattre le fond pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure.

On a à faire face au même genre de débat lorsqu'on nous présente une motion de scission qui vise essentiellement, lorsqu'elle a sa raison d'être, à diviser en deux un projet de loi qui contient deux principes qui sont les énoncés qu'on retrouve aux articles 205 et suivants de nos règlements.

Le projet de loi 142, M. le Président, contient un principe fondamental, le droit pour une personne d'expression anglaise de recevoir des services de santé dans sa langue. Le reste n'est que de l'accessoire qui ne contredit pas le principe que je viens d'énoncer et qui ne constitue pas non plus un autre principe que celui auquel je viens de faire allusion. Je m'appuie sur les notes explicatives du projet de loi 142 qui énoncent le principe et qui, quant au reste, disent tout simplement que le projet de loi vise à modifier des dispositions de la loi, donc à modifier ce qui existe déjà - il n'y a pas de nouveau principe - et également à assouplir des règles, particulièrement quant aux conflits d'intérêts. Il n'y a donc qu'un nouveau principe, qu'on veut inclure dans la loi sur les services de santé, et c'est celui qui veut que toute personne d'expression anglaise puisse recevoir des soins dans sa langue et rien d'autre.

J'ai particulièrement été impressionné, M. le Président, par les propos du leader de l'Opposition et je tiens pour acquis que, s'il est logique avec lui-même, il se rappellera d'abord ce qu'il a dit dans le passé et il se rappellera ce qu'il a dit il y a à peine 15 ou 20 minutes, à savoir que, dans les faits, il existe déjà au Québec des services de santé donnés en anglais. Ce qu'on veut, par le projet de loi 142, c'est strictement reconnaître, par une loi ce qui existe effectivement dans les faits. Si le leader de l'Opposition est conséquent avec lui-même, je tiens pour acquis qu'il devra nécessairement approuver le projet de loi 142 ou faire une entourloupette ou une pirouette comme celle qu'il a déjà faite et que le député de Fabre lui a d'ailleurs rappelée ce soir, à savoir que

lui, tout comme le chef de l'Opposition, au cours de l'année 1985, a, à plusieurs reprises, consacré le principe que l'on retrouve dans le projet de loi 142, à savoir que la communauté anglophone devrait avoir droit à des soins de santé dans sa langue. On a eu évidemment droit à une autre version particulièrement assez troublante, ce soir, par le chef de l'Opposition. Je dois reconnaître chez le leader de l'Opposition un peu plus de franchise et j'ose espérer que cela se traduira de façon concrète lorsqu'il abordera le débat de fond.

M. le Président, évidemment, la motion de scission est mal fondée. On la présente à l'Assemblée nationale ce soir parce qu'on est mal à l'aise de discuter du fond du débat. On est mal à l'aise parce que, comme je viens de le dire, dans le passé on a dit exactement le contraire de ce que l'on s'apprête à dire. Lorsqu'en campagne électorale on voulait flirter avec la communauté anglophone, on ne s'est pas gêné pour lui dire: On prendra soin de vous, mes chers amis, on vous donnera ce à quoi vous avez droit. Autrement dit, on vous donnera ce que contient le projet de loi 142. À partir du moment où ces gens se retrouvent dans l'Opposition, dans le but de se bâtir un capital politique en déplaçant encore une fois le sujet qui est de tenter de faire un débat linguistique autour d'un problème strictement de services de santé, ils sont obligés de se contorsionner et de dire le contraire de ce qu'ils ont dit à plusieurs reprises par plusieurs porte-parole qui n'étaient pas les moindres dans le parti de l'Opposition. Je fais référence au chef de l'Opposition et également au leader de l'Opposition.

Vous savez, M. le Président, lorsque j'ai entendu le député de Saint-Jacques faire référence au fait que l'on débattait à 2 h 30 du matin le projet de loi 142, c'est vraiment là que j'ai compris qu'il ne savait pas exactement ce qu'il faisait. Il parlait sur une motion de scission et j'ai eu l'impression qu'il se croyait sur le fond du débat. Depuis 20 heures, hier soir, il y a eu à peine deux heures de débat sur le fond. Tout le reste a été des moyens dilatoires, j'ai eu l'occasion de le mentionner tout à l'heure: motion de report, motion de scission.

Évidemment, la population saura juger sévèrement l'Opposition. D'ailleurs, c'est fait, on a eu l'occasion de le voir lors du dernier sondage. Ces gens-là ne sont pas sérieux. Ces gens-là ne visent qu'à obstruer les travaux parlementaires de façon systématique. Cela se fait en commission parlementaire et cela se fait également dans les travaux de la Chambre. La population saura leur rappeler à un moment donné qu'une Opposition doit jouer un râle beaucoup plus positif, doit viser à améliorer la législation et non pas à obstruer de façon constante et systématique, sans raison, les travaux de l'Assemblée nationale.

M. le Président, à ces gens qui manquent de courage, à ces gens qui manquent de cohérence, à ces gens qui manquent de jugement, qui n'ont aucun respect des engagements qu'ils ont pris dans le passé - peu importe de quel dossier l'on discute, c'est toujours la même attitude - je dis ceci: Dès cet après-midi on aura l'occasion de voter sur la motion de scission et c'est bien évident que l'on votera unanimement contre cette motion, de sorte que l'on puisse - je pense que c'est pressant - débattre du projet de loi 142 qui n'est qu'un moyen de donner à une population qui y a droit des soins de santé dans sa langue. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Ceci met fin au débat sur la motion de scission présentée par M. le député de Taillon. Nous devons procéder à la mise aux voix de cette motion. Le vote sera reporté comme un vote enregistré à demain, pardon, à la prochaine période des affaires courantes.

Sur ce, l'Assemblée nationale ajourne ses travaux à ce mardi 9 décembre, à 10 heures du matin.

(Fin de la séance à 2 h 45)

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