Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Dix heures huit minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir.
Nous allons maintenant procéder aux iffaires courantes.
Déclarations ministériel-2S. Mme la ministre des Affaires
culturelles.
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président: Sur une question de èglement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, nous avons reçu dans
les délais une déclaration inistérielle pour l'annonce
d'amendements législatifs. J'ai beau remonter dans le temps pour voir si
c'est une coutume du Parlement l'amender un projet de loi par le biais d'une
déclaration ministérielle et je n'ai pas trouvé de
précédent en la matière. Je comprends que, dans le
discours inaugural de décembre dernier, Mme la vice-première
ministre avait longuement expliqué qu'on légiférerait
beaucoup mieux en cette enceinte, qu'on aurait des projets de loi bien
préparés, qu'on aurait des lois qui répondraient aux
aspirations des citoyens et citoyennes du Québec. Aujourd'hui, on
crée un précédent en amendant un projet de loi par
déclaration ministérielle sachant que, lorsqu'un projet de loi
est déposé, ce n'est qu'en commission parlementaire qu'on peut
parler de recevabilité ou de non-recevabilité desdits
amendements. Je suis surpris de cette procédure.
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur cette
question de règlement.
M. Gratton: M. le Président, le but de la
déclaration ministérielle de Mme la vice-première
ministre, ce matin, n'a rien à voir avec le fait d'amender le projet de
loi 140. s'agit d'annoncer les amendements. C'est évident que seule
l'Assemblée nationale, au moment approprié, pourra
procéder à l'adoption des amendements. Il n'y a donc absolument
rien à reprocher à cette procédure. On fait une
déclaration ministérielle pour que l'ensemble de la population,
l'ensemble de l'Assemblée nationale soit saisie des amendements au
moment le plus opportun et le plus rapidement possible.
D'ailleurs, M. le Président, je citerais, à titre de
précédent, une déclaration semblable de M.
Marc-André Bédard alors qu'il était ministre
délégué à la Réforme électorale - je
vous prie d'aller vérifier, je ne pourrais pas vous donner la date
exacte -et leader du gouvernement. Il avait procédé de cette
façon, c'est-à-dire par une déclaration
ministérielle, pour annoncer son intention d'apporter des modifications,
des amendements à un projet de loi qui était déjà
devant l'Assemblée nationale.
Le Président: Si vous me le permettez, j'avais reçu
dans les délais requis la demande et l'avis de déclaration
ministérielle de Mme la ministre des Affaires culturelles. J'avais
également remarqué qu'étaient attachées des copies
de projets d'amendements à un projet de loi qui est actuellement
déposé en cette Chambre. J'ai étudié la question
avant de me présenter ce matin et je suis prêt à conclure
immédiatement. D'abord, dans un premier temps, une déclaration
ministérielle est extrêmement large et Mme la vice-première
ministre peut faire une déclaration ministérielle sur ce
sujet.
Quant aux documents, à la suite de votre allusion, M. le leader
de l'Opposition, cela prendra le consentement. Si Mme la vice-première
ministre veut les déposer, ce sont des projets d'amendements et non pas
des amendements. Ce ne sont que des documents pour consultation à cette
étape-ci de la déclaration ministérielle et cela exigera
un consentement de l'autre côté de la Chambre.
Advenant le cas où vous ne donniez pas votre consentement, M. le
leader de l'Opposition, Mme la vice-première ministre pourra toujours
déposer lors des affaires courantes un peu plus tard ce matin, au
dépôt de documents, ses projets d'amendements tels
qu'attachés à sa déclaration ministérielle. Je
voudrais bien que ce soit clair. Il ne s'agit pas d'amendements au projet de
loi mais plutôt de documents déposés qui devraient
être considérés, par tous et chacun de vous en cette
Chambre, comme des projets futurs d'amendements à ce projet de loi.
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que vous me
permettez de vous rappeler d'abord votre décision en ce qui regarde la
dimension des soins dentaires qu'on voulait ajouter au projet de loi 74? Ce que
je veux bien faire remarquer ici, c'est le statut des amendements qui sont
déposés ou qui le seront. Nous n'avons pas l'intention de nous
opposer au dépôt, mais ce que je voudrais bien entendre de votre
bouche, M. le
Président, c'est que vous réitérez votre position
face au projet de loi 74 où vous avez bel et bien dit que les
amendements n'ont aucune valeur et que le Parlement a devant lui exclusivement
le projet de loi déposé en bonne et due forme au moment de son
dépôt en Chambre.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je peux concevoir que si on
parle du contenu des amendements qui peuvent être jugés
irrecevables parce qu'ils représentent un principe autre que celui qui
est déjà inscrit dans un projet de loi, à l'étape
ultérieure, c'est-à-dire au moment de leur présentation
pour étude ou pour adoption à l'Assemblée nationale, le
Président sera appelé à trancher sur la
recevabilité. Mais au moment d'une déclaration
ministérielle, les seules règles qui régissent nos
déclarations ministérielles sont les articles 55 et 56 de notre
règlement. Il n'y a rien, M. le Président, dans les articles 55
et 56 qui limite le ministre qui veut faire une déclaration
ministérielle quant au contenu de la déclaration.
Je dis donc que même - et je ne présume pas de la
déclaration que va faire Mme la vice-première ministre - s'il
devait se révéler que, parmi les amendements dont elle veut
saisir l'Assemblée nationale ou informer l'Assemblée nationale de
son intention de présenter des amendements, même s'il s'en
trouvait parmi ceux-là qui étaient irrecevables en fonction de
quelque article de notre règlement que ce soit, ce n'est pas à ce
moment-ci qu'il faudrait en juger, mais au moment de les soumettre pour
adoption à l'Assemblée nationale ou à une commission
parlementaire. Donc, au moment de la déclaration ministérielle,
il n'y a rien qui empêche Mme la ministre d'informer les membres de
l'Assemblée, la population, de ses intentions, même si ce sont des
intentions législatives. À moins que le leader de l'Opposition ne
m'indique que c'est pour donner la chance aux membres de l'Opposition qui sont
absents présentement de venir en Chambre pour en prendre connaissance
plus tard...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Gratton: ...M. le Président, je dirai qu'on devra
procéder immédiatement.
Le Président: Une dernière...
M. Chevrette: M. le Président, sur les absences.
Le Président: Un instant! Une dernière
intervention, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Quant aux absences,
comme préambule à mon intervention, avec douze ou treize
ministres absents toute la semaine passée, je pense bien qu'on n'a pas
de leçon à tirer de ce côté-ci de la Chambre.
Des voix: Ah!
Le Président: Une dernière intervention.
M. Chevrette: Cela dit, M. le Président, le leader du
gouvernement n'a pas répondu du tout à la demande que je vous ai
faite. Je vous ai fait une demande concernant le statut ou la valeur juridique
des amendements. Quand je vous réfère à votre
décision concernant l'inclusion des soins dentaires comme coupure,
l'impôt sur les enfants, au projet de loi 74, il faut être bien
clair. Je vous demande si les amendements déposés sont nuls et
non avenus au point de vue juridique tant et aussi longtemps que la commission
parlementaire, qui doit disposer sur le fond, n'en a pas pris connaissance
officiellement. C'est là la question et non pas les articles 55 et 56
qui parlent de déclaration ministérielle. On a eu le contenu de
la déclaration ministérielle. On l'a étudiée, M. le
Président, et je vous ai posé une question quant au statut
juridique des amendements qui sont déposés.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Si cela peut aider à clarifier les choses, je
suis tout à fait d'accord avec le leader de l'Opposition en supposant
qu'il prétend que les amendements n'ont aucun statut juridique à
partir du moment où ils sont déposés en même temps
que la déclaration ministérielle. Je lui donne raison.
Effectivement, les amendements ne peuvent pas être
considérés avant que l'article de notre feuilleton qui porte sur
le projet de loi 140 soit appelé. En supposant, par exemple, qu'à
la suite de la déclaration ministérielle le gouvernement
décidait de ne pas appeler l'article du feuilleton en question,
évidemment, les amendements ne seraient pas considérés.
Donc, leur statut juridique, quant à moi, ne commencera à exister
qu'au moment où l'Assemblée nationale ou une de ses commissions
sera saisie de la demande d'étudier le projet de loi 140.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, une
dernière petite intervention. Je suis prêt à rendre ma
décision.
M. Chevrette: Oui. Vous aviez dit que c'éteit la
dernière puis vous avez redonné la parole à l'autre.
Le Président: Oui, mais vous aviez apporté un
argument nouveau.
M. Chevrette: C'est pour cela que j'ai compris que vous pourriez
me donner une autre occasion.
Le Président: D'accord, mais une dernière fois.
M. Chevrette: M. le Président, cela va plus loin que cela.
Si je comprends bien nos règles de procédure et notre
règlement, le Parlement n'en est même pas saisi officiellement,
même s'il y a dépôt, si on se base sur nos
règlements. Cela sert une conférence de presse de Mme la
vice-première ministre, mais ce n'est pas juridiquement reconnu comme
contenu accepté et déposé officiellement en cette
Chambre.
Le Président: Je suis entièrement d'accord. M. le
leader de l'Opposition, je vous donne entièrement raison, surtout avec
les remarques que j'avais mentionnées. Je donne également raison
au leader du gouvernement. Je l'avais mentionné au tout début, il
s'agit de simples documents déposés pour consultation. La
recevabilité d'aucun de ces futurs projets d'amendements, s'il y a lieu,
n'a été prononcée et ce n'est pas à cette
étape-ci ce matin que je vais me prononcer sur la
recevabilité.
Maintenant, M. le leader de l'Opposition, je vais ajouter une autre
chose: Si Mme la vice-première ministre insiste pour déposer ses
futurs projets d'amendements ce matin concernant la déclaration
ministérielle, elle a besoin de votre consentement. Sinon, elle le fera
sans votre consentement, mais au dépôt de documents et c'est comme
un simple document pour consultation. Cela n'a aucune autre valeur ce matin.
Cela va? Alors, Mme la vice-première ministre, en déclaration
ministérielle.
Amendements au projet de loi 140
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Lorsqu'il fut
élu le 2 décembre 1985, le gouvernement libéral s'est
engagé à assurer un leadership dans la gestion des affaires de
l'État. Pour y arriver, le gouvernement du Québec a pris des
mesures en vue de redresser une situation difficile aussi bien sur le plan
économique que social, en ce qu'il fallut restaurer cette confiance
entre l'État et les citoyens.
C'est également sous le sceau de la responsabilité que fut
abordé le dossier linguistique dont la pièce législative
majeure remonte à l'adoption, sous un gouvernement libéral, de la
loi 22 qui proclamait le français langue officielle du
Québec.
Par la suite, le gouvernement qui nous a précédés a
fait adopter la loi 101 dont l'objet essentiel est le même que celui de
la loi 22, à savoir la reconnaissance, la protection et la promotion du
fait français au Québec. Pour notre formation politique, les
principes et objectifs de cette législation correspondent toujours
à notre philosophie, en ce sens qu'il revient à l'État de
prendre les moyens nécessaires pour assurer la francisation du
Québec. (10 h 20)
Enfin, dans son message inaugural du 16 décembre dernier, le
nouveau gouvernement a clairement indiqué son intention d'adopter des
mesures qui feraient en sorte que l'administration publique se
caractérise par son efficacité en procédant, le cas
échéant, à des modifications des structures
administratives.
En janvier dernier, j'ai clairement exprimé mon intention de
procéder a une révision du cadre institutionnel de la Charte de
la langue française. Et le 20 juin, j'ai formé un groupe de
travail présidé par M. Gilles Lalande, dont la réflexion
fut axée autour de trois points majeurs: Examiner les fonctions des
organismes chargés de l'application de la Charte de la langue
française, étudier de près leur cadre institutionnel et
leur structure administrative et enfin, regarder de près aussi le
thème de la francisation en milieu de travail.
Ce rappel me semble nécessaire pour bien démontrer que la
rédaction du projet de loi 140 modifiant la Charte de la langue
française n'est pas le fruit d'improvisation ou d'une quelconque
tentative du gouvernement d'altérer ou de diminuer l'importance du fait
français au Québec. Bien au contraire, le projet de loi 140
prévoit un réaménagement des structures administratives et
fera en sorte que seule la gestion de la politique linguistique
québécoise soit modifiée afin d'en renforcer
l'application.
Ainsi, ma volonté d'aborder la gestion de la politique
linguistique n'altère en rien l'essence ou la nature même de la
charte. 11 faut bien comprendre que les missions et les objectifs qui sont
actuellement dévolus aux différentes composantes administratives
sont non seulement préservés, mais certains d'entre eux seront
renforcés par le biais d'ajouts qui auront comme conséquence d'en
améliorer la gestion.
Cette constatation ne m'a tout de même pas empêchée
d'analyser et de considérer les commentaires et les suggestions
formulés par des organismes, des groupements ou des personnes à
titre individuel à l'égard du projet de loi 140.
C'est dans ce contexte que je désire déposer en cette
Chambre, aujourd'hui, des amendements qui préciseront certains points,
de manière à préciser les objectifs et a renforcer les
moyens mis de l'avant dans le projet de loi 140.
Parmi les amendements, on constatera un ajout à l'article 116 qui
précise que tout mandat confié à l'Office de la langue
française doit découler des avis, des constatations, des
conclusions, des études ou des recherches que lui transmet le haut
comité. Cet amendement fera en sorte d'assurer un trait d'union entre
l'Office de la langue française et le haut comité.
À l'article 117, nous proposons un amendement pour faire en sorte
que des directives données par le ministre et portant sur les objectifs
et les orientations de l'office, lesquelles auront été
approuvées par le gouvernement, puissent faire l'objet d'un débat
à la commission de la culture dans les 30 jours du dépôt de
ladite directive.
En outre, nous précisons à l'article 156.6 que le rapport
des activités de l'Office de la langue française doit inclure les
objectifs et orientations de l'office pour l'année qui vient.
À l'article 118h, nous désirons dissiper tout malentendu
en remplaçant l'expression "non francophone" par les mots "d'une langue
autre que française".
Nous reformulons l'article 169 et supprimons l'article 170. En vertu de
l'amendement proposé, nous allégeons le processus de
redressement. En effet, si les efforts de conciliation entrepris par
l'enquêteur auprès du présumé contrevenant sont
infructueux, l'enquêteur transmet le dossier au procureur
général, afin que celui-ci en fasse l'étude et intente,
s'il y a lieu, des poursuites pénales. Ce processus ne forcera pas le
président de l'office à adresser une dernière mise en
demeure au présumé contrevenant.
À l'article 185, où l'on prévoit que le Haut
Comité de la langue française conseillera le ministre sur la
politique québécoise de la langue française, sont
ajoutés les mots suivants: "ainsi que sur les moyens propres à
assurer le rayonnement dans le monde francophone".
D'autre part, nous précisons à l'article 186 que les
francophones hors Québec et ceux de la francophonie internationale
seront des membres associés du haut comité et n'auront pas le
droit de vote.
Par ailleurs, un amendement précisera aux articles
concernés qu'un des membres du haut comité en sera le
président et non le secrétaire général.
À l'article 187, nous précisons que le haut comité
doit faire part au ministre, au moins annuellement, de ses constatations et de
ses conclusions sur l'évolution de la situation linguistique au
Québec.
Nous introduisons le nouvel article 188.1 qui a pour effet d'obliger le
ministre à rendre publics, dans un délai raisonnable, les avis,
constatations et conclusions qu'il a reçus du haut comité, de
même que les études et les recherches que celui-ci lui a
transmises.
Voilà, M. le Président, l'essentiel des amendements que je
désire déposer en vue d'enrichir le projet de loi 140 modifiant
la Charte de la langue française et qui, j'en suis sûre,
répondra aux interrogations suscitées au cours des
dernières semaines.
Le Président: Merci, Mme la vice-première ministre.
Sur la déclaration ministérielle de Mme la vice-première
ministre, je vais reconnaître maintenant M. le chef de l'Opposition. M.
le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le 13 novembre
dernier, le gouvernement déposait à la date limite du
dépôt des projets de loi le projet de loi 140, alors que le projet
de loi 142 avait été déposé la veille.
Depuis ce temps, la vice-première ministre elle-même, ainsi
que d'autres membres du gouvernement ont accusé de façon
systématique l'Opposition d'être responsable des réactions
extrêmement négatives que ces projets de loi ont soulevées
un peu partout dans la population, opposition qui s'est manifestée non
seulement dans les centrales syndicales, mais également au Conseil du
patronat, par les réserves du maire de Montréal, par des
commissions scolaires, par le maire de Hull, par la Chambre de commerce de
Montréal et de plus en plus par d'autres groupes, y compris un certain
nombre de grands universitaires du Québec qui ont étudié
ces questions à fond depuis un certain nombre d'années. M. le
Président, on nous accusait, à ce moment, de partisanerie, on
nous accusait même de désinformation, sans compter ce week-end
noir auquel se seraient livrés ces irresponsables qu'auraient
été ceux qui véhiculent l'information aux yeux du premier
ministre et des membres du caucus libéral.
Ce matin, nous assistons à une volte-face qui donne raison
à l'Opposition quant au caractère improvisé, mal fait et
risible du processus gouvernemental en matière linguistique. Ces
amendements, à première vue, puisque, encore une fois, nous ne
pouvons en être saisis juridiquement, techniquement, dans notre
procédure parlementaire, avant la commission pour l'étude article
par article, au départ, à l'égard de la vision que nous
exposions que ce gouvernement assimilait tous les non-francophones à la
minorité de langue anglaise, nous donnent raison quant à cet
argument. Ils nous donnent raison quant au caractère complètement
alambiqué du processus de poursuites que la loi 140 venait modifier. Ils
nous donnent raison quant au caractère un peu farfelu du Haut
Comité de la langue française où on aurait demandé
à des gens de l'extérieur du Québec de se prononcer sur
des questions internes en matière
linguistique. Ils donnent raison à notre argumentation selon
laquelle la vision que le gouvernement avait en ce qui concerne les directives
en matière linguistique était une vision dirigiste et
imprudente.
C'est précisément parce que dans l'improvisation parfaite
la ministre vient donner raison à une partie de l'argumentaire de
l'Opposition que nous considérons que ce gouvernement fait preuve
d'improvisation en matière de politique linguistique, qu'il ferait
preuve d'improvisation dans les projets de loi 140 et 142, qu'il fait preuve
d'improvisation dans cette déclaration ministérielle quant
à sa nature et à sa portée juridique.
En conclusion, M. le Président, devant cette volte-face du
gouvernement, nous dirons au gouvernement: Retournez faire vos devoirs.
Établissez une politique linguistique et refaites ce projet de loi pour
qu'on en discute sereinement au printemps.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je remercie M. le chef de l'Opposition. Mme
la vice-première ministre.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: II fait plaisir de constater la belle unité du
parti de l'Opposition, le Parti québécois, sur ce sujet
important, M. le Président. C'est là seulement qu'il peut se
retrouver!
Il semble que le chef de l'Opposition soit tout à fait malheureux
que nous ayons été à l'écoute de la population et
que nous ayons apporté des changements au projet de loi que nous avons
déposé. C'est évident que cela dérange un peu les
arguments dont il s'est servi depuis le début, depuis le
dépôt même du projet de loi 140. Lui est d'accord avec le
projet de loi 142 et le député de Mercier est d'accord avec le
projet de loi 140 et ils font un plat des discussions que nous avons eues
depuis le début. (10 h 30)
M. le Président, il est facile pour le Parti
québécois d'exploiter à son avantage les sentiments de
méfiance que peuvent avoir certaines personnes. Ce n'est pas moi qui le
dis, c'est M. Marcel Adam de La Presse. C'est facile aussi quand on sait que
l'ex-gouvernement péquiste avait lui-même commencé à
édenter la loi 101 pour faire droit aux doléances
justifiées des anglophones et qu'il songeait à lui apporter des
amendements semblables à ceux que projette le gouvernement
libéral. On se dit que c'est de bonne guerre, mais ce n'est pas moins
hypocrite pour autant.
Des voix: Bravo!
Une voix: Cela paraît qu'elle ne nous aime pas!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Tin
de la déclaration ministérielle. Nous allons continuer les
affaires courantes.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article h du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 235
Le Président: II s'agit d'un projet de loi
d'intérêt privé. Si vous me permettez, j'ai reçu le
rapport du Directeur de la législation. Ce dernier a constaté que
l'avis a été publié conformément aux règles
de fonctionnement concernant les projets de loi d'intérêt
privé. Je dépose ce rapport.
M. le député de Shefford propose le projet de loi
privé portant le numéro 235, Loi modifiant la charte de la ville
de Granby. L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de
loi?
Une voix: Oui, M. le Président.
Le Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Gratton: M. le Président, je fais motion pour que le
projet de loi soit déféré à la commission de
l'aménagement et des équipements et que le ministre des Affaires
municipales en soit membre.
Le Président: Est-ce que cette motion de
déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Dépôts de
documents. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Pourriez-vous reconnaître Mme la
vice-première ministre pour qu'elle puisse déposer les
amendements dont elle a parlé dans sa déclaration
ministérielle?
Le Président: Mme la vice-première ministre.
Document de consultation.
Amendements au projet de loi 140
Mme Bacon: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer les projets d'amendements à la loi 140.
Le Président: Tel que mentionné, dépôt
de documents pour consultation. Est-ce qu'il y a d'autres dépôts
de documents?
Dépôts de rapports de commissions. Dépôts de
pétitions. M. le chef de l'Opposition.
Requêtes demandant de faire
respecter la Charte de la langue
française
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée par 101 pétitionnaires résidents du
comté d'Anjou invoquant les faits suivants: "Que la Charte de la langue
française a toujours fait l'objet d'un large consensus au sein de la
population du Québec; "Que le gouvernement fait subir de multiples
reculs à la langue française et "que le nombre de violations de
la Charte...
Le Président: M. le chef de l'Opposition. Si vous me le
permettez, on est à l'étape des dépôts de
pétitions et j'aimerais bien entendre le contenu de la pétition
de M. le chef de l'Opposition.
Une voix: C'est sa majorité, M. le Président.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: On pourrait en avoir 119...
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou); ...invoquant les faits suivants: "Que la
Charte de la langue française a toujours fait l'objet d'un large
consensus au sein de la population du Québec; "Que le gouvernement fait
subir de multiples reculs à la langue française au Québec
et "que le nombre de violations de la Charte de la langue est en croissance et
"concluant à ce que l'Assemblée nationale du Québec
demande au gouvernement de faire respecter, dans son esprit et dans sa lettre,
la Charte de la langue française et de cesser de favoriser, de multiples
façons, le recul de la langue française au Québec."
Le Président: Pétition déposée. M. le
chef de l'Opposition, une deuxième pétition?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 101 pétitionnaires résidents du
comté de Saint-Laurent...
Des voix: Ah!
M. Johnson (Anjou): ...invoquant les faits suivants: "Que la
Charte de la langue française a toujours fait l'objet d'un large
consensus au sein de la population du Québec; "Que le gouvernement a
fait subir de multiples reculs à la langue française au
Québec et "que le nombre de violations de la Charte de la langue est en
croissance...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...et "concluant à ce que
l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement de faire
respecter, dans son esprit et dans sa lettre, la Charte de la langue
française et de cesser de favoriser, de multiples façons, le
recul de la langue française au Québec."
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Taillon, toujours à l'étape des
dépôts de pétitions.
Demande de maintenir les écoles de transition
sur le territoire de Chambly
M. Filion: C'est bien cela, M. le Président. Je crois
comprendre que les leaders ont discuté ensemble pour me permettre de
déposer une pétition que j'ai reçue de 7000 personnes de
mon comté. Cette pétition, cependant, n'obéissant pas
à toutes les règles que vous avez fixées la semaine
dernière, je requiers donc le consentement de cette Assemblée
pour le dépôt de cette pétition.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader
du gouvernement?
M. Gratton: Oui, M. le Président, même si cette
pétition n'est pas conforme aux règles de pratique, nous
consentons volontiers à ce qu'elle soit déposée.
Le Président: M. le député de Taillon, vous
avez la parole.
M. Filion: Je remercie le leader du gouvernement. J'ai l'honneur
de déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 7000 pétitionnaires résidents du
territoire de la commission scolaire régionale de Chambly. Cette
pétition invoque les faits suivants: "Que la commission scolaire
régionale de Chambly vise dans ses objectifs la fermeture des
écoles secondaires de quartier au profit des polyvalentes; "Que les
parents ont fait part de leur volonté inébranlable de conserver
l'école
Saint-Jean-Baptiste ainsi que les autres écoles de transition et
"Concluant à ce que soient maintenues dans leur forme actuelle
l'école Saint-Jean-Baptiste ainsi que toutes les autres écoles de
transition sises sur le territoire de la commission scolaire régionale
de Chambly.
Le Président: Pétition déposée. M.
Filion: Merci.
Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres
pétitions?
Ce matin il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
Avant de procéder à la période de questions et
réponses orales j'avise immédiatement les membres de cette
Assemblée que M. le ministre délégué à la
Privatisation aura un complément de réponse à apporter
à la question que lui posait vendredi dernier M. le député
de Bertrand concernant le dossier de Cambior. À cette
étape-là, M. le ministre délégué à la
Privatisation avait pris avis de la question.
Nous allons maintenant procéder à la période de
questions orales.
Je reconnais M. le député de Verchères en
principale.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Indexation des prestations et réforme de l'aide
sociale
M. Charbonneau: M. le Président, on a eu d'abord la
promesse du gouvernement à l'égard de la parité de l'aide
sociale, promesse ajournée. On a eu par la suite la promesse de la
réforme globale de l'aide sociale et on a eu des promesses de mesures
temporaires.
La semaine dernière le ministre a été un peu
sauvé par la cloche. Il ne nous a pas expliqué très
clairement de quelle indexation il parlait quand il parlait d'une indexation
comme mesure temporaire à entrer en vigueur prochainement.
Je voudrais savoir aujourd'hui, et je pense que les 700 000
assistés sociaux du Québec voudraient le savoir également,
si c'est l'indexation prévue normalement le 1er janvier 1987,
l'indexation annuelle qui fait suite à l'abolition de l'indexation
trimestrielle ou si c'est une indexation différente et, donc, qui
correspondrait effectivement à une mesure temporaire en attendant que la
réforme de l'aide sociale soit mise en application.
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, comme je
l'ai indiqué la semaine dernière, il s'agit de l'indexation
annuelle qui, contrairement aux propos du député de
Verchères au printemps, n'a absolument pas été abolie, qui
est ajustée en fonction des mesures qui étaient contenues dans le
budget du ministre des Finances du printemps dernier, spécialement en ce
qui a trait à la taxe de vente qui était appliquée
à l'huile à chauffage et qui tient compte également de
certaines mesures de réajustement quant aux allocations familiales
fédérales.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Cette fois-ci c'est clair, M. le
Président. Dans ce cas-là, est-ce qu'il y a d'autres mesures
temporaires -puisqu'on ne peut pas parler d'une mesure temporaire dans ce
cas-là - que vous envisagez, faisant suite à la
déclaration du premier ministre, en attendant que la réforme de
l'aide sociale intervienne?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je ne
comprends pas l'interprétation qu'en fait le député de
Verchères. L'indexation n'est pas une mesure temporaire, c'est une
mesure qui s'applique à chaque année et elle est permanente.
M. Charbonneau: M. le Président, la question était
claire.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Vous avez déclaré que vous mettriez
en place des mesures temporaires en attendant l'entrée en vigueur de la
réforme de l'aide sociale. Aujourd'hui vous nous dites que ce n'est pas
une mesure temporaire. Je vous demande s'il y a une ou des mesures temporaires
que vous envisagez et quelles sont ces mesures temporaires puisque ce n'est pas
l'indexation annuelle de l'aide sociale.
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et du Travail. (10 h 40)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le premier
ministre a indiqué en cette Chambre que, quant à la
parité, quant à la réforme, quant au programme APTE, etc.,
des annonces seraient faites à la fin de novembre ou au début de
décembre.
Nous avons également indiqué que le rapport Forget avait
une incidence
importante quant au déménagement possible de
clientèles de l'assurance-chômage à l'aide sociale ou vice
versa. Le rapport Forget a été rendu public la semaine
dernière. Nos gens se sont mis immédiatement à
l'étude de ce rapport. Quant à la réforme comme telle, il
y aura demain rencontre entre le ministre concerné et le premier
ministre au bureau de celui-ci.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Que voulait dire le ministre lorsque,
récemment, il a parlé, à l'égard des mesures
temporaires, d'une indexation de taxe d'ici à la fin de 1986 ou le
début de 1987? Que voulait-il dire lorsqu'il a parlé de cela
à des journalistes?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre, de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je renvoie le député
de Verchères au budget déposé par le ministre des Finances
au printemps.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: En additionnelle, M. le Président.
Puisqu'il n'y a pas de mesure temporaire, quand le ministre entend-il
déposer son projet de réforme globale et est-ce qu'il entend
respecter l'engagement du premier ministre, à savoir qu'en attendant
l'entrée en vigueur de la réforme de l'aide sociale il y aurait
des mesures temporaires, particulièrement pour les moins de 70 ans,
étant donné que le gouvernement n'est pas prêt à
leur accorder la parité?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, cela ne me
fait rien que le député de Verchères pose des questions
à répétition, mais je lui demanderais d'accorder une
certaine importance aux réponses que nous lui donnons. Je viens de lui
indiquer, il y a quelques instants, quant au dépôt d'un projet de
réforme de l'aide sociale, que le premier ministre avait parlé de
la fin novembre ou du début décembre, qu'on avait
déjà indiqué très clairement en cette Chambre que
le rapport Forget aurait une incidence à moyen et à long terme
sur les bassins de clientèles de l'aide sociale et qu'on ne peut
présenter une réforme sans tenir compte de ces incidences
à moyen et à long terme, que le rapport Forget a
été déposé la semaine passée,
qu'immédiatement nos gens se sont mis au travail pour évaluer
l'incidence de ce déplacement des clientèles et que, dès
demain, il y aura une rencontre entre le ministre concerné et le premier
ministre. Est-ce qu'on peut agir plus rapidement?
Une voix: Bon! Voilà:
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Vous étiez prêts, il y a un an,
à agir. Cela fait un an qu'on attend. Est-ce que...
Le Président: Un instant: M. le député de
Verchères, en additionnelle. S'il vous plaît, une question
additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce que vous entendez parler au premier
ministre et discuter avec lui de mesures temporaires à mettre en oeuvre
et en application d'ici à ce que la réforme puisse, elle,
être opérationnelle?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'entends discuter avec le premier
ministre, demain, de l'ensemble des mesures qui touchent à l'aide
sociale, y compris l'indexation qui sera annoncée d'ici peu pour l'an
prochain. Quant aux attentes dont vous parlez, les assistés sociaux vous
ont entendu suffisamment longtemps qu'ils ont décidé de se
débarrasser de vous autres l'année passée.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre entend indiquer au premier
ministre que sa compréhension de la parité de l'aide sociale,
selon le mémoire qu'il a présenté cet été,
signifie qu'il s'agit d'une parité conditionnelle et qu'à cet
égard il s'agit du statu quo? Est-ce qu'après un an vous allez
vous résoudre à dire la vérité aux 700 000
assistés sociaux du Québec?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je vous
ferai remarquer que le député de Verchères a perdu un peu
l'évolution du dossier au cours de l'année.
Lorsque nous avons hérité du dossier, il y avait
effectivement 700 000 personnes qui dépendaient de l'aide sociale au
Québec. Je vous ai annoncé - je pense que je l'ai annoncé
suffisamment clairement, vendredi, il y a deux semaines - que ce nombre avait
baissé de 57 000 depuis mars l'an passé. Donc, vous
pourriez...
Des voix: Bravo!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...parler d'une clientèle
qui a diminué de près de 10 %. Ceux qui y demeurent ont encore
besoin de l'aide de l'État et de l'intervention de l'État,
surtout les jeunes de moins de 30 ans qui sont condamnés à vivre
avec la discrimination que vous avez établie dans le système et
qui méritent toute l'attention du gouvernement. Contrairement à
votre chef qui s'est déjà prononcé contre la parité
de l'aide sociale, l'actuel chef du gouvernement est pour la parité de
l'aide sociale et, pour lui comme pour le ministre concerné,
parité veut dire justice et égalité.
Le Président: M. le député de
Verchères, question additionnelle.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre sait, en fanfaronnant, que
le système qu'il veut changer a été mis en place par son
chef en 1974, d'une part? D'autre part, est-ce qu'il va cesser de raconter des
histoires aux gens quand les documents qu'il présente...
M. Chevrette: II a commencé deux fois par "est-ce
que".
Le Président: À l'ordre! À l'ordre! À
l'ordre! M. le leader de l'Opposition, j'allais intervenir exactement sur ce
sujet. M. le député de Verchères, vous avez la parole.
Concluez avec votre question.
M. Charbonneau: Est-ce que le ministre va cesser de raconter des
histoires à la population et nous avouer clairement, comme il le fait
dans ses documents qu'il signe au Conseil du trésor et au cabinet, que
la parité dont il parle et dont il parlait en campagne électorale
est essentiellement ce qui existe actuellement et qu'il n'y a pas de
changement?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): De mon siège, j'affirme que
les propos du député de Verchères sont faux et
mensongers.
M. Charbonneau: Alors, M. le Président...
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et ministre du Travail, je vous demande de
retirer les deux allusions que vous venez de faire quant aux propos du
député de Verchères dans sa dernière question. S'il
vous plaît, M. le ministre. Sans commentaires, s'il vous plaît.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je retire
mes propos en maintenant qu'ils sont contraires à la
vérité.
Le Président: M. le député de
Verchères, question additionnelle.
M. Charbonneau: Question additionnelle, M. le Président.
Comment le ministre peut-il utiliser les adjectifs qu'il a
utilisés...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: ...quand, dans son document, on lit à la
page 4 "Les bénéficiaires qui refuseraient de participer à
une mesure de maintien ou de développement de
l'employabilité...
Le Président: Vous êtes sur une question
additionnelle et déjà vous avez dépassé le temps
permis. Sur une question de règlement, M. le député de
Verchères. Vous êtes sur une question additionnelle.
M. Charbonneau: M. le Président, je sais que je suis sur
une question additionnelle. Je sais par ailleurs que c'est un sujet important
qui concerne beaucoup de gens et je sais que j'ai posé la question dans
les formes. Je terminais la citation qui n'est pas longue, M. le
Président.
Le Président: Bon. Alors, vous devez... M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.
On retrouve la définition d'une question complémentaire dans
notre règlement. Elle ne permet pas qu'on cite des extraits de
déclarations antérieures.
Des voix: ...
M. Gratton: Bien non. Quand on posait des questions, nous, dans
l'Opposition, on ne faisait jamais cela. Et j'invite le député,
M. le Président...
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre! Je voudrais comprendre la question de
règlement. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Si on veut faire état de déclarations
antérieures ou d'engagements antérieurs, on le fait dans le
préambule.
Mais au moment où on pose une question complémentaire, il
faut absolument respecter l'article 78 qui dit qu'il est permis de poser une ou
plusieurs questions complémentaires -d'ailleurs, il y en a eu plusieurs
de posées -et que ces questions doivent être brèves,
précises et sans préambule. Donc, M. le Président, le fait
de citer un extrait, même bref, même court, d'un document
quelconque, selon moi, ne répond pas aux exigences de l'article 78.
M. Chevrette: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président, mais pour
autant que la question est sous forme interrogative et correcte, on peut
demander...
Le Président: À l'ordre!
M. Chevrette: ...si le ministre maintient une déclaration
qu'il a faite. C'est tout à fait dans la forme. Si on prenait la voie
tracée par le savant leader de l'Opposition qui, durant ses neuf
ans...
Une voix: Du gouvernement.
M. Chevrette: Du gouvernement. Tellement savant, M. le
Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
Cela commençait à être intéressant. M. le leader de
l'Opposition, vous avez la parole.
M. Chevrette: M. le Président, vous remarquerez que j'ai
parlé de sa sagesse mais que je n'ai pas parlé d'un exemple
à suivre. Cela dit, si vous deviez suivre exactement ce qu'il propose,
on ne pourrait jamais poser de question sur ce qu'un ministre déclare,
ce qui est tout à fait farfelu, M. le Président. Cette sagesse
s'est vite transformée en une méconnaissance des faits.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: On peut référer à une
déclaration antérieure ou à un engagement
antérieur. Ce que je dis, c'est qu'on ne peut pas les citer dans le
cadre d'une question complémentaire. Autrement, cela devient une
question principale. (10 h 50)
Le Président: Non, je vais rendre ma décision
avant. Ce pourquoi j'étais intervenu, M. le député de
Verchères, c'est que vous dépassiez le temps. Vous aviez
déjà interrogé une première fois, au tout
début de votre intervention... vous aviez commencé à lire
des propos qu'a sûrement prononcés, à un moment
donné, M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, mais vous vous exposez à faire plus
qu'une question complémentaire quand vous prenez ce
procédé. Je pense que, dans le passé, cela a
été fait aussi. Il est vrai que vous pouvez, à
l'intérieur d'une question additionnelle, peut-être faire allusion
et même en citer quelques mots, mais de là à faire la
lecture, là vous venez directement en principale, et vous
dépassez le temps qui est extrêmement restreint pour une
additionnelle.
Maintenant, quant à votre thème de ce matin, M. le
député de Verchères, nous sommes rendus à la
neuvième. Si je compte la principale, cela fait déjà
plusieurs questions. C'est ce pourquoi je vous dis: Posez votre question
additionnelle, mais très très brièvement, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: La question est la suivante. Comment le ministre
peut-il concilier ses écrits et son mémoire au Conseil des
ministres avec les propos qu'il tient depuis un an sur la parité de
l'aide sociale? Comment concilie-t-il le fait que dans son mémoire les
gens qui ne participeront pas à des mesures d'employabilité
verront leurs prestations diminuer avec la situation actuelle qui fait en sorte
que les gens ont la parité à condition de participer à des
mesures de relèvement de l'employabilité?
Le Président: M. le ministre de le Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Essentiellement, ce que le
député de Verchères a de la difficulté à
saisir, c'est cette discrimination dont sont victimes les jeunes à
l'aide sociale. Le jeune qui est âgé de 29 ans, 364 jours et moins
est traita différemment de celui qui est âgé de 30 an: et 1
heure. L'engagement électoral du Part libéral du Québec,
en combinant l'abolitior de la discrimination à cause de l'âge
avec le programme APTE, c'est de faire en sorte que les gens soient
traités, quel que soit leui âge, sans discrimination, de
façon juste el égale.
Le Président: En principale maintenant M. le
député de Bertrand.
Exemptions à la Loi sur les heures
d'affaires
M. Parent (Bertrand): Merci. Le 2: juillet dernier, le ministre
de l'Industrie el du Commerce donnait avis dans la Gazette officielle de
l'adoption d'un prochain règlement ayant pour objet d'exclure de
l'application de la Loi sur les heures d'affaires, entre autres, les
halles d'alimentation, ceux qui oeuvraient antérieurement au 12 janvier
1985, de même que la vente d'articles neufs d'une valeur de moins de 20 $
dans les marchés aux puces. Est-ce que le ministre de l'Industrie et du
Commerce peut nous dire quand il entend faire adopter ce projet de
règlement?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le Président,
comme on le sait, ce problème des heures d'affaires ou heures
d'ouverture, notamment les heures d'ouverture le dimanche dans certains
secteurs d'activité commerciale, donne lieu à des consultations
très larges, qu'il s'agisse de détaillants indépendants,
qu'il s'agisse de ceux qui, sous une bannière quelconque, font des
affaires, qu'il s'agisse des établissements relativement petits
situés sur des coins de rue, de façon indépendante, ou
dans des marchés publics, qu'il s'agisse des habitudes des consommateurs
ou consommatrices et qu'il s'agisse des employés engagés dans
tous ces commerces, tout cela représente un potentiel
considérable pour une consultation que, quant à moi, comme
ministre responsable, je continue à mener.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Le ministre ne reconnaît-il pas qu'en
multipliant ainsi les exemptions à la Loi sur les heures d'affaires, il
ouvre la porte à un déséquilibre de la structure
traditionnelle du commerce au Québec en désavantageant les petits
commerçants, les petits détaillants en alimentation au profit de
quelques grands centres?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le député de
Bertrand est tombé dans le même travers que son collègue de
Verchères. Il n'a pas écouté la réponse. Ce que
j'ai indiqué, c'est que les consultations se poursuivent, que nous
sommes l'objet, comme gouvernement, de demandes extrêmement
variées, diverses, et qu'il faut nous assurer que nous trancherons dans
le respect de la liberté de commerce, dans le respect de
l'accessibilité possible des consommatrices aux heures où cela
fait l'affaire des consommatrices pour se procurer certains biens, dans le
respect du mode de vie des employés, des propriétaires de petites
entreprises et de petits commerces. J'ai expliqué au
député que c'est quelque chose de passablement complexe où
un équilibre doit être recherché. J'espère, M. le
Président, le trouver fort bientôt.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Puisque le ministre de l'Industrie et du
Commerce reconnaît qu'il y avait beaucoup de consultation, pourquoi le 23
juillet dernier a-t-il déposé cet avis dans la Gazette officielle
pour procéder à un changement de réglementation
manifestant, par le fait même, une volonté politique de changer la
loi et le statu quo actuel?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, il ne
s'agit pas de changer la loi. Il s'agit d'adopter un règlement en vertu
de la loi, première des choses.
Deuxièmement, je rappelle au député que le
processus de prépublication d'un règlement vise à donner
avis aux intervenants éventuels que le gouvernement envisage - c'est un
projet - de faire adopter un règlement encadrant une activité
commerciale d'une certaine façon afin de donner aux gens
intéressés l'occasion de faire valoir leur point de vue. C'est ce
qu'un grand nombre d'entre eux - j'en ai évoqué quelques-uns -
ont su faire depuis le 23 juillet. Les consultations se poursuivent.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: Oui, M. le Président. Compte tenu des
réponses du ministre de l'Industrie et du Commerce, pourquoi
n'accepte-t-il pas de tenir publiquement cette consultation à l'occasion
d'une commission parlementaire où toutes ces consultations pourront
être faites publiquement pour l'ensemble des membres de
l'Assemblée nationale?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, nous
savons qu'à l'occasion des derniers amendements à cette loi il y
avait eu de très larges consultations qui avaient donné lieu
à la longue liste d'exceptions que dénonçait le
député de Bertrand.
Nous avons hérité de cette situation qui fait état
d'une loi et d'un très grand nombre d'exceptions. Il s'agissait de voir,
à compter du 30 juin, date limite où une série
d'exceptions venaient à échéance, comment nous pouvions
faire durer Une situation qui semblait acceptable, comment nous pouvions
alternativement la modifier quelque peu,
comment nous pouvions essentiellement trouver l'équilibre dans un
champ extrêmement restreint. Car il ne s'agit pas là d'un
remaniement complet de la loi et des règlements, mais bien d'une adresse
particulière à l'endroit de certains secteurs, certains
établissements, dans certaines activités économiques, en
l'occurrence, la vente d'aliments au détail. Il ne s'agit pas d'un
changement considérable et je dirais global à la loi, mais bien
de certains ajustements et nous procédons aux consultations avec les
personnes plus immédiatement touchées par des ajustements
éventuels.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): En additionnelle au ministre
délégué aux PME. Est-ce que le ministre peut nous dire
s'il est d'accord avec les modifications qui seront apportées par le
projet de règlement par rapport à sa position de défendre
les petits commerçants au Québec?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Petites et Moyennes Entreprises. M. le ministre, vous avez la parole.
M. Vallerand: Je pense que mon collègue du
ministère de l'Industrie et du Commerce a apporté tous les
éléments suffisants pour rassurer l'ensemble des agents
économiques visés par le projet de règlement. À la
fois, l'énumération qu'il a faite de la consultation qu'il est
à conduire...
Je pense qu'on peut dès lors être assuré que
l'ensemble des agents économiques et au premier chef - M. le
député de Bertrand, je le reconnais et je vous félicite de
l'avoir souligné - les petits commerçants qui seront
principalement appelés à conjuguer avec ce nouveau
règlement et cette nouvelle réforme dans l'esprit, comme l'a
expliqué mon collègue du ministère de l'Industrie et du
Commerce, du respect de l'évolution des habitudes de consommation
auprès de l'ensemble des consommateurs et consommatrices du
Québec, dans le respect, également, des arrangements commerciaux
de l'ensemble des commerces de détail du Québec, dans le respect,
dis-je, de l'ensemble des considérations implicites à ce
règlement en voie d'évolution... Merci.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
principale.
Le progrès des négociations
dans les secteurs public
et parapublic
M. Chevrette: M. le Président, dans La Presse et Le Soleil
de samedi, on pouvait lire sous un gros titre: Accord imminent entre
l'État et ses employés.
Depuis lors, les centrales convoquent la presse l'une après
l'autre pour nier ces faits, affirmant que, s'il y a des intentions, cela ne se
vérifie pas aux tables de négociation et que les mandats ne
correspondent pas aux fuites stratégiques de la part du
gouvernement.
M. le Président, entre-temps, d'autre part, il y a des
bénéficiaires qui vivent dans l'anxiété parce qu'on
sait très bien qu'une grève dans la fonction publique et en
particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux fait
beaucoup plus mal, même si elle n'est pas effective quand elle est
annoncée. Je pense que la ministre pourrait corroborer mes dires en ce
sens que beaucoup de bénéficiaires sont inquiets tant et aussi
longtemps ou bien qu'elle soit annulée officiellement, qu'elle soit
reportée ou qu'elle soit effective. (11 heures)
Ma question s'adresse donc au président du Conseil du
trésor qui de jour en jour annonce que cela va bien. Est-ce que les
centrales ont tort d'affirmer que les mandats ne reflètent pas la fuite
stratégique du Conseil du trésor?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor, vous avez la parole.
M. Gobeil: M. le Président, je voudrais d'abord corriger
le député de Joliette. Il n'y a pas eu de fuite
stratégique du Conseil du trésor. Comme il l'a mentionné,
il y a un article dans deux journaux de fin de semaine qui mentionnait un
accord imminent. Quant à moi, j'ai dit depuis quelques mois que nous
avions aux tables de négociation tous les éléments pour en
arriver à des conventions signées et je suis toujours optimiste
qu'on puisse y arriver. Le journaliste qui a écrit cet article a,
j'imagine, recueilli des renseignements là où il a pu en
recueillir. Il fait son travail et je ne peux que l'en féliciter. Quant
à savoir si un accord est imminent, j'ose croire que nous arriverons
à des conventions négociées le plus rapidement possible
à l'avantage de tous les citoyens et citoyennes de la province de
Québec.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce que le président du Conseil du
trésor, qui affirme que tous les éléments sont rendus aux
tables, peut nous affirmer que les six éléments pouvant conduire
à un accord dans les meilleurs délais sont dans les mandats aux
tables de négociation?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, je veux bien croire que le
député de Joliette et les membres de l'Opposition souhaiteraient
que ça aille mal dans les négociations, mais ce n'est pas le cas.
Je ne crois pas qu'on doive en cette Chambre discuter de six
éléments ou de douze éléments, quels qu'ils soient,
qui ont fait l'objet d'un article dans un journal ou dans plusieurs
journaux.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le
président du Conseil du trésor peut nous dire, tout en
félicitant le journaliste qui a écrit ces six
éléments, que ces éléments font partie du mandat et
que c'est la faute de ses porte-parole si ce n'est pas rendu aux tables de
négociation?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, le député de
Joliette va me forcer à regretter l'absence du député
d'Abitibi-Ouest.
Le Président: À la question, M. le président
du Conseil du trésor.
M. Gobeil: M. le Président, les mandats sont
constitués de plusieurs éléments, beaucoup plus que de six
éléments. Les demandes syndicales sont constituées aussi
de beaucoup plus que de six éléments. Certains de ces
éléments peuvent faire partie de mandats ou, d'autres, de
demandes; c'est un ensemble. Nous considérons, aux tables de
négocation, l'ensemble des demandes dans le cadre des mandats qui sont
dégagés. Je répète pour le bénéfice
du député de Joliette que c'est aux tables que cela se passe et
que c'est aux tables que cela doit se passer.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, pour le
bénéfice du président du Conseil du trésor, nos
collègues de Duplessis et d'Abitibi-Ouest seraient ici s'il y avait un
meilleur service à Quebecair.
Le Président: En additionnelle, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Ma question est la suivante...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît; À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
leader de l'Opposition, en additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, en addi- tionnelle. Si la
raison fondamentale de l'échec des négociations
présentement, c'est qu'il n'y a pas de mandat et qu'il n'y a pas de
dépôt aux tables, alors que le ministre nous dit que les mandats
sont tous en possession de ses porte-parole, qu'attend-il, comme ministre
responsable, pour éviter ces grèves et qu'attend-il pour que ces
dépôts soient effectifs aux tables, puisque la raison
fondamentale, à ce qu'on me dit, c'est qu'il n'y a pas concordance entre
les affirmations et les dépôts? Qu'attend-il pour faire
déposer ses porte-parole, pour éviter la grève,
l'anxiété, etc.?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, si la députée de
Maisonneuve était en cette Chambre, elle pourrait poser des questions au
ministre des Transports concernant Quebecair. J'aimerais quand même faire
remarquer que les députés d'Abitibi et ceux du côté
ministériel sont là ce matin.
M. le Président, le député de Joliette n'est pas
sans savoir que dans toute négociation concernant les conventions
collectives, les deux parties ne sont pas nécessairement d'accord la
première journée des négociations et qu'il y a, au fur et
à mesure des discussions, une évolution vers des ententes. C'est
ce qui se passe actuellement, comme dans toute autre négociation et
comme cela s'est passé généralement dans les
négociations des secteurs public et parapublic. Exception faite de 1982,
c'est généralement ce qui se passe.
J'ai dit et je répète en cette Chambre que les
négociations qui se passent aux tables évoluent très bien.
Les deux parties négocient intensément et cela principalement
depuis les derniers jours. Les deux parties semblent avoir le désir
très fort - je peux affirmer cela pour le côté patronal et
j'en ai aussi le sentiment pour ce qui est du côté syndical - d'en
arriver à des conventions négociées et tous les efforts
sont faits dans ce sens.
Une voix: Adopté, M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): En additionnelle, M. le Président.
Au-delà du cours de secondaire V que le ministre veut nous faire en
matière de relations du travail, est-ce que le ministre pourrait nous
dire...
Le Président: En additionnelle, M. le chef de
l'Opposition. Votre question, M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si cela ne
plaît pas au président du Conseil du trésor, très
bien! Au niveau du cours qu'il nous donne, sixième année
primaire, en matière de négociation, est-ce que le
président du Conseil du trésor pourrait nous dire simplement et
clairement si les mandats qu'il a évoqués ici, à
l'Assemblée nationale et dans les couloirs devant les journalistes, se
sont traduits concrètement par des dépôts là
où, comme il le dit, cela doit se faire, c'est-à-dire à la
table de négociation?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Gobeil: M. le Président, le chef de l'Opposition
conviendra avec moi que je répondais au député de Joliette
lorsqu'il invoque que mes réponses étaient des réponses
d'un élève de secondaire V.
Des voix: Primaire!
Le Président: À la question, M. le ministre.
M. Gobeil: M. le Président...
Le Président: Si vous me permettez, j'ai beaucoup de
difficulté à avoir des questions et des réponses ce matin;
c'est lundi. M. le président du Conseil du trésor.
Une voix: Passons au primaire maintenant.
M. Gobeil: M. le Président, je répondrai au chef de
l'Opposition et j'essaierai d'avoir une réponse d'universitaire. Les
mandats qui ont été dégagés initialement par le
Conseil du trésor et amendés au fur et à mesure des
discussions aux tables de négociation ont été
exposés très clairement à la partie syndicale.
Je suis sûr également que le chef de l'Opposition
comprendra qu'en cours de négociation, nous devons, vis-à-vis des
centrales syndicales, utiliser ce qu'on appelle la méthode
d'exploration. Je puis affirmer au chef de l'Opposition que les unités
syndicales, les centrales syndicales et les représentants syndicaux
connaissent la position du gouvernement dans la majorité sinon dans
toutes les matières.
Quand je dis la majorité, il y a exception pour les salaires
potentiels de 1987 et 1988 qui pourraient faire l'objet de négociations
après une entente de principe sur les matières, incluant la
matière salariale de l'année 1986.
Le Président: En principale, je reconnais un
député de la formation ministérielle, M. le
député de Rimouski. (11 h 10)
Une voix: L'autoroute, l'autoroute!
Fonds de recherche et de développement à
Québec Téléphone
M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, ma question
s'adresse au ministre des Communications. En mai et juin dernier, le
ministère des Communications avait suggéré certaines
recommandations à la Régie des services publics quant à la
création d'un fonds de recherche et de développement provenant de
la compagnie Québec Téléphone. Le 10 novembre dernier, la
Régie des services publics ordonnait à ladite compagnie de
créer un fonds de recherche et de développement en
télécommunications. L'entreprise Québec
Téléphone située dans mon comté emploie 2000
personnes et dessert 210 000 usagers dans le Bas-Saint-Laurent, la
Gaspésie, la Côte-Nord, la Beauce et Portneuf. La recherche et le
développement économique et régional représentent
un élément majeur dans une région comme la mienne. Ma
question s'adresse au ministre des Communications. Le ministre peut-il nous
dire si Québec Téléphone a l'intention d'aller de l'avant
avec ce programme? Si oui, quelles sont les démarches en cours?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. French: M. le Président, dans le litige qui
traînait depuis deux ans entre la Régie des services publics et
Québec Téléphone concernant le taux de rendement
acceptable sur le capital que peut accepter le régulateur
vis-à-vis de l'industrie qui détient un monopole, le
ministère des Communications a recommandé à la
Régie des services publics avec le concours de Québec
Téléphone qu'une façon de réduire le taux de
rendement serait de créer un fonds de recherche et de
développement en région d'une somme de 10 000 000 $. Cette
suggestion a été retenue par la Régie des services
publics. Québec Téléphone l'accepte, le projet va de
l'avant et, le 10 décembre, il y aura dépôt par
Québec Téléphone pour approbation des lignes directrices
financières et comptables de gestion du fonds.
Dans quatre mois, il y aura dépôt de la politique de
gestion du fonds et des critères d'acceptation du projet. Les
discussions sont en cours entre le ministère des Communications du
Québec, la Régie des services publics et Québec
Téléphone pour préparer des projets concrets dans le
secteur des télécommunications. Nous sommes très heureux
de ce développement qui est, croyons-nous, un des plus larges projets de
recherche et de développement jamais entrepris dans les régions
périphériques du Québec. Nous savons combien importants
sont ces efforts de recherche et de développement pour la
création d'emplois et pour les
retombées économiques, plus particulièrement en
région périphérique.
Le Président: En principale, Mme la députée
de Johnson.
Épandage de purin de porc à
Kingsbury
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Avec l'arrivée
au pouvoir du gouvernement libéral, les citoyens et citoyennes du
Québec devraient pratiquement être immunisés contre
certains problèmes environnementaux graves. Pour la deuxième fois
en neuf mois, les citoyens du village de Kingsbury dans le comté de
Johnson vivent des heures d'inquiétude à cause de
l'épandage de purin de porc. Le 18 novembre dernier, il y a eu un
épandage massif; on parle de 100 000 à 125 000 gallons de purin
qui ont été déversés sur un terrain en pente et
rocailleux et cela avec l'approbation, par téléphone, du
ministère de l'Environnement régional. Le ministre est-il au
courant que les citoyens du village de Kingsbury ont été
privés d'eau potable durant quinze jours d'affilée? Qu'entend-il
faire pour qu'une catastrophe semblable ne se reproduise plus?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
À l'ordre, s'il vous plaît: J'ai très bien saisi la
question de Mme la députée de Johnson. M. le ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, le 17 novembre, il y a eu
effectivement une requête de la firme Porcherie de l'Est au
ministère de l'Environnement pour un épandage de purin de porc.
Cet épandage a été sollicité par l'inspecteur
municipal de l'environnement de l'endroit qui a communiqué avec le
ministère. Le ministère a fait connaître toutes les normes
qui s'appliquaient dans ce cas. L'épandage a été fait
selon les directives du ministère dans des cas semblables qui
s'appliquent à toutes les porcheries du Québec. Le 18 novembre,
un conseiller municipal a porté plainte. Les services du
ministère se sont enquis de la situation ainsi que l'inspecteur
municipal de l'Environnement qui n'a détecté aucune faille dans
le système d'épandage selon les normes du ministère. Le 21
novembre, on a communiqué avec le ministère de l'Environnement
pour dire que vers 16 heures on décelait que l'eau potable de la
municipalité était impropre à la consommation.
Urgence-Environnement a été sur place tout de suite, ce 21
novembre. Puis, Urgence-Environnement a fait participer tous les services du
ministère. À partir du 21 novembre, le ministère a
travaillé presque sans relâche. Des tests ont été
faits, des échantillonnages ont été pris, dès le 22
novembre, et d'autres échantillonnages, quatre jours plus tard, soit le
26 novembre. Le 24 novembre, il y a eu une enquête totale du
ministère. Deux personnes y ont été engagées
à temps plein. Elles ont fait sept visites et cinq inspections sur tous
les lieux d'épandage de l'endroit.
Nous agissons avec la plus grande priorité, avec la plus grande
fermeté pour déceler d'abord les coupables et ensuite, pour
rétablir la situation normale. Vendredi dernier, nous avons pu
émettre un communiqué pour aviser tous les gens de l'endroit que
l'eau était potable à nouveau.
Le Président: Mme la députée de Johnson, en
additionnelle.
Mme Juneau: Je parle d'une situation grave. Des familles
complètes ont été malades et il me parle d'enquête.
Je veux savoir si le ministre va réagir et de façon ferme afin
que cette chose-là ne se reproduise plus, et que nos familles dans les
villages de cette région ou ailleurs au Québec ne soient plus
malades parce que le ministre ne prend pas ses responsabilités.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je suis prêt, comme
ministre de l'Environnement, à accepter toutes les
responsabilités de mon ministère et je le fais. En même
temps, il ne faudrait pas que la députée commence à
charrier. Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Cela fait
trois ans qu'il y a là des épandages, c'est la quatrième
fois que cela se produit. Ne venez pas nous dire qu'on a des solutions miracles
aux épandages de purin de porc au Québec.
Mme la députée, pour la première fois depuis que ce
gouvernement est en place, les ministres de l'Environnement et de l'Agriculture
se parlent souvent. Nous avons fait un comité...
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Lincoln: Attendez, attendez ma réponse, vous avez
demandé notre solution.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lincoln: Nous avons un comité
permanent entre le ministre de l'Agriculture, ses fonctionnaires et
moi-même. Nous allons trouver des solutions. Mais je serais
malhonnête envers la population de dire que d'un jour à l'autre on
aura trouvé des solutions miracles pour les épandages de purin de
porc dans toute la province de Québec.
On a mis cette chose en grande priorité, au ministère.
Vous dites qu'il ne faudrait pas faire d'enquête. En même temps, il
faut savoir ce qui s'est passé. On a envoyé là tous les
fonctionnaires du ministère. On se penche aussi sur cette question
d'aviculture avec l'UPA et avec le ministère de l'Agriculture de
façon continue depuis quelques mois. Tout de même, si vous avez
des solutions miracles à ces problèmes, produisez-les.
Il y a 8000 producteurs de porc dans cette région. Il faudrait
presque 8000 inspecteurs pour empêcher des déversements sauvages.
C'est vrai. On en a cinq. On fait notre possible avec nos moyens, mais la
solution permanente c'est de négocier quelque chose avec le
ministère de l'Agriculture, ce que nous faisons de façon
continue.
Je prends un engagement envers notre population et les autres que ce qui
se passe depuis des années sera corrigé dans un temps
raisonnable.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: M. le député de Terrebonne, en
additionnelle.
M. Blais: Plutôt que de se fâcher et de venir le
visage purpurin, le ministre pourrait-il prendre réellement ses
responsabilités et demander à ses inspecteurs d'appliquer les
normes de sorte que l'épandage ne se fasse pas sur des terrains
rocailleux qui conduisent le purin directement à la rivière et
ainsi rendre l'eau "impropice" à la consommation?
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: M. le député de Terrebonne,
avant de permettre au ministre de l'Environnement de répondre à
la question, j'aimerais que vous retiriez le qualificatif employé quant
au visage de M. le ministre, sinon on n'en finira plus. (11 h 20)
M. Blais: M. le Président, question de règlement,
s'il vous plaît! Le mot "purpurin", c'est un qualificatif qui veut dire
rouge pourpre, et c'est très parlementaire, M. le Président.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: Vous comprendrez que, dans le contexte du
sujet débattu actuelle- ment, cela porte drôlement à
confusion. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je rappellerai au
député de Terrebonne que le mot "impropice" n'existe nulle
part.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Gratton: Même quand on parle de purin.
Le Président: M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: C'est votre gouvernement qui est "impropice", M. le
Président.
Le Président: M. le ministre.
M. Lincoln: Je suppose, M. le Président, que c'est
là une pollution de langage de la part...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: II y a des normes là-dedans.
Une voix: Oui, il y a des normes.
Le Président: À la question, s'il vous
plaît!
M. Lincoln: Oui, là aussi, il y a des normes à
respecter. Je suppose que vous parlez d'eau impropre.
Une voix: Oui, oui.
M. Lincoln: L'eau impropre dans les régions agricoles, on
ne l'a pas découverte hier. Cela existe déjà. J'ai
déjà dit au député qui vient de poser une question
que nous nous assurons, de la façon la plus ferme possible, que les
épandages soient faits selon les normes. Là, il y a une
présomption d'accusation formelle contre les propriétaires de la
porcherie qui ont épandu du purin le 17 novembre. Pourtant, il n'est pas
clair que ce soit ça la cause fondamentale du problème. C'est
pourquoi il y a enquête du ministère. On ne peut pas accuser a
priori des gens lorsqu'ils sont censés avoir suivi les normes. Nous
sommes en train de faire une enquête intensive sur la question. Deux
échantillonnages ont été pris par les laboratoires du
ministère. L'eau est potable actuellement. Je regrette beaucoup, autant
que la députée, que cela se soit produit. Ce qu'il faut, ce sont
des solutions à long terme et nous les prenons avec le ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation afin que cette
situation ne se répète plus. Elle s'est
répétée bien plus longtemps avant et ce n'est pas nous qui
l'avons inventée, madame.
Le Président: Une dernière question très
brève, M. le député de Jonquière.
La fermeture de la ville de Schefferville
M. Dufour: Vendredi dernier, en réponse à ma
question concernant la mise en tutelle de Schefferville, le ministre des
Affaires municipales, dans sa réponse lue, a seulement rappelé
les faits connus lorsqu'il nous a arraché la loi concernant la fermeture
de Schefferville et il n'a rien changé. En agissant ainsi, est-ce que le
ministre reconnaît que sa décision de fermer Schefferville
était prématurée ou aurait-il des faits à
cacher?
Des voix: Oh!
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et
responsable de l'Habitation.
Une voix: Ni l'un ni l'autre.
M. Bourbeau: M. le Président, la décision de fermer
éventuellement la ville de Schefferville a été prise par
le gouvernement après mûre réflexion. Je ne peux pas dire
qu'elle était prématurée. La décision est en train
d'être mise en application, et cela se fait au fur et à mesure des
mois. Je ne vois pas en quoi le député peut prétendre que
nous agissons d'une façon prématurée.
Le Président: Fin de la période des questions et
réponses orales.
Je vais maintenant reconnaître, tel qu'annoncé
antérieurement, M. le ministre délégué à la
Privatisation en réponse à une question sur Cambior. M. le
ministre.
Vente des actifs de SOQUEM à Cambior
M. Fortier: M. le Président, l'Opposition me demandait
jeudi et vendredi dernier un dépôt de documents et j'ai
profité du week-end pour faire le point avec mes fonctionnaires sur le
sujet. H me fait plaisir de dire au député de Bertrand qu'en ce
qui concerne la convention entre SOQUEM et Cambior nous n'avons aucune
hésitation à déposer ce document en cette Chambre. Nous
l'avions reçu, mais il y avait une faute typographique. Le document a
été retourné aux avocats et, incessamment, je pourrai le
déposer en cette Chambre. On me dit que ce pourrait être demain ou
après-demain. Dès que je recevrai la copie, je la
déposerai en cette Chambre.
En ce qui concerne le document de McNeil, Mantha, j'avais
été porté à croire que ce document incluait des
annexes contenant des jugements de valeur sur des compagnies aurifères
québécoises cotées à la
Bourse. Après vérification, j'ai constaté qu'il
n'en était rien et je désire corriger les faits. En
conséquence, si l'Opposition désire toujours que je dépose
ce document de McNeil, Mantha, il me fait plaisir de le déposer en cette
Chambre.
M. le Président, le député...
Le Présidents Si vous me permettez, est-ce qu'il y a toujours
consentement pour déposer le document?
Une voix: ...
Le Président: Oui? Alors, document
déposé.
M. Fortier: Le député de Bertrand m'avait
également posé une question à propos d'un
énoncé de la firme McLeod Young and Weir ayant trait à la
chute de production à la mine Doyon. Il me posait cette question: Est-ce
que le ministre a pris connaissance de ce commentaire et si oui, comment
peut-il expliquer que quelques mois plus tard, le 24 septembre, les dirigeants
de la mine Doyon annonçaient non pas une baisse de la production mais
une augmentation de 50 %?
M. le Président, je crois que la question est sérieuse et
j'aimerais apporter un complément de réponse. Dans le rapport de
McLeod Young and Weir daté du 7 octobre 1985, l'évaluation de
cette firme s'appuyait sur une production estimée de 87 000 onces d'or
en 1986-1987. Or, au mois de mars, McLeod Young and Weir constate la
possibilité d'une chute substantielle de la production de la mine Doyon
à la suite de l'examen de rapports internes du gestionnaire de la mine
Doyon, qui est Lac Minerais et non pas Cambior, comme vous le savez.
Par conséquent, l'évaluation de Cambior effectuée
par McLeod Young and Weir datée du 23 avril 1986 présume d'une
production de 80 000 onces d'or en 1986. En plus, une baisse importante de la
production est prévue en 1989, soit au moment où la production
à ciel ouvert devrait être terminée.
C'est donc dire, M. le Président, qu'au mois d'avril, à la
suite d'une visite a la mine Doyon, McLeod Young and Weir a pu constater qu'il
y aurait baisse de production puisque, comme je l'ai indiqué vendredi
dernier, il y aurait nécessité d'exploiter la mine en souterrain
et, en conséquence, que les coûts de production seraient
augmentés.
M. le Président, ce qu'il faut noter, c'est que ce qui a
été annoncé le 24 septembre dernier - et je remercie le
député de sa question, parce je crois qu'il s'agit là d'un
élément de réponse qu'il est important de donner à
la population - ce n'était pas une annonce en ce qui a trait à la
production de la mine mais plutôt à une
augmentation de la production du moulin qui est en surface de la mine.
C'est donc dire qu'au sujet de l'augmentation de 50 % de la production de la
mine Doyon, il importe de préciser qu'il s'agit d'une augmentation de 50
% de la capacité de la production du moulin de la mine et que cette
capacité sera portée à 3300 tonnes par jour au lieu de
1500 tonnes par jour.
Cette augmentation sera financée par un investissement de 16 000
000 $ dont la moitié sera financée par Cambior. Je précise
immédiatement que n'eût été du fait qu'il y a eu
émission d'actions et que nous avons pu laisser dans Cambior une
encaisse importante, que cette augmentation de production à la mine
même - je parle de l'augmentation du moulin - ce qui augmente la
rentabilité globale de la mine, cet investissement n'aurait pu se faire,
parce que SOQUEM n'avait pas les moyens financiers de le faire et que ce n'est
qu'à la suite de la privatisation de Cambior que cette opération
a pu se faire. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le ministre. M. le
député de Bertrand, question additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Oui, question additionnelle. À la
suite des réponses que le ministre me fournit, comment peut-il expliquer
que tous les tableaux de l'étude McLeod Young and Weir, dans les
prévisions budgétaires 1986-1987-1988, prévoyaient, pour
l'évaluation des actifs aurifères, une production de 160 000
onces d'or et qu'à la suite de cette annonce, en septembre dernier, on
parle maintenant d'une production, dès 1986, de 205 000 ou 210 000 onces
d'or par rapport aux prévisions qui étaient faites dès le
mois d'avril dernier?
Le Président: M. le ministre délégué
à la Privatisation.
M. Fortier: M. le Président, ce qu'il faut savoir, c'est
si Lac Minerals, le gestionnaire de cette mine, s'est intéressé
davantage à la production de la mine Doyon, récemment, c'est
dû au fait qu'un juge ontarien a décidé il y a quelques
mois que la mine Emlo qui lui appartenait auparavant ne lui appartenait plus;
d'où un intérêt subit pour la mine Doyon, puisque c'est une
mine qui n'est pas contestée par le jugement de la cour ontarienne.
Récemment, en plus, il faut indiquer -je crois que le
député a pu en prendre connaissance mais c'est bien de le
rappeler -que des forages récents qui ont été faits dans
la partie ouest de la mine ont déterminé qu'il y avait un filon
qui n'était pas connu et qu'en conséquence, les réserves
minières dans la mine Doyon étaient plus considérables que
celles que nous connaissions dans le passé. (11 h 30)
C'est donc dire - et le député sera d'accord avec moi
quand on parle des réserves minières - que ces chiffres
évoluent dans le temps et que c'est à la suite de cet
intérêt subit pour la mine Doyon de la part de Lac Minerais et de
Cambior, par le fait qu'il y a eu des forages récents qui ont
indiqué un potentiel plus important et un filon extrêmement riche
dans la partie ouest de la mine... c'est à partir de ces données
que Lac Minerais et que Cambior ont déterminé de profiter de
cette aubaine et d'activer la production de la mine. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président: Merci, M. le ministre. Fin de la
période de questions et du complément, tel qu'annoncé.
Nous allons continuer les affaires courantes. Ce matin, il n'y aura pas
de vote de reporté.
Motions sans préavis. À l'ordre, s'il vous
plaît!
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Gratton: Oui, je désire aviser l'Assemblée
qu'aujourd'hui, après les affaires courantes, jusqu'à 13 heures,
de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la
salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des
équipements poursuivra l'étude détaillée des
projets de loi suivants et ce, dans l'ordre indiqué:
Premièrement, le projet de loi 127, le Code de la sécurité
routière; deuxièmement, le projet de loi 121, Loi concernant
certaines rétrocessions de droits dont le gouvernement est devenu
titulaire par expropriation avant le 1er avril 1976 et finalement, le projet de
loi 144, Loi modifiant la Loi sur les transports.
À la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de
l'économie et du travail procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 119, Loi modifiant la Loi sur les
relations de travail dans l'industrie de la construction.
Finalement, de midi à 13 heures, de 15 heures à 18 heures
et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil
législatif, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation procédera à l'étude détaillée
de deux projets de loi dans l'ordre suivant: Premièrement, le projet de
loi 132, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et,
deuxièmement, le projet de loi 117, Loi modifiant de nouveau la Loi sur
la protection sanitaire des animaux.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...c'est une remarque que je veux faire
publiquement quand même parce que je dois parler cet après-midi,
et notre formation a présenté une motion de blâme. Je
comprends que pour le leader du gouvernement c'est important que ses
commissions fonctionnent, mais il me semble que lorsqu'une formation politique
propose une motion de blâme, en particulier dans une fin de session
où la durée n'est que de deux heures, il est important qu'il y
ait suspension - j'en fais une demande expresse au leader du gouvernement -
pour que de 15 heures à 17 heures, pour la motion de blâme, on
puisse véritablement permettre à notre formation politique
d'être en Chambre pour permettre de plaider sur le fond de cette motion
de blâme.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: ...j'ai déjà indiqué au leader
de l'Opposition que j'étais prêt à discuter de
possibilité de ce côté, mais il n'est quand même pas
pour me demander d'acquiescer à une demande qui ferait en sorte qu'on
suspende les travaux de trois commissions pendant une durée de deux
heures au moment où on a toutes les indications, toutes les raisons de
croire qu'il s'agit, du côté de l'Opposition, de faire de
l'obstruction systématique. Je dis que je suis prêt à
discuter avec le leader de l'Opposition. Je vais m'assurer qu'on puisse faire
les choses convenablement, mais au moment où on se parle, il n'est pas
question de changer les avis que je viens de donner avant que j'en aie
discuté avec le leader de l'Opposition.
Le Président: Renseignements concernant les travaux de
l'Assemblée.
Affaires du jour. Fin des affaires courantes.
Affaires du jour.
Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je vous prie d'appeler l'article 60 du feuilleton,
s'il vous plaît.
Projet de loi 147 Adoption
Le Président: À l'article 60, au feuilleton, il
s'agit de l'adoption du projet de loi 147, Loi modifiant la Loi sur la
délimitation des circonscriptions électorales,
présenté par M. le ministre du Revenu. Je suis prêt
à reconnaître le premier intervenant sur l'adoption du projet de
loi 147. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je pense que tout a
été dit autour de ce projet de loi 147, à moins que le
porte-parole de l'Opposition n'ait des remarques ou des questions à
poser. Je pense que, quant à nous, nous sommes prêts à
procéder à l'adoption du projet de loi.
La Vice-Présidente: M. le député de
Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente. Je croyais qu'on
faisait un autre projet de loi avant celui-ci. Quelques commentaires pour dire
au ministre responsable de la Réforme électorale qu'il reste de
moins en moins de temps avant l'ajournement de nos travaux pour la
période des fêtes et qu'en conséquence j'imagine que nous
devrons nous reparler dans les prochains jours pour que nous puissions
satisfaire le voeu formellement exprimé par l'Opposition et
accepté tout aussi formellement par le ministre responsable de la
Réforme électorale en ce sens qu'avant l'ajournement de
Noël, nous puissions, comme Assemblée dans son ensemble, en venir
aux objectifs de la Chambre quant au mandat, à la durée et
à la date de la commission parlementaire qui devra étudier
l'ensemble de la question de la délimitation des circonscriptions
électorales.
Je veux rappeler aussi que nous attendons, entre autres, du ministre
responsable de la Réforme électorale un document qui était
en préparation à son secrétariat. Cela nous permettra de
bien définir ce mandat pour que les membres de cette Assemblée
qui sont intéressés à participer aux travaux de la
commission puissent rapidement s'entendre sur l'ensemble des
éléments qui devront encadrer les travaux de cette commission
parlementaire pour que celle-ci puisse fonctionner efficacement dans un esprit
constructif de saine collaboration, selon le voeu également
partagé par l'ensemble des membres de cette Assemblée d'en
arriver à des consensus autour de cette question.
Tel que nous l'avons prévu dans un amendement qui a
été ajouté au projet de loi au moment de son étude
article par article, dès que les consensus auront été
élaborés par les membres de la commission de l'Assemblée
nationale, la Commission de la représentation électorale pourra,
dès ce moment, entreprendre ses travaux préliminaires pour
préparer ce qu'on appelle dans la loi le rapport préliminaire,
pour que celui-ci puisse être déposé dans des délais
assez brefs, afin de nous permettre
d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, soit celui d'en
arriver au plus tard à la fin de 1988 ou tout au plus au début de
l'année 1989 avec un décret dans la Gazette officielle du
Québec quant aux nouvelles délimitations des circonscriptions
électorales du Québec. En ce sens, nous attendons ce document du
ministre.
Nous souhaitons participer à la préparation de ce mandat,
de la durée et du moment de la commission pour que, je le
répète, nous puissions rapidement travailler autour de cette
question à partir des ententes formellement intervenues entre les
membres de l'Assemblée nationale, particulièrement entre le
ministre responsable de la Réforme électorale ainsi que
moi-même, à titre de porte-parole de ma formation politique, en ce
sens que nous légiférerons à compter de la prochaine
session en priorité sur les consensus, c'est-à-dire sur les
accords qui seront intervenus entre les deux formations politiques au cours de
la commission parlementaire qui sera tenue au mois de janvier ou février
prochain.
À partir de ces éléments, Mme la Présidente,
nous sommes prêts à procéder à l'adoption en
troisième lecture du projet de loi 147. Mais, je réitère
que nous souhaitons qu'on nous transmette le document en question rapidement,
que nous soyons associés à l'élaboration du mandat de la
commission parlementaire pour que nous puissions en faire un mandat formel de
l'Assemblée nationale avant l'ajournement de nos travaux, le 19
décembre prochain. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Gouin. M. le ministre responsable de la Réforme électorale,
est-ce que vous avez d'autres commentaires à faire concernant le projet
de loi 147?
M. Michel Gratton
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, tout simplement pour
vous dire que, effectivement, je reconnais que nous avons pris les engagements
dont parle le député de Gouin. Dès cette semaine, ou en
tout cas, au plus tard la semaine prochaine, je le rencontrerai avec le
document dont il a parlé et qui est présentement en
préparation au secrétariat à la réforme
électorale. Nous examinerons ensemble le libellé d'un mandat
à donner à la commission. Nous aviserons du moment et de la
durée de ladite commission qui, comme je l'ai indiqué,
siégera au plus tard au début de février, mais ce sera
probablement plutôt la troisième semaine de janvier. Donc, tout
cela sera fait et on l'annoncera de façon officielle et formelle ici,
à l'Assemblée nationale, avant que nous nous quittions pour
l'ajournement des fêtes.
Je reconnais d'emblée que le travail de cette commission servira
ensuite à la préparation d'un projet de loi qui devra, lui,
être voté avant le 1er mai prochain pour amender la loi actuelle
sur la représentation électorale et ce, à partir des
engagements, des ententes, ou des accords qui auront pu être
dégagés entre les deux formations politiques
représentées à l'Assemblée nationale au cours de
cette commission parlementaire.
La Vice-Présidente: Je crois comprendre qu'à ce
stade-ci, le débat étant clos, nous allons donc passer à
l'adoption du projet de loi. Est-ce que le projet de loi 147, Loi modifiant la
Loi sur la délimitation des circonscriptions électorales, est
adopté? (11 h 40)
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous demande d'appeler
l'article 24 du feuilleton.
Projet de loi 139 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 24, il s'agit de
l'adoption du principe du projet de loi 139, Loi modifiant la Loi sur la
protection de la jeunesse concernant l'adoption internationale. Mme la ministre
de la Santé et des Services sociaux.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, le projet de loi 139
que je présente aujourd'hui devant cette Chambre vise à modifier
la Loi sur la protection de la jeunesse en ce qui a trait à l'adoption
internationale. Dans son esprit, ce projet accorde au gouvernement le pouvoir
de préciser par règlement les modalités d'intervention du
Directeur de la protection de la jeunesse ou d'un organisme reconnu par la
ministre dans le processus d'adoption internationale. Il prévoit
également une infraction contre une personne qui fait entrer ou
contribue à faire entrer au Québec un enfant né hors du
Québec en contravention des dispositions de la loi et de ses
règlements d'application.
Je voudrais simplement rappeler que ce n'est pas la première fois
que nous discutons d'adoption internationale au Québec et que, dans le
passé, alors que j'étais moi-même porte-parole de
l'Opposition en cette matière, j'ai constamment concuru, dans
l'intérêt des enfants, à appuyer toute mesure qui visait
à améliorer le processus de l'adoption internationale.
On doit se rendre à l'évidence que, malgré le fait
que nous ayons légiféré dans
cette Chambre à quelques reprises sur l'adoption internationale,
l'adoption d'enfants domiciliés hors Québec continue à
susciter une grande incertitude. L'apparente confusion dans ce dossier justifie
donc la présente intervention législative en même temps
qu'elle commande la réaffirmation de certains principes de base relatifs
à l'institution de l'adoption. Parmi ces principes fondamentaux, le
gouvernement tient à réitérer le fait que l'adoption
plénière a seule droit de cité au Québec. Cette
politique gouvernementale s'appuie sur le respect des droits de l'enfant et de
son intérêt. L'adoption plénière confère en
effet à tous les enfants l'égalité devant la loi en leur
accordant les mêmes droits et obligations, quelle que soit l'origine de
leur naissance.
En regard de ce qui précède, je me permettrai ici
d'apporter quelques éléments, afin d'assurer une perspective
complète du dossier. Historiquement, l'adoption existait chez certains
peuples afin de permettre à une personne d'entrer dans une famille par
une action légale. L'adoption était alors conçue dans
l'intérêt de la famille adoptive car elle visait à assurer
la transmission du nom, la perpétuité de la famille. Cette
institution perdit de son importance avec la réorganisation du pouvoir
en ce qui a trait aux États. Elle devint plutôt un moyen de
secourir des enfants sans famille ou abandonnés. Les lois devaient alors
sanctionner une nouvelle réalité. L'adoption est conçue
non plus en faveur de la famille adoptive, mais en faveur de l'enfant. Jusqu'en
1970, le Québec fait adopter des enfants dans différents
États américains et en Europe, particulièrement en France.
À partir de cette date, cependant, le phénomène de
l'adoption d'enfants étrangers par les Québécois commence
à prendre de plus en plus d'ampleur. La baisse du taux de
natalité, entre autres, le support accru aux familles monoparentales et
l'évolution des mentalités contribuent à allonger la liste
des couples postulant pour une adoption internationale, compte tenu que le
nombre d'enfants adoptables au Québec diminue, contrairement à ce
que nous avions connu dans les années quarante, cinquante et même
soixante.
Compte tenu de la progression rapide de cette problématique, un
certain nombre de problèmes ont émergé tant d'ordre social
que psychologique, juridique et diplomatique.
La Vice-Présidente: Je m'excuse, Mme la ministre. J'ai une
question de règlement concernant le quorum. Je vais donc vérifier
si effectivement il y a quorum. Nous avons quorum présentement. Mme la
ministre, vous pouvez continuer.
Mme Lavoie-Roux: Un premier pro- blème. À la suite
de cette hausse de demandes d'adoption internationale, un premier
problème relatif au statut de l'enfant s'est posé d'une
façon de plus en plus aiguë. L'absence de lignes directrices dans
ce dossier a conduit le législateur à des modifications en 1980
et, ensuite, en 1983. L'égalité de tous les enfants devant la loi
est un des principes de base de ces modifications. Des changements importants
sont apportés aux règles relatives à l'affiliation, en
espérant instaurer une uniformité dans le processus et les effets
de l'adoption.
Ce souci d'assurer l'égalité des enfants se manifeste dans
toute cette approche. Il édicte, entre autres, des dispositions en ce
sens que l'adoption constitue un moyen pour intégrer l'enfant à
une nouvelle famille et lui assurer les mêmes droits qu'à un
enfant dont la filiation est établie par le sang.
Un des buts principaux de cette réforme est que la situation
juridique de l'enfant par rapport à ses parents adoptifs soit clairement
établie. De nouvelles modifications législatives en 1983 se
situent dans la même lignée que celles de 1981. Les débats
de l'Assemblée nationale de cette époque ont clairement fait
ressortir l'intention du législateur dans le projet de loi 55 du
temps.
À ce moment - je suis heureuse de le réitérer
aujourd'hui - je constatais avec satisfaction que le projet de loi
présenté par le gouvernement antérieur était dans
la bonne direction et qu'il posait, pour l'adoption des enfants
étrangers, les mêmes conditions qu'à l'égard des
enfants québécois et que seule l'adoption plénière
était reconnue en droit québécois.
Cependant, en même temps qu'on a voulu éviter les adoptions
boiteuses et peu claires quant aux démarches suivies, les dispositions
du projet de loi 55 à la reconnaissance des adoptions prononcées
par un tribunal étranger soulèvent des difficultés
d'application et d'interprétation et c'est la raison pour laquelle le
gouvernement doit intervenir de nouveau aujourd'hui. C'est là l'objectif
du projet de loi 139.
Entre autres mesures, à cette fin, le 19 novembre 1986, le
gouvernement approuvait une directive émise aux établissements en
vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse afin d'assurer l'atteinte des
objectifs de l'intervention sociale en matière d'adoption
internationale. Cette directive, Mme la Présidente, réaffirme les
mesures législatives concernant l'égalité des enfants
devant la loi et le fait qu'ils ont tous les mêmes droits et obligations,
qu'il s'agisse d'un enfant né au Québec ou hors
Québec.
Elle réaffirme aussi que l'adoption consacre la rupture
complète du lien de filiation avec la famille d'origine et la
création d'un lien de filiation unique qui unit
l'enfant à l'adoptant. C'est ce qu'on désigne sous
l'appellation "adoption plénière". Cette directive vise
également à informer les futurs adoptants que l'adoption d'un
enfant né hors Québec est possible lorsque l'État
d'origine de l'enfant permet qu'un résident québécois
puisse y obtenir un jugement d'adoption plénière ou lorsque le
gouvernement du Québec a conclu un accord avec un État en vue
d'un placement au Québec pour une adoption au Québec d'un enfant
domicilié dans cet État.
Mme la Présidente, les avantages liés au fait que notre
Code civil a établi l'assise de l'adoption internationale par une
adoption dite plénière sont nombreux. L'enfant n'a qu'une seule
filiation et tous les enfants sont égaux devant la loi, puisque l'enfant
né hors Québec bénéficie des mêmes droits que
l'enfant québécois adopté. Le consentement des parents
d'origine et les exigences des autres pays sont respectés. La
sécurité psychologique et juridique de l'enfant et de ses parents
adoptifs est assurée.
L'adoption privée. Les trafics d'enfants dans les pays sont
freinés et les adoptions juridiquement contestables
évitées. Cette directive, qui précise notamment les
situations où le Secrétariat de l'adoption internationale et le
Directeur de la protection de la jeunesse peuvent intervenir doit être
envisagée conjointement avec deux autres mesures, dont certaines sont
précisément prévues au présent projet de loi,
à savoir: d'abord, circonstancier les conditions et modalités
selon lesquelles le directeur ou un organisme reconnu peut intervenir en
matière d'adoption internationale; deuxièmement, clarifier
l'infraction relative au fait de faire entrer ou de contribuer à faire
entrer au Québec un enfant né hors Québec et ce,
contrairement aux prescriptions de Loi sur la protection de la jeunesse; la
nécessité de clarifier les conditions et modalités
d'intervention du Directeur de la protection de la jeunesse et d'un organisme
reconnu origine d'une imprécision tant au Code civil qu'à la Loi
sur la protection de la jeunesse. (11 h 50)
Ces lois stipulent que les requérants ont le choix de
procéder par l'un des intermédiaires suivants: le ministre de la
Santé et des Services sociaux par le truchement du secrétariat
à l'adoption, le Directeur de la protection de la jeunesse et un
organisme reconnu. Conséquemment, la loi ne précise pas à
quelles étapes du processus chacun des intermédiaires devrait
intervenir compte tenu des responsabilités qu'il doit assumer en vertu
de la loi ou d'une entente avec le ministre. Ces responsabilités sont
dans une approche complémentaire inhérente à la
compétence et aux habiletés de chacun.
Le Directeur de la protection de la jeunesse assume tout au long du
processus des responsabilités déterminantes qui lui sont
dévolues par le Code civil, par le Code de procédure civile et
par la Loi sur la protection de la jeunesse: par exemple, l'examen des futurs
adoptants. Le rôle du Directeur de la protection de la jeunesse est donc
circonscrit par les responsabilités qui lui sont attribuées
particulièrement.
L'article 72.2 de la Loi sur la protection de la jeunesse prévoit
la reconnaissance d'un organisme du Québec aux fins de l'adoption d'un
enfant domicilié hors Québec. Des jugements récents du
Tribunal de la jeunesse et certaines difficultés vécues par les
organismes dans d'autres pays nous démontrent sans l'ombre d'un doute
que nous devons circonscrire le cadre dans lequel un organisme peut agir: par
exemple, l'accompagnement des enfants, l'accompagnement des adoptants, l'aide
aux adoptants en termes de support, conseil et assistance. Compte tenu de
l'importance d'encadrer ces organismes pour leur intervention au Québec
et dans les pays étrangers et compte tenu des difficultés d'une
permanence de leurs membres, il semble nécessaire qu'ils agissent dans
le cadre d'une entente avec le ministre dans laquelle seront
déterminées les responsabilités selon leur
compétence et habileté.
Il est de ma responsabilité d'élaborer des règles
qui doivent guider l'action de ces organismes. Il est donc essentiel d'avoir le
pouvoir habilitant de réglementer les conditions et les modalités
selon lesquelles le Directeur de la protection de la jeunesse et un organisme
reconnu peuvent agir en matière d'adoption internationale. Les
difficultés d'application nous amènent à conclure que le
secrétariat à l'adoption exerce notamment les
responsabilités suivantes à titre de représentant de la
ministre de la Santé et des Services sociaux: les accords avec les pays
étrangers, la reconnaissance et l'entente avec des organismes au
Québec, la vérification et l'interprétation des lois
étrangères, la détermination des documents
nécessaires à la preuve au Québec, par exemple, du
consentement donné par les parents d'origine, de l'adoptabilité
de l'enfant et de l'acceptation en vue de l'entrée de l'enfant au
Québec et enfin, la finalisation du processus d'adoption dans le pays
étranger et au Québec.
Dans ce contexte, le Secrétariat à l'adoption
internationale est un agent régulateur et de coordination et est
impliqué dans le processus d'adoption du début jusqu'à la
fin. C'est pourquoi le pouvoir de réglementation précisera les
conditions et modalités selon lesquelles le Directeur de la protection
de la jeunesse et un organisme reconnu peuvent intervenir en matière
d'adoption internationale. Conséquemment, ces diverses mesures nous
permettront de clarifier le rôle de chacun des intervenants:
secrétariat à l'adoption, Directeur de la
protection de la jeunesse et un organisme reconnu.
Avant de passer à la deuxième disposition, j'aimerais
ouvrir une parenthèse, particulièrement pour les parents qui
attendent depuis longtemps la possibilité d'adopter un enfant sur le
plan international et qui doivent subir les contraintes très dures du
temps. On sait fort bien que des parents qui prennent la décision
d'adopter un enfant s'y préparent pendant un an ou deux avant que
n'intervienne une décision. Finalement, le processus leur paraît
très long et on est porté à en tenir le Secrétariat
à l'adoption internationale de même que le Directeur de la
protection de la jeunesse responsables des lenteurs de tout le processus de
l'adoption.
Sans vouloir dire que tous et chacun sont à l'abri de quelque
reproche que ce soit, parce qu'il faudrait vraiment à ce
moment-là être très présomptueux, je pense qu'il est
important que le nombre d'enfants disponibles pour une adoption
plénière dans les pays étrangers soit quand même
limité et que, du côté du Secrétariat à
l'adoption internationale et du Directeur de la protection de la jeunesse, des
efforts soient fournis pour accélérer le processus. Je peux les
assurer que tous les efforts seront faits en ce sens-là. Il reste quand
même une réalité: l'adoption des enfants au plan
international est une opération complexe qui demande à être
traitée avec tous les égards qu'une telle opération peut
vouloir dire.
Encore une fois, le nombre d'enfants que les pays sont prêts
à laisser aller pour une adoption internationale est quand même
très limité. Si on y ajoute le cas des pays qui n'acceptent que
l'adoption simple, c'est-à-dire qui ne désirent pas une rupture
du lien de filiation avec la famille d'origine, la situation se complique
encore davantage. C'est dans ce sens-là que nous prévoyons
conclure des ententes avec certains pays ou certains États pour
clarifier cette situation, de sorte que les enfants qui seront laissés
pour adoption dans ces États où l'on ne prévoit que
l'adoption simple, pourront être adoptés comme des enfants dont le
statut d'enfant abandonné ou d'orphelin est vraiment reconnu, de sorte
que, dans ces cas-là aussi, on pourra, après entente avec les
États, procéder à une adoption plénière.
Nous pensons que cela permettrait de clarifier ces situations extrêmement
ambiguës et de contrer aussi, nous l'espérons, ces démarches
qui se font privément, la plupart du temps, j'en suis convaincue, avec
de très bonnes intentions, mais qui, néanmoins, créent des
difficultés juridiques pour l'enfant que les parents pensent adopter
d'une façon tout à fait régulière.
Quant à l'infraction qui est également prévue,
c'est parce que, à la suite de certaines demandes d'enquêtes au
ministère de la Justice, ce dernier a été dans
l'impossibilité de procéder, du fait que l'article 135.1 tel que
rédigé, ne permet pas d'identifier et de prouver les actes faits
au Québec. La sanction pénale, de même que l'obligation
civile imposée aux adoptants d'être évalués et de
procéder à l'adoption par un intermédiaire reconnu, ne
peuvent recevoir d'application pratique et plusieurs adoptions se font
actuellement sans respecter ces conditions.
Pour que l'adoption se fasse dans l'intérêt de l'enfant et
le respect de ses droits, il est essentiel non seulement de mesurer les
éléments juridiques, mais également les aspects
psychologiques et sociaux. L'examen et l'intervention d'un intermédiaire
visent à préciser cet objectif. Pour s'assurer que les adoptants
respectent ces obligations, il est nécessaire de préciser
l'infraction déjà prévue au paragraphe c de l'article
135.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Enfin, j'ai envisagé d'autres moyens pour favoriser l'adoption
d'un enfant né hors Québec. Tel que prévu à la Loi
sur la protection de la jeunesse, le Secrétariat à l'adoption
internationale, en collaboration avec le ministère des Relations
internationales, s'engagent dans une démarche intensive avec les pays
étrangers dans le respect des principes que consacrent nos textes
législatifs et ceux de ces pays pour faciliter l'adoption d'enfants et
leur procurer un milieu parental, familial et affectif.
Ces accords avec les pays étrangers visent à permettre,
entre autres, le placement au Québec, pour une adoption au
Québec, comme je le disais il y a quelques moments, d'un enfant orphelin
ou déclaré abandonné par une autorité judiciaire de
l'État où il est domicilié. Cette démarche
s'inscrit dans la ligne des déclarations internationales et est conforme
aux demandes des autres pays.
À titre de ministre de la Santé et des Services sociaux,
j'ai la responsabilité, en matière d'adoption internationale, de
considérer les droits et les intérêts de toutes les
parties: l'enfant, tout d'abord, les parents d'origine et les futurs
adoptants.
Conséquemment, les divers moyens que j'ai envisagés visent
à assurer le respect des droits de l'enfant et de son
intérêt, à apporter la sécurité juridique et
psychologique à cet enfant et aux adoptants québécois et
à garantir le respect de la volonté des parents d'origine et du
pays où est domicilié l'enfant.
Ces moyens se situent également dans une optique de collaboration
de tous les intervenants: mon ministère, par le Secrétariat
à l'adoption internationale et les directeurs de la protection de la
jeunesse, le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, le ministère des Relations internationales et le
ministère de la Justice.
J'espère donc, en terminant, Mme la Présidente, que cette
Chambre sera unanime à reconnaître que les effets d'une adoption
prononcée ou reconnue au Québec doivent conférer à
l'enfant et à ses parents adoptifs les mêmes droits et obligations
qu'une filiation par le sang et que c'est la responsabilité du
gouvernement de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que soit
respecté ce principe fondamental. Je me permets de souligner à
cette Chambre que les lois les plus modernes et les énoncés de
principe des grands organismes internationaux s'orientent en ce sens. Merci,
Mme la Présidente. (12 heures)
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux.
Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Mme la Présidente, en ce qui concerne la Loi
modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse concernant l'adoption
internationale, il est important de se rappeler une époque fort heureuse
au Québec alors qu'il n'y avait vraiment pas de problème quant
à l'adoption, puisque le Québec était un pays qui avait
des enfants en abondance et même une source d'approvisionnement pour
l'ensemble des parents hors Québec qui voulaient avoir des enfants et
qui étaient incapables, par les voies naturelles, de sang, d'en
avoir.
Il y a eu une époque où, effectivement, les
problèmes n'étaient pas ceux dont nous avons aujourd'hui à
discuter. C'était chez nous que l'adoption se faisait le plus
facilement. Les parents qui avaient manifesté le voeu de pouvoir jouir
de la paternité et de la maternité par le biais de l'adoption
pouvaient facilement trouver ici, au Québec, l'enfant qui pouvait
répondre à leur voeu, à leur souhait et à leurs
aspirations.
Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte fort différent. De plus
en plus, avec le taux de natalité au Québec, il est très
difficile de trouver ici, sur place, les enfants qui pourraient faciliter
l'adoption pour ces parents désireux de jouer un rôle important
auprès de ces enfants.
Nous devons donc faire appel de plus en plus à l'adoption
internationale et nous devons faire appel à des pays pour des raisons
souvent économiques et aussi pour des raisons humanitaires. Ces raisons
font qu'il y a une disponiblité en ce qui concerne l'adoption
internationale et favorisent ces familles qui veulent vraiment fonder un foyer
et éduquer des enfants selon les coutumes et les traditions du
Québec. Mais voilà, aller dans des pays autres que le
Québec implique pour ces parents une certaine démarche. Ce n'est
pas toujours facile d'imposer à un enfant dont les racines appartiennent
à un autre continent la tradition purement et franchement
québécoise et de l'éduquer. Cet enfant, peu importe
l'éducation qu'il recevra au Québec, aura toujours ce lien
d'appartenance au continent où il est né et où ses parents
naturels vivent.
On ne peut en faire fi, on ne peut passer outre à cela, parce que
la majorité des parents qui ont adopté des enfants venant de
continents étrangers ont toujours respecté cette vision des
choses. Ils ont toujours respecté le lieu d'origine des enfants qu'ils
avaient adoptés. Il est important et essentiel pour ces enfants de
conserver leur lieu d'origine et de conserver aussi une partie du patrimoine
qui est celui de leur coin de naissance.
Nous arrivons maintenant à l'adoption internationale et ce n'est
pas facile, Mme la Présidente, pour les parents qui décident
d'adopter un enfant. Il y a de nombreuses heures d'anxiété et
d'angoisse et un cheminement long et parfois pénible avant d'arriver
à prendre une décision, à savoir si, oui ou non, ils sont
capables d'adopter un enfant ou si, oui ou non, ils se sentent la
responsabilité d'éduquer un enfant qui vient d'un autre
continent, soit par rapport à sa couleur, soit par rapport à la
culture, soit par rapport à un contexte qui n'est pas particulier au
nôtre, mais qui a tous ses effets d'entraînement. Les parents
doivent faire une démarche afin de vraiment savoir s'ils ont la
capacité, s'ils ont aussi toute l'expertise et l'appui nécessaire
pour arriver à prendre leur décision.
Effectivement, l'adoption est un phénomène complexe, une
démarche complexe qui demande beaucoup de concertation et de
collaboration. Premièrement, quand on regarde le processus de
l'adoption, je pense que, quand on veut un enfant hors du Québec, il
faut vraiment faire l'objet d'une démarche. Ce n'est jamais facile, les
objets de démarche parce que, chaque fois, les parents doivent
démontrer qu'ils sont vraiment aptes à élever et
éduquer des enfants. Ils doivent démontrer qu'ils ont aussi la
capacité, l'intégrité morale pour élever ces
enfants et cela constitue un dossier.
Il y a actuellement beaucoup d'organismes bénévoles qu'on
appelle les organismes intermédiaires qui travaillent dans des pays
différents qui font justement cette recherche d'enfants aptes à
l'adoption pour ces parents qui sont ici en voie de les faire et
espèrent pouvoir élever et éduquer des enfants d'autres
pays d'origine.
Donc, Mme la Présidente, je pourrais vous dire un peu le
processus. Premièrement, l'État fait l'objet d'un accord avec le
Québec; l'organisme bénévole accrédité par
le gouvernement du Québec identifie les enfants, constitue le dossier de
l'enfant. Selon la réception, selon le besoin de la liste des postulants
par le secrétariat à l'adoption,
selon certains critères des pays, il faut s'inscrire sur une
liste au DPJ, au département de la protection de la jeunesse qui
appartient à un CSS. Et c'est là qu'on commence à faire
enquête, qu'on monte le dossier et qu'on prend toutes les
considérations des parents.
Selon la réception des postulants, on achemine cela au
secrétariat à l'adoption selon les critères des pays
d'origine. Encore là, on fait une autre évaluation des
postulants, soit par région ou par pays et à ce moment-là
la décision de la DPJ accepte ou refuse les postulants. Ceci
étant fait, on transmet au secrétariat à l'adoption des
évaluations qui sont positives. Et il y a un jumelage qui se fait dans
les pays d'origine et est transmis au secrétariat à l'adoption,
à l'organisme reconnu qui doit informer le DPJ.
La DPJ, doit informer les requérants et informe le
secrétariat à l'adoption qui accepte ou refuse la proposition. Le
département de la protection de la jeunesse informe le
Secrétariat à l'adoption. L'organisme reconnu ou le postulant -
parce que les parents ne peuvent aller d'eux-mêmes chercher un enfant, il
faut qu'ils passent par un organisme reconnu - accompagne l'enfant au
Québec et la DPJ ou le secrétariat à l'adoption à
ce moment est avisé. À ce moment-ci, la dernière
étape, c'est le placement de l'enfant chez les requérants.
Alors, vous pouvez voir que c'est un processus assez complexe qui est
long en termes de délai parce qu'il y a justement des ententes entre
pays. Il y a aussi tout le processus d'évaluation, d'une part, des
requérants et des postulants et aussi on regarde les possibilités
et les disponibilités à l'intérieur des autres pays.
Tout ce temps, des délais s'accumulent. Autant de délais
pour les parents qui, avant la phase de décision, devaient justement se
décider à savoir si oui ou non ils se sentaient aptes, habiles,
capables d'accepter les différences que pouvait inclure cette adoption.
Une fois le processus fait, une fois cette démarche faite, s'enclenche
justement le processus officiel, tantôt par la Direction de la protection
de la jeunesse, tantôt par le secrétariat à l'adoption. (12
h 10)
En effet il a pu arriver, au cours de tout ce processus, certains
malencontreux accidents. Je pense qu'actuellement toutes les décisions
ont toujours été prises à l'égard d'un enfant et
des parents qui voulaient justement rendre la vie heureuse, harmonieuse
à un enfant, des parents qui voulaient donner un contexte chaleureux,
quelquefois même, je pourrais dire, douillet à un enfant, pouvoir
l'aimer, le chérir et le caresser. L'enfant a droit à la
qualité de vie d'un milieu familial uni et stable. C'est pourquoi nous
sommes - c'est vrai circonspects devant des situations, parce qu'il y va de
l'avenir d'un enfant. On ne peut pas déplacer un enfant de son pays
d'origine pour l'introduire dans un foyer d'accueil ou dans un foyer
d'adoption, pour le mettre dans des situations pires que ce qu'il pourrait
vivre dans son pays d'origine, bien sûr, et nous en sommes tous
conscients.
Nous sommes conscients qu'il faut y aller prudemment. La prudence est de
mise, effectivement. Il ne faut pas non plus encourager certains abus de la
part peut-être de parents naturels ou quelquefois de parents
malheureusement qui se veulent des requérants ou des postulants à
l'adoption. Oui, Mme la Présidente, tout cela doit être pris en
considération. Tout cela a été pris en
considération, des efforts ont été faits en ce sens et on
nous a donné une loi pour permettre, justement, que ces abus ne se
produisent pas. C'est pour cela aussi que des évaluations
sévères qui demandent certains délais aux parents et aux
requérants existent.
Je conviens avec ces parents de leur anxiété et je
conviens aussi avec les parents de leur impatience à savoir si oui ou
non c'est possible qu'ils puissent enfin caresser le rêve le plus
important de leur vie, et enfin pouvoir le réaliser. Je pense que
personne ne met en doute cette attente, personne ne met en doute cette
impatience et tous nous cherchons à trouver les solutions les plus
propices, les plus probables pour permettre à ces parents de pouvoir
concrétiser le plus rapidement possible leur rêve qui souvent,
malheureusement, est l'aboutissement d'un très long cheminement.
Très souvent, avant d'adopter un enfant, on y
réfléchit longtemps. Il y a des conséquences importantes
et des conséquences graves à la responsabilité de
l'éducation, à la responsabilité morale d'éduquer
un enfant. Je pense que les gens qui veulent avoir des enfants le font
sérieusement et le font dans un élan d'amour, dans un élan
de partage et dans un élan charitable aussi. À mon avis, il n'y a
que de nobles sentiments en cause quand on veut adopter un enfant.
Par contre, Mme la Présidente, depuis le mois d'août
dernier, le Secrétariat à l'adoption internationale a interdit
les adoptions d'enfants de certains pays, notamment, le Guatémala, la
république Dominicaine, l'Équateur, le Mexique et le
Brésil parce que la loi sur l'adoption de ces pays n'est pas compatible
avec la Loi sur l'adoption du Québec. Ce que demande actuellement le
ministère de la Santé et des Services sociaux par la voie du
Secrétariat à l'adoption internationale, c'est que les gens
rendent leur loi sur l'adoption conforme à celle du Québec. Cette
demande va à l'encontre de l'article 622.1 du Code civil du
Québec. Il est stipulé que le Tribunal de la jeunesse,
appelé à reconnaître un jugement
d'adoption rendu hors du Québec, s'assure que ce jugement a pour
effet, en vertu de la loi étrangère, de créer une
filiation. Si l'adoptant est domicilié au Québec au moment de
l'adoption, le tribunal s'assure, en outre, que la demande a fait l'objet d'un
examen par le département de la protection de la jeunesse, et que
l'adoptant a agi par l'intermédiaire du ministre de la Santé et
des Services sociaux, du Directeur de la protection de la jeunesse et d'un
jugement reconnu par le ministre à cette fin. Ce que dit cet article,
c'est que le Tribunal de la jeunesse doit vérifier que le jugement
d'adoption crée un lien de filiation en vertu de la loi
étrangère. C'est l'interprétation donnée dans le
jugement du juge Dorion qui conteste et dénonce le rôle et les
attitudes du secrétariat à l'adoption.
Effectivement, le secrétariat à l'adoption ne joue
probablement pas actuellement le rôle qu'il serait appelé à
jouer. Son rôle doit être repensé, modifié, mais pour
ce faire, je pense qu'il est important qu'il y ait consultation pour savoir
quelle est la meilleure façon pour le secrétariat à
l'adoption de jouer ce rôle et de permettre à l'ensemble des
parents désireux d'élever une famille, désireux d'aider et
d'aimer des enfants, de le faire le plus rapidement possible au moment
où le processus de demande est déclenché.
Le mandat du secrétariat à l'adoption est un mandat
d'intermédiaire et celui-ci ne peut s'arroger les droits qui sont
accordés au Tribunal de la jeunesse et par la suite décider de
couper tout lien avec les pays dont la loi sur l'adoption n'est pas compatible
avec les lois du Québec. Il revient au Tribunal de la jeunesse de
s'assurer que la loi étrangère créera un lien
d'affiliation pour l'enfant.
La demande est forte au Québec pour l'adoption d'enfants et parce
qu'on a oublié certains pays dont les lois ne correspondaient pas
à celle du Québec, un grand nombre d'enfants ne pourront plus
faire l'objet d'adoption et un grand nombre de parents seront
lésés dans leurs aspirations les plus naturelles et les plus
profondes.
En effet, le décret 172886 adopté le 19 novembre 1986 par
le gouvernement - ce décret-ci - vient faire en sorte que l'adoption
simple est interdite, c'est-à-dire que si le lien d'adoption
créé n'est pas celui du Québec, l'adoption est interdite.
On vient ainsi de léqaliser une pratique qui existait au mois
d'août dernier. Pourquoi la loi 139, actuellement, alors qu'au mois de
novembre on émettait un décret à cette fin?
Déjà, au mois de novembre on stipulait que l'adoption
plénière avait seul droit de cité au Québec. Les
articles 628 et 629 du Code civil sont très clairs à cet
égard. Le législateur ne laisse subsister qu'un seul lien de
filiation, celui qui unit l'adopté et l'adoptant.
La reconnaissance d'un jugement d'adoption prononcé à
l'étranger est régi par l'article 622.1 du Code civil. Le lien de
filiation dont il est question à cet article doit nécessairement
s'entendre au sens du droit québécois, articles 628 et 629 du
Code civil. Donc, le législateur a posé à cet article
l'exigence de la rupture du lien de filiation avec le parent d'origine.
Le projet de loi 139, Mme la Présidente, donne le pouvoir de
réglementation au ministre qui viendra appliquer ce décret. Je
comprends mal le système parlementaire qui veut qu'on puisse
édicter des décrets et après adopter les lois qui auront
des règlements dont on ne peut connaître la teneur actuellement.
Pourquoi passer à de telles actions alors que tous savent fort bien que
les règlements peuvent se faire sans être acceptés par la
majorité des membres de l'Assemblée nationale? Pourquoi aussi
tous ces changements sans faire appel à l'ensemble des gens qui sont
conscients que des améliorations s'imposent dans le domaine de
l'adoption internationale, des parents qui sont d'accord pour qu'on puisse
ouvrir le dialogue pour améliorer la formule, parce qu'eux aussi doivent
vivre l'anxiété, eux aussi se sentent pris de panique
vis-à-vis de certaines attitudes?
Les principaux concernés, ces parents pour qui
l'intérêt est de prendre soin d'un enfant et de donner le plus
d'amour possible, ces parents pour qui le sens de la vie prime toute autre
intention, je pense qu'il aurait été décent de prendre en
considération leurs appels pour pouvoir écouter ce qu'ils ont
à dire avec d'autres intervenants du milieu. (12 h 20)
II faut voir souvent à quel point ces parents so sentent
désemparés. Nous vivons actuellement un contexte assez
spécial au Québec. À cause du mauvais fonctionnement et
des embûches mis par le secrétariat à l'adoption, certains
couples font des adoptions privées, d'autres déménagent au
Nouveau-Brunswick ou en Ontario et utilisent des mécanismes juridiques
de ces provinces pour faire l'adoption. Ils sont reçus de façon
plus humaine et leurs dossiers sont traités plus rapidement. Dans le
même sens, l'organisme Monde-Enfants propose des enfants à des
parents de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick privant ainsi les parents du
Québec d'enfants à adopter.
Il est important de repenser le rôle du secrétariat
à l'adoption, du Directeur de la protection de la jeunesse et des
organismes reconnus, afin de rendre leur intervention plus efficaces. Des
correctifs sont nécessaires, et il revient au gouvernement de
légiférer de façon responsable et non pas de
procéder par règlements comme il est proposé dans le
projet de loi 139. Je pense que le gouvernement ne fait pas face à ses
reponsabilités par de tels processus. Il aurait
été plus avantageux d'entreprendre une commission
parlementaire à cet effet et d'ouvrir le dialogue avec les principaux
intéressés qui ne demandent pas mieux que d'améliorer la
situation dans laquelle ils se sentent plus souvent qu'autrement victimes.
Comment peut-on se donner autant de pouvoirs par réglementation?
Où s'exerce la démocratie? Le gouvernement nous démontre,
une fois de plus, le peu de soucis qu'il a des problèmes et des
revendications des citoyens du Québec. Le gouvernement
légifère à la sauvette par décret dans un domaine
aussi délicat que l'adoption internationale d'un enfant. C'est d'enfants
que nous parlons et non pas de marchandises, de denrées. Ce sont des
gens, ce sont des couples qui sont impliqués dans le processus. Le
gouvernement a l'obligation morale de les écouter, de
légiférer en gouvernement responsable au vu et au su de tous et
non pas d'imposer ses volontés par décrets et par
règlements. Le gouvernement agit en provocateur en disant aux gens: Vous
n'êtes pas d'accord avec nos règlements, alors contestez devant
les tribunaux! Je pense qu'une telle attitude de la part d'un gouvernement
n'est pas une attitude responsable. Quand on connaît les coûts
d'une contestation devant les tribunaux et quand on connaît dans quelle
situation très souvent sont ces parents - ce ne sont pas toujours les
parents les plus aisés et les familles les plus aisées qui
veulent vraiment adopter des enfants, ce sont des parents qui ont du coeur au
ventre, pour qui la notion de famille est importante et qui ont le désir
de faire, des enfants, des adultes avertis et responsables pour notre
société - c'est leur rendre très mauvais service que de
leur donner tout à fait comme seul moyen de recours de contester devant
les tribunaux.
Il y avait des moyens beaucoup plus simples. Il y avait une façon
beaucoup plus respectable soit celle qui permettait justement d'entendre ces
parents et d'ouvrir une commission qui favorisait à l'ensemble des
principaux intéressés un dialogue qui aurait permis
d'améliorer les situations actuelles que tout le monde est d'accord pour
améliorer. Je pense que, déjà, un grand pas aurait
été fait. Je crois que, quelquefois, on peut avoir
réticence à ouvrir le dialogue lorsque cela va dans tous les sens
et dans toutes le directions. S'il y a un consensus, que ce soit les parents
qui soient réquérants d'une adoption, que ce soit les gens
appartenant à la protection de la jeunesse ou que ce soit les principaux
organismes, tous sont d'accord qu'il faut améliorer cette situation, se
mettre à table, discuter ensemble et trouver les meilleurs moyens qui
permettraient justement à ces parents de faire en sorte d'alléger
leur anxiété et d'alléger aussi tout le processus qu'ils
ont à subir pour adopter un enfant.
Le projet de loi 139 prévoit des pénalités.
Actuellement, c'est un gouvernement, il ne faut pas se le cacher, qui n'y va
pas de main morte pour les pénalités. Je dirais même qu'il
y va avec des dents de loup. Quelquefois, je pourrais même parler des
dents de la mer.
Le projet de loi 139 prévoit des pénalités qui
seront imposées à ceux qui voudraient faire une adoption
privée sans passer par les intermédiaires. Très souvent,
les couples sont forcés de faire des adoptions privées à
cause des politiques du secrétariat à l'adoption. Que ce soit
pour retarder l'entrée de l'enfant au Québec, les longs
délais dans l'évaluation des adoptants et des enfants
découragent les adoptants. Le gouvernement devrait s'engager à
régulariser le plus tôt possible le statut des enfants
entrés au Québec plutôt que de traiter les adoptants en
voleurs d'enfants en leur imposant des pénalités, alors qu'ils
sont eux-mêmes victimes d'injustice.
Le projet de loi 139 ne légifère pas. Les dispositions
législatives seront dans les règlements. Nous demandons que les
correctifs demandés par les adoptants, ces couples
québécois désirant adopter un enfant à
l'étranger, soient apportés. Nous voterons en faveur du projet de
loi 139 et verrons à ce que les demandes et les intérêts
des couples soient entendus, et que ceux-ci ne soient pas brimés dans
leur droit fondamental de fonder une famille.
Mme la Présidente, il y a plein de causes en suspens
actuellement. Il y a plein de parents au Québec qui ne savent pas ce qui
va arriver de leurs demandes et, s'ils pourront, un jour, réaliser leur
voeu le plus cher, le plus important dans la vie, celui de créer un
foyer et de donner de l'amour autour d'eux et de faire rayonner ces enfants
pour qu'enfin ils puissent devenir des adultes responsables et leur permettre
de jouer pleinement leur rôle dans la société du
Québec, notre pays, un pays d'avenir et un pays prospère.
Je pense que nous devrions aider ces parents et nous devrions les
écouter. Mme la ministre, on fera notre possible pour que ces parents
puissent être entendus et nous vous demanderons de prendre les moyens et
les mesures nécessaires pour qu'enfin on ne prenne les parents, les
adoptants, pour des voleurs d'enfants, mais qu'on les accepte comme des gens
responsables pour qui la vie, pour qui donner de l'amour fait partie de leurs
priorités et demeure le plus grand objectif de leur vie. Il faut
qu'enfin leurs voix soient entendues pour leur permettre de réaliser le
rêve le plus important.
Il faudra repenser le secrétariat à l'adoption et il
faudra vérifier avec les principaux intéressés la somme
des problèmes qu'ils ont dû vivre avant de pouvoir vraiment se
sentir les parents des enfants qu'ils avaient adoptés. Il y a là
matière à réflexion
et il y a là aussi une expertise considérable qui
permettra d'arriver à trouver des solutions beaucoup plus
adaptées et beaucoup plus humaines que ce projet de loi qu'on nous passe
après décret et tout simplement pour permettre des
règlements à la sauvette, au vu et au su de personne. (12 h
30)
Mme la Présidente, j'espère que nos voix seront entendues
par la ministre et qu'elle fera en sorte que ces parents pourront, de concert
avec les principaux organismes intéressés, avec les gens qui
travaillent à l'intérieur de la DPJ, trouver ces solutions qui
permettront de rétablir la situation, d'ouvrir d'autres pays qui ne font
qu'une banque d'avantages pour l'ensemble des parents désireux d'avoir
un enfant. Je rappelle qu'actuellement, dans les pays du Guatemala, de la
république Dominicaine, en Équateur, au Mexique, au
Brésil, parce que la loi d'adoption de ces pays n'est pas compatible
avec l'adoption au Québec, les demandes ne peuvent être
considérées. Depuis le mois d'août dernier, dans ces pays,
adopter des enfants est interdit pour les Québécois et
Québécoises qui désirent jouer leur rôle de parents
et fonder un foyer. Les parents adoptants sont trop malheureusement
considérés comme des voleurs d'enfants, alors que leur seul but
est de fonder une famille, ce qui, pour certains d'entre eux, représente
d'énormes déboursés, dans certains cas, des sommes allant
jusqu'à 10 000 $ ou 15 000 $.
J'ose espérer qu'on pourra permettre a l'ensemble des gens
concernés et de bonne volonté... Comme je connais la ministre qui
est une ministre de bonne volonté, je sais qu'elle va prendre ses
responsabilités et faire en sorte que ces familles qui sont si
désireuses de communiquer avec elle, de discuter avec elle pour faire
valoir leur problèmes et de trouver des solutions pratiques, viables et
humaines. Je sais qu'elle prendra la bonne décision pour que ces
gens-là puissent être entendus et que nous puissions nous
repencher plus tard sur le projet, une fois que tout aura été
bien cerné, une fois qu'on aura trouvé des solutions, non pas de
dernière minute et de rapidité, mais des solutions qui
permettront de répondre vraiment aux aspirations de ces parents. De
cette façon, l'adoption internationale sera beaucoup plus humaine et
permettra aux parents et à ces enfants de pouvoir vivre d'une
façon beaucoup plus humaine et sans heurts.
Je termine en disant à la ministre que notre plus grand souhait
est que les enfants qui viendront ici au Québec seront dans une terre
accueillante, une terre qui leur permettra de devenir de bons citoyens, qui
répondra aux objectifs des parents et qui permettra de trouver des
moyens de favoriser la plus grande intégration possible, compte tenu de
leur lieu d'origine auquel ils ne pourront jamais renoncer, parce qu'on ne peut
jamais renoncer à ses racines. Mme la Présidente, je vous
remercie.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. M. le député de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je dois commencer en
disant que je n'ai pas très bien compris si l'Opposition est pour ou
contre le projet de loi en question. J'ai cru comprendre, dans une certaine
partie du discours de la députée de Marie-Victorin, que le
gouvernement était accusé par l'Opposition de traiter les enfants
comme s'ils étaient matière à commerce, qu'on
émettait des amendes, qu'on faisait des lois et des amendes avec des
dents de loup pour ceux qui vont à l'encontre des lois en matière
d'adoption. À la toute fin, la députée nous a
assurés qu'elle était convaincue que la ministre était de
bonne foi dans toute cette affaire et la réponse à savoir si
l'Opposition est pour ou contre, moi, en tout cas, je ne l'ai pas eue. En
essayant de mêler toutes les choses ensemble, nous nous mêlons
nous-mêmes quelquefois. J'aimerais simplement rappeler à la
députée de Marie-Victorin que les amendes qu'elle a
dénoncées tout à l'heure ne sont pas des amendes comme
telles, qui sont prévues ici, mais des amendes déjà
reconnues et qui existent dans le projet de loi 55 adopté en 1983. Le
projet de loi actuel ne vient, finalement, qu'opérationaliser de
façon réelle le principe qui a été consacré
dans le projet de loi 55. C'est un pouvoir de réglementation que le
gouvernement se donne afin de pouvoir identifier à quelle étape
chaque organisme va intervenir dans le processus d'adoption pour éviter
d'avoir des situations qui sont au détriment de l'intérêt
des enfants, parce qu'il peut y avoir confusion quant au statut légal de
l'enfant selon les conditions qui prévalent dans leur pays
d'origine.
Il est clair que ce n'est pas la première fois qu'on parle
d'adoption en cette Chambre. Nous l'avons fait en 1980 et en 1983. Cette
Chambre se souviendra d'avoir fait le choix, à ce moment, d'accorder
à l'adoption plénière le droit de cité au
Québec au détriment de l'adoption simple. C'est un choix que la
Chambre avait fait à l'unanimité à ce moment-là,
puisque l'adoption simple ne rompt pas le lien naturel avec la famille
d'origine de l'adopté, qui conserve ainsi des droits et des obligations
relativement à cette dernière. Avec l'adoption simple, le lien
juridique avec le parent d'origine demeure. Même si les liens sont
socialement rompus dans le vécu quotidien, l'adopté a un statut
juridique
différent de celui de l'enfant québécois.
L'adoption plénière, quant à elle, consacre la
rupture complète du lien de filiation avec la famille d'origine et la
création d'un lien de filiation unique qui unit l'enfant à
l'adoptant. Il ne subsiste donc aucun lien juridique ou social avec la famille
d'origine. Les articles 628 et 629 de notre Code civil sont clairs à cet
égard, Mme la Présidente.
L'option de l'adoption plénière avait donc et a toujours
pour but d'assurer la sécurité psychologique et juridique de
l'enfant et de ses parents adoptifs. Pour un enfant né hors
Québec, de nombreux problèmes peuvent se poser du fait
d'être adopté dans un pays autre que celui dont il est originaire.
Or, plus sa situation juridique sera incertaine, davantage il se sentira
écartelé entre son pays et sa famille d'origine d'une part et son
pays et sa famille d'adoption d'autre part.
Il est donc essentiel de pallier l'insécurité liée
au fait que l'enfant puisse légalement appartenir à deux
familles. Il importe également que la famille adoptive puisse
bénéficier d'une certaine stabilité, parce que ce qui
guide le projet de loi que nous avons devant nous, c'est effectivement
l'intérêt premier de l'enfant. Il faut qu'on puisse s'assurer que
les adoptions sont des adoptions plénières pour que l'enfant
puisse avoir cette stabilité psychologique, ainsi que la famille. Sans
cela, on peut souvent se retrouver dans des situations qui nuisent à
l'enfant et à son épanouissement.
Outre la normalisation du statut de l'enfant adopté, les
principes fondamentaux de l'adoption posent d'autres constats. Lors de la
deuxième lecture du projet de loi 55, en 1983, le ministre de
l'époque disait à ce propos: "II faut s'assurer que le premier
droit d'un enfant, du tiers monde ou d'ailleurs, est d'abord d'appartenir
à une famille et cette famille, dans la meilleure des hypothèses,
doit être sa famille d'origine, dans son pays d'origine."
Le principe de l'adoption internationale est identique à celui de
l'adoption locale. Il vise à procurer, sur une base stable, à
l'enfant qui en est privé, l'environnement familial, parental et
affectif requis pour réaliser son épanouissement personnel et lui
assurer le maximum de sécurité. Dans ce contexte, les droits des
adoptants sont secondaires à ceux de l'enfant, Mme la Présidente.
Le bonheur du couple qui peut être ainsi réalisé ou la
volonté de personnes désireuses de contribuer à apaiser la
misère ne doit être considéré que comme des effets
secondaires. Le respect de la personne de l'enfant, sujet de droit à
part entière, commande une telle orientation. L'ex-ministre responsable
du projet de loi 55, l'actuel chef ' de l'Opposition, mentionnait effectivement
à cet effet: "II ne s'agit pas de procurer à des familles des
enfants abandonnés mais bien de trouver pour un enfant abandonné
une famille. C'est une distinction importante dans l'approche que nous devons
avoir à l'égard de l'adoption internationale."
L'actuelle ministre de la Santé et des Services sociaux, critique
de l'Opposition à l'époque, affirmait dans le même sens:
"Le problème qui se pose pour les parents du Québec qui
désirent adopter un enfant c'est vraiment de concilier - il ne faut
jamais perdre cela de vue - ce désir fort légitime d'une famille
de vouloir adopter un enfant et le droit des enfants eux-mêmes. S'il y a
un choix à faire entre les deux, c'est le droit de l'enfant qui doit
être d'abord considéré et qui ne doit pas être soumis
à toutes sortes d'aléas qui émanent des meilleures
intentions du monde."
Au moment où a été adopté le projet de loi
55, l'Opposition et le gouvernement en place étaient tous deux d'accord
avec le principe de la priorité à accorder à
l'unité familiale pour le bien-être et le développement de
l'enfant et le droit de l'enfant à une qualité de vie dans son
milieu d'origine. Ils étaient d'accord aussi pour reconnaître que
la vie dans un milieu familial stable et uni du pays d'origine de l'enfant,
même si les conditions de vie sont difficiles, doit être
préférée à l'adoption internationale. Il est
également essentiel que soient respectés la volonté et le
consentement des parents biologiques d'un enfant susceptible d'être
adopté, en toute connaissance des effets et conséquences de
l'adoption. (12 h 40)
En présence d'un enfant abandonné, l'adoption peut par
ailleurs constituer pour cet enfant un moyen approprié de retrouver un
milieu familial susceptible de lui fournir les éléments
nécessaires à un épanouissement harmonieux. Il n'en
demeure pas moins que de plus en plus d'organismes internationaux prennent
officiellement position et s'inquiètent du nombre d'enfants qui partent
en adoption transnationale. Ainsi, les 33 pays représentés au
douzième congrès de l'Association internationale des magistrats
de la jeunesse et de la famille, tenu en août dernier au Brésil,
ont adopté à l'unanimité des résolutions qui visent
à aider, à supporter la famille et à éviter au
maximum de retirer l'enfant de son milieu. L'adoption internationale est
considérée comme une solution exceptionnelle.
La Déclaration universelle des droits de l'enfant en 1959, la
Convention de La Haye du 15 novembre 1965 et le projet de déclaration
sur les principes sociaux et juridiques applicables à l'adoption et au
placement familial d'enfants sur le plan national et international de l'ONU,
daté du 8 septembre, abondent tous dans le sens des principes
affirmés au Code civil du Québec
et à la Loi sur la protection de la jeunesse. Les pays du tiers
monde acceptent de plus en plus mal de jouer le rôle de pourvoyeurs
d'enfants ou, dans certains cas, de se faire des complices tacites, par leur
incapacité d'agir, de trafic d'enfants.
En plus de l'aspect essentiel du respect de l'égalité et
des droits de l'enfant par la reconnaissance d'un lien de filiation unique, les
modifications législatives de 1983 étaient donc justifiées
par des motifs très sérieux. On a voulu, en identifiant
légalement les intermédiaires, freiner les adoptions faites par
des intermédiaires privés et le trafic d'enfants dans les pays en
palliant à l'exploitation des couples trop empressés d'adopter un
enfant étranger. On a voulu également s'assurer du respect de la
portée du consentement des parents d'origine.
En même temps qu'on a voulu éviter les adoptions boiteuses
et peu claires quant aux démarches suivies, les dispositions de la loi
55 de l'époque relativement à la reconnaissance des adoptions
prononcées par un tribunal étranger soulèvent des
difficultés d'application et d'interprétation. Ce dernier point
est d'ailleurs l'objet de nombreux litiges. Depuis 1983, il semble,
malgré la volonté du législateur voulant assurer la
sécurité psychologique et juridique de l'enfant et de ses parents
adoptifs, qu'il subsiste de nombreuses interprétations des règles
applicables à l'adoption internationale, notamment en ce qui concerne la
notion d'intermédiaire et le rôle qui lui est confié. De
nombreuses situations confuses ont amené ces ambiguïtés.
C'est compte tenu de cette situation et du fait qu'ils doivent attendre
de trois à cinq ans avant d'accueillir un enfant que certains
requérants, pour la plupart qui ont connaissance des exigences de la loi
et des conséquences de leur décision, ont alors adopté
privément l'enfant dans le pays étranger. Plus souvent
qu'autrement, c'était une adoption simple. Un bon nombre d'enfants se
trouvent donc présentement au Québec dans une situation
irrégulière, c'est-à-dire sans l'autorisation du
secrétariat, avec ou sans jugement d'adoption émanant du pays
d'origine, avec ou sans examen du Directeur de la protection de la
jeunesse.
L'adoption internationale exige donc une assise juridique sans laquelle
tout modèle d'intervention risque d'être voué à
l'incertitude, l'insécurité, sinon l'échec à long
terme. Il faut donc affirmer de nouveau et avec force la position du
législateur à compter de 1980 et la règle de droit qui a
été édictée. Le gouvernement actuel veut, par le
projet de loi qui est devant nous, réaffirmer cette volonté
d'assurer la sécurité psychologique et juridique de l'enfant et
de ses parents adoptifs en apportant les modifications nécessaires
à la loi afin que son application soit encore plus claire et
spéci- fique.
En terminant, j'aimerais simplement répéter que ce qui
guide ce projet de loi c'est effectivement l'intérêt premier des
enfants. C'est un projet de loi qui permettra effectivement
d'opérationaliser sans ambiguïté, de clarifier les
ambiguïtés qui existent quant au statut de l'enfant adopté
par adoption internationale, de s'assurer que c'est l'adoption
plénière qui est la règle au Québec, parce que
c'est l'adoption plénière qui permet une filiation unique qui
sert le mieux l'enfant et sa famille. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laurier. M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
prendre un certain nombre de minutes pour aborder quelques-uns des
éléments qui me semblent particulièrement importants dans
le cadre de l'étude du projet de loi 139 et qui traitent de cette
question de l'adoption internationale.
Il faut voir, à partir même du court débat que nous
avons connu ici depuis la dernière heure et aussi à partir de
nombreuses remarques, de nombreuses représentations qu'ils nous ont
faites dans nos circonscriptions électorales à l'occasion de
rencontres avec des groupes organisés qui sont directement
concernés par ces questions, combien la question de l'adoption
internationale est une question importante. C'est une question qui touche
à un nombre de plus en plus grand de familles du Québec et qui
suscite non seulement un intérêt qui est grand mais qui suscite
beaucoup d'insatisfactions, qui suscite beaucoup de frustrations chez les
hommes et les femmes qui doivent vivre avec les règles que nous avons
adoptées - oui, je le reconnais, comme le disait le député
de Laurier - à l'unanimité des membres de cette Chambre au cours
des dernières années.
Comme me le disait récemment un couple de mon comté pour
lequel j'ai déjà communiqué avec la ministre de la
Santé et des Services sociaux, comme il me le disait, la décision
d'adopter un enfant est au fond encore plus difficile et plus profonde et plus
compliquée surtout pour un couple que celle de décider d'avoir un
enfant naturellement lorsqu'on le peut. Non seulement doivent-ils prendre cette
décision d'en arriver à ce stade qui est celui de dire puisque
nous n'aurons pas d'autres enfants ou pour d'autres raisons nous souhaitons
définitivement, après mûre réflexion, adopter un
enfant, mais une fois que cette décision est prise, reconnaissons que
pour des raisons objectives que ce couple entre dans une mécanique qui
est longue, complexe, délicate et s'échelonne sur un certain
nombre
d'années. Finalement, contrairement à un couple qui peut
ou qui décide d'avoir des enfants naturellement, où l'attente est
généralement de neuf mois de grossesse et, à l'occasion,
de quelques mois qui précèdent ce début de grossesse, pour
ces hommes et ces femmes qui ont décidé de constituer une famille
à partir d'un enfant adopté, pour des raisons à eux, ce
temps d'attente est très long dans bon nombre de cas et c'est
très difficile à supporter, sûrement tout autant que
pour un couple qui tente d'avoir naturellement des enfants et pour qui
ça prend un certain temps à y parvenir.
Comme je le disais, l'ensemble des démarches, des
procédures à suivre, des évaluations qui sont faites font
en sorte qu'on se retrouve avec des situations où bon nombre de ces
couples sortent de cette expérience, de vivre tout le processus
d'adoption, insatisfaits, frustrés, déçus et parfois
même, malheureusement, amers de toute cette expérience personnelle
qu'ils ont dû vivre avec souvent, pour aboutissement, après
quatre, cinq ou six années, une réponse négative.
Je crois que nous devons être sensibles à ces
difficultés humaines très grandes que vivent ces hommes et ces
femmes qui subissent un processus comme celui-là. Malgré les
gestes qui ont été posés, malgré le geste que la
ministre nous demande de poser ce matin et auquel nous souscrivons, je crois
que nous devons poser, comme Assemblée nationale, un geste plus large,
plus important, plus profond, qui, d'une part, nous permettrait de nous refaire
une tête sur cette question. Justement peut-être de faire un
premier bilan de ces nouveaux mécanismes, de ces nouvelles
procédures que nous avons mis en place au cours des dernières
années, au cours duquel aussi nous pourrions discuter, d'une part, avec
les hommes et les femmes qui ont eu à administrer, à gérer
ce processus, que ce soit le Secrétariat à l'adoption, que ce
soit les directions de la protection de la jeunesse qui sont impliquées
dans ce processus. (12 h 50)
Nous pourrions aussi de le faire avec les hommes et les femmes qui ont
vécu avec plus ou moins de succès tout ce processus comme parents
qui ont fait une demande d'adoption et qui ont été pendant une
période x, y, z, en attente d'un enfant et qui ont connu un
résultat positif ou négatif et qui ont donc eu l'occasion de
réfléchir à toutes les implications, à toutes les
conséquences de ce vécu, de subir ce long processus pour eux, et
qui pourrait venir éclairer les membres de l'Assemblée nationale
sur des modifications qui pourraient être apportées à ces
différents mécanismes que nous avons préparés au
cours des dernières années.
Si jamais nous décidions de maintenir ces mécanismes, cela
pourrait être fait dans une forme et à partir d'un processus
parlementaire qui irait chercher un plus large appui chez ceux et celles qui
sont directement concernés, qui fassent en sorte qu'on connaisse mieux
la procédure et les fondements de cette procédure pour diminuer
considérablement ces sources d'insatisfaction, d'amertume, de
frustration, de déception que vivent trop souvent les hommes et les
femmes qui ont choisi de fonder ou de compléter leur famille grâce
à l'adoption internationale. En ce sens, Mme la Présidente, je
veux personnellement suggérer à la ministre de la Santé et
des Services sociaux, à son groupe parlementaire, que nous choisissions
ce sujet pour réaliser un mandat d'initiative de la commission ou d'une
sous-commission de la commission des affaires sociales de notre
Assemblée pour que, profitant d'un sujet qui n'est pas l'objet d'un
débat partisan, mais d'un débat de société
important, nous puissions, au cours du printemps qui s'en vient, confier
à une sous-commission de la commission des affaires sociales un mandat
d'initiative, donc, un mandat donné conjointement par l'Opposition et la
majorité ministérielle à un groupe de représentants
de ces deux formations politiques pour faire le point sur cette question.
Comme je le disais tantôt, c'est pour entendre les hommes et les
femmes qui ont eu et qui gèrent ces mécanismes et pour entendre
les hommes et les femmes qui ont subi avec ou sans succès ce processus
et pour discuter avec des groupes, des associations et des individus qui ont
des propositions à nous faire pour améliorer ces
mécanismes que nous avons mis en place. Ensuite, entre nous les membres
de l'Assemblée, pour que nous puissions, dans la mesure du possible,
apporter des amendements, apporter des changements à ces
mécanismes qui iraient dans le sens de donner une plus grande
satisfaction, de faciliter les choses tout en maintenant des principes clairs,
importants et fondamentaux auxquels nous tenons tous comme membres de cette
Assemblée et comme membres de la société tout
entière. Cela pourrait aussi au minimum faire oeuvre pédagogique,
c'est-à-dire permettre à des gens de se faire entendre et
permettre aux membres de l'Assemblée de mieux expliquer et de mieux
justifier les choix qui seront faits quant aux processus qui devront être
maintenus ou qui devront être respectés. Nous ne pouvons
maintenir, en ce qui me concerne, ce climat, cet état d'esprit qui
entoure l'adoption internationale depuis un certain nombre de mois au
Québec.
Je le répète, je ne fais de reproche à personne. Je
constate humainement qu'il y a un problème et que nous devons
reconnaître qu'il y a un problème. Nous devons être
sensibles aux situations que vivent et que nous témoignent les
familles qui ont vécu des expériences, à l'occasion
malheureuses. Compte tenu de l'importance que nous accordons, oui, aux enfants
concernés et de l'importance aussi que nous accordons aux hommes et aux
femmes qui choisissent de fonder ou de compléter leur famille par
l'adoption internationale, qui choisissent de poser un geste pleinement normal
qui est celui d'avoir une famille, nous devons pouvoir leur permettre de le
faire dans un cadre où, dès le départ, ce sera source de
joie, ce sera source de motivation, ce sera source de déploiement
d'énergies nouvelles, de motivations autour de l'avènement
heureux qui est l'arrivée d'un enfant dans une famille et non pas d'en
arriver à un aboutissement de la venue ou du souhait de la venue d'un
enfant qui est toujours un événement heureux, comme nous y
arrivons à l'occasion par des processus d'adoption internationale avec
des résultats qui ne sont pas satisfaisants et des résultats qui
sont plutôt source souvent, malheureusement, de déceptions et de
frustrations, même si je reconnais que dans bon nombre de cas aussi,
l'aboutissement est heureux et que ces gens fondent des familles qui rendent
heureux parents et enfants et qui font aussi que, de cette façon, les
Québécois et les Québécoises fondent de plus en
plus de familles qui, faut-il le rappeler, sont le centre important de vie de
l'ensemble de notre société. Donc, je fais cette suggestion en
mon nom personnel afin que nous nous donnions un mandat d'initiative par une
sous-commission de la commission des affaires sociales pour étudier ces
questions.
Je veux aussi dire qu'en ce qui me concerne, il faudra
réfléchir à cette question avec en tête
continuellement cette préocuppation, de plus en plus forte dans notre
société et ici même a l'Assemblée nationale, d'en
arriver à une politique de la famille au Québec. Lorsqu'on parle
d'adoption internationale on parle aussi de la famille du Québec.
Lorsqu'on parle de la famille au Québec on doit aujourd'hui parler de
plus en plus de la nécessité d'en arriver à une politique
de soutien aux familles du Québec. Je veux qu'on ait cette
préoccupation aussi lorsque nous discutons de cette question de
l'adoption internationale de la même façon qu'il faut trouver une
façon de l'intégrer à cette nouvelle réflexion de
politique de la population compte tenu de l'état de la
démographie au Québec où on a un taux de natalité
de plus en plus faible, c'est-à-dire une diminution effarante de notre
taux de natalité. Si l'on veut trouver d'autres moyens de continuer
à se développer, à grandir et à grossir comme
peuple il faut alors intégrer la question de l'adoption internationale
dans cette préoccupation quant à nos politiques de population et
donc quant à nos réflexions entourant les questions de
démographie.
Donc, je conclus mon intervention -puisque non pas mon temps mais le
temps de notre Assemblée semble s'achever - en disant que nous
souscrivons au projet de loi. Tant mieux si ce projet de loi peut permettre de
régler un certain nombre de cas qui pourraient survenir dans les
semaines et les mois qui viendront. Nous en serons fiers. Nous voulons aussi
qu'on saisisse cette occasion d'avoir justement un débat qui ne soit pas
source de discussions partisanes sur une question importante pour un assez
grand nombre d'hommes et de femmes du Québec, pour qu'on se penche, dans
un cadre non partisan, sur cette question et que nous en arrivions à des
consensus avec les intervenants, avec les hommes et les femmes du Québec
qui vivent, qui ont vécu ou qui seront appelés un jour à
vivre ce processus, pour en arriver à quelque chose de plus positif en
termes d'aboutissements et de résultats, et qui tiendra compte de nos
réflexions et des décisions que nous devrons prendre dans les
prochains mois, autour de notre politique de la famille et autour des
réflexions que nous menons quant à l'état de la
démographie au Québec.
Je conclus en souhaitant que non seulement nous adoptions ce projet de
loi, Mme la Présidente, mais qu'aussi nous donnions suite rapidement
à cette suggestion que je fais à l'Assemblée pour que
l'adoption internationale soit vraiment un sujet positif, un sujet
encourageant, un sujet motivant pour l'ensemble des hommes et des femmes qui
choisissent de fonder ou de compléter leur famille de cette
façon. Je vous remercie.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Gouin. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, compte tenu de
l'heure, j'aimerais demander l'ajournement du débat pour que je puisse
exercer mon droit de réplique, qui sera relativement bref, mais qui doit
être fait. Merci.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. Compte tenu de l'heure,
nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 heures)
Motion de censure proposant que
l'Assemblée blâme le gouvernement
d'affaiblir le caractère français
du
Québec, de démanteler les
instruments
de développement économique et
d'avoir
renié ses promesses électorales
à l'égard des jeunes
Le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous
plaît! En vertu d'un ordre de cette Assemblée de jeudi dernier et
également en vertu de l'article 304 du règlement, le chef de
l'Opposition présente cet après-midi une motion de blâme
qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement
libéral d'affaiblir le caractère français du
Québec, de démanteler les instruments de développement
économique dont s'est dotée la société
québécoise et qu'elle le blâme également d'avoir
renié les promesses électorales du Parti libéral,
notamment à l'égard des jeunes et de ceux et celles dont la
situation économique et sociale est fragile."
Sur cette motion de blâme, en vertu de l'article 304 de notre
règlement, je vais reconnaître le proposeur, c'est-à-dire
le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou); Merci, M. le Président. Je relis le
texte de cette motion dont vous avez fait lecture pour m'assurer que nos
collègues d'en face, en particulier, aient l'occasion d'y
réfléchir un peu: "Que cette Assemblée blâme le
gouvernement libéral d'affaiblir le caractère français du
Québec, de démanteler les instruments de développement
économique dont s'est dotée la société
québécoise et qu'elle le blâme également d'avoir
renié les promesses électorales du Parti libéral,
notamment à l'égard des jeunes et de ceux et celles dont la
situation économique et sociale est la plus fragile."
Cette motion traduit notre déception et celle de la population
à l'égard d'un gouvernement qui promettait de faire de l'emploi,
de la jeunesse, de la santé, des finances publiques et de la langue sa
priorité "prioritaire". C'était tellement une priorité
"prioritaire" que le résultat, dans l'ensemble de ces secteurs, est un
échec non seulement pour le gouvernement, mais pour les citoyens qui,
après un an de vie de ce gouvernement libéral, se retrouvent avec
des promesses brisées, des espoirs déçus, des attentes
auxquelles on n'a pas répondu et un Québec qui, en pratique,
s'affaiblit. Il s'affaiblit sur le plan linguistique, en termes d'emplois et en
termes d'instruments collectifs que nous nous sommes donnés pour faire
progresser le Québec depuis un certain nombre d'années.
Au sujet de l'emploi, il n'y a pas eu de création d'emplois au
Québec, en chiffres absolus, depuis que le gouvernement libéral
est là. En effet, le mois de janvier 1986 était un mois record,
depuis un certain nombre d'années, quant au nombre d'emplois que nous
avions atteint, c'est-à-dire 2 890 000 emplois au Québec. Au mois
de novembre, donc, onze mois plus tard, il y a encore 2 890 000
Québécoises et Québécois au travail. Cela s'appelle
l'échec d'une politique en matière d'emploi qui devait,
priorité prioritaire là-dessus aussi, M. le Président,
donner de l'espoir, du travail, une façon de vivre sa vie de
façon satisfaisante pour des milliers de nos concitoyens. Au moins 80
000 personnes déçues, puisqu'on avait promis 80 000 emplois.
Deuxièmement, le gouvernement libéral n'a rien fait pour
les jeunes depuis qu'il est en place. Non seulement n'a-t-il rien fait, mais
également, jusqu'à maintenant il n'a pas répondu aux
attentes qu'il avait suscitées. Qu'on pense, par exemple, à la
réforme de l'aide sociale, à cette promesse faite à
quelque 75 000 assistés sociaux de moins de 30 ans, qu'ils et qu'elles
bénéficieraient de la parité de l'aide sociale,
c'est-à-dire qu'au lieu de recevoir 163 $ par mois, ces gens-là
auraient autour de 455 $ par mois. Rien n'est fait dans ce domaine encore.
On assiste essentiellement à un retour sur la planche à
dessin commandé par le premier ministre à l'égard du
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, comme on assistera sûrement,
d'ici à quelques jours, à un ordre de retour sur la planche
à dessin à la ministre des Affaires culturelles pour qu'elle
refasse ses devoirs en matière linguistique.
La parité de l'aide sociale n'a pas été
accordée. On a même renié formellement ces promesses. Un
gouvernement qui, à l'élection, s'est présenté avec
des priorités prioritaires et n'en fait rien.
Les frais de scolarité, même chose. On n'est pas
obligé d'attendre, on n'a qu'à entendre ce qui se passe dans un
pays comme la France, un pays où on dit que la jeunesse est tout aussi
démobilisée que la jeunesse québécoise, mais qui
n'a pas accepté qu'un gouvernement s'en prenne aux règles qui
permettent l'accessibilité à l'enseignement supérieur. Et
pourtant, ce gouvernement, qui avait promis le gel des frais de
scolarité pendant la campagne électorale, a permis que le
ministre de l'Éducation autorise l'augmentation des frais dits
afférents, les frais d'inscription, de papeterie et autres. À ma
connaissance, M. le Président, ces frais qui ont été
augmentés de façon extrêmement substantielle partout sur le
territoire du Québec dans les universités ne l'ont pas
été dans un contexte d'inflation particulière au cours de
l'année dans ses produits ou ses productions de services
universitaires.
Un gouvernement qui, à l'égard des jeunes, était
censé produire la Corporation d'investissement jeunesse dont on
connaît l'historique, qui a été créée avant
la dernière élection par le gouvernement qui a
précédé celui de l'actuel premier ministre, la Corporation
d'investissement jeunesse qui visait à dire à ces gens d'affaires
qui sont préoccupés par l'état de l'emploi des jeunes
d'aujourd'hui, je le sais: Puisque vous en êtes préoccupé,
impliquez-vous. Il ne manquait que les mesures fiscales pour appliquer ce
projet. Les personnes étaient contactées, les objectifs
étaient donnés, la sensibilisation et même la mobilisation
de ce milieu étaient prêtes et, douze mois après, M. le
Président, rien n'est encore fait, sinon probablement un spectacle
électoraliste que nous réserve le premier ministre mercredi
prochain, je crois, avec des gens du milieu des affaires, pour nous apprendre
que la Société d'investissement jeunesse va voir le jour, douze
mois en retard. Des centaines d'emplois, des milliers d'espoirs
gaspillés à des fins partisanes pour faire une belle fin
d'année pour le Parti libéral. Ce n'est pas une belle fin
d'année pour les jeunes.
Un gouvernement qui, en même temps, ne se préoccupe pas des
régions, on l'a vu, que ce soit dans la réduction des budgets
dans le secteur du transport, dans le secteur de l'aménagement, dans le
secteur du développement régional, dans le secteur du transport
aérien, avec la gaffe monumentale de Quebecair qui, elle, fait partie de
cet autre volet pour lequel, M. le Président, nous blâmons
l'actuel gouvernement de son inaction ou de ses actions négatives.
En termes d'emplois, qu'est-ce que la privatisation a donné
depuis un an au Québec? Cela a donné 737 emplois directs qui ont
été perdus à la suite de ces quatre privatisations: dans
Cambior, 30 employés de SOQUEM; dans la raffinerie de sucre, 143 pertes
d'emploi sans compter, évidemment, les effets sur les producteurs
agricoles; dans Quebecair, 274 emplois; au Manoir Richelieu, on n'en parle
même pas, près de 300 employés qui sont remis en cause.
En soi, M. le Président, la privatisation ne génère
pas d'emplois. Quand on décide de privatiser une entreprise qui
appartient à l'État, ce à quoi on assiste c'est au
déplacement d'une masse d'épargne au Québec vers le
contrôle d'une entreprise existante et non pas de nouveaux
investissements. Les 150 000 000 $ de Cambior, c'est de l'argent qui est
passé des goussets d'un certain nombre de personnes qui avaient de
l'épargne, ou des entités corporatives qui en avaient, qui est
passé simplement pour acheter le contrôle d'opérations
existantes. Pas un emploi de créé. Au contraire, des emplois
perdus chez les entreprises qui ont été privatisées.
Cette conception qu'a le gouvernement tout à fait
idéologique, tout à fait doctrinaire du développement
économique est en train non seulement de faire perdre des emplois, non
seulement de gaspiller un potentiel d'argent qui servirait à investir,
à développer et à créer de l'emploi, mais est en
train de priver le Québec d'un certain nombre d'instruments. (15 h
10)
II n'y aurait pas à Windsor, Québec, près de
Sherbrooke dans les Cantons de l'Est, un investissement de près de 1 000
000 000 $ qui va permettre à Domtar d'être une entreprise qui
demeure concurrentielle sur le marché américain s'il n'y avait
pas eu Dofor, société d'État. Pourquoi? Ce n'est pas
compliqué. Quand la Société générale de
financement, par Dofor, et la Caisse de dépôt et placement
contrôlent une multinationale comme Domtar, cela permet que les
décisions de nouveaux investissements se fassent en fonction des
intérêts des Québécois.
Je le dis en tout respect pour les gens du milieu des affaires qui
appartiendraient à d'autres groupes ou d'autres tendances, il est
évident que vous ne pouvez pas demander à des gens du Wisconsin,
de Chicago, de l'Alberta, de la Colombie britannique et surtout pas de
l'Ontario, quand ils ont le choix dans l'implantation entre deux sites, un au
Québec et un dans leur coin, vous ne pouvez pas leur demander de
choisir, pour la couleur de nos yeux, que ce soit au Québec.
Le développement économique est un rapport de forces, M.
le Président. L'histoire du Québec est marquée par une
vision des intérêts supérieurs de l'économie
canadienne, par l'État fédéral, le gouvernement ontarien,
le grand système bancaire, une vision qui n'avait de supérieur
que le lac qui porte ce nom et qui est en Ontario. Un des contrepoids que les
Québécois ont trouvé depuis 20 ans pour s'assurer que des
investissements massifs se fassent sur leur territoire, c'est la participation
de l'État québécois à ces investissements, au
contrôle de ces décisions économiques, pour faire jouer un
réseau d'intérêts parce qu'il n'y a rien de mauvais en soi
dans un réseau d'intérêts; s'il sert les
intérêts de la collectivité, en termes d'emplois, c'est une
bonne chose.
Ma foi, M. le Président, si j'étais vice-président,
moi, d'une entreprise ontarienne, d'une banque, par exemple, ayant son
siège social à Toronto, le gros de ses activités à
Toronto, quand je prends des décisions, je m'arrangerais sûrement
pour qu'elles soient du domaine de la rentabilité et qu'elles aient des
retombées structurantes à moyen et à long terme sur mon
entreprise, qu'on puisse en tirer des profits.
Si j'avais le choix entre deux sites équivalents, je choisirais
le site qui va
donner des emplois à mes beaux-frères, mes belles-soeurs,
mes cousins et mes amis. C'est normal. C'est comme cela que ça marche
dans le secteur privé. Le secteur privé au Canada est
concentré en Ontario. Et un des contrepoids à cela, ce n'est pas
compliqué, c'est l'État québécois. Ce n'est pas par
idéologie que l'État québécois est présent
dans l'économie. Il a été là, pour des fins de
développement économique, dans une relation de rapport de forces
avec l'Ouest canadien et, particulièrement, l'Ontario.
Ce gouvernement, M. le Président, fait semblant de ne pas
comprendre. Il est en train d'aller chercher un gain de capital rapide, vite
fait dans des grands secteurs d'intervention de l'État
québécois qui servent à investir à nouveau et
à créer des emplois? Pourquoi? Pour régler les
problèmes de finances publiques, nous dit le premier ministre. Je lui en
reparlerai dans quelques minutes.
On va de scandale en scandale dans cette approche. Le scandale des 60
plaintes de groupes de citoyens dans les régions à la Commission
des transports fédérale, dans le cas de Quebecair. La perte de
cette présence québécoise au chapitre des ligues majeures
de l'industrie aéronautique au Canada. Quand on sait que la compagnie
Pacific Western, qui vient d'acheter CP Air, a été formée
à partir de l'équivalent de Quebecair par le gouvernement de
l'Alberta, il y a un certain nombre d'années. Quand on sait maintenant
qu'il y a au Canada l'équivalent d'un monopole partagé - pas
partagé dans le secteur privé - entre Air Canada et CP Air,
maintenant contrôlé par Pacific Western, dont l'origine est
albertaine et qui a été privatisée non pas d'une
façon aussi irresponsable que ce qu'on a vu ici, M. le Président,
mais par une dilution graduelle du capital auprès des citoyens de
l'Alberta. Cela a donné un instrument puissant à l'Ouest.
Le Québec, depuis que ce gouvernement est en place, a fait
exactement le contraire. Les Québécois sont maintenant
condamnés à faire voler des avions des années cinquante
dans les régions en donnant de mauvais services, tout cela au nom de la
privatisation, alors qu'on a perdu près de 300 emplois hautement
payés, importants, dans le secteur de l'aviation au Québec. Les
francophones ont toujours dû se battre pour être présents
dans le secteur aérien au Canada et au Québec. Le gouvernement,
lui, a jeté le gant parce qu'il ne voulait pas se battre.
Quant à la langue, M. le Président, nous aurons
abondamment le temps de traiter de cette question dans les jours qui viennent
à moins que le leader du gouvernement ou le premier ministre ne nous
impose d'en traiter la nuit. Je pense qu'ils préfèrent
l'obscurité. Je vois le premier ministre qui sourit, et qui me dit qu'il
va y penser. Je comprends qu'avec ce qu'ils sont en train de faire, M. le
Président, qu'il préfère faire cela le soir et de
préférence la nuit. Pas le soir, la nuit! Ce sont des gens qui ne
sont pas très forts, M. le Président, sur le plan de
l'application des lois, surtout pas en matière linguistique: la
mollesse, le mauvais signal envoyé dans la société, non
seulement le set carré auquel participe la ministre qui m'a l'air
d'être, comme on dit dans les sets carrés, la câleuse du set
carré. Un autre qui joue du ruine-babines. Je pense ici, M. le
Président, à cette politique linguistique que cherchait le
ministre des Communications auprès du ministre de la Justice, qui nous
explique que, poursuit, poursuit pas, cela dépend des semaines pendant
que se détériore la situation.
Un gouvernement visiblement mal à l'aise avec cette question, pas
bien dans sa peau. Pourquoi? Parce que, M. le Président, il n'a pas
d'orientation claire en matière linguistique et parce qu'il veut tout
ramener à des questions de nature technique, alors que la question
linguistique se pose bien au-delà des dimensions techniques chez
nous.
Ce n'est pas inscrit dans la loi 101 que, quand vous allez chez un
dépanneur de la rue Saint-Laurent à Montréal, on devrait
s'adresser à vous en français d'abord. Cela ne sera jamais
stipulé dans les lois du Québec. On n'a pas besoin de faire cela.
Si certains pays ont choisi de le faire, si certains pays se battent encore
autour de ce type d'enjeu, on ne fera pas cela au Québec. On le sait. On
n'est pas en Albanie, ici. Ce ne sera jamais inscrit dans la loi que les gens
doivent d'abord s'adresser à vous en français, mais cela se
passait, M. le Président, depuis une dizaine d'années. Des
efforts systématiques étaient faits par les gens de la
communauté anglophone ou les gens des communautés culturelles
qui, de plus en plus, avaient tendance à s'intégrer dans leur vie
de tous les jours à la majorité québécoise sur le
seul territoire où il y a une majorité de francophones en
Amérique du Nord.
Ce n'est pas non plus, M. le Président, marqué dans la loi
101 que de grandes entreprises dans le secteur des communications au
Québec - je pense par exemple à Cossette et associés pour
ne nommer que celle-là - devraient faire les campagnes nationales pour
les produits de consommation, je pense ici à de grandes chaînes de
restauration, de nourriture sur le pouce ou de "fast food", si je veux bien me
faire comprendre. Ce n'est pas marqué dans la loi 101. Mais cela se
passe. Pourquoi?
Alors qu'il y a dix ans, les grandes entreprises américaines ou
canadiennes faisaient faire la conception, le dessin, la planification, les
conseils juridiques à Toronto; elles envoyaient tout cela à
Québec
et des traducteurs s'en occupaient. Maintenant, quand une grande
entreprise canadienne décide de faire une campagne de publicité
massive, elle s'adresse directement à des entreprises
québécoises. Je pense à certaines entreprises, comme celle
que j'ai nommée tout à l'heure, qui ont 100 000 000 $ de chiffres
d'affaires. Qu'est-ce que c'est? Ce sont des emplois pour nos
diplômés de cégep en communications; ce sont des emplois
pour nos diplômés universitaires dans le secteur de la conception
graphique, de la conception publicitaire; ce sont des emplois pour les
équipes de radio et de télévision qui réalisent les
produits de publicité commerciale; ce sont des Québécois
qui ont ces emplois. Ce n'est pas marqué dans la loi 101. Pourquoi cela
arrivait-il, M. le Président? Cela arrivait depuis dix ans, et de plus
en plus.
Comme ce n'est pas marqué dans la loi 101 que ce sont des
francophones sortis de l'École des hautes études commerciales qui
devraient diriger les grandes entreprises multinationales sur le territoire du
Québec, qui deviennent, pour prendre l'expression américaine,
"senior executive officer" d'une grande maison de courtage, par exemple, pour
un ancien président de l'École des hautes études
commerciales. Ce n'est pas marqué dans la loi qu'ils devaient être
là, mais cela se passait depuis dix ans. Pourquoi? Parce qu'il y avait
une volonté collective, parce qu'on ne peut pas privatiser la langue au
Québec. On ne peut pas faire de la question linguistique qu'un enjeu des
personnes; on ne peut pas transformer cet enjeu collectif fondamental, comme le
fait la ministre des Affaires culturelles, en une espèce de
société du bon parler français, M. le
Président.
(15 h 20)
C'est une histoire de rapport de forces là aussi. Il faut que la
collectivité manifeste son attachement au fait qu'on veut que cela se
passe en français au Québec. Je suis d'accord que des
Québécois soient bilingues, trilingues; mes enfants seront
bilingues et probablement trilingues, M. le Président. Mais je veux que
le Québec soit français, par exemple, et il faut que cela vienne
du gouvernement.
Déception, confusion dans le secteur linguistique et, finalement,
des finances publiques. Ah! la nouvelle priorité prioritaire du
gouvernement, M. le Président. Elle n'existait pas pendant
l'élection la priorité prioritaire des finances publiques. Le
premier ministre tirait des milliards par les fenêtres chaque fois qu'il
ouvrait la bouche devant un auditoire. C'est à coups de dizaines de
millions que cela coulait de source du côté du Parti
libéral, ces grands gestionnaires libéraux qui étaient
train de troquer littéralement leur appétit du pouvoir contre des
promesses irresponsables, un maquignonnage. J'ai entendu celui qui dirige
aujourd'hui le gouvernement dans un débat à la radio expliquer
qu'il n'y avait pas de problème avec ses promesses. Il y aurait 1 200
000 000 $ de revenus de plus l'année suivante. Il avait oublié de
dire qu'il y aurait également des dépenses de plus, ce
superéconomiste qui, dans le fond, s'est révélé un
mauvais comptable. C'est encore pire.
Les finances publiques. Depuis 1981, il y a une impasse
financière qui varie entre 500 000 000 $ et 700 000 000 $ tous les ans.
Le précédent gouvernement ne s'en est jamais caché. Cela
lui a valu, au coeur de la crise économique, en 1982, une période
extrêmement difficile avec les syndicats des secteurs public et
parapublic. Pourquoi? Parce qu'il y avait une crise économique et que le
rythme de croissance des dépenses publiques, particulièrement
depuis le passage du gouvernement I de celui qui le dirige de 1970 à
1976, que cette croissance des dépenses publiques s'est
sédimentée de façon telle qu'il y a, d'année en
année, ce problème d'environ 600 000 000 $ à 700 000 000 $
d'impasse financière.
Le premier ministre nous dit qu'il y a un trou de 1 200 000 000 $. Ah!
M. le Président, il change. Des fois, c'est 2 000 000 000 $ et, des
fois, c'est 1 700 000 000 $. Je vais prendre une de ses déclarations
récentes, un trou de 1 200 000 000 $. Je vais vous dire comment c'est
arrivé. Il y a une impasse financière de 600 000 000 $ et il y a
une marge de manoeuvre inexistante de 600 000 000 $. On additionne la marge de
manoeuvre inexistante que proposait le premier ministre pendant la campagne
électorale et l'impasse financière. Savez-vous ce que cela donne,
M. le Président? Cela donne le trou que le premier ministre essaie de
décrire, alors qu'il oublie, notamment, que le 28 novembre 1985 il avait
promis publiquement, solennellement, avec son coeur, profondément
convaincu, et de la hauteur de toute la fonction à laquelle il aspirait
tant, que jamais il n'invoquerait l'état des finances publiques pour
revenir sur ses promesses. Comme cela était convaincant le 28 novembre
1985, mais comme cela est désolant aujourd'hui!
Voici un gouvernement, je le disais tout à l'heure, qui n'est pas
très fort en droit. Quand on voit un Solliciteur général
qui, au gré de ses entrevues ou des questions qui lui sont posées
en commission parlementaire, déclare des choses qui remettent en cause,
au moins en apparence, sa connaissance du droit, quand on a un ministre de la
Justice qui fait une politique gouvernementale officielle de ne pas appliquer
la loi en matière linguistique, quand on a une ministre chargée
de l'application de la loi 101 qui dépose, aujourd'hui, 17 projets
d'amendement
à un projet de loi de 34 articles, ce n'est pas du monde fort en
droit qu'on a en face de nous.
Quant au premier ministre, au sujet de ses promesses, il plaidera sans
doute l'état des finances publiques. Je lui dirai ceci: II ignore, lui
aussi, un principe fondamental de notre droit qui s'applique à son
incapacité de répondre à ses engagements et à ses
promesses à l'égard des jeunes, à l'égard de la
création d'emplois au Québec, à l'égard de la
qualité de nos services, à l'égard de la réponse
aux besoins des personnes qui sont les besoins les plus criants dans une
société. Il y a un principe de droit qu'il devrait pourtant
connaître, lui qui a également fait du droit: Nul ne peut invoquer
sa propre turpitude. Merci, M. le Président.
Le Président: Je remercie le chef de l'Opposition. Sur la
même motion de blâme, je vais maintenant reconnaître M. le
premier ministre.
M. le premier ministre, vous avez la parole.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, en écoutant le chef
de l'Opposition, je me rappelais une remarque que m'avait faite le premier
ministre de Grèce, en 1975, M. Karamanlis, alors que nous discutions du
système parlementaire dans lequel nous devons travailler. Il m'avait
dit, quand on parlait des responsabilités à la fois du pouvoir et
de l'Opposition, que le problème dans notre système politique,
c'est que si l'Opposition n'était pas démagogue elle serait
obligée de dire qu'elle est d'accord avec le gouvernement.
En écoutant le chef de l'Opposition...
M. Johnson (Anjou): Ce n'était pas l'époque des
colonels?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: M. le Président, je demanderais au chef de
l'Opposition de respecter le premier ministre, M. Karamanlis. Je pense qu'il
tombe très mal en l'associant au régime des colonels alors que
lui-même, durant plusieurs décennies...
M. Johnson (Anjou): Question de règlement, M. le
Président.
Une voix: Je comprends donc!
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il y a des propos, M. le chef de l'Opposition, que vous voulez
rétablir à la fin de l'intervention du premier ministre, vous
pourrez, en vertu de l'article 212, demander d'intervenir à la fin et,
également, si vous voulez poser une question au premier ministre
à la fin de son intervention, vous pourrez le faire en vertu de
l'article 213.
M. Johnson (Anjou): ...
Le Président: Si vous me le permettez, je pense que le
chef de l'Opposition a eu toute la latitude pour s'adresser à cette
Assemblée et son droit a été très bien
respecté. J'aimerais pouvoir entendre également le premier
ministre. M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je respecte votre
décision mais je peux vous dire que, de mon côté, si le
chef de l'Opposition trouve matière à poser une question, avec le
consentement... D'accord, parfait, je ne crains pas les questions du chef de
l'Opposition. Ce que je voudrais lui dire, c'est qu'il devrait s'excuser
auprès de M. Karamanlis. S'il y a un homme politique en Grèce qui
a combattu durant des décennies pour le retour à la
démocratie dans ce pays, c'est bien lui. (15 h 30)
Je me demande, en écoutant le chef de l'Opposition, s'il est
très proche de la réalité politique
québécoise. Il semble bien qu'à l'écouter durant
au-delà de vingt minutes, il a très peu trouvé, dans
l'action du gouvernement depuis un an, des raisons, une attitude ou des gestes
positifs.
Je dis qu'il est loin de la réalité politique, parce qu'on
doit quand même constater que l'ensemble des études scientifiques
qui sont faites ou les sondages révèlent encore une très
nette majorité de la population qui appuie le gouvernement du
Québec. Plus que cela - je ne le dis pas pour causer du déplaisir
au chef de l'Opposition - je lisais dans un journal, alors que M. Samson,
journaliste, approfondissait l'étude d'un sondage publié, que
près de 40 % des gens de son parti sont satisfaits du gouvernement
libéral. Ce ne sont pas des chiffres qui sont de nature à apaiser
les inquiétudes du chef de l'Opposition sur son leadership.
Je voudrais, M. le Président, très brièvement
répondre aux propos du chef de l'Opposition sur la question
linguistique. Je dis "très brièvement", parce que la ministre
responsable de l'application de la loi 101 doit également prononcer un
discours, durant ce débat, sur cette question. Je voudrais quand
même, encore une fois, parce que j'ai les textes devant moi... Quand le
chef de l'Opposition continue de dire que le gouvernement actuel veut
bilinguiser le Québec, je ne crois pas qu'il contribue, comme il devrait
le faire comme chef de l'Opposition, à l'harmonie sociale qu'on doit
rechercher, qu'on soit dans l'Opposition ou au pouvoir.
Le chef de l'Opposition se souvient du discours qu'il a prononcé
devant Alliance Québec le 1er juin, alors qu'il mentionnait en anglais,
parce que tout son discours, malheureusement - je vais le citer en anglais -
était en anglais, il n'y avait aucune version française de son
texte... Tout son discours avait été prononcé en anglais,
pas une seule phrase en français. Il était à ce
moment-là dans une phase intensive de son double langage, au
début de juin, quelques jours avant la démission forcée de
son chef. Je dirais qu'à ce moment-là le chef de l'Opposition
mentionnait "by law", comme quoi on devait avoir une loi, "by law", on devait
avoir une loi qui se trouverait à inscrire - le chef de l'Opposition l'a
admis lui-même - les droits de la minorité anglophone à des
services sociaux de santé et des services sociaux.
Donc, c'est lui-même, quelques mois avant l'élection, au
mois de juin 1985, qui demandait, qui s'engageait, qui affirmait solennellement
qu'on devait avoir une loi telle que nous la proposons, dans le projet de loi
142, qu'on devait avoir une loi donnant ce droit à la minorité
anglophone, une loi, à toutes fins utiles, humanitaire. Et son geste,
évidemment, avait été fortement apprécié. Je
vois une déclaration de M. Michael Goldbloom, président
d'Alliance Québec, qui qualifie d'historique, presque les larmes aux
yeux, l'offre de Johnson de négocier entre Québécois. M.
Michael Goldbloom. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition se souvient de ses
déclarations.
Je pourrais citer également une déclaration de M.
René Lévesque, le 17 mai 1985, qui mentionnait également
que le gouvernement du Québec était prêt à s'engager
à inscrire dans ses lois fondamentales le droit de la minorité
anglophone de recevoir dans sa langue les soins de santé et les services
sociaux, ainsi que son droit à ses propres institutions culturelles et
éducatives. Voilà un point sur lequel le chef de l'Opposition
était d'accord avec son ancien chef. Je voudrais le rappeler à la
mémoire du chef de l'Opposition; cela pourra, je l'espère,
contribuer à donner une allure plus positive aux débats sur le
projet de loi 142.
M. le Président, je n'accepte pas les reproches du chef de
l'Opposition sur la non-observance de la loi 101. J'ai eu l'occasion de lui
mentionner à plusieurs reprises toutes les poursuites qui ont
été prises pour faire observer la loi. J'ai eu l'occasion de
rappeler au chef de l'Opposition qu'il était ministre de la Justice,
qu'il a fait prescrire des causes, qu'il a accepté
systématiquement des reports, avant même que le jugement
Boudreault ne soit connu. Je voudrais quand même dire au chef de
l'Opposition qu'il est peut-être le plus mal placé en cette
Chambre pour donner des leçons au Procureur général.
Le chef de l'Opposition a probablement pris connaissance d'un article
hier sur les poursuites qui ont été prises par le Procureur
général. On a entamé des procédures le 12 septembre
dernier, alors que le Procureur général a pris des poursuites
contre un restaurant de la rue Sainte-Catherine Ouest qui annonçait ses
produits dans des termes jugés anglophones: "smoked meat". Le restaurant
a été poursuivi, on a vu cela hier. On dit même dans
l'article que le député de Mercier fréquente
régulièrement ce restaurant et que lui-même demande
également du "smoked meat".
M. le Président, je crois qu'avec des exemples comme
ceux-là, qui ont été rendus publics hier... Qu'est-ce que
le chef de l'Opposition demande de plus? On poursuit quand même des
établissements et on leur demande d'annoncer "boeuf mariné" au
lieu de "smoked meat". Cela a été fait par le présent
gouvernement.
M. le Président, j'aime mieux donner des faits concrets que de
m'en tenir à des généralités, comme le font souvent
nos amis d'en face. Je veux simplement donner un exemple concret très
très récent dont on a pris connaissance hier dans le cas de
l'application de la loi. Ce n'est pas ridicule. Est-ce que le chef de
l'Opposition n'accepte pas que le Procureur général aille
à ce point pour faire respecter la loi 101, le caractère
français du Québec? Il me semble qu'il y a un exemple très
concret qui devrait convaincre le chef de l'Opposition s'il était
objectif.
Donc, je disais tantôt que la ministre responsable va parler de
cette question-là. J'ai l'intention plutôt de parler de questions
économiques cet après-midi pour répondre aux propos du
chef de l'Opposition sur le bilan économique après la
première année. Je ne suis évidemment pas d'accord avec le
chef de l'Opposition qui dit qu'absolument rien n'a été fait.
Nous avons cette année une croissance réelle plus
élevée que celle qui avait été prévue, 3,4
%, plus élevée que celle du Canada qui est prévue pour
être 3,2 %, plus élevée que celle des grands pays d'Europe
dont la moyenne est de 2,9 %, plus élevée que celle des
États-Unis qui est prévue pour être 2,6 %. Je pense que 3,4
% est une performance très acceptable qui a permis également 56
600 mises en chantier de logements pour 1986 par rapport à 48 700 pour
1985. Ce sont des résultats qui parlent par eux-mêmes.
On peut mentionner, je le fais brièvement parce que j'en ai
parlé à plusieurs reprises, les hausses des investissements
beaucoup plus élevées que prévu. C'était
prévu à 3,6 % au mois de janvier, c'est rendu à 7,4 %. Je
pourrais donner toute une
autre série de faits. Le nombre très élevé
d'émissions de REA, les hommages qui ont été rendus
à l'administration du Québec par des journaux très
réputés ou des revues comme le New York Times et Time Magazine
qui disait qu'il y avait un nouvel esprit, un nouveau dynamisme au
Québec.
Et cette confiance beaucoup plus forte dans l'avenir économique
du Québec, on la constate également par 63 000 nouveaux emplois.
Je ne vois pas comment le chef de l'Opposition peut conclure au fait qu'il n'y
a pas d'emplois nouveaux au Québec. Il est probablement la seule
personne à pouvoir soutenir une telle affirmation. Tout le monde
prévoit de 60 000 à 65 000 nouveaux emplois au Québec en
1986. Comment peut-il prendre le risque d'affecter autant sa
crédibilité économique qui n'était pas
déjà tellement forte, en soutenant aujourd'hui qu'aucun emploi ne
sera créé au Québec en 1986, alors que tout le monde
reconnaît qu'il y en aura 63 000 ou un minimum de 60 000, calculé
sur onze mois? (15 h 40)
Si on veut discuter maintenant, dans le cas de la situation
économique, du chômage des jeunes, je dis au chef de l'Opposition,
à l'ancien premier ministre qui a mentionné les gestes qu'il
avait posés concernant la Société d'investissement
jeunesse, que là aussi nous avons fait preuve de beaucoup de
détermination. Beaucoup de gestes ont été posés, et
j'y reviendrai jeudi ou vendredi à l'occasion du débat sur le
projet de loi. On peut mentionner la hausse du salaire minimum qui favorise les
jeunes d'une façon toute spéciale. On peut mentionner le gel des
frais de scolarité. Il reste quand même que nous avons des frais
de scolarité qui sont les plus bas en Amérique du Nord et que,
malgré cela, nous avons maintenu le gel des frais de scolarité.
On peut mentionner les subventions accrues aux jeunes agriculteurs, les bourses
qui ont été accordées pour les étudiants des
régions éloignées. Nous avons deux projets de loi: le
Conseil permanent de la jeunesse et la Société d'investissement
jeunesse. Je pense qu'on peut dire, M. le Président, quand on regarde
l'ensemble de ces mesures, qu'on a plus fait pour les jeunes du Québec
depuis un an que vous avez fait durant neuf ans de pouvoir, de 1976 à
1985.
M. le Président, le chef de l'Opposition a voulu traiter - je
dois constater son courage - de la question des finances publiques. Il s'est
référé au débat que nous avons eu l'année
dernière. Si le chef de l'Opposition veut simplement refléter la
réalité, il sait fort bien que tout le débat de
l'année dernière durant la campagne électorale - j'y
reviens, parce qu'il a quand même mentionné ce fait - portait sur
une marge de manoeuvre, soit de 150 000 000 $, qui équivalait à
ses promesses, ou de 400 000 000 $, qui équivalait aux promesses du
Parti libéral. Nous avions pris, d'une façon définitive et
ferme, pour 400 000 000 $ de promesses dont la plupart ont été
remplies.
Des voix: Ha! Ha!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bourassa: Oui, M. le Président. On pourra mentionner
à l'Opposition tantôt les réductions d'impôt. Ce que
je dis au chef de l'Opposition, c'est que nous n'avons pas trouvé un
écart de 400 000 000 $, nous avons trouvé un écart de 1
700 000 000 $. Si nous avions trouvé un écart de 400 000 000 $,
je crois que la situation aurait été relativement facile. Dans
les états financiers qui ont été rendus publics au mois de
novembre, on ne mentionnait pas un déficit prévisible de 4 700
000 000 $. Ce n'est pas le déficit dont on parlait. On parlait d'un
déficit d'environ 3 000 000 000 $ pour 1986-1987 d'où le manque
à gagner, d'où le trou de 1 700 000 000 $. Il faut quand
même dire que nous avons à faire face à ce déficit
qui a fait doubler le service de la dette. Alors que nous avions un service de
la dette, il y a dix ans, d'environ 7,7 %, il est maintenant de 15,7 %. C'est
la situation financière que nous avons retrouvée, 15,7 % que nous
sommes obligés d'affecter dans notre budget au service de la dette
à cause de l'administration de ces tristes sires durant environ neuf
ans.
Il nous faut également tenir compte qu'il y a eu des baisses dans
les paiements de péréquation. On les connaît, je l'ai
mentionné. Évidemment, l'Opposition a décidé, pour
des raisons qui demeurent obscures, de ne pas soulever cette question, de ne
pas appuyer le gouvernement pour réclamer ses droits dans les paiements
de péréquation. Un silence total, absolu de la part du Parti
québécois sur des demandes très légitimes du
gouvernement du Québec de récupérer son butin
auprès du gouvernement fédéral. J'espère qu'il n'y
a pas des connivences de caisses électorales qui pourraient expliquer ce
silence de l'Opposition, M. le Président.
Ce que je dis, c'est que nous avons trouvé une situation
financière extrêmement difficile et que nous avons
décidé en même temps d'éliminer les dépenses
superflues. Pas question pour nous de gaspiller des millions et des millions de
dollars à la télévision pour dire: On se donne des forces,
alors qu'on s'affaiblissait, alors qu'on coupait le budget de l'Office des
personnes handicapées de 1 000 000 $, de 17 %. À ce
moment-là, le gouvernement du Parti québécois gaspillait
des millions et des millions de dollars à la télévision
pour exprimer sa vanité, alors qu'il
coupait 147 000 000 $ dans les hôpitaux. Quelle était
l'administration du secteur hospitalier? Je vois le leader de l'Opposition qui
était ministre des Affaires sociales. Quelle était sa solution
aux problèmes hospitaliers?
Je me souviens de sa déclaration qui avait suscité un
immense éclat de rire au Québec: On va remplacer les directeurs
généraux des hôpitaux par des personnes en chômage.
C'était là sa solution pour faire face aux problèmes dans
les hôpitaux. De notre côté, M. le Président, on a
présenté des budgets, on a augmenté pour près de 1
000 000 000 $ parce que nous considérons que les soins de la
santé sont des soins essentiels.
Dans le domaine économique, nous avons réorienté la
Société générale de financement. Nous la gardons
comme un instrument de développement économique. On le voit dans
le cas de Marine Industrie, on le voit dans le cas de Pétromont, on le
voit dans d'autres projets d'usines dont on a pris connaissance ces jours
récents, notamment dans l'est de Montréal. On s'aperçoit
qu'on veut garder le rôle économique à la
Société générale de financement. Parfois, il nous
faut évidemment trouver des fonds. Demain, il nous faudra, à la
suite de cet exemple par excellence de déprivatisation dommageable pour
le Québec, l'amiante - voilà une déprivatisation
très dommageable pour le Québec - rembourser comptant 170 000 000
$ à cause des gestes de l'ancien gouvernement.
Donc, M. le Président, nous n'avons pas l'intention de
démolir l'État. Au contraire, nous voulons, par exemple, dans le
cas de Dofor, permettre à la société
québécoise de faire un gain collectif. Pas question de vendre
Dofor pour payer l'épicerie. Est-ce que je devrai encore expliquer au
chef de l'Opposition que les profits vont être inscrits comme gains de
capital, comme profits budgétaires et que le gain qui sera fait pour le
gouvernement du Québec aura pour but de réduire les besoins
financiers, de réduire la dette du Québec? Donc, je crois que le
chef de l'Opposition devrait comprendre qu'il n'est pas question dans ce cas de
prendre cet argent, étant donné que, dans notre cas, on a mis fin
à cette pratique d'emprunter à long terme pour financer des
dépenses courantes; 4 622 000 000 $ ont été
empruntés à long terme pour financer des dépenses
courantes. Non seulement on met fin à cette pratique qui a existé
durant neuf ans avec l'ancien gouvernement, mais on va utiliser les gains de
capital que nous pouvons faire dans ces entreprises pour réduire la
dette, de manière à réduire un peu le service de la dette
et à diminuer le fardeau pour les jeunes d'aujourd'hui des
remboursements qu'ils devront faire dans une génération.
En plus, M. le Président, alors que Dofor n'a donné que 5
000 000 $ de revenus à la Société générale
de financement, on souhaite pouvoir permettre à la Société
générale de financement de récolter 100 000 000 $ qui lui
permettront de continuer son rôle de développement
économique.
Je pourrais répondre sur tous les aspects des critiques du chef
de l'Opposition. Je pense que j'ai mentionné certains faits tantôt
sur le développement régional. Le chef de l'Opposition rigolait
un peu sur les engagements du gouvernement. On s'est engagé à
réduire l'impôt sur le revenu. On l'a fait. Dans le cas de
l'essence, étant donné qu'on parle de développement
régional, on a posé une première étape. On a
réduit la surtaxe sur l'essence dans les régions
périphériques. Je crois que c'est un fait bien concret. Dans le
cas des primes d'assurances, on a éliminé la taxe de vente de 9 %
sur les primes d'assurances dans le secteur de la santé, de la maladie
ou des accidents. Je me souviens que le chef de l'Opposition trouvait que cette
mesure ne créait pas d'emplois mais cette mesure se trouve à
améliorer la justice sociale dans notre société.
Quant aux investissements à venir, j'ai déjà eu
l'occasion de mentionner Norsk Hydro. Il y a Matane. Il y a la question des
investissements pour la région de Montréal. On sait qu'au
début de la semaine dernière, le maire de Montréal, M.
Doré et moi-même avions exprimé notre accord pour permettre
et encourager le gouvernement fédéral à faire adopter sa
législation sur les brevets, parce qu'on sait que l'adoption de cette
législation va permettre, dans le domaine de la recherche, d'augmenter
substantiellement les investissements au Canada et, notamment, au
Québec. Le maire de Montréal est d'accord avec le gouvernement du
Québec pour donner son accord à ce projet de loi. (15 h 50)
II y a toute la question de la haute technologie, il y a la question du
développement nordique du Québec, notamment la phase 2 de la Baie
James. On doit constater que l'accueil qui est fait aux possibilités
québécoises demeure très positif et très
encourageant. Tout cela, M. le Président, dans un climat de
stabilité politique. Je crois qu'il est important de le mentionner parce
que le chef de l'Opposition n'en a pas parlé, et pour cause. Parce
qu'avec les propositions de son parti pour ce qui a trait à la
stabilité politique, sa proposition d'un haut conseil de la
république - voilà qui va contribuer à la stabilité
politique du Québec, un haut conseil de la république au
Québec -avec ses variations vis-à-vis de l'avenir constitutionnel
du Québec, que ce soit le "beau risque" ou que ce soit, par exemple, au
mois de septembre, son affirmation
comme quoi la souveraineté n'est plus nécessaire au
développement du Québec, alors qu'il a voté pour une
résolution en sens contraire, il y a deux semaines, avec toutes ces
contradictions et ces variations, il n'est pas étonnant que le chef de
l'Opposition ait décidé de ne pas parler de stabilité
politique. Nous, nous en parlons, parce que notre position est claire et
précise et qu'elle va contribuer à augmenter la confiance dans
l'avenir québécois. Donc d'un côté, M. le
Président, nous avons ce réalisme, ce dynamisme, cette
stabilité avec le gouvernement du Parti libéral. De l'autre, nous
avons cette duplicité, ce cynisme et cette hypocrisie. Voilà
pourquoi la population garde encore la plus grande confiance dans le
gouvernement actuel, et voilà pourquoi nous allons continuer de
travailler avec la plus grande détermination au bien collectif de tous
les Québécois.
Le Président: S'il vous plaît! Je remercie le
premier ministre. Sur la même motion de blâme
présentée par le chef de l'Opposition, je vais maintenant
reconnaître le leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, parlant d'hypocrisie, c'est
à peu près la première fois que je vois un homme sans
sourire présenter autant de faussetés en l'espace de 25 minutes,
et ce, sans rire et en essayant de faire croire à la population que tout
ce qu'il émet ce sont des vérités.
Nous allons nous en parler quelque peu, parce que je me souviendrai
toujours de la vice-première ministre qui, dans son discours inaugural -
parce que son chef avait manqué le bateau dans Bertrand et qu'il devait
se présenter un peu plus tard dans Saint-Laurent - qui disait en cette
Chambre: "D'ici 1990, le gouvernement va créer 400 000 emplois avec
toute l'énergie..." Elle ressemblait un peu à son chef quand elle
énonçait ce principe, cette volonté politique de
créer des emplois. "Nous allons mettre tout en oeuvre pour créer
des emplois pour les jeunes." Cela fait un an, et on disait cela avant les
élections.
Depuis lors, quel est le résultat? Après, c'est 20 000
emplois de moins que la dernière année du gouvernement
précédent. C'est 60 000 emplois au maximum que créera ce
gouvernement cette année, alors qu'au dire du premier ministre, il y a
une reprise économique. C'est effrayant comme le climat est bon. Au lieu
de 82 000 emplois comme le gouvernement du Parti québécois a
créés, il s'en tirera en fin de décembre avec à
peine 60 000 et il va être chanceux si c'est 60 000 . Et il trouve le
moyen de se vanter. Si cela n'est pas de l'hypocrisie, mon père dirait
tout au moins que c'est un visage à deux faces. Cela est clair.
M. le Président, avant les élections, que disait-il? "Nous
allons tout mettre en oeuvre, nous allons injecter dans l'économie, nous
allons faire en sorte qu'il y ait un regain de vie économique au
Québec." Qu'ont-ils fait après les élections? Ils ont
coupé dans les programmes de la SDI. Au lieu de 1100 entreprises
québécoises qui seront soutenues, ce sera 400 annoncées
par le ministre de l'Industrie et du Commerce. Qu'ont-ils fait au Fonds de
développement régional qui aidait nos petites et moyennes
entreprises dans nos régions à sauver des emplois, à en
créer? Ils ont coupé 13 500 000 $ au Fonds de
développement régional. M. le Président, avant ce n'est
pas pareil comme après pour eux autres. On appelle cela quoi? De
l'hypocrisie pure et simple.
On a dit également: II faut absolument injecter dans le
réseau routier. Mme la vice-première ministre appuyait
là-dessus parce que c'était générateur d'emplois
que d'injecter des sommes d'argent dans la construction et dans la
réfection de nos routes. 2 000 000 000 $ de promesses électorales
de leur côté. Qu'ont-ils fait après l'élection?
Coupures de 73 000 000 $ dans le domaine de la construction et de la
réfection de notre réseau routier. Ce qui veut dire quoi? Une
perte de 6500 emplois, parce que le rapport Middlemiss nous dit qu'à
chaque 80 000 000 $, c'est au moins 7000 emplois qu'on crée.
M. le Président, à partir de leurs propres chiffres, on
leur démontre que leurs engagements antérieurs aux
élections par rapport aux coupures réelles faites après
les élections c'est encore une fois de l'hypocrisie, du double langage.
On a promis d'améliorer le réseau routier. On a promis de
construire des routes pour 2 000 000 000 $. On trouve le moyen dès la
première année de couper 73 000 000 $ et de faire perdre des
emplois ainsi à au moins 6500 Québécois qui auraient pu
travailler. Cela, c'est dans nos régions, c'est dans les milieux ruraux,
semi-ruraux, semi-urbains que travaillent ces gens. Ce gouvernement les avait
fait rêver avant; voici les résultats après: hypocrisie, M.
le Président.
Qu'est-ce qu'on avait dit à Saint-Hilaire dans la région
du comté de Verchères? On avait dit: Soyez sans crainte. C'est le
premier ministre lui-même qui avait dit: II y aura au moins une
commission parlementaire avant qu'on procède à une vente
quelconque de la raffinerie. Cela c'était avant les élections.
C'était écrit noir sur blanc. Après les élections,
on vend la raffinerie sans commission parlementaire, sans même rendre
public le contrat de vente parce qu'on a peur qu'on découvre les vrais
dessous de la vente. On appelle cela comment, M. le Président? On
appelle cela de l'hypocrisie.
Je vais continuer. On avait dit également qu'il nous fallait
absolument se dégager une marge de manoeuvre de 600 000 000 $. Le chef
du gouvernement ridiculisait le chef de l'Opposition quand celui-ci lui disait:
Vous n'aurez pas vos 600 000 000 $. Voyons! Cela n'existe- pas. Il a dit: Cela
existe, il n'y a pas de problème. Plus que cela, le 29 novembre, que
disait le premier ministre aux journalistes qui lui disaient: M. le premier
ministre, lorsque vous allez être élu le 2 décembre,
allez-vous invoquer le fait que c'est l'administration précédente
qui est responsable? Non, non, je prends l'engagement solennel devant tous les
Québécois de ne pas invoquer le fait que c'est l'administration
précédente. Je sais qu'il existe une marge de manoeuvre et je
n'invoquerai pas cela, M. le Président. Il n'y a pas une cassette, il
n'y a pas une fois qu'il ne se lève en Chambre avec ses 26 ou 27
tourtereaux pour nous servir la perpétuelle cassette: C'est la faute de
l'ancien gouvernement.
M. le Président, c'est cela qui l'a forcé d'ailleurs... Il
se connaît lui-même, parce qu'il a pris l'engagement, durant la
campagne électorale, quand il a vu que les journalistes étaient
sceptiques vis-à-vis ces ballounes qu'il gonflait un peu partout, il a
dit: Je prends l'engagement de respecter mes engagements. Imaginez-vous, M. le
Président! Quelle colonne vertébrale? Quel homme public fort?
Quel chef d'État avons-nous? Quelle parole a-t-il? Hypocrisiel
Tartuferie!
Je continue. Qu'est-ce qu'il avait fait? Il avait pris l'engagement,
comme je le disais tantôt, de ne pas invoquer... Et tous ses ministres,
même ce matin, même en son absence, ils ont réussi à
apprendre la cassette: II n'y en a pas un qui ne se lève sans dire que
c'est la faute de l'ancien gouvernement. Vous devez avoir hâte de
commencer à conduire le Québec. Vous devez avoir le courage de
prendre vos décisions et de les assumer pleinement. Il me semble
qu'après un an, vous pourriez changer votre cassette, parce que
l'aiguille commence à être éméchée un tant
soit peu.
M. le Président, le chef du gouvernement et ses ministres se
promenaient dans tout le Québec et disaient: Nous allons
améliorer les services. Nous allons baisser les impôts, baisser le
déficit et améliorer les services. C'est pour cela que le premier
ministre voyait des marges de manoeuvre partout. Il promettait tout. Donc, M.
le Président, qu'ont-ils fait? Il vient de se lever il y a à
peine quelques minutes pour dire: Nous avons injecté près de 1
000 000 000 $ dans la santé et les services sociaux. Vous n'auriez pas
pu injecter un peu moins et ne pas couper les soins dentaires? Au lieu de vous
vanter d'avoir injecté 873 000 000 $ dans le domaine de la santé
et des services sociaux, vous n'auriez pas pu injecter seule- ment 865 000 000
$ et ne pas couper les soins dentaires aux jeunes, dans la santé des
dents de nos enfants? Mais non. Où est-ce qu'ils les ont
injectés? Ils ne peuvent pas le dire. Où est-ce qu'ils ont
déposé ou injecté des sommes d'argent? On ne comprend plus
rien. Parce que quand on fait le tour de chacune de nos régions... On
constate des compressions de 1 500 000 $ à l'hôpital
régional de Joliette, 350 000 $ au centre d'accueil voisin, 60 000 $
dans l'autre. Ils ont coupé 21 postes dont 3 aux soins intensifs
à l'hôpital régional de Joliette. Et, ils ont
injecté 873 000 000 $? Mais où? Où, M. le
Président? Hypocrisie! On cherche! Qu'est-ce qu'il cache? Quelqu'un
cache, quelqu'un est hypocrite; sinon, il rend tout public. (16 heures)
Donc, M. le Président, discours avant et réalité
après. Ils ont coupé le lait dans les écoles et,
grâce aux fédérations des producteurs de lait, on a
réussi à le maintenir, mais pas grâce à eux autres.
Ils ont injecté dans les services. Ils coupent le lait aux enfants. Je
pourrais continuer d'en énumérer une série. Ils ont dit,
pour les services en régions: Les régions du Québec seront
traitées correctement. Un ministre qui vient de la ville pour traiter
des régions. Ponction dans le Fonds de développement
régional, abolition des services de Radio-Québec, services aux
initiatives jeunesse coupés. Qu'ont-ils dit des médias
communautaires? Le ministre se lève et dit: Peut-être. Je vais me
battre et je verrai. Cela fait des "mosus" d'engagements pour soutenir nos
régions. Discours d'avant, M. le Président, réalité
d'après. On appelle cela de l'hypocrisie, de l'hypocrisie pure et
simple.
La parité de l'aide sociale, je vois le premier ministre payer
des autobus pour amener des jeunes au centre Paul-Sauvé, 5000 jeunes
pour se faire acclamer! Je demande au jeune: Qu'est-ce que tu fais là?
Il me dit: Je ne le sais pas, ils ont payé mon passage. Ils sont venus
applaudir un chef qui leur promettait la parité de l'aide sociale. Que
se passe-t-il après? Après, le ministre du Travail et ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a fait un travail
tout croche, le premier ministre l'a renvoyé sur le banc: Va refaire tes
travaux!
On ne sait plus si c'est en 1988 ou en 1989 qu'il y aura une
parité. On ne sait pas quel type de parité, mais, là,
c'est clair que c'est reculé. Le rapport Forget leur sert
d'échappatoire pour le moment, mais voici la réalité:
Avant, ils disaient aux jeunes: Votez pour nous autres. Parité, sans
autre promesse. Quelle est la réalité d'après? Rien!
Hypocrisie, M. le Président! Mensonge vis-à-vis de la jeunesse
québécoise. On a illusionné les jeunes
Québécois. On a même désindexé les
assistés sociaux aux trois mois, comme
cela était, pour faire une seule indexation annuelle. Cela
profite à qui? Sûrement pas aux assistés sociaux. On a
trouvé bon de faire une chose: leur lancer les "Boubou macoutes"
après. C'est cela la réalisation de la campagne électorale
par rapport aux engagements du premier ministre, M. le Président.
Amélioration des prêts et bourses. Cela faisait partie
intégrante du discours inaugural de Mme la ministre: Nous allons
améliorer les prêts et bourses. Vous savez tout le dynamisme qu'on
lui connaît, ce cher premier ministre. Il a coupé 24 000 000 $ et
il leur en avait promis 25 000 000 $. Promesse avant, réalité
après! Il est non seulement à 25 000 000 $ de sa promesse., il
est à 49 000 000 $ maintenant de l'engagement qu'il a pris. C'est
effrayantl Comment appelle-t-on cela? Promettre avant et faire autre chose
après, dans le sens inverse? Hypocrisie. Il faut le dire, il faut
appeler les choses par leur nom.
Dans les salles d'urgence la semaine dernière, on a dit qu'on
avait passé des jours épouvantables à
Maisonneuve-Rosemont, ce qu'on avait jamais vu. Ce n'est pas grave, cela va
bien! Ils ont injecté 873 000 000 $ et ils ne coupent nulle part. Cela
va bien, cela empire partout!
M. le Président, prenons les handicapés, la
priorité des priorités que disait le premier ministre. C'est une
question de bon sens et de civilisation, disait-il. Il faut qu'un gouvernement
se respecte vis-à-vis d'eux. On se promène un peu partout, dans
tous les bureaux de comté pour entendre: On ne peut pas rien faire! Le
président du Conseil du trésor a coupé. Ce n'est pas cela
qu'on leur disait avant, on disait: Priorité des priorités.
Pourquoi les handicapés se promènent-ils? Je suppose que c'est
toute une "gang" de personnes qui ne comprennent rien. Elles viennent toutes
nous voir, chacun dans nos comtés, pour dire que le gouvernement a bien
fait, qu'il a réalisé la priorité des priorités?
Hypocrisie, M. le Président! Trompe-l'oeil vis-à-vis de ces gens
handicapés de notre société!
M. le Président, je pourrais parler de l'amélioration des
services. Ils ont sans doute amélioré les services au
Québec en coupant les cliniques de MTS à Lévis, en gelant
toutes les subventions aux maisons de jeunes; c'est sans doute une
amélioration des services! Les groupes de femmes qui avaient une
politique de financement ont subi ces mêmes gels. On ne tient même
pas compte du taux d'occupation. Dans notre région, il y a une seule
maison de femmes, un seul centre d'accueil pour femmes, et il n'a absolument
rien, M. le Président!
Je continuerais en parlant des taxes. Ils n'ont aucunement
augmenté les taxes, bien non! Les 9 % sur l'huile à chauffage, ce
n'est pas une taxe, cela! L'augmentation de 81 % sur les plaques
d'immatriculation et sur le permis de conduire, ce n'est pas une taxe, cela!
Bien non! Ces gens-là n'ont pas augmenté les taxes! Ils ont fait
10 $ de cadeau aux bas salariés de 20 000 $ et moins et 875 $ aux gros.
Ils ont amélioré le sort des Québécois, M. le
Président: 10 $ pour un salarié de 20 000 $ et moins, en le
surtaxant de 9 % pour l'huile à chauffage, en surtaxant le permis de
conduire, en surtaxant l'immatriculation, mais en s'assurant, par exemple, que
l'essence va rapporter tout autant en la gelant au plafond, au point le plus
élevé, même si cela baisse ailleurs. C'est cela qu'a fait
ce gouvernement. Hypocrisie!
Dans la défense du fait français, on a été
obligé d'arrêter le ministre de l'Éducation qui
s'apprêtait à amnistier la province au complet, une certaine nuit.
Les amendements - une loi très bien préparée par Mme la
ministre! - 14 amendements déposés, ce matin: affaiblissement des
structures. Et on va arriver aux services tout à l'heure. Cela va bien
à part cela. Ils ont voulu améliorer le climat de travail. Tout
va bien au Québec! Quand les jeunes ont débrayé dans les
universités, c'était vraiment pour rien. C'était pour
faire respecter leur engagement. Voyons! Faut-il être absent de ce
monde!
Les employés de la construction qui déambulaient la
semaine dernière devant le parlement, c'est parce que les relations du
travail sont bonnes au Québec. Voyons! Les grèves, ce matin, dans
les hôpitaux, c'est parce que cela va bien! C'est excellent comme climat
de relations du travail. Le soutien scolaire qui est en grève toute la
journée demain. Cela va très bien! Voyons! lis se sont
targués d'améliorer les relations du travail.
En Chambre, qu'est-ce qu'on fait durant ce temps? Voici ce que disait la
vice-première ministre: "...et l'Assemblée nationale va
également changer. Elle sera beaucoup plus rigoureuse et innovatrice
dans l'exercice de ses fonctions - c'est Mme la vice-première ministre
qui parle, au mois de décembre dernier, il y a un an - il y aura moins
de lois; il y aura, par contre, plus de temps consacré pour
contrôler l'administration publique." C'est elle qui disait cela.
Ce gouvernement a placé le leader du gouvernement, qui admettait
à La Presse samedi dernier qu'il y avait eu un trou législatif,
qu'il y avait des problèmes, dans une situation où il a
même de la difficulté à programmer son menu de fin de
session. Il se demande comment il va réussir à passer tout cet
amalgame de lois de dernière minute: les projets de loi 140, 142,
soi-disant de gros projets de loi. Nous allons innover, nous allons
étudier d'une façon correcte, le législatif pourra mieux
contrôler l'exécutif.
Ils attendent à la dernière minute pour nous
présenter des projets de loi importants pour l'avenir du Québec.
On pense nous passer le bulldozer, on s'imagine qu'on va faire notre travail
à la sauvette. Nous allons faire notre travail comme il le faut. J'ai
voulu durant quelques minutes vous démontrer ce qu'était le vrai
visage de l'hypocrisie. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Président: Je remercie le leader de l'Opposition. Avant
de céder la parole à Mme la vice-première ministre, je
voudrais simplement faire une mise au point. C'est par inadvertance et
inattention de ma part si je ne suis pas intervenu, M. le leader de
l'Opposition, au tout début de votre intervention, lorsque vous avez
fait dire des faussetés à la dernière intervention qui
s'adressait directement à un membre de cette Assemblée. Je n'ai
pas l'intention de vous demander de retirer vos paroles mais, pour ne pas que
votre intervention serve d'antécédent et de
précédent, je rappelle simplement aux membres de cette
Assemblée que faire dire des faussetés à quelqu'un de
cette Assemblée a été retenu trois fois comme non
parlementaire en vertu des articles 35.6 et 35.7. Au tout début de votre
intervention, le qualificatif que vous aviez employé, c'est faire dire
des faussetés au dernier discours qui s'adressait directement au premier
ministre. Je ne suis pas intervenu, parce que j'étais à prendre
des notes. On me l'a fait remarquer et je voulais faire cette mise au point. Si
j'avais eu connaissance de ces mots, M. le leader de l'Opposition, j'aurais
demandé immédiatement que vous les retiriez.
Je vais reconnaître sur la même motion Mme la
vice-première ministre.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, on me permettra de resituer le
contexte dans lequel s'inscrit le débat d'aujourd'hui. Je n'ai pas
l'intention de tomber dans le même genre de démagogie que le
leader de l'Opposition. Il s'agit, pour l'Opposition, de reprocher au
présent gouvernement d'avoir tenté d'apporter un éclairage
nouveau dans le dossier à la lumière de l'évolution des
mentalités, de l'évolution aussi des attitudes tant collectives
qu'individuelles. On se souviendra que le mandat du gouvernement qui nous a
précédés s'est principalement caractérisé
par ce climat d'insécurité, par ce climat d'incertitude qu'il a
réussi à créer dans tous les dossiers importants qu'il a
menés. Mais, avant tout, cette incertitude engendrée par les
actions, les orientations du gouvernement du Parti québécois
était d'abord d'ordre politique. À maintes reprises, j'ai
indiqué que le présent gouvernement n'avait pas de leçon
à recevoir, du simple fait que son identité, ses options
politiques, ses orientations ne remettaient nullement en cause le
bien-être de la société québécoise. (16 h
10)
Par exemple, dans le secteur culturel que je connais bien, j'ai
constaté, au cours de ma tournée des régions, combien
l'ancien gouvernement a carrément négligé de se
préoccuper du développement des artistes et créateurs qui
vivent en dehors des grands centres urbains, car ce gouvernement était
d'abord préoccupé de sa bonne visibilité nationale, de sa
visibilité d'État souverain, de sa visibilité de grand
rêve, et il est demeuré sourd aux besoins réels des
citoyens et des citoyennes vivant en régions.
Ce gouvernement, qui brandissait bien haut l'étendard de
l'identité, l'autonomie culturelle, a laissé
s'empoussiérer sur les tablettes pendant des années des demandes
du milieu, créant ainsi chez les Québécois et les
Québécoises un sentiment d'insécurité et
d'incertitude face au développement culturel de leurs régions. Ce
gouvernement avait cette aptitude de ne pas entendre les problèmes des
citoyens, de ne pas voir la réalité en face. Après un
certain temps, cette politique de l'autruche a créé ce climat
d'insécurité, d'incertitude qui a conduit ces savants
rêveurs là où vous le savez le 2 décembre 1985.
Bien au contraire, l'esprit du présent gouvernement
imprègne cette sécurité recherchée dans les milieux
politique, économique, social ou culturel, parce qu'il assume le
leadership nécessaire à cette stabilité et à cette
prospérité de l'ensemble du Québec. Le présent
gouvernement a choisi cette voie, convaincu qu'il répond aux besoins et
aux aspirations des Québécoises et des Québécois en
créant les conditions favorables au développement
économique, social et culturel de toutes les régions du
Québec. C'est précisément sous le thème de la
stabilité que je pourrais résumer l'ensemble des actions
entreprises par notre gouvernement tout au long de cette première
année du présent mandat.
Sur la question plus particulière de la langue française,
notre gouvernement a clairement indiqué qu'il entendait maintenir les
mêmes principes tout en renforçant les moyens d'application de la
Charte de la langue française. Nous avons donc également
insisté sur cette recherche d'un consensus dans la population afin de
faire évoluer notre culture, notre façon de vivre, nos attitudes
dans le sens de la paix et de l'harmonie. Notre message demeure le même
en ce sens que nous ne craignons pas d'affronter les défis tels qu'ils
se présentent. Nous ne craignons pas non plus de susciter ces
discussions qui s'inscrivent dans l'évolution normale d'une
société, une évolution marquée au coin de la
tolérance et de l'ouverture vis-
à-vis d'autres cultures, vis-à-vis d'autres traditions et
vis-à-vis d'autres façons de vivre. Cette façon d'assumer
la gestion des affaires de l'État ne nous empêche toutefois pas de
respecter davantage les acquis du passé et de renforcer ses aspects
positifs.
Dans le dossier linguistique, nous avons tenu compte de cette
volonté de la population québécoise de conserver les
éléments essentiels, non seulement à la survie du
français, mais également à son développement,
à son épanouissement dans le sens de l'excellence, de la rigueur
dans la dimension d'un français écrit et parlé de
qualité. Ce concept d'excellence est celui d'une langue d'usage de
qualité au Québec, non dans le sens restrictif où on en
parlait encore il y a quelques années, à savoir de tenir un
langage châtié dans les salons, mais bien une langue
française capable de traduire ce que nous ressentons, ce que nous vivons
quotidiennement, au travail comme à la maison.
La première condition pour être fier de notre langue, c'est
de nous assurer que nous disposons d'un outil suffisamment
développé et moderne pour véhiculer, et cela, dans tous
les domaines de l'activité humaine... Si nos parents étaient
fiers de parler la langue française, ainsi que l'ont proclamé nos
plus éminents écrivains et penseurs, tels les Henri Bourassa,
chanoine Groulx et, plus récemment, Félix-Antoine Savard, c'est
que cette langue était celle d'usage dans leur vie de travail d'abord.
Notre grand défi au Québec c'est de faire en sorte que la langue
française s'adapte aux nouveaux secteurs de développement
économique et social. Valoriser la francisation au Québec est et
demeurera un pur discours académique si nous, comme peuple francophone,
n'avons pas cette volonté, cette détermination de parler
français dans nos milieux de travail respectifs. Je pense ici
particulièrement au secteur de la haute technologie où la langue
d'usage est, à l'échelle internationale, prioritairement
l'anglais. D'ailleurs, à ce sujet les autres pays francophones, dont la
France, rencontrent aussi les mêmes difficultés que nous.
À l'égard du dossier linguistique, deux solutions
s'offraient au gouvernement du Québec. D'une part, nous pouvions
écarter toutes les discussions sur le mode de gestion de la Charte de la
langue française. Cette voie du statu quo nous semblait
inadéquate dans la mesure où les lacunes, les lenteurs
d'application de la loi n'auraient pas été relevées
à temps pour ensuite corriger la situation.
D'autre part, l'option de moderniser l'administration de la Charte de la
langue française s'offrait à nous. Cette voie d'action que nous
avons privilégiée offrait l'avantage de maintenir les acquis du
passé, de protéger aussi les principes et les objectifs de la
Charte de la langue française tout en voulant assurer
l'efficacité des ressources. C'est précisément la voie du
courage politique qui a guidé notre action dans le but de
répondre à l'intérêt de l'ensemble de la
population.
Cette façon de susciter des débats du côté de
l'Opposition ne fait qu'engendrer confusion dans la mesure où l'on tente
de convaincre la population qu'une pièce législative aurait pour
effet de modifier le visage français du Québec, alors qu'un
examen attentif et un tant soit peu honnête du projet de loi 140
démontre clairement que notre volonté consiste à prendre
les moyens nécessaires pour nous assurer que l'administration de la
Charte de la langue française puisse être faite avec rigueur et
équité.
Mais qu'est-ce donc que ce réflexe de fausse pudeur de
l'Opposition qui la pousse à refuser tout ajustement de nos
mécanismes institutionnels pour en accroître la performance? Cette
fausse pudeur c'est cette tentative de manipulation de l'opinion publique qui
tend à faire croire que le gouvernement libéral veut affaiblir la
Charte de la langue, alors que justement il la renforce. Belle tactique de
l'Opposition qui veut ainsi masquer l'inaction des dernières
années du gouvernement péquiste par son manque de courage
politique. Car il faut bien que la population le sache un jour ou l'autre, M.
le Président: sitôt la loi 101 votée, l'ancien gouvernement
s'était empressé de tout faire pour éviter que sortent sur
la place publique les problèmes rencontrés par l'application de
la charte.
À cette époque, l'ancien gouvernement ne voulait surtout
pas soulever de nouveau le débat linguistique, évidemment,
puisqu'il voulait conserver intacte sa belle image de gouvernement qui a, lui,
réglé le problème linguistique au Québec.
Cette époque de jeu de cache-cache est révolue. La
réalité c'est que l'ancien gouvernement n'a su que faire avec le
problème des illégaux dans les écoles. La
réalité c'est que l'ancien gouvernement a imposé un
moratoire de près d'une année en 1982 à la Commission de
la protection de la langue, qui s'appelait Commission de surveillance dans le
temps, concernant l'application de l'article 58 sur l'affichage. Soit dit en
passant, de quel droit le ministre d'alors, le père de la loi 101,
avait-il imposé à un organisme qu'il voulait autonome un
moratoire qui a bloqué tout le processus normal d'enquête et de
poursuite en matière d'affichage? La réalité c'est que.
l'ancien gouvernement a de nouveau imposé un moratoire dans les faits en
1984 lorsque les poursuites, eu égard à l'article 58, ont
été suspendues parce qu'une cause sur ce sujet était
devant les tribunaux. La réalité, encore une fois, c'est que les
sondages nous montrent et démontrent que la francisation
au Québec accuse un ralentissement depuis 1982 et que ce constat
n'a pas ému l'ancien gouvernement au point d'en alerter l'opinion
publique, comme vous le faites maintenant en dénonçant avec tant
de larmes de crocodile, la main sur le coeur, M. le Président,
l'affaiblissement du fait français sous un gouvernement libéral.
(16 h 20)
Mais, enfin, qu'a donc fait l'ancien gouvernement en 1982, en 1983, en
1984 et en 1985 pour corriger la situation? Rien, car ce bon gouvernement se
préoccupait d'abord de ses querelles de famille pour savoir qui partira
avec l'héritage du père, ce qui fait que, lorsque j'entends le
chef de l'Opposition s'émouvoir devant les problèmes
linguistiques au Québec maintenant, je souris - oui, M. le
Président, je souris - et permettez-moi de ne pas qualifier en cette
Chambre les sentiments que recouvre ce sourire.
La réalité, c'est que le gouvernement du Parti
québécois n'a pas eu le courage de faire appliquer sa propre loi
en matière linguistique, traumatisé qu'il était
après le référendum. Aujourd'hui, en 1986, je
m'étonne donc que l'Opposition veuille ainsi résister à
toute initiative dont l'objectif consiste à raffermir la Charte de la
langue française et à accentuer la francisation du Québec.
Dans un état moderne, dans une société où tout
évolue si rapidement, il faut faire face aux défis qui se
présentent et s'inscrivent en évolution avec elle; sinon, les
actions entreprises par l'État risquent d'être rapidement
déphasées par rapport aux réalités.
Je dis aussi à l'Opposition que, dans un État moderne,
différents moyens doivent être pris pour garder intacts des
principes, des principes d'une législation tout en renforçant son
administration et ce, au nom de l'efficacité et de l'efficience des
ressources. C'est probablement là un concept qui échappe à
l'Opposition et, d'ailleurs, n'est-ce pas une difficulté propre à
cette formation politique de ne pouvoir s'adapter à la volonté
populaire? Je pense ici à sa thèse indépendantiste qui
l'aura empêchée d'acquérir la confiance de la population le
2 décembre 1985 et que ce parti a de nouveau maintenue dans son
programme lors de ses récentes assises. Mais il est vrai que, quant
à être assis entre deux chaises, aussi bien que ce soit du
côté de l'Opposition!
Je dirai également que ce n'est pas uniquement une crise de
confiance qui sévit au sein du Parti québécois, mais que
c'est véritablement une crise d'identité en ce que les troupes
sont toujours divisées entre elles. Incapable de retrouver son
équilibre entre la souveraineté, d'une part, et l'association,
d'autre part, cette formation politique reflète toujours cette
incertitude d'autrefois. Je comprends aisément que l'Opposition tente de
s'accrocher à la moindre bouée qui, sur le plan politique,
pourrait apporter quelques bénéfices à court terme, si
minces soient-ils. Comment comprendre, par exemple, cette façon de
relier le projet de modification des structures administratives de la charte
à la question de l'affichage au Québec? Certes, nous comprenons
aisément que le rôle de l'Opposition consiste à susciter
des débats dans les règles parlementaires. De telles batailles
entre formations politiques s'acceptent facilement dans la mesure, toutefois,
où elles sont menées avec rigueur, mais aussi avec
sincérité. Or, j'ai toutes les raisons de croire que la
stratégie de l'Opposition consiste, à ce stade-ci, à
s'accrocher à cette bouée qui détournerait l'attention des
problèmes internes auxquels elle doit faire face, soit cette crise
d'identité qui perdure depuis le référendum de 1980.
Notre gouvernement continuera d'agir en fonction des
intérêts de la population québécoise et de maintenir
ce climat de confiance qui a caractérisé la première
année de pouvoir. Nous nous engageons à poursuivre nos efforts en
vue d'assurer la prospérité de l'ensemble du Québec aussi
bien sur les plans social, économique que culturel. Nous poursuivons cet
élan entrepris le 2 décembre 1985 en vue d'assurer la paix
linguistique au Québec et d'offrir à toutes les
Québécoises et à tous les Québécois une
qualité de vie culturelle. Malgré les critiques apportées
par l'Opposition, notre gouvernement maintiendra cette confiance acquise
auprès de la population en cherchant à améliorer sa
qualité de vie. Cette qualité de vie, à son tour, passe
par l'amélioration du climat économique, du climat politique et
du climat social au Québec. Des pas importants ont été
franchis depuis le début de notre mandat et d'autres défis
s'offriront à nous. Notre intention est d'y faire face d'une
façon aussi rationnelle que possible. Voilà ce que j'appelle, M.
le Président, une orientation claire et précise afin d'assumer
nos responsabilités dans le meilleur intérêt de toute la
population québécoise.
Quant à la protection du visage français au Québec,
comme je le démontrais précédemment, je me demande de plus
en plus si l'ancien gouvernement a accompli tous ses devoirs. Il a failli
à sa tâche et a réussi à masquer ses faillites
jusqu'à la fin de son mandat. Mais nous voilà rendus à
l'heure de vérité. Bien sûr, s'apercevant que la
rigidité de la charte contrevenait à certaines
réalités, on a consenti, en 1983, à des assouplissements
en adoptant la loi 57. Mais ce gouvernement n'a pris aucune initiative pour
ajuster et renforcer la législation qui doit assurer la francisation au
Québec.
Je crois que la population a parfaitement compris la ligne d'action de
notre gouvernement. Elle a très bien saisi notre
volonté de maintenir et de renforcer le caractère
français au Québec. Somme toute, je suis loin d'être
sûre que l'ancien gouvernement ait assumé ses
responsabilités comme gardien de notre langue car il y a une
différence énorme entre le fait de proclamer bien haut un
principe, énoncer des objectifs et tout mettre en oeuvre en vue de les
faire respecter. Plus progresse le débat, moins la
sincérité de l'Opposition me paraît évidente.
C'est dans ce contexte que doivent être saisies les intentions
exprimées par notre gouvernement, soit de vouloir rectifier le tir de la
politique linguistique du Québec et corriger aussi les lacunes de
l'ancien gouvernement. En fin de compte, la population québécoise
comprend la portée de nos intentions et ne s'offusque pas de cet effort
de redressement et aussi de cet effort de modernisation de l'application de la
Charte de la langue française.
Quant au visage français du Québec, le gouvernement du
Québec a maintes fois réitéré son intention non
seulement d'en assurer la prédominance, mais également de la
renforcer en ce qui concerne la qualité. Cependant, la protection et la
promotion du français au Québec ne sauraient être
assumées uniquement par le gouvernement. Ce dernier pourra créer
les conditions favorables à l'épanouissement du français
au Québec dans la mesure où les citoyennes, les citoyens
partageront à titre individuel cette responsabilité.
Par ailleurs, le débat créé autour de la question
linguistique au cours des dernières semaines commence à
être démystifié. Certains observateurs de la scène
politique québécoise ont bien saisi la portée des
changements que le gouvernement veut apporter. Ils ont aussi analysé la
stratégie de l'Opposition dans ce dossier. À cet effet, je ne
citerai qu'un passage significatif d'un éditorial du quotidien La Presse
du 4 décembre dernier dans lequel Marcel Adam constate, et je le cite:
"II est donc facile pour le Parti québécois d'exploiter à
son avantage ce sentiment de méfiance en l'accusant - le gouvernement -
de vouloir neutraliser la loi 101 pour mieux bilinguiser le Québec.
Quand on sait que l'ex-gouvernement péquiste avait lui-même
commencé à édenter la loi 101 pour faire droit aux
doléances justifiées des anglophones et qu'il songeait à
lui apporter des amendements semblables à ceux que projette le
gouvernement libéral, on se dit que c'est de bonne guerre, mais ce n'est
pas moins hypocrite pour autant."
Cette constatation me paraît importante dans le cadre du
présent débat. À partir de celle-ci, en effet, j'y vois
là une attitude négative qui caractérise bien l'Opposition
en ce qu'elle croit pouvoir changer de masque aussi facilement entre le moment
où le gouvernement du Parti québécois était au
pouvoir et aujourd'hui, en souhaitant qu'une telle attitude passe
inaperçue.
Or, la population québécoise n'est pas dupe d'une telle
stratégie. Si le gouvernement actuel a choisi d'agir dans ce dossier,
c'est que plusieurs lacunes apparaissaient de plus en plus évidentes. Si
l'ancien gouvernement avait été plus rigoureux dans
l'administration de sa propre loi, s'il avait été plus ferme dans
sa volonté de régler les problèmes et s'il avait fait
preuve d'un courage politique au lieu de décréter un moratoire
sur les poursuites, on pourrait prendre plus au sérieux les remarques
formulées aujourd'hui par l'Opposition, dont le laxisme s'est
confirmé dans le passé. (16 h 30)
En effet, non seulement l'analyse de l'Opposition, en regard du projet
de la loi 140, par exemple, ne colle-t-elle pas à la
réalité, mais avec un peu de recul, on s'aperçoit que
l'ancien gouvernement du Parti québécois ouvrait les portes plus
grandes que nous le faisons maintenant. Rappelons-nous que le chef de
l'Opposition actuel s'était lui-même engagé à donner
à la minorité anglophone la garantie législative qu'elle
veut obtenir en matière de soins de santé et de services sociaux
dans sa langue.
Comment interpréter les hauts cris de l'Opposition aujourd'hui,
alors que le chef du Parti québécois ouvrait lui-même une
telle porte? Pourtant, il ne craignait pas qu'un tel engagement crée un
second réseau de soins de santé au Québec, ou encore
faut-il en déduire que son sens humanitaire s'est transformé
à ce point avant et après le 2 décembre 1985?
Quant au projet de restructuration des organismes qui sont voués
à la protection de la Charte de la langue française,
l'ex-ministre des Communautés culturelles et député du
comté de Mercier convenait en janvier dernier qu'il fallait en revoir
l'administration, révision qu'il aurait sans doute désiré
refaire lui-même, et c'est lui-même qui le disait. Une autre
volte-face de l'Opposition qui arrive mal à assurer une cohérence
dans ses propos d'hier et ses propos d'aujourd'hui. Une autre volte-face qui se
compare à celle portant sur leur option politique qui, au gré des
années, au gré des conjonctures, évoluait dans le sens
d'un opportunisme que la population a vite compris le 2 décembre 1985 en
accordant sa confiance à un gouvernement libéral.
D'un autre côté, l'argument de l'Opposition manque de
contenu, et j'en prendrai pour seule preuve la question de l'affichage
commercial. Plusieurs affirmations ont été faites au cours des
dernières semaines. Un fait demeure, l'affaiblissement du
français à Montréal ne date pas du 2 décembre 1985.
Les inventaires effectués par l'un ou l'autre des médias ou des
organismes chargés de l'application de la charte ont
démontré que l'État devra surveiller de près
les tendances et évolutions de la langue française, surtout si
elles dérogent aux principes et modalités de la loi.
Le président de la Commission de la protection de la langue
française constatait, il y a quelque temps, une recrudescence des
plaintes portées à son attention concernant l'affichage. Il faut
bien comprendre qu'il s'agit de plaintes et non de situations qui auraient
subitement évolué depuis le 2 décembre 1985. Que s'est-il
donc passé, M. le Président, avant le 2 décembre 1985? La
loi était-elle rigoureusement respectée et le suivi des dossiers
était-il assuré de façon étanche par l'ancien
gouvernement du Parti québécois? II y a quelque chose de
défectueux dans l'argumentation de l'Opposition, et on prend un malin
plaisir à nous démontrer un affaiblissement du français au
Québec, mais on oublie, comme par hasard, de nous illustrer la
façon dont a été administrée la Charte de la langue
française sous l'ancien gouvernement.
Or, dans la présente discussion, c'est précisément
là que le bât blesse. Je souhaite donc que la
sincérité domine dans un tel débat, que l'Opposition
puisse nuancer ses propos et tenter de situer les constatations d'aujourd'hui
dans leur véritable contexte, soit dans celui de l'évolution
administrative d'un dossier. En d'autres termes, la présence de la
langue française a évolué entre le moment où furent
adoptés les principes de la loi 22 aussi bien que de la loi 101, et les
conclusions de certaines études qui dénotent que les
affaiblissements datent bien avant le 2 décembre 1985, on dit même
depuis 1982. Il faudrait reconsidérer tous les gestes administratifs
posés depuis l'adoption de la loi 101 et vérifier le suivi des
enquêtes et des déclarations de certains ministres de
l'époque pour vérifier si tout a été fait, si
l'ancien gouvernement a assumé entièrement ses
responsabilités dans le dossier.
Voilà, M. le Président, le véritable enjeu dans le
débat d'aujourd'hui. Pour sa part, le gouvernement actuel assumera ses
responsabilités dans le sens d'une véritable protection et
promotion de la langue française au Québec dans
l'intérêt de l'ensemble de la poulation québécoise.
Merci.
Le Président: Je remercie la vice-première
ministre. Le dernier des intervenants du côté de l'Opposition, sur
la même motion, est le député de Lac-Saint-Jean. M. le
député, vous avez la parole.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, le 12 novembre 1985, l'an
dernier en pleine campagne électorale, le chef du Parti libéral
devant les membres de la Chambre de commerce de Montréal s'engageait
formel- lement et sans équivoque, sans réserve, à
créer au Québec 400 000 emplois lors de son mandat, s'il
était élu à la tête du gouvernement. Cela fait 80
000 emplois par année, à supposer bien sûr qu'il fasse les
cinq années d'un mandat normal. 80 000 emplois par année; 400 000
emplois au cours de son mandat.
Quelques jours plus tard, le 17 novembre 1985, toujours en campagne
électorale, cette fois-ci au Centre Paul-Sauvé, devant quelques
milliers de jeunes rassemblés pour cette occasion, le même chef du
Parti libéral leur promettait tout aussi formellement des jobs. Nous
allons, disait-il - et je le cite - vous redonner confiance en vous redonnant
le droit au travail. La création d'emplois pour les jeunes, telle
était, disait le chef du Parti libéral, la priorité des
priorités de son gouvernement s'il était élu le 2
décembre 1985. Cela fait plus d'un an.
Aujourd'hui, qu'en est-il de ces deux engagements majeurs au plan
économique? En matière de création d'emplois, on le sait
maintenant, les statistiques sont là pour le confirmer, au cours de sa
première année, le gouvernement libéral créera tout
au plus 60 000 emplois, peut-être moins comme le signalait tantôt
mon collègue de Joliette. Cela tournera autour de 55 000, maximum 60 000
emplois. On est à 20 000, à 25 000 emplois en dessous de
l'objectif, de l'engagement formel pris par le chef du Parti libéral en
novembre 1985, en pleine campagne électorale.
Quant aux jeunes, M. le Président, il faut constater qu'ils ont
été bernés, trompés et qu'ils attendent toujours
que le gouvernement se souvienne, que le gouvernement se rappelle de sa
priorité des priorités, comme le chef du Parti libéral le
disait si bien en novembre 1985. Entretemps, ces jeunes, une bonne partie en
tout cas, continuent de recevoir leur chèque de bien-être social,
toujours au même niveau, toujours au même montant. Car on le sait,
ils attendent encore la réalisation de la promesse de la parité
de l'aide sociale pour les jeunes assistés sociaux de 30 ans et moins.
Si on faisait aujourd'hui le même rassemblement au Centre
Paul-Sauvé, je pense que l'atmosphère serait sans doute moins
euphorique. On danserait un peu moins. Au Centre Paul-Sauvé ce serait
pas mal moins joyeux et, si on pouvait y compter, y dénombrer autant de
pancartes qu'à l'époque, les inscriptions auraient
peut-être changé.
M. le Président, comment expliquer cet échec lamentable au
plan économique de la première année du mandat du
gouvernement libéral en matière de développement
économique? Comment l'expliquer? Je pense qu'on doit l'expliquer par le
fait que ce gouvernement, qui nous promettait en période
électorale, une politique globale, une
politique cohérente de développement économique,
une politique stimulante de création d'emplois n'a accouché,
à toutes fins utiles, que d'une politique de démantèlement
des outils économiques du Québec. Au lieu d'une politique globale
et cohérente de développement économique et de
création d'emplois, ce gouvernement n'a accouché finalement que
d'une politique de liquidation de nos instruments de développement
économique. On a assisté à la mise en vigueur, à la
mise en route d'une mise en vente, d'une mise à l'encan des
sociétés d'État québécoises qu'on avait
mises en place au cours des 25 dernières années, sans se
préoccuper le moindrement du monde des impacts positifs, du rôle
bénéfique que jouaient ces sociétés d'État
dans la société québécoise, particulièrement
en régions. (16 h 40)
C'est cela la politique ambitieuse de relance, de. développement
économique, de création d'emplois qu'on nous promettait au cours
de la campagne électorale 1985. Cela se réduit maintenant, depuis
plusieurs mois, cette politique ambitieuse se résume à une vente
de feu, à une vente à l'encan de nos instruments
économiques, de notre patrimoine économique, M. le
Président. Or, non seulement la politique de privatisation de ce
gouvernement tient lieu de politique de développement économique,
mais, en plus, il faut constater que cette politique de privatisation est
carrément improvisée, bâclée à maints
égards, mal préparée, mal planifiée, une politique
brouillonne, dépourvue de rigueur à plusieurs titres et, surtout,
une politique de privatisation sans qu'elle ne soit accompagnée d'une
analyse sérieuse, d'une analyse en profondeur des conséquences,
des impacts sur les économies régionales. Je pense que tout le
monde constatera, tout le monde reconnaîtra que les retombées
économiques majeures en matière d'investissement et en
matière de création d'emplois des sociétés
d'État se sont d'abord et avant tout produites en régions. Ce
sont les économies régionales qui ont
bénéficié d'abord et avant tout de l'action des
sociétés d'État et le gros des emplois, la plus grande
proportion des emplois créés par les sociétés
d'État, on les retrouvait dans les économies régionales.
Or, on privatise, M. le Président, on liquide les sociétés
d'État sans analyse sérieuse, profonde, des impacts de ces
actions sur les économies régionales.
Passons-les rapidement en revue, M. le Président - je pense que
c'est utile - et examinons-en rapidement les effets: Raffinerie de sucre. Non
seulement on ferme une entreprise, non seulement on crée du
chômage en mettant des gens à pied, mais, en plus, on crée
du même coup une situation de monopole dans le secteur du sucre et tout
le monde sait qu'une situation de monopole ne peut être que
néfaste et nuisible aux consommateurs québécois.
Quebecair. Non seulement on liquide les actifs, M. le Président,
en vendant les meilleurs appareils de l'entreprise, non seulement on abandonne
des activités jugées rentables - je pense en particulier au
nolisement, aux vols nolisés - mais également, en privatisant
Quebecair, on le sait, on crée du chômage en mettant à pied
plusieurs centaines de personnes et, surtout - il ne faut pas l'oublier - cette
action a eu comme conséquence une dégradation, une
détérioration considérable, substantielle des services
aériens dans les régions du Québec. Les régions
s'en sont vite rendu compte et ont d'ailleurs multiplié les plaintes
auprès de la Commission fédérale des transports pour
obtenir, à tout le moins, des audiences publiques sur la privatisation
de Quebecair. Le plus ironique dans tout cela, M. le Président, c'est
que le ministre qui a procédé à cette privatisation de
Quebecair, si néfaste aux régions, c'est le titulaire du
développement régional. C'est un peu bizarre et un peu ironique
de constater cela.
Cambior. En privatisant les principaux actifs de SOQUEM, on le sait, on
trouve moyen - on l'a mentionné et révélé, ici, en
cette Chambre - de sous-évaluer d'au moins une cinquantaine de millions
la valeur des actions de Cambior.
Une voix: Ce n'est pas vrai.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, je ne vous ai pas donné la parole. On est
sur une motion de blâme. Le règlement prévoit que, si vous
avez une question à poser ou une intervention à faire, vous le
ferez après. Vous pourrez aussi intervenir sur la même motion s'il
reste du temps à votre formation politique, mais vous ne pouvez
intervenir à cette étape-ci.
M. Brassard: Cela fait mal à l'encanteur en chef!
M. le Président, en mettant en vente les actions de Cambior, on a
sous-évalué la valeur de ces actions. C'est l'État, c'est
la collectivité qui perd dans cette opération.
Manoir Richelieu, M. le Président. La première des
privatisations du gouvernement libéral. Qu'en dire, sinon que cette
action a bouleversé socialement toute une région du
Québec. Pourquoi? Parce qu'on a ignoré l'esprit même du
Code du travail. On a mis de côté, on a ignoré la
présence d'un syndicat et l'existence même d'une convention
collective en vendant le Manoir Richelieu.
Dofor, M. le Président. La vente des actions Donohue et Domtar
détenues par la Société générale de
financement par Dofor est, à notre point de vue, carrément,
propre-
ment scandaleuse parce que le gouvernement a annoncé clairement
son intention d'utiliser le fruit de cette privatisation pour renflouer
à coups de centaines de millions la caisse du ministre des Finances;
donc, de payer l'épicerie, comme on l'a mentionné tantôt.
C'est là une action proprement indécente. Si, au moins, on
utilisait ces centaines de millions pour faire du développement
économique dans les régions, pour permettre à la
Société générale de financement d'ouvrir de
nouvelles pistes de développement, d'occuper de nouveaux créneaux
de développement économique. Mais non, on va s'en servir pour
payer l'épicerie, pour renflouer la caisse du ministre des Finances.
Enfin, Madelipêche. Plus de 1000 emplois aux
Îles-de-la-Madeleine qui sont en péril. On ne peut pas obtenir du
gouvernement la garantie que ces quelque 1000 emplois seront maintenus.
Également, des activités de transformation dans le secteur des
pêches sont mises en danger puisqu'on vend Madelipêche en plusieurs
lots. Lorsque nous examinons l'action du gouvernement en matière de
privatisation, nous avons raison de parler de liquidation, de dilapidation de
notre patrimoine économique. Certains vont jusqu'à parler de
vandalisme. Nous avons même raison de parler de vandalisme. C'est pour
cette raison que nous dénonçons cette absence de véritable
politique économique cohérente de la part du gouvernement
libéral qui se résume à une politique de
démantèlement, à une politique de liquidation d'outils
économiques, d'instruments économiques dont on s'est doté
au cours des 25 dernières années et qui ont eu des effets
bénéfiques en matière d'investissements et de
création d'emplois, particulièrement dans les économies
régionales.
Il y a plus d'un an, à l'occasion de la campagne
électorale, ce gouvernement, surtout par la voix de son chef,
s'engageait formellement à créer 400 000 emplois au cours de ce
mandat. Cette promesse n'a pas été tenue, le gouvernement n'a pas
tenu parole en matière de création d'emplois. Mais, surtout, ce
gouvernement, par la voix de son chef, lors de la campagne électorale de
1985, s'engageait à créer des emplois pour les jeunes du
Québec, à faire en sorte que les jeunes trouvent des emplois et
quittent l'aide sociale. Or, on est obligé, aujourd'hui, de
reconnaître que ces promesses majeures du gouvernement en matière
économique, ces engagements formels en matière de création
d'emplois et en matière de développement économique n'ont
pas été tenus mais ont été remplacés par une
politique de démantèlement, de dilapidation de notre patrimoine
économique. Je pense que, devant ces actions, ce gouvernement
mérite d'être blâmé. Merci, M. le
Président.
Le Président: Je remercie le député de
Lac-Saint-Jean. Le dernier intervenant sur la même motion est le leader
du gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, si je comprends bien, je
dispose de quatre minutes...
Une voix: Consentement.
M. Gratton: ...et je vous dirai que c'est amplement de temps pour
dire tout le sérieux que je pense de cette motion du chef de
l'Opposition. Le sérieux et l'à-propos d'une motion qui, à
ce moment-ci, vient répondre au désir de qui?
S'il faut en croire une étude récente menée par le
Conseil du patronat, deux personnes sur trois qu'on rencontre dans la rue ou
dans les centres commerciaux se disent satisfaites du travail du gouvernement
actuel. On peut donc se demander si la motion de censure, une quatrième
au cours de la dernière année, depuis le mois de mars dernier -
on sait que l'Opposition ne dispose que de six pour l'ensemble d'une session et
voilà qu'on en a une quatrième aujourd'hui, quatrième qui
regroupe les trois premières... On en a eu une qui portait sur les
jeunes, une autre motion du mercredi portait sur la privatisation;
évidemment, il y en a eu une autre sur la langue et, aujourd'hui, on
n'est pas trop sûr de quoi on devrait blâmer le gouvernement,
alors, on fourre tout cela dans la motion fourre-tout et on dit: Voici la
quatrième. C'est un amalgame des trois premières. Cela ne fait
pas sérieux. Et quand on pense que deux personnes sur trois sont
satisfaites du gouvernement, il faut donc trouver les raisons de la
présentation de cette motion seulement dans le désir des membres
du Parti québécois. (16 h 50)
Or, fait assez curieux - et le premier ministre l'a signalé
tantôt - un sondage SORECOM publié en fin de semaine nous disait
que 36 % des personnes qui se disent prêtes à voter pour le Parti
québécois, qui, quand on leur demande leur intention de vote,
disent qu'elles voteraient pour le Parti québécois s'il y avait
une élection demain, avouent être satisfaites du travail
effectué par le premier ministre et son gouvernement.
Donc, ce n'est pas l'ensemble des péquistes qui motivent le chef
de l'Opposition à présenter sa motion, mais seulement 64 %
puisque 36 %, eux, sont en désaccord, 36 % des péquistes sont en
désaccord avec le chef de l'Opposition. Évidemment, il peut
peut-être se consoler de savoir que, dans le même sondage, on
révèle que 57 % des sympathisants péquistes voient dans le
chef de l'Opposition actuel le meilleur chef politique. Comme le disait Jacques
Samson
dans sa chronique, samedi, c'est un peu mince, mais le chef de
l'Opposition peut dormir en paix puisque Jean Garon ne recueille que 7 %,
lui.
Le danger qui guette le chef de l'Opposition, n'est-ce pas justement,
alors qu'il y en a déjà 36 % qui ne sont pas d'accord sur sa
façon de faire les choses, notamment, par sa motion de blâme
aujourd'hui, qu'il risque que les autres 64 %, quand ils constatent le manque
de contenu de l'Opposition et de son chef, commencent, eux aussi, à se
poser des questions? Le chef de l'Opposition, à tort et à
travers, à partir de discours comme ceux qu'on vient d'entendre qui
s'appuient sur des désirs de l'Opposition plutôt que sur des
faits... On parle d'une crise linguistique au Québec. Où
existe-t-elle? Uniquement dans l'esprit de ces messieurs qui la voudraient
bien, qui la souhaitent, la crise linguistique, mais qui devront
nécessairement convaincre la population que, dans le projet de loi 142,
on fait plus que ce que l'actuel chef de l'Opposition lui-même
s'était engagé à faire, non seulement dans le document de
son parti, de son gouvernement quant à ses propositions
constitutionnelles, mais également en cours d'élection, devant
Alliance Québec et également durant la campagne
électorale.
On y reviendra à l'occasion des débats sur le projet de
loi 142. Le chef de l'Opposition crie au loup sur le projet de loi 142, et les
gens finiront par savoir - ils commencent déjà à le savoir
- que le chef de l'Opposition crie au loup sans raison justifiable. Ils vont
continuer de percevoir que, quand le chef de l'Opposition crie au loup sur le
projet de loi 140, là non plus, ce n'est pas justifié.
Quand cela arrivera - et cela va venir, je fais confiance à
l'intelligence des Québécois - on comprendra que la seule raison
pour le chef de l'Opposition de s'acharner sur la question de la langue, c'est
pour raffermir son leadership. L'ayant constaté, la population fera de
nouveau, dès la première occasion, ce que nous ferons cet
après-midi, soit le renvoyer, comme nous, en votant contre la motion de
censure du chef de l'Opposition, à ses devoirs en l'invitant à
faire beaucoup mieux s'il veut se mériter la confiance des
Québécois.
Le Président: Je remercie M. le leader du gouvernement.
Maintenant, pour son droit de réplique sur la motion, je vais
reconnaître M. le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson (réplique)
M. Johnson (Anjou): Malheureusement, on parle encore de la langue
au Québec, dix ans après l'adoption de la loi 101 ou à peu
près.
Ce n'est pas à cause du Parti québécois, ce n'est
pas à cause de l'Opposition, ce n'est pas à cause de la
manipulation, comme l'a répété la vice-première
ministre, c'est à l'adoption de la loi 101 ou à peu près.
Ce n'est pas à cause du Parti québécois, ce n'est pas
à cause de l'Opposition, ce n'est pas à cause de la manipulation,
comme l'a répété la vice-première ministre, c'est
à cause de l'incohérence de ce gouvernement. Et cela, les
Québécois l'ont senti depuis un certain nombre de semaines et de
mois.
Heureusement que le ridicule ne tue pas, car la vice-première
ministre et une demi-douzaine d'autres ministres seraient déjà
morts depuis quelques semaines.
Une voix: Nommez-les!
M. Johnson (Anjou): La personne la plus partisane que je
connaisse en face, celle qui occupe le poste de vice-première ministre
et responsable du dossier linguistique, est précisément la
personne qui rend ce débat partisan, celle qui avait réussi
à passer à travers ses crédits au mois de mars en ne
disant pas un mot sur le français langue de travail et qui se contentait
de parler de la Société du bon parler français.
L'incohérence ne vient pas du Parti québécois. La
vice-première ministre pourra bien faire des procès d'intention,
revenir au référendum ou même en 1962, si cela l'amuse,
à l'époque du RIN. Ce que je sais, M. le Président, c'est
qu'elle et même le premier ministre sont en train de couvrir de ridicule
le gouvernement du Québec, suffisamment pour que le journal Le Monde
en ait fait état mercredi dernier. Je ne pense pas que le Parti
québécois ait manipulé le journal Le Monde
récemment lui qui dénonçait la situation de confusion
linguistique dans laquelle le gouvernement du Québec avait plongé
le Québec depuis un certain nombre de mois.
Le premier ministre nous parle des poursuites au sujet des "smoked meat"
pour démontrer ce qui, à ses yeux, serait ridicule mais en disant
que, quant à lui, il est fier de ce ridicule alors que la solution n'est
pas de poursuivre les gens qui affichent "smoked meat", bien que j'avoue
franchement que je ne vois pas vraiment le genre de traduction qu'on ferait de
ce merveilleux plat inventé par des gens de la rue Saint-Laurent
à une certaine époque et qui est popularisé maintenant en
Amérique du Nord. La solution serait de se débarrasser de son
Procureur général et d'en trouver un qui appliquera
adéquatement, fermement et intelligemment la loi.
M. le Président, ce gouvernement n'a pas vu que le Québec
entier est inquiet, pas juste le Parti québécois, pas seulement
l'Opposition, mais l'ensemble des citoyens du Québec sont
préoccupés parce qu'ils sentent la mollesse de ce gouvernement en
matière
linguistique, ils sentent l'incohérence, ils voient qu'il y a
absence de fermeté et de volonté. Cela inquiète les
Québécois et avec raison, M. le Président.
Est-ce que nous aurions participé, heureusement, depuis quelques
semaines à sensibiliser l'ensemble des Québécois à
cela? Oui, je le souhaite, j'en suis même convaincu et j'en suis
extrêmement fier. C'est cela le rôle d'une Opposition. Je suis
d'autant plus heureux qu'aujourd'hui la vice-première ministre, dans son
discours, nous a livré un magnifique éloge funèbre du
projet de loi 140.
Sur la privatisation, à peu près pas un mot du premier
ministre. Pas une réponse à cette affirmation que nous faisons
que le processus de privatisation, mal enclenché là aussi comme
dans le reste parce qu'il n'est pas accompagné d'une politique
économique adéquate en termes de recherche de création
d'emplois sur le territoire québécois, cette politique de
privatisation se solde non seulement par des pertes d'emplois mais simplement
par le déplacement de capital sans investissement et sans
création d'emplois additionnels.
Le super négociateur avec le fédéral! Beau
succès dans la péréquation, beau succès dans
Matane, beau succès dans le bois d'oeuvre, le gâchis du bois
d'oeuvre où le gouvernement du Québec s'est conduit, comme le
disait un ancien membre de cette Assemblée qui en a été le
doyen longtemps, comme des pee wee autour de la question du
libre-échange, notamment quant à la question du bois d'oeuvre
où on en apprend tous les jours au premier ministre dans ce dossier,
lequel de toute évidence, ne suit pas le dossier.
Ce qui est plus dramatique, c'est au niveau de l'emploi. Pitoyable
démonstration que nous fait le premier ministre que, par rapport
à l'ensemble de l'année 1985, en dépit de ses promesses,
il sera au minimum 20 000 emplois en dessous de ce qu'il prévoyait.
Pitoyable de voir que le premier ministre du Québec n'accuse pas
publiquement le coup qu'il y a au mois de novembre 1986, pas un emploi de plus
que ce qu'il y avait au mois de janvier sur le territoire du Québec.
Heureusement que le mois de janvier a été bon.
Heureusement que février a été bon, suite de l'ancien
gouvernement, à moins qu'on ne prétende qu'en l'espace de
quelques jours ils aient tout modifié pour créer des emplois en
l'espace de 30 jours. Et heureusement, M. le Président, parce que plus
les mois avancent dans l'année, plus le taux moyen de création
d'emplois baisse. Heureusement que l'année finit dans quelques jours;
sans cela, on finirait peut-être à 5000 ou à moins 5000.
(17 heures)
Triste, M. le Président, parce que je comprends le premier
ministre qui doit être préoccupé en ce moment. Quand on
regarde ce qui se passe sur le plan économique au Québec en
dépit de l'augmentation des investissements par rapport à
l'année 1985, grâce, notamment au secteur immobilier et
grâce à certains grands projets comme Domtar et comme Pechiney, en
dépit du fait que le taux de chômage est plus ou moins stable ou
même légèrement réduit, mais on l'explique par le
fait qu'il y a moins de gens qui se déclarent en recherche d'emploi
parce qu'ils sont tannés d'en chercher, en dépit de tout cela, M.
le Président, sur le plan de l'emploi, cela stagne au Québec
depuis douze mois. Si j'étais premier ministre du Québec, je
serais préoccupé par cela et je suis sûr que le premier
ministre du Québec est préoccupé par cela, mais il devrait
arrêter de dire que cela va bien. Qu'il vienne au printemps, au retour de
la session, avec une politique économique cohérente, autre chose
que des propos verbeux ou du "name-dropping" de sa dernière rencontre
à New York avec son club de fans d'Hydro-Québec. Qu'il vienne
avec autre chose que le rêve de paver la Côte-Nord au grand complet
pour régler les problèmes économiques du Québec.
Qu'il vienne avec une vision cohérente, des créneaux de
développement économique au Québec, de l'ajustement des
programmes de sécurité du revenu et des régimes sociaux au
Québec dans une perspective de création d'emplois, d'une
négociation intelligente avec le gouvernement fédéral en
matière de création d'emplois et en matière de pouvoirs
pour le Québec dans ce secteur. Qu'il vienne avec cela, M. le
Président, et on le croira. En attendant, cependant, nous
considérons qu'il faut blâmer ce gouvernement après un an
d'absence de gouvernement.
Le Président: Je remercie M. le chef de l'Opposition.
Sur la motion de censure présentée par M. le chef de
l'Opposition, en vertu de l'article 304, est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté. Une voix: Oui, adopté.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais
suggérer...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Je présume que l'Opposition veut, exige un...
Une voix: Ils ne sont même pas cinq.
M. Gratton: ...vote enregistré, M. le Président. Je
ferai remarquer qu'il n'y a pas
le nombre de cinq députés requis par le règlement.
Nous pourrions donc défaire cette motion de censure. M. le
Président, je pense que nous dirons tout simplement: Rejeté.
Le Président: La motion présentée par M. le
chef de l'Opposition, en vertu de l'article 304, motion de censure, est
rejetée.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je suggérerais que
nous suspendions nos travaux quelques minutes afin de donner à Mme la
ministre de la Santé et des Services sociaux l'occasion de se rendre
ici. Effectivement, on m'informe qu'elle est en route. Donc, ce sera une
question de quelques minutes.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour suspendre
les travaux de cette Assemblée pendant quelques minutes?
Une voix: Oui.
Le Président: M. le whip... Suspension quelques minutes.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 13)
Le Vice-Président: Veuillez prendre place, s'il vous
plaît. Nous allons reprendre nos travaux. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, avant de vous demander
d'appeler l'article 24 du feuilleton, j'aimerais faire une mise au point. Je
m'excuse auprès du chef de l'Opposition. Tantôt, j'ai
indiqué que la motion de blâme ou de censure était
rejetée mais, effectivement, nous avions informé l'Opposition que
le vote enregistré sur la motion se tiendrait à 17 h 45. Donc,
les députés seront invités à venir voter sur la
motion de censure du chef de l'Opposition à 17 h 45. Cela étant
dit, M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 24 du
feuilleton et de reconnaître Mme la ministre en réplique.
Le Vice-Président: Très bien, M. le leader du
gouvernement. Simplement, pour être clair, disons que le vote qui avait
été enregistré sur la motion comme devant être
rejetée est donc révoqué. Au procès-verbal, nous
consignons qu'à la demande de l'Opposition il y aura vote
enregistré sur la motion de censure. À la demande du leader du
gouvernement, ce vote aura lieu à 17 h 45.
Une voix: C'est cela.
Projet de loi 139
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président: Très bien. J'appelle maintenant
l'article 24 du feuilleton. Nous reprenons le débat sur la motion de Mme
la ministre de la Santé et des Services sociaux voulant que le principe
du projet de loi 139, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse,
soit maintenant adopté. Dans le cadre de ce débat, nous en sommes
à la réplique de Mme la ministre. Je cède donc la parole
à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
(réplique)
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais prendre
quelques minutes pour la réplique dans le débat sur le projet de
loi 139 qui modifie la Loi sur la protection de la jeunesse concernant
l'adoption internationale.
Je voudrais tout simplement, peut-être pour l'intérêt
des personnes qui nous écoutent et qui sont certainement
préoccupées par toute cette question de l'adoption
internationale, rectifier certains faits que la députée de
Marie-Victorin a affirmés ce matin. Elle a sans aucun doute
peut-être créé l'impression que nous imposerions nos lois
à d'autres pays qui ne reconnaissent que l'adoption simple. Je vois ici
le chef de l'Opposition, qui a déjà été l'un des
parrains des modifications qui avaient été apportées
à la loi sur l'adoption internationale. À cette occasion, nous
avions réaffirmé le principe de la reconnaissance uniquement de
l'adoption plénière, c'est-à-dire de l'adoption qui rompt
tous les liens entre l'enfant adopté et ses parents, ce que ne
reconnaît pas l'adoption simple, comme c'est la coutume dans un certain
nombre de pays, ayant pour résultat de créer des problèmes
ici aux enfants qui sont adoptés, quant à leur statut juridique,
et également aux parents qui sont les adoptants et qui peuvent aussi
faire face à des réclamations de la part des parents
d'origine.
Alors, il ne s'agira pas pour le Québec d'imposer sa loi à
d'autres pays. Au contraire, si les pays veulent continuer de reconnaître
uniquement l'adoption simple, je pense que c'est leur décision mais, en
ce qui a trait au Québec, nous voulons réaffirmer le principe de
l'adoption plénière et, dans ce sens, reconfirmer
l'égalité de tous les enfants du Québec. Qu'ils soient des
enfants adoptés ou des enfants naturels, tous les enfants sont sur le
même pied et on a à leur endroit les mêmes obligations.
Alors, les démarches que nous voulons faire sont les suivantes:
D'une part, il y a déjà des pays qui, comme le Québec
ou
comme les autres provinces du Canada, ne reconnaissent que l'adoption
plénière. Dans le cas des autres pays qui ne reconnaissent que
l'adoption simple, comme un bon nombre de pays de l'Amérique centrale,
nous voulons avec eux signer des ententes qui feront que l'adoption simple
pourrait avoir, dans le cas des enfants abandonnés ou orphelins, l'effet
de l'adoption plénière s'ils sont adoptés au
Québec.
Cela m'apparaît très important de rectifier cette chose. Il
ne s'agit pas d'imposer nos lois à d'autres, mais, de nous assurer que
les enfants qui sont ici au Québec comme enfants adoptés auront
le même statut que tous les autres enfants du Québec et que,
même parmi les enfants adoptés, il n'y aura pas deux classes
d'enfants.
Je voudrais également revenir quelque peu sur le rôle du
Secrétariat à l'adoption internationale. Ce secrétariat
qui fut créé sous l'ancien gouvernement et peut-être au
moment où le chef de l'Opposition actuel était ministre des
Affaires sociales, si je ne m'abuse, à moins qu'il ait été
créé au moment où le Dr Laurin était ministre des
Affaires sociales, en tout cas, cela a été créé
sous l'ancien gouvernement. Ce matin, on l'a fortement critiqué.
Oubliant sans doute que le secrétariat a toujours agi selon la
volonté politique des gouvernants qui étaient en place et que,
s'il s'est créé des ambiguïtés et des confusions,
c'est que peut-être les indications que l'on a données au moment
de ces problèmes, au Secrétariat de l'adoption internationale,
les directives ou les orientations n'ont pas toujours été
très claires.
Je pense que le rôle du secrétariat n'a pas à
être mis en cause parce qu'il a été créé,
compte tenu d'un vacuum ou d'un vide qui existait dans tout le domaine de
l'adoption internationale au moment où les Québécois
recouraient de plus en plus à l'adoption internationale, compte tenu du
fait que les enfants libres pour l'adoption au Québec devenaient de plus
en plus rares et qu'en même temps les familles exprimaient ce
désir de se tourner vers d'autres pays pour adopter des enfants.
Dans le cas du Secrétariat à l'adoption internationale,
comme je le disais ce matin, peut-être y a-t-il des choses qui peuvent
être modifiées quant à son fonctionnement, mais quant
à son existence même, je pense qu'il ne saurait être
question, à ce moment-ci, de la remettre en cause. Maintenant, il est un
autre point qui reste. C'est celui de tous les cas d'adoption simple qui ont
été faits depuis 1983. Ils seront considérés cas
par cas parce que ces enfants, pour un bon nombre d'entre eux, sont parfois
rentrés à l'occasion d'une adoption privée. Il n'y a pas
de jugement d'adoption qui a été accordé dans leur cas, si
bien qu'ils se retrouvent dans une situation assez ambiguë ici, de
même que les parents qui les ont adoptés se retrouvent aussi dans
un état d'incertitude qui, je pense n'est bon ni pour les enfants ni
pour les adoptants. Ces cas seront considérés un par un et nous
nous efforcerons de trouver la solution la plus humaine possible dans les
circonstances.
Je voudrais également dire, M. le Président, que s'il est
vrai qu'il y a des parents qui ont éprouvé des difficultés
et qui en éprouvent encore, particulièrement dans le cas des
enfants qui sont entrés ici avec une perspective d'adoption simple et
dont le jugement d'adoption n'a pas encore été rendu, il faut
bien aussi parler de toutes les familles - le député de Gouin le
mentionnait d'ailleurs ce matin - et de tous les parents qui ont eu l'occasion
d'adopter non seulement un enfant, mais souvent plusieurs enfants et pour qui
l'opération a été - le terme est peut-être un peu
particulier - pour qui la démarche a été très
satisfaisante et qui ont, à partir de l'adoption internationale,
constitué des familles qui peuvent s'épanouir au Québec
dans les meilleures conditions possible. En même temps que l'on examinera
toute la question de l'adoption simple, je pense qu'il faut penser
également à ces familles où l'adoption a été
un succès.
En dernier lieu, M. le Président, il y a eu ce matin une
proposition du député de Gouin en ce sens qu'on puisse examiner
toute cette question de l'adoption internationale dans un contexte beaucoup
plus large, peut-être plus détendu, non pas dans un forum qui peut
risquer d'être plus partisan, quoique je pense que de part et d'autre de
la Chambre, on admettra que quand cette question de l'adoption internationale a
été soulevée à quelques occasions, nous nous sommes
toujours efforcés justement d'adopter une attitude non partisane. Dans
ce cas-là comme dans le cas de la protection de la jeunesse où
nous avions établi ou créé une commission non partisane
pour réexaminer toute la Loi sur la protection de la jeunesse, je pense
qu'à la suite de la suggestion du député de Gouin, un
exercice similaire pourrait se faire au sujet de l'adoption internationale,
cela m'apparaît une proposition intéressante.
Ce qui n'existait pas au moment où nous avions pour une
première fois créé une commission non partisane dans le
cas de la protection de la jeunesse, aujourd'hui nos règles
parlementaires nous le permettent par le truchement des commissions
parlementaires, soit à partir de la décision d'une commission de
prendre un mandat d'initiative pour se pencher sur toute cette question de
l'adoption internationale. Cela intéresserait au plus haut point les
organismes qui travaillent dans ce domaine. Cela permettrait peut-être
aussi d'envisager des solutions nouvelles, des solutions qui auraient des
répercussions à moyen et à long terme qui soient
plus importantes que strictement les corrections que nous devons faire
aujourd'hui, compte tenu de la confusion qui a été
créée - là-dessus, je corrigerais le député
de Gouin - non seulement dans les derniers mois, mais depuis 1983, après
les modifications qui avaient été adoptées, encore une
fois, à l'unanimité, avec le désir de corriger une
situation malencontreuse peut-être à certains égards qui
s'était développée jusqu'à ce moment-là. On
a tenté de la corriger en 1983; nous sommes encore obligés de la
corriger en 1986.
Si une réflexion de la part des membres de la commission des
affaires sociales pouvait permettre des solutions plus stables et à plus
long terme, cela serait fort souhaitable. Mais le député de
Gouin, que je remercie pour sa suggestion constructive, connaît les
règles de fonctionnement des commissions et il ne saurait relever de la
ministre de décider des mandats d'initiative que les commissions ou la
commission des affaires sociales veut bien se donner. Mais, sachant au moins
que j'éprouve une certaine sympathie, pour ne pas dire une sympathie
certaine, à l'endroit d'un tel mandat d'initiative, il reviendra
maintenant aux membres de la commission des affaires sociales de faire le
nécessaire et de s'entendre, s'ils le peuvent, pour travailler sur un
tel mandat d'initiative.
M. le Président, je suis fort consciente que, en dépit des
amendements ou des pouvoirs de règlement qui seront accordés
à la ministre par ces modifications à la Loi sur la protection de
la jeunesse, tous les problèmes ne seront pas résolus, mais je
crois que l'ensemble de l'Assemblée nationale se réjouira sans
doute que soit réaffirmé de nouveau et sans ambiguïté
que, dans le cas du Québec, notre règle quant à l'adoption
internationale est la règle de l'adoption plénière pour
assurer justement aux enfants adoptés qu'ils ont les mêmes droits
que tous les enfants du Québec et que particulièrement les
enfants adoptés de pays étrangers aient également les
mêmes droits que les enfants adoptés au Québec. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant clos
à cette étape de l'étude du projet de loi, la motion
d'adoption du principe du projet de loi 139, Loi modifiant la Loi sur la
protection de la jeunesse concernant l'adoption internationale, proposé
par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, compte tenu qu'il est 17 h 30
et qu'un vote est prévu à 17 h 45, il était de notre
intention de proposer l'amorce du débat sur le principe du projet de loi
142, mais, plutôt que de faire subir à Mme la ministre une
interruption de son discours à quinze minutes de son début, je
suggère qu'on suspende et qu'on reprenne à 20 heures, tout en
ayant pris le vote à 17 h 45.
Renvoi à la commission des affaires
sociales
Avant d'en faire la proposition formelle, il y a lieu que je propose de
déférer le projet de loi 139 à la commission des affaires
sociales pour étude détaillée. M. le Président, je
fais maintenant la suggestion que nous suspendions la séance
jusqu'à 17 h 45.
Le Vice-Président: Très bien.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est parce
que...
Le Vice-Président: Un instant! Simplement pour être
dans les formes, cette motion de déférence est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, en fait, il resterait
quinze minutes à la ministre, je trouve que c'est assez long pour
annoncer le retrait du projet de loi. Quinze minutes, cela devrait être
assez.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, non merci au chef de
l'Opposition. On pourrait entamer autre chose aussi, mais nous avons
communiqué avec le bureau du leader et nous avons convenu qu'il serait
plus utile de suspendre.
Le Vice-Président: D'accord, il y a donc consentement.
Nous allons suspendre nos travaux pour quinze minutes environ et nous allons
reprendre pour le vote à 17 h 45. Nous suspendons nos travaux pour
quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 17 h 45)
Le Vice-Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous
plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Mise aux voix de la motion de censure
Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la
motion de censure présentée par M. le chef de l'Opposition en
vertu de l'article 304 du Règlement, motion qui se lit comme suit: "Que
cette Assemblée blâme le gouvernement libéral d'affaiblir
le caractère français du Québec, de démanteler les
instruments de développement économique dont s'est dotée
la société québécoise et qu'elle le blâme
également d'avoir renié les promesses électorales du Parti
libéral, notamment à l'égard des jeunes et de ceux et
celles dont la situation économique et sociale est fragile."
Que les députés qui sont pour la motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Johnson (Anjou), Chevrette
(Joliette),
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Un instant, s'il vous plaît! Il n'y a pas de consentement? Non.
Alors, que les deux députés qui sont entrés après
le début de la mise aux voix...
Une voix: On ne peut pas entrer pendant un vote.
Le Vice-Président: Ils ne peuvent pas entrer non plus. Je
leur demande de sortir.
Une voix: Ils ne peuvent pas sortir non plus.
Le Vice-Président: Je leur demande de sortir de
l'Assemblée, puisqu'il n'y a pas consentement.
Une voix: II y a consentement quant à nous.
Une voix: C'était sa fête.
Une voix: On ne peut pas s'attendre à autre chose.
Le Vice-Président: Très bien.
Le Secrétaire adjoint: M. Perron (Duplessis), Mme
Blackburn (Chicoutimi), MM. Jolivet (Laviolette), Garon (Lévis),
Rochefort (Gouin), Charbonneau (Verchères), Mme Juneau (Johnson), MM.
Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier (Roberval), Godin
(Mercier), Mme Vermette (Marie-Victo-rin), MM. Paré (Shefford), Claveau
(Ungava), Boulerice (Saint-Jacques), Blais (Terrebonne), Dufour
(Jonquière), Parent (Bertrand), Desbiens (Dubuc).
Le Vice-Président: Que les députés qui sont
contre la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa (Saint-Laurent),
Gratton (Gatineau), Pagé (Portneuf), Levesque (Bonaventure), Mme Bacon
(Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Paradis
(Brome-Missisquoi), Côté (Rivière-du-Loup), Savoie
(Abitibi-Est), Vallerand (Crémazie), French (Westmount),
Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Vallières (Richmond), Gobeil (Verdun), Picotte
(Maskinongé), Fortier (Outremont), Mme Bégin (Bellechasse), MM.
Cusano (Viau), Vaillancourt (Orford), Dauphin (Marquette), Philibert
(Trois-Rivières), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier), Doyon (Louis-Hébert),
Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La Peltrie), Chagnon
(Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis (Matapédia), Mme Pelchat
(Vachon), MM. Rivard (Rosemont), Polak (Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord),
Bélisle (Mille-Iles), Mmes Hovington (Matane), Trépanier
(Dorion), Bélanger (Mégantic-Compton), MM. Fortin
(Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption), Mme
Bleau (Groulx), MM. Bradet (Charlevoix), Camden (Lotbinière), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), MM. Farrah (Îles-de-la-Madeleine),
Després (Limoilou), Forget (Prévost), Gardner (Arthabaska),
Gau-vîn (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Hamel
(Sherbrooke), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Hains
(Saint-Henri), Houde (Berthier), Kehoe (Chapleau), Mme Le-gault
(Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau), Hétu (Labelle), Joly
(Fabre), Lemieux (Vanier), Messier (Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau),
Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski), Tremblay (Iberville), Thérien
(Rousseau), Théorêt (Vimont), Saint-Roch (Drummond).
Le Vice-Président: II n'y a aucune abstention?
Le Secrétaire: Pour: 21
Contre: 74
Abstentions: 0
Le Vice-Président: La motion est rejetée.
Considérant l'heure tardive, nous allons suspendre nos travaux
jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
(Reprise à 20 h 3)
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. le ministre de l'Énergie et leader adjoint du
gouvernement.
M. Ciaccia: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 27, s'il vous plaît.
Projet de loi 142 Adoption du principe
La Vice-Présidente: Â l'article 27 du feuilleton, il
s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 142, Loi modifiant de nouveau
la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui a
été présenté par la ministre de la Santé et
des Services sociaux le 12 novembre dernier. Mme la ministre.
M. Rochefort: Je m'excuse auprès de Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux mais j'imagine que la ministre a un
discours important à faire, Mme la Présidente, suffisamment
important pour qu'on ait quorum.
La Vice-Présidente: Je vais vérifier.
J'ai vérifié, nous sommes treize. Comme il y a quorum, Mme
la ministre, vous pouvez commencer.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, le projet de loi 142,
modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, a pour objet de prévoir le droit à toute personne
d'expression anglaise de recevoir dans sa langue des services de santé
et des services sociaux, compte tenu de l'organisation et des ressources des
établissements qui les dispensent. Il prévoit en outre des
modalités qui permettront d'assurer ces services.
Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est de garantir
l'exercice d'un droit, consacrer dans la loi le droit pour la minorité
anglophone de recevoir des services dans le domaine de la santé et des
services sociaux dans sa langue. Un droit qui n'est pas constitutionnellement
ou légalement reconnu n'a pas de portée opératoire
réelle. Et s'il est vrai que, dans les faits, ces services leur sont,
même actuellement, dans une large mesure, prodigués dans leur
langue, ils demeurent néanmoins soumis à la bonne volonté
de celui ou de celle qui dispense les services.
Pour le gouvernement, cette reconnaissance du droit aux services pour
les personnes d'expression anglaise permettra de prendre des mesures
susceptibles de favoriser l'exercice de ce droit. Actuellement, le dispensateur
de services a la discrétion de les offrir ou non en langue anglaise. Par
la reconnaissance du droit et des mesures pour le faire valoir, un
élément majeur intervient du fait que le
bénéficiaire pourra effectivement les obtenir en langue
anglaise.
Cet engagement, nous l'avons annoncé lors du discours
d'ouverture, et, sur ce point, nous recevons l'appui de la population et des
différents intervenants du réseau de la santé et des
services sociaux qui, s'ils ont exprimé des réserves quant aux
modalités d'application, ont quand même fait consensus sur le
principe d'un tel projet. Et les différentes associations
d'établissements nous ont toutes manifesté sans exception
qu'elles partageaient les préoccupations du gouvernement à
l'origine du projet de loi 142, qui vise à assurer aux
bénéficiaires de la communauté anglophone du Québec
l'accès à des services de santé et des services sociaux
dans leur langue.
Mme la Présidente, on a voulu assimiler ce projet de loi à
un projet linguistique. Au contraire, il s'agit d'un projet de loi qui vise
à faciliter l'accès de la minorité anglophone à des
services de santé et des services sociaux dans leur langue. Cette
minorité d'expression anglaise demande particulièrement pour les
personnes les plus démunies, qu'il s'agisse des personnes
âgées, des personnes handicapées souffrant d'une
déficience mentale ou autre, ou des jeunes en besoin de protection ou en
difficulté d'apprentissage, que ces gens puissent avoir accès,
dans des limites évidemment raisonnables et compte tenu de
l'organisation des services et de la disponibilité des ressources,
à des services dans leur langue.
En 1971, l'adoption de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux a permis l'attribution de droits précis formulés
comme un ensemble et portant notamment sur les services de santé et les
services sociaux. À ce chapitre, l'article 4 de la Loi sur les services
de santé et les services sociaux énonce que toute personne a
droit de recevoir des services de santé et des services sociaux
adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social
avec continuité et de façon personnalisée, compte tenu de
l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces
services.
Le libellé de ces dispositions législatives accorde
à toute personne le droit de recevoir des services de santé et
des services sociaux à toutes les étapes de sa vie, selon sa
situation et ses besoins. Quand le législateur a ainsi voulu
reconnaître ce droit à la santé énoncé
à l'article 4 de la Loi sur la santé et les services sociaux, il
avait comme préoccupation d'assurer à l'ensemble de la population
répartie sur tout le territoire du Québec des services de
santé et des services sociaux suffisants répartis de façon
à répondre adéquatement aux besoins qu'on voulait alors
couvrir. C'est donc le texte de l'article 4 de cette loi qui
matérialise ce droit aux services dans un énoncé
très général exprimant un principe fondamental.
La teneur des dispositions législatives contenues dans la Loi sur
les services de santé et les services sociaux, qui concèdent
à toute personne le droit de recevoir des services de santé et
des services sociaux, reconnaît en quelque sorte l'existence d'un droit
public à l'obtention de services. Il s'agit d'un droit qui
découle directement de la loi, qui en fixe l'accessibilité et
l'étendue.
Cependant, il serait erroné de soutenir que tous les services
doivent nécessairement être tous rendus. En effet, la loi
prévoit que chacun a droit à des services et non aux services ou
à tout service. Certaines limites sont établies par la loi, par
les permis que détiennent les établissements, par les plans
d'organisation, par les budgets et par les circonstances. Il faut se rappeler,
Mme la Présidente, que les ressources, tant humaines que
matérielles, ne sont pas illimitées et qu'elles varient d'un
établissement à l'autre. Néanmoins, dès que des
services sont fournis, ils doivent respecter des critères scientifique,
humain et social. Ils doivent l'être avec continuité et de
façon personnalisée.
Ce droit aux services énoncé à l'article 4 de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux a un impact majeur
quant à la qualité des services qui doivent être
dispensés aux bénéficiaires, car c'est au nom du
bénéficiaire que le droit est énoncé. Quelle est la
portée de l'article 4 en matière d'accessibilité à
des services de santé et des services sociaux en langue anglaise? Pour
répondre à cette question, il faut tenir compte des autres
dispositions de la loi et seul l'article 5 de cette loi fait
référence à la langue et il se situe dans le même
esprit que l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la
personne. Cet article n'a pour effet que de conférer à une
personne d'expression anglaise le droit à des services de santé
et des services sociaux dans sa langue. Il a simplement pour effet de lui
conférer le droit à des services de santé et des services
sociaux sans distinction fondée sur la langue.
Conséquemment, si le principe de l'article 4 devait se lire
isolément, nous ne pourrions, en matière de santé et de
services sociaux en langue anglaise, lui donner une grande portée. Pour
conférer un véritable effet opératoire à l'article
4, d'autres dispositions doivent édicter des obligations
complémentaires.
Excusez-moi un instant, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Est-ce que cela va?
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Mme la Présidente. En
effet, dans le cadre des obligations établies par la loi, toute personne
est en droit de recevoir toute sa vie durant les services requis par sa
condition physique, psychologique ou sociale. De plus, la dispensation des
services sociaux et des services de santé doit s'effectuer dans le plus
grand respect des droits fondamentaux de la personne. Ces droits sont
protégés à la fois par la Loi sur les services de
santé et les services sociaux et par la Charte des droits et
libertés de la personne.
Par ailleurs, à la limite, on pourrait affirmer que, compte tenu
de l'obligation de fournir des services adéquats sur les plans à
la fois scientifique, humain et social, les établissements qui disposent
de l'organisation et des ressources nécessaires devraient pouvoir offrir
des services dans la langue parlée du bénéficiaire lorsque
celui-ci est dans l'incapacité de s'exprimer en français ou,
encore, lorsque la complexité du cas exige un dialogue dans sa langue,
même si le bénéficiaire peut s'exprimer dans un
français usuel, c'est-à-dire adéquat pour des
activités courantes, mais insuffisant lorsqu'il s'agit d'un
problème délicat d'ordre social. C'est d'ailleurs pour cette
raison humanitaire que nous nous penchons sur des mesures de meilleure
accessibilité à des services de santé et des services
sociaux aux communautés culturelles.
S'appuyant sur le choix social qui est à la base même de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux, le projet de loi
142 vise à préciser les règles légales pour assurer
le respect du droit à des services de santé et des services
sociaux aux citoyens d'expression anglaise. Notre gouvernement veut
reconnaître que les personnes appartenant à la communauté
d'expression anglaise ont le droit de recevoir dans leur langue les services de
santé et les services sociaux et nous l'avons réaffirmé
dans le discours inaugural de décembre 1985.
Mais la question centrale n'est pas une question linguistique. L'enjeu
est plutôt la possibilité pour une personne de recevoir des
services de santé et des services sociaux adéquats, de
déterminer comment ce droit aux services peut recevoir une application
concrète et, dans le cas présent, s'il y a lieu de
reconnaître explicitement une relation entre la prestation des services
de santé et des services sociaux et la langue dans laquelle ces services
sont dispensés.
Il n'y a pas de doute que notre gouvernement doit s'assurer et assurera,
à l'instar du gouvernement qui nous a précédés, que
le français demeure la langue commune de tous les
Québécois et occupe dans toutes les sphères de
l'activité humaine au Québec la place prééminente
qui lui revient.
Cependant, le gouvernement, tout en tentant de traduire ces objectifs
dans le vécu quotidien, doit se rappeler qu'il existe au Québec
une population qui appartient à la communauté anglophone, soit
qu'elle soit de
culture et de langue maternelle anglaises, soit qu'au fil des ans elle
se soit intégrée à cette communauté. Cette
dernière réalité illustre bien une situation de fait
véritable, à savoir que certains de nos programmes sociaux
d'intégration à la communauté francophone n'ont pas
atteint, Mme la Présidente, certaines catégories bien
précises de la population.
Je pense ici aux diverses mesures d'intégration prévues
dans les lois 22 et 101, que l'on retrouve dans les secteurs du travail et de
l'éducation et qui, pour des raisons historiques, entre autres, que nous
connaissons bien, n'ont pas atteint des catégories de la population
québécoise, notamment une partie des communautés
culturelles, en particulier, la plus âgée.
À ce chapitre, on ne saurait dire que les mesures
proposées par notre gouvernement visent à favoriser
l'intégration des allophones à la communauté d'expression
anglaise comme certains ont pu le croire ou l'ont laissé entendre,
puisque la langue dans laquelle les services de santé et les services
sociaux sont dispensés n'a d'autre objectif -et ceci est très
important - que d'assurer des services adéquats au sens de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux. De plus, il convient de
le rappeler, la langue de travail et de l'éducation sont les outils qui
ont été privilégiés à deux reprises par le
législateur pour assurer l'intégration à la
majorité francophone. Concernant les services de santé et les
services sociaux à la minorité anglophone, nous estimons qu'il
s'agit d'un droit que nous voulons assurer pour nos concitoyens anglophones et
que l'exercice de ce droit ne met nullement en péril l'avenir de la
langue et de la culture française.
Ce droit ne saurait donc devenir un élément
d'intégration des allophones à la communauté anglophone.
D'ailleurs, dans les régions à l'extérieur de
Montréal, on peut affirmer que le problème de
l'intégration des allophones ou des communautés culturelles -je
préfère de beaucoup cette terminologie que le mot "allophone" -
à la communauté anglophone ne se pose pas, puisque la
totalité, à quelques exceptions près s'il en existe, s'est
intégré à la communauté francophone. Certes la
région de l'Outaouais peut faire exception. Mais personne, Mme la
Présidente, ne s'est interrogé jusqu'à ce jour sur le fait
que, non seulement des allophones, mais aussi des francophones de cette
région, vont chercher dans les établissements anglophones de
l'Ontario leurs services médicaux, précisément parce qu'on
s'est davantage inquiété de la proximité de services
adéquats que de leur dispensation dans la langue anglaise, le recours
à ces services étant presque toujours, sinon toujours, de nature
temporaire.
Il en va de même pour d'autres régions frontalières.
Que l'on songe, par exemple aux francophones et peut-être aussi à
certains anglophones de la région de la baie des Chaleurs qui vont
chercher des services fréquemment au Nouveau-Brunswick; que l'on pense
à la population des Îles-de-la-Madeleine qui va .chercher des
services à l'Île-du-Prince-Édouard ou encore à la
Basse et Moyenne Côte-Nord qui vont chercher des services à
Terre-Neuve. Et que dire de la population de l'agglomération de
Montréal où, depuis des décennies, des francophones et des
allophones vont chercher des services régulièrement dans les
établissements hospitaliers de langue anglaise. Pourtant, personne
jusqu'à ce jour n'a prétendu qu'il s'agissait-là d'un
outil d'anglicisation.
Je recevais des chiffres, Mme la Présidente, que j'aurai
l'occasion de donner plus en détail en commission parlementaire, lors de
l'étude article par article, sur la fréquentation des personnes
autres que celles appartenant à la communauté anglophone ou
à la minorité anglophone et qui fréquentent les
institutions anglophones, de Montréal. C'est dans une proportion
d'environ un tiers d'anglophones, un tiers de francophones et un tiers de
membres des communautés culturelles que l'on fréquente ces
institutions anglophones, sans que pour autant on ait crié à la
catastrophe. (20 h 20)
D'ailleurs, il conviendrait peut-être de faire une digression pour
se demander pourquoi un si grand nombre d'allophones vont chercher leurs
services dans les institutions anglophones, sinon que ces dernières,
depuis déjà longtemps, ont intégré à leur
personnel un grand nombre de personnes d'origines autres que française
et anglaise. Il convient de dire, Mme la Présidente, que les
institutions francophones, aussi sensibilisées à cette
réalité et bien que sensibilisées à cette
réalité, pour des raisons que l'on connaît, n'ont
amorcé que plus récemment une semblable démarche.
D'où la nécessité pour elles, et elles y croient,
d'accentuer leurs efforts dans ce domaine.
Mme la Présidente, ce qui nous apparaît important, c'est
d'assurer à la personne d'expression anglaise... Je sais que ce terme,
qui a été utilisé dans la loi 101 pour parler de la
communauté d'expression anglaise, prête souvent à
discussions. Mme la Présidente, pour nous, dans le domaine de la
santé et des services sociaux, assurer à la personne d'expression
anglaise, c'est assurer à cette personne qui peut le mieux exprimer ses
besoins dans cette langue lorsqu'elle requiert des services de santé ou
des services sociaux, de pouvoir le faire dans la langue anglaise. Sachant fort
bien que la langue est un outil de communication privilégié dans
ces domaines, c'est d'ailleurs pour cette raison que mon ministère,
comme je le mentionnais plus haut, a formé un
comité de travail qui examine le problème de
l'accès des bénéficiaires des communautés
culturelles à des services de santé et des services sociaux dans
leur langue. D'ailleurs, leurs recommandations devraient me parvenir au cours
des premiers mois de la nouvelle année.
Certains ont soulevé le fait que cette garantie devrait exister
pour tous. Si elle existe pour les anglophones inscrits dans la loi, elle
devrait aussi exister pour les membres des communautés culturelles.
Nous croyons, Mme la Présidente, que seule la minorité
anglophone peut se réclamer d'un tel droit en raison de facteurs
historiques que nous connaissons tous comme d'ailleurs dans les autres
provinces du Canada, bien qu'avec plus de difficultés, il faut
l'admettre, seules les minorités francophones peuvent réclamer de
leurs gouvernants et de façon législative des services en
français dans le domaine de l'éducation ou encore dans le domaine
de la santé et des services sociaux.
Mme la Présidente, je reconnais que des efforts sont
déployés dans le réseau actuel des établissements
de santé et des services sociaux à l'endroit des anglophones et
des communautés culturelles. Je m'en réjouis et je les encourage
à poursuivre leurs efforts dans le même sens. Je pense qu'il est
important de se doter d'un cadre juridique qui consacre le droit à des
services en langue anglaise et que nous puissions, à l'intérieur,
rendre ce droit opératoire en faisant des arrangements ou en planifiant
sur le plan administratif des mesures qui font que ces gens pourront
véritablement recevoir des services dans leur langue.
D'ailleurs, Mme la Présidente, de telles considérations
devraient recevoir l'appui incontesté de l'Opposition en cette Chambre,
puisqu'en juin 1985, l'actuel leader de l'Opposition, alors ministre des
Affaires sociales, avait lui-même évoqué en cette Chambre,
en- réponse à une question, la possibilité pour chaque
bénéficiaire de recevoir les services de santé et les
services sociaux dans sa langue. Il avait énoncé, et je cite: "Je
pense que c'est acquis au niveau du gouvernement. II n'y a personne qui
conteste cela de ce côté. Je pense que ce qu'il y a d'important au
niveau de la santé et des services sociaux, c'est que le
bénéficiaire ait une qualité de services."
Également - nous avons eu l'occasion de l'évoquer en cette
Chambre, il y a quelques jours - l'actuel chef de l'Opposition avait pris,
vis-à-vis de la minorité anglophone, un engagement semblable au
nôtre alors qu'en juin 1985 toujours, dans le contexte des propositions
constitutionnelles du gouvernement dont il faisait partie à titre de
ministre de la Justice et des Affaires canadiennes, il avait inclus le droit de
la minorité de langue anglaise à ses institutions culturelles et
éducatives, ainsi que le droit de recevoir des services de santé
et des services sociaux dans sa langue. Pour ce dernier - et ce sont ses mots -
ce droit n'était aucunement négociable.
Plus encore, en campagne électorale, le premier ministre d'alors
avait promis, dans une entrevue au journal The Gazette du mercredi 13 novembre
1985, de faire adopter une loi pour assurer ce droit. Il avait
déclaré, et je cite en anglais: "And I think we should guarantee
by law in Québec, in fundamental rights, the right for English-speaking
people to get health and social services in their language." Je n'ose croire,
aujourd'hui, que cet engagement relevait d'un opportunisme électoral
mais, bien au contraire, qu'il reflétait les convictions profondes du
chef de l'Opposition.
D'ailleurs, faudrait-il rappeler que, même au moment du
débat sur la loi 101, le seul amendement - mais je pense qu'il
était de taille - que le gouvernement d'alors avait accepté
était de permettre aux enfants présentant des troubles
d'apprentissage graves de pouvoir recevoir des services en langue anglaise si
ceci se révélait la meilleure mesure pour eux. Ce sont de ces
problèmes que nous parlons aujourd'hui quand nous parlons de
dispensation de services de santé et de services sociaux.
Il ne s'agit pas non plus dans la loi 142, comme certains voudraient le
croire, d'établir ou de créer de nouvelles institutions
anglophones. On sait que le Québec compte déjà un bon
nombre de ces institutions, dont l'ancien gouvernement avait d'ailleurs reconnu
le statut particulier par des amendements à la loi 101, mais strictement
au niveau de la communication interne dans ces établissements. Il s'agit
plutôt, avec la collaboration des conseils régionaux de la
santé et des services sociaux, de coordonner les ressources existantes
pour permettre que la "livraison" des services en anglais soit plus accessible
à la population de langue anglaise. Qu'il suffise de dire que dans
certaines régions du Québec, à l'extérieur de la
grande région montréalaise - qu'on pense à la
péninsule gaspésienne, à la Côte-Nord, aux Cantons
de l'Est et à l'Outaouais - se retrouvent des groupes significatifs de
gens de langue anglaise qui y sont établis depuis plusieurs
générations. L'ex-ministre des Affaires sociales lui-même a
été témoin que, même à Montréal
où, normalement, ces ressources existent, il y avait de la place pour de
l'amélioration dans la coordination des services et des ressources pour,
précisément, permettre que les personnes âgées, les
enfants ayant besoin de protection, puissent recevoir des services en langue
anglaise. Il s'agit donc d'assurer, là où sont requis des
services spécialisés requis par des personnes handicapées,
des services psychiatriques, des services spécialisés pour des
jeunes qui ont
des problèmes ou pour des personnes âgées, que ces
services puissent être corrigés par une meilleure coordination des
ressources tant au niveau régional qu'au niveau
interrégional.
La commission Charbonneau, d'ailleurs, avait fait des recommandations
très précises à ce sujet, demandant que l'on rende plus
accessibles à la communauté anglophone, aux enfants et aux
parents qui éprouvaient des problèmes, des services dans leur
langue. Elle avait d'ailleurs étendu cette recommandation
également aux enfants des communautés culturelles.
Le projet de loi 42 vient donc corriger la situation existante et ne
crée pas de nouveaux établissements ni de système
parallèle de services sociaux et de santé, comme je l'ai
mentionné précédemment. Il permettra de désigner
les établissements qui auront le mandat particulier d'offrir des
services sur le plan régional à leur communauté
d'expression anglaise, mais tous ces établissements devront continuer -
je tiens à le dire - de respecter la Charte de la langue
française. Ils devront offrir en français, comme ils le font
présentement, à la population du Québec tous les services
qu'ils dispensent.
Le projet de loi 42 n'entraînera pas la création de
nouveaux établissements dont le mandat sera de desservir la
communauté d'expression anglaise. Il prévoit un mécanisme
par lequel les conseils régionaux mettront au point, à la suite
de consultations avec leurs établissements, des plans réalistes
en vue d'assurer les services dans les régions. Il n'obligera pas chaque
établissement à offrir des services en anglais ou à avoir
du personnel bilingue. Cependant, si les services et le personnel ne sont pas
offerts au sein d'une région en particulier, il exigera que le conseil
régional détermine la façon la plus efficace d'assurer que
ces services soient accessibles d'une manière ou d'une autre à la
population d'expression anglaise. Il ne fait aucun doute que tous les
réaménagements nécessaires se feront dans le contexte, tel
que décrit par la loi, des ressources disponibles existantes dans le
secteur des affaires sociales. (20 h 30)
Pour le législateur, la reconnaissance du droit aux services
implique donc de prendre les mesures susceptibles de favoriser l'exercice de ce
droit, notamment par la désignation par règlement, pour la
région que le gouvernement indique, d'établissements qui sont
tenus de rendre accessibles en langue anglaise des services de santé et
des services sociaux. Ces établissements seront désignés
parmi ceux reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 de la Charte de
la langue française. Également, par l'élaboration par un
conseil régional en collaboration avec les établissements d'un
programme d'accès à des services de santé et des services
sociaux en langue anglaise dans les établissements qu'il indique, compte
tenu de l'organisation et des ressources de ces établissements.
À ce chapitre, des modifications seront proposées au
projet initial visant à circonscrire l'exercice du droit reconnu
à la communauté d'expression anglaise de recevoir en langue
anglaise des services de santé et des services sociaux. Ainsi, nous nous
proposons d'inclure à l'article 2 du projet de loi une disposition qui
permettra l'exercice du droit reconnu dans la mesure où le
prévoit un programme d'accessibilité visé par la loi.
Également, l'article 3 sera modifié afin de prévoir
la possibilité pour un conseil régional, dans
l'élaboration d'un programme d'accès à des services de
santé et des services sociaux en langue anglaise, de collaborer non
seulement conjointement avec les établissements mais conjointement avec
d'autres conseils régionaux le cas échéant. Il est
évident que certaines régions du Québec où la
population anglophone est en si petit nombre ne pourront, à
l'intérieur, désigner de ces établissements et qu'elles
devront le faire conjointement avec d'autres régions.
Ces modifications que nous proposons et ces mesures que nous
avançons sont nécessaires afin de se situer dans un contexte
où un droit est énoncé et des mesures concrètes
sont prises pour en assurer l'exercice.
La question centrale est de reconnaître une relation entre d'une
part la prestation de services de santé et de services sociaux et
d'autre part la langue dans laquelle ces services sont dispensés.
Concrètement, la dispensation des services englobe l'ensemble des gestes
et des actions qui constituent le tissu de communication entre le dispensateur
de services et un bénéficiaire. Il ne peut s'agir simplement dans
ce domaine que de poser des gestes ou d'appliquer des techniques, mais le
dispensateur de services doit au premier chef entrer en communication avec le
bénéficiaire.
Dans le domaine des services de santé et des services sociaux, il
ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une intervention dont l'un des principaux
éléments est d'établir la communication entre les
personnes, et non une action mécanique, et ceci plus
particulièrement dans des gestes qui doivent être posés et
qui sont véritablement assis sur une communication entre le dispensateur
et le bénéficiaire.
Comme je l'ai évoqué précédemment, Mme la
Présidente, du strict point de vue humain, il ne faut pas oublier que le
bénéficiaire de services de santé et de services sociaux
est un être vulnérable. Mentionnons à titre d'exemple
l'enfant en besoin de protection, la personne âgée ou la personne
handicapée. Nonobstant toute
considération juridique, il serait pour le moins contraire
à l'équité d'exiger que, en plus de lutter pour
régler un problème essentiel, cette personne soit dans
l'obligation de lutter pour faire valoir son droit d'obtenir des services en
langue anglaise. Tout devrait au contraire converger à éviter
qu'elle doive s'en préoccuper.
Du côté du bénéficiaire, le droit aux
services n'a pas d'autre limite que celle des besoins. Du côté de
la société, il existe une limite évidente, soit celle des
possibilités; mais encore faut-il que toutes les possibilités
existantes soient explorées et exploitées.
Pour le gouvernement, cette reconnaissance à toute personne
d'expression anglaise de recevoir des services de santé et des services
sociaux dans la langue anglaise et ce, dans le cadre d'un programme
d'accessibilité, implique de prendre des mesures susceptibles de
favoriser l'exercice de ce droit.
En cette matière, le rôle de l'État n'est pas
simple. Cependant, je crois que la préoccupation première en
matière d'accessibilité à des services est de viser au
maximum à répondre à des besoins individuels et
qu'à cet effet la langue constitue un élément majeur. Nous
retrouvons là l'objectif essentiel de ce projet de loi et des mesures
qui y sont proposées.
Je voudrais, avant de clore cette partie importante du projet de loi
142, indiquer à l'Opposition, qui manifeste des inquiétudes
vis-à-vis le terme utilisé "personne d'expression anglaise", qui
est d'ailleurs, je tiens à le redire, le terme que le gouvernement
antérieur avait retenu dans la Charte de la langue française au
moment des amendements apportés en 1985, je crois, que nous sommes
prêts, s'ils ont des amendements qui peuvent faciliter l'identification
de ces personnes... Pour nous, ce sont des personnes qui, au moment où
elles requièrent des services de santé et des services sociaux,
ne se sentent plus capables d'exprimer leurs besoins dans cette langue. Si on
trouve une autre définition, nous l'examinerons avec beaucoup
d'attention, Mme la Présidente.
Il y a également, dans ce projet de loi, deux autres
modifications qui, par rapport à ces quatre articles dont je viens de
parler, sont évidemment beaucoup moins importantes. Par exemple, le
projet de loi modifie les dispositions de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux qui assujettissent les
établissements publics et privés conventionnés du
réseau de la santé à obtenir l'autorisation du
gouvernement pour poser certains actes juridiques, tels l'acquisition, la
construction, la transformation ou la démolition d'un immeuble pour les
fins de ces établissements, l'aliénation d'un tel immeuble ou son
utilisation à d'autres fins.
Ces autorisations, qui obligent le Conseil des ministres à
adopter de nombreux décrets - je pense que le chef de l'Opposition s'en
souviendra sans doute particulièrement en matière de construction
d'immeubles où la moindre modification du projet de construction
entraîne des demandes d'autorisation supplémentaires, ont toujours
été données par le Conseil des ministres sur
recommandation préalable du Conseil du trésor. Le projet de loi
prévoit que ces autorisations seront dorénavant données
par le Conseil du trésor plutôt que par le gouvernement au terme
de décrets. De plus, pour alléger davantage la démarche,
le projet de loi prévoit que le Conseil du trésor pourra en outre
déléguer au ministre de la Santé et des Services sociaux
les pouvoirs d'autorisation que le projet de loi lui attribue.
Enfin, en ce qui a trait aux conflits d'intérêts, le projet
de loi 142 propose que des modifications soient apportées visant
à assouplir les règles relatives aux conflits
d'intérêts quant aux membres du conseil d'administration d'un
établissement public, sauf en ce qui concerne le directeur
général. Ce dernier doit, en effet, se consacrer à temps
plein à l'accomplissement de ses fonctions et être automatiquement
membre du conseil d'administration de l'établissement. On ne peut
raisonnablement lui permettre de posséder un intérêt dans
une entreprise qui met en conflit son intérêt personnel et celui
de l'établissement. Les règles actuelles de l'article 95 de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux doivent donc
continuer à s'appliquer au directeur général,
c'est-à-dire que ce dernier ne peut, en aucune façon, se placer
en situation de conflit d'intérêts. Si cette situation se
présentait, il devrait alors choisir entre son intérêt et
sa charge d'administrateur. Dans son cas, cela signifie qu'il doit
également choisir entre son intérêt et son poste de
directeur général.
Les règles actuelles prévues à l'article 95 de la
loi sont reprises pour le directeur général dans le premier
alinéa du nouvel article et ce dernier ne pourra posséder, sous
peine de déchéance de sa charge, un intérêt direct
ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt
personnel et celui de l'établissement.
Quant aux membres du conseil d'administration d'un établissement
public, la situation est différente. En vertu des règles
actuelles, ces membres ne peuvent posséder aucun intérêt,
si minime soit-il, qui entre en conflit avec celui de l'établissement.
En pratique, cela a, dans le passé, privé un établissement
public de voir siéger à son conseil d'administration des
personnes expertes dans leur champ d'activité respectif oeuvrant au sein
d'entreprises qui pourraient éventuellement être susceptibles de
conclure des contrats avec l'établissement. (20 h 40)
Si les règles concernant les conflits d'intérêts
dans le cas des membres du conseil d'administration étaient moins
rigoureuses, ces experts pourraient être incités à devenir
membres de conseils d'administration d'établissements publics et
contribueraient ainsi à enrichir de leurs connaissances et de leur
expérience les débats et les prises de décision de ces
conseils.
Il est donc souhaitable d'assouplir les règles relatives aux
conflits d'intérêts en ce qui a trait à tout membre du
conseil d'administration d'un établissement public autre que le
directeur général. Voilà, Mme la Présidente, les
principales dispositions que prévoit le projet de loi 142 en
matière de services de santé et de services sociaux en anglais,
d'autorisations aux établissements et de conflits
d'intérêts.
En conclusion, vous me permettrez de réaffirmer que, tout en
adhérant aux principes qui assurent la primauté du
français dans toutes les sphères d'activités au
Québec, notre gouvernement ne s'est jamais dérobé à
sa tâche de faire valoir les droits-de la minorité anglophone.
Nous demeurons convaincus de l'appui de la population dans cette
démarche qui ne fait aucun accroc à la Charte de la langue
française, mais permet d'assurer à la minorité anglophone
l'accessibilité à des services de santé et des services
sociaux dans sa langue. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux. M. le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, nous voilà
encore à nouveau en train de parler de la question linguistique. La
ministre aura bien tenté de nous expliquer que son projet de loi est
essentiellement un projet relevant du secteur des affaires sociales, mais elle
n'aura pas été très convaincante, étant
donné qu'elle a passé au moins la moitié de son
exposé à plaider en matière linguistique. Car, Mme la
Présidente, il s'agit bel et bien d'un projet de loi en matière
linguistique, dans un contexte où ce n'est pas le Parti
québécois, l'Opposition, quels que soient les motifs qu'on
veuille imputer à celui qui vous parle ou à sa formation
politique, qui a soulevé un tollé depuis un certain nombre de
semaines et de mois, mais c'est bel et bien le Parti libéral qui
soulève à nouveau la question linguistique au Québec dans
le contexte que nous connaissons aujourd'hui, autour de ces deux projets de loi
et autour de ces états d'âme du premier ministre - je l'ai
déjà évoqué - qu'on entend à tout bout de
champ, chaque fois qu'un micro lui est planté sous le nez.
J'entendais cet après-midi, d'ailleurs, dans ce contexte la
collègue de la ministre de la Santé et des Services sociaux nous
dire: Comment peut-on susciter des inquiétudes chez les
Québécois en matière d'affichage alors que nous discutons
de la loi 140 ou de la loi 142 touchant les organismes d'application de la
langue française ou touchant le projet de sa collègue, la
ministre de la Santé et des Services sociaux?
Mme la Présidente, la réponse est simple. C'est le premier
ministre lui-même qui sème la confusion. Chaque fois que nous
avons soulevé les malhabiletés de ce gouvernement, son
côté éléphant dans un magasin de porcelaine, son
côté presque inconscient dans toutes les mesures touchant la
question linguistique, c'est le premier ministre lui-même qui en revenait
à la question de l'affichage. La confusion qui a été
créée au Québec depuis cinq mois autour du débat
linguistique provient, d'une part, de la volonté très claire de
ce gouvernement de mettre au pas une partie importante de l'opinion publique
qui réclame que le Québec soit français et,
deuxièmement, de la confusion entretenue par le chef du Parti
libéral et un certain nombre de ses collègues qui nous ont tout
le temps parlé d'affichage alors qu'on discutait d'autre chose.
Et aujourd'hui on viendrait s'en plainde. Aujourd'hui, la ministre de la
Santé et des Services sociaux voudrait nous faire croire que son projet
de loi n'a pas de portée linguistique alors que, le jour de son
dépôt, le premier ministre faisait des déclarations sur les
districts bilingues. Mme la Présidente, il s'agit d'un projet de loi
linguistique dans la logique interne du premier ministre comme dans les faits.
Malheureusement, encore une fois, les rouges viennent remettre en question un
certain nombre de choses acquises ou que les Québécois ont
considérées comme acquises depuis plusieurs années.
Quand on discute des questions linguistiques, quand on discute des
rapports entre communautés linguistiques au Canada et au Québec,
en particulier, il faut avoir à l'esprit qu'il n'y a pas de
symétrie et de réciprocité de situation entre la
minorité anglophone du Québec et les minorités hors
Québec qui sont francophones. Je m'explique. Peut-être faut-il
faire ces rappels historiques, malheureusement, alors que ce débat
s'enclenche autour de quelque chose qui relève essentiellement,
là aussi, du droit collectif et non pas des droits individuels,
c'est-à-dire du droit des minorités. On sait qu'il n'y a
même pas un siècle, il y avait une majorité de gens
d'expression française au Manitoba. On sait, Mme la Présidente,
qu'aujourd'hui ils sont moins nombreux que d'autres minorités ou
communautés culturelles.
On sait que ces minorités ont été
dépouillées de façon systématique au cours
des années jusqu'à tout récemment de leurs droits en
matière scolaire, de leurs droits en matière de santé, de
leurs droits dans les institutions démocratiques du Manitoba, comme ce
fut le cas en Ontario, mais que, depuis quelques années, au nom d'une
certaine vision "pancanadianiste", du bilinguisme et du multiculturanisme, on a
restauré pour ce qui reste des minorités francophones hors
Québec un certain nombre de droits bien aléatoires, bien
illusoires dans certains cas, et qui exigeront pendant des années que la
Cour suprême statue sur des nuances pour savoir s'il y aura un
commissaire d'expression française au sein d'une commission
scolaire.
Ce n'est pourtant pas le cas de la minorité anglophone du
Québec. Ce n'est pas l'anglais qui est en danger au Québec, ou
même les services en langue anglaise qui sont en danger au Québec.
C'est le français en Amérique du Nord qui est en cause, et c'est
toujours par ce biais qu'il faut approcher les questions visant à
concilier les droits collectifs et les droits individuels, ou à
harmoniser les relations entre les communautés.
Dans un contexte comme celui-là, Mme la Présidente, un
gouvernement et, au premier chef, celui qui dirige le gouvernement a une
responsabilité considérable, une responsabilité qui doit
l'amener à avoir une attitude claire, une attitude ferme, une
volonté manifeste et perçue comme étant manifeste dans
notre société. Une volonté aussi qui s'appuie sur le plus
large consensus possible. Je ne dis pas l'unanimité. Il n'y aura jamais,
dans quelque société démocratique que ce soit,
unanimité quand il s'agit d'aménager à un second niveau,
qui est celui du droit au-delà des faits, les rapports entre
collectivités. Particulièrement, dans un contexte où les
Québécois francophones se considèrent comme minoritaires
en Amérique du Nord, ce qui est un fait et ce qui sera un fait dans la
nuit des temps, à tout jamais.
Aussi, dans un contexte où la minorité anglophone du
Québec, depuis un certain nombre d'années, connaît une
situation de minorisation sur le plan des chiffres, dans la mesure où
cette communauté est affectée aussi par une situation
démographique, comme un exode qui fut extrêmement important au
milieu des années soixante et à la fin des années
soixante-dix. Or, qu'en est-il de la minorité anglaise au Québec
en matière de santé et de services sociaux? (20 h 50)
D'abord les services sont là. Ils existent; ils coûtent des
centaines de millions à l'État. Il ne faut quand même pas
venir nous dire ici qu'on est en train de fonder la Croix Rouge. Les services
de santé et les services sociaux existent pour la minorité de
langue anglaise du Québec. Ces services, Mme la Présidente, ils
existent depuis la Conquête, au milieu du XVIIIe siècle, et cela
ne... J'entends Mme la ministre dire: Oui, depuis les Plaines d'Abraham. Bien,
c'est un fait: Depuis les Plaines d'Abraham, il y a des services à la
communauté de langue anglaise du Québec en matière de
santé et de services sociaux. Cela a commencé probablement le
jour où ils ont enterré Wolfe; et ils ont installé
probablement un petit hôpital militaire dans le champ d'Abraham. Cela a
dû commencer là.
Mme la Présidente, aujourd'hui il y a le Royal Victoria à
Montréal, le Montreal General, le Montréal Children's, le
Sherbrooke Hospital. Il y a également l'Hôpital communautaire de
Pontiac. Il y a 38 établissements de santé de langue anglaise: 31
centres hospitaliers, 3 CLSC, 2 centres de services sociaux, Ville-Marie Social
Services et également le CSS juif dont une bonne partie de la
clientèle, on le sait, est de langue anglaise, mais qui obtient aussi
des services dans la langue souvent partagée par les gens de la
communauté juive, qui est le yiddish dans bien des cas ou même
l'hébreu dans certains cas absolument exceptionnels. Il y a 38 centres
d'accueil pour personnes âgées, 14 centres de réadaptation.
Tout cela Mme la Présidente coûte des centaines de millions. Vous
n'avez pas entendu celui qui vous parle, à l'époque où il
était ministre des Affaires sociales ou qu'il occupait quelque autre
fonction, s'en plaindre.
Je considère que ce peuple sur ce territoire, depuis qu'il a
vécu sa différenciation sur le continent, a toujours fait en
sorte qu'en pratique, depuis je dirais un certain nombre d'années,
autour de la Révolution tranquille, on traite correctement,
adéquatement, d'une façon dont nous pouvons être fiers
comme collectivité face à n'importe quelle province canadienne et
face probablement à la plupart des États américains...
L'État québécois et la collectivité
québécoise ont consacré des ressources gigantesques dans
le secteur de la santé à l'égard de la communauté
de langue anglaise du Québec.
Ce n'est donc pas le caractère humanitaire instantané de
ce projet de loi qui est en cause, bien que je considère qu'il y a une
certaine vision humaniste, que je suis prêt à partager dans ses
considérations quant à la recherche de certaines garanties pour
la communauté et cette minorité historique qui a des droits bien
particuliers dans notre société. Mais, ce n'est pas son
caractère humanitaire immédiat qui est en cause. Si nous
n'adoptions pas cette loi d'ici Noël, cela ne changera rien à
Harvey Barken à l'Hôpital général de
Montréal. Cela ne changera rien pour la direction du Royal Victoria, du
Children's Hospital, du Queen
Mary, du St. Mary ou des autres. Une voix:
Côte-des-neiges.
M. Johnson (Anjou): Côte-des-neiges, pardon. Le centre
hospitalier Côte-des-neiges, dont le nom a été
francisé. Dans son nom, on le sait.
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaîtl M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Merci. Si vraiment la ministre était
préoccupée par des questions de nature purement humanitaire
plutôt que des questions d'aménagement de droits entre
collectivités, dont elle devient le fer de lance parce que sa
collègue la vice-première ministre, ministre des Affaires
culturelles, est incapable peut-être de susciter une certaine affection
de ce côté-ci de la Chambre ou de la part de l'opinion publique...
Mais la ministre, elle, de la Santé et des Services sociaux devient le
fer de lance d'une législation linguistique dont les buts sont
essentiellement juridiques et non pas des buts humanitaires - qu'on se
comprenne bien - dans sa traduction concrète, dans la
réalité. Car, si la ministre était vraiment
intéressée par la dimension de la dispensation de services de
santé et de services sociaux dans une autre langue que le
français, elle mettrait beaucoup plus d'énergie à
s'assurer que continue ce qui se fait en ce moment dans le réseau des
affaires sociales, notamment, à l'égard des communautés
culturelles, car les communautés culturelles aussi
bénéficient de plus en plus de services importants dans leur
langue.
En effet, Mme la Présidente, si les fonds restent limités,
s'il y a encore des ressources à y mettre, et on connaît les
disponibilités budgétaires de la collectivité, il n'en
demeure pas moins que le Conseil régional de la santé et des
services sociaux du Montréal métropolitain a mis sur pied un
programme d'accessibilité aux services de première ligne dans les
CLSC où se retrouve une forte proportion des communautés
culturelles au Québec et cela, sous l'ancien gouvernement, Mme la
Présidente, puisqu'on aime tant en parler de l'autre côté.
Tout cela s'est traduit par des services accordés aux non-francophones
non anglophones du Québec dans leur langue. Je ne dirais pas de
façon généralisée, je ne dirais pas avec
l'assurance qu'il n'y a pas à l'occasion des situations sur le plan
clinique qui deviennent difficiles. Il n'y a peut-être pas tant de
psychiatres d'origine arménienne, par exemple. Il n'y a peut-être
pas tant de travailleurs sociaux qui viennent des pays d'Europe de l'Est qui
parlent des langues comme le serbo-croate, par exemple. Mais il n'en demeure
pas moins qu'au CLSC Saint-
Louis du Parc, que le député de Laurier connaît
bien, 40 % du personnel sont affectés à des services aux
clientèles qui ne sont ni francophones ni anglophones, qu'au CLSC de
Côté Saint-Luc, on y dispense des services dans douze langues
différentes, pas seulement en français et en anglais. Par
exemple, au CSS de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, il y a
15 % des postes, c'est-à-dire cinq postes unilingues anglais et sept
bilingues pour donner des services à une population dans le
Bas-du-Fleuve, qui est une minorité historique d'une certaine
importance.
La ministre devrait plutôt consacrer son énergie, non pas
à demander au Parlement de siéger en catastrophe jour et nuit sur
ces projets linguistiques, mais devrait peut-être passer son temps
auprès de son collègue du Conseil du trésor pour
dégager des ressources, obtenir une planification du réseau des
CLSC qui permette que de plus en plus le réseau des CLSC au
Québec offre des services dans la langue première des
communautés culturelles, que ce soit en grec, en portugais, en
arménien, en italien, pour l'ensemble, par exemple, des
communautés hispaniques qui sont des gens de plus en plus nombreux chez
nous, en espagnol. Pourtant, la ministre a choisi une autre voie.
Pour notre part, nous croyons que c'est cela la vraie priorité
sur le plan de l'énergie qu'il faut mettre: S'assurer que les ententes
administratives, le réseau des CLSC, donnent de plus en plus de services
dans de plus en plus de langues pour les communautés culturelles. C'est
plus important que de dire dans une loi: Tenons pour acquis que les
établissements de langue anglaise du Québec, eux, auront cette
mission de desservir les populations des communautés culturelles en
anglais, alors qu'il faut avoir une certaine vision du cheminement du
Québec pour les années à venir.
Ce cheminement, Mme la Présidente, c'est celui d'une situation
démographique que nous connaissons, d'une diminution du taux de
natalité au Québec. On ne réglera pas le problème
des établissements anglophones ou visant à desservir les
communautés culturelles par une augmentation du taux de natalité
des francophones, mais constatons les faits. (21 heures)
Les faits, c'est que, de plus en plus, les francophones se reproduisent
de moins en moins. Deuxièmement, le Québec sera une terre qui se
peuplera largement par l'immigration. Je suis de ceux et celles qui croient que
l'immigration au Québec est un phénomène sain, un
phénomène dont nous avons besoin comme société,
comme territoire et comme peuple, et auquel il nous faudra nous adapter
adéquatement. Je ne suis pas de ceux qui pensent que les immigrants
sont des voleurs de "jobs". Je suis de ceux qui savent que la plupart de
celles et ceux qui choisissent de venir s'établir chez nous se
trouveront un emploi plus rapidement, investiront rapidement et atteindront
rapidement un degré d'autosuffisance économique en vue d'en faire
des citoyens productifs.
La question qui se pose, c'est de savoir si cette ouverture que nous
devons manifester comme société à l'égard de
l'immigration conduira graduellement les communautés culturelles
à cheminer en français au Québec ou à cheminer en
langue anglaise au Québec. Nous croyons, pour notre part, que la langue
commune des Québécois, surtout quand on regarde l'avenir du
Québec, quand on voit les courbes démographiques, quand on voit
la pression en matière d'immigration, devra être le
français et qu'en conséquence la société, pour s'y
ajuster, doit prendre des moyens dans tous les secteurs d'activité
humaine.
C'est ce qui m'a amené et c'est ce qui a amené notre parti
à suggérer récemment, dans un document que nous avons
rendu public il y a quelques semaines, qu'en matière d'immigration il
fallait s'assurer que ceux qui veulent venir s'établir chez nous savent
qu'ils viennent s'installer dans une société française. Il
faut qu'ils le sachent avant de venir. Je dirais presque, sans
considérer qu'un immigrant en devenir n'a pas de droits avant d'obtenir
un statut, qu'il va de soi qu'il faut informer ceux qui veulent venir
s'établir au Québec qu'ils vont vivre dans une
société à majorité française mais qui, par
ailleurs, est une société minoritaire en Amérique du Nord.
Cela implique donc un certain nombre de cheminements, pour ne pas dire de
contraintes. Cela a amené la ministre de l'Immigration et des
Communautés culturelles à dénoncer notre approche quand
nous disions que nous étions convaincus qu'en matière
d'immigration il fallait favoriser non pas exclusivement, mais favoriser dans
notre politique d'immigration l'entrée de groupes plus facilement
"francophonisables".
La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles a
dénoncé notre document en disant que c'était de la
discrimination. C'est faire preuve d'ignorance de l'existence dans nos lois de
dispositions qui prévoient précisément, depuis l'entente
Cullen-Couture en 1977, que le critère de l'apprentissage du
français, à l'exception des réfugiés qui sont
toujours des gens qui arrivent dans des conditions d'extrême
vulnérabilité, que le critère de connaissance du
français est un critère qui entre en ligne de compte dans la
sélection de l'immigration, ce qui est normal. Tous les pays
civilisés du monde pratiquent une approche en matière
d'immigration qui va dans le sens des objectifs démocratiquement
définis dans cette collectivité.
L'un des objectifs auxquels la ministre de la Santé et des
Services sociaux prétend souscrire de même que ses
collègues, bien qu'il faudrait peut-être qu'elle enseigne quelque
chose à sa collègue de l'Immigration et des Communautés
culturelles, l'une des choses auxquelles les Québécois
souscrivent, c'est qu'il faut favoriser l'intégration, et non pas
l'assimilation, des nouveaux arrivants au Québec à la
majorité. Il faut donc traduire cela dans des politiques d'immigration
certes, dans des politiques dans un ministère comme celui des
Communautés culturelles qui favorisent l'épanouissement de ces
communautés. Mais aussi, il faut le traduire dans d'autres secteurs, y
compris en matière sociale. C'est là qu'intervient le projet de
loi de la ministre.
On regarde un document du Parti libéral daté du mois de
novembre 1985, signé par M. Dauphin et M. Sirros. Je cite le document
sous la signature de l'actuel député de Laurier et du
député de Marquette. On y lit cette phrase: "II faut
reconnaître l'existence et la pérennité des institutions de
services sociaux et de santé d'expression anglaise qui offrent de
nombreux services aux minorités culturelles."
Cette vision est celle du Parti libéral et c'est la base du
projet de loi que nous avons devant nous. C'est dire que nous allons
maintenant, dans notre système de santé et de services sociaux,
assigner une mission particulière au réseau
d'établissements anglophones du Québec de desservir les
communautés culturelles en anglais. Et c'est cela, l'aberration de ce
projet de loi. C'est cela qui est inacceptable, ainsi qu'un certain nombre
d'autres choses dans ce projet de loi.
C'est dans ce projet, dans la mesure où nous pouvons constater
que, non seulement c'est la conviction intime, profonde, convaincue du Parti
libéral que ces établissements ont une mission qu'ils ont
déjà accomplie, mais on vient maintenant le confirmer dans une
loi qui pourra, elle, faire l'objet de recours judiciaires aux fins
d'affectation de ressources additionnelles. Car, en ce moment, il faut voir
comment cela se passe. Quand la ministre de la Santé et des Services
sociaux a 12 000 000 $ d'argent de monopoly ou autres à distribuer aux
établissements, dans un secteur d'activité donné, disons
pour la région de Montréal, comment cela se passe-t-il?
La ministre dit: J'ai 12 000 000 $ pour le perfectionnement des
appareils diagnostiques, radiologiques et électrophysiques. Bon! Son
ministère lui remplit plein de documents, et il y a plein d'experts qui
regardent cela. Elle va au Trésor, et elle se fait dire par les
ingénieurs du Trésor que ce n'est pas nécessaire mais,
néanmoins, elle finit par remporter une bataille; il faut bien qu'elle
en remporte de temps en temps.
Qu'est-ce qui se passe le lendemain? Le lendemain, le Conseil
régional de la santé et des services sociaux se réunit.
Ils ont des commissions administratives et ils décident de l'allocation
des budgets entre les différents établissements. Vous savez, ce
ne sont pas des petites luttes. Quand le Royal Vic et le Notre-Dame se prennent
aux cheveux pour savoir qui va avoir les millions, c'est épique, cela!
La ministre, d'ailleurs, a dû commencer à y goûter un peu
depuis un an.
Mme Lavoie-Roux: Pas encore.
M. Johnson (Anjou): Cela va venir. Quand ces géants des
réseaux décident de se battre entre eux pour avoir les ressources
que l'État met à leur disposition dans le développement,
il y a des arbitrages, pour prendre un anglicisme, "excruciants" qui se font
autour des tables. Qu'arrivera-t-il avec ce projet de loi? Il arrivera que dans
certains programmes, un établissement anglophone, insatisfait de
l'arbitrage autour de la table du CRSSS, pourra dire: Moi, je considère,
en vertu de l'article 2 ou de l'article 6 ou de l'article 8 du projet de loi de
la ministre, que je devrais avoir des ressources additionnelles pour remplir la
nouvelle mission qu'on m'a donnée. Et puis il ira en Cour
supérieure. Et puis il demandera à un juge de statuer au lieu de
la ministre ou de la conférence administrative du CRSSS. Au
détriment de qui cela va-t-il se faire? Cela va se faire, par
définition, au détriment d'autres établissements, donc,
des établissements francophones de Montréal.
Des voix: Oh! Oh! Voyons donc!
M. Johnson (Anjou): C'est cela, parce que l'argent, la ministre
ne peut l'inventer. Je comprends que le premier ministre nous annonçait
tout à l'heure qu'il avait distribué 1 000 000 000 $ de plus pour
la santé. Je suis sûr que la ministre aurait aimé que ce
soit vrai; elle n'aurait pas de problème, si c'était vrai.
Mme Lavoie-Roux: 1 000 000 $. M. Rochefort: C'est faux.
M. Johnson (Anjou): Le premier ministre a dit 1 000 000 000 $ cet
après-midi. Vous ne le saviez pas? Il vous a fait un cadeau de 275 000
000 $ lors d'un discours tout à l'heure. Mais ce n'est pas grave, il est
habitué, il en a fait pour des milliards de même pendant la
campagne électorale. (21 h 10)
Ce projet de loi, assignant une mission spécifique aux
établissements anglais du Québec, non seulement confirmera-t-il
ce qui existe déjà mais il donnera un moyen addi- tionnel
à ces établissements qui visent à aller chercher plus de
clientèle. C'est vrai pour Notre-Dame aussi, c'est vrai pour tout le
monde:. les établissements du réseau veulent plus de
clientèle parce qu'ils veulent grossir, parce que ce sont de grosses
machines, parce qu'ils sont convaincus qu'ils sont les meilleurs et, ma foi,
s'ils n'étaient pas convaincus qu'ils sont les meilleurs, ils ne
devraient pas être là. C'est comme ça qu'on maintient un
système intéressant en termes de qualité pour nos
concitoyens. Mais ils veulent grandir. Et voici un instrument, dans ce projet
de loi, qui donne un moyen additionnel pour aller chercher des ressources.
C'est imprudent. La ministre me fait signe que non, mais c'est ça que
son projet de loi va permettre. Ce n'est peut-être pas son intention en
ce moment, mais si ce n'est pas son intention pourquoi a-t-elle mis ça
dans le projet de loi? Parce que c'est peut-être improvisé un peu
aussi, comme le reste de ce que fait ce gouvernement en matière
linguistique, Mme la Présidente.
La communauté anglaise demande depuis un certain nombre
d'années - et je crois que le député de
Notre-Dame-de-Grâce, qui connaissait bien Darcy Colson et d'autres qui
ont oeuvré en santé et services sociaux au Québec au CSSVM
et ailleurs - et a commencé cette revendication de façon assez
précise quelque part en 1978-1979. Cela venait essentiellement autour de
l'appréhension qu'avait la communauté de langue anglaise de la
dilution de l'importance du CSS Ville-Marie - Ville-Marie Social Services, qui
est le CSS de langue anglaise de Montréal - dans le cadre de la
complétion du réseau des CLSC; et ils voyaient se diluer
l'importance de l'armature institutionnelle que la communauté de langue
anglaise avait au moment où on ferait graduellement les transferts vers
les CLSC.
Deuxièmement, cette revendication, véhiculée par
Alliance Québec en particulier et fort bien, dans des dossiers fortement
étoffés, dans un langage pondéré mais dans des
demandes qui demeuraient, dans certains cas, assez radicales, ces demandes
également arrivent dans un contexte où la communauté de
langue anglaise est préoccupée quant à son nombre,
particulièrement au tournant des années
soixante-dix~quatre-vingt, alors qu'au-delà de 75 000
Québécois d'expression anglaise avaient quitté notre
territoire, comme il y en avait eu un nombre à peu près
équivalent dans le milieu des années soixante, pour des
considérations de nature économique et aussi des
considérations reliées à ce qui se passe au Québec:
le fait que des gens ne se reconnaissaient pas dans ce qui se passait. Tout
cela se traduit par un vieillissement prématuré d'une
communauté donnée sur un plan démographique, ce qui est le
cas, entre autres, pour la communauté juive du Québec
où une personne sur cinq est âgée de plus de 65 ans.
La communauté de langue anglaise appréhende une situation de
cette nature. Elle veut donc réagir, elle sent le Québec se
franciser de plus en plus, elle sent ses nombres diminuer, elle sent le
vieillissement précoce de la communauté pouvant se faire, elle
sent ses établissements comme voyant graduellement une diminution de
leur budget éventuel compte tenu des nombres qui diminuent. Elle
réagit donc, elle réagit donc, dans le cas d'Alliance
Québec, d'une façon très précise, très
ouverte d'ailleurs, je dois le dire, et très honnête dans la
façon de formuler ses objectifs, bien qu'on pourrait avoir de longues
discussions sur les études statistiques publiées par Alliance
Québec.
Cette volonté réaffirmée d'une vocation en
santé et services sociaux devient: Nous voulons compenser la diminution
des anglophones d'origine dans notre communauté par une
intégration de plus en plus importante des gens des communautés
culturelles à l'intérieur de la communauté anglophone du
Québec. Ce n'est pas une absurdité en soi parce que,
historiquement, cela a été ainsi longtemps au Québec. La
force économique, une certaine approche culturelle dans le milieu
anglophone du Québec et, il faut bien le dire, pendant des
décennies, un certain repli sur eux-mêmes, des Canadiens
français à l'égard de ces questions ont fait que de plus
en plus, pendant des années, jusqu'à quelque part au début
des années soixante, les nouveaux Québécois
s'intégraient surtout à la communauté de langue anglaise.
Cela a changé de façon extrêmement importante au milieu des
années soixante-dix, entre autres avec la loi 101 et une volonté
qui accompagnait la loi 101 non seulement de l'intégration scolaire des
nouveaux arrivants, mais également de dispensation de services dans des
langues tierces autres que le français et l'anglais par le réseau
public québécois formé essentiellement ou très
majoritairement d'établissements francophones.
C'est dans un contexte comme celui-là que se posent toutes ces
questions qui préoccupent la ministre, dans un contexte historique
où le gouvernement précédent, y compris celui qui vous
parle, s'est adressé à Alliance Québec, et il faudrait
peut-être d'abord... Je vous enverrai la version française du
texte. Il semble que les services de recherche du premier ministre qui,
habituellement, ont eu avec le CAD et d'autres la réputation
d'être efficaces, ne le sont pas. Il existe une version française
du texte à Alliance Québec, étant donné que j'ai
dit quand même quelques mots en français aussi à Alliance
Québec, je pensais que je devais rendre cette politesse à un
auditoire qui était largement bilingue.
C'est dans ce contexte que je me suis adressé à Alliance
Québec en disant que dans un Québec qui de plus en plus se
francise, qui de plus en plus devient de fait un État français
d'Amérique du Nord, je comprends l'aspiration légitime de la
minorité historique de langue anglaise beaucoup mieux, disons-le, que ce
ne fut le cas de ceux qui dirigeaient le Manitoba ou l'Ontario à
l'égard des francophones. Je comprends cette recherche de garantie, sur
le plan juridique, d'une minorité qui, de plus en plus, se sent vivre
comme une minorité. Et c'est ce qui m'a amené à dire que
nous serions prêts à consentir à la minorité de
langue anglaise de telles garanties, "by law", mais "in fundamental laws". Et
les lois fondamentales, au Québec, sont des lois d'aménagement de
droit collectif et ne prétendent pas venir régler des
pseudo-questions humanitaires à l'égard de la communauté
de langue anglaise.
Ce dont on parle, Mme la Présidente, et si le
député de Notre-Dame-de-Grâce et d'autres veulent
être parfaitement honnêtes, ils citeront ce texte d'Alliance
Québec dans toutes les parties qui touchent la question de la
reconnaissance des droits et ils y verront quoi, Mme la Présidente? Ils
y verront que le contexte dont nous parlons est un Québec qui se
francise de plus en plus. Est-ce le cas? Est-ce le cas en ce moment? Je ne le
pense pas. Pas depuis un an. Ce n'est pas cela le climat, pas avec la
résurgence des documents unilingues qui arrivent dans nos boîtes
aux lettres, pas avec la résurgence de l'utilisation de formules qui
consacrent la notion qu'au Québec cela se passe en anglais comme en
français de façon indistincte. Même des formulaires du
ministère du Travail sont imprimés de façon bilingue. J'en
ai reçu un récemment. En voici un. Même le ministère
du Travail sent le besoin de publier des formulaires bilingues. Est-ce que cela
ressemble à un Québec qui se francise de plus en plus? Non, et
que ce soit les annonces des grandes compagnies de distribution alimentaire,
que ce soit les grands magasins à rayons qui se targuent dans leur
campagne de publicité de jouer avec la loi ou presque. Je ne peux pas
dire qu'on vit un contexte où le Québec se francise de plus en
plus depuis un an. Je pense que nos concitoyens de la minorité de langue
anglaise du Québec ne se sentent pas exactement rejetés de ce
temps-ci, surtout pas par le gouvernement du Québec actuel.
Est-ce qu'il y a une politique linguistique aussi? Non, il n'y a pas de
politique linguistique de ce gouvernement. Aucun document; des extraits, des
bribes, à gauche et à droite, encore une fois, d'improvisation
d'une demi-douzaine de ministres ou d'adjoints parlementaires
intéressés à ces questions. Quelque chose de solide, de
cohérent, de clair, qui affirme cette volonté d'un Québec
français à tous les niveaux et d'une volonté de soutien,
d'appui
aux communautés culturelles dans un cheminement avec la
majorité francophone, je ne vois rien de cela. Le contexte est
profondément différent et cette inquiétude grandissante
dans la population du Québec qui, je le disais cet après-midi au
premier ministre, sent qu'il y a un affaiblissement de la volonté, des
reculs. Je ne dis pas que le premier ministre s'y complaît. Je sais que
c'est un homme sensible même si, à l'occasion, je ne le trouve pas
toujours sensé sur un certain nombre de choses. C'est une question
d'opinion. C'est un homme sensible et il sent le malaise en ce moment. Il sait
que c'est son parti qui l'a créé. (21 h 20)
Le Québec ne vit plus tout à fait à l'heure de la
loi 101. Ce gouvernement a fait en sorte, le Parti libéral a fait en
sorte que le Québec ne vive plus à l'heure de la loi 101. Il n'a
pas à s'étonner de l'inquiétude de nos concitoyens. Il
faut donc plus de temps pour travailler adéquatement autour de cette
question délicate, complexe de l'aménagement des droits des
communautés entre elles. Ce n'est surtout pas dans le climat de fin de
session qu'il faut faire cela, Mme la Présidente. C'est d'autant moins
le temps que le Parlement est déjà saisi d'un projet de loi comme
le projet de loi 119 en matière de construction, qui a amené 5000
personnes à manifester bruyamment contre l'autre jour, comme le projet
de loi 150 sur les forêts, qui en ce moment fait l'objet de
récriminations des principales associations représentant
l'industrie forestière, comme le projet de loi 124 sur les soins
dentaires, ce gouvernement qui, comprenez-vous, se vantait, à 15 heures
cet après-midi, d'avoir injecté 1 000 000 000 $ de plus dans la
santé, mais qui demande à la ministre de la Santé et des
Services sociaux, la députée de L'Acadie, de couper 8 000 000 $
dans les soins dentaires pour les enfants, comme s'il n'avait pas assez
d'argent.
Le Parlement est déjà saisi de projets de loi importants
et, à moins de dix jours de la fin de nos travaux, est-ce qu'on
prétendra régler dans un climat adéquat, avec des
études, des appréciations, les impacts concrets de cette
législation? Encore une fois et en principe, la notion de trouver des
aménagements des droits de la minorité de langue anglaise au
Québec est loin d'être une notion qui nous répugne, au
contraire. Mais encore faut-il avoir les instruments et le contexte propice
pour le faire. Ces instruments ne sont pas là. On a essayé de
nous présenter cela à la sauvette. La ministre nous disait encore
tout à l'heure que c'était une loi humanitaire, alors que c'est
une loi qui affecte profondément les droits linguistiques sur le
territoire du Québec.
Quand on regarde le projet de loi 140 dans ce même contexte, 34
articles, 17 amendements ce matin, un travail bâclé, mal fait,
improvisé, des travaux mal planifiés de la part d'un leader, un
goulot d'étranglement en fin de session qui rend impossible toute
discussion normale, en profondeur, toute présence des intervenants,
celles et ceux qui font le consensus. Quant à la loi 142, je le
rappellerai, les associations qui appliquent les services de santé et
services sociaux au Québec, l'Association des hôpitaux du
Québec, l'Association des centres de services sociaux du Québec,
la Fédération des CLSC du Québec, l'Association des
centres d'accueil du Québec, toutes ces associations ont exprimé
de fortes réserves sur ce projet de loi et trois d'entre elles ont
demandé au gouvernement de surseoir pour le moment à l'adoption
de ce projet de loi. Le seul consensus qui existe est un consensus contre la
précipitation du gouvernement dans cette question.
En plus de cela, Mme la Présidente, on va nous faire
siéger la nuit pour discuter d'une chose qui, pourtant, a besoin du
plein jour au Québec, si on veut que cela fasse l'objet d'un minimum de
consensus dans la société. Il faut se donner du temps. Il faut se
donner plus de temps que n'est prêt à en prendre le
gouvernement.
La minorité francophone d'Amérique du Nord est
essentiellement concentrée sur le territoire québécois.
Si, dans son histoire, elle a été exploitée jusqu'à
tout récemment ou, enfin, dans une perspective historique, quelque part
autour des années cinquante, néanmoins, elle a su tranquillement
s'affranchir de son état de sous-développement en sachant aussi
être respectueuse de sa minorité historique la plus importante,
qui est la minorité de langue anglaise. Le gouvernement, en agissant
avec une telle précipitation, prétendrait faire fi de cette
évolution historique. Il présente un projet de loi qui à
nouveau, je le rappelle, non seulement ne fait pas le consensus, sauf celui
contre son adoption, mais il présente également un projet de loi
qui va donner une mission qui déborde largement ce que devraient faire
les établissements existants du réseau de la santé et des
services sociaux.
Non pas que les allophones, les gens des communautés culturelles
ne puissent pas fréquenter les établissements de langue anglaise.
Au contraire. Le principe de base de notre loi, c'est qu'un individu choisit
l'établissement où il veut aller. Cela doit rester comme cela.
Qu'on soit de quelque origine que ce soit, si on veut aller à
l'hôpital le plus près, ou l'hôpital où on
connaît un médecin, ou celui où on connaît des gens
du personnel, c'est le droit le plus strict des citoyens que de le faire, sauf,
il faut le reconnaître, en psychiatrie où c'est sectorisé
comme on le sait depuis de nombreuses années. Pour l'ensemble des
services de santé, le citoyen a le droit de choisir son
établissement. Ce n'est pas cela qu'on remet en cause. Ce qu'on remet en
cause, c'est la volonté que démontre ce gouvernement d'assigner
une mission particulière au réseau d'établissements
anglophones du Québec en ce qui a trait à la desserte de services
auprès des communautés culturelles, qui ne pourra se traduire,
d'une part, que par une bilinguisation systémique, je ne dis pas
systématique, je dis systémique, une bilinguisation de
système d'une partie du réseau, ce gui n'est pas souhaitable,
deuxièmement, par un appel de ressources qui ne pourra se faire qu'au
détriment des autres éléments du réseau.
Au nom des droits de la minorité de langue anglaise, on voudra
accaparer des ressources additionnelles pour desservir les communautés
culturelles, alors que celles-ci doivent être desservies par l'ensemble
du réseau, donc, les établissements francophones, dans la pleine
mesure du possible des moyens des ressources disponibles. Car il faut que le
réseau français, notamment celui des CLSC, de plus en plus donne
des services dans leur langue à l'ensemble des communautés
culturelles du Québec.
Pour nous, il y aurait trois préalables à une loi qui
traite de cette question. Le premier, c'est de reconnaître qu'il s'agit
ici d'un aménagement de droit collectif. Je sais que c'est une notion
qui répugne à un certain nombre de nos collègues d'en face
qui ne croient pas au concept de droit collectif. Mais, il s'agit vraiment de
rapports entre deux groupes et il faut donc prendre les instruments juridiques
qui vont de pair avec la réalité que l'on veut modifier, et non
pas prétendre passer par le biais des lois en matière de
santé et de services sociaux, changer le mandat des
établissements, créer des perturbations sur le plan de l'appel
des ressources.
Deuxièmement, il faut que ces droits fondamentaux d'une
minorité, non pas les gens d'expression anglaise, mais bel et bien la
communauté d'expression anglaise du Québec, puissent être
intégrés à une loi fondamentale. Celle que
j'évoquais devant Alliance Québec, il y a plus d'un an, et dont
j'ai réitéré l'importance pour le Québec, c'est une
constitution écrite interne du Québec. C'est là que va
l'aménagement des droits des collectivités. Pas dans une loi qui
peut être changée par une simple majorité du Parlement.
Troisièmement, nous pourrions souhaiter, Mme la
Présidente, que le gouvernement accompagne cette préoccupation
à l'égard d'une confirmation et d'une garantie juridique de
services existants au Québec, d'une revendication en matière
constitutionnelle qui fait qu'une fois pour toutes on obtienne que
l'Assemblée nationale du Québec, les élus des citoyens du
Québec soient les seuls responsables de toute la législation
linguistique sur le territoire québécois. Nous n'avons pas cette
revendication dans le dossier constitutionnel du gouvernement. II a
abandonné cette revendication. (21 h 30)
II n'y a pas d'urgence à adopter les projets de loi 140 et 142.
Pourquoi le gouvernement n'attend-il pas au printemps? Il n'y en a pas
d'urgence sinon la précipitation de votre improvisation. Il faut une
politique globale en matière linguistique. Il faut la recherche d'un
consensus, et ce ne sont pas les propos fielleux de la vice-première
ministre à l'égard de l'Opposition et du Parti
québécois qui iront chercher un consensus. Ce ne sont pas des
attitudes aussi partisanes et chauvines que celles que nous avons vues cet
après-midi qui permettront au Parti libéral d'aller chercher un
consensus, ni dans le Parlement, ni chez les intervenants majeurs au
Québec.
Si le premier ministre veut vraiment un débat non-partisan, comme
le prétendait la vice-première ministre, pourquoi ne pas
convoquer au printemps une commission parlementaire? Pourquoi ne pas faire en
sorte que vous accompagniez cette volonté de garantir dans la
législation les droits d'une minorité historique d'une demande en
matière constitutionnelle, qui dirait une fois pour toutes qu'on est
assez du grand monde au Québec pour être les seuls à
décider en matière linguistique sans se le faire imposer par le
reste du Canada?
Dans la mesure, Mme la Présidente, où le gouvernement ne
veut pas prendre le temps qu'il faut sur un sujet aussi important, aussi
fondamental, nous devrons considérer qu'il s'agit d'une vaste entreprise
d'improvisation à la sauvette, mal planifiée et quelque peu
irresponsable, et que c'est le gouvernement du Parti libéral du
Québec qui provoque un climat désagréable autour de cette
question, un climat qui fait sortir des fantômes des armoires. Pourquoi?
Parce que le gouvernement en cette matière montre qu'il n'est pas digne
de la confiance des Québécois en matière linguistique.
C'est aussi simple que cela.
Je suggérerais à la ministre non pas d'amender son projet
de loi, mais de s'amender elle-même et de ne pas prétendre que ce
projet de loi est essentiellement un petit projet omnibus dans le secteur des
affaires sociales. C'est un aménagement majeur dans le temps et dans
notre histoire en matière de droits entre les collectivités, Mme
la Présidente. Il me semble que le projet de loi 142 et le projet de loi
140 méritent mieux que le traitement de nuit que vous voulez leur
donner.
La Vice-Présidente: Merci, M. le chef de l'Opposition. M.
le député de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Mme la Présidente, je dois dire que depuis
à peu près 50 minutes maintenant, j'essaie de voir dans le
discours du chef de l'Opposition ce qui avait rapport avec le projet de loi
142. Je dois vous dire, Mme la Présidente, que je n'ai pas trouvé
grand-chose. Je m'attendais que le chef de l'Opposition fasse une motion de
report et j'aurais compris le sens de sa motion, parce que cela aurait
donné à l'Opposition le temps et une raison pour faire une motion
de report. Ce serait pour leur donner l'occasion de faire leur devoir et de
trouver quelque chose à dire contre ce projet de loi.
Le chef de l'Opposition a parlé sur tout et sur rien. Le chef de
l'Opposition nous a ramenés sur les Plaines d'Abraham, a passé
par le Manitoba, a parlé de l'intégration de façon
générale, a lié le projet de loi 140 au projet de loi 142
et finalement, est abouti à dire qu'une des raisons pour lesquelles il
est contre ce projet de loi, c'est parce qu'on aurait dû l'inscrire dans
la loi fondamentale, dans une constitution qui, selon ses paroles, ne pourrait
pas être changée par n'importe quel gouvernement.
J'ai essayé de comprendre la logique de tout cela, Mme la
Présidente, parce que si on demande que l'on inscrive quelque chose dans
une constitution pour que ce soit au-delà des capacités de chaque
gouvernement de changer quelque chose chaque fois qu'il y a une
Législature, j'imagine que l'on accorde une certaine importance à
ce que l'on veut qui soit inscrit dans la constitution. Je vois mal pourquoi on
serait contre l'adoption du projet de loi, si on est prêt à aller
jusqu'à l'inscription dans la constitution des lois fondamentales.
Où est la logique? Pendant 50 minutes on nous a parlé de
façon générale sur la question linguistique. On a beau
essayer de dire et de faire comprendre à l'Opposition qu'il ne s'agit
pas d'un projet de loi linguistique... L'Opposition peut jouer le jeu qu'elle a
choisi de jouer en essayant de faire en sorte que la population assimile le
projet de loi 140, le débat sur les affiches, avec la question des
réseaux de la santé et des services sociaux
présentée dans le projet de loi 142. Ils savent que c'est
foncièrement, je ne dirais pas malhonnête, parce que vous allez me
dire que ce n'est pas parlementaire, mais ce n'est foncièrement pas
correct, Mme la Présidente, parce que nous parlons ici effectivement des
réseaux de la santé et des services sociaux. Nous ne disons pas
que les affiches devant les magasins devraient être en français,
en anglais, unilingues, ou quoi que ce soit, nous parlons des réseaux de
la santé et des services sociaux.
Le chef de l'Opposition a passé une partie de son discours qui
devait traiter en quelque sorte de la loi 142 à parler des
communautés culturelles. J'ai trouvé que c'était là
une remarquable absence de cohérence et de compréhension, parce
qu'il a cité - j'aurais dû lui demander de me laisser une copie -
ce qui était, semble-t-il, signé de ma main où je disais
que les institutions anglophones ou les communautés culturelles
pourraient avoir recours aux services des institutions anglophones. La majeure
partie du discours du chef de l'Opposition a porté sur quelque chose qui
n'est nulle part dans la loi, à savoir que la loi donne un mandat
spécifique aux établissements anglophones de desservir les
communautés culturelles, les communautés culturelles devant,
dorénavant, s'adresser au réseau anglophone au Québec pour
avoir des services sociaux et de santé.
Mme la Présidente, il n'y a rien de plus faux. Il n'y a
absolument rien dans le projet de loi qui donne un mandat spécifique aux
institutions anglophones, par rapport aux communautés culturelles. Le
seul mandat spécifique qui est donné aux institutions
"anglophones", entre guillemets, est effectivement d'offrir des services
sociaux et de santé en langue anglaise.
Le projet de loi affirme que toute personne d'expression anglaise a le
droit de recevoir des services sociaux et de santé en langue anglaise,
compte tenu de l'organisation et des ressources de l'établissement qui
dispense ces services. Nous l'avons admis et la ministre l'a fait tout à
l'heure. C'est pour cela que je ne comprends pas pourquoi le chef de
l'Opposition dit qu'il y a effectivement des personnes qui ne sont pas de race
anglo-saxonne, qui sont d'origine grecque, italienne ou portugaise, mais qui,
pour une raison ou pour une autre, dans une situation, auront besoin des
services sociaux et de santé pour plusieurs raisons. Par exemple, le
fait qu'elles soient arrivées ici avant tout ce qui s'est passé
ici au Québec depuis les dix ou quinze dernières années,
elles se retrouvent dans une situation où elles ne comprennent pas le
français. C'est vrai, Mme la Présidente, il en existe des
personnes comme cela. J'en connais beaucoup. Ma mère, par exemple, en
est une. Cela fait 30 ans qu'elle est ici, elle ne parle pas un mot de
français, très peu d'anglais, j'ajouterais. Il est vrai que le
projet de loi donnera le droit à ces personnes qui ont besoin de
services, qui n'arrivent pas à comprendre le français ou à
s'exprimer, de s'adresser à un établissement où on leur
parlera en anglais pour recevoir des soins.
L'Opposition oublie continuellement une chose. C'est d'une
clientèle qu'on parle. On ne parle pas, je le répète, d'un
projet de loi linguistique, on parle d'un projet de loi qui touche le
réseau de la santé et des services sociaux. Posez-vous la
question: Qui s'adresse aux réseaux? Pourquoi? Vous pouvez compter
très spécifiquement les clientèles qui s'adressent aux
réseaux. Ce sont les malades
qui vont dans les hôpitaux, les personnes âgées pour
les soins d'hébergement, les malades psychiatriques, les
handicapés intellectuels, les handicapés physiques, les familles
en situation de crise, les enfants mésadaptés sociaux - le
député de Verchères se reconnaîtrait
là-dedans à la suite du rapport Charbonneau - ce sont des gens
qui vivent tous, sans exception, une situation de crise physique ou
psychologique. (21 h 40)
Parlons maintenant des communautés culturelles et de toute cette
argumentation qui est faite autour de l'intégration des
communautés culturelles dans la société
québécoise francophone. Depuis toujours, j'ai appuyé ce
principe - je l'appuie toujours au sein de la communauté grecque et de
toutes les autres communautés culturelles - que l'avenir et le
présent au Québec, c'est en français que cela se passe.
Mais il faut aussi comprendre quelque chose, quand on parle
d'intégration. L'intégration ne se fait pas à travers le
réseau des services de santé et des services sociaux. Ce sont des
établissements qui sont là pour venir en aide aux individus qui
vivent une situation de crise, un problème, un
déséquilibre physique ou psychologique. L'intégration se
fait par les écoles et le marché du travail. Ce n'est pas parce
que le chef de l'Opposition ou le Parti québécois ou quiconque
voudrait voir, par exemple, le patient psychiatrique d'une communauté
culturelle qui arrive à parler un peu l'anglais... Ce n'est pas parce
qu'on va lui dire d'aller se faire traiter par un psychiatre unilingue
français qu'il va mieux s'intégrer à la communauté
québécoise francophone.
Le projet de loi parle, et je le répète,
particulièrement de situations vis-à-vis des individus qui
s'adressent au réseau. Quand on nous sort l'argument qu'on va
bilinguiser le réseau, on oublie une chose: le réseau est
composé d'institutions. Toutes les institutions sont régies,
entre autres, par la Charte de la langue française, la loi 101, qui fait
en sorte que la langue du travail est le français, demeure le
français et demeurera le français. La langue des services, oui,
elle peut s'adapter aux besoins des clientèles. Il y a une distinction
qui est faite, c'est vrai, dans le projet de loi par rapport à la
communauté anglophone. C'est vrai et je pense qu'il n'y a pas un membre
de quelque communauté culturelle que ce soit, autre que la
communauté anglaise, qui va réclamer les mêmes droits
historiques que la communauté anglaise. Il n'y a personne d'autre qui a
le même vécu. Étant d'origine grecque moi-même, je
sais fort bien que je ne réclamerai pas, au nom de la communauté
grecque ou de quelque autre communauté culturelle que ce soit, que le
Québec inscrive dans ses lois le droit à tout citoyen d'origine
grecque de recevoir des services sociaux et de santé en grec, parce
qu'il y a effectivement une différence entre la communauté
d'expression anglaise et les autres communautés culturelles. Toutes les
communautés culturelles le comprennent et sont prêtes à
l'accepter.
Il y a aussi une chose dans ce projet de loi dont l'Opposition ne parle
presque jamais. C'est la première fois qu'un gouvernement prend la peine
de mettre dans une loi le fait que les services seront organisés
dorénavant en tenant compte aussi de l'aspect socioculturel et
linguistique. Vous aurez remarqué qu'il n'est pas fait mention de quelle
langue on parle. Mais on parle bien des particularités socioculturelles
et linguistiques des clientèles. Savez-vous ce que cela fait? Ce n'est
pas très difficile à voir. Cela fait en sorte que, dans une
région ou dans les services où c'est possible, on peut
effectivement adapter des services pour les Grecs, pour les Italiens, pour les
Portugais. Je vais vous donner des exemples. Les personnes âgées
grecques - je vais prendre cette communauté parce que je la connais
mieux que les autres - sont aussi placées en institutions
d'hébergement, par exemple. Mais savez-vous ce qui arrive? J'ai
vécu des cas personnels quand je travaillais à titre d'agent de
relations humaines où j'ai eu à placer des personnes
âgées qui ont fait une demande de placement. Savez-vous ce qui
arrive? Elles sont placées deux ou trois dans une institution
francophone ou quelquefois même anglophone; deux ou trois ici, trois ou
quatre là-bas, quelquefois une toute seule, etc. Savez-vous ce qui
arrive à ces gens-là? Ce n'est pas leur intégration dans
la communauté francophone qui est favorisée quand on les met dans
un centre d'accueil francophone, mais c'est leur vie qui est
écourtée parce que, finalement, elles se retrouvent dans un
endroit où elles ne reconnaissent rien: ni la langue, ni la nourriture,
ni d'autres personnes avec lesquelles elles peuvent parler. Est-ce que ce
serait trop demander à un gouvernement de voir à l'organisation
de ces services en tenant compte également des aspects socioculturels et
linguistiques des clientèles de telle sorte qu'on pourrait regrouper ces
personnes, qui sont éparpillées ici et là dans les centres
d'accueil, dans ce cas-ci, dans un endroit où il y aurait d'autres
personnes, d'autres patients avec lesquels elles pourraient communiquer, alors
que l'établissement serait plus en mesure d'engager du personnel qui
pourrait parler la langue, sans pour autant changer le fait que la langue de
travail de ces gens demeurerait le français. Parce que le réseau
demeure francophone.
Il peut y avoir des institutions qui desservent des clientèles en
anglais ou dans d'autres langues. Il n'y a rien, dans tout ce que le chef de
l'Opposition a dit, qui met en opposition le fait qu'il y a des
institutions
qui sont reconnues comme dispensant des services en anglais et les
efforts qui peuvent être faits par le réseau d'offrir des services
dans d'autres langues. Il n'y a rien dans le projet de loi - je le
répète et je vous mets au défi de me montrer où
cela se trouve -qui donne un mandat particulier aux établissements
anglophones pour desservir les communautés culturelles. C'est vrai que,
s'il y a des gens des communautés culturelles qui parlent anglais mieux
que français ou ne parlent pas français et ont besoin de se faire
soigner, le projet de loi va leur donner le droit d'aller se faire traiter dans
une langue entre ces deux, l'anglais et le français, qu'ils comprennent.
Où est la chose sorcière là-dedans? Où est la chose
méchante là-dedans?
À moins qu'on soit rendu, de l'autre côté, à
faire équivaloir l'intégration à l'écrasement. Le
débat sur l'intégration n'a aucune place dans ces discussions-ci.
Je vous répète que l'intégration, si vous connaissez le
moindrement le vécu, se fait à l'école, pendant les
années d'école et les études; c'est à ce moment
qu'on va commencer à orienter les gens du côté
français. Et au travail. Ce n'est pas en allant chercher les services
d'un médecin, d'un psychiatre, d'un travailleur social, d'un service de
placement, d'un centre de réadaptation, ce n'est pas en demandant
à la famille qui vient de vivre une crise d'aller voir un travailleur
social avec lequel ils ne peuvent pas communiquer qu'on va intégrer les
gens.
Quand on parle d'un projet de loi humanitaire, c'est dans ce cadre qu'on
en parle. Si la condition humaine vous préoccupe le moindrement, vous
accepterez que la langue dans ce domaine n'est pas le débat linguistique
dont il s'agit quand on parle des affiches. La langue, dans ce domaine, est un
instrument de thérapie, ni plus ni moins, un instrument absolument
essentiel pour des services adéquats.
C'est avec beaucoup d'incrédulité que j'entendais tous ces
arguments concernant les communautés culturelles depuis le moment
où on a annoncé que ce projet de loi serait
présenté. Je vous le répète, la faille est
énorme quand on parle de ce projet de loi comme d'un instrument
d'intégration à la société anglophone. Je pense que
la personne qui va prendre quelques minutes, de façon sereine et
objective, pour regarder de qui on parle, de quel genre de situation on parle
et pourquoi ces gens ont recours à des services, elle va vite comprendre
qu'il ne faudrait pas faire des débats sur l'intégration des
communautés culturelles du côté anglophone ou francophone
dans le cadre de ce projet de loi, à moins qu'on ne vise qu'à
faire du capital politique à court terme et à courte vue.
Cela ne peut s'expliquer autrement que par le fait qu'on a vu, du
côté de l'Opposition, une occasion en or, en quelque sorte, de
lier ce projet de loi à un débat qui est effectivement
émotif, à un débat où les passions sont vite
ranimées, d'assimiler ce projet de loi à tout le reste,
d'utiliser des mots comme "intégration aux communautés
culturelles anglaises" et d'affirmer toutes sortes de choses qui ne sont
aucunement dans le projet de loi. Je vous le répète, aucune
mission particulière n'est donnée aux établissements
anglophones pour desservir les communautés culturelles. (21 h 50)
S'il n'y a pas de mission particulière qui est donnée, il
n'y a pas non plus, d'un autre côté, un empêchement
quelconque aux établissements plus reconnus comme francophones, si vous
voulez, de ne pas desservir ces communautés culturelles. Qu'est-ce qui
empêcherait, par exemple, le Centre de services sociaux de
Montréal métropolitain - ils ont commencé dans cette voie
et tant mieux, ils devraient être encouragés à continuer -
à engager du personnel qui va refléter la composition des
communautés culturelles? Ce sera tout à fait naturel et
spontané pour les membres de ces communautés culturelles de
s'adresser à ces institutions qui peuvent leur parler dans une langue et
une culture aussi - parce que ce n'est pas juste une question de traduction
-qu'ils peuvent comprendre. C'est pour ça que tout ce débat
autour de l'intégration, je le trouve foncièrement
malhonnête. Car il n'existe pas de débat sur l'intégration
quand on parle de services de santé et de services sociaux.
Mme la Présidente, je vous répéterai, pour qui veut
bien le voir, que c'est la première fois qu'un projet de loi vient
donner une ouverture réelle spécifiquement aux communautés
culturelles en permettant l'organisation des services en fonction des
caractéristiques socioculturelles et linguistiques des
clientèles. Si vous jumelez ça avec le comité dont la
ministre a parlé, qui est en train d'examiner toute la question de
l'accessibilité des services sociaux spécifiquement aux
communautés culturelles, ça aussi c'est la première fois
que ça se fait en fonction des services sociaux et de santé parce
que, jusqu'à maintenant, on a laissé les choses aux
établissements, qui avaient la bonne volonté de le faire et je
les en félicite.
Je reviendrai, dans une seconde, sur un autre argument avancé
contre ce projet de loi. Cela a parfois été laissé aux
conseils régionaux qui rédigeaient des rapports, mais jamais
ça n'avait été amené au niveau politique.
Le débat autour des communautés culturelles et de
l'accessibilité des services sociaux date, j'en ai une connaissance
personnelle parce qu'une des premières choses que j'avais faites quand
j'étais directeur général du CLSC Parc Extension
fut effectivement d'organiser un colloque sur cette question-là
avec deux autres CLSC. C'était en 1978. Depuis 1978, les colloques, les
études, les discussions, les rapports au niveau des
établissements, au niveau des groupes communautaires, etc., etc., ont
été répétés, mais jamais il n'y a eu une
volonté expresse au niveau politique d'agir.
Une voix: C'est faux!
M. Sirros: Ce n'est pas faux, Mme la Présidente, ce n'est
pas faux, c'est tout à fait vrai. Des choses ont été
faites au niveau des établissements et, encore une fois, je
félicite les gens qui les ont faites. On a eu récemment des
représentations qui nous ont été faites en disant: Comme
on fait déjà des choses, pourquoi adoptez-vous un projet de
loi?
La Vice-Présidente: Pourriez-vous conclure, M. le
député de Laurier? Votre temps est écoulé.
M. Sirros: Mon Dieu! ça passe vite, j'aurais beaucoup
à dire, Mme la Présidente.
Des voix: Consentement! Consentement! Consentement!
La Vice-Présidente: Est-ce que...
M. Charbonneau: Mme la Présidente...
Une voix: Quelques minutes! Consentement.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, si le
député prend cinq minutes de plus, est-ce qu'il consentirait
à ce que j'aie le même temps pour lui donner la
réplique?
M. Gendron: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gendron: Comme leader adjoint de l'Opposition, je pense qu'on
peut offrir au député qui a la parole qu'il dépasse son
temps de quelques minutes. On conviendra du fair-play nécessaire dans
certains cas de ce côté-ci de la Chambre, mais on jugera chaque
cas au mérite. Je ne veux pas en faire une politique.
M. Sirros: Mme la Présidente, je n'avais pas l'intention
de prendre beaucoup plus de temps que ce qui m'était alloué. Il y
en a peut-être pour quelques minutes. Si le député de
Verchères éprouve par la suite le besoin de parler pour une ou
deux minutes additionnelles afin de s'assurer qu'il aura tout le temps voulu
pour dire ce qu'il aura à dire, ce ne sera pas moi qui
l'empêcherai de le faire.
En conclusion, je trouve très dommage que l'Opposition ait choisi
de parler de ce projet de loi dans le cadre du débat linguistique. Il y
a un débat linguistique au Québec et c'est vrai qu'il ne sera
jamais clos comme tel, mais je m'attendrais que les gens adultes, quand on
parle de choses - ce n'est pas pour faire pleurer les gens mais c'est la
réalité - en termes de personnes qui sont dans un besoin
spécifique par rapport à leur situation personnelle,
psychologique ou physique, à ce que les gens adultes arrivent à
faire la part des choses et qu'on arrête de crier et de nous blâmer
pour ce que vous voulez. Si le choix est d'aller dans un sens, par exemple,
dans les affiches ou autres, ce sont des choses qui nous démarquent.
Mais quand on parle effectivement de choses comme le projet de loi 142,
où on parle des services sociaux et de santé à la
communauté d'expression anglaise, à toute personne d'expression
anglaise, cela peut inclure des membres de communautés culturelles qui,
pour des raisons historiques, ont appris cette langue jusqu'à maintenant
et ont besoin de services. Je pense, Mme la Présidente, qu'on devrait
trouver ce qu'on reconnaît dans le Québec tout entier et le
Québec francophone, la générosité, la
compréhension et l'humanisme. Je vous dis, Mme la Présidente, que
ces qualités sont mal représentées ici par les gens de
l'Opposition. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laurier.
M. le député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, Mme la Présidente. Oui pour la
générosité, oui pour l'humanisme, mais non pour la
bêtise. Le député de Laurier, dans toute son intervention,
nous a donné l'impression -c'est cela qui nous choque
profondément à l'égard de ce projet de loi, outre des
divisions fondamentales dont je parlerai un peu plus tard - qu'actuellement on
vit dans une société qui n'offre pas aux groupes minoritaires des
services dans leur langue. C'est comme si, en écoutant le
député de Laurier, au Québec il n'existait pas
d'établissement qui donne des services de santé et des services
sociaux en langue anglaise. C'est comme si, au Québec il n'y avait pas
d'établissement, en particulier à Montréal, qui donne des
services dans des langues différentes, grecque, portugaise, allemande,
vietnamienne, etc. On pourrait prendre toute une série de langues qui
sont actuellement utilisées dans les établissements de
santé et de services sociaux du Québec. C'est comme si cette
réalité n'existait pas actuellement. On écoutait le
député de
Laurier et on avait l'impression de vivre dans une société
intolérante, dans une société qui ne fait pas de cas de
ses minorités, et c'est cela qui est choquant, c'est cela qui est
humiliant pour un Québécois francophone d'entendre ce genre de
discours.
Le Québec est probablement l'une des sociétés les
plus ouvertes, les plus tolérantes, les plus généreuses et
les plus humanistes qui existent actuellement sur la planète, et il le
sait très bien, lui. Mais le genre de discours qu'il vient de tenir,
c'est choquant pour moi et pour mes compatriotes d'expression française
et de langue française. C'est humiliant, c'est inacceptable et cela nous
révolte du plus profond de nos tripes que d'entendre ce genre de
discours où on a l'impression que nous, les minorités, on ne les
a pas respectées au Québec, alors qu'on fait plus au
Québec que probablement partout ailleurs en Amérique du Nord et
dans la plupart des pays, où les gens qui sont ici
représentés à l'Assemblée nationale et qui viennent
de pays différents, multiples, dont le député de Laurier,
n'en font dans leur propre pays. Il le sait très bien, le
député de Laurier. C'est cela qui est choquant dans le discours
et dans le genre de discours qu'on vient d'entendre.
J'ai ici la liste des établissements qui, à
Montréal, donnent des services dans des langues
étrangères: le CLSC Parc Extension, le CLSC Saint-Louis du Parc,
le CLSC Rivière-des-Prairies, le CLSC Outremont, le CLSC Centre-ville,
le CLSC Côte-des-Neiges, le CLSC Centre-sud, le CLSC NDG, le CLSC
Côte-Saint-Luc le CLSC Montréal-Nord, le CLSC
Saint-Léonard, le CLSC La Petite Patrie. Ce sont les CLSC seulement. Le
Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, les CSS, le
nombre de centres hospitaliers à Montréal qui donnent des
services également dans différentes langues, pas uniquement en
langue anglaise. Quand on pense en plus à tout ce que les anglophones du
Québec ont comme services garantis et assurés, cela n'a aucune
commune mesure avec ce qui existe pour les Canadiens français dans les
autres provinces de ce pays que vous défendez tant. Et là on
vient essayer de nous faire la leçon et, en plus, prétendre que
ce projet de loi n'est pas un projet de loi à portée
linguistique, que c'est un projet de loi uniquement humanitaire concernant des
services sociaux et des services de santé à dispenser.
Le problème, c'est que le projet de loi ne dit pas que les
services dont nous a parlé le député de Laurier sont
actuellement dispensés. Est-ce que ces services sont dispensés
comme il faudrait qu'ils le soient? La perfection n'est pas de ce monde et je
pense que tout le monde admettra qu'il y a encore place pour améliorer
les services. Mais ce n'est pas vrai que c'est nécessaire- ment par ce
projet de loi. (22 heures)
On n'a pas eu besoin de ce projet de loi au cours des dernières
années pour améliorer les services dans les différents
établissements de santé et de services sociaux à
Montréal et dans d'autres régions du Québec. On a agi. Et,
contrairement à ce que le député de Laurier nous a
indiqué, oui il y avait une volonté politique et les budgets
étaient octroyés par la volonté politique du gouvernement
du Parti québécois. À cet égard, le gouvernement du
Parti québécois a fait plus dans ses années de pouvoir,
malgré le fait qu'il n'ait pas eu l'appui électoral de ces
communautés, généralement il a fait plus que le Parti
libéral qui, lui, pouvait bénéficier depuis des
générations de l'appui électoral de ces
communautés, en plus de l'appui électoral de la communauté
anglophone.
On l'a fait malgré tout, malgré le fait que ces gens
très majoritairement ne votent pas encore pour nous, parce qu'on y
croyait, Mme la Présidente. Et c'est pour cela qu'on y a mis les fonds
qu'il fallait. C'est pour cela qu'on croit et qu'on croyait qu'il fallait
continuer à développer ces services. Qu'on ne vienne pas
aujourd'hui tenir des discours comme si ces services n'existaient pas et que
tout à coup, par la grâce libérale, par la bonne
générosité libérale et la bonne
compréhension libérale, ces services vont apparaître au
Québec, faisant en sorte que maintenant on soit une
société généreuse, humaniste et tolérante,
comme si on ne l'était pas maintenant.
Mme la Présidente, le projet de loi dit dans son préambule
et dans ses articles: "Ce projet de loi modifie de nouveau la Loi sur les
services de santé et les services sociaux pour tenir compte des
particularités linguistiques d'une région et prévoir le
droit à toute personne d'expression anglaise de recevoir dans sa langue
des services de santé et des services sociaux." C'est cela, Mme la
Présidente.
Et le député de Laurier vient nous dire que ce n'est pas
un projet de loi linguistique! Je m'excuse. C'est un projet de loi
essentiellement linguistique dans la mesure où on utilise l'expression
"personne d'expression anglaise". Ce que nous dénonçons, c'est
que ces trois mots signifient dans les faits que nous allons assimiler,
c'est-à-dire confondre les gens de la communauté
anglo-québécoise avec les gens des communautés ethniques
culturelles autres qu'anglo-québécoises. C'est cela que l'on dit
par cette expression. C'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente,
différentes personnes au Québec qui ne peuvent pas être
associées au Parti québécois, qui ont leurs
responsabilités dans notre société se sont
prononcées.
Il y a un certain nombre d'éditorialistes
au cours des dernières semaines, des derniers jours, qui ont
analysé le projet de loi 142. La ministre me dit non, alors je vais lui
rappeler l'éditorial du 15 novembre 1986 -cela ne fait pas tellement
longtemps - "Et un pas en arrière," signé par Paul-André
Comeau, l'éditorialiste, le rédacteur en chef du Devoir. Je
connais très bien Le Devoir parce que j'y ai travaillé et Mme la
députée de L'Acadie, qui est ministre de la Santé et des
Services sociaux, connaît très bien Le Devoir et cet
éditorialiste; elle connaît très bien l'influence de ce
journal et le sérieux que Le Devoir a toujours mis à
étudier et à décortiquer les questions
constitutionnelles.
Voici ce qu'on dit: "Le projet de loi sur l'offre de services de
santé en langue anglaise soulève, lui aussi, inquiétude et
crainte. Mettre à la disposition de la communauté d'expression
anglaise de tels services, cela s'inscrit dans une tradition de "fair play"
dont le Québec a depuis longtemps fait la démonstration.
Étendre cette disposition à toute personne d'expression anglaise
- et c'est exactement ce que dit le texte de la loi - n'est-ce pas
émettre un message équivoque en direction des allophones et de
tout immigrant éventuel?"
Et je poursuis la citation, Mme la Présidente. "Il suffira de se
dire d'expression anglaise - définition de la langue d'usage -pour avoir
droit à des services dans cette langue. La porte serait ouverte, dit
Paul-André Comeau, à une évolution dangereuse, à
d'inacceptables retours en arrière et à la contestation d'autres
dispositions de la loi 101 qui prévoient l'intégration des
immigrants à la collectivité francophone, notamment au chapitre
des écoles. L'enjeu est grave on risque de réduire à
néant la possibilité de compenser par l'immigration le
déclin démographique des Québécois et des
francophones dans l'ensemble de la fédération canadienne."
Ce n'est pas un député péquiste qui écrit
cela. C'est le rédacteur en chef du Devoir, l'un des journaux les plus
influents du Québec et l'un des journaux à s'être
penché depuis des générations sur la question linguistique
et la défense de la langue française.
Jacques Dumais dans Le Soleil, Mme la Présidente, disait le
lendemain, le 16 novembre: "Le projet de loi 142 crée, dans les faits,
un deuxième réseau, anglophone celui-là, de santé
et de services sociaux. Qui plus est, certains de ses articles sont à ce
point libéraux qu'ils permettraient aux établissements
anglophones d'élargir leur base justificative aux communautés
allophones -c'est-à-dire ethniques autres qu'anglaises -que la loi 101
intègre à la majorité francophone. Compte tenu de
l'attrait de l'anglais pour tout néo-Québécois gagnant une
Amérique sans frontières, sachant leurs difficultés
à se familiariser avec la langue de Molière beaucoup plus
complexe, ce deuxième réseau, unique au Canada, contribuerait
à rendre davantage minoritaires les francophones qui, du fait de leur
dénatalité, requièrent pour leur pérennité
l'apport des groupes ethniques francophonisables." Lui aussi a utilisé
l'expression "francophonisable" qui a été décriée
par la ministre des Communautés culturelles.
Jean-Pierre Proulx qui est un des journalistes qui, dans le
Québec d'aujourd'hui, a le plus étudié ces questions, Mme
la Présidente, nous disait à peine pas plus tard que ce matin,
dans Le Devoir: "Le véritable enjeu du projet de loi 142... C'est de la
bilinguisation du réseau des affaires sociales dont il s'agit." Il
ajoutait en conclusion de son texte d'analyse: "En clair, la prestation des
services pourrait donc être exigée non seulement dans les
institutions de la "communauté d'expression anglaise" - ce qui va de soi
- mais encore de la part des institutions communes", c'est-à-dire
même des institutions francophones. "C'est là la véritable
innovation de ce projet de loi par rapport à l'économie
générale de la loi 101. "Cette innovation risque surtout
d'entraîner une bilinguisation officielle plus ou moins poussée du
réseau. L'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 -
c'est-à-dire l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la
constitution canadienne - a eu très exactement cet effet dans le secteur
de la justice où, en pratique, les institutions fonctionnent autant en
français qu'en anglais. C'est là-dessus que va porter la bagarre
politique car c'est vraiment là où les partis se
séparent." Et il a raison.
Mme la Présidente, vous avez vu comme moi la ministre nous dire
que ce projet de loi n'était pas commenté par les
éditorialistes. Je viens d'en citer trois parmi les plus
réputés, les plus intègres, et ceux qui se sont
penchés le plus souvent et le plus profondément sur les questions
linguistiques. Le député de Laurier va continuer de
prétendre, lui et ses collègues, que le projet de loi 142 est un
petit projet de loi mineur qui n'est pas un projet de loi linguistique. Voyons
donc! Il faut un minimum d'honnêteté intellectuelle et
reconnaître les choses telles qu'elles sont. Ce n'est pas un petit projet
de loi. C'est un projet de loi majeur parce qu'il concerne la survie de la
communauté francophone du Québec, du peuple francophone.
On me disait: L'intégration des communautés culturelles ne
se fait pas par les services de santé et les services sociaux. C'est
évident qu'elle ne se fait pas uniquement par les services de
santé et les services sociaux. Elle se fait par toute une série
d'institutions, et de situations, et de comportements, et de messages que
l'on
adresse à ces communautés. Le problème, c'est que
ce projet de toi, non seulement est-il condamnable dans le texte même,
dans le libellé comme je viens de vous l'indiquer, mais il se situe dans
un contexte particulier qu'il ne faut pas oublier. Le projet de loi 142
intervient un an après la prise du pouvoir par le Parti libéral.
Un an après un arrêt du processus de francisation au
Québec. Un an après l'arrêt du processus
d'intégration des immigrants à la communauté francophone,
parce que, depuis un an, ce gouvernement, par ses gestes, par ses paroles, par
son comportement, c'est-à-dire par le comportement de ses
différents ministres et porte-parole, a fait en sorte que, maintenant au
Québec, les communautés culturelles pensent de plus en plus que
cela peut se faire en anglais, et de plus en plus les comportements qu'on avait
dénoncés, qui avaient amené le gouvernement du Parti
québécois à présenter et à adopter la loi
101, ces comportements on les retrouve maintenant visiblement. Il faut vraiment
être déconnecté de la réalité pour ne pas
voir ce qui se passe depuis un an.
Il s'agit tout simplement de se promener sur la rue Sainte-Catherine
à Montréal, sur la rue Saint-Denis à Montréal, et
dans toute une série de quartiers de Montréal pour se rendre
compte de ce qui se passe. Et c'est cela la réalité. (22 h
10)
Or, le projet de loi 142 intervient dans ce processus, dans ce contexte
où la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration
s'adresse en anglais aux communautés culturelles. Où on dit
finalement aux immigrants: Écoutez, si vous vous intégrez
à la communauté anglophone, il n'y a pas de problème. En
même temps, ce qu'on dit par le projet de loi 142, non seulement il n'y a
pas de problème, mais on va vous aider, on va vous encourager à
le faire. C'est cela le drame du projet de loi 142. Un projet de loi qui se
situe dans un contexte qui est un contexte dangereux, actuellement un contexte
qui va à l'encontre des intérêts du peuple francophone du
Québec. Un contexte qui fait en sorte qu'on est dans une situation de
détérioration du français au Québec et de la
situation du peuple francophone ici. C'est ce que les Québécois
francophones sentent. C'est ce qu'ils vous disent dans les sondages. C'est ce
que les Québécois vivent quotidiennement, en particulier ceux qui
vivent à Montréal et dans certaines régions du
Québec. C'est cela qu'on sent. Et ce projet de loi est un message
additionnel aux nouveaux immigrants grecs, portugais, vietnamiens,
européens, américains, sud-américains, asiatiques.
Ce projet de loi est un message additionnel, avec tous les messages que
le gouvernement leur adresse depuis un an, malgré la belle profession de
foi du député de Laurier qui nous dit: "Moi, je leur dis que
c'est en français que cela se passe." Mais ce que vous leur dites
quotidiennement et ce que vous leur dites par ce projet de loi, c'est que c'est
en anglais que cela peut se passer au Québec. C'est ce que vous leur
dites. C'est ce que vous leur dites par le projet de loi 142.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais
votre collaboration. Pour éviter aussi qu'on évite tout
affrontement, j'aimerais aussi qu'on s'adresse à la
présidence.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, voilà ce qui est
profondément inacceptable. Voilà ce qui a amené des
éditorialistes sérieux à se prononcer. Je ne parlerai
même pas des raisons qui ont amené différentes associations
dans le secteur de la santé et des services sociaux à
dénoncer le projet de loi et à en demander le retrait ou tout au
moins le report, Mme la Présidente.
Mon collègue le député de Gouin, qui est le
critique de l'Opposition en matière de santé et de services
sociaux, en parlera plus à fond demain puisqu'il est plus au fait que
moi. Mais je voudrais simplement rappeler à ce moment-ci que
l'Association des centres d'accueil du Québec, la
Fédération des CLSC du Québec, l'Association des centres
de services sociaux du Québec et l'Association des hôpitaux du
Québec se sont tous prononcés contre le projet de loi 142 pour
des raisons supplémentaires aux raisons que je viens d'invoquer, Mme la
Présidente, des raisons qui sont liées au fonctionnement
administratif et juridique et aux conséquences juridiques et
administratives du projet de loi à l'égard du fonctionnement.
Sans compter le fait que ce projet de loi est un vote de blâme à
l'endroit des gens qui travaillent dans les services de santé et les
services sociaux au Québec et qui se tuent à l'ouvrage depuis un
certain nombre d'années pour donner un peu plus à chaque jour de
meilleurs services de santé et de meilleurs services sociaux dans les
langues des communautés culturelles et ethniques du Québec.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes. Le
député de Laurier, la députée de L'Acadie, ministre
de la Santé et des Services sociaux, et moi-même avons
participé à une commission parlementaire sur la protection de la
jeunesse et donc sur les jeunes en difficultés. On a été
à même de voir un certain nombre de problèmes. C'est vrai
qu'il faut de l'amélioration. Je l'ai dit tantôt.
Quand on était au gouvernement, on a fait des gestes
d'amélioration, mais c'est une chose d'améliorer les services de
santé et les services sociaux dans les différentes langues
des communautés ethniques qui vivent au Québec et qui
forment le Québec d'aujourd'hui et c'est une autre chose de faire en
sorte qu'avec un projet de loi on ouvre les portes des institutions de la
communauté anglo-québécoise à ces minorités,
qu'on leur donne un message que c'est vers ces institutions-là que
maintenant elles doivent se diriger. Ce n'est pas cela qu'on veut qu'ils
comprennent comme message. Ce qu'on veut qu'ils comprennent c'est que, dans le
réseau francophone public du Québec, il y ait partout des
possibilités, là où les communautés sont
installées, d'avoir des services dans ces langues.
Ce que je pense, c'est que la mère du député de
Laurier, qui parle un petit peu anglais et presque pas le français comme
il nous disait, si elle avait un problème et qu'elle devait se
présenter à son CLSC ou encore dans un hôpital, ce que je
pense qu'elle devrait avoir, ce ne sont pas des services en anglais, ce sont
des services en grec. C'est ce qu'on a commencé à
développer au Québec au cours des dernières années
et c'est ce qu'il faut continuer de développer au Québec. Mais
non pas un projet de loi qui va faire en sorte que, finalement, la mère
du député de Laurier va se diriger vers un hôpital
anglophone, un CLSC anglophone ou un CSS anglophone et qu'elle va recevoir des
services en anglais, ou peut-être en grec, dans un établissement
anglophone où finalement elle va comprendre une chose, elle, qui est une
nouvelle arrivante depuis 30 ans, mais qui est restée une grecque. Elle
va comprendre qu'au Québec on est dans un pays anglais. Elle vit en
Amérique du Nord et la situation c'est que l'anglais a la place
importante et dominante. C'est cela le message que vous donnez avec le projet
de loi 142. C'est ce qui fait que c'est un projet de loi, à nos yeux,
inacceptable. C'est ce qui en fait un projet de loi majeur parce qu'il touche
profondément à notre identité nationale et à la
survie de notre collectivité.
Le chef de l'Opposition l'a indiqué tantôt. Ce projet de
loi intervient à un moment donné, à un moment particulier
où la situation démographique du Québec est
délicate et où l'avenir du Québec est, entre autres, aussi
lié à l'intégration et à l'accueil des nouveaux
immigrants. Avec un projet de loi comme cela, on sent la situation devenir
très dangereuse, Mme la Présidente.
Ce projet de loi n'est pas un projet de loi urgent. Ce projet de loi
mérite d'être évalué au mérite et, si la
ministre nous dit qu'il n'y a pas tellement de problèmes, face au
tollé qui se lève et face aux opinions qui ont été
émises par toutes les associations concernées dans le
réseau de la santé et des services sociaux, qu'elle
procède à des consultations publiques, Mme la Présidente,
qu'elle dise au chef du gouvernement qu'il est temps d'avoir une politique
linguistique et que l'on ait des revendications constitutionnelles claires
à l'égard du dossier linguistique.
Motion de report
Pour cela, Mme la Présidente, cela prend du temps. Pour permettre
à la ministre de faire ses devoirs et pour permettre au
député de Laurier de faire également ses devoirs, je vais
présenter la motion qui suit: En vertu de l'article 240, je propose
d'amender la motion principale en retranchant le mot "maintenant" et en
ajoutant à la fin les mots "dans six mois".
Voilà, Mme la Présidente, la motion de report que je
formule à ce moment-ci pour permettre au gouvernement d'aller faire ses
devoirs et d'écouter les gens qui ont des choses à dire. C'est un
projet de loi fondamental. Le député de Laurier, pour d'autres
raisons que moi, me faisait signe que oui. Or, les projets de loi fondamentaux
en cette Assemblée nationale - c'est la tradition depuis des
années - on prend le temps qu'il faut pour les faire adopter et on
consulte la population. Avec la motion que je présente, Mme la
Présidente, on va donner au gouvernement le temps de faire les choses
correctement et d'une façon qui respecte la tradition
démocratique de l'Assemblée nationale du Québec. Merci,
Mme la Présidente.
Des voix: Bravo!
M. Sirros: Mme la Présidente, question de
règlement, en vertu de l'article 212.
La Vice-Présidente: Question de règlement, en vertu
de l'article...
M. Sirros: En vertu de l'article 212, j'aimerais
brièvement, étant donné que je crois avoir
été mal compris, donner des explications. Mes propos ont
certainement été déformés. Premièrement, Mme
la Présidente, je n'ai jamais dit que le projet de loi était
mineur; j'ai dit que le projet de loi était important pour les
communautés culturelles, parce que cela permettait l'adaptation des
services dans la langue des différentes communautés culturelles,
là où c'est possible. J'ai dit que le projet de loi était
important pour les anglophones et la dispensation des services en anglais et
j'ai dit que le projet de loi était aussi important pour la
communauté québécoise francophone parce que j'estimais
qu'il exprimait la générosité, la compassion et
l'humanisme qui caractérisent le peuple québécois bien
mieux que l'Opposition du Parti québécois. J'ai dit que la
garantie des services en anglais n'était aucunement incompatible avec le
développement des services dans d'autres
langues, Mme la Présidente.
Alors, simplement pour rétablir ces faits, je sais que, pouvant
les déformer, les membres de l'Opposition peuvent faire toutes sortes de
discours, mais je tenais à faire cette...
La Vice-Présidente: Vos remarques étant faites, M.
le député de Laurier, je vais maintenant me prononcer sur la
recevabilité de la motion de report qui est recevable à ce
stade-ci. Compte tenu qu'il s'agit d'un débat restreint, nous allons
suspendre quelques minutes pour rencontrer les leaders de chaque groupe
parlementaire et pour discuter du temps qui sera réparti aux groupes.
Nous allons suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 22 h 18)
(Reprise à 22 h 22)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je vais maintenant faire connaître à cette Chambre
l'entente intervenue concernant le débat restreint. Le débat
restreint serait réparti comme suit: une heure pour chaque groupe
parlementaire sans limite de temps par intervention. Si un groupe parlementaire
ne prend pas tout son temps, celui-ci reviendra à l'autre groupe
parlementaire. Je suis prête à reconnaître le premier
intervenant.
M. le député de Laurier, sur la motion de report.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Je devrais remercier
le député de Verchères de m'avoir donné l'occasion
de parler une deuxième fois en présentant cette motion de report,
parce qu'effectivement je n'ai pas dit tout ce que j'avais à dire la
première fois. Je disais dans mon intervention, tout à l'heure,
que je m'attendais que l'Opposition présente une motion de report pour
qu'elle trouve des arguments en vue d'appuyer les raisons pour lesquelles il
semble qu'elle soit contre ce projet de loi. Mon discours a été
suivi d'une envolée que je ne peux qualifier autrement que de
démagogique, portant encore une fois sur toute la question de
l'intégration des communautés culturelles, comme si le projet de
loi était un instrument d'anglicisation, et concluant avec une demande
de reporter l'étude de ce projet de loi à une date
ultérieure.
Il y a un an à peine, on a eu une campagne électorale.
Durant cette campagne électorale, les deux partis ont pris un engagement
à peu près similaire: soit de garantir des services sociaux et de
santé à la minorité anglophone, comme le disaient le Parti
québécois et nous-mêmes, à la communauté
d'expression anglaise. Si, après un an, le Parti québécois
estime que c'est trop tôt pour statuer sur la question par un projet de
loi qui fait essentiellement deux choses: établir un droit, expliciter
clairement que toute personne d'expression anglaise a le droit de recevoir des
services sociaux et de santé en langue anglaise et, deuxièmement,
mettre sur pied un mécanisme afin de livrer ces services... Il n'y a
rien dans le projet de loi - et je le répète - qui donne un
mandat particulier aux établissements anglophones vis-à-vis des
communautés culturelles. Il n'y a rien dans le projet de loi qui dise
aux gens qui sont sur le terrain qu'ils n'ont pas fait un bon travail ou qu'ils
ne font pas d'efforts afin de rendre les services accessibles aux
communautés culturelles ou aux anglophones, etc.
Par contre, si, effectivement, le travail se fait sur le terrain d'une
certaine façon et qu'arrive un projet de loi à l'Assemblée
nationale qui va dans le même sens et appuie ce qui se fait sur le
terrain, j'ai du mal à voir pourquoi les gens sur le terrain le
reçoivent comme un blâme. Normalement, si je me place dans cette
situation, si je veux faire quelque chose vis-à-vis des services
accessibles en anglais, en grec ou en italien et que mon gouvernement vienne
dire que l'organisation des services sociaux et de santé doit tenir
compte des caractéristiques socioculturelles et linguistiques des
clientèles, je me sens soulagé. J'aurais bien aimé, au
temps où j'étais dans le réseau, avoir le même genre
de projet de loi débattu ici en Chambre pour que je puisse m'appuyer,
comme intervenant social, sur une loi qui m'aurait donné un appui par
rapport à ce que je voulais faire dans le réseau. Et,
effectivement, le réseau et les gens qui essaient d'améliorer
l'accessibilité des services sociaux à l'intérieur du
réseau devraient normalement trouver un appui dans ce projet loi. Je ne
peux expliquer l'opposition au projet de loi que pat un aveuglement, une
incapacité qui a d'ailleurs été très bien
illustrée par le député de Verchères, une
incapacité d'aller au-delà des mots, au-delà d'un
conditionnement qui s'est fait au Québec depuis quinze ans.
Je demeure fondamentalement étonné de voir comment les
réponses sont conditionnées. Aussitôt qu'on a parlé
de communautés d'expression anglaise, de communautés culturelles,
de garanties linguistiques, tout d'un coup on a fait des associations qui ne
sont pas dans le projet de loi. Ce qui a amené l'Opposition à
demander un report qui, je pense bien, leur servira beaucoup plus à
trouver des arguments sérieux. Je suggère, que quel que soit le
délai qu'ils demandent, peu importe le nombre de mois demandés
par l'Opposition,
qu'ils ne trouveront pas d'autres arguments.
Il est vrai que le projet de loi va faire que certaines personnes des
communautés culturelles qui comprennent l'anglais et non pasx
le français, pour des raisons de développement, d'immigration il
y a plusieurs années, que ces gens, oui, iront vers des services offerts
en anglais s'il n'y a pas de services dans leur langue. Je répète
qu'il n'y a rien qui met en opposition la garantie des services de santé
et des services sociaux en langue anglaise avec le développement des
services sociaux et de santé en différentes langues. Mais il
n'est que raisonnable de croire que nous ne serons jamais en mesure au
Québec, comme partout ailleurs au monde, de pouvoir garantir tous les
services de santé et de services sociaux dans toutes les langues.
Nous avons quelque chose comme 80 communautés culturelles
installées au Québec. Est-ce que le député de
Verchères voulait nous dire tout à l'heure qu'on devrait, au lieu
de présenter ce projet de loi, garantir des services sociaux et de
santé dans 89 langues? Il y a quand même une réalité
historique qui caractérise le Québec et c'est peut-être ce
qui distingue le Parti libéral du Parti québécois: nous
reconnaissons cette réalité historique qui fait qu'il y a
effectivement deux peuples fondateurs au Canada et au Québec, deux
communautés qui existent côte à côte, depuis fort
longtemps. Et c'est vrai que la communauté anglaise a pu et su
développer ses propres services sociaux et de santé depuis des
années. Le chef de l'Opposition lui-même a fait un lapsus quand il
référait à l'hôpital Queen Mary, je pense, qui
était anciennement un hôpital anglophone et qui est devenu un
hôpital francophone à cause, effectivement, de la façon
dont les services sont organisés, où on ne tient pas compte des
caractéristiques socioculturelles et linguistiques, mais où on
tient compte surtout d'un territoire spécifique.
Nous croyons qu'il est beaucoup plus clair, beaucoup plus limpide et
beaucoup plus raisonnable d'accepter des situations qui sont évidentes
pour qui veut bien les voir. Il y a une réalité socioculturelle
et linguistique qui entre dans l'organisation des soins de santé et des
services sociaux et on doit tenir compte de cet aspect. Tenir compte de cela
nous donne également la possibilité, là où c'est
possible de façon raisonnable, d'offrir et de développer des
services dans d'autres langues que l'anglais. Je le répète, ce
n'est que parce que l'Opposition du Parti québécois veut bien
trouver quelque chose autour de quoi ils peuvent s'acharner qu'ils insistent
pour voir des choses qui ne sont pas dans la loi. (22 h 30)
II n'y a rien dans la loi qui mette en opposition le
développement des services sociaux et de santé dans plusieurs
langues avec la garantie établie dans la loi à l'article 5.1 que
"toute personne d'expression anglaise a le droit de recevoir en langue anglaise
des services de santé et des services sociaux, compte tenu de
l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces
services".
On nous a dit également qu'il y aura probablement des
difficultés juridiques, qu'on demandera de l'argent et que, si on
demande de l'argent, on prendra l'argent des francophones. C'est faux, Mme la
Présidente. La ministre a indiqué que, même si
déjà on s'estime très couvert du côté de
l'investissement des ressources, avec "compte tenu de l'organisation et des
ressources des établissements qui dispensent ces services", il y aura
davantage pour garantir effectivement qu'on parle de l'organisation des
services à l'intérieur de ce qui existe. Il s'agit d'un projet de
loi qui veut assurer que des services soient organisés de la
façon la plus flexible et la plus humaine possible. Il n'y a aucune
raison, outre le désir de l'Opposition de se trouver un cheval de
bataille, qui devrait nous amener à retarder l'adoption de ce projet de
loi.
Je suis convaincu que quiconque - je l'ai déjà dit et je
le répète - veut bien le voir avec un oeil objectif s'apercevra
très rapidement que ce n'est pas un projet de loi mineur, mais ce n'est
certainement pas un projet de loi qui chambarde tout le système. Aucun
réseau parallèle n'est créé, aucune structure
supplémentaire n'est mise sur pied, aucune création de nouveaux
établissements, aucune bilinguisation faite au niveau systémique,
comme l'a dit le chef de l'Opposition, parce que toutes les dispositions de la
loi 101 demeurent en vigueur en ce qui concerne la langue du travail. Oui, il y
aura certains établissements qui dispenseront certains services et
d'autres l'ensemble de leurs services en anglais, mais tous les
établissements sont tenus par la loi de dispenser l'ensemble de leurs
services en français.
En conclusion, je ne peux que rejeter avec les députés
ministériels cette motion de report qui n'est qu'une tactique pour
retarder le débat, qui donnera peut-être quelques heures de plus
à l'Opposition afin de trouver des arguments un peu plus sérieux
que ceux qu'elle a présentés jusqu'à maintenant.
Je vous souligne très respectueusement, Mme la Présidente,
que l'Opposition se trouve un peu mal prise dans ce dossier parce qu'elle avait
à peu près dit la même chose: Nous sommes prêts
à garantir dans nos lois fondamentales... Le chef de l'Opposition l'a
dit tout à l'heure, il aimerait bien qu'il y ait un jour une
constitution du Québec dans laquelle il pourrait mettre la garantie de
services sociaux et de santé en langue anglaise. Nous lui disons que,
s'il est
prêt à mettre cette garantie dans une éventuelle
constitution, pourquoi ne ferait-il pas un pas de bonne volonté, un
geste qui montrerait sa bonne foi en acceptant de l'inscrire tout au moins dans
une loi qui parle spécifiquement de l'organisation des services de
santé et des services sociaux? Est-ce qu'il y a quelque chose de plus
cohérent, quand on veut garantir des services sociaux et de
santé, que de le mettre dans la loi qui parle de l'organisation des
services de santé et des services sociaux? Si ce n'est pas le cas, si,
parce qu'il n'y a pas une constitution dans laquelle le Parti
québécois puisse inscrire ce droit-là, il est contre
l'adoption d'un tel projet de loi, je vous dis que c'est une contradiction qui
ne tient pas debout, autrement que par la démagogie dans laquelle le
Parti québécois sait exceller. Merci, Mme la
Présidente.
Une voix: Très bien:
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laurier.
M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Je désire
prendre la parole à ce moment-ci du débat qui retient l'attention
de l'Assemblée depuis quelques heures pour venir appuyer la motion du
député de Verchères qui vise à reporter au
printemps prochain le débat entourant le projet de loi 142.
On pourrait très bien nous dire que cette motion du
député de Verchères visant à surseoir à
l'adoption du principe du projet de loi 142 n'est pas admissible pour les gens
du parti ministériel parce qu'il y a urgence d'agir maintenant. C'est un
motif qu'on aurait pu nous présenter et que n'a pas mis de l'avant le
député de Laurier dans l'intervention qu'il vient de faire sur
cette motion de report.
Je reconnais là-dessus, là-dessus spécifiquement,
son honnêteté. Il n'a pas dit qu'il y avait urgence que
l'Assemblée nationale du Québec intervienne maintenant, avec le
projet de loi 142 comme instrument, dans le cadre des objectifs visés
par le gouvernement et il avait raison de ne pas invoquer l'urgence d'agir
parce que j'affirme qu'il n'y a aucune urgence d'agir avec le projet de loi
142. Il n'y a personne au Québec, actuellement, qui puisse
prétendre -et qui prétende, d'ailleurs - ne pas recevoir des
services de santé et des services sociaux convenables et satisfaisants,
compte tenu des ressources qui existent.
On ne peut prétendre, comme l'a fait le premier ministre, comme
l'a fait, malheureusement, aussi ta ministre de la Santé et des Services
sociaux, lorsqu'on est franc et sincère, que le projet de loi 142 doit
être adopté maintenant parce qu'avec le projet de loi 142
adopté et sanctionné on pourrait donner des services, enfin, aux
gens de la minorité anglophone ou des communautés culturelles du
Québec.
On ne peut affirmer une telle chose parce que telle n'est pas la
situation. Bien au contraire, au moment où nous parlons, au moment
où nous débattons ce projet de loi, il y a des services qui sont
donnés à l'ensemble des Québécois et des
Québécoises sur l'ensemble du territoire québécois,
que ce soit pour des problèmes nécessitant l'utilisation de
services de santé ou l'utilisation de services sociaux. D'ailleurs, Mme
la Présidente, la Loi sur les services de santé et les services
sociaux elle-même, celle qui existe, reconnaît cette
nécessité de donner des services à l'ensemble des
Québécois et des Québécoises. Je me permettrai de
lire l'article 5 de cette loi qui dit: "Les services de santé et les
services sociaux doivent être accordés sans distinction ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
religion, la langue, l'ascendance nationale, l'origine sociale, les moeurs ou
les convictions politiques de la personne qui les demande ou des membres de sa
famille." On a donc déjà une loi qui fait en sorte que tous les
hommes et toutes les femmes qui vivent au Québec ont droit - et ils les
reçoivent effectivement - à des services de santé et
à des services sociaux qui correspondent à leurs besoins.
L'Association des hôpitaux du Québec, quant à elle,
affirme dans le mémoire qu'elle a transmis à la ministre de la
Santé et des Services sociaux à la page 2, "De plus, tous et non
pas quelques-uns - les centres hospitaliers ont de longue date fourni des
services accessibles aux bénéficiaires d'expression anglaise,
compte tenu de leurs ressources et de leur organisation, conformément
à l'article 5 de la loi sur la santé et les services sociaux, de
même que sans discrimination conformément à l'article 5 de
cette loi." Quand on pense que l'Association des hôpitaux du
Québec est cette grande association panquébécoise qui
regroupe tous les centres hospitaliers du Québec, incluant les centres
hospitaliers anglophones comme le Royal Victoria, le Montreal General, le
Montreal Children's Hospital et l'ensemble des centres hospitaliers anglophones
que nous connaissons. Ce sont, ensemble, tous les membres de l'Association des
hôpitaux du Québec qui viennent affirmer non pas dans un
mémoire qui date de deux ou trois ans, mais dans leur mémoire
personnel à la ministre de la Santé et des Services sociaux sur
le projet de loi 142 qu'ils offrent des services dans tous leurs centres
hospitaliers à l'ensemble des Québécois de la
minorité anglophone ou des minorités culturelles.
Qu'est-ce qu'on retrouve dans les centres de services sociaux? Dans les
centres
de services sociaux, on retrouve non seulement des services en
français et des services en anglais, mais des services dans bon nombre
des langues des différentes communautés culturelles du
Québec et cela, non seulement à Montréal, mais partout sur
le territoire du Québec. (22 h 40)
Prenons un certain nombre d'exemples. D'une part, sur le territoire de
l'île de Montréal, il y a le Centre de services sociaux
Ville-Marie qui donne des services aux citoyens de l'ouest de l'île de
Montréal, mais qui donne essentiellement des services à
l'ensemble des citoyens de la grande région de Montréal qui ont
des besoins en services sociaux en langue anglaise. Il y a le Centre de
services sociaux juifs à la famille, de Montréal qui donne des
services sociaux en langue anglaise et dans la langue des Juifs de l'ouest de
Montréal.
Le Centre de services sociaux de la Gaspésie et des
Iles-de-la-Madeleine, alors qu'on retrouve sur son territoire une population
d'à peu près 15 % d'anglophones, a, au sein de son personnel, 15
% de ses postes qui sont ou unilingues anglais ou bilingues et parfaitement
bilingues. Le Centre de services sociaux Laurentides-Lanaudière a des
services, particulièrement dans la région de Lachute, qui
correspondent à la minorité anglophone qu'on retrouve dans cette
région. Le Centre de services sociaux Richelieu, où on retrouve
à peu près 11 % de citoyens anglophones, a 15 % de ses postes
affichés comme postes bilingues pour son personnel; on y donne, au
moment où on se parle, des services dans la langue anglaise en plus des
services dans la langue française. Le Centre de services sociaux de la
Côte-Nord a à peu près 12 % de ses postes qui sont
affichés bilingues pour donner des services à la minorité
anglophone de la Côte-Nord; on y retrouve même deux postes avec des
personnes qui sont en mesure de donner des services aux Amérindiens
qu'on retrouve sur la Côte-Nord. Le CSSO, Centre de services sociaux de
l'Outaouais, population encore là d'environ 15 % d'anglophones: 30 % du
personnel du Centre de services sociaux de l'Outaouais sont bilingues; on exige
que ces postes soient bilingues pour donner des services à la
minorité anglophone de cette région.
Et c'est le cas de l'ensemble des centres de services sociaux sur
l'ensemble du territoire du Québec. On sait que le Centre de services
sociaux du Montréal métropolitain, le centre des services
sociaux, donc, de l'est de l'île de Montréal, non seulement donne
des services aux Québécois de langue française qui
habitent l'est de l'île de Montréal, mais que bon nombre de ses
employés, de ses travailleurs sociaux, de ses organisateurs
communautaires parlent anglais, un certain nombre l'italien, un certain nombre
le portugais, le grec, pour être en mesure de donner des services
à la population des différentes communautés culturelles et
des différentes communautés ethniques de l'est de
Montréal.
Dans les CLSC, dans les centres locaux de services communautaires, on
donne non seulement des services en français, non seulement des services
en anglais, mais des services dans bon nombre de langues des communautés
culturelles de l'île de Montréal. Je prendrai à ce titre un
premier exemple qui est le CLSC de ma circonscription électorale, le
Centre local de services communautaires la Petite Patrie qui, faut-il le
rappeler, est un CLSC qui couvre une population francophone à 80 %, 9 %
de minorité italienne et 2 % d'autres langues. Qu'est-ce qu'on retrouve
dans ce CLSC qui couvre un territoire à 80 % francophone? On retrouve du
personnel qui parle français évidemment, mais du personnel qui
parle anglais, du personnel qui parle italien, du personnel qui parle espagnol,
qui est en mesure de donner des services à l'ensemble des
minorités. Et je ne parle pas de deux secrétaires qui travaillent
pour un cadre. Je parle de personnel qui donne des services directement aux
bénéficiaires du Centre local de services communautaires la
Petite Patrie. Prenons, par exemple, le service de maintien à domicile
du CLSC la Petite Patrie. Il y a un médecin qui parle anglais et neuf
infirmières qui peuvent s'exprimer en anglais; sur les 29 auxiliaires
familiales, six s'expriment en anglais, cinq en italien et trois dans une autre
langue. Chez les travailleurs sociaux, un s'exprime en anglais, un en italien
et il y a deux travailleurs communautaires qui peuvent s'exprimer dans la
langue anglaise. On a des organisateurs communautaires qui peuvent s'exprimer
en italien, qui peuvent s'exprimer en espagnol. C'est dans un CLSC de l'est de
Montréal dont 80 % des bénéficiaires sont des
francophones.
Prenons d'autres CLSC. Le CLSC Parc Extension a des programmes pour
l'ensemble des minorités qu'on retrouve sur son territoire. Au CLSC
Saint-Louis du Parc, on retrouve 30 % du personnel qui est composé de
Néo-Québécois et 40 % si on regroupe l'ensemble du
personnel qui est affecté à des services à la
clientèle, donc aux bénéficiaires. On a même un
système d'accueil au CLSC Saint-Louis du Parc, qui permet d'accueillir
les bénéficiaires dans cinq langues différentes. Le Centre
local de services communautaires de Rivière-des-Prairies reflète
la composition culturelle de son territoire. Le Centre local de services
communautaires d'Outremont, à cause de l'importance de la
communauté juive qu'on retrouve sur son territoire, a adapté des
programmes en fonction de la communauté juive qu'on y retrouve. Le
Centre local de
services communautaires du centre-ville de Montréal où
deux personnes de la communauté chinoise siègent au conseil
d'administration et travaillent à adapter les programmes pour ces
différents bénéficiaires.
Le Centre local de services communautaires Côte-des-Neiges
où on retrouve une infirmière juive orthodoxe, où on
retrouve des gens qui donnent des cours en vietnamien, en espagnol, en
portugais, qui donnent des soirées d'information à l'intention
des gens qui se sont réfugiés au Québec, où on
retrouve des intervenants auprès des familles, qui parlent plusieurs
langues. Pensons au CLSC du centre-sud et Notre-Dame-de-Grâce,
Montréal-Ouest, qui est un pré-CLSC où là aussi on
retrouve un personnel qui reflète parfaitement les diversités
linguistiques et les diversités culturelles qu'on retrouve sur son
territoire. Le Centre local de services communautaires de Côte-Saint-Luc,
qui donne des services dans plus de douze langues. Celui de
Montréal-Nord, où on retrouve une concentration importante de
membres de la communauté haïtienne et italienne, qui reflète
cette communauté dans son conseil d'administration et dans son personnel
et, donc, dans l'ensemble des programmes qu'il dispense.
Pensons au CLSC Saint-Léonard, c'est un CLSC qui donne des cours
prénatals aux femmes haïtiennes, qui a mis sur pied des groupes
d'intervention aux familles italiennes qui gardent leurs parents, qui a mis en
place un système de dépliants et de chroniques en italien et en
portugais et qui, là aussi, a un personnel qui reflète
parfaitement la composition culturelle de son territoire. Pensons, Mme la
Présidente, à ce gigantesque travail qui a été
réalisé par le Conseil régional de la santé et des
services sociaux, qui a préparé un répertoire, non pas il
y a quatre ans, mais au mois d'octobre dernier. Il a rempli et
complété un répertoire de l'ensemble des services sociaux
et des services de santé de première ligne disponibles dans
l'ensemble des CLSC de l'île de Montréal par territoire et par
langue.
Savez-vous qu'on retrouve tous ces services dans tous ces CLSC, qui sont
offerts en langue anglaise sur l'île de Montréal? Savez-vous qu'on
retrouve des services dans environ une trentaine de langues, de
communautés culturelles différentes les unes des autres, qu'on
retrouve sur l'île de Montréal, que ce soient des
communautés africaines, allemandes, arabes, arméniennes,
autochtones, belges, bulgares, cambodgiennes, chinoises, grecques,
haïtiennes, hispanophones, hollandaises, hongroises, indiennes,
italiennes, jamaïcaines, japonaises, juives parlant yiddish ou
hébreux, polonaises, portugaises, roumaines, russes, tchèques,
turques, ukrainiennes, vietnamiennes, yougoslaves. Ce ne sont pas des
promesses.
Ce n'est pas un discours politique. C'est une réalité. Il
y a des services qu'on retrouve dans toutes ces langues, dans toutes ces
communautés dans différents CLSC de l'île de
Montréal.
Ce n'est pas nous qui avons préparé cela par notre service
de recherche. C'est le Conseil régional de la santé et des
services sociaux du Montréal métropolitain qui nous a fourni ces
renseignements, à nous comme à l'ensemble des Montréalais
et des Montréalaises, pas plus tard qu'au mois d'octobre dernier.
L'Office de la langue française reconnaît déjà une
imposante liste d'établissements de santé et de services sociaux
qui sont reconnus, en vertu de la loi 101, pour avoir comme langue de
communication interne l'anglais et on sait très bien ce que cela veut
dire dans les faits. Cela veut dire qu'ils offrent, qu'ils fournissent des
services de santé et des services sociaux dans la langue anglaise aux
gens de la communauté anglophone et qu'ils fournissent aussi des
services à des minorités culturelles du Québec.
On en a une longue liste. Pensons au centre hospitalier St. Mary, au
centre hospitalier juif de l'Espérance, à l'Hôpital chinois
de Montréal, à l'Hôpital de Montréal pour enfants,
qu'on appelle le Montreal Children's, à l'Hôpital des
convalescents de Montréal, à l'hôpital Douglas, à
l'Hôpital Général de Lachine, à l'Hôpital
Général de Montréal, à l'Hôpital
Général Lakeshore, à l'hôpital général
juif-Sir Mortimer B Davis, à l'hôpital Grace Dart, au
Mont-Sinaï, au Reddy Memorial, au Reine-Élizabeth, au Royal
Victoria, au Santa Cabrini, au Shriners, à des CLSC, des services
sociaux, des centres d'accueil d'hébergement pour personnes
âgées, des centres d'accueil de réadaptation, cela existe.
Cela existe. (22 h 50)
Le député de Laurier lui-même, dans une entrevue
qu'il accordait récemment au Journal de Montréal nous disait: Le
projet de loi 142, c'est pour légiférer le statu quo, pour faire
en sorte que la loi corresponde à ce qui existe. Je vois le
député de Laurier qui hoche la tête, Mme la
Présidente. Je le cite au texte: "Pour nous, le projet de loi 142 ne
vient qu'officialiser le statu quo." Citation au texte d'une entrevue qu'il a
accordée à Michelle Coudi-Lord, du Journal de Montréal, le
18 novembre 1986. Cela ne fait pas deux ans. Cela fait quelques semaines
à peine.
Qu'on ne vienne pas tenter de nous dire qu'il y a urgence à
procéder; qu'on ne vienne pas nous présenter le projet de loi 142
comme un projet de loi humanitaire qui nécessite un vote à la
vapeur, de toute urgence, en pleine nuit des membres de l'Assemblée
nationale parce qu'il y a des hommes et des femmes qui, au Québec,
attendent après l'adoption du projet de loi
142 pour obtenir un service de santé ou pour obtenir un service
social. Non, il y a actuellement des services de santé et des services
sociaux qui sont dispensés aux membres de la communauté
anglophone et aux membres des communautés culturelles du Québec,
des services qui ont été donnés et qui ont pris de
l'ampleur sous un gouvernement du Parti québécois et qui ont
été rendus possibles grâce aux efforts des hommes et des
femmes qui travaillent dans le réseau de la santé et des services
sociaux. Ces hommes et ces femmes ont fait un travail colossal pour arriver,
à partir d'aménagements administratifs, à partir d'une
organisation intelligente du réseau de la santé et des services
sociaux, à donner des services aux gens de la communauté
anglophone et aux gens des communautés culturelles du Québec.
Cela illustre jusqu'à quel point il n'y a pas d'urgence à
procéder à l'adoption à la vapeur, en pleine nuit, en
catastrophe du projet de loi 142.
On aurait pu aussi nous dire: Bien, écoutez, c'est une promesse
électorale qui a fait l'objet d'un large consensus. On a discuté
largement avec l'ensemble des intervenants du réseau pour en arriver
à ce projet de loi et ce projet de loi est l'aboutissement d'un long
processus de consultation, de concertation et d'association de l'ensemble des
groupes qui interviennent chaque jour dans le réseau de la santé
et des services sociaux au Québec. Mais tel n'est pas le cas.
On s'est limité en campagne électorale à faire une
promesse électorale rapide qu'on a très peu mise de l'avant du
côté francophone, mais dont on traitait dans les assemblées
auprès de la minorité anglophone du Québec. Depuis ce
temps, rien. Depuis ce temps, il ne s'est rien passé. Jamais la ministre
de la Santé et des Services sociaux n'a associé à ceci,
par exemple, les associations qui s'intéressent à ces questions,
les associations qui regroupent les hommes et les femmes qui donnent ces
services de santé et ces services sociaux aux minorités, qui le
font à partir de cette ouverture qui a toujours
caractérisé les Québécois et les
Québécoises en général, cette ouverture d'esprit
qui fait qu'aujourd'hui nous sommes le peuple qui traite le mieux sa
minorité partout dans le monde occidental parce que nous sommes un
peuple généreux, un peuple qui ne marchande pas les services aux
minorités, un peuple qui ne négocie pas les services aux
minorités, un peuple qui a toujours reconnu que c'était
nécessaire, que c'était essentiel et qui n'avait pas besoin d'une
loi, qui n'avait pas besoin d'attendre une loi pour commencer à donner
des services aux membres de la communauté anglophone du Québec ou
aux membres des différentes communautés culturelles du
Québec; parce que les Québécois forment un peuple, parce
que les Québécois sont des gens généreux, des gens
ouverts, des gens qui veulent vivre avec les membres de la communauté
anglophone du Québec et les membres des communautés culturelles
du Québec et non pas contre eux comme on le fait dans les autres
provinces canadiennes à l'endroit des minorités francophones
qu'on retrouve dans ces provinces. Ce n'est pas l'apanage des
Québécois d'avoir une telle attitude, au contraire.
On n'a jamais eu besoin d'une loi pour le faire. On l'a fait à
partir d'une volonté collective de respecter les hommes et les femmes
qui sont dans la minorité anglophone ou dans les minorités
culturelles du Québec, tout autant qu'on respecte les gens qui sont au
Québec membres de la majorité francophone. Pour cela, on n'a pas
eu besoin d'un projet de loi, encore moins d'un projet de loi apporté en
catastrophe, à la dernière minute, à l'Assemblée
nationale.
Ce projet de loi est tellement en catastrophe que nul autre que le
premier ministre disait quelques jours après son dépôt - et
je cite la transcription préliminaire du Journal des débats, le
27 novembre 1986, 14 h 26, à la page R-5303; c'est le premier ministre
du Québec, le chef du gouvernement, qui parle du projet de loi 142
déposé quelques jours plus tôt - "J'ai dit tantôt -
et je le cite au texte - au chef de l'Opposition que nous étions
prêts, nous en avons déjà discuté, à examiner
certaines modifications pour éviter dans un cas - il parle de la loi 140
- que les sanctions aient moins de portée et que, dans l'autre cas, le
projet de loi - et là on parle du projet de loi 142 -puisse être
une passoire."
Donc, le premier ministre reconnaissait, dans les jours qui ont suivi le
dépôt du projet de loi 142, qu'il s'agissait dans les faits non
pas d'un projet humanitaire, non pas d'un projet qui avait pour objectif de
donner des services de santé et des services sociaux à la
minorité anglophone et aux minorités culturelles du
Québec, mais bien d'un projet de loi qui, dans le texte connu au moment
de son dépôt, était une passoire au plan linguistique. Le
premier ministre nous disait: Je vais apporter des amendements pour que ce
projet de loi ne soit pas une passoire. Où sont-ils, ces
amendements9 Où sont-ils, les amendements qui vont permettre
que le projet de loi 142 ne soit pas une passoire au plan linguistique, ne soit
pas un panier percé, mais serve bien à dispenser des services de
santé et des services sociaux aux membres des différentes
minorités du Québec? Où sont-ils, ces amendements?
Ce matin, la ministre des Affaires culturelles a déposé
ici une douzaine d'amendements au projet de loi 140. Qu'a fait la ministre de
la Santé et des Services sociaux par rapport au projet de loi 142,
qualifié par le premier ministre lui-même d'être une
passoire au plan linguistique, un panier percé au plan linguistique?
Où sont-ils, ces amendements? Ce ne sont même pas des amendements.
La ministre a évoqué quelques réflexions qui n'apportent
absolument rien de neuf quant à cette préoccupation de faire en
sorte que le projet de loi 142 ne soit pas une passoire au plan
linguistique.
Non seulement le projet de loi a été apporté en
catastrophe, non seulement le projet de loi ne présente d'aucune
façon une urgence, une nécessité d'être
adopté maintenant pour donner des services, parce qu'ils existent ces
services et ils existent depuis longtemps et ils continueront d'exister en ce
qui nous concerne, mais ce projet de loi ne répond même pas,
à partir du discours que nous a fait la ministre, aux attentes du
premier ministre lui-même qui nous disait: Oui, il faudrait apporter des
amendements importants pour éviter que ce projet de loi ne soit une
passoire.
Du côté du monde de la santé et des services
sociaux, que nous disent ces associations des services de santé et des
services sociaux? L'Association des hôpitaux du Québec a fait
parvenir un mémoire à la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Que dit-elle sur le projet de loi, sur le fond? L'Association
des hôpitaux du Québec dit: "Cependant, l'Association des
hôpitaux du Québec est d'avis que le choix des moyens
proposés par les dispositions du projet de loi 142, aux articles 1, 2, 3
et 9, demeure discutable. Elle poursuit: "Nous soutenons que l'insertion de
l'article 5.1 dans la loi sur la santé et les services sociaux porte
atteinte à l'économie générale de la loi et
n'ajoute rien de plus à ce que consacre l'effet combiné des
articles 4 et 5 de la loi. D'ailleurs, une telle insertion risque de saper la
portée parapluie de la Charte de la langue française et vient
mitiger la portée particulière de son application aux
établissements de santé et de services sociaux." Ils poursuivent
un peu plus loin, toujours les gens de l'Association des hôpitaux du
Québec: "La Loi sur les services de santé et des services sociaux
n'a pas pour objet de supporter la déclaration des droits fondamentaux
généraux, surtout si on les retrouve déjà
suffisamment énoncés et protégés dans d'autres
lois, comme c'est le cas de l'accès à des services dans une autre
langue que la langue française, par l'application de la Charte de la
langue française. Il s'agirait là d'une insertion qui devient
inédite dans l'économie du droit québécois et qui
risque de placer les centres hospitaliers dans une position délicate."
L'Association des hôpitaux du Québec de conclure: "Pour toutes ces
considérations, l'Association des hôpitaux du Québec se
considère justifiée de demander le retrait des articles 2, 3 et 9
du projet de loi 142." (23 heures)
Trois autres associations, après avoir passé plus de deux
heures dans le bureau de la ministre, deux heures au cours desquelles la
ministre a tenté de les convaincre d'appuyer son projet de loi, non
seulement se sont prononcées sur le contenu du texte du projet de loi
142, mais sur le contenu des explications et de la défense qu'en faisait
devant elles la ministre de la Santé et des Services sociaux. Quelle a
été leur conclusion? Cela a été: Suspendez, il faut
surseoir à l'adoption de ce projet de loi, il faut interrompre
l'étude du projet de loi. Que demandent-elles? Qu'elles puissent en
discuter dans un autre cadre que celui d'un projet de loi, dans le cadre qui
leur a permis jusqu'à ce jour de donner des services de santé et
des services sociaux à la minorité anglophone et aux
différentes communautés culturelles du Québec.
Donc, la conclusion, quelle est-elle? Aucune association du
réseau de la santé et des services sociaux n'est venue appuyer,
même du bout des lèvres, le contenu du projet de loi de la
ministre. La ministre se retrouve seule avec son caucus et son Conseil des
ministres pour défendre son projet de loi. Personne du monde de la
santé et des services sociaux qui donne déjà ces services
à la population ne vient appuyer ce projet de loi. Au contraire, ces
gens-là disent à la ministre: Mme la ministre, nous trouvons
odieux que, par votre projet de loi, vous veniez porter un jugement
d'incompétence et d'insatisfaction sur le travail que nous avons
réalisé au cours des dernières années en
matière de dispensation de services de santé et de services
sociaux aux minorités du Québec. Comment la ministre, demain,
pourra-t-elle demander à ces différentes associations, à
ces hommes et à ces femmes, de venir l'appuyer dans sa volonté,
de venir collaborer, d'avoir une contribution positive quant aux objectifs
qu'elle recherche alors qu'elle leur dit: Vous ne connaissez rien
là-dedans, vous n'avez rien fait de bien par rapport à cela et je
vous considère tellement peu que je ne vous associe même pas
à l'élaboration de mon projet de loi?
Non, Mme la Présidente, ce projet de loi doit retourner sur les
tables de travail. Ce projet de loi ne constitue d'aucune façon une
urgence. La seule urgence qui entoure le projet de loi 142 est une urgence
urgente pour la ministre de la Santé et des Services sociaux de
retourner faire ses devoirs et, cette fois, de faire ses devoirs avec
l'ensemble des hommes et des femmes qui travaillent chaque jour dans le
réseau de la santé et des services sociaux pour qu'elle vienne
s'amender du geste odieux qu'elle a porté à leur endroit,
s'excuser auprès d'eux et, maintenant, les associer dans une
démarche positive, constructive, dynamique qui leur permettra
d'être encouragés, d'être motivés à faire plus
comme ils sont prêts à le faire. Ils sont prêts, d'ailleurs,
s'il reste un certain nombre de problèmes, à corriger ces
problèmes avec la même volonté et la même
détermination qui les a animés jusqu'aujourd'hui, eu égard
à ces services aux minorités. Mais ils veulent le faire de la
même façon qu'ils ont réussi admirablement bien
jusqu'aujourd'hui, à partir d'une organisation intelligente du
réseau, à partir d'aménagements administratifs. C'est ce
qu'ils demandent à la ministre de la Santé et des Services
sociaux.
Je crois que la motion de mon collègue, le député
de Verchères, qui vise à reporter de six mois l'étude de
ce projet de loi permettra à la ministre de s'amender et de passer
à cette urgence qui est celle de refaire ses devoirs et, cette fois, non
pas les faire à la sauvette, en cachette et dans l'improvisation, mais
les faire avec l'ensemble de ses collaborateurs, avec l'ensemble de ces hommes
et de ces femmes dont elle a un besoin absolument essentiel pour lui permettre
de poursuivre dans cette voie qui vise à améliorer la
qualité des services de santé et des services sociaux pour
l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Gouin. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, il est évident
que nous allons voter contre la motion de report présentée par
l'Opposition. Cela me fait un peu sourire quand j'écoute les
leçons que nous servent tant le critique de l'Opposition en
matière de santé et de services sociaux que d'autres de ses
collègues, quand ils nous disent que nous présentons ce projet de
loi à la sauvette et que nous allons les forcer à discuter des
neuf articles que contient ce projet de loi dans des circonstances absolument
inadmissibles.
Puis-je rappeler au critique officiel de l'Opposition en matière
de santé et de services sociaux, le député de Gouin, de
même qu'à son chef en particulier, qui était en 1981,
ministre des Affaires sociales que dans une période tout aussi courte,
on nous forçait à siéger même en commission
parlementaire alors que le règlement prévoit que nous ne pouvons
y siéger jusqu'à minuit, nous avons siégé pendant
quinze jours sur la loi 27 jusqu'à 3 heures du matin, une loi qui
contenait au-delà de 200 articles. Il a fallu l'avaler en quinze
jours.
Des voix: Exactement! C'est vrai! Je me le rappelle.
La Vice-Présidente: À l'ordre! À l'ordre,
s'il vous plaît! Je demanderais la collaboration de cette Chambre; le
droit de parole est maintenant à Mme la ministre et j'aimerais bien
qu'on respecte son droit de parole. Mme la ministre, vous pouvez y aller.
Mme Lavoie-Roux: Et pourtant, il ne s'agissait pas d'un projet de
loi bénin, c'était un projet de loi qui venait apporter des
modifications importantes à la loi 27, tellement importantes que pendant
les quatre ou cinq années qui ont suivi, le gouvernement d'alors n'a
même pas pu mettre en pratique ou édicter les règlements
qui devaient suivre la sanction de ce projet de loi même cinq ans
après. C'est vous dire, Mme la Présidente, qu'il ne s'agissait
pas d'un problème très simple. Nous sommes encore à
travailler sur la réglementation de ce fameux projet de loi et il y en a
une partie qui n'a pas encore fait l'objet de la réglementation.
Je m'étonne. J'entendais le député de
Verchères le mentionner et le député de Gouin est revenu
avec une foule d'exemples nous citant tous les organismes ou les
établissements qui offrent déjà, dans différentes
langues, aux communautés culturelles des services de santé et des
services sociaux. Je m'en réjouis, je l'ai d'ailleurs souligné
tout à l'heure, j'ai indiqué les efforts qui avaient
été faits. Si tous ces services existent, quoiqu'ils aient admis
qu'il y avait encore des problèmes - il faut bien que je le
concède - je me demande quelle est la difficulté viscérale
à ce que ce droit soit inscrit dans une loi, puisque cela ne
présente aucun problème. Tous les services existent, à
vous entendre parler, il n'y a que quelques problèmes ici et là.
Je m'explique mal que maintenant on fasse une telle opposition à
inscrire, à consacrer dans un projet de loi l'exercice d'un droit.
Vous savez, Mme la Présidente, quand cette Chambre a
adopté - je n'y étais pas à ce moment-là, mais nous
avons accepté par la suite - d'autres amendements à la Charte des
droits et libertés de la personne, quand on a présenté et
fait adopter par cette Assemblée nationale la Charte des droits et
libertés de la personne, ce n'était pas parce que les droits
n'étaient pas respectés ou que les droits n'existaient pas; au
contraire, on a voulu consacrer dans une loi l'exercice de droits qui
existaient dans les faits.
Il faut voir ailleurs, il faut voir d'autres motifs, une autre
motivation à cette opposition d'inscrire dans la Loi sur les services de
santé et les services sociaux ce droit pour les anglophones à
recevoir des services dans la langue anglaise. Il faut bien concevoir que la
loi 65 - je l'ai expliqué longuement après le souper, en fait,
à 20 heures - contient de nombreux autres droits
et que celui-ci vient - si tout cela existe aussi parfaitement que
l'Opposition le dit -inscrire ou consacrer un droit pour la communauté
anglophone.
On a entendu tout à l'heure le député de Gouin nous
citer l'Association des hôpitaux du Québec qui a fait une
déclaration il y a une dizaine de jours, ou peut-être quinze jours
maintenant. Je voudrais vous citer une autre lettre de l'Association des
hôpitaux du Québec qui est arrivée à mon bureau le 4
décembre, c'est tout récent: "Mme la ministre, je voudrais par la
présente préciser les vues de l'Association des hôpitaux du
Québec à l'égard du projet de loi 142 quant à ses
dispositions portant sur la question linguistique. Ce projet de loi, que vous
avez présenté à l'Assemblée nationale tout
récemment, est actuellement objet d'études par les
députés. "Cette précision me semble d'autant plus
importante que Le Devoir, dans son édition du 3 décembre dernier,
à l'occasion d'un titre sensasionnaliste, a détourné les
intentions des représentations que nous venions de faire au nom des
hôpitaux du Québec sur ce projet de loi. (23 h 10) "Nous tenons
à vous dire que nous partageons les objectifs clairement exprimés
par votre gouvernement."
Il s'agit de l'Association des hôpitaux du Québec, Mme la
Présidente, à savoir de mieux adapter les services sociaux aux
besoins des populations, en considérant aussi leurs besoins
linguistiques. C'est notamment le cas de l'importante minorité
anglophone du Québec où qu'elle soit, dans la mesure,
évidemment, des possibilités de nos organisations
hospitalières. Ceci est prévu dans le projet de loi tel qu'il est
présenté à cette Assemblée. "Non seulement
avons-nous affaire à une question de droit social, mais encore
traitons-nous en cette occasion d'un sujet dont plusieurs volets touchent la
dimension humaine des soins et le respect de la personne malade." C'est
l'Association des hôpitaux du Québec qui s'exprime ainsi, Mme la
Présidente. "C'est là une position que nous avons soutenue depuis
longtemps et que nous avons véhiculée tant au gouvernement actuel
qu'au gouvernement précédent. C'est ainsi que nous avons
appuyé fortement le mémoire présenté par 29
établissements anglophones en septembre 1983 à la commission
parlementaire des communautés culturelles et de l'immigration. Il est
à souligner que les représentations supportées par notre
association à cette époque portaient sur la question de fond,
soulevée maintenant par le projet de loi 142 et sur d'autres aspects
linguistiques toujours d'actualité et pertinents!"
On fait croire à la population qu'on n'a jamais entendu parler du
problème avant aujourd'hui, non pas dans le projet de loi qui est devant
nous, je vous le concède, mais c'est une discussion qui a cours au
Québec depuis maintenant de très nombreuses années. Je
vous dirais même qu'il en fut question pendant de longues heures lors du
débat sur la loi 101. Il a été repris au moment de la loi
57, qui venait amender la loi 101. "Tel que nous le précisons dans le
mémoire que nous venons de vous transmettre, une partie des membres de
l'association identifiée à la communauté anglophone a
contribué au développement du système de santé
actuel. Il nous semble important de protéger et de maintenir en
conséquence l'apport de cette communauté à notre
patrimoine québécois."
Je vais lire la lettre jusqu'à la fin: "Ce qui fait l'objet de
nos préoccupations, c'est que le projet de loi 142 nous semble
créer un certain nombre d'imbroglios juridiques et que le choix des
moyens proposés par certaines de ces dispositions nous semble
discutable. Cependant, nous tenons à réaffirmer que l'association
ne remet nullement en cause les objectifs poursuivis par le gouvernement dans
ce projet de loi. Recevez, Mme la ministre, l'assurance de mes bons
sentiments."
La Vice-Présidente: M. le député de
Gouin.
M. Rochefort: Oui, Mme la Présidente, en vertu de
l'article 214, est-ce que la ministre pourrait déposer le document dont
elle vient de citer une partie?
Mme Lavoie-Roux: Cela me fait plaisir. On va en faire une copie
étant donné que...
M. Rochefort: Sûrement qu'on va vous laisser votre
original, madame, pour vos archives et vos mémoires
éventuellement.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est môme pas un original; c'est
déjà une copie. C'est un communiqué de presse qui a
été rendu public d'ailleurs.
La Vice-Présidente: Document déposé. Vous
pouvez poursuivre, Mme la ministre.
Mme Lavoie-Roux: Mme la Présidente, en ce qui a trait aux
trois associations auxquelles on se réfère souvent, l'Association
des centres d'accueil, les CLSC et l'Association des CSS, c'est assez
étonnant que ce soit le député de Gouin qui ait appris
à cette Chambre qu'ils avaient passé deux heures avec moi. Il
semble qu'il est peut-être en communication plus directe avec certains
des membres de ces groupes que
peut-être je ne le suis moi-même. De toute façon, il
est bien renseigné.
Une chose est certaine, j'ai rencontré ces groupes à leur
demande. Nous avons été ensemble. C'est le député
qui m'a appris que c'étaient deux heures, parce que je n'avais vraiment
pas calculé sur ma montre le temps que nous avions passé
ensemble... Quand nous nous sommes quittés, et, Mme la
Présidente, je le dis ici en toute franchise, ces personnes nous ont dit
qu'elles étaient d'accord, comme d'ailleurs elles l'indiquent dans leur
télégramme, sur le principe, et je l'ai cité tout à
l'heure au texte, sur les objectifs qui sont à l'origine du projet de
loi 142, mais qu'elles avaient eu une perception erronnée du projet de
loi. Nous nous sommes quittées sans qu'aucune représentation ne
soit faite après ces deux heures d'entretien, à savoir que nous
devions surseoir ou que nous devions retirer le projet de loi, ce que,
d'ailleurs, elles n'ont pas dit. Elles ont demandé de surseoir au projet
de loi. Ce n'est que 48 heures plus tard que trois des quatre organismes qui
sont venus me rencontrer ont tout à coup fait cette déclaration,
qui, encore une fois, ne met pas en question l'objectif ou le principe du
projet de loi, mais demande de surseoir au projet de loi.
Je crois que nous aurons amplement le temps, durant les jours ou les
semaines qui vont suivre, de faire le tour de ce projet de loi d'une
façon détaillée, avec responsabilité. J'ai
signalé tout à l'heure aux députés de l'Opposition
que, s'ils avaient des amendements significatifs à apporter et que leur
bien-fondé m'apparaissait tout à fait juste, nous serions ouverts
à examiner leurs amendements.
Je voudrais, en terminant, dire, M. le Président, que,
déjà, au discours inaugural, nous en avons parlé, que
c'était notre intention de présenter ce projet de loi. Le
député de Gouin se rappellera que, lors de l'étude des
crédits, quand il m'a demandé quelles étaient mes
intentions, je crois - il me faudrait quand même vérifier - j'en
ai parlé à ce moment. À plusieurs reprises, j'en ai
parlé publiquement, j'ai dit que c'était l'intention de mon
ministère de présenter un tel projet de loi. Alors, je pense
qu'on ne peut pas parler d'un projet de loi qui arrive par surprise et qui
prend tout le monde par surprise.
Encore une fois, M. le Président, je ne peux m'empêcher de
m'interroger sur la motivation profonde de l'Opposition pour s'opposer d'une
façon aussi vive à l'adoption d'un principe qui, selon elle - et
selon moi aussi - vient confirmer l'exercice d'un droit qui, heureusement,
existe largement, mais qui viendra quand même le consacrer et le mettre
à l'abri de l'arbitraire de qui voudrait ne pas respecter ce droit que
l'on reconnaît, je pense, de part et d'autre.
J'ai entendu tout à l'heure le chef de l'Opposition parler des
droits historiques de la communauté anglophone et dire qu'ils
étaient très particuliers et que les communautés
culturelles d'autres origines ethniques ne pouvaient s'y référer
à cause de l'histoire. J'ai cru sentir de la part du chef de
l'Opposition que, sur le fond même, il était d'accord pour que la
communauté anglophone puisse obtenir ce droit dans la loi quant à
l'usage de l'anglais dans la livraison des services de santé et de
services sociaux.
M. le Président, encore une fois, l'Opposition nous tient un
double langage et je voudrais savoir comment il se fait que le chef de
l'Opposition, qui s'est engagé à même inscrire dans une loi
constitutionnelle ce qu'il considère un droit fondamental pour la
communauté anglophone de recevoir des services en langue anglaise dans
le domaine de la santé et des services sociaux veuille aujourd'hui
s'opposer à ce que l'Assemblée nationale adopte, par une loi
statutaire, ce principe du droit à l'usage de l'anglais pour la
communauté anglophone dans la réception des services de
santé et des services sociaux.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Je suis
heureux de m'associer à la motion de report présentée par
le député de Verchères et je crois que la ministre de la
Santé et des Services sociaux vient d'oublier de quoi elle parlait.
Je n'ai pas entendu de sa bouche, durant les quinze à vingt
minutes pendant lesquelles elle a parlé, un seul argument qui militait
en faveur de l'étude immédiate du projet de loi 142. C'est quand
même extraordinaire, M. le Président, que la ministre de la
Santé et des Services sociaux et le député de Laurier
avant elle soient incapables de présenter à cette Chambre un
argumentaire, le plus mince soit-il, pour convaincre cette Chambre d'agir
immédiatement sur le projet de loi 142. Je trouve cela absolument
incroyable. Alors que le Québec lui-même est en état
d'instabilité linguistique, alors que tous les intervenants du milieu
des affaires sociales, les collaborateurs de la ministre, les institutions avec
lesquelles la ministre doit travailler sont contre le projet de loi, lui
demandent ou d'y surseoir ou de le retirer complètement, la ministre de
la Santé et des Services sociaux intervenant sur cette motion ne trouve
même pas un seul argument juste susceptible de convaincre les membres
indécis de cette Chambre. Et j'en reconnais dans cette Chambre qui sont
indécis et qui écoutent avant d'enregistrer un vote. Je trouve
cela remarquable.
Je ferai remarquer également à la ministre de la
Santé et des Services sociaux que son interprétation de la
position prise par les associations des réseaux d'établissements
et d'institutions fait l'objet, de sa part, d'une interprétation pour le
moins élastique. D'abord la première chose, c'est que ces
groupes, la fédération des CLSC, l'Association des centres de
services sociaux du Québec, l'Association des centres d'accueil du
Québec et l'ACHAP également, ont envoyé un
télégramme à la ministre le 28 novembre lui demandant
d'être entendus d'urgence. Quelques jours plus tard, le 4
décembre, ils envoyaient un télégramme à la
ministre, et je pense que cela vaut la peine, M. le Président, de lire
le dernier attendu de ce télégramme ainsi que la conclusion.
Le télégramme, signé encore une fois par M. Roger
Pednaud, président de l'ACAQ, M. Miville Lapointe, vice-président
de l'Association des centres de services sociaux du Québec, M. Paul
Leguerrier, président de la fédération des CLSC du
Québec, dit ceci et ce n'est pas d'un député de
l'Opposition. "Attendu que des ajustements sont possibles à
l'intérieur du cadre actuel sans qu'il soit nécessaire d'adopter
une législation spécifique aux conséquences
imprévisibles pour ce faire, attendu que les établissements du
réseau de la santé et des services sociaux ne peuvent
s'empêcher de voir dans la présentation de ce projet de loi une
appréciation négative de leur action au niveau de
l'accessibilité des services et de leur capacité de les
améliorer, interprétation négative par la ministre qui est
la titulaire du portefeuille de la santé qui doit tous les jours
travailler avec des intervenants qui donnent les services en fin de compte, qui
doit coordonner l'ensemble des politiques sur le territoire du Québec en
matière de santé et de services sociaux, qui se plaignent de
l'appréciation négative que fait la ministre de leur
travail."
Et le télégramme concluait, je cite: "Pour ces
différents motifs, Mme la ministre, nous demandons au gouvernement du
Québec - j'ajouterais s'il y en a un - de surseoir à l'adoption
du projet de loi 142 et d'explorer avec nous des avenues de solution plus
adéquates pour garantir aux bénéficiaires de la
communauté anglophone et aux bénéficiaires des autres
communautés culturelles l'accès aux services de santé et
aux services sociaux de qualité auxquels ils ont droit." (23 h 20)
Or, voilà la demande que font à l'unanimité les
intervenants du réseau, comme on dit en jargon. Les intervenants, ce
sont quand même eux qui assument la direction sur le terrain des
établissements où toute la population, quelle que soit son
origine, se rend pour recevoir les traitements auxquels elle a droit. Mais la
ministre met cela de côté. Elle nous lit une partie de la lettre
de l'Association des hôpitaux du
Québec, de l'AHQ. J'aimerais bien en avoir la version
complète et intégrale.
Maintenant, une autre chose est fascinante dans le discours de la
ministre. Elle nous a dit tantôt: vous savez, la loi 27, le ministre des
Affaires sociales, l'actuel chef de l'Opposition l'avait" adoptée en
1981. Il l'avait adoptée mais après avoir travaillé dix ou
douze jours. Mais ce que la ministre oublie de dire ou veut oublier, c'est que
la loi 27, en définitive, faisait l'objet d'un consensus parmi tous les
intervenants du réseau des affaires sociales, y inclus les
professionnels et, bien plus, l'Opposition d'alors, l'actuel gouvernement a
voté pour la loi 27. Il y a une grande différence entre
légiférer contre et envers tous et légiférer avec
le consensus, l'appui des intervenants d'un réseau ou d'un milieu ou
d'un secteur d'activités. Cela me surprend qu'après un an de
pouvoir, les libéraux n'aient pas encore appris cette différence
fondamentale qu'il y a dans une loi où on impose d'autorité des
diktats sans recourir, sans chercher non plus à faire des consensus,
à bâtir au moins un commencement d'unanimité autour d'un
projet de loi.
Je trouve cela inquiétant pour l'avenir. Les institutions parlent
de conséquences imprévisibles. Les éditorialistes, avec
mon collègue de Gouin, les assistés tantôt, parlent
d'effets néfastes. Mais le minimum, quand même, qu'on puisse dire,
sans charrier, pour employer l'expression du député de Laurier,
c'est que le monde qui vit et qui vivra avec cette loi-là n'en veut pas.
C'est clair. C'est simple. C'est cela que tous les intervenants passent leur
temps à vous dire. Oui, la loi consacre un état de fait en bonne
partie. C'est sûr. Mais il ne faut pas oublier, cependant, que c'est une
loi qui est du secteur linguistique. C'est cela que le député de
Laurier et la ministre oublient. Ce n'est pas une loi où on est en train
de parler de bricole. Ce n'est pas une loi où on est en train de
structurer ou de refaire une partie des structures de l'intérieur d'un
centre d'accueil.
C'est une loi à portée linguistique. Actuellement, au
Québec - le gouvernement libéral l'aurait-il oublié? il
existe, comme j'ai dit tantôt, un climat d'insécurité
linguistique particulier. Uniquement à Radio-Québec, la semaine
dernière, pas besoin de faire des gros sondages, à
l'émission Droit de parole, 1300 sur 1600 intervenants grosso modo, 1300
ont dit que le français est actuellement menacé au Québec.
II y en a 300 qui ont dit que le français ne l'était pas. Le
visage français du Québec n'était pas en péril.
Cela fait une proportion de 70 % ou 75 % quand même. D'où vient
cette insécurité linguistique, M. le Président? Est-ce que
le gouvernement du Parti québécois aurait adopté des lois
qui ont créé des situations génératrices d'angoisse
pour la
majorité francophone du Québec? Non.
L'insécurité linguistique vient des actes, des omissions,
des ballons, des tergiversations, des valses hésitation, des sets
carrés, comme disait le chef de l'Opposition, par l'ensemble du
gouvernement libéral et il y en a des pages et des pages. Cela a
commencé par la non-poursuite et cela a continué. Maintenant, le
gouvernement libéral est surpris de déposer un projet de loi et
de constater que tout le monde est contre. C'est que le Parti libéral a
perdu depuis un an toute crédibilité en matière
linguistique et qu'il n'est pas en état de déposer un projet de
loi sur cette question-là, alors que la population est inquiète
et angoissée. Et cette angoisse, cette insécurité est
d'une ampleur telle que plusieurs autres intervenants en dehors du milieu de la
santé ont dû se prononcer sur les projets de loi 140 et 142.
La Chambre de commerce de Montréal, je pense qu'on ne pourrait
pas les taxer de quoi que ce soit à notre égard. Comme, dans
certains cas, on dit: l'Opposition est partisane, je ne pense pas qu'on puisse
dire que le député de Laurier et Mme la ministre puissent dire
que la Chambre de commerce fait preuve de partisanerie quand elle demande au
gouvernement Bourassa de retirer les deux projets de loi. Je ne crois pas, M.
le Président, que tous les intervenants, que tous les
éditorialistes, qui se sont prononcés à peu près
unanimement contre les projets de loi 140 et 142, soient dans l'erreur. Cela ne
se peut quand même pas que la ministre de la Santé et des Services
sociaux soit la seule au Québec à avoir le bon pas. Cela ne se
peut pas que tout le monde, à part elle, marche d'un mauvais pas. (23 h
30)
Je pense que six mois pourraient être très utiles pour la
ministre, peut-être pour réaliser ce que je viens de dire, pour
réaliser qu'actuellement le consensus au Québec non seulement ne
va pas dans le sens du projet de loi 142, mais il va contre.
M. le Président, où est l'urgence d'agir pour le
gouvernement libéral, pour la ministre? Pourquoi . ne pas accepter cette
motion de report que nous avons déposée? Évidemment, ils
ne nous ont donné aucune raison. Durant les deux interventions, rien ne
pouvant nous laisser croire à l'existence d'une seule raison. Moi, je
vais lui dire: II y en a des bonnes pour retarder. Six mois pourraient
être fort utiles pour la ministre, pour réaliser qu'elle est en
train d'agir sectoriellement sur les lois linguistiques au Québec. Or,
c'est ce qu'on ne peut pas faire.
La langue, M. le Président, n'est pas un dossier à
traîter à la pièce, par ballons d'essai, par petites
tentatives, petites lois ici, petites lois là. La langue doit se traiter
d'une façon cohérente, d'une façon globale.
La ministre devrait réaliser que son projet de loi est une action
sectorielle, mais en l'absence de toute politique linguistique
cohérente.
Même le ministre des Communications vient de se joindre à
nous. Il a confié candidement et sincèrement à un
journaliste: Je la cherche, la politique linguistique. Six mois pourraient
être utiles, M. le Président, pour la ministre de la Santé
et des Services sociaux pour réaliser que tous les intervenants qui sont
contre son projet de loi, elle doit aller les écouter, elle doit aller
travailler avec ses principaux collaborateurs que sont les directeurs des
établissements, les directeurs des réseaux.
La ministre doit sortir de sa tour d'ivoire, s'asseoir, expliquer, si
son projet de loi est bon, pourquoi elle ne fait pas une commission
parlementaire, M. le Président. Pourquoi ne pas s'asseoir avec les gens
et le leur expliquer? C'est ce qu'on a fait avec le projet de loi 27.
D'ailleurs, à l'époque, on l'a expliqué, ce projet de loi
et à la fin c'était l'unanimité pour. Pourquoi refuser de
bâtir ce consensus? Six mois, M. le Président, ce n'est
sûrement pas trop, comme l'a fort bien explicité le
député de Gouin, pour que la ministre de la Santé et des
Services sociaux constate que les services, actuellement, sont disponibles dans
son réseau pour les communautés culturelles.
J'ai noté sans faire la liste: 31 centres hospitaliers qui sont
reconnus et où la langue de communication est l'anglais, 31
hôpitaux et pas parmi les plus petits, Royal Victoria, etc., 3 centres
locaux de services communautaires, 2 centres de services sociaux, 36 centres
d'accueil d'hébergement, 13 centres d'accueil de réadaptation et
cela continue. Et cela continue. En six mois, ce n'est pas trop pour la
ministre pour se rendre compte qu'elle doit prendre connaissance de ce qui a
été fait sur le terrain. J'ai l'impression qu'elle a
été mal informée à ce sujet-là.
En terminant, M. le Président, six mois ce n'est pas trop pour la
ministre pour se rendre compte que son projet de loi est mal ficelé et
mal bâti. Déjà elle nous annonce des amendements à
la pièce. On va arriver en commission parlementaire peut-être en
pleine nuit, comme ce soir. On voudrait légiférer
linguistiquement en pleine nuit, dans l'obscurité. C'est bien le genre
du gouvernement libéral, d'ailleurs. Nous, on dit: Reportez donc votre
projet de loi dans six mois. Rendez-vous donc compte que les
Québécois et les Québécoises qui travaillent dans
les hôpitaux et ailleurs ne sont pas des tartes et un individu, qu'il
soit de langue espagnole, de langue chinoise ou peu importe, de langue
anglophone, on essaie de le comprendre et d'échanger avec lui. Six mois
ce n'est pas trop pour se rendre compte, M. le Président, qu'à
l'hôpital
Pierre-Boucher dans mon comté, quand arrive un membre de la
communauté hispanique, on s'organise pour trouver la personne qui parle
espagnol et on n'a pas eu besoin de la ministre pour faire cela.
M. le Président, six mois ce n'est pas trop pour que la ministre
se rende compte qu'il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des
canards sauvages. Au Québec, on sait vivre. Merci.
Le Vice-Président: Je cède la parole au
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Après avoir passé huit ans dans
l'Opposition, M. le Président, je pense être capable de
reconnaître des motions de report farfelues, parce que très
occasionnellement on en a fait nous-mêmes, mais ce soir j'ai vu quelque
chose qui était une première: le député de Taillon,
pour combler le vide de cette motion de report, a relu en grande partie le
discours de son chef de l'Opposition que ce dernier a livré il y a une
heure et demie. C'est une nouvelle idée qui n'est jamais venue à
l'esprit de l'Opposition libérale, à l'époque. Je trouve
que c'est très original, pour lui peut-être mais c'est
exceptionnellement plate pour la population qui est obligée
d'écouter et cela demeure légèrement paresseux, à
part cela.
M. le Président, j'ai l'intention d'adresser brièvement la
parole aux membres de la communauté anglophone qui sont très
influencés, touchés et affectés par ce projet de loi. Il y
a des choses qu'ils doivent comprendre. Par la suite, j'ai l'intention de
parler de quelques-uns des arguments qui ont été avancés
par des membres du groupe d'en face contre la loi et pour la motion de report.
Mais laissez-moi d'abord adresser quelques mots aux anglophones du
Québec sur ce projet de loi, pas seulement pour eux, mais, pour eux,
c'est certainement très important.
Some laws are more important than others. Occasionally, there is one
which adds a new element to the definition of our society, which helps us to
see more clearly who we are and what we stand for. Bill 142, whose purpose is
to provide the English-speaking population of Quebec with legislative
guarantees to hospital, health and social services in their own language - and,
to the extent possible, from their own institutions - is a law of this
kind.
It is a bill which says a great deal about the English-speaking
minority. But it speaks even more elequently about the nature and the
generosity of the francophone majority of Quebec. In the final analysis, it is
their law.
Let us remember that the right of any minority group to public services
in their own language is not a fundamental right. No government anywhere can
undertake to provide schooling, health care and the hundreds of other
collective benefits it furnishes in all of the languages represented in their
population. And let it be said too that while a number of Canadian provinces
are making serious and laudable efforts to provide French-language health
services, the need for these efforts is heartbreakingly evident and long
overdue.
No, the elements to Bill 142 are not basic rights. They are recognition
of a fact, the existence in Quebec of a very large minority, 800 000 in number,
who speak English, who have been in Quebec for over 200 years, who have
contributed enormously to the development of Quebec and continue to do so and
who have, over the years, created their own network of health and social
services which they use, and which in a very important way form part of the
definition of their own community. Bill 142 confirms and assures the continued
existence of something which is already here.
Bill 142 also ensures that all reasonable efforts will be made to
provide health and social services to those English-speaking Quebecers living
in regions of Quebec which are not within the reach of these English-language
institutions.
There is a broad consensus in Quebec for such guarantees. A poll
conducted by SORECOM in September 1984 indicated that 85 % of the francophone
majority - and 94 % of anglophones - believes that the English-speaking
community should be able to receive social services in its own language. The
preambule to the Charter of the French language, Bill 101, speaks specifically
of the intention to respect "the institutions of the English-speaking community
of Quebec". The Parti québécois government, and its leader,
Pierre Marc Johnson, in their constitutional proposals of June 1985, promised
to secure the rights of the English-speaking minority to receive health care
and social services in its own language.
One could ask - and it has been asked tonight on a number of occasions -
why legislative guarantees are necessary, if the institutions and services are
already in existence. (23 h 40)
The answer is that for a number of years there has been a slow but very
noticeable decline in the availability of English language services. This has
come about not by design but due to the inevitable process of "homogenization"
of health and social services which has accompanied the gradual transfer of
responsabilities, and funding, from private institutions to the public sector.
The francization of these services over the past two decades has not been the
result of language legislation. In
fact, the only reference to help and social services in the Charter of
the French language is a clause which exempts them partially from its
requirements. The deterioration which has taken place is not the product of a
government decision to make Quebec French. It is only the byproduct of a
decision to standardize the quality and the procedures of health care services.
That is the reason why Bill 142 has received almost unanimous support, even
from those who are most committed to the objectives of Bill 101.
What will the new law mean in practice? First of all, it affirms the
right of every member of the English-speaking community to receive hospital
care, health care and social services in his own language, within reason and
within the limits imposed by financial resources that are available. To ensure
that this right becomes a reality, each regional health council is required to
evaluate the present availability of services in its area, to propose an action
plan to the Minister for approval and then to see that the plans are carried
out. As a result, we hope we will soon see the day when nurses who speak only
French will be no longer sent to English language elementary schools and when
elderly anglophones will not be sent to nursing home where only French is
spoken.
This is Bill 142. In a way, it does not seem to be all that important.
It does not create a parallel system of health care. That system already
exists. It does not commit the government to additional funding. It does not
imply a reduction in the services available to the francophone majority.
But it is an important bill just the same, and it will be an important
law. Because it says that despite all of the legitimate concerns and fears that
the French-speaking people of Quebec about the future of their own language,
the same people are quite capable of making a gesture of generosity and
fraternity to their English-speaking neighbours, on a matter in which they have
every right to say no. In doing so, they are confirming their acceptance of the
presence of the English language community here in Quebec by guaranteeing those
services and institutions which are absolutely fundamental to the existence of
any language group. They are making a concrete statement about the kind of
society we want to have here. I do not think is it at all out of place at this
point for the English-speaking minority in Quebec to say that we understand and
we appreciate this gesture very much.
M. le Président, ce que je viens de dire, c'était dans le
sens d'une note de remerciement aux membres de la communauté francophone
du Québec pour le geste qui est explicité dans le projet de loi
142. Je dois vous dire que j'ai été excessive- ment
déçu par l'attitude du chef de l'Opposition, ce soir, qui a
renié complètement les engagements qu'il avait pris avant
l'élection de décembre 1985. Je pense que le temps est
arrivé de le rappeler à l'ordre.
M. le Président, au mois de mai 1985, le gouvernement du
Québec, de M. René Lévesque, a sorti un document qui
était les propositions de réforme constitutionnelle. Dans ce
document, ils se sont engagés formellement à reconnaître le
droit des anglophones et leurs services par voie législative, advenant
une refonte de la constitution canadienne.
Lors de l'élection, le nouveau premier ministre, M. Pierre Marc
Johnson, a enlevé cet engagement de son encadrement constitutionnel et
il s'est engagé, formellement, devant la population anglophone du
Québec, à donner ces garanties législatives s'il
était élu, même si la constitution du Canada n'était
pas approuvée. Je pense que c'est important de citer exactement ce qu'il
a dit. Il a parlé en anglais. Il a été cité en
anglais mais je vais le traduire en français pour que ce soit
très clair.
M. Johnson a dit: "Je crois que nous devrons garantir par voie
législative le droit pour les anglophones d'obtenir les services sociaux
et de santé dans leur langue." Il a ajouté: "Ce n'est pas
nécessaire que ce soit lié au dossier constitutionnel." Quand on
lui a demandé pourquoi il avait pris cet engagement en pleine campagne
électorale, il a dit, et je le cite encore: "J'ai pris la
décision moi-même. J'ai réfléchi là-dessus
pendant deux ans, surtout depuis que je suis devenu ministre des Affaires
sociales."
M. le Président, c'est la même personne qui est venue
devant nous ce soir, au moment où elle avait une occasion incroyable
d'essayer de rapprocher son parti des anglophones et des autres groupes
minoritaires du Québec, il a perdu cette occasion, ce soir, par un
discours d'hypocrite, comme je n'en ai jamais entendu de ma vie. Il a dit,
premièrement, qu'il n'avait pas promis de donner les garanties
linguistiques avant que la constitution canadienne n'ait été
approuvée par le gouvernement québécois. C'est faux. Je
viens de le citer textuellement dans ce sens. Il s'est dégagé de
cet engagement en plein milieu de la campagne électorale.
Il a donné un autre argument pour renier ses engagements. Il a
dit que c'était supposé être inscrit dans le cadre d'une
constitution québécoise. À ma connaissance, M. le
Président, il n'existe pas, dans le programme du Parti
québécois, l'engagement de faire une constitution
québécoise parce que vous n'avez pas de programme. La seule
personne qui ait parlé de la question de la constitution
québécoise, c'est le député péquiste de
Vachon avant la dernière élection qui avait fait de cela son
cheval de bataille.
Mais l'engagement de faire une constitution québécoise ne
fait pas partie du programme du Parti québécois. Donc, c'est de
l'hypocrisie totale de prétendre qu'on ne doit pas garantir les droits
en question aux anglophones avant l'adoption de cette constitution
québécoise qui ne fait même pas partie du programme du
Parti québécois.
Le troisième argument qu'il a avancé a été
la nécessité de faire une commission parlementaire non partisane.
M. le Président, le chef de l'Opposition n'a jamais de sa vie
participé à une commission parlementaire non partisane. Il n'y
participera jamais parce qu'une telle chose n'existe pas.
Effectivement, M. le Président, une occasion historique que vous
allez regretter d'avoir manquée a été perdue ce soir parce
que la communauté anglophone et les autres communautés du
Québec, qui vont peut-être un jour vous demander la même
chose, et avec raison, parce qu'elles vont avoir une raison suffisante pour le
justifier, vont se souvenir que vous êtes, ce soir, revenu sur des
promesses que vous aviez faites pendant la campagne électorale et qu'une
fois de plus vous avez trahi les minorités du Québec pour des
raisons strictement partisanes et temporaires, surtout en raison du fait que
vous n'avez aucun programme vous-même.
Je suis persuadé que le chef de l'Opposition est très mal
à l'aise après ce qu'il a dit ce soir. J'ai l'impression que
c'est quelque chose qui lui a été imposé par son caucus
qui le rend très mal à l'aise parce qu'il avait
déjà pris cet engagement. Il donnait l'impression d'être
très mal à l'aise, du moins pendant son discours. Je le comprends
parfaitement, entouré comme il l'est par les personnes en question.
M. le Président, laissez-moi vous expliquer très
rapidement pourquoi cette loi est nécessaire. Il n'est pas question de
créer un réseau parallèle parce que le réseau
existe déjà. Comme vous avez pu le constater ce soir, les membres
de l'Opposition ont soulevé à maintes reprises l'existence des
institutions québécoises. Ce qui est arrivé au plan
linguistique, et ce n'est la faute de personne, c'est qu'au fil des
années on a assisté à un affaiblissement de ce
réseau tout simplement parce qu'il y a eu une concentration, une
homogénéisation de ce réseau à cause du fait que
c'est devenu de plus en plus public, de plus en plus dirigé de
Québec. En conséquence, les institutions formées à
l'origine, par exemple, le Centre de services sociaux Ville-Marie, se voyaient
dans une situation où elles étaient obligées de desservir
une population territoriale, l'ouest de la ville de Montréal, dans
toutes les langues tandis que les anglophones à l'est de la ville de
Montréal n'avaient pas de services en anglais. C'était un peu la
même chose, dans le sens contraire, pour les francophones de l'ouest de
la ville.
(23 h 50)
Ce problème a été accentué par
l'arrivée des CLSC qui avaient une tendance à être presque
uniquement francophones. Je cite celui de Pierrefonds. Quand le CLSC a
été établi dans ce coin, il y avait une population qui
était à 60 % anglophone, mais le CLSC était
administré par des francophones, par un conseil d'administration
francophone, par un directeur général francophone et par du
personnel francophone qui ne pouvaient aucunement s'identifier avec la
population en place. Ces choses étaient ressenties par la population
anglophone de la même façon qu'elles auraient été
ressenties par vous-mêmes si la situation avait été
l'inverse.
C'est ce genre de situation en ville et même de situations plus
pénibles dans les régions où les institutions anglophones
sont beaucoup plus rares et beaucoup plus limitées dans leurs services,
c'est ce genre de problème, qui est devenu de plus en plus aigu avec
l'affaiblissement du réseau, que nous voulons arrêter par
l'adoption de ce projet de loi. Il n'est pas question de créer un
réseau parallèle. Le réseau existe déjà. Il
n'est pas question de leur donner plus d'argent. Nous voulons simplement nous
assurer que les sommes qui y sont maintenant consacrées seront
garanties. Il n'est pas question de prendre les emplois d'un groupe et de les
donner à un autre.
M. le Président, en terminant, je veux répondre à
la question qui touche la définition des personnes d'expression
anglaise. Cela a déjà été dit par mes
collègues, la ministre et le député de Laurier, mais je
pense que c'est essentiel de le répéter. Le projet de loi a
certainement des aspects linguistiques - on parle de la langue anglaise, donc,
on ne peut pas dire qu'il n'y a rien de linguistique dans le projet de loi -
mais ce n'est pas essentiellement un projet relié à la politique
linguistique du Québec. Dès le départ, cela a
été bien accepté par tout le monde que
l'intégration des anglophones et des allophones doit se faire par la
voie des institutions scolaires et par les institutions du travail, par le
milieu de travail. Je pense qu'on peut dire que, si une personne a passé
12 ans de sa vie dans le réseau scolaire et 25 ou 30 ans de sa vie dans
le réseau francophone du travail et qu'elle arrive à l'âge
de 65 ans et qu'elle n'est toujours pas intégrée dans la langue
française, on serait très mal avisé d'essayer de faire un
dernier effort d'intégration quand elle est malade ou âgée
et qu'elle a besoin des services sociaux et de santé. Je suis
retourné en arrière jusqu'à la commission Gendron, et cela
n'a jamais été prévu par personne que le réseau des
affaires sociales doive être un outil de transfert linguistique.
C'est pourquoi le Parti libéral, le gouvernement en place et la
ministre de la
Santé et des Services sociaux ont parfaitement raison de vous
dire que ce de loi n'est pas un projet de loi à portée
linguistique. C'est un projet de loi avec des objectifs humanitaires pour
confirmer quelque chose qui existe déjà et pour s'assurer qu'il
n'y aura pas une détérioration causée, comme je l'ai dit,
par l'existence d'une centralisation de plus en plus accrue du système
des affaires sociales et de la santé. J'espère que, dans les
prochaines heures et surtout dans les prochaines semaines, les membres de
l'Opposition vont tenir compte du fait qu'il y a beaucoup de monde et non
seulement les anglophones qui ont vu l'attitude d'amertume qu'ils ont
manifestée ce soir envers une vaste majorité de la population. Il
faut se rappeler que 85 % des francophones se sont exprimés dans un
sondage SORECOM il y a deux ans en faveur des services sociaux et de
santé pour les anglophones dans leur propre langue. C'est une
méfiance non seulement envers le gouvernement, mais c'est une
méfiance envers une bonne partie de la population du Québec. Vous
allez le payer cher à moins que vous ne changiez votre attitude et ce,
rapidement. Merci.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard; Merci, M. le Président. La motion de report
du député de Verchères est on ne peut plus pertinente dans
les circonstances pour deux grandes raisons. D'abord, parce qu'il n'y a pas
d'urgence à adopter le projet de loi 142 et, en second lieu, parce que,
au sujet de ce projet de loi, le gouvernement est tout seul à avoir le
pas.
D'abord, il n'y a pas d'urgence, M. le Président. Si on examine
la réalité, si on examine les faits, on se rend compte qu'il n'y
a aucune urgence à adopter en vitesse, rapidement, le projet de loi 142.
Doit-on adopter rapidement ce projet de loi parce que, disent certains, il y a
là un motif humanitaire? Doit-on se dépêcher d'adopter ce
projet de loi parce que des citoyens et des citoyennes de langue anglaise au
Québec sont privés de services sociaux et de services de
santé dans leur langue? Doit-on adopter rapidement ce projet de loi
parce que des anglophones au Québec se trouvent lésés dans
leurs droits? Pas du tout, M. le Président! Pas du tout! Il n'y a pas de
droits lésés. Il n'y a pas de citoyens anglophones qui sont
privés de services de santé et de services sociaux. II n'y a donc
aucun motif soi-disant humanitaire pour adopter en vitesse le projet de loi
142.
Il n'y a pas actuellement au Québec de communauté
anglophone victime de persécution en matière de services de
santé et de services sociaux. Bien au contraire, on a
démontré longuement, entre autres le député de
Gouin, qu'il y a au Québec de nombreux hôpitaux, de nombreux
établissements hospitaliers, plusieurs centres locaux de services
communautaires (CLSC), plusieurs centres de services sociaux (CSS), des centres
d'accueil, qui dispensent des services en anglais. Comme le
député de Notre-Dame-de-Grâce vient, d'ailleurs, de le
confirmer tous ces établissements, actuellement et depuis fort longtemps
d'ailleurs, dispensent des services sociaux et des services de santé en
langue anglaise. Il n'y a donc pas de situation à redresser. Le
gouvernement n'est pas obligé, dans les circonstances, de se faire
redresseur de torts. Il n'y a pas de situation à redresser en
matière de santé et de services sociaux dispensés en
langue anglaise.
La communauté de langue anglaise au Québec a accès
à toute la gamme des services de santé et des services sociaux;
à Montréal, c'est bien évident, c'est bien sûr,
là où elle est concentrée, mais il faut aussi signaler
que, ailleurs au Québec, la communauté anglophone a
également accès à des services de santé et à
des services sociaux dans sa langue. Je pense, entre autres, à la
Gaspésie, je pense également à la basse et à la
moyenne Côte-Nord. Le député de Duplessis pourrait nous en
parler longuement. Les petites communautés anglophones qui vivent sur la
basse et la moyenne Côte-Nord ont accès à des services de
santé et à des services sociaux dans leur langue. Il n'y a aucune
plainte, d'ailleurs, émanant de ces nombreuses communautés qui
sont disséminées sur la basse et la moyenne Côte-Nord. Au
Québec, même ailleurs qu'à Montréal, la
communauté anglaise a accès à des services de santé
et à des services sociaux dans sa langue.
Donc, il n'y a pas urgence. Pourquoi le gouvernement et pourquoi la
ministre sont-ils donc si pressés de faire adopter ce projet de loi?
Où est l'urgence? Pourquoi cet empressement inexplicable à
procéder en catastrophe? Pourquoi cet empressement à sortir le
bulldozer, le rouleau compresseur, pour faire adopter ce projet de loi 142 sur
les services de santé et les services sociaux? Il n'y a aucune raison,
M. le Président, qui justifie le rouleau compresseur, qui justifie
l'adoption en catastrophe de ce projet de loi. Il n'y a pas d'urgence! La
réalité étant ce qu'elle est, les faits étant ce
qu'ils sont, les citoyens et les citoyennes de langue anglaise au Québec
ont actuellement accès à des services de santé et à
des services sociaux dans leur langue. Il n'y a donc pas de situation à
redresser d'urgence. (minuit)
Une deuxième raison, M. le Président, pour adopter cette
motion de report présentée par le député de
Verchères, c'est qu'il n'y a pas de consensus sur ce projet de
loi linguistique. Je vous signale que, sur un projet de loi
linguistique, il est absolument essentiel, fondamental qu'on puisse faire
largement consensus. C'est trop important, c'est trop capital, un projet de loi
linguistique, c'est trop fondamental - cela touche à l'âme
même du peuple - pour adopter des projets de loi de cette nature sans
consensus, sans que ce soit basé, fondé sur un très large
consensus.
Or, il nous faut reconnaître - c'est aussi une
réalité - qu'il n'y a pas de consensus sur le projet de loi 142.
Par conséquent, il est sage d'attendre, de prendre le temps qu'il faut
pour examiner un problème de cette nature. Aucun intervenant
intéressé à cette question n'est d'accord, n'a
manifesté son accord à ce projet de loi.
La ministre est toute seule. Le gouvernement est tout seul à
être d'accord pour faire adopter ce projet de loi. Tous les intervenants
qui sont intéressés par le contenu de ce projet de loi ont
manifesté leur désaccord et ont demandé qu'il soit
retiré. Il y a d'abord l'Association des hôpitaux du
Québec. Là-dessus, M. le Président, il est bon de signaler
que la ministre a lu avec beaucoup de satisfaction une lettre du
président de l'Association des hôpitaux du Québec, voulant
sans doute insinuer qu'il y avait eu un changement d'opinion de la part de
l'Association des hôpitaux du Québec. Pas du tout.
Dans sa lettre, il est vrai que le président indique qu'il est en
accord avec l'objectif poursuivi par le gouvernement, c'est sûr. Mais,
dans le mémoire aussi, il exprimait le même accord. Je vous cite
le mémoire: "Pour toutes ces considérations, l'Association des
hôpitaux du Québec se considère justifiée de
demander le retrait des articles 2, 3 et 9 du projet de loi 142." C'est la
dimension linguistique du projet de loi. Néanmoins, elle
réitère qu'elle est d'accord avec l'objectif d'assurer
l'accessibilité des services de santé aux personnes d'expression
anglaise.
C'est ce qu'on retrouve dans la lettre. Il n'y a aucune
différence entre la lettre déposée par la ministre tout
à l'heure et le mémoire de l'Association des hôpitaux du
Québec, aucune différence. Même contenu. L'Association des
centres d'accueil, en désaccord également, demande le retrait.
L'Association des centres de services sociaux du Québec, en
désaccord, demande le retrait. La Fédération des CLSC du
Québec, en désaccord, demande le retrait. Tous les intervenants
intéressés par le contenu du projet de loi qui seraient
impliqués, concernés par son application s'il était
adopté, ont manifesté, ont exprimé leur désaccord
et ont demandé que ce projet de loi soit retiré.
On pourrait citer les éditorialistes qui sont également en
désaccord avec ce projet de loi. Les centrales syndicales et beaucoup
d'organismes qui ne sont pas directement intéressés,
concernés par l'application du projet de loi ont manifesté
également leur désaccord. La ministre est toute seule à
avoir le pas; le gouvernement est tout seul à avoir le pas, seul
à vouloir faire adopter ce projet de loi.
Devant une telle levée de boucliers, devant une résistance
aussi générale, devant une absence totale de consensus, ne
convient-il pas, à tout le moins, de retarder le projet de loi?
L'idéal serait de le retirer purement et simplement. Ce serait cela, la
meilleure solution. Mais ne convient-il pas, à tout le moins, de le
retarder de six mois? C'est l'objet de la motion de report du
député de Verchères et elle est tout à fait
pertinente dans les circonstances.
Si le gouvernement refuse de retirer son projet de loi, à tout le
moins, il devrait accepter, devant l'absence d'urgence, d'une part et,
deuxièmement, devant l'absence de consensus, la motion du
député de Verchères, qui consiste à reporter
l'étude de ce projet de loi de six mois. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole au
député de Fabre.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. Tour à tour, on a
entendu le député d'Anjou, qu'on appelle communément le
chef de l'Opposition - c'est peut-être temporaire - on a entendu aussi le
député de Verchères; on a entendu le député
de Gouin. Â écouter tout ce beau et bon monde, dont le chef de
l'Opposition qui nous a fait voyager des plaines d'Abraham au Manitoba, on se
serait plutôt cru avec un guide touristique. Quant au
député de Gouin, je n'ai jamais vu un si petit homme faire tant
de dommages par la parole.
Lorsqu'on nous accuse de tenir un double langage, M. le
Président, je pense que quand on crache en l'air, nécessairement
cela nous retombe sur le nez. C'est le cas, ce soir, des gens de l'Opposition
de cracher en l'air. On voudrait nous demander de prouver l'urgence du projet
de loi 142, comme s'il était obligatoire de toujours faire adopter des
projets de loi d'urgence. C'est l'Opposition. Si on écoutait ces gens,
on reporterait le projet de loi 142 à six mois. Encore là, ce ne
serait pas encore assez loin. D'après eux, ils ont tout fait au chapitre
du service aux minorités, comme on les appelle.
Quand je parle du double langage, j'aimerais quand même que l'on
revienne a ce qui a été dit dans le passé par ces
illustres membres de l'Opposition qui, dans le temps, étaient au
pouvoir. Pour n'en citer qu'un mais revenir peut-être à d'autres
par après, j'ai ici une délaration dans Le Devoir,
du 12 juin 1985, où le ministre de la Santé et des
Services sociaux du temps, qui est aujourd'hui le député de
Joliette, qui l'est encore - je ne sais pas ce qui s'est passé mais il y
a peut-être des gens qui ont manqué d'information dans le
comté là-bas...
Des voix: Ha! Ha!
M. Joly: ...dit: "Le ministère des Affaires sociales
parviendra à s'entendre avec les représentants anglophones sur
les services à fournir en anglais dans les établissements de
santé, à condition qu'aucun ne cherche à faire une
bataille politique avec ce dossier. C'est ce qu'a déclaré, hier,
le ministre des Affaires sociales. Et je cite, M. Guy Chevrette, en
réponse aux questions du député libéral de
Brome-Missisquoi, porte-parole du parti en matière d'affaires
sociales."
Plus loin, on dit: "Chaque bénéficiaire aura la
possibilité de recevoir les services dans sa langue."
Des voix: Ah! Ah!
M. Joly: "C'est acquis au niveau du gouvernement. Les ententes de
services sont possibles pour autant que tous les groupes évitent de
faire des guerres de clocher et des guerres de religion, a lancé le
ministre Chevrette."
Des voix: Ah!
M. Joly: II revenait un peu plus fort en disant: "II faut,
dit-il, se mettre à table pour trouver des solutions concrètes
pour assurer aux bénéficiaires des services dans leur langue sans
pour autant faire des batailles politiques, avec des petits "p"."
Des voix: Oh! Oh!
M. Joly: Double langage, M. le Président. C'est le
gouvernement des petits "p": parler pour parler, payer pour payer. C'est ce
qu'était le gouvernement du temps.
Juste une semaine avant la déclaration du député de
Joliette, on dit: "Services sociaux en anglais", encore titré dans Le
Devoir du 6 juin: "Le gouvernement entend bien s'assurer que les anglophones du
Québec reçoivent des services sociaux et des soins de
santé dans leur langue. C'est ce qu'a déclaré le ministre
de la Justice et des Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Pierre Marc
Johnson, en réponse aux questions de quelques journalistes."
Des voix: Ah!
(0 h 10)
Une voix: Double langage...
M. Joly: M. le Président, je suis un peu confus.
Étant un jeune parlementaire...
Une voix: C'est vrai que cela ne t'en prend pas gros.
M. Joly: Cela n'en prend pas gros, mais quand c'est constant, je
peux vous avouer que c'est bien dur sur le moral. Hier, je mentionnais que j'ai
subi des châtiments dont celui d'écouter le député
de Gouin, qui, de par sa démagogie, me force à prendre du recul
et à essayer de trouver la vérité. Mais, encore là,
la vérité, vous sembliez l'avoir avant les élections.
Encore là, vous posiez à votre façon des genres
d'approches vers une clientèle pas mal spéciale qui est celle que
nous voulons continuer de respecter. Mais, encore là, de façon
à les amadouer, vous teniez un double langage. "Prime minister Pierre
Marc Johnson said last night that if the Parti Québécois is
reelected December 2nd, it will pass a law guaranteeing English-speaking the
right to health and social services in their own language."
Des voix: Bravo!
M. Joly: II l'a dit en français, il l'a
répété en anglais, puis aujourd'hui il veut prendre du
recul. Qu'il fasse attention avec les reculs, parce qu'il va se retrouver guide
touristique, il ne sera pas chef longtemps.
Tout ceci pour vous dire, M. le Président, que lorsqu'on cherche
à insinuer que le projet de loi 142 peut être une "passoire"
linguistique, je vous dis, membres de l'Opposition: ce n'est "pas à
soir", ce n'est "pas à soir" du tout.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Joly: M. le Président, quand on nous dit, actuellement,
qu'en tant que gouvernement, on semble faire cavalier seul dans la
présentation du projet de loi 142, j'aimerais que l'on reprenne ici ce
qui se dit dans les sondages: 90 % des répondants croient que les
Québécois d'expression anglaise devraient avoir le droit de
recevoir des services dans leur langue. C'est 90 % et 72 % des
répondants croient que la communauté d'expression anglaise a le
droit de contrôler ses institutions tandis que 80 % des répondants
croient que le gouvernement devrait faciliter la dispensation de services en
anglais aux Québécois d'expression anglaise dans les
établissements de langue anglaise.
Alors, quand on nous dit que l'on fait cavalier seul, je me demande ce
que cela peut représenter tout ce beau monde, surtout quand en plus on
nous dit que plus de 350 groupes communautaires, municipalités,
associations, professionnels, églises, écoles et institutions
appuient le besoin de garanties législatives pour protéger le
service des
établissements sociaux et de santé en anglais et ont
adopté des résolutions à cet effet. Alors, quand on me dit
cela, je me sens pas mal moins seul. S'il y en a qui se sentent seuls ce soir,
c'est peut-être l'Opposition. Il y en a un qui me mentionnait qu'il
était prêt à passer pas mal de temps sur le projet. Il dit:
Je suis bon pour la nuit. Je suis content mais nous on est bons pour la vie.
Alors, vous ne serez pas là longtemps si on regarde la politique des
deux partis avant les élections. Mais je suis content de dire que ce que
l'on avait comme politique avant les élections, c'est exactement ce que
l'on est en train de livrer aujourd'hui. C'est exactement ce que l'on est en
train...
Une voix: C'est nouveau, cela?
M. Joly: Non, ce n'est rien de nouveau. C'est exactement ce que
l'on est en train de garantir à la population. Si on disait que le
gouvernement du Québec allait garantir des moyens et des mesures
législatives, c'est ce' que l'on fait. Dans votre cas, c'était
exactement ou à peu près la même chose, sauf
qu'aujourd'hui, vous prenez du recul parce que vous vous sentez peut-être
menacés. Mais on vous a prouvé hors de tout doute que cela ne
vous coûtait rien de plus dans le fond. Tout ce que l'on fait, c'est de
redistribuer des services. On est en train de les reconnaître, mais on
est en train de les officialiser. C'est ce qu'on est en train de faire. On est
en train de traiter, si vous voulez, nos minorités non pas comme des
gens de deuxième classe, mais comme des gens qui font partie
intégrante de cette grande communauté qu'est le Québec.
C'est ce que nous sommes en train de faire, M. le Président.
En conclusion, je pense que, si on nous qualifie de faire ce qu'on
appelle des promesses rouges, alors qu'ils nous en ont fait voir de toutes les
couleurs durant neuf ans, je suis content d'être associé à
ces promesses rouges. Je vais sûrement m'associer avec le gouvernement
pour voter pour le projet de loi 142. Je félicite Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux pour le courage qu'elle a d'aller de
l'avant et de faire en sorte qu'au lieu d'avoir un privilège ou une
possibilité de privilège, cela devienne un droit. C'est là
qu'on reconnaît toute cette dimension des gens du Parti libéral.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, avec le temps qui m'est
imparti, je n'aurai pas le temps de faire une très longue plaidoirie
pour convaincre les membres ministériels d'adopter la motion de report.
Je veux simplement vous signaler qu'une multitude de raisons justifient
l'Opposition de présenter cette motion de report. Je voudrais reprendre
ce qui a déjà été dit, mais, en insistant sur deux
aspects particuliers.
Règle générale, lorsque les parlementaires
présentent une motion de report, c'est qu'il n'y a pas d'urgence
à débattre de ce que nous débattons, ce qui est
amené par le leader du gouvernement. Dans le présent cas, nous
avons une loi où, manifestement, le gouvernement est complètement
seul. C'est tellement exact que, même les intervenants qui se sont
exprimés contre la motion, dans leurs points de vue, ont convenu que, de
toute façon, dans les faits, les éléments prévus
à la loi 142 pour offrir à la communauté anglophone des
services dans leur langue, c'est exactement ce qui se passe au Québec
depuis de nombreuses années. Quand on fait siéger la Chambre
jusqu'à de telles heures, c'est généralement qu'on est
convaincu de la nécessité de faire adopter rapidement le principe
d'un projet de loi pour corriger des lacunes et des choses qui, dans une
société ouverte comme la nôtre, devraient être
corrigées.
Dans le présent cas, on n'a pas de lacunes à corriger. Le
député de Fabre, au lieu de faire rigoler ses collègues ou
d'essayer de les faire rigoler, à retardement en certaines occasions,
aurait dû nous dire: Quant au projet de loi 142, regardez tous les appuis
dont nous bénéficions. Regardez tout le monde qui réclame
la nécessité et l'urgence d'avoir une loi qui conférerait
par législation des choses qui, dans les faits, se font très bien
administrativement, mais qui pourraient être bonifiées par toutes
sortes de mesures administratives. D'ailleurs, cela a été
indiqué par des gens, comme mon collègue du
SaguenayLac-Saint-Jean l'expliquait si bien, qui ont à vivre ce
que j'appellerais la dispensation des services. Ces gens ont dit très
clairement: On est d'accord à 100 % avec l'objectif
véhiculé, car, d'une part, c'est ce qui se fait dans la
réalité, c'est ce qui se passe d'offrir aux anglophones...
Contrairement aux chiffres que le député de Fabre citait, de
notre côté, 100 % sont d'accord, pas 70 % ou 90 %, 100 % des
membres de l'Opposition sont pleinement d'accord pour offrir des services
à la communauté anglophone, comme cela se fait au Québec
depuis toujours, dans le domaine des services de santé et des services
socio-sanitaires. C'est à 100 % de ce côté-ci.
Ce n'est pas cela, le projet de loi. Dans ce projet de loi, comment se
fait-il qu'ils seraient les seuls à se donner raison? Tous ceux qui ont
regardé cela, les éditorialistes, ainsi que ceux qui vivent dans
ce domaine, ont dit: II y a des dangers. Il ne
faut pas trop faire confiance à ces gens, car, dans votre bilan
linguistique, c'est drôlement inquiétant. Un membre dit qu'il n'y
a pas de problème, l'autre en voit, l'autre dit qu'il n'y a pas de
politique linguistique, une autre voudrait parler seulement en anglais tout le
temps, car, pour elle, c'est ce qui est important au Québec, même
si l'on fait croire qu'ils ont beaucoup fait pour la francisation. (0 h 20)
C'est ce qu'on entend. On pourrait les citer. C'est ce qu'on entend qui
est écoeurant. Je suis d'accord. On fait confiance à ces gens
concernant une loi, alors que, dans les faits, cette offre de services a
toujours été faite à la communauté anglophone. Je
pense, M. le Président, qu'il y a une multitude de motifs pour adopter
la motion de report. Il est clair qu'en ce qui concerne l'Opposition, on va
voter pour la motion de report.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le leader du
gouvernement.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Encore une fois, M. le Président, je suis
appelé à clore un débat en quelque quatre minutes et je
suis convaincu que je parviendrai, avec le concours de ceux qui m'ont
précédé, à convaincre, sinon l'ensemble, tout au
moins, une vaste majorité des membres de l'Assemblée de
défaire cette motion de report.
Je vous dirai, M. le Président, que je serais tenté de
l'appuyer, si j'étais convaincu que de reporter à six mois
l'étude du projet de loi 142 pouvait apporter le même
résultat, le même virage à 90 degrés ou à 180
degrés que celui qu'on a constaté entre le discours du chef de
l'Opposition au cours de la campagne électorale et plus
précisément devant Alliance Québec en juin 1985 et sa
position qu'il nous a expliquée ce soir.
Une voix: Exactement cela!
M. Gratton: En juin 1985, durant la campagne électorale,
le chef de l'Opposition disait clairement: "Nous, du Parti
québécois, si nous sommes réélus, garantirons, dans
une loi, le droit de la communauté anglophone à des services de
santé, des services sociaux dans leur langue." C'est exactement ce qu'il
promettait, ce qu'il s'engageait à faire. Ce soir, j'ai compris pourquoi
le discours avait changé à 180 degrés. Il nous a
expliqué que, quand il avait pris cet engagement devant Alliance
Québec.
Une voix: En anglais.
M. Gratton: À ce moment le français était en
progression partout au Québec. Le contexte était à ce
point francisant et francisé qu'il pouvait se permettre un tel
engagement.
Un an plus tard, tout cela a changé. Le visage du Québec a
changé.
Une voix: C'est ton visage qui a changé.
M. Gratton: Pourquoi? Parce que le gouvernement a changé.
Il nous dit, aujourd'hui, que, de toute façon, son engagement portait
à inscrire ses droits de la communauté anglophone dans une loi
fondamentale, dans une loi plus importante qu'une simple loi, comme le projet
de loi 142, qui, lui, peut être modifié par n'importe quel
Parlement. Son engagement portait sur l'inscription dans la constitution
interne du Québec et par extension, évidemment, dans la
constitution du Québec souverain qu'il souhaite toujours, dit-il
à son collègue de Lévis de temps en temps.
M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que s'il
fallait attendre que le chef de l'Opposition réalise ses engagements
à l'égard de la communauté anglophone, il risquerait
d'attendre pas mal longtemps. C'est pour cela qu'on ne fait pas confiance au
Parti québécois, à l'Opposition. À moins qu'elle
soit prête à nous dire que les volte-face de leur
côté peuvent se faire aussi rapidement ou aussi fondamentalement
en six mois que celles dont on a été témoin depuis juin
1985. C'est cousu de fil blanc, M. le Président.
Ce que vise à faire le projet de loi 142, ce n'est pas
d'intégrer les communautés culturelles à la
communauté anglophone. C'est faux, c'est archifaux. De le
prétendre relève, soit de la malhonnêteté, soit de
l'intérêt strictement partisan de politiciens qui ne
méritent pas, selon moi, ce qualificatif. C'est petit. C'est tellement
petit qu'on n'a pas besoin de se faire soutenir de façon artificielle
par des associations. Nous sommes conscients et confiants que le projet de loi
142 traduit exactement l'engagement électoral que nous, en tant que
parti, avons pris et que le chef de l'Opposition aussi avait pris, la
différence fondamentale étant que nous, avant ou après les
élections, nous avons le même discours, ce dont on ne peut accuser
l'Opposition.
Le Vice-Président: Le débat restreint sur cette
motion de report étant terminé, nous allons procéder
à sa mise aux voix. Vote enregistré. Qu'on appelle les
députés. (0 h 25 - 0 h 30)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! Veuillez vous asseoir s'il vous plaît! Nous procédons
maintenant à la mise aux voix de la motion de M. le député
de Verchères visant à reporter de six mois l'étude de
l'adoption du principe du projet de
loi 142, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de
santé et les services sociaux.
Je vous demanderais votre collaboration, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Je demanderais la collaboration de l'ensemble des
députés.
Que les députés qui sont favorables à cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Chevrette (Joliette), Garon
(Lévis), Rochefort (Gouin), Mme Juneau (Johnson), MM. Gendron
(Abitibi-Ouest), Brassard (Lac-Saint-Jean), Filion (Taillon), Gauthier
(Roberval), Paré (Shefford), Dufour (Jonquière), Parent
(Bertrand), Mme Harel (Maisonneuve).
Le Vice-Président: Que les députés qui
s'opposent à cette motion veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Gratton (Gatineau), Pagé
(Portneuf), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Bourbeau (Laporte), Paradis
(Brome-Missisquoi), Côté (Rivière-du-Loup), Mme
Gagnon-Tremblay (Saint-François), MM. Lincoln (Nelligan), French
(Westmount), Côté (Charlesbourg), Ciaccia (Mont-Royal),
Vallières (Richmond), Fortier (Outremont), Cusano (Viau), Vaillancourt
(Orford), Dauphin (Marquette), Maltais (Saguenay), Philibert
(Trois-Rivières), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Lefebvre
(Frontenac), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier), Doyon
(Louis-Hébert), Middlemiss (Pontiac), Beaudin (Gaspé), Cannon (La
Peltrie), Chagnon (Saint-Louis), Lemire (Saint-Maurice), Paradis
(Matapédia), Mme Pelchat (Vachon), MM. Rivard (Rosemont), Polak
(Sainte-Anne), Audet (Beauce-Nord), Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue),
Bélisle (Mille-Îles), Séguin (Montmorency), Mmes
Trépanier (Dorion), Bélanger (Mégantic-Compton), MM.
Fortin (Marguerite-Bourgeoys), Parent (Sauvé), Gervais (L'Assomption),
Bradet (Charlevoix), Brouillette (Champlain), Camden (Lotbinière),
Després (Limoilou), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), MM.
Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Forget (Prévost), Gardner
(Arthabaska), Gauvin (Montmagny-L'Islet), Gobé (Lafontaine), Hamel
(Sherbrooke), Dubois (Huntingdon), Bissonnet (Jeanne-Mance), Houde (Berthier),
Kehoe (Chapleau), Mme Legault (Deux-Montagnes), MM. Leclerc (Taschereau),
Hétu (Labelle), Joly (Fabre), Marcil (Beauharnois), Messier
(Saint-Hyacinthe), Poulin (Chauveau), Richard (Nicolet), Tremblay (Rimouski),
Thérien (Rousseau), Théorêt (Vimont), Saint-Roch
(Drummond).
Le Vice-Président: II n'y a aucune abstention.
Le Secrétaire: Pour: 12
Contre: 68
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président: La motion est donc rejetée. Nous
allons maintenant poursuivre le débat sur l'adoption du principe du
projet de loi 142. Est-ce qu'il y a un député qui veut intervenir
dans le débat pour l'adoption du principe? Oui. Je reconnais maintenant
M. le député de Nelligan et ministre de l'Environnement. Un
instant, M. le ministre. Alors, MM. les députés ou Mmes les
députées qui doivent quitter, veuillez le faire le plus
rapidement possible s'il vous plaît! Très bien. M. le ministre de
l'Environnement.
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, j'ai écouté
jusqu'à présent les débats qui ont eu lieu sur le projet
de loi 142 et je dois vous dire que j'ai été peiné de
penser que nous revenons faire une bataille linguistique entre nous et de
parler d'anglophones, de francophones et d'allophones. Nous de ce
côté de la Chambre, nous avons toujours voulu, au sein du Parti
libéral, que les gens essaient de se rejoindre comme personnes humaines
avant tout, en cherchant à trouver des moyens de se rencontrer et en
cherchant à dissiper tout ce qu'il y a de malentendus linguistiques
possibles. Je dois vous dire que j'ai trouvé cela très peinant de
penser qu'une loi qui a trait aux gens qui ont besoin de soins dans la
société et qui sont des gens en demande de compassion et de soins
de santé et de services sociaux soient en un certain sens les otages
d'une querelle qui n'a rien à voir avec ce projet de loi.
Je suis le député qui a présenté la
résolution sur les services sociaux et de santé pour la
communauté d'expression anglaise au sein du Parti libéral et qui
l'a acheminée au sein de nos divers congrès. Cette
résolution est passée par la commission des services sociaux et
de santé du Parti libéral. Cela n'a jamais été pour
nous une question linguistique. C'est peut-être la plus grande
fierté que nous ayons comme parti que, lorsque cette résolution a
été débattue, tout le parti unanimement, toutes les
régions et tous les comtés qui étaient majoritairement
francophones comme ils le sont naturellement dans notre parti et aussi les
comtés qui représentaient les minorités se sont tous
rejoints sur cette résolution, parce que cela représentait bien
plus et beaucoup plus qu'une affaire de langue et de problème
linguistique; cela représentait fondamentalement la consécration
d'un droit que nous pensions
tout à fait réaliste. C'est dans les circonstances
où il y a des institutions d'expression anglaise que nous avions
accepté de garantir cela dans leur expression, non pas pour la question
linguistique elle-même mais pour les soins de santé
spécialisés qu'on donne à une certaine
communauté.
Je pense surtout aux grands malades, aux vielles personnes ou aux
personnes âgées, aux handicapés intellectuels et physiques,
aux malades psychiatriques qui cherchent tous les jours les services
spécialisés dans leur langue parce que dans ce secteur des grands
malades la langue de communication est la chose la plus importante. Combien de
cas je pourrais vous citer de handicapés intellectuels qui ne peuvent
pas dire quelques mots seulement dans une langue ou une autre parce qu'ils n'en
ont pas les moyens intellectuels. Eux, ils cherchent à communiquer avec
des gens spécialisés pour les comprendre et pour les aider
à se valoriser. Je vous vois, Mme la députée, qui secouez
la tête. Je sais de quoi je parle. J'ai un enfant handicapé, j'ai
vécu avec lui 20 ans de ma vie, c'est à peine s'il peut dire
trois ou quatre mots en langue anglaise. Il faut qu'il se fasse comprendre par
des gens qui puissent l'entraîner à se valoriser. Dans le secteur
de la santé et des services sociaux... (0 h 40)
M. Dufour: M. le Président.
M. Lincoln: Je m'excuse! Mme Juneau: M. le Président.
Le Vice-Président: Un instant: Avez-vous une question de
règlement? Un instant! M. le député de Jonquière
sur une question de règlement.
M. Dufour: II s'adresse à Mme la députée de
Johnson. J'ai l'impression que, à moins que le règlement ne soit
changé, c'est au président qu'il doit s'adresser.
Le Vice-Président: Très bien. Il est évident
que, au point de vue de notre règlement, aucun député ne
peut s'adresser directement à un autre député... Un
instant! Un instant, s'il vous plaît! Je n'avais pas expressément
compris que le député de Nelligan s'adressait directement
à Mme la députée de Johnson, comme vous l'avez
mentionné. Je vais céder la parole à M. le
député de Nelligan et je vais effectivement m'assurer que ce
n'est pas le cas. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, peut-être que j'ai mal
compris un geste de Mme la députée, je le conçois et je
m'en excuse. Je croyais que vous disiez que vous ne compreniez pas ce que
j'essayais de décrire; si j'ai mal compris, je m'en excuse.
Ce que je voulais souligner, M. le Président, c'est que pour des
gens qui sont handicapés, pour des malades psychiatriques, la langue
n'est pas une question linguistique, mais c'est une question de communication
de base, presque essentielle et minimale, pour se faire comprendre dans des
situations où ils ont besoin de compassion, où ils ont besoin de
se valoriser, où ils ont besoin de recevoir des soins parfois
spécialisés que seules des personnes qui peuvent comprendre leur
mentalité et leur langue peuvent leur offrir. C'est cela que j'essayais
dire.
Ce que cette loi essaie de consacrer, c'est vraiment une
réalité essentielle, de base. Dans la communauté
anglophone, avec ses institutions qui existent aujourd'hui, nous voulons, quant
à nous, consacrer un droit que nous reconnaissons.
J'ai entendu autour de ce débat que l'Opposition essayait de
soulever des questions d'urgence. Y a-t-il une urgence? S'il n'y a pas
d'urgence, à ce moment-là, faut-il adopter cette loi? Toutes les
lois que nous adoptons ici le sont-elles en urgence? N'avons-nous pas le droit
fondamental, comme parti qui se respecte, de proposer des lois lors d'une
session parlementaire, que vous acceptez ou non? Dans ce cas, il est tout
à fait ironique que vous ne l'acceptiez pas, vous qui avez dit et redit
que vous acceptiez l'objectif de la chose et que votre chef a prononcé
à deux, trois ou quatre reprises l'engagement formel qu'il acceptait
cette même chose que nous essayons de promouvoir.
Qu'y a-t-il de tellement drôle ou de tellement extraordinaire pour
nous de proposer une loi qui découle même des fondements et des
résolutions de notre parti depuis plusieurs années?
Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît!
D'accord, M. le député, un instant. J'entends certains
députés qui se relancent d'un côté à l'autre
de l'Assemblée. Je vous demanderais de respecter notre règlement
et d'écouter en silence. Si vous avez quelque chose à dire sur le
sujet, je vous céderai la parole à nouveau. Je vous avertis
immédiatement que je serai très strict pour le reste du
débat de la soirée si cela se prolonge de cette façon ou
que cela s'oriente vers cette façon de procéder. Je serais
très strict à cet égard.
Je demanderais également à l'ensemble des
députés, quand ils s'adresseront... M. le député de
Lévis, un instant! Un instant, s'il vous plaît! Je demanderai
également... Un instant! M. le député! M. le
député, s'il vous plaît! M. le député de
Lévis, je vous mentionne expressément que j'ai demandé
à l'ensemble des députés leur collaboration, cela vous
comprend et d'autres députés également. Notre
règlement prévoit que tout député qui s'adresse
à l'Assemblée doit le
faire en s'adressant au président, sans s'adresser directement
à quelqu'un d'une autre formation politique ou même de sa propre
formation politique. Je serai très sévère à ce
point de vue-là. Je serai également très
sévère sur les réactions que les députés
auront dans le cadre des discours. J'interviendrai immédiatement et je
sanctionnerai tout défaut, tout manquement à notre
règlement.
M. le député de Nelligan et ministre de
l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, je pense n'avoir rien dit de
sournois, je ne sais pas pourquoi le député de Lévis
s'offense. Tout ce que j'ai dit, c'est que c'était une résolution
de notre parti, appuyée à l'unanimité par notre
parti...
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Nelligan. M. le député de Lévis, je vous avertis
formellement, comme tout autre député, de garder le silence
absolu et d'écouter ceux qui ont à intervenir. Vous interviendrez
à votre tour, comme l'ensemble des autres députés et
j'avertirai nommément tous les députés qui contreviendront
à cette directive.
M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, comme je le soulignais, je ne
sais pas ce qui froisse le député qui a fait des remarques tout
à l'heure. Tout ce que j'ai voulu souligner, c'est que notre parti, au
fil des années, depuis déjà trois, quatre ou cinq ans, a
discuté de cette résolution de la façon la plus ouverte
possible, a passé cette résolution à travers toutes les
instances de ses congrès, en a fait un engagement électoral
formel et l'a inscrite dans son discours inaugural de décembre 1985.
Quoi donc de plus naturel que nous fassions suivre cet engagement d'une
loi. Les députés de l'Opposition se sont presque offusqués
qu'on ait présenté une loi qu'on avait dit qu'on allait
présenter. Mais nous sommes fiers de tenir nos engagements
électoraux. Je comprends que vous ne compreniez pas la chose, parce que
vous, lorsqu'il s'est agi de votre engagement le plus formel,
l'indépendance, vous avez dit: Ah oui, cela continue, mais on ne le met
pas dans le programme électoral: une minute, c'est dedans, l'autre
minute, ce n'est pas dedans.
Votre chef est d'accord pour l'indépendance, mais il ne veut pas
la mettre dans le programme. Le chef associé est pour
l'indépendance et voudrait la mettre dans le programme. Vous n'avez
aucune politique fondamentale sur votre option fondamentale. Je comprends
qu'aujourd'hui, vous trouviez cela drôle que nous voulions tenir nos
engagements électoraux; c'est parce que vous ne comprenez pas la
chose.
Vous aviez pris le même engagement formel sur les services de
santé et les services sociaux en langue anglaise que vous reniez
aujourd'hui, parce que vous venez demander des motions de report, comme l'a
souligné le député de Gatineau, pour six mois; comme si
dans six mois, vous aurez changé d'option, vous aurez changé
d'optique et vous serez disposés à accueillir la loi 142.
Mais non, ce sera la même charade dans six mois. C'est pourquoi
nous allons persister avec cela. Nous pensons que c'est la reconnaissance d'un
droit tout à fait réaliste d'une communauté qui a des
droits historiques, qui a un service d'institutions de santé et de
services sociaux qu'elle veut voir reconnaître dans la loi. La loi
pourrait être changée plus tard. Mais, en même temps, cela
donne une assise à ces institutions, cela donne un droit fondamental
à ces gens. Cela est déjà reconnu du reste par la loi 65
qui vient confirmer toute la chose, comme cela a été le cas pour
vous-mêmes qui l'avez reconnu tout à fait ouvertement.
Je plaide pour la personne humaine beaucoup plus que pour le processus
des lois. C'est quoi, cette histoire de dire: Cela ne devrait pas être
dans une loi, cela devrait être dans la constitution. Cela ne devrait pas
être dans la loi 142, cela devrait être dans la loi 101. Qu'est-ce
que c'est que tout cela? Qu'est-ce que cela peut faire, les lois, les processus
et les structures des lois? Ce sont les humains qui comptent. C'est ce qui est
important. Oui, c'est cela.
On ne parle pas de bâtiments ici, on ne parle pas de routes, on ne
parle pas d'affiches, on ne parle pas de bilinguisme, on ne parle pas de
structures et on ne parle pas de bouts de papier. On parle de gens qui sont
malades et on parle de gens qui cherchent à avoir des services. C'est la
raison pour laquelle on va adopter la loi 142, et pour rien d'autre. C'est cela
la clé de cette loi et nous allons nous battre pour que cette loi soit
une réalité. On peut dire qu'il y a des services sociaux en
anglais partout, on en a cité des listes.
On a dit qu'il y en a en Basse-Côte-Nord et en Gaspésie. Je
pourrais vous dire qu'il y en a en Gaspésie et en Basse-Côte-Nord,
mais il n'y en a pas pour le handicapé intellectuel en Gaspésie
qui cherche un service spécialisé; il n'y en a pas pour le
handicapé intellectuel, le vieillard ou le malade psychiatrique en
Basse-Côte-Nord qui cherche un service spécialisé.
Ces services spécialisés sont donnés par certains
centres, surtout dans la grande région de Montréal et parfois
dans d'autres grandes régions, mais surtout dans la grande région
de Montréal. Cette loi vient consacrer le fait, parce que dans ce...
Des voix: ...
Une voix: Va te coucher!
M. Lincoln: ...réseau de service... (0 h 50)
Le Vice-Président: Un instant! Je déplore ce qui se
passe en ce moment à l'Assemblée. Je demanderais aux gens de s'en
tenir à notre règlement et de maintenir un décorum en
cette Chambre. M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: Tout réseau de services ne peut survivre que
s'il y a des professionnels qualifiés dans ce réseau de services
qui vont être intéressés à continuer de le
renouveler. C'est la clef. Si on n'a pas un réseau de services à
la communauté anglophone qui va pouvoir renouveler ses cadres, ses
professionnels et ses spécialistes, nous n'en aurons jamais assez pour
desservir la communauté, surtout la communauté régionale
d'expression anglaise dans les services spécialisés.
Je peux vous dire que j'en sais quelque chose, parce que j'ai
oeuvré pendant des années dans ce domaine comme
bénévole. Parfois, il était très difficile d'avoir
des services spécialisés dans certaines matières, parce
qu'il n'y avait pas assez de ces spécialistes. S'il n'y en avait pas
assez, même dans la grande région de Montréal, comment
pouvez-vous concevoir que des gens des régions éloignées
puissent trouver ces services en régions? C'est pourquoi nous voulons
qu'il y ait cette consécration du droit de ces gens de recevoir ces
services. S'ils ne les trouvent pas sur place, qu'ils puissent se
déplacer et aller vers les services qui sont disponibles dans les grands
centres. C'est la clef de tout. Même sur la rive sud ou dans l'est de
Montréal, parfois, il y a eu des exemples où,
théoriquement, les services étaient disponibles, mais, en
pratique, ils ne l'étaient pas.
Je pourrais vous citer des quantités de cas. Je pourrais vous
citer des cas de handicapés physiques, intellectuels, de malades
psychiatriques et de vieillards. Mme la députée, qui est
aujourd'hui ministre de la Santé et des Services sociaux, vous dira
aussi qu'elle et moi avions, dans le temps, approché le ministre des
Affaires sociales d'alors, qui est aujourd'hui leader de l'Opposition, pour un
cas typique d'une dame qui ne pouvait pas s'exprimer autrement qu'en anglais.
Elle s'était trouvée dans une maison pour personnes
âgées. Elle était très malade et elle ne pouvait pas
se faire comprendre. C'était aussi malheureux du point de vue des
infirmières que du point de vue de la dame elle-même.
C'était une situation qui ne faisait de bien ni d'un côté
ni de l'autre. C'est ce genre de choses que nous voulons éviter en
consacrant le droit à ces personnes de recevoir, lorsque les ressources
sont disponibles, des services de santé et des services sociaux dans
leur langue. C'est tout ce que cela veut dire. Cela ne veut pas dire plus que
cela.
De dire que cela va bilinguiser le Québec, que cela va ouvrir
tout un réseau parallèle pour les gens qui ne sont même pas
de langue anglaise présentement, pour les immigrants, c'est de ne plus
reconnaître la réalité du Québec. La
réalité du Québec, aujourd'hui, c'est que tous les
immigrants se dirigent de plus en plus vers l'école française.
Les cas cités par mon collègue de Laurier sont des cas actuels ou
du passé. Le Québec d'aujourd'hui et de demain est un
Québec francophone, de plus en plus francophone, de plus en plus
majoritairement francophone. Ceux d'entre nous qui rencontrent les immigrants
constatent que ceux-ci, qu'ils viennent de n'importe quel pays du monde, la
première langue qu'ils apprennent, c'est le français, à
part leur langue d'origine. Dire, aujourd'hui, que ce réseau va ouvrir
toute une panoplie de services en anglais aux nouveaux immigrants au
Québec, c'est ignorer complètement la réalité que
les immigrants vont devenir automatiquement francophones parce que tous leurs
enfants vont à l'école française et qu'ils se rallient au
milieu francophone parce qu'ils constatent que la réalité du
Québec d'aujourd'hui est francophone. Même dans les centres ou
dans les institutions anglophones où les anglophones sont en
majorité, comme l'ont fait ressortir la ministre, mon collègue de
Laurier et les autres, la loi 101 s'applique de toutes les façons. Tous
les services sont donnés en français comme en anglais.
Je ne vois pas une seule raison pour laquelle vous vous
inquiétez. Si vous aviez tellement de raisons de vous inquiéter,
comment se fait-il que votre chef, le chef de l'Opposition, ait pris des
engagements formels répétés? Si vous avez tellement
d'objections pour ouvrir toute la question aux allophones, si vous avez
tellement de questions à vous poser par rapport à la
bilinguisation du Québec dans les services sociaux en anglais, comment
acceptez-vous de l'inscrire dans votre propre constitution? Pouvez-vous
répondre à cette question? N'est-ce pas complètement
paradoxal que vous veniez nous dire que cette loi est dangereuse, qu'il ne faut
pas la laisser là, qu'il faut la retirer parce que cela va bilinguiser
le Québec? Mais, si on la met dans la constitution du Québec,
à ce moment-là, cela ne va pas bilinguiser le Québec. Quel
genre de logique est-ce?
Une voix: Péquiste.
Le Vice-Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Lincoln: Oui. Je crois, en conclusion, que, si vous êtes
fondamentale-
ment pour l'objectif de cette loi, qui est un objectif réaliste,
un objectif noble que vous avez accepté vous-mêmes, vous devez en
conscience appuyer cette loi. La reporter à six mois ne changera rien
aux choses. Nous, de ce parti, qui tenons à nos engagements
électoraux, nous allons faire le cheminement de cette loi et, si vous
dites qu'on l'adopte ce soir, c'est vous qui avez créé votre lit,
parce que c'est vous qui adoptez des motions de report. Nous disons: Les
humains avant les structures. C'est pourquoi nous allons voter pour cette
loi.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Cela a du bon de
siéger la nuit à l'Assemblée nationale, on apprend des
choses. La dernière fois qu'on a siégé la nuit, on a
appris du leader parlementaire - son premier aveu -que l'abolition du
règlement de placement ne créait pas un emploi au Québec.
Cette nuit, en écoutant le député de Nelligan, le ministre
de l'Environnement, un collègue également de la ministre de la
Santé et des Services sociaux, on vient d'apprendre qu'effectivement le
projet de loi créait un réseau parallèle d'institutions,
et c'est exactement ce qu'il vient de dire. M. le Président, vous ferez
descendre les galées, il l'a dit il y a à peine sept ou huit
minutes. Il a insisté là-dessus, à part cela. Tout ce que
vient faire ce projet de loi, c'est de créer un réseau
parallèle d'institutions pour offrir des services aux anglophones.
Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît, M.
le député de Taillon: De la môme façon que j'ai
rappelé tantôt à certains députés de
l'Opposition de s'asseoir è leur place, d'écouter en silence, et,
s'ils voulaient intervenir, de le faire proprio motu, suivant notre
règlement, en demandant la parole à leur tour, je le
répète à ma droite parce que je viens d'entendre des
commentaires sur le discours du député de Taillon. Je n'admettrai
pas cela, je sanctionnerai et je nommerai expressément les noms de ceux
qui contreviendront au règlement.
M. le député de Taillon.
M. Filion: En ce sens-là, M. le Président, s'il
faut siéger la nuit - avec les heures, peut-être que la
vérité commence à sortir - de ce côté-ci, on
sera disposé à faire de longues veilles, si cela peut apporter
aux rangs gouvernementaux un peu de cohérence dans les discours, si cela
peut faire en sorte qu'on commence à voir qu'au Conseil des ministres le
projet de loi présenté par la ministre de la Santé et des
Services sociaux reçoit des interprétations tout à fait
différentes, parfois contradictoires, comme c'est le cas maintenant.
Je rappellerais également ceci, M. le Président. J'ai
écouté attentivement l'intervention du ministre de
l'Environnement, le député de Nelligan, qui nous dit: Ce sont les
personnes qui comptent avant toute chose. C'est le même cas pour nous et
c'est pour cela, M. le Président, que le Québec n'a pas attendu
des lois pour faire en sorte que les services puissent être donnés
au Québec, que les meilleurs services et les meilleurs traitements
possible puissent être donnés à tous les citoyens
québécois et québécoises, peu importe leur langue
d'expression. C'est pour cela qu'il s'est bâti au Québec des
endroits où on reçoit ces services et c'est pour cela que,
même en dehors de ces endroits, aujourd'hui, une personne qui vient
s'exprimer en anglais ou en espagnol à l'hôpital Pierre-Boucher,
dans mon comté, on va trouver une façon de la servir,
d'échanger avec ce patient pour comprendre, d'abord, son
problème, puis pour lui expliquer le traitement ou le diagnostic qui
s'impose dans le cas des soins de santé dans les hôpitaux. (1
heure)
La loi que veut adopter le gouvernement libéral, ce n'est pas
celle-là qui va changer les attitudes dans les hôpitaux, dana les
CLSC, dans les centres d'accueil. Les personnes qui vont donner les soins, ce
n'est pas le député de Nelligan, ce n'est pas la ministre non
plus, ce sont les infirmiers et les infirmières, les médecins, le
personnel, le personnel de bureau, le personnel spécialisé et les
professionnels, ceux qui vont donner les soins, ce sont eux qui disent au
gouvernement libérait Retirez le projet de loi 142. Ce n'est pas
seulement nous qui le disons. L'Association des centres de services sociaux,
l'Association des hôpitaux du Québec, la Fédération
des CLSC du Québec, l'Association des centres d'accueil plus
l'association des centres privés subventionnés, l'ACHAP, ce sont
ces groupes qui représentent les travailleurs et les travailleuses du
secteur de la santé qui seront appelés à donner les soins
quotidiennement sur le terrain, qui seront appelés à recevoir les
gens, les Marocains, les Turcs, les Japonais, les Africains, peu importe. Ce
n'est pas le ministre de l'Environnement qui va aller traiter les gens dans les
hôpitaux et dans les centres d'accueil. C'est le monde. Et ce monde est
contre votre projet de loi.
N'avez-vous pas compris le message qui a été envoyé
depuis le dépôt, depuis le moment où, le 14 novembre, une
journée avant la fin de la date de tombée des projets de loi, les
organisations sectorielles,
une à une, à tour de rôle et ensemble, ont
expliqué au gouvernement libéral qu'elles ne veulent pas de son
projet de loi qui vient perturber le climat qui existe présentement et
le travail qui avait été fait par les différentes
institutions un peu partout sur le terrain?
C'est fascinant, cette espèce de double langage, non seulement
dans le temps, mais à l'intérieur du Conseil des ministres et
à l'intérieur de la Chambre. C'est fascinant. Les personnes
passent-elles avant toute chose? Oui. C'est pour cela que votre projet de loi,
nous, de l'Opposition, sommes contre, car ce qui compte, ce sont les
êtres humains sur le terrain. C'est ce qui est important pour
l'Opposition et c'est ce que nous avons défendu depuis neuf ans.
M. le Président, j'ai respecté les droits de parole des
intervenants précédents. J'aimerais beaucoup que vous puissiez,
sinon je vais le faire, appeler par son nom le député qui vient
de m'interrompre.
Le Vice-Président: Effectivement, M. le
député de Viau, je vous demanderais, comme je l'ai fait
tantôt, de...
M. Filion: II fait le fou, à part cela!
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député! Je vous demanderais de respecter le
droit de parole du député de Taillon et de ne faire aucun
commentaire. Vous les ferez lors de votre intervention. M. le
député de Taillon.
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. On vient, en
plus de cela, encore une fois, tenter de nous dire que le projet de loi 142
n'est pas une loi linguistique. C'est fantastique. Je pense qu'on n'a pas
besoin de faire un cours de droit pour comprendre la portée de la loi.
On va seulement lire ensemble les notes explicatives du projet de loi 142. "Ce
projet de loi modifie de nouveau la Loi sur les services de santé et les
services sociaux pour tenir compte des particularités linguistiques
d'une région et prévoir le droit à toute personne
d'expression anglaise de recevoir dans sa langue des services de santé
et des services sociaux". Ce n'est quand même pas l'Opposition qui a
rédigé les notes explicatives du projet de loi. Je continue: "II
prévoit aussi, pour ces bénéficiaires, les
modalités qui assurent l'accessibilité aux services de
santé et aux services sociaux en langue anglaise".
Le projet de loi 142 est, d'abord et avant tout, une loi linguistique,
M. le Président, donc une loi dans un secteur où le Québec
avait réussi, depuis 1977, à bâtir un équilibre
passablement fort de l'ensemble des Québécois autour des grands
acquis qu'avait amenés la loi 101. D'ailleurs, je rappellerais au
gouvernement libéral qui est très féru de sondages que la
loi 101 était, jusqu'au dépOt des projets de loi 140 et 142, la
loi la plus socialement et la plus généralement acceptée
par l'ensemble des Québécois. Le premier ministre et la ministre
de la Santé et des Services sociaux auraient peut-être avantage,
étant très friands de sondages, à prendre connaissance de
cette donnée.
La loi 101 avait donc réussi à bâtir un
édifice légal, socialement accepté et acceptable par
l'ensemble de la communauté québécoise. Évidemment,
la langue - on l'a souvent mentionné en cette Chambre - c'est fragile,
c'est passionnant, cela soulève des discussions, cela soulève
même, dans certains cas, des passions déréglées. Je
pense que c'est tout à fait normal qu'on ait un peu
d'émotivité dans ce débat. Mais ce qui est aussi normal,
c'est de réussir à regarder cet ensemble législatif avec
sa raison. On pouvait constater, avant que le gouvernement libéral
dépose ce projet de loi, que cet édifice, si l'on veut,
législatif, était, bien sûr, nécessaire, mais
était très efficace au Québec. Depuis dix ans, on avait
réussi à bâtir une certaine paix sociale.
Le député de Nelligan disait tantôt: Je regrette de
devoir encore une fois intervenir sur des questions linguistiques. Mais qui a
présenté le projet de loi 140? Qui a présenté le
projet de loi 142? Ce n'est pas l'Opposition qui l'a fait, c'est le
gouvernement libéral. Qui a envoyé des signaux tout croches au
Québec, depuis le 2 décembre 1985, sinon le premier ministre, qui
pourtant devrait se souvenir du genre de dégâts qu'il a
causés au Québec entre 1970 et 1976 avec ses tentatives de lois
linguistiques? Il devrait s'en souvenir, mais il l'a oublié, M. le
Président. Aujourd'hui, tous les observateurs, unanimement, lui
rappellent à quel point ses gestes législatifs, avec ces deux
projets de loi, sont téméraires. Le député de
Saint-Laurent, premier ministre du Québec, devrait se rappeler ce qu'on
a vécu un peu partout au Québec entre 1970 et 1976, notamment
à l'occasion du débat sur le projet de loi 22. Mais semble-t-il
que la mémoire du premier ministre soit courte, là-dessus, comme
sur ses engagements électoraux d'ailleurs en général,
puisqu'il a récidivé en déposant des projets de loi qui ne
font l'affaire de personne, sauf des députés libéraux, des
projets de loi qui ont réussi à bâtir un mur d'opposition
non seulement au Parlement, mais à l'extérieur du Parlement
également. Unanimement tous les intervenants du réseau des
affaires sociales n'en veulent pas et ce sont eux qui vont vivre avec la loi.
Ce sont eux qui vont devoir l'appliquer, le cas échéant, et ils
n'en veulent pas. Quelle sorte de législation autoritaire est
déposée par le ministre?
En ce sens-là, M. le Président, je pense que la ministre
de la Santé et des Services
sociaux, sans le savoir, a servi de tête de pont pour les lois
linguistiques, comme elle avait servi de tête de pont pour les coupures
budgétaires dans la santé. Je parle des soins dentaires. Dans ce
cas-ci, peut-être les grands spécialistes en communication de la
tour d'ivoire, du bunker du premier ministre, ont-ils dit: Ah, cela serait bon
si c'était la ministre de la Santé et des Services sociaux qu'on
envoyait avec notre petit projet de loi linguistique. Elle va nous passer cela
en douceur, en prétextant qu'il s'agit là d'une loi humanitaire.
Je pense que maintenant, surtout à la suite du discours qu'a fait
tantôt le député de Nelligan, on peut être certain
qu'il s'agit plutôt d'une loi linguistique. Ce qui me frappe beaucoup
dans les discours qu'on a entendus ce soir de la part du parti
ministériel, c'est qu'on ne semble pas capable de distinguer entre les
objectifs d'un projet de loi et les moyens contenus dans un projet de loi pour
atteindre soi-disant ces objectifs. Les députés libéraux
qui ont pris la parole ce soir ont tous dit, finalement: nous sommes pour cela,
les services en anglais. À 90 %, disait le député de
Fabre; nous de ce côté, c'est à 100 %, mais pas seulement
en anglais, en espagnol aussi, en grec, en portugais, en chinois, pour que tout
le monde puisse être traité dans un hôpital ou un centre
d'accueil d'une façon convenable. Nous sommes pour cela à 100 %
de ce côté-ci. Mais cela, c'est une chose; c'est l'objectif du
projet de loi.
Mais il faut regarder quels moyens on prend dans la loi pour atteindre
ce principe. Dans ce cas-ci, c'est clair. Le projet de loi a pour effet
d'intégrer les communautés culturelles aux anglophones et de
créer, comme le mentionnait le député de Nelligan, un
réseau parallèle d'établissements anglophones comparable
à celui existant en matière d'éducation. Ce sont les
moyens contenus dans le projet de loi 142 et c'est dans ce sens que le projet
142 vient, tout comme le projet de loi 140, briser le consensus social qui
était obtenu lors de l'adoption de la loi 101. Il vient également
briser le consensus social qui existait dans les établissements
eux-mêmes.
Je l'ai mentionné tantôt, M. le Président, à
l'occasion de la motion de report déposée par mon
collègue, le député de Verchères, et,
malheureusement, refusée par les gens d'en face, il existe au
Québec 31 centres hospitaliers reconnus par l'Office de la langue
française et où la langue de communication est l'anglais. Je vais
vous épargner l'énumération de cette liste, mais il y en
31. Parmi les plus importants qui sautent aux yeux, on retrouve l'hôpital
Royal Victoria, Santa Cabrini, Shriners, Reine-Élizabeth, Reddy
Memorial, l'Hôpital neurologique de Montréal, Lachine,
Montréal, Lakeshore, etc., 31 endroits, des centres hospitaliers, des CH
dans le jargon du ministère de la Santé et des Services sociaux,
où des services sont fournis en anglais et trois centres locaux de
services communautaires où il s'abat un travail formidable. Je vais vous
citer quelques exemples. Au CLSC Parc Extension, où près la
moitié de la clientèle est d'origine grecque, on n'a pas attendu
le projet de loi 142, on n'en a pas besoin pour créer une table de
concertation interethnique qui a pour but d'identifier les problèmes
communs. Au CLSC Saint-Louis du Parc, où 30 % du personnel est
néo-québécois, où près de 30 % de la
clientèle est grecque, il y a rédaction et distribution de
dépliants dans trois langues sur les grossesses à risque. Le
personnel en place parle trois langues, le réceptionniste, la
téléphoniste, et on peut y faire l'accueil en cinq langues
différentes. C'est au CLSC Saint-Louis du Parc. Je pourrais continuer,
M. le Président, et vous dire ce qui se passe dans les deux centres de
services sociaux qui sont le Centre de services sociaux Ville-Marie et le
Centre de services sociaux juifs à la famille, les 36 centres d'accueil
et d'hébergement et les 13 centres d'accueil et de
réadaptation.
On n'avait pas besoin du projet de loi 142 pour offrir des services aux
communautés culturelles et à la communauté anglophone. On
n'avait pas besoin du projet de loi 142. Pourquoi? Parce que, d'abord et avant
tout, ces services sont une affaire d'attitude et de comportement. C'est aussi
une affaire de collaboration entre les intervenants, comme le CRSSS de
Montréal réussit à le faire. Le projet de loi 142 est une
gifle aux intervenants du milieu des affaires sociales. Je les comprends
d'apprécier de façon très négative le projet de loi
142. (1 h 10)
En terminant, M. le Président, je voudrais vous signaler
rapidement ceci. Le projet de loi 142 contient trois choses.
Premièrement, il y a la partie linguistique qui est l'une des parties
les plus importantes du projet de loi; deuxièmement, il concerne aussi -
et on n'en a pas beaucoup parlé - la tutelle imposée à la
ministre de la Santé et des Services sociaux par le président du
Conseil du trésor qui, dorénavant, approuvera les actes
juridiques que doivent poser les établissements; troisièmement,
il contient des règles relatives aux conflits d'intérêts
des membres du conseil d'administration.
Donc, il y a deux parties à ce projet de loi: une partie
linguistique et une partie administrative. Ce que je suggère donc
à cette Assemblée, c'est de scinder en deux le projet de loi
142.
Motion de scission
À cet effet, je dépose, M. le Président, la motion
de scission suivante: Conformément aux dispositions de l'article 241 de
nos règles
de procédure, je fais motion pour "que le projet de loi 142, Loi
modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, soit scindé en deux projets distincts: un premier projet
intitulé Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de
santé et les services sociaux concernant l'accessibilité des
services de santé et des services sociaux dans une langue autre que
française et comprenant les articles 1, 2, 3, 9 et 10, et un second
projet intitulé Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de
santé et les services sociaux comprenant cette fois-ci les articles 4,
5, 6, 7, 8 et 10 du projet de loi."
Je vous ai remis, M. le Président, une copie de cette motion de
scission. C'est simple: Que la partie linguistique fasse l'objet d'un projet de
loi différent de la partie administrative et, si vraiment les gens d'en
face sont sérieux et cohérents, ils vont appuyer cette motion de
scission. Je vous remercie.
Le Vice-Président: Donc, la motion est
déposée et, avant de me prononcer sur sa recevabilité, je
devrai prendre connaissance du contenu. Si la partie ministérielle veut
bien examiner cette motion, je pourrai entendre ses arguments sur la
recevabilité, de même que ceux de l'Opposition. M. le
député de Nelligan et ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, avant que vous interveniez
sur la motion, j'aurais voulu intervenir sur l'article 212 pour rectifier des
propos qui ont été tenus par le député de Taillon
qui a complètement déformé ce que j'ai dit.
Le Vice-Président: Très bien. Donc, M. le
député, vous pouvez en vertu de l'article 212, si vous estimez
que vos propos ont été mal compris ou déformés,
donner de très brèves explications sur le discours que vous avez
prononcé. Donc, je vous cède la parole.
M. Lincoln: Cela va être très très bref. Le
député a dit plus d'une fois que j'avais soi-disant dit dans mon
discours, que la loi 142 créerait un réseau parallèle.
C'est tout le contraire que j'ai essayé de démontrer. C'est
exactement tout le contraire. Je défie le député de
Taillon d'aller chercher les galées et de me montrer où j'ai dit
qu'il y aurait un réseau parallèle qui serait créé.
C'est sur cela que je voulais intervenir pour que le Journal des débats
sache tout à fait que ce n'était pas du tout mon intention et que
ce n'était pas du tout le sens de mon discours de démontrer qu'un
réseau parallèle serait créé.
M. Filion: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Très bien, M. le ministre. Sur
une question de règlement, M. le député de Taillon.
M. Filion: Je pense que l'article 212 s'applique dans un cas
où un député a prononcé des paroles qui ont
été mal interprétées. Dans ce cas-ci, j'invite le
député de Nelligan à relire ce qu'il a dit
lui-même.
Le Vice-Président: Un instant! L'article 212 est
très clair. On dit: "Tout député estimant que ses propos -
estimant; donc, c'est d'après ce qu'il pense - ont été mal
compris ou déformés peut donner de très brèves
explications sur le discours qu'il a prononcé." Il n'est pas question
d'engendrer un débat à nouveau, de repartir un débat,
mais, comme j'ai permis vendredi à d'autres députés,
à un député de l'Opposition de corriger certains propos
qu'on lui avait imputés - il estimait que ses propos avaient
été mal compris ou déformés et il a fait la mise au
point, ce que le député de Nelligan, le ministre de
l'Environnement, vient de faire - je pense que c'est dans la teneur de notre
règlement. Cela clôt la discussion sur l'article 212 que nous
avions à ce moment-ci.
Donc, maintenant, sur la motion de scission, M. le leader du
gouvernement.
M. Grattons Oui, M. le Président. Il me semble qu'en vertu de
l'article 241 la motion de scission que vient de présenter le
député de Taillon, à sa face même, est irrecevable.
Je suis donc prêt à entendre votre décision, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je voudrais vous lire d'abord l'article 205: "Toute
motion de fond peut, sur motion sans préavis, être scindée
lorsqu'elle contient plusieurs principes pouvant faire chacun l'objet d'une
motion distincte. La motion de scission doit indiquer de quelle façon
celle-ci s'effectue."
M. le Président, je vous réfère aux notes
explicatives du projet de loi dont les deux premiers paragraphes se lisent
comme suit: "Ce projet de loi modifie de nouveau la Loi sur les services de
santé et les services sociaux pour tenir compte des
particularités linguistiques d'une région et prévoir le
droit à toute personne d'expression anglaise de recevoir dans sa langue
des services de santé et des services sociaux, compte tenu de
l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces
services. "Il prévoit aussi, pour ces bénéficiaires, les
modalités qui assurent l'accessibilité aux services de
santé et aux services sociaux en langue anglaise." C'est une chose,
c'est un
principe.
Au troisième paragraphe, M. le Président, c'est bien dit:
"Ce projet de loi modifie en outre les dispositions de la loi qui obligent un
établissement à obtenir l'autorisation du gouvernement pour poser
certains actes juridiques afin que cette autorisation soit dorénavant
donnée par le Conseil du trésor. On y prévoit de plus que
celui-ci pourra déléguer cette fonction au ministre."
C'est une tout autre chose. C'est une délégation de
pouvoir qui n'a aucunement affaire avec la question linguistique des deux
premiers paragraphes.
Si l'on voulait continuer, on verrait qu'il y a véritablement
trois principes, comme mon collègue de Taillon l'a bien exprimé.
"Enfin, ce projet de loi assouplit les règles relatives aux conflits
d'intérêts au sein d'un conseil d'administration d'un
établissement public."
C'est loin des affaires linguistiques, M. le Président. Donc,
pour répéter l'argument du leader du gouvernement, à sa
face même, la motion est recevable et j'attends votre
décision.
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, j'ai ici le Recueil des
décisions concernant la procédure parlementaire. Quant aux
précédents, par exemple, le leader de l'Opposition faisait valoir
que la lecture des notes explicatives indique qu'il y a plus d'un principe au
projet de loi. je vous prierais de lire, au dernier paragraphe, la
décision qui a été rendue le 12 juin 1985. À ce
moment, le président avait accepté la motion de scission. On lit,
au dernier paragraphe: "Pour déterminer les principes d'un projet de
loi, les notes explicatives n'ont aucune valeur juridique en soi."
C'est tellement vrai, M. le Président, qu'au moment où
l'on sanctionne un projet de loi les notes explicatives disparaissent et
n'existent plus dans la loi comme telle. C'est donc s'appuyer sur de mauvais
arguments que de se replier sur les notes explicatives. Elles n'ont aucune
valeur, comme la décision précédente le dit.
Le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Dans la motion présentée par mon
collègue de Taillon, vous pouvez y lire que la scission se
réfère aux articles bien précis 1, 2, 3, 9 et 10. Vous
verrez que les articles de loi... Je ne vais quand même pas lire tout le
projet de loi. Les notes explicatives, dans ce cas précis,
reflètent exactement les articles. Vous pourrez constater que ce qui
regarde les services de santé, ce sont les articles 4, 5, 6, 7 et 8 du
projet de loi 142. Les articles qui touchent la dimension linguistique sont les
articles 1, 3, 9 et 10, parce que c'est la promulgation, donc, il sert aux
deux. À sa face même, je le répète, c'est une belle
tentative de la part du leader du gouvernement, mais, à cette heure-ci,
il devra être contraint de faire les deux heures qui s'imposent.
Le Vice-Président: Évidemment, je devrai rendre une
décision là-dessus. Je vais me retirer quelques instants. Nous
allons suspendre la séance afin que je puisse rendre ma décision.
Le leader du gouvernement faisait mention d'une décision concernant le
contenu juridique des notes explicatives. Cela va de soi, évidemment,
que les notes explicatives sous-tendent certains articles du projet de loi.
À ce moment-ci, pour rendre ma décision, je dois me
référer non pas aux notes explicatives, mais aux articles du
projet de loi, à la lumière de la motion de scission que vous
avez présentée, M. le député de Taillon. Sur ce,
nous suspendons la séance pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 1 h 24)
(Reprise à 1 h 31)
Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous
plaît! Veuillez prendre place, s'il vous plaît!
Sur la recevabilité de la motion de scission
présentée par le député de Taillon, je
déclare dès maintenant cette motion recevable puisque le projet
de loi 142 présentement à l'étude contient plus d'un
principe. Nous pouvons, tel que la motion l'a présenté, les
scinder en deux catégories: dans un premier temps, les services de
santé pour personnes d'expression anglaise et, dans un deuxième
temps, certaines dispositions relatives à des dispositions d'ordre
administratif. En conséquence, la motion est déclarée
recevable et cette motion, au sens de notre règlement, fera l'objet d'un
débat restreint d'un maximum de deux heures et, à la suite de la
rencontre avec les leaders, il y a quelques instants... À l'ordre, s'il
vous plaît!
À la suite de la rencontre que j'ai eue avec les leaders il y a
quelques instants, il a été convenu que le partage du temps se
ferait moitié moitié pour chaque parti, soit un maximum d'une
heure pour chacune des formations politiques. Chaque formation n'est pas
limitée, à l'intérieur de son enveloppe, quant aux
interventions. Sur la motion, je cède la parole à M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Merci, M. le Président. La motion que vient de
présenter le député de Taillon est évidemment une
motion dilatoire
qui vise uniquement à retarder le débat de fond sur le
principe du projet de loi 142 que - est-il utile de le rappeler? - nous avons
abordé à 20 heures hier. Je vous indique donc tout de suite, M.
le Président, que le gouvernement votera contre cette motion de scission
puisqu'il ne saurait...
Des voix: Bravo!
M. Gratton: ...cautionner quelque motion ou quelque geste que ce
soit posé par l'Opposition pour se défiler devant sa
responsabilité et son devoir de procéder à l'étude
et à l'adoption du principe du projet de loi 142.
J'indique tout de suite, M. le Président, pour que tous les
membres de l'Assemblée soient bien informés, que, compte tenu que
ce débat restreint durera au maximum deux heures et compte tenu de
l'heure tardive, nous proposerons l'ajournement du débat
immédiatement après que ce débat sera terminé. Nous
en reporterons le vote à demain, à la fin de la période
des affaires courantes. Je le dis de façon que tant l'Opposition que les
membres ministériels de l'Assemblée nationale sachent que nous
n'avons pas l'intention de poursuivre le débat sur le principe du projet
de loi au-delà de cette durée accordée sur la motion de
scission. Ce débat sur l'adoption du principe reprendra au cours de la
séance de mardi qui, normalement, devrait être demain, mais qui
est aujourd'hui.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Sur la motion de scission, M. le
député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Je vous remercie, M. le Président. Il est 1
h 35. Le leader du gouvernement a choisi de faire débattre d'un projet
de loi qu'il a présenté comme un projet de loi important - un
projet de loi majeur, nous ont dit un certain nombre de ministres de son
équipe - non pas au moment où l'on discute des grandes questions
dans notre société, mais au moment où il n'y a personne
pour suivre les travaux de l'Assemblée nationale. Il veut être
bien certain que ce débat entourant le projet de loi 142, sur lequel le
gouvernement se sent sur la défensive, dont le gouvernement
reconnaît toutes les faiblesses qui sont à la base et dans
l'ensemble des articles qu'il contient, éveillera le moins grand nombre
possible de Québécois et de Québécoises aux
questions de contenu de ce projet de loi précipité,
improvisé, mal rédigé. Comme le décrivait le
premier ministre lui-même deux jours après son dépôt,
c'est un projet de loi qui constitue carrément une passoire au plan
linguistique, donc un panier percé linguistique. Voilà le projet
de loi 142!
On décide de nous faire débattre de ces questions de nuit
comme si c'était la façon de discuter des grandes questions dans
notre société, en plein coeur de la nuit, plutôt qu'au
grand jour, au vu et au su de tous et de l'ensemble de notre
collectivité.
M. le Président, je me lève pour appuyer fortement la
motion faite par le député de Taillon visant à scinder le
projet de loi 142. Scinder le projet de loi 142, dans le jargon des
parlementaires, c'est prendre un projet de loi omnibus, un projet de loi qui
contient plusieurs dispositions qui ne sont pas liées les unes aux
autres, et le diviser, en réunissant les dispositions qui concernent un
même sujet, pour en faire deux projets de loi différents.
On se rappellera, M. le Président, qu'à l'occasion de
l'élection du Parti libéral à la direction du
Québec la vice-première ministre en tête et le leader du
gouvernement, la suivant de pas très loin, sont venus tous les deux nous
dire: C'est fini les lois omnibus. On va légiférer de
façon claire, de façon ouverte, de façon transparente...
M. le Président, je m'excuse, mais j'ai cru comprendre que vous aviez
fait des rappels à l'ordre à certains de mes collègues
tantôt. J'imagine que c'est bon pour les deux côtés de la
Chambre?
Le Vice-Président: C'est déjà fait, M. le
député. Allez-y, je vous écoute.
M. Rochefort: Je souhaiterais, M. le Président, avoir la
possibilité de m'exprimer sans les bruits de fond que certains
collègues font actuellement.
M. le Président, on nous l'avait promis: fini les projets de loi
omnibus, on va légiférer avec des projets de loi qui ne vont
traiter que d'un seul principe, que d'un seul secteur d'activité pour
permettre aux membres de l'Assemblée nationale de mieux
légiférer, de légiférer en toute clarté, en
toute limpidité, en toute transparence pour permettre à
l'ensemble des intervenants de notre société de participer au
processus législatif, nous disait-on, pour permettre à tous ceux
et toutes celles qui auront des choses à dire d'avoir le temps de voir
que ces choses sont bien comprises dans le projet de loi et non pas
cachées à l'intérieur de bon nombre de dispositions.
Deuxièmement, par de plus petits projets de loi, nous
répétait-on, nous aurons l'occasion de mieux associer les groupes
au moyen de commissions parlementaires, de mieux associer les membres de
l'Assemblée nationale, pour qu'ils puissent mieux participer au
processus législatif.
M. le Président, il s'agissait là aussi d'une promesse de
rouges, donc d'une promesse non tenue. Mais nous avons
l'occasion ce soir de permettre une fois - ce ne sera pas une habitude,
vous allez pouvoir maintenir votre attitude de ne pas respecter vos promesses,
ne vous en faites pas - à la majorité ministérielle de
remplir partiellement un de ses engagements qui était celui de ne plus
légiférer par des lois omnibus.
Ce que propose le député de Taillon, c'est que, d'une
part, il y ait un projet de loi qui traite de la question des services de
santé et des services sociaux dans une autre langue que le
français, donc qu'un projet de loi distinct traite de l'ensemble des
dispositions linguistiques que nous retrouvons dans le projet de loi 142. (1 h
40)
Regrouper l'ensemble des dispositions traitant des dimensions
linguistiques du projet de loi 142 permettrait au gouvernement de sortir de ce
carcan de précipitation dans lequel il s'est inséré
à la date ultime pour déposer des projets de loi pour voir leur
adoption avant le 19 décembre, soit le 13 novembre dernier. Il faut que
le gouvernement sorte de ce carcan de précipitation dans lequel il s'est
inscrit depuis le 13 novembre, eu égard aux dimensions linguistiques du
projet de loi 142. Il faut qu'il permette un débat et non pas sur les
objectifs du projet de loi. Ces objectifs sont tellement partagés par
l'ensemble des Québécois et des Québécoises que
déjà depuis plusieurs années et plusieurs
décennies, par leur attitude de réceptivité, de respect
des minorités, de générosité et de volonté
réelle de partager leur vie et leur société avec les
membres des différentes communautés, ces derniers donnent des
services à l'ensemble de la population, de minorité anglophone ou
membres des minorités culturelles du Québec, tant en ce qui
concerne les services de santé que les services sociaux. Donc, on
n'aurait pas besoin de revenir sur l'objectif du projet de loi, mais cela
permettrait au gouvernement de refaire son projet de loi, de refaire un projet
de loi 142, quant à ses dispositions linguistiques, qui corresponde en
tous points au discours que nous tient la ministre de la Santé et des
Services sociaux. Malheureusement, encore une fois, la ministre de la
Santé et des Services sociaux nous tient un discours, et le projet de
loi qu'elle a déposé est une tout autre chose.
M. le Président, on a beau trouver agréables les propos de
la ministre de la Santé et des Services sociaux, elle ne sera pas
toujours ministre de la Santé et des Services sociaux. De plus, lorsque
des associations, des groupes ou des individus réclameront, devant un
tribunal, à partir du projet de loi voté, les juges
n'étudieront pas les questions qui leur seront soumises à partir
des intentions, des discours, des appréciations faites par la ministre
de la Santé et des Services sociaux, mais c'est à partir du
contenu même du projet de loi que les juges décideront et
recevront les demandes de clarification ou les plaintes qui seront
portées devant eux. En conséquence, faire en sorte de distinguer
les projets de loi l'un de l'autre permettrait à la ministre de la
Santé et des Services sociaux - peut-être avec l'aide du
président du Comité de législation de son gouvernement -
de bâtir un projet de loi parfaitement conforme, en totalité et en
exclusivité, au discours qui nous est tenu. Là aussi, sur cela
comme sur tout le reste, on tient encore un double langage, un beau discours
où on dit: Non, il n'y a pas de problème linguistique, et patati
et patata. C'est un projet de loi qui, au dire même du premier ministre,
est une passoire, un panier percé sur le plan linguistique.
Cela permettrait aussi à la ministre de la Santé et des
Services sociaux de changer son attitude à l'égard des hommes et
des femmes qui, chaque jour au Québec, donnent des services de
santé et donnent des services sociaux aux Québécois et aux
Québécoises qui ont besoin d'un soutien en matière sociale
ou en matière de santé. On ne traite pas les intervenants du
monde de la santé et des services sociaux, comme le fait la ministre de
la Santé et des Services sociaux. On ne vient pas déposer
à la toute dernière minute de notre session parlementaire un
projet de loi, le déposer en précipitation, en catastrophe, en
improvisation, en disant: Écoutez, je n'ai pas le temps de discuter avec
vous de ce projet de loi, quand il sera adopté, vous l'appliquerez
bêtement. Ce n'est pas comme cela qu'on fait marcher le monde, ni dans le
réseau de la santé et des services sociaux, ni dans tout autre
réseau, ni dans tout autre secteur d'organisation de notre
société. Il faut que la ministre de la Santé et des
Services sociaux s'amende, que la ministre de la Santé et des Services
sociaux reconnaisse qu'elle a fait une erreur en voulant bousculer ses
intervenants, ses partenaires du monde de la santé et des services
sociaux. Il faut qu'elle vienne leur dire: Oui, je reconnais que vous avez bien
fait votre travail dans la dispensation et la fourniture des services de
santé et des services sociaux à la minorité anglophone et
aux minorités culturelles du Québec. Qu'elle vienne le
reconnaître et leur dire qu'elle reconnaît le bon travail qu'ils
ont fait. Qu'elle vienne avec eux, comme ils lui ont demandé, voir,
à partir des problèmes que la ministre identifie comme des
problèmes qui demeurent, quels sont les moyens et les
aménagements administratifs qu'on peut réaliser sur les
mêmes bases que celles qu'on a utilisées jusqu'à ce jour
pour donner des services en quantité et en qualité suffisantes
aux membres de la communauté anglophone et aux membres des
minorités culturelles du Québec. Il faut que la ministre de la
Santé et des Services sociaux réponde à cette demande de
l'Association des centres
d'accueil du Québec, de la Fédération des centres
locaux de services communautaires du Québec et de l'Association des
centres des services sociaux du Québec, qui lui disaient: Mme la
ministre, nous vous demandons de surseoir et d'interrompre l'adoption du projet
de loi 142 et de venir explorer avec nous, les intervenants du réseau,
Jes avenues de solutions adéquates pour garantir aux
bénéficiaires de la communauté anglophone et aux
bénéficiaires des autres communautés culturelles
l'accès aux services de santé et aux services sociaux de
qualité auxquels ils ont droit.
Dans ce même document, ces différentes associations non
seulement reconnaissaient et réitéraient tout le travail qu'elles
ont fait à ce jour pour donner ces services qui sont effectivement
donnés à l'ensemble de ces personnes, mais reconnaissaient qu'on
n'a pas besoin d'une loi pour donner des services, puisque le passé est
garant de l'avenir, que, jusqu'à ce jour, la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, par son article 5, reconnaît la
nécessité de donner des services à tout le monde sans
discrimination, quelle que soit leur langue, leur race, leur couleur, leur
religion, leurs allégeances politiques, etc. et qu'à partir de
cette disposition législative ils ont donné des services et ils
veulent continuer à en donner. Cela permettrait donc à la
ministre de retourner chercher cette adhésion, de rechercher cette
confiance, de retrouver cet esprit de collaboration...
Le Vice-Président: M. le député de Gouin, je
m'excuse. Sur une question de règlement, M. le député de
Laurier.
M. Sirros: M. le Président, je me demande simplement si le
député a mélangé ses feuilles. Il me semble que
c'est le discours sur la motion de report et nous en sommes sur une motion de
scission.
Une voix: II est tout mêlé.
Le Vice-Président: Un instant. Évidemment, M. le
député de Gouin, je vous ai écouté attentivement
et, à un moment donné, j'ai cru que vous aviez certains arguments
qui ressemblaient plus à une motion de report qu'à une motion de
scission. Je comprends, l'argumentation peut fusionner aussi dans ces genres de
motion. C'est quand même assez ténu comme distinction. Je vous
cède à nouveau la parole en vous demandant, M. le
député de Gouin, si possible de discuter sur la motion de
scission principalement.
M. Rochefort: M. le Président, vous me permettrez de
féliciter le député de Laurier pour son intervention
profonde et importante quant au fond des sujets débattus
présente- ment. Je vous dirai que je suis justement en train de
démontrer quelle utilisation pourrait faire le gouvernement s'il
distinguait les deux projets de loi l'un de l'autre. Donc, pour faire ce que je
propose, il faut scinder le projet de loi et c'est ce que je tente de
démontrer. Évidemment, le député de Laurier n'a pas
compris, mais là-dessus le premier ministre et moi, nous nous entendons
très bien. Ce n'est pas pour rien qu'il ne l'a pas nommé
ministre. Je comprends bien le premier ministre là-dessus.
Comme je le disais, cela permettrait donc à la ministre d'aller
rechercher l'appui, la collaboration et le partenariat de ses collaborateurs du
réseau de la santé et des services sociaux. On ne peut un jour
traiter les partenaires du réseau de la santé et des services
sociaux de façon autoritaire et, le lendemain, aller les voir et leur
demander: Écoutez, accepteriez-vous de venir vous asseoir avec nous pour
qu'on puisse discuter ensemble de l'amélioration de la qualité
des services de santé au Québec? Non, M. le Président. Il
faut qu'on ait toujours, en tout temps, une attitude ouverte, une attitude
disponible, une attitude constructive, une attitude de confiance et de respect
de nos partenaires si l'on veut aussi leur demander qu'ils donnent la pleine
mesure de leurs moyens et de leurs capacités. Je pense qu'en distinguant
les deux projets de loi la ministre aurait l'occasion de changer son fusil
d'épaule quant à sa façon de travailler avec son
réseau et elle pourrait aller rechercher cet appui et cette ouverture
d'esprit du réseau qui sont nécessaires, peut-être pas
à la ministre, mais à l'ensemble des Québécois et
des Québécoises qui sont aujourd'hui patients dans un
hôpital ou bénéficiaires dans un centre d'accueil ou dans
un centre local de services communautaires ou qui sont des gens qui n'utilisent
pas aujourd'hui des services de santé et des services sociaux, mais qui
pourraient, demain, après-demain, un jour, avoir à faire appel
aux services de santé et aux services sociaux du Québec. Ils
souhaiteront retrouver là un personnel qui est de bonne humeur, un
personnel heureux, un personnel qui se sent respecté, qui se sent
reconnu par les autorités gouvernementales. Et voilà un bon moyen
pour permettre à la ministre d'aller rechercher cette adhésion.
(1 h 50)
Le fait de scinder ces deux projets de loi, M. le Président,
permettrait aussi à la ministre de retirer toutes les dimensions
linguistiques incorrectes qu'on retrouve dans ce projet de loi.
M. le Président, la ministre de la Santé et des Services
sociaux vient nous dire: Arrêtez de nous dire qu'on va intégrer
à la minorité anglophone du Québec les communautés
culturelles du Québec parce qu'on leur dit qu'il sera possible de se
faire soigner ou obtenir des services sociaux en
langue anglaise. Elle nous dit que la langue de l'intégration -
c'est bien connu - c'est la langue de travail et la langue de
l'éducation. M. le Président, dans un contexte normal, dans un
climat normal, on pourrait reconnaître que les propos de la ministre sont
justes; mais dans un climat comme celui que nous connaissons depuis le 2
décembre 1985, lors de l'élection du gouvernement libéral
à la tête du Québec, le projet de loi 142, eu égard
à ces dispositions qui font en sorte qu'on dit à l'ensemble des
membres des communautés culturelles du Québec de venir se faire
servir en anglais dans le domaine de la santé et des services sociaux,
non pas dans votre langue ou en français, mais en anglais, vient ajouter
un nouveau signal aux communautés culturelles comme quoi on ne souhaite
pas que cela se passe en français au Québec. Cela est un signal
inadmissible et qui a été bien noté par l'ensemble des
éditorialistes du Québec.
M. le Président, le leader du gouvernement, qui est venu nous
faire un petit discours de clôture sur la motion de report, a
accusé l'Opposition de tous les maux quant aux effets linguistiques que
nous avons identifiés dans le projet de loi. Dois-je dire que, en
tentant de nous insulter et de nous prêter des propos comme ceux qu'il
nous a prêtés, ce que le leader du gouvernement a fait, c'est
qu'il a insulté et pointé du doigt les éditorialistes qui
ont vu la portée linguistique inadmissible du projet de loi 142 et qui
l'ont dénoncée à de multiples reprises jusqu'à ce
jour. Évidemment, il est plus facile de faire passer ces accusations 3ur
le dos de l'Opposition que de prendre de front les éditorialistes du
Québec; on reconnaît encore là l'absence de courage de la
formation politique qui dirige le Québec depuis le 2 décembre
1985.
Or, donc, M. le Président, faire des éléments
linguistiques un projet de loi à part permettrait au gouvernement
d'aller discuter en commission parlementaire avec les intervenants de
l'ensemble de ces questions, parce que c'est ce que ces intervenants ont
demandé, permettrait de corriger pour vrai les trous contenus au projet
de loi, les articles qui sont, au dire même du premier ministre, des
passoires au plan linguistique. Cela permettrait de recréer un climat
positif et constructif avec l'ensemble des intervenants du réseau de la
santé et des services sociaux.
D'autre part, M. le Président, la ministre, en conséquence
d'une telle motion, pourrait faire un projet de loi qui amenderait à
nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux et qui
comprendrait les articles contenus au projet de loi 142 traitant des conflits
d'intérêts et des responsabilités que le gouvernement a
décidé non plus d'assumer lui-même, non plus de confier
à la ministre de la Santé et des
Services sociaux, mais qu'il a décidé de confier au
président du Conseil du trésor. Effectivement, M. le
Président, dans le projet de loi 142, on transfère des pouvoirs
qui sont entre les mains de la ministre de la Santé et des Services
sociaux, comme de tous ceux qui l'ont précédée
jusqu'à ce jour au Québec, qui sont entre les mains aussi du
gouvernement comme réunion, comme ensemble, comme Conseil des ministres
du Québec, on prend ces pouvoirs et on les transfère au Conseil
du trésor. De quels pouvoirs s'agit-il? Il s'agit de la volonté
que des établissements du réseau ont d'acquérir,
d'aliéner des immeubles, de procéder à des
immobilisations. Jusqu'à ce jour, sous tous les gouvernements qui ont
précédé l'actuel gouvernement libéral, la ou le
ministre de la Santé et des Services sociaux prenait le dossier en main
et il posait les questions nécessaires pour bien le comprendre et,
ensuite, lorsqu'il était d'accord avec le dossier, il allait au Conseil
des ministres pour bien sensibiliser l'ensemble des membres du Conseil des
ministres qui représentent différentes régions du
Québec, différentes sphères d'activité de
l'organisation de notre vie en société pour bien les sensibiliser
et les associer à une décision visant à dire oui ou non
à un établissement qui voulait construire, aliéner un
immeuble, acquérir un immeuble, ou procéder à des
immobilisations. Cela faisait en sorte que les établissements du
réseau étaient défendus par leur ministre de la
Santé et des Services sociaux et que, de plus, ils étaient
certains que le Conseil des ministres était sensibilisé à
ces questions importantes d'acquisition, de rénovation d'immeuble,
d'immobilisation dans les mandats qui leur ont été donnés
pour mieux servir la population.
Ce que le projet de loi 142 nous dit à cet égard, c'est
que cette responsabilité ne sera plus celle de la ministre de la
Santé et des Services sociaux. Elle ne sera plus celle des membres du
Conseil des ministres, mais bien celle du Conseil du trésor. C'est, pour
nous, la consécration définitive, déjà bien
amorcée et vraiment définitive de la tutelle de la ministre de la
Santé et des Services sociaux par le président du Conseil du
trésor. On l'a vu dans les coupures aux différents programmes de
santé, les fermetures de lits et les abolitions de postes depuis
quelques mois. On l'a vu dans le programme de soins dentaires dans lequel on
coupe de 8 000 000 $ à 20 000 000 $, sur le dos des enfants du
Québec.
Par ce projet de loi, on s'aperçoit que ce sont les tentacules du
président du Conseil du trésor qui en prennent un morceau
additionnel et qui font que pour l'essentiel, finalement, la ministre de la
Santé et des Services sociaux sera maintenant sous la tutelle du
président du Conseil du trésor; à un point tel que les
dispositions du projet de loi 142, sur ces questions, prévoient
que, si jamais, un jour, le président du Conseil du trésor
accepte de reconnaître qu'il s'agit là de questions qui
relèvent de la ministre de la Santé et des Services sociaux,
peut-être acceptera-t-il de redéléguer une partie de ses
pouvoirs à la ministre de la Santé et des Services sociaux,
à partir d'un cadre précis et d'obligations très formelles
qu'il lui fera quant au respect des dispositions prévues au projet de
loi 142. Or, nous disons que cela doit faire l'objet d'un projet de loi
distinct qui doit être rediscuté avec l'ensemble des intervenants
du réseau. Là aussi, il a reçu un désaccord formel
de l'Association des hôpitaux du Québec.
Finalement, ce projet de loi à caractère un peu plus
administratif, même si les conséquences sont aussi lourdes pour
d'autres raisons, comprendrait aussi des dispositions sur les conflits
d'intérêts. Là, on doit commencer à s'interroger un
peu sur les volontés réelles de la ministre. Cela fait
déjà un bon nombre de discours dans lesquels la ministre de la
Santé et des Services sociaux évoque ses préoccupations
quant aux conflits d'intérêts possibles pour les membres des
conseils d'administration des établissements du réseau de la
santé et des services sociaux. Elle a posé un certain nombre de
gestes sur le plan administratif, eu égard à ces questions. Elle
a inclus dans la loi 74 ou 75, au mois de juin dernier, différents
éléments traitant des conflits d'intérêts dans les
conseils d'administration des établissements du réseau de la
santé et des services sociaux. Aujourd'hui, elle nous arrive avec un
autre chapitre concernant encore une fois les conflits d'intérêts
pour les membres des conseils d'administration dans les établissements
du réseau de la santé et des services sociaux. J'avoue qu'on est
sur le point de demander à la ministre de faire le point une fois pour
toutes sur ces questions. Qu'elle fasse donc état une fois pour toutes
de ses préoccupations des cas qu'elle voit ou qu'elle a peut-être
observés au fil des ans dans le secteur de la santé et des
services sociaux. On souhaite qu'un jour ou l'autre la ministre finisse par
faire le point sur ces questions de façon globale, complète et
définitive pour qu'on sache quelles sont ses réelles tracasseries
sur ces questions.
En même temps que la ministre nous fait adopter ses petits bouts
de chapitres concernant les conflits d'intérêts possibles dans les
conseils d'administration, elle fait beaucoup de nominations aux conseils
d'administration. Plusieurs nominations.
Une voix: Oui. On a vu ça.
M. Rochefort: Cet été, elle a fait des nominations
dans l'ensemble des conseils d'administration d'à peu près 900
établisse- ments du réseau de la santé et des services
sociaux. J'avoue, quand on dépose des projets de loi et qu'on dit qu'il
faut adopter des mesures très strictes, très rigides, plus
complètes que celles que nous possédions eu égard aux
conflits d'intérêts possibles des membres des conseils
d'administration, que l'on se demande si, là aussi, ce n'est pas encore
le double discours. (2 heures)
Je fais adopter des dispositions pour pouvoir tenir un discours comme
quoi c'est bien couvert, mais les dispositions que l'on fait adopter ne
correspondent pas toujours. Je ne parle pas de tout le monde, M. le
Président, loin de là; je parle d'un certain nombre
d'inquiétudes que nous avons eues et que bon nombre d'intervenants du
réseau de la santé et des services sociaux ont eues, à
voir arriver certains hommes et certaines femmes à la tête de
conseils d'administration à partir des nominations de la ministre de la
Santé et des Services sociaux. Là, on commence à
s'interroger et on aura certaines questions à poser à la ministre
à l'occasion de l'étude article par article du projet de loi,
parce qu'il faut qu'une fois pour toutes elle fasse le point là-dessus
et qu'elle établisse une corrélation directe entre ces
dispositions législatives qu'elle nous fait voter chaque saison ou
presque et les nominations qu'elle fait. On dénote, disons donc, pour le
moins une absence de cohérence totale et complète entre les
nominations qu'elle fait et les dispositions qu'elle souhaite voir adopter, eu
égard à ces questions.
Or, M. le Président, en conclusion, nous souhaitons effectivement
deux projets de loi: un projet de loi sur les questions linguistiques qui doit
absolument être reporté en même temps, du même coup,
au printemps prochain, parce qu'il n'y a pas urgence, parce qu'aussi il faut
que la ministre aille faire des consultations publiques, au grand jour, au vu
et au su de tous, pour faire en sorte qu'on en arrive à un projet de loi
qui est non pas une passoire au plan linguistique et non pas un désaveu
de ce qui a été fait jusqu'à aujourd'hui en matière
de services de santé et de services sociaux aux minorités
culturelles du Québec et à la minorité anglophone du
Québec, mais bien plus un projet de loi qui permettrait de poursuivre le
travail fort bien réalisé jusqu'à aujourd'hui et fort
satisfaisant, eu égard à ces questions. Cela, non pas en serre
chaude, en cachette et à la sauvette, dans la précipitation et
l'improvisation, mais au grand jour, en prenant le temps qu'il faut pour faire
en sorte que l'on sorte de là avec un projet de loi qui n'est pas farci
de trous, mais qui ne va pas au-delà du discours et qui fait en sorte
que l'on peut faire un pas réel de plus et non pas des pas de
géant dans la volonté réelle de ce gouvernement
d'angliciser le Québec.
Deuxièmement, un projet de loi qui reprendra les dispositions
plus administratives eu égard à la tutelle que le
président du Conseil du trésor veut voir définitive sur sa
collègue, la ministre de la Santé et des Services sociaux, et eu
égard aux conflits d'intérêts dans les conseils
d'administration dans le monde de la santé et des services sociaux.
Même si on n'est pas d'accord avec l'ensemble de ces dispositions,
sûrement pas avec celles traitant de la mise en tutelle définitive
de la ministre de la Santé et des Services sociaux par le
président du Conseil du trésor, on serait prêts à
collaborer pour permettre au gouvernement, si tel est son désir,
d'adopter son projet de loi avant le 19 décembre prochain, même si
nous aurions là aussi des amendements à apporter et des
représentations à faire pour améliorer le projet de loi et
faire en sorte que l'on aide peut-être la ministre de la Santé et
des Services sociaux à sortir du joug et des tentacules du
président du Conseil du trésor.
Voilà, M. le Président, des motifs concrets, positifs,
constructifs, visant à scinder le projet de loi 142 en deux projets de
loi distincts pour permettre à l'ensemble des Québécois et
des Québécoises de pouvoir voir un projet de loi respecter ce qui
se fait, respecter les volontés du Québec et respecter l'ensemble
des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux.
Je vous remercie.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, il y a un an et quelques
jours, je siégais pour la première fois à cette
Assemblée nationale et le premier discours que j'avais à entendre
était celui de Mme la vice-première ministre qui, de la voix
suave qu'on lui connaît, avec ce sourire jovialiste qui la
caractérise, nous parlait de lois improvisées, de lois mal
rédigées, nous disait qu'il n'était plus question, au plus
grand jamais, au Québec de rédiger des lois omnibus, des lois
où il y avait tout là-dedans, que tout était pour
être d'une étonnante limpidité et d'une extraordinaire
clarté dans les lois que nous apporterait le nouveau gouvernement du
Parti libéral.
On était pour légiférer peu et on était pour
légiférer mieux. Un an et quelques jours après, je dois
lever mon chapeau et la saluer, ils ont effectivement bien réussi
à légiférer peu. Quand on regarde le régime
Metrécal législatif qu'ils nous ont servi, effectivement, ils ont
peu légiféré. Oh, coïncidence, M. le
Président, ils ont peu légiféré surtout dans des
domaines qu'ils n'avaient pas abordés! Dans les domaines où en
campagne électorale il n'y a pas eu d'enjeu, là, on
légifère. Est-ce qu'on légifère mieux, M. le
Président? La question se pose.
Je vous remercie, M. le Président, d'imposer l'ordre aux gens
d'en face qui ont toujours tendance à ne pas respecter le droit de
parole de l'Opposition. Donc, légiférer mieux, soi-disant, mais
"mieux" intervient sur des projets de loi dont il n'a jamais été
question. On était pour consulter et être à
l'écoute.
Ce matin, d'ailleurs, dans un discours où elle nous faisait part
de sa grandeur d'âme, la ministre balayait une partie des gens qui,
normalement, au Québec, sont ceux que l'on consulte. Elle avait
réussi à les ramasser dans une injure dont elle seule a le
secret. Elle disait: Vous savez, ces intellectuels rêveurs! Quel
mépris envers les élites d'une société que de
traiter les gens d'intellectuels rêveurs! Les intellectuels rêveurs
ont bien répondu au projet de loi 142 que nous présente la
ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Lavoie-Roux, en se
disant tous et chacun unanimement contre le projet de loi qu'elle nous
présente, lui demandant même d'y surseoir. Mon collègue de
Laviolette a bien donné la définition du mot "surseoir" qui est
d'interrompre le cours, arrêter, reprendre. C'est facile à
"gober", je pense, une explication aussi simple que celle-là; c'est
très facile, le député de Lafontaine le sait bien. Mais,
on ne l'a pas fait.
On nous est arrivé avec un projet de loi qui porte sur deux
sujets. Autant la vice-première ministre que la ministre de la
Santé et des Services sociaux avouent donc qu'il s'agit d'un projet de
loi omnibus. Il ne faut pas nous prendre pour des valises sous prétexte
qu'on est 23, au contraire. On se rend bien compte de ce qui se passe
officiellement en face et l'on se rend bien compte de ce qui se passe
officieusement en face.
Ce projet de loi a deux portées, M. le Président. Il a une
portée linguistique très importante dont il ne faut pas
sous-estimer les répercussions sur l'avenir de la francophonie
québécoise et une autre partie qui a des dimensions d'ordre
administratif, d'ordre financier qui relève du président du
Conseil du trésor, le mal aimé ou le malentendant peut-être
du Conseil des ministres puisqu'il semble qu'aucune des recommandations et
qu'aucun des commentaires des gens qui l'entourent dans cette soucoupe
planétaire, sous le bunker, ne soit écouté. Il semble que
personne n'écoute les revendications que peuvent poser de façon
souvent très légitime et avec beaucoup d'intelligence des
ministres comme le ministre de l'Éducation qui avait pourtant la
réputation d'être un social-démocrate, la ministre de la
Santé et des Services sociaux, la ministre déléguée
à la Condition féminine et même le ministre des
Relations
internationales à qui l'on a coupé les budgets d'une
façon - on va employer un terme médical puisqu'on est en
santé - drastique.
Donc, M. le Président, on est en train de nous présenter
un projet de loi très mal rédigé. Au départ, comme
le dit en perroquet ou en porte-à-faux, parce que cela ne peut pas
être un porte-voix, l'honorable collègue de Lafontaine qui
s'excite dans le fond de la salle malgré l'heure tardive et le
sérieux dont ces propos devraient s'entourer, ils sont en train, d'une
part, de démentir la vice-première ministre quand elle faisait le
long énoncé de début de session en remplacement du
député de Bertrand qui avait été défait
à l'élection du 2 décembre et qui a dû attendre
qu'une porte - comment appelle-t-on ce bois que l'on défonce facilement
et qui ne blesse pas dans les films? -en balsa s'ouvre dans le comté de
Saint-Laurent, porte très facile à enfoncer pour entrer quand on
veut venir à l'Assemblée nationale. (2 h 10)
M. le Président ou M. le leader adjoint, est-ce que vous pouvez
lui demander de... s'il vous plaît? Je vous remercie. Donc, la porte en
balsa du comté de Saint-Laurent a été très
facilement défoncée par le premier ministre au nom duquel Mme la
vice-première ministre nous faisait part des belles et pieuses
intentions du nouveau gouvernement. La vertu se retrouvait de ce bord, la tarte
aux pommes est en train de cuire et, finalement, on était
débarrassé de ces rêveurs intellectuels que nous
étions supposés être parce que nous pratiquions la
concertation nous, M. le Président. On était
débarrassé de ces gens et maintenant tout irait pour le mieux
dans le meilleur des mondes. Mais le meilleur des mondes, aujourd'hui, on voit
ce que cela donne.
On a le projet de loi 142 qui est double, je vous le
répète, avec un premier volet... J'allais dire "violait". Mon
Dieu, quelle explication psychologique au lapsus! Avec comme premier vol ou
"viol", puisque c'est le terme qu'il faut véritablement employer... Les
lapsus, je vous l'ai dit, ont toujours des racines psychologiques très
profondes et ils nous sont toujours suggérés par les agissements
des gens d'en face. M. le Président, avec un premier volet, là,
on dit: II y aura des services en langue anglaise pour ceux qui ne sont pas
d'expression française.
On a fait cela sans débat. Mme la ministre de la Santé et
des Services sociaux a reçu un télégramme. Les
établissements du réseau de la santé et des services
sociaux s'y refusent carrément. Elle a même essayé de les
rencontrer pour les faire changer d'idée, M. le Président, et
cela a été peine perdue de sa part. Ce sont des gens qui
connaissent leur métier, des gens qui vivent sur le terrain
quotidiennement et des gens qui voient très bien ce qui se passe dans le
champ. Vous savez, les nuages du Complexe G peuvent parfois nous couper de la
réalité de ce qui se passe à terre et surtout le manque
d'éclairage de la salle planétaire du "bunker" peut,
également empêcher de voir ce qui se passe à
l'intérieur. Ces gens lui ont signifié un non
catégorique.
Un projet de loi d'importance qu'on ose même nous présenter
à 2 h 15. Est-ce qu'ils ont peur de venir en discuter en pleine
clarté et non pas à la noirceur? Est-ce qu'ils ont peur de faire
un débat là-dessus? Accepteraient-ils une invitation à
venir faire un débat là-dessus? On va choisir un des plus beaux
petits coins de pays qui puisse exister au Québec. On va faire un
débat là-dessus dans le comté de Saint-Jacques, à
la salle du Plateau, dans le parc Lafontaine. Je vais inviter ma
collègue, l'affable députée de Vachon, à venir
faire ce débat avec moi, quoique je préférerais avoir Mme
la ministre de la Santé et des Services sociaux. Au lieu de
fréquenter les cocktails de Saint-Jacques, elle pourrait peut-être
venir voir les gens de Saint-Jacques et on pourrait discuter avec les gens des
établissements de santé et ceux des CLSC de mon comté. On
pourrait parler avec les gens du CLSC centre sud, contre lequel elle portait en
commission, il y a quelques heures, de très graves accusations -je ne
les révélerai pas aujourd'hui, mais on reprendra le débat
avec elle - et du CLSC centre-ville qui offre des services à nos
compatriotes d'une autre langue que l'anglais, des services en français
et des services dans leur langue. Ils reçoivent des services en
espagnol, ils en reçoivent même de leur député, en
espagnol. Le CLSC centre-ville donne des services à cause de la
présence du quartier chinois...
Une voix: Olé!
M. Boulerice: Olé! Oui, effectivement, dans quelques mois,
pour vous, ce sera "Olé!" et "bye-bye"! Au CLSC centre-ville, il y a une
population d'origine chinoise qui reçoit des services dans sa langue.
Avec le projet de loi que nous présente Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux, le visage français de
Montréal, cela va être du contre-plaqué, cela va être
du faux plâtre, cela va être un trompe-l'oeil. À quoi cela
va-t-il nous servir d'avoir un affichage et de donner un maquillage
français à Montréal si on commence tranquillement à
habituer ces gens en leur disant: Écoutez, vous êtes malades, nous
sommes désolés, mais le traitement est en anglais? Il n'est pas
en français et il n'est même pas dans votre langue. Seuls, nous
sommes capables de bien vous servir, seuls, nous sommes capables de mettre le
plâtre ou le cataplasme dans votre langue, parce que c'est nous, les
établissements anglophones, qui allons faire cela. C'est la
création d'un deuxième réseau et d'un réseau
parallèle, et c'est surtout - ce qui est pire encore - nier la
compétence des établissements de santé de langue
française au Québec, qui, depuis des années, font des
efforts considérables pour donner dans les langues d'origine des
services aux communautés.
On l'a fait en éducation. Le programme PELO, ce ne sont |ias les
gens d'en face qui ont fait cela (programme d'enseignement des langues
d'origine). Si dans mon quartier les jeunes Portugais de première,
deuxième et troisième génération d'arrivée
au Québec réapprennent la langue de leur père et nous font
bénéficier de leur culture, c'est une mesure adoptée par
le gouvernement du Parti québécois et non par les gens d'en face.
Qu'est-ce qu'ils ont fait, eux? Ils n'ont rien fait à ce sujet.
Maintenant on nous présente cela pour des raisons humanitaires.
Cela ressemble à certains journaux - il y en avait deux à
l'époque; aujourd'hui il n'en reste plus qu'un - à certains
articles d'éditorialistes ou à une presse électronique
qui, le 16 novembre 1976, au matin, cherchaient dans les rues de Westmount le
sang qui coulait, cette pauvre minorité anglophone
égorgée, assassinée. Un peu plus, on était au Congo
et nos autobus étaient remplis de Lumumba. Ce matin-là, j'ai pris
l'autobus 63 qui descend Côte-des-Neiges et c'était plein de mes
compatriotes anglophones de Montréal qui continuaient d'aller travailler
chez Eaton, Ogilvy's et à n'importe quel autre type d'entreprises. Il y
en a qui venaient travailler en français dans Saint-Jacques. Je pense
que même ceux qui sont retournés le soir chez eux sont
retournés en excellente santé, du moins la même qu'ils
avaient lorsqu'ils ont quitté la maison le matin.
Le texte de loi qu'on nous présente actuellement va faire qu'en
définitive ce gouvernement ne tient pas compte du contexte
québécois, un contexte qui est délicat, un contexte dont
les équilibres sont délicats et qui permet au français de
s'y épanouir encore plus lorsqu'on lui donne les mesures auxquelles il a
droit. Mais on préfère adopter à la vitesse et à la
sauvette un projet de loi omnibus, à deux volets, en pleine nuit, en
pleine noirceur. Le whip adjoint du Parti libéral déjà
avoue de façon très honnête, qu'ils font cela en pleine
nuit.
Une voix: Qestion de règlement. Whip en chef!
Le Vice-Président: Ce n'est pas une question de
règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boulerice: C'est vrai qu'il ne m'appartenait peut-être
pas d'apprécier son travail et de prendre une décision qui
appartient au premier ministre, je m'en excuse. Donc, voilà qu'on va
l'adopter effectivement en pleine nuit, à deux heures vingt minutes, en
cachette et à la noirceur, sans avoir engagé les discussions et
sans avoir été capable d'expliquer très clairement au vu
et au su de tous qu'il existe au Québec, pour ce qui est des soins de
santé aux communautés, de graves problèmes et un
état d'urgence. (2 h 20)
On nous a fait le coup de Beyrouth-Ouest et de la médecine de
guerre pour les urgences. Là, il pouvait peut-être y avoir une
question d'urgence mais quand on regarde les résultats aujourd'hui - je
suis bien placé pour les vivre dans deux des plus importants
hôpitaux de Montréal, soit Notre-Dame et Saint-Luc, centres
universitaires d'ailleurs tous les deux - je pense qu'il y a des urgences dont
la ministre des Affaires sociales devrait s'occuper au lieu d'essayer de nous
faire croire que le projet de loi 142 qu'elle nous présente revêt
un caractère d'urgence tel qu'il faut tout suspendre à
l'Assemblée nationale, qu'il faut apporter sac de couchage et thermos de
café et passer une nuit complète et entière ici pour
discuter d'un projet de loi très mal fait, très mal écrit,
qui passe à côté, qui a trois, quatre, cinq ou dix volets
qui n'ont absolument rien à voir avec le fond de la question, mais
qu'elle aimerait bien voir adopter aujourd'hui parce que des discours ont
été faits là-dessus géographiquement, dans des
endroits bien localisés du Québec.
Par contre - je suis bien placé pour vous en parler ayant
passé plus d'une année et demie, tous les jours, dans les rues de
mon comté - c'est drôle, je n'ai jamais entendu un candidat du
parti d'en face ou d'autres partis, discuter d'un problème comme
celui-là et me tracer un portrait tel de la réalité que
j'aurais pu arriver ce soir à l'Assemblée et dire:
Écoutez, vous avez raison, c'est vrai, il y a urgence; il y a des gens
qui n'ont pas de services, il y a des gens qui n'ont pas de soins, il y a des
gens dont la vie est menacée parce qu'ils ne peuvent s'exprimer dans
l'une des deux langues du Québec, le français ou l'anglais. En
effet, s'ils ne les parlent pas... ce que semble faire un peu trop le
député de Notre-Dame-de-Grâce, à qui je demanderais
de bien vouloir faire silence dans cette Chambre. C'est une
élémentaire politesse que nous lui rendons avec beaucoup de
plaisir, mais il ne semble pas y avoir réciprocité. Il se pense
peut-être encore en commission des institutions avec ses humeurs
changeantes; il y a aussi des humeurs changeantes de l'autre côté.
Personne n'est venu, M. le Président, depuis un an et demi, me dire
qu'il y avait urgence à faire cela. S'il n'y pas urgence à faire
cela...
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Saint-Jacques, j'ai un rappel au règlement. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: II ne serait peut-être pas bête qu'on
réexplique au député de Saint-Jacques qu'il est à
parler sur une motion de scission et non pas sur la motion de report qu'on a
discutée tout à l'heure. Il parle d'urgence; alors, il serait
peut-être bon qu'il change de dossier ou de feuilles, de points de
repère. On est sur la motion de scission, j'aimerais bien qu'on le
ramène à la pertinence.
Le Vice-Président: En, effet, M. le député
de Saint-Jacques, je voudrais vous faire part que, depuis quelques moments,
vous êtes plutôt, à mon point de vue, sur le fond même
du projet de loi 142, alors qu'actuellement nous en sommes au débat
restreint sur la motion de scission. Vous devez m'expliquer ou expliquer
à l'Assemblée les raisons pour lesquelles vous êtes en
faveur de la scission du projet de loi et non pas parler sur le fond même
du projet de loi, lequel débat se poursuivra à une autre
occasion. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Vous m'avez enlevé les paroles de la bouche,
M. le Président, mais je ne vous en voudrai pas; vous connaissez le
respect que j'ai envers votre personne. Je suis en faveur de la motion de
scission parce que la loi n'est justement pas pertinente, M. le
Président, elle n'est pas pertinente!
La loi touche deux volets complètement distincts l'un de l'autre:
il y a des services à donner à une population dans des
établissements et il y a des règles administratives, qui existent
au niveau des conseils d'administration ou qui relèvent du Conseil du
trésor, s'il s'agit d'engagements financiers. Si l'on se fie à la
logique exprimée par la vice-première ministre du Québec,
la no 2 du gouvernement, le projet de loi doit être "scindu" parce qu'il
touche...
Des voix: Ha! Ha!
M. Boulerice: Oui, oui, "scindu", c'est le terme qu'il faut
employer.
Une voix: Scindé.
M. Boulerice: Le gouvernement ne peut pas se ceindre d'un tel
projet de loi, M. le Président, ce serait indécent. Ce ne serait
sûrement pas une couronne à porter pour lui, un projet de loi
aussi mal rédigé. C'est donc en contradiction avec
l'énoncé gouvernemental quant aux nouvelles façons de
légiférer au Québec. S'ils ont pris le temps
d'écrire un texte, dont la ministre n'est pas sortie une seconde
d'ailleurs quand elle nous l'a livré à l'ouverture de la
première session, à ce moment-là, qu'on prêche par
l'exemple et qu'on nous présente un texte de loi qui soit en
conformité avec ce grand énoncé de politique qu'elle nous
a lancé, drapée dans le manteau de la virginité, en nous
disant: Ce sera maintenant comme ça. Ce n'est pas comme ça qu'on
nous présente les projets de loi. Celui qu'on a actuellement, le projet
de loi 142, doit être scindé de façon que les deux parties
du texte puissent être mises en consultation auprès des gens du
milieu.
Il y a peut-être certains milieux que les gens d'en face aiment
consulter, mais, quant à nous, quand on parle du mot "milieu", on
s'entend bien pour dire que ce sont les gens directement concernés.
Qu'on vienne chez moi parler aux gens du Carrefour latino-américain pour
savoir s'ils en veulent. Qu'on vienne ensuite en parler aux gens du CLSC centre
sud, à qui ils sont en train de dire qu'ils font mal leur travail.
Qu'ils prennent le temps de venir faire ça et après on en
rediscutera s'ils jugent encore à propos, surtout opportun, mais d'abord
et avant tout pertinent de présenter un nouveau projet de loi 142.
Merci.
M. Vallières: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président: Oui, M. le whip du gouvernement.
M. Vallières: J'aurais une question à adresser au
député de Saint-Jacques, s'il me le permet.
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Jacques, est-ce que vous consentez à ce que le whip du
gouvernement vous adresse une question? Est-ce que vous y consentez?
M. Boulerice: Saint-Jacques n'a rien à cacher, M. le
Président.
Le Vice-Président: Très bien. Je dois vous rappeler
que cette question doit être brève et que la réponse doit
être également très brève.
M. Vallières: Puisque le député de
Saint-Jacques appuie la motion de scission, j'aimerais qu'il nous indique
laquelle de ces deux parties de motion il compte appuyer? Quelle partie du
projet de loi qui est scindé compte-t-il appuyer? Qu'il nous dise sur
laquelle il est d'accord.
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Jacques.
Des voix: Ha! Ha!
M. Boulerice: Je n'ai jamais dit que j'appuierais une des deux
parties. Je leur ai
dit d'aller refaire leurs travaux; ils sont mal faits. Quand ils
reviendront, on verra.
Des voix: Ah bon!
Le Vice-Président: Très bien. Je cède
maintenant la parole au leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez
de résumer en quelques phrases ma position sur cette motion de scission
du projet de loi. D'abord, vous me permettrez de dire que, tel que
rédigé, ce projet de loi, à sa face même, indique
qu'il touche à deux choses nettement différentes. Parler de
conflits d'intérêts et parler de changement d'autorité de
la ministre de la Santé et des Services sociaux par rapport au Conseil
du trésor, ce sont deux choses qui font partie du contexte
administratif. Par ailleurs, parler de l'accessibilité aux soins en
langue anglaise, c'est une chose qui peut être traitée
complètement seule. À mon point de vue, c'est une erreur que de
l'avoir imprimé de cette façon, parce qu'il ne permet pas un
débat correct. On est obligé de mêler deux dimensions et je
pense que cela brouille les cartes.
C'est pour cette raison fondamentale que, personnellement, je suis pour
la scission. Je suis aussi pour la scission parce que le projet de loi, tel que
libellé, à mon point de vue, prête à
interprétation en ce sens qu'il laisse sous-entendre qu'au moment
où on se parle il n'y aurait pas de services en langue anglaise. Je
trouve dommage qu'il soit rédigé de cette façon. C'est
donner une fausse impression d'un projet de loi. Le législateur ne doit
pas parler pour ne rien dire. Il doit être clair. Il doit être
limpide. (2 h 30)
Personnellement, ayant occupé le poste de ministre de la
Santé et des Services sociaux, j'ai toujours été d'une
grande clarté avec quelque groupe que ce soit. Nulle part en
Amérique du Nord ailleurs qu'au Québec, l'on ne retrouve autant
de services que ceux qui sont donnés à notre minorité
anglophone. Et voici qu'on essaie, par ce projet de loi, d'intéger les
communautés allophones à la minorité anglophone du
Québec. Cela m'apparaît une autre erreur fondamentale pour un coin
de pays qui veut demeurer francophone dans cette mer nord-américaine
anglophone.
M. le Président, je regrette qu'on laisse sous-entendre ces
choses par les textes. Je le regrette fondamentalement, parce qu'à mon
point de vue cela fausse le débat et je ne trouve pas cela correct.
Tout au long de mon règne au ministère de la Santé
et des Services sociaux, j'ai toujours fortement appuyé sur le droit de
l'individu. Je me suis toujours dit cependant que tout cela pouvait
s'opérer par voie administrative. Pourquoi ai-je dit que cela devait
s'effectuer par voie administrative? Parce que le Québec change de
visage dans certains coins. H y a des régions qui étaient
à 60 % anglophones il y a quelques années et qui sont à 40
% anglophones présentement. C'est la minorité francophone d'alors
qui est devenue une majorité francophone. Je crains que dans certains
milieux on ait l'inverse en tant que problème. Ce serait difficilement
corrigeable des textes législatifs, alors que sur le plan administratif,
d'une façon souple, d'une façon correcte, on peut
spontanément, en l'espace d'une semaine au Conseil des ministres,
modifier par décret des choses et faire en sorte de donner des
directives ou d'émettre des décrets pour que l'on procède
de telle et telle façon.
À mon point de vue, cela se fait, M. le Président.
D'autant plus que dans le texte de loi je me rends compte que l'on parle de
partage d'argent. Là encore dans les établissements ou dans les
institutions, c'est extrêmement pénible. J'ai eu à vivre le
partage entre VM et MM et j'explique que c'est le CSS Ville-Marie et le CSS
Montréal métropolitain. J'avais demandé une étude
et d'ailleurs je demanderai à la ministre demain, concernant mon
énoncé sur le fond, de déposer les études qu'ils
ont faites quant à la budgétisation des structures en place. Ce
n'est pas toujours facile quand il y a des notions de territorialité et
des notions linguistiques, puis qu'il y a des notions de conception de travail
qui peuvent être différentes d'un organisme, d'une institution
à une autre quand il s'agit de budgétiser.
Depuis longtemps on me criait sur tous les toits que le CSS Ville-Marie
était surbudgétisé par rapport au CSS Montréal
métropolitain. Malheureusement, les élections sont
arrivées et je ne sais pas si l'étude a été remise
à la ministre, mais on n'a pas eu d'étude sur ce point. Mais cela
m'apparaîtrait important. Si jamais le rouleau compresseur passait et, la
voix du nombre parlant, ce projet de loi était adopté tel quel,
je suis persuadé, M. le Président, qu'on risquerait d'avoir des
injustices monumentales.
Au Québec présentement on n'a pas le droit de se payer ce
type d'injustice, sous prétexte que l'on règle des
problèmes temporaires. J'ai eu à vivre des expériences et
personnellement je suis un de ceux qui rencontraient
régulièrement le comité des allophones, comité des
allophones, d'ailleurs, auquel j'avais octroyé une subvention de 40 000
$, précisément pour qu'il se penche lui-même sur des
politiques d'accessibilité aux services sociaux et aux services de
santé, M. le Président. On ne me fera pas accroire que la
mère haïtienne qui réside
dans tel quartier n'aimerait pas recevoir ses services dans sa langue.
À mon point de vue, en ce qui concerne la politique d'embauche,
favoriser l'engagement d'allophones qui peuvent traiter dans leur propre
langue, ce serait une mesure carrément supérieure à ce que
l'on vise par le projet de loi. C'est la même chose pour les italophones
et pour les Portugais.
On peut, par des mesures administratives et avec une volonté
politique, en arriver à présenter des politiques d'embauche, des
politiques de rétention de personnel allophone à
l'intérieur des structures, pour permettre la plus grande
accessibilité. Bien souvent, ce qui manque présentement, en
particulier auprès des personnes âgées allophones qui ne
maîtrisent ni le français ni l'anglais, c'est qu'elles n'iront pas
nécessairement chercher les services sociaux et les services de
santé sous prétexte qu'elles ne sont comprises par personne. Je
l'ai vécu ce problème et je suis profondément
touché par ces situations auxquelles on a à faire face. C'est
inconcevable que l'on ne puisse pas assurer dans leur langue, en particulier -
je ne parle pas des jeunes qui peuvent s'intégrer à la
communauté - aux personnes âgées, le droit d'avoir des
services de qualité. Je suis l'un de ceux qui favorisent beaucoup la
formule par le biais administratif. Je ne me suis pas démenti
là-dessus.
J'écoutais le député de Fabre citer tantôt
des extraits de déclarations que j'ai faites; je m'en suis toujours tenu
à la dimension administrative, autant devant Alliance Québec
qu'avec les groupes d'allophones. J'avais la conviction que je pouvais y
arriver, M. le Président, comme ministre, à l'époque,
parce que je considérais que ces formules sont souples et qu'elles
tiennent compte des réalités et des situations mouvantes. Il y a
des populations qui changent de place en l'espace d'un rien de temps. Je prends
par exemple l'est de Montréal où l'on sait qu'il y a actuellement
une forte concentration d'allophones. Les CLSC, à ce moment-là,
n'ont peut-être pas le même visage qu'ils devraient avoir, ils
n'ont peut-être pas le visage qu'ils devraient avoir et qu'ils avaient il
y a à peine deux ou trois ans. Il y a eu des explosions de
développements domicilaires et je pense qu'il nous faut tenir compte de
ces réalités.
Je ne veux pas prolonger le débat à cette heure, M. le
Président. J'aurai l'occasion de revenir sur le fond et j'espère
que ma contribution permettra qu'on ait bien en tête, pour un, mon
objectif fondamental qui est de permettre dans ce Québec à visage
français que les droits individuels soient protégés, mais
qu'on permette, avec cette ouverture vis-à-vis des allophones, qu'ils
puissent recevoir les services dans leur langue par des politiques et par
l'accentuation de la mise sur pied de programmes. Je pense que même les
groupes d'allophones sont prêts présentement à faire des
recommandations précises pour pallier ces lacunes existantes. C'est
là-dessus qu'on devrait davantage axer nos débats.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Roger Lefebvre
M. Lefebvre: M. le Président, on a eu à
débattre tout à l'heure une motion de report qui visait
strictement à gagner du temps et à reporter le débat
à plus tard, car on n'ose pas, évidemment, débattre le
fond pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure.
On a à faire face au même genre de débat lorsqu'on
nous présente une motion de scission qui vise essentiellement,
lorsqu'elle a sa raison d'être, à diviser en deux un projet de loi
qui contient deux principes qui sont les énoncés qu'on retrouve
aux articles 205 et suivants de nos règlements.
Le projet de loi 142, M. le Président, contient un principe
fondamental, le droit pour une personne d'expression anglaise de recevoir des
services de santé dans sa langue. Le reste n'est que de l'accessoire qui
ne contredit pas le principe que je viens d'énoncer et qui ne constitue
pas non plus un autre principe que celui auquel je viens de faire allusion. Je
m'appuie sur les notes explicatives du projet de loi 142 qui énoncent le
principe et qui, quant au reste, disent tout simplement que le projet de loi
vise à modifier des dispositions de la loi, donc à modifier ce
qui existe déjà - il n'y a pas de nouveau principe - et
également à assouplir des règles, particulièrement
quant aux conflits d'intérêts. Il n'y a donc qu'un nouveau
principe, qu'on veut inclure dans la loi sur les services de santé, et
c'est celui qui veut que toute personne d'expression anglaise puisse recevoir
des soins dans sa langue et rien d'autre.
J'ai particulièrement été impressionné, M.
le Président, par les propos du leader de l'Opposition et je tiens pour
acquis que, s'il est logique avec lui-même, il se rappellera d'abord ce
qu'il a dit dans le passé et il se rappellera ce qu'il a dit il y a
à peine 15 ou 20 minutes, à savoir que, dans les faits, il existe
déjà au Québec des services de santé donnés
en anglais. Ce qu'on veut, par le projet de loi 142, c'est strictement
reconnaître, par une loi ce qui existe effectivement dans les faits. Si
le leader de l'Opposition est conséquent avec lui-même, je tiens
pour acquis qu'il devra nécessairement approuver le projet de loi 142 ou
faire une entourloupette ou une pirouette comme celle qu'il a
déjà faite et que le député de Fabre lui a
d'ailleurs rappelée ce soir, à savoir que
lui, tout comme le chef de l'Opposition, au cours de l'année
1985, a, à plusieurs reprises, consacré le principe que l'on
retrouve dans le projet de loi 142, à savoir que la communauté
anglophone devrait avoir droit à des soins de santé dans sa
langue. On a eu évidemment droit à une autre version
particulièrement assez troublante, ce soir, par le chef de l'Opposition.
Je dois reconnaître chez le leader de l'Opposition un peu plus de
franchise et j'ose espérer que cela se traduira de façon
concrète lorsqu'il abordera le débat de fond.
M. le Président, évidemment, la motion de scission est mal
fondée. On la présente à l'Assemblée nationale ce
soir parce qu'on est mal à l'aise de discuter du fond du débat.
On est mal à l'aise parce que, comme je viens de le dire, dans le
passé on a dit exactement le contraire de ce que l'on s'apprête
à dire. Lorsqu'en campagne électorale on voulait flirter avec la
communauté anglophone, on ne s'est pas gêné pour lui dire:
On prendra soin de vous, mes chers amis, on vous donnera ce à quoi vous
avez droit. Autrement dit, on vous donnera ce que contient le projet de loi
142. À partir du moment où ces gens se retrouvent dans
l'Opposition, dans le but de se bâtir un capital politique en
déplaçant encore une fois le sujet qui est de tenter de faire un
débat linguistique autour d'un problème strictement de services
de santé, ils sont obligés de se contorsionner et de dire le
contraire de ce qu'ils ont dit à plusieurs reprises par plusieurs
porte-parole qui n'étaient pas les moindres dans le parti de
l'Opposition. Je fais référence au chef de l'Opposition et
également au leader de l'Opposition.
Vous savez, M. le Président, lorsque j'ai entendu le
député de Saint-Jacques faire référence au fait que
l'on débattait à 2 h 30 du matin le projet de loi 142, c'est
vraiment là que j'ai compris qu'il ne savait pas exactement ce qu'il
faisait. Il parlait sur une motion de scission et j'ai eu l'impression qu'il se
croyait sur le fond du débat. Depuis 20 heures, hier soir, il y a eu
à peine deux heures de débat sur le fond. Tout le reste a
été des moyens dilatoires, j'ai eu l'occasion de le mentionner
tout à l'heure: motion de report, motion de scission.
Évidemment, la population saura juger sévèrement
l'Opposition. D'ailleurs, c'est fait, on a eu l'occasion de le voir lors du
dernier sondage. Ces gens-là ne sont pas sérieux. Ces
gens-là ne visent qu'à obstruer les travaux parlementaires de
façon systématique. Cela se fait en commission parlementaire et
cela se fait également dans les travaux de la Chambre. La population
saura leur rappeler à un moment donné qu'une Opposition doit
jouer un râle beaucoup plus positif, doit viser à améliorer
la législation et non pas à obstruer de façon constante et
systématique, sans raison, les travaux de l'Assemblée
nationale.
M. le Président, à ces gens qui manquent de courage,
à ces gens qui manquent de cohérence, à ces gens qui
manquent de jugement, qui n'ont aucun respect des engagements qu'ils ont pris
dans le passé - peu importe de quel dossier l'on discute, c'est toujours
la même attitude - je dis ceci: Dès cet après-midi on aura
l'occasion de voter sur la motion de scission et c'est bien évident que
l'on votera unanimement contre cette motion, de sorte que l'on puisse - je
pense que c'est pressant - débattre du projet de loi 142 qui n'est qu'un
moyen de donner à une population qui y a droit des soins de santé
dans sa langue. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Ceci met fin au débat sur la
motion de scission présentée par M. le député de
Taillon. Nous devons procéder à la mise aux voix de cette motion.
Le vote sera reporté comme un vote enregistré à demain,
pardon, à la prochaine période des affaires courantes.
Sur ce, l'Assemblée nationale ajourne ses travaux à ce
mardi 9 décembre, à 10 heures du matin.
(Fin de la séance à 2 h 45)