Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
Aux affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions.
Étude des crédits budgétaires
pour l'année financière 1987-1988
J'ai l'honneur de déposer les rapports des commissions
parlementaires qui ont étudié les crédits
budgétaires pour l'année financière 1987-1988, soit les
rapports de la commission des institutions, de la commission du budget et de
l'administration, de la commission des affaires sociales, de la commission de
l'économie et du travail, de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation, de la commission de l'aménagement
et des équipements, enfin, de la commission de l'éducation et de
la commission de la culture. J'aimerais déposer ces différents
rapports. Rapports déposés.
Dépôt de pétitions. Ce matin, il n'y aura pas
d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur
un fait personnel. Je vais reconnaître M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, la première question
s'adresserait au Solliciteur général, qui est en
conférence de presse avec les journalistes. Je propose qu'on suspende la
période des questions en attendant sa venue.
Le Président: On peut procéder
immédiatement, si j'ai le consentement des deux côtés de
cette Chambre, aux avis touchant les travaux des commissions. Il y en a
quelques-uns. Peut-être que le leader pourrait procéder, si j'ai
le consentement de cette Assemblée, aux avis. M. le leader adjoint du
gouvernement, quant aux avis concernant les travaux des commissions.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui...
Une voix: La voix de Dieu.
M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette
Assemblée - la voix de fin de semaine - qu'aujourd'hui, de 14 à
17 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des
institutions procédera à l'étude des prévisions
budgétaires du Directeur général des élections pour
l'année financière 1987-1988.
Je désire également informer cette Assemblée que,
dès l'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur les pesticides,
et l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur la
qualité de l'environnement, la commission de l'aménagement et des
équipements procédera à l'étude
détaillée desdits projets de loi à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine.
Le Président: J'ai également un avis à faire
aux membres de cette Assemblée. Je vous avise que la commission du
budget et de l'administration se réunira le lundi 8 juin 1987,
après la période des affaires courantes, jusqu'à 13 heures
à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine de l'Hôtel du Parlement,
également, l'objet de cette séance, c'est d'entendre M. Denis
Chaput, M. Pierre-B. Lesage, M. Paul Guy, dans le cadre de l'examen des
orientations, des activités et de la gestion de la Commission des
valeurs mobilières du Québec.
Veuillez noter que, dès la fin de ces auditions, la commission se
réunira en séance de travail. Ceci met fin aux avis concernant
les travaux des commissions. Y a-t-il des renseignements concernant les travaux
de l'Assemblée?
M. Chevrette: M. le Président, peut-être le leader
du gouvernement pourrait-il indiquer dans ses grandes lignes le menu
d'aujourd'hui?
M. Gratton: Oui, avec plaisir. M. le Président... M. le
Président, quelques... M. le Président, pourrais-je
suggérer qu'on suspende jusqu'à ce que...
Le Président: Le son.
M. Gratton: ...le système pour le son fonctionne?
Le Président: Les travaux de cette Assemblée sont
suspendus une ou deux minutes.
(Suspension de la séance à .10 h 13)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Aux affaires courantes, j'avais déjà appelé le fait
qu'il n'y aurait pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Nous étions rendus à la période de questions. Je
vais reconnaître une première principale à M. le leader de
l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Arrestation de permanents de la CSN et le cas du
président
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au Solliciteur général responsable des activités
de la Sûreté du Québec. Est-ce que le Solliciteur
général pourrait nous donner les raisons qui justifient que le
mystère le plus total soit encore maintenu, actuellement, sur une des
personnes arrêtées, vendredi dernier, en rapport avec l'explosion
d'une bombe à Chicoutimi, en l'occurrence M. Boivin? Est-ce que le
Solliciteur général peut nous dire si M. Marc Boivin est
détenu? Est-ce qu'il peut communiquer avec son avocat? Est-ce qu'il peut
communiquer avec ses proches? Voilà les trois premières questions
que je voudrais lui poser.
Le Président: M. le Solliciteur général.
M. Latulippe: M. le Président, la question de mon
collègue, le député de Joliette, quant à savoir
pour quelles raisons, finalement, il n'y a pas d'informations de données
en rapport avec un certain M. Boivin, je dois vous dire, d'abord, qu'il y a une
distinction à faire entre les activités policières, le
pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Je n'ai pas l'intention de
m'immiscer dans les activités policières au Québec. Je
pense que le député de Joliette devrait le savoir.
Il existe aussi, en plus de cela, des dispositions de la loi sur la
protection des renseignements personnels, notamment l'article 28, à
savoir que certaines informations ne peuvent pas être rendues publiques,
même si je pouvais le faire, lorsque cela risque d'entraver le
déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme
exerçant des fonctions judiciaires, lorsque cela risque d'entraver le
déroulement d'une enquête ou de révéler une
méthode d'enquête ou certaines sources confidentielles
d'information.
Dans les circonstances, je pense que ce n'est pas à moi ici,
aujourd'hui, à dévoiler quoi que ce soit en rapport avec les
enquêtes en cours.
Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle, je
voudrais dire au ministre que je comprends qu'il y a une différence
entre un objet qui est devant le tribunal et les activités comme telles.
Il est du devoir du Solliciteur général, quant aux
activités policières, d'être au courant, j'espère,
de son dossier.
Cela étant dit, ma question additionnelle est la suivante: Est-ce
que le ministre a participé à une réunion au sommet, comme
le disait, par exemple, La Presse de fin de semaine, où on peut
lire ceci: "Une source au sein du ministère du Solliciteur
général du Québec a révélé à
La Presse, au cours du week-end, qu'une réunion au sommet avait
empêché ou du moins retardé l'arrestation du
président de la CSN compte tenu des implications politiques et
syndicales qu'elle entraînerait."
Le Président: En réponse, M. le Solliciteur
général.
M. Latulippe: Ma réponse est très simple. Je n'ai
participé à aucune réunion pendant la fin de semaine en
rapport avec ce dossier.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce qu'avant les
arrestations le ministre a participé à une réunion des
plus hautes instances du gouvernement concernant ces arrestations?
Le Président: M. le Solliciteur général.
M. Latulippe: M. le Président, ma réponse est
simple. Je n'ai, en aucun moment la semaine dernière, participé
à quelque réunion que ce soit en rapport avec ce dossier. Je dois
vous dire que j'entends suivre cette distinction très stricte que l'on
doit faire entre les opérations policières et le pouvoir
exécutif. Quant à moi, dans toute cette affaire, il s'agissait,
dès le début, d'une enquête dans le cours normal et
régulier des enquêtes de la Sûreté du Québec.
Ce n'est pas de mon devoir et ce n'est même pas de mon droit, je pense,
d'intervenir dans le processus et le déroulement des enquêtes
policières.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle, on parle
d'implications politiques et syndicales. Je suppose que c'est le
ministère du Solliciteur général, le ministre
lui-même,
qui doit prendre des orientations sur les implications politiques. Je
veux savoir si le ministre était au courant que même le
président de la CSN était susceptible d'être
arrêté et qu'une décision en rapport avec les implications
politiques et syndicales avait empêché l'arrestation de M.
Larose.
Le Président: M. le Solliciteur général.
M. Latulippe: M. le Président, si le député
de Joliette fait des interprétations et des extrapolations à
partir d'un article dans le journal La Presse, bien à lui de le faire,
mais ce n'est pas ma façon d'agir. Dans cette affaire, je le
répète, le pouvoir politique n'a pas à prendre de
décision quant à savoir si une enquête doit être
continuée ou si elle doit être arrêtée.
Deuxièmement, le pouvoir politique n'a pas de décision a prendre
quant à la prise de procédures. Lorsqu'il y a un dossier
d'enquête, il est monté par la Sûreté du
Québec et, par la suite, discuté et déposé entre
les mains des procureurs de la couronne.
M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionelle.
M. Chevrette: Vu qu'à ce moment-ci il existe, même
si on voulait le nier, une incertitude où on laisse planer un doute dans
le cas de M. Larose, président de la CSN, est-ce que le ministre entend
lever cette incertitude?
M. Gratton: M. le Président, une question de
règlement.
Le Président: Sur, une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Je m'excuse auprès de mon collègue, le
Solliciteur général, mais je dois rappeler au leader de
l'Opposition les dispositions de l'article 82 du règlement qui
éditent les questions auxquelles un ministre peut refuser de
répondre, et, au troisième alinéa, on retrouve la phrase
suivante: "II doit refuser d'y répondre si sa réponse aurait pour
effet de contrevenir aux paragraphes 2° et 3 de l'article 35." Or, le
paragraphe 3 de l'article 35 se lit comme suit: "Le député qui a
la parole ne peut parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un
organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les
paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce
soit."
Je ne reproche rien au leader de l'Opposition, je lui fais simplement
remarquer, M. le Président, que le Solliciteur général
doit refuser de répondre à toute question s'il juge que sa
réponse pourrait avoir pour effet de contrevenir à ce
troisième paragraphe de l'article 35. Donc, M. le Président, je
vous invite a être très vigilant à l'égard des
questions qui peuvent être posées.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je suis très heureux
que le leader du gouvernement ait renseigné son Solliciteur
général sur les possibilités que lui donne le
règlement. Vous aurez remarqué que je connaissais l'article 82 et
que je connaissais l'article 35, et que je m'en suis tenu exclusivement
à la procédure, à la forme. Je ne suis pas entré
dans le contenu précisément parce que je sais que des
procédures judiciaires seront entreprises. Que je sache, je n'ai pas
encore traité du fond des choses, je n'ai parlé que des
ambiguïtés qui circulent, et c'est le rôle du Solliciteur
général. Quand on laisse planer un doute sur un citoyen, si c'est
vrai, qu'on agisse; si c'est faux, qu'on rectifie.
Je me souviens qu'en cette Chambre, par une question de
règlement, le leader du gouvernement lui-même, au moment où
il était dans l'Opposition, avait supplié le ministre de la
justice de lever le voile sur une supposée histoire de patronage d'un de
ses collègues. C'est la même chose. Si le Solliciteur
général a des droits et devoirs, c'est un devoir de lever le
voile sur un doute ou de blanchir la personne sur qui pèse un doute.
M. Gratton: Évidemment, c'est un devoir pour le
Solliciteur général de faire son travail comme il l'entend et
selon les règles, notamment selon le règlement de
l'Assemblée nationale. Je dis simplement que c'est à lui de
décider s'il peut répondre à la question en respectant
l'article 82 et, notamment, le troisième paragraphe de l'article 35. M.
le Président, je souhaite que vous soyez extrêmement vigilant dans
l'acceptation des questions formulées par le leader de l'Opposition.
Le Président: En ce qui concerne l'article 82, le ministre
doit utiliser l'article 82. C'est le ministre et non le président de
l'Assemblée nationale qui doit... C'est le ministre, s'il le juge
à propos, qui doit l'utiliser soit pour refuser en invoquant
l'intérêt public ou encore toute autre raison mentionnée
à l'article 82.
Je vais permettre une dernière question et je laisse toute
latitude à M. le Solliciteur général de répondre ou
non à ce genre de questions.
M. Latulippe: Je veux simplement dire que toutes les personnes
sont égales devant la loi et que la présomption d'innocence
s'applique à tout le monde. Effectivement, à ma
connaissance, selon les informations que j'ai, il n'y a actuellement aucune
accusation qui soit portée contre M. Larose. Je dois dire que mon
collègue devrait bien comprendre que la présomption d'innocence
s'applique à tout le monde et je ne pense pas qu'il soit
d'intérêt public actuellement de commenter plus longuement cette
affaire qui, d'une part, est sous enquête. D'autre part, pour certaines
de ces personnes, la cause est devant les tribunaux. La preuve sera faite non
pas à l'Assembée nationale, mais devant les tribunaux du
Québec.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre peut
nous confirmer qu'il y a eu une réunion au sommet, même si
lui-même n'y a pas participé...
Une voix: Dans son ministère.
M. Chevrette: ...à son ministère avec ses
fonctionnaires du plus haut niveau?
Le Président: M. le Solliciteur général.
M. Latulippe: Je le répète, c'est la
dernière fois que je vais répondre à cette question pour
clarifier les questions que pose le député de Joliette. C'est la
dernière fois que je réponds, parce que je pense que, pour la
suite, ce n'est pas d'intérêt public. Je n'ai participé
à aucune réunion. Ce matin, en arrivant au ministère, je
l'ai demandé à mon sous-ministre qui m'a confirmé la
même chose en ce qui le concerne. En conséquence, je peux dire
qu'en ce qui me concerne et selon les informations que j'ai obtenues de mon
sous-ministre, il n'y a pas eu de réunion et nous n'avons pas
participé... (10 h 30)
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre peut nous confirmer si de
hauts fonctionnaires de son ministère ont participé à une
étude, vendredi dernier, pour savoir s'ils devaient poursuivre ou non le
président de la CSN, compte tenu des implications politiques et
syndicales? Si je pose la question, c'est qu'elle est d'intérêt
public pour les motifs suivants. On nous annonce même ce matin que le
premier ministre serait en tête-à-tête avec Gérald
Larose. C'est important pour la population de savoir ce qui se trame.
Le Président: M. le Solliciteur général.
M. Latulippe: M. le Président, j'ai répondu
à cette question, j'ai clarifié la situation en ce qui me
concerne. Il ne rencontre pas... Je suis actuellement informé que le
premier ministre ne rencontre pas M. Larose ce matin. Donc, votre assertion est
fausse. J'ai assez répondu à ces questions, M. le
Président. Il y a 9000 personnes qui travaillent au sein de mon
ministère. Je ne suis certainement pas pour savoir, ce matin, ce que ces
9000 personnes pensent et ont fait pendant la fin de semaine.
Le Président: M. le leader de l'Opposition... M. le leader
du gouvernement, sur une question de règlement.
M. Gratton: Sur un complément de réponse, M. le
Président. Je veux simplement confirmer ce que vient de dire le
Solliciteur qénéral, à savoir que le premier ministre ne
rencontre pas, aujourd'hui, le président de la CSN, M. Larose.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais demander ceci
au Solliciteur général. Je ne lui demande pas s'il y a un de ses
9000 fonctionnaires qui a rencontré les procureurs de la couronne ou les
policiers, mais parmi sa haute direction - ce n'est quand même pas 40 ou
50 personnes -y a-t-il eu une rencontre pour évaluer le
bien-fondé d'une arrestation en fonction des implications politiques et
syndicales?
Le Président: M. le Solliciteur général.
M. Latulippe: M. le Président, j'ai déjà
répondu à cette question.
Une voix: Oh! Oh!
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...je prends donc acte que le ministre refuse de
répondre à une question d'intérêt public.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, le leader de l'Opposition ne
peut pas prendre acte que le Solliciteur général refuse de
répondre. Il affirme qu'il a répondu, et ce, à plus d'une
occasion.
M. Chevrette: M. le Président, comment le Solliciteur
général peut-il refuser en cette Chambre de répondre sur
le déroulement des événements alors que la
Sûreté du Québec, à 14 h 30, cet après-midi,
fera une conférence de presse pour expliquer tout cela? Nous, du
Parlement, avec le ministre responsable, on n'est même pas capables
d'avoir une réponse du Solliciteur général. C'est
inadmissible, c'est un manque à ses responsabilités, M. le
Président.
Des voix: Oh! Oh!
M. Latulippe: M. le Président.
Le Président: M. le Solliciteur général.
M. Latulippe: Je n'ai jamais refusé de répondre
à cette question. Cela fait au moins trois fois que le
député de Joliette me la pose et j'y ai répondu de
façon complète. Deuxièmement, au ministère, les
questions politiques sont décidées par le ministre et non pas par
les 9000 fonctionnaires qui y travaillent. Alors, je ne peux pas savoir, en fin
de semaine, il y a une semaine ou il y a quinze jours, quelles sont les
réunions qui ont été tenues parmi les 9000 personnes au
sein du ministère du Solliciteur. Mais je peux vous dire que les
questions politiques sont décidées par le ministre et qu'il n'y a
pas eu, en fin de semaine, de décision. Il n'y a même pas eu de
réunion où il y aurait eu une question politique, en rapport avec
cette affaire, amenée ou décidée par moi ou mon cabinet.
Et je l'ai demandé à mon sous-ministre aujourd'hui - ce matin en
arrivant -et je peux vous dire qu'il m'a informé de la même
chose.
Une voix: Très bien.
Le Président: M. le député de Gouin, en
principale ou en additionnelle?
M. Rochefort: En principale, M. le Président.
Le Président: En principale, M. le député de
Gouin.
Les sercices médicaux assurés pour les
femmes
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Depuis
déjà un certain nombre de semaines, nous interrogeons la ministre
de la Santé et des Services sociaux pour tenter de . la convaincre de ne
pas mettre en place le nouveau cadre de rémunération dans le
domaine médical quant aux services médicaux disponibles pour les
femmes, notamment pour les femmes qui sont enceintes, atteintes de cancer ou de
maladies transmises sexuellement.
Même si, jusqu'à ce jour, des spécialistes ont
dénoncé les effets graves que pourrait avoir une telle entente
sur la santé des femmes, même si un des négociateurs
syndicaux, le Dr Gauthier, a reconnu que le cadre pouvait léser
certaines pratiques et pourrait probablement devoir être
réévalué avec une préoccupation santé au fil
des prochaines années, jusqu'à maintenant la ministre a maintenu
sa position.
Or, une nouvelle voix d'opposition à ce cadre de
rémunération s'est fait entendre la semaine dernière. Il
s'agit de la voix du président de la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec, le Dr Clément Richer
qui disait, et je cite ses propos rapportés par Le Devoir: "Que
le nombre limité d'examens est nettement insuffisant dans le cas de
certaines pathologies comme les maladies transmises sexuellement."
Est-ce que cette nouvelle prise de position contre la décision de
la ministre de couper dans l'accessibilité aux services médicaux
pour les femmes du Québec aura pour effet d'ébranler la ministre
dans cette décision inadmissible et qu'elle n'a pas été en
mesure de justifier jusqu'à maintenant?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le député
de Gouin a affirmé beaucoup de choses depuis deux ou trois semaines
comme il le disait lui-même. Il a parlé de coupures
imposées aux obstétriciens-gynécologues. D'abord, je
voudrais qu'il m'explique comment on peut parler de coupures quand il y a eu
augmentation de 5 000 000 $ pour la masse monétaire des
obstétriciens-gynécologues.
Deuxièmement, je voudrais aussi qu'il ait une certaine
cohérence dans son discours. Pendant quinze jours, il a mis en doute la
crédibilité de l'Association des médecins
obstétriciens-gynécologues en faisant valoir qu'ils avaient des
intérêts d'ordre syndical et qu'à cet égard on ne
pouvait pas se fier à leur opinion. Je voudrais dire en passant que
cette entente a été acceptée par l'ensemble des
médecins obstétriciens-gynécologues du Québec et
non pas par deux ou trois individus.
Aujourd'hui, alors qu'il dit qu'on ne peut pas accorder de
crédibilité parce que ça vient d'un organisme syndical, il
m'apporte une contrepartie, et c'est la première fois, en s'appuyant sur
un autre syndicat. Je ne mets pas en doute les propos de l'autre syndicat mais
il faudrait que le député de Gouin ait une certaine
cohérence.
Je voudrais aussi corriger certaines affirmations que le
député de Gouin répète d'une façon constante
à savoir que les femmes enceintes - qui ont une grossesse
normale - devraient avoir 15, 16 et peut-être plus d'examens. Il
n'y a jamais eu aucune affirmation de la part de qui que ce soit, ni de la
Fédération des médecins omnipraticiens ni d'autres sources
médicales à savoir que, pour une grossesse normale, douze visites
-excluant toujours la première visite qui est une visite principale -
étaient amplement suffisantes et même supérieures à
ce qui se pratique en Ontario.
Quant aux grossesses à risques, elles sont couvertes à la
fois en cabinet privé et dans les établissements et il n'y a pas
de limite de visites pour le suivi de ces grossesses.
Je veux bien que le député de Gouin affirme des choses et
revienne à la charge, mais je voudrais au moins qu'il étaie un
peu ses affirmations.
Le Président: M. le député de Gouin,
question additionnelle.
M. Rochefort: Le Solliciteur général déteint
sur la ministre, M. le Président. Ce n'est pas à moi à
défendre les décisions de la ministre, c'est à la ministre
à justifier ses décisions.
Le Président: M. le député, vous êtes
sur une question additionnelle.
M. Rochefort: M. le Président...
M. Chevrette: M. le Président, question de
règlement moi aussi.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Sur
une question de règlement, M. le député.
M. Chevrette: M. le Président, je ne crois pas que ce soit
au député à jouer le rôle de président, vous
êtes là pour cela. Très régulièrement, au
moment même où vous dites: Question, on crie à plusieurs
endroits dans la salle. Vous pouvez reconnaître la voix de votre
siège et nommer directement le député ou, au moins, sa
circonscription électorale. Je pense qu'en l'occurrence, Mme la
députée de Mégantic-Compton s'improvise présidente
très régulièrement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, parmi les
députés qu'il faudrait nommer de façon constante, il
faudrait sûrement nommer le député de Gouin qui, il le sait
fort bien, ne doit pas faire précéder une question
complémentaire d'un préambule, ce qu'il était en train de
faire. C'est tout normal. Je maintiens que, tant et aussi longtemps que le
député de Gouin continuera de violer le règlement, il
devra se faire rappeler à l'ordre, sinon par vous, du moins par les
membres de l'Assemblée.
Le Président: M. le député de Gouin, je vous
avais reconnu sur une question additionnelle, et uniquement sur une question
additionnelle, s'il vous plaît! (10 h 40)
M. Rochefort: M. le Président, comment la ministre
peut-elle répondre à la question que je lui ai posée en
disant qu'il n'y a pas de coupures pour les docteurs parce qu'il y avait une
augmentation de la masse de 5 000 000 $, alors que ce dont nous discutons
depuis trois semaines, c'est des coupures dans l'accessibilité aux
services médicaux pour les femmes du Québec? Est-ce que la
ministre est en train de nous dire qu'elle ne reconnaît pas que le cadre
de rémunération qu'elle a mis en place a pour effet de couper
gravement dans l'accessibilité aux services médicaux pour les
femmes du Québec?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le problème
devant lequel nous nous trouvons, c'est la coutume habituelle selon laquelle la
rémunération des médecins spécialistes, ou
même des médecins omnipraticiens, est discutée à la
table de négociation pour le renouvellement de leur entente.
Le gouvernement consent des augmentations à la
Fédération des médecins spécialistes, en
l'occurrence, et pour chacune des associations. Dans le cas de l'Association
des médecins gynécologues obstétriciens, 5 000 000 $
supplémentaires leur ont été accordés. C'est la
responsabilité des médecins entre eux et non pas de la ministre
qui, elle, n'a pas la compétence pour décider de quelle
façon la rémunération se fera et de la fréquence
des actes. Ce que je vous dis, M. le Président, c'est que le
député de Gouin tente de semer la panique dans la population
à partir d'une réalité qui n'est pas celle qu'il
décrit.
Le Président: M. le député de Gouin,
question additionnelle.
M. Rochefort: M. le député, je reviens avec une
question que j'ai posée la semaine dernière à la ministre,
compte tenu de sa réponse. Est-ce que la ministre est en train de nous
dire qu'elle n'a pas donné son accord a la mise en place d'un cadre de
rémunération qui a pour effet direct de réduire
l'accessibilité aux services médicaux? Est-ce que la ministre est
en train de nous dire qu'elle n'est pas d'accord avec les coupures dans
l'accessibilité aux services médicaux pour les femmes dans
l'entente à laquelle elle a pourtant donné son accord? La
ministre est-elle d'accord, oui ou non, avec ce qu'elle a mis en
place?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: Oui, M. le Président. J'ai signé
l'entente, je le répète. Mais cette entente a été
signée à partir d'opinions médicales et non pas de
l'opinion de la ministre, et surtout pas à partir de l'opinion du
député de Gouin.
J'ai signé cette entente sur la base des recommandations qui
m'ont été faites de la part des médecins du
ministère, des opinions que nous avons obtenues de la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec et également de l'association des médecins
gynécologues-obstétriciens. Quand il dit que nous coupons dans
l'accessibilité, c'est que ces personnes qui sont quand même les
plus compétentes en la matière croient que le type de
rémunération qu'elles se sont accordé et que la
fréquence des examens qui sont à la disposition des femmes sont
amplement suffisants pour répondre aux besoins des femmes.
Le Président: M. le député de Gouin, en
additionnelle.
M. Rochefort: M. le Président, comment la ministre
peut-elle prétendre que c'est suffisant, alors que la pratique et
l'enseignement universitaire au Québec dans le domaine médical
disent que, pour des cancers, il faut voir les femmes au moins aux deux ou
trois mois et même que, dans les cas de cancer suivi et traité
à la chimiothérapie, il faut les voir une fois par mois, alors
que votre cadre fait en sorte qu'elles ne pourront avoir accès à
un examen principal qu'une seule fois par quatre mois? Sur quoi vous
appuyez-vous pour mettre en place un tel cadre aussi dangereux pour la
santé des femmes du Québec?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, encore une fois le
député de Gouin veut laisser croire qu'il n'y a que trois visites
par année pour les personnes qui seraient atteintes de cancer. Il y a
trois visites principales. Il pourrait même y avoir des visites
principales supplémentaires, s'il s'agissait d'une nouvelle pathologie,
mais les visites de contrôle sont illimitées tant à
l'hôpital, s'il s'agit de l'hôpital, qu'en cabinet
privé.
M. le Président, à ce moment-ci, le député
de Gouin trouve un tel plaisir à entretenir cette incertitude ! que je
demanderais la permission de l'Assemblée nationale pour déposer
trois lettres: c 'abord de l'Association des médecins
obstétriciens-gynécologues du Québec, une opinion de la
Corporation professionnelle des médecins du Québec et
également l'avis que j'ai obtenu sur cette opinion de la même
corporation des médecins du Québec.
Le Président: Y a-t-il consentement pour déposer
ces documents? M. le député de Gouin, y a-t-il consentement?
M. Rochefort: Oui, il y a consentement.
Le Président: Alors, les trois lettres mentionnées
par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux sont
déposées.
Je vais maintenant reconnaître en principale Mme la
députée de Marie-Victorin.
Besoins en services sociaux dans la région de
Montréal
Mme Vermette: M. le Président, en principale. Vendredi le
5 juin, les experts du centre de services sociaux du Montréal
métropolitain dévoilaient la triste réalité des
besoins en services sociaux de la région métropolitaine de
Montréal.
Dans le seul territoire de Montréal actuellement, on compte pas
moins de 320 000 personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, soit 75
% des 422 400 pauvres identifiés comme tels dans la région
métropolitaine. Le corollaire de la pauvreté, c'est que les
besoins sociaux se traduisent par l'isolement des familles, la violence,
l'itinérance, l'exploitation, la spéculation, la
promiscuité et l'accroissement continu des problèmes de
santé mentale.
Mme la ministre, devant un tel bilan si sombre, quels sont les moyens
que vous entendez mettre à la disposition des CSS pour qu'une
intervention des plus urgentes puisse apporter une solution concrète
à ces besoins sociaux?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, devant la description
que vient de faire la députée de Marie-Victorin, description fort
triste de la réalité que vit la population,
particulièrement dans les grands centres urbains. Je dois lui dire
qu'une partie des remèdes relève de mon ministère, mais
qu'il s'agit aussi d'un phénomène de société. La
pauvreté ne peut pas être résolue uniquement par le
ministère de la Santé et des Services sociaux. Je pense que c'est
par une collaboration de plusieurs ministères, par exemple, le
ministère de l'Habitation, qui a des responsabilités dans ce
domaine, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Je pense qu'à cet égard, le
gouvernement fait les efforts qu'il est en
mesure de faire pour pallier les situations les plus difficiles. Le
phénomène de pauvreté que nous regrettons et que, comme
société, nous devons tenter de corriger, n'a pas de solution
magique venant de quelque ministre que ce soit.
En ce qui a trait à mon ministère, nous tentons d'ajouter,
chaque année, les ressources supplémentaires que nous pouvons
ajouter en tenant compte de priorités. La députée de
Marie-Victorin se souviendra que, par exemple, du côté de la
protection de la jeunesse, nous devons encore ajouter des ressources
supplémentaires. Nous en ajoutons dans d'autres domaines, comme en
alcoolisme et toxicomanie; nous en prévoyons en santé mentale. Ce
sont autant de problématiques sociales qui retiennent l'attention du
gouvernement et qui sont des moyens de tenter de corriger la situation
rapportée dans les journaux par le Centre de services sociaux du
Montréal métropolitain.
Le Président: Mme la députée de
Marie-Victorin, en additionnelle.
Mme Vermette: Comment la ministre peut-elle toujours
prétendre qu'un apport substantiel est apporté depuis qu'elle est
en poste à son ministère, alors qu'actuellement on a atteint un
point critique en ce qui concerne la détérioration du tissu
social, notamment à Montréal? Est-ce que la ministre consent
à voir l'urgence des besoins sociosanitaires dans la région
métropolitaine et que, tout comme pour les urgences de santé, ses
budgets n'ont pas été augmentés de plus de 3,3 % par
rapport à l'ensemble des budgets totaux des services santé et des
services sociaux et qu'aucun effort, depuis deux ans qu'elle est titulaire de
son ministère, n'a été fait substantiellement pour monter
le calibrage...
Le Président: À l'ordre!
Mme Vermette: ...entre les besoins de services de santé et
les services sociaux?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le temps paraît
long à la députée de Marie-Victorin dans l'Opposition.
Quand elle dit que nous n'avons fait aucun effort au plan financier pour
améliorer la situation dans le domaine de la santé, je voudrais
simplement la renvoyer à Statistique Québec qui, pas plus tard
que la semaine dernière, a rendu publiques les augmentations ou la part
du budget du Québec consacrée à la santé. Alors que
cette augmentation avait été de 4,2 %, en 1985, en 1986 - qui est
la première année de notre mandat l'augmentation a
été de 16,4 %.
Le Président: Je vais reconnaître, maintenant, en
principale, M. le député de Lévis. (10 h 50)
CLSC autonome réclamé à
Lévis
M. Garon: M. le Président, à la suite de la
décision annoncée, le 29 avril dernier, par la ministre de la
Santé et des Services sociaux de ne pas parachever le réseau des
CLSC et d'avoir demandé le regroupement des CLSC entre eux, leur fusion,
on sait dans la population totale des MRC Desjardins et
Chutes-de-la-Chaudière atteint ou dépasse 105 000 et devrait,
selon les prévisions des MRC, dépasser la population de la ville
de Québec autour de l'an 2000 alors qu'un CLSC moyen au Québec a
39 000 de population. Cela veut dire au-delà de 150 000 d'ici à
une dizaine d'années. A la suite de cela, des comités se sont
formés un peu partout sur le territoire et, à ce jour, il n'y a
rien qui bouge sur la rive-sud qui n'ait pas appuyé l'idée d'un
CLSC autonome, qu'il s'agisse des caisses populaires, des paroisses, des MRC,
des municipalités, tout ce qu'il y a d'organismes, le Mouvement
Desjardins...
Le Président: Votre question, M. le député
de Lévis.
M. Garon: ...et actuellement des pétitions sont en voie
d'être signées partout dans toutes les caisses populaires du
territoire.
Le Président: Votre question, M. le député.
- M. Garon: Devant l'appui aussi massif et unanime de la population en
vue d'un CLSC autonome à Lévis pour la MRC Desjardins alors que
tout le monde aujourd'hui admet que cela ne coûte pas plus cher - au
contraire, un CLSC autonome va coûter moins cher - j'aimerais demander
à la ministre de la Santé et des Services sociaux si elle a
l'intention de réviser le mandat qu'elle a donné au CRSSS de la
région de Québec, qui était d'accord d'ailleurs avec un
CLSC autonome, en vue d'essayer de fusionner des CLSC ou encore de les
regrouper avec des établissements alors que la population ne veut pas.
Est-ce qu'elle est prête à considérer à nouveau le
mandat qu'elle a donné jusqu'à maintenant?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je comprends très
bien que pour le député de Lévis, membre d'une formation
politique qui mettait toujours de l'avant le développement de structures
- on se souviendra que sous l'ancien gouvernement, je pense qu'on a
créé
au-delà d'une centaine de régies, d'offices, de conseils,
de structures finalement dont quelques-uns ont fini par mourir de leur belle
mort, comme on dit - c'est difficile de comprendre que désormais le
gouvernement du Québec va investir davantage dans les services que dans
les structures.
Une voix: Très bien. Bravo!
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai fait adresser une
demande aux deux conseils régionaux de Montréal et de
Québec de me faire des propositions d'ici la fin de juin, quant à
la possibilité de reconsidérer une autre formule pour le
parachèvement des CLSC, soit par fusion, soit par rattachement ou
possiblement de nouvelles expériences. J'attends ces recommandations et
je prendrai mes décisions à ce moment.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, est-ce que la ministre de la
Santé et des Services sociaux veut nous dire que les services seront
meilleurs si le CLSC Desjardins est administré par d'autres ou s'il
n'est pas autonome et qu'il va coûter meilleur marché s'il n'est
pas autonome alors que tout le monde dit le contraire?
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, s'il n'y avait qu'un
seul CLSC sur la rive sud dans cette partie du territoire, rien
n'empêcherait qu'il y ait là des représentants de la MRC
Desjardins ou du DSC de Lévis. Je pense qu'il n'y a aucun
empêchement à cela, ce qui permettrait à l'ensemble de la
population de décider des politiques qui doivent être mises de
l'avant quant aux services à offrir à la population dans le
Centre local de services communautaires.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Lévis.
M. Garon: M. le Président, à la suite de la lettre
que lui a adressée, le 25 mai dernier, le président du
comité d'appui, le maire de Lévis, M. Chagnon, est-ce que la
ministre de la Santé et des Services sociaux est prête à
rencontrer le comité d'appui qui lui a demandé une rencontre
avant le 15 juin, avant que le rapport lui soit remis par le CRSSS pour faire
leur représentation puisque actuellement, je lui ai dit, tout ce qui
bouge sur la rive sud a donné son appui pour un CLSC autonome et ils
aimeraient rencontrer la ministre pour pouvoir lui en parler.
Le Président: Mme la ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je peux assurer le
député de Lévis que moi-même ou des autorités
de mon ministère ou de mon cabinet seraient disposées à
rencontrer les autorités de la ville de Lévis.
Le Président: En principale, M. le député de
Jonquière.
La création de centres
d'incubation d'entreprises
par les municipalités
M. Dufour: M. le Président, dans la foulée d'une
politique annoncée par le gouvernement précédent, le
gouvernement actuel s'est engagé à favoriser la création
de centres d'incubation d'entreprises. L'action timide du gouvernement depuis
18 mois dans ce dossier a incité une cinquantaine de
municipalités du Québec, dont Alma au Lac-Saint-Jean, à
s'impliquer dans la création d'incubateurs d'entreprises. Or, pour
permettre l'éclosion réelle de tous ces projets, les
municipalités demandent de modifier les lois pour les autoriser à
investir afin de mettre sur pied ces incubateurs. Devant cet engagement des
élus municipaux, le ministre de l'Industrie et du Commerce a-t-il
l'intention, soit par des projets de loi privés ou par une loi
générale, de donner le pouvoir de créer un tel
micro-environnement favorable à l'éclosion des PME?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, la
réponse est oui, j'ai fait des représentations et le
résultat sera très positif pour les municipalités.
Le Président: M. le député de
Jonquière, en additionnelle.
M. Dufour: Est-ce que le ministre peut nous dire qui aura ces
pouvoirs? Est-ce que c'est un pouvoir qui sera donné à toutes les
municipalités ou s'il a l'intention de tracer une politique très
claire pour savoir à qui cela s'adresse?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, pour
répondre un peu plus longuement, il est entendu que plusieurs
municipalités ont fait valoir auprès du ministère de
l'Industrie et du Commerce et auprès de mon collègue des Affaires
municipales qu'elles souhaitaient avoir le pouvoir de s'impliquer
financièrement,
notamment, dans la constitution de motels industriels plutôt que
d'incubateurs, au sens où on l'entend ordinairement. Devant le nombre de
demandes, il a été prévu que le ministre des Affaires
municipales introduirait - je crois qu'il l'a dit notamment aux gens d'Alma -
une disposition d'ordre général qui permettra aux
municipalités, justement, de participer comme elles le souhaitent au
développement économique de leur région.
Le Président: M. le député de
Jonquière, en additionnelle.
M. Dufour: Est-ce que le ministre non seulement tracera des
balises pour déterminer qui pourra mettre sur pied ces incubateurs
industriels, mais mettra de l'avant une politique pour déterminer hors
de tout doute à qui cela s'adresse et qui pourra mettre sur pied ces
incubateurs?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je ne
voudrais pas que le député mêle les choses. Quant à
savoir quelle est la politique en matière d'incubateurs d'entreprises,
nous en avons traité longuement, notamment à l'étude des
crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce. Il y a
très clairement des endroits où on réunit, à un
moment donné, par l'intermédiaire des chambres de commerce, un
fonds de développement privé, un fonds de démarrage, un
institut de recherche, un cégep ou une université, on
réunit un ensemble de conditions qui nous permettent de parler
d'incubateurs.
Ce dont les municipalités nous ont saisis, c'est de ce
désir de leur part de s'impliquer financièrement dans la mise sur
pied, le fonctionnement, la construction d'un motel industriel, des
édifices dans lesquels les entreprises en démarrage pourraient
loger. C'est ce que les municipalités du Québec nous ont fait
valoir et, afin d'assurer le développement économique et la
participation des municipalités au développement
économique, c'est ce que nous entendons favoriser. Je le
répète pour la troisième fois.
M. Parent (Bertrand): En additionnelle.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre de l'Industrie et du
Commerce peut confirmer que son ministère a l'intention de mettre de
l'argent et aussi une politique très claire quant à la formule
des incubateurs d'entreprises, tel qu'il a été promis en campagne
électorale?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, pour
mettre les choses en perspective, je dirais que nos voisins du Sud, les
Américains, qui sont 40 fois plus nombreux que les
Québécois, qui ont un secteur économique de 50 à 60
fois plus actif, ont réussi, en dix ans, à créer une
centaine d'incubateurs, toutes choses étant égales. D'ailleurs,
on pourrait retrouver le modèle à deux ou trois exemplaires dans
tout le Québec. Vous me permettrez de dire que, si nous sommes
intervenus dans Inno-Centre-Québec, si nous sommes intervenus
auprès de SOCCRENT, au SaguenayLac-Saint-Jean, nous l'avons fait
car les conditions étaient réunies dans un milieu qui souhaitait
notre appui, et nous l'avons donné. Je ne vois pas aujourd'hui que nous
devrions mettre sur pied une mégapolitique ou une polyvalence dans les
programmes pour une demande qui pourrait venir d'ici à trois ans.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): Justement, dans cette foulée et
à cause des problèmes que peut causer le nombre d'incubateurs qui
pourraient être implantés au Québec, est-ce que le ministre
pourrait nous confirmer que son gouvernement va prendre un engagement et dire
très clairement ce qu'il entend? Sinon, on va se retrouver avec
peut-être 20 ou 25, et ce sera beaucoup trop. C'est important de savoir
ce que le ministère de l'Industrie et du Commerce a l'intention de faire
dans ce dossier, et non pas d'avoir une politique tout à fait
nébuleuse, comme on l'a actuellement.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, on va
se parler clairement. Les demandes à l'endroit du gouvernement d'avoir
une politique à l'égard des incubateurs, c'est essentiellement de
savoir combien de centaines de milliers ou de millions de dollars on va mettre
dans un programme éventuel pour soutenir les incubateurs. Le
député m'indique qu'on pourrait avoir une vingtaine d'incubateurs
au Québec. J'en serais extrêmement heureux parce que cela
prouverait que le secteur privé, les universités, les
laboratoires de recherche, les fonds de développement régionaux
sont mis sur pied par du leadership local et qu'on identifie les
créneaux pour une présence nécessaire de tous ces
gens-là dans le développement des entreprises, notamment en
matière de haute technologie. Juste au moment où l'on pourrait en
avoir une
vingtaine sans l'appui du gouvernement, je serais extrêmement
heureux de constater que les conditions générales que nous avons
mises sur pied et qui favorisent l'investissement au Québec donnent des
résultats.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître en
principale M. le député d'Ungava.
Réduction du personnel de Niobec à
Saint-Honoré
M. Claveau: Merci, M. le Président. Comme vous le savez,
au moment de vendre les actifs rentables de SOQUEM à Cambior, le
ministre délégué aux Mines a clamé à qui
voulait l'entendre que la nouvelle société Cambior serait un
levier économique sans précédent pour les régions
concernées. Ma question au ministre délégué aux
Mines vise à savoir comment il réagit à la récente
annonce de Niobec à Saint-Honoré, filiale de Cambior, qui entend
réduire son personnel permanent à partir du mois d'août
prochain?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et aux Affaires autochtones.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Effectivement, la
compagnie Niobec, la mine Niobec à Saint-Honoré, a annoncé
qu'il y aura une mise à pied d'environ 20 personnes au cours de 1987. On
doit toutefois annoncer en même temps que le nombre de mineurs et le
personnel administratif de la mine Niobec a été porté de
129 employés qu'il était en 1983 à 190 en 1987 et que la
coupure de 20 employés donnerait un nombre supérieur
d'employés à celui de l'année dernière. D'autre
part, comme vous le savez, la conjoncture de l'acier n'est pas très
favorable. Actuellement, on constate une baisse au niveau de la demande
mondiale qui est de l'ordre de 3,9 %. En conséquence, le niobium qui est
utilisé dans l'alliage de certains produits du fer est moins en demande.
Dans le monde occidental, il n'y a que deux mines qui produisent du niobium,
l'une au Brésil qui en produit 85 % et la mine de niobium de
Saint-Honoré qui en produit 15 % et qui n'existe que grâce
à la bonne volonté des Brésiliens. Alors, on trouve que,
dans une situation très difficile, très ardue, les dirigeants de
la mine Niobec s'en sortent très bien.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Le ministre
délégué aux Mines sait-il que, dans l'entente entre
Corporation Teck et SOQUEM, maintenant Cambior, SOQUEM ou Cambior a la
responsabilité de la commercialisation du niobium? Dans ce cadre,
quelles sont les politiques que le ministre entend mettre de l'avant afin de
s'assurer que, pour la production de niobium de la mine Niobec à
Saint-Honoré, on puisse trouver de nouveaux marchés dans une
situation difficile?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et aux Affaires autochtones.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Comme vous le savez, la
mine Niobec a déjà 1 500 000 tonnes à la surface
prêtes à être vendues. La demande mondiale est à la
baisse et, évidemment, cela se ressent au niveau de l'entreprise, je
pense que Niobec a une équipe et une méthode de vente dynamiques.
Elle possède, pour la vente, des éléments très
agressifs. D'un autre côté, je pense que, compte tenu que le
Brésil est en mesure de produire du niobium à moindre prix que la
mine de Saint-Honoré et qu'il est capable de déverser sur le
marché mondial d'énormes quantités de niobium, on doit en
quelque sorte s'assurer que le Brésil et le Québec marchent main
dans la main dans ce dossier. Je pense que, pour le moment, malgré unie
conjoncture très défavorable, la situation est sous
contrôle et j'ai bien confiance dans la direction de Cambior et de
Niobec.
Le Président: Une très très brève
additionnelle, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Très brève additionnelle: Est-ce que le
ministre délégué aux Mines a l'intention d'exiger de
Cambior qu'elle élabore une véritable stratégie de
commercialisation du niobium?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et aux Affaires autochtones.
M. Savoie: Je pense que, d'une part, Cambior jouit de la
confiance du ministre et, d'autre part, les dirigeants de Niobec
également. J'ai évidemment demandé une rencontre avec les
dirigeants de Niobec cette semaine, dès que j'ai su qu'il y avait une
mise à pied de 20 employés. Je voudrais toutefois souligner que
20 employés sur 190, c'est quand même supérieur à
quasiment toute l'histoire de Niobec, sauf pour les deux premières
années, 1980 et 1981.
Le Président: Je vous remercie, M. le ministre. Cette
dernière réponse mettait fin à la période
régulière de questions orales.
Ce matin, il n'y a pas de vote reporté.
Motions sans préavis.
Les avis touchant les travaux des commissions ont déjà
été annoncés. Il n'y a pas de renseignements concernant
les travaux de l'Assemblée. Alors, j'appelle immédiatement les
affaires du jour. On m'a demandé
une suspension de cinq minutes, je pense.
Les travaux de cette Assemblée sont suspendus pour cinq
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 6)
(Reprise à 11 h 11)
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez regagner vos sièges. Nous allons reprendre nos travaux.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 30
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
La Vice-Présidente: À l'article 15 de notre
feuilleton, il s'agit de la reprise du débat qui avait été
ajourné le 21 mai 1987 par la ministre déléguée
à la Condition féminine concernant le projet de loi 30, Loi
constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses
dispositions législatives.
Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant,
M. le député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, il y
a un peu plus de seize mois en cette Chambre, le ministre nous annonçait
qu'il avait reçu le rapport Beaudry; la fameuse commission Beaudry
déposait son rapport. Entre-temps, ce rapport a fait l'objet d'analyses
de gens de l'extérieur. Je pense à Guy Bisaillon, qui travaille
à l'ENAP, qui s'est permis une analyse à la demande du ministre.
M. Laporte a également fait une étude. J'ignore encore si le
ministre a l'intention de rendre ces études publiques. Cela pourrait
permettre aux parlementaires de se faire une idée de ce que pensent des
spécialistes, autant du monde patronal que syndical, ce que pensent ces
gens du rapport Beaudry, globalement.
Le projet de loi que nous avons devant nous ne traite que d'un aspect
infime du rapport Beaudry puisqu'il ne touche qu'à la réforme de
structure. C'est une réforme de structure. C'est une recommandation
importante, d'autre part, du rapport Beaudry; c'est évident. Mais on se
rendra compte à l'étude de ce projet de loi que c'est bien
là une réforme de structure en ce sens qu'elle change, qu'elle
modifie le caractère de fonctionnement auquel on était
habitué. On sait qu'anciennement on faisait une demande
d'accréditation pour se faire reconnaître comme syndicat. On avait
un agent qui pouvait nous accréditer s'il n'y avait aucun
problème. S'il y avait des problèmes, cela montait d'un cran;
c'est évident. On sait, Mme la Présidente, que cela a
créé des problèmes. On nous a même dit qu'il y avait
une lenteur.
Je me suis mis à fouiller, en fin de semaine, le pourquoi des
lenteurs dans le processus de reconnaissance des syndicats. Au Québec,
il y a 1900 demandes d'accréditation comparativement à 1000 en
Ontario. Est-ce qu'on peut conclure, à ce moment-là, que les
structures existantes sont la cause de ces lenteurs? Mme la Présidente,
on se rend compte rapidement que ce n'est sans doute pas exclusivement le cas
de notre fonctionnement qui joue, parce que, quand on regarde l'effectif ou
l'évolution de l'effectif du ministère du Travail sur une
période d'une quinzaine d'années, c'est à peine d'un
maximum de 6 % ou 7 % que le personnel a augmenté ou s'est accru. Alors
que le nombre de demandes d'accréditation s'est accru de 81 % et si on
regarde les problèmes qu'a à traiter le Tribunal du travail, en
particulier les ventes d'entreprises ou les changements de noms d'entreprises,
cela a augmenté de 300 %. Il est bien évident qu'il y a eu un
accroissement de travail dans la structure actuelle comparativement à
l'accroissement du personnel, qui est tout à fait
disproportionné, ce qui peut, bien sûr, expliquer en partie la
question du retard.
Cela dit, Mme la Présidente, je voudrais regarder
concrètement ce que cela va faire. Concrètement, le ministre a
décidé d'avoir une structure plus administrative que judiciaire
et je pense que cela peut être une bonne chose qui peut avoir un effet
positif, peut-être pas à court terme, mais à moyen terme.
On doit espérer, parce qu'il est évident qu'au Québec un
changement de mentalité s'impose. Je pense qu'on est unanime, dans tous
les secteurs d'ailleurs, à dire qu'il faut qu'il y ait un changement de
mentalité à ce niveau-là. Cela n'a pas de bon sens que les
demandes d'accréditation prennent quatre, cinq, six ou sept mois, qu'il
y ait autant de recours devant les tribunaux civils, des demandes d'injonction
en Cour supérieure, des brefs d'évocation, et ça ne finit
plus. Je pense, Mme la Présidente, qu'il nous faut, bien sûr,
maintenir à la base des agents d'accréditation qui peuvent le
faire sur-le-champ quand il n'y a pas de problème, qui peuvent se
permettre aussi une conciliation et une médiation et cela est
intéressant. Je pense qu'il faut leur permettre de se frotter les
oreilles entre eux en présence d'une personne du ministère pour
éviter qu'on se, retrouve constamment devant les tribunaux civils, que
cela retarde d'un an ou deux et que cela crée dans les relations
internes des industries un climat de tension extrêmement
négatif.
Il y a un doute qui persiste cependant au niveau de cette structure, ce
sont des décisions sans appel, en particulier quand on parle de cas
déloyal. Il me semble qu'une décision sans appel incitera
davantage à aller devant les tribunaux civils. En tout cas, c'est pour
le moins un point d'interrogation majeur. Espérons que la
médiation, la conciliation pourra faire quelque chose. Quand cela touche
un seul individu, par exemple dans les cas de voies de fait, dans les cas de
fraudes, on sait qu'il peut y avoir congédiement pour activités
syndicales et que cela peut être basé sur différentes
autres accusations.
Cela ne nous apparaît pas clair dans le projet de loi et c'est
bien évident qu'à l'étude article par article nous
questionnerons beaucoup plus à fond sur cette structure pour qu'on
puisse voir clair et savoir exactement ce que le ministre recherche.
Donc, passer d'une approche judiciaire ou quasi judiciaire à une
approche administrative, en soi, en ce qui nous concerne, on n'a pas de malaise
à vivre avec ça. Basé aussi sur des débats
contradictoires auxquels on assiste présentement, une approche de
conciliation et de médiation, ça nous apparaît positif et
je pense qu'il ne faut pas hésiter à le dire. Cependant, il faut
noter qu'à l'heure actuelle, il ne se fait pas ou à peu
près pas de médiation ou de conciliation dans le processus
d'accréditation. Ce sont plutôt des constats qu'on fait. On arrive
là où ça va bien, où ça ne crée pas
de malaise à l'employeur de voir arriver une association. Ça va
bien, on peut accréditer quasi instantanément. Je pense que ce
côté-là, en tout cas en ce qui nous concerne, on va le
favoriser et on est prêt à envisager que ça puisse
être une chose positive et qu'on puisse même éviter des
délais à ce moment-là.
Il est évident que dès qu'on réfère à
un palier supérieur et qu'on confie un dossier à un commissaire
qui en a déjà huit ou dix à régler, il est souvent
sous la pile et avant qu'il ne remonte, ça peut prendre des mois et des
mois. Entre-temps, je vous dis que tout ce qu'on peut faire pour
améliorer le délai mais améliorer aussi le climat, on ne
peut pas s'opposer bien sûr, Mme la Présidente.
Je ne crois pas qu'il s'agisse là cependant d'une mesure magique.
Je ne pense pas que le ministre nous ait présenté sa loi, en tout
cas si cela avait été le cas, je lui dirais: II n'y a
probablement pas de mesure magique. J'espère qu'il ne la prend pas pour
une mesure magique parce que tant et aussi longtemps que l'évolution des
mentalités ne se fera pas, il ne sera pas facile de faire de la
médiation. Parfois, dans une même entreprise, on se retrouve avec
trois demandes d'accréditation ou, du moins, les gens pensent qu'ils ont
- tous les trois, à 35 % et plus - supposément cette carte pour
faire leur demande. Cela est arrivé, contrairement à ce que les
gens peuvent penser. Là où le syndicat est fortement
contesté, on peut se retrouver avec une demande de 36 %. Il y en a qui
ont signé deux ou trois cartes. Dans certains cas, un salarié,
pour ne pas se faire talonner tous les jours, signe les trois cartes. II dit:
Moi, je m'en balance! Ça coûte 1 $ ou 2 $. Donc, on se retrouve
avec une situation où trois syndicats sont en instance
d'accréditation avec des cartes et c'est là qu'il faut
démêler toute la situation. Il ne peut pas y en avoir un qui a 40
% et deux autres qui ont 35 %. Cela ferait 110 %. Cela ne va pas. C'est bien
évident, Mme la Présidente, qu'il faut quelqu'un pour constater
les faits, au besoin, faire la conciliation entre les parties et, là
où c'est possible, en arriver à une accréditation beaucoup
plus rapide. (11 h 20)
Maintenant, le ministre indiquait que cette réforme va diminuer
le recours à la Cour supérieure, recours en évocation en
particulier. Là aussi, j'ai de très sérieux doutes
à cet égard car une décision, et je le
répète, je le disais au tout début, une décision
qui est sans appel, quand c'est très important, je pense que c'est
très tentant, quand c'est sans appel, c'est très tentant de
recourir aux tribunaux supérieurs. C'est très tentant de dire: Je
vais faire respecter mes droits fondamentaux. Je suis brimé par une
décision d'un tribunal sans appel, un tribunal administratif, je recours
donc à la Cour supérieure pour aller chercher un jugement ou
faire annuler un jugement.
Mme la Présidente, à moins que le ministre n'ait des
arguments neufs, je ne crois pas qu'on puisse éviter cette partie, en
particulier quand il s'agit d'individus. Une décision sans appel face
à des droits, entre autres, pour des congédiements pour
activité syndicale, entre autres aussi quand le dossier est passablement
complexe ou quand un employeur ne veut absolument pas ou
systématiquement pas de syndicat, je ne crois pas qu'une décision
sans appel de première instance va éliminer les recours aux
tribunaux supérieurs. Il y en a qui ont dépensé des
centaines et des centaines de milliers de dollars pour faire échec
à la venue d'un syndicat dans une industrie. Il ne faudra pas se
surprendre qu'il en demeure. J'ose espérer cependant que les cas
où ce n'est pas obstinément contre le syndicat, mais plutôt
contre certaines procédures, le mécanisme de médiation et
de conciliation, à ce moment, pourra jouer avec une certaine
efficacité.
Maintenant, Mme la Présidente, ce projet de loi soulève
des points d'interro-
gation importants parce que l'on transfère à la nouvelle
commission toute la juridiction en matière de pratiques
déloyales, sauf un aspect: les dispositions antibriseurs de
grève. Ce serait peut-être intéressant que le ministre nous
explique la logique de cela. Pourquoi n'a-t-il pas transféré ces
dispositions? Parce que, si on ne veut pas aller devant les tribunaux
supérieurs, dans la logique où on veut véritablement
mettre sur pied une commission des relations du travail qui a toutes les
juridictions, à ce moment-là, le ministre devra expliquer quelles
sont les raisons ou les motifs qui l'ont poussé à mettre cela de
côté. Est-ce que ce sont des raisons politiques ou
administratives? Je croirais qu'elles sont plus politiques qu'administratives
parce que, sur le plan administratif, si on est capable de mettre les motifs
déloyaux au niveau d'une commission, on est capable de mettre les
mesures antibriseurs de grève. D'autant plus que le ministre
lui-même n'hésite pas à incorporer les services essentiels.
Donc, les services essentiels sont là pour dire à des gens: Vous
devez respecter des normes minimales en cas de conflit, vous devez garder tant
de travailleurs à l'ouvrage, vous n'avez pas le droit de faire la
grève dans les urgences, par exemple, ou aux soins intensifs dans les
hôpitaux. C'est une mesure qui s'apparente à l'"antibrisage" de
grève.
Si on regarde la notion de services essentiels, c'est de dire aux gens
que cela prend un minimum de salariés là. À ce
moment-là, quelle est la logique, quelle est la raison de sortir ces
mesures antibriseurs de grève de la juridiction de la commission, alors
qu'on lui incorpore la notion de services essentiels? C'est tout au moins
discutable. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de raisons, mais je pense que c'est
un point au niveau logique, au niveau de l'approche même. Dans la
nouvelle conception de cette commission, il y a au moins des explications qui
s'imposeraient sur ce volet et nous interrogerons sans doute à
l'étude article par article, Mme la Présidente.
C'est vrai que la mécanique actuelle est lourde. C'est vrai qu'on
dit qu'on est porté à la juger inefficace. Cependant, elle
amène inévitablement les parties devant les tribunaux ordinaires.
Quand on pense aux injonctions, quand on pense, également, aux
décisions pénales qui sont données, quand on pense aussi
aux décisions de certains commissaires qui tardent
énormément à venir, on est porté à croire
que certains groupes, autant syndicaux dans certains cas -parce que je me suis
rendu compte que ce n'est pas toujours le patron - retardent une
accréditation. Quand on se rend compte qu'il y a deux centrales ou trois
même dans certains cas, qui veulent absolument s'approprier le syndicat,
il est évident que ça fait des plaidoiries longues, fastidieuses
où les hommes de droit s'en donnent à coeur joie dans leurs
plaidoiries, bien sûr, devant les commissaires du travail.
Cela, Mme la Présidente, j'ose espérer que la partie
conciliation et médiation incitera peut-être les centrales - j'en
profite pour le dire - en particulier la partie maraudage, à avoir un
code d'éthique qui devrait être signé entre centrales
syndicales. Quant à moi, je suis un de ceux qui avaient signé en
1974, si ma mémoire est fidèle - au plan régional, nous
avions signé un protocole antimaraudage où les trois centrales,
la FTQ, la CSN et la CEQ, avaient décidé lorsqu'elles avaient une
demande d'aviser les autres centrales. Au lieu d'avoir des gens payés
pour s'arracher du monde qui est déjà syndiqué, les
énergies pouvaient donc être mises à syndiquer du monde qui
n'était pas syndiqué.
Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de le dire. Ce n'est pas de faire
de l'antisyndicalisme que d'inviter les centrales syndicales, au moment
où on a à parler d'un projet de loi qui transforme les lois sur
le travail, au lieu de dépenser des grosses sommes, bien sûr, de
syndiquer des gens qui le sont déjà ou de s'arracher ceux qui le
sont déjà, de les inviter publiquement à signer
éventuellement un protocole antimaraudage entre centrales et que toutes
les pressions, à ce moment, toutes les obligations financières
qu'elles avaient face à ce secteur d'activité, qu'elles le
mettent donc à la syndicalisation. On se retrouverait peut-être au
Québec avec un secteur privé beaucoup plus syndiqué qu'il
ne l'est présentement. Personnellement - au moment où je suis
entré en politique - cela m'a toujours frappé de voir combien peu
de gens du secteur privé au Québec sont syndiqués par
rapport au secteur public. Quand on s'asseoit avec des centrales syndicales
pour négocier, pour discuter du partage de la richesse collective, si le
secteur privé était plus représenté qu'il ne l'est
présentement, je pense que ça créerait un poids beaucoup
plus équilibré vis-à-vis de l'État,
vis-à-vis des gouvernements. Un peu comme cela se passe dans certains
autres pays où on a ensemble une forme d'arbitrage qui se fait d'abord
du côté syndical, mais parce que ça reflète à
peu près l'état de la population au niveau de la syndicalisation,
ce qui n'est pas le cas au Québec actuellement, malheureusement.
Je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés
ici, Mme la Présidente. Ce que je vise d'abord et avant tout, c'est
d'inciter les centrales syndicales, au moment où le ministre veut
alléger le mécanisme de la syndicalisation, de les inviter
à mettre toutes les énergies qu'elles ont à la
syndicalisation, en particulier, des salariés du secteur privé.
Il y a une inquiétude aussi que j'ai et que je veux
transmettre au ministre, c'est que, concernant le projet de loi,
contrairement à d'autres projets de loi qui ont été
votés en cette Chambre au cours des dix ou onze dernières
années, à ma connaissance, lorsqu'on transforme une structure, on
prévoit un mécanisme de sécurité d'emploi pour les
salariés qui sont touchés. Je ne retrouve pas d'une façon
explicite si c'est au niveau d'un protocole d'entente ni si c'est au niveau
d'une négociation qui est menée en parallèle. Je l'ignore,
mais j'aimerais que le ministre nous dise comment seront protégés
les gens qui y oeuvrent et qui ont atteint une compétence, qui ont
acquis une expertise au cours des nombreuses années dans le domaine de
la syndicalisation au Québec, soit en matière
d'accréditation, soit en matière de transferts d'industries, soit
à l'application de l'article 45 de la loi sur les relations du travail,
soit en matière de traitement des congédiements pour
activités syndicales. (11 h 30)
II y a des bonshommes qui ont acquis une expertise et sont-ils
protégés? Qu'adviendra-t-il des membres du commissariat du
travail? Ces gens auront-ils une sécurité, seront-ils
protégés dans la fonction publique? Ce sont là des
questions que je voulais poser au ministre pour qu'il puisse, dans son droit de
réplique, clarifier certains points ou, tout au moins, pour qu'on
s'entende sur la commission parlementaire qui étudiera, article par
article, le projet de loi afin qu'elle apporte un éclairage particulier
là-dessus.
Je terminerai en disant que c'est bien sûr qu'on a là une
modification de structure et qu'un chapitre complet du rapport Beaudry -
même si c'est un chapitre très important de ce dernier, puisque
c'est une des deux ou trois grandes orientations - à mon avis, devrait
faire l'objet d'une discussion à très court terme. C'est quand on
révise toute la notion de normes minimales du travail, qui fait partie
du rapport Beaudry et qui aurait également une incidence marquante pour
des salariés qui, eux, n'ont malheureusement pas de syndicat, qui ne
sont pas protégés par des structures, si ce n'est par la Loi sur
les normes du travail au Québec. Dieu sait que, dans bien des cas,
même si nul ne doit ignorer la loi, je me rends compte, tous les lundis,
à chaque fois que je fais du bureau de comté, qu'il y a toujours
un, deux ou trois individus qui viennent nous voir en disant: J'ai
été congédié, il m'a mis dehors vendredi, il ne m'a
pas donné ma paie pour les congés, il ne m'a pas donné ma
prime de séparation et j'ai huit ou neuf ans de faits. Voilà
autant de sujets qui, souvent, parce que ces salariés n'ont aucune
protection ou de groupe pour les représenter, doivent ou bien se fier
à la publicité gouvernementale ou encore prendre dans un certain
bureau une brochure sur les normes minimales ou c'est le député,
purement et simplement, qui est leur recours.
Je pense qu'un des chapitres du rapport Beaudry touche abondamment ce
sujet. J'aimerais que le ministre nous indique quand il a l'intention de
toucher à cet aspect fondamental pour les salariés - Mme la
Présidente, je termine - qui n'ont aucune structure. Nous allons donc
voter pour le principe du projet de loi 30 en assurant que nous allons
concourir à la bonification de ce projet en commission parlementaire. On
espère que le ministre montrera une ouverture d'esprit pour faire en
sorte que ce projet de loi, qui, je pense, est désiré, en tout
cas, par une forte portion de ceux qui sont impliqués, pourra recevoir
l'aval des groupes qui viendront témoigner devant nous dans les
prochains jours.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Joliette et leader de l'Opposition. Conformément, maintenant, à
l'ordre de cette Assemblée qui avait été adopté
jeudi dernier, je vais donc reconnaître le ministre du Travail, en
réplique. M. le ministre.
M. Pierre Paradis (réplique)
M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. Au terme de ce
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 30, Loi constituant la
Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions
législatives, je ne prendrai que quelques minutes pour dégager
les éléments qui méritent d'être retenus des
échanges que nous avons eus.
D'abord, je me permets de mentionner, pour le bénéfice du
député de Joliette ainsi que pour le bénéfice du
député d'Abitibi-Ouest, critique officiel de l'Opposition en
matière de travail, que j'ai pris bonne note de toutes les
interrogations et de toutes les inquiétudes qu'ils nous ont transmises
lors de leurs interventions. Sur ces questions, comme le transfert des
fonctions, pouvoirs et responsabilités du conseil des services
essentiels à la Commission des relations du travail, la disparition de
l'étape de l'agent d'accréditation et du Tribunal du travail, la
sécurité juridique des pouvoirs conférés à
la Commission des relations du travail, le traitement prévu pour le
personnel actuellement en place sur les questions additionnelles
apportées, aujourd'hui, par le député de Joliette, j'ai
bien compris toutes les interrogations de l'Opposition. Je peux l'assurer que
je répondrai avec précision ou avec le maximum de
précision à ces questions dès l'ouverture de nos travaux
sur l'étude article par article du projet de loi 30.
D'autre part, j'ai aussi noté un certain nombre d'aspects du
projet de loi sur lesquels le député d'Abitibi-Ouest a
manifesté son accord avec le gouvernement. Je pense que ces
points d'entente méritent d'être soulignés à ce
stade de l'adoption du principe du projet de loi. Il y a entente à
savoir la reconnaissance par le critique de l'Opposition de la volonté
du gouvernement de simplifier le processus actuel. Il y a constatation dans le
sens que nous avons voulu doter la nouvelle Commission des relations du travail
de tous les pouvoirs, certes originaux en regard de ce qui se fait actuellement
au Québec, mais, par ailleurs, pouvoirs qui ont déjà
été éprouvés ailleurs au Canada. L'accord avec
l'intention du gouvernement d'agir sur la situation en privilégiant
davantage le règlement plutôt que l'affrontement; la constatation
du député d'Abitibi-Ouest, comme la nôtre d'ailleurs,
relativement à la complexité du monde des relations du travail et
des difficultés d'y agir; la reconnaissance de notre objectif
d'améliorer les services aux citoyens et d'ainsi assumer notre
responsabilité d'élus du peuple, l'accord du député
d'Abitibi-Ouest relatif au trop grand nombre de paliers dans le système
actuel, accord partagé par l'ensemble des députés qui sont
intervenus, la constatation sur la nécessité d'agir sur les
mentalités et non seulement sur les structures, l'appréciation de
l'introduction de concepts de conciliation, de médiation ainsi que de
dispositions relatives au pouvoir d'adopter des politiques, d'émettre un
jugement déclaratoire ou une ordonnance, la déclaration en ce
sens que les principes fondamentaux du projet de loi 30 relativement au monde
du travail sont très sains.
Sur ce dernier plan, Mme la Présidente, soit celui des principes,
j'estime qu'il est opportun de rappeler les raisons fondamentales qui ont
amené l'actuel gouvernement à soumettre aux parlementaires le
projet de loi 30. Si l'équipe gouvernementale juge à propos de
présenter ce projet de loi, c'est par nécessité d'agir sur
la situation actuelle et d'en corriger certaines difficultés. Cette
nécessité a d'ailleurs fait l'objet d'un consensus chez la
plupart des intervenants qui se sont présentés devant la
commission consultative sur le travail et la révision du Code du
travail. C'est également par besoin au Québec d'un organisme
administratif principalement mandaté pour agir auprès des parties
en véritable agent de règlement des différends, en
utilisant au maximum des capacités de conciliation et de
médiation qui, nous l'espérons bien, deviendront la marque de
commerce de la nouvelle commission; par la nécessaire mise en place d'un
système sensible aux coûts qu'il peut entraîner à
l'entreprise québécoise et conscient que la petite et moyenne
entreprise constitue l'essentiel du tissu économique
québécois, par l'obligation pour un gouvernement responsable de
s'assurer que les organismes d'administration des lois correspondent à
la réalité socio-économique québécoise.
C'est également pour harmoniser ce qui se fait au Québec avec ce
qui se fait ailleurs au Canada, c'est également pour concrétiser
une recommandation et, fort probablement, les experts la qualifieront de
principale recommandation de la commission consultative sur le travail et la
révision du Code du travail. C'est également, faut-il le
souligner, pour, encore une fois, réaliser un autre engagement du Parti
libéral du Québec.
Voilà donc les grands principes directeurs qui ont guidé
notre action. J'invite les collègues à les retenir dans la mesure
où, pour la suite de nos travaux, ils seront fréquemment
évoqués. J'ouvre ici une parenthèse, pour répliquer
plus directement au dernier argument apporté par le député
de Joliette et leader de l'Opposition quant à l'application des normes
minimales du travail, ce qu'on peut appeler finalement la convention collective
de ces travailleurs et de ces travailleuses. C'est plus des trois quarts dans
le secteur privé. Je lui indiquerai qu'il s'agissait là d'une
priorité de l'actuel gouvernement, que, dès l'an passé,
nous avons annoncé une augmentation du salaire minimum qui a pris effet
le 1er octobre 1986, qui a aboli la discrimination à cause de
l'âge, que cette année encore, nous avons annoncé pour le
1er octobre 1987 une autre augmentation du salaire minimum qui vise à
effectuer du rattrapage. Ces travailleurs n'avaient pas, comme vous vous en
souvenez certainement, obtenu d'augmentation de salaire pendant cinq ans, entre
1981 et 1936.
Il y a les autres normes. La question m'avait été soumise
par le député d'Abitibi-Ouest à l'occasion de
l'étude des crédits. Il y a des bonifications à apporter
à la Loi sur les normes minimales de travail. Il faut également
s'assurer que cette loi soit bien appliquée. Le député de
Joliette a soulevé des cas de non-application de ladite loi. Vous
retrouviez dans le journal The Gazette, il y a à peu près un mois
et demi, une série de reportages sur le non-respect, dans certains cas,
dans certains secteurs d'activité des normes minimales du travail. Je
vous dirai que l'actuel gouvernement déploie des efforts administratifs,
au moment où l'on se parle, pour s'assurer que cette convention
collective minimale qui touche les plus bas salariés de la
société soit appliquée dans toute sa rigueur et que
l'évolution de cette application administrative va, sans aucun doute,
nous mener à des bonifications législatives qui seront
présentées â cette Chambre, j'ose l'espérer, au
cours du premier mandat du gouvernement actuel. (11 h 40)
Je terminerai mon intervention, d'abord, en invitant les parlementaires
à assister aux audiences publiques sur le projet de loi 30, audiences
publiques qui débuteront demain. Sans nu! doute que nous aurons, avec
tous
nos invités, des discussions fort intéressantes sur le
sujet. Enfin, je tiens à remercier tous les parlementaires des deux
côtés de la Chambre qui ont pris la parole, qui ont assisté
à ces débats pour, comme l'a indiqué le
député d'Abitibi-Ouest à la fin de son intervention, comme
vient de l'indiquer à nouveau le député de Joliette,
donner leur accord de principe au projet de loi 30, pour donner leur accord de
principe à la création de la Commission des relations du
travail.
Il reste des questions en suspens, des questions que nous analyserons,
que nous étudierons sérieusement article par article, mais, fort
conscient que l'accord de principe est une étape très importante
dans l'adoption d'une loi, je tiens encore une fois à remercier tous
ceux et toutes celles - je remercie l'ensemble de cette Chambre - qui ont
donné leur accord à l'adoption du principe du projet de loi 30.
Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Travail. Le
débat étant terminé, est-ce que le principe du projet de
loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant
diverses dispositions législatives, est adopté?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour
déférer le projet de loi 30 à la commission de
l'économie et du travail.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler maintenant l'article 12 du feuilleton.
Projet de loi 27
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
La Vice-Présidente: À l'article 12 de notre
feuilleton, il s'agit de la reprise du débat concernant l'adoption du
principe du projet de loi 27, Loi sur les pesticides, qui avait
été ajourné le 19 mai dernier par le député
de Bertrand. M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Je m'excuse, Mme la Présidente, cela avait
été ajourné... En fin de session, il est de mise, quand
l'intervenant n'est pas là, qu'un de ses collègues intervienne au
nom de la formation politique, et vous devez reconnaître le
député d'Ungava.
La Vice-Présidente: M. le député
d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. On se souviendra
qu'au mois de décembre 1986 le Parlement avait amené devant cette
Chambre un projet de loi visant à réglementer l'utilisation et la
manutention des pesticides.
À la suite d'une consultation publique qui a eu lieu au cours du
mois de février dernier, nous nous retrouvons aujourd'hui, en juin 1987,
avec l'étude du projet de loi sur les pesticides, un projet de loi qui a
été passablement modifié et qui, pourtant,
malheureusement, comporte encore un certain nombre de lacunes que nous nous
attarderons à regarder brièvement ici, étant donné
que le temps n'est quand même pas suffisant pour le faire dans
l'ensemble.
Je commencerai donc cette intervention. Mme la Présidente, en
précisant quand même certains éléments positifs qui
sont revenus dans le projet de loi à la suite de la consultation
publique. Parmi ces éléments positifs, on retrouve, entre autres,
l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs dans la
réglementation. On sait, Mme la Présidente, qu'au moment de
déposer son avant-projet de loi, le ministre excluait les utilisations
agricoles et sylvicoles des pesticides. Faisant écho à une
recommandation de l'Opposition et aussi à des représentations de
certains des 29 organismes qui ont participé à la consultation
publique, le ministre revient donc, dans son projet de loi, en accordant plus
d'importance à l'utilisation des pesticides que font les agriculteurs et
les sylviculteurs.
On sait, Mme la Présidente, que 90 % des utilisateurs de
pesticides au Québec sont des agriculteurs ou des sylviculteurs et que
ces mêmes personnes utilisent, à toutes fins utiles, 85 % de
l'ensemble des pesticides qui sont sur le marché. Ce n'est pas là
de la petite monnaie et il était tout à fait important et
nécessaire que le ministre s'attarde à l'utilisation agricole et
sylvicole des pesticides. Malheureusement, nous trouvons que le délai
d'application donné par le ministre dans son projet de loi est un peu
long, parce qu'il relègue à 1990 l'application complète de
la réglementation sur les pesticides par les agriculteurs et les
sylviculteurs. Cela veut dire qu'à toutes fins utiles, le projet de loi
n'entrera pas en
vigueur avant 1990, c'est-à-dire dans trois ans, et cela, dans la
mesure où 85 % des pesticides qu'on utilise au Québec sont
utilisés par ces groupes d'individus. Alors, jusqu'en 1990, il y a
à peu près 15 % des pesticides qui vont tomber sous la
juridiction de cette loi. Encore là, il faudra attendre 1990 avant de
pouvoir dire qu'effectivement, on a une loi qui a un minimum d'impact pour
l'ensemble de notre environnement. II y a peut-être là une lacune
qui sera sûrement discutée en commission parlementaire et pour
laquelle le ministre aura des comptes à rendre aux intervenants,
à l'Opposition et à la population en général.
Une autre question qui entre en ligne de compte et qui est une
intervention probablement positive en ce qui nous concerne, c'est la
réduction des quantités utilisées. On sait que, dans
l'avant-projet de loi, le ministre s'attardait spécifiquement et
beaucoup plus à fond à la manutention, à la manipulation
des pesticides en fonction d'assurer une meilleure qualité de vie
à ceux qui les utilisent, mais pas nécessairement en fonction
d'assurer ou d'améliorer la qualité de vie de ceux qui peuvent en
souffrir, parce qu'on sait l'impact que peuvent avoir les pesticides sur la
qualité de l'environnement. Alors, on se retrouve maintenant avec un
nouveau projet de loi dans lequel pour le moins il y a des indices de
volonté du ministre d'assurer un certain contrôle sur la
qualité des pesticides utilisés et de réduire cette
utilisation, ce qui implique par le fait même qu'il va falloir mettre en
place des méthodes alternatives ou des produits moins dangereux ou moins
nocifs, à risques beaucoup moins élevés et qui seront
commercialisés à la suite d'études faites en ce sens.
On retrouve aussi une nouvelle ouverture aux articles 8 et 9 du projet
de loi qu'on a sous les yeux en ce qui concerne la recherche de méthodes
alternatives. Nous déplorons par contre que, bien que le
ministère se garde un certain rôle de coordination sur les
méthodes alternatives, il ne se garde pas le pouvoir de la gestion et la
direction des organismes tant gouvernementaux que privés qui vont faire
de la recherche pour des méthodes alternatives aux pesticides que l'on
connaît actuellement. Nous croyons que le ministère de
l'Environnement devrait avoir une poigne ferme là-dessus et qu'il ne
devrait pas permettre à quiconque, dans quelque situation que ce soit,
pour des raisons souvent plus économiques que d'ordre environnemental ou
pour le bien de la population, que des compagnies ou des individus puissent
prendre un certain leadership en ce qui concerne les méthodes
alternatives. Cela pourrait éventuellement nous mener dans une
espèce de labyrinthe où on ne saurait pas dans que! sens est
orientée la recherche. Celle-ci pourrait déboucher sur la
commercialisation de produits nouveaux qui peut-être à court terme
semblent moins nocifs, moins dangereux pour l'environnement, mais qui
pourraient avoir des répercussions à long terme que l'on ne
connaît pas au moment de la mise en marché de ces produits. C'est
d'ailleurs, malheureusement, un des problèmes auxquels on s'attaque
actuellement, parce qu'il est bien clair que, lorsqu'on arrive sur le
marché avec un nouveau pesticide, on ne connaît pas tout l'impact
de ce produit sur l'environnement. C'est un problème qu'on voit
actuellement. Certains des produits qui sont aujourd'hui condamnés ont
déjà été utilisés d'une façon
très large et sans contrôle. (11 h 50)
On se rappellera, entre autres, dans les années soixante, le DDT,
un produit qu'on utilisait à tous vents, pour tout et pour rien. On a
fini par le contrôler et par l'abolir complètement, à
l'exclure du marché des pesticides et insecticides. On ne voudrait pas
que, parce que le ministère de l'Environnement ne se donne pas une
poigne suffisamment solide, il puisse se produire à nouveau des cas
semblables où de nouveaux produits, apparemment nocifs, seraient mis en
marché, sans contrôle, par des compagnies qui ont beaucoup plus
l'intérêt financier que l'intérêt de la protection de
l'environnement ou du citoyen et que le ministre se retrouve, dans quelques
années, dans la même situation dans laquelle il est actuellement,
face à des nouveaux produits très nocifs ou qui se
révéleraient très nocifs dans la pratique, dans
l'utilisation. Nous croyons que le ministre, au contraire, au lieu de se donner
un simple droit de regard ou de participation dans la recherche sur les
solutions de remplacement, devrait prendre vraiment les devants à ce
sujet, et que le ministère de l'Environnement du Québec coordonne
et dirige l'ensemble des activités concernant la recherche de
méthodes alternatives en ce qui a trait aux pesticides.
Nous reconnaissons aussi que, dans son projet de loi, le ministre
apporte, à l'article 4, une modification importante en donnant
priorité à la Loi sur la qualité de l'environnement par
rapport à sa Loi sur les pesticides. En effet, dans le premier projet de
loi ou l'avant-projet de loi qu'on avait sur la table, le ministre ne faisait
aucune relation entre la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi
sur les pesticides. On se retrouve dans une situation où il peut y avoir
des ambiguïtés, des creux, des vides qui pourront permettre
à certains individus ou à certaines compagnies qui
commercialisent ces produits de se faufiler entre deux lois et de pouvoir
appliquer un produit hautement nocif, mais pour lequel la Loi sur la
qualité de l'environnement n'aurait aucun recours ni aucun
égard.
En permettant, à l'article 4, que la Loi sur la qualité de
l'environnement ait priorité et s'applique d'une façon ferme sur
la loi contrôlant les pesticides, on se retrouve dans une situation qui,
pour nous, de l'Opposition, va permettre une meilleure application de cette loi
dans un contexte beaucoup plus global, dans un contexte qui fera beaucoup plus
écho à l'importance que la population donne à la
qualité de l'environnement.
Le ministre fait également une ouverture très
intéressante à l'article 128 de son projet de loi concernant
l'accès à l'information. On sait que, dans un domaine aussi
important que celui de la gestion des pesticides, on joue avec la santé
des gens, jour après jour, car on connaîtra, Mme la
Présidente, et on connaît des problèmes dans le monde. Il y
a des endroits où les pesticides ont contaminé les nappes
phréatiques, où l'eau potable, à toutes fins utiles, est
devenue presque introuvable à cause d'une utilisation surabondante,
incontrôlée des pesticides. On a donc droit, en tant que
population, d'avoir accès à l'information sur laquelle le
ministère va travailler pour s'assurer un meilleur contrôle, une
meilleure gestion des pesticides en général.
Il y a, à l'article 50, une autre ouverture qui fait suite
à un voeu de l'Opposition et à un voeu de plusieurs des
intervenants dans le domaine, à l'effet d'assujettir les grossistes et
les détaillants à l'application de la loi. Encore là, si
on veut régir l'application d'une loi sur le terrain par les mêmes
utilisateurs, par les gens qui en font un usage quotidien, au jour le jour,
pour des raisons qui sont sûrement justifiées, mais
peut-être en utilisant un produit qui deviendrait très dangereux
et qui pourrait avoir les effets contraires de ceux désirés par
l'utilisateur, on sait que, pour que cela puisse s'appliquer, il faut
nécessairement que ceux qui vendent ce produit ne puissent pas le faire
à tous vents, ne puissent pas faire toute la publicité, toute la
mise en marché à leur guise, comme ils le veulent, sans
contrainte, et que, par la suite, quand l'acheteur est pris avec son produit,
on lui dise: Ah, c'est bien de valeur, mais il va falloir que vous vous
assujettissiez à la loi sur l'utilisation des pesticides et ce produit,
vous ne pourrez l'utiliser dans telle ou telle circonstance. Alors que le
vendeur, le grossiste ou le détaillant a fait une mise en marché
à partir d'une publicité qu'on lui laisse le droit de faire, mais
qui va à l'encontre des données de la loi ou des principes que
doit respecter l'utilisateur, il est tout è fait normal que le ministre
ait eu l'ouverture nécessaire afin de s'assurer que son projet de loi
s'applique aussi aux détaillants et aux grossistes.
Le ministre crée aussi, dans son projet de loi, un "comité
aviseur" qui aura à coordonner un certain nombre d'activités ou
à fournir un certain nombre d'informations au ministre pour lui
permettre d'assurer au maximum les responsabilités que lui donne cette
loi sur l'utilisation des pesticides.
On voit que la principale tâche, les principales orientations que
le ministre donne à ce "comité aviseur" consistent, à
toutes fins utiles, dans la classification des pesticides, dans
l'élaboration d'une réglementation concernant leur utilisation et
dans l'élaboration de programmes de formation pour les utilisateurs afin
de s'assurer que les gens qui utiliseront des pesticides à l'avenir
puissent le faire dans les meilleures conditions possible.
Certes, il y a là, Mme la Présidente, une base minimale de
ce que peut faire un "comité aviseur", mais nous croyons que les vues du
ministre, quant à l'importance qu'il doit donner à ce
"comité aviseur", sont vraiment restreintes. Nous, de l'Opposition,
souhaitons fortement que le ministre donne plus d'emphase, plus d'impact
à son "comité aviseur" afin de le décharger de certaines
décisions qui pourraient avoir l'air beaucoup plus de décisions
d'ordre politique qu'administratif, et, dans ce sens-là, de permettre au
ministre d'être plus à l'aise dans l'application de certaines
réglementations dans le fait que ces réglementations se fassent
d'une façon générale, sans qu'il y ait de pressions indues
qui pourraient lui être faites par un groupe ou l'autre dans
l'application de sa loi.
Ainsi, nous demandons et insistons fortement pour que le ministre
augmente les responsabilités de son "comité aviseur" afin que
celui-ci puisse proposer des alternatives à l'utilisation des
pesticides, encore là, toujours dans l'optique que le ministre devra
s'occuper ou, on l'espère, concentrer dans son ministère
l'ensemble des activités sur les mesures alternatives à prendre.
On demande aussi que ce "comité aviseur" soit responsable de l'ensemble
de la recherche qui se fera dans le domaine des pesticides dans les
années à venir, qu'il ait aussi le pouvoir d'entendre les
plaintes contre les produits et les compagnies, ce qui est excessivement
important parce que dans la mesure où le comité aura à
classifier, à élaborer des règlements, à
élaborer des programmes de formation ou à travailler dans
l'orientation de la recherche, etc., il est simplement normal que ce
comité puisse avoir un pouvoir d'entendre les plaintes autant des
compagnies que des individus, ce qui lui permettra de pouvoir se faire une
idée juste de la question et, par le fait même, de pouvoir
proposer des alternatives convenables à partir d'une des
réalités vécues.
Si ledit comité est carrément détaché de la
réalité du milieu et ne peut, sur une base formelle, sur une base
légale, questionner ou recevoir des informations ou
entendre des plaintes venant des compagnies ou d'utilisateurs de
certains produits ou de gens gui se sentent lésés par
l'utilisation de certains produits, il est bien évident qu'il sera
difficile pour ce même comité d'élaborer des alternatives
convenables et de conseiller le ministre afin gu'il puisse prendre les bonnes
décisions au bon moment.
Nous demandons aussi que le "comité aviseur" ait la
possibilité ou la responsabilité d'analyser les données
des registres et des bilans des compagnies et des utilisateurs et qu'il puisse
aussi évaluer les propositions d'ententes qui peuvent être
conclues pour faciliter l'application de la loi.
Il est bien clair qu'une telle loi, avec l'ensemble de son pouvoir
réglementaire qui l'accompagne, fera l'objet de négociations et
d'ententes qui devront être faites avec les différents
utilisateurs actuels dans la mesure où ils devront s'adapter à la
nouvelle loi et dans la mesure où on leur laissera une certaine latitude
pour qu'ils puissent s'adapter ou se référer aux nouvelles
données légales dans les plus brefs délais.
Dans ce sens-là, il est important que le comité puisse
évaluer les différentes propositions d'entente qui pourraient
être faites à cet effet et dans l'ensemble de la
problématique de l'application de cette loi. (12 heures)
D'autre part, en ce qui concerne toujours le "comité aviseur",
nous questionnons sérieusement le ministre sur ce qu'il entend faire du
comité interministériel sur les pesticides du Québec qui a
été officialisé par décret en octobre 1981 et dont
la responsabilité est assurée par le MAPAQ. On sait que le MAPAQ
doit actuellement s'assurer de l'application des résultats de
l'expertise de ce comité interministériel qui doit voir à
l'ensemble de l'utilisation des pesticides, mais le ministre crée un
comité consultatif. On ne sait pas qui va être sur ce
comité consultatif, il ne le précise nulle part. On ne sait pas
comment cela va se faire. Par contre, il met de côté un
comité qui existe déjà et qu'à notre sens il aurait
pu utiliser en prenant une structure qui est déjà en place et en
lui donnant de nouveaux pouvoirs dans l'application de sa nouvelle loi.
Au lieu de faire cela, le ministre dit: Je crée un nouveau
comité, je vais avoir mon comité concultatif qui va être
composé de mon monde, de gens que je connais bien, de gens qui vont me
conseiller, j'en suis certain, et qui ne me feront pas de jambettes, qui ne
mettront pas d'embûches dans mon travail, mais, par contre, il ne nous
dit absolument pas ce qu'il va faire du comité qui existe
déjà, et il y a un comité qui est place. Alors, pourquoi
le ministre essaie-t-il de faire croire à la population, de faire croire
à l'ensemble des intervenants qu'il n'y a rien en place actuellement,
qu'il commence à neuf et qu'il est en train de bâtir, disons, sur
un sol vierge, alors qu'il y a déjà un comité dont le
décret de sa formation date d'octobre 1981 et qui a ces pouvoirs ou qui
a, pour le moins, la base des pouvoirs que le ministre entend donner à
son nouveau comité consultatif? D'autant plus que, vous en conviendrez,
ce comité consultatif est plutôt restreint en termes
d'intervention.
Alors, nous demandons au ministre pourquoi il ne prend pas le même
comité et, s'il a l'intention de le faire, eh bien, nous aimerions
savoir dans quelles conditions il entend passer ce comité à
l'application de sa nouvelle loi.
Enfin, Mme la Présidente, on m'indique que mon temps est presque
écoulé. C'est dommage. Je voudrais tout simplement finir en
parlant de la question des injonctions. L'on sait qu'il est très
important pour l'application d'une telle loi que les juges de la Cour
supérieure du Québec aient la possibilité d'émettre
des injonctions concernant les mauvaises utilisations de pesticides qui iraient
à ['encontre des volontés précisées dans la Loi sur
les pesticides.
Or, Mme la Présidente, alors que ce pouvoir était
donné dans l'ensemble de la problématique de l'application des
pesticides avec l'avant-projet de loi, on se retrouve avec un projet de loi sur
la table où l'on a restreint les pouvoirs et dans lequel il ne sera
possible d'émettre une injonction que dans la mesure où elle
s'attaquera à une compagnie, à une entreprise ou à un
utilisateur qui est déjà visé par une ordonnance du
ministre et qui refuse ou néglige de donner suite à cette
ordonnance.
Mme la Présidente, tout individu, toute collectivité ou
tout groupe social gui se rendrait compte d'une mauvaise utilisation de la loi
dans l'application des pesticides faite par un utilisateur qui ne serait pas
sous l'effet d'une ordonnance du ministre, il serait absolument impossible pour
ces gens d'avoir recours à la Cour supérieure afin d'obtenir une
injonction qui obligerait ou gui arrêterait instantanément les
travaux de ces utilisateurs. On trouve qu'il y a là un recul par rapport
à l'avant-projet de loi.
Ce sera tout pour le moment, Mme la Présidente. J'espère,
comme mes collègues de l'Opposition, que le ministre fera beaucoup
attention et donnera grand écho aux recommandations que nous aurons
à lui faire et donnera aussi suite, pour le mieux, aux recommandations
qui lui ont été faites en consultation publique par les 29
organismes qui ont bien voulu venir présenter des mémoires
à cet effet. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Unqava. M. le ministre délégué aux Forêts.
M. Albert Côté
M. Côté (Rivière-du-Loup): Mme la
Présidente, le projet de loi sur les pesticides que nous
étudions présentement est issu d'une volonté
gouvernementale de faire face aux réalités en assumant ses
responsabilités. Ce projet de loi est aussi issu de l'esprit pratique,
novateur et clairvoyant de mon collègue, le ministre de l'Environnement,
qui n'a pas craint, encore une fois, avec toute la rigueur qu'on lui
connaît, de dégager les éléments essentiels d'une
question majeure qui préoccupe toute la société et de
proposer les moyens requis qui s'imposaient.
Le projet de loi sur les pesticides est en outre le fruit d'une large
consultation populaire qui a permis aux personnes ou aux groupes
intéressés de faire valoir leur opinion sur ce sujet
délicat et de suggérer des moyens d'améliorer encore le
texte de l'avant-projet de loi déposé en cette Chambre le 18
décembre dernier.
En présentant ce projet de loi, le ministre de l'Environnement
reconnaît l'utilité ou l'usage d'un outil essentiel, mais
reconnaît aussi que cet outil représente des dangers. Que l'on
veuille le contrôler n'est que normal et positif. En milieu forestier,
les pesticides trouvent deux domaines d'application, premièrement, dans
la lutte contre les insectes et les maladies qui s'attaquent aux arbres et,
deuxièmement, dans la lutte contre la végétation
concurrente. Dans le secteur de la lutte contre les insectes et les maladies
des arbres, nous pouvons favoriser une réduction importante en volume de
l'utilisation de produits chimiques. On peut, en effet, les remplacer, par
exemple, par des produits biologiques comme le BT que tout le monde
connaît et que l'on utilise efficacement contre la tordeuse des bourgeons
de l'épinette.
On peut aussi remplacer l'utilisation de produits chimiques en milieu
forestier par la réalisation de travaux d'aménagement. C'est
ainsi, par exemple, qu'il est possible de transformer un peuplement de sapins
en un peuplement contenant d'autres essences forestières moins fragiles
aux invasions de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. En outre, nos
chercheurs travaillent sans relâche au développement de nouveaux
produits biologiques pour lutter efficacement contre d'autres insectes qui
infestent pernicieusement les arbres et les forêts. Dans ce sens, le
milieu forestier respecte déjà l'esprit de l'article 8 du projet
de loi sur les pesticides, article qui favorise la réduction de leur
usage. Mais il faut comprendre que, si par le passé le gouvernement
s'est vu contraint d'utiliser plus massivement des produits chimiques dans sa
lutte contre les insectes et les maladies des arbres, c'est parce que nous ne
disposions pas d'alternative pratique.
C'est déjà différent aujourd'hui.
Laissez-moi vous rappeler que, malgré l'utilisation de produits
chimiques, la dernière épidémie de tordeuses de bourgeons
de l'épinette a occasionné des pertes de 250 000 000 de
mètres cubes de bois, ce qui représente dix ans
d'approvisionnement pour l'ensemble de l'industrie forestière
québécoise. Si nous pouvons réduire l'usage des pesticides
dans la lutte contre les insectes et les maladies des arbres, nous ne disposons
pas encore en milieu forestier de moyens efficaces de lutte contre la
végétation concurrente. Il s'agit, en effet, d'un secteur
d'intervention nouveau. Mous sommes passés de la mise en terre
d'à peine 30 000 000 de plants en 1983 à plus de 200 000 000
cette année. On prévoit qu'à compter de 1988, 250 000 000
de plants seront mis en terre chaque année au Québec.
Dans ce domaine, nous avons atteint l'ampleur qui justifie l'utilisation
des mesures d'intervention permettant de protéger ces investissements
importants qui atteignent 150 000 000 $ cette année. À cet
égard, nous sommes contraints, contrairement à l'esprit de
l'article 8 du projet de loi, d'accroître l'usage des phytocides.
Actuellement, nous utilisons des phytocides par voie terrestre, ce qui est
aussi dangereux que par voie aérienne, sur moins de 10 000 hectares au
total. Normalement, nous devrions en traiter plus ou moins 50 000 hectares par
année.
Cependant, Mme la Présidente, j'attire votre attention sur le
fait que la superficie traitée aux phytocides en milieu forestier ne
l'est qu'une fois en période de 50 à 90 ans contrairement
à l'agriculture où leur usage se répète chaque
année et même plusieurs fois par année. De plus, en milieu
forestier, l'utilisation des phytocides se fait avec des dosages très
faibles, parce que notre but n'est pas d'éliminer la
végétation concurrente, mais de la contrôler pour permettre
la croissance des plants mis en terre. Dans le milieu forestier, nous croyons
fermement que l'usage contrôlé de phytocides se justifie par la
nécessité de protéger un investissement majeur et
essentiel pour maintenir l'activité économique
générée par les forêts, soit une valeur de 9 500 000
000 $ en produits et biens et quelque 250 000 emplois pour les
Québécoises et les Québécois.
Le projet de loi que nous étudions présentement vient
encadrer l'utilisation des pesticides en définissant les façons
d'utiliser les produits chimiques en différents milieux dans le milieu
forestier. Le projet de loi contient des dispositions concernant la
compétence et la formation des opérateurs. Il s'agit d'un aspect
sécuritaire majeur et même primordial. Il contient
également des dispositions visant le contrôle des produits
chimiques utilisables. Il propose enfin un
code de bonne pratique de l'utilisation des produits chimiques qui
définit le cadre d'opération pour minimiser tous les impacts au
niveau de l'environnement. (12 h 10)
Avec ce projet de loi, nous passons de l'impact 0 à l'impact
minimum. C'est une évolution qui correspond aux réalités.
Il est impossible d'atteindre un impact 0 sans sacrifier une partie d'une
activité économique donnée. Comme société,
nous devons faire des choix. Si on accepte les bienfaits sociaux d'une
activité économique, on doit aussi accepter les risques qui en
découlent en les minimisant au plus haut point. C'est d'ailleurs le
grand mérite du projet de loi sur les pesticides que de
reconnaître ces évidences.
Parallèlement à l'étude de ce projet de loi, nous
réalisons présentement un exercice de conception d'une politique
gouvernementale d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Cet exercice
se réalise en collaboration avec le ministère de l'Environnement,
le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, celui des
Affaires sociales et le secteur Forêts du ministère de
l'Énergie et des Ressources.
L'objectif de la politique consiste à préciser les
produits que l'on peut utiliser et à déterminer quand on doit les
utiliser. Le moment est défini par le présent projet de loi sur
les pesticides. La politique gouvernementale que nous sommes à
préparer définit également les mécanismes de suivi
environnementaux comme, par exemple, l'impact sur la santé de
l'utilisation d'un produit en particulier. La politique gouvernementale sur
l'utilisation des pesticides en milieu forestier déterminera aussi les
mécanismes de consultation et d'information des populations locales
concernées.
Mme la Présidente, pour encore plusieurs années, le milieu
forestier devra avoir recours aux phytocides pour les raisons
mentionnées plus haut. Je tiens, cependant, à vous rappeler,
à vous et aux membres de cette Assemblée, que le milieu forestier
n'est pas ou est très peu habité. De plus, même si on
intervient sur de grandes superficies, je le répète, ce n'est
qu'une fois sur une période de 50 à 90 ans que nous utilisons ces
produits. Par ailleurs, notre but en utilisant des produits chimiques n'est pas
de détruire la végétation concurrente, mais de retarder sa
croissance pour permettre aux plans forestiers d'accéder à la
lumière. Nous utilisons donc des produits chimiques à des doses
très faibles. Malgré cela, nous sommes prêts,
évidemment, à nous soumettre à des contrôles
sévères dans l'utilisation de ces produits. En outre, de la
même manière que nous pouvons, dès maintenant, nous passer
de produits chimiques pour la lutte contre les insectes et les maladies des
arbres parce que nous avons trouvé des produits biologiques et des
techniques de remplacement, de la même manière, dis-je, nous nous
sommes déjà mis à la tâche dans le but de trouver
des solutions de rechange à l'utilisation des phytocides pour lutter
contre la végétation concurrente. Des voies prometteuses sont
examinées à l'heure actuelle. Ainsi, on envisage
déjà de mettre en terre des plants de plus grande dimension afin
de leur donner une avance sur la végétation concurrente.
Il se fait aussi des recherches sur des herbicides biologiques,
recherches supportées évidemment par le ministère de
l'Environnement, qui nous permettraient de contrôler la
végétation concurrente. Nous procédons également
à des recherches avancées sur l'amélioration
génétique. Ces recherches permettent de croire que nous
pourrions, un jour, faire croître des plants malgré la
végétation concurrente en résistant mieux aux
maladies.
Pour lutter contre la véqétation concurrente, nous avons
recours à des moyens mécaniques partout où c'est possible,
mais vous comprendrez que ceux-ci ne peuvent être utilisés seuls
sur des superficies de 50 000 hectares. Nous privilégions, avec le
nouveau régime forestier en viqueur depuis le 1er avrii, l'utilisation
de techniques sylvicoles qui favorisent la réqénération
naturelle portant, là aussi, où cela est possible.
La Loi sur les forêts adoptée par les membres de cette
Assemblée, en décembre dernier, vise à consolider une
activité économique essentielle pour le Québec en assurant
le développement de nos forêts. Avec le projet de loi sur les
pesticides, on encadre et on se donne des moyens de contrôle des
activités qui nous permettront d'atteindre les objectifs de la Loi sur
les forêts parce que, à long terme, la solution de rechange
à l'utilisation des phytocides, c'est ni plus ni moins la gestion
efficace des forêts que nous proposons d'implanter avec la nouvelle Loi
sur les forêts. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué aux Forêts. M. le député de
Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci. Je m'excuse, Mme la Présidente,
j'étais à côté à discuter d'un autre projet
d'environnement dans ma réqion, soit le dossier de l'assainissement des
eaux de la rivière Saint-Maurice à Grand-Mère. Le
sous-ministre était en train de discuter avec moi du dossier. Je
m'attendais que le ministre utilise son temps de 20 minutes mais d'après
ce que je peux voir, il ne l'a pas utilisé, j'ai été un
peu pris au dépourvu. Ce n'est rien, ce n'est pas grave, Mme la
Présidente, compte tenu que j'avais
l'intention de parler sur ce projet de loi.
Je veux vous dire que j'ai eu l'occasion, lorsque j'ai été
ministre délégué aux Forêts de regarder l'ensemble
de ce dossier et de le regarder dans une hypothèse où on disait:
L'utilisation des pesticides, et en particulier des herbicides, sur
l'investissement que l'on a fait en forêt ou des insecticides en ce qui a
trait aux insectes qui peuvent briser la forêt qu'on a mis en place, dans
l'hypothèse du livre blanc. Or, vous le savez Mme la Présidente,
ce livre blanc est devenu une loi qui est la Loi sur les forêts. La Loi
sur les forêts quand on la regarde, on dit: Est-ce que je vais, comme
industriel ou comme société, mettre un investissement et ne pas
voir en fin de compte si je ne protège pas cet investissement et si je
n'agis pas en fait, un peu comme on le dit souvent dans notre langage, pour
jeter de l'argent à l'eau ou jeter de l'argent par les fenêtres.
C'est dans ce sens que je veux regarder le projet de loi à la suite
justement de l'intervention du ministre délégué aux
Forêts. Je me dis qu'on n'a pas eu peut-être encore le courage de
faire le vrai débat sur l'utilisation des pesticides au
Québec.
Il est évident qu'il y a eu beaucoup de pressions, ce qui
était normal, je pense, eu égard à l'utilisation massive
que l'on faisait, à l'époque, de produits chimiques. Ces produits
chimiques sont devenus en cours de route des produits biologiques. On
connaît le décret que notre gouvernement a passé à
l'époque interdisant, à partir de l'année qui vient,
l'utilisation d'insecticides chimiques, pour les remplacer par des insecticides
biologiques. Il faut dire aussi, en même temps, que, lorsqu'on agit en ce
sens, ce sont des coûts additionnels biologiques importants, des
coûts plus forts et plus grands que l'utilisation d'insecticides
chimiques.
D'un autre côté, on a entendu parler dernièrement de
la discussion qui s'est faite avec l'utilisation du BT, comme on l'appelle
communément, le bacillus thuringiensis qui a été
contaminé. On peut se poser des questions. Est-ce qu'on arrose ou est-ce
qu'on n'arrose pas? Si on arrose dans quelles conditions? Quelles sont les
limites que le ministre de l'Environnement doit mettre au ministre
délégué aux Forêts dans l'utilisation de ces
insectides biologiques mais quand même contaminés? Je faisais une
farce la semaine dernière avec le ministre délégué
aux Forêts en lui disant: Celui qui a inventé le BT, le Dr
Smirnoff avait pris un ver pour montrer à tout le monde qu'il n'y avait
pas de danger. Il n'en est pas mort. Il a eu un peu des maux de ventre. Je
disais au ministre: Est-ce qu'il était prêt à faire la
même expérience avec son BT qui était contaminé la
semaine passée? Vous avez compris tout de suite que le ministre m'a dit:
II n'en est pas question. Je ne ferai pas la même bêtise.
D'une certaine façon, il voit cela comme une bêtise. Une
chose est certaine, c'est qu'il nous dit: II n'y a pas de danger pour la
santé publique. Il n'en est pas sûr, même là, il n'en
est pas sûr. Or, dans quelles conditions le ministre de l'Environnement
va l'obliger à faire en sorte que toutes les précautions soient
prises pour éviter qu'effectivement, pour les gens d'un territoire qu'on
aura avertis... II y a des conférences de presse qui annoncent aux gens
qu'ils n'ont pas à s'inquiéter, qu'il va y avoir arrosage
à telle place, laissez le terrain et laissez-nous tranquilles pendant
qu'on va arroser parce qu'il ne faut pas que vous en soyez au moins nourris
d'une certaine façon de cet insecticide biologique. Il reste tout de
même que le projet de loi doit nous assurer que le ministre de
l'Énergie et des Ressources, par l'intermédiaire du ministre
délégué aux Forêts, ne sera pas toujours basé
sur des dérogations à une loi. Si, demain matin, il est permis au
ministre délégué aux Forêts par dérogation de
demander au Conseil des ministres d'outrepasser la loi, cela ne sert à
rien d'avoir une loi. Il faut avoir une loi qui soit respectée et que
quand on déroge ce soit pour des cas exceptionnels. Si cela devient la
mesure habituelle, ce n'est plus, à ce moment, une dérogation.
C'est une coutume, une habitude. À ce moment-là, le ministre
pourrait nous dire: Écoutez, dans ces circonstances, je suis sûr
que je n'aurai jamais de problème. Mais le vrai débat n'aura
jamais lieu.
Donc, l'utilisation d'insectides chimiques disparue de notre territoire
en ce qui a trait à l'ensemble des forêts, un coût plus
grand cependant par l'utilisation d'insecticides biologiques, mais, d'un autre
côté, des insectides biologiques contaminés peuvent avoir
les mêmes effets négatifs sur la santé humaine, sur les
animaux, sur l'ensemble de ce territoire que si on avait utilisé un
insecticide chimique. Il faut faire attention. (12 h 20)
D'un autre côté, les pesticides. Lorsque j'étais
ministre, j'ai eu l'occasion d'aller visiter des plantations où des
expériences étaient faites, et là c'est évident, on
peut utiliser des moyens mécaniques pour faire le nettoyage, le
débroussaillaqe, faire disparaître les herbes concurrentes, les
arbres concurrents, de telle sorte que ne demeure que l'arbre dont on veut
avoir la meilleure production possible. Si on fait cela, on peut le faire de
façon mécanique. Là, la discussion s'est engagée
sur le genre d'instruments qu'on allait utiliser. Les instruments pourraient
être plus légers si on veut que les femmes travaillent dans les
plantations, plutôt que d'avoir des instruments tellement pesants que
seuls des hommes puissent les utiliser, et, à ce
moment-là, permettre à l'ensemble des travailleurs
forestiers d'utiliser des moyens mécaniques qui ne sont pas dangereux
pour la population. On saura qu'à ce moment-là, cependant, cela
devient plus dispendieux.
Les compagnies forestières, les gens qui investissent dans la
forêt, que ce soit au niveau public ou au niveau privé, ont dit:
Écoutez, nous sommes bien prêts à mettre en place tout un
système au niveau de la forêt, mais on ne veut pas ne plus
être concurrentiels avec les autres producteurs de papier ou de
deux-par-quatre, peu importe le bois d'oeuvre qu'on aura à utiliser, ou
les résidus de sciage qui permettent désormais l'utilisation du
bouleau et du tremble pour faire, comme on l'appelle dans le langage de la
construction, soit du K-3 ou du "plywood", des moyens d'avoir du bois,
aggloméré dans un cas, ou collé d'autre façon,
selon le déroulage qu'on connaît.
Quand on a dit cela, il reste une chose, c'est que les gens nous disent:
Nous voulons être concurrentiels. Pour être concurrentiels, il faut
utiliser des moyens qui soient, d'une certaine façon, chimiques ou
biologiques. Les études sont amorcées, il faut que le projet de
loi permette ces choses, c'est-à-dire d'aider à la recherche au
niveau des pesticides. Les insecticides, on l'a dit, on est rendu maintenant,
selon le décret auquel on demande de ne pas déroger, à
moins de circonstances très graves, à l'utilisation du
biologique.
Dans le cas des pesticides qu'on appelle herbicides, par exemple, on
n'est pas avancé à ce point. On utilise encore du chimique. Le
ministre délégué aux Forêts disait encore tout
à l'heure qu'on procédait par arrosage terrestre seulement, et
non par arrosage aérien, avec les difficultés que comporte sur le
plan de la santé humaine un arrosage qui permet de faire
disparaître rapidement l'herbe concurrente. J'ai eu l'occasion de voir
les deux: le cas mécanique et le simple arrosage manuel, terrestre.
Là où on n'a rien fait de cela, on s'aperçoit vraiment que
la plantation, tel qu'annoncé, connaît la difficulté de
l'une ou l'autre utilisation. La meilleure, la plus rapide qui permet de mieux
rentabiliser et de coûter le moins cher possible, c'est évidemment
l'herbicide que l'on peut déverser sur les herbes concurrentes.
Il y a un tableau que j'utilisais, Mme la Présidente, alors que
j'étais ministre et que je faisais ma tournée en milieu urbain,
et je pense que cela vaut la peine de l'expliquer. C'est un tableau qui
comprend trois colonnes. Sur les trois colonnes, on regarde: en milieu urbain,
environ 0,2 % du territoire est arrosé. Chacun de nous a des gazons, des
pissenlits qu'on ne veut pas voir, des mauvaises herbes, on arrose. On utilise
quand même près de 10 % des herbicides pour l'arrosage, ou des
pesticides et insecticides dans certaines circonstances.
Quand on s'en va au niveau de l'agriculture, cela représente
environ 3 % du territoire du Québec qui est arrosé constamment,
année après année, avec des pesticides qui vont toucher
à peu près 80 % du territoire du Québec. En forêt,
c'est là, il me semble, que le débat pourrait être
amorcé pour vraiment faire comprendre aux gens qu'il faut donner les
assurances, par la Loi sur le ministère de l'Environnement, que nous
avons les moyens d'éviter que les gens ne soient contaminés par
une mauvaise utilisation des pesticides au Québec. Quand on regarde
l'ensemble du territoire, c'est environ 46 % ou 47 % qui est constitué
de forêts, et à peu près 14 % de l'ensemble des pesticides
utilisés. Donc, le territoire est vaste, mais avec, si on prend mes
colonnes, une petite colonne, tandis que, dans le domaine de l'agriculture,
c'est un petit territoire de 3 %, mais avec 80 % d'utilisation.
Si on fait comprendre ces choses aux gens et qu'on discute avec eux, si
on regarde dans quelles circonstances on va les utiliser, à ce
moment-là, il est évident que nous aurons les moyens de
convaincre les qens que nous ne pouvons mettre en terre par plantation, ce qui
est le dernier exercice qu'on doit poser parce que plus dispendieux. Il faut
encore des moyens de récolte différents, des types de travaux
sylvicoles différents, voir l'ensemble de toutes les possibilités
de faire revivre la forêt et utiliser des moyens, soit mécaniques,
soit chimiques, soit biologiques pour détruire tout ce qui fait la
concurrence et permettre à l'investissement d'être productif et
d'être concurrentiel sur le marché international.
Il est évident que, pour les articles 50 et 108 où on a
fait l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs, nous ne pouvons en
aucune façon être en désaccord, parce que le Conseil
consultatif de l'environnement rappelait de verte façon, si je peux
m'exprimer ainsi, dans son avis transmis au ministre en février dernier
que l'exclusion des agriculteurs et des sylviculteurs des dispositions
législatives de l'avant-projet était de bien mauvais aloi, vu
qu'ils représentent environ 90 % des utilisateurs et près de 85 %
des consommateurs de pesticides au Québec. On sait maintenant qu'en
vertu de la discussion qui a eu lieu en commission parlementaire, ils seront
assujettis au régime des certificats, quoique la réglementation
applicable aux agriculteurs et aux aménagistes forestiers ne sera
déposée que beaucoup plus tard. Aussi, le ministre estime que ce
n'est qu'en 1990 que les agriculteurs auront reçu une formation sur
l'utilisation des pesticides, ce qui, à notre avis, repousse de plus de
trois ans l'application entière de la loi.
Dans le projet de loi, on parle de la création d'un comité
"aviseur". Le ministre a proposé lors du dépôt de son
projet de loi que soit constitué un comité-conseil formé
de représentants bénévoles tant du gouvernement que de
groupes de l'extérieur. Nous sommes d'accord avec cette initiative.
Toutefois, nous croyons qu'il aurait été davantage
préférable que ce comité voie son existence et ses
compétences reconnues dans la loi, le soustrayant ainsi de façon
précise au pouvoir arbitraire et discrétionnaire du ministre. Son
mandat aurait été par le fait même beaucoup mieux
banalisé. On saurait mieux à quoi s'attendre, les nominations de
ses membres auraient été plus ouvertes et plus
démocratiques et son indépendance, par le fait même,
beaucoup mieux assurée.
Aussi, dans un communiqué qui accompagne le dépôt du
projet de loi 27, le ministre précisait que le mandat du comité
porterait sur les questions suivantes: la classification des pesticides,
l'élaboration de la réglementation et des programmes de
formation. On souhaite à titre de membres de l'Opposition que le conseil
puisse proposer des alternatives à l'utilisation de pesticides. C'est
à ce point que je faisais allusion tout à l'heure, à
l'utilisation des pesticides en forêt. Il est à mon avis important
que le comité puisse aviser et puisse même, à l'occasion
avec les deux ministres concernés, le ministre
délégué aux Forêts et le ministre de
l'Environnement, faire la consultation qui s'impose à travers le
Québec pour aider le ministre délégué aux
Forêts a faire comprendre aux gens que l'utilisation
contrôlée permet la rentabilisation de l'investissement tout en
sauvegardant la santé humaine et animale du milieu.
Orienter la recherche. Justement, ce comité pourrait permettre au
ministre délégué aux Forêts d'aller plus rapidement
et conseiller au ministre de l'Environnement de donner les crédits
nécessaires pour que l'orientation de la recherche vise à
permettre une utilisation biologique des herbicides - ce qu'on ne connaît
pas actuellement à fond. Il pourrait entendre les plaintes contre les
produits et les compagnies, analyser les données des registres et
bilans, évaluer les propositions d'entente qui peuvent être
conclues pour faciliter l'application de la loi. (12 h 30)
Je prends un cas bien précis, Mme la Présidente. Vous avez
certainement été à même de voir à la
télévision en fin de semaine ce qui s'est produit au
département de santé communautaire du Lakeshore où,
effectivement, on a ramassé, à l'intérieur des maisons, ce
qu'on trouve comme toutes sortes de possibilités de contamination.
Combien de gens, quand il leur reste un peu de peinture, la jette dans les
égouts de la ville, ce qui est dangereux parce que cela pollue
l'ensemble de l'environnement. Si tout le monde faisait cela, qu'est-ce que
cela apporterait comme... Des règlements municipaux sont donc apparus
pour éviter des choses semblables, ce qui n'empêche pas que,
parfois, des gens puissent encore le faire, mais ils sont importants.
Dans mon milieu, on a eu une longue discussion sur les 8PC. Le long de
la rivière Saint-Maurice, les gens ne voulaient pas voir monter cela
à Saint-Roch-de-Mékinac, à l'époque, à
Mattawin, où il aurait pu y avoir une usine pour faire la
décontamination et la disparition complète compte tenu justement
du nombre de BPC dans notre milieu à cause, non pas de l'ancienne
Hydro-Québec, mais de l'ancienne Shawiniqan Water and Power qui a
été prise par Hydro-Québec, à l'époque.
Combien de ces BPC se sont retrouvés dans la forêt à la
merci de l'ensemble des gens qui les vidaient? Ils voulaient le contenant et y
laissaient le contenu dans les ruisseaux, dans les lacs et dans les
rivières. C'est à cela qu'il faut faire attention. On pourrait
dire: On ne veut pas d'usine pour la faire disparaître; en
conséquence, il faut la placer quelque part; il faut l'emmagasiner
quelque part; comme les gens disent chez nous, il faut la stocker quelque part.
Mais si on les met quelque part en emmaqasinant et que les gens n'en veulent
pas, il va arriver que les gens vont s'en débarrasser au plus vite et
n'importe comment. Il faut absolument s'assurer que, dans la question des BPC
dans tout le Québec, on en arrive à une solution qui soit la
meilleure possible, sachant que sur la rive sud, soit à Bécancour
ou ailleurs, encore une fois les gens ont dit non, tout comme à
Shawinigan-Sud où on a un entrepôt de ces huiles
contaminantes.
Nous croyons que le ministre devra aussi nous préciser ce qu'il
entend faire du comité interministériel sur les pesticides du
Québec qui a été officialisé par les décrets
d'octobre 1981 et d'avril 1983 et dont la responsabilité est
assurée par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation.
J'aurais eu, Mme la Présidente, autre chose à dire. Mais,
ce qu'il est important de bien retenir, c'est que nous croyons que le pouvoir
de réglementation doit être plus limité. Seule la
réglementation saura nous révéler la réelle
volonté du ministre de contrôler l'usage des pesticides. À
ce chapitre, le projet de loi 27 n'a pas retenu de l'avant-projet de loi un
pouvoir réglementaire extrêmement important à défaut
duquel les prérogatives du ministre nous semblent très
limitées. Nous croyons que nous devons nous assurer que ce projet de loi
ait les meilleures conditions nécessaires à l'application non
seulement en forêt, comme je l'ai dit, mais dans l'ensemble du territoire
du Québec pour permettre à l'ensemble de la
population d'être rassurée quand le ministre de
l'Environnement aura mis en place, cette nouvelle loi. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laviolette.
Mme la députée de Deux-Montagnes.
Mme Yolande D. Legault
Mme Legault: Mme la Présidente, c'est avec beaucoup
d'intérêt que je vous entretiendrai aujourd'hui d'un sujet qui m'a
toujours préoccupée au plus haut point. En effet, avec
l'apparition d'une société industrialisée axée sur
la productivité et l'économie, il apparaissait normal d'inventer
des produits surnommés des pesticides. Depuis quelques années,
nous assistons à une mobilisation de l'opinion publique qui devient de
plus en plus consciente des dangers que représentent ces produits pour
la santé des êtres vivants.
Eace à ces protestations, nous observons parallèlement la
montée du mouvement écologique qui sensibilise de plus en plus la
population à la nécessité de protéger notre
environnement et le bien-être de ceux qui y vivent. Considérant
que le Québec est la dernière province à
légiférer au Canada et que les États-Unis possèdent
déjà plusieurs longueurs d'avance sur nous quant au
contrôle de la vente et de l'utilisation des pesticides, il se
révélait donc urgent d'agir et, par conséquent, le
gouvernement se devait d'avoir le courage de prendre ses responsabilités
et de légiférer dans ce domaine. À cet effet, le ministre
de l'Environnement déposait un avant-projet de loi sur les pesticides,
le 18 décembre dernier. Face à la complexité du sujet, le
ministre de l'Environnement décidait, par le truchement d'une commission
parlementaire et avisait quelques mois plus tard, faisant suite aux
recommandations des différents intervenants du milieu. Le ministre
revient donc à la charge en présentant une version quelque peu
amendée de ce projet de loi que certains qualifient de trop permissif
tandis que d'autres le jugent trop coercitif.
Pour ma part, tout en appuyant ce projet de loi et les objectifs qu'il
prône, j'aurais quand même tendance à me situer dans le
premier camp. Tout au long de mon intervention, par le cheminement de mes
arguments, je tenterai de vous démontrer le pourquoi de cette opinion.
Pour débuter, je vous énumérerai les avantaqes que ce
projet de loi me paraît contenir. Ensuite, je vous ferai part de mes
expériences vécues dans le domaine de la pomiculture et,
finalement, je vous expliquerai pourquoi j'en suis arrivée à
opter pour les approches alternatives dites biologiques.
Cette nouvelle version m'apparaît mieux adaptée aux besoins
et au milieu en consacrant quelques qrands principes qui m'apparaissent
positifs comme point de départ. Le fait d'assujettir dans un proche
avenir les aqriculteurs et sylviculteurs semble un point essentiel à
toute évolution dans ce dossier.
Une démarche législative qui se veut réaliste
devait tenir compte du fait que ceux-ci sont les plus grands utilisateurs de
pesticides. Également, à titre d'utilisatrice de pesticides, j'ai
toujours défendu l'idée qu'il fallait réduire le plus
possible la quantité des pesticides utilisés. Je me
réjouis donc de retrouver cet objectif inclus dans le présent
projet de loi.
Un autre aspect qui me semble très intéressant et sur
lequel s'appuie ce projet de loi repose sur les notions de formation et
d'éducation des différents intervenants du milieu. En
sensibilisant les vendeurs et utilisateurs, je suis convaincue que nous
finirons par les inciter à faire une utilisation plus rationnelle et
prudente de ces produits. Mais cependant, ce qui demeure à mon avis la
clé essentielle comme solution de l'avenir, tient à la recherche
que nous effectuerons sur les méthodes alternatives.
Comme exemple très actuel je vous réfère à
un article paru dans Le Soleil le 21 mai dernier concernant les
forêts et la protection des épinettes. Pourquoi laisser
périr nos forêts par des contaminants quand on peut les
pulvériser de nos produits naturels et biologiques comme la terre
diatomée, le pyrèthre ainsi que le connu et déjà
utilisé BP. Je sais que vous me direz peut-être que ces produits
ne coûtent pas moins cher que les produits chimiques, mais, je vous
répondrai sans hésiter qu'ils sont cependant grandement moins
offensifs pour la santé.
Un autre point, à la lecture des mémoires
présentés en commission parlementaire, était souvent
relevé et se traduisait par une préoccupation de voir affaiblir
la Loi sur la qualité de l'environnement par ce présent projet de
loi. À cet effet, des bonifications ont été
apportées. En ce qui concerne également l'accès à
l'information, plusieurs groupes de pression ont exprimé leur
désir de voir maintenir cette même facilité d'obtenir des
informations pour les pesticides que dans le cadre de la Loi sur
l'environnement.
Quant à la certification des vendeurs de produits domestiques, il
me semble très important d'appliquer ce même critère de
sévérité à tous les maillons de la chaîne car
les grossistes et les distributeurs sont également des
éléments qu'il ne faut pas négliger.
Comment réussir à convaincre et à forcer tous ces
intervenants à respecter la loi quand on sait très bien qu'elle
va à l'encontre de leur intérêt financier.
Finalement, l'harmonisation et la coordination des différents
paliers de gouvernement en la matière ainsi que la création d'un
comité consultatif conseillant le gouvernement sur la classification des
pesticides m'apparaissent deux aspects positifs dans le long chemin qu'il nous
reste à parcourir. Mais, comme le dit le ministre, ce n'est qu'une
étape vers un long cheminement. Je pense que légiférer
c'est déjà un pas de fait mais cela doit aller, d'après
moi, beaucoup plus loin. On ne doit pas se limiter mais apprendre à
changer nos modes de vie, notre système de valeurs et nos
manières de concevoir l'humain face à son environnement. (12 h
40)
II serait essentiel que nous arrêtions de voir nos
priorités uniquement en termes de profits pour se placer dans une
perspective beaucoup plus à long terme de coûts sociaux.
Voilà une conception qui s'attaque aux causes et non uniquement aux
symptômes.
En ce qui concerne la solution qui traite les causes, pour moi elle se
nomme agriculture biologique. J'ai commencé à expérimenter
ces techniques à la suite d'une expérience personnelle qui aurait
pu se transformer en un drame. En effet, il y a de cela plusieurs
années, mon époux s'est intoxiqué au mercure en arrosant
notre verger. À cause de notre ferme, nous avons souvent
été appelés à utiliser des pesticides. Une bonne
journée, celui-ci se retrouva avec une éruption cutanée et
des enflures monstrueuses. Amené d'urgence à l'hôpital, il
s'en est fallu de peu qu'il y laissât sa vie.
Depuis ce temps, nous nous sommes vraiment intéressés
à chercher d'autres méthodes. J'ai vaguement entendu parler par
des amis des produits naturels. J'ai donc tenté conjointement avec des
collègues du Venezuela, de l'Angleterre et de la Belgique plusieurs
expériences qui, d'ailleurs, fonctionnèrent très bien et
donnèrent des résultats satisfaisants. Je faisais usage de
permagarde, de rotenone et d'algues marines provenant de l'océan. Je
n'éprouvais aucun problème sauf celui-ci: J'avais de la
difficulté à éliminer la tavelure sur les pommes, entre
parenthèses, fongus. Je dus forcément avoir recours aux
pesticides pour régler la situation, fongicide d'ailleurs que
j'utilisais en quantité minimale. D'ailleurs, Mme la Présidente,
si vous me permettez, en fin de semaine, j'ai dû constater quand
même dans mon verger une infection de tavelure. Le coût de ces
pesticides a quintuplé depuis les 20 dernières années et
les résultats ne se sont pas améliorés. C'est très
inquiétant pour les producteurs du comté de Deux-Montagnes eux
aussi.
Quant au Venezuela, à cause de leur climat particulier, ils
n'éprouvaient pas ce type de problème avec la culture du coton.
Tout allait bien à part la difficulté d'accessibilité de
ces produits qui étaient, pour la plupart, importés d'Angleterre.
Maintenant, ces produits sont fabriqués au Québec à des
prix raisonnables. Certes, les pesticides organiques demeurent encore plus
onéreux mais les applications sont moins fréquentes et se
révèlent inoffensives pour les êtres vivants. En ce sens,
je crois que ledit projet de loi constitue un départ très
intéressant mais il serait souhaitable que les différents ordres
de gouvernement continuent à prendre leurs responsabilités en la
matière.
À mon avis, le gouvernement fédéral émet
encore trop facilement des permis et ses critères restent trop souples
et flous comparativement aux États-Unis. Je pourrais vous citer des
dizaines d'exemples et des cas pour appuyer cette opinion. Je me contenterai de
vous en énumérer trois. Premièrement, je n'ai qu'à
penser aux herbicides de pommes de terre qui sont permis ici et qui ont
été bannis depuis longtemps au Vermont. Je pense aussi au cas de
la sève d'érable que l'on traite avec des cartouches de
formaldéhyde, substance augmentant la productivité mais dont
certains savants et chercheurs croient qu'elle est
cancérigène.
Je me rappelle personnellement avoir eu, il y a de cela aussi plusieurs
années, des réticences quant à ces petites pilules que le
vendeur qualifiait de supposément inoffensives et aux vertus quasi
miraculeuses. En face de la volonté du gouvernement
fédéral de permettre aussi l'irradiation des aliments, il est
impératif de considérer le rôle que joue le Centre national
de recherche du Canada. Les recommandations émises par ce centre sont
habituellement reçues sans discussion, ex cathedra, comme paroles
d'Évangile, parce que venant d'un milieu scientifique très
rigoureux, intègre et soucieux de la vérité et du bien
public. Dans les faits, il arrive que des résultats de recherche sont
publiés à la hâte à la suite d'études
insuffisantes, trop courtes à cause des pressions politiques,
économiques ou autres.
Un dernier exemple désastreux, inoubliable est l'épisode
de la MIUF, mousse isolante d'urée formaldéhyde. Alors que
l'usage de cette substance comme isolant venait d'être banni aux
États-Unis avec un dossier très bien documenté, le Conseil
national de recherche du Canada en a sanctionné l'usage comme
sécuritaire. Le gouvernement, fort de cette approbation, a
autorisé l'utilisation de la MIUF en accordant de plus de
généreuses subventions aux usagers. Le drame que tous connaissent
a éclaté peu de temps après avec toutes ses
conséquences; grave atteinte à la santé des gens, maisons
instantanément dévalorisées, nouveaux subsides pour
corriger cette erreur. Les citoyens qui n'ont pas d'autre choix que de faire
confiance à leur institution ont été les doubles victimes
de cette erreur en haut
lieu. Ils ont payé de leur santé. Ils ont payé de
leur argent ces subventions de promotion et de correction.
Je trouve malheureux qu'au nom du pouvoir pécuniaire, la loi
exclue certains produits qu'elle ne devrait pas. Il est déplorable
qu'à cause d'un système économique, certaines personnes
soient prêtes à sacrifier la santé collective pour faire
fonctionner les rouages de l'économie et ainsi protéger leurs
intérêts. Il est à mon avis grandement temps que l'on fasse
preuve d'un peu de maturité et de sens d'autocritique face à
notre société et aux décisions qu'elle prend.
Il est de plus temps de remettre en question notre approche et de penser
en fonction du respect de la chaîne écologique. Pourquoi, à
ce chapitre, ne pas utiliser les prédateurs à bon escient? Je
suis consciente que ce que j'avance peut bouleverser et même choquer
certains groupes de pression et que ce n'est que progressivement que nous
arriverons à changer les mentalités et appliquer ces
théories qui sont révolutionnaires, parce qu'elles apportent un
éclairage scientifique nouveau des comportements humains. Ces
théories remettent en cause certaines de nos valeurs comme la
productivité, l'efficacité, la volonté de puissance,
l'agressivité pour les remplacer par des notions de douceur, de respect
de la nature et de la conservation de la vie.
Ces théories inventent une relation où l'homme serait
mieux intégré à son milieu et vivrait davantage en
harmonie avec celui-ci. Comme tentative d'explication de tout ce
phénomène, j'aimerais, Mme la Présidente, vous lire un
très beau texte du réputé Dr Hill, éminence grise
en la matière et professeur au collège Macdonald de
l'Université McGill en entomologie et chargé de projets
d'agriculture écologique. Le présent exposé est
révolutionnaire par sa manière d'envisager la lutte contre les
ravageurs et reflète bien le changement de conception fondamentale qui
est en train de gagner le domaine scientifique. Il traite du sujet dans un sens
plus large que d'habitude et fait notamment appel aux plus récentes
perceptions des facteurs régissant les causes véritables des
problèmes engendrés par les ravageurs, soit d'y faire face et
d'abandonner définitivement la pratique courante de ne s'attaquer qu'aux
symptômes. La cause des nombreux problèmes engendrés par
les ravageurs se situe en dehors du domaine d'action des disciplines
destinées habituellement à les traiter.
En outre, l'application des moyens proposés demande une
compréhension nouvelle du rôle des individus et des institutions
à l'égard des changements sociaux. Les êtres humains
doivent devenir plus conscients de leur mode de comportement et accepter
davantage la responsabilité de leurs actes.
De son côté, la société doit appuyer
davantage ceux qui s'efforcent de mettre fin à leur comportement
compensatoire et à tout mettre en oeuvre pour empêcher la
réapparition de ce comportement.
Depuis la fin des années quarante, la lutte contre les ravageurs
est de plus en plus associée aux pesticides de synthèse, de telle
sorte qu'aujourd'hui plus de 2 000 000 de tonnes métriques de
pesticides, éléments actifs, sont déversés
annuellement dans le monde, soit 34 % en Amérique du Nord, 45 % en
Europe de l'Ouest et de l'Est, et 21 % dans les autres pays; ce chiffre
représente plus du double des quantités utilisées il y a
dix ans. Malgré les améliorations apportées aux
différents produits chimiques, à leur formule et aux
méthodes d'application, les problèmes inhérents à
l'utilisation des pesticides n'ont pas diminué pour autant. Au
contraire, certains se sont même aqgravés. La majorité de
ces produits sont dus au fait que presque tous les pesticides sont des
problèmes entièrement nouveaux, sans équivalent naturel.
En outre, comme les ravageurs sont des entités économiques et non
biologiques, ces produits chimiques ne sont jamais spécifiques aux
ravageurs. Les poisons ne sauraient être sélectifs selon des
critères économiques.
Les principaux problèmes résident dans le fait que les
pesticides et leurs dérivés sont persistants et ont des effets
cumulatifs, que leur effet n'est pas sélectif, qu'il est difficile de
les appliquer uniquement à des orqanismes cibles, qu'ils ont des effets
létaux et sublétaux immédiats et à lonq terme, que
leur pourcentage de mauvaise utilisation est extrêmement
élevé, que leur emploi ou leur mauvais emploi est
généralement suivi d'une réapparition et souvent
même d'une recrudescence des ravageurs, que ces derniers
développent invariablement une résistance aux pesticides et que,
souvent, des ravageurs secondaires font leur apparition. (12 h 50)
Comment expliquer qu'en dépit d'une liste aussi longue
d'inconvénients l'utilisation des pesticides soit si
généralisée? La raison évidente est que l'usage des
pesticides entraîne généralement une augmentation des
profits ou, tout au moins, une diminution des pertes. Cependant, cela n'est
vrai que parce que notre système d'analyse des
coûts-bénéfices ne tient pas compte des coûts
associés aux problèmes ci-dessus. Il s'aqit là d'un
exemple parmi tant d'autres des nombreux moyens que notre société
a de sanctionner le profit à court terme de l'entreprise privée
aux dépens des frais à long terme du public. Dans la
najorité des cas, il n'y a pas d'autres méthodes pour combattre
les ravageurs où les moyens existants sont d'application peu
commode.
Cependant, une autre raison, moins
évidente, c'est que la majorité des utilisateurs sont
aussi inconsciemment attirés par les pesticides pour leur
propriété symbolique, en particulier pour leur symbole de
puissance. Dans bien des cas, la plupart des êtres humains sont
portés à agir comme s'ils étaient impuissants ou
vulnérables. Ils ont, de ce fait, tendance à se laisser
inconsciemment attirer par des signes extérieurs de puissance, par
exemple sur le plan de la profession, de la position sociale, des loisirs, de
la possession et même sur le plan des instruments et techniques
utilisés pour résoudre les problèmes.
Il va de soi que ce comportement compensatoire tend à être
automatique et répétitif de manière prévisible et
à se défendre énergiquement, mais n'arrive jamais à
engendrer de satisfaction durable. C'est comme si la notion de suffisance
n'existait pas parce que les pesticides considérés comme des
poisons puissants, en général, appliqués directement sur
l'ennemi au moyen d'appareils puissants et parce qu'ils ont des effets
prévisibles dans l'immédiat, ils sont tout désignés
pour jouer ce rôle compensatoire. De leur côté, les
solutions alternatives sont généralement présentées
comme des techniques douces. Elles sont souvent d'un emploi plus
compliqué et leurs effets sont moins certains.
Mme la Présidente, j'aurais voulu terminer par l'article du Dr
Hill. Est-ce que je pourrais avoir la permission de la Chambre pour
continuer?
La Vice-Présidente: II vous reste deux minutes. Est-ce que
j'ai le consentement de la Chambre pour permettre quelques minutes.
M. Lefebvre: Quelques minutes, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Quelques minutes, consentement?
M. Lefebvre: Oui.
Mme Legault: Quelques minutes. "Ainsi, je débute à
partir de la prémisse que les méthodes de lutte contre les
ravageurs sont utilisées et que même les recherches sur ces
méthodes sont effectuées non pas dans un cadre scientifique et
objectif mais plutôt très subjectif et personnelle.
Cette situation s'applique, non seulement à la lutte contre les
ravageurs, mais aussi à toutes les parties du système alimentaire
de même qu'à chaque aspect de notre vie. Partant de ce principe,
il est facile de comprendre pourquoi, dans le système alimentaire et, de
même, dans les secteurs industriels en général, les
principaux objectifs sont la productivité, le profit et la puissance. Il
n'y a pas de limites inhérentes à ces objectifs. Ils sont
associés à la crois- sance, à la concurrence et à
la centralisation, à l'épuisement des ressources non
renouvelables, à la destruction des ressources renouvelables et, en ce
qui concerne notre espèce, au stress, à l'indifférence et
à la dégénérescence. Des objectifs beaucoup plus
appropriés seraient la nutrition, en tenant compte de la qualité
tout comme de la quantité des aliments ainsi que des besoins individuels
particuliers, la satisfaction, le développement de
l'établissement d'un système durable. Mais il y a certaines
contraintes inhérentes à ces objectifs car, dans ce cas, il faut
penser en termes d'équilibre, de coopération et de
décentralisation, de dépendance minimale à l'égard
des ressources non renouvelables et d'impacts minimaux sur les ressources
renouvelables. Les êtres humains vivant dans un tel système sont
plus susceptibles d'éprouver de la joie, un sentiment
d'intégration et d'union avec la terre et ses habitants et d'avoir aussi
le sentiment d'actualiser progressivement leur potentiel. C'est dans une telle
perspective que les solutions suivantes pour combattre les ravageurs peuvent
donner leur pleine mesure. "Les efforts ayant pour but d'introduire les
méthodes destinées à remplacer les pesticides
conventionnels peuvent être classés en trois formes d'approche:
efficacité, substitution et restructuration. La gestion
intégrée de la lutte contre les ravageurs, comme elle est
communément pratiquée, a recours aux pesticides ainsi qu'à
des techniques qui, pour la plupart, s'appliquent aux deux premiers groupes.
Dans la gestion intégrée, il faut, en tout premier lieu, se
servir de techniques appropriées pour surveiller les ravageurs ou leurs
effets et aussi idéalement leurs mécanismes de contrôle
naturel. Les techniques de surveillance comportent l'examen courant des
cultures et de leur milieu et des méthodes simples comme le frappage des
branches, les filets, les pièges englués et autres pièges
contenant des substances attractives comme le phéromone. Ces derniers
sont aussi utilisés parfois comme moyens de contrôle,
particulièrement pour perturber le comportement reproducteur de certains
ravageurs. "Il y a aussi moyen d'accroître l'efficacité des
pesticides par l'utilisation de meilleures formules et méthodes
d'application - par exemple, le développement d'applica-teurs
électrostatiques - et l'établissement du seuil économique
pour chacune des espèces de ravageurs.
Pour développer des approches écologiques profondes, il
faut au préalable déceler les forces dynamiques et statiques
à l'oeuvre et renforcer les premières tout en neutralisant les
secondes. Sur le plan individuel, cette transformation impose le
développement d'un sens d'intégration avec la terre et
l'observation attentive des processus
d'équilibre et de rétroaction. Elle oblige à
étudier le fonctionnement des systèmes naturels et à les
observer longuement pour apprendre à les imiter. Mais surtout, elle
oblige chacun à surveiller davantage son propre comportement, à
reconnaître son comportement "compensatoire" et à apprendre
à s'en débarrasser. C'est là le fondement d'une approche
holistique qui reconnaît que notre façon de lutter contre les
ravageurs, qui n'est en somme qu'un aspect de notre façon de vivre, et
c'est en modifiant notre mode d'action et notre comportement
général que nous arriverons à changer également
notre manière de combattre les ravageurs."
En conclusion, Mme la Présidente, je ne peux rester
indifférente devant tant de publicité en faveur de l'irradiation
des aliments. Je suis particulièrement demeurée abasourdie devant
un message radiophonique tentant d'influencer les producteurs de pommes
à faire irradier leurs produits quand déjà, sans
irradiation et uniquement par la congélation, celles-ci se conservent
toute une année. Je peux vous assurer au même moment, Mme la
Présidente, que j'ai ici des pommes de mon verger de l'année
1986...
Une voix: Elles sont bonnes!
Mme Legault: ...qui ont subi la congélation, et les
nouvelles pommes arriveront vers le 18 et le 20 juillet. C'est pourquoi je me
demande si cette nouvelle technologie, qui coûtera beaucoup plus cher aux
producteurs et aux consommateurs... En plus, cette nouvelle technologie pose
des risques pour la santé des individus et va à rencontre des
objectifs que prône ce projet de loi sur les pesticides.
Au moment où le ministre de l'Environnement du Québec a le
courage de présenter son projet de loi, d'autres s'évertuent
à trouver des moyens pour détruire ce que nous sommes
présentement en train d'adopter. Sous prétexte de l'assimiler ou
de l'injecter à petites doses, certains organismes essaient de nous
faire avaler la pilule, mais je leur dis qu'elle reste pour moi encore trop
indigeste. D'ailleurs, je tiens à souligner que 64 sénateurs du
congrès américain se sont opposés à l'irradiation
des aliments par l'intermédiaire du "bill" HR-956. Il faut
également penser à l'avenir et à nos enfants qui subiront
les ravages de ces rayons. Sans prétendre être spécialiste
ou savante en cette matière, mon intuition me dicte qu'il serait
important d'obliger les compagnies à étiqueter leurs produits.
Cette réglementation, comme dans le cas des cigarettes, permettrait
d'aviser les consommateurs si tel aliment est irradié et, par
conséquent, leur laisserait le libre choix d'en consommer ou non. Vous
vous souviendrez tous de l'accident de Tchernobyl en 1986 qui a conduit
à la contamination par la radiation des denrées alimentaires. Cet
accident devrait nous servir de leçon et nous inciter à agir
prudemment à l'avenir.
En terminant, c'est à titre de personne élue
démocratiquement dans le comté de Deux-Montagnes que je me sens
la responsabilité de sensibiliser, d'informer et de conscientiser la
population aux risques aussi grands à utiliser les pesticides
qu'à irradier les aliments. Il ne faudrait pas que cette
négligence nous mène à légiférer dans
quelques années sur l'irradiation des aliments, comme nous sommes
présentement obligés de le faire pour les pesticides. Si nous
avions fait preuve d'un peu plus de clairvoyance il y a quelques années,
en ce qui concerne l'utilisation des pesticides, nous n'en serions pas,
aujourd'hui, à passer ce projet de loi 27 que j'appuie
entièrement. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Deux-Montagnes.
Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à
15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 8)
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez prendre place.
L'Assemblée nationale reprend ses travaux à la
période des affaires du jour. Nous allons maintenant reprendre le
débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur
les pesticides. Je reconnais à ce moment-ci comme intervenant M. le
ministre de l'Environnement pour l'exercice de son droit de
réplique.
M. Clifford Lincoln (réplique)
M. Lincoln: M. le Président, je ne compte pas être
très long dans cette réplique parce que je pense que tout ce qui
devait être dit l'a été tant par mes collègues que
par les membres de l'Opposition qui ont soulevé tous les points
principaux que rejoint ce projet de loi. Je voudrais souligner encore une fois,
en réplique, que ce projet de loi répond à la demande du
plus grand nombre d'intervenants au Québec, de toutes les couches de la
société, tant du milieu urbain que rural et que ce projet de loi
est l'aboutissement d'une politique qui était demandée instamment
au Québec parce que nous sommes le dernier gouvernement à ne pas
avoir une réglementation, une loi sur les pesticides. En fait, c'est
l'aboutissement de l'avis et de la recommandation du Conseil consultatif de
l'environnement qui, en 1980,
nous avait demandé une loi sur les pesticides basée sur un
système d'éducation et de contrôle, telle que nous l'avons
maintenant instaurée.
À la commission parlementaire qui a reçu des
mémoires, quelque 32 mémoires de 50 organisations qui avaient
été invitées, nous avons décelé les
éléments les plus représentatifs et les plus importants.
Donc, le projet de loi que nous avons déposé reflète
toutes ces considérations les plus importantes.
D'abord, les intervenants ont souligné que le projet de loi sur
les pesticides ne mettait pas assez l'accent sur la Loi sur la qualité
de l'environnement. En faisant la juxtaposition entre la Loi sur la
qualité de l'environnement, qui est la pièce maîtresse
législative du ministère de l'Environnement, et cette nouvelle
Loi sur les pesticides, nous avons apporté des amendements afin de
reconnaître que la loi sur l'environnement s'applique dans toute sa
qualité intégrale avec, évidemment, un ajustement par
rapport à l'article 20 qui s'imposait par la logique même des
choses. Nous avons aussi éclairci toute la question du droit à
l'information des citoyens par rapport à la Loi sur les pesticides. Le
citoyen aura droit tant à l'information, qui est prévue dans la
Loi sur les pesticides, qu'à tous les rouages du droit d'accès
à l'information qui est déjà prévu dans la Loi sur
la qualité de l'environnement.
Des mémoires ont soulevé, avec raison, toute la question
de l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs, le domaine agricole et
forestier. La chose n'était pas claire et nous l'avons éclaircie
en reconnaissant de façon très formelle dans la loi, sans aucune
ambiguïté, que tant les agriculteurs que les sylviculteurs sont
couverts par la loi mais que, par réglementation, on pourra les ajouter
à une date ultérieure à cause du grand nombre de personnes
touchées par ce projet de loi, surtout dans le cas des agriculteurs.
Je peux confirmer qu'il est tout à fait de l'intention tant du
ministère de l'Environnement que du ministère des Forêts
dans le cas de l'industrie forestière, du ministère de
l'Agriculture, dans le cas du domaine agricole, d'amener le plus vite possible
ces intervenants au sein de la loi dans tous ses objectifs. Là où
il y a peut-être le plus grand souci de refléter les
représentations qui nous ont été faites, c'est dans le
domaine des objectifs de la loi. Beaucoup d'intervenants incluant le critique
de l'Opposition, nous ont souligné, qu'on ne reflétait pas assez
la dimension de la réduction de la quantité de pesticides
utilisés sur le sol du Québec et aussi un objectif plus à
long terme de réduire la quantité de pesticides utilisés
jusqu'au point où un jour, espérons prévisible, nous
pourrons nous dire que nous avons réduit au maximum l'utilisation des
pesticides chimiques en les remplaçant par des méthodes
alternatives ou des produits alternatifs, biologiques et autres.
Nous avons donc voulu, dans ce projet de loi, consacrer ces grands
objectifs qui iront vers l'objectif central que nous nous promettons, celui
d'une gestion intégrée des pesticides qui aura comme objectif la
réduction graduelle, la réduction maximale, compte tenu des
circonstances du moment, vers une gestion intégrée qui tiendra
pour acquis des méthodes alternatives dont ma collègue de
Deux-Montagnes a cité beaucoup d'exemples qu'elle a vécus et
allant aussi vers une recherche de produits alternatifs dans des domaines bien
moins nocifs que le domaine chimique.
Dans ce sens, je me réjouis que dès cette année
nous consacrions, dans le budget déposé par le ministre des
Finances 500 000 $ à la recherche de produits alternatifs. Nous sommes
déjà en pourparlers avec certains milieux universitaires et de
recherche qui font déjà de la recherche de méthodes
alternatives dans le domaine agricole pour étendre cette recherche dans
le domaine forestier et le domaine des pesticides du milieu urbain afin que
dans un avenir prévisible, de trois à cinq ans, nous ayons pu
déceler des méthodes et des produits alternatifs qui feront que
l'objectif central que nous nous promettons, soit une réduction
graduelle qui ira vers des méthodes alternatives, une gestion
intégrée qui tiendra pour acquis que les pesticides chimiques
sont une méthode d'ultime recours, soit en fait l'objectif tant de la
loi que des pratiques courantes au Québec.
Je vais dire un mot très bref soit, mais très important,
sur toute l'implication du domaine fédéral en cette
matière. Nous ne pouvons pas, du côté des provinces, tout
faire nous-mêmes parce que notre champ d'action est très
limité. Le domaine central qui contrôle tant le processus
d'autorisation de la fabrication, de la mise en marché et de
l'homologation des pesticides est du domaine fédéral. Or,
malheureusement, les provinces ont eu très peu à dire dans ce
secteur. Au fil des années, il s'est établi une pratique, au
niveau fédéral, où les provinces avaient très peu
de mots à dire, si ce n'est aucun. D'accord avec mes collègues
des autres provinces, par l'intermédiaire du Conseil canadien des
ministres de l'Environnement et des Ressources, nous avons demandé
officiellement au gouvernement fédéral - toutes les provinces -
d'être impliquées le plus directement possible dans le processus
d'homologation. Nous avons demandé instamment au gouvernement
fédéral de prévoir un mécanisme de consultation et
d'implication systématique des provinces afin que, pour l'homologation
des produits, au départ, nous soyons au moins informés de la
façon la plus étendue possible
afin que les provinces puissent avoir leur mot à dire, fassent
des revendications en conséquence, qui permettraient que les produits
qui sont issus de l'homologation fédérale aient eu, je ne veux
pas dire un veto, loin de là parce qu'on n'a pas la juridiction, mais au
moins l'implication directe des provinces dans ce processus tellement
important.
Nous avons aussi demandé que les trois ministres
fédéraux impliqués, celui de l'Agriculture qui a la
juridiction officielle, celui de l'Environnement et celui de la Santé
qui sont impliqués directement par tout le processus de l'homologation
des pesticides travaillent de beaucoup plus près ensemble qu'ils ne le
font aujourd'hui.
Nous avons aussi demandé qu'il y ait une révision
systématique des produits déjà sur le marché, parce
que certains produits qui sont sur le marché depuis dix ou quinze ans
démontrent des caractéristiques tout à fait
différentes que celles prévues au départ.
Donc, cette action des provinces avec le gouvernement
fédéral est essentielle si nous voulons rationaliser,
réduire toute l'implication des pesticides dans les domaines
socio-économiques au Québec et ailleurs, et, en même temps
chercher ensemble des méthodes alternatives et des produits alternatifs.
C'est donc dans le sens d'une gestion intégrée des pesticides,
c'est donc dans le sens de sensibilisation de la population, c'est donc dans le
sens de contrôler l'utilisation, de réduire la quantité des
pesticides, de trouver des méthodes alternatives, de nous en aller vers
une situation beaucoup plus propice à l'environnement, beaucoup plus
saine pour l'environnement et beaucoup plus saine pour la santé des
citoyens du Québec que ce projet de loi est proposé. Une loi,
à elle seule, ne fera pas tout ce qu'il faut faire. Sans l'implication
des citoyens, sans l'implication des milieux concernés, sans
l'implication des groupements environnementaux, sans l'implication, surtout,
des secteurs qui seront le plus touchés eux-mêmes, les secteurs de
ceux qui arrosent de pesticides en milieu urbain, les secteurs forestiers, le
secteur surtout de l'aqriculture qui en utilise 85 %, sans l'implication voulue
de ces secteurs, sans une meilleure formation, une éducation des membres
de ces secteurs eux-mêmes, la loi n'accomplira rien.
Mais, au moins, la loi est un outil de grande importance que nous avons
aujourd'hui pour aider à ce processus, à ce momentum qui est
déjà voulu dans la population, qui est déjà voulu
par les secteurs eux-mêmes. J'espère qu'on va considérer
cette loi comme une étape de grande importance vers une utilisation
rationnelle des pesticides pour commencer, mais surtout vers une
découverte d'une gestion intégrée et de méthodes de
recherches de rechange et de produits de rechange dans ce domaine si crucial
pour l'environnement et la santé des citoyens du Québec.
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé, à cette étape de l'étude du projet de loi,
est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur les
pesticides, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi 27 à la commission de
l'aménagement et des équipements.
Le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
M. Lefebvre: Je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 6
au feuilleton. (15 h 20)
Projet de loi 19 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article 6 du feuilleton, M.
le ministre de l'Environnement propose l'adoption du principe du projet de loi
19, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Je
cède la parole à M. le ministre de l'Environnement.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, ce projet de loi 19 a pour
but d'amender la Loi sur la qualité de l'environnement, laquelle, comme
je le disais tout à l'heure lors du débat du projet de loi sur
les pesticides, est la pièce législative maîtresse du
ministère de l'Environnement. Elle régit toutes les actions et
tous les objectifs du ministère dans son plus grand ensemble.
L'intention de ce projet de loi est en cinq différents
éléments: d'abord, assurer une meilleure intégration entre
la Loi sur la qualité de l'environnement et la refonte de la Loi sur les
mines en changeant la définition de ce que sont les résidus
miniers. Le deuxième amendement de ce projet de loi est d'établir
la responsabilité du ministre de l'Environnement en ce qui a trait
à la protection des rives, du littoral et des
plaines inondables au Québec. Le troisième
élément, c'est de rendre la Loi sur la qualité de
l'environnement conforme à certaines nouvelles règles de
contrôle des emprunts par les municipalités du Québec par
rapport au droit municipal. Le quatrième amendement a trait à la
tarification pour ce qui est des sites de déchets domestiques au
Québec. C'est peut-être l'amendement le plus étendu et le
plus conséquent de par sa longueur et son étendue dans ce projet
de loi, quoiqu'il soit surtout de nature technique. Cinquièmement, le
dernier amendement a pour effet d'uniformiser, dans toutes les lois du
Québec dont celle-ci, le système de rémunération
des membres des organisations gouvernementales et paragouvernementales. Ici, on
l'applique aux comités qui régissent l'application des lois sur
l'environnement dans le Grand-Nord québécois.
Maintenant, je vais vous donner un aperçu des grandes lignes du
projet de loi en vous disant ceci: quatre des grands éléments du
projet de loi sont des amendements techniques. Le cinquième, celui qui
donne la responsabilité au ministre de l'Environnement quant à la
politique du Québec en matière de protection des rives, du
littoral et des plaines inondables, est un amendement qui a des portées
beaucoup plus sociales, beaucoup plus importantes en ce sens qu'il tend
à la prévention des dommages à l'environnement et à
la conservation de l'environnement. Je vais m'attarder un peu plus sur cela que
sur les considérations techniques des amendements à la Loi sur la
qualité de l'environnement.
Pour ce qui est des amendements techniques, les quatre
éléments dont je vous parlais, je voudrais passer
brièvement à l'amendement premier, celui d'ajouter une nouvelle
définition à l'expression "résidus miniers". Cette
définition est rendue nécessaire afin de tenir compte d'un besoin
qui s'est manifesté au sein du ministère de l'Environnement. En
effet, en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, le
ministère n'a aucune juridiction sur la gestion des résidus
miniers même s'il s'agit en fait de déchets. Ce secteur
relève actuellement du ministère de l'Énergie et des
Ressources. Or, l'absence de définition d'une telle expression
entraîne certains conflits juridictionnels entre les deux
ministères. Il a donc été convenu, de part et d'autre, de
proposer une définition commune qui sera intégrée,
à la fois dans la Loi sur la qualité de l'environnement par la
loi 19, et aussi dans la Loi sur les mines qui a déjà
été présentée à l'Assemblée
nationale...
Pour ce qui est du pouvoir d'emprunt de certaines municipalités,
l'actuelle loi, à l'article 40, prévoit que les
municipalités qui sont obligées de contracter des emprunts pour
rembourser certaines dépenses qu'elles doivent faire en matière
d'alimentation en eau potable ou de gestion des eaux usées, à la
suite d'une ordonnance du ministre ou du sous-ministre de l'Environnement,
peuvent faire approuver ces règlements par le ministre des Affaires
municipales seulement.
Or, depuis 1984, les municipalités peuvent se voir
obligées par ordonnance d'acquérir de gré à
gré ou par expropriation un système d'aqueduc et d'égout
lorsque le ministre le juge nécessaire pour la protection de la
santé publique. Dans ces cas, le règlement d'emprunt
nécessaire à la réalisation de ces transactions requiert
les autorisations des citoyens entre autres. L'idée de cet amendement
apporté par le projet de loi 19 a pour effet d'étendre dans les
cas que j'ai cités le droit des municipalités de contracter des
emprunts par règlements approuvés uniquement par le ministre des
Affaires municipales.
Pour ce qui est des taux exigibles par les exploitants des lieux
d'élimination des déchets, la Loi actuelle sur la qualité
de l'environnement, à l'article 64, prévoit certaines
modalités, certaines méthodes devenues complètement
désuètes. En vertu de la loi, le gouvernement a le pouvoir de
fixer le nombre maximum de lieux d'élimination des déchets, et il
a aussi le pouvoir de déterminer la manière dont doivent
être exploités ou entretenus ces lieux.
Certains pourraient prétendre que le fait de confier au
même ministère, le ministère de l'Environnement, le pouvoir
de surveiller l'application des normes d'exploitation et de gestion, et celui
de fixer les taux exigibles, entache l'impartialité qui doit
présider à toute la fixation des taux. En un sens, le
ministère est juge et partie, il est jury et juge, il est tout à
la fois. C'est pourquoi nous avons suggéré par la loi de confier
le mandat de contrôler les taux fixés par les exploitants à
un organisme indépendant, soit la Commission municipale du
Québec, qui est l'entité la plus appropriée pour discuter
de ces questions.
Nous proposons également certaines modifications à la
procédure actuelle, qui auront pour conséquence
d'accélérer le processus de fixation des tarifs. La situation
actuelle est la suivante. Lorsqu'un règlement fixe le nombre maximum des
lieux d'élimination des déchets, lorsque ce règlement a
été adopté par le gouvernement pour une partie du
territoire du Québec, une municipalité ou une personne peut
demander au sous-ministre de l'Environnement de fixer les taux que peut exiger
l'exploitant d'un tel lieu d'élimination des déchets,
situé dans son territoire.
Lorsque le sous-ministre est saisi d'une telle demande, il peut
établir des taux fixes ou des taux minima ou des taux maxima, ou il
peut, pour des motifs d'intérêt public, refuser d'établir
des taux. Lorsque le sous-
ministre fixe les taux, l'exploitant ne peut percevoir d'autres taux que
ceux fixés par le sous-ministre. Avant de fixer les taux, le
sous-ministre doit aviser et entendre l'exploitant du lieu d'élimination
des déchets, les municipalités susceptibles d'être
affectées par sa décision ainsi que les personnes qui
transportent les déchets au lieu d'élimination. Tout changement
de coût qui fait suite à la fixation de ces taux par le
sous-ministre est à la charge ou au crédit, ou bien de la
municipalité ou de la personne qui produit les déchets.
Cette procédure a comme conséquence qu'une fois le
processus de la tarification par le sous-ministre enclenché, il n'y a
pas moyen d'en sortir, puisque l'exploitant ne peut exiger d'autres taux que
ceux fixés par le sous-ministre, et s'il veut modifier ses taux, il doit
revenir chaque fois devant le sous-ministre. C'est un mécanisme
très lourd qui entraîne des délais qui peuvent être
très longs et que personne n'accepte comme un mécanisme valable,
que ce soient les municipalités ou que ce soient les exploitants
eux-mêmes. C'est pourquoi, nous avons proposé un modèle qui
vise essentiellement à accélérer le mécanisme de
fixation des tarifs que peuvent exiger les exploitants des lieux
d'élimination des déchets.
Cette nouvelle procédure est la suivante. L'exploitant d'un lieu
d'élimination des déchets, qui veut fixer ou modifier les tarifs
qu'il veut exiger à l'entrée de son site, doit faire publier un
avis dans un journal quotidien circulant dans le territoire qu'il dessert. Cet
avis devra indiquer les tarifs exigés et mentionner la
possibilité pour toute personne ou pour toute municipalité de
présenter, dans les 40 jours qui suivent, une requête demandant
à la Commission municipale du Québec de modifier les tarifs. (15
h 30)
Les tarifs exigés par l'exploitant et publiés de
façon conforme entreront en vigueur le 45ième jour qui suit la
date de publication de l'avis. Toutefois, la Commission municipale pourra,
lorsqu'une requête de modification lui aura été
présentée, fixer temporairement d'autres tarifs qui remplaceront
ceux exigés par l'exploitant et qui entreront en vigueur 24 heures
après que la décision qui les a fixés aura
été signifiée à l'exploitant. Ces taux temporaires
resteront en vigueur jusqu'à la décision finale. La Commission
municipale devra rendre sa décision finale dans les 120 jours suivant la
publication de l'avis de l'exploitant. Cette décision finale pourra, par
une permission accordée par un juge de la Cour d'appel, être
portée en appel devant cette cour et sera exécutoire
malgré cet appel. Les tarifs fixés par la décision finale
de la commission remplaceront ceux exigés par l'exploitant ou
fixés temporairement par la Commission municipale et entreront en
vigueur 24 heures après que la décision qui les a fixés
aura été signifiée à l'exploitant.
L'exploitant ne pourra modifier ses tarifs avant l'expiration du
douzième mois suivant la publication de son avis. Mais après le
douzième mois, soit après un an, libre à lui de
recommencer toute la procédure en publiant de nouveaux tarifs pour la
période de 25 jours et suivant le même processus que je viens de
décrire. Tout changement de coût faisant suite à une
modification de tarif fixé par l'exploitant ou par la Commission
municipale est à la charge ou au crédit de la municipalité
qui, en vertu d'un règlement, pourvoit au ramassage ou à
l'enlèvement des déchets ou, à défaut d'un tel
règlement, ou lorsque ce règlement ne pourvoit pas au ramassage
ou à l'enlèvement de certains déchets, de la personne qui
produit ces déchets.
Cette nouvelle procédure aura pour conséquence
d'accélérer de façon très appréciable le
processus de fixation des tarifs. Nous avons consulté le monde
municipal, nous avons consulté les exploitants. Cet amendement est le
fruit d'une longue consultation par les intervenants eux-mêmes qui
s'accordent à dire que c'est un système beaucoup plus
équitable, beaucoup plus logique et efficace pour toutes les
parties.
Pour ce qui est de l'article qui veut consacrer, par voie
législative, la politique élaborée par le gouvernement en
matière de rémunération des membres non permanents
d'organismes gouvernementaux, nous avons dans la Loi sur la qualité de
l'environnement - à travers la loi 19 - proposé de modifier les
articles afférents afin de prévoir que les membres qui sont
cités ici, c'est-à-dire les membres du Comité consultatif
pour l'environnement de la Baie James, les membres du Comité consultatif
pour l'environnement de Kativik et ceux de la Commission de la qualité
de l'environnement Kativik ne seront pas rémunérés sauf
dans certains cas, aux conditions et dans la mesure fixées par le
gouvernement. Donc, lorsque la politique du gouvernement évoluera et
changera, on n'aura pas besoin d'apporter d'amendement à la loi et cette
dernière prévoira que ces rémunérations suivront la
politique adoptée par le gouvernement.
Je voudrais, M. le Président, prendre le reste de mon
intervention pour parler de la clause de la loi, l'article de la loi qui donne
pour la première fois au ministre de l'Environnement du Québec la
responsabilité de la politique de la protection des rives, du littoral
et des plaines inondables au Québec. Pour moi, c'est de beaucoup la
partie la plus importante de cette loi. Les autres amendements, comme je les ai
décrits, sont des amendements de nature technique.
La responsabilité du ministre en ce qui concerne la protection
des rives, du littoral
et des plaines inondables est vraiment axée sur la grande
politique du ministère de l'Environnement de favoriser dorénavant
la conservation de l'environnement, la préservation de l'environnement
et la prévention des dommages futurs à l'environnement.
Jusqu'ici, nous avons travaillé surtout et presque exclusivement
à la restauration, à la réparation, à la fixation,
si vous voulez - "fixer" dans le sens de "réparer", dans le sens
très commun de "réparer" - de tous les dommages qui ont
été causés à notre environnement. Il faudra
bientôt, tout de suite, changer de cap. Il faudra mettre l'accent de plus
en plus sur la conservation, sur la préservation et sur un changement
d'attitude et d'idée, ce qui voudra dire que plus jamais il ne faudra
souiller l'environnement, plus jamais il ne faudra adopter des pratiques qui
nous nuisent au premier abord pour ensuite les corriger à des
coûts effarants.
En fait, cela ne corrige pas les dommages initiaux que nous avons
causés à la nature et à l'environnement. Vous-même,
M. le Président, m'avez cité un cas typique l'autre jour, un cas
qui touche votre comté et beaucoup d'autres comtés au
Québec. C'est axé sur la même politique que nous essayons
de responsabiliser ici, la politique de la protection des rives. Dans le cas du
bassin de Laprairie, pour des fins économiques, nous avons
créé la voie maritime. Le gouvernement fédéral, en
créant la voie maritime, a altéré presque à jamais
la direction des berges et le sens naturel géographique de ces berges.
Il les a altérées sans jamais penser aux conséquences
futures. Dans un endroit tellement magnifique au Québec, un endroit qui
est tellement crucial pour les habitants tant de la rive sud que de
Montréal, il a altéré cette rive à jamais pour en
faire une eau stagnante dans laquelle, aujourd'hui, comme vous me l'avez
vous-même décrit et comme vous le savez encore mieux que moi, se
forment des sédiments contaminés qui, de plus en plus, nuisent
à toute la jouissance de cette eau par tous les citoyens, tant de la
rive sud que de Montréal. Tout cela vient du fait que, lorsqu'on a
altéré ces rives, quand on a fait des travaux majeurs sans penser
aux impacts futurs qui pourraient être causés à
l'environnement, on a détraqué la jouissance future de plusieurs
générations de Québécois de l'héritage
naturel qui leur appartient à jamais. C'est ce genre d'agression contre
l'héritage naturel de tous nos concitoyens qu'on veut consacrer par cet
article tellement court de la loi mais qui veut dire tellement de choses.
Ce que nous voulons dire, c'est qu'à l'avenir, au Québec,
on va protéger ces rives. On dit à tous les intervenants, que ce
soit les individus, les municipalités, les municipalités
régionales de comté, les agriculteurs, les forestiers, qu'il
faudra dorénavant que nos rives soient protégées contre
l'érosion du sol, contre une construction sauvage au bord de l'eau,
contre une dénaturation de nos rives, en essayant de plus en plus
d'établir une bande de protection qui, dans le domaine urbain et de
villégiature, ira de dix à quinze mètres à partir
des grandes eaux, qui, dans le domaine agricole, pour commencer, sera une bande
de protection de trois mètres. Trois mètres, ce n'est pas
beaucoup, mais c'est trois mètres de plus que ce qu'on avait au
Québec. Cette mesure dans le domaine agricole exploité a l'appui
total de mon collègue de l'Agriculture. Elle a aussi l'appui graduel des
agriculteurs eux-mêmes qui ne sont pas satisfaits de cette mesure qui
cause des empêchements à leur travail habituel. Nous allons
l'instaurer graduellement avec l'appui des programmes du ministère de
l'Agriculture.
Dans le domaine des forêts, elle a l'appui intégral de mon
collègue des Forêts. Dans le domaine des forêts, nous aurons
des bandes de protection qui iront jusqu'à 30 et 40 mètres afin
que, pour l'avenir, nos rives, le littoral du Québec et nos plaines
inondables soient protégés. On ne pourra plus accepter à
l'avenir que les gens aillent bâtir dans les plaines inondables, aillent
bâtir au bord des rives, aillent dénaturer nos rives, aillent
porter atteinte tant aux cours d'eau eux-mêmes qu'à la faune et
à la flore naturelle du Québec au bord de nos rives.
C'est pourquoi, en même temps que cet amendement à la loi
19 sur la qualité de l'environnement qui intègre cette
responsabilité pour la protection des rives pour la première fois
dans la Loi sur la qualité de l'environnement, il y aura une mesure de
concordance dans la loi 125 sur l'aménagement des territoires qui
donnera des pouvoirs importants de suivi de cette politique gouvernementale
pour la protection des rives, du littoral et des cours d'eau, au ministre de
l'Environnement qui aura un droit de regard sur la réglementation
municipale. Nous ferons en sorte que cette politique à travers la loi
125 soit insérée dans les schémas d'aménagement des
MRC et que, dans la réglementation municipale qui s'ensuivra, le
ministre de l'Environnement ait un droit de regard et un droit de remplacement
du règlement municipal s'il ne va pas dans le sens de la politique
gouvernementale. (15 h 40)
C'est pour nous certainement l'élément majeur de la loi
19. Cette reconnaissance pour la première fois par le gouvernement du
Québec que le ministre de l'Environnement est le grand responsable de la
politique de la protection des rives, du littoral et des plaines inondables est
pour moi un des grands pas en avant que nous faisons dans le domaine de la
protection de notre environne-
ment, dans le domaine de la conservation de nos ressources naturelles,
dans le domaine de la prévention des dommages futurs à notre
environnement.
J'espère donc que, pour ces raisons, nous aurons l'appui des deux
côtés de la Chambre afin que cette décision soit
reçue de façon unanime par la Chambre. Je demande l'appui de tous
les collègues tant pour les mesures techniques que
j'énonçais que surtout pour celles de la politique de la
protection des rives, du littoral et des plaines inondables au Québec.
Merci.
Le Vice-Président: Merci, M. le ministre.
Je cède maintenant la parole à M. le député
de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Avant de tomber
dans le projet du 19 lui-même, qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur la
qualité de l'environnement, j'aimerais dire qu'encore ici, comme de
façon générale dans toutes les lois environnementales
depuis l'avènement du Parti libéral au pouvoir, il y a toujours
deux choses que l'on peut percevoir. D'abord, la bête noire du
ministère de l'Environnement, c'est qu'encore une fois, dans ce projet
de loi, il n'y aura aucune consultation populaire. Il n'y aura pas de
consultation populaire d'abord. C'est l'aigle noir du ministre, le fait qu'il
travaille la plupart du temps sans aucune concertation, sans consultation.
C'est pour cela que des confrontations surgissent lorsque les lois commencent
à être appliquées.
La deuxième chose, c'est que si on regarde le projet de loi en
soi, ah! qu'il est joli! Il est tout beau. Mais, encore là, à
l'image du ministère, c'est comme la mer. Le ministre a le verbe et la
parole à marée haute, les réalisations à
marée basse. On a beaucoup de lois. Même là, on fait une
loi modifiant, mais déjà, dans la loi actuelle, tous les pouvoirs
sont là. C'est presque redondant avec ce qui existe déjà
et les pouvoirs qui, par la Loi sur la qualité de l'environnement, sont
déjà accordés au ministre.
Pour connaître l'esprit et l'essence de ce projet de loi, rien de
plus facile que d'en lire ensemble ce qu'on appelle au début... Je dis
cela pour les gens qui nous regardent. À chacun de nos projets de loi il
y a au tout début, à l'endos de la page frontispice, des notes
explicatives nous disant de quoi retourne ou de quoi objectivement doit
retourner le projet de loi. Alors, j'y vais. "Ce projet de loi a pour objet
d'apporter à la Loi sur la qualité de l'environnement certaines
modifications visant à faire de cette loi un support mieux adapté
aux besoins administratifs du ministère..."
Je sais que cette note explicative doit avoir été
écrite par une autre personne que le ministre lui-même. Mais cela
me met un peu en rogne de voir qu'on fait une loi facilitant l'administration.
Cela dénote, dans l'environnement, un esprit administratif plutôt
qu'un esprit et un vouloir d'amélioration de la qualité de vie
des administrés. Je suis persuadé que ce paragraphe a
échappé à l'analyse du ministre de l'Environnement, sinon
il aurait au moins changé cette phraséologie.
On fait une loi pour faciliter les besoins administratifs du
ministère. C'est bien sûr que les lois que nous faisons doivent
d'abord améliorer la qualité de vie des Québécoises
et des Québécois. La réglementation et la façon
dont on l'applique relèvent d'un volet administratif qu'on peut
alléger ou alourdir selon les enquêtes et la façon dont on
dirige un ministère. Je tenais à dire que ça dénote
un manque flagrant, dans son énoncé, d'un esprit qui devrait
être tourné vers l'amélioration du mieux être,
l'amélioration de notre qualité de vie plutôt que vers des
facilités administratives.
On ajoute: "Ces besoins nouveaux se manifestent, par exemple, au niveau
de l'autorisation des emprunts des municipalités, de l'acquisition des
réseaux d'égouts, de mécanismes de fixation des prix
exigibles par les exploitants des lieux d'élimination des
déchets, du droit de suspendre ou de transférer les certificats
d'autorisation en vertu de la loi". Bon. Il y a, en fait, pour être clair
et ne pas tomber dans le verbalisme législatif dont nous sommes
obligés d'affubler nos lois mais pour que nous nous comprenions entre
nous, il y a, dis-je, trois, quatre points dans ce projet de loi qui
méritent d'être soulignés. Première chose: Les
municipalités regarderont l'administration du transport des
déchets domestiques. Ils regarderont le prix et détermineront des
baux à certains endroits pour faciliter la qestion des déchets
domestiques. Il y a aussi un élément très important qui
est un ajout à la loi sur l'environnement, les déchets miniers
sont dorénavant assujettis à la loi de façon explicite. Il
faudrait bien que l'on se dise que, de façon générale, le
ministre a le pouvoir actuel, sans cette loi, de légiférer, de
réglementer, de faire tout ce qui lui semble bon dans ce domaine parce
que la loi sur l'environnement lui donne le pouvoir de le faire. Je vais citer
un petit bout: "Le ministre - selon la loi actuelle - peut élaborer des
plans et des programmes de conservation, de protection et de qestion de
l'environnement". On ne peut pas trouver plus grand, plus vaste et un pouvoir
plus étendu. On vient ici, de façon précise, faire
rajouter, dans une loi, un élément - les déchets miniers -
qui n'est pas inclus de façon spécifique, mais, de façon
implicite à la loi déjà existante. Le ministre a tous les
pouvoirs de légiférer dans ce domaine.
Vous me direz, de façon réelle, nous sommes au pouvoir ou
nous avons pris le pouvoir depuis un an et demi. Vous allez me répondre
cela. Le Parti québécois a été au pouvoir pendant
neuf ans et n'avait encore rien fait. J'entends cela tous les jours. Le Parti
libéral, avant, avait été au pouvoir pendant six ans et,
nous autres, on a dit, pendant un certain laps de temps, que, durant cette
période, il n'avait rien fait. Mais dans les déchets miniers,
j'admets qu'il n'y a pas grand-chose qui a été fait depuis 15
ans, minimum, depuis 25 ans, depuis 30 ans au Québec, pas
grand-chose.
Je viens de Rouyn, je suis un type qui ai grandi en
Abitibi-Témiscamingue, ici on appelle ça l'Abitibi. Je suis un
type de Rouyn. Pour parler des effets néfastes des déchets
miniers, je les ai assez subis et j'ai assez vu le tort que l'on fait aux
êtres humains, à la nature et aux animaux qui paissent et vivent
sur cette terre ou essaient d'y vivre, pour vous dire que j'espère que
ce projet de loi, qui spécifie des cheminées... que vous saurez,
avec cette loi, avoir les inspecteurs et une réglementation très
observée à cause du tort dans la qualité de vie que les
mines ont fait. Vous savez, vous arrivez à Rouyn - et tout le Nord de
l'Ontario est pareil et tout le Nord-Ouest du Québec - nous arrivons
à Rouyn, il y a des "grand-mers", mais dans le sens de mères, je
ne veux pas dire mon aïeule, je veux dire qu'il y a des "grand-mers" de
boue. (15 h 50)
Encore là, ça porte à ambiguïté, des
"grand-mers" de boue. On pourrait dire que nos grand-mères se
tiennent.
Nos grand-mères se sont toujours tenues. Ce n'est pas ce que je
veux dire. Je veux dire qu'il y a des étangs, des mares, des grandes
mares de déchets de mines qui ont très mauvaise mine. Tout est
détruit. Et en plus, la plupart du temps, les déchets de la
plupart des mines sont une insulte à la narine, la plupart sans
être très nauséabonds, le nez humain est très
réfractaire à cette odeur. En plus de détruire tout sur
son passage boueux, marécageux et ombrageux, ils rendent l'air
irrespirable et donnent à l'oeil un aspect cadavérique et nous
font penser à une nature en train de mourir.
Les montagnes autour de Rouyn sont complètement
dénudées. Aucune végétation. Ce sont des flancs de
roc qui ne plaisent pas du, tout à l'oeil humain, surtout la
fumée de la mine et les pluies acides qui s'en dégagent. Tous les
animaux autour ont fui plus loin. Alors, c'est un spectacle que l'oeil humain
ne peut pas souffrir, que l'odorat ne peut pas sentir et que les animaux, en
général, ne peuvent non plus supporter.
Lorsque j'étais bambin, il y a de cela plusieurs années,
dans le lac à Rouyn... Entre Rouyn et Noranda, il y a un beau lac, le
lac Osisko dans lequel nous nous baignions en 1933, 1932, 1935 et 1931
même. Mais, à la fin des années trente, pour s'y baigner,
nous devions recevoir des piqûres des médecins. Pourquoi? Parce
que les égouts miniers venaient contaminer ces eaux. Il traînait,
ici et là encore dans ce lac, quelques poissons que je devrais qualifier
d'impropres à la consommation mais qui résistaient encore aux
déchets miniers. Eh bien, après la fin de la guerre - on dirait
que la querre que la mine a fait contre la nature et la Seconde Guerre mondiale
se sont terminées à peu près au même moment - tout
était détruit autour des Mines Noranda; les gens n'avaient plus
aucun moyen de se baigner dans les eaux, d'aller taquiner le poisson ou encore
d'aller sur les gazons qui, eux aussi, à cause de la pollution, sont
difficilement "entretenables".
Alors, quant aux déchets miniers, je tiens à coeur, je
suis heureux de voir ces trois ou quatre nouveaux mots dans le projet de loi.
Implicitement, le ministre avait déjà le pouvoir, mais en
s'obligeant lui-même à ce point spécifique, c'est sûr
que la nature sera plus protégée et c'est un bien pour l'ensemble
des gens du nord et les gens aussi qui sont autour de d'autres villes -
Thetford-Mines ou d'autres villes de ce coin-là - où les mines
font un tort énorme à l'environnement. Dans le Grand-Nord et dans
l'extrême Nord du Québec, c'est la même chose.
Sur ce point, c'est bien sûr, M. le ministre, que je suis
très heureux que les mots "déchets miniers" entrent dans la Loi
sur la qualité de l'environnement et c'est là que je vous
supplierais de trouver la force nécessaire pour avoir un budget
convenable à une surveillance explicite au moins de cette partie des
pollueurs de notre environnement, des destructeurs de la nature. Il est rendu
que ces grands agents économiques ont donné, dans mon coin,
autant à mes parents ou à plusieurs personnes de qui je
dépendais lorsque j'étais tout jeune, un moyen de subsistance.
Ils ont fait que la ville de Rouyn-Noranda est une belle et noble ville,
aujourd'hui. Bien sûrl J'adore cette ville; ma mère y vit encore
et j'y retourne de temps en temps. Les gens sont d'une grande amabilité
et ils ont un courage à toute épreuve. Ils ont enduré de
vivre dans ce milieu pollué parce que pour eux, la mine était une
façon de gagner leur vie. On est vraiment en retard, comme
législateurs, sur la protection des gens dont la mine dépend.
Là, on arrive enfin avec une loi et je dis qu'il n'y a pas de lois
convenables qui ont été adoptées avant, malgré
qu'il y ait des choses qui aient été faites depuis quinze ans, je
le sais; il y a une dépollution, il y a une entente qui a
été signée pour l'air avec Mines Noranda il n'y a pas
tellement longtemps, la conclusion d'un décret qu'on avait
commencé à discuter à peu près un an avant de
perdre le pouvoir, ou si la mine
elle-même a dépensé plusieurs millions pour essayer
de dépolluer les boues, etc. N'empêche que le gros du tort est
fait.
Dans cette loi, cependant, il y a une chose que je déplore et
pour me bien faire comprendre, je dirais que je déplore de façon
singulière et mes revendications seront au pluriel. Dans cette loi, de
façon générale, autant pour la protection des rives que
pour les déchets miniers, on voit qu'il y aura une protection à
l'avenir contre les dommages à faire mais il reste à voir s'il y
a encore de la place pour du dommage ou si le dommage n'est pas
complètement fait actuellement. Du côté des mines, le gros
de nos responsabilités en tant que législateurs, ce serait de
faire réparation le plus possible des dégâts
déjà causés. Je pense que c'est primordial. Le principe du
pollueur payeur est respecté, selon ce que le ministre nous dit, pour
les lois en devenir. Je suis d'accord avec ce principe du pollueur payeur sur
les dommages à venir. Cependant, vu que c'est le législateur et
toutes les Législatures qui ont passé avant - cela est à
travers le monde, on ne fait pas exception - qui ont permis la destruction de
façon aussi inhumaine et aussi antinaturelle de nos richesses, de notre
qualité de vie, vu que nous avons manqué de décence
législative, j'ai bien l'impression que pour la réparation du
passé, il devrait y avoir au moins des programmes d'aide aux
responsables de la pollution déjà faite dans beaucoup de cas.
Dans le cas des mines, les dommages sont tellement effarants que la
réparation des dommages déjà faits pour reconstituer la
nature comme elle était au début des années vingt, dans le
coin de l'Abitibi, pour ne parler que de celui-là, que d'imposer cela
à des compagnies qui, aujourd'hui exploitent des commerces,
relèverait de l'utopie. J'ai l'impression, cependant, vu que les prix
sont faramineux et inabordables pour les exploitants, qu'il devrait y avoir
connivence entre les législateurs et les agents polleurs d'aujourd'hui
pour qu'ils paient pour l'avenir, qu'ils réparent aujourd'hui leur
système afin de ne plus polluer, et pour le passé, qu'il y ait
des ententes entre les différents gouvernants pour redonner au monde la
nature à laquelle il a droit.
C'est la même chose pour les rives. La plupart de nos rives sont
déjà complètement contaminées de différentes
façons: contaminées par une construction à bord de flots
par des routes qu'on a faites nous-mêmes les législateurs; on a
permis que les routes longent nos littoraux. Quelles conneries on a faites
depuis un siècle à travers le Québec! Nous avons
pratiquement détruit, partout nous-mêmes les législateurs,
beaucoup de nos littoraux et de nos rives en y construisant des routes
permanentes, à des prix effarants. Dans ce temps-là, on ne
pensait pas beaucoup plus loin que notre nez.
Je ne blâme pas la technique de l'époque, parce que la
technique de l'environnement c'est une technique nouvelle, c'est une
appréciation de notre nature que les dommages nous ont portés
à apprécier plus aujourd'hui qu'il y a une trentaine
d'années ou une cinquantaine d'années. Cependant, le
rétablissement de la nature, redonner à la nature ses droits et
redonner aux habitants de cette terre, aux animaux qui y vivent et aux plantes
qui y respirent l'endroit qu'ils avaient il y a un quart de siècle ou un
demi-siècle, je crois que c'est à nous, législateurs
d'aujourd'hui, de faire réparation de ces choses. (16 heures)
Quand je vois une loi comme celle-ci, je suis très heureux. Je
suis très heureux de voir qu'on aura à l'avenir une protection
juridique pour nos rives et qu'il y aura une zone tampon de protection
appartenant à la collectivité où la collectivité
pourra en avoir l'usufruit, mais le tort que nous avons fait nous-mêmes
à cette nature dans le passé, il faudrait certainement, pour
être moderne, pour être environnementaliste 1987, un volet
réparateur au scandale qu'on a fait de notre territoire en n'ayant pas,
à l'époque, ni la science, peut-être, ni les connaissances
pour faire nos travaux et laisser le développement se faire de
façon harmonieuse avec la nature.
M. le Président, félicitations au ministre pour la base de
la loi, mais regrets que ce volet réparateur ne soit pas là ou
qu'il n'y ait pas un embryon de début de réparation des torts que
l'ensemble de la population de ces territoires, y compris nous, les
législateurs, avons laissé faire à ce territoire qui est
notre source de vie de tout ce qui est humain sur cette terre, et aussi vie
animale et vie végétale.
Bien sûr, on pourra répondre, et ceux qui le
répondront auront le droit de le dire: Nous avons déjà
là un début de respect de la nature. J'en conviens. Ce volet
réparateur, j'insiste beaucoup, un environnementaliste 1987 se doit, en
plus de regarder vers l'avenir en corrigeant les choses présentes,
d'avoir, au moins administrativement, l'oeil dans le passé, à
cause du tort qu'on a fait subir à cette nature qui, encore une fois,
est notre source d'espoir et de vie.
L'eau que nous buvons est le symbole du respect de la nature. Il y a ce
côté-là. Maintenant, en plus des rives et des
déchets miniers, il y a dans cela certaines politiques de gérance
de déchets et il y a aussi, malgré tout... C'est le
côté négatif que je me dois de souligner, par obligation,
à cause du poste que j'occupe. Du côté de l'Opposition, M.
le ministre, nous sommes- obligés de faire des remarques que nous
croyons constructives. Dans des projets de loi de cette ampleur et de cette
valeur, de façon intrinsèque, je me dois quand même
d'en
marquer, de façon décente et rationnelle, les moindres
défauts que je peux y voir paraître.
Eh bien là, ce que je vois dans la politique des rives qui est
mentionnée à l'article 2: "Le ministre a la responsabilité
d'élaborer et de proposer au gouvernement une politique de protection
des rives, du littoral et des plaines inondables, de la mettre en oeuvre et
d'en coordonner l'exécution." Encore là, le 9 avril, une
politique des rives a été élaborée. Encore
là, il y a des failles énormes, et il est encore temps pour le
législateur, avant que tout soit sanctionné et que les
règlements soient en application, de regarder une façon encore
plus positive d'agir et de faire. Il semblerait que le ministre de
l'Environnement ne soit pas assez jaloux de ses responsabilités et
laisse un peu s'effriter cette responsabilité ennoblissante et grandiose
du rôle qu'il tient.
Ce que j'aimerais être ministre de l'Environnement en 1987, M. le
député de Nelligan! À cause du défi compris par la
population qui dit, à 74 %, que c'est l'article no un aujourd'hui. Ce
que c'est emballant d'être ministre de l'Environnement dans un contexte
comme celui-là où 74 % des gens disent que c'est le dossier no
un. Pour ce faire, je crois que vous n'êtes pas assez jaloux de vos
prérogatives et de la qualité que votre élection au titre
de ministre vous confère. J'ai l'impression que vous laissez s'effriter
au sein du cabinet une responsabilité dont vous devriez être
jaloux à un point tel que vous devriez même en faire une crise si
on voulait toucher à ce bien que vous devez protéger, la nature,
pour l'ensemble de la collectivité.
On voit, dans la politique des berges, que les différents
ministères grabugent, déchiquètent, arrachent votre
responsabilité. Il y a assez d'autres ministres pour défendre les
côtés économiques, les côtés de loisirs, les
côtés agricoles et tous les côtés productifs qu'un
gouvernement doit avoir dans ses liens et à travers ses
autorités, mais le côté environnemental, c'était
presque le mouton qui bêle devant chacun des autres pour qu'ils le
suivent vers la qualité de la vie. Vous êtes notre saint
Jean-Baptiste de la nature. C'est ce que vous êtes. Vous êtes le
symbole de notre fierté nationale du côté de la
qualité de la vie et du côté environnemental. Il faudrait
que vous soyez jaloux qu'on ne touche pas à un poil de votre
autorité et on dirait: que les gens, autour de vous, passent à la
tonte. Vous vous faites spolier par vos confrères, autant par celui de
l'Agriculture que par celui de l'Énergie, celui du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche, celui des Affaires municipales, et que sais-je
encore.
Ne laissez pas gruger votre autorité par autant de ministres.
Soyez jaloux de ce que le premier ministre vous a donné comme
responsabilités. Vous êtes le numéro un du gouvernement,
selon l'ensemble du peuple québécois qui nous écoute,
à 74 % j'aimerais bien gagner une élection avec ça, moi,
74 %. Le titre qu'on vous a donné, c'est celui qui défend 74 % du
dossier numéro un du peuple québécois. Les
Québécois et les Québécoises d'âge mur et
surtout les jeunes qui viennent vous regardent et vous disent: Gardez donc
jalousement dans votre ministère l'autorité pleine et
entière et toutes les responsabilités que votre titre vous
confère. La qualité de la vie vous l'ordonne et l'avenir du
peuple québécois est entre vos mains, du côté
qualité. Eh! que j'aimerais être ministre de l'Environnement en
1987 à cause de toutes ces belles choses qui se passent aujourd'hui et
à cause de ce qu'on doit à cette nature qui fait que nous vivons
aujourd'hui.
M. le ministre, j'espère que vous avez trouvé mon
intervention constructive. Je l'espère, parce que c'est avec mon coeur,
mon âme et mes vibrations internes que je vous dis cela. Sachez que je
serai toujours, dans l'Opposition, celui qui, jalousement, défendra
votre autorité, même contre vos confrères. Je veux que vous
vous aidiez un peu en étant un peu plus revendicateur devant le Conseil
du trésor pour qu'enfin, vous ayez des budgets, pour que les inspecteurs
sur le terrain fassent respecter les règlements qui ne sont pas
respectés actuellement, parce que vous n'avez pas les inspecteurs et
l'argent voulu pour en avoir. La nature a assez souffert, le peuple
québécois a assez souffert, jusqu'à aujourd'hui, d'un
manque de responsabilité général - c'est à travers
le monde, nous ne sommes pas les seuls. Il est temps que la nature prenne sa
revanche et, pour ce faire, on a besoin d'un ministre solide,
décidé, prêt, même frondeur s'il le faut pour que
cette nature soit protégée. Les jours se suivent et ne se
ressemblent pas.
Je tiens à dire - je pense que cela paraît et ceux qui
écoutent ce débat sentent que je voudrais que, sur le territoire
québécois, revienne le grand équilibre. C'est pour cela
que mon argumentation... Mon coeur vibre et ça se sent, j'en suis
sûr. Comptez sur moi pour défendre votre autorité, mais de
grâce, soyez un peu plus énergique, frappez un peu plus souvent
sur la table, donnez plus de signes tangibles que vous ne voulez pas Que votre
autorité s'émiette et s'étiole, s'effrite, comme la nature
bien des fois en a été victime, à cause d'une
négligence des législateurs et de l'ignorance de l'ensemble d'une
population et ce, à travers le monde. Je ne voudrais pas, par ces
phrases que j'ai dites, que les Québécois et les
Québécoises se pensent moins forts, plus arriérés
que les autres peuples du monde. Après le lac Meech, je n'ose presque
plus dire "peuple";
apparemment, nous ne sommes qu'une société. Je voudrais
bien que le peuple québécois m'excuse, mais moi je suis encore un
représentant du peuple québécois et je voudrais que les
Québécois et les Québécoises, qui nous
écoutent, pensent que nous ne sommes pas moins bons que les autres. Au
contraire, depuis quelques années, c'est pour cela que 74 % des
Québécois et des Québécoises disent que c'est leur
dossier numéro un. (16 h 10)
L'éveil est ici, il faudrait qu'au ministère,
l'éveil se fasse. Brassez la couchette du Conseil du trésor pour
qu'il vous donne de l'argent. Le grelot du peuple sonne. Il faudrait que le
carillon de votre responsabilité vibre aux demandes du Québec et,
dans cette loi, je vous aiderai à ce que pleine responsabilité
vous soit accordée. Je demanderai des amendements pour que, dans le
règlement, vous ayez autorité la plus entière. Il y a
assez de gens de l'autre côté qui soutiennent la privatisation et
qui soutiennent la commercialisation qu'ils devraient avoir à coeur le
respect d'un profit non pollué plutôt qu'un profit un peu plus
gros, "à bout de nez" et pollué. Mais que voulez-vous, la nature
est ainsi faite. Vous êtes le gardien de la qualité de la vie. Je
vous donne ma collaboration et j'apporterai dans ce projet de loi tous les
amendements qu'il faut pour que dame nature soit respectée. C'est notre
fierté d'aujourd'ui, notre espoir de demain. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Pontiac.
M. Robert Middlemiss
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Il me fait
extrêmement plaisir de participer au débat sur le projet de loi
19. J'aimerais d'abord dire à mon collègue, le
député de Terrebonne, qu'on peut critiquer, qu'on peut dire que
le ministre de l'Environnement est faible et qu'il ne se défend pas
suffisamment. Je dois dire, M. le Président, et vous en êtes
témoin, qu'aujourd'hui nous avons réussi à avoir le projet
de loi 27 sur les pesticides qui, pourtant, pendant six ans, sous l'ancien
gouvernement, n'a pas bougé. Aujourd'hui, on fait le projet de loi 19
modifiant certaines dispositions de la Loi sur la qualité de
l'environnement. Si le ministre de l'Environnement a réussi au moins
dans le domaine des pesticides, c'est qu'il a su comment dialoguer, dialoguer
avec les ministres qui ont des responsabilités dans le domaine de
l'agriculture et dans le domaine des forêts. Pour cette raison, je crois
que c'est au moins un pas dans la bonne direction et si on n'a pas de projet de
loi, à quoi cela nous sert-il d'avoir des sommes d'argent si on ne sait
pas dans quelle direction on s'en va et comment appliquer les lois?
Comme le disait le ministre, M. le Président, le projet de loi
touche cinq éléments; un premier, c'est sur les déchets
miniers; un autre sur des changements administratifs, soit pour des emprunts
pour des réseaux d'aqueduc et d'égout, soit la fixation de la
tarification dans le domaine des sites d'enfouissement; un autre qui est
certainement le plus important et qui donne de plus au ministère de
l'Environnement un contrôle sur les rives, le littoral et les plaines
inondables.
Concernant les changements administratifs, j'entendais mon
collègue de Terrebonne dire: Bien oui, sur le plan administratif,
qu'est-ce que cela donne? Voici des raisons pour lesquelles les changements
sont d'ordre administratif. Dans le cas des réseaux d'aqueduc et
d'égout, si, dans l'avenir, le ministre des Affaires municipales est le
seul à avoir le pouvoir de donner le droit à une
municipalité d'autoriser un règlement d'emprunt pour acheter un
réseau d'aqueduc et d'égout parce que la santé de la
communauté est en danger, dans le passé, cela prenait
l'approbation des citoyens. Lorsqu'il y a un problème urgent au point de
vue de la santé ou un problème de contamination de
l'environnement, c'est certain qu'il faut agir le plus vite possible. Donc,
dans le domaine des réseaux d'aqueduc et d'égout, les changements
administratifs vont maintenant permettre au ministre des Affaires municipales,
à la suite d'une ordonnance de l'Environnement, de donner à une
municipalité la permission d'emprunter l'argent nécessaire pour
l'achat ou la construction d'un réseau.
M. le Président, on a encore dit: Qu'est-ce que les changements
administratifs vont faire pour aider le ministère de l'Environnement
dans le domaine de la tarification des déchets? Premièrement,
cela va permettre au ministère de concentrer ses ressources à la
réalisation de son mandat de protection de l'environnement et non pas
d'être le négociateur entre le propriétaire d'un site
d'enfouissement et la municipalité ou quiconque a un contrat avec eux.
Cela aidera certainement la population, cela réduira les délais
administratifs afférents à la formule de fixation ou de
modification des tarifs pour les lieux d'élimination des déchets
solides.
Finalement, cela va transférer à un organisme
approprié, c'est-à-dire la Commission municipale,
l'opération de ce mécanisme de négociation. Qui d'autre
est mieux placé que la Commission municipale lorsqu'il y a
négociation entre une municipalité qui a un site d'enfouissement
et un propriétaire privé? Qui, mieux que le sous-ministre de
l'Environnement? Dans le
passé, cela traînait en longueur et le sous-ministre se
préoccupait de négocier des choses administratives au lieu de
s'assurer de la qualité de l'environnement et de faire les changements
qui s'imposaient.
Lorsqu'on parle de la protection des rives, du littoral et des plaines
inondables, c'est certain que les gens ne réalisent pas tous les effets
négatifs qui se produisent le long des rives, du littoral ou dans les
plaines inondables si on permet la construction dans les plaines inondables ou
des projets le long des rives et du littoral ce qui, en soi, crée des
problèmes à l'environnement, mais je pense que... Je voudrais
utiliser cela comme exemple. À quoi la population est-elle plus
sensible? Parlons des plaines inondables. On le sait, chaque printemps, on a
des inondations, les gens subissent des dommages matériels et, avec ce
qu'on a vécu dans le passé, on cherche des moyens pour
éviter de telles inondations.
Avec les modifications apportées à cette loi, dans les
plaines inondables, il y aura des restrictions de construction dans certaines
zones de 0 à 20 ans, d'après les statistiques dans ces plaines
inondables et il n'y aura pas de construction permise. Donc, au lieu, comme on
le fait aujourd'hui le long de la rivière Chaudière, de devoir
rectifier la situation qui existe, on ne permettra pas la construction dans ces
plaines inondables. Je pense que cela fait partie... Il vaut mieux
prévenir que guérir.
Je vois que le député de Terrebonne est ici, lui qui,
chaque année, lors des crédits, cherche toujours des millions
pour la construction de barrages. Je dois lui dire que si on applique la loi
des zones inondables, à l'avenir on va prévenir et il ne sera pas
nécessaire de construire des barrages pour éliminer les
problèmes. La population est sensible à ces problèmes
parce que les gens vivent des pertes matérielles.
Les conséquences de ces constructions dans des zones inondables
sont graves sur l'environnement. J'ai voulu aborder cela par rapport aux
dégâts matériaux auxquels les gens sont plus sensibles.
Il faut protéger les rives pour s'assurer que l'environnement,
que mère nature puisse réellement accomplir les choses qu'elle
veut faire et là aussi, lorsqu'on parle d'érosion... Cela a
certainement un effet sur les rives qui ont des talus assez
élevés. Cela aussi crée des problèmes et des
dommages pour l'individu qui est malheureusement sur le bord d'une
rivière et qui, à la suite d'une érosion et d'un
glissement de terrain, perd une partie de son terrain. Il réalise fort
bien à ce moment-là... C'était un autre aspect que je
voulais faire ressortir dans tout ce contexte-là, à savoir que
c'est peut-être plus palpable, les dommages ou les conséquences
d'un glissement de terrain pour l'individu, que l'individu peut
apprécier les dommages que cela cause à l'environnement
lui-même. (16 h 20)
M. le Président, le projet de loi résulte d'une
consultation de longue durée. Dans le domaine de la tarification, cette
consultation aura duré un an. Consulter les gens qui sont
impliqués. Lorsqu'on voyait les gens qui sont aujourd'hui
impliqués dans les sites d'enfouissement et qui attendaient le
changement de tarification, ils disaient que le ministre est juge et
partie.
Ce changement dans la Loi la qualité de l'environnement
était requis pour s'assurer de ne pas mettre le ministère dans un
conflit d'intérêts si on peut dire, et pour le libérer de
cette responsabilité pour qu'il puisse prendre le temps, que les
négociations de tarification prenaient, dans un autre domaine de
l'environnement.
M. le Président, en parlant de l'élément le plus
important, la protection des rives, du littoral et des plaines inondables. Je
reviens un peu à la leçon que semblait vouloir faire le
député de Terrebonne, selon lequel le ministre n'est pas
réellement maître chez lui. Je crois que dans le contexte, il faut
être réaliste. Lorsqu'on parle de protéger les rives dans
une zone agricole, il y a certainement un effet direct sur nos agriculteurs, et
il faut en parler avec le ministre responsable de l'agriculture pour que lui,
à son tour, puisse en discuter avec les agriculteurs.
C'est la même chose dans le domaine forestier. Heureusement que le
ministre de l'Environnement ne travaille pas en vase clos. Il pourrait arriver
avec des projets de loi qui ne recevraient même pas l'assentiment et qui,
malheureusement, ne se rendraient même pas ici à
l'Assemblée nationale. C'est très beau des voeux pieux, mais
l'important c'est d'avoir un projet de loi, même si je suis convaincu que
le ministre voudrait que le projet de loi ait peut-être une plus grande
envergure. Il vaut mieux commencer avec quelque chose qui reçoit
l'assentiment de toutes les personnes impliquées dans l'environnement
que d'avoir un refus et ne jamais présenter un projet de loi ici en
Chambre pour régler la situation.
En ce qui concerne les déchets miniers, je suis convaincu que,
dans sa réplique, le ministre de l'Environnement pourra vous indiquer
tout le progrès qui a été fait, avec lui, dans ce domaine
récemment. Je suis aussi convaincu que le ministre pourra, dans sa
réplique, identifier et vous expliquer que, dans le domaine de la
réparation les dommages qui ont été créés
à notre environnement depuis nombre d'années, je crois, il
pourrait vous énumérer une liste très longue d'ententes
que le gouvernement du Québec, par l'entremise du ministre de
l'Environnement, a réussi avec des grosses compagnies qui, dans le
passé, ont fait l'enfouissement de certains matériaux qui,
aujourd'hui, deviennent un problème. Que ce
soit aussi dans le domaine de l'assainissement des eaux, dans le domaine
de la pollution des rivières, je pourrais certainement vous dire que le
ministre pourra réellement vous indentifier que, dans le projet de loi
en soi, c'est un projet qui va prévenir que les accidents du
passé ou les incidents du passé se répètent.
Mais cela n'est pas fait unilatéralement dans le domaine de la
prévention. Il y a aussi le volet de la réparation des dommages
qui ont été faits dans le passé. Dans ce domaine, il y a
déjà de grands pas qui ont été faits dans cette
direction.
M. le Président, en terminant, je suis heureux de voir qu'il
semblerait que toute l'Assemblée nationale, incluant nos
collègues de l'Opposition, va donner son assentiment à ce projet
de loi. Je dois dire: Enfin, c'est un pas dans la bonne direction et
assurons-nous que, dans le futur, si nécessaire, cette loi soit plus
mordante, ait plus de dents. Je suis convaincu que le ministre de
l'Environnement va y voir. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant, pour la
poursuite du débat, M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'interviens sur ce
projet de loi ayant eu depuis maintenant onze ans à vivre, à
l'intérieur de mon propre comté, plusieurs cas où il a
fallu intervenir et où il devient important de s'apercevoir qu'il doit y
avoir un vrai "boss" concernant l'environnement pour permettre, à
l'intérieur de l'ensemble du territoire québécois, une
même politique. Cela n'est pas nouveau, M. le Président. Vous avez
certainement eu l'occasion, vous aussi, de voir, dans l'ensemble des
activités de votre propre comté, des ministères se
chamailler pour savoir lequel va l'emporter sur lequel?
Que ce soit le ministère de l'Énergie et des Ressources
pour ce qui est du travail hydraulique, que ce soit le ministère de
l'Énergie et des Ressources pour ce qui est des forêts, que ce
soit le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation qui est très jaloux de ses prérogatives, que ce
soit les municipalités, que ce soit qui que ce soit en ce qui concerne
des rives à protéger ou des bandes du terrains pour donner une
protection aux rives, nous nous retrouvons, parfois, avec de bonnes batailles.
J'ai eu l'occasion, dans mon comté, en Haute-Mauricie justement, de voir
une érosion causée par un débit d'eau trop fort au
printemps. Cela avait amené un individu à demander à la
municipalité régionale de comté d'intervenir croyant que
la construction d'un pont, il y a plusieurs années, avait amené
l'érosion de sa rive. Et, en conséquence, le Commissaire des
transports à été pris à savoir s'il devait ou non
verser quelque montant que ce soit pour faire les corrections qui s'imposaient.
Finalement, il a accepté de le faire à l'intérieur de ce
qu'on connaît: les budgets de voirie municipale et permit à ce
moment-là, à la municipalité régionale de
régler un problème; elle, voulant le faire régler en lui
versant une aide pour faire les travaux, lui, voulant que ce soit la
municipalité qui le fasse.
Finalement, on peut vous dire aujourd'hui, M. le Président, que
c'est un vrai micmac. On ne sait pas qui est responsable de quoi et il faut
donc s'assurer que cette protection des rives, qui est comprise dans un des
nombreux amendements de ce projet de loi, soit faite par quelqu'un, mais en
autorité.
Un autre exemple que j'ai eu à vivre dans la Haute-Mauricie,
c'est dans une municipalité qui porte très bien son nom, qui est
La Croche, canton Lanqelier. Le problème, c'est une rivière
tortueuse, sinueuse. Elle est en déplacement continuel puisque
sablonneuse. Elle est aussi en même temps posée sur de la glaise.
Il devient donc facile, lors des inondations, au printemps, de voir, à
un moment donné, une partie de la rive quitter sa place et retourner de
l'autre côté. Finalement, le champ de patates du voisin se
retrouve dans le champ de patates de l'autre - sans vouloir dire que tout le
monde est dans les patates - mais, en voulant dire, cependant, qu'il y a des
problèmes.
Qu'a-t-on fait? On a dit: Si on attend après le ministère
de l'Environnement, à l'époque, on va avoir des petits
problèmes. Il n'y a pas de budget, il n'y a pas d'argent pour ce faire.
Si on attend après le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, il n'est pas là pour aider
à régler les problèmes d'érosion. Il est là
pour autre chose. En conséquence, nous étions pris dans un bon
dilemme. Cela a été le recours à un moyen plutôt
connu en Europe qui nous a permis de régler une partie du
problème, même si nous n'avons par terminé. Nous avons
recueilli à l'automne et au printemps des branches d'arbres qui
grandissent rapidement, qui prennent racines rapidement comme des saules
peupliers. Nous avons utilisé, durant l'automne, les caveaux de patates,
comme on dit dans le coin là-bas, pour placer les boutures pour faire en
sorte de pouvoir les tresser ensuite les planter et voir l'explosion au
printemps en termes de plantation. Ce qui fait que, finalement, on a
commencé graduellement à reprendre possession de la rive tout en
sachant que ce n'est pas suffisant. (16 h 30)
Certains avaient parlé d'empierrement, d'autres avaient
parlé d'autres moyens. Là on a toujours le ministère de
l'Environnement qui dit: Wow! Un instant! Ce n'est pas de
même qu'il faut faire cela. Dans certains cas, ils vont nous faire
mettre une toile géotextile; dans d'autres cas, ils vont nous faire
placer des pierres ou dans d'autres cas, il y aura d'autres moyens de
correction. Il y a une chose qui est certaine, c'est qu'il fallait
protéger les rives. Or, qui avait la responsabilité ultime de
donner la permission? C'était le ministère de l'Environnement. On
sait à qui s'adresser. On sait de quelle façon il faut
procéder, mais si, demain matin, tout cela est dilué entre les
mains de plusieurs parce que c'est dans un territoire agricole, l'autre parce
que c'est dans un territoire municipal, agricole ou peu importe, l'autre parce
que c'est dans un territoire forestier, comment allez-vous vous retrouver? Avec
différentes personnes qui veulent intervenir, personne ne veut agir,
rien ne se fait et la rive continue à se briser.
C'est dans ce sens qu'il faut faire beaucoup attention et s'assurer
qu'il y ait un véritable patron, une véritable personne qui ait
la responsabilité à la fois légale et ministérielle
d'agir, responsabilité qui va être - à celui qui va lui
parler - bien circonscrite pour lui permettre de savoir à qui s'adresser
et dans quelle circonstance s'y adresser.
C'est évident que nous avons eu l'occasion de voir le ministre,
avec ses autres collègues, soit les ministres du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche et de l'Énergie et des Ressources secteur
forêts, s'occuper de la mise sur pied d'un document qui nous permet de
faire une certaine forme de protection des rives. Mais, dans certains cas, on
se retrouve avec, parmi eux, des gens qui vont être jaloux de leurs
propres prérogatives.
Nous croyons qu'il faudrait absolument s'assurer, comme mon
collègue de Terrebonne l'a dit, qu'il n'y ait pas de fractionnement des
responsabilités, qu'il y ait une seule place où l'on puisse
s'adresser. Nous avons eu l'occasion, dans les mesures de protection des rives
en milieu forestier, de dire ceci: "La politique de protection des rives
s'appliquera à tous les cours d'eau et les lacs situés en milieu
forestier sur les terres du domaine public et sur les territoires boisés
et privés non compris dans la zone agricole." Il faut faire une
distinction entre ceux qui sont compris dans la zone agricole et ceux qui ne le
sont pas. C'est une question d'utilisation des terres, il ne faut pas
l'oublier. Le ministre responsable du ministère de l'Énergie et
des Ressources, secteur terres, nous disait, lors de l'adoption de la Loi sur
les terres du domaine public, la loi 102, qu'effectivement, il fallait avoir un
terrier, une place où on sait quelles sont les terres du domaine public
et comment, dans l'ensemble, vont se faire les transactions qui vont permettre
la vente de l'un à l'autre en s'assurant qu'on ait un oeil attentif sur
l'ensemble des terres du domaine public.
Or, en milieu forestier public, le guide des modalités
d'intervention s'applique, notamment dans une bande de protection de 20
mètres aux abords des cours d'eau et des lacs, tel que
spécifié dans la nouvelle Loi sur les forêts. Le
gouvernement véhiculera donc le contenu de ce guide suivant les articles
16 et 27 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Mon
collègue, le député de Jonquière, responsable pour
l'Opposition des matières d'affaires municipales, était intervenu
avec moi lors de la commission parlementaire sur les terres du domaine public
pour bien indiquer au ministre de l'Énergie et des Ressources les
craintes des municipalités, soit les municipalités
régionales de comté et les municipalités de l'Union des
municipalités du Québec.
On doit vous dire qu'effectivement on a fait valoir des points - je sais
qu'il aura l'occasion de le faire davantage - pour vous dire que nous sommes
bien conscients qu'il doit y avoir des protections à apporter, mais que,
d'un autre côté, il faut savoir à qui s'adresser et, des
fois, ce n'est peut-être pas nécessairement au ministre. C'est une
des difficultés qui est notée par les unions.
Les forêts privées situées hors de la zone agricole
sont soumises à la même norme de protection de dix mètres
qu'en zone agricole. Toutefois, si les propriétaires
bénéficient d'une aide du ministère de l'Énergie et
des Ressources en tant que producteurs forestiers, ces forêts devraient
rencontrer des normes supplémentaires incluses dans les plans simples de
gestion élaborée. Nous avons eu l'occasion, la semaine
dernière, de discuter des crédits du ministère de
l'Énergie et des Ressources, secteur forêts, en disant
qu'effectivement on s'en va non plus vers de simples plans de gestion, mais
vers des plans de mise en valeur des terres privées quant à la
forêt privée. Le ministère de l'Énergie et des
Ressources, secteur forêts, devra préparer, en concertation avec
le ministère de l'Environnement du Québec et le ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, un guide de modalités
d'intervention applicable aux forêts privées et le mettre à
la disposition des municipalités régionales de comté, des
communautés et des municipalités.
Il faut faire attention quand on généralise des choses.
Dans un éditorial, M. Jacques Proulx nous faisait des mises en garde:
"Tout d'abord la bande riveraine est-elle vraiment le moyen le plus
adéquat pour protéger les rives? Nous sommes loin d'en constater
l'évidence. En territoires agricoles et forestiers, une politique de
bande riveraine doit s'intégrer à une politique globale de
protection et de conservation des sols et des forêts, ce qui n'est pas le
cas pour les décisions des deux ministres. Chez
les producteurs agricoles, la sensibilité à la protection
des rives et plus largement celle de l'environnement ne date pas d'aujourd'hui.
La protection, bien sûr, mais de là à en faire une exigence
à la grandeur de tout le territoire agricole et forestier, de vouloir
créer une végétation permanente partout, l'on crée
une généralisation qui frise l'absurde." Ce sont des gens qui
sont habitués de vivre dans le milieu agricole et dans le milieu
forestier. "Aucun inventaire des cours d'eau et de leur état de
protection requis n'a été dressé. Aucune évaluation
des coûts et aucune identification claire de ceux qui vont les assumer,
producteurs ou ministères, n'a été établie. Donc,
tant mieux s'il faut y avoir des protections, dit M. Proulx. "La protection des
rives ne se réglera pas par un coût de baguette magique et
sûrement pas par une politique dont l'uniformité ne peut
répondre à la réalité du problème. Le moyen
choisi par le gouvernement n'est pas une solution satisfaisante, ni en regard
de la meilleure protection possible de l'environnement, ni face aux lois des
agriculteurs". Là, j'en aurais d'autres à ajouter, mais je vais
me limiter. Vous savez, 20 minutes c'est vite passé.
Mme la Présidente, j'aurais un dossier qui me tient beaucoup
à coeur. Les deux ministres, le ministre de l'Environnement et le
ministre délégué aux Forêts, ici présents cet
après-midi le savent. D'ailleurs, ils ont commencé à
répondre aux questions que j'ai posées comme député
d'une région où il y a encore sur les eaux le flottage du bois.
Je sais que des choses s'en viennent, les ministres m'ont garanti qu'on
présenterait des documents publics sur la vaste étude qui a
coûté près d'un quart de million de dollars et qui a
été faite par le ministère de l'Énergie et des
Ressources pour le secteur de la forêt et pour lequel le ministère
de l'Environnement a été invité à participer. Les
documents, nous a-t-on dit, de l'une et l'autre des parties, le
ministère de l'Environnement et celui du ministre
délégué aux Forêts: Oui, cela va être rendu
public dans les plus brefs délais.
Je dois vous dire qu'il y a une association qui, actuellement, a
essayé de regrouper tous les utilisateurs de la rivière
Saint-Maurice. On peut la critiquer, on peut dire qu'elle n'est pas
représentative, on peut dire qu'elle n'est pas correcte quant à
ses demandes, c'est une façon de voir les choses. Je dois vous dire que
c'est un interlocuteur valable dans le milieu parce qu'elle a réussi
à regrouper les municipalités riveraines de la rivière
Saint-Maurice, la municipalité et les municipalités
régionales de comté parce qu'il y en a deux qui y touchent, les
gens qui ont affaire à la rivière, les coureurs en canot qui
descendent cette magnifique rivière au mois de septembre pendant trois
jours de La Tuque à Trois-Rivières, des gens qui vivent sur la
rivière, des gens qui l'utilisent un peu comme la rivière
Richelieu. Il ne serait pas impensable de dire que la rivière
Saint-Maurice puisse devenir un peu une rivière Richelieu avec des
canaux où monteraient les bateaux de la partie du fleuve Saint-Laurent
à Trois-Rivières jusqu'à une certaine hauteur de La Tuque.
Il y a des gens qui commencent à dire qu'au point de vue
économique, le tourisme qu'on pourrait y amener serait davantage
profitable que la perte encourue peut-être en ce qui concerne le
non-flottage de bois. C'est une question qu'il faut reqarder. Je ne donne pas
mon opinion en disant qu'il faut faire disparaître le flottage, je dis
simplement que le flottage du bois, tel qu'il est pratiqué actuellement
n'est qu'un stockage, qu'un magasin à bois. Même les lois
l'interdisent. La loi fédérale dit que les deux tiers de la
rivière doivent être libres. Ce n'est pas ce qu'on vit sur
l'ensemble de la rivière. On veut une utilisation multifonctionnelle
dans la rivière Saint-Maurice.
Dans le contexte actuel, on sait que les billes vont au fond, on sait
que les écorces vont au fond, on sait que les billes frottent sur les
rives et brisent les rives. On aura beau me dire: Écoutez, à
partir de Shawinigan, à partir du barraqe La Gabelle, entre Shawinigan
et Trois-Rivières, de Shawinigan, de Grand-Mère et de La Tuque,
on a élevé le niveau de l'eau. Effectivement, il y a un "tracel"
comme on l'appelle, un chemin de fer avec un pont en bois qui est
complètement inondé à la hauteur de
Saint-Jacques-des-Piles. Il disparaît complètement. L'ancienne
rive de Saint-Jacques-des-Piles est complètement inondée,
près de 40 pieds recouvrent l'ancienne surface des fours à
charbon de Saint-Jacques-des-Piles. Pendant ce temps, on utilise la
rivière - parce que personne ne s'en occupait autrefois, mais les gens
s'en occupent de plus en plus - pour du flottage de bois. Les qens disent: Nous
n'avons pas rien contre le flottage du bois, nous aimerions qu'il disparaisse,
mais on sait quels coûts cela va comporter. Et on fait peur aux gens en
leur disant: Toutes les trois minutes, il y aura un camion sur la route. On
oublie de penser qu'il pourrait y avoir une route forestière et du bois
pourrait être transporté par train. Il pourrait y avoir toutes
sortes de choses qui pourraient exister, qui ont existé sur d'autres
rivières, en particulier, à Baie-Comeau et à Hauterive,
où on a des convoyeurs qui amènent le bois. Je ne veux pas dire
que c'est cela qu'il faut faire, je veux simplement dire qu'entre des
coûts plus' forts au point de vue économique et une utilisation
"muitifonctionnelle" touristique de la rivière, il y a quand même
une marge qu'il faut franchir. C'est cela que les gens disent.
Les gens se sont aperçus que, dernièrement, à la
suite d'une demande de la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice, la "St.
Maurice River Boom", comme on l'appelait, à l'époque, les deux
compagnies CIP et Consol ont eu du ministère de l'Environnement, par
l'intermédiaire d'un fonctionnaire, la réponse à leur
demande, à savoir: Oui, effectivement, vous pouvez faire telle forme
d'estacades, ce que j'appelle des chemins flottants, des trottoirs flottants,
ce qu'on appelle des "booms" dans le langage habituel des compagnies de bois
anglaises.
Il reste une chose, c'est que ces estacades retiennent le bois. Ce n'est
pas comme autrefois, avec les grands trottoirs qu'on avait, on a maintenant des
formules différentes. Il reste cependant, Mme la Présidente,
qu'il est anormal que du bois qui ne provient même pas de la
rivière, qui vient de la rive sud soit transporté en camion
jusqu'à Grand-Mère et soit jeté dans la rivière
à la hauteur de Grand-Mère ou jeté à la
rivière à la hauteur de Saint-Jacques-des-Piles. Pourquoi?
Simplement pour faire l'écorçage. Dans le fond, c'est qu'on
permet au bois de mieux s'écorcer et les résidus se retrouvent au
fond de la rivière.
C'est cela que les gens disent. S'il y a quelque chose d'anormal, c'est
qu'on se sert maintenant de la rivière pour emmagasiner du bois; on
parle de 700 000 cordes de bois, ce qui donnent environ 1 300 000 mètres
cubes annuellement flottés sur la rivière ces temps-ci pour,
d'une certaine façon, avec le vent d'ouest, couvrir parfois
complètement la rivière et en empêcher toute utilisation
"multifonctionnelle". Ceux qui voyagent sur la rivière avec des bateaux
savent très bien que le moteur à plusieurs occasions se voit
brisé par des billes qui flottent entre le fond et la surface de l'eau
parce qu'elles sont demi-flottantes, ou encore elles remontent à la
surface et brisent le moteur des bateaux.
Dans ce sens, j'interviens à nouveau au nom de cette association
qui regroupe les utilisateurs. Ces gens devraient être consultés
maintenant avant que des décisions nouvelles soient prises. Une
décision a été prise. On va encore accepter de ne pas
avoir été consultés; on aurait aimé être
consultés. À l'avenir, les gens commencent à dire: On
n'acceptera plus de ne pas être consultés. C'est dans ce sens que,
si vraiment le ministre de l'Environnement veut être responsable, il
devra parler à son collègue, comme ils ont commencé
à le faire, comme ils ont commencé à se parler entre eux,
j'en suis sûr, au ministère de l'Énergie et des Ressources,
secteur forêts, pour justement civiliser, d'une certaine façon,
l'utilisation de la rivière et ne pas la laisser, en vertu de la loi
fédérale qui l'interdit, aux seules compagnies. (16 h 40)
Les compagnies ont compris, CIP et Consol, et je leur en sais
gré. Mais je pense que ce n'est pas suffisant. Désormais, les
municipalités et le groupe qui représente les utilisateurs
devraient être consultés. S'ils ne le sont pas, je serai le
premier à critiquer à la fois le ministère de
l'Environnement et le ministère des Forêts de ne pas le faire. On
ne peut pas se permettre aujourd'hui de ne pas les consulter, sachant qu'ils se
sont regroupés, justement, pour défendre les
intérêts de gens qui ont commencé ce qu'on a appelé
les péniches sur la rivière Saint-Maurice, pour s'amuser un peu
et pour dire que, maintenant, on peut voyager et expliquer l'utilisation de la
rivière de la rivière Saint-Maurice dans le temps des
Crête, dans le temps des bois d'autrefois, mais en disant qu'aujourd'hui,
on a tellement évolué que la rivière doit être
"multifonctionnelle" en fonction d'activités touristiques,
économiques relativement au bois, sans que l'un ait prédominance
sur l'autre. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Laviolette. M. le ministre délégué aux Forêts et
député de Rivière-du-Loup.
M. Albert Côté
M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, Mme la
Présidente. J'aimerais dire quelques mots sur le projet de loi 19 en ce
qui concerne la protection des rives des cours d'eau. Avant de parler de ce
qu'on fait du côté forestier concernant la protection des rives
des cours d'eau, j'aimerais répondre à mon ami, le
député de Laviolette, en ce qui concerne le flottage du bois sur
le Saint-Maurice.
Mon sous-ministre associé, M. Gilbert Paillé, a
rencontré le sous-ministre associé aux opérations du
ministère de l'Environnement, M. Bertrand Tétreault, et M.
Jacques Beaulieu du service des études spécialisées du
même ministère. Le but de cette rencontre était de
déterminer s'il fallait ou non rendre disponible au public le rapport
d'étude dont a fait mention mon collègue de Laviolette
étant donné les réticences des compagnies. Les compagnies
Consolidated Bathurst et Canadian International Paper prétendaient que
certaines données étaient confidentielles, qu'elles avaient
été fournies, sur cette base, aux consultants qui avaient
été engagés pour faire cette étude et craiqnaient
aussi que ces données causent des préjudices à ces
compagnies.
En collaboration avec mon collègue, le ministre de
l'Environnement, nous avons rencontré les compagnies en question et leur
avons expliqué qu'il était avantageux pour elles de rendre public
ledit rapport. Nous avons convenu avec les compagnies de rendre ce rapport
public le plus tôt possible, le faisant accompagner d'une page couverture
pour expliquer certains points, faire certaines mises en garde par les deux
ministères. C'est
ce que nous ferons très prochainement de façon aussi
à répondre aux questions et aux inquiétudes de la
population qui vit le long du Saint-Maurice, dans le bassin du Saint-Maurice.
Évidemment, ce rapport nous dit que l'abandon du flottage n'est pas
économiquement souhaitable actuellement. Par contre, ce que nous avons
demandé aux compagnies, le ministre de l'Environnement et
moi-même, c'est de bien vouloir indiquer à la population qui
utilise la rivière Saint-Maurice ce qu'elles ont l'intention de faire
pour améliorer la qualité de la vie sur cette rivière.
C'est ce que nous ferons aussitôt que nous aurons complété
ces dossiers, avec un grand plaisir.
Du côté de la forêt, en ce qui concerne la protection
des rives des cours d'eau, nous avons également, dans un esprit de
collaboration exceptionnel avec le ministère de l'Environnement, avec le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, exigé que
tous les intervenants forestiers respectent une bande de 20 mètres de
chaque côté des rives des cours d'eau avec une autorisation d'une
coupe partielle, c'est-à-dire couper 30 % des bois de 10
centimètres et plus à hauteur de poitrine. S'il y a une
autorisation de couper les bois de cette façon, c'est parce que la
forêt est vivante et qu'il faut la ménager. S'il y a une
cueillette sélective des bois le long des rives, nous maintiendrons ces
bandes de protection en santé et vivantes. Cette décision
découle d'une étude qui a été confiée, il y
a quelques années, à des experts en hydrologie par le
ministère. Il faut évidemment s'en remettre aux experts, parce
que au cours des dernières années, au ministère, nous
demandions des bandes beaucoup plus larges et nous prohibions la coupe de tous
les bois, ce qui n'était pas très scientifique. C'était
fait de bonne foi, mais en se basant sur les rapports des experts en
hydrologie, nous en sommes venus à suggérer une bande 20
mètres de protection le long des rives avec une coupe partielle allant
jusqu'à 30 % du volume pour des tiges de 10 centimètres et plus.
Cela a été fait aussi pour protéger nos sols et le
débit des cours d'eau. Vous savez que la forêt est un grand
régulateur du débit des cours d'eau. La forêt est, en
même temps, la protection de notre air pur. C'est notre qualité de
vie, c'est notre environnement. C'est pourquoi les trois ministères,
celui du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, celui de l'Environnement et
le mien, sont directement concernés par ces ressources. Nous travaillons
en très étroite collaboration sur tous ces sujets. (16 h 50)
Je vous dirai que les municipalités régionales de
comté nous proposent des mesures pour protéger les rives des
cours d'eau. C'est avec des explications que nous nous en remettons aussi au
Guide des modalités d'intervention en milieu forestier. Ce quide a
été présenté au public le 10 septembre dernier et
il a été très bien accueilli. Je vous dirai qu'à
l'heure actuelle, au ministère, nous délivrons les permis
d'intervention et nous faisons une prescription du respect du guide des
modalités d'intervention. Je rencontre des exploitants forestiers
à tous les jours et, évidemment, c'est une adaptation, c'est une
nouvelle directive. Les contremaîtres ont un peu de difficulté et
d'appréhension à appliquer une telle directive, mais actuellement
la réponse est bonne. Évidemment, c'est plus difficile dans des
territoires accidentés, comme Charlevoix et la Côte-Nord, de
respecter une telle norme, mais les gens acceptent cela afin de respecter la
qualité de l'eau et protéger nos sols contre l'érosion.
Par contre, en forêt privée, nous sommes un peu moins exigeants
parce que la forêt privée est en territoire moins accidenté
et, au ministère, nous suqgérons aux MRC de réduire leurs
demandes de protection des rives des cours d'eau à dix mètres
à partir du talus ou des hautes eaux. C'est un point qui sera
prochainement précisé lors de nos délibérations
avec les municipalités régionales de comté
concernées.
Dans le domaine de l'agriculture, je vous dirai aussi qu'en exigeant une
protection semblable, nous nous protégeons aussi contre l'érosion
des sols. Je vous dirai qu'on perd des terres arables tous les jours de
façon importante par ruissellement et par érosion étant
donné que les rives n'ont pas été protégées
par de la verdure ou par de la forêt.
En ce qui concerne la protection des rives des cours d'eau principaux,
je vous dirai que cela fait partie de notre qualité de vie. Notre
qualité de vie est très importante et on prendra l'habitude de
maintenir en santé ces bandes riveraines, ces bandes de protection, ces
bandes vertes, si on peut les appeler ainsi, pour nous assurer une eau pure et
la protection de nos sols.
Dans le domaine des forêts, je peux assurer mon collègue,
le ministre de l'Environnement, que nous ferons tout notre possible pour
collaborer avec lui afin que cette loi soit respectée dans son
intégrité.
Je termine en vous remerciant, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué aux Forêts et député de
Rivière-du-Loup.
M. le député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. Je pense bien
qu'intervenir sur le projet de loi ]9 devient une nécessité de ma
part,
puisque le projet de loi 49 qui touche beaucoup plus les
municipalités est aussi en question. Je me demande de quelle
façon j'aurais pu m'abstenir de parler sur le projet de loi 19 tout en
acceptant de parler sur le projet de loi 43. C'est un peu par obligation que je
parle sur ce projet de loi qui nous permet de constater, au départ, que
c'est un gouvernement qui vieillit vite qu'on a devant nous, et qui vieillit
probablement mal aussi. Il faut se rappeler tout ce qui s'est passé
depuis la mise en place de ce gouvernement qui disait: II n'est plus question
de faire adopter des "bills" omnibus; c'est fini le temps des "bills" omnibus;
on veut que les gens se reconnaissent dans les lois. Pourtant, dans ce projet
de loi, on touche quatre endroits différents, ce qui aurait pu
être fait dans des lois différentes ou des lois
présentées par d'autres ministères. On avait le front de
venir dire au public l'an passé: Fini les "bills" omnibus. Cela ne fait
pas un an et regardons ce qui se passe dans les faits et au point de vue
pratique.
Ce n'est pas le seul recul de ce gouvernement, mais cela en est un
important à mon point de vue, un recul important puisqu'il avait
accepté de ne plus faire de "bills" omnibus. Rappelons-nous le manque de
substance de certains projets de loi de l'an dernier où ces derniers
comptaient un ou deux articles qu'on était obligé d'amender en
commission parlementaire. Mais force nous était de constater que le
gouvernement avait choisi une méthode de légiférer qui
n'était pas celle du gouvernement précédent. Pourquoi
est-ce que je dis que le gouvernement vieillit vite? C'est parce qu'on tombe
dans les travers qu'on a voulu dénoncer. Il y a non seulement le travers
du "bill" omnibus, mais il y a d'autres endroits aussi où on
reconnaît de la part de ce gouvernement un autre recul important, c'est
quand on parle des jetons de présence.
Rappelons-nous tout le plat qu'on a fait concernant l'attitude du
gouvernement précédent qui osait payer d'une façon
ouverte, devant l'ensemble de la population, qui acceptait de façon
radicale, exacte de rémunérer les gens qui venaient travailler
pour le gouvernement. Le gouvernement précédent avait l'opinion
que les comités de bénévoles ne travaillent pas
nécessairement pour l'assistance publique lorsqu'ils travaillent pour le
gouvernement du Québec. On peut accepter de donner un certain temps au
gouvernement, on peut donner son expérience, ses capacités. On
n'est pas obligé d'être rémunéré. On n'est
pas obligé de ne pas être rémunéré parce
qu'on décide de travailler pour le gouvernement, au contraire. On a eu
quelques discussions au cours de l'année. Regardons ce qui se passe dans
ce projet de loi, non seulement dans ce projet de loi, mais aussi dans d'autres
projets et d'autres arrêtés en conseil. On accepte de
rémunérer, mais à la condition que le gouvernement le
fasse à sa manière à lui, par arrêté en
conseil, c'est moins visible, moins apparent. Cela laisse plus de latitude au
ministre. On place qui on veut, de la façon qu'on veut et c'est comme
cela que ce gouvernement nous montre la transparence opaque, transparence
où on ne peut pas voir exactement ce qui se passe.
Examinons ce qui se passe dans ce projet de loi où le ministre de
l'Environnement nous demande de pouvoir présenter ou établir une
politique sur les rives, sur le littoral et, en même temps, sur les
plaines inondables. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Il y a
déjà des endroits où le gouvernement pourrait
décider qu'on ne peut pas construire sur les plaines inondables.
À mes yeux, c'est une forme d'expropriation déguisée,
jusqu'à un certain point. Dans le projet de loi qu'on a devant nous, qui
fait que le ministre de l'Environnement demande des pouvoirs, est-ce qu'on peut
reconnaître dans cette politique, politique de dédommagement, ce
que viendra faire la protection du territoire agricole lorsqu'on aura
déterminé hors de tout doute qu'il y a tant de pieds ou tant de
mètres pour la protection des rives? Il y a certainement un conflit
latent actuellement qu'on peut déceler entre la protection des terres
agricoles et aussi la protection des rives et des cours d'eau. Est-ce qu'on
devra le faire indifféremment sur l'ensemble du territoire? Je pense
qu'on peut se poser des questions importantes concernant ce pouvoir que le
ministre veut bien s'arroger par ce projet de loi.
C'est évident qu'il est important de protéger les rives.
Mais est-ce que c'est seulement ce ministère qui a le pouvoir de le
faire? J'ai l'impression que oui, si on veut qu'il se donne une certaine
stature. Mais, actuellement, ce qu'on voit et ce qu'on reconnaît dans ce
projet de loi, c'est que le ministère de l'Environnement devient de plus
en plus un ministère policier où il va voir à
l'application et il va tracer des normes, mais là s'arrête son
rôle. On ne voit pas plus loin, on ne voit pas de démarche plus
loin. Par exemple, il n'y a pas d'incitation pour les municipalités
d'aller dans le sens de la politique du ministère. C'est beau de dire:
Vous n'aurez pas le droit de faire telle chose, vous n'aurez pas le droit de
faire telle autre, mais où est l'incitation? Quelles sont les mesures
réparatrices, par exemple? On avait un programme qui a donné des
résultats et qui était aussi sur le point de donner des
résultats importants sur la protection des rives et des cours d'eau. Il
s'appelait le programme Berges neuves. Le ministre de l'Environnement a
décidé avec ses collègues, et, bien sûr, c'est le
choix de société de ce gouvernement, d'éliminer la
protection des rives. Berges neuves a été
aboli, donc, aucune mesure ne permet de rendre les rives telles qu'elles
devraient être, telles qu'elles ont été. (17 heures)
Regardons ce qui s'est passé dans le cas du lac Saint-Jean, une
des plus grandes nappes d'eau du pays, pas seulement du Québec, nappe
d'eau qui fait l'envie et l'orgueil et aussi qui est la marque distinctive d'un
coin de pays important. Qu'est-ce qu'on a fait pour protéger les rives
de ce littoral qui préoccupe un ensemble d'intervenants et qui fait
partie du patrimoine, patrimoine local, patrimoine sûrement mondial? On
ne trouve pas, dans la politique du ministère, des façons de
protéger ces rives, ce littoral qui couvre plusieurs dizaines de milles
de territoire tantôt agricole, tantôt urbain, tantôt
forestier. Donc, le ministre veut de plus en plus prendre des
responsabilités mais tout en les transférant le plus rapidement
possible aux autres. Donc, c'est le ministère qui décide, qui
prend, puis qui retire aux autres.
C'est cela qui se produit au point de vue pratique. Ce sont les
municipalités régionales de comté qui auront à
appliquer les politiques du ministère de l'Environnement. Elles qui
seront prises avec ce ministère, en ce sens et sans compensation. Je ne
pense pas qu'on puisse s'opposer à ce que le ministère puisse
regarder ce qui se passe sur le territoire et ce qu'on fait de ses lois. Mais
c'est aussi la préoccupation du milieu de savoir pourquoi on va accepter
des responsabilités, pourquoi on va nous transférer des
responsabilités sans qu'il y ait des assistances financières
correspondantes. Je pense qu'on se fait l'interprète de l'ensemble des
intervenants sur le territoire qui demandent et qui exigent que, pour chaque
ministère, s'il y a transfert de responsabilités, il y ait aussi
transfert financier. Il me semble que, de ce côté, on est loin
d'obtenir satisfaction. On doit rappeler au ministre de l'Environnement que,
s'il veut faire appliquer ses propres lois, s'il veut les imposer, il doit le
faire dans des normes qui sont acceptables, dans des normes négociables
et dans des normes aussi acceptables pour l'ensemble des intervenants, non
seulement les intervenants locaux, mais aussi l'ensemble des ministères
sur lesquels il a préséance ou auxquels il touche.
Donc, par le ministère de l'Environnement, par cette
préoccupation dont il nous fait part par cette loi qui est de
déterminer un certain nombre de frontages ou de terrains qui touchent
les rives, il faudrait qu'on s'assure que ces normes puissent être
acceptables et qu'on en discute aussi avec les intervenants. Le
ministère nous dit: Oui, on va adopter des lois, oui, on va poser des
gestes. Mais à qui? Avec qui va-t-il se concerter? On dirait, à
la façon dont les lois nous sont présentées, qu'on vient
d'oublier complètement toute la façon de discuter avec les
intervenants du milieu.
On sait bien que l'environnement, cela peut, jusqu'à un certain
point - et je pense que c'est nécessaire et obligatoire - être une
responsabilité partagée. On a intérêt et le
ministère de l'Environnement a intérêt à discuter et
à se concerter avec les intervenants des milieux concernés. On ne
voit pas et on ne sent pas dans cette loi cette volonté politique
d'aller discuter avec les gens pour savoir quelles seraient les normes
acceptables, les normes qu'on devrait appliquer pour trouver des solutions aux
problèmes qui confrontent le Québec, c'est-à-dire les cas
problèmes qui confrontent nos cours d'eau qui, en fait, deviennent
pollués, et aussi qui demandent une certaine protection.
Donc, il y a les cours d'eau, il y a les lacs. C'est une politique qui
va attaquer ou toucher beaucoup de territoires au Québec. Donc, quand
cela touche beaucoup de territoires, on a tout intérêt à ce
que ces discussions se fassent le plus largement possible et de la façon
la plus civilisée possible. Si le ministère se donne des pouvoirs
jusqu'à imposer l'exécution, la mise en oeuvre de ses propres
réglementations, il faudrait qu'on reconnaisse quelque part que oui,
aussi, le ministère s'engage à discuter avec les
différents intervenants de différents milieux pour trouver les
meilleures solutions possibles à ce problème qui nous
confronte.
Il serait intéressant que le ministère aussi trouve la
façon idéale d'inciter ces intervenants à mieux intervenir
dans le territoire et aussi à être plus parties prenantes à
ces décisions. Â mes yeux, on ne peut pas amener une politique
aussi importante en laissant les intervenants de côté. Ces
intervenants, qui sont-ils? Tantôt il y a des intervenants qui sont de
nature économique, des intervenants de nature production agricole, il y
a aussi des intervenants qui sont de nature à protéger la faune
et, en même temps, ceux qui ont l'intérêt global ou
globalisant de l'ensemble du territoire, qui sont les municipalités. Ce
sont tous ces intervenants dont on doit, tenir compte avant d'imposer ou
d'appliquer cette politique.
Il y a eu des études au ministère
précédemment où on a essayé de trouver la
façon de mieux faire travailler ensemble, soit les ministères,
soit les municipalités. Il semble qu'il y a une coupure depuis le 2
décembre 1985 puisqu'on n'entend pas parler des autres si ce n'est que
chacun, dans son domaine, a tous les pouvoirs. Quand on regarde ce qui se
passe: est-ce que le ministère de l'Environnement joue son rôle
comme il faut? Prend-il la responsabilité gouvernementale qui lui
appartient? J'entends souvent le ministre de l'Environnement nous dire: Vous
autres dans votre temps, c'était
comme ça. Vous avez arrangé ça de même. Nous
autres on fait quelque chose depuis qu'on est là.
Là il faudrait parler, il faudrait s'entendre. Ça fait un
an et demi que le gouvernement actuel est en place. Donc, il devrait commencer
à avoir ses propres politiques sans accuser les autres de ce qu'ils ont
fait. Ce que les autres ont fait, ça ne me dérange pas. S'ils ont
mal fait, on a changé pour faire mieux. Si on a fait des bonnes choses,
continuons-les. J'ai l'impression qu'en matière d'environnement,
l'ex-gouvernement ou le gouvernement précédent n'a pas tellement
de leçons à recevoir parce que c'est un ministère qui est
jeune. C'est un ministère où on avait à tout mettre en
place. C'est un ministère qui a fait des pas de géant. Quand on
regarde les correctifs qui ont été apportés à
l'assainissement de l'eau; quand on regarde ce qui s'est fait pour la
protection de l'air, on dit: Le ministère de l'Environnement a fait des
choses intéressantes. Prenons ce qu'il a bien fait et continuons. C'est
la responsabilité d'un gouvernement de faire avancer les choses. C'est
d'améliorer ce qui peut être amélioré. C'est
évident qu'on a eu déjà des lois qui ont touché aux
terres inondables. Mais il y en a d'autres, aujourd'hui, où le ministre
décide qu'il veut avoir des pouvoirs beaucoup plus précis, qu'il
veut aller plus loin dans la mise en oeuvre de la protection des cours d'eau et
des rives.
C'est de cela qu'il s'approprie. C'est beau de demander des pouvoirs,
mais nous, on a le droit de s'interroger et, surtout, on a l'obligation de
s'interroger à savoir si ces pouvoirs, que le ministre demande, vont lui
être suffisants pour pouvoir les appliquer et pour que tout le monde
puisse se reconnaître quelque part. Cela amènera-t-il plus
d'éclairage ou un meilleur éclairage dans l'ensemble du
territoire du Québec? J'en doute et je mets un peu la pédale
douce concernant cette décision ou cette volonté que le ministre
peut avoir de faire ces applications. Il s'agit de regarder ce qui s'est
passé ailleurs. Quand on regarde l'assainissement de l'eau, on a
tellement mis la pédale douce qu'on l'a pratiquement bloqué
pendant un certain nombre de semaines et de mois. Cela aura été
beaucoup moins rapidement.
Le programme Berges neuves qui a été un programme
extraordinaire, on l'a éliminé. Donc, à ce
moment-là, la volonté y était-elle? Espérons que
oui, mais quand on regarde dans les faits, c'est non. Quand on regarde le
projet Archipel. C'étaient aussi des projets intéressants pour
certains de la région de Montréal. Cela aussi est disparu dans le
paysage. C'étaient des endroits où le ministre de l'Environnement
avait son mot à dire. Nous, on n'a pas senti cette volonté
très forte de faire progresser les dossiers. Si on parle de l'assistance
financière à quelque endroit, on peut avoir l'ombre d'un doute
sur la volonté politique du ministère d'aider à
régler ces problèmes.
Nous avons certaines réticences concernant cette décision
ou cette volonté qui peut exister dans ce projet de loi omnibus.
Puisqu'on parle de la qualité de l'environnement, parlons
carrément d'un "bill" omnibus. Ce "bill" omnibus probablement ne rendra
pas les services qu'on en attend. On ne peut pas, avec trois lignes, avec deux
petits paragraphes, imaginer qu'on va finir par changer tout le monde. Il y en
a peut-être qui disent que gagner la loto ça ne change pas le
monde, mais cette loi ne changera pas le monde non plus. Elle ne fera pas crier
personne, si ce n'est que ça va déranger tout le monde. On met en
doute la volonté qui peut exister dans ce projet de loi. (17 h 10)
Régler les problèmes de déchets? Regardons les
problèmes de déchets: c'est la Commission municipale qui va fixer
les prix. Ce n'est pas encore des changements qui nous surprennent, pas pour
des gens qui sont habitués de travailler dans le milieu municipal. Je
pense que cela peut se régler là facilement sans que cela cause
des problèmes majeurs.
Donc, le ministère de l'Environnement, comme d'autres
ministères, a décidé qu'il viendrait sur le territoire du
Québec. On s'habitue à cela de plus en plus. Tout à
l'heure, on a entendu le ministre délégué aux
Forêts; il est venu nous dire qu'il va travailler avec le
ministère de l'Environnement pour l'aider à améliorer tous
ces contextes. Là, on ne sait plus s'il est seul ou s'ils sont deux.
C'est peut-être deux ministres qui vont être obligés de
s'occuper de cela. Est-ce qu'il n'y en aurait pas un troisième, par
hasard, qu'on ne connaît pas? J'ai entendu parler le ministre de
l'Énergie et des Ressources qui a semblé dire la même
chose; il y aurait celui délégué aux Mines qui pourrait
peut-être aussi arriver dans le paysage; il y a le ministre du MLCP qui
pourrait aussi intervenir et, en même temps, le ministre des Affaires
municipales. Donc, on est rendu avec pas mal d'intervenants. Le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pourrait aussi avoir
certaines prétentions sur les cours d'eau, tellement que... Je viens de
recevoir... Il y a certaines communications, certains échanges de
lettres qui se font entre ministères et les intervenants sur la place,
ce qui fait qu'on commence déjà à assister à des
mesures de chantage pour imposer des choses, pas en vertu du projet de loi
qu'on a devant nous, mais en vertu de l'agriculture ainsi que de la production
forestière. Donc, on est rendu avec un certain nombre d'intervenants.
Peut-être qu'on va venir tellement mêlé qu'on va avoir de la
difficulté à comprendre ce qu'on
cherche dans tout cela.
Le ministre de l'Environnement veut avoir du travail; bien sûr, on
peut lui en donner, mais il faut aussi qu'il nous exprime sa volonté de
faire respecter sa loi. Il faut aussi qu'il exprime la volonté d'aller
chercher des partenaires, du partenariat; ce n'est pas possible qu'un
ministère travaille tout seul en vase clos, il faut qu'il aille un peu
plus loin dans sa démarche. Et dans ce projet de loi, on ne voit pas le
sens d'une démarche plus grande vis-à-vis de l'intervenant. Pour
nous, c'est un motif à réflexion ou à interrogation. Si le
ministre veut avoir des pouvoirs, bien oui, on pourra lui en donner, mais
à la condition qu'il puisse les exercer. Une bonne façon
d'exercer les pouvoirs, ce n'est pas toujours en jouant au frère
directeur, pas toujours avec la "strappe", pas toujours avec du "crois ou
meurs", c'est aussi, de temps en temps, avec de l'assistance
financière.
Je comprends que le gouvernement n'a pas d'argent, mais il me semble que
vis-à-vis d'un problème aussi crucial ou aussi important qu'on en
fait une loi, eh bien, on prend les moyens pour la faire respecter. On peut
prévoir à l'avance les problèmes que cela va soulever
tantôt sur le territoire du Québec. Le ministre aura beau se
donner les pouvoirs qu'il voudra, mais il n'y a rien pour la faire respecter;
on ne sent pas tellement, dans ce projet de loi, une volonté de vouloir
faire respecter sa loi. En tout cas, il n'y a pas tellement de mesures que je
reconnais qui pourraient dire: Si vous faites cela, vous allez avoir telle
chose, on va vous mettre à l'amende. Cela va faire encore un beau coin
pour la discussion; cela va leur donner encore une belle jambe en disant: On a
fait des lois. Mais, entre faire des lois, les appliquer, les coordonner et
aller chercher du partenariat avec les différents intervenants, cela est
une autre paire de manches. Je cherche, dans ce projet de loi, quelle
était la volonté de concerter les différents agents du
milieu. Est-ce que vraiment on veut aller plus loin, on veut imposer ou, au
contraire, on veut aller chercher de la coopération et de la
collaboration? Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Jonquière. M. le député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. On assiste,
aujourd'hui, presque à une parodie, à un spectacle d'un ministre
qui occupe de moins en moins d'espace dans son propre environnement
ministériel. Regardons les faits.
Une voix: ...
Là Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Continuez, M. le député d'Unqava.
M. Claveau: Est-ce que le ministre a quelque chose à dire?
Il peut toujours se lever.
La Vice-Présidente: Vous pouvez continuer, M. le
député...
M. Lincoln: ...c'est exactement le contraire...
La Vice-Présidente: Bien, ce n'est pas une question de
règlement. Vous savez, M. ministre, que je ne dois reconnaître que
des questions de règlement. Là-dessus, M. le député
d'Unqava, je vous demanderais de bien vouloir continuer votre intervention.
M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. Le ministre va se
rendre compte que l'on va exactement vers la même conclusion que celle de
mon collègue de Jonquière, tout à l'heure. Effectivement,
le ministre de l'Environnement occupe, comme je l'ai dit, en tant que ministre
responsable d'un dossier précis, le dossier de l'environnement, un
espace de plus en plus restreint à l'intérieur de son
environnement propre, son environnement ministériel.
En effet, qu'est-ce que l'on retrouve dans cette loi? Mon
collègue de Jonquière l'a très bien exprimé. On
retrouve un ministre qui se donne des pouvoirs policiers, des pouvoirs de
réglementer, d'intervenir afin de faire appliquer des choses d'une
façon stricte et, je dirais, imposée de force si jamais les
autres ministères ne répondent pas à ses exigences. Dans
ce sens, le ministre de l'Environnement est un ministre
délégué qui relève du Solliciteur
général du Québec. De même, le ministre responsable
des dossiers de l'environnement aurait pu, s'il avait voulu et s'il avait eu le
cran de le faire, se servir de la loi actuelle qui lui donne beaucoup
d'amplitude et beaucoup de possibilités dans son travail.
Reprenons seulement quelques articles de la Loi sur la qualité de
l'environnement à l'article 2 où on dit que: "Le ministre a pour
fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement une politique de
protection de l'environnement..." À l'article 2c, on ajoute: "II peut
élaborer des plans et programmes de conservation, de protection et de
gestion de l'environnement..." Qu'est-ce que fait le ministre actuellement? II
délègue ses responsabilités aux différents
ministères sectoriels qui vont avoir la charge et la
responsabilité d'élaborer des politiques en fonction de leurs
différents types d'interventions. Le ministère de
l'Énergie et des Ressources, le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, le ministre délégué aux
Forêts, le
ministre délégué aux Mines, tous et chacun dans
leur loi respective, dans leur milieu respectif d'interventions sectorielles
vont avoir à élaborer des politiques et vont avoir à
déterminer les modalités d'application des politiques
environnementales. Qu'est-ce que se garde le ministre? S'assurer que la loi est
appliquée.
On a un ministre qui dépend du Solliciteur général.
On a un ministre délégué, un ministre dont les
responsabilités vont relever, à toutes fins utiles, des autres
ministères et qui n'aura qu'à s'assurer que ses lois soient
appliquées et que l'on ne pollue pas, que l'on ne nuit pas à
l'aménagement des berges, que l'on respecte les approches des cours
d'eau, des rivières et des lacs. C'est tout ce qu'il fait. Il n'y a rien
dans cela, Mme la Présidente, qui dit que le ministre va vraiment
prendre le taureau par les cornes, va se donner des politiques d'interventions
et va élaborer des stratégies. C'est cela. C'est dans ce sens que
l'on dit que le ministre est en train de se restreindre dans son environnement
propre, qu'il est en train de laisser la place aux autres. Il se lave les mains
des politiques de mise en place. Lui, tout ce qu'il a à faire, c'est de
passer le bâton, comme disait tout à l'heure mon collègue
de Jonquière, il se garde la "strapp" et il laisse aux autres le soin de
penser. Voilà le contexte dans lequel on est actuellement.
L'actuelle Loi sur la qualité de l'environnement permet au
ministre de conclure tout accord avec tout gouvernement ou organisme
gouvernemental afin de faciliter l'exécution de la présente loi.
La loi en question permet au ministre de faire adopter ou de proposer au
gouvernement des règles pour définir des normes de protection et
de qualité de l'environnement pour l'ensemble ou une partie du
territoire du Québec. Il y a là tout ce qu'il faut au ministre
pour pouvoir intervenir. Je crois que le ministre a eu peur de l'amplitude et
de l'immensité des responsabilités que lui donnait la loi
actuelle et que, sous le chapeau fleuri d'une nouvelle loi attrayante, en fait,
il diminue ses responsabilités pour les distribuer aux différents
intervenants dans chacun des secteurs.
Un bel exemple de cela, Mme la Présidente, quand on parle du
domaine forestier, ce n'est pas pour rien que son collègue
délégué aux Forêts s'est empressé de venir en
cette Chambre pour saluer les fonctions et l'intérêt du ministre
dans la question environnementale et pour se dépêcher d'ajouter
qu'il l'appuierait de toutes ses forces et de toute son âme afin que ses
responsabilités puissent être remplies dans les meilleures
conditions possible. C'est bien évident, parce que le ministre
délégué aux Forêts est l'un des premiers qui,
à partir d'une loi sectorielle, a imposé des modalités
d'intervention en milieu forestier où il définit des normes
d'approche, des normes de coupes de bois le long des berges, des
rivières et des lacs, où il définit de quelle façon
les chemins forestiers vont traverser nos rivières, où il
définit de quelle façon on va intervenir pour protéger
certains habitats près des lacs afin de s'assurer de ne pas enlever tout
le bois qui pourrait être nécessaire à la survie de
certains habitats fauniques. (17 h 20)
C'est un des premiers, dans cette Législature, qui est intervenu
directement sur le terrain du ministre de l'Environnement pour
déterminer, par le biais d'une loi de laquelle découlera un
manuel des modalités d'intervention en milieu forestier, décision
que le ministre de l'Environnement aurait dû prendre lui-même, sans
attendre qu'un de ses collègues ministériels définissent
les normes à sa place.
Voilà pourquoi le ministre délégué aux
Forêts s'est empressé de venir éponger un peu la situation
et de faire reluire le poste du ministre responsable de l'Environnement devenu,
à toutes fins utiles, un ministre délégué.
Voilà pourquoi il s'est empressé de le faire, il s'est
empressé de dire: Écoutez, M. le ministre, je n'embarque pas sur
votre terrain, je m'occupe seulement de mes petits arbres et je veux m'assurer
qu'on puisse les couper dans les meilleures conditions possibles. En
réalité, on retrouve des normes, des concepts, une approche
d'intervention en milieu forestier qui relèvent beaucoup plus, à
certains égards, du ministre de l'Environnement que du ministre
délégué aux Forêts, dont la préoccupation
principale aurait dû être de s'assurer d'une meilleure gestion des
coupes de bois sans empiéter sur les responsabilités du ministre
de l'Environnement et, par le fait même, du ministre qui doit voir
à la protection des berges de nos rivières.
Un autre exemple qui nous est servi sur un plateau d'argent. Dans sa
nouvelle loi, son projet de loi 19, le ministre de l'Environnement introduit
une définition qui se veut originale, semble-t-il, ou qu'il croit
lui-même originale, définition sur les déchets miniers. Le
ministre dit: "Résidus miniers: les morts-terrains, les roches
stériles, les résidus solides provenant de la concentration
primaire du minerai et les scories provenant des opérations de
pyrométallurgie secondaire." Je suis convaincu qu'à la lecture du
texte que je viens de faire, le ministre croit que j'ai en main son projet de
loi 19. Bien non, Mme la Présidente, j'ai en main le projet de loi 161,
Loi sur les mines. Exactement mot pour mot, sans aucune modification, ce que
proposait le ministre délégué aux Mines dans son projet de
loi 161, l'hiver dernier.
Ce que le ministre a oublié, ce qu'il ne
savait pas, pour dire à quel point il ne s'intéresse pas
à ses dossiers, c'est que cette même définition a
été contestée en commission parlementaire, en
consultations publiques par les intervenants du monde minier et qu'au moment
où on se parle, je suis prêt à mettre ma main dans le feu
qu'on est en train de vérifier ou de refaire, pour la Loi sur les mines,
la définition des résidus miniers. Le ministre ne le sait pas et,
en bon ministre coopératif, collègue du ministre
délégué aux Mines, il s'empresse de montrer que, lui, il
connaît ça, les résidus miniers, et il introduit dans sa
loi sur l'environnement, sa loi sur la gestion des berges, une notion du
résidu minier parce qu'il ne veut pas être à la remorque
d'un autre ministre sectoriel. Ce qu'il ne savait pas, c'est que cette
même définition a été rejetée et qu'elle est
en voie de recomposition et de redéfinition.
Encore une fois, à la suite des modifications qui seront
sûrement apportées à la définition en question, il
devra se rallier et être à la remorque d'un ministre sectoriel
dans un domaine précis afin de redéfinir sa loi sur
l'environnement.
Une voix: Cela, c'est vrai!
M. Claveau: Voilà le contexte dans lequel évolue le
ministre de l'Environnement, à la remorque des autres ministères.
Il se plie aux voeux des autres ministres, du MLCP, du MAPAQ, des Forêts,
de l'Énergie et des Ressources, secteur énergie
particulièrement. Il est à la remorque de tous ses
collègues et il essaie de rapatrier les morceaux au plus vite pour les
introduire quelque part dans ses lois afin de montrer que, lui aussi, il
connaît ça, mais à l'époque où il a
ramassé le morceau, il avait déjà la miette qui
n'était plus bonne, la miette pourrie, puisqu'on avait changé la
définition. Le cas actuel est des plus patents. Je ne connais pas la
nouvelle définition, mais je suis convaincu qu'il y aura modification
à la suite du débat en commission parlementaire où tous
les intervenants du domaine minier s'entendaient pour rejeter la
définition en question.
La plus belle preuve de cela, pour montrer jusqu'à quel point le
ministre n'est pas conscient de l'aspect primaire ou de l'aspect incomplet de
la définition qu'il propose, c'est que, dans cette définition, on
ne retrouve aucun élément, absolument rien concernant les
résidus liquides dans l'industrie minière qui sont probablement
les résidus les plus polluants et qui ne se retrouvent pas ici. Cela a
été dénoncé en commission parlementaire par les
intervenants ce qui, j'en suis certain, étant donné la sagesse
des gens qui opèrent dans le secteur minier au ministère de
l'Énergie et des Ressources, va être modifié afin qu'on
prenne en considération cet aspect de la pollution minière sous
forme liquide. Le ministre responsable de l'environnement, pour avoir
copié aveuglément une définition donnée par un
ministre sectoriel, n'a même pas pensé qu'il pouvait y avoir des
déchets liquides qui n'étaient pas pris en
considération.
C'est lui qui aurait dû faire la suggestion à ses
collègues, c'est lui qui aurait dû prendre les devants, prendre la
pôle, comme on dit, et suggérer une définition
complète, une définition qui comprenne l'ensemble des
résidus miniers. On aurait dit: Oui, c'est vrai, le ministre responsable
de l'environnement est un ministre sérieux, un ministre auquel rien
n'échappe, effectivement. Il a ouvert les yeux de son collègue
des Mines et il a compris que la définition était
incomplète, ce qui va amener le ministre responsable des Mines de
rectifier la définition du résidu minier. Bien non, ce n'est pas
cela, cela va être encore le ministre qui va devoir - j'en mettrais ma
main au feu - revenir en commission parlementaire avec un amendement en disant:
Excusez-moi, je n'avais pas compris, je ne savais pas qu'on avait
révisé la définition et je suppose qu'il va falloir que je
m'adapte à la nouvelle définition de mon collègue des
Mines, parce que moi, je suis obligé de me fier à ce que les
ministres sectoriels disent. Voilà la situation!
Passons à une autre chose qui est loin de manquer
d'intérêt. Dans cette espèce de "bill" omnibus, dans cette
présentation de toutes sortes de choses dans un projet de loi qui semble
vague en soi, au départ, on retrouve une modification de certains
articles en ce qui concerne la rémunération des gens qui
siègent au Comité consultatif pour l'environnement de la Baie
James, à la Commission de la qualité de l'environnnement Kativik
et au Comité consultatif de l'environnement Kativik. La nouvelle
version, la nouvelle interprétation de la rémunération des
gens qui siègent à ces comités se lit comme suit: "Les
membres nommés par le gouvernement ne sont pas
rémunérés, sauf -ah! ah! - dans les cas, aux conditions et
dans la mesure qu'il indique." On dit en partant: Ils ne sont pas
rémunérés, cela n'existe plus. L'ancienne version est la
suivante, je me dois de le dire... Dans la Loi sur la qualité de
l'environnement, on retrouvait aux articles 135, 170 et autres concernant les
mêmes domaines, la version suivante: "Ces membres nommés, durant
bon plaisir, seront rémunérés ou indemnisés par
ceux qui les nomment, lesquels pourvoient en outre à leur remplacement."
La deuxième partie, concernant le remplacement, on comprend, mais on dit
que ces membres vont être rémunérés par ceux qui les
nomment et on suppose, de la façon qui va être
déterminée, par ceux qui les nomment. Qu'est-ce que le ministre
fait? Là,
il y a un hic important dans toute la démarche de ce
gouvernement, non pas du ministre parce que, là encore, il suit les
autres. Qu'est-ce que le ministre fait? Il dit: Les membres ne seront plus
rémunérés, ils seront bénévoles, sauf dans
les cas, aux conditions et dans la mesure qu'il indique. Quels sont ces cas,
quelles sont ces conditions, quelles sont ces mesures? Ah! Voilà
où nous amènent les questions que je viens de poser:
Décret 382-87 du 18 mars 1987. Il est proposé sur la proposition
du ministre de l'Environnement que les membres du conseil d'administration de
la Société québécoise de l'assainissement des eaux,
à l'exception du président-directeur général, etc.,
reçoivent une allocation de présence de 200 $ par journée
ou de 100 $ par demi-journée de séance après qu'ils aient
participé à au moins l'équivalent de douze jours de
séances au conseil d'administration. Des membres non
rémunérés? Après douze jours de présence,
c'est vite fait, 200 $ par jour et 100 $ par demi-journée. Un
décret, ce n'est plus dans la loi. Décret, cela vaut pour la
Société québécoise d'assainissement des eaux. Des
bénévoles, Mme la Présidente. Cela date du 18 mars 1987.
Ce n'est pas sous l'ancien gouvernement, si je ne m'abuse. (17 h 30)
Continuons. Décret 273-87 du 25 février 1987. On est
encore en 1987, sous l'actuel gouvernement. Quel ministère, pensez-vous,
est concerné par ce décret? Attendu qu'aucune
rémunération n'a été prévue pour les membres
du Conseil consultatif de l'environnement - on a encore affaire au même
ministre - attendu qu'aucune rémunération n'a été
prévue - on fait un "attendu que" avec la non-rémunération
et qu'est-ce qu'on propose? - que les membres du Conseil consultatif de
l'environnement, à l'exception de ceux qui sont également
fonctionnaires du gouvernement ou de l'un de ses organismes, reçoivent
une allocation de présence de 200 $ par jour ou de 100 $ par
demi-journée de séance. Deux fois le même ministre en
l'espace de deux mois. Ce sont des bénévoles, mais on va les
payer 200 $ par jour et, pour une demi-journée, ce sera 100 $. C'est
bien évident, on dit: Les douze premiers jours de séance, on ne
les paie pas, mais après on se reprend assez vite, merci.
Qu'est-ce que vous pensez que le ministre va faire avec sa nouvelle
déclaration concernant les gens du Comité consultatif pour
l'environnement de la Baie James, de la Commission de la qualité de
l'environnement Kativik et du Comité consultatif de l'environnement
Kativik? Croyez-vous que ces gens-là vont y aller
bénévolement? Dans la loi, antérieurement, on le disait:
Oui, ce sera des gens payés; ils le méritent; ils font un bon
travail; on ne les amène pas là en "quêteux"; on va les
payer. Là, qu'est-ce qu'on dit? Article 135:
Les membres nommés par le gouvernement ne seront pas
rémunérés. Ils ne seront pas
rémunérés, mais le même ministre, en février
et en mars, a sorti des décrets spéciaux pour
rémunérer d'autres bénévoles dans d'autres
organismes qui relèvent de son ministère. Pensez-vous que les
gens de ces comités-là vont accepter de faire cela pour rien
quand le même ministre adopte des décrets pour d'autres conseils
consultatifs semblables? Non, Mme la Présidente. Supercherie, Mme la
Présidente! On change les termes pour dire: Ils ne sont pas payés
et, après, on adopte un petit décret par en arrière en
disant: On vous donne 200 $ par jour.
C'est cela la transparence de ce gouvernement, Mme la Présidente.
Ce que le ministre fait dans le domaine de l'environnement, il ne fait
malheureusement que suivre ce que les autres lui ont donné comme
exemple. Il entre dans la voie de ce que les autres ministres ont fait dans
leurs secteurs respectifs. Voilà ce qu'on appelle, de ce
côté-là de la Chambre, de la transparence. Voilà ce
que ce gouvernement appelle des bénévoles. Supercherie,
trompe-l'oeil! Voilà la situation et ce ne sont là, Mme la
Présidente, que quelques-uns des éléments de ce projet de
loi qui, j'en suis certain, seront très approfondis en commission
parlementaire à l'étude article par article et qui
démontreront que, finalement, si le ministre voulait vraiment faire son
travail, il n'avait qu'à se fier à la loi existante et à
l'appliquer dans toute l'ampleur qu'elle lui donnait. Il n'avait pas besoin,
encore là, de faire du tape-à-l'oeil pour camoufler son
impossibilité d'intervenir dans un petit projet de loi fleuri, certes,
beau, certes, printanier, dirais-je, mais sans fondement. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Ungava.
M. le ministre de l'Environnement, en réplique.
M. Clifford Lincoln (réplique)
M. Lincoln: Mme la Présidente, en écoutant le
député d'Ungava et, avant lui, le député de
Jonquière - mais surtout le député d'Ungava -
j'étais tenté de parodier Churchill et de penser que jamais, je
crois, si peu de personnes ont crié si fort pour dire si peu et si
mal.
Des voix: Ha! Ha!
M. Lincoln: Le député croit que plus il crie fort,
plus cela impressionne les gens. Les gens qui nous écoutent veulent
savoir des choses. Ils veulent entendre un discours intelligent, constructif.
Ils veulent que quelqu'un parle d'un projet de loi qu'il a
même lu, qu'il a étudié, qu'il a compris.
D'après ce que j'ai entendu du député, il ne l'a pas
étudié bien fort. En fait, je suis tenté de penser,
après avoir écouté, d'une part, le député de
Terrebonne, le critique en matière d'environnement, qui a fait un
discours constructif - il a dit qu'il trouvait qu'il y avait beaucoup de bonnes
choses dans ce projet de loi - que, peut-être, le député de
Terrebonne, aujourd'hui, aurait pu s'asseoir de ce côté-ci de la
salle laissant le député d'Ungava et le député de
Jonquière dire de réelles "folichonneries" sur quelque chose
qu'ils n'avaient ni étudié, ni compris.
Je n'ai pu retrouver aucune partie du projet de loi dans les remarques
de l'un et de l'autre, contradictoires s'il en est. En fait, ils ont contredit
leur collègue lui-même à plusieurs chefs, collègue
qui me reprochait, et je sais qu'il le faisait à bon escient et de
façon tout à fait objective de son point de vue, qui me disait:
Vous ne tapez pas assez fort sur vos collègues les autres ministres, il
faut vous imposer, il faut être plus énergique, il faut taper plus
fort. Eux disaient, deux minutes après: Vous êtes un policier,
vous imposez des choses aux autres ministres. Le partenariat qui est
démontré là par mon collègues des Forêts qui
faisait un discours à mon appui, pour eux, c'est de la bouillie pour les
chats. Ou bien on est d'un bord ou bien on est de l'autre. Ou bien on dit des
choses qui se tiennent, ensemble, ou bien on est complètement
divisé, ce qui semble être le cas ici.
L'autre jour, j'entendais le député de Jonquière
interroger le ministre des Affaires municipales et lui demander comment il
avait pu, comme ministre des Affaires municipales, permettre des pouvoirs
immenses au ministre de l'Environnement à l'intérieur de
l'amendement à la loi 125 sur l'aménagement du territoire. Donc,
le député de Jonquière pensait que j'avais obtenu des
pouvoirs immenses dans la loi 125. Aujourd'hui, il me dit oui, il me dit non.
Est-ce que j'en ai obtenu? Est-ce que je n'en ai pas obtenu? Je
préfère laisser les deux derniers députés, je pense
que le débat aurait été plus constructif s'ils n'avaient
pas parlé. Je respecte leur droit de dire les choses à leur
façon, mais je pense que c'était tout à fait
négatif, qu'il n'y avait rien là-dedans qui démontrait
qu'ils avaient compris le sens du projet de loi.
Je veux m'attarder de façon plus constructive à ce qu'a
dit le député de Terrebonne parce que je pense que son
intervention était tout à fait constructive et qu'il a
parlé avec beaucoup de conviction, surtout sur des questions importantes
comme celle des résidus miniers. Donc, je vais parler de cette question
d'une façon contructive, comme lui. Pour ce qui est des résidus
miniers - et là, le député d'Ungava rigolait et disait que
la même définition se retrouvait dans la Loi sur les mines et dans
la loi 19 - l'objectif est, justement, d'avoir la même définition
dans les deux lois. Donc, lorsque mon collèque des mines, qui s'y
connaît sur les mines, fait une définition des mines, je prends la
même définition. Si la définition est changée, au
cours de la session actuelle, à la commission parlementaire, par rapport
aux résidus miniers, on fera la même chose ici.
Naturellement, au départ, il fallait s'accorder avec la
même définition qui avait été mise dans la Loi sur
les mines qui a été déposée avant la mienne; c'est
tout à fait simple et logique. S'il y a un changement en commission
parlementaire, on s'ajustera en conséquence. L'idée était
justement que deux ministères qui s'impliquent dans la même chose
travaillent de concert. C'est cela, l'idée aujourd'hui, essayer de
travailler ensemble, ne pas travailler en vase clos, que ce soit dans le
domaine des mines, dans le domaine des rives, dans celui des forêts ou
dans quoi que ce soit d'autre. Comme l'a souligné lui-même le
député de Terrebonne, l'environnement est quelque chose
d'horizontal qui pénètre tous les autres ministères.
L'environnement n'est pas une chose sectorielle. Cela ne se fait pas en vase
clos. Cela se fait à travers le travail d'autres ministères parce
que c'est quelque chose d'horizontal. Lorsque cela a trait au mines, il faut
naturellement travailler de concert afin que les définitions, que les
objectifs se rencontrent.
Donc, pour ce qui est des résidus miniers, comme l'a
souligné à juste titre le critique de l'Opposition, 90 % des
résidus miniers se retrouvent en Abitibi. Nous avons pris un point de
départ des plus importants. Dans la Loi sur les mines, mon
collègue et moi nous sommes entendus pour inclure une disposition des
plus importantes afin que, maintenant, tous les propriétaires miniers et
toutes les compagnies minières soient obligés, avant de fermer
une mine, d'obtenir une autorisation, un certificat du ministre de
l'Environnement. C'est-à-dire que ces propriétaires,
contrairement au passé où tous les résidus miniers actuels
sont la conséquence de ce manque de politique, seront obligés
d'obtenir un certificat d'autorisation du ministre de l'Environnement, ce qui
fera que ces compagnies, ces propriétaires ne seront jamais
libérés de leur obligation de responsabilité face à
ces déchets miniers, à ces résidus miniers tant et aussi
longtemps qu'ils n'auront pas été libérés par le
ministre de l'Environnement. C'est quelque chose que les compagnies
minières elles-mêmes ne voulaient pas accepter, mais qu'on a
introduit dans la Loi sur les mines. Donc, on a introduit un pouvoir immense
donné au ministère de l'Environnement. (17 h 40)
Là, les collègues de l'Opposition pourraient dire: Ah!
Voilà encore quelque chose qui se trouve dans une loi qui n'est pas
à vous. Cela ne m'intéresse pas d'avoir toutes les choses dans
mes lois parce que j'ai envie de travailler de concert avec mes
collègues, parce que je ne peux pas tout faire, c'est impossible. Mais,
travaillant avec mes collègues qui comprennent avec moi, en les
convainquant, en essayant de travailler avec eux, en ayant leur apport, leur
compréhension dans la qualité de vie que représente la
protection de l'environnement, eux-mêmes vont travailler de façon
convaincue à établir des politiques ensemble par leurs lois, par
notre loi, qui vont arriver aux mêmes objectifs.
Donc, pour les déchets miniers résultant des
opérations minières actuelles, nous avons cette protection
essentielle. Qu'est-ce qui arrive des déchets miniers passés? Le
député de l'Opposition, le critique, a lui-même dit que
rien ne s'est fait jusqu'à présent au Québec. C'est vrai.
Mais nous avons commencé quelque chose. Ce n'est peut-être pas un
pas immense, mais c'est tout de même un grand pas en avant.
Au sommet socio-économique de l'Abitibi, nous avons voté
une somme de 250 000 $ pour une étude. On va dire: Oui, voilà
encore une autre étude. Mais ce n'est pas encore une autre étude.
C'est une étude qui, pour la première fois va définir,
identifier toute la caractérisation, la localisation de tous les sites
de déchets miniers en Abitibi, comme je le dis, qui représentent
90 % de tout ce qu'on a sur le territoire du Québec.
Lorsqu'on aura défini cela, lorsqu'on aura défini aussi,
au moyen de cette étude de 250 000 $, les impacts sur l'environnement
causés par les déchets miniers qui se trouvent sur le territoire,
à ce moment, nous allons commencer à agir de façon
prioritaire. Déjà, le groupe GL aide dans le ministère de
l'Environnement qui s'occupe de la détoxification des sites se penche
sur les sites les plus toxifiés. Ce ne sont pas tous les sites qui sont
déclarés toxiques mais il y en a certains qui sont toxiques, de
catégorie 1 surtout, et certains de catégorie 2, les plus
toxifiés, les plus à risques.
Donc, ces sites sont maintenant en priorité. Par une entente avec
le ministre des Mines, nous allons mettre de l'argent pour détoxifier
ces sites. Ce travail est commencé, surtout dans le cas des
résidus abandonnés par les anciens propriétaires, parce
qu'il n'y avait pas de protection antérieurement dans la loi, qui
maintenant se retrouvent dans les mains du gouvernement du Québec.
Alors, voici des choses positives que nous faisons par rapport aux
déchets miniers.
Donc, il y a un pas en avant qui se fait là. Lorsque j'entends le
député d'Ungava crier tellement fort que notre définition
ne se rencontre pas ou que la définition de la Loi sur les mines est
dépassée, c'est tout ce qu'il a à dire au lieu de parler
comme l'a fait le député de Terrebonne sur le problème
réel des déchets miniers, ce que nous allons faire avec. C'est
cela qui importe aux citoyens du Québec. C'est cela qui importe aux
citoyens de l'Abitibi. Ce n'est pas l'affaire des définitions entre une
loi et une autre. Ce n'est pas cela qui importe. Ce qui importe, ce sont les
résultats de nos actions, et c'est là qu'on va travailler. On
n'ira pas travailler dans des petites folichonneries pour savoir si les
définitions s'accordent ou non. On fera en sorte qu'elles s'accordent.
Pour cela, je peux vous donner mon engagement tout à fait formel.
Pour ce qui est des rives, là j'ai dit que, pour nous, c'est la
chose centrale dans ce projet de loi que le député de
Jonquière a appelé une une loi omnibus. J'ai servi cinq ans dans
l'Opposition. Je pourrais lui montrer certaines lois omnibus. Une loi omnibus
de seize articles. Quelle loi omnibus! Seize articles, quelques pages. Est-ce
qu'il aurait voulu qu'on ait quatre projets de loi pour les seize articles?
À ce moment-là, il serait venu me dire: Vous me faites venir
quatre fois ici, faire quatre discours en Chambre pour quatre petits articles.
Là, on en a mis seize ensemble. Ce n'est pas la fin du monde. Certains
sont des articles de concordance.
Mais j'ai situé deux points majeurs là-dedans. La
tarification des sites d'élimination de déchets, une question
technique, mais surtout la responsabilité pour la politique des rives.
Je vais m'attarder un peu là-dessus parce que les critiques de
l'Opposition ont dit: Ah! À un moment donné, vous imposez des
choses aux autres ministres, aux ministères, vous faites le policier,
comme ont dit les deux derniers orateurs. En même temps, on me dit vous
n'êtes pas assez ferme avec les autres ministres et ministères. Il
faut se brancher.
Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai été critique de
l'Opposition sur l'environnement lorsque les marais de Kamouraska ont
été remblayées. Je sais qu'il y en a certains, même
de notre côté, qui croyaient que c'était une bonne chose.
Je trouve qu'avant de remblayer un marais tellement précieux, qui
était un habitat de la faune particulièrement précieux
pour tout le Québec, pour toute l'Amérique du Nord, pour tout le
monde peut-être, pour les espèces qui gravitaient là et qui
naissaient là... Lorsqu'on a vu le débat sur les rapides de
Lachine où le gouvernement a travaillé sur le projet Archipel,
alors qu'il avait dépensé 50 000 000 $ et plus pour une
étude pour faire un projet hydroélectrique dans les rapides de
Lachine qui allait détruire cet écosystème précieux
entre tous dans la
région de Montréal, surtout dans les régions
urbaines.
Là j'ai vu l'impuissance du ministre de l'Environnement d'alors,
M. Léger et ensuite aussi M. Ouellette. Je n'ai jamais entendu ces deux
personnes défendre - malgré que je sois le seul à l'avoir
fait comme député de l'Opposition - les rapides de Lachine ou le
site de Kamouraska pour ne parler seulement que de ces deux-là. Je
pourrais parler du lac Saint-Pierre et je pourrais parler de toutes sortes de
choses. Aujourd'hui, nous venons, pour la première fois dans l'histoire
du Québec, consacrer, formellement, la responsabilité
entière dans une loi du Québec, le symbole même de
l'expression gouvernementale à son plus haut point.
La protection des rives du littoral des plaines inondables, ce n'est pas
peu de choses. On a dit: Ou bien d'un côté on me dit: Vous
n'êtes pas assez fort par rapport aux autres ministres. D'un autre
côté, le même parti me dit: Vous imposez trop, vous
êtes le policier. Quelle est la réponse? La réponse est
bien claire. Dans un article de loi, nous disons ceci: "La
responsabilité totale, intégrale, éventuelle et de
toujours, jusqu'à ce que cette loi soit changée - et
j'espère qu'elle ne sera jamais changée dans l'histoire du
Québec - de la protection des rives du littoral et des cours d'eau qui
assurent eux-mêmes la protection de nos eaux, la protection de tout notre
littoral dans tout le territoire, tout ce qui n'est pas déjà
bâti, tout ce qui n'a pas déjà été
saccagé à cause des fautes du passé. Malheureusement, on
ne peut pas revenir en arrière. Mais au moins, on peut protéger
pour les futures générations, on peut protéger l'avenir.
Pour la première fois on vient dire: C'est le ministre de
l'Environnement qui est responsable de cette politique. Quoi de plus clair!
Mais en même temps, nous convenons et nous disons - et là
quant à moi je m'en félicite, j'en suis très heureux:
Nous, au ministère de l'Environnement, on ne peut pas aller faire tout
et partout. On n'a pas les ressources. On ne voudrait même pas aller le
faire parce que, si on peut le faire mieux par le travail des autres, si on
peut faire mieux en nous appuyant sur les autres, si on peut faire mieux en
coopérant avec les autres, on multiplie et qu'il y a un effet
multiplicateur. C'est pourquoi dans la société il ne faut jamais
tout faire soi-même. Je ne suis pas le bon Dieu, je ne suis pas une
personne qui peut tout faire soi-même. Je préfère de
beaucoup travailler avec mes collègues, au lieu de travailler contre
eux, au lieu d'être toujours en bataille, ce qui s'est produit dans le
gouvernement antérieur où le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation était tellement puissant que les
autres ministres avaient peur de ce qu'il disait. On ne faisait pas de Loi sur
les pesticides parce qu'il n'en voulait pas dans le monde agricole.
On faisait le remblai de Kamouraska parce que le ministre de
l'Environnement ne pouvait pas s'imposer. On faisait le projet de Lachine, -
des rapides hydroélectriques parce qu'il ne pouvait pas s'imposer. On
faisait toutes sortes de choses. On ne faisait pas de projet de rives, parce
qu'on ne pouvait pas imposer cela au ministre de l'Agriculture. Sans doute
qu'il ne voulait pas. Là au contraire, je vais avoir le concours de mon
collègue qui va mettre de l'argent dans le programme Sol-Plus et autres
pour protéger, justement, les rives. Je sais qu'on commence avec trois
mètres, mais trois mètres, c'est déjà beaucoup. Les
agriculteurs eux trouvent cela immense. Ce sont des milliers et des milliers
d'acres et d'arpents qu'il faudra aller retrouver et redonner à la
protection des rives.
Là, nous essayons de convaincre tous ces intervenants en leur
disant: Si vous ne le faites pas, si vous ne protégez pas cette bande
essentielle au bord des cours d'eau, elle va disparaître de toute
façon parce qu'elle va partir à la rivière, comme cela
s'est fait durant les années de négligence.
Je suis fier et content que mon collègue des Forêts soit
venu parler ici. Au lieu de montrer que je suis plus faible, cela
démontre que nous travaillons ensemble, que l'objectif est le
même. Cela démontre aussi que le ministre de l'Environnement est
responsable de la politique et que les autres l'acceptent tout en travaillant
dans leurs domaines respectifs à promouvoir le même objectif.
Je voudrais, pendant les quelques minutes qui me restent, parler de
cette question qui est véhiculée dans le décor depuis
plusieurs mois déjà, parce que je pense que les gens qui le
disent commencent à réaliser que beaucoup de choses se font dans
l'environnement. Quelle est l'opposition que vous pouvez faire quand vous voyez
toutes sortes de choses se faire? À ce moment-là, il faut dire:
Bien lui, il ne se tient pas debout; il travaille à travers les autres
ministères; celui-là fait telle chose et celui-là telle
autre chose; l'environnement passe en second, comme ce qu'on a entendu de la
part des trois intervenants du milieu. Je dois dire en faveur du
député de Terrebonne, le critique de l'Opposition, qu'il le dit
de façon convaincue mais il le voit peut-être différemment
de moi.
C'est pourquoi je veux mettre l'accent sur les choses que nous avons
faites. Nous sommes une équipe de résultats. On ne se prend pas
au sérieux au Conseil des ministres ou dans le caucus libéral; on
n'a jamais voulu, chacun de nous, faire la vedette; je ne suis pas une vedette,
mon collègue ici n'est pas une vedette et mon collègue de
là n'est pas une vedette; chez mes collègues
députés, personne n'est vedette. On veut faire des choses.
Nous avons décidé que faire des choses ensemble, c'est beaucoup
plus facile que de faire des choses à l'encontre l'un de l'autre. Cela,
j'en suis convaincu et je me battrai pour cela pour toujours. Et je voudrais,
en toute conviction, dire à mes collègues de l'Opposition: Citez
quelque chose qui s'est fait dans le cadre du ministre de l'Environnement. Ses
ressources ne sont pas immenses. En fait, on dit toujours qu'il y a des
ressources bien manquantes dedans et je le conçois. Mais, en même
temps, il faut voir qu'il y a des problèmes partout, dans la
Santé et les Services sociaux, dans l'Éducation et ailleurs, mais
un jour viendra où on aura plus d'argent. (17 h 50)
En attendant, avec les moyens et les effectifs que nous avons, je
voudrais citer quelque chose que nous avons fait. Quand je suis arrivé
au ministère, dans le cas de la ville de La Salle, la grande question
des dépôts toxiques était restée en suspens. Pour
une raison ou une autre, il n'y avait pas de décret gouvernemental. Nous
avons fait signer ce décret-là tout de suite. On a mis de
l'argent. On a passé à travers le Conseil du trésor; j'ai
été m'y battre, le gouvernement m'a appuyé, l'affaire a
commencé, il y a eu une action. Cela a été la même
chose dans le cas de Rivière-des-Prairies où il y a eu un site
où il a fallu transiger. On a été chercher la compagnie
Esso, on a été chercher une compagnie à numéro; on
leur a fait mettre dedans 1 500 000 $; on s'est assis avec elles et elles ont
signé une entente avec nous. Je pourrais citer la loi sur les
non-fumeurs qui était restée sur les tablettes pendant des
années parce que le ministre de l'Environnement n'avait pas le courage
de le faire puisque ses collègues, et surtout le premier ministre,
étaient des gros fumeurs. Alors, cela n'arrivait jamais.
Nous aussi, nous avons beaucoup de fumeurs dans le caucus des
députés. J'ai été convaincre mes collègues
et ils ont accepté le bien-fondé d'une loi qui protège la
majorité des gens qui ne fument pas au Québec. On a eu la loi sur
les non-fumeurs. Cela s'est fait par le ministère de l'Environnement. Je
peux lui parler aussi de la politique des BPC, des deux dépôts de
BPC à Shawinigan et à Saint-Basile-le-Grand, pour laquelle je me
suis battu pendant des années quand j'étais critique de
l'Opposition. Rien ne s'est fait pendant des années. Depuis que nous
sommes arrivés, je pourrais vous dire, si j'avais le temps, toutes les
mesures qui ont été prises pour rectifier ces dépôts
inefficaces, pour être la première province du Canada, comme dans
le cas des non-fumeurs, soit dit en passant, à établir une
politique sur les BPC qui va nous donner dix ans pour l'élimination des
BPC. Je pourrais citer le cas de l'entente sur Noranda, l'entente sur les
pluies acides, les ententes industrielles avec Tioxide NL Chem et
récemment avec QIT Expro, le programme 3-R pour le recyclage dans les
écoles. Je pourrais citer le contrat de FAPEL, la première fois
que nous avons donné un contrat à un mouvement environnemental
pour faire des choses que le ministère faisait avant, coûtant
moins d'argent et mieux faites.
Je pourrais parler du programme des réserves écologiques
où nous allons créer 38 réserves écologiques quand
il y en a seulement 13. Dans trois ans, il y en aura 51. Déjà,
nous avons un programme pour en créer 12, autant qu'on en a
créé depuis 1974. Je pourrais citer le projet Saint-Laurent
où le premier ministre nous a appuyés. On est allé mettre
de l'argent tout de suite au Secrétariat à la valorisation du
Saint-Laurent. On a eu tout le monde industriel avec nous. On a tous les
ministres du gouvernement. Mon collègue des Transports m'a
prêté le Secrétariat à la valorisation du
Saint-Laurent pour faire ce travail. Enfin, je pourrais citer la Loi sur les
pesticides qu'on vient de débattre maintenant qui a été
sur les tablettes pendant des années et là, pour la
première fois, il y a une volonté gouvernementale.
Tout cela ne s'est pas fait par magie et cela ne s'est pas fait par des
faiblards. Cela s'est fait parce qu'on a une volonté, nous, de faire de
l'environnement au Québec et de faire valoir la qualité de la
vie. Le premier ministre y croit, tous mes collègues y croient, nous y
croyons tous. Je vais défendre à jamais cette politique qui va
faire que de plus en plus nous allons travailler en coopération. Nous
allons travailler non pas pour crier fort, nous allons travailler pour faire
des choses, pour obtenir des résultats parce que ce qui compte pour nous
avant tout, c'est la qualité de la vie de nos citoyens, surtout celle
des générations à venir. De cela, je suis convaincu
jusqu'à ma dernière goutte de sang. Je sais que mes
collègues partagent cette conviction au plus haut degré. C'est
pourquoi, je pense, nous commençons de plus en plus à travailler,
à réaliser des choses et, petit à petit, nous faisons des
pas en avant très significatifs. Merci.
Une voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de
l'Environnement. Le débat étant clos, est-ce que le principe du
projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur la qualité de
l'environnement, est adopté?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour que le
projet de loi 19 soit déféré à la commission de
l'aménagement et des équipements.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une voix: Adopté.
M. Blais: Adopté, mais j'aimerais, s'il vous plaît,
être sûr que le projet de loi 27 passera à la commission
avant le projet de loi 19.
La Vice-Présidente: M. le leader ajoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: J'ai des avis, Mme la Présidente, en ce sens.
J'avise cette Assemblée que ce soir, à compter de 20 heures
jusqu'à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la
commission de l'aménagement et des équipements procédera
à l'étude détaillée des projets de loi suivants et
ce, dans l'ordre ci-après indiqué: Projet de loi 27, Loi sur les
pesticides et le projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur la qualité
de l'environnement.
La Vice-Présidente: Est-ce que cela vous satisfait, M. le
député de Terrebonne?
M. Blais: Adopté.
La Vice-Présidente: Donc, il y a motion pour
déférer le projet de loi 19 à la commission de
l'aménagement et des équipements. Ceci étant
adopté, compte tenu de l'heure, nous allons donc suspendre les travaux
jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise à 20 h 6)
La Vice-Présidente: Vous pouvez vous asseoir. Nous allons
reprendre nos travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 9 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 23 Adoption du principe
Le Vice-Présidente: À l'article 9 de notre
feuilleton, le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet
de loi 23, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports.
M. le ministre des Transports.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Comme vous pouvez le
constater, Mme la Présidente, c'est un projet de loi qui reçoit
déjà l'assentiment de tous mes collègues ici
présents...
Une voix: Y compris l'Opposition.
M. Côté (Charlesbourg): ...y compris l'Opposition,
puisque c'est très manifestement un projet qui est attendu depuis
déjà fort longtemps.
Essentiellement, le projet de loi 23 vise à faire en sorte que
nous adoptions, sur le plan législatif, la clause 75-25 qui, depuis
déjà de nombreuses années, est revendiquée par tous
les artisans du Québec comme principe puisque, par la suite, personne ne
pourra plus contester cette clause 75-25.
Bien sûr, nous n'avons pas besoin de parler longuement du travail
de camionneur artisan, donc dans le domaine du vrac, pour se rendre compte que
cette industrie est partout dans le Québec et a un impact tout à
fait significatif dans l'ensemble des régions du Québec.
Puisque cette pratique se fait par territoire désigné, et
nous verrons tout à l'heure ce qui arrivera de l'autre partie,
puisqu'à partir du moment où nous aurons très clairement
défini et déterminé que la clause 75-25 fera partie de nos
lois, donc consignée dans une loi, nous verrons et je donnerai quelques
explications là-dessus, ce qui arrivera par la suite quant au reste de
la pratique de manière très brève puisque nos
consultations ne sont pas encore terminées.
D'abord, on peut se poser une question, et je veux l'éclaircir
dès le départ pour qu'il n'y ait pas d'équivoque.
Plusieurs députés ont reçu, à leur bureau de
comté, la visite de camionneurs artisans ou de leur représentant
de poste ou sous-poste disant craindre que, dans cette vague de
déréglementation, le vrac puisse être
déréglementé de manière totale laissant ainsi
à eux-mêmes les travailleurs artisans qui, depuis quelques
années, ont un travail protégé.
J'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants des postes,
des sous-postes de toute la province, des gens de l'ANCAI, il y a environ deux
mois et demi, et je leur ai fait part, à ce moment, qu'il n'était
pas dans l'intention du gouvernement de déréglementer le vrac,
mais qu'il était plutôt question de déréglementer le
transport des marchandises.
Il est donc très clair - et c'est de manière très
officielle, ce soir, puisque c'est par l'entremise de nos débats
télévisés - que le gouvernement n'a pas l'intention de
déréglementer le vrac. C'est clair. La plus belle preuve
en est que, si on déréglementait le vrac aujourd'hui ou dans deux
ou trois mois, on n'aurait pas besoin d'introduire devant cette
Assemblée le projet de loi 23 qui fera en sorte que l'on va faire une
loi de la clause 75-25. Donc, le règlement 12 continue d'exister, mais
il sera, au cours de l'été, nous l'espérons bien,
rajusté, remodelé, un peu dépoussiéré,
compte tenu d'une vaste consultation que nous menons maintenant qui a permis
à des hauts fonctionnaires du ministère d'aller rencontrer des
représentants des postes et des sous-postes partout au Québec et
de faire un inventaire de la situation - ce qui ne s'est jamais fait - des
quelque 10 000 détenteurs de permis de vrac au Québec et les 7000
titulaires de ces permis.
Cela veut dire que c'est une industrie qui, effectivement, est
très fortement entre les mains d'individus, de simples individus qui y
gagnent leur vie dans tout le Québec. Ce que nous menons comme
expérience actuellement, c'est la cueillette de toute une série
d'informations qui ont permis aux gens du ministère de rencontrer
quelque 264 intervenants dans une tournée partout au Québec. Aux
dernières nouvelles, au dernier rapport que j'ai eu, il ne restait
à rencontrer que les représentants de la Communauté
urbaine de Montréal et ceux de la Communauté urbaine de
Québec avant que cette tournée provinciale soit
terminée.
Parallèlement à cela, afin d'aller chercher le plus
d'informations possible et qu'elles soient le plus près possible de la
vérité, j'ai demandé au ministère de mener, par
l'entremise d'une maison professionnelle, des conversations
téléphoniques pour connaître les pratiques et les usages
des artisans dans tout le Québec, pour être capable de se faire un
portrait de l'ensemble de l'industrie de même que de l'artisan type, pour
être capable de connaître leur appréciation des postes, des
sous-postes, la manière dont cela fonctionne et pour faire en sorte,
aussi, qu'on connaisse mieux les retombées de cette pratique, où
elle se fait bien, où elle se fait moins bien, quels sont les bons
côtés, quels sont les mauvais côtés et ce que les
détenteurs de permis souhaitent comme réaménagement au
niveau du règlement numéro 12.
Ce ne sont donc pas 400 répondants, mais 2000 répondants
artisans qui ont été rejoints par téléphone et qui
ont effectivement répondu. Il a fallu interroger au-delà de 3000
personnes pour en trouver 2000 qui acceptent de répondre et de donner le
fruit de leur expérience et de leur vécu dans le domaine du vrac.
Cette partie est maintenant terminée; il reste au ministère
à faire l'analyse de l'ensemble de ces données et de
dégager un certain nombre de consensus et de correctifs à
apporter au règlement 12 de telle sorte que nous puissions très
prochainement rencontrer à nouveau les représentants des
intervenants, que ce soient les gens de l'ANCAI ou les gens représentant
les postes ou les sous-postes pour tenter d'en arriver à un terrain
d'entente en termes de pratique et faire en sorte que cette industrie soit bien
campée sous une nouvelle loi sur le plan législatif qui va faire
en sorte que la clause 75-25 ne soit plus contestable et que,
deuxièmement, la pratique en vertu du règlement 12 soit rajeunie,
modifiée, simplifiée et qu'il soit plus à l'écoute
de la réalité d'aujourd'hui que de celle d'hier. Dans ce sens,
c'est une démarche qui devrait aboutir le plus rapidement possible.
J'aurai, au cours de la semaine prochaine, des rencontres en particulier
avec les gens de l'ANCAI qui ont souhaité nous rencontrer parce qu'ils
vivent actuellement un certain nombre de problèmes au
SaguenayLac-Saint-Jean. J'ai eu l'occasion de discuter avec M. Morin, le
président de l'ANCAI, pour lui faire part qu'il y avait effectivement
des problèmes. Nous le savions mais il fallait faire ce qui n'avait
jamais été fait jusqu'ici, soit avoir entre les mains de vraies
données sur l'industrie, ce qu'elle est, sur sa pratique et faire en
sorte qu'on puisse discuter de certains accommodements et de certains
aménagements du règlement 12 qui satisfassent à la fois
les artisans eux-mêmes et aussi les entrepreneurs qui ont besoin
d'artisans. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas une harmonisation de
cette pratique en accord avec les utilisateurs et les artisans eux-mêmes,
on risque de toujours se retrouver avec des confrontations devant les tribunaux
qui, effectivement, ne mènent nulle part. On l'a vu dans le cas de la
clause 75-25 qui était incluse dans les devis, les appels d'offres et
les contrats du gouvernement et qui a été contestée par un
citoyen du comté de Joliette qui a vu son point de vue triompher devant
les tribunaux. Le ministère a dû faire appel de cette
décision, de ces trois décisions de trois différents juges
de la Cour supérieure pour faire en sorte qu'on puisse maintenir
l'équilibre social qui est très important et faire en sorte que
ces artisans, qui sont partout dans le Québec, ne voient pas arriver
chez eux des entrepreneurs qui pourraient amener avec eux des camions provenant
de Québec et de Montréal pour aller faire du travail en
Gaspésie, pour aller faire du travail sur la Côte-Nord, alors
qu'il y a là des artisans très équipés,
consciencieux, capables de faire ce travail, et c'est ce travail-là que
nous voulons protéger pour l'ensemble de cette industrie qui est
répartie partout dans le Québec.
Donc, ce projet de loi 23 a pour objet d'autoriser le ministère
des Transports à inclure dans les contrats donnés par
soumissions publiques pour des travaux de voirie une clause de
protection favorisant la participation des titulaires des permis de camionnage
en vrac. Ce projet de loi vise également à valider cette clause
de protection lorsque, par entente, une municipalité est maître
d'oeuvre des travaux effectués, des travaux de route. Si, par exemple,
le ministère des Transports signe un protocole d'entente sur la route
132, pour des travaux à être effectués par la
municipalité, par exemple par la ville de Grande-Rivière, ou par
la municipalité de Saint-Charles-Borromée, dans le comté
de Joliette - ce qui préoccupe aussi le député de Berthier
- il est clair que ce protocole d'entente qui pourra être signé,
qui a été signé et qui sera exécuté fera
l'objet de cette précaution, de ce projet de loi, et devra, par
conséquent, respecter la clause 75-25.
La petite histoire nous rappelle que trois jugements devant la Cour
supérieure ont fait en sorte que cette clause 75-25 qui avait
été incluse dans les contrats par l'ex-ministre des Transports
que j'ai eu le plaisir d'accueillir la semaine dernière à
l'Assemblée nationale, M. Lucien Lessard, qui, devant un blocus
systématique du Parlement de la part des artisans dans tout le
Québec... L'histoire nous rappelle que l'ANCAI, qui a été
fondée à la fin de 1969, a pris un pouvoir tout à fait
exceptionnel au cours des années soixante-dix et menant jusqu'en 1976.
L'ANCAI s'est donc retrouvée comme une association extrêmement
forte dans tout le Québec et c'est sous le régime ou le
règne de M. Lucien Lessard, ex-ministre des Transports, et devant le
blocage systématique de l'arrondissement du Parlement, devant des
négociations qui se sont déroulées au bureau du
ministère des Transports - je me demande même si le
député de Joliette n'était pas un de ceux qui ont
participé à cette négociation ardue - qu'on est venu
à la conclusion et à une entente qu'effectivement cette clause
75-25 serait incluse dans les contrats du ministère sans protection
législative, ce qui était probablement, à l'époque,
une décision fort sage qui s'inspirait du temps et qui, aujourd'hui,
doit être traduite sur le plan législatif pour la mettre à
l'abri de toute contestation sur le plan juridique.
Mais, ce qui est arrivé aussi, cela a été de
décider de créer des postes et sous-postes, ce qui a fait que le
pouvoir de l'ANCAI qui était très puissant auparavant s'en est
trouvé beaucoup affecté et que l'ANCAI s'est retrouvée
dans tout le Québec avec une représentativité beaucoup
plus faible, laissant aux postes et sous-postes beaucoup plus de pouvoir,
beaucoup plus d'autorité puisque ce sont eux qui donnent le travail, ce
sont les donneurs de travail, ce sont les répartiteurs de travail aux
différents camionneurs, ce qui fait en sorte que certaines questions se
posent sur certaines méthodes. Ce n'est pas
généralisé partout au Québec, mais une chose est
certaine, il y a quand même certaines critiques à l'égard
de ce système, que nous tenterons de réqler avec la consultation
que nous faisons et les amendements que nous apporterons au règlement
12.
Donc, ce sont trois jugements. Celui du 10 décembre 1979 du juge
Jean Moisan venait contester la validité de la clause 75-25; celui du 16
décembre 1981 du juge Denis Lévesque, même chose,
contestait; finalement, le dernier, du 11 juin 1986, du juge Jean-Claude Nolin,
a effectivement reconnu que le ministère des Transports ne pouvait pas
imposer, puisqu'il n'y avait pas d'assises légales quant à la
clause 75-25. (20 h 20)
Cette clause est extrêmement importante pour les camionneurs
artisans. C'est la survie des camionneurs artisans dans tout le Québec.
Les travaux touchés par cette clause représentent une importante
part du nombre d'heures travaillées annuellement. Nous aurions pu
continuer de contester, aller en appel des jugements prononcés, pour
ainsi perpétuer cette épée de Damoclès suspendue
au-dessus de la tête des camionneurs artisans. Nous avons donc choisi la
justice et l'équité. Nous avons choisi une solution durable en
faisant en sorte que cette clause, qui, aujourd'hui, est reconnue, soit
protégée par une loi, ce que nous faisons ce soir.
La loi vise aussi à s'assurer que les gens qui travaillent dans
cette industrie puissent récolter le fruit de leur travail.
Effectivement, il serait possiblement plus facile pour certains gros
entrepreneurs de transporter leurs camions et de faire leur propre travail sur
des chantiers dans des régions éloignées, là
où il y a effectivement de gros travaux, que de les confier à des
artisans. Mais il est bon de se rappeler que si des entrepreneurs ont eu cette
tendance au cours des dernières années, c'est qu'il n'a pas
toujours été facile pour les entrepreneurs de se faire respecter
par certains groupes d'artisans aussi. Et ça a brassé, il faut
bien se le dire, sur certains chantiers. Sur la 132, dans le comté de
Gaspé, ce qu'on appelait communément avant Gaspé-Nord,
ça s'est tabassé sur la gueule comme il faut - pour en avoir eu
des échos - et ça n'a pas toujours été du joli.
Dans ce sens, je pense que ce n'est pas le moyen de faire progresser de
manière harmonieuse l'application de cette clause 75-25. Le moyen, c'est
de le mettre dans une loi, comme nous faisons actuellement, et de faire en
sorte, qu'à la fois, entrepreneurs et artisans puissent se retrouver
éventuellement à une table où il y aura discussion quant
aux mécanismes de répartition du travail, quant aux
possibilités d'appel d'artisans et qui fera en sorte que la paix soit un
peu plus calme.
Je ne connais pas beaucoup d'entrepreneurs qui auraient avantage
à avoir dans leur cour des vingtaines, des cinquantaines de camions qui
coûtent extrêmement cher par rapport à des artisans qui sont
là et qui peuvent rendre le travail disponible dans la mesure où
ils ont un bon rendement. Le problème se pose si on paie à
forfait ou si on paie à l'heure. Le rendement est fort différent,
semble-t-il, dans la pratique. Ce sont des questions que nous nous devons de
nous poser. Nous nous les poserons effectivement à une table commune
lorsque les deux parties seront invitées à venir dialoguer et
nous ferons en sorte que leur différend, étalé sur la
table, puisse trouver des solutions applicables qui permettront que cette
industrie puisse pratiquer son métier de manière beaucoup plus
efficace et davantage respectée par les entrepreneurs.
Donc, il est clair que ce principe... Ce n'est jamais blanc ni noir,
d'un côté comme de l'autre. Ce que nous avons vu, c'est qu'il y a
des problèmes des deux côtés. Dans ce sens, notre objectif
à nous, mon rôle à moi comme ministre des Transports n'est
pas d'opposer les intervenants, mais davantage les asseoir à la table et
faire en sorte qu'on puisse s'entendre. Un geste aujourd'hui est posé
très clairement en faveur et pour les artisans du Québec dans le
sens de ce qui était réclamé depuis de nombreuses
années: la clause 75-25 inscrite dans un projet de loi sera chose faite
à compter des prochains jours et protégera leurs acquis. Bien
sûr, on pourrait aller plus avant et faire en sorte qu'on se rende
à la volonté que tous les travaux municipaux et tous les travaux
d'assainissement des eaux puissent être inclus dans la clause 75-25.
Ce que j'ai voulu faire par ce projet de loi, c'est d'abord s'assurer
que l'on conserve les acquis, la pratique d'aujourd'hui, et qu'on puisse, par
la suite, définir le mode d'exploitation, de telle sorte que l'on
puisse, éventuellement, examiner de plus près la
possibilité d'en ajouter. Mais, selon l'attitude que nous aurons et la
pratique que nous connaîtrons à partir du moment où nous
aurons revu et rajusté le règlement 12, à ce
moment-là, on pourra envisager d'autres ouvertures ou, du moins, je
pourrai envisager de parler à mon collègue des Affaires
municipales ou à celui de l'Environnement quant au prolongement possible
de l'application de cette clause 75-25.
Il est clair que le courtage et même le courtage - c'est cela dont
il faut se rendre compte - après avoir subi l'assaut quant à la
clause 75-25 qui a été reconnue comme non valide par trois juges,
le juge Barbeau, quant à lui, donnait raison à un plaignant qui
venait contester le courtage, les postes et les sous-postes; le juge Barbeau
lui a donné raison au mois de janvier.
Nous nous retrouvons donc devant à peu près la même
situation où nous sommes allés en appel et c'est clair: en appel,
le temps de régler les problèmes que nous devons régler au
chapitre des postes et sous-postes et du règlement 12 et de faire en
sorte que cette pratique soit réglementée de manière
convenable pour les utilisateurs et pour ceux qui en profitent.
Donc, Mme la Présidente, vous conviendrez avec moi que c'est un
geste extrêmement important qui est franchi ce soir par la proposition
à cette Assemblée d'adopter le principe, en deuxième
lecture, de reconnaître la clause 75-25 de manière
législative afin de la protéger dans le temps contre les
jugements qui lui seraient défavorables et faire en sorte que ces
artisans, partout dans le Québec, puissent bénéficier de
manière durable et équitable de cette partie de travaux qui, pour
75-25, leur accorde un minimum de base un peu partout au Québec et fait
en sorte que plus personne ne pourra le contester sur le plan juridique et que
plus personne, par conséquent, ne pourra le contester sur le plan de
l'application et que le ministère des Transports, quant à lui, de
même que les municipalités jouissant de protocoles d'entente avec
le ministère des Transports quant à des travaux à
être effectués sur le système routier, seront
obligés de le respecter.
C'est donc ce soir, effectivement, la victoire des artisans, la
victoire, dans un premier temps, de ceux qui gagnent leur vie avec un camion
dans tout le Québec et, il faut le dire aussi, de certaines autres
personnes qui ont un permis et un camion mais qui le font exploiter par
d'autres, et il y en a: un pompier, un professeur d'école, un avocat.
Certains avocats se sont spécialisés dans ce domaine bien
sûr, on n'en est pas dupe. Lorsqu'on pourra sortir avec le portrait de
l'industrie, globalement, on sera à même de constater un certain
nombre de choses qui jusqu'à maintenant n'étaient pas connues du
public ni même, j'imagine, de l'organisation des transporteurs artisans.
On pourra faire en sorte qu'on ait un véritable portrait de l'industrie
des artisans. La deuxième étape, celle qui suivra celle de ce
soir, sera définitivement le règlement 12 qui sera très
prochainement revu après une consultation très large, à la
fois des gens qui pratiquent ce métier et des gens qui utilisent ces
camionneurs artisans, tout cela chapeauté par les entrevues
téléphoniques auprès de 2000 artisans, qui fera en sorte
que nous aurons un portrait assez fidèle de ce qui se passe dans cette
industrie et des amendements souhaités et possibles en ce qui a trait au
règlement 12. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Transports.
Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Mme la Présidente, il faut constater que cette
industrie du camionnage en vrac, une industrie d'une importance majeure quand
on pense simplement que près de la moitié des entreprises de
transport public sont dans le vrac, est actuellement l'objet d'une incertitude
qui la mine assez profondément. Évidemment, plusieurs facteurs -
nous allons rapidement les examiner ce soir - créent cette situation
d'incertitude. L'un des facteurs importants est certainement le rôle
joué par les tribunaux dans l'invalidation des règlements.
Pensons entre autres à ces deux règlements stratégiques
qui fondaient l'industrie du camionnage en vrac, à savoir la directive
ministérielle concernant la clause 75-25 - on aura l'occasion d'y
revenir - de même que le règlement affectant les postes et les
sous-postes qui répartissent le travail dans le camionnage en vrac.
(20 h 30)
Je pense bien que c'est assez troublant de se rendre compte qu'à
chaque fin de session, nous sommes appelés ici à
l'Assemblée nationale à examiner des projets de loi qui
consistent à nous mettre à l'abri des jugements des tribunaux.
Moi, quand il y a quelques années maintenant j'ai fait mes études
de droit et obtenu ma licence de droit, je me rappelle que la formation qui
nous était donnée consistait à rechercher l'intention du
législateur pour être en mesure de défendre
adéquatement le client qu'on avait à représenter.
Maintenant, c'est le législateur qui cherche à se mettre à
l'abri, à se protéger de l'interprétation que les
tribunaux feront de ses intentions. C'est au point où des directives
ministérielles doivent être mises à l'abri dans des
règlements habilitants qui eux-mêmes doivent trouver protection
à l'intérieur de lois qui, elles-mêmes, doivent être
protégées par des clauses "nonobstant". Alors, c'est une sorte de
mouvement perpétuel, et je pense ne pas me tromper en constatant que,
depuis un an et demi, nous sommes, à chaque fin de session,
appelés à régulariser, par des projets de loi, des
directives, des règlements, des dispositions législatives qui
sont invalidés par les tribunaux.
En l'occurrence, ce soir, nous examinons le projet de loi 23 modifiant
la Loi sur le ministère des Transports qui comprend essentiellement
trois articles. Ces trois articles ont pour effet de reconduire une clause de
contrat, une clause dans les cahiers des charges et dans les devis des
soumissions publiques, clause qui constitue une condition pour obtenir un
contrat de voirie et qui prévoit que les entrepreneurs doivent donner
à contrat le transport, concrètement, du sel, de la terre, du
gravier, ce qu'on appelle les matières granuleuses, en haut de la ligne
d'infrastructure. Pour que les gens qui essaient de nous suivre ce soir nous
comprennent bien, c'est le transport du sel, le transport des matériaux
lors des travaux de voirie.
Depuis très longtemps, depuis au-delà de quinze ans,
depuis 1972, que cette directive ministérielle est appliquée dans
les soumissions publiques, qu'elle l'est de façon telle qu'elle
protège pas seulement les camionneurs artisans parce que, il faut
constater qu'après avoir été introduite en 1972 dans les
cahiers des charges du ministère des Transports, reconfirmée en
1975, en 1977, ce sont l'ensemble des camionneurs inscrits dans les postes et
sous-postes qui ont bénéficié de cette clause de
protection. Ce n'est pas qu'une clause en faveur des camionneurs artisans,
c'est une clause qui bénéficie à tous les camionneurs qui
ont un permis de transport en vrac, qui est réparti par les postes de
courtage, les postes et les sous-postes où il n'est pas
nécessaire d'être membre de l'association des camionneurs artisans
pour en bénéficier.
Mme la Présidente, c'est donc une pratique qui est maintenant en
vigueur depuis plus d'une décennie et qui a été
invalidée, notamment, par une décision d'un juge de la Cour
supérieure de Joliette en juin dernier. Les motifs sont, je pense,
à rappeler parce que nous les retrouvons de plus en plus dans les
décisions qui rendent nulles et illégales des dispositions de nos
règlements. Cette directive ministérielle, dans les cahiers des
charges, serait illégale pour le motif qu'il n'y aurait pas d'assise
dans les règlements ou dans les lois habilitantes, qu'il n'y aurait pas
d'assise puisqu'il s'agirait là d'une clause exorbitante qui donnerait
un pouvoir exorbitant, un pouvoir qui violerait la libre concurrence, un
pouvoir qui serait une entrave sérieuse au libre jeu de la concurrence,
pouvoir qui doit être légalisé dans des dispositions, nous
disent les savants juges, de règlements elles-mêmes
habilitées par des lois.
C'est d'une certaine façon ce qu'on peut appeler des politiques
préférentielles. Tout ce qui est préférence, que ce
soit en matière de transport ou dans bien d'autres domaines de
l'activité économique ou autre, on retrouve de plus en plus
l'invalidation, que ce soit de clauses de préférence d'embauche,
de préférence d'emploi, quels qu'en soient les motifs. C'est donc
maintenant une sorte d'obsession que nous avons dans cette Assemblée de
nous protéger contre l'invalidation de nos propres lois, de nos propres
règlements et de ce que nous considérons être les
orientations que nous prenons pour en faire bénéficier certains
groupes dans la société.
Nous nous trouvons devant ce projet de loi, lequel va donner une assise
à la clause
de répartition du camionnage, du transport des matériaux,
la clause 75-25. La question qu'il faut se poser, c'est: Qui va
répartir? qui sera le donneur d'ouvrage, compte tenu que les postes et
les sous-postes au Québec -70 sous-postes au Québec, cinq postes
régionaux - avaient ce mandat de répartition, ou plutôt six
postes régionaux - qui avaient la responsabilité en vertu d'un
règlement dûment adopté, se sont vus écartés
par un autre jugement de cour pour le motif que, là encore, cela
contrevenait au libre jeu de la concurrence?
Il faut reconnaître que les savants juges sont certainement
beaucoup plus restrictifs dans l'interprétation des droits collectifs
qu'ils ne le sont dans l'interprétation des droits individuels. Je
souhaite que ce soit certainement une crainte qui anime le présent
gouvernement en d'autres domaines, y compris en matière
constitutionnelle où on a vu également, très
récemment, qu'il y avait, là aussi, matière à
grande sagesse, compte tenu des interprétations que les tribunaux
pouvaient faire des intentions que les législateurs expriment.
C'est donc une industrie qui est minée par l'incertitude, qui
l'était et qui attendait avec impatience le dépôt de ce
projet de loi qui est venu en cette Chambre le 8 avril dernier. Le ministre des
Transports avait informé l'industrie, en septembre 1986, qu'il entendait
régulariser la situation lors d'une rencontre qui a eu lieu, à la
suite de sa présence remarquée, au congrès annuel de
l'Association nationale des camionneurs artisans indépendants à
Jonquière l'an dernier. C'est donc depuis septembre dernier
qu'était attendue cette clause de régularisation.
Il faut constater que cela ne vient pas entièrement, comme je
vous le signalais tantôt, régler la situation puisque le ministre
nous annonce que, l'automne prochain, nous aurons à examiner l'ensemble
de la réglementation concernant les postes et sous-postes qui
répartissent et qui affectent la distribution du travail dans le
camionnage en vrac. Nous souhaitons que soient connues les intentions du
législateur en cette matière. Quand je vous disais que
l'incertitude mine en grande partie cette industrie qui, pourtant, a bien
d'autres problèmes et n'avait pas besoin de ces nouveaux
problèmes. Elle n'est pas troublée que par des jugements de cour,
elle l'est aussi par une sorte de contradiction qui vient des intentions en
matière de déréglementation. (20 h 40)
Le ministre des Transports a répété à
quelques reprises qu'il n'était pas dans son intention de
déréglementer le camionnage en vrac. Je pense qu'il vient de nous
le répéter dans son discours de deuxième lecture il y a
quelques minutes. Par contre, son collègue responsable de la
Déréglementation avait lui-même signé un rapport qui
ne semble pas avoir été totalement écarté et qui
invitait le gouvernement à déclarer son intention de
réaliser une déréglementation totale du camionnage en vrac
en matière de permis et de tarifs. Je parle évidemment du rapport
Scowen, du nom de son auteur chargé de la déréglementation
et adjoint du premier ministre. Il invitait également son gouvernement
à éliminer, au plus tard le 1er janvier 1988, le monopole de
courtage réservé aux postes et sous-postes, de façon,
disait-il, que les camionneurs aient le choix de contracter librement avec les
demandeurs de services.
Le ministre des Transports nous dit ne pas avoir l'intention de
déréglementer en matière de vrac mais, nous a-t-il dit
plus exactement, il a l'intention de réajuster. Alors, il faudrait
savoir - et je pense que l'industrie est certainement soucieuse de le savoir -
ce qu'entend le ministre par "réajuster" le camionnage en vrac
plutôt que de le "déréglementer". Entend-il
définitivement écarter les recommandations qui lui venaient de
son collègue responsable de la Déréglementation? Quelles
sont les suites qu'il entend donner à la consultation qu'il a fait
effectuer dans l'industrie? Je pense que nous ne pouvons pas être
entièrement satisfaits des réponses que le ministre a
apportées ce soir à cette question. Il nous a simplement dit
qu'il avait l'intention de le faire, mais il n'a aucunement indiqué en
quel sens il entendait le faire. Il y a donc des jugements de cour, il y a plus
ou moins l'ombre d'une déréglementation sauvage qui plane sur
l'industrie malgré les propos rassurants du ministre des Transports,
mais il y a également tout le problème de la
responsabilité de la Commission des transports du Québec.
Nous aurons l'occasion, nous a dit le ministre des Transports,
d'examiner en commission parlementaire l'automne prochain, cette
responsabilité qui incombe à la Commission des transports pour
rafraîchir l'ensemble de son mandat. Il faut reconnaître
qu'actuellement, en matière de tarifs, c'est certainement une situation
sans précédent. Tous les observateurs de cette industrie,
l'ensemble des partenaires de cette industrie reconnaissent qu'au chapitre des
taux, c'est une sorte de farce assez coûteuse présentement,
puisque la loi exige toujours que les tarifs soient déposés et
respectés. Tous les observateurs savent qu'ils sont toujours
déposés mais jamais respectés et même, ils ne sont
pas consultés dans bien des cas. Tout cela se fait au vu et au su de
l'ensemble de l'industrie. 11 y a donc matière à intervenir
rapidement dans ce domaine, parce que, évidemment, tout cela se fait, il
faut bien le constater, souvent au détriment de l'entretien des
véhicules et avec des
heures de travail accrues, en supposant qu'il y a des surcharges. Le
ministre sait très bien qu'il y a encore de façon
fréquente des surcharges et je pense qu'il entend, d'ailleurs,
intervenir l'automne prochain sur cette question.
Nous souhaitons qu'il le fasse rapidement de façon que les
personnes qui contreviennent, qui violent la loi ne puissent plus le faire
impunément et que l'ensemble de l'industrie soit soutenu dans l'effort
qu'il fait pour que la réglementation soit respectée. Nous
souhaitons... Nous l'avons fait savoir au ministre, d'ailleurs, qui nous a dit
avoir examiné la question et avoir l'intention de
légiférer de façon que la charge des véhicules
lourds soit à la fois sous la responsabilité des transporteurs et
de l'expéditeur. Nous pensons que cette responsabilité
partagée des infractions serait certainement un moyen efficace de faire
respecter la réglementation en matière de charge. Il y a des
coûts pour cette violation systématique, des coûts qui sont
payés par l'ensemble de la société, des coûts de
routes prématurément usées, des coûts en
matière d'accidents et des séquelles des accidents, des
coûts sociaux qui sont importants. Il est certainement important que,
présentement, l'ensemble des intervenants dans l'industrie connaissent
les intentions gouvernementales en cette matière afin de renforcer le
désir déjà manifesté dans l'industrie de civiliser
cette question et de régulariser la question des charges et des poids.
Donc, nécessité d'une intervention en cette matière de
façon à permettre que les milliers de personnes qui travaillent
dans l'industrie... On parle d'au-delà de quelque 7700 emplois. C'est
donc là une industrie majeure.
Il faut reconnaître que cette industrie a connu des soubresauts
importants. Si le revenu par jour de travail a augmenté, il faut
reconnaître qu'il y a eu une baisse considérable du nombre de
jours travaillés. En l'espace de quelque cinq années, c'est
près de la moitié du nombre de jours travaillés par
année qu'ont connue les camionneurs artisans malgré une hausse
des revenus par jour, ce qui n'augmente pas substantiellement, en fin de
compte, leur revenu annuel.
C'est donc un coup de barre qu'il nous faut donner. Ce projet de loi
devant nous n'est, d'une certaine façon, qu'une amorce puisque c'est
là la reconduction d'une clause qui était déjà en
vigueur et qui va continuer à s'appliquer. Il faut reconnaître que
l'industrie ne gagne rien particulièrement ce soir. Elle gagne de ne pas
perdre ce qu'elle avait déjà obtenu et elle est inquiète
en ce qui concerne certainement la distribution du travail parce qu'il n'y a
pas encore nettement d'annoncé le maintien des postes et des
sous-postes. Il faut reconnaître que cette industrie a besoin
présentement d'être rassurée de façon à
pouvoir, notamment, continuer d'investir dans l'entretien du matériel
qui, le ministre le sait, se fait assez vétuste présentement et
qui a besoin de remplacement.
Nous entendons, et nous l'avons fait savoir, soutenir ce projet de loi
en deuxième lecture et en assurer l'adoption rapidement de façon
à agir le plus rapidement possible pour régulariser la situation.
Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Maisonneuve.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Mme la Présidente, pour bien comprendre le
projet de loi qui est devant cette Assemblée, il faut tout d'abord
tracer un portrait de l'industrie du camionnage en vrac pour savoir exactement
de quoi il s'agit.
J'aimerais vous rappeler, Mme la Présidente, au cas où
vous ne l'auriez pas immédiatement à l'idée, que
l'industrie québécoise du camionnage en vrac compte aujourd'hui
près de 7700 personnes qui exploitent environ 10 700 permis. Si on
considère le chiffre de 50 000 $ comme étant la valeur moyenne
d'un camion - il y en a dont la valeur peut atteindre 100 000 $, comme vous le
savez, à l'état neuf - on obtient, pour les investissements des
équipements dans cette industrie, un ordre de grandeur d'environ 500 000
000 $, soit un demi-milliard de dollars. Ce secteur d'activité est
relié directement à tous les grands travaux de construction et de
développement dans toutes les régions du Québec. Il est
également un élément déterminant dans
l'exploitation de nos richesses forestières qui, comme vous le savez,
est l'industrie la plus importante au Québec. (20 h 50)
Sur les quelque 10 700 permis qui sont délivrés par la
Commission des transports du Québec, environ 10 000, soit la très
grande majorité, oeuvrent dans le secteur du camionnage à benne
basculante pour le transport du sable, de la terre, du gravier et de la pierre,
de la neige, des glaces, du béton bitumineux, de la tourbe à
gazon, du sel, des engrais et des fertilisants.
Il reste donc environ 700 permis qui travaillent dans les secteurs du
transport des copeaux de bois, des sciures et des planures, du bois en longueur
ainsi que du bois de construction. Tous les permis de vrac sont
distribués dans toutes les régions du Québec. Par exemple,
on en trouve 2143 dans la région 06 situés autour de
Montréal et Laval, 1848 dans la région de Québec et
seulement 333 dans la région de la Côte-Nord, région
qui compte le moins de permis et qui n'en est pas moins importante sur
le plan économique au Québec.
Au cours des années, le secteur d'activité du camionnage
en vrac s'est doté d'un encadrement réglementaire
détaillé et unique en Amérique du Nord. Au Québec,
pour effectuer du transport en vrac pour le compte d'autrui, il faut
détenir un permis délivré par la Commission des transports
du Québec. Ce permis donne le droit de n'exploiter qu'un seul camion. Il
n'est valable que dans la région mentionnée dans le permis. Le
gouvernement applique une politique de gel des permis depuis 1977. Cette
politique, liée à une surveillance étroite des permis en
exploitation par la Commission des transports, a entraîné depuis
dix ans une diminution de 2200 permis.
Pour aller travailler de façon temporaire dans une autre
région que la sienne, un camionneur doit obtenir, de la Commission des
transports, un permis spécial ou additif. Pour changer de région
de façon permanente, le camionneur n'a d'autre choix que de vendre son
camion dans sa région et d'en acheter un autre dans la nouvelle
région où il veut s'installer. Le permis ne donne droit de
transporter que les matières qui sont énumérées
dans ce permis. Il est interdit à un détenteur de permis de
détenir un autre type de permis de transport. Les taux et les tarifs,
sauf exception, sont fixés par la Commission des transports du
Québec. Le ministre en a dit quelques mots tout à l'heure.
Une structure de postes et de sous-postes d'affectation a
été créée, chacun jouissant d'un monopole dans le
secteur du courtage à l'intérieur de zones ou d'une région
déterminée. On dénombre actuellement 4200 permis VR
à l'intérieur de cette structure de postes et de sous-postes.
Finalement, le ministère des Transports, dans sa pratique
administrative, applique une politique favorisant l'octroi des activités
de transport dans des contrats de voirie à des détenteurs de
permis VR, membres des sous-postes et des postes d'affectation.
Voilà, Mme la Présidente, l'essentiel de la
réglementation mise en place au cours des années et un bref
portrait de cette industrie. Cette réglementation a certainement
été au cours des années un élément important
de stabilité dans l'industrie, ce qui n'implique pas qu'elle a
réussi à résoudre tous les problèmes. Tout d'abord,
il reste un problème d'application. À titre d'exemple, la
Commission des transports du Québec n'a procédé, depuis
1982, à aucune fixation des taux et permis dans le secteur du transport
forestier à cause des difficultés intrinsèques au
processus et des conditions particulières de ce secteur.
Il faut aussi reconnaître, même si cette
réglementation est protectionniste, qu'elle n'a pas réussi
à assurer la prospérité à tous les camionneurs si
on se fie au peu de jours travaillés par année pour un certain
nombre d'entre eux. C'est une chose bien connue.
Il y a finalement des groupes importants de la société, y
compris des groupes de camionneurs, qui contestent en tout ou en partie les
règles de jeu appliquées dans le secteur du camionnage en vrac.
Certains voudraient des modifications allant au renforcement de la
réglementation, comme l'accroissement de l'autorité des postes
sur les sous-postes, l'application d'une formule Rand aux postes et
sous-postes, l'élargissement de la notion de courtage, etc.,
jusqu'à la déréglementation complète -il y en a qui
le souhaitent et qui le disent -du secteur, comme cela existe dans presque
toutes les provinces canadiennes.
Finalement, d'autres voient des incompatibilités fondamentales
entre notre réglementation et les principes généralement
reconnus par la société qui les incitent à recourir aux
tribunaux pour faire valider leur point de vue.
C'est ainsi, Mme la Présidente, et le ministre y faisait allusion
de même que Mme la députée de Maisonneuve, qu'il y a au
moins sept jugements de cour importants qui remettent en cause et qui nous
obligent aujourd'hui à légiférer la pratique
administrative du ministère ainsi que la réglementation qui en
découle en ce qui concerne le camionnage en vrac.
Tout d'abord, Mme la Présidente, dès le 10 décembre
1979 à Sept-Îles, un juge de la Cour supérieure, le juge
Jean Moisan, dans la cause Achille Houde contre la ville de Sept-îles, a
annulé la résolution de la ville selon laquelle elle s'engageait
à respecter la clause 75-25 à l'occasion des contrats de
transport. Cela a été suivi en décembre 1981 à
Joliette d'un autre jugement du juge Denis Lévesque, de la Cour
supérieure toujours, qui, dans une cause qui opposait un citoyen
à la ville de Joliette, annulait aussi la résolution de la ville
au même effet que pour Sept-îles. Le 11 juin 1986 il y a eu la
cause à laquelle le ministre faisait allusion tout à l'heure
où le juge Nolin déclarait illégale et de nul effet la
clause 75-25 chaque fois qu'elle était introduite par le ministre des
Transports dans les cahiers des charges et les devis généraux du
ministère à l'égard des travaux de voirie faits par une
entreprise. Le 20 mai 1986, le juge Alice Desjardins de la Cour
supérieure, dans la cause de Transportbec Inc. contre le Procureur
général du Québec qui déclarait invalide l'article
48.1 du règlement sur le camionnage en vrac qui restreint les permis de
courtage aux seules corporations sans but lucratif ou associations
coopératives. Le 16 décembre 1986, les juges de la Cour d'appel
Dubé, Paré et Nichols, dans la cause Charles-Henri Fortier contre
Serge Lafleur,
cassait la décision de la Commission des transports à
savoir que M. Fortier n'avait pas agi en qualité de courtier et annulait
la suspension du permis prononcée par la commission.
Finalement, un dernier jugement le 28 janvier 1987, par le juge Alphonse
Barbeau de la Cour supérieure dans la cause Poste de courtage
Montréal-Laval et le Procureur général du Québec
contre les Transports Laguerre et autres et la ville de Montréal,
invalidait la section 4 du règlement sur le camionnage en vrac traitant
du courtage en transport adopté sous l'autorité de la Loi des
transports. Comme on le voit, Mme la Présidente, la situation est
devenue sérieuse et, vous pouvez me croire, ce n'est pas le gouvernement
qui a provoqué cette situation, d'aucune façon. Chaque fois que
le gouvernement a pu le faire, les substituts du Procureur
général du Québec ont toujours été
présents en cour pour défendre la réglementation sur le
camionnage en vrac chaque fois qu'elle a été attaquée.
Il faut que ce soit bien clair et qu'on sache que le gouvernement a
toujours fait ce qu'il devait pour défendre la validité de la
réglementation. Les arguments et les principes en cause pour justifier
les jugements des juges sont nombreux. Ils ne peuvent être rejetés
du simple revers de la main. Il y en a de nombreux et je vais en
énumérer quelques-uns rapidement. Il y a, tout d'abord, la Loi
sur les cités et villes en matière de travaux publics qui
n'autorise pas les pouvoirs publics à imposer une clause 75-25 dans
l'exécution d'un contrat obtenu à la suite d'un appel d'offres et
de soumissions. Première raison.
Les juges ont aussi envisagé le fait que la clause 75-25
violerait le principe de la libre concurrence en matière de soumission
publique. Ils ont aussi étudié l'impact de la clause 75-25
à savoir qu'elle n'avait pas d'assises légales et qu'elle
était exclusivement d'utilité administrative puisque non
appuyée sur une base législative, à proprement parler. Les
juges ont déclaré qu'une ville ne serait pas liée par la
structure des postes et sous-postes lorsqu'elle procède par appel
d'offres et par contrat. Ils ont aussi établi que l'activité de
courtage n'engloberait pas celle du mandataire prévue à l'article
1715 du Code civil. Les juges ont aussi établi, ce qui est
déjà bien connu, que le pouvoir de réglementer n'inclut
pas le pouvoir de prohiber.
Ils ont aussi établi que le règlement modifiait les lois
existantes touchant les sociétés civiles ou commerciales et sur
le droit de s'associer librement entre elles. Il y a aussi le fait que la ville
de Montréal se retrouverait en contradiction avec sa charte qui l'oblige
à aller en soumissions publiques pour adjuger les contrats au plus bas
soumissionnaire. Dans la recherche d'une solution à tous ces
problèmes, Mme la Présidente, il est important de faire,
dès le départ, quelques constatations. Tout d'abord, à ces
problèmes, il semble bien qu'il n'existe pas une solution unique et
globale. Il semble plutôt qu'il faudrait y apporter plusieurs
éléments de solution chacun permettant d'améliorer la
solution sur un point particulier.
La pleine collaboration de tous les intervenants semble indispensable
pour l'application de ces éléments de solution: du gouvernement
bien sûr, c'est entendu, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui en
Chambre - mais, également des camionneurs, des administrateurs de leurs
associations, des entrepreneurs ainsi que des divers requérants de
services. Les seules mesures législatives réglementaires ne
pourront pas régler le problème. On ne peut pas tout faire par
les lois. On ne peut pas décréter par des lois, la
prospérité. On ne peut pas déclarer que des gens vont
vivre d'une façon honorable, mais on peut tout simplement mettre en
place les éléments qui vont favoriser cette situation.
Il faut s'assurer que, dès son adoption, la loi ne soit pas
déboutée, en tout ou en partie, par des jugements de cour comme
cela a été le cas précédemment. Les citoyens, c'est
entendu, ont le droit de contester les lois qu'ils considèrent ultra
vires, qu'ils considèrent anticonstitutionnelles et qu'ils
considèrent ne pas avoir été adoptées selon les
règles en application. Parfois ils réussissent devant les
tribunaux, M. le Président, et c'est à ce moment que le
législateur doit intervenir.
Enfin, il va falloir que les camionneurs en vrac, à l'instar de
leurs confrères du camionnage général, se donnent
davantage une approche de marketing de leurs services. La règle d'or du
succès, là-dedans comme dans d'autre chose, dans cette
activité commerciale a toujours été et restera celle de la
qualité de services à des prix concurrentiels et raisonnables.
Tout d'abord, le gouvernement a décidé d'aller en appel des
jugements. Je l'ai mentionné tout à l'heure, du jugement Nolin,
en particulier, qui rendait illégalle et nulle d'effet la clause 75-25.
Ceci a permis au ministre des Transports de continuer à appliquer la
clause 75-25 comme il le faisait avant ce jugement. (21 heures)
En second lieu, le gouvernement a également décidé
de porter en appel le jugement du juge Barbeau qui invalidait la section du
règlement sur le camionnage en vrac traitant du courtage en transport.
Et surtout - c'est ce que nous faisons ce soir -le ministre des Transports, tel
qu'il l'avait annoncé précédemment, présente
à cette Assemblée nationale le projet de loi 23 qui a pour objet
d'autoriser le ministre des Transports à inclure dans les contrats qui
sont adjugés après demande de soumissions
publiques pour la réalisation de travaux de voirie, une clause de
protection favorisant la participation des titulaires de permis de camionnage
en vrac à la réalisation des contrats. Ce projet de loi vise
également à valider cette clause de protection lorsque, par
entente entre le ministre des Transports et une municipalité, cette
dernière, agissant pour le compte du ministre des Transports, inclut
cette clause dans les contrats de la municipalité. Ces actions
permettront, pour le moment, de parer aux principaux inconvénients
causés par les jugements.
Notre objectif fondamental demeure et a toujours été
d'apporter une solution durable permettant d'améliorer la situation
générale dans le secteur du camionnage en vrac et de fournir
à ceux qui y oeuvrent des conditions de prospérité qui
leur permettront de récolter le fruit légitime de leurs efforts
et de leur travail. Cette solution, le gouvernement ne la possède pas
dans ses tiroirs. C'est pourquoi le ministre des Transports - il l'indiquait
tout à l'heure - a décidé de mener une vaste campagne de
consultation auprès des principaux intervenants de ce secteur
d'activité, autant les transporteurs que les requérants de
services. Cette consultation comprend deux volets: une tournée
provinciale dans toutes les régions du Québec et un sondage
téléphonique auprès des détenteurs de permis. La
tournée provinciale, qui s'est effectuée pendant cinq semaines et
qui vient de se terminer, a permis de rencontrer dans les dix régions du
Québec des représentants des postes, des sous-postes, des
entrepreneurs, des représentants municipaux ainsi que certains autres
groupes intéressés ou concernés par le camionnage en vrac.
L'objectif principal de ces rencontres était avant tout d'écouter
ce que les principaux intéressés avaient à dire.
Au moment où je vous parle, un bilan global n'est pas encore
effectué. Je peux néanmoins vous dire que l'expérience a
été enrichissante et que, dans l'avenir, les rencontres comme
celles-là devraient se répéter d'une façon plus
régulière. Il y a aussi un sondage téléphonique,
comme on l'indiquait tout à l'heure, qui a été mené
auprès de 2000 détenteurs de permis pour savoir exactement ce qui
se passe. Dans ces circonstances, je veux vous assurer, Mme la
Présidente, que les actions que nous posons aujourd'hui dans cette
Assemblée sont de nature à stabiliser la situation dans le
domaine du camionnage en vrac; ce n'est pas la solution totale, finale et
globale, c'est cependant un pas qu'il nous fallait franchir. Et, dans les
circonstances, je veux ajouter mes félicitations à celles de la
plupart des intervenants au ministre des Transports pour avoir eu le courage
politique de poser ce geste dès maintenant. On peut assurer les
transporteurs en vrac que d'autres gestes seront posés en temps utile de
façon qu'ils puissent continuer d'exercer leur métier, leur
profession, d'y trouver les bénéfices auxquels ils ont droit et
qu'en même temps la société puisse assurer les services
dont elle a besoin au meilleur coût possible.
Mme la Présidente, il me fait plaisir de vous annoncer ce que
vous saviez déjà, bien sûr, c'est que j'appuie sans
réserve le projet de loi 23 et qu'il me fera plaisir de voter pour ce
projet de loi, tout comme l'Opposition a annoncé qu'elle le ferait.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Louis-Hébert. M. le député de Joliette et leader de
l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Vous me
permettrez, dans un premier temps, de confirmer ce que le ministre des
Transports disait dans son allocution, à savoir que le
député de Joliette était des négociations lors du
fameux rassemblement des camionneurs à Québec. Je me souviens des
amendements au règlement 11, comme on l'appelait à
l'époque; ils avaient fait en sorte que, pour un certain temps en tout
cas, nous avions eu une paix relative dans le domaine du camionnage.
Il est évident que le geste que pose le ministre ce soir, en
donnant une assise légale à la suite de la contestation devant
les tribunaux, vient au moins rassurer les gens sur une portion de travail qui
leur était dévolue dans les travaux routiers et je dois vous
avouer que, dans certaines régions du Québec, c'est avec un
soupir de soulagement à la suite des constatations juridiques. Je pense
que l'on viendra rassurer les camionneurs artisans qui, entre vous et moi,
depuis quelques années, n'ont pas été gâtés.
Ce sont des gens qui, bien souvent l'hiver, font du déneigement; et, mis
à part l'hiver dernier, je vous avoue qu'au cours des deux ou trois
dernières saisons, ceux-ci n'ont pas eu des revenus faramineux dans le
déneigement, ils ne se fiaient que sur le système routier.
Ici, je dois dire que, depuis deux budgets, ce n'est pas le ministre des
Transports qui les gâtés non plus. Je comprends que ce n'est pas
de sa faute, que c'est sans doute dû à ceux qui préparent
les budgets. Quand on se rend compte que dans le budget de 1987-1988 il manque
encore 90 000 000 $ pour atteindre l'équivalent des budgets de 1985-1986
et même de 1984-1985, et en argent constant ou pour avoir les mêmes
sommes pour faire les mêmes travaux, cela lui prendrait 150 000 000 $
cette année pour correspondre à la dernière année
du budget du gouvernement qui a précédé le gouvernement
actuel, Mme la Présidente. Donc, c'est bien évident qu'ils ne
sont pas gâtés. Je pense que le ministre ce
soir amène un certain baume sur la plaie de ces camionneurs
artisans qui, depuis deux ou trois ans, ont souffert passablement.
Cela dit, le ministre reconnaît lui-même qu'il ne
règle pas l'ensemble du problème mais qu'il vient régler
le champ de travail. Ce soir, il y a des gens sans doute, même dans ma
circonscription électorale, qui ne seront pas tellement heureux, c'est
évident, parce que le fait de décider qu'il y a une portion qui
ira aux artisans, cela enlève à certaines compagnies le soin ou
le fait de prendre la totalité de leurs camions dans une autre compagnie
mais dont ils sont titulaires également. Ce n'est sûrement pas
intéressant pour eux. D'autre part, dans une société,
c'est cela le rôle du politique, c'est de procéder à un
partage, et comme formation politique nous, on a dit: oui, on est d'accord avec
ce partage. En particulier, ce n'est pas seulement pour ma région, c'est
même en dehors de ma région. Dans plusieurs régions, si on
ne leur avait pas accordé cette clause 75-25 je vous avoue qu'il n'y
aurait pas eu grand artisans.
C'est grâce aux travaux routiers dans certaines régions
qu'on réussit à faire travailler le camionnage. C'est grâce
aux travaux routiers et avec, bien sûr, des petits emplois secondaires ou
occasionnels qu'on réussit à vivre du camionnage. C'est
évident que dans des régions comme la Gaspésie, comme
l'Abitibi, c'est indispensable d'avoir de ces travaux routiers et d'en avoir en
abondance pour essayer de faire un salaire minimum décent. Il faut
s'imaginer aujourd'hui, le coût de remboursement, quand on achète
un camion, on ne joue pas dans les 5000 $ ou 10 000 $. On ne joue pas dans les
20 000 $ l'équivalent d'une automobile aujourd'hui. C'est 70 000 $, 80
000 $ ou 90 000 $. Cela fait des remboursements mensuels extrêmement
élevés pour ceux qui vivent de ce secteur industriel. Je vous
avoue qu'ils ont besoin, bien sûr, de travaux et de travaux d'envergure.
Ils ont besoin de ces 25 %, cette portion qui leur est réservée
pour boucler le budget, faire les paiements et faire vivre leurs familles.
Donc, du côté de l'Opposition, cela s'inscrit exactement
dans la ligne qu'on a toujours préconisée. Nous avions introduit
cela dans un règlement, n'ayant pas d'assise juridique à
l'époque parce que ce n'était pas contesté et
c'était accepté, mais depuis les contestations juridiques on n'a
pas le choix. Cela arrive dans plusieurs lois. Beaucoup de gouvernements
commencent par des réglementations pour se rendre compte par la suite
que certains utilisent des cours civiles, contestent, décrètent
à toutes fins utiles par des jugements et la jurisprudence que c'est
illégal. Il faut leur donner une assise juridique. Cela a
été le cas énormément de fois au ministère
de la Santé où on a dû ratifier par la suite par des
amendements législatifs, apporter des assises juridiques à de la
réglementation parce que certains centres hospitaliers, à
l'époque, contestaient la réglementation du ministère. Il
a fallu se donner une assise juridique par une loi pour se donner une force ou
une validité au règlement. On retrouve cela dans plusieurs
secteurs. Je pense qu'aujourd'hui, c'est bienvenu. Je souhaite au ministre
qu'il se tienne debout non seulement pour la clause 75-25 mais pour
régler la partie onéreuse qu'il reste à régler,
tous les postes de péage et les sous-postes. Je suis persuadé que
le ministre, à la suite de la consultation qu'il mène, saura
également amener quelque chose de positif pour ce secteur. C'est tout de
même au-delà de 4500 individus. Je pense que c'est important que
le ministre... On sait qu'il y a 7000 individus, donc c'est encore plus que je
pensais, c'est beaucoup dans une société, 7000 personnes. Donc,
à ce moment, je suis convaincu que le ministre saura se tenir debout
pour régler l'autre partie du dossier qu'il reste à
régler. Je pense que c'est important, Mme la Présidente. (21 h
10)
En plus de lui souhaiter cette fermeté, je voudrais
également lui souhaiter plus de compréhension de la part de ses
collègues, le ministre des Finances et le ministre du Conseil du
trésor. Parce que le ministre a dit que le développement
économique régional, dont il est aussi titulaire comme ministre
responsable du Développement régional, il sait très bien
que, dans certaines régions, tous les travaux routiers constituent un
apport important au développement régional. Je ne dis pas que
c'est le seul apport, mais c'est un apport important dans le
développement régional.
Avec un manque à gagner de 89 000 000 $ en argent pour atteindre
le budget et de 150 000 000 $ en argent constant pour atteindre le budget de la
dernière année du gouvernement qui l'a
précédé, je voudrais lui souhaiter de jouer pleinement son
rôle de ministre responsable du Développement régional et
souhaiter que ses collègues montrent beaucoup de compréhension en
ce qui concerne ce dossier. Je suis convaincu qu'il serait le premier à
se réjouir dans cette Chambre s'il obtenait l'équivalent en
argent constant que le précédent gouvernement avait pour le
développement routier, l'entretien routier, etc.
Mme la Présidente, oui, l'Opposition va voter pour ce projet de
loi qui légalise, qui donne une assise légale à une
réglementation qui existe déjà depuis plusieurs
années, mais qui avait été contestée. À ceux
qui auraient peut-être de la difficulté à avaler ce projet
de loi, je leur demande un peu de compréhension parce que, dans notre
société, tant qu'on a permis à des gens d'aller chercher
des acquis, il est tout à fait normal
qu'on se préoccupe qu'ils les conservent. D'autant plus que ces
gens sont inquiets depuis une bonne année. Avec toute la
déréglementation qu'on avait annoncée dans le rapport
Scowen, il y a plusieurs camionneurs artisans qui pensaient qu'on n'aurait plus
place au soleil, que ce serait exclusivement les multinationales ou les
très grosses compagnies qui réussiraient à faire du
camionnage en vrac et qu'on prendrait des moyens pour les éteindre un
à un.
C'est un pas, je ne dis pas que c'est encore acquis, mais au moins en
leur assurant, par la clause 75-25, cette part du gâteau de 25 %, je
pense que le ministre, pour être cohérent maintenant, après
leur avoir reconnu ce champ de travail, cet apport qu'ils peuvent aller
chercher, va leur donner cette sécurité qu'ils exigent
maintenant, le droit d'exister en ne déréglementant pas au point
où les compagnies pourront faire affaire exclusivement avec les grosses
et où les artisans crèveront.
Je pense que, si on donne aux artisans un champ de 25 % qu'ils peuvent
accaparer, il faut leur donner la chance, maintenant, véritablement
d'exister, de continuer à se battre et à travailler dans leur
champ de travail, et faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de travail pour
eux.
Donc, l'Opposition va se joindre à cette législation. Mme
la Présidente, nous allons voter pour. Comme c'est un projet de loi
où il y a très peu d'articles, à toutes fins utiles, parce
que ce n'est qu'une assise juridique. Nous avons toutes les chances possibles
de voir son adoption avant la fin de la session qui est le 19 juin. Je vous
remercie, Mme la Présidente.
Le Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Joliette et leader de l'Opposition. M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Mme la Présidente, je voudrais prendre
quelques minutes pour joindre ma modeste voix à ce projet de loi 23 qui
modifie la Loi sur le ministère des Transports. Je pense que cela a
été dit, ce n'est pas parce que le projet de loi est d'envergure,
sûrement pas par le nombre d'articles que c'est un projet de loi majeur,
important. On est habitué à cela avec ce gouvernement d'avoir des
législations plutôt minces, sauf que, dans le présent
contexte, c'est une loi majeure, importante, compte tenu du sujet
traité.
Compte tenu de l'importance du sujet traité, je pense que tout le
monde va convenir que ce projet de loi a son importance pour plusieurs raisons.
Il a son importance d'abord pour sécuriser un groupe de citoyens dans la
société, compte tenu des habitudes, compte tenu du passé,
compte tenu de toutes sortes de dispositions réglementaires ou autres,
en leur garantissant un minimum parce qu'il s'agit bien d'un minimum de
travail. Et, en conséquence, laisser planer le doute pour ce qui est de
la non-garantie que ces gens puissent avoir un minimum annuel de travaux,
c'était quelque chose qui ne pouvait pas durer. Et je pense que le
ministre avait raison d'assumer ses responsabilités et de consacrer, une
fois pour toute, un principe qui, somme toute, puisqu'on a souvent l'habitude
de mentionner qu'au Québec ou ailleurs ce qui fait véritablement
les lois, au-delà de la loi, c'est souvent ce qu'on appelle les us et
coutumes, les habitudes...
Cela fait au moins une vingtaine d'années qu'au Québec on
a consacré le principe que puisqu'il existe une industrie du vrac, qui
est de plus en plus importante, qui est de plus en plus significative pour
l'économie du Québec et qui s'inscrit très bien dans les
principes économiques d'un Québec déconcentré,
décentralisé, et qui permet que des régionaux puissent,
eux aussi, avoir un minimum de garanties contractuelles. Je pense qu'on n'a pas
à prendre des heures pour démontrer l'importance de l'industrie
du vrac, au sens général du terme. C'est une industrie qui a des
retombées économiques importantes, des retombées
économiques régionales et qui permet à des
régionaux de pouvoir gaqner leur vie un peu plus près de leur
milieu familial. En conséquence, il est important de reconnaître
l'inquiétude qui existait et de faire ce qui est prévu au projet
de loi 23. Comme je l'ai mentionné tantôt, il s'agit d'une toute
petite disposition, mais qui est importante, étant donné le sujet
traité, et qui dit: Dorénavant, le ministre des Transports pourra
inclure, "dans les contrats qui sont adjugés après demande de
soumissions publiques pour la réalisation de travaux de voirie, une
clause de protection -les mots disent bien ce qu'ils veulent dire -favorisant
la participation des titulaires de permis de camionnage en vrac à la
réalisation du contrat". "Ce projet de loi vise également
à valider cette clause de protection lorsque, par entente entre le
ministre des Transports et une municipalité, cette dernière
agissant pour le compte du ministre des Transports, inclut cette clause dans
les contrats de la municipalité". C'est une disposition extensive qui
permet également à des municipalités qui voudraient bien
se prévaloir de cette disposition de pouvoir, elles aussi, comme
municipalités, confier des contrats et choisir l'industrie du camionnage
en vrac tout en respectant la disposition qui est actuellement suivie par le
ministère des Transports.
Je ne veux pas être très long là-dessus parce que
cela a été mentionné, quoi qu'il y a des gens qui
s'adaptent plus, un peu... Les
chiffres sont parfois un peu dépassés. Parler d'un camion
à 50 000 $, 60 000 $, je pense que c'est rêver; ce n'est pas cela,
le coût d'un camion. Il n'y a plus grand-chose en bas de 100 000 $ pour
un camion moderne, 1987-1988. En conséquence, ces gens ont à
supporter des investissements majeurs. Quand on lit, entre autres - je pense
que le ministère des Transports est très au courant de cela, et
le ministre également - dans quelque revue qui a vraiment fait des
analyses sur la situation réelle des camionneurs en vrac, que, tout
compte fait, la base de travaux, en moyenne, se situe entre 35, 40 ou 50 jours
et, les bonnes années de contrat, c'est 80 jours de travaux sur une base
annuelle...
Quand on a à supporter des investissements d'une aussi grande
importance que ceux que je viens d'évoquer et qu'on dit, selon les
statistiques... Demandez aux responsables de la répartition de travail
dans les postes et sous-postes de transport de vrac, ils vous diront qu'ils
refilent, bon an mal an, à peine 50 à 80 jours de travail
à chacun des camionneurs cotisants. Comme je vous l'ai dit, ces gens ont
à supporter des investissements pendant toute l'année, ça
leur prenait donc un minimum de garanties. Je sais bien que mon
collègue, le député de Joliette, mentionnait tantôt
que, dans son coin, il semble qu'il y a eu un bon hiver. Les gens ont
été obligés de se "garrocher" sur le déneignement.
Prenez un cas comme la région de l'Abitibi où, l'an dernier, on
n'a pas eu d'été - pas au sens de la température,
même si c'est vrai; mais au sens contractuel - il y a eu tellement peu de
contrats du ministère des Transports pour ces gens qu'ils ont à
peine travaillé, pour ne pas dire autre chose, et on n'a pas eu de neige
l'hiver dernier. Imaginez, ils ne pouvaient pas se "garrocher" sur le
déneigement. Quand tu ne travailles pas l'été et que tu ne
travailles pas l'hiver, tu es inquiet avec raison surtout quand tu vois, dans
la cour, un investissement de 85 000 $, 90 000 $, 100 000 $ et que tu ne peux
pas envisager de faire face à tes paiements.
Il ne faut pas oublier que souvent, ces artisans sont des artisans de
carrière. Dans bien des cas, c'est un permis, pas nécessairement
de père en fils, mais pas loin comme mentalité. Très vite,
les jeunes ont été initiés à la conduite de ces
camions lourds; ils ont l'expertise; il y a des entreprises familiales qui ont
toujours été dans le domaine du camionnage et il y a plusieurs
jeunes qui veulent continuer cette industrie, pour autant qu'il y ait du
travail.
Je pense que ce que mon collègue, le député de
Joliette, a relaté tantôt est important, il l'a dit, on est
d'accord là-dessus. Il n'y aura pas de longue chinoiserie, on est
d'accord pour ce projet de loi puisque c'est la pratique qu'on a vécue
pendant toute notre administration. Sans avoir participé aux
négociations comme telles, pour avoir passé presque deux nuits
sans sommeil - je ne conterai pas toutes mes péripéties - lors de
la fameuse manifestation à l'été 1977, j'ai
été pris très près du blocage de la
Grande-Allée parce que j'y avais un appartement. J'ai dû composer
avec les circonstances et même échanger des propos avec les
camionneurs artisans. Je pense qu'on a pris nos responsabilités en
disant: On ne peut pas ne pas tenir compte de l'historique. Je pense que c'est
important de prendre quelques minutes pour revenir là-dessus. (21 h
20)
Quand on a créé la commission Lippé pour
étudier le problème du transport en vrac au Québec, la
vingtaine de recommandations tournaient toujours à peu près
à la même chose. Il y avait 20 recommandations, mais quel
était l'objectif fondamental de la commission Lippé?
C'était de dire: II faut réduire l'offre de camionnage, c'est
important car l'offre est trop élevée par rapport à la
demande. Deuxièmement, il faut stabiliser davantaqe la demande. Il me
semble que c'est une référence importante. Stabiliser la demande,
cela veut dire sécuriser des êtres humains, des investissements,
des familles, l'avenir. Il n'y a pas beaucoup d'êtres humains qui ne
souhaitent pas travailler dans des conditions un peu plus sécurisantes.
En ce sens, je pense que le rapport Lippé frappait juste. On mentionnait
aussi: "encadrer le fonctionnement et la surveillance du secteur", et cela
était également une recommandation importante. Ce dont je vous
parle, c'était en août 1965; il y aura donc bientôt 22 ans.
Cela veut dire que, déjà, on avait le souci de réglementer
ce secteur. Déjà, on avait la compréhension de
l'importance de ce secteur et c'est pourquoi je ne pouvais pas accepter entre
autres la recommandation du rapport Scowen.
Je suis heureux, aujourd'hui, de voir une espèce d'anicroche.
Nous, on aurait préféré quelque chose de vraiment plus
fort comme gouvernement, pas sous cet aspect, mais comme gouvernement, dire
carrément qu'il y a des aberrations dans le rapport Scowen et il me
semble que le ministre des Transports, aujourd'hui, fait la preuve qu'il est
d'accord avec notre thèse qu'il y a des choses qui n'ont pas de bon
sens. Le rapport Scowen disait et je le cite: "Abolition totale de la
réglementation des tarifs dans l'industrie du transport en vrac au plus
tard le 1er janvier 1988". Je ne pense pas que ce soit vers cela qu'on s'en
aille. Heureusement! en tout cas, en ce qui me concerne. "Estimation du
monopole de courtage réservé aux postes et sous-postes de
façon que les camionneurs aient le choix de contracter librement avec
les demandeurs de services au plus tard le 1er janvier 1988." Comme si
c'était simple de dire des choses, comme si c'était simple
d'écrire un rapport indépendamment de ce que j'appelle une
réalité observable, une réalité historique dans
laquelle les régions sont inscrites. Les régions du Québec
sont inscrites dans une tout autre réalité. Cela faisait un peu
irresponsable de sentir que des membres du gouvernement puissent énoncer
des choses aussi déconnectées de la réalité
vécue, de la réalité sentie.
Lorsque le rapport a été publié, j'en ai
jasé avec des camionneurs qui sont venus me voir à mon bureau et
qui étaient drôlement inquiets, et avec raison. Je n'étais
pas en mesure de les sécuriser compte tenu de la tendance de ce
gouvernement de rapetisser l'État québécois, d'en faire un
petit État le plus possible et le moins interventionniste, comme si
c'était une réalité à laquelle on était
confronté. Ce n'est pas cela, la réalité à laquelle
nous sommes confrontés. La réalité à laquelle nous
sommes confrontés quotidiennement, c'est: Oui, n'importe quel citoyen
contribuable a besoin d'un État qui balise, un État qui
sécurise, un État qui protège et un État qui
intervient bien sûr à la bonne place, mais pas abusivement. Il me
semble qu'on le démontre tous les jours. Il n'y a pas de journée
en commission parlementaire ou en Chambre où on ne fait pas la
démonstration que l'État a sa place, l'État est
nécessaire, l'État doit se responsabiliser et assumer ses
responsabilités. "Préparation d'analyses et d'études
nécessaires à l'élaboration d'une stratégie de
dérégle-mentaiton dans ce secteur." Ce n'est pas ce que le
ministre nous annonce aujourd'hui. Le ministre ne nous dit pas qu'il est en
train de concocter une stratégie de déréglementation. Il
dit: Non, je veux sécuriser ce monde-là parce que, entre-temps,
il y a des jugements de cour qui ont été rendus qui font que ces
gens-là sont dans l'insécurité totale et ils ont
été obligés d'être un peu agressifs, avec
raison.
Qu'est-ce qu'on lisait depuis quelques mois? Front commun des
camionneurs québécois. Ils voulaient voir le ministre - pas juste
à la télévision - ils voulaient le rencontrer, lui parler,
parce qu'il avait dit de belles choses, ce ministre, quand il est allé
les rencontrer à Jonquière. Si j'avais le temps, je pourrais en
faire l'historique. Comme il y avait de l'ouverture dans les propos qu'il a
eus: Ma politique à moi, c'est une politique d'ouverture. L'industrie
chez nous, c'est ce qu'il y a de plus précieux et vous êtes des
participants à cette industrie; donc, on va vous aider. On va avoir une
relation étroite qui ne vise pas autre chose que d'améliorer
votre sort et qui ne vise pas ma gloriole politique. Dans la mesure où
vous êtes la majorité, c'est clair qu'on va se parler. On pourra
se parler par les voies normales, etc. Il y avait pour trois ou quatre pages
d'énoncés comme ceux-là, très intéressants.
Cela a pris du temps. Les camionneurs ont dû dire: Nous, les postes
d'affectation, on croit à cela; la clause 75-25, parce que c'est l'objet
essentiel du projet de loi, on y tient parce qu'elle nous a permis au moins
d'avoir un petit peu de sécurité, et ainsi de suite. Les
camionneurs artisans menacent. Un ultimatum poli pour le ministre des
Transports. Je m'arrête là, mais, aujourd'hui, on a à
discuter d'un projet de loi qui confirme que le ministre des Transports, je
pense, a saisi l'importance et a compris l'importance de sécuriser le
secteur du vrac et de permettre que des individus qui ont investi beaucoup
puissent avoir un minimum de protection.
Contrairement à ce que je voulais mentionner dans le rapport
Scowen, je pense que les gens ont compris que ce n'est pas Scowen et ce n'est
pas l'équipe libérale qui a inventé ce que j'appellerais
nos habitudes québécoises de déréglementation,
pardon, la réglementation dans le domaine du transport. J'aurais pu vous
en parler pendant des heures. Imaginez que cela a commencé en 1929, des
dispositifs réglementaires dans le secteur du vrac. Je n'étais
pas vieux, en 1929, moi. Je veux bien croire qu'il y avait une méchante
crise, paraît-il, mais au-delà de cela, Mme la Présidente,
c'est plus pour illustrer que c'était fondamental. Je vous ai
cité tantôt le rapport Lippé, 1971, 1972, 1973 et, enfin,
en 1977, le MTQ veut transférer certains pouvoirs détenus par
l'ANCAI aux postes d'affectation. Malgré une importante manifestation,
le règlement est adopté et prévoit la disparition de la
distinction entre les camionneurs artisans et les camionneurs entrepreneurs. La
création d'un poste d'affectation unique dans chaque région
éliminera la nécessité de faire partie de l'ANCAI pour
être membre du poste, gel de l'émission de nouveaux permis. En
avril 1978, il y a eu l'adoption du fameux règlement 112, et ainsi de
suite.
Je veux simplement illustrer, Mme la Présidente, que nous, comme
gouvernement, avons consacré administrativement la formule de la clause
75-25 pour s'assurer que les camionneurs artisans puissent avoir un minimum de
protection. Comme ma collègue, la critique de l'Opposition en cette
matière, la députée de Maisonneuve, l'a dit d'une
façon on ne peut plus claire, c'est clair que l'Opposition sera en
complet accord avec le projet de loi, mais elle est obligée de
manifester ce que la critique a manifesté. Ce n'est sûrement qu'un
premier pas parce qu'il y a tout l'autre volet qu'on ne peut pas laisser en pan
pendant des mois. Sécuriser ces gens-là sur les contrats avec la
clause 75-25, c'est une chose, mais il va falloir bientôt se parler de ce
qui arrive avec les postes et les sous-postes d'affectation. Le ministre des
Transports, tantôt, a dit:
Écoutez, j'ai mené une vaste consultation; ces
gens-là m'ont donné des informations; ces gens-là m'ont
parlé. Je suis convaincu qu'ils lui ont parlé de la
nécessité de raffermir, à savoir si, oui ou non, on
maintient cette structure de postes d'affectation et de sous-postes, avec des
responsabilités définies, avec une espèce de guichet
unique sur le plan contractuel. Il me semble que ce volet n'est pas tellement
présent dans la disposition du projet de loi 23. On ne fait que
régulariser la nécessité, cependant, d'avoir une assise
juridique pour quelque chose qui s'appliquait dans le temps.
En conclusion, je vais souhaiter que le ministre des Transports retienne
deux choses importantes. Premièrement, il a fait un bout de chemin
nécessaire, requis. On est d'accord avec lui. Il en reste un autre
important à faire sur toute la question des sous-postes et des postes
d'affectation. Mais le plus fondamental demeurera toujours que le ministre des
Transports doit toujours être très préoccupé,
très vigilant pour que des contrats, il y en ait, et pour que ces
contrats débutent le plus tôt possible. Écoutez, on est
rendu au milieu de juin. Encore, vendredi dernier, je faisais un peu de bureau
compte tenu de la fin de session et que c'est difficile parce que les heures
sont longues ici, et il y a des gens qui sont venus me voir et m'ont dit:
Écoutez, quand, pensez-vous, va-t-on être informés des
différents contrats du ministère? Je suis obligé de dire,
d'abord, que, cette année encore, on va devoir souffrir pas mal des
vaches maigres s'il n'y a pas de corrections importantes. (21 h 30)
J'espère que le ministre va tenir compte de certains
échanges que j'ai eus avec lui. Au-delà de cela, il reste qu'on
est rendu au milieu de juin et on n'a aucune espèce d'indication quand
les contrats vont sortir. Les travailleurs camionneurs artisans ont vécu
un hiver comme je le décrivais tantôt où à partir du
milieu de février, on n'avait plus de neige. Cela fait quatre mois
qu'ils sont dans l'attente, dans l'expectative. Ces gens-là veulent
travailler. Ils veulent effectuer leurs paiements. Ils veulent pouvoir dire:
Oui, je suis en mesure de sauver mon camion, de le conserver. Cela fait des
mois que le gérant de banque ou le gérant de caisse est
après eux pour qu'ils effectuent les paiements. Pour ce faire, ils vont
devoir travailler rapidement. J'espère que le ministre des Transports va
tenir compte de nos revendications pour que les contrats sortent le plus
rapidement possible, qu'il y ait un volume de contrats important et qu'il
tienne compte que son travail n'est pas terminé comme ministre des
Transports même si, aujourd'hui, il vient de poser un geste correct, un
geste que nous soulignons avec énormément d'intérêt
pour la cause du vrac qui est une cause importante et surtout pour les
intéressés, les camionneurs artisans. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le ministre
des Transports pour l'exercice de son droit de réplique.
M. Marc-Yvan Côté
(réplique)
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
suis extrêmement heureux que l'Assemblée puisse se prononcer de
manière unanime pour l'adoption d'un projet de loi qui le sera ce soir
mais qui aurait pu l'être avant, il faut bien l'admettre.
Le gouvernement précédent, comme nous plus tôt, nous
aurions pu faire en sorte que ce 75-25 soit avant ce soir confirmé sur
le plan législatif, ce qui aurait éliminé un certain
nombre d'incertitudes qui ont été évoquées par les
représentants de l'Opposition. Mme la députée de
Maisonneuve faisait état, dans son propos, de trois principales
incertitudes qui faisaient en sorte que l'industrie avait certaines
inquiétudes, à juste titre. Premièrement, les tribunaux.
L'interprétation que faisaient les tribunaux de certains
règlements et de certaines clauses, finalement, faisait en sorte que des
artisans se retrouvaient un peu le bec à l'eau devant certains jugements
d'avocats, puisque, pour être juge, il faut être avocat. Je suis
pleinement convaincu que Mme la députée de Maisonneuve sait ce
que cela veut dire. Aussi, il faut presque être aujourd'hui un avocat sur
le plan législatif pour être capable de comprendre cet ensemble de
lois et de règlements qui sont, bien sûr, notre manne presque
quotidienne, nos moments où nous adoptons ces lois et ces
règlements.
Bien sûr, les tribunaux ont jugé au meilleur de leur
connaissance, j'imagine, mais force nous est d'admettre que, dans le domaine
des transports, il n'y a pas beaucoup de juges spécialisés. On en
a des preuves chaque jour. Ce que l'on peut au moins souhaiter pour le futur,
c'est qu'il y ait une certaine spécialisation d'un certain nombre de
juges qui seraient capables de comprendre certaines législations et
certaines réglementations faites par nos contentieux et
différents avocats de transport qui feraient en sorte qu'on puisse
finalement se comprendre un de ces jours, et que l'interprétation que
les tribunaux veuillent bien donner de certaines lois et certains
règlements puisse correspondre à la volonté du
législateur qui, lui, l'a fait à l'époque.
Nul doute dans notre esprit qu'au moment où le règlement
sur 75-25 a été adopté et appliqué aux
différents contrats, on voulait effectivement protéger ces
artisans, leur donner un minimum de travail, donc possible, et c'était
là la volonté du
législateur qui, M. le Président, qui êtes
vous-même avocat, a été interprété de
manière différente par les tribunaux. Je pense que la
règle dans notre société fait en sorte que nous devons
respecter ces jugements, sinon il n'y a plus d'équilibre chez nous.
Donc, cette première incertitude est réglée par le
projet de loi 23 qui fait en sorte que nous aurons maintenant des assises
légales. L'Opposition nous a rendu hommage pour l'avoir fait. Merci.
Merci, et c'est un engagement respecté. Pas un engagement pris en
septembre 1986, un engagement pris le 25. février 1987 au moment
où j'ai rencontré à mon cabinet les représentants
de l'ANCAI, des représentants des postes et des représentants des
sous-postes. Donc, le gouvernement livre.
Deuxième incertitude, la déréglementation et le
rapport Scowen. Le rapport Scowen a le mérite de poser un certain nombre
de questions, de poser un certain nombre d'hypothèses, et c'est par la
suite au gouvernement de décider ce que, lui, il a comme vision de
l'avenir et ce qu'il décide de conserver ou de rejeter. Dans ce cas-ci,
il n'y a plus d'inquiétude. On peut aller sortir le rapport, le
véhiculer, l'expédier à tous les artisans du
Québec, leur dire que l'inquiétude est encore possible,
malgré le fait que ce soir nous allons adopter le principe de la loi 23,
principe consacrant, sur le plan législatif, la clause 75-25. Il est
clair et très clair - je l'ai dit à Jonquière, je l'ai dit
le 25 février lorsque j'ai rencontré des gens de l'Abitibi, les
gens de la Gaspésie, de la Côte-Nord, de la région de
Québec, du sud de Montréal, du nord de Montréal, de
Montréal et les représentants de l'ANCAI. Pourquoi je l'ai
fait?
Pourquoi ai-je réuni tout ce monde dans une même
pièce? Parce qu'ils se chicanaient entre eux. Il faut le dire aussi.
Parce qu'ils tiraient la couverte chacun de leur côté: Postes
contre sous-postes. Les gens de l'ANCAI contestant la répartition du
travail donné et l'effritement de leur pouvoir sur le plan historique
à la suite de la décision que vous aviez prise en 1977
d'affaiblir l'ANCAI au profit des postes et sous-postes. Ça aussi c'est
une vérité qu'il faut dire et avec laquelle nous devons vivre
aujourd'hui. Et aujourd'hui, on arrive et on dit: Le ministre a agi devant les
menaces parce que les artisans ou les gens du vrac menaçaient de faire
des manifestations. La vérité a tout de même ses
droits.
Oui, effectivement, à Jonquière, je suis allé les
rencontrer. Vous avez bien dit, M. le député d'Abitibi-Ouest, que
je leur ai parlé de politique d'ouverture. C'est vrai vis-à-vis
de l'ANCAI qui avait été oubliée par votre gouvernement.
Il ne faut pas l'oublier ça. Oui. Ce que j'avais dit, vous avez eu
l'honnêteté de le répéter ce soir. Dans la mesure
où vous représentez la majorité, la démonstration
n'a pas été faite que l'ANCAI représentait la
majorité. Ce que cela a permis de faire au cours de l'hiver, c'est que
l'ANCAI s'est secouée, l'ANCAI est retournée à la barre, a
mobilisé du monde, et a fait en sorte qu'ils ont maintenant plus de
demandes qu'ils en avaient sans nécessairement avoir la majorité.
Cela est clair.
Si mon attitude a au moins provoqué cela, j'en suis fort heureux
pour l'ANCAI. Alors que vous les avez démobilisés, je les ai
mobilisés. Dans ce sens, nous le verrons très prochainement
lorsque nous aborderons l'autre phase, celle de savoir qui représente
qui. Cela est extrêmement important. Je ne veux pas ici minimiser
l'importance de l'ANCAI. Au contraire. S'il y a aujourd'hui des artisans dans
tout le Québec, c'est dû à l'ANCAI et au rôle de
l'ANCAI qui est dans tout le Québec et dans toutes les régions du
Québec. Cela est clair. Cela remonte à 1969, donc, bien avant les
postes et bien avant les sous-postes. Dans ce sens, j'ai été
très clair, extrêmement clair. Aussi clair, dans la
déréglementation, que je le suis dans la clause 75-25.
Si c'est vrai aujourd'hui que, sur le plan législatif, nous
confirmons le principe de la clause 75-25, mes paroles quant à la
non-déréglementation du vrac sont aussi vraies que le projet de
loi qui est déposé aujourd'hui. Donc, sur deux points où
vous parliez d'incertitude, deux sont réglés en termes de
déréglementation. Ce dont il faut maintenant parler, c'est de
l'avenir. Vous aviez raison d'évoquer certaines incertitudes quant
à l'avenir, je pense que ce n'est pas fausser le jeu de la
réalité ou des possibilités. On est inquiet sur le
règlement 12, de ce qui arrivera du règlement 12. Pour ceux qui
n'ont rien à se reprocher, il n'y a pas de raison d'avoir de
l'incertitude. Pour ceux qui ont des choses à se reprocher, vous avez
peut-être raison d'avoir certaines inquiétudes, effectivement,
parce que la pratique n'est pas totalement limpide. D'ailleurs, je suis
convaincu que l'Opposition le sait fort bien pour avoir rencontré des
individus, pour avoir dialogué avec des individus qui sont des
détenteurs de permis et qui voudraient eux aussi partager
équitablement ce travail. Ce n'est pas tout le monde qui est pleinement
convaincu qu'il y a un partage équitable du travail. Je pense qu'il faut
se le dire. (21 h 40)
L'honnêteté, elle a été poussée
jusque-là à la rencontre du 25 février. Alors que les gens
des postes, les gens des sous-postes et les représentants de l'ANCAI me
demandaient, individuellement, une rencontre, j'ai décidé de les
réunir les trois en même temps. Cela s'est fait le 25
février à la salle de conférence du ministère
des
Transports. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on s'est parlé
"dans le nez". Oui, on s'est dit des vérités. On a mis les cartes
sur la table. Cela a choqué certains individus, d'où "les
possibilités de". Mais "les possibilités de" ne m'énervent
pas; j'ai démontré de l'ouverture, j'ai collaboré. S'il y
a eu tout ce laps de temps entre le congrès de Jonquière et la
réunion de février à mon bureau, c'est que trois violons
avaient beaucoup de difficultés à s'accorder. Ces trois violons
-un premier des postes, un deuxième des sous-postes et un
troisième, l'ANCAI - se disaient tout aussi représentatifs de
l'industrie les uns que les autres. Ils sont arrivés avec des documents
au ministère quant aux amendements à apporter au règlement
12: des propositions différentes. La réunion de février a
été déterminante quant à la vérité
sur le dossier, quant à l'heure juste et quant à l'enclenchement
d'une tournée provinciale menée par des hauts officiers du
ministère pour être capables de faire le portrait de l'industrie
qui n'avait pas été fait depuis fort longtemps.
Selon certaines données préliminaires que je
possède, vous serez quand même certainement étonnés
d'une situation qui n'est pas aussi mauvaise que l'on serait tenté de le
croire à ce moment-ci. Vous serez peut-être étonnés
de certaines statistiques concernant l'industrie. Ce n'est pas que cette
dernière soit en pleine et parfaite santé; non, mais c'est moins
pire que ce qu'on prétend. Lorsque le sondage ou l'enquête
téléphonique sera terminée, on sera à même de
dresser le portrait global et de commencer à définir l'avenir.
Oui, effectivement, dans mon propos, j'ai parlé de réajustement,
de rajeunissement du règlement 12. Je n'ai cependant jamais parlé
d'une commission parlementaire. J'ai parlé d'un règlement pour la
fin de l'été ou le début de l'automne, après des
consultations avec les intervenants, soit les représentants des postes,
des sous-postes, de l'ANCAI et aussi, bien sûr, à partir du moment
où nous aurons fait notre lit, une rencontre des représentants de
l'industrie avec les utilisateurs des camions, soit les entrepreneurs.
Lorsque l'on a décidé... Le député de
Joliette a été honnête à ce chapitre quand il a dit
que ce projet de loi ne devait pas plaire à tout le monde, ce soir. Je
me rappelle que M. Morin, le président de l'ANCAI, avait dit dans les
journaux que le ministre des Transports préférait davantage ceux
qui contribuaient à la caisse du Parti libéral, qui
étaient les entrepreneurs, que les petits artisans. Je lui ai dit, le 25
février, quand je lui ai annoncé que nous ferions un projet de
loi de la clause 75-25, que possiblement ceux qu'il pensait être les
souscripteurs à la caisse électorale du Parti libéral ne
seraient probablement pas les plus heureux et que j'avais choisi les petits au
lieu de ceux qui, supposément, contribuaient à la caisse du Parti
libéral du Québec. Cela était clair.
J'ai même fait plus que cela, M. le Président, pour
m'assurer que la paix règne. J'ai rencontré l'exécutif de
l'ACRGTQ. On a effectivement discuté de la clause 75-25. Je leur ai dit,
avant même que le projet de loi soit déposé, que
l'intention gouvernementale était très ferme, immuable quant
à l'application de la clause 75-25 et qu'elle serait inscrite à
l'intérieur d'un projet de loi, donc balisée et qu'on devrait
dorénavant vivre avec cette pratique. Je leur ai aussi garanti que l'on
pourrait avoir une rencontre avec les artisans et avec les donneurs d'ouvrage
afin de savoir si, effectivement, on a des réponses pour les
entrepreneurs qui se plaignent que certains artisans ne veulent pas transporter
de l'asphalte parce que cela salit les boîtes. Transporter du gravier,
cela est moins salissant. Il y a ce genre de plaintes. Par contre, il faut
aussi pouvoir poser des questions à l'entrepreneur quant à
certains abus d'entrepreneurs: des camions qui font la file d'attente pendant
des heures avant d'être chargés lorsqu'ils font des voyages
à forfait. Il y a un rééquilibrage, bien sûr,
à faire dans la pratique, et ce rééquilibrage sera utile
et applicable dans la mesure où nous trouverons le juste milieu entre
les artisans qui ont besoin de gagner leur vie et les entrepreneurs qui, eux,
soumissionnent sur des contrats et ont aussi besoin que des contrats soient
exécutés selon les règles de l'art. Dans ce sens, oui,
effectivement, nous allons faire ce que nous avons à faire de la
même manière dans le troisième quant à l'avenir que
nous l'avons fait dans le cas de la clause 75-25 que dans le cas de la
déréglementation. Nous allons le faire aussi à un autre
chapitre évoqué par Mme la députée de Maisonneuve,
en ce qui a trait aux charges, où nous sommes obligés aujourd'hui
de réajuster une situation qui a duré sous le gouvernement
précédent et sous la première année de notre
gouvernement.
Il a commencé à y avoir des réajustements
extrêmement importants cette année, avec une nouvelle mesure du
système d'immatriculation, de limites de charges et de mesurage de
limites de charges. Oui, c'est plus sévère cette année,
oui, je peux le dire, cela jure au Québec et certains artisans aussi au
Québec. Ce qui faisait probablement partie d'une certaine frustration
lors du congrès de l'ANCAI cette année le dimanche où ils
ont accueilli Mme la députée de Maisonneuve avec beaucoup
d'empressement, ce qui n'était pas nécessairement le cas au cours
des années précédentes quant à l'accueil qu'ils ont
fait aux gens de son parti.
Il est clair que l'application - vous en êtes pleinement
conscients - plus rigide des
contrôles de charges fera en sorte que nous allons viser trois
groupes de personnes: le conducteur, le transporteur et aussi
l'expéditeur. Effectivement il y a des problèmes en ce qui a
trait à la charge. Il y aura des artisans qui se feront dire dans le
"pit" de gravier: Si tu ne charges pas comme on te charge, tu vas avoir des
problèmes. On va en prendre d'autres. Oui, effectivement, il y a des
gens qui se font dire cela. Ce sont des problèmes que nous allons
régler ou que nous allons tenter de régler, de trouver des
solutions pour que tout le monde puisse se comprendre. Dans cette mesure, oui,
effectivement nous allons intervenir.
Quant à ce qui a été souhaité par mon
collègue de Louis-Hébert qui a rencontré, à ma
place, lors du congrès de l'ANCAI, les artisans à Victoriaville,
il a raison de dire que cela doit être une table de concertation plus
régulière. Je ne me souviens pas, du moins je n'ai pas
trouvé grand-chose dans les notes au ministère de la
dernière rencontre entre un ministre des Transports et ces
représentants de l'ANCAI ou ces représentants du monde des
artisans. Il m'apparaît très clair que cette opération,
dans la mesure où nous réussissons à définir ces
structures, devra être beaucoup plus permanente et beaucoup plus
profitable, donc, à l'industrie, de même qu'au gouvernement,
qu'aux utilisateurs ou qu'aux donneurs d'ouvrage.
Dans ce sens, M. le Président, je suis pleinement convaincu que
c'est une mesure qui était attendue et souhaitée par l'ensemble
de l'industrie des artisans au Québec. Nous y donnons suite ce soir et,
de ce que j'ai compris, nous pourrons donc l'adopter très certainement
avant l'ajournement de la session. Je me fais fort que ce projet de loi subisse
la sanction royale dans les plus brefs délais de telle sorte qu'il soit
applicable de manière législative, puisqu'il l'est maintenant
ayant fait appel de la décision du jugement, le plus rapidement possible
et ainsi témoigner à l'ensemble de ces artisans que nous sommes
actuellement en route vers un règlement d'une situation qui a
déjà trop duré et qui sera au bénéfice des
artisans par tout le Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant clos
à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que la
motion d'adoption du principe du projet de loi 23, Loi modifiant la Loi sur le
ministère des Transports, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Lefebvre: M. le Président, je ferai motion pour
déférer le projet de loi 23 à la commission de
l'aménagement et des équipements.
Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement, à nouveau.
M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderai d'appeler
maintenant l'article 8 au feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 22 Adoption du principe
Le Vice-Président: À l'article R du feuilleton, M.
le ministre des Transports propose maintenant l'adoption du principe du projet
de loi 22, Loi modifiant la Loi sur le transport par taxi. Je cède la
parole à M. le ministre des Transports. (21 h 50)
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
suis extrêment heureux que le projet de loi porte le numéro 22
parce que j'ai déjà eu, comme député de Matane, le
plaisir de faire adopter une loi 22 qui avait suscité probablement
beaucoup plus de chambardements et d'émoi partout au Québec que
ne suscitera celle-ci; encore qu'elle va heurter certains usages, en
particulier des limousines.
Comme vous l'avez appelée, c'est la Loi modifiant le transport
par taxi. C'est une étape extrêmement importante, M. le
Président, dans tout le processus que nous avons entrepris depuis
déjà fort longtemps pour redonner à l'industrie du taxi
ses titres de noblesse et faire en sorte que cette industrie redevienne
prospère et permette à tous ces artisans du taxi, qui sont en
particulier regroupés dans l'agglomération de Montréal, de
vivre décemment de leur industrie et de faire en sorte qu'ils soient
extrêmement fiers d'y travailler.
Il faut dire que, depuis quelques années, il y a eu plusieurs
efforts de faits pour permettre de retaper cette industrie et de faire en sorte
que ceux qui y travaillent puissent vivre décemment. Et je veux rendre
hommage à mon prédécesseur, M. Guy Tardif, qui
s'était personnellement impliqué de manière très
significative, avec plusieurs soubresauts en ce qui concerne le plan de rachat
qui a été adopté, contesté par la suite, mais
finalement revu et accepté par l'ensemble de l'industrie, qui n'a pas eu
les effets escomptés à l'époque, mais qui a
quand même eu des effets bénéfiques, puisque,
à notre arrivée au pouvoir, il y avait approximativement 600
permis qui avaient été rachetés.
Donc, cela a été une disposition très bien
perçue par le milieu, qui a fait en sorte d'éliminer tout
près de 600 permis de la circulation et de rendre davantage rentables
les permis qui demeuraient. Les objectifs étaient au moins de 1500
à 2000, certainement au-delà de ce que le marché pouvait
donner, compte tenu de ce qu'on offrait, puisque, au fur et à mesure que
progressait le rachat ou l'élimination de certains permis de taxi,
certains ont trouvé différents trucs pour utiliser ces permis
pour leur rapporter davantage que la vente du permis qui était de 10 000
$.
Ce que nous sommes à finaliser dans les jours qui viennent, c'est
le deuxième souffle du plan de rachat de taxi puisque nous permettrons,
de manière officielle, dans les prochains jours, de manière
officieuse ce soir en l'évoquant devant les caméras de
télévision, de hausser le prix de rachat du permis de 10 000 $
à 18 000 $, nous rendant ainsi à un voeu très largement
exprimé par les représentants du taxi, qui se sont
regroupés à tout près de 1000 dans une assemblée le
19 mai dernier, et qui a fait en sorte que deux seules personnes se sont
opposées alors que la totalité des autres intervenants a
accepté de hausser le prix donné pour le rachat du permis de
taxi.
Pour cela, nous devons rendre un hommage tout à fait particulier
au dynamique président de la ligue A-11, qui est M. Gilles
Léveillé, qui a fait un travail fantastique à ce sujet et
qui est en train de redonner à cette ligue de taxi toute la
fierté d'être la plus grosse, la plus puissante, la plus
représentative de l'industrie du taxi à Montréal.
Nous avions quand même, avant cela, posé un certain nombre
de gestes éliminant la possibilité de location de permis de taxi,
au sujet desquels des causes sont devant les tribunaux maintenant. Nous avions
aussi porté par décret le droit de transfert de 10 000 % à
20 000 $, créant ainsi une pression plus importante sur ceux qui
préféraient payer des droits de transfert, donc le vendre
à un autre individu au lieu d'éliminer tout simplement le permis
de taxi.
Donc, nous l'avons passé de 10 000 $ à 20 000 $, et,
à la lumière de ce que nous décidons maintenant de passer
de 10 000 $ à 18 000 $ le coût de rachat, nous examinerons la
possibilité de nouveau d'aller trouver un prix raisonnable quant au
droit de transfert avec l'industrie.
Nous avons adopté, à peu près à pareille
date l'an dernier, la loi permettant la décentralisation vers la
Communauté urbaine de Montréal. Donc, c'est une autre
étape extrêmement importante pour que cette industrie du taxi soit
plus près des décideurs politiques et fasse en sorte qu'il y ait
une meilleure compréhension de leurs besoins, de leurs défis
quotidiens et que ce pouvoir régional qu'est la Communauté
urbaine de Montréal, puisse davantage suivre et épurer cette
industrie avec différents moyens, puisque la présence
policière de la Communauté urbaine de Montréal
étant très près de l'exercice, il y aura certainement une
amélioration très souhaitable à ce niveau.
En cours d'année, il y a eu aussi le rapport du comité
Bissonnet. Mon collègue, le député de Jeanne-Mance, de
concert avec des gens de mon ministère, de concert avec des gens de mon
cabinet, a mené une vaste consultation quant à certaines mesures
qui devraient être appliquées au niveau du taxi et qui
permettraient, finalement, d'atteindre cet objectif qu'on s'est fixé de
rationaliser l'industrie, de sorte qu'elle soit plus viable. Plusieurs
recommandations du rapport Bissonnet ont déjà reçu l'aval
des autorités du ministère; d'autres l'auront en cours de route.
Donc, globalement, le rapport Bissonnet est un rapport extrêmement
souhaitable, très bien accueilli lors de l'assemblée du 19 mai
dernier par l'ensemble de l'industrie du taxi qui a signifié sa
reconnaissance pour que le gouvernement adopte certaines autres mesures
contenues au rapport.
Je veux retenir deux éléments à l'intérieur
du rapport Bissonnet concernant le projet de loi de ce soir. Dans son rapport,
il avait soulevé plusieurs anomalies. Je ne veux qu'en citer deux qui
vont illustrer le pourquoi du projet de loi, ce soir. La première,
c'était l'incapacité pour un titulaire de permis de taxi de
spécialiser son service en service de limousine. C'était donc
devenu impossible, c'était clair. En cela, il y avait, bien sûr,
dans la pratique, une anomalie qui ne pouvait perdurer et qui devait être
changée.
Deuxièmement, deuxième anomalie, la définition de
la limousine que l'on retrouve au règlement sur le transport par taxi
entraîne des frictions entre le taxi traditionnel et la limousine. La
définition du mot "limousine" permet aux transporteurs par limousine de
pénétrer les marchés traditionnels du taxi sans être
astreints à offrir un véritable service du luxe. La souplesse des
taux, des tarifs du service par limousine, qui sont déterminés
par les transporteurs, fait que le coût horaire peut être
inférieur à celui du taxi conventionnel. Il faut dire que ce
n'est pas la pratique générale, mais que cette pratique, dans
certains cas, fait que les services de limousine coûteraient moins cher
que les services par taxi.
À la lumière de ces informations, à la
lumière de ce vécu très bien ressenti par les taxis, par
ces artisans du taxi, on vient, dans
la loi précédente, de parler d'artisans du vrac, on peut
aussi parler d'artisans du taxi, et on en a parlé à plusieurs
reprises. Un effort magistral est fait quant à la régulation de
ces statuts pour que cette industrie puisse vivre honorablement. Il en
coûte aussi cher pour acheter un camion, il en coûte aussi
très cher pour acheter un véhicule taxi, pour l'entretenir et
pour faire en sorte que cet individu vive, il faut faire nécessairement
certains réajustements à notre Loi sur le taxi.
M. le Président, je voudrais vous énumérer six
principes qui seront touchés à l'intérieur de cette loi
que nous discuterons ce soir, et nous espérons bien pouvoir
procéder à son adoption avant la fin de la présente
session. Premièrement, les taxis pourront opérer ailleurs que sur
le territoire, s'il n'existe aucun taxi à cet endroit. Ceci pourra
faciliter l'organisation du transport des personnes handicapées en
région. Soyons clairs, soyons très honnêtes, soyons
très ouverts. Actuellement, cela se pratique, mais dans
l'illégalité. C'est un service qui, aujourd'hui est
nécessaire pour ces régions non desservies par des taxis. Nous
devons le reconnaître et c'est ce que nous ferons dans la loi actuelle.
(22 heures)
Deuxièmement, l'article 25 a pour effet de créer une
nouvelle catégorie de permis, celle de limousines de grand luxe afin
d'assurer une meileure différenciation et, par conséquent, un
meilleur contrôle des divers services de transport
rémunéré des personnes par automobile. Oui... M. le
Président, j'ai eu l'occasion de faire quelques visites au
Québec, d'aller aux États-Unis et de constater qu'effectivement,
un service de limousines de luxe existait et était, pour certains,
rentable. C'est clair que, demain matin, il ne pourra y avoir 1000 limousines
de luxe au Québec; cela ne serait pas rentable. Mais il existe
effectivement un marché au Québec pour quelqu'un qui veut se
payer une limousine de luxe, que ce soit à son mariage, que ce soit
à son divorce, que ce soit à son deuxième mariage, que ce
soit dans certains cas - cela en fait rire, le divorce, mais cela arrive...
Une voix: On loue une limousine pour le divorce?
M. Côté (Charlesbourg): ...que ce soit... On l'a vu
dans certains cas, Montréal devenant une ville où il se tourne
plusieurs films, des grandes vedettes, sur le plan international, viennent
séjourner à Montréal. La première demande qu'on
fait en sortant de l'aéroport: Limousine de luxe. Cela n'existe pas chez
nous. Vous allez embarquer dans la petite berline qui est la limousine, chez
nous. Passez-moi l'expression, cela ne fait pas tout à fait à
l'heure d'aujourd'hui...
Une voix: Des limousines de ministre. Ce ne sont pas des
limousines de luxe, ce sont des limousines de ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Mon collègue de
Mont-Royal, le ministre de l'Énergie parle des limousines de ministre.
Je sais que Mme la députée de Maisonneuve a connu cela aussi. Ce
n'est pas tout à fait le genre de limousine de luxe.
Ce que nous voulons, c'est effectivement créer une
catégorie de limousines de luxe...
Une voix: Des Pontiac!
M. Côté (Charlesbourg): ...qui fera en sorte que
l'individu qui voudra payer 7000 $ pour une semaine pour aller faire le tour de
la Gaspésie de manière très confortable pourra le faire.
Quelqu'un qui voudra se payer le luxe d'une limousine à 1000 $ par jour
pourra le faire. Nous, dans la réglementation, nous prévoirons
les permis en conséquence, le coût des permis en
conséquence aussi parce qu'il faudra bien que le coût des permis
aille avec la limousine de luxe et ce sera au marché de
déterminer un certain nombre de choses. Nous allons donc créer
cette catégorie de limousines de luxe qui, d'ailleurs, aujourd'hui, dans
certains cas, existe mais de manière illégale. J'ai eu l'occasion
de rencontrer un de ces individus qui m'a montré son véhicule
complètement transformé - au Québec, s'il vous
plaît! -dans la vallée du Richelieu où j'ai pu constater
qu'il y avait une transformation substantielle de véhicules qui allaient
servir le marché des limousines de luxe au Texas. Donc assez bons pour
les faire au Québec pour alimenter le Texas, mais pas assez bons pour
les faire au Québec et qu'elles soient reconnues et utilisables chez
nous. C'est cette situation que nous allons corriger et faire en sorte qu'une
petite entreprise chez nous qui les transforme puisse effectivement faire vivre
du monde et que des individus voulant payer 75 000 $, 80 000 $, 85 000 $ pour
une limousine de luxe puissent le faire, la faire fonctionner chez nous pour
des gens qui auraient les moyens de se la payer. Nous réglons donc ce
problème.
Un troisième principe: le projet de loi prévoit que des
permis de limousines de grand luxe seront délivrés sur le
territoire du Québec et à certains regroupements de
municipalités. Vous savez, par les temps qui courent, nos lois et
règlements subissent l'assaut des propriétaires de limousines. Ce
qui est devant les tribunaux est devant les tribunaux. Mais est-il besoin de
vous rappeler qu'actuellement, il y a dans la région de Montréal
191 permis de limousines, qu'il existe 2 permis de limousines dans la
région de Hull et qu'il existe 13 tolérances législatives
dans la région de Québec? Nous
parlons donc à ce moment-ci de 206 limousines à travers le
Québec versus tout près de 10 000 taxis à travers le
Québec.
Quatrièmement, M. le Président, la possibilité pour
les ligues de taxi de représenter les intérêts de leurs
membres devant la Commission des transports du Québec. Le "boutte du
boutte", M. le Président, on l'a vécu dans ce cas-là,
alors que la ligue A-11 a voulu s'opposer, devant la Commission des transports,
à un individu qui tentait d'obtenir un permis de limousine. La
Commission des transports a dit à la ligue A-ll: Vous ne pouvez pas
comme ligue A-ll venir déposer devant nous; ce doivent être des
individus qui déposent devant nous. La petite histoire nous apprend que,
sur le plan législatif, c'est le gouvernement qui a obligé les
ligues à se former. Donc, sur le plan législatif, on a
créé une obligation. Ce n'était pas la volonté du
milieu. Ce n'était pas la volonté des propriétaires de
taxi. Cela leur rend service aujourd'hui, mais, à l'époque, ce
n'était pas leur volonté. Cela a été la
volonté législative, donc, l'obligation de le faire.
Aujourd'hui, par ce projet de loi, nous allons dans la continuité
de l'obligation que nous avons créée et nous donnons le droit aux
ligues de taxi, comme ligues, d'aller devant la Commission des transports du
Québec pour faire opposition ou approuver l'émission de certains
permis. Dans ce sens-là, ce n'est que justice. Comme l'occasion est
toute rêvée pour passer certains messages, je dis aux autres
organismes qui seraient tentés de vouloir obtenir le même
privilège: Oubliez ça. Je pense à l'ATEQ, à l'APAQ,
à tous ces regroupements de transporteurs par autobus, scolaires ou
autres. Vous vous êtes formés en associations par votre propre
volonté et non par la volonté du législateur. Il y a donc
une distinction très nette entre la situation vécue par les
ligues de taxi et la situation que vivent les différentes autres
associations.
Cinquièmement, certains ajustements à la demande de la
Communauté urbaine de Montréal qui visent à permettre aux
poursuivants des infractions à la Loi sur le transport par taxi et
à ses règlements de se prévaloir d'une procédure
similaire à celle du Code de la sécurité routière.
Finalement, ce sont des mesures qui, dans l'esprit du législateur, ne
sont que temporaires et ne seraient là que pour le temps de l'adoption
du Code de procédure pénale; celui-ci doit être
éventuellement adopté.
Sixièmement, un accroissement des pouvoirs des enquêteurs
de la Commission des transports du Québec et un pouvoir additionnel
d'inspection des taxis par des employés de la Communauté urbaine
de Montréal. C'est simple, ce que nous visons par là, c'est
d'éliminer la lourdeur du contrôle par les agents de la paix et de
favoriser une approche plutôt préventive que coercitive du
règlement de certains problèmes de l'industrie du taxi à
Montréal.
Enfin, M. le Président, ce projet de loi permet de
préciser les pouvoirs réglementaires du gouvernement. Il permet
aussi une meilleure harmonisation des pouvoirs réglementaires d'une
autorité régionale avec ceux du gouvernement.
Si l'on veut traduire très rapidement ce que signifie ce projet
de loi, pour nous, il est beaucoup plus équitable vis-à-vis de
l'industrie. Une voiture propre n'est pas, à mon avis, un critère
pour définir une limousine. Tous les taxis doivent être propres.
Nous nous sommes donné les moyens pour qu'il en soit ainsi.
Il y aura la création du Bureau du taxi, souhaité aussi
par notre collègue de Jeanne-Mance, donc, du Bureau du taxi de
Montréal. Il est clair que ce n'est pas l'accord total et parfait, mais,
en plus de la création du bureau de taxi à Montréal, je
suis extrêmement heureux d'annoncer que nous allons créer le poste
de Monsieur Taxi. Certains voient déjà le député de
Jeanne-Mance siéger à ce poste, mais nous avons encore davantage
besoin de ses services à l'Assemblée nationale.
Donc, nous allons créer le poste de Monsieur Taxi au niveau de
Montréal qui sera ce guichet unique où des intervenants du taxi
voulant prendre de l'information ou se plaindre pourront le faire à
volonté. Si nous le créons pour Montréal, il devra
être aussi disponible pour la région de Québec dans le
domaine du taxi. (22 h 10)
Une voix: Pour La Sarre.
M. Côté (Charlesbourg): Pour La Sarre, on pourra le
rendre itinérant dans la mesure du possible où il y a des
problèmes. De façon définitive, c'est une personne qui a
une bonne compréhension, une bonne vision du phénomène
taxi et qui sera capable d'être à l'écoute des soubresauts
de cette industrie, des individus et de faire part de certains irritants et
certaines recommandations au niveau du gouvernement.
Je suis extrêmement heureux de l'annoncer ce soir et de faire en
sorte que cet individu, Monsieur Taxi, le mois de septembre, le mois d'octobre,
puisse être en poste pour être un lien tout à fait
exemplaire dans l'industrie.
M. le Président, je l'ai dit d'entrée de jeu, ce n'est pas
tout le monde qui est d'accord avec ce projet de loi. Il est bon de le dire.
C'est clair que Murray Hill s'oppose et s'opposera à ce projet de loi.
Je crois qu'il est normal de s'opposer lorsque l'on perd certains
privilèges. Je le comprends mais quant à moi, quant à nous
du gouvernement, nous avons eu à choisir entre l'industrie du taxi et
l'industrie de la
limousine. L'industrie de la limousine, n'étant pas l'industrie
du taxi mais étant l'industrie de la limousine, devra se comporter en
limousine. Ce projet de loi consacre de façon définitive ce que
devra être une limousine de luxe, ce que devra être une limousine
tout court, et ce que doit être un taxi pour faire une
différenciation très nette.
En terminant, M. le Président, ce sont les principaux principes
contenus à l'intérieur de ce projet de loi qui seront très
certainement dans la lignée de ceux qui ont été
adoptés jusqu'à maintenant et qui se veulent des mesures
législatives très directes, très claires pour
améliorer la pratique de l'industrie, faire en sorte que celui qui la
pratique vive mieux, et que celui qui l'utilise aussi se sente mieux, se sente
plus respecté. Dans ce sens, je pense que nous n'aurons pas tout
réglé avec ce projet de loi mais, grâce aux précieux
conseils et aux précieuses recommandations faites par le rapport
Bissonnet, nous progressons dans la bonne voie et nous sommes convaincus que
nous franchirons avec l'adoption de ce projet de loi un pas extrêmement
important, un pas marquant dans le niveau de respectabilité que pourront
avoir les gens de l'ensemble du Québec vis-à-vis ceux qui
pratiquent le métier de chauffeur de taxi. Ce sera bien pour tout le
monde, à la fois pour l'utilisateur ou pour celui qui pratique ce
métier. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Chaque fois que l'appui
de ma formation politique a été requis à cette
Assemblée pour améliorer la situation des artisans et celle de
l'industrie du taxi, nous l'avons fait et nous entendons, cette fois encore, M.
le Président, à l'égard du projet de loi 22, apporter
notre concours et notre collaboration à son adoption dans les meilleurs
délais.
Le ministre des Transports, avec raison, a parlé d'efforts
continus pour bonifier, améliorer la situation d'une industrie qui
étouffait, il faut bien en convenir, littéralement sous le poids
des pratiques abusives -je pense en particulier à la location des permis
auxquels nous avons mis fin en juin dernier - et sous le poids d'une
centralisation et d'un contrôle excessifs.
Le ministre des Transports, avec raison, a cité les efforts
personnels de son prédécesseur, l'ex-député de
Crémazie. À mon tour, je voudrais citer également les
efforts réalisés par l'actuel député de
Crémazie qui était à l'époque activement
impliqué sur le territoire de l'île de Montréal dans les
milieux d'affaires et qui a, à ma connaissance, parrainé et
participé à l'élaboration du plan de rachat.
M. le Président, nous avons eu l'occasion d'examiner avec les
gens du ministère chacune des dispositions de ce projet de loi... Et
c'est un examen que nous avons apprécié. Nous nous
réjouissons de l'annonce faite par le ministre, ce soir, de
l'augmentation du prix de rachat de 10 000 $ à 18 000 $. Nous souhaitons
connaître, comme, certainement, les artisans qui sont maintenant
informés de cette augmentation, la date où elle sera en vigueur
et nous nous en réjouissons parce que pour la très grande
majorité des artisans, ce plan de rachat est d'une certaine façon
leur fonds de retraite. C'est là une sorte de sécurité
pour ceux et celles - et elles sont de plus en plus nombreuses - qui font
maintenant métier de chauffeur de taxi, de penser qu'il y a un montant
qui leur est réservé au moment où ils ou elles
décideront de se retirer de l'industrie du taxi.
C'est donc, évidemment, certainement une nouvelle impulsion qui,
souhaitons-le, va être donnée à ce plan de rachat, nouvelle
impulsion qui se justifie parce que l'objectif de l'élimination des 2000
permis est toujours souhaitable. Jusqu'à maintenant, quelques centaines,
600 ou 700, sont maintenant atteints, et il faut souhaiter qu'avec cette
augmentation du prix du plan de rachat on puisse connaître à
nouveau une diminution du nombre de permis à Montréal. II faut se
rappeler, M. le Président, qu'il y avait environ 4400 permis au moment
où le plan de rachat a été mis en place et adopté
par la ligue. C'est un objectif d'au plus 2400 permis qu'il faut souhaiter voir
se réaliser.
Nous souscrivons également aux propos élogieux du ministre
à l'endroit de l'actuel président, M. Léveillée.
Nous pensons également qu'ils sont tout à fait
mérités. Nous souhaitons... comme nous l'avons fait en juin 1986,
lorsque nous avons agi avec célérité, mais
également avec sévérité à raison contre
cette pratique abusive qui se développait dans l'industrie et qui
consistait à permettre que soient loués les permis de taxis sans
automobile. Il faut savoir qu'un permis, que ce soit en matière de taxi,
en matière d'école de conduite, en quelque matière que ce
soit, c'est un privilège qu'accorde l'État à un titulaire
qui en fait la demande. Ce privilège que l'État accorde ne doit
pas devenir matière à spéculation. En juin 1986 nous avons
assuré notre concours pour que soit adopté rapidement cette
modification à la Loi sur le transport par taxi afin que soit interdite
la location du permis de taxi sans que ce permis soit attaché à
une automobile qui appartient à un propriétaire.
Il faut se rappeler, M. le Président, que c'était une
pratique de louer le permis à un chauffeur pour un montant de 160 $ par
semaine parfois, tout en obligeant ce dernier
à acheter lui-même l'automobile, en l'obligeant à
transférer la propriété de l'automobile au nom du
propriétaire du permis de taxi, et lorsque le chauffeur n'était
pas en mesure d'acquitter ses droits hebdomadaires, simplement pour la location
du permis de 160 $, on assistait à une pratique abusive qui consistait
pour le titulaire du permis à conserver l'automobile et à mettre
fin au contrat et c'était là vraiment une pratique odieuse. Nous
avons collaboré pour y mettre fin.
Nous souhaitons également connaître l'intention du ministre
à l'égard d'une autre pratique qui s'est développée
depuis et qui consiste à contrevenir au règlement du programme de
rachat pour éviter de payer le droit de transfert, c'est-à-dire
l'amende, en termes pratiques, M. le Président, qui est passée
depuis le 1er avril de 10 000 $ à 20 000 $ et qui consiste, par notaire
et avocat interposés, à empêcher que la vente soit conclue
au fiduciaire qui doit racheter, en vertu du programme de plan de rachat, pour
essayer d'éviter l'amende, en cas contraire. (22 h 20)
Nous souhaitons connaître les intentions du ministre concernant
les recommandations qui lui étaient faites par ses collègues,
notamment par le député de Jeanne-Mance, à savoir
d'adopter des sanctions disciplinaires -c'était là, d'ailleurs,
une réclamation du rapport Bissonnet - contre les notaires et les
avocats qui étaient impliqués dans ce genre de conventions
illégales. Nous souhaitons connaître les intentions du ministre
à cet égard pour que cesse également cette pratique
odieuse.
Alors, le projet de loi 22 est une loi qui modifie la Loi sur le
transport par taxi, de façon à donner de plus grandes
précisions et une plus grande harmonisation des pouvoirs du
ministère et des communautés urbaines. Mais, en l'occurrence, il
n'y a que la Communauté urbaine de Montréal qui entend les
utiliser. Cela ne veut pas dire que, dans l'avenir, d'autres autorités
régionales, comme on dit, c'est-à-dire d'autres
communautés urbaines, ne voudront pas ultérieurement utiliser ces
pouvoirs. La Communauté urbaine de Montréal se verra confier le
pouvoir de réglementer l'industrie du moins quant à certaines
dispositions.
La réglementation québécoise continuera à
s'appliquer dans l'ensemble du territoire, mais deviendra inopérante au
fur et à mesure où la communauté urbaine décidera
d'occuper le champ de la réglementation. Je pense que, dès cette
semaine, doivent se tenir à Montréal des auditions de la
commission permanente de la Communauté urbaine de Montréal, afin
d'entendre les représentations des organismes ou personnes qui ont
à faire valoir un point de vue sur la réglementation que la
Communauté urbaine de Montréal entend appliquer sur son
territoire.
Alors, c'est donc un projet de loi qui vient améliorer la
formulation des dispositions déjà existantes, qui vient rapatrier
certaines dispositions réglementaires pour, d'une certaine façon,
les mettre à l'abri, encore une fois, d'une possible invalidation de la
part des tribunaux, qui vient, enfin, créer un nouveau permis - le
ministre en a parlé - celui du transport de grand luxe. Il est entendu
qu'il y aura une distinction très nette entre la limousine de grand
luxe, et le marché traditionnel du taxi, la limousine de grand luxe
devant offrir des services à un prix supérieur, mais aussi d'une
qualité supérieure. Nous attendons, avec beaucoup
d'intérêt, le règlement qui viendra définir ce
qu'est la limousine de grand luxe. Il faut comprendre que le projet de loi ne
vient que permettre la création de ce permis de limousine de grand luxe,
mais c'est au moment où nous connaîtrons le règlement que
nous serons satisfaits. Nous saurons si, véritablement, le
règlement crée cette distinction souhaitable mais indispensable
entre le service de limousine de grand luxe et le marché traditionnel du
taxi. Nous souhaitons, à l'instar de ceux qui maintenant siègent
au gouvernement - au moment où ils étaient de ce
côté-ci, dans l'Opposition -connaître le règlement le
plus rapidement possible.
Il faudrait souhaiter, d'ailleurs, qu'en matière de transport,
comme sans doute dans bien d'autres secteurs de l'activité
gouvernementale, nous puissions connaître le projet de
réglementation gouvernementale au moment où nous avons à
disposer des lois qui habilitent le gouvernement à réglementer.
Dans ce projet de loi, nous donnons, finalement, un chèque en blanc,
puisque nous adoptons une disposition qui permet au gouvernement de
créer un nouveau permis de limousine de grand luxe. C'est, d'une
certaine façon, une sorte de chèque en blanc parce que
malgré les intentions gouvernementales en ce sens, nous n'avons pas de
texte écrit qui nous permet de constater si, dans la
réalité des mots, il y a cette distinction nette entre le service
de limousine de grand luxe et le service traditionnel du marché du taxi.
Nous souhaitons, le plus rapidement possible, connaître les intentions
gouvernementales qui seront formulées dans le règlement.
M. le Président, nous souscrivons également à cette
disposition que nous retrouvons dans le projet de loi 22 et qui va,
dorénavant, permettre aux ligues de taxi de pouvoir représenter
leurs membres devant la Commission des transports du Québec. Il faut
constater que c'est là un droit nouveau et que cela était
éminemment souhaitable. Dorénavant, les ligues pourront se
charger de la défense des intérêts de leurs membres. Je
pense que c'est certainement là une des dispositions qui
concourent à la paix sociale entre le ministre et la ligue à
Montréal qui a abondamment et favorablement commenté cette
nouvelle disposition.
M. le Président, nous retrouvons, comme c'était le cas
déjà dans le rapport Bissonnet, la prohibition de concession
exclusive près des établissements publics. C'était
là une recommandation formulée par les artisans de l'industrie du
taxi et qui va dorénavant se lire comme suit, soit de "prohiber, sur les
immeubles des établissements publics qu'il détermine, la
concession d'un droit d'accès exlusif à un poste d'attente ou
d'un droit d'installation d'une ligne téléphonique directe
exclusive ou établir les conditions ou les restrictions concernant une
telle concession." C'était là d'ailleurs un voeu largement
exprimé que l'ensemble des artisans aient accès aux
établissements publics pour offrir le service de taxi.
Je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas rappeler
l'importance du taxi comme véritable industrie du transport terrestre
des personnes. On n'a pas toujours le sentiment de l'importance de cette
industrie parce qu'elle n'est pas l'objet de programmes d'aide
financière directe et c'est là la distinction la plus
fondamentale avec ces autres concurrents du transport. C'est certainement la
seule industrie, contrairement au transport par autobus ou par métro,
qui ne bénéficie d'aucun programme d'aide financière
directe. Pourtant, c'est une idustrie au même titre que tous les autres
transporteurs publics. Simplement pour vous donner quelques chiffres de
l'importance de cette industrie, il faut se rappeler que le Québec tout
entier compte près de 9000 taxis, dont 4400 dans la région
métropolitaine de Montréal. J'avais l'occasion de le rappeler
tantôt, c'est d'ailleurs beaucoup trop. De là l'importance de ce
plan de rachat.
L'indutrie du taxi représente à elle seule un
marché de 250 000 000 $ par année, c'est-à-dire
près d'un quart de milliard de dollars par année avec 70 000 000
d'utilisateurs seulement au Québec. Il faut donc constater l'importance
de cette industrie et reconnaître l'importance également des
efforts qui sont, depuis quelques années, consentis pour bonifier, pour
améliorer à la fois le service aux usagers mais également
le sort réservé à ceux et à celles qui en font le
métier. (22 h 30)
D'autre part, M. le Président, nous avons également
constaté que la Communauté urbaine de Montréal a mis sur
pied ce Bureau du taxi qui est en activité depuis le 1er avril dernier
et dont le premier président entré en fonction est M. Claude
Forcier. C'est dorénavant ce Bureau du taxi qui verra à
émettre et à renouveler les permis, qui verra également
à vérifier la compétence, la formation des chauffeurs,
à s'assurer de la propreté et de la sécurité des
véhicules.
J'ai eu souvent l'occasion de le constater, étant moi-même
une usagère du taxi. Comme bien d'autres, M. le Président, c'est
mon principal moyen de locomotion, ayant écarté la
propriété d'une automobile. C'est donc là un moyen de
transport que j'utilise couramment. J'ai eu souvent l'occasion de constater
qu'à Montréal, contrairement, par exemple, à la pratique
dans la ville de Québec, il n'y a pas toujours eu une industrie du taxi
qui offrait un service de qualité. Ce n'est pas nécessairement
lié aux artisans, mais bien plus aux règles du jeu. À la
ville de Québec, il faut reconnaître que l'industrie s'est
civilisée par les décisions prises par les artisans
eux-mêmes; par exemple, dans la ville de Québec, les artisans du
taxi ont décidé, il y a maintenant deux ans, qu'il n'y aurait
qu'un seul chauffeur par automobile, évitant ainsi une conduite 24
heures par jour d'une auto et introduisant une règle qui non seulement
permet une rationalisation du service, mais bonifie les revenus des
artisans.
Montréal n'a pas permis cette régularisation par des
règles du jeu introduites par l'industrie elle-même et
Montréal a plus qu'ailleurs, compte tenu de l'anonymat de la grande
ville, certainement besoin d'une réglementation qui lui soit mieux
adaptée, plus proche. C'est en ce sens une bonification qui sera
apportée par ce projet de loi qui transfère le contrôle de
la réglementation à la Communauté urbaine de
Montréal et qui, dès l'automne prochain, permettra et facilitera
l'inspection des automobiles par une surveillance réalisée par la
Communauté urbaine de Montréal.
M. le Président, il y a certainement matière à
amélioration dans les dispositions contenues dans ce projet de loi, et
nous entendons concourir à son adoption dans les meilleurs
délais. Je ne voudrais pas, cependant, terminer sans évoquer des
recommandations qui, heureusement, ne se trouvent pas à nous être
proposées dans ce projet de loi, recommandations que l'on retrouvait
dans le rapport Bissonnet et qui, loin d'être bien accueillies, ont
plutôt été jugées avec une extrême
sévérité. Je parle de cette recommandation concernant les
points d'inaptitude.
Je ne voudrais pas rappeler tous les titres, ce serait sans doute
fâcheux pour le député de Jeanne-Mance, qui prendra la
parole immédiatement après mon intervention. Je voudrais
simplement lui rappeler quelques titres qui ont suivi la recommandation que
contenait son rapport d'augmenter à 18 les points d'inaptitude pour les
chauffeurs de taxi. Il faut se rappeler
que les chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de camion ont
rouspété en disant qu'ils étaient aussi fréquemment
sur les routes et que, si une telle faveur était accordée aux
chauffeurs de taxi, eux-mêmes la réclameraient. C'est
au-delà de 60 000 professionnels des transports qui auraient pu demander
de jouir d'un tel privilège.
Les journaux ont titré "Pas de complaisance face aux chauffeurs
de taxi", étant entendu que la même situation aurait dû
être accordée aux professionnels qui sont sur nos routes.
Évidemment, cette proposition d'un nombre maximum de points de
démérite a été très largement
critiquée, l'argument utilisé étant le fait qu'être
plus souvent dans le trafic n'autorisait pas à faire courir plus de
risques en contrevenant aux règles de la sécurité
routière. C'est heureux que le ministre des Transports ait eu le bon
sens de retenir ce qu'il y avait de mieux dans le rapport qui lui a
été remis en écartant ce qui était certainement
exorbitant.
Sur ce, je termine en rappelant que nous entendons concourir à
l'adoption de ce projet de loi dans les meilleurs délais.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, M. le ministre, homme
dévoué à la cause des taxis au Québec, je me dois
de souligner sa grande présence dans le dossier et sa grande
compréhension pour des personnes qui travaillent de 60 à 75
heures par semaine.
En réponse à Mme la députée de Maisonneuve
sur les points de sécurité, je tiens à vous dire qu'un de
vos collègues, tous les jours, me demande: Quand est-ce qu'on va avoir
18 points? Un de vos collègues de votre parti politique m'a dit: Michel,
quand est-ce que nous, les députés, on va avoir 18 points
d'inaptitude? J'ai fait l'étude de l'industrie du taxi, mais je n'avais
pas le mandat d'étudier les conditions des chauffeurs de camion et des
chauffeurs d'autobus. Je pense que j'en avais assez d'étudier
l'industrie du taxi. J'ai constaté que les gens de cette industrie, tout
en respectant la sécurité routière à son maximum,
étant donné qu'ils font plus de 70 heures sur la route, en
particulier sur l'île de Montréal ou dans la ville de
Québec, peuvent avoir plus de difficulté avec seulement 12
points. Si on compare un chauffeur ordinaire de l'Ontario à un chauffeur
ordinaire du Québec, on se rend compte qu'ici, on est en retard; on
devrait avoir un minimum de 15 points. Les infractions en Ontario sont
inférieures aux nôtres. Je demanderais à M. le ministre de
le faire pour l'industrie du taxi et de regarder si on peut augmenter le nombre
de points au niveau provincial pour tous les chauffeurs en
général, parce qu'en Ontario, c'est 15 points et on est dans le
même pays. Je pense que l'objectif que je recherche dans ce dossier,
c'est d'augmenter les points de démérite pour les chauffeurs de
taxi. Je pense que c'est une justification pertinente à l'endroit de ces
chauffeurs.
Si je me suis dévoué au dossier du taxi, Mme la
députée de Maisonneuve, c'est parce que j'ai trouvé, il y
a quelques années, que les trains n'étaient pas
sécuritaires.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Bissonnet: Le plan de rachat; l'objectif souhaité par
la ligue A-11 de Montréal est de 1500 à 2000 permis. Les
chauffeurs de taxi dont c'est le propre plan de rachat ont décidé
unanimement, comme l'a dit le ministre tantôt, sauf deux titulaires qui
se sont opposés à une reconduction du plan de rachat et à
une augmentation, de porter de 10 000 $ à 18 000 $ le plan de rachat
vis-à-vis du fiduciaire considérant que, dernièrement, le
gouvernement avait augmenté le droit de transfert de 10 000 $ à
20 000 $. Bravo de suivre, M. le ministre, la décision de ces chauffeurs
de taxi, qui veulent réduire le nombre de permis. Je vous dis, M. le
ministre: Attention, surveillons cela de près! Nous avons une
pénalité de 10 000 $ à 20 000 $ actuellement, un plan de
rachat à 18 000 $; l'objectif souhaité est de se rendre au moins
à 1500 permis. Donc, s'il y a des difficultés pour le droit de
transfert, je pense que, si on veut vraiment donner à chaque titulaire,
propriétaire d'une auto-taxi dans la ligue A-ll, un gain
représentant les efforts qu'il fait chaque jour, il y aurait
peut-être lieu d'augmenter ce droit de transfert. (22 h 40)
Taxi spécialisé. Les ligues de taxi A-ll, A-12, A-5 et le
regroupement des ligues de Québec demandent depuis plusieurs
années le pouvoir d'ester en justice pour représenter leurs
membres. Ce projet de loi 22 leur donne enfin le droit de représenter
leurs membres devant la Commission des transports. Souvent, ils se sont
présentés et, comme ils n'avaient pas de statut
légalisé par une loi, ils ne pouvaient pas représenter
leurs membres. Ce pouvoir leur est donné dans ce projet de loi. M. le
ministre, dans le rapport que je vous ai transmis, je vous demandais de lever
le moratoire sur les limousines qui sont illégales, mais
tolérées par la loi de 1984 ou 1985. À la suite de ce
pouvoir des ligues de taxi d'ester devant les tribunaux pour représenter
leurs membres, il serait normal, M. le ministre, que le moratoire soit
levé pour légaliser la situation des titulaires illégaux
de permis de limousine dans la région de Québec et dans la
région de Montréal, tout en prouvant devant la
commission qu'ils effectuaient effectivement un service de limousine
à la population entre 1981 et 1983.
Taxi spécialisé transféré en service de
limousine. À la communauté urbaine, certaines restrictions
existent en attendant la décentralisation pour savoir exactement si, via
les trois ligues de taxi dans l'agglomération métropolitaine, il
n'y a pas lieu d'attendre.
Concertation entre la communauté urbaine, M. le ministre, et les
trois ligues de taxi. Il faudrait faire des représentations pour que les
trois ligues de taxi se sentent vraiment écoutées par le nouveau
Bureau de taxi de la Communauté urbaine de Montréal.
Limousines de grand luxe. Actuellement, au Québec, il y a trois
permis de limousine. La compagnie Murray Hill a 94 permis. La compagnie Contact
a acheté la compagnie Samson et un autre titulaire à
Montréal a été vendu dernièrement. Donc, ces trois
compagnies de limousine ont environ 190 autos. Dans ce projet de loi, on
institue la limousine grand luxe "stretch". La question, M. le ministre, qu'il
faut se poser, c'est: Est-ce qu'un titulaire qui ferait une demande devant la
Commission des transports aura le droit à une auto ou, si son permis de
limousine lui permettra d'avoir un nombre illimité d'automobiles? Je
pense qu'il y aura des questions à se poser si on compare les permis de
limousine traditionnelle, soit le nombre de limousines qui étaient en
fonction ou qui avaient une immatriculation entre 1981 et 1983.
Je pense que les ligues de taxi du Québec accueilleront
très bien ce projet de loi, M. le Président. Je voudrais dire un
mot sur les concessions exclusives aux hôpitaux. Dans le projet de loi,
à l'article 14.7 , on y fait référence. Depuis le projet
de règlement sur le taxi qui a été adopté
l'année dernière, plusieurs institutions ont cessé de
donner un service exclusif de taxi à des associations de taxi. Par
contre, on a enlevé le poste en commun, qui était un poste
privé et exclusif, pour le transférer sur rue. Dans plusieurs
hôpitaux de Montréal, il serait logique que ces postes de
stationnement privé pour taxis demeurent au même endroit où
ils étaient. À titre de référence, à
l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, le poste de taxi qui était
à la porte d'entrée est maintenant sur rue et c'est la population
qui en subit les conséquences.
M. le ministre, je vous félicite de ce projet de loi. Il y aura
peut-être des amendements à y apporter, mais je pense que cela
répond à des demandes de l'industrie du taxi. En ce qui a trait
aux demandes de décentralisation sur l'île de Montréal
où la plupart des problèmes se situent, je pense que la
décentralisation apportera à l'industrie du taxi, à la
population et à tous les consommateurs un meilleur service. M. le
ministre, je vous félicite et, si vous avez encore besoin de moi pour
défendre l'industrie du taxi, cela me fera plaisir d'être à
vos côtés. Merci.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le ministre des Transports pour son droit de réplique.
M. Marc-Yvan Côté
(réplique)
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
très brièvement puisque ce projet de loi recevra l'approbation de
la Chambre de manière unanime, je suis particulièrement fier pour
l'industrie du taxi de pouvoir franchir une autre étape. À la
fois Mme la députée de Maisonneuve et M. le député
de Jeanne-Mance ont fait état de certains points spécifiques du
projet de loi et de certaines questions auxquelles je pourrais peut-être
répondre dès maintenant ou donner certains
éclaircissements.
Pour répondre à une première question qui
était la date de mise en application du plan de rachat, j'ai
signé des documents officiels hier. Ces papiers devront suivre leur
cours. Donc, c'est une question de jours maintenant pour que le plan de rachat
devienne officiel et ainsi qu'il puisse s'appliquer à l'ensemble de
l'industrie.
Quant au nombre de permis rachetés jusqu'à maintenant, on
ne se trompe pas en évaluant à près de 800 le nombre de
permis rachetés compte tenu de certains petits soubresauts au moment
où on a interdit la location et, finalement, quelques permis par la
suite. Mais normalement ce que nous décidons en acceptant de passer de
10 000 $ à 18 000 $ devrait avoir des effets très significatifs.
On espère donc passer le cap des 1000 et atteindre les 1200 et, à
1200, je pense que le plan de rachat pourrait avoir fait en bonne partie son
oeuvre.
Mme la députée de Maisonneuve a souhaité qu'au
moment où on adopte des projets de loi comme ceux-ci qui font appel
à de la réglementation ultérieurement on puisse avoir
entre les mains la réglementation. Dans les cas où cela a
été possible, on l'a fait avec le plus grand des plaisirs. Force
nous est de constater à ce moment-ci que le ministère des
Transports est pris dans un processus sur le plan législatif
extrêmement important qui commande d'innombrables efforts au contentieux
du ministère, que ce soit quant au projet de loi sur la
déréglementation du transport des marchandises, un projet de loi
sur les chemins de fer et toute une série de projets de loi qui devront
être déposés à l'automne, mais qui demandent qu'on
les dépose au Conseil exécutif pour le 15 juillet, et qui
commandent beaucoup de ressources, énormément de ressources. Cela
fait en sorte que le projet de loi sur la déréglementation
a des effets au niveau de la Régie de l'assurance automobile, au
niveau de la Commission des transports du Québec. C'est la pièce
maîtresse de législation au ministère pour l'automne et
tous les légistes travaillent là-dessus. Nous ferons diligence
quant aux règlements qui découleront de cette loi et en
informerons, bien sûr, l'Opposition de façon qu'on puisse en faire
une analyse éclairée qui corresponde aux besoins
d'aujourd'hui.
Vous avez entendu comme moi certaines remarques de Mme la
députée de Maisonneuve quant aux répercussions dans les
journaux du rapport Bissonnet. Je pense qu'on a malheureusement couvert
davantage l'élément qui devait faire passer de 12 à 18 les
points d'inaptitude chez les chauffeurs de taxi par rapport à l'essence
du rapport dans lequel on trouvait énormément de points positifs
pour l'industrie qui ont été adoptés et qui seront
adoptés de telle sorte qu'on aura vite oublié cette
recommandation pour remercier le député de Jeanne-Mance et son
équipe de l'excellent travail qu'ils ont fait quant aux autres mesures
dont plusieurs se retrouvent à l'intérieur même de ce
projet de loi.
Dans ce sens, je pense que cela n'a pas été rendre justice
au rapport Bissonnet que de ne parler que des points qui ont soulevé
l'émoi de certains chauffeurs. Certainement les chauffeurs de taxi
seraient très heureux d'avoir les 18 points, mais d'autres ont dit qu'il
ne devrait pas y avoir deux sortes de conducteurs au Québec, puisque
tout le monde doit respecter la loi. Le député de Jeanne-Mance
souhaitait qu'on révise la grille des points d'inaptitude pour la rendre
un peu plus conforme à celle de l'Ontario puisqu'en Ontario chaque
conducteur a 15 points par rapport à 12 points au Québec. En
Ontario, pour le doublement d'un autobus scolaire, il y a une perte de 6
points, alors qu'au Québec c'est 9 ce qui fait, quand même, une
différence très appréciable. Vous voyez avec tout cela que
la proposition de 18 points n'était pas loin de la
réalité, compte tenu de ces deux éléments, mais on
aurait dû les donner à tout le monde.
Dans ce sens, je pense que c'est rétablir la situation et les
faits mais cela ne veut pas dire, pour autant, que le gouvernement acceptera
demain matin de donner 18 points à tout le monde puisque nous en sommes
actuellement dans une étape extrêmement importante de prise de
conscience du respect des lois et règlements au Québec et de
sécurité routière. Mais je puis, d'ores et
déjà, vous annoncer que j'ai acheminé dans les
différents comités ministériels aujourd'hui même des
modifications substantielles à la grille d'évaluation des points
d'inaptitude à la fois dans son plafond et dans certaines mesures. On
pourrait voir, au sortir de ces comités, une nouvelle grille qui
tiendrait compte d'un certain nombre de facteurs et qui pourrait
peut-être même, si elle passait la rampe, être très
révolutionnaire par rapport à ce qu'on a connu jusqu'à
maintenant: simplification, bonification, pour que, d'ici peut-être un
mois ou deux, ou au retour, à la rentrée parlementaire, on puisse
avoir passé la rampe d'une nouvelle grille d'évaluation des
points d'inaptitude qui pourrait être applicable au cours des prochains
mois.
Quant au voeu exprimé par le député de Jeanne-Mance
que les trois ligues de taxi de la région de Montréal
reçoivent toute l'écoute et l'attention qu'elles méritent
au niveau de la communauté urbaine, j'ai eu moi-même l'occasion de
discuter avec M. Hamelin, président de la CUM, vendredi dernier et
lui-même devait rencontrer aujourd'hui en particulier M.
Légaré et son groupe pour faire le point sur la situation des
transferts et régler certains petits irritants qui, en cours de route,
ont parsemé leurs relations et faire en sorte que tout rentre dans
l'ordre pour le mieux-être de l'industrie du taxi.
Finalement, à une question du député de
Jeanne-Mance qui disait: Est-ce que, dans les permis de limousine ce sera un
permis pour une voiture? Oui, un permis pour une voiture et non pas un permis
pour plusieurs voitures, de telle sorte qu'on puisse réglementer et
régler un certain nombre de problèmes.
H y a une autre question que j'oublie de la part du député
de Jeanne-Mance. Quant aux limousines illégales, bien sûr,
à partir du moment où nous aurons adopté ce projet de loi,
chacun pourra légaliser sa situation, mais devant la Commission des
transports, dans la mesure où chacun pourra répondre aux
critères et normes établis par la Commission des transports et
appliqués par elle.
Je pense que nous franchissons l'unanimité de cette Chambre en
témoigne grandement - un pas extrêmement important pour
l'industrie du taxi qui, je suis bien heureux de l'apprendre puisque je ne le
savais pas, était l'affaire du député de Jeanne-Mance,
mais était aussi l'affaire des députés de Crémazie,
tant le ministre Tardif de l'époque que le député et
ministre actuel de Crémazie, qui sait très bien assumer la
continuité de ce dossier. Sa grande connaissance de
l'agglomération de Montréal fait en sorte que c'est un excellent
défenseur de tous les problèmes du taxi. En cela, je suis
très heureux de ma formation politique, du député de
Crémazie, de par son expérience passée, et du
député de Jeanne-Mance.
En terminant, M. le Président, je voudrais dire au
député de Jeanne-Mance que j'ai beaucoup apprécié
sa collaboration. Nul
doute que son précieux concours, son expérience et sa
disponibilité feront en sorte que le ministre des Transports très
prochainement fera à nouveau appel à lui pour proposer des
solutions dans d'autres domaines et j'espère qu'il le fera de
manière tout aussi convenable et raisonnable qu'il l'a fait dans le cas
du taxi. Ce serait de bon augure pour d'autres qui attendent des solutions
à leurs problèmes. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Le débat étant clos
à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que la
motion d'adoption du principe du projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur le
transport par taxi, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Lefebvre: Je fais motion pour déférer le projet
de loi 22 à la commission de l'aménagement et des
équipements.
Le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader
adjoint.
M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner les travaux à
demain matin, 10 heures.
Le Vice-Président: Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Donc, l'Assemblée
nationale ajourne ses travaux à demain, le mardi 9 juin, à 10
heures.
(Fin de la séance à 22 h 54)