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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Monday, June 8, 1987 - Vol. 29 N° 119

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir!

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Aux affaires courantes. Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions.

Étude des crédits budgétaires pour l'année financière 1987-1988

J'ai l'honneur de déposer les rapports des commissions parlementaires qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 1987-1988, soit les rapports de la commission des institutions, de la commission du budget et de l'administration, de la commission des affaires sociales, de la commission de l'économie et du travail, de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, de la commission de l'aménagement et des équipements, enfin, de la commission de l'éducation et de la commission de la culture. J'aimerais déposer ces différents rapports. Rapports déposés.

Dépôt de pétitions. Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Je vais reconnaître M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, la première question s'adresserait au Solliciteur général, qui est en conférence de presse avec les journalistes. Je propose qu'on suspende la période des questions en attendant sa venue.

Le Président: On peut procéder immédiatement, si j'ai le consentement des deux côtés de cette Chambre, aux avis touchant les travaux des commissions. Il y en a quelques-uns. Peut-être que le leader pourrait procéder, si j'ai le consentement de cette Assemblée, aux avis. M. le leader adjoint du gouvernement, quant aux avis concernant les travaux des commissions.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui...

Une voix: La voix de Dieu.

M. Lefebvre: M. le Président, j'avise cette Assemblée - la voix de fin de semaine - qu'aujourd'hui, de 14 à 17 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions procédera à l'étude des prévisions budgétaires du Directeur général des élections pour l'année financière 1987-1988.

Je désire également informer cette Assemblée que, dès l'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur les pesticides, et l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée desdits projets de loi à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine.

Le Président: J'ai également un avis à faire aux membres de cette Assemblée. Je vous avise que la commission du budget et de l'administration se réunira le lundi 8 juin 1987, après la période des affaires courantes, jusqu'à 13 heures à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine de l'Hôtel du Parlement, également, l'objet de cette séance, c'est d'entendre M. Denis Chaput, M. Pierre-B. Lesage, M. Paul Guy, dans le cadre de l'examen des orientations, des activités et de la gestion de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Veuillez noter que, dès la fin de ces auditions, la commission se réunira en séance de travail. Ceci met fin aux avis concernant les travaux des commissions. Y a-t-il des renseignements concernant les travaux de l'Assemblée?

M. Chevrette: M. le Président, peut-être le leader du gouvernement pourrait-il indiquer dans ses grandes lignes le menu d'aujourd'hui?

M. Gratton: Oui, avec plaisir. M. le Président... M. le Président, quelques... M. le Président, pourrais-je suggérer qu'on suspende jusqu'à ce que...

Le Président: Le son.

M. Gratton: ...le système pour le son fonctionne?

Le Président: Les travaux de cette Assemblée sont suspendus une ou deux minutes.

(Suspension de la séance à .10 h 13)

(Reprise à 10 h 19)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.

Aux affaires courantes, j'avais déjà appelé le fait qu'il n'y aurait pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Nous étions rendus à la période de questions. Je vais reconnaître une première principale à M. le leader de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Arrestation de permanents de la CSN et le cas du président

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au Solliciteur général responsable des activités de la Sûreté du Québec. Est-ce que le Solliciteur général pourrait nous donner les raisons qui justifient que le mystère le plus total soit encore maintenu, actuellement, sur une des personnes arrêtées, vendredi dernier, en rapport avec l'explosion d'une bombe à Chicoutimi, en l'occurrence M. Boivin? Est-ce que le Solliciteur général peut nous dire si M. Marc Boivin est détenu? Est-ce qu'il peut communiquer avec son avocat? Est-ce qu'il peut communiquer avec ses proches? Voilà les trois premières questions que je voudrais lui poser.

Le Président: M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: M. le Président, la question de mon collègue, le député de Joliette, quant à savoir pour quelles raisons, finalement, il n'y a pas d'informations de données en rapport avec un certain M. Boivin, je dois vous dire, d'abord, qu'il y a une distinction à faire entre les activités policières, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Je n'ai pas l'intention de m'immiscer dans les activités policières au Québec. Je pense que le député de Joliette devrait le savoir.

Il existe aussi, en plus de cela, des dispositions de la loi sur la protection des renseignements personnels, notamment l'article 28, à savoir que certaines informations ne peuvent pas être rendues publiques, même si je pouvais le faire, lorsque cela risque d'entraver le déroulement d'une procédure devant une personne ou un organisme exerçant des fonctions judiciaires, lorsque cela risque d'entraver le déroulement d'une enquête ou de révéler une méthode d'enquête ou certaines sources confidentielles d'information.

Dans les circonstances, je pense que ce n'est pas à moi ici, aujourd'hui, à dévoiler quoi que ce soit en rapport avec les enquêtes en cours.

Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle, je voudrais dire au ministre que je comprends qu'il y a une différence entre un objet qui est devant le tribunal et les activités comme telles. Il est du devoir du Solliciteur général, quant aux activités policières, d'être au courant, j'espère, de son dossier.

Cela étant dit, ma question additionnelle est la suivante: Est-ce que le ministre a participé à une réunion au sommet, comme le disait, par exemple, La Presse de fin de semaine, où on peut lire ceci: "Une source au sein du ministère du Solliciteur général du Québec a révélé à La Presse, au cours du week-end, qu'une réunion au sommet avait empêché ou du moins retardé l'arrestation du président de la CSN compte tenu des implications politiques et syndicales qu'elle entraînerait."

Le Président: En réponse, M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: Ma réponse est très simple. Je n'ai participé à aucune réunion pendant la fin de semaine en rapport avec ce dossier.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce qu'avant les arrestations le ministre a participé à une réunion des plus hautes instances du gouvernement concernant ces arrestations?

Le Président: M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: M. le Président, ma réponse est simple. Je n'ai, en aucun moment la semaine dernière, participé à quelque réunion que ce soit en rapport avec ce dossier. Je dois vous dire que j'entends suivre cette distinction très stricte que l'on doit faire entre les opérations policières et le pouvoir exécutif. Quant à moi, dans toute cette affaire, il s'agissait, dès le début, d'une enquête dans le cours normal et régulier des enquêtes de la Sûreté du Québec. Ce n'est pas de mon devoir et ce n'est même pas de mon droit, je pense, d'intervenir dans le processus et le déroulement des enquêtes policières.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle, on parle d'implications politiques et syndicales. Je suppose que c'est le ministère du Solliciteur général, le ministre lui-même,

qui doit prendre des orientations sur les implications politiques. Je veux savoir si le ministre était au courant que même le président de la CSN était susceptible d'être arrêté et qu'une décision en rapport avec les implications politiques et syndicales avait empêché l'arrestation de M. Larose.

Le Président: M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: M. le Président, si le député de Joliette fait des interprétations et des extrapolations à partir d'un article dans le journal La Presse, bien à lui de le faire, mais ce n'est pas ma façon d'agir. Dans cette affaire, je le répète, le pouvoir politique n'a pas à prendre de décision quant à savoir si une enquête doit être continuée ou si elle doit être arrêtée. Deuxièmement, le pouvoir politique n'a pas de décision a prendre quant à la prise de procédures. Lorsqu'il y a un dossier d'enquête, il est monté par la Sûreté du Québec et, par la suite, discuté et déposé entre les mains des procureurs de la couronne.

M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionelle.

M. Chevrette: Vu qu'à ce moment-ci il existe, même si on voulait le nier, une incertitude où on laisse planer un doute dans le cas de M. Larose, président de la CSN, est-ce que le ministre entend lever cette incertitude?

M. Gratton: M. le Président, une question de règlement.

Le Président: Sur, une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Je m'excuse auprès de mon collègue, le Solliciteur général, mais je dois rappeler au leader de l'Opposition les dispositions de l'article 82 du règlement qui éditent les questions auxquelles un ministre peut refuser de répondre, et, au troisième alinéa, on retrouve la phrase suivante: "II doit refuser d'y répondre si sa réponse aurait pour effet de contrevenir aux paragraphes 2° et 3 de l'article 35." Or, le paragraphe 3 de l'article 35 se lit comme suit: "Le député qui a la parole ne peut parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit."

Je ne reproche rien au leader de l'Opposition, je lui fais simplement remarquer, M. le Président, que le Solliciteur général doit refuser de répondre à toute question s'il juge que sa réponse pourrait avoir pour effet de contrevenir à ce troisième paragraphe de l'article 35. Donc, M. le Président, je vous invite a être très vigilant à l'égard des questions qui peuvent être posées.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je suis très heureux que le leader du gouvernement ait renseigné son Solliciteur général sur les possibilités que lui donne le règlement. Vous aurez remarqué que je connaissais l'article 82 et que je connaissais l'article 35, et que je m'en suis tenu exclusivement à la procédure, à la forme. Je ne suis pas entré dans le contenu précisément parce que je sais que des procédures judiciaires seront entreprises. Que je sache, je n'ai pas encore traité du fond des choses, je n'ai parlé que des ambiguïtés qui circulent, et c'est le rôle du Solliciteur général. Quand on laisse planer un doute sur un citoyen, si c'est vrai, qu'on agisse; si c'est faux, qu'on rectifie.

Je me souviens qu'en cette Chambre, par une question de règlement, le leader du gouvernement lui-même, au moment où il était dans l'Opposition, avait supplié le ministre de la justice de lever le voile sur une supposée histoire de patronage d'un de ses collègues. C'est la même chose. Si le Solliciteur général a des droits et devoirs, c'est un devoir de lever le voile sur un doute ou de blanchir la personne sur qui pèse un doute.

M. Gratton: Évidemment, c'est un devoir pour le Solliciteur général de faire son travail comme il l'entend et selon les règles, notamment selon le règlement de l'Assemblée nationale. Je dis simplement que c'est à lui de décider s'il peut répondre à la question en respectant l'article 82 et, notamment, le troisième paragraphe de l'article 35. M. le Président, je souhaite que vous soyez extrêmement vigilant dans l'acceptation des questions formulées par le leader de l'Opposition.

Le Président: En ce qui concerne l'article 82, le ministre doit utiliser l'article 82. C'est le ministre et non le président de l'Assemblée nationale qui doit... C'est le ministre, s'il le juge à propos, qui doit l'utiliser soit pour refuser en invoquant l'intérêt public ou encore toute autre raison mentionnée à l'article 82.

Je vais permettre une dernière question et je laisse toute latitude à M. le Solliciteur général de répondre ou non à ce genre de questions.

M. Latulippe: Je veux simplement dire que toutes les personnes sont égales devant la loi et que la présomption d'innocence

s'applique à tout le monde. Effectivement, à ma connaissance, selon les informations que j'ai, il n'y a actuellement aucune accusation qui soit portée contre M. Larose. Je dois dire que mon collègue devrait bien comprendre que la présomption d'innocence s'applique à tout le monde et je ne pense pas qu'il soit d'intérêt public actuellement de commenter plus longuement cette affaire qui, d'une part, est sous enquête. D'autre part, pour certaines de ces personnes, la cause est devant les tribunaux. La preuve sera faite non pas à l'Assembée nationale, mais devant les tribunaux du Québec.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous confirmer qu'il y a eu une réunion au sommet, même si lui-même n'y a pas participé...

Une voix: Dans son ministère.

M. Chevrette: ...à son ministère avec ses fonctionnaires du plus haut niveau?

Le Président: M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: Je le répète, c'est la dernière fois que je vais répondre à cette question pour clarifier les questions que pose le député de Joliette. C'est la dernière fois que je réponds, parce que je pense que, pour la suite, ce n'est pas d'intérêt public. Je n'ai participé à aucune réunion. Ce matin, en arrivant au ministère, je l'ai demandé à mon sous-ministre qui m'a confirmé la même chose en ce qui le concerne. En conséquence, je peux dire qu'en ce qui me concerne et selon les informations que j'ai obtenues de mon sous-ministre, il n'y a pas eu de réunion et nous n'avons pas participé... (10 h 30)

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, en additionnelle.

M. Chevrette: Est-ce que le ministre peut nous confirmer si de hauts fonctionnaires de son ministère ont participé à une étude, vendredi dernier, pour savoir s'ils devaient poursuivre ou non le président de la CSN, compte tenu des implications politiques et syndicales? Si je pose la question, c'est qu'elle est d'intérêt public pour les motifs suivants. On nous annonce même ce matin que le premier ministre serait en tête-à-tête avec Gérald Larose. C'est important pour la population de savoir ce qui se trame.

Le Président: M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: M. le Président, j'ai répondu à cette question, j'ai clarifié la situation en ce qui me concerne. Il ne rencontre pas... Je suis actuellement informé que le premier ministre ne rencontre pas M. Larose ce matin. Donc, votre assertion est fausse. J'ai assez répondu à ces questions, M. le Président. Il y a 9000 personnes qui travaillent au sein de mon ministère. Je ne suis certainement pas pour savoir, ce matin, ce que ces 9000 personnes pensent et ont fait pendant la fin de semaine.

Le Président: M. le leader de l'Opposition... M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Gratton: Sur un complément de réponse, M. le Président. Je veux simplement confirmer ce que vient de dire le Solliciteur qénéral, à savoir que le premier ministre ne rencontre pas, aujourd'hui, le président de la CSN, M. Larose.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais demander ceci au Solliciteur général. Je ne lui demande pas s'il y a un de ses 9000 fonctionnaires qui a rencontré les procureurs de la couronne ou les policiers, mais parmi sa haute direction - ce n'est quand même pas 40 ou 50 personnes -y a-t-il eu une rencontre pour évaluer le bien-fondé d'une arrestation en fonction des implications politiques et syndicales?

Le Président: M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: M. le Président, j'ai déjà répondu à cette question.

Une voix: Oh! Oh!

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...je prends donc acte que le ministre refuse de répondre à une question d'intérêt public.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, le leader de l'Opposition ne peut pas prendre acte que le Solliciteur général refuse de répondre. Il affirme qu'il a répondu, et ce, à plus d'une occasion.

M. Chevrette: M. le Président, comment le Solliciteur général peut-il refuser en cette Chambre de répondre sur le déroulement des événements alors que la Sûreté du Québec, à 14 h 30, cet après-midi, fera une conférence de presse pour expliquer tout cela? Nous, du Parlement, avec le ministre responsable, on n'est même pas capables d'avoir une réponse du Solliciteur général. C'est inadmissible, c'est un manque à ses responsabilités, M. le Président.

Des voix: Oh! Oh!

M. Latulippe: M. le Président.

Le Président: M. le Solliciteur général.

M. Latulippe: Je n'ai jamais refusé de répondre à cette question. Cela fait au moins trois fois que le député de Joliette me la pose et j'y ai répondu de façon complète. Deuxièmement, au ministère, les questions politiques sont décidées par le ministre et non pas par les 9000 fonctionnaires qui y travaillent. Alors, je ne peux pas savoir, en fin de semaine, il y a une semaine ou il y a quinze jours, quelles sont les réunions qui ont été tenues parmi les 9000 personnes au sein du ministère du Solliciteur. Mais je peux vous dire que les questions politiques sont décidées par le ministre et qu'il n'y a pas eu, en fin de semaine, de décision. Il n'y a même pas eu de réunion où il y aurait eu une question politique, en rapport avec cette affaire, amenée ou décidée par moi ou mon cabinet. Et je l'ai demandé à mon sous-ministre aujourd'hui - ce matin en arrivant -et je peux vous dire qu'il m'a informé de la même chose.

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le député de Gouin, en principale ou en additionnelle?

M. Rochefort: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Gouin.

Les sercices médicaux assurés pour les femmes

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Depuis déjà un certain nombre de semaines, nous interrogeons la ministre de la Santé et des Services sociaux pour tenter de . la convaincre de ne pas mettre en place le nouveau cadre de rémunération dans le domaine médical quant aux services médicaux disponibles pour les femmes, notamment pour les femmes qui sont enceintes, atteintes de cancer ou de maladies transmises sexuellement.

Même si, jusqu'à ce jour, des spécialistes ont dénoncé les effets graves que pourrait avoir une telle entente sur la santé des femmes, même si un des négociateurs syndicaux, le Dr Gauthier, a reconnu que le cadre pouvait léser certaines pratiques et pourrait probablement devoir être réévalué avec une préoccupation santé au fil des prochaines années, jusqu'à maintenant la ministre a maintenu sa position.

Or, une nouvelle voix d'opposition à ce cadre de rémunération s'est fait entendre la semaine dernière. Il s'agit de la voix du président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, le Dr Clément Richer qui disait, et je cite ses propos rapportés par Le Devoir: "Que le nombre limité d'examens est nettement insuffisant dans le cas de certaines pathologies comme les maladies transmises sexuellement."

Est-ce que cette nouvelle prise de position contre la décision de la ministre de couper dans l'accessibilité aux services médicaux pour les femmes du Québec aura pour effet d'ébranler la ministre dans cette décision inadmissible et qu'elle n'a pas été en mesure de justifier jusqu'à maintenant?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le député de Gouin a affirmé beaucoup de choses depuis deux ou trois semaines comme il le disait lui-même. Il a parlé de coupures imposées aux obstétriciens-gynécologues. D'abord, je voudrais qu'il m'explique comment on peut parler de coupures quand il y a eu augmentation de 5 000 000 $ pour la masse monétaire des obstétriciens-gynécologues.

Deuxièmement, je voudrais aussi qu'il ait une certaine cohérence dans son discours. Pendant quinze jours, il a mis en doute la crédibilité de l'Association des médecins obstétriciens-gynécologues en faisant valoir qu'ils avaient des intérêts d'ordre syndical et qu'à cet égard on ne pouvait pas se fier à leur opinion. Je voudrais dire en passant que cette entente a été acceptée par l'ensemble des médecins obstétriciens-gynécologues du Québec et non pas par deux ou trois individus.

Aujourd'hui, alors qu'il dit qu'on ne peut pas accorder de crédibilité parce que ça vient d'un organisme syndical, il m'apporte une contrepartie, et c'est la première fois, en s'appuyant sur un autre syndicat. Je ne mets pas en doute les propos de l'autre syndicat mais il faudrait que le député de Gouin ait une certaine cohérence.

Je voudrais aussi corriger certaines affirmations que le député de Gouin répète d'une façon constante à savoir que les femmes enceintes - qui ont une grossesse

normale - devraient avoir 15, 16 et peut-être plus d'examens. Il n'y a jamais eu aucune affirmation de la part de qui que ce soit, ni de la Fédération des médecins omnipraticiens ni d'autres sources médicales à savoir que, pour une grossesse normale, douze visites -excluant toujours la première visite qui est une visite principale - étaient amplement suffisantes et même supérieures à ce qui se pratique en Ontario.

Quant aux grossesses à risques, elles sont couvertes à la fois en cabinet privé et dans les établissements et il n'y a pas de limite de visites pour le suivi de ces grossesses.

Je veux bien que le député de Gouin affirme des choses et revienne à la charge, mais je voudrais au moins qu'il étaie un peu ses affirmations.

Le Président: M. le député de Gouin, question additionnelle.

M. Rochefort: Le Solliciteur général déteint sur la ministre, M. le Président. Ce n'est pas à moi à défendre les décisions de la ministre, c'est à la ministre à justifier ses décisions.

Le Président: M. le député, vous êtes sur une question additionnelle.

M. Rochefort: M. le Président...

M. Chevrette: M. le Président, question de règlement moi aussi.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Sur une question de règlement, M. le député.

M. Chevrette: M. le Président, je ne crois pas que ce soit au député à jouer le rôle de président, vous êtes là pour cela. Très régulièrement, au moment même où vous dites: Question, on crie à plusieurs endroits dans la salle. Vous pouvez reconnaître la voix de votre siège et nommer directement le député ou, au moins, sa circonscription électorale. Je pense qu'en l'occurrence, Mme la députée de Mégantic-Compton s'improvise présidente très régulièrement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, parmi les députés qu'il faudrait nommer de façon constante, il faudrait sûrement nommer le député de Gouin qui, il le sait fort bien, ne doit pas faire précéder une question complémentaire d'un préambule, ce qu'il était en train de faire. C'est tout normal. Je maintiens que, tant et aussi longtemps que le député de Gouin continuera de violer le règlement, il devra se faire rappeler à l'ordre, sinon par vous, du moins par les membres de l'Assemblée.

Le Président: M. le député de Gouin, je vous avais reconnu sur une question additionnelle, et uniquement sur une question additionnelle, s'il vous plaît! (10 h 40)

M. Rochefort: M. le Président, comment la ministre peut-elle répondre à la question que je lui ai posée en disant qu'il n'y a pas de coupures pour les docteurs parce qu'il y avait une augmentation de la masse de 5 000 000 $, alors que ce dont nous discutons depuis trois semaines, c'est des coupures dans l'accessibilité aux services médicaux pour les femmes du Québec? Est-ce que la ministre est en train de nous dire qu'elle ne reconnaît pas que le cadre de rémunération qu'elle a mis en place a pour effet de couper gravement dans l'accessibilité aux services médicaux pour les femmes du Québec?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le problème devant lequel nous nous trouvons, c'est la coutume habituelle selon laquelle la rémunération des médecins spécialistes, ou même des médecins omnipraticiens, est discutée à la table de négociation pour le renouvellement de leur entente.

Le gouvernement consent des augmentations à la Fédération des médecins spécialistes, en l'occurrence, et pour chacune des associations. Dans le cas de l'Association des médecins gynécologues obstétriciens, 5 000 000 $ supplémentaires leur ont été accordés. C'est la responsabilité des médecins entre eux et non pas de la ministre qui, elle, n'a pas la compétence pour décider de quelle façon la rémunération se fera et de la fréquence des actes. Ce que je vous dis, M. le Président, c'est que le député de Gouin tente de semer la panique dans la population à partir d'une réalité qui n'est pas celle qu'il décrit.

Le Président: M. le député de Gouin, question additionnelle.

M. Rochefort: M. le député, je reviens avec une question que j'ai posée la semaine dernière à la ministre, compte tenu de sa réponse. Est-ce que la ministre est en train de nous dire qu'elle n'a pas donné son accord a la mise en place d'un cadre de rémunération qui a pour effet direct de réduire l'accessibilité aux services médicaux? Est-ce que la ministre est en train de nous dire qu'elle n'est pas d'accord avec les coupures dans l'accessibilité aux services médicaux pour les femmes dans l'entente à laquelle elle a pourtant donné son accord? La

ministre est-elle d'accord, oui ou non, avec ce qu'elle a mis en place?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: Oui, M. le Président. J'ai signé l'entente, je le répète. Mais cette entente a été signée à partir d'opinions médicales et non pas de l'opinion de la ministre, et surtout pas à partir de l'opinion du député de Gouin.

J'ai signé cette entente sur la base des recommandations qui m'ont été faites de la part des médecins du ministère, des opinions que nous avons obtenues de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et également de l'association des médecins gynécologues-obstétriciens. Quand il dit que nous coupons dans l'accessibilité, c'est que ces personnes qui sont quand même les plus compétentes en la matière croient que le type de rémunération qu'elles se sont accordé et que la fréquence des examens qui sont à la disposition des femmes sont amplement suffisants pour répondre aux besoins des femmes.

Le Président: M. le député de Gouin, en additionnelle.

M. Rochefort: M. le Président, comment la ministre peut-elle prétendre que c'est suffisant, alors que la pratique et l'enseignement universitaire au Québec dans le domaine médical disent que, pour des cancers, il faut voir les femmes au moins aux deux ou trois mois et même que, dans les cas de cancer suivi et traité à la chimiothérapie, il faut les voir une fois par mois, alors que votre cadre fait en sorte qu'elles ne pourront avoir accès à un examen principal qu'une seule fois par quatre mois? Sur quoi vous appuyez-vous pour mettre en place un tel cadre aussi dangereux pour la santé des femmes du Québec?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, encore une fois le député de Gouin veut laisser croire qu'il n'y a que trois visites par année pour les personnes qui seraient atteintes de cancer. Il y a trois visites principales. Il pourrait même y avoir des visites principales supplémentaires, s'il s'agissait d'une nouvelle pathologie, mais les visites de contrôle sont illimitées tant à l'hôpital, s'il s'agit de l'hôpital, qu'en cabinet privé.

M. le Président, à ce moment-ci, le député de Gouin trouve un tel plaisir à entretenir cette incertitude ! que je demanderais la permission de l'Assemblée nationale pour déposer trois lettres: c 'abord de l'Association des médecins obstétriciens-gynécologues du Québec, une opinion de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et également l'avis que j'ai obtenu sur cette opinion de la même corporation des médecins du Québec.

Le Président: Y a-t-il consentement pour déposer ces documents? M. le député de Gouin, y a-t-il consentement?

M. Rochefort: Oui, il y a consentement.

Le Président: Alors, les trois lettres mentionnées par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux sont déposées.

Je vais maintenant reconnaître en principale Mme la députée de Marie-Victorin.

Besoins en services sociaux dans la région de Montréal

Mme Vermette: M. le Président, en principale. Vendredi le 5 juin, les experts du centre de services sociaux du Montréal métropolitain dévoilaient la triste réalité des besoins en services sociaux de la région métropolitaine de Montréal.

Dans le seul territoire de Montréal actuellement, on compte pas moins de 320 000 personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, soit 75 % des 422 400 pauvres identifiés comme tels dans la région métropolitaine. Le corollaire de la pauvreté, c'est que les besoins sociaux se traduisent par l'isolement des familles, la violence, l'itinérance, l'exploitation, la spéculation, la promiscuité et l'accroissement continu des problèmes de santé mentale.

Mme la ministre, devant un tel bilan si sombre, quels sont les moyens que vous entendez mettre à la disposition des CSS pour qu'une intervention des plus urgentes puisse apporter une solution concrète à ces besoins sociaux?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, devant la description que vient de faire la députée de Marie-Victorin, description fort triste de la réalité que vit la population, particulièrement dans les grands centres urbains. Je dois lui dire qu'une partie des remèdes relève de mon ministère, mais qu'il s'agit aussi d'un phénomène de société. La pauvreté ne peut pas être résolue uniquement par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Je pense que c'est par une collaboration de plusieurs ministères, par exemple, le ministère de l'Habitation, qui a des responsabilités dans ce domaine, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Je pense qu'à cet égard, le gouvernement fait les efforts qu'il est en

mesure de faire pour pallier les situations les plus difficiles. Le phénomène de pauvreté que nous regrettons et que, comme société, nous devons tenter de corriger, n'a pas de solution magique venant de quelque ministre que ce soit.

En ce qui a trait à mon ministère, nous tentons d'ajouter, chaque année, les ressources supplémentaires que nous pouvons ajouter en tenant compte de priorités. La députée de Marie-Victorin se souviendra que, par exemple, du côté de la protection de la jeunesse, nous devons encore ajouter des ressources supplémentaires. Nous en ajoutons dans d'autres domaines, comme en alcoolisme et toxicomanie; nous en prévoyons en santé mentale. Ce sont autant de problématiques sociales qui retiennent l'attention du gouvernement et qui sont des moyens de tenter de corriger la situation rapportée dans les journaux par le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain.

Le Président: Mme la députée de Marie-Victorin, en additionnelle.

Mme Vermette: Comment la ministre peut-elle toujours prétendre qu'un apport substantiel est apporté depuis qu'elle est en poste à son ministère, alors qu'actuellement on a atteint un point critique en ce qui concerne la détérioration du tissu social, notamment à Montréal? Est-ce que la ministre consent à voir l'urgence des besoins sociosanitaires dans la région métropolitaine et que, tout comme pour les urgences de santé, ses budgets n'ont pas été augmentés de plus de 3,3 % par rapport à l'ensemble des budgets totaux des services santé et des services sociaux et qu'aucun effort, depuis deux ans qu'elle est titulaire de son ministère, n'a été fait substantiellement pour monter le calibrage...

Le Président: À l'ordre!

Mme Vermette: ...entre les besoins de services de santé et les services sociaux?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le temps paraît long à la députée de Marie-Victorin dans l'Opposition. Quand elle dit que nous n'avons fait aucun effort au plan financier pour améliorer la situation dans le domaine de la santé, je voudrais simplement la renvoyer à Statistique Québec qui, pas plus tard que la semaine dernière, a rendu publiques les augmentations ou la part du budget du Québec consacrée à la santé. Alors que cette augmentation avait été de 4,2 %, en 1985, en 1986 - qui est la première année de notre mandat l'augmentation a été de 16,4 %.

Le Président: Je vais reconnaître, maintenant, en principale, M. le député de Lévis. (10 h 50)

CLSC autonome réclamé à Lévis

M. Garon: M. le Président, à la suite de la décision annoncée, le 29 avril dernier, par la ministre de la Santé et des Services sociaux de ne pas parachever le réseau des CLSC et d'avoir demandé le regroupement des CLSC entre eux, leur fusion, on sait dans la population totale des MRC Desjardins et Chutes-de-la-Chaudière atteint ou dépasse 105 000 et devrait, selon les prévisions des MRC, dépasser la population de la ville de Québec autour de l'an 2000 alors qu'un CLSC moyen au Québec a 39 000 de population. Cela veut dire au-delà de 150 000 d'ici à une dizaine d'années. A la suite de cela, des comités se sont formés un peu partout sur le territoire et, à ce jour, il n'y a rien qui bouge sur la rive-sud qui n'ait pas appuyé l'idée d'un CLSC autonome, qu'il s'agisse des caisses populaires, des paroisses, des MRC, des municipalités, tout ce qu'il y a d'organismes, le Mouvement Desjardins...

Le Président: Votre question, M. le député de Lévis.

M. Garon: ...et actuellement des pétitions sont en voie d'être signées partout dans toutes les caisses populaires du territoire.

Le Président: Votre question, M. le député. - M. Garon: Devant l'appui aussi massif et unanime de la population en vue d'un CLSC autonome à Lévis pour la MRC Desjardins alors que tout le monde aujourd'hui admet que cela ne coûte pas plus cher - au contraire, un CLSC autonome va coûter moins cher - j'aimerais demander à la ministre de la Santé et des Services sociaux si elle a l'intention de réviser le mandat qu'elle a donné au CRSSS de la région de Québec, qui était d'accord d'ailleurs avec un CLSC autonome, en vue d'essayer de fusionner des CLSC ou encore de les regrouper avec des établissements alors que la population ne veut pas. Est-ce qu'elle est prête à considérer à nouveau le mandat qu'elle a donné jusqu'à maintenant?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je comprends très bien que pour le député de Lévis, membre d'une formation politique qui mettait toujours de l'avant le développement de structures - on se souviendra que sous l'ancien gouvernement, je pense qu'on a créé

au-delà d'une centaine de régies, d'offices, de conseils, de structures finalement dont quelques-uns ont fini par mourir de leur belle mort, comme on dit - c'est difficile de comprendre que désormais le gouvernement du Québec va investir davantage dans les services que dans les structures.

Une voix: Très bien. Bravo!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai fait adresser une demande aux deux conseils régionaux de Montréal et de Québec de me faire des propositions d'ici la fin de juin, quant à la possibilité de reconsidérer une autre formule pour le parachèvement des CLSC, soit par fusion, soit par rattachement ou possiblement de nouvelles expériences. J'attends ces recommandations et je prendrai mes décisions à ce moment.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux veut nous dire que les services seront meilleurs si le CLSC Desjardins est administré par d'autres ou s'il n'est pas autonome et qu'il va coûter meilleur marché s'il n'est pas autonome alors que tout le monde dit le contraire?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, s'il n'y avait qu'un seul CLSC sur la rive sud dans cette partie du territoire, rien n'empêcherait qu'il y ait là des représentants de la MRC Desjardins ou du DSC de Lévis. Je pense qu'il n'y a aucun empêchement à cela, ce qui permettrait à l'ensemble de la population de décider des politiques qui doivent être mises de l'avant quant aux services à offrir à la population dans le Centre local de services communautaires.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, à la suite de la lettre que lui a adressée, le 25 mai dernier, le président du comité d'appui, le maire de Lévis, M. Chagnon, est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux est prête à rencontrer le comité d'appui qui lui a demandé une rencontre avant le 15 juin, avant que le rapport lui soit remis par le CRSSS pour faire leur représentation puisque actuellement, je lui ai dit, tout ce qui bouge sur la rive sud a donné son appui pour un CLSC autonome et ils aimeraient rencontrer la ministre pour pouvoir lui en parler.

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je peux assurer le député de Lévis que moi-même ou des autorités de mon ministère ou de mon cabinet seraient disposées à rencontrer les autorités de la ville de Lévis.

Le Président: En principale, M. le député de Jonquière.

La création de centres

d'incubation d'entreprises

par les municipalités

M. Dufour: M. le Président, dans la foulée d'une politique annoncée par le gouvernement précédent, le gouvernement actuel s'est engagé à favoriser la création de centres d'incubation d'entreprises. L'action timide du gouvernement depuis 18 mois dans ce dossier a incité une cinquantaine de municipalités du Québec, dont Alma au Lac-Saint-Jean, à s'impliquer dans la création d'incubateurs d'entreprises. Or, pour permettre l'éclosion réelle de tous ces projets, les municipalités demandent de modifier les lois pour les autoriser à investir afin de mettre sur pied ces incubateurs. Devant cet engagement des élus municipaux, le ministre de l'Industrie et du Commerce a-t-il l'intention, soit par des projets de loi privés ou par une loi générale, de donner le pouvoir de créer un tel micro-environnement favorable à l'éclosion des PME?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, la réponse est oui, j'ai fait des représentations et le résultat sera très positif pour les municipalités.

Le Président: M. le député de Jonquière, en additionnelle.

M. Dufour: Est-ce que le ministre peut nous dire qui aura ces pouvoirs? Est-ce que c'est un pouvoir qui sera donné à toutes les municipalités ou s'il a l'intention de tracer une politique très claire pour savoir à qui cela s'adresse?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, pour répondre un peu plus longuement, il est entendu que plusieurs municipalités ont fait valoir auprès du ministère de l'Industrie et du Commerce et auprès de mon collègue des Affaires municipales qu'elles souhaitaient avoir le pouvoir de s'impliquer financièrement,

notamment, dans la constitution de motels industriels plutôt que d'incubateurs, au sens où on l'entend ordinairement. Devant le nombre de demandes, il a été prévu que le ministre des Affaires municipales introduirait - je crois qu'il l'a dit notamment aux gens d'Alma - une disposition d'ordre général qui permettra aux municipalités, justement, de participer comme elles le souhaitent au développement économique de leur région.

Le Président: M. le député de Jonquière, en additionnelle.

M. Dufour: Est-ce que le ministre non seulement tracera des balises pour déterminer qui pourra mettre sur pied ces incubateurs industriels, mais mettra de l'avant une politique pour déterminer hors de tout doute à qui cela s'adresse et qui pourra mettre sur pied ces incubateurs?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je ne voudrais pas que le député mêle les choses. Quant à savoir quelle est la politique en matière d'incubateurs d'entreprises, nous en avons traité longuement, notamment à l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce. Il y a très clairement des endroits où on réunit, à un moment donné, par l'intermédiaire des chambres de commerce, un fonds de développement privé, un fonds de démarrage, un institut de recherche, un cégep ou une université, on réunit un ensemble de conditions qui nous permettent de parler d'incubateurs.

Ce dont les municipalités nous ont saisis, c'est de ce désir de leur part de s'impliquer financièrement dans la mise sur pied, le fonctionnement, la construction d'un motel industriel, des édifices dans lesquels les entreprises en démarrage pourraient loger. C'est ce que les municipalités du Québec nous ont fait valoir et, afin d'assurer le développement économique et la participation des municipalités au développement économique, c'est ce que nous entendons favoriser. Je le répète pour la troisième fois.

M. Parent (Bertrand): En additionnelle.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce peut confirmer que son ministère a l'intention de mettre de l'argent et aussi une politique très claire quant à la formule des incubateurs d'entreprises, tel qu'il a été promis en campagne électorale?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, pour mettre les choses en perspective, je dirais que nos voisins du Sud, les Américains, qui sont 40 fois plus nombreux que les Québécois, qui ont un secteur économique de 50 à 60 fois plus actif, ont réussi, en dix ans, à créer une centaine d'incubateurs, toutes choses étant égales. D'ailleurs, on pourrait retrouver le modèle à deux ou trois exemplaires dans tout le Québec. Vous me permettrez de dire que, si nous sommes intervenus dans Inno-Centre-Québec, si nous sommes intervenus auprès de SOCCRENT, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, nous l'avons fait car les conditions étaient réunies dans un milieu qui souhaitait notre appui, et nous l'avons donné. Je ne vois pas aujourd'hui que nous devrions mettre sur pied une mégapolitique ou une polyvalence dans les programmes pour une demande qui pourrait venir d'ici à trois ans.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): Justement, dans cette foulée et à cause des problèmes que peut causer le nombre d'incubateurs qui pourraient être implantés au Québec, est-ce que le ministre pourrait nous confirmer que son gouvernement va prendre un engagement et dire très clairement ce qu'il entend? Sinon, on va se retrouver avec peut-être 20 ou 25, et ce sera beaucoup trop. C'est important de savoir ce que le ministère de l'Industrie et du Commerce a l'intention de faire dans ce dossier, et non pas d'avoir une politique tout à fait nébuleuse, comme on l'a actuellement.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, on va se parler clairement. Les demandes à l'endroit du gouvernement d'avoir une politique à l'égard des incubateurs, c'est essentiellement de savoir combien de centaines de milliers ou de millions de dollars on va mettre dans un programme éventuel pour soutenir les incubateurs. Le député m'indique qu'on pourrait avoir une vingtaine d'incubateurs au Québec. J'en serais extrêmement heureux parce que cela prouverait que le secteur privé, les universités, les laboratoires de recherche, les fonds de développement régionaux sont mis sur pied par du leadership local et qu'on identifie les créneaux pour une présence nécessaire de tous ces gens-là dans le développement des entreprises, notamment en matière de haute technologie. Juste au moment où l'on pourrait en avoir une

vingtaine sans l'appui du gouvernement, je serais extrêmement heureux de constater que les conditions générales que nous avons mises sur pied et qui favorisent l'investissement au Québec donnent des résultats.

Le Président: Je vais maintenant reconnaître en principale M. le député d'Ungava.

Réduction du personnel de Niobec à Saint-Honoré

M. Claveau: Merci, M. le Président. Comme vous le savez, au moment de vendre les actifs rentables de SOQUEM à Cambior, le ministre délégué aux Mines a clamé à qui voulait l'entendre que la nouvelle société Cambior serait un levier économique sans précédent pour les régions concernées. Ma question au ministre délégué aux Mines vise à savoir comment il réagit à la récente annonce de Niobec à Saint-Honoré, filiale de Cambior, qui entend réduire son personnel permanent à partir du mois d'août prochain?

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Effectivement, la compagnie Niobec, la mine Niobec à Saint-Honoré, a annoncé qu'il y aura une mise à pied d'environ 20 personnes au cours de 1987. On doit toutefois annoncer en même temps que le nombre de mineurs et le personnel administratif de la mine Niobec a été porté de 129 employés qu'il était en 1983 à 190 en 1987 et que la coupure de 20 employés donnerait un nombre supérieur d'employés à celui de l'année dernière. D'autre part, comme vous le savez, la conjoncture de l'acier n'est pas très favorable. Actuellement, on constate une baisse au niveau de la demande mondiale qui est de l'ordre de 3,9 %. En conséquence, le niobium qui est utilisé dans l'alliage de certains produits du fer est moins en demande. Dans le monde occidental, il n'y a que deux mines qui produisent du niobium, l'une au Brésil qui en produit 85 % et la mine de niobium de Saint-Honoré qui en produit 15 % et qui n'existe que grâce à la bonne volonté des Brésiliens. Alors, on trouve que, dans une situation très difficile, très ardue, les dirigeants de la mine Niobec s'en sortent très bien.

Le Président: M. le député d'Ungava, en additionnelle.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Le ministre délégué aux Mines sait-il que, dans l'entente entre Corporation Teck et SOQUEM, maintenant Cambior, SOQUEM ou Cambior a la responsabilité de la commercialisation du niobium? Dans ce cadre, quelles sont les politiques que le ministre entend mettre de l'avant afin de s'assurer que, pour la production de niobium de la mine Niobec à Saint-Honoré, on puisse trouver de nouveaux marchés dans une situation difficile?

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Comme vous le savez, la mine Niobec a déjà 1 500 000 tonnes à la surface prêtes à être vendues. La demande mondiale est à la baisse et, évidemment, cela se ressent au niveau de l'entreprise, je pense que Niobec a une équipe et une méthode de vente dynamiques. Elle possède, pour la vente, des éléments très agressifs. D'un autre côté, je pense que, compte tenu que le Brésil est en mesure de produire du niobium à moindre prix que la mine de Saint-Honoré et qu'il est capable de déverser sur le marché mondial d'énormes quantités de niobium, on doit en quelque sorte s'assurer que le Brésil et le Québec marchent main dans la main dans ce dossier. Je pense que, pour le moment, malgré unie conjoncture très défavorable, la situation est sous contrôle et j'ai bien confiance dans la direction de Cambior et de Niobec.

Le Président: Une très très brève additionnelle, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Très brève additionnelle: Est-ce que le ministre délégué aux Mines a l'intention d'exiger de Cambior qu'elle élabore une véritable stratégie de commercialisation du niobium?

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones.

M. Savoie: Je pense que, d'une part, Cambior jouit de la confiance du ministre et, d'autre part, les dirigeants de Niobec également. J'ai évidemment demandé une rencontre avec les dirigeants de Niobec cette semaine, dès que j'ai su qu'il y avait une mise à pied de 20 employés. Je voudrais toutefois souligner que 20 employés sur 190, c'est quand même supérieur à quasiment toute l'histoire de Niobec, sauf pour les deux premières années, 1980 et 1981.

Le Président: Je vous remercie, M. le ministre. Cette dernière réponse mettait fin à la période régulière de questions orales.

Ce matin, il n'y a pas de vote reporté.

Motions sans préavis.

Les avis touchant les travaux des commissions ont déjà été annoncés. Il n'y a pas de renseignements concernant les travaux de l'Assemblée. Alors, j'appelle immédiatement les affaires du jour. On m'a demandé

une suspension de cinq minutes, je pense.

Les travaux de cette Assemblée sont suspendus pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 11)

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez regagner vos sièges. Nous allons reprendre nos travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 30

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 15 de notre feuilleton, il s'agit de la reprise du débat qui avait été ajourné le 21 mai 1987 par la ministre déléguée à la Condition féminine concernant le projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives.

Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, il y a un peu plus de seize mois en cette Chambre, le ministre nous annonçait qu'il avait reçu le rapport Beaudry; la fameuse commission Beaudry déposait son rapport. Entre-temps, ce rapport a fait l'objet d'analyses de gens de l'extérieur. Je pense à Guy Bisaillon, qui travaille à l'ENAP, qui s'est permis une analyse à la demande du ministre. M. Laporte a également fait une étude. J'ignore encore si le ministre a l'intention de rendre ces études publiques. Cela pourrait permettre aux parlementaires de se faire une idée de ce que pensent des spécialistes, autant du monde patronal que syndical, ce que pensent ces gens du rapport Beaudry, globalement.

Le projet de loi que nous avons devant nous ne traite que d'un aspect infime du rapport Beaudry puisqu'il ne touche qu'à la réforme de structure. C'est une réforme de structure. C'est une recommandation importante, d'autre part, du rapport Beaudry; c'est évident. Mais on se rendra compte à l'étude de ce projet de loi que c'est bien là une réforme de structure en ce sens qu'elle change, qu'elle modifie le caractère de fonctionnement auquel on était habitué. On sait qu'anciennement on faisait une demande d'accréditation pour se faire reconnaître comme syndicat. On avait un agent qui pouvait nous accréditer s'il n'y avait aucun problème. S'il y avait des problèmes, cela montait d'un cran; c'est évident. On sait, Mme la Présidente, que cela a créé des problèmes. On nous a même dit qu'il y avait une lenteur.

Je me suis mis à fouiller, en fin de semaine, le pourquoi des lenteurs dans le processus de reconnaissance des syndicats. Au Québec, il y a 1900 demandes d'accréditation comparativement à 1000 en Ontario. Est-ce qu'on peut conclure, à ce moment-là, que les structures existantes sont la cause de ces lenteurs? Mme la Présidente, on se rend compte rapidement que ce n'est sans doute pas exclusivement le cas de notre fonctionnement qui joue, parce que, quand on regarde l'effectif ou l'évolution de l'effectif du ministère du Travail sur une période d'une quinzaine d'années, c'est à peine d'un maximum de 6 % ou 7 % que le personnel a augmenté ou s'est accru. Alors que le nombre de demandes d'accréditation s'est accru de 81 % et si on regarde les problèmes qu'a à traiter le Tribunal du travail, en particulier les ventes d'entreprises ou les changements de noms d'entreprises, cela a augmenté de 300 %. Il est bien évident qu'il y a eu un accroissement de travail dans la structure actuelle comparativement à l'accroissement du personnel, qui est tout à fait disproportionné, ce qui peut, bien sûr, expliquer en partie la question du retard.

Cela dit, Mme la Présidente, je voudrais regarder concrètement ce que cela va faire. Concrètement, le ministre a décidé d'avoir une structure plus administrative que judiciaire et je pense que cela peut être une bonne chose qui peut avoir un effet positif, peut-être pas à court terme, mais à moyen terme. On doit espérer, parce qu'il est évident qu'au Québec un changement de mentalité s'impose. Je pense qu'on est unanime, dans tous les secteurs d'ailleurs, à dire qu'il faut qu'il y ait un changement de mentalité à ce niveau-là. Cela n'a pas de bon sens que les demandes d'accréditation prennent quatre, cinq, six ou sept mois, qu'il y ait autant de recours devant les tribunaux civils, des demandes d'injonction en Cour supérieure, des brefs d'évocation, et ça ne finit plus. Je pense, Mme la Présidente, qu'il nous faut, bien sûr, maintenir à la base des agents d'accréditation qui peuvent le faire sur-le-champ quand il n'y a pas de problème, qui peuvent se permettre aussi une conciliation et une médiation et cela est intéressant. Je pense qu'il faut leur permettre de se frotter les oreilles entre eux en présence d'une personne du ministère pour éviter qu'on se, retrouve constamment devant les tribunaux civils, que cela retarde d'un an ou deux et que cela crée dans les relations

internes des industries un climat de tension extrêmement négatif.

Il y a un doute qui persiste cependant au niveau de cette structure, ce sont des décisions sans appel, en particulier quand on parle de cas déloyal. Il me semble qu'une décision sans appel incitera davantage à aller devant les tribunaux civils. En tout cas, c'est pour le moins un point d'interrogation majeur. Espérons que la médiation, la conciliation pourra faire quelque chose. Quand cela touche un seul individu, par exemple dans les cas de voies de fait, dans les cas de fraudes, on sait qu'il peut y avoir congédiement pour activités syndicales et que cela peut être basé sur différentes autres accusations.

Cela ne nous apparaît pas clair dans le projet de loi et c'est bien évident qu'à l'étude article par article nous questionnerons beaucoup plus à fond sur cette structure pour qu'on puisse voir clair et savoir exactement ce que le ministre recherche.

Donc, passer d'une approche judiciaire ou quasi judiciaire à une approche administrative, en soi, en ce qui nous concerne, on n'a pas de malaise à vivre avec ça. Basé aussi sur des débats contradictoires auxquels on assiste présentement, une approche de conciliation et de médiation, ça nous apparaît positif et je pense qu'il ne faut pas hésiter à le dire. Cependant, il faut noter qu'à l'heure actuelle, il ne se fait pas ou à peu près pas de médiation ou de conciliation dans le processus d'accréditation. Ce sont plutôt des constats qu'on fait. On arrive là où ça va bien, où ça ne crée pas de malaise à l'employeur de voir arriver une association. Ça va bien, on peut accréditer quasi instantanément. Je pense que ce côté-là, en tout cas en ce qui nous concerne, on va le favoriser et on est prêt à envisager que ça puisse être une chose positive et qu'on puisse même éviter des délais à ce moment-là.

Il est évident que dès qu'on réfère à un palier supérieur et qu'on confie un dossier à un commissaire qui en a déjà huit ou dix à régler, il est souvent sous la pile et avant qu'il ne remonte, ça peut prendre des mois et des mois. Entre-temps, je vous dis que tout ce qu'on peut faire pour améliorer le délai mais améliorer aussi le climat, on ne peut pas s'opposer bien sûr, Mme la Présidente.

Je ne crois pas qu'il s'agisse là cependant d'une mesure magique. Je ne pense pas que le ministre nous ait présenté sa loi, en tout cas si cela avait été le cas, je lui dirais: II n'y a probablement pas de mesure magique. J'espère qu'il ne la prend pas pour une mesure magique parce que tant et aussi longtemps que l'évolution des mentalités ne se fera pas, il ne sera pas facile de faire de la médiation. Parfois, dans une même entreprise, on se retrouve avec trois demandes d'accréditation ou, du moins, les gens pensent qu'ils ont - tous les trois, à 35 % et plus - supposément cette carte pour faire leur demande. Cela est arrivé, contrairement à ce que les gens peuvent penser. Là où le syndicat est fortement contesté, on peut se retrouver avec une demande de 36 %. Il y en a qui ont signé deux ou trois cartes. Dans certains cas, un salarié, pour ne pas se faire talonner tous les jours, signe les trois cartes. II dit: Moi, je m'en balance! Ça coûte 1 $ ou 2 $. Donc, on se retrouve avec une situation où trois syndicats sont en instance d'accréditation avec des cartes et c'est là qu'il faut démêler toute la situation. Il ne peut pas y en avoir un qui a 40 % et deux autres qui ont 35 %. Cela ferait 110 %. Cela ne va pas. C'est bien évident, Mme la Présidente, qu'il faut quelqu'un pour constater les faits, au besoin, faire la conciliation entre les parties et, là où c'est possible, en arriver à une accréditation beaucoup plus rapide. (11 h 20)

Maintenant, le ministre indiquait que cette réforme va diminuer le recours à la Cour supérieure, recours en évocation en particulier. Là aussi, j'ai de très sérieux doutes à cet égard car une décision, et je le répète, je le disais au tout début, une décision qui est sans appel, quand c'est très important, je pense que c'est très tentant, quand c'est sans appel, c'est très tentant de recourir aux tribunaux supérieurs. C'est très tentant de dire: Je vais faire respecter mes droits fondamentaux. Je suis brimé par une décision d'un tribunal sans appel, un tribunal administratif, je recours donc à la Cour supérieure pour aller chercher un jugement ou faire annuler un jugement.

Mme la Présidente, à moins que le ministre n'ait des arguments neufs, je ne crois pas qu'on puisse éviter cette partie, en particulier quand il s'agit d'individus. Une décision sans appel face à des droits, entre autres, pour des congédiements pour activité syndicale, entre autres aussi quand le dossier est passablement complexe ou quand un employeur ne veut absolument pas ou systématiquement pas de syndicat, je ne crois pas qu'une décision sans appel de première instance va éliminer les recours aux tribunaux supérieurs. Il y en a qui ont dépensé des centaines et des centaines de milliers de dollars pour faire échec à la venue d'un syndicat dans une industrie. Il ne faudra pas se surprendre qu'il en demeure. J'ose espérer cependant que les cas où ce n'est pas obstinément contre le syndicat, mais plutôt contre certaines procédures, le mécanisme de médiation et de conciliation, à ce moment, pourra jouer avec une certaine efficacité.

Maintenant, Mme la Présidente, ce projet de loi soulève des points d'interro-

gation importants parce que l'on transfère à la nouvelle commission toute la juridiction en matière de pratiques déloyales, sauf un aspect: les dispositions antibriseurs de grève. Ce serait peut-être intéressant que le ministre nous explique la logique de cela. Pourquoi n'a-t-il pas transféré ces dispositions? Parce que, si on ne veut pas aller devant les tribunaux supérieurs, dans la logique où on veut véritablement mettre sur pied une commission des relations du travail qui a toutes les juridictions, à ce moment-là, le ministre devra expliquer quelles sont les raisons ou les motifs qui l'ont poussé à mettre cela de côté. Est-ce que ce sont des raisons politiques ou administratives? Je croirais qu'elles sont plus politiques qu'administratives parce que, sur le plan administratif, si on est capable de mettre les motifs déloyaux au niveau d'une commission, on est capable de mettre les mesures antibriseurs de grève. D'autant plus que le ministre lui-même n'hésite pas à incorporer les services essentiels. Donc, les services essentiels sont là pour dire à des gens: Vous devez respecter des normes minimales en cas de conflit, vous devez garder tant de travailleurs à l'ouvrage, vous n'avez pas le droit de faire la grève dans les urgences, par exemple, ou aux soins intensifs dans les hôpitaux. C'est une mesure qui s'apparente à l'"antibrisage" de grève.

Si on regarde la notion de services essentiels, c'est de dire aux gens que cela prend un minimum de salariés là. À ce moment-là, quelle est la logique, quelle est la raison de sortir ces mesures antibriseurs de grève de la juridiction de la commission, alors qu'on lui incorpore la notion de services essentiels? C'est tout au moins discutable. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de raisons, mais je pense que c'est un point au niveau logique, au niveau de l'approche même. Dans la nouvelle conception de cette commission, il y a au moins des explications qui s'imposeraient sur ce volet et nous interrogerons sans doute à l'étude article par article, Mme la Présidente.

C'est vrai que la mécanique actuelle est lourde. C'est vrai qu'on dit qu'on est porté à la juger inefficace. Cependant, elle amène inévitablement les parties devant les tribunaux ordinaires. Quand on pense aux injonctions, quand on pense, également, aux décisions pénales qui sont données, quand on pense aussi aux décisions de certains commissaires qui tardent énormément à venir, on est porté à croire que certains groupes, autant syndicaux dans certains cas -parce que je me suis rendu compte que ce n'est pas toujours le patron - retardent une accréditation. Quand on se rend compte qu'il y a deux centrales ou trois même dans certains cas, qui veulent absolument s'approprier le syndicat, il est évident que ça fait des plaidoiries longues, fastidieuses où les hommes de droit s'en donnent à coeur joie dans leurs plaidoiries, bien sûr, devant les commissaires du travail.

Cela, Mme la Présidente, j'ose espérer que la partie conciliation et médiation incitera peut-être les centrales - j'en profite pour le dire - en particulier la partie maraudage, à avoir un code d'éthique qui devrait être signé entre centrales syndicales. Quant à moi, je suis un de ceux qui avaient signé en 1974, si ma mémoire est fidèle - au plan régional, nous avions signé un protocole antimaraudage où les trois centrales, la FTQ, la CSN et la CEQ, avaient décidé lorsqu'elles avaient une demande d'aviser les autres centrales. Au lieu d'avoir des gens payés pour s'arracher du monde qui est déjà syndiqué, les énergies pouvaient donc être mises à syndiquer du monde qui n'était pas syndiqué.

Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de le dire. Ce n'est pas de faire de l'antisyndicalisme que d'inviter les centrales syndicales, au moment où on a à parler d'un projet de loi qui transforme les lois sur le travail, au lieu de dépenser des grosses sommes, bien sûr, de syndiquer des gens qui le sont déjà ou de s'arracher ceux qui le sont déjà, de les inviter publiquement à signer éventuellement un protocole antimaraudage entre centrales et que toutes les pressions, à ce moment, toutes les obligations financières qu'elles avaient face à ce secteur d'activité, qu'elles le mettent donc à la syndicalisation. On se retrouverait peut-être au Québec avec un secteur privé beaucoup plus syndiqué qu'il ne l'est présentement. Personnellement - au moment où je suis entré en politique - cela m'a toujours frappé de voir combien peu de gens du secteur privé au Québec sont syndiqués par rapport au secteur public. Quand on s'asseoit avec des centrales syndicales pour négocier, pour discuter du partage de la richesse collective, si le secteur privé était plus représenté qu'il ne l'est présentement, je pense que ça créerait un poids beaucoup plus équilibré vis-à-vis de l'État, vis-à-vis des gouvernements. Un peu comme cela se passe dans certains autres pays où on a ensemble une forme d'arbitrage qui se fait d'abord du côté syndical, mais parce que ça reflète à peu près l'état de la population au niveau de la syndicalisation, ce qui n'est pas le cas au Québec actuellement, malheureusement.

Je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés ici, Mme la Présidente. Ce que je vise d'abord et avant tout, c'est d'inciter les centrales syndicales, au moment où le ministre veut alléger le mécanisme de la syndicalisation, de les inviter à mettre toutes les énergies qu'elles ont à la syndicalisation, en particulier, des salariés du secteur privé. Il y a une inquiétude aussi que j'ai et que je veux

transmettre au ministre, c'est que, concernant le projet de loi, contrairement à d'autres projets de loi qui ont été votés en cette Chambre au cours des dix ou onze dernières années, à ma connaissance, lorsqu'on transforme une structure, on prévoit un mécanisme de sécurité d'emploi pour les salariés qui sont touchés. Je ne retrouve pas d'une façon explicite si c'est au niveau d'un protocole d'entente ni si c'est au niveau d'une négociation qui est menée en parallèle. Je l'ignore, mais j'aimerais que le ministre nous dise comment seront protégés les gens qui y oeuvrent et qui ont atteint une compétence, qui ont acquis une expertise au cours des nombreuses années dans le domaine de la syndicalisation au Québec, soit en matière d'accréditation, soit en matière de transferts d'industries, soit à l'application de l'article 45 de la loi sur les relations du travail, soit en matière de traitement des congédiements pour activités syndicales. (11 h 30)

II y a des bonshommes qui ont acquis une expertise et sont-ils protégés? Qu'adviendra-t-il des membres du commissariat du travail? Ces gens auront-ils une sécurité, seront-ils protégés dans la fonction publique? Ce sont là des questions que je voulais poser au ministre pour qu'il puisse, dans son droit de réplique, clarifier certains points ou, tout au moins, pour qu'on s'entende sur la commission parlementaire qui étudiera, article par article, le projet de loi afin qu'elle apporte un éclairage particulier là-dessus.

Je terminerai en disant que c'est bien sûr qu'on a là une modification de structure et qu'un chapitre complet du rapport Beaudry - même si c'est un chapitre très important de ce dernier, puisque c'est une des deux ou trois grandes orientations - à mon avis, devrait faire l'objet d'une discussion à très court terme. C'est quand on révise toute la notion de normes minimales du travail, qui fait partie du rapport Beaudry et qui aurait également une incidence marquante pour des salariés qui, eux, n'ont malheureusement pas de syndicat, qui ne sont pas protégés par des structures, si ce n'est par la Loi sur les normes du travail au Québec. Dieu sait que, dans bien des cas, même si nul ne doit ignorer la loi, je me rends compte, tous les lundis, à chaque fois que je fais du bureau de comté, qu'il y a toujours un, deux ou trois individus qui viennent nous voir en disant: J'ai été congédié, il m'a mis dehors vendredi, il ne m'a pas donné ma paie pour les congés, il ne m'a pas donné ma prime de séparation et j'ai huit ou neuf ans de faits. Voilà autant de sujets qui, souvent, parce que ces salariés n'ont aucune protection ou de groupe pour les représenter, doivent ou bien se fier à la publicité gouvernementale ou encore prendre dans un certain bureau une brochure sur les normes minimales ou c'est le député, purement et simplement, qui est leur recours.

Je pense qu'un des chapitres du rapport Beaudry touche abondamment ce sujet. J'aimerais que le ministre nous indique quand il a l'intention de toucher à cet aspect fondamental pour les salariés - Mme la Présidente, je termine - qui n'ont aucune structure. Nous allons donc voter pour le principe du projet de loi 30 en assurant que nous allons concourir à la bonification de ce projet en commission parlementaire. On espère que le ministre montrera une ouverture d'esprit pour faire en sorte que ce projet de loi, qui, je pense, est désiré, en tout cas, par une forte portion de ceux qui sont impliqués, pourra recevoir l'aval des groupes qui viendront témoigner devant nous dans les prochains jours.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition. Conformément, maintenant, à l'ordre de cette Assemblée qui avait été adopté jeudi dernier, je vais donc reconnaître le ministre du Travail, en réplique. M. le ministre.

M. Pierre Paradis (réplique)

M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. Au terme de ce débat sur l'adoption du principe du projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives, je ne prendrai que quelques minutes pour dégager les éléments qui méritent d'être retenus des échanges que nous avons eus.

D'abord, je me permets de mentionner, pour le bénéfice du député de Joliette ainsi que pour le bénéfice du député d'Abitibi-Ouest, critique officiel de l'Opposition en matière de travail, que j'ai pris bonne note de toutes les interrogations et de toutes les inquiétudes qu'ils nous ont transmises lors de leurs interventions. Sur ces questions, comme le transfert des fonctions, pouvoirs et responsabilités du conseil des services essentiels à la Commission des relations du travail, la disparition de l'étape de l'agent d'accréditation et du Tribunal du travail, la sécurité juridique des pouvoirs conférés à la Commission des relations du travail, le traitement prévu pour le personnel actuellement en place sur les questions additionnelles apportées, aujourd'hui, par le député de Joliette, j'ai bien compris toutes les interrogations de l'Opposition. Je peux l'assurer que je répondrai avec précision ou avec le maximum de précision à ces questions dès l'ouverture de nos travaux sur l'étude article par article du projet de loi 30.

D'autre part, j'ai aussi noté un certain nombre d'aspects du projet de loi sur lesquels le député d'Abitibi-Ouest a

manifesté son accord avec le gouvernement. Je pense que ces points d'entente méritent d'être soulignés à ce stade de l'adoption du principe du projet de loi. Il y a entente à savoir la reconnaissance par le critique de l'Opposition de la volonté du gouvernement de simplifier le processus actuel. Il y a constatation dans le sens que nous avons voulu doter la nouvelle Commission des relations du travail de tous les pouvoirs, certes originaux en regard de ce qui se fait actuellement au Québec, mais, par ailleurs, pouvoirs qui ont déjà été éprouvés ailleurs au Canada. L'accord avec l'intention du gouvernement d'agir sur la situation en privilégiant davantage le règlement plutôt que l'affrontement; la constatation du député d'Abitibi-Ouest, comme la nôtre d'ailleurs, relativement à la complexité du monde des relations du travail et des difficultés d'y agir; la reconnaissance de notre objectif d'améliorer les services aux citoyens et d'ainsi assumer notre responsabilité d'élus du peuple, l'accord du député d'Abitibi-Ouest relatif au trop grand nombre de paliers dans le système actuel, accord partagé par l'ensemble des députés qui sont intervenus, la constatation sur la nécessité d'agir sur les mentalités et non seulement sur les structures, l'appréciation de l'introduction de concepts de conciliation, de médiation ainsi que de dispositions relatives au pouvoir d'adopter des politiques, d'émettre un jugement déclaratoire ou une ordonnance, la déclaration en ce sens que les principes fondamentaux du projet de loi 30 relativement au monde du travail sont très sains.

Sur ce dernier plan, Mme la Présidente, soit celui des principes, j'estime qu'il est opportun de rappeler les raisons fondamentales qui ont amené l'actuel gouvernement à soumettre aux parlementaires le projet de loi 30. Si l'équipe gouvernementale juge à propos de présenter ce projet de loi, c'est par nécessité d'agir sur la situation actuelle et d'en corriger certaines difficultés. Cette nécessité a d'ailleurs fait l'objet d'un consensus chez la plupart des intervenants qui se sont présentés devant la commission consultative sur le travail et la révision du Code du travail. C'est également par besoin au Québec d'un organisme administratif principalement mandaté pour agir auprès des parties en véritable agent de règlement des différends, en utilisant au maximum des capacités de conciliation et de médiation qui, nous l'espérons bien, deviendront la marque de commerce de la nouvelle commission; par la nécessaire mise en place d'un système sensible aux coûts qu'il peut entraîner à l'entreprise québécoise et conscient que la petite et moyenne entreprise constitue l'essentiel du tissu économique québécois, par l'obligation pour un gouvernement responsable de s'assurer que les organismes d'administration des lois correspondent à la réalité socio-économique québécoise. C'est également pour harmoniser ce qui se fait au Québec avec ce qui se fait ailleurs au Canada, c'est également pour concrétiser une recommandation et, fort probablement, les experts la qualifieront de principale recommandation de la commission consultative sur le travail et la révision du Code du travail. C'est également, faut-il le souligner, pour, encore une fois, réaliser un autre engagement du Parti libéral du Québec.

Voilà donc les grands principes directeurs qui ont guidé notre action. J'invite les collègues à les retenir dans la mesure où, pour la suite de nos travaux, ils seront fréquemment évoqués. J'ouvre ici une parenthèse, pour répliquer plus directement au dernier argument apporté par le député de Joliette et leader de l'Opposition quant à l'application des normes minimales du travail, ce qu'on peut appeler finalement la convention collective de ces travailleurs et de ces travailleuses. C'est plus des trois quarts dans le secteur privé. Je lui indiquerai qu'il s'agissait là d'une priorité de l'actuel gouvernement, que, dès l'an passé, nous avons annoncé une augmentation du salaire minimum qui a pris effet le 1er octobre 1986, qui a aboli la discrimination à cause de l'âge, que cette année encore, nous avons annoncé pour le 1er octobre 1987 une autre augmentation du salaire minimum qui vise à effectuer du rattrapage. Ces travailleurs n'avaient pas, comme vous vous en souvenez certainement, obtenu d'augmentation de salaire pendant cinq ans, entre 1981 et 1936.

Il y a les autres normes. La question m'avait été soumise par le député d'Abitibi-Ouest à l'occasion de l'étude des crédits. Il y a des bonifications à apporter à la Loi sur les normes minimales de travail. Il faut également s'assurer que cette loi soit bien appliquée. Le député de Joliette a soulevé des cas de non-application de ladite loi. Vous retrouviez dans le journal The Gazette, il y a à peu près un mois et demi, une série de reportages sur le non-respect, dans certains cas, dans certains secteurs d'activité des normes minimales du travail. Je vous dirai que l'actuel gouvernement déploie des efforts administratifs, au moment où l'on se parle, pour s'assurer que cette convention collective minimale qui touche les plus bas salariés de la société soit appliquée dans toute sa rigueur et que l'évolution de cette application administrative va, sans aucun doute, nous mener à des bonifications législatives qui seront présentées â cette Chambre, j'ose l'espérer, au cours du premier mandat du gouvernement actuel. (11 h 40)

Je terminerai mon intervention, d'abord, en invitant les parlementaires à assister aux audiences publiques sur le projet de loi 30, audiences publiques qui débuteront demain. Sans nu! doute que nous aurons, avec tous

nos invités, des discussions fort intéressantes sur le sujet. Enfin, je tiens à remercier tous les parlementaires des deux côtés de la Chambre qui ont pris la parole, qui ont assisté à ces débats pour, comme l'a indiqué le député d'Abitibi-Ouest à la fin de son intervention, comme vient de l'indiquer à nouveau le député de Joliette, donner leur accord de principe au projet de loi 30, pour donner leur accord de principe à la création de la Commission des relations du travail.

Il reste des questions en suspens, des questions que nous analyserons, que nous étudierons sérieusement article par article, mais, fort conscient que l'accord de principe est une étape très importante dans l'adoption d'une loi, je tiens encore une fois à remercier tous ceux et toutes celles - je remercie l'ensemble de cette Chambre - qui ont donné leur accord à l'adoption du principe du projet de loi 30. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre du Travail. Le débat étant terminé, est-ce que le principe du projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives, est adopté?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour déférer le projet de loi 30 à la commission de l'économie et du travail.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 12 du feuilleton.

Projet de loi 27

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 12 de notre feuilleton, il s'agit de la reprise du débat concernant l'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur les pesticides, qui avait été ajourné le 19 mai dernier par le député de Bertrand. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je m'excuse, Mme la Présidente, cela avait été ajourné... En fin de session, il est de mise, quand l'intervenant n'est pas là, qu'un de ses collègues intervienne au nom de la formation politique, et vous devez reconnaître le député d'Ungava.

La Vice-Présidente: M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. On se souviendra qu'au mois de décembre 1986 le Parlement avait amené devant cette Chambre un projet de loi visant à réglementer l'utilisation et la manutention des pesticides.

À la suite d'une consultation publique qui a eu lieu au cours du mois de février dernier, nous nous retrouvons aujourd'hui, en juin 1987, avec l'étude du projet de loi sur les pesticides, un projet de loi qui a été passablement modifié et qui, pourtant, malheureusement, comporte encore un certain nombre de lacunes que nous nous attarderons à regarder brièvement ici, étant donné que le temps n'est quand même pas suffisant pour le faire dans l'ensemble.

Je commencerai donc cette intervention. Mme la Présidente, en précisant quand même certains éléments positifs qui sont revenus dans le projet de loi à la suite de la consultation publique. Parmi ces éléments positifs, on retrouve, entre autres, l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs dans la réglementation. On sait, Mme la Présidente, qu'au moment de déposer son avant-projet de loi, le ministre excluait les utilisations agricoles et sylvicoles des pesticides. Faisant écho à une recommandation de l'Opposition et aussi à des représentations de certains des 29 organismes qui ont participé à la consultation publique, le ministre revient donc, dans son projet de loi, en accordant plus d'importance à l'utilisation des pesticides que font les agriculteurs et les sylviculteurs.

On sait, Mme la Présidente, que 90 % des utilisateurs de pesticides au Québec sont des agriculteurs ou des sylviculteurs et que ces mêmes personnes utilisent, à toutes fins utiles, 85 % de l'ensemble des pesticides qui sont sur le marché. Ce n'est pas là de la petite monnaie et il était tout à fait important et nécessaire que le ministre s'attarde à l'utilisation agricole et sylvicole des pesticides. Malheureusement, nous trouvons que le délai d'application donné par le ministre dans son projet de loi est un peu long, parce qu'il relègue à 1990 l'application complète de la réglementation sur les pesticides par les agriculteurs et les sylviculteurs. Cela veut dire qu'à toutes fins utiles, le projet de loi n'entrera pas en

vigueur avant 1990, c'est-à-dire dans trois ans, et cela, dans la mesure où 85 % des pesticides qu'on utilise au Québec sont utilisés par ces groupes d'individus. Alors, jusqu'en 1990, il y a à peu près 15 % des pesticides qui vont tomber sous la juridiction de cette loi. Encore là, il faudra attendre 1990 avant de pouvoir dire qu'effectivement, on a une loi qui a un minimum d'impact pour l'ensemble de notre environnement. II y a peut-être là une lacune qui sera sûrement discutée en commission parlementaire et pour laquelle le ministre aura des comptes à rendre aux intervenants, à l'Opposition et à la population en général.

Une autre question qui entre en ligne de compte et qui est une intervention probablement positive en ce qui nous concerne, c'est la réduction des quantités utilisées. On sait que, dans l'avant-projet de loi, le ministre s'attardait spécifiquement et beaucoup plus à fond à la manutention, à la manipulation des pesticides en fonction d'assurer une meilleure qualité de vie à ceux qui les utilisent, mais pas nécessairement en fonction d'assurer ou d'améliorer la qualité de vie de ceux qui peuvent en souffrir, parce qu'on sait l'impact que peuvent avoir les pesticides sur la qualité de l'environnement. Alors, on se retrouve maintenant avec un nouveau projet de loi dans lequel pour le moins il y a des indices de volonté du ministre d'assurer un certain contrôle sur la qualité des pesticides utilisés et de réduire cette utilisation, ce qui implique par le fait même qu'il va falloir mettre en place des méthodes alternatives ou des produits moins dangereux ou moins nocifs, à risques beaucoup moins élevés et qui seront commercialisés à la suite d'études faites en ce sens.

On retrouve aussi une nouvelle ouverture aux articles 8 et 9 du projet de loi qu'on a sous les yeux en ce qui concerne la recherche de méthodes alternatives. Nous déplorons par contre que, bien que le ministère se garde un certain rôle de coordination sur les méthodes alternatives, il ne se garde pas le pouvoir de la gestion et la direction des organismes tant gouvernementaux que privés qui vont faire de la recherche pour des méthodes alternatives aux pesticides que l'on connaît actuellement. Nous croyons que le ministère de l'Environnement devrait avoir une poigne ferme là-dessus et qu'il ne devrait pas permettre à quiconque, dans quelque situation que ce soit, pour des raisons souvent plus économiques que d'ordre environnemental ou pour le bien de la population, que des compagnies ou des individus puissent prendre un certain leadership en ce qui concerne les méthodes alternatives. Cela pourrait éventuellement nous mener dans une espèce de labyrinthe où on ne saurait pas dans que! sens est orientée la recherche. Celle-ci pourrait déboucher sur la commercialisation de produits nouveaux qui peut-être à court terme semblent moins nocifs, moins dangereux pour l'environnement, mais qui pourraient avoir des répercussions à long terme que l'on ne connaît pas au moment de la mise en marché de ces produits. C'est d'ailleurs, malheureusement, un des problèmes auxquels on s'attaque actuellement, parce qu'il est bien clair que, lorsqu'on arrive sur le marché avec un nouveau pesticide, on ne connaît pas tout l'impact de ce produit sur l'environnement. C'est un problème qu'on voit actuellement. Certains des produits qui sont aujourd'hui condamnés ont déjà été utilisés d'une façon très large et sans contrôle. (11 h 50)

On se rappellera, entre autres, dans les années soixante, le DDT, un produit qu'on utilisait à tous vents, pour tout et pour rien. On a fini par le contrôler et par l'abolir complètement, à l'exclure du marché des pesticides et insecticides. On ne voudrait pas que, parce que le ministère de l'Environnement ne se donne pas une poigne suffisamment solide, il puisse se produire à nouveau des cas semblables où de nouveaux produits, apparemment nocifs, seraient mis en marché, sans contrôle, par des compagnies qui ont beaucoup plus l'intérêt financier que l'intérêt de la protection de l'environnement ou du citoyen et que le ministre se retrouve, dans quelques années, dans la même situation dans laquelle il est actuellement, face à des nouveaux produits très nocifs ou qui se révéleraient très nocifs dans la pratique, dans l'utilisation. Nous croyons que le ministre, au contraire, au lieu de se donner un simple droit de regard ou de participation dans la recherche sur les solutions de remplacement, devrait prendre vraiment les devants à ce sujet, et que le ministère de l'Environnement du Québec coordonne et dirige l'ensemble des activités concernant la recherche de méthodes alternatives en ce qui a trait aux pesticides.

Nous reconnaissons aussi que, dans son projet de loi, le ministre apporte, à l'article 4, une modification importante en donnant priorité à la Loi sur la qualité de l'environnement par rapport à sa Loi sur les pesticides. En effet, dans le premier projet de loi ou l'avant-projet de loi qu'on avait sur la table, le ministre ne faisait aucune relation entre la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur les pesticides. On se retrouve dans une situation où il peut y avoir des ambiguïtés, des creux, des vides qui pourront permettre à certains individus ou à certaines compagnies qui commercialisent ces produits de se faufiler entre deux lois et de pouvoir appliquer un produit hautement nocif, mais pour lequel la Loi sur la qualité de l'environnement n'aurait aucun recours ni aucun égard.

En permettant, à l'article 4, que la Loi sur la qualité de l'environnement ait priorité et s'applique d'une façon ferme sur la loi contrôlant les pesticides, on se retrouve dans une situation qui, pour nous, de l'Opposition, va permettre une meilleure application de cette loi dans un contexte beaucoup plus global, dans un contexte qui fera beaucoup plus écho à l'importance que la population donne à la qualité de l'environnement.

Le ministre fait également une ouverture très intéressante à l'article 128 de son projet de loi concernant l'accès à l'information. On sait que, dans un domaine aussi important que celui de la gestion des pesticides, on joue avec la santé des gens, jour après jour, car on connaîtra, Mme la Présidente, et on connaît des problèmes dans le monde. Il y a des endroits où les pesticides ont contaminé les nappes phréatiques, où l'eau potable, à toutes fins utiles, est devenue presque introuvable à cause d'une utilisation surabondante, incontrôlée des pesticides. On a donc droit, en tant que population, d'avoir accès à l'information sur laquelle le ministère va travailler pour s'assurer un meilleur contrôle, une meilleure gestion des pesticides en général.

Il y a, à l'article 50, une autre ouverture qui fait suite à un voeu de l'Opposition et à un voeu de plusieurs des intervenants dans le domaine, à l'effet d'assujettir les grossistes et les détaillants à l'application de la loi. Encore là, si on veut régir l'application d'une loi sur le terrain par les mêmes utilisateurs, par les gens qui en font un usage quotidien, au jour le jour, pour des raisons qui sont sûrement justifiées, mais peut-être en utilisant un produit qui deviendrait très dangereux et qui pourrait avoir les effets contraires de ceux désirés par l'utilisateur, on sait que, pour que cela puisse s'appliquer, il faut nécessairement que ceux qui vendent ce produit ne puissent pas le faire à tous vents, ne puissent pas faire toute la publicité, toute la mise en marché à leur guise, comme ils le veulent, sans contrainte, et que, par la suite, quand l'acheteur est pris avec son produit, on lui dise: Ah, c'est bien de valeur, mais il va falloir que vous vous assujettissiez à la loi sur l'utilisation des pesticides et ce produit, vous ne pourrez l'utiliser dans telle ou telle circonstance. Alors que le vendeur, le grossiste ou le détaillant a fait une mise en marché à partir d'une publicité qu'on lui laisse le droit de faire, mais qui va à l'encontre des données de la loi ou des principes que doit respecter l'utilisateur, il est tout è fait normal que le ministre ait eu l'ouverture nécessaire afin de s'assurer que son projet de loi s'applique aussi aux détaillants et aux grossistes.

Le ministre crée aussi, dans son projet de loi, un "comité aviseur" qui aura à coordonner un certain nombre d'activités ou à fournir un certain nombre d'informations au ministre pour lui permettre d'assurer au maximum les responsabilités que lui donne cette loi sur l'utilisation des pesticides.

On voit que la principale tâche, les principales orientations que le ministre donne à ce "comité aviseur" consistent, à toutes fins utiles, dans la classification des pesticides, dans l'élaboration d'une réglementation concernant leur utilisation et dans l'élaboration de programmes de formation pour les utilisateurs afin de s'assurer que les gens qui utiliseront des pesticides à l'avenir puissent le faire dans les meilleures conditions possible.

Certes, il y a là, Mme la Présidente, une base minimale de ce que peut faire un "comité aviseur", mais nous croyons que les vues du ministre, quant à l'importance qu'il doit donner à ce "comité aviseur", sont vraiment restreintes. Nous, de l'Opposition, souhaitons fortement que le ministre donne plus d'emphase, plus d'impact à son "comité aviseur" afin de le décharger de certaines décisions qui pourraient avoir l'air beaucoup plus de décisions d'ordre politique qu'administratif, et, dans ce sens-là, de permettre au ministre d'être plus à l'aise dans l'application de certaines réglementations dans le fait que ces réglementations se fassent d'une façon générale, sans qu'il y ait de pressions indues qui pourraient lui être faites par un groupe ou l'autre dans l'application de sa loi.

Ainsi, nous demandons et insistons fortement pour que le ministre augmente les responsabilités de son "comité aviseur" afin que celui-ci puisse proposer des alternatives à l'utilisation des pesticides, encore là, toujours dans l'optique que le ministre devra s'occuper ou, on l'espère, concentrer dans son ministère l'ensemble des activités sur les mesures alternatives à prendre. On demande aussi que ce "comité aviseur" soit responsable de l'ensemble de la recherche qui se fera dans le domaine des pesticides dans les années à venir, qu'il ait aussi le pouvoir d'entendre les plaintes contre les produits et les compagnies, ce qui est excessivement important parce que dans la mesure où le comité aura à classifier, à élaborer des règlements, à élaborer des programmes de formation ou à travailler dans l'orientation de la recherche, etc., il est simplement normal que ce comité puisse avoir un pouvoir d'entendre les plaintes autant des compagnies que des individus, ce qui lui permettra de pouvoir se faire une idée juste de la question et, par le fait même, de pouvoir proposer des alternatives convenables à partir d'une des réalités vécues.

Si ledit comité est carrément détaché de la réalité du milieu et ne peut, sur une base formelle, sur une base légale, questionner ou recevoir des informations ou

entendre des plaintes venant des compagnies ou d'utilisateurs de certains produits ou de gens gui se sentent lésés par l'utilisation de certains produits, il est bien évident qu'il sera difficile pour ce même comité d'élaborer des alternatives convenables et de conseiller le ministre afin gu'il puisse prendre les bonnes décisions au bon moment.

Nous demandons aussi que le "comité aviseur" ait la possibilité ou la responsabilité d'analyser les données des registres et des bilans des compagnies et des utilisateurs et qu'il puisse aussi évaluer les propositions d'ententes qui peuvent être conclues pour faciliter l'application de la loi.

Il est bien clair qu'une telle loi, avec l'ensemble de son pouvoir réglementaire qui l'accompagne, fera l'objet de négociations et d'ententes qui devront être faites avec les différents utilisateurs actuels dans la mesure où ils devront s'adapter à la nouvelle loi et dans la mesure où on leur laissera une certaine latitude pour qu'ils puissent s'adapter ou se référer aux nouvelles données légales dans les plus brefs délais.

Dans ce sens-là, il est important que le comité puisse évaluer les différentes propositions d'entente qui pourraient être faites à cet effet et dans l'ensemble de la problématique de l'application de cette loi. (12 heures)

D'autre part, en ce qui concerne toujours le "comité aviseur", nous questionnons sérieusement le ministre sur ce qu'il entend faire du comité interministériel sur les pesticides du Québec qui a été officialisé par décret en octobre 1981 et dont la responsabilité est assurée par le MAPAQ. On sait que le MAPAQ doit actuellement s'assurer de l'application des résultats de l'expertise de ce comité interministériel qui doit voir à l'ensemble de l'utilisation des pesticides, mais le ministre crée un comité consultatif. On ne sait pas qui va être sur ce comité consultatif, il ne le précise nulle part. On ne sait pas comment cela va se faire. Par contre, il met de côté un comité qui existe déjà et qu'à notre sens il aurait pu utiliser en prenant une structure qui est déjà en place et en lui donnant de nouveaux pouvoirs dans l'application de sa nouvelle loi.

Au lieu de faire cela, le ministre dit: Je crée un nouveau comité, je vais avoir mon comité concultatif qui va être composé de mon monde, de gens que je connais bien, de gens qui vont me conseiller, j'en suis certain, et qui ne me feront pas de jambettes, qui ne mettront pas d'embûches dans mon travail, mais, par contre, il ne nous dit absolument pas ce qu'il va faire du comité qui existe déjà, et il y a un comité qui est place. Alors, pourquoi le ministre essaie-t-il de faire croire à la population, de faire croire à l'ensemble des intervenants qu'il n'y a rien en place actuellement, qu'il commence à neuf et qu'il est en train de bâtir, disons, sur un sol vierge, alors qu'il y a déjà un comité dont le décret de sa formation date d'octobre 1981 et qui a ces pouvoirs ou qui a, pour le moins, la base des pouvoirs que le ministre entend donner à son nouveau comité consultatif? D'autant plus que, vous en conviendrez, ce comité consultatif est plutôt restreint en termes d'intervention.

Alors, nous demandons au ministre pourquoi il ne prend pas le même comité et, s'il a l'intention de le faire, eh bien, nous aimerions savoir dans quelles conditions il entend passer ce comité à l'application de sa nouvelle loi.

Enfin, Mme la Présidente, on m'indique que mon temps est presque écoulé. C'est dommage. Je voudrais tout simplement finir en parlant de la question des injonctions. L'on sait qu'il est très important pour l'application d'une telle loi que les juges de la Cour supérieure du Québec aient la possibilité d'émettre des injonctions concernant les mauvaises utilisations de pesticides qui iraient à ['encontre des volontés précisées dans la Loi sur les pesticides.

Or, Mme la Présidente, alors que ce pouvoir était donné dans l'ensemble de la problématique de l'application des pesticides avec l'avant-projet de loi, on se retrouve avec un projet de loi sur la table où l'on a restreint les pouvoirs et dans lequel il ne sera possible d'émettre une injonction que dans la mesure où elle s'attaquera à une compagnie, à une entreprise ou à un utilisateur qui est déjà visé par une ordonnance du ministre et qui refuse ou néglige de donner suite à cette ordonnance.

Mme la Présidente, tout individu, toute collectivité ou tout groupe social gui se rendrait compte d'une mauvaise utilisation de la loi dans l'application des pesticides faite par un utilisateur qui ne serait pas sous l'effet d'une ordonnance du ministre, il serait absolument impossible pour ces gens d'avoir recours à la Cour supérieure afin d'obtenir une injonction qui obligerait ou gui arrêterait instantanément les travaux de ces utilisateurs. On trouve qu'il y a là un recul par rapport à l'avant-projet de loi.

Ce sera tout pour le moment, Mme la Présidente. J'espère, comme mes collègues de l'Opposition, que le ministre fera beaucoup attention et donnera grand écho aux recommandations que nous aurons à lui faire et donnera aussi suite, pour le mieux, aux recommandations qui lui ont été faites en consultation publique par les 29 organismes qui ont bien voulu venir présenter des mémoires à cet effet. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député d'Unqava. M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Albert Côté

M. Côté (Rivière-du-Loup): Mme la

Présidente, le projet de loi sur les pesticides que nous étudions présentement est issu d'une volonté gouvernementale de faire face aux réalités en assumant ses responsabilités. Ce projet de loi est aussi issu de l'esprit pratique, novateur et clairvoyant de mon collègue, le ministre de l'Environnement, qui n'a pas craint, encore une fois, avec toute la rigueur qu'on lui connaît, de dégager les éléments essentiels d'une question majeure qui préoccupe toute la société et de proposer les moyens requis qui s'imposaient.

Le projet de loi sur les pesticides est en outre le fruit d'une large consultation populaire qui a permis aux personnes ou aux groupes intéressés de faire valoir leur opinion sur ce sujet délicat et de suggérer des moyens d'améliorer encore le texte de l'avant-projet de loi déposé en cette Chambre le 18 décembre dernier.

En présentant ce projet de loi, le ministre de l'Environnement reconnaît l'utilité ou l'usage d'un outil essentiel, mais reconnaît aussi que cet outil représente des dangers. Que l'on veuille le contrôler n'est que normal et positif. En milieu forestier, les pesticides trouvent deux domaines d'application, premièrement, dans la lutte contre les insectes et les maladies qui s'attaquent aux arbres et, deuxièmement, dans la lutte contre la végétation concurrente. Dans le secteur de la lutte contre les insectes et les maladies des arbres, nous pouvons favoriser une réduction importante en volume de l'utilisation de produits chimiques. On peut, en effet, les remplacer, par exemple, par des produits biologiques comme le BT que tout le monde connaît et que l'on utilise efficacement contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette.

On peut aussi remplacer l'utilisation de produits chimiques en milieu forestier par la réalisation de travaux d'aménagement. C'est ainsi, par exemple, qu'il est possible de transformer un peuplement de sapins en un peuplement contenant d'autres essences forestières moins fragiles aux invasions de la tordeuse des bourgeons de l'épinette. En outre, nos chercheurs travaillent sans relâche au développement de nouveaux produits biologiques pour lutter efficacement contre d'autres insectes qui infestent pernicieusement les arbres et les forêts. Dans ce sens, le milieu forestier respecte déjà l'esprit de l'article 8 du projet de loi sur les pesticides, article qui favorise la réduction de leur usage. Mais il faut comprendre que, si par le passé le gouvernement s'est vu contraint d'utiliser plus massivement des produits chimiques dans sa lutte contre les insectes et les maladies des arbres, c'est parce que nous ne disposions pas d'alternative pratique.

C'est déjà différent aujourd'hui.

Laissez-moi vous rappeler que, malgré l'utilisation de produits chimiques, la dernière épidémie de tordeuses de bourgeons de l'épinette a occasionné des pertes de 250 000 000 de mètres cubes de bois, ce qui représente dix ans d'approvisionnement pour l'ensemble de l'industrie forestière québécoise. Si nous pouvons réduire l'usage des pesticides dans la lutte contre les insectes et les maladies des arbres, nous ne disposons pas encore en milieu forestier de moyens efficaces de lutte contre la végétation concurrente. Il s'agit, en effet, d'un secteur d'intervention nouveau. Mous sommes passés de la mise en terre d'à peine 30 000 000 de plants en 1983 à plus de 200 000 000 cette année. On prévoit qu'à compter de 1988, 250 000 000 de plants seront mis en terre chaque année au Québec.

Dans ce domaine, nous avons atteint l'ampleur qui justifie l'utilisation des mesures d'intervention permettant de protéger ces investissements importants qui atteignent 150 000 000 $ cette année. À cet égard, nous sommes contraints, contrairement à l'esprit de l'article 8 du projet de loi, d'accroître l'usage des phytocides. Actuellement, nous utilisons des phytocides par voie terrestre, ce qui est aussi dangereux que par voie aérienne, sur moins de 10 000 hectares au total. Normalement, nous devrions en traiter plus ou moins 50 000 hectares par année.

Cependant, Mme la Présidente, j'attire votre attention sur le fait que la superficie traitée aux phytocides en milieu forestier ne l'est qu'une fois en période de 50 à 90 ans contrairement à l'agriculture où leur usage se répète chaque année et même plusieurs fois par année. De plus, en milieu forestier, l'utilisation des phytocides se fait avec des dosages très faibles, parce que notre but n'est pas d'éliminer la végétation concurrente, mais de la contrôler pour permettre la croissance des plants mis en terre. Dans le milieu forestier, nous croyons fermement que l'usage contrôlé de phytocides se justifie par la nécessité de protéger un investissement majeur et essentiel pour maintenir l'activité économique générée par les forêts, soit une valeur de 9 500 000 000 $ en produits et biens et quelque 250 000 emplois pour les Québécoises et les Québécois.

Le projet de loi que nous étudions présentement vient encadrer l'utilisation des pesticides en définissant les façons d'utiliser les produits chimiques en différents milieux dans le milieu forestier. Le projet de loi contient des dispositions concernant la compétence et la formation des opérateurs. Il s'agit d'un aspect sécuritaire majeur et même primordial. Il contient également des dispositions visant le contrôle des produits chimiques utilisables. Il propose enfin un

code de bonne pratique de l'utilisation des produits chimiques qui définit le cadre d'opération pour minimiser tous les impacts au niveau de l'environnement. (12 h 10)

Avec ce projet de loi, nous passons de l'impact 0 à l'impact minimum. C'est une évolution qui correspond aux réalités. Il est impossible d'atteindre un impact 0 sans sacrifier une partie d'une activité économique donnée. Comme société, nous devons faire des choix. Si on accepte les bienfaits sociaux d'une activité économique, on doit aussi accepter les risques qui en découlent en les minimisant au plus haut point. C'est d'ailleurs le grand mérite du projet de loi sur les pesticides que de reconnaître ces évidences.

Parallèlement à l'étude de ce projet de loi, nous réalisons présentement un exercice de conception d'une politique gouvernementale d'utilisation des pesticides en milieu forestier. Cet exercice se réalise en collaboration avec le ministère de l'Environnement, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, celui des Affaires sociales et le secteur Forêts du ministère de l'Énergie et des Ressources.

L'objectif de la politique consiste à préciser les produits que l'on peut utiliser et à déterminer quand on doit les utiliser. Le moment est défini par le présent projet de loi sur les pesticides. La politique gouvernementale que nous sommes à préparer définit également les mécanismes de suivi environnementaux comme, par exemple, l'impact sur la santé de l'utilisation d'un produit en particulier. La politique gouvernementale sur l'utilisation des pesticides en milieu forestier déterminera aussi les mécanismes de consultation et d'information des populations locales concernées.

Mme la Présidente, pour encore plusieurs années, le milieu forestier devra avoir recours aux phytocides pour les raisons mentionnées plus haut. Je tiens, cependant, à vous rappeler, à vous et aux membres de cette Assemblée, que le milieu forestier n'est pas ou est très peu habité. De plus, même si on intervient sur de grandes superficies, je le répète, ce n'est qu'une fois sur une période de 50 à 90 ans que nous utilisons ces produits. Par ailleurs, notre but en utilisant des produits chimiques n'est pas de détruire la végétation concurrente, mais de retarder sa croissance pour permettre aux plans forestiers d'accéder à la lumière. Nous utilisons donc des produits chimiques à des doses très faibles. Malgré cela, nous sommes prêts, évidemment, à nous soumettre à des contrôles sévères dans l'utilisation de ces produits. En outre, de la même manière que nous pouvons, dès maintenant, nous passer de produits chimiques pour la lutte contre les insectes et les maladies des arbres parce que nous avons trouvé des produits biologiques et des techniques de remplacement, de la même manière, dis-je, nous nous sommes déjà mis à la tâche dans le but de trouver des solutions de rechange à l'utilisation des phytocides pour lutter contre la végétation concurrente. Des voies prometteuses sont examinées à l'heure actuelle. Ainsi, on envisage déjà de mettre en terre des plants de plus grande dimension afin de leur donner une avance sur la végétation concurrente.

Il se fait aussi des recherches sur des herbicides biologiques, recherches supportées évidemment par le ministère de l'Environnement, qui nous permettraient de contrôler la végétation concurrente. Nous procédons également à des recherches avancées sur l'amélioration génétique. Ces recherches permettent de croire que nous pourrions, un jour, faire croître des plants malgré la végétation concurrente en résistant mieux aux maladies.

Pour lutter contre la véqétation concurrente, nous avons recours à des moyens mécaniques partout où c'est possible, mais vous comprendrez que ceux-ci ne peuvent être utilisés seuls sur des superficies de 50 000 hectares. Nous privilégions, avec le nouveau régime forestier en viqueur depuis le 1er avrii, l'utilisation de techniques sylvicoles qui favorisent la réqénération naturelle portant, là aussi, où cela est possible.

La Loi sur les forêts adoptée par les membres de cette Assemblée, en décembre dernier, vise à consolider une activité économique essentielle pour le Québec en assurant le développement de nos forêts. Avec le projet de loi sur les pesticides, on encadre et on se donne des moyens de contrôle des activités qui nous permettront d'atteindre les objectifs de la Loi sur les forêts parce que, à long terme, la solution de rechange à l'utilisation des phytocides, c'est ni plus ni moins la gestion efficace des forêts que nous proposons d'implanter avec la nouvelle Loi sur les forêts. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué aux Forêts. M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci. Je m'excuse, Mme la Présidente, j'étais à côté à discuter d'un autre projet d'environnement dans ma réqion, soit le dossier de l'assainissement des eaux de la rivière Saint-Maurice à Grand-Mère. Le sous-ministre était en train de discuter avec moi du dossier. Je m'attendais que le ministre utilise son temps de 20 minutes mais d'après ce que je peux voir, il ne l'a pas utilisé, j'ai été un peu pris au dépourvu. Ce n'est rien, ce n'est pas grave, Mme la Présidente, compte tenu que j'avais

l'intention de parler sur ce projet de loi.

Je veux vous dire que j'ai eu l'occasion, lorsque j'ai été ministre délégué aux Forêts de regarder l'ensemble de ce dossier et de le regarder dans une hypothèse où on disait: L'utilisation des pesticides, et en particulier des herbicides, sur l'investissement que l'on a fait en forêt ou des insecticides en ce qui a trait aux insectes qui peuvent briser la forêt qu'on a mis en place, dans l'hypothèse du livre blanc. Or, vous le savez Mme la Présidente, ce livre blanc est devenu une loi qui est la Loi sur les forêts. La Loi sur les forêts quand on la regarde, on dit: Est-ce que je vais, comme industriel ou comme société, mettre un investissement et ne pas voir en fin de compte si je ne protège pas cet investissement et si je n'agis pas en fait, un peu comme on le dit souvent dans notre langage, pour jeter de l'argent à l'eau ou jeter de l'argent par les fenêtres. C'est dans ce sens que je veux regarder le projet de loi à la suite justement de l'intervention du ministre délégué aux Forêts. Je me dis qu'on n'a pas eu peut-être encore le courage de faire le vrai débat sur l'utilisation des pesticides au Québec.

Il est évident qu'il y a eu beaucoup de pressions, ce qui était normal, je pense, eu égard à l'utilisation massive que l'on faisait, à l'époque, de produits chimiques. Ces produits chimiques sont devenus en cours de route des produits biologiques. On connaît le décret que notre gouvernement a passé à l'époque interdisant, à partir de l'année qui vient, l'utilisation d'insecticides chimiques, pour les remplacer par des insecticides biologiques. Il faut dire aussi, en même temps, que, lorsqu'on agit en ce sens, ce sont des coûts additionnels biologiques importants, des coûts plus forts et plus grands que l'utilisation d'insecticides chimiques.

D'un autre côté, on a entendu parler dernièrement de la discussion qui s'est faite avec l'utilisation du BT, comme on l'appelle communément, le bacillus thuringiensis qui a été contaminé. On peut se poser des questions. Est-ce qu'on arrose ou est-ce qu'on n'arrose pas? Si on arrose dans quelles conditions? Quelles sont les limites que le ministre de l'Environnement doit mettre au ministre délégué aux Forêts dans l'utilisation de ces insectides biologiques mais quand même contaminés? Je faisais une farce la semaine dernière avec le ministre délégué aux Forêts en lui disant: Celui qui a inventé le BT, le Dr Smirnoff avait pris un ver pour montrer à tout le monde qu'il n'y avait pas de danger. Il n'en est pas mort. Il a eu un peu des maux de ventre. Je disais au ministre: Est-ce qu'il était prêt à faire la même expérience avec son BT qui était contaminé la semaine passée? Vous avez compris tout de suite que le ministre m'a dit: II n'en est pas question. Je ne ferai pas la même bêtise.

D'une certaine façon, il voit cela comme une bêtise. Une chose est certaine, c'est qu'il nous dit: II n'y a pas de danger pour la santé publique. Il n'en est pas sûr, même là, il n'en est pas sûr. Or, dans quelles conditions le ministre de l'Environnement va l'obliger à faire en sorte que toutes les précautions soient prises pour éviter qu'effectivement, pour les gens d'un territoire qu'on aura avertis... II y a des conférences de presse qui annoncent aux gens qu'ils n'ont pas à s'inquiéter, qu'il va y avoir arrosage à telle place, laissez le terrain et laissez-nous tranquilles pendant qu'on va arroser parce qu'il ne faut pas que vous en soyez au moins nourris d'une certaine façon de cet insecticide biologique. Il reste tout de même que le projet de loi doit nous assurer que le ministre de l'Énergie et des Ressources, par l'intermédiaire du ministre délégué aux Forêts, ne sera pas toujours basé sur des dérogations à une loi. Si, demain matin, il est permis au ministre délégué aux Forêts par dérogation de demander au Conseil des ministres d'outrepasser la loi, cela ne sert à rien d'avoir une loi. Il faut avoir une loi qui soit respectée et que quand on déroge ce soit pour des cas exceptionnels. Si cela devient la mesure habituelle, ce n'est plus, à ce moment, une dérogation. C'est une coutume, une habitude. À ce moment-là, le ministre pourrait nous dire: Écoutez, dans ces circonstances, je suis sûr que je n'aurai jamais de problème. Mais le vrai débat n'aura jamais lieu.

Donc, l'utilisation d'insectides chimiques disparue de notre territoire en ce qui a trait à l'ensemble des forêts, un coût plus grand cependant par l'utilisation d'insecticides biologiques, mais, d'un autre côté, des insectides biologiques contaminés peuvent avoir les mêmes effets négatifs sur la santé humaine, sur les animaux, sur l'ensemble de ce territoire que si on avait utilisé un insecticide chimique. Il faut faire attention. (12 h 20)

D'un autre côté, les pesticides. Lorsque j'étais ministre, j'ai eu l'occasion d'aller visiter des plantations où des expériences étaient faites, et là c'est évident, on peut utiliser des moyens mécaniques pour faire le nettoyage, le débroussaillaqe, faire disparaître les herbes concurrentes, les arbres concurrents, de telle sorte que ne demeure que l'arbre dont on veut avoir la meilleure production possible. Si on fait cela, on peut le faire de façon mécanique. Là, la discussion s'est engagée sur le genre d'instruments qu'on allait utiliser. Les instruments pourraient être plus légers si on veut que les femmes travaillent dans les plantations, plutôt que d'avoir des instruments tellement pesants que seuls des hommes puissent les utiliser, et, à ce

moment-là, permettre à l'ensemble des travailleurs forestiers d'utiliser des moyens mécaniques qui ne sont pas dangereux pour la population. On saura qu'à ce moment-là, cependant, cela devient plus dispendieux.

Les compagnies forestières, les gens qui investissent dans la forêt, que ce soit au niveau public ou au niveau privé, ont dit: Écoutez, nous sommes bien prêts à mettre en place tout un système au niveau de la forêt, mais on ne veut pas ne plus être concurrentiels avec les autres producteurs de papier ou de deux-par-quatre, peu importe le bois d'oeuvre qu'on aura à utiliser, ou les résidus de sciage qui permettent désormais l'utilisation du bouleau et du tremble pour faire, comme on l'appelle dans le langage de la construction, soit du K-3 ou du "plywood", des moyens d'avoir du bois, aggloméré dans un cas, ou collé d'autre façon, selon le déroulage qu'on connaît.

Quand on a dit cela, il reste une chose, c'est que les gens nous disent: Nous voulons être concurrentiels. Pour être concurrentiels, il faut utiliser des moyens qui soient, d'une certaine façon, chimiques ou biologiques. Les études sont amorcées, il faut que le projet de loi permette ces choses, c'est-à-dire d'aider à la recherche au niveau des pesticides. Les insecticides, on l'a dit, on est rendu maintenant, selon le décret auquel on demande de ne pas déroger, à moins de circonstances très graves, à l'utilisation du biologique.

Dans le cas des pesticides qu'on appelle herbicides, par exemple, on n'est pas avancé à ce point. On utilise encore du chimique. Le ministre délégué aux Forêts disait encore tout à l'heure qu'on procédait par arrosage terrestre seulement, et non par arrosage aérien, avec les difficultés que comporte sur le plan de la santé humaine un arrosage qui permet de faire disparaître rapidement l'herbe concurrente. J'ai eu l'occasion de voir les deux: le cas mécanique et le simple arrosage manuel, terrestre. Là où on n'a rien fait de cela, on s'aperçoit vraiment que la plantation, tel qu'annoncé, connaît la difficulté de l'une ou l'autre utilisation. La meilleure, la plus rapide qui permet de mieux rentabiliser et de coûter le moins cher possible, c'est évidemment l'herbicide que l'on peut déverser sur les herbes concurrentes.

Il y a un tableau que j'utilisais, Mme la Présidente, alors que j'étais ministre et que je faisais ma tournée en milieu urbain, et je pense que cela vaut la peine de l'expliquer. C'est un tableau qui comprend trois colonnes. Sur les trois colonnes, on regarde: en milieu urbain, environ 0,2 % du territoire est arrosé. Chacun de nous a des gazons, des pissenlits qu'on ne veut pas voir, des mauvaises herbes, on arrose. On utilise quand même près de 10 % des herbicides pour l'arrosage, ou des pesticides et insecticides dans certaines circonstances.

Quand on s'en va au niveau de l'agriculture, cela représente environ 3 % du territoire du Québec qui est arrosé constamment, année après année, avec des pesticides qui vont toucher à peu près 80 % du territoire du Québec. En forêt, c'est là, il me semble, que le débat pourrait être amorcé pour vraiment faire comprendre aux gens qu'il faut donner les assurances, par la Loi sur le ministère de l'Environnement, que nous avons les moyens d'éviter que les gens ne soient contaminés par une mauvaise utilisation des pesticides au Québec. Quand on regarde l'ensemble du territoire, c'est environ 46 % ou 47 % qui est constitué de forêts, et à peu près 14 % de l'ensemble des pesticides utilisés. Donc, le territoire est vaste, mais avec, si on prend mes colonnes, une petite colonne, tandis que, dans le domaine de l'agriculture, c'est un petit territoire de 3 %, mais avec 80 % d'utilisation.

Si on fait comprendre ces choses aux gens et qu'on discute avec eux, si on regarde dans quelles circonstances on va les utiliser, à ce moment-là, il est évident que nous aurons les moyens de convaincre les qens que nous ne pouvons mettre en terre par plantation, ce qui est le dernier exercice qu'on doit poser parce que plus dispendieux. Il faut encore des moyens de récolte différents, des types de travaux sylvicoles différents, voir l'ensemble de toutes les possibilités de faire revivre la forêt et utiliser des moyens, soit mécaniques, soit chimiques, soit biologiques pour détruire tout ce qui fait la concurrence et permettre à l'investissement d'être productif et d'être concurrentiel sur le marché international.

Il est évident que, pour les articles 50 et 108 où on a fait l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs, nous ne pouvons en aucune façon être en désaccord, parce que le Conseil consultatif de l'environnement rappelait de verte façon, si je peux m'exprimer ainsi, dans son avis transmis au ministre en février dernier que l'exclusion des agriculteurs et des sylviculteurs des dispositions législatives de l'avant-projet était de bien mauvais aloi, vu qu'ils représentent environ 90 % des utilisateurs et près de 85 % des consommateurs de pesticides au Québec. On sait maintenant qu'en vertu de la discussion qui a eu lieu en commission parlementaire, ils seront assujettis au régime des certificats, quoique la réglementation applicable aux agriculteurs et aux aménagistes forestiers ne sera déposée que beaucoup plus tard. Aussi, le ministre estime que ce n'est qu'en 1990 que les agriculteurs auront reçu une formation sur l'utilisation des pesticides, ce qui, à notre avis, repousse de plus de trois ans l'application entière de la loi.

Dans le projet de loi, on parle de la création d'un comité "aviseur". Le ministre a proposé lors du dépôt de son projet de loi que soit constitué un comité-conseil formé de représentants bénévoles tant du gouvernement que de groupes de l'extérieur. Nous sommes d'accord avec cette initiative. Toutefois, nous croyons qu'il aurait été davantage préférable que ce comité voie son existence et ses compétences reconnues dans la loi, le soustrayant ainsi de façon précise au pouvoir arbitraire et discrétionnaire du ministre. Son mandat aurait été par le fait même beaucoup mieux banalisé. On saurait mieux à quoi s'attendre, les nominations de ses membres auraient été plus ouvertes et plus démocratiques et son indépendance, par le fait même, beaucoup mieux assurée.

Aussi, dans un communiqué qui accompagne le dépôt du projet de loi 27, le ministre précisait que le mandat du comité porterait sur les questions suivantes: la classification des pesticides, l'élaboration de la réglementation et des programmes de formation. On souhaite à titre de membres de l'Opposition que le conseil puisse proposer des alternatives à l'utilisation de pesticides. C'est à ce point que je faisais allusion tout à l'heure, à l'utilisation des pesticides en forêt. Il est à mon avis important que le comité puisse aviser et puisse même, à l'occasion avec les deux ministres concernés, le ministre délégué aux Forêts et le ministre de l'Environnement, faire la consultation qui s'impose à travers le Québec pour aider le ministre délégué aux Forêts a faire comprendre aux gens que l'utilisation contrôlée permet la rentabilisation de l'investissement tout en sauvegardant la santé humaine et animale du milieu.

Orienter la recherche. Justement, ce comité pourrait permettre au ministre délégué aux Forêts d'aller plus rapidement et conseiller au ministre de l'Environnement de donner les crédits nécessaires pour que l'orientation de la recherche vise à permettre une utilisation biologique des herbicides - ce qu'on ne connaît pas actuellement à fond. Il pourrait entendre les plaintes contre les produits et les compagnies, analyser les données des registres et bilans, évaluer les propositions d'entente qui peuvent être conclues pour faciliter l'application de la loi. (12 h 30)

Je prends un cas bien précis, Mme la Présidente. Vous avez certainement été à même de voir à la télévision en fin de semaine ce qui s'est produit au département de santé communautaire du Lakeshore où, effectivement, on a ramassé, à l'intérieur des maisons, ce qu'on trouve comme toutes sortes de possibilités de contamination. Combien de gens, quand il leur reste un peu de peinture, la jette dans les égouts de la ville, ce qui est dangereux parce que cela pollue l'ensemble de l'environnement. Si tout le monde faisait cela, qu'est-ce que cela apporterait comme... Des règlements municipaux sont donc apparus pour éviter des choses semblables, ce qui n'empêche pas que, parfois, des gens puissent encore le faire, mais ils sont importants.

Dans mon milieu, on a eu une longue discussion sur les 8PC. Le long de la rivière Saint-Maurice, les gens ne voulaient pas voir monter cela à Saint-Roch-de-Mékinac, à l'époque, à Mattawin, où il aurait pu y avoir une usine pour faire la décontamination et la disparition complète compte tenu justement du nombre de BPC dans notre milieu à cause, non pas de l'ancienne Hydro-Québec, mais de l'ancienne Shawiniqan Water and Power qui a été prise par Hydro-Québec, à l'époque. Combien de ces BPC se sont retrouvés dans la forêt à la merci de l'ensemble des gens qui les vidaient? Ils voulaient le contenant et y laissaient le contenu dans les ruisseaux, dans les lacs et dans les rivières. C'est à cela qu'il faut faire attention. On pourrait dire: On ne veut pas d'usine pour la faire disparaître; en conséquence, il faut la placer quelque part; il faut l'emmagasiner quelque part; comme les gens disent chez nous, il faut la stocker quelque part. Mais si on les met quelque part en emmaqasinant et que les gens n'en veulent pas, il va arriver que les gens vont s'en débarrasser au plus vite et n'importe comment. Il faut absolument s'assurer que, dans la question des BPC dans tout le Québec, on en arrive à une solution qui soit la meilleure possible, sachant que sur la rive sud, soit à Bécancour ou ailleurs, encore une fois les gens ont dit non, tout comme à Shawinigan-Sud où on a un entrepôt de ces huiles contaminantes.

Nous croyons que le ministre devra aussi nous préciser ce qu'il entend faire du comité interministériel sur les pesticides du Québec qui a été officialisé par les décrets d'octobre 1981 et d'avril 1983 et dont la responsabilité est assurée par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

J'aurais eu, Mme la Présidente, autre chose à dire. Mais, ce qu'il est important de bien retenir, c'est que nous croyons que le pouvoir de réglementation doit être plus limité. Seule la réglementation saura nous révéler la réelle volonté du ministre de contrôler l'usage des pesticides. À ce chapitre, le projet de loi 27 n'a pas retenu de l'avant-projet de loi un pouvoir réglementaire extrêmement important à défaut duquel les prérogatives du ministre nous semblent très limitées. Nous croyons que nous devons nous assurer que ce projet de loi ait les meilleures conditions nécessaires à l'application non seulement en forêt, comme je l'ai dit, mais dans l'ensemble du territoire du Québec pour permettre à l'ensemble de la

population d'être rassurée quand le ministre de l'Environnement aura mis en place, cette nouvelle loi. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laviolette.

Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Yolande D. Legault

Mme Legault: Mme la Présidente, c'est avec beaucoup d'intérêt que je vous entretiendrai aujourd'hui d'un sujet qui m'a toujours préoccupée au plus haut point. En effet, avec l'apparition d'une société industrialisée axée sur la productivité et l'économie, il apparaissait normal d'inventer des produits surnommés des pesticides. Depuis quelques années, nous assistons à une mobilisation de l'opinion publique qui devient de plus en plus consciente des dangers que représentent ces produits pour la santé des êtres vivants.

Eace à ces protestations, nous observons parallèlement la montée du mouvement écologique qui sensibilise de plus en plus la population à la nécessité de protéger notre environnement et le bien-être de ceux qui y vivent. Considérant que le Québec est la dernière province à légiférer au Canada et que les États-Unis possèdent déjà plusieurs longueurs d'avance sur nous quant au contrôle de la vente et de l'utilisation des pesticides, il se révélait donc urgent d'agir et, par conséquent, le gouvernement se devait d'avoir le courage de prendre ses responsabilités et de légiférer dans ce domaine. À cet effet, le ministre de l'Environnement déposait un avant-projet de loi sur les pesticides, le 18 décembre dernier. Face à la complexité du sujet, le ministre de l'Environnement décidait, par le truchement d'une commission parlementaire et avisait quelques mois plus tard, faisant suite aux recommandations des différents intervenants du milieu. Le ministre revient donc à la charge en présentant une version quelque peu amendée de ce projet de loi que certains qualifient de trop permissif tandis que d'autres le jugent trop coercitif.

Pour ma part, tout en appuyant ce projet de loi et les objectifs qu'il prône, j'aurais quand même tendance à me situer dans le premier camp. Tout au long de mon intervention, par le cheminement de mes arguments, je tenterai de vous démontrer le pourquoi de cette opinion. Pour débuter, je vous énumérerai les avantaqes que ce projet de loi me paraît contenir. Ensuite, je vous ferai part de mes expériences vécues dans le domaine de la pomiculture et, finalement, je vous expliquerai pourquoi j'en suis arrivée à opter pour les approches alternatives dites biologiques.

Cette nouvelle version m'apparaît mieux adaptée aux besoins et au milieu en consacrant quelques qrands principes qui m'apparaissent positifs comme point de départ. Le fait d'assujettir dans un proche avenir les aqriculteurs et sylviculteurs semble un point essentiel à toute évolution dans ce dossier.

Une démarche législative qui se veut réaliste devait tenir compte du fait que ceux-ci sont les plus grands utilisateurs de pesticides. Également, à titre d'utilisatrice de pesticides, j'ai toujours défendu l'idée qu'il fallait réduire le plus possible la quantité des pesticides utilisés. Je me réjouis donc de retrouver cet objectif inclus dans le présent projet de loi.

Un autre aspect qui me semble très intéressant et sur lequel s'appuie ce projet de loi repose sur les notions de formation et d'éducation des différents intervenants du milieu. En sensibilisant les vendeurs et utilisateurs, je suis convaincue que nous finirons par les inciter à faire une utilisation plus rationnelle et prudente de ces produits. Mais cependant, ce qui demeure à mon avis la clé essentielle comme solution de l'avenir, tient à la recherche que nous effectuerons sur les méthodes alternatives.

Comme exemple très actuel je vous réfère à un article paru dans Le Soleil le 21 mai dernier concernant les forêts et la protection des épinettes. Pourquoi laisser périr nos forêts par des contaminants quand on peut les pulvériser de nos produits naturels et biologiques comme la terre diatomée, le pyrèthre ainsi que le connu et déjà utilisé BP. Je sais que vous me direz peut-être que ces produits ne coûtent pas moins cher que les produits chimiques, mais, je vous répondrai sans hésiter qu'ils sont cependant grandement moins offensifs pour la santé.

Un autre point, à la lecture des mémoires présentés en commission parlementaire, était souvent relevé et se traduisait par une préoccupation de voir affaiblir la Loi sur la qualité de l'environnement par ce présent projet de loi. À cet effet, des bonifications ont été apportées. En ce qui concerne également l'accès à l'information, plusieurs groupes de pression ont exprimé leur désir de voir maintenir cette même facilité d'obtenir des informations pour les pesticides que dans le cadre de la Loi sur l'environnement.

Quant à la certification des vendeurs de produits domestiques, il me semble très important d'appliquer ce même critère de sévérité à tous les maillons de la chaîne car les grossistes et les distributeurs sont également des éléments qu'il ne faut pas négliger.

Comment réussir à convaincre et à forcer tous ces intervenants à respecter la loi quand on sait très bien qu'elle va à l'encontre de leur intérêt financier.

Finalement, l'harmonisation et la coordination des différents paliers de gouvernement en la matière ainsi que la création d'un comité consultatif conseillant le gouvernement sur la classification des pesticides m'apparaissent deux aspects positifs dans le long chemin qu'il nous reste à parcourir. Mais, comme le dit le ministre, ce n'est qu'une étape vers un long cheminement. Je pense que légiférer c'est déjà un pas de fait mais cela doit aller, d'après moi, beaucoup plus loin. On ne doit pas se limiter mais apprendre à changer nos modes de vie, notre système de valeurs et nos manières de concevoir l'humain face à son environnement. (12 h 40)

II serait essentiel que nous arrêtions de voir nos priorités uniquement en termes de profits pour se placer dans une perspective beaucoup plus à long terme de coûts sociaux. Voilà une conception qui s'attaque aux causes et non uniquement aux symptômes.

En ce qui concerne la solution qui traite les causes, pour moi elle se nomme agriculture biologique. J'ai commencé à expérimenter ces techniques à la suite d'une expérience personnelle qui aurait pu se transformer en un drame. En effet, il y a de cela plusieurs années, mon époux s'est intoxiqué au mercure en arrosant notre verger. À cause de notre ferme, nous avons souvent été appelés à utiliser des pesticides. Une bonne journée, celui-ci se retrouva avec une éruption cutanée et des enflures monstrueuses. Amené d'urgence à l'hôpital, il s'en est fallu de peu qu'il y laissât sa vie.

Depuis ce temps, nous nous sommes vraiment intéressés à chercher d'autres méthodes. J'ai vaguement entendu parler par des amis des produits naturels. J'ai donc tenté conjointement avec des collègues du Venezuela, de l'Angleterre et de la Belgique plusieurs expériences qui, d'ailleurs, fonctionnèrent très bien et donnèrent des résultats satisfaisants. Je faisais usage de permagarde, de rotenone et d'algues marines provenant de l'océan. Je n'éprouvais aucun problème sauf celui-ci: J'avais de la difficulté à éliminer la tavelure sur les pommes, entre parenthèses, fongus. Je dus forcément avoir recours aux pesticides pour régler la situation, fongicide d'ailleurs que j'utilisais en quantité minimale. D'ailleurs, Mme la Présidente, si vous me permettez, en fin de semaine, j'ai dû constater quand même dans mon verger une infection de tavelure. Le coût de ces pesticides a quintuplé depuis les 20 dernières années et les résultats ne se sont pas améliorés. C'est très inquiétant pour les producteurs du comté de Deux-Montagnes eux aussi.

Quant au Venezuela, à cause de leur climat particulier, ils n'éprouvaient pas ce type de problème avec la culture du coton. Tout allait bien à part la difficulté d'accessibilité de ces produits qui étaient, pour la plupart, importés d'Angleterre. Maintenant, ces produits sont fabriqués au Québec à des prix raisonnables. Certes, les pesticides organiques demeurent encore plus onéreux mais les applications sont moins fréquentes et se révèlent inoffensives pour les êtres vivants. En ce sens, je crois que ledit projet de loi constitue un départ très intéressant mais il serait souhaitable que les différents ordres de gouvernement continuent à prendre leurs responsabilités en la matière.

À mon avis, le gouvernement fédéral émet encore trop facilement des permis et ses critères restent trop souples et flous comparativement aux États-Unis. Je pourrais vous citer des dizaines d'exemples et des cas pour appuyer cette opinion. Je me contenterai de vous en énumérer trois. Premièrement, je n'ai qu'à penser aux herbicides de pommes de terre qui sont permis ici et qui ont été bannis depuis longtemps au Vermont. Je pense aussi au cas de la sève d'érable que l'on traite avec des cartouches de formaldéhyde, substance augmentant la productivité mais dont certains savants et chercheurs croient qu'elle est cancérigène.

Je me rappelle personnellement avoir eu, il y a de cela aussi plusieurs années, des réticences quant à ces petites pilules que le vendeur qualifiait de supposément inoffensives et aux vertus quasi miraculeuses. En face de la volonté du gouvernement fédéral de permettre aussi l'irradiation des aliments, il est impératif de considérer le rôle que joue le Centre national de recherche du Canada. Les recommandations émises par ce centre sont habituellement reçues sans discussion, ex cathedra, comme paroles d'Évangile, parce que venant d'un milieu scientifique très rigoureux, intègre et soucieux de la vérité et du bien public. Dans les faits, il arrive que des résultats de recherche sont publiés à la hâte à la suite d'études insuffisantes, trop courtes à cause des pressions politiques, économiques ou autres.

Un dernier exemple désastreux, inoubliable est l'épisode de la MIUF, mousse isolante d'urée formaldéhyde. Alors que l'usage de cette substance comme isolant venait d'être banni aux États-Unis avec un dossier très bien documenté, le Conseil national de recherche du Canada en a sanctionné l'usage comme sécuritaire. Le gouvernement, fort de cette approbation, a autorisé l'utilisation de la MIUF en accordant de plus de généreuses subventions aux usagers. Le drame que tous connaissent a éclaté peu de temps après avec toutes ses conséquences; grave atteinte à la santé des gens, maisons instantanément dévalorisées, nouveaux subsides pour corriger cette erreur. Les citoyens qui n'ont pas d'autre choix que de faire confiance à leur institution ont été les doubles victimes de cette erreur en haut

lieu. Ils ont payé de leur santé. Ils ont payé de leur argent ces subventions de promotion et de correction.

Je trouve malheureux qu'au nom du pouvoir pécuniaire, la loi exclue certains produits qu'elle ne devrait pas. Il est déplorable qu'à cause d'un système économique, certaines personnes soient prêtes à sacrifier la santé collective pour faire fonctionner les rouages de l'économie et ainsi protéger leurs intérêts. Il est à mon avis grandement temps que l'on fasse preuve d'un peu de maturité et de sens d'autocritique face à notre société et aux décisions qu'elle prend.

Il est de plus temps de remettre en question notre approche et de penser en fonction du respect de la chaîne écologique. Pourquoi, à ce chapitre, ne pas utiliser les prédateurs à bon escient? Je suis consciente que ce que j'avance peut bouleverser et même choquer certains groupes de pression et que ce n'est que progressivement que nous arriverons à changer les mentalités et appliquer ces théories qui sont révolutionnaires, parce qu'elles apportent un éclairage scientifique nouveau des comportements humains. Ces théories remettent en cause certaines de nos valeurs comme la productivité, l'efficacité, la volonté de puissance, l'agressivité pour les remplacer par des notions de douceur, de respect de la nature et de la conservation de la vie.

Ces théories inventent une relation où l'homme serait mieux intégré à son milieu et vivrait davantage en harmonie avec celui-ci. Comme tentative d'explication de tout ce phénomène, j'aimerais, Mme la Présidente, vous lire un très beau texte du réputé Dr Hill, éminence grise en la matière et professeur au collège Macdonald de l'Université McGill en entomologie et chargé de projets d'agriculture écologique. Le présent exposé est révolutionnaire par sa manière d'envisager la lutte contre les ravageurs et reflète bien le changement de conception fondamentale qui est en train de gagner le domaine scientifique. Il traite du sujet dans un sens plus large que d'habitude et fait notamment appel aux plus récentes perceptions des facteurs régissant les causes véritables des problèmes engendrés par les ravageurs, soit d'y faire face et d'abandonner définitivement la pratique courante de ne s'attaquer qu'aux symptômes. La cause des nombreux problèmes engendrés par les ravageurs se situe en dehors du domaine d'action des disciplines destinées habituellement à les traiter.

En outre, l'application des moyens proposés demande une compréhension nouvelle du rôle des individus et des institutions à l'égard des changements sociaux. Les êtres humains doivent devenir plus conscients de leur mode de comportement et accepter davantage la responsabilité de leurs actes.

De son côté, la société doit appuyer davantage ceux qui s'efforcent de mettre fin à leur comportement compensatoire et à tout mettre en oeuvre pour empêcher la réapparition de ce comportement.

Depuis la fin des années quarante, la lutte contre les ravageurs est de plus en plus associée aux pesticides de synthèse, de telle sorte qu'aujourd'hui plus de 2 000 000 de tonnes métriques de pesticides, éléments actifs, sont déversés annuellement dans le monde, soit 34 % en Amérique du Nord, 45 % en Europe de l'Ouest et de l'Est, et 21 % dans les autres pays; ce chiffre représente plus du double des quantités utilisées il y a dix ans. Malgré les améliorations apportées aux différents produits chimiques, à leur formule et aux méthodes d'application, les problèmes inhérents à l'utilisation des pesticides n'ont pas diminué pour autant. Au contraire, certains se sont même aqgravés. La majorité de ces produits sont dus au fait que presque tous les pesticides sont des problèmes entièrement nouveaux, sans équivalent naturel. En outre, comme les ravageurs sont des entités économiques et non biologiques, ces produits chimiques ne sont jamais spécifiques aux ravageurs. Les poisons ne sauraient être sélectifs selon des critères économiques.

Les principaux problèmes résident dans le fait que les pesticides et leurs dérivés sont persistants et ont des effets cumulatifs, que leur effet n'est pas sélectif, qu'il est difficile de les appliquer uniquement à des orqanismes cibles, qu'ils ont des effets létaux et sublétaux immédiats et à lonq terme, que leur pourcentage de mauvaise utilisation est extrêmement élevé, que leur emploi ou leur mauvais emploi est généralement suivi d'une réapparition et souvent même d'une recrudescence des ravageurs, que ces derniers développent invariablement une résistance aux pesticides et que, souvent, des ravageurs secondaires font leur apparition. (12 h 50)

Comment expliquer qu'en dépit d'une liste aussi longue d'inconvénients l'utilisation des pesticides soit si généralisée? La raison évidente est que l'usage des pesticides entraîne généralement une augmentation des profits ou, tout au moins, une diminution des pertes. Cependant, cela n'est vrai que parce que notre système d'analyse des coûts-bénéfices ne tient pas compte des coûts associés aux problèmes ci-dessus. Il s'aqit là d'un exemple parmi tant d'autres des nombreux moyens que notre société a de sanctionner le profit à court terme de l'entreprise privée aux dépens des frais à long terme du public. Dans la najorité des cas, il n'y a pas d'autres méthodes pour combattre les ravageurs où les moyens existants sont d'application peu commode.

Cependant, une autre raison, moins

évidente, c'est que la majorité des utilisateurs sont aussi inconsciemment attirés par les pesticides pour leur propriété symbolique, en particulier pour leur symbole de puissance. Dans bien des cas, la plupart des êtres humains sont portés à agir comme s'ils étaient impuissants ou vulnérables. Ils ont, de ce fait, tendance à se laisser inconsciemment attirer par des signes extérieurs de puissance, par exemple sur le plan de la profession, de la position sociale, des loisirs, de la possession et même sur le plan des instruments et techniques utilisés pour résoudre les problèmes.

Il va de soi que ce comportement compensatoire tend à être automatique et répétitif de manière prévisible et à se défendre énergiquement, mais n'arrive jamais à engendrer de satisfaction durable. C'est comme si la notion de suffisance n'existait pas parce que les pesticides considérés comme des poisons puissants, en général, appliqués directement sur l'ennemi au moyen d'appareils puissants et parce qu'ils ont des effets prévisibles dans l'immédiat, ils sont tout désignés pour jouer ce rôle compensatoire. De leur côté, les solutions alternatives sont généralement présentées comme des techniques douces. Elles sont souvent d'un emploi plus compliqué et leurs effets sont moins certains.

Mme la Présidente, j'aurais voulu terminer par l'article du Dr Hill. Est-ce que je pourrais avoir la permission de la Chambre pour continuer?

La Vice-Présidente: II vous reste deux minutes. Est-ce que j'ai le consentement de la Chambre pour permettre quelques minutes.

M. Lefebvre: Quelques minutes, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Quelques minutes, consentement?

M. Lefebvre: Oui.

Mme Legault: Quelques minutes. "Ainsi, je débute à partir de la prémisse que les méthodes de lutte contre les ravageurs sont utilisées et que même les recherches sur ces méthodes sont effectuées non pas dans un cadre scientifique et objectif mais plutôt très subjectif et personnelle.

Cette situation s'applique, non seulement à la lutte contre les ravageurs, mais aussi à toutes les parties du système alimentaire de même qu'à chaque aspect de notre vie. Partant de ce principe, il est facile de comprendre pourquoi, dans le système alimentaire et, de même, dans les secteurs industriels en général, les principaux objectifs sont la productivité, le profit et la puissance. Il n'y a pas de limites inhérentes à ces objectifs. Ils sont associés à la crois- sance, à la concurrence et à la centralisation, à l'épuisement des ressources non renouvelables, à la destruction des ressources renouvelables et, en ce qui concerne notre espèce, au stress, à l'indifférence et à la dégénérescence. Des objectifs beaucoup plus appropriés seraient la nutrition, en tenant compte de la qualité tout comme de la quantité des aliments ainsi que des besoins individuels particuliers, la satisfaction, le développement de l'établissement d'un système durable. Mais il y a certaines contraintes inhérentes à ces objectifs car, dans ce cas, il faut penser en termes d'équilibre, de coopération et de décentralisation, de dépendance minimale à l'égard des ressources non renouvelables et d'impacts minimaux sur les ressources renouvelables. Les êtres humains vivant dans un tel système sont plus susceptibles d'éprouver de la joie, un sentiment d'intégration et d'union avec la terre et ses habitants et d'avoir aussi le sentiment d'actualiser progressivement leur potentiel. C'est dans une telle perspective que les solutions suivantes pour combattre les ravageurs peuvent donner leur pleine mesure. "Les efforts ayant pour but d'introduire les méthodes destinées à remplacer les pesticides conventionnels peuvent être classés en trois formes d'approche: efficacité, substitution et restructuration. La gestion intégrée de la lutte contre les ravageurs, comme elle est communément pratiquée, a recours aux pesticides ainsi qu'à des techniques qui, pour la plupart, s'appliquent aux deux premiers groupes. Dans la gestion intégrée, il faut, en tout premier lieu, se servir de techniques appropriées pour surveiller les ravageurs ou leurs effets et aussi idéalement leurs mécanismes de contrôle naturel. Les techniques de surveillance comportent l'examen courant des cultures et de leur milieu et des méthodes simples comme le frappage des branches, les filets, les pièges englués et autres pièges contenant des substances attractives comme le phéromone. Ces derniers sont aussi utilisés parfois comme moyens de contrôle, particulièrement pour perturber le comportement reproducteur de certains ravageurs. "Il y a aussi moyen d'accroître l'efficacité des pesticides par l'utilisation de meilleures formules et méthodes d'application - par exemple, le développement d'applica-teurs électrostatiques - et l'établissement du seuil économique pour chacune des espèces de ravageurs.

Pour développer des approches écologiques profondes, il faut au préalable déceler les forces dynamiques et statiques à l'oeuvre et renforcer les premières tout en neutralisant les secondes. Sur le plan individuel, cette transformation impose le développement d'un sens d'intégration avec la terre et l'observation attentive des processus

d'équilibre et de rétroaction. Elle oblige à étudier le fonctionnement des systèmes naturels et à les observer longuement pour apprendre à les imiter. Mais surtout, elle oblige chacun à surveiller davantage son propre comportement, à reconnaître son comportement "compensatoire" et à apprendre à s'en débarrasser. C'est là le fondement d'une approche holistique qui reconnaît que notre façon de lutter contre les ravageurs, qui n'est en somme qu'un aspect de notre façon de vivre, et c'est en modifiant notre mode d'action et notre comportement général que nous arriverons à changer également notre manière de combattre les ravageurs."

En conclusion, Mme la Présidente, je ne peux rester indifférente devant tant de publicité en faveur de l'irradiation des aliments. Je suis particulièrement demeurée abasourdie devant un message radiophonique tentant d'influencer les producteurs de pommes à faire irradier leurs produits quand déjà, sans irradiation et uniquement par la congélation, celles-ci se conservent toute une année. Je peux vous assurer au même moment, Mme la Présidente, que j'ai ici des pommes de mon verger de l'année 1986...

Une voix: Elles sont bonnes!

Mme Legault: ...qui ont subi la congélation, et les nouvelles pommes arriveront vers le 18 et le 20 juillet. C'est pourquoi je me demande si cette nouvelle technologie, qui coûtera beaucoup plus cher aux producteurs et aux consommateurs... En plus, cette nouvelle technologie pose des risques pour la santé des individus et va à rencontre des objectifs que prône ce projet de loi sur les pesticides.

Au moment où le ministre de l'Environnement du Québec a le courage de présenter son projet de loi, d'autres s'évertuent à trouver des moyens pour détruire ce que nous sommes présentement en train d'adopter. Sous prétexte de l'assimiler ou de l'injecter à petites doses, certains organismes essaient de nous faire avaler la pilule, mais je leur dis qu'elle reste pour moi encore trop indigeste. D'ailleurs, je tiens à souligner que 64 sénateurs du congrès américain se sont opposés à l'irradiation des aliments par l'intermédiaire du "bill" HR-956. Il faut également penser à l'avenir et à nos enfants qui subiront les ravages de ces rayons. Sans prétendre être spécialiste ou savante en cette matière, mon intuition me dicte qu'il serait important d'obliger les compagnies à étiqueter leurs produits. Cette réglementation, comme dans le cas des cigarettes, permettrait d'aviser les consommateurs si tel aliment est irradié et, par conséquent, leur laisserait le libre choix d'en consommer ou non. Vous vous souviendrez tous de l'accident de Tchernobyl en 1986 qui a conduit à la contamination par la radiation des denrées alimentaires. Cet accident devrait nous servir de leçon et nous inciter à agir prudemment à l'avenir.

En terminant, c'est à titre de personne élue démocratiquement dans le comté de Deux-Montagnes que je me sens la responsabilité de sensibiliser, d'informer et de conscientiser la population aux risques aussi grands à utiliser les pesticides qu'à irradier les aliments. Il ne faudrait pas que cette négligence nous mène à légiférer dans quelques années sur l'irradiation des aliments, comme nous sommes présentement obligés de le faire pour les pesticides. Si nous avions fait preuve d'un peu plus de clairvoyance il y a quelques années, en ce qui concerne l'utilisation des pesticides, nous n'en serions pas, aujourd'hui, à passer ce projet de loi 27 que j'appuie entièrement. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Deux-Montagnes.

Compte tenu de l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place.

L'Assemblée nationale reprend ses travaux à la période des affaires du jour. Nous allons maintenant reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur les pesticides. Je reconnais à ce moment-ci comme intervenant M. le ministre de l'Environnement pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Clifford Lincoln (réplique)

M. Lincoln: M. le Président, je ne compte pas être très long dans cette réplique parce que je pense que tout ce qui devait être dit l'a été tant par mes collègues que par les membres de l'Opposition qui ont soulevé tous les points principaux que rejoint ce projet de loi. Je voudrais souligner encore une fois, en réplique, que ce projet de loi répond à la demande du plus grand nombre d'intervenants au Québec, de toutes les couches de la société, tant du milieu urbain que rural et que ce projet de loi est l'aboutissement d'une politique qui était demandée instamment au Québec parce que nous sommes le dernier gouvernement à ne pas avoir une réglementation, une loi sur les pesticides. En fait, c'est l'aboutissement de l'avis et de la recommandation du Conseil consultatif de l'environnement qui, en 1980,

nous avait demandé une loi sur les pesticides basée sur un système d'éducation et de contrôle, telle que nous l'avons maintenant instaurée.

À la commission parlementaire qui a reçu des mémoires, quelque 32 mémoires de 50 organisations qui avaient été invitées, nous avons décelé les éléments les plus représentatifs et les plus importants. Donc, le projet de loi que nous avons déposé reflète toutes ces considérations les plus importantes.

D'abord, les intervenants ont souligné que le projet de loi sur les pesticides ne mettait pas assez l'accent sur la Loi sur la qualité de l'environnement. En faisant la juxtaposition entre la Loi sur la qualité de l'environnement, qui est la pièce maîtresse législative du ministère de l'Environnement, et cette nouvelle Loi sur les pesticides, nous avons apporté des amendements afin de reconnaître que la loi sur l'environnement s'applique dans toute sa qualité intégrale avec, évidemment, un ajustement par rapport à l'article 20 qui s'imposait par la logique même des choses. Nous avons aussi éclairci toute la question du droit à l'information des citoyens par rapport à la Loi sur les pesticides. Le citoyen aura droit tant à l'information, qui est prévue dans la Loi sur les pesticides, qu'à tous les rouages du droit d'accès à l'information qui est déjà prévu dans la Loi sur la qualité de l'environnement.

Des mémoires ont soulevé, avec raison, toute la question de l'inclusion des agriculteurs et des sylviculteurs, le domaine agricole et forestier. La chose n'était pas claire et nous l'avons éclaircie en reconnaissant de façon très formelle dans la loi, sans aucune ambiguïté, que tant les agriculteurs que les sylviculteurs sont couverts par la loi mais que, par réglementation, on pourra les ajouter à une date ultérieure à cause du grand nombre de personnes touchées par ce projet de loi, surtout dans le cas des agriculteurs.

Je peux confirmer qu'il est tout à fait de l'intention tant du ministère de l'Environnement que du ministère des Forêts dans le cas de l'industrie forestière, du ministère de l'Agriculture, dans le cas du domaine agricole, d'amener le plus vite possible ces intervenants au sein de la loi dans tous ses objectifs. Là où il y a peut-être le plus grand souci de refléter les représentations qui nous ont été faites, c'est dans le domaine des objectifs de la loi. Beaucoup d'intervenants incluant le critique de l'Opposition, nous ont souligné, qu'on ne reflétait pas assez la dimension de la réduction de la quantité de pesticides utilisés sur le sol du Québec et aussi un objectif plus à long terme de réduire la quantité de pesticides utilisés jusqu'au point où un jour, espérons prévisible, nous pourrons nous dire que nous avons réduit au maximum l'utilisation des pesticides chimiques en les remplaçant par des méthodes alternatives ou des produits alternatifs, biologiques et autres.

Nous avons donc voulu, dans ce projet de loi, consacrer ces grands objectifs qui iront vers l'objectif central que nous nous promettons, celui d'une gestion intégrée des pesticides qui aura comme objectif la réduction graduelle, la réduction maximale, compte tenu des circonstances du moment, vers une gestion intégrée qui tiendra pour acquis des méthodes alternatives dont ma collègue de Deux-Montagnes a cité beaucoup d'exemples qu'elle a vécus et allant aussi vers une recherche de produits alternatifs dans des domaines bien moins nocifs que le domaine chimique.

Dans ce sens, je me réjouis que dès cette année nous consacrions, dans le budget déposé par le ministre des Finances 500 000 $ à la recherche de produits alternatifs. Nous sommes déjà en pourparlers avec certains milieux universitaires et de recherche qui font déjà de la recherche de méthodes alternatives dans le domaine agricole pour étendre cette recherche dans le domaine forestier et le domaine des pesticides du milieu urbain afin que dans un avenir prévisible, de trois à cinq ans, nous ayons pu déceler des méthodes et des produits alternatifs qui feront que l'objectif central que nous nous promettons, soit une réduction graduelle qui ira vers des méthodes alternatives, une gestion intégrée qui tiendra pour acquis que les pesticides chimiques sont une méthode d'ultime recours, soit en fait l'objectif tant de la loi que des pratiques courantes au Québec.

Je vais dire un mot très bref soit, mais très important, sur toute l'implication du domaine fédéral en cette matière. Nous ne pouvons pas, du côté des provinces, tout faire nous-mêmes parce que notre champ d'action est très limité. Le domaine central qui contrôle tant le processus d'autorisation de la fabrication, de la mise en marché et de l'homologation des pesticides est du domaine fédéral. Or, malheureusement, les provinces ont eu très peu à dire dans ce secteur. Au fil des années, il s'est établi une pratique, au niveau fédéral, où les provinces avaient très peu de mots à dire, si ce n'est aucun. D'accord avec mes collègues des autres provinces, par l'intermédiaire du Conseil canadien des ministres de l'Environnement et des Ressources, nous avons demandé officiellement au gouvernement fédéral - toutes les provinces - d'être impliquées le plus directement possible dans le processus d'homologation. Nous avons demandé instamment au gouvernement fédéral de prévoir un mécanisme de consultation et d'implication systématique des provinces afin que, pour l'homologation des produits, au départ, nous soyons au moins informés de la façon la plus étendue possible

afin que les provinces puissent avoir leur mot à dire, fassent des revendications en conséquence, qui permettraient que les produits qui sont issus de l'homologation fédérale aient eu, je ne veux pas dire un veto, loin de là parce qu'on n'a pas la juridiction, mais au moins l'implication directe des provinces dans ce processus tellement important.

Nous avons aussi demandé que les trois ministres fédéraux impliqués, celui de l'Agriculture qui a la juridiction officielle, celui de l'Environnement et celui de la Santé qui sont impliqués directement par tout le processus de l'homologation des pesticides travaillent de beaucoup plus près ensemble qu'ils ne le font aujourd'hui.

Nous avons aussi demandé qu'il y ait une révision systématique des produits déjà sur le marché, parce que certains produits qui sont sur le marché depuis dix ou quinze ans démontrent des caractéristiques tout à fait différentes que celles prévues au départ.

Donc, cette action des provinces avec le gouvernement fédéral est essentielle si nous voulons rationaliser, réduire toute l'implication des pesticides dans les domaines socio-économiques au Québec et ailleurs, et, en même temps chercher ensemble des méthodes alternatives et des produits alternatifs. C'est donc dans le sens d'une gestion intégrée des pesticides, c'est donc dans le sens de sensibilisation de la population, c'est donc dans le sens de contrôler l'utilisation, de réduire la quantité des pesticides, de trouver des méthodes alternatives, de nous en aller vers une situation beaucoup plus propice à l'environnement, beaucoup plus saine pour l'environnement et beaucoup plus saine pour la santé des citoyens du Québec que ce projet de loi est proposé. Une loi, à elle seule, ne fera pas tout ce qu'il faut faire. Sans l'implication des citoyens, sans l'implication des milieux concernés, sans l'implication des groupements environnementaux, sans l'implication, surtout, des secteurs qui seront le plus touchés eux-mêmes, les secteurs de ceux qui arrosent de pesticides en milieu urbain, les secteurs forestiers, le secteur surtout de l'aqriculture qui en utilise 85 %, sans l'implication voulue de ces secteurs, sans une meilleure formation, une éducation des membres de ces secteurs eux-mêmes, la loi n'accomplira rien.

Mais, au moins, la loi est un outil de grande importance que nous avons aujourd'hui pour aider à ce processus, à ce momentum qui est déjà voulu dans la population, qui est déjà voulu par les secteurs eux-mêmes. J'espère qu'on va considérer cette loi comme une étape de grande importance vers une utilisation rationnelle des pesticides pour commencer, mais surtout vers une découverte d'une gestion intégrée et de méthodes de recherches de rechange et de produits de rechange dans ce domaine si crucial pour l'environnement et la santé des citoyens du Québec.

Le Vice-Président: Le débat étant terminé, à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que cette motion d'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur les pesticides, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi 27 à la commission de l'aménagement et des équipements.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. Lefebvre: Je vous demanderais d'appeler maintenant l'article 6 au feuilleton. (15 h 20)

Projet de loi 19 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article 6 du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement propose l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Je cède la parole à M. le ministre de l'Environnement.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, ce projet de loi 19 a pour but d'amender la Loi sur la qualité de l'environnement, laquelle, comme je le disais tout à l'heure lors du débat du projet de loi sur les pesticides, est la pièce législative maîtresse du ministère de l'Environnement. Elle régit toutes les actions et tous les objectifs du ministère dans son plus grand ensemble.

L'intention de ce projet de loi est en cinq différents éléments: d'abord, assurer une meilleure intégration entre la Loi sur la qualité de l'environnement et la refonte de la Loi sur les mines en changeant la définition de ce que sont les résidus miniers. Le deuxième amendement de ce projet de loi est d'établir la responsabilité du ministre de l'Environnement en ce qui a trait à la protection des rives, du littoral et des

plaines inondables au Québec. Le troisième élément, c'est de rendre la Loi sur la qualité de l'environnement conforme à certaines nouvelles règles de contrôle des emprunts par les municipalités du Québec par rapport au droit municipal. Le quatrième amendement a trait à la tarification pour ce qui est des sites de déchets domestiques au Québec. C'est peut-être l'amendement le plus étendu et le plus conséquent de par sa longueur et son étendue dans ce projet de loi, quoiqu'il soit surtout de nature technique. Cinquièmement, le dernier amendement a pour effet d'uniformiser, dans toutes les lois du Québec dont celle-ci, le système de rémunération des membres des organisations gouvernementales et paragouvernementales. Ici, on l'applique aux comités qui régissent l'application des lois sur l'environnement dans le Grand-Nord québécois.

Maintenant, je vais vous donner un aperçu des grandes lignes du projet de loi en vous disant ceci: quatre des grands éléments du projet de loi sont des amendements techniques. Le cinquième, celui qui donne la responsabilité au ministre de l'Environnement quant à la politique du Québec en matière de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, est un amendement qui a des portées beaucoup plus sociales, beaucoup plus importantes en ce sens qu'il tend à la prévention des dommages à l'environnement et à la conservation de l'environnement. Je vais m'attarder un peu plus sur cela que sur les considérations techniques des amendements à la Loi sur la qualité de l'environnement.

Pour ce qui est des amendements techniques, les quatre éléments dont je vous parlais, je voudrais passer brièvement à l'amendement premier, celui d'ajouter une nouvelle définition à l'expression "résidus miniers". Cette définition est rendue nécessaire afin de tenir compte d'un besoin qui s'est manifesté au sein du ministère de l'Environnement. En effet, en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, le ministère n'a aucune juridiction sur la gestion des résidus miniers même s'il s'agit en fait de déchets. Ce secteur relève actuellement du ministère de l'Énergie et des Ressources. Or, l'absence de définition d'une telle expression entraîne certains conflits juridictionnels entre les deux ministères. Il a donc été convenu, de part et d'autre, de proposer une définition commune qui sera intégrée, à la fois dans la Loi sur la qualité de l'environnement par la loi 19, et aussi dans la Loi sur les mines qui a déjà été présentée à l'Assemblée nationale...

Pour ce qui est du pouvoir d'emprunt de certaines municipalités, l'actuelle loi, à l'article 40, prévoit que les municipalités qui sont obligées de contracter des emprunts pour rembourser certaines dépenses qu'elles doivent faire en matière d'alimentation en eau potable ou de gestion des eaux usées, à la suite d'une ordonnance du ministre ou du sous-ministre de l'Environnement, peuvent faire approuver ces règlements par le ministre des Affaires municipales seulement.

Or, depuis 1984, les municipalités peuvent se voir obligées par ordonnance d'acquérir de gré à gré ou par expropriation un système d'aqueduc et d'égout lorsque le ministre le juge nécessaire pour la protection de la santé publique. Dans ces cas, le règlement d'emprunt nécessaire à la réalisation de ces transactions requiert les autorisations des citoyens entre autres. L'idée de cet amendement apporté par le projet de loi 19 a pour effet d'étendre dans les cas que j'ai cités le droit des municipalités de contracter des emprunts par règlements approuvés uniquement par le ministre des Affaires municipales.

Pour ce qui est des taux exigibles par les exploitants des lieux d'élimination des déchets, la Loi actuelle sur la qualité de l'environnement, à l'article 64, prévoit certaines modalités, certaines méthodes devenues complètement désuètes. En vertu de la loi, le gouvernement a le pouvoir de fixer le nombre maximum de lieux d'élimination des déchets, et il a aussi le pouvoir de déterminer la manière dont doivent être exploités ou entretenus ces lieux.

Certains pourraient prétendre que le fait de confier au même ministère, le ministère de l'Environnement, le pouvoir de surveiller l'application des normes d'exploitation et de gestion, et celui de fixer les taux exigibles, entache l'impartialité qui doit présider à toute la fixation des taux. En un sens, le ministère est juge et partie, il est jury et juge, il est tout à la fois. C'est pourquoi nous avons suggéré par la loi de confier le mandat de contrôler les taux fixés par les exploitants à un organisme indépendant, soit la Commission municipale du Québec, qui est l'entité la plus appropriée pour discuter de ces questions.

Nous proposons également certaines modifications à la procédure actuelle, qui auront pour conséquence d'accélérer le processus de fixation des tarifs. La situation actuelle est la suivante. Lorsqu'un règlement fixe le nombre maximum des lieux d'élimination des déchets, lorsque ce règlement a été adopté par le gouvernement pour une partie du territoire du Québec, une municipalité ou une personne peut demander au sous-ministre de l'Environnement de fixer les taux que peut exiger l'exploitant d'un tel lieu d'élimination des déchets, situé dans son territoire.

Lorsque le sous-ministre est saisi d'une telle demande, il peut établir des taux fixes ou des taux minima ou des taux maxima, ou il peut, pour des motifs d'intérêt public, refuser d'établir des taux. Lorsque le sous-

ministre fixe les taux, l'exploitant ne peut percevoir d'autres taux que ceux fixés par le sous-ministre. Avant de fixer les taux, le sous-ministre doit aviser et entendre l'exploitant du lieu d'élimination des déchets, les municipalités susceptibles d'être affectées par sa décision ainsi que les personnes qui transportent les déchets au lieu d'élimination. Tout changement de coût qui fait suite à la fixation de ces taux par le sous-ministre est à la charge ou au crédit, ou bien de la municipalité ou de la personne qui produit les déchets.

Cette procédure a comme conséquence qu'une fois le processus de la tarification par le sous-ministre enclenché, il n'y a pas moyen d'en sortir, puisque l'exploitant ne peut exiger d'autres taux que ceux fixés par le sous-ministre, et s'il veut modifier ses taux, il doit revenir chaque fois devant le sous-ministre. C'est un mécanisme très lourd qui entraîne des délais qui peuvent être très longs et que personne n'accepte comme un mécanisme valable, que ce soient les municipalités ou que ce soient les exploitants eux-mêmes. C'est pourquoi, nous avons proposé un modèle qui vise essentiellement à accélérer le mécanisme de fixation des tarifs que peuvent exiger les exploitants des lieux d'élimination des déchets.

Cette nouvelle procédure est la suivante. L'exploitant d'un lieu d'élimination des déchets, qui veut fixer ou modifier les tarifs qu'il veut exiger à l'entrée de son site, doit faire publier un avis dans un journal quotidien circulant dans le territoire qu'il dessert. Cet avis devra indiquer les tarifs exigés et mentionner la possibilité pour toute personne ou pour toute municipalité de présenter, dans les 40 jours qui suivent, une requête demandant à la Commission municipale du Québec de modifier les tarifs. (15 h 30)

Les tarifs exigés par l'exploitant et publiés de façon conforme entreront en vigueur le 45ième jour qui suit la date de publication de l'avis. Toutefois, la Commission municipale pourra, lorsqu'une requête de modification lui aura été présentée, fixer temporairement d'autres tarifs qui remplaceront ceux exigés par l'exploitant et qui entreront en vigueur 24 heures après que la décision qui les a fixés aura été signifiée à l'exploitant. Ces taux temporaires resteront en vigueur jusqu'à la décision finale. La Commission municipale devra rendre sa décision finale dans les 120 jours suivant la publication de l'avis de l'exploitant. Cette décision finale pourra, par une permission accordée par un juge de la Cour d'appel, être portée en appel devant cette cour et sera exécutoire malgré cet appel. Les tarifs fixés par la décision finale de la commission remplaceront ceux exigés par l'exploitant ou fixés temporairement par la Commission municipale et entreront en vigueur 24 heures après que la décision qui les a fixés aura été signifiée à l'exploitant.

L'exploitant ne pourra modifier ses tarifs avant l'expiration du douzième mois suivant la publication de son avis. Mais après le douzième mois, soit après un an, libre à lui de recommencer toute la procédure en publiant de nouveaux tarifs pour la période de 25 jours et suivant le même processus que je viens de décrire. Tout changement de coût faisant suite à une modification de tarif fixé par l'exploitant ou par la Commission municipale est à la charge ou au crédit de la municipalité qui, en vertu d'un règlement, pourvoit au ramassage ou à l'enlèvement des déchets ou, à défaut d'un tel règlement, ou lorsque ce règlement ne pourvoit pas au ramassage ou à l'enlèvement de certains déchets, de la personne qui produit ces déchets.

Cette nouvelle procédure aura pour conséquence d'accélérer de façon très appréciable le processus de fixation des tarifs. Nous avons consulté le monde municipal, nous avons consulté les exploitants. Cet amendement est le fruit d'une longue consultation par les intervenants eux-mêmes qui s'accordent à dire que c'est un système beaucoup plus équitable, beaucoup plus logique et efficace pour toutes les parties.

Pour ce qui est de l'article qui veut consacrer, par voie législative, la politique élaborée par le gouvernement en matière de rémunération des membres non permanents d'organismes gouvernementaux, nous avons dans la Loi sur la qualité de l'environnement - à travers la loi 19 - proposé de modifier les articles afférents afin de prévoir que les membres qui sont cités ici, c'est-à-dire les membres du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James, les membres du Comité consultatif pour l'environnement de Kativik et ceux de la Commission de la qualité de l'environnement Kativik ne seront pas rémunérés sauf dans certains cas, aux conditions et dans la mesure fixées par le gouvernement. Donc, lorsque la politique du gouvernement évoluera et changera, on n'aura pas besoin d'apporter d'amendement à la loi et cette dernière prévoira que ces rémunérations suivront la politique adoptée par le gouvernement.

Je voudrais, M. le Président, prendre le reste de mon intervention pour parler de la clause de la loi, l'article de la loi qui donne pour la première fois au ministre de l'Environnement du Québec la responsabilité de la politique de la protection des rives, du littoral et des plaines inondables au Québec. Pour moi, c'est de beaucoup la partie la plus importante de cette loi. Les autres amendements, comme je les ai décrits, sont des amendements de nature technique.

La responsabilité du ministre en ce qui concerne la protection des rives, du littoral

et des plaines inondables est vraiment axée sur la grande politique du ministère de l'Environnement de favoriser dorénavant la conservation de l'environnement, la préservation de l'environnement et la prévention des dommages futurs à l'environnement. Jusqu'ici, nous avons travaillé surtout et presque exclusivement à la restauration, à la réparation, à la fixation, si vous voulez - "fixer" dans le sens de "réparer", dans le sens très commun de "réparer" - de tous les dommages qui ont été causés à notre environnement. Il faudra bientôt, tout de suite, changer de cap. Il faudra mettre l'accent de plus en plus sur la conservation, sur la préservation et sur un changement d'attitude et d'idée, ce qui voudra dire que plus jamais il ne faudra souiller l'environnement, plus jamais il ne faudra adopter des pratiques qui nous nuisent au premier abord pour ensuite les corriger à des coûts effarants.

En fait, cela ne corrige pas les dommages initiaux que nous avons causés à la nature et à l'environnement. Vous-même, M. le Président, m'avez cité un cas typique l'autre jour, un cas qui touche votre comté et beaucoup d'autres comtés au Québec. C'est axé sur la même politique que nous essayons de responsabiliser ici, la politique de la protection des rives. Dans le cas du bassin de Laprairie, pour des fins économiques, nous avons créé la voie maritime. Le gouvernement fédéral, en créant la voie maritime, a altéré presque à jamais la direction des berges et le sens naturel géographique de ces berges. Il les a altérées sans jamais penser aux conséquences futures. Dans un endroit tellement magnifique au Québec, un endroit qui est tellement crucial pour les habitants tant de la rive sud que de Montréal, il a altéré cette rive à jamais pour en faire une eau stagnante dans laquelle, aujourd'hui, comme vous me l'avez vous-même décrit et comme vous le savez encore mieux que moi, se forment des sédiments contaminés qui, de plus en plus, nuisent à toute la jouissance de cette eau par tous les citoyens, tant de la rive sud que de Montréal. Tout cela vient du fait que, lorsqu'on a altéré ces rives, quand on a fait des travaux majeurs sans penser aux impacts futurs qui pourraient être causés à l'environnement, on a détraqué la jouissance future de plusieurs générations de Québécois de l'héritage naturel qui leur appartient à jamais. C'est ce genre d'agression contre l'héritage naturel de tous nos concitoyens qu'on veut consacrer par cet article tellement court de la loi mais qui veut dire tellement de choses.

Ce que nous voulons dire, c'est qu'à l'avenir, au Québec, on va protéger ces rives. On dit à tous les intervenants, que ce soit les individus, les municipalités, les municipalités régionales de comté, les agriculteurs, les forestiers, qu'il faudra dorénavant que nos rives soient protégées contre l'érosion du sol, contre une construction sauvage au bord de l'eau, contre une dénaturation de nos rives, en essayant de plus en plus d'établir une bande de protection qui, dans le domaine urbain et de villégiature, ira de dix à quinze mètres à partir des grandes eaux, qui, dans le domaine agricole, pour commencer, sera une bande de protection de trois mètres. Trois mètres, ce n'est pas beaucoup, mais c'est trois mètres de plus que ce qu'on avait au Québec. Cette mesure dans le domaine agricole exploité a l'appui total de mon collègue de l'Agriculture. Elle a aussi l'appui graduel des agriculteurs eux-mêmes qui ne sont pas satisfaits de cette mesure qui cause des empêchements à leur travail habituel. Nous allons l'instaurer graduellement avec l'appui des programmes du ministère de l'Agriculture.

Dans le domaine des forêts, elle a l'appui intégral de mon collègue des Forêts. Dans le domaine des forêts, nous aurons des bandes de protection qui iront jusqu'à 30 et 40 mètres afin que, pour l'avenir, nos rives, le littoral du Québec et nos plaines inondables soient protégés. On ne pourra plus accepter à l'avenir que les gens aillent bâtir dans les plaines inondables, aillent bâtir au bord des rives, aillent dénaturer nos rives, aillent porter atteinte tant aux cours d'eau eux-mêmes qu'à la faune et à la flore naturelle du Québec au bord de nos rives.

C'est pourquoi, en même temps que cet amendement à la loi 19 sur la qualité de l'environnement qui intègre cette responsabilité pour la protection des rives pour la première fois dans la Loi sur la qualité de l'environnement, il y aura une mesure de concordance dans la loi 125 sur l'aménagement des territoires qui donnera des pouvoirs importants de suivi de cette politique gouvernementale pour la protection des rives, du littoral et des cours d'eau, au ministre de l'Environnement qui aura un droit de regard sur la réglementation municipale. Nous ferons en sorte que cette politique à travers la loi 125 soit insérée dans les schémas d'aménagement des MRC et que, dans la réglementation municipale qui s'ensuivra, le ministre de l'Environnement ait un droit de regard et un droit de remplacement du règlement municipal s'il ne va pas dans le sens de la politique gouvernementale. (15 h 40)

C'est pour nous certainement l'élément majeur de la loi 19. Cette reconnaissance pour la première fois par le gouvernement du Québec que le ministre de l'Environnement est le grand responsable de la politique de la protection des rives, du littoral et des plaines inondables est pour moi un des grands pas en avant que nous faisons dans le domaine de la protection de notre environne-

ment, dans le domaine de la conservation de nos ressources naturelles, dans le domaine de la prévention des dommages futurs à notre environnement.

J'espère donc que, pour ces raisons, nous aurons l'appui des deux côtés de la Chambre afin que cette décision soit reçue de façon unanime par la Chambre. Je demande l'appui de tous les collègues tant pour les mesures techniques que j'énonçais que surtout pour celles de la politique de la protection des rives, du littoral et des plaines inondables au Québec. Merci.

Le Vice-Président: Merci, M. le ministre.

Je cède maintenant la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Avant de tomber dans le projet du 19 lui-même, qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, j'aimerais dire qu'encore ici, comme de façon générale dans toutes les lois environnementales depuis l'avènement du Parti libéral au pouvoir, il y a toujours deux choses que l'on peut percevoir. D'abord, la bête noire du ministère de l'Environnement, c'est qu'encore une fois, dans ce projet de loi, il n'y aura aucune consultation populaire. Il n'y aura pas de consultation populaire d'abord. C'est l'aigle noir du ministre, le fait qu'il travaille la plupart du temps sans aucune concertation, sans consultation. C'est pour cela que des confrontations surgissent lorsque les lois commencent à être appliquées.

La deuxième chose, c'est que si on regarde le projet de loi en soi, ah! qu'il est joli! Il est tout beau. Mais, encore là, à l'image du ministère, c'est comme la mer. Le ministre a le verbe et la parole à marée haute, les réalisations à marée basse. On a beaucoup de lois. Même là, on fait une loi modifiant, mais déjà, dans la loi actuelle, tous les pouvoirs sont là. C'est presque redondant avec ce qui existe déjà et les pouvoirs qui, par la Loi sur la qualité de l'environnement, sont déjà accordés au ministre.

Pour connaître l'esprit et l'essence de ce projet de loi, rien de plus facile que d'en lire ensemble ce qu'on appelle au début... Je dis cela pour les gens qui nous regardent. À chacun de nos projets de loi il y a au tout début, à l'endos de la page frontispice, des notes explicatives nous disant de quoi retourne ou de quoi objectivement doit retourner le projet de loi. Alors, j'y vais. "Ce projet de loi a pour objet d'apporter à la Loi sur la qualité de l'environnement certaines modifications visant à faire de cette loi un support mieux adapté aux besoins administratifs du ministère..."

Je sais que cette note explicative doit avoir été écrite par une autre personne que le ministre lui-même. Mais cela me met un peu en rogne de voir qu'on fait une loi facilitant l'administration. Cela dénote, dans l'environnement, un esprit administratif plutôt qu'un esprit et un vouloir d'amélioration de la qualité de vie des administrés. Je suis persuadé que ce paragraphe a échappé à l'analyse du ministre de l'Environnement, sinon il aurait au moins changé cette phraséologie.

On fait une loi pour faciliter les besoins administratifs du ministère. C'est bien sûr que les lois que nous faisons doivent d'abord améliorer la qualité de vie des Québécoises et des Québécois. La réglementation et la façon dont on l'applique relèvent d'un volet administratif qu'on peut alléger ou alourdir selon les enquêtes et la façon dont on dirige un ministère. Je tenais à dire que ça dénote un manque flagrant, dans son énoncé, d'un esprit qui devrait être tourné vers l'amélioration du mieux être, l'amélioration de notre qualité de vie plutôt que vers des facilités administratives.

On ajoute: "Ces besoins nouveaux se manifestent, par exemple, au niveau de l'autorisation des emprunts des municipalités, de l'acquisition des réseaux d'égouts, de mécanismes de fixation des prix exigibles par les exploitants des lieux d'élimination des déchets, du droit de suspendre ou de transférer les certificats d'autorisation en vertu de la loi". Bon. Il y a, en fait, pour être clair et ne pas tomber dans le verbalisme législatif dont nous sommes obligés d'affubler nos lois mais pour que nous nous comprenions entre nous, il y a, dis-je, trois, quatre points dans ce projet de loi qui méritent d'être soulignés. Première chose: Les municipalités regarderont l'administration du transport des déchets domestiques. Ils regarderont le prix et détermineront des baux à certains endroits pour faciliter la qestion des déchets domestiques. Il y a aussi un élément très important qui est un ajout à la loi sur l'environnement, les déchets miniers sont dorénavant assujettis à la loi de façon explicite. Il faudrait bien que l'on se dise que, de façon générale, le ministre a le pouvoir actuel, sans cette loi, de légiférer, de réglementer, de faire tout ce qui lui semble bon dans ce domaine parce que la loi sur l'environnement lui donne le pouvoir de le faire. Je vais citer un petit bout: "Le ministre - selon la loi actuelle - peut élaborer des plans et des programmes de conservation, de protection et de qestion de l'environnement". On ne peut pas trouver plus grand, plus vaste et un pouvoir plus étendu. On vient ici, de façon précise, faire rajouter, dans une loi, un élément - les déchets miniers - qui n'est pas inclus de façon spécifique, mais, de façon implicite à la loi déjà existante. Le ministre a tous les pouvoirs de légiférer dans ce domaine.

Vous me direz, de façon réelle, nous sommes au pouvoir ou nous avons pris le pouvoir depuis un an et demi. Vous allez me répondre cela. Le Parti québécois a été au pouvoir pendant neuf ans et n'avait encore rien fait. J'entends cela tous les jours. Le Parti libéral, avant, avait été au pouvoir pendant six ans et, nous autres, on a dit, pendant un certain laps de temps, que, durant cette période, il n'avait rien fait. Mais dans les déchets miniers, j'admets qu'il n'y a pas grand-chose qui a été fait depuis 15 ans, minimum, depuis 25 ans, depuis 30 ans au Québec, pas grand-chose.

Je viens de Rouyn, je suis un type qui ai grandi en Abitibi-Témiscamingue, ici on appelle ça l'Abitibi. Je suis un type de Rouyn. Pour parler des effets néfastes des déchets miniers, je les ai assez subis et j'ai assez vu le tort que l'on fait aux êtres humains, à la nature et aux animaux qui paissent et vivent sur cette terre ou essaient d'y vivre, pour vous dire que j'espère que ce projet de loi, qui spécifie des cheminées... que vous saurez, avec cette loi, avoir les inspecteurs et une réglementation très observée à cause du tort dans la qualité de vie que les mines ont fait. Vous savez, vous arrivez à Rouyn - et tout le Nord de l'Ontario est pareil et tout le Nord-Ouest du Québec - nous arrivons à Rouyn, il y a des "grand-mers", mais dans le sens de mères, je ne veux pas dire mon aïeule, je veux dire qu'il y a des "grand-mers" de boue. (15 h 50)

Encore là, ça porte à ambiguïté, des "grand-mers" de boue. On pourrait dire que nos grand-mères se tiennent.

Nos grand-mères se sont toujours tenues. Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire qu'il y a des étangs, des mares, des grandes mares de déchets de mines qui ont très mauvaise mine. Tout est détruit. Et en plus, la plupart du temps, les déchets de la plupart des mines sont une insulte à la narine, la plupart sans être très nauséabonds, le nez humain est très réfractaire à cette odeur. En plus de détruire tout sur son passage boueux, marécageux et ombrageux, ils rendent l'air irrespirable et donnent à l'oeil un aspect cadavérique et nous font penser à une nature en train de mourir.

Les montagnes autour de Rouyn sont complètement dénudées. Aucune végétation. Ce sont des flancs de roc qui ne plaisent pas du, tout à l'oeil humain, surtout la fumée de la mine et les pluies acides qui s'en dégagent. Tous les animaux autour ont fui plus loin. Alors, c'est un spectacle que l'oeil humain ne peut pas souffrir, que l'odorat ne peut pas sentir et que les animaux, en général, ne peuvent non plus supporter.

Lorsque j'étais bambin, il y a de cela plusieurs années, dans le lac à Rouyn... Entre Rouyn et Noranda, il y a un beau lac, le lac Osisko dans lequel nous nous baignions en 1933, 1932, 1935 et 1931 même. Mais, à la fin des années trente, pour s'y baigner, nous devions recevoir des piqûres des médecins. Pourquoi? Parce que les égouts miniers venaient contaminer ces eaux. Il traînait, ici et là encore dans ce lac, quelques poissons que je devrais qualifier d'impropres à la consommation mais qui résistaient encore aux déchets miniers. Eh bien, après la fin de la guerre - on dirait que la querre que la mine a fait contre la nature et la Seconde Guerre mondiale se sont terminées à peu près au même moment - tout était détruit autour des Mines Noranda; les gens n'avaient plus aucun moyen de se baigner dans les eaux, d'aller taquiner le poisson ou encore d'aller sur les gazons qui, eux aussi, à cause de la pollution, sont difficilement "entretenables".

Alors, quant aux déchets miniers, je tiens à coeur, je suis heureux de voir ces trois ou quatre nouveaux mots dans le projet de loi. Implicitement, le ministre avait déjà le pouvoir, mais en s'obligeant lui-même à ce point spécifique, c'est sûr que la nature sera plus protégée et c'est un bien pour l'ensemble des gens du nord et les gens aussi qui sont autour de d'autres villes - Thetford-Mines ou d'autres villes de ce coin-là - où les mines font un tort énorme à l'environnement. Dans le Grand-Nord et dans l'extrême Nord du Québec, c'est la même chose.

Sur ce point, c'est bien sûr, M. le ministre, que je suis très heureux que les mots "déchets miniers" entrent dans la Loi sur la qualité de l'environnement et c'est là que je vous supplierais de trouver la force nécessaire pour avoir un budget convenable à une surveillance explicite au moins de cette partie des pollueurs de notre environnement, des destructeurs de la nature. Il est rendu que ces grands agents économiques ont donné, dans mon coin, autant à mes parents ou à plusieurs personnes de qui je dépendais lorsque j'étais tout jeune, un moyen de subsistance. Ils ont fait que la ville de Rouyn-Noranda est une belle et noble ville, aujourd'hui. Bien sûrl J'adore cette ville; ma mère y vit encore et j'y retourne de temps en temps. Les gens sont d'une grande amabilité et ils ont un courage à toute épreuve. Ils ont enduré de vivre dans ce milieu pollué parce que pour eux, la mine était une façon de gagner leur vie. On est vraiment en retard, comme législateurs, sur la protection des gens dont la mine dépend. Là, on arrive enfin avec une loi et je dis qu'il n'y a pas de lois convenables qui ont été adoptées avant, malgré qu'il y ait des choses qui aient été faites depuis quinze ans, je le sais; il y a une dépollution, il y a une entente qui a été signée pour l'air avec Mines Noranda il n'y a pas tellement longtemps, la conclusion d'un décret qu'on avait commencé à discuter à peu près un an avant de perdre le pouvoir, ou si la mine

elle-même a dépensé plusieurs millions pour essayer de dépolluer les boues, etc. N'empêche que le gros du tort est fait.

Dans cette loi, cependant, il y a une chose que je déplore et pour me bien faire comprendre, je dirais que je déplore de façon singulière et mes revendications seront au pluriel. Dans cette loi, de façon générale, autant pour la protection des rives que pour les déchets miniers, on voit qu'il y aura une protection à l'avenir contre les dommages à faire mais il reste à voir s'il y a encore de la place pour du dommage ou si le dommage n'est pas complètement fait actuellement. Du côté des mines, le gros de nos responsabilités en tant que législateurs, ce serait de faire réparation le plus possible des dégâts déjà causés. Je pense que c'est primordial. Le principe du pollueur payeur est respecté, selon ce que le ministre nous dit, pour les lois en devenir. Je suis d'accord avec ce principe du pollueur payeur sur les dommages à venir. Cependant, vu que c'est le législateur et toutes les Législatures qui ont passé avant - cela est à travers le monde, on ne fait pas exception - qui ont permis la destruction de façon aussi inhumaine et aussi antinaturelle de nos richesses, de notre qualité de vie, vu que nous avons manqué de décence législative, j'ai bien l'impression que pour la réparation du passé, il devrait y avoir au moins des programmes d'aide aux responsables de la pollution déjà faite dans beaucoup de cas. Dans le cas des mines, les dommages sont tellement effarants que la réparation des dommages déjà faits pour reconstituer la nature comme elle était au début des années vingt, dans le coin de l'Abitibi, pour ne parler que de celui-là, que d'imposer cela à des compagnies qui, aujourd'hui exploitent des commerces, relèverait de l'utopie. J'ai l'impression, cependant, vu que les prix sont faramineux et inabordables pour les exploitants, qu'il devrait y avoir connivence entre les législateurs et les agents polleurs d'aujourd'hui pour qu'ils paient pour l'avenir, qu'ils réparent aujourd'hui leur système afin de ne plus polluer, et pour le passé, qu'il y ait des ententes entre les différents gouvernants pour redonner au monde la nature à laquelle il a droit.

C'est la même chose pour les rives. La plupart de nos rives sont déjà complètement contaminées de différentes façons: contaminées par une construction à bord de flots par des routes qu'on a faites nous-mêmes les législateurs; on a permis que les routes longent nos littoraux. Quelles conneries on a faites depuis un siècle à travers le Québec! Nous avons pratiquement détruit, partout nous-mêmes les législateurs, beaucoup de nos littoraux et de nos rives en y construisant des routes permanentes, à des prix effarants. Dans ce temps-là, on ne pensait pas beaucoup plus loin que notre nez.

Je ne blâme pas la technique de l'époque, parce que la technique de l'environnement c'est une technique nouvelle, c'est une appréciation de notre nature que les dommages nous ont portés à apprécier plus aujourd'hui qu'il y a une trentaine d'années ou une cinquantaine d'années. Cependant, le rétablissement de la nature, redonner à la nature ses droits et redonner aux habitants de cette terre, aux animaux qui y vivent et aux plantes qui y respirent l'endroit qu'ils avaient il y a un quart de siècle ou un demi-siècle, je crois que c'est à nous, législateurs d'aujourd'hui, de faire réparation de ces choses. (16 heures)

Quand je vois une loi comme celle-ci, je suis très heureux. Je suis très heureux de voir qu'on aura à l'avenir une protection juridique pour nos rives et qu'il y aura une zone tampon de protection appartenant à la collectivité où la collectivité pourra en avoir l'usufruit, mais le tort que nous avons fait nous-mêmes à cette nature dans le passé, il faudrait certainement, pour être moderne, pour être environnementaliste 1987, un volet réparateur au scandale qu'on a fait de notre territoire en n'ayant pas, à l'époque, ni la science, peut-être, ni les connaissances pour faire nos travaux et laisser le développement se faire de façon harmonieuse avec la nature.

M. le Président, félicitations au ministre pour la base de la loi, mais regrets que ce volet réparateur ne soit pas là ou qu'il n'y ait pas un embryon de début de réparation des torts que l'ensemble de la population de ces territoires, y compris nous, les législateurs, avons laissé faire à ce territoire qui est notre source de vie de tout ce qui est humain sur cette terre, et aussi vie animale et vie végétale.

Bien sûr, on pourra répondre, et ceux qui le répondront auront le droit de le dire: Nous avons déjà là un début de respect de la nature. J'en conviens. Ce volet réparateur, j'insiste beaucoup, un environnementaliste 1987 se doit, en plus de regarder vers l'avenir en corrigeant les choses présentes, d'avoir, au moins administrativement, l'oeil dans le passé, à cause du tort qu'on a fait subir à cette nature qui, encore une fois, est notre source d'espoir et de vie.

L'eau que nous buvons est le symbole du respect de la nature. Il y a ce côté-là. Maintenant, en plus des rives et des déchets miniers, il y a dans cela certaines politiques de gérance de déchets et il y a aussi, malgré tout... C'est le côté négatif que je me dois de souligner, par obligation, à cause du poste que j'occupe. Du côté de l'Opposition, M. le ministre, nous sommes- obligés de faire des remarques que nous croyons constructives. Dans des projets de loi de cette ampleur et de cette valeur, de façon intrinsèque, je me dois quand même d'en

marquer, de façon décente et rationnelle, les moindres défauts que je peux y voir paraître.

Eh bien là, ce que je vois dans la politique des rives qui est mentionnée à l'article 2: "Le ministre a la responsabilité d'élaborer et de proposer au gouvernement une politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, de la mettre en oeuvre et d'en coordonner l'exécution." Encore là, le 9 avril, une politique des rives a été élaborée. Encore là, il y a des failles énormes, et il est encore temps pour le législateur, avant que tout soit sanctionné et que les règlements soient en application, de regarder une façon encore plus positive d'agir et de faire. Il semblerait que le ministre de l'Environnement ne soit pas assez jaloux de ses responsabilités et laisse un peu s'effriter cette responsabilité ennoblissante et grandiose du rôle qu'il tient.

Ce que j'aimerais être ministre de l'Environnement en 1987, M. le député de Nelligan! À cause du défi compris par la population qui dit, à 74 %, que c'est l'article no un aujourd'hui. Ce que c'est emballant d'être ministre de l'Environnement dans un contexte comme celui-là où 74 % des gens disent que c'est le dossier no un. Pour ce faire, je crois que vous n'êtes pas assez jaloux de vos prérogatives et de la qualité que votre élection au titre de ministre vous confère. J'ai l'impression que vous laissez s'effriter au sein du cabinet une responsabilité dont vous devriez être jaloux à un point tel que vous devriez même en faire une crise si on voulait toucher à ce bien que vous devez protéger, la nature, pour l'ensemble de la collectivité.

On voit, dans la politique des berges, que les différents ministères grabugent, déchiquètent, arrachent votre responsabilité. Il y a assez d'autres ministres pour défendre les côtés économiques, les côtés de loisirs, les côtés agricoles et tous les côtés productifs qu'un gouvernement doit avoir dans ses liens et à travers ses autorités, mais le côté environnemental, c'était presque le mouton qui bêle devant chacun des autres pour qu'ils le suivent vers la qualité de la vie. Vous êtes notre saint Jean-Baptiste de la nature. C'est ce que vous êtes. Vous êtes le symbole de notre fierté nationale du côté de la qualité de la vie et du côté environnemental. Il faudrait que vous soyez jaloux qu'on ne touche pas à un poil de votre autorité et on dirait: que les gens, autour de vous, passent à la tonte. Vous vous faites spolier par vos confrères, autant par celui de l'Agriculture que par celui de l'Énergie, celui du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, celui des Affaires municipales, et que sais-je encore.

Ne laissez pas gruger votre autorité par autant de ministres. Soyez jaloux de ce que le premier ministre vous a donné comme responsabilités. Vous êtes le numéro un du gouvernement, selon l'ensemble du peuple québécois qui nous écoute, à 74 % j'aimerais bien gagner une élection avec ça, moi, 74 %. Le titre qu'on vous a donné, c'est celui qui défend 74 % du dossier numéro un du peuple québécois. Les Québécois et les Québécoises d'âge mur et surtout les jeunes qui viennent vous regardent et vous disent: Gardez donc jalousement dans votre ministère l'autorité pleine et entière et toutes les responsabilités que votre titre vous confère. La qualité de la vie vous l'ordonne et l'avenir du peuple québécois est entre vos mains, du côté qualité. Eh! que j'aimerais être ministre de l'Environnement en 1987 à cause de toutes ces belles choses qui se passent aujourd'hui et à cause de ce qu'on doit à cette nature qui fait que nous vivons aujourd'hui.

M. le ministre, j'espère que vous avez trouvé mon intervention constructive. Je l'espère, parce que c'est avec mon coeur, mon âme et mes vibrations internes que je vous dis cela. Sachez que je serai toujours, dans l'Opposition, celui qui, jalousement, défendra votre autorité, même contre vos confrères. Je veux que vous vous aidiez un peu en étant un peu plus revendicateur devant le Conseil du trésor pour qu'enfin, vous ayez des budgets, pour que les inspecteurs sur le terrain fassent respecter les règlements qui ne sont pas respectés actuellement, parce que vous n'avez pas les inspecteurs et l'argent voulu pour en avoir. La nature a assez souffert, le peuple québécois a assez souffert, jusqu'à aujourd'hui, d'un manque de responsabilité général - c'est à travers le monde, nous ne sommes pas les seuls. Il est temps que la nature prenne sa revanche et, pour ce faire, on a besoin d'un ministre solide, décidé, prêt, même frondeur s'il le faut pour que cette nature soit protégée. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas.

Je tiens à dire - je pense que cela paraît et ceux qui écoutent ce débat sentent que je voudrais que, sur le territoire québécois, revienne le grand équilibre. C'est pour cela que mon argumentation... Mon coeur vibre et ça se sent, j'en suis sûr. Comptez sur moi pour défendre votre autorité, mais de grâce, soyez un peu plus énergique, frappez un peu plus souvent sur la table, donnez plus de signes tangibles que vous ne voulez pas Que votre autorité s'émiette et s'étiole, s'effrite, comme la nature bien des fois en a été victime, à cause d'une négligence des législateurs et de l'ignorance de l'ensemble d'une population et ce, à travers le monde. Je ne voudrais pas, par ces phrases que j'ai dites, que les Québécois et les Québécoises se pensent moins forts, plus arriérés que les autres peuples du monde. Après le lac Meech, je n'ose presque plus dire "peuple";

apparemment, nous ne sommes qu'une société. Je voudrais bien que le peuple québécois m'excuse, mais moi je suis encore un représentant du peuple québécois et je voudrais que les Québécois et les Québécoises, qui nous écoutent, pensent que nous ne sommes pas moins bons que les autres. Au contraire, depuis quelques années, c'est pour cela que 74 % des Québécois et des Québécoises disent que c'est leur dossier numéro un. (16 h 10)

L'éveil est ici, il faudrait qu'au ministère, l'éveil se fasse. Brassez la couchette du Conseil du trésor pour qu'il vous donne de l'argent. Le grelot du peuple sonne. Il faudrait que le carillon de votre responsabilité vibre aux demandes du Québec et, dans cette loi, je vous aiderai à ce que pleine responsabilité vous soit accordée. Je demanderai des amendements pour que, dans le règlement, vous ayez autorité la plus entière. Il y a assez de gens de l'autre côté qui soutiennent la privatisation et qui soutiennent la commercialisation qu'ils devraient avoir à coeur le respect d'un profit non pollué plutôt qu'un profit un peu plus gros, "à bout de nez" et pollué. Mais que voulez-vous, la nature est ainsi faite. Vous êtes le gardien de la qualité de la vie. Je vous donne ma collaboration et j'apporterai dans ce projet de loi tous les amendements qu'il faut pour que dame nature soit respectée. C'est notre fierté d'aujourd'ui, notre espoir de demain. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Pontiac.

M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Il me fait extrêmement plaisir de participer au débat sur le projet de loi 19. J'aimerais d'abord dire à mon collègue, le député de Terrebonne, qu'on peut critiquer, qu'on peut dire que le ministre de l'Environnement est faible et qu'il ne se défend pas suffisamment. Je dois dire, M. le Président, et vous en êtes témoin, qu'aujourd'hui nous avons réussi à avoir le projet de loi 27 sur les pesticides qui, pourtant, pendant six ans, sous l'ancien gouvernement, n'a pas bougé. Aujourd'hui, on fait le projet de loi 19 modifiant certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement. Si le ministre de l'Environnement a réussi au moins dans le domaine des pesticides, c'est qu'il a su comment dialoguer, dialoguer avec les ministres qui ont des responsabilités dans le domaine de l'agriculture et dans le domaine des forêts. Pour cette raison, je crois que c'est au moins un pas dans la bonne direction et si on n'a pas de projet de loi, à quoi cela nous sert-il d'avoir des sommes d'argent si on ne sait pas dans quelle direction on s'en va et comment appliquer les lois?

Comme le disait le ministre, M. le Président, le projet de loi touche cinq éléments; un premier, c'est sur les déchets miniers; un autre sur des changements administratifs, soit pour des emprunts pour des réseaux d'aqueduc et d'égout, soit la fixation de la tarification dans le domaine des sites d'enfouissement; un autre qui est certainement le plus important et qui donne de plus au ministère de l'Environnement un contrôle sur les rives, le littoral et les plaines inondables.

Concernant les changements administratifs, j'entendais mon collègue de Terrebonne dire: Bien oui, sur le plan administratif, qu'est-ce que cela donne? Voici des raisons pour lesquelles les changements sont d'ordre administratif. Dans le cas des réseaux d'aqueduc et d'égout, si, dans l'avenir, le ministre des Affaires municipales est le seul à avoir le pouvoir de donner le droit à une municipalité d'autoriser un règlement d'emprunt pour acheter un réseau d'aqueduc et d'égout parce que la santé de la communauté est en danger, dans le passé, cela prenait l'approbation des citoyens. Lorsqu'il y a un problème urgent au point de vue de la santé ou un problème de contamination de l'environnement, c'est certain qu'il faut agir le plus vite possible. Donc, dans le domaine des réseaux d'aqueduc et d'égout, les changements administratifs vont maintenant permettre au ministre des Affaires municipales, à la suite d'une ordonnance de l'Environnement, de donner à une municipalité la permission d'emprunter l'argent nécessaire pour l'achat ou la construction d'un réseau.

M. le Président, on a encore dit: Qu'est-ce que les changements administratifs vont faire pour aider le ministère de l'Environnement dans le domaine de la tarification des déchets? Premièrement, cela va permettre au ministère de concentrer ses ressources à la réalisation de son mandat de protection de l'environnement et non pas d'être le négociateur entre le propriétaire d'un site d'enfouissement et la municipalité ou quiconque a un contrat avec eux. Cela aidera certainement la population, cela réduira les délais administratifs afférents à la formule de fixation ou de modification des tarifs pour les lieux d'élimination des déchets solides.

Finalement, cela va transférer à un organisme approprié, c'est-à-dire la Commission municipale, l'opération de ce mécanisme de négociation. Qui d'autre est mieux placé que la Commission municipale lorsqu'il y a négociation entre une municipalité qui a un site d'enfouissement et un propriétaire privé? Qui, mieux que le sous-ministre de l'Environnement? Dans le

passé, cela traînait en longueur et le sous-ministre se préoccupait de négocier des choses administratives au lieu de s'assurer de la qualité de l'environnement et de faire les changements qui s'imposaient.

Lorsqu'on parle de la protection des rives, du littoral et des plaines inondables, c'est certain que les gens ne réalisent pas tous les effets négatifs qui se produisent le long des rives, du littoral ou dans les plaines inondables si on permet la construction dans les plaines inondables ou des projets le long des rives et du littoral ce qui, en soi, crée des problèmes à l'environnement, mais je pense que... Je voudrais utiliser cela comme exemple. À quoi la population est-elle plus sensible? Parlons des plaines inondables. On le sait, chaque printemps, on a des inondations, les gens subissent des dommages matériels et, avec ce qu'on a vécu dans le passé, on cherche des moyens pour éviter de telles inondations.

Avec les modifications apportées à cette loi, dans les plaines inondables, il y aura des restrictions de construction dans certaines zones de 0 à 20 ans, d'après les statistiques dans ces plaines inondables et il n'y aura pas de construction permise. Donc, au lieu, comme on le fait aujourd'hui le long de la rivière Chaudière, de devoir rectifier la situation qui existe, on ne permettra pas la construction dans ces plaines inondables. Je pense que cela fait partie... Il vaut mieux prévenir que guérir.

Je vois que le député de Terrebonne est ici, lui qui, chaque année, lors des crédits, cherche toujours des millions pour la construction de barrages. Je dois lui dire que si on applique la loi des zones inondables, à l'avenir on va prévenir et il ne sera pas nécessaire de construire des barrages pour éliminer les problèmes. La population est sensible à ces problèmes parce que les gens vivent des pertes matérielles.

Les conséquences de ces constructions dans des zones inondables sont graves sur l'environnement. J'ai voulu aborder cela par rapport aux dégâts matériaux auxquels les gens sont plus sensibles.

Il faut protéger les rives pour s'assurer que l'environnement, que mère nature puisse réellement accomplir les choses qu'elle veut faire et là aussi, lorsqu'on parle d'érosion... Cela a certainement un effet sur les rives qui ont des talus assez élevés. Cela aussi crée des problèmes et des dommages pour l'individu qui est malheureusement sur le bord d'une rivière et qui, à la suite d'une érosion et d'un glissement de terrain, perd une partie de son terrain. Il réalise fort bien à ce moment-là... C'était un autre aspect que je voulais faire ressortir dans tout ce contexte-là, à savoir que c'est peut-être plus palpable, les dommages ou les conséquences d'un glissement de terrain pour l'individu, que l'individu peut apprécier les dommages que cela cause à l'environnement lui-même. (16 h 20)

M. le Président, le projet de loi résulte d'une consultation de longue durée. Dans le domaine de la tarification, cette consultation aura duré un an. Consulter les gens qui sont impliqués. Lorsqu'on voyait les gens qui sont aujourd'hui impliqués dans les sites d'enfouissement et qui attendaient le changement de tarification, ils disaient que le ministre est juge et partie.

Ce changement dans la Loi la qualité de l'environnement était requis pour s'assurer de ne pas mettre le ministère dans un conflit d'intérêts si on peut dire, et pour le libérer de cette responsabilité pour qu'il puisse prendre le temps, que les négociations de tarification prenaient, dans un autre domaine de l'environnement.

M. le Président, en parlant de l'élément le plus important, la protection des rives, du littoral et des plaines inondables. Je reviens un peu à la leçon que semblait vouloir faire le député de Terrebonne, selon lequel le ministre n'est pas réellement maître chez lui. Je crois que dans le contexte, il faut être réaliste. Lorsqu'on parle de protéger les rives dans une zone agricole, il y a certainement un effet direct sur nos agriculteurs, et il faut en parler avec le ministre responsable de l'agriculture pour que lui, à son tour, puisse en discuter avec les agriculteurs.

C'est la même chose dans le domaine forestier. Heureusement que le ministre de l'Environnement ne travaille pas en vase clos. Il pourrait arriver avec des projets de loi qui ne recevraient même pas l'assentiment et qui, malheureusement, ne se rendraient même pas ici à l'Assemblée nationale. C'est très beau des voeux pieux, mais l'important c'est d'avoir un projet de loi, même si je suis convaincu que le ministre voudrait que le projet de loi ait peut-être une plus grande envergure. Il vaut mieux commencer avec quelque chose qui reçoit l'assentiment de toutes les personnes impliquées dans l'environnement que d'avoir un refus et ne jamais présenter un projet de loi ici en Chambre pour régler la situation.

En ce qui concerne les déchets miniers, je suis convaincu que, dans sa réplique, le ministre de l'Environnement pourra vous indiquer tout le progrès qui a été fait, avec lui, dans ce domaine récemment. Je suis aussi convaincu que le ministre pourra, dans sa réplique, identifier et vous expliquer que, dans le domaine de la réparation les dommages qui ont été créés à notre environnement depuis nombre d'années, je crois, il pourrait vous énumérer une liste très longue d'ententes que le gouvernement du Québec, par l'entremise du ministre de l'Environnement, a réussi avec des grosses compagnies qui, dans le passé, ont fait l'enfouissement de certains matériaux qui, aujourd'hui, deviennent un problème. Que ce

soit aussi dans le domaine de l'assainissement des eaux, dans le domaine de la pollution des rivières, je pourrais certainement vous dire que le ministre pourra réellement vous indentifier que, dans le projet de loi en soi, c'est un projet qui va prévenir que les accidents du passé ou les incidents du passé se répètent.

Mais cela n'est pas fait unilatéralement dans le domaine de la prévention. Il y a aussi le volet de la réparation des dommages qui ont été faits dans le passé. Dans ce domaine, il y a déjà de grands pas qui ont été faits dans cette direction.

M. le Président, en terminant, je suis heureux de voir qu'il semblerait que toute l'Assemblée nationale, incluant nos collègues de l'Opposition, va donner son assentiment à ce projet de loi. Je dois dire: Enfin, c'est un pas dans la bonne direction et assurons-nous que, dans le futur, si nécessaire, cette loi soit plus mordante, ait plus de dents. Je suis convaincu que le ministre de l'Environnement va y voir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat, M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'interviens sur ce projet de loi ayant eu depuis maintenant onze ans à vivre, à l'intérieur de mon propre comté, plusieurs cas où il a fallu intervenir et où il devient important de s'apercevoir qu'il doit y avoir un vrai "boss" concernant l'environnement pour permettre, à l'intérieur de l'ensemble du territoire québécois, une même politique. Cela n'est pas nouveau, M. le Président. Vous avez certainement eu l'occasion, vous aussi, de voir, dans l'ensemble des activités de votre propre comté, des ministères se chamailler pour savoir lequel va l'emporter sur lequel?

Que ce soit le ministère de l'Énergie et des Ressources pour ce qui est du travail hydraulique, que ce soit le ministère de l'Énergie et des Ressources pour ce qui est des forêts, que ce soit le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qui est très jaloux de ses prérogatives, que ce soit les municipalités, que ce soit qui que ce soit en ce qui concerne des rives à protéger ou des bandes du terrains pour donner une protection aux rives, nous nous retrouvons, parfois, avec de bonnes batailles. J'ai eu l'occasion, dans mon comté, en Haute-Mauricie justement, de voir une érosion causée par un débit d'eau trop fort au printemps. Cela avait amené un individu à demander à la municipalité régionale de comté d'intervenir croyant que la construction d'un pont, il y a plusieurs années, avait amené l'érosion de sa rive. Et, en conséquence, le Commissaire des transports à été pris à savoir s'il devait ou non verser quelque montant que ce soit pour faire les corrections qui s'imposaient. Finalement, il a accepté de le faire à l'intérieur de ce qu'on connaît: les budgets de voirie municipale et permit à ce moment-là, à la municipalité régionale de régler un problème; elle, voulant le faire régler en lui versant une aide pour faire les travaux, lui, voulant que ce soit la municipalité qui le fasse.

Finalement, on peut vous dire aujourd'hui, M. le Président, que c'est un vrai micmac. On ne sait pas qui est responsable de quoi et il faut donc s'assurer que cette protection des rives, qui est comprise dans un des nombreux amendements de ce projet de loi, soit faite par quelqu'un, mais en autorité.

Un autre exemple que j'ai eu à vivre dans la Haute-Mauricie, c'est dans une municipalité qui porte très bien son nom, qui est La Croche, canton Lanqelier. Le problème, c'est une rivière tortueuse, sinueuse. Elle est en déplacement continuel puisque sablonneuse. Elle est aussi en même temps posée sur de la glaise. Il devient donc facile, lors des inondations, au printemps, de voir, à un moment donné, une partie de la rive quitter sa place et retourner de l'autre côté. Finalement, le champ de patates du voisin se retrouve dans le champ de patates de l'autre - sans vouloir dire que tout le monde est dans les patates - mais, en voulant dire, cependant, qu'il y a des problèmes.

Qu'a-t-on fait? On a dit: Si on attend après le ministère de l'Environnement, à l'époque, on va avoir des petits problèmes. Il n'y a pas de budget, il n'y a pas d'argent pour ce faire. Si on attend après le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, il n'est pas là pour aider à régler les problèmes d'érosion. Il est là pour autre chose. En conséquence, nous étions pris dans un bon dilemme. Cela a été le recours à un moyen plutôt connu en Europe qui nous a permis de régler une partie du problème, même si nous n'avons par terminé. Nous avons recueilli à l'automne et au printemps des branches d'arbres qui grandissent rapidement, qui prennent racines rapidement comme des saules peupliers. Nous avons utilisé, durant l'automne, les caveaux de patates, comme on dit dans le coin là-bas, pour placer les boutures pour faire en sorte de pouvoir les tresser ensuite les planter et voir l'explosion au printemps en termes de plantation. Ce qui fait que, finalement, on a commencé graduellement à reprendre possession de la rive tout en sachant que ce n'est pas suffisant. (16 h 30)

Certains avaient parlé d'empierrement, d'autres avaient parlé d'autres moyens. Là on a toujours le ministère de l'Environnement qui dit: Wow! Un instant! Ce n'est pas de

même qu'il faut faire cela. Dans certains cas, ils vont nous faire mettre une toile géotextile; dans d'autres cas, ils vont nous faire placer des pierres ou dans d'autres cas, il y aura d'autres moyens de correction. Il y a une chose qui est certaine, c'est qu'il fallait protéger les rives. Or, qui avait la responsabilité ultime de donner la permission? C'était le ministère de l'Environnement. On sait à qui s'adresser. On sait de quelle façon il faut procéder, mais si, demain matin, tout cela est dilué entre les mains de plusieurs parce que c'est dans un territoire agricole, l'autre parce que c'est dans un territoire municipal, agricole ou peu importe, l'autre parce que c'est dans un territoire forestier, comment allez-vous vous retrouver? Avec différentes personnes qui veulent intervenir, personne ne veut agir, rien ne se fait et la rive continue à se briser.

C'est dans ce sens qu'il faut faire beaucoup attention et s'assurer qu'il y ait un véritable patron, une véritable personne qui ait la responsabilité à la fois légale et ministérielle d'agir, responsabilité qui va être - à celui qui va lui parler - bien circonscrite pour lui permettre de savoir à qui s'adresser et dans quelle circonstance s'y adresser.

C'est évident que nous avons eu l'occasion de voir le ministre, avec ses autres collègues, soit les ministres du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et de l'Énergie et des Ressources secteur forêts, s'occuper de la mise sur pied d'un document qui nous permet de faire une certaine forme de protection des rives. Mais, dans certains cas, on se retrouve avec, parmi eux, des gens qui vont être jaloux de leurs propres prérogatives.

Nous croyons qu'il faudrait absolument s'assurer, comme mon collègue de Terrebonne l'a dit, qu'il n'y ait pas de fractionnement des responsabilités, qu'il y ait une seule place où l'on puisse s'adresser. Nous avons eu l'occasion, dans les mesures de protection des rives en milieu forestier, de dire ceci: "La politique de protection des rives s'appliquera à tous les cours d'eau et les lacs situés en milieu forestier sur les terres du domaine public et sur les territoires boisés et privés non compris dans la zone agricole." Il faut faire une distinction entre ceux qui sont compris dans la zone agricole et ceux qui ne le sont pas. C'est une question d'utilisation des terres, il ne faut pas l'oublier. Le ministre responsable du ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur terres, nous disait, lors de l'adoption de la Loi sur les terres du domaine public, la loi 102, qu'effectivement, il fallait avoir un terrier, une place où on sait quelles sont les terres du domaine public et comment, dans l'ensemble, vont se faire les transactions qui vont permettre la vente de l'un à l'autre en s'assurant qu'on ait un oeil attentif sur l'ensemble des terres du domaine public.

Or, en milieu forestier public, le guide des modalités d'intervention s'applique, notamment dans une bande de protection de 20 mètres aux abords des cours d'eau et des lacs, tel que spécifié dans la nouvelle Loi sur les forêts. Le gouvernement véhiculera donc le contenu de ce guide suivant les articles 16 et 27 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Mon collègue, le député de Jonquière, responsable pour l'Opposition des matières d'affaires municipales, était intervenu avec moi lors de la commission parlementaire sur les terres du domaine public pour bien indiquer au ministre de l'Énergie et des Ressources les craintes des municipalités, soit les municipalités régionales de comté et les municipalités de l'Union des municipalités du Québec.

On doit vous dire qu'effectivement on a fait valoir des points - je sais qu'il aura l'occasion de le faire davantage - pour vous dire que nous sommes bien conscients qu'il doit y avoir des protections à apporter, mais que, d'un autre côté, il faut savoir à qui s'adresser et, des fois, ce n'est peut-être pas nécessairement au ministre. C'est une des difficultés qui est notée par les unions.

Les forêts privées situées hors de la zone agricole sont soumises à la même norme de protection de dix mètres qu'en zone agricole. Toutefois, si les propriétaires bénéficient d'une aide du ministère de l'Énergie et des Ressources en tant que producteurs forestiers, ces forêts devraient rencontrer des normes supplémentaires incluses dans les plans simples de gestion élaborée. Nous avons eu l'occasion, la semaine dernière, de discuter des crédits du ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur forêts, en disant qu'effectivement on s'en va non plus vers de simples plans de gestion, mais vers des plans de mise en valeur des terres privées quant à la forêt privée. Le ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur forêts, devra préparer, en concertation avec le ministère de l'Environnement du Québec et le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, un guide de modalités d'intervention applicable aux forêts privées et le mettre à la disposition des municipalités régionales de comté, des communautés et des municipalités.

Il faut faire attention quand on généralise des choses. Dans un éditorial, M. Jacques Proulx nous faisait des mises en garde: "Tout d'abord la bande riveraine est-elle vraiment le moyen le plus adéquat pour protéger les rives? Nous sommes loin d'en constater l'évidence. En territoires agricoles et forestiers, une politique de bande riveraine doit s'intégrer à une politique globale de protection et de conservation des sols et des forêts, ce qui n'est pas le cas pour les décisions des deux ministres. Chez

les producteurs agricoles, la sensibilité à la protection des rives et plus largement celle de l'environnement ne date pas d'aujourd'hui. La protection, bien sûr, mais de là à en faire une exigence à la grandeur de tout le territoire agricole et forestier, de vouloir créer une végétation permanente partout, l'on crée une généralisation qui frise l'absurde." Ce sont des gens qui sont habitués de vivre dans le milieu agricole et dans le milieu forestier. "Aucun inventaire des cours d'eau et de leur état de protection requis n'a été dressé. Aucune évaluation des coûts et aucune identification claire de ceux qui vont les assumer, producteurs ou ministères, n'a été établie. Donc, tant mieux s'il faut y avoir des protections, dit M. Proulx. "La protection des rives ne se réglera pas par un coût de baguette magique et sûrement pas par une politique dont l'uniformité ne peut répondre à la réalité du problème. Le moyen choisi par le gouvernement n'est pas une solution satisfaisante, ni en regard de la meilleure protection possible de l'environnement, ni face aux lois des agriculteurs". Là, j'en aurais d'autres à ajouter, mais je vais me limiter. Vous savez, 20 minutes c'est vite passé.

Mme la Présidente, j'aurais un dossier qui me tient beaucoup à coeur. Les deux ministres, le ministre de l'Environnement et le ministre délégué aux Forêts, ici présents cet après-midi le savent. D'ailleurs, ils ont commencé à répondre aux questions que j'ai posées comme député d'une région où il y a encore sur les eaux le flottage du bois. Je sais que des choses s'en viennent, les ministres m'ont garanti qu'on présenterait des documents publics sur la vaste étude qui a coûté près d'un quart de million de dollars et qui a été faite par le ministère de l'Énergie et des Ressources pour le secteur de la forêt et pour lequel le ministère de l'Environnement a été invité à participer. Les documents, nous a-t-on dit, de l'une et l'autre des parties, le ministère de l'Environnement et celui du ministre délégué aux Forêts: Oui, cela va être rendu public dans les plus brefs délais.

Je dois vous dire qu'il y a une association qui, actuellement, a essayé de regrouper tous les utilisateurs de la rivière Saint-Maurice. On peut la critiquer, on peut dire qu'elle n'est pas représentative, on peut dire qu'elle n'est pas correcte quant à ses demandes, c'est une façon de voir les choses. Je dois vous dire que c'est un interlocuteur valable dans le milieu parce qu'elle a réussi à regrouper les municipalités riveraines de la rivière Saint-Maurice, la municipalité et les municipalités régionales de comté parce qu'il y en a deux qui y touchent, les gens qui ont affaire à la rivière, les coureurs en canot qui descendent cette magnifique rivière au mois de septembre pendant trois jours de La Tuque à Trois-Rivières, des gens qui vivent sur la rivière, des gens qui l'utilisent un peu comme la rivière Richelieu. Il ne serait pas impensable de dire que la rivière Saint-Maurice puisse devenir un peu une rivière Richelieu avec des canaux où monteraient les bateaux de la partie du fleuve Saint-Laurent à Trois-Rivières jusqu'à une certaine hauteur de La Tuque. Il y a des gens qui commencent à dire qu'au point de vue économique, le tourisme qu'on pourrait y amener serait davantage profitable que la perte encourue peut-être en ce qui concerne le non-flottage de bois. C'est une question qu'il faut reqarder. Je ne donne pas mon opinion en disant qu'il faut faire disparaître le flottage, je dis simplement que le flottage du bois, tel qu'il est pratiqué actuellement n'est qu'un stockage, qu'un magasin à bois. Même les lois l'interdisent. La loi fédérale dit que les deux tiers de la rivière doivent être libres. Ce n'est pas ce qu'on vit sur l'ensemble de la rivière. On veut une utilisation multifonctionnelle dans la rivière Saint-Maurice.

Dans le contexte actuel, on sait que les billes vont au fond, on sait que les écorces vont au fond, on sait que les billes frottent sur les rives et brisent les rives. On aura beau me dire: Écoutez, à partir de Shawinigan, à partir du barraqe La Gabelle, entre Shawinigan et Trois-Rivières, de Shawinigan, de Grand-Mère et de La Tuque, on a élevé le niveau de l'eau. Effectivement, il y a un "tracel" comme on l'appelle, un chemin de fer avec un pont en bois qui est complètement inondé à la hauteur de Saint-Jacques-des-Piles. Il disparaît complètement. L'ancienne rive de Saint-Jacques-des-Piles est complètement inondée, près de 40 pieds recouvrent l'ancienne surface des fours à charbon de Saint-Jacques-des-Piles. Pendant ce temps, on utilise la rivière - parce que personne ne s'en occupait autrefois, mais les gens s'en occupent de plus en plus - pour du flottage de bois. Les qens disent: Nous n'avons pas rien contre le flottage du bois, nous aimerions qu'il disparaisse, mais on sait quels coûts cela va comporter. Et on fait peur aux gens en leur disant: Toutes les trois minutes, il y aura un camion sur la route. On oublie de penser qu'il pourrait y avoir une route forestière et du bois pourrait être transporté par train. Il pourrait y avoir toutes sortes de choses qui pourraient exister, qui ont existé sur d'autres rivières, en particulier, à Baie-Comeau et à Hauterive, où on a des convoyeurs qui amènent le bois. Je ne veux pas dire que c'est cela qu'il faut faire, je veux simplement dire qu'entre des coûts plus' forts au point de vue économique et une utilisation "muitifonctionnelle" touristique de la rivière, il y a quand même une marge qu'il faut franchir. C'est cela que les gens disent.

Les gens se sont aperçus que, dernièrement, à la suite d'une demande de la Compagnie de flottage de bois Saint-Maurice, la "St. Maurice River Boom", comme on l'appelait, à l'époque, les deux compagnies CIP et Consol ont eu du ministère de l'Environnement, par l'intermédiaire d'un fonctionnaire, la réponse à leur demande, à savoir: Oui, effectivement, vous pouvez faire telle forme d'estacades, ce que j'appelle des chemins flottants, des trottoirs flottants, ce qu'on appelle des "booms" dans le langage habituel des compagnies de bois anglaises.

Il reste une chose, c'est que ces estacades retiennent le bois. Ce n'est pas comme autrefois, avec les grands trottoirs qu'on avait, on a maintenant des formules différentes. Il reste cependant, Mme la Présidente, qu'il est anormal que du bois qui ne provient même pas de la rivière, qui vient de la rive sud soit transporté en camion jusqu'à Grand-Mère et soit jeté dans la rivière à la hauteur de Grand-Mère ou jeté à la rivière à la hauteur de Saint-Jacques-des-Piles. Pourquoi? Simplement pour faire l'écorçage. Dans le fond, c'est qu'on permet au bois de mieux s'écorcer et les résidus se retrouvent au fond de la rivière.

C'est cela que les gens disent. S'il y a quelque chose d'anormal, c'est qu'on se sert maintenant de la rivière pour emmagasiner du bois; on parle de 700 000 cordes de bois, ce qui donnent environ 1 300 000 mètres cubes annuellement flottés sur la rivière ces temps-ci pour, d'une certaine façon, avec le vent d'ouest, couvrir parfois complètement la rivière et en empêcher toute utilisation "multifonctionnelle". Ceux qui voyagent sur la rivière avec des bateaux savent très bien que le moteur à plusieurs occasions se voit brisé par des billes qui flottent entre le fond et la surface de l'eau parce qu'elles sont demi-flottantes, ou encore elles remontent à la surface et brisent le moteur des bateaux.

Dans ce sens, j'interviens à nouveau au nom de cette association qui regroupe les utilisateurs. Ces gens devraient être consultés maintenant avant que des décisions nouvelles soient prises. Une décision a été prise. On va encore accepter de ne pas avoir été consultés; on aurait aimé être consultés. À l'avenir, les gens commencent à dire: On n'acceptera plus de ne pas être consultés. C'est dans ce sens que, si vraiment le ministre de l'Environnement veut être responsable, il devra parler à son collègue, comme ils ont commencé à le faire, comme ils ont commencé à se parler entre eux, j'en suis sûr, au ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur forêts, pour justement civiliser, d'une certaine façon, l'utilisation de la rivière et ne pas la laisser, en vertu de la loi fédérale qui l'interdit, aux seules compagnies. (16 h 40)

Les compagnies ont compris, CIP et Consol, et je leur en sais gré. Mais je pense que ce n'est pas suffisant. Désormais, les municipalités et le groupe qui représente les utilisateurs devraient être consultés. S'ils ne le sont pas, je serai le premier à critiquer à la fois le ministère de l'Environnement et le ministère des Forêts de ne pas le faire. On ne peut pas se permettre aujourd'hui de ne pas les consulter, sachant qu'ils se sont regroupés, justement, pour défendre les intérêts de gens qui ont commencé ce qu'on a appelé les péniches sur la rivière Saint-Maurice, pour s'amuser un peu et pour dire que, maintenant, on peut voyager et expliquer l'utilisation de la rivière de la rivière Saint-Maurice dans le temps des Crête, dans le temps des bois d'autrefois, mais en disant qu'aujourd'hui, on a tellement évolué que la rivière doit être "multifonctionnelle" en fonction d'activités touristiques, économiques relativement au bois, sans que l'un ait prédominance sur l'autre. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Laviolette. M. le ministre délégué aux Forêts et député de Rivière-du-Loup.

M. Albert Côté

M. Côté (Rivière-du-Loup): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais dire quelques mots sur le projet de loi 19 en ce qui concerne la protection des rives des cours d'eau. Avant de parler de ce qu'on fait du côté forestier concernant la protection des rives des cours d'eau, j'aimerais répondre à mon ami, le député de Laviolette, en ce qui concerne le flottage du bois sur le Saint-Maurice.

Mon sous-ministre associé, M. Gilbert Paillé, a rencontré le sous-ministre associé aux opérations du ministère de l'Environnement, M. Bertrand Tétreault, et M. Jacques Beaulieu du service des études spécialisées du même ministère. Le but de cette rencontre était de déterminer s'il fallait ou non rendre disponible au public le rapport d'étude dont a fait mention mon collègue de Laviolette étant donné les réticences des compagnies. Les compagnies Consolidated Bathurst et Canadian International Paper prétendaient que certaines données étaient confidentielles, qu'elles avaient été fournies, sur cette base, aux consultants qui avaient été engagés pour faire cette étude et craiqnaient aussi que ces données causent des préjudices à ces compagnies.

En collaboration avec mon collègue, le ministre de l'Environnement, nous avons rencontré les compagnies en question et leur avons expliqué qu'il était avantageux pour elles de rendre public ledit rapport. Nous avons convenu avec les compagnies de rendre ce rapport public le plus tôt possible, le faisant accompagner d'une page couverture pour expliquer certains points, faire certaines mises en garde par les deux ministères. C'est

ce que nous ferons très prochainement de façon aussi à répondre aux questions et aux inquiétudes de la population qui vit le long du Saint-Maurice, dans le bassin du Saint-Maurice. Évidemment, ce rapport nous dit que l'abandon du flottage n'est pas économiquement souhaitable actuellement. Par contre, ce que nous avons demandé aux compagnies, le ministre de l'Environnement et moi-même, c'est de bien vouloir indiquer à la population qui utilise la rivière Saint-Maurice ce qu'elles ont l'intention de faire pour améliorer la qualité de la vie sur cette rivière. C'est ce que nous ferons aussitôt que nous aurons complété ces dossiers, avec un grand plaisir.

Du côté de la forêt, en ce qui concerne la protection des rives des cours d'eau, nous avons également, dans un esprit de collaboration exceptionnel avec le ministère de l'Environnement, avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, exigé que tous les intervenants forestiers respectent une bande de 20 mètres de chaque côté des rives des cours d'eau avec une autorisation d'une coupe partielle, c'est-à-dire couper 30 % des bois de 10 centimètres et plus à hauteur de poitrine. S'il y a une autorisation de couper les bois de cette façon, c'est parce que la forêt est vivante et qu'il faut la ménager. S'il y a une cueillette sélective des bois le long des rives, nous maintiendrons ces bandes de protection en santé et vivantes. Cette décision découle d'une étude qui a été confiée, il y a quelques années, à des experts en hydrologie par le ministère. Il faut évidemment s'en remettre aux experts, parce que au cours des dernières années, au ministère, nous demandions des bandes beaucoup plus larges et nous prohibions la coupe de tous les bois, ce qui n'était pas très scientifique. C'était fait de bonne foi, mais en se basant sur les rapports des experts en hydrologie, nous en sommes venus à suggérer une bande 20 mètres de protection le long des rives avec une coupe partielle allant jusqu'à 30 % du volume pour des tiges de 10 centimètres et plus. Cela a été fait aussi pour protéger nos sols et le débit des cours d'eau. Vous savez que la forêt est un grand régulateur du débit des cours d'eau. La forêt est, en même temps, la protection de notre air pur. C'est notre qualité de vie, c'est notre environnement. C'est pourquoi les trois ministères, celui du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, celui de l'Environnement et le mien, sont directement concernés par ces ressources. Nous travaillons en très étroite collaboration sur tous ces sujets. (16 h 50)

Je vous dirai que les municipalités régionales de comté nous proposent des mesures pour protéger les rives des cours d'eau. C'est avec des explications que nous nous en remettons aussi au Guide des modalités d'intervention en milieu forestier. Ce quide a été présenté au public le 10 septembre dernier et il a été très bien accueilli. Je vous dirai qu'à l'heure actuelle, au ministère, nous délivrons les permis d'intervention et nous faisons une prescription du respect du guide des modalités d'intervention. Je rencontre des exploitants forestiers à tous les jours et, évidemment, c'est une adaptation, c'est une nouvelle directive. Les contremaîtres ont un peu de difficulté et d'appréhension à appliquer une telle directive, mais actuellement la réponse est bonne. Évidemment, c'est plus difficile dans des territoires accidentés, comme Charlevoix et la Côte-Nord, de respecter une telle norme, mais les gens acceptent cela afin de respecter la qualité de l'eau et protéger nos sols contre l'érosion. Par contre, en forêt privée, nous sommes un peu moins exigeants parce que la forêt privée est en territoire moins accidenté et, au ministère, nous suqgérons aux MRC de réduire leurs demandes de protection des rives des cours d'eau à dix mètres à partir du talus ou des hautes eaux. C'est un point qui sera prochainement précisé lors de nos délibérations avec les municipalités régionales de comté concernées.

Dans le domaine de l'agriculture, je vous dirai aussi qu'en exigeant une protection semblable, nous nous protégeons aussi contre l'érosion des sols. Je vous dirai qu'on perd des terres arables tous les jours de façon importante par ruissellement et par érosion étant donné que les rives n'ont pas été protégées par de la verdure ou par de la forêt.

En ce qui concerne la protection des rives des cours d'eau principaux, je vous dirai que cela fait partie de notre qualité de vie. Notre qualité de vie est très importante et on prendra l'habitude de maintenir en santé ces bandes riveraines, ces bandes de protection, ces bandes vertes, si on peut les appeler ainsi, pour nous assurer une eau pure et la protection de nos sols.

Dans le domaine des forêts, je peux assurer mon collègue, le ministre de l'Environnement, que nous ferons tout notre possible pour collaborer avec lui afin que cette loi soit respectée dans son intégrité.

Je termine en vous remerciant, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué aux Forêts et député de Rivière-du-Loup.

M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. Je pense bien qu'intervenir sur le projet de loi ]9 devient une nécessité de ma part,

puisque le projet de loi 49 qui touche beaucoup plus les municipalités est aussi en question. Je me demande de quelle façon j'aurais pu m'abstenir de parler sur le projet de loi 19 tout en acceptant de parler sur le projet de loi 43. C'est un peu par obligation que je parle sur ce projet de loi qui nous permet de constater, au départ, que c'est un gouvernement qui vieillit vite qu'on a devant nous, et qui vieillit probablement mal aussi. Il faut se rappeler tout ce qui s'est passé depuis la mise en place de ce gouvernement qui disait: II n'est plus question de faire adopter des "bills" omnibus; c'est fini le temps des "bills" omnibus; on veut que les gens se reconnaissent dans les lois. Pourtant, dans ce projet de loi, on touche quatre endroits différents, ce qui aurait pu être fait dans des lois différentes ou des lois présentées par d'autres ministères. On avait le front de venir dire au public l'an passé: Fini les "bills" omnibus. Cela ne fait pas un an et regardons ce qui se passe dans les faits et au point de vue pratique.

Ce n'est pas le seul recul de ce gouvernement, mais cela en est un important à mon point de vue, un recul important puisqu'il avait accepté de ne plus faire de "bills" omnibus. Rappelons-nous le manque de substance de certains projets de loi de l'an dernier où ces derniers comptaient un ou deux articles qu'on était obligé d'amender en commission parlementaire. Mais force nous était de constater que le gouvernement avait choisi une méthode de légiférer qui n'était pas celle du gouvernement précédent. Pourquoi est-ce que je dis que le gouvernement vieillit vite? C'est parce qu'on tombe dans les travers qu'on a voulu dénoncer. Il y a non seulement le travers du "bill" omnibus, mais il y a d'autres endroits aussi où on reconnaît de la part de ce gouvernement un autre recul important, c'est quand on parle des jetons de présence.

Rappelons-nous tout le plat qu'on a fait concernant l'attitude du gouvernement précédent qui osait payer d'une façon ouverte, devant l'ensemble de la population, qui acceptait de façon radicale, exacte de rémunérer les gens qui venaient travailler pour le gouvernement. Le gouvernement précédent avait l'opinion que les comités de bénévoles ne travaillent pas nécessairement pour l'assistance publique lorsqu'ils travaillent pour le gouvernement du Québec. On peut accepter de donner un certain temps au gouvernement, on peut donner son expérience, ses capacités. On n'est pas obligé d'être rémunéré. On n'est pas obligé de ne pas être rémunéré parce qu'on décide de travailler pour le gouvernement, au contraire. On a eu quelques discussions au cours de l'année. Regardons ce qui se passe dans ce projet de loi, non seulement dans ce projet de loi, mais aussi dans d'autres projets et d'autres arrêtés en conseil. On accepte de rémunérer, mais à la condition que le gouvernement le fasse à sa manière à lui, par arrêté en conseil, c'est moins visible, moins apparent. Cela laisse plus de latitude au ministre. On place qui on veut, de la façon qu'on veut et c'est comme cela que ce gouvernement nous montre la transparence opaque, transparence où on ne peut pas voir exactement ce qui se passe.

Examinons ce qui se passe dans ce projet de loi où le ministre de l'Environnement nous demande de pouvoir présenter ou établir une politique sur les rives, sur le littoral et, en même temps, sur les plaines inondables. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Il y a déjà des endroits où le gouvernement pourrait décider qu'on ne peut pas construire sur les plaines inondables. À mes yeux, c'est une forme d'expropriation déguisée, jusqu'à un certain point. Dans le projet de loi qu'on a devant nous, qui fait que le ministre de l'Environnement demande des pouvoirs, est-ce qu'on peut reconnaître dans cette politique, politique de dédommagement, ce que viendra faire la protection du territoire agricole lorsqu'on aura déterminé hors de tout doute qu'il y a tant de pieds ou tant de mètres pour la protection des rives? Il y a certainement un conflit latent actuellement qu'on peut déceler entre la protection des terres agricoles et aussi la protection des rives et des cours d'eau. Est-ce qu'on devra le faire indifféremment sur l'ensemble du territoire? Je pense qu'on peut se poser des questions importantes concernant ce pouvoir que le ministre veut bien s'arroger par ce projet de loi.

C'est évident qu'il est important de protéger les rives. Mais est-ce que c'est seulement ce ministère qui a le pouvoir de le faire? J'ai l'impression que oui, si on veut qu'il se donne une certaine stature. Mais, actuellement, ce qu'on voit et ce qu'on reconnaît dans ce projet de loi, c'est que le ministère de l'Environnement devient de plus en plus un ministère policier où il va voir à l'application et il va tracer des normes, mais là s'arrête son rôle. On ne voit pas plus loin, on ne voit pas de démarche plus loin. Par exemple, il n'y a pas d'incitation pour les municipalités d'aller dans le sens de la politique du ministère. C'est beau de dire: Vous n'aurez pas le droit de faire telle chose, vous n'aurez pas le droit de faire telle autre, mais où est l'incitation? Quelles sont les mesures réparatrices, par exemple? On avait un programme qui a donné des résultats et qui était aussi sur le point de donner des résultats importants sur la protection des rives et des cours d'eau. Il s'appelait le programme Berges neuves. Le ministre de l'Environnement a décidé avec ses collègues, et, bien sûr, c'est le choix de société de ce gouvernement, d'éliminer la protection des rives. Berges neuves a été

aboli, donc, aucune mesure ne permet de rendre les rives telles qu'elles devraient être, telles qu'elles ont été. (17 heures)

Regardons ce qui s'est passé dans le cas du lac Saint-Jean, une des plus grandes nappes d'eau du pays, pas seulement du Québec, nappe d'eau qui fait l'envie et l'orgueil et aussi qui est la marque distinctive d'un coin de pays important. Qu'est-ce qu'on a fait pour protéger les rives de ce littoral qui préoccupe un ensemble d'intervenants et qui fait partie du patrimoine, patrimoine local, patrimoine sûrement mondial? On ne trouve pas, dans la politique du ministère, des façons de protéger ces rives, ce littoral qui couvre plusieurs dizaines de milles de territoire tantôt agricole, tantôt urbain, tantôt forestier. Donc, le ministre veut de plus en plus prendre des responsabilités mais tout en les transférant le plus rapidement possible aux autres. Donc, c'est le ministère qui décide, qui prend, puis qui retire aux autres.

C'est cela qui se produit au point de vue pratique. Ce sont les municipalités régionales de comté qui auront à appliquer les politiques du ministère de l'Environnement. Elles qui seront prises avec ce ministère, en ce sens et sans compensation. Je ne pense pas qu'on puisse s'opposer à ce que le ministère puisse regarder ce qui se passe sur le territoire et ce qu'on fait de ses lois. Mais c'est aussi la préoccupation du milieu de savoir pourquoi on va accepter des responsabilités, pourquoi on va nous transférer des responsabilités sans qu'il y ait des assistances financières correspondantes. Je pense qu'on se fait l'interprète de l'ensemble des intervenants sur le territoire qui demandent et qui exigent que, pour chaque ministère, s'il y a transfert de responsabilités, il y ait aussi transfert financier. Il me semble que, de ce côté, on est loin d'obtenir satisfaction. On doit rappeler au ministre de l'Environnement que, s'il veut faire appliquer ses propres lois, s'il veut les imposer, il doit le faire dans des normes qui sont acceptables, dans des normes négociables et dans des normes aussi acceptables pour l'ensemble des intervenants, non seulement les intervenants locaux, mais aussi l'ensemble des ministères sur lesquels il a préséance ou auxquels il touche.

Donc, par le ministère de l'Environnement, par cette préoccupation dont il nous fait part par cette loi qui est de déterminer un certain nombre de frontages ou de terrains qui touchent les rives, il faudrait qu'on s'assure que ces normes puissent être acceptables et qu'on en discute aussi avec les intervenants. Le ministère nous dit: Oui, on va adopter des lois, oui, on va poser des gestes. Mais à qui? Avec qui va-t-il se concerter? On dirait, à la façon dont les lois nous sont présentées, qu'on vient d'oublier complètement toute la façon de discuter avec les intervenants du milieu.

On sait bien que l'environnement, cela peut, jusqu'à un certain point - et je pense que c'est nécessaire et obligatoire - être une responsabilité partagée. On a intérêt et le ministère de l'Environnement a intérêt à discuter et à se concerter avec les intervenants des milieux concernés. On ne voit pas et on ne sent pas dans cette loi cette volonté politique d'aller discuter avec les gens pour savoir quelles seraient les normes acceptables, les normes qu'on devrait appliquer pour trouver des solutions aux problèmes qui confrontent le Québec, c'est-à-dire les cas problèmes qui confrontent nos cours d'eau qui, en fait, deviennent pollués, et aussi qui demandent une certaine protection.

Donc, il y a les cours d'eau, il y a les lacs. C'est une politique qui va attaquer ou toucher beaucoup de territoires au Québec. Donc, quand cela touche beaucoup de territoires, on a tout intérêt à ce que ces discussions se fassent le plus largement possible et de la façon la plus civilisée possible. Si le ministère se donne des pouvoirs jusqu'à imposer l'exécution, la mise en oeuvre de ses propres réglementations, il faudrait qu'on reconnaisse quelque part que oui, aussi, le ministère s'engage à discuter avec les différents intervenants de différents milieux pour trouver les meilleures solutions possibles à ce problème qui nous confronte.

Il serait intéressant que le ministère aussi trouve la façon idéale d'inciter ces intervenants à mieux intervenir dans le territoire et aussi à être plus parties prenantes à ces décisions. Â mes yeux, on ne peut pas amener une politique aussi importante en laissant les intervenants de côté. Ces intervenants, qui sont-ils? Tantôt il y a des intervenants qui sont de nature économique, des intervenants de nature production agricole, il y a aussi des intervenants qui sont de nature à protéger la faune et, en même temps, ceux qui ont l'intérêt global ou globalisant de l'ensemble du territoire, qui sont les municipalités. Ce sont tous ces intervenants dont on doit, tenir compte avant d'imposer ou d'appliquer cette politique.

Il y a eu des études au ministère précédemment où on a essayé de trouver la façon de mieux faire travailler ensemble, soit les ministères, soit les municipalités. Il semble qu'il y a une coupure depuis le 2 décembre 1985 puisqu'on n'entend pas parler des autres si ce n'est que chacun, dans son domaine, a tous les pouvoirs. Quand on regarde ce qui se passe: est-ce que le ministère de l'Environnement joue son rôle comme il faut? Prend-il la responsabilité gouvernementale qui lui appartient? J'entends souvent le ministre de l'Environnement nous dire: Vous autres dans votre temps, c'était

comme ça. Vous avez arrangé ça de même. Nous autres on fait quelque chose depuis qu'on est là.

Là il faudrait parler, il faudrait s'entendre. Ça fait un an et demi que le gouvernement actuel est en place. Donc, il devrait commencer à avoir ses propres politiques sans accuser les autres de ce qu'ils ont fait. Ce que les autres ont fait, ça ne me dérange pas. S'ils ont mal fait, on a changé pour faire mieux. Si on a fait des bonnes choses, continuons-les. J'ai l'impression qu'en matière d'environnement, l'ex-gouvernement ou le gouvernement précédent n'a pas tellement de leçons à recevoir parce que c'est un ministère qui est jeune. C'est un ministère où on avait à tout mettre en place. C'est un ministère qui a fait des pas de géant. Quand on regarde les correctifs qui ont été apportés à l'assainissement de l'eau; quand on regarde ce qui s'est fait pour la protection de l'air, on dit: Le ministère de l'Environnement a fait des choses intéressantes. Prenons ce qu'il a bien fait et continuons. C'est la responsabilité d'un gouvernement de faire avancer les choses. C'est d'améliorer ce qui peut être amélioré. C'est évident qu'on a eu déjà des lois qui ont touché aux terres inondables. Mais il y en a d'autres, aujourd'hui, où le ministre décide qu'il veut avoir des pouvoirs beaucoup plus précis, qu'il veut aller plus loin dans la mise en oeuvre de la protection des cours d'eau et des rives.

C'est de cela qu'il s'approprie. C'est beau de demander des pouvoirs, mais nous, on a le droit de s'interroger et, surtout, on a l'obligation de s'interroger à savoir si ces pouvoirs, que le ministre demande, vont lui être suffisants pour pouvoir les appliquer et pour que tout le monde puisse se reconnaître quelque part. Cela amènera-t-il plus d'éclairage ou un meilleur éclairage dans l'ensemble du territoire du Québec? J'en doute et je mets un peu la pédale douce concernant cette décision ou cette volonté que le ministre peut avoir de faire ces applications. Il s'agit de regarder ce qui s'est passé ailleurs. Quand on regarde l'assainissement de l'eau, on a tellement mis la pédale douce qu'on l'a pratiquement bloqué pendant un certain nombre de semaines et de mois. Cela aura été beaucoup moins rapidement.

Le programme Berges neuves qui a été un programme extraordinaire, on l'a éliminé. Donc, à ce moment-là, la volonté y était-elle? Espérons que oui, mais quand on regarde dans les faits, c'est non. Quand on regarde le projet Archipel. C'étaient aussi des projets intéressants pour certains de la région de Montréal. Cela aussi est disparu dans le paysage. C'étaient des endroits où le ministre de l'Environnement avait son mot à dire. Nous, on n'a pas senti cette volonté très forte de faire progresser les dossiers. Si on parle de l'assistance financière à quelque endroit, on peut avoir l'ombre d'un doute sur la volonté politique du ministère d'aider à régler ces problèmes.

Nous avons certaines réticences concernant cette décision ou cette volonté qui peut exister dans ce projet de loi omnibus. Puisqu'on parle de la qualité de l'environnement, parlons carrément d'un "bill" omnibus. Ce "bill" omnibus probablement ne rendra pas les services qu'on en attend. On ne peut pas, avec trois lignes, avec deux petits paragraphes, imaginer qu'on va finir par changer tout le monde. Il y en a peut-être qui disent que gagner la loto ça ne change pas le monde, mais cette loi ne changera pas le monde non plus. Elle ne fera pas crier personne, si ce n'est que ça va déranger tout le monde. On met en doute la volonté qui peut exister dans ce projet de loi. (17 h 10)

Régler les problèmes de déchets? Regardons les problèmes de déchets: c'est la Commission municipale qui va fixer les prix. Ce n'est pas encore des changements qui nous surprennent, pas pour des gens qui sont habitués de travailler dans le milieu municipal. Je pense que cela peut se régler là facilement sans que cela cause des problèmes majeurs.

Donc, le ministère de l'Environnement, comme d'autres ministères, a décidé qu'il viendrait sur le territoire du Québec. On s'habitue à cela de plus en plus. Tout à l'heure, on a entendu le ministre délégué aux Forêts; il est venu nous dire qu'il va travailler avec le ministère de l'Environnement pour l'aider à améliorer tous ces contextes. Là, on ne sait plus s'il est seul ou s'ils sont deux. C'est peut-être deux ministres qui vont être obligés de s'occuper de cela. Est-ce qu'il n'y en aurait pas un troisième, par hasard, qu'on ne connaît pas? J'ai entendu parler le ministre de l'Énergie et des Ressources qui a semblé dire la même chose; il y aurait celui délégué aux Mines qui pourrait peut-être aussi arriver dans le paysage; il y a le ministre du MLCP qui pourrait aussi intervenir et, en même temps, le ministre des Affaires municipales. Donc, on est rendu avec pas mal d'intervenants. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pourrait aussi avoir certaines prétentions sur les cours d'eau, tellement que... Je viens de recevoir... Il y a certaines communications, certains échanges de lettres qui se font entre ministères et les intervenants sur la place, ce qui fait qu'on commence déjà à assister à des mesures de chantage pour imposer des choses, pas en vertu du projet de loi qu'on a devant nous, mais en vertu de l'agriculture ainsi que de la production forestière. Donc, on est rendu avec un certain nombre d'intervenants. Peut-être qu'on va venir tellement mêlé qu'on va avoir de la difficulté à comprendre ce qu'on

cherche dans tout cela.

Le ministre de l'Environnement veut avoir du travail; bien sûr, on peut lui en donner, mais il faut aussi qu'il nous exprime sa volonté de faire respecter sa loi. Il faut aussi qu'il exprime la volonté d'aller chercher des partenaires, du partenariat; ce n'est pas possible qu'un ministère travaille tout seul en vase clos, il faut qu'il aille un peu plus loin dans sa démarche. Et dans ce projet de loi, on ne voit pas le sens d'une démarche plus grande vis-à-vis de l'intervenant. Pour nous, c'est un motif à réflexion ou à interrogation. Si le ministre veut avoir des pouvoirs, bien oui, on pourra lui en donner, mais à la condition qu'il puisse les exercer. Une bonne façon d'exercer les pouvoirs, ce n'est pas toujours en jouant au frère directeur, pas toujours avec la "strappe", pas toujours avec du "crois ou meurs", c'est aussi, de temps en temps, avec de l'assistance financière.

Je comprends que le gouvernement n'a pas d'argent, mais il me semble que vis-à-vis d'un problème aussi crucial ou aussi important qu'on en fait une loi, eh bien, on prend les moyens pour la faire respecter. On peut prévoir à l'avance les problèmes que cela va soulever tantôt sur le territoire du Québec. Le ministre aura beau se donner les pouvoirs qu'il voudra, mais il n'y a rien pour la faire respecter; on ne sent pas tellement, dans ce projet de loi, une volonté de vouloir faire respecter sa loi. En tout cas, il n'y a pas tellement de mesures que je reconnais qui pourraient dire: Si vous faites cela, vous allez avoir telle chose, on va vous mettre à l'amende. Cela va faire encore un beau coin pour la discussion; cela va leur donner encore une belle jambe en disant: On a fait des lois. Mais, entre faire des lois, les appliquer, les coordonner et aller chercher du partenariat avec les différents intervenants, cela est une autre paire de manches. Je cherche, dans ce projet de loi, quelle était la volonté de concerter les différents agents du milieu. Est-ce que vraiment on veut aller plus loin, on veut imposer ou, au contraire, on veut aller chercher de la coopération et de la collaboration? Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Jonquière. M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. On assiste, aujourd'hui, presque à une parodie, à un spectacle d'un ministre qui occupe de moins en moins d'espace dans son propre environnement ministériel. Regardons les faits.

Une voix: ...

Là Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! Continuez, M. le député d'Unqava.

M. Claveau: Est-ce que le ministre a quelque chose à dire? Il peut toujours se lever.

La Vice-Présidente: Vous pouvez continuer, M. le député...

M. Lincoln: ...c'est exactement le contraire...

La Vice-Présidente: Bien, ce n'est pas une question de règlement. Vous savez, M. ministre, que je ne dois reconnaître que des questions de règlement. Là-dessus, M. le député d'Unqava, je vous demanderais de bien vouloir continuer votre intervention.

M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. Le ministre va se rendre compte que l'on va exactement vers la même conclusion que celle de mon collègue de Jonquière, tout à l'heure. Effectivement, le ministre de l'Environnement occupe, comme je l'ai dit, en tant que ministre responsable d'un dossier précis, le dossier de l'environnement, un espace de plus en plus restreint à l'intérieur de son environnement propre, son environnement ministériel.

En effet, qu'est-ce que l'on retrouve dans cette loi? Mon collègue de Jonquière l'a très bien exprimé. On retrouve un ministre qui se donne des pouvoirs policiers, des pouvoirs de réglementer, d'intervenir afin de faire appliquer des choses d'une façon stricte et, je dirais, imposée de force si jamais les autres ministères ne répondent pas à ses exigences. Dans ce sens, le ministre de l'Environnement est un ministre délégué qui relève du Solliciteur général du Québec. De même, le ministre responsable des dossiers de l'environnement aurait pu, s'il avait voulu et s'il avait eu le cran de le faire, se servir de la loi actuelle qui lui donne beaucoup d'amplitude et beaucoup de possibilités dans son travail.

Reprenons seulement quelques articles de la Loi sur la qualité de l'environnement à l'article 2 où on dit que: "Le ministre a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement une politique de protection de l'environnement..." À l'article 2c, on ajoute: "II peut élaborer des plans et programmes de conservation, de protection et de gestion de l'environnement..." Qu'est-ce que fait le ministre actuellement? II délègue ses responsabilités aux différents ministères sectoriels qui vont avoir la charge et la responsabilité d'élaborer des politiques en fonction de leurs différents types d'interventions. Le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le ministre délégué aux Forêts, le

ministre délégué aux Mines, tous et chacun dans leur loi respective, dans leur milieu respectif d'interventions sectorielles vont avoir à élaborer des politiques et vont avoir à déterminer les modalités d'application des politiques environnementales. Qu'est-ce que se garde le ministre? S'assurer que la loi est appliquée.

On a un ministre qui dépend du Solliciteur général. On a un ministre délégué, un ministre dont les responsabilités vont relever, à toutes fins utiles, des autres ministères et qui n'aura qu'à s'assurer que ses lois soient appliquées et que l'on ne pollue pas, que l'on ne nuit pas à l'aménagement des berges, que l'on respecte les approches des cours d'eau, des rivières et des lacs. C'est tout ce qu'il fait. Il n'y a rien dans cela, Mme la Présidente, qui dit que le ministre va vraiment prendre le taureau par les cornes, va se donner des politiques d'interventions et va élaborer des stratégies. C'est cela. C'est dans ce sens que l'on dit que le ministre est en train de se restreindre dans son environnement propre, qu'il est en train de laisser la place aux autres. Il se lave les mains des politiques de mise en place. Lui, tout ce qu'il a à faire, c'est de passer le bâton, comme disait tout à l'heure mon collègue de Jonquière, il se garde la "strapp" et il laisse aux autres le soin de penser. Voilà le contexte dans lequel on est actuellement.

L'actuelle Loi sur la qualité de l'environnement permet au ministre de conclure tout accord avec tout gouvernement ou organisme gouvernemental afin de faciliter l'exécution de la présente loi. La loi en question permet au ministre de faire adopter ou de proposer au gouvernement des règles pour définir des normes de protection et de qualité de l'environnement pour l'ensemble ou une partie du territoire du Québec. Il y a là tout ce qu'il faut au ministre pour pouvoir intervenir. Je crois que le ministre a eu peur de l'amplitude et de l'immensité des responsabilités que lui donnait la loi actuelle et que, sous le chapeau fleuri d'une nouvelle loi attrayante, en fait, il diminue ses responsabilités pour les distribuer aux différents intervenants dans chacun des secteurs.

Un bel exemple de cela, Mme la Présidente, quand on parle du domaine forestier, ce n'est pas pour rien que son collègue délégué aux Forêts s'est empressé de venir en cette Chambre pour saluer les fonctions et l'intérêt du ministre dans la question environnementale et pour se dépêcher d'ajouter qu'il l'appuierait de toutes ses forces et de toute son âme afin que ses responsabilités puissent être remplies dans les meilleures conditions possible. C'est bien évident, parce que le ministre délégué aux Forêts est l'un des premiers qui, à partir d'une loi sectorielle, a imposé des modalités d'intervention en milieu forestier où il définit des normes d'approche, des normes de coupes de bois le long des berges, des rivières et des lacs, où il définit de quelle façon les chemins forestiers vont traverser nos rivières, où il définit de quelle façon on va intervenir pour protéger certains habitats près des lacs afin de s'assurer de ne pas enlever tout le bois qui pourrait être nécessaire à la survie de certains habitats fauniques. (17 h 20)

C'est un des premiers, dans cette Législature, qui est intervenu directement sur le terrain du ministre de l'Environnement pour déterminer, par le biais d'une loi de laquelle découlera un manuel des modalités d'intervention en milieu forestier, décision que le ministre de l'Environnement aurait dû prendre lui-même, sans attendre qu'un de ses collègues ministériels définissent les normes à sa place.

Voilà pourquoi le ministre délégué aux Forêts s'est empressé de venir éponger un peu la situation et de faire reluire le poste du ministre responsable de l'Environnement devenu, à toutes fins utiles, un ministre délégué. Voilà pourquoi il s'est empressé de le faire, il s'est empressé de dire: Écoutez, M. le ministre, je n'embarque pas sur votre terrain, je m'occupe seulement de mes petits arbres et je veux m'assurer qu'on puisse les couper dans les meilleures conditions possibles. En réalité, on retrouve des normes, des concepts, une approche d'intervention en milieu forestier qui relèvent beaucoup plus, à certains égards, du ministre de l'Environnement que du ministre délégué aux Forêts, dont la préoccupation principale aurait dû être de s'assurer d'une meilleure gestion des coupes de bois sans empiéter sur les responsabilités du ministre de l'Environnement et, par le fait même, du ministre qui doit voir à la protection des berges de nos rivières.

Un autre exemple qui nous est servi sur un plateau d'argent. Dans sa nouvelle loi, son projet de loi 19, le ministre de l'Environnement introduit une définition qui se veut originale, semble-t-il, ou qu'il croit lui-même originale, définition sur les déchets miniers. Le ministre dit: "Résidus miniers: les morts-terrains, les roches stériles, les résidus solides provenant de la concentration primaire du minerai et les scories provenant des opérations de pyrométallurgie secondaire." Je suis convaincu qu'à la lecture du texte que je viens de faire, le ministre croit que j'ai en main son projet de loi 19. Bien non, Mme la Présidente, j'ai en main le projet de loi 161, Loi sur les mines. Exactement mot pour mot, sans aucune modification, ce que proposait le ministre délégué aux Mines dans son projet de loi 161, l'hiver dernier.

Ce que le ministre a oublié, ce qu'il ne

savait pas, pour dire à quel point il ne s'intéresse pas à ses dossiers, c'est que cette même définition a été contestée en commission parlementaire, en consultations publiques par les intervenants du monde minier et qu'au moment où on se parle, je suis prêt à mettre ma main dans le feu qu'on est en train de vérifier ou de refaire, pour la Loi sur les mines, la définition des résidus miniers. Le ministre ne le sait pas et, en bon ministre coopératif, collègue du ministre délégué aux Mines, il s'empresse de montrer que, lui, il connaît ça, les résidus miniers, et il introduit dans sa loi sur l'environnement, sa loi sur la gestion des berges, une notion du résidu minier parce qu'il ne veut pas être à la remorque d'un autre ministre sectoriel. Ce qu'il ne savait pas, c'est que cette même définition a été rejetée et qu'elle est en voie de recomposition et de redéfinition.

Encore une fois, à la suite des modifications qui seront sûrement apportées à la définition en question, il devra se rallier et être à la remorque d'un ministre sectoriel dans un domaine précis afin de redéfinir sa loi sur l'environnement.

Une voix: Cela, c'est vrai!

M. Claveau: Voilà le contexte dans lequel évolue le ministre de l'Environnement, à la remorque des autres ministères. Il se plie aux voeux des autres ministres, du MLCP, du MAPAQ, des Forêts, de l'Énergie et des Ressources, secteur énergie particulièrement. Il est à la remorque de tous ses collègues et il essaie de rapatrier les morceaux au plus vite pour les introduire quelque part dans ses lois afin de montrer que, lui aussi, il connaît ça, mais à l'époque où il a ramassé le morceau, il avait déjà la miette qui n'était plus bonne, la miette pourrie, puisqu'on avait changé la définition. Le cas actuel est des plus patents. Je ne connais pas la nouvelle définition, mais je suis convaincu qu'il y aura modification à la suite du débat en commission parlementaire où tous les intervenants du domaine minier s'entendaient pour rejeter la définition en question.

La plus belle preuve de cela, pour montrer jusqu'à quel point le ministre n'est pas conscient de l'aspect primaire ou de l'aspect incomplet de la définition qu'il propose, c'est que, dans cette définition, on ne retrouve aucun élément, absolument rien concernant les résidus liquides dans l'industrie minière qui sont probablement les résidus les plus polluants et qui ne se retrouvent pas ici. Cela a été dénoncé en commission parlementaire par les intervenants ce qui, j'en suis certain, étant donné la sagesse des gens qui opèrent dans le secteur minier au ministère de l'Énergie et des Ressources, va être modifié afin qu'on prenne en considération cet aspect de la pollution minière sous forme liquide. Le ministre responsable de l'environnement, pour avoir copié aveuglément une définition donnée par un ministre sectoriel, n'a même pas pensé qu'il pouvait y avoir des déchets liquides qui n'étaient pas pris en considération.

C'est lui qui aurait dû faire la suggestion à ses collègues, c'est lui qui aurait dû prendre les devants, prendre la pôle, comme on dit, et suggérer une définition complète, une définition qui comprenne l'ensemble des résidus miniers. On aurait dit: Oui, c'est vrai, le ministre responsable de l'environnement est un ministre sérieux, un ministre auquel rien n'échappe, effectivement. Il a ouvert les yeux de son collègue des Mines et il a compris que la définition était incomplète, ce qui va amener le ministre responsable des Mines de rectifier la définition du résidu minier. Bien non, ce n'est pas cela, cela va être encore le ministre qui va devoir - j'en mettrais ma main au feu - revenir en commission parlementaire avec un amendement en disant: Excusez-moi, je n'avais pas compris, je ne savais pas qu'on avait révisé la définition et je suppose qu'il va falloir que je m'adapte à la nouvelle définition de mon collègue des Mines, parce que moi, je suis obligé de me fier à ce que les ministres sectoriels disent. Voilà la situation!

Passons à une autre chose qui est loin de manquer d'intérêt. Dans cette espèce de "bill" omnibus, dans cette présentation de toutes sortes de choses dans un projet de loi qui semble vague en soi, au départ, on retrouve une modification de certains articles en ce qui concerne la rémunération des gens qui siègent au Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James, à la Commission de la qualité de l'environnnement Kativik et au Comité consultatif de l'environnement Kativik. La nouvelle version, la nouvelle interprétation de la rémunération des gens qui siègent à ces comités se lit comme suit: "Les membres nommés par le gouvernement ne sont pas rémunérés, sauf -ah! ah! - dans les cas, aux conditions et dans la mesure qu'il indique." On dit en partant: Ils ne sont pas rémunérés, cela n'existe plus. L'ancienne version est la suivante, je me dois de le dire... Dans la Loi sur la qualité de l'environnement, on retrouvait aux articles 135, 170 et autres concernant les mêmes domaines, la version suivante: "Ces membres nommés, durant bon plaisir, seront rémunérés ou indemnisés par ceux qui les nomment, lesquels pourvoient en outre à leur remplacement." La deuxième partie, concernant le remplacement, on comprend, mais on dit que ces membres vont être rémunérés par ceux qui les nomment et on suppose, de la façon qui va être déterminée, par ceux qui les nomment. Qu'est-ce que le ministre fait? Là,

il y a un hic important dans toute la démarche de ce gouvernement, non pas du ministre parce que, là encore, il suit les autres. Qu'est-ce que le ministre fait? Il dit: Les membres ne seront plus rémunérés, ils seront bénévoles, sauf dans les cas, aux conditions et dans la mesure qu'il indique. Quels sont ces cas, quelles sont ces conditions, quelles sont ces mesures? Ah! Voilà où nous amènent les questions que je viens de poser: Décret 382-87 du 18 mars 1987. Il est proposé sur la proposition du ministre de l'Environnement que les membres du conseil d'administration de la Société québécoise de l'assainissement des eaux, à l'exception du président-directeur général, etc., reçoivent une allocation de présence de 200 $ par journée ou de 100 $ par demi-journée de séance après qu'ils aient participé à au moins l'équivalent de douze jours de séances au conseil d'administration. Des membres non rémunérés? Après douze jours de présence, c'est vite fait, 200 $ par jour et 100 $ par demi-journée. Un décret, ce n'est plus dans la loi. Décret, cela vaut pour la Société québécoise d'assainissement des eaux. Des bénévoles, Mme la Présidente. Cela date du 18 mars 1987. Ce n'est pas sous l'ancien gouvernement, si je ne m'abuse. (17 h 30)

Continuons. Décret 273-87 du 25 février 1987. On est encore en 1987, sous l'actuel gouvernement. Quel ministère, pensez-vous, est concerné par ce décret? Attendu qu'aucune rémunération n'a été prévue pour les membres du Conseil consultatif de l'environnement - on a encore affaire au même ministre - attendu qu'aucune rémunération n'a été prévue - on fait un "attendu que" avec la non-rémunération et qu'est-ce qu'on propose? - que les membres du Conseil consultatif de l'environnement, à l'exception de ceux qui sont également fonctionnaires du gouvernement ou de l'un de ses organismes, reçoivent une allocation de présence de 200 $ par jour ou de 100 $ par demi-journée de séance. Deux fois le même ministre en l'espace de deux mois. Ce sont des bénévoles, mais on va les payer 200 $ par jour et, pour une demi-journée, ce sera 100 $. C'est bien évident, on dit: Les douze premiers jours de séance, on ne les paie pas, mais après on se reprend assez vite, merci.

Qu'est-ce que vous pensez que le ministre va faire avec sa nouvelle déclaration concernant les gens du Comité consultatif pour l'environnement de la Baie James, de la Commission de la qualité de l'environnement Kativik et du Comité consultatif de l'environnement Kativik? Croyez-vous que ces gens-là vont y aller bénévolement? Dans la loi, antérieurement, on le disait: Oui, ce sera des gens payés; ils le méritent; ils font un bon travail; on ne les amène pas là en "quêteux"; on va les payer. Là, qu'est-ce qu'on dit? Article 135:

Les membres nommés par le gouvernement ne seront pas rémunérés. Ils ne seront pas rémunérés, mais le même ministre, en février et en mars, a sorti des décrets spéciaux pour rémunérer d'autres bénévoles dans d'autres organismes qui relèvent de son ministère. Pensez-vous que les gens de ces comités-là vont accepter de faire cela pour rien quand le même ministre adopte des décrets pour d'autres conseils consultatifs semblables? Non, Mme la Présidente. Supercherie, Mme la Présidente! On change les termes pour dire: Ils ne sont pas payés et, après, on adopte un petit décret par en arrière en disant: On vous donne 200 $ par jour.

C'est cela la transparence de ce gouvernement, Mme la Présidente. Ce que le ministre fait dans le domaine de l'environnement, il ne fait malheureusement que suivre ce que les autres lui ont donné comme exemple. Il entre dans la voie de ce que les autres ministres ont fait dans leurs secteurs respectifs. Voilà ce qu'on appelle, de ce côté-là de la Chambre, de la transparence. Voilà ce que ce gouvernement appelle des bénévoles. Supercherie, trompe-l'oeil! Voilà la situation et ce ne sont là, Mme la Présidente, que quelques-uns des éléments de ce projet de loi qui, j'en suis certain, seront très approfondis en commission parlementaire à l'étude article par article et qui démontreront que, finalement, si le ministre voulait vraiment faire son travail, il n'avait qu'à se fier à la loi existante et à l'appliquer dans toute l'ampleur qu'elle lui donnait. Il n'avait pas besoin, encore là, de faire du tape-à-l'oeil pour camoufler son impossibilité d'intervenir dans un petit projet de loi fleuri, certes, beau, certes, printanier, dirais-je, mais sans fondement. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député d'Ungava.

M. le ministre de l'Environnement, en réplique.

M. Clifford Lincoln (réplique)

M. Lincoln: Mme la Présidente, en écoutant le député d'Ungava et, avant lui, le député de Jonquière - mais surtout le député d'Ungava - j'étais tenté de parodier Churchill et de penser que jamais, je crois, si peu de personnes ont crié si fort pour dire si peu et si mal.

Des voix: Ha! Ha!

M. Lincoln: Le député croit que plus il crie fort, plus cela impressionne les gens. Les gens qui nous écoutent veulent savoir des choses. Ils veulent entendre un discours intelligent, constructif. Ils veulent que quelqu'un parle d'un projet de loi qu'il a

même lu, qu'il a étudié, qu'il a compris. D'après ce que j'ai entendu du député, il ne l'a pas étudié bien fort. En fait, je suis tenté de penser, après avoir écouté, d'une part, le député de Terrebonne, le critique en matière d'environnement, qui a fait un discours constructif - il a dit qu'il trouvait qu'il y avait beaucoup de bonnes choses dans ce projet de loi - que, peut-être, le député de Terrebonne, aujourd'hui, aurait pu s'asseoir de ce côté-ci de la salle laissant le député d'Ungava et le député de Jonquière dire de réelles "folichonneries" sur quelque chose qu'ils n'avaient ni étudié, ni compris.

Je n'ai pu retrouver aucune partie du projet de loi dans les remarques de l'un et de l'autre, contradictoires s'il en est. En fait, ils ont contredit leur collègue lui-même à plusieurs chefs, collègue qui me reprochait, et je sais qu'il le faisait à bon escient et de façon tout à fait objective de son point de vue, qui me disait: Vous ne tapez pas assez fort sur vos collègues les autres ministres, il faut vous imposer, il faut être plus énergique, il faut taper plus fort. Eux disaient, deux minutes après: Vous êtes un policier, vous imposez des choses aux autres ministres. Le partenariat qui est démontré là par mon collègues des Forêts qui faisait un discours à mon appui, pour eux, c'est de la bouillie pour les chats. Ou bien on est d'un bord ou bien on est de l'autre. Ou bien on dit des choses qui se tiennent, ensemble, ou bien on est complètement divisé, ce qui semble être le cas ici.

L'autre jour, j'entendais le député de Jonquière interroger le ministre des Affaires municipales et lui demander comment il avait pu, comme ministre des Affaires municipales, permettre des pouvoirs immenses au ministre de l'Environnement à l'intérieur de l'amendement à la loi 125 sur l'aménagement du territoire. Donc, le député de Jonquière pensait que j'avais obtenu des pouvoirs immenses dans la loi 125. Aujourd'hui, il me dit oui, il me dit non. Est-ce que j'en ai obtenu? Est-ce que je n'en ai pas obtenu? Je préfère laisser les deux derniers députés, je pense que le débat aurait été plus constructif s'ils n'avaient pas parlé. Je respecte leur droit de dire les choses à leur façon, mais je pense que c'était tout à fait négatif, qu'il n'y avait rien là-dedans qui démontrait qu'ils avaient compris le sens du projet de loi.

Je veux m'attarder de façon plus constructive à ce qu'a dit le député de Terrebonne parce que je pense que son intervention était tout à fait constructive et qu'il a parlé avec beaucoup de conviction, surtout sur des questions importantes comme celle des résidus miniers. Donc, je vais parler de cette question d'une façon contructive, comme lui. Pour ce qui est des résidus miniers - et là, le député d'Ungava rigolait et disait que la même définition se retrouvait dans la Loi sur les mines et dans la loi 19 - l'objectif est, justement, d'avoir la même définition dans les deux lois. Donc, lorsque mon collèque des mines, qui s'y connaît sur les mines, fait une définition des mines, je prends la même définition. Si la définition est changée, au cours de la session actuelle, à la commission parlementaire, par rapport aux résidus miniers, on fera la même chose ici.

Naturellement, au départ, il fallait s'accorder avec la même définition qui avait été mise dans la Loi sur les mines qui a été déposée avant la mienne; c'est tout à fait simple et logique. S'il y a un changement en commission parlementaire, on s'ajustera en conséquence. L'idée était justement que deux ministères qui s'impliquent dans la même chose travaillent de concert. C'est cela, l'idée aujourd'hui, essayer de travailler ensemble, ne pas travailler en vase clos, que ce soit dans le domaine des mines, dans le domaine des rives, dans celui des forêts ou dans quoi que ce soit d'autre. Comme l'a souligné lui-même le député de Terrebonne, l'environnement est quelque chose d'horizontal qui pénètre tous les autres ministères. L'environnement n'est pas une chose sectorielle. Cela ne se fait pas en vase clos. Cela se fait à travers le travail d'autres ministères parce que c'est quelque chose d'horizontal. Lorsque cela a trait au mines, il faut naturellement travailler de concert afin que les définitions, que les objectifs se rencontrent.

Donc, pour ce qui est des résidus miniers, comme l'a souligné à juste titre le critique de l'Opposition, 90 % des résidus miniers se retrouvent en Abitibi. Nous avons pris un point de départ des plus importants. Dans la Loi sur les mines, mon collègue et moi nous sommes entendus pour inclure une disposition des plus importantes afin que, maintenant, tous les propriétaires miniers et toutes les compagnies minières soient obligés, avant de fermer une mine, d'obtenir une autorisation, un certificat du ministre de l'Environnement. C'est-à-dire que ces propriétaires, contrairement au passé où tous les résidus miniers actuels sont la conséquence de ce manque de politique, seront obligés d'obtenir un certificat d'autorisation du ministre de l'Environnement, ce qui fera que ces compagnies, ces propriétaires ne seront jamais libérés de leur obligation de responsabilité face à ces déchets miniers, à ces résidus miniers tant et aussi longtemps qu'ils n'auront pas été libérés par le ministre de l'Environnement. C'est quelque chose que les compagnies minières elles-mêmes ne voulaient pas accepter, mais qu'on a introduit dans la Loi sur les mines. Donc, on a introduit un pouvoir immense donné au ministère de l'Environnement. (17 h 40)

Là, les collègues de l'Opposition pourraient dire: Ah! Voilà encore quelque chose qui se trouve dans une loi qui n'est pas à vous. Cela ne m'intéresse pas d'avoir toutes les choses dans mes lois parce que j'ai envie de travailler de concert avec mes collègues, parce que je ne peux pas tout faire, c'est impossible. Mais, travaillant avec mes collègues qui comprennent avec moi, en les convainquant, en essayant de travailler avec eux, en ayant leur apport, leur compréhension dans la qualité de vie que représente la protection de l'environnement, eux-mêmes vont travailler de façon convaincue à établir des politiques ensemble par leurs lois, par notre loi, qui vont arriver aux mêmes objectifs.

Donc, pour les déchets miniers résultant des opérations minières actuelles, nous avons cette protection essentielle. Qu'est-ce qui arrive des déchets miniers passés? Le député de l'Opposition, le critique, a lui-même dit que rien ne s'est fait jusqu'à présent au Québec. C'est vrai. Mais nous avons commencé quelque chose. Ce n'est peut-être pas un pas immense, mais c'est tout de même un grand pas en avant.

Au sommet socio-économique de l'Abitibi, nous avons voté une somme de 250 000 $ pour une étude. On va dire: Oui, voilà encore une autre étude. Mais ce n'est pas encore une autre étude. C'est une étude qui, pour la première fois va définir, identifier toute la caractérisation, la localisation de tous les sites de déchets miniers en Abitibi, comme je le dis, qui représentent 90 % de tout ce qu'on a sur le territoire du Québec.

Lorsqu'on aura défini cela, lorsqu'on aura défini aussi, au moyen de cette étude de 250 000 $, les impacts sur l'environnement causés par les déchets miniers qui se trouvent sur le territoire, à ce moment, nous allons commencer à agir de façon prioritaire. Déjà, le groupe GL aide dans le ministère de l'Environnement qui s'occupe de la détoxification des sites se penche sur les sites les plus toxifiés. Ce ne sont pas tous les sites qui sont déclarés toxiques mais il y en a certains qui sont toxiques, de catégorie 1 surtout, et certains de catégorie 2, les plus toxifiés, les plus à risques.

Donc, ces sites sont maintenant en priorité. Par une entente avec le ministre des Mines, nous allons mettre de l'argent pour détoxifier ces sites. Ce travail est commencé, surtout dans le cas des résidus abandonnés par les anciens propriétaires, parce qu'il n'y avait pas de protection antérieurement dans la loi, qui maintenant se retrouvent dans les mains du gouvernement du Québec. Alors, voici des choses positives que nous faisons par rapport aux déchets miniers.

Donc, il y a un pas en avant qui se fait là. Lorsque j'entends le député d'Ungava crier tellement fort que notre définition ne se rencontre pas ou que la définition de la Loi sur les mines est dépassée, c'est tout ce qu'il a à dire au lieu de parler comme l'a fait le député de Terrebonne sur le problème réel des déchets miniers, ce que nous allons faire avec. C'est cela qui importe aux citoyens du Québec. C'est cela qui importe aux citoyens de l'Abitibi. Ce n'est pas l'affaire des définitions entre une loi et une autre. Ce n'est pas cela qui importe. Ce qui importe, ce sont les résultats de nos actions, et c'est là qu'on va travailler. On n'ira pas travailler dans des petites folichonneries pour savoir si les définitions s'accordent ou non. On fera en sorte qu'elles s'accordent. Pour cela, je peux vous donner mon engagement tout à fait formel.

Pour ce qui est des rives, là j'ai dit que, pour nous, c'est la chose centrale dans ce projet de loi que le député de Jonquière a appelé une une loi omnibus. J'ai servi cinq ans dans l'Opposition. Je pourrais lui montrer certaines lois omnibus. Une loi omnibus de seize articles. Quelle loi omnibus! Seize articles, quelques pages. Est-ce qu'il aurait voulu qu'on ait quatre projets de loi pour les seize articles? À ce moment-là, il serait venu me dire: Vous me faites venir quatre fois ici, faire quatre discours en Chambre pour quatre petits articles. Là, on en a mis seize ensemble. Ce n'est pas la fin du monde. Certains sont des articles de concordance.

Mais j'ai situé deux points majeurs là-dedans. La tarification des sites d'élimination de déchets, une question technique, mais surtout la responsabilité pour la politique des rives. Je vais m'attarder un peu là-dessus parce que les critiques de l'Opposition ont dit: Ah! À un moment donné, vous imposez des choses aux autres ministres, aux ministères, vous faites le policier, comme ont dit les deux derniers orateurs. En même temps, on me dit vous n'êtes pas assez ferme avec les autres ministres et ministères. Il faut se brancher.

Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai été critique de l'Opposition sur l'environnement lorsque les marais de Kamouraska ont été remblayées. Je sais qu'il y en a certains, même de notre côté, qui croyaient que c'était une bonne chose. Je trouve qu'avant de remblayer un marais tellement précieux, qui était un habitat de la faune particulièrement précieux pour tout le Québec, pour toute l'Amérique du Nord, pour tout le monde peut-être, pour les espèces qui gravitaient là et qui naissaient là... Lorsqu'on a vu le débat sur les rapides de Lachine où le gouvernement a travaillé sur le projet Archipel, alors qu'il avait dépensé 50 000 000 $ et plus pour une étude pour faire un projet hydroélectrique dans les rapides de Lachine qui allait détruire cet écosystème précieux entre tous dans la

région de Montréal, surtout dans les régions urbaines.

Là j'ai vu l'impuissance du ministre de l'Environnement d'alors, M. Léger et ensuite aussi M. Ouellette. Je n'ai jamais entendu ces deux personnes défendre - malgré que je sois le seul à l'avoir fait comme député de l'Opposition - les rapides de Lachine ou le site de Kamouraska pour ne parler seulement que de ces deux-là. Je pourrais parler du lac Saint-Pierre et je pourrais parler de toutes sortes de choses. Aujourd'hui, nous venons, pour la première fois dans l'histoire du Québec, consacrer, formellement, la responsabilité entière dans une loi du Québec, le symbole même de l'expression gouvernementale à son plus haut point.

La protection des rives du littoral des plaines inondables, ce n'est pas peu de choses. On a dit: Ou bien d'un côté on me dit: Vous n'êtes pas assez fort par rapport aux autres ministres. D'un autre côté, le même parti me dit: Vous imposez trop, vous êtes le policier. Quelle est la réponse? La réponse est bien claire. Dans un article de loi, nous disons ceci: "La responsabilité totale, intégrale, éventuelle et de toujours, jusqu'à ce que cette loi soit changée - et j'espère qu'elle ne sera jamais changée dans l'histoire du Québec - de la protection des rives du littoral et des cours d'eau qui assurent eux-mêmes la protection de nos eaux, la protection de tout notre littoral dans tout le territoire, tout ce qui n'est pas déjà bâti, tout ce qui n'a pas déjà été saccagé à cause des fautes du passé. Malheureusement, on ne peut pas revenir en arrière. Mais au moins, on peut protéger pour les futures générations, on peut protéger l'avenir. Pour la première fois on vient dire: C'est le ministre de l'Environnement qui est responsable de cette politique. Quoi de plus clair!

Mais en même temps, nous convenons et nous disons - et là quant à moi je m'en félicite, j'en suis très heureux: Nous, au ministère de l'Environnement, on ne peut pas aller faire tout et partout. On n'a pas les ressources. On ne voudrait même pas aller le faire parce que, si on peut le faire mieux par le travail des autres, si on peut faire mieux en nous appuyant sur les autres, si on peut faire mieux en coopérant avec les autres, on multiplie et qu'il y a un effet multiplicateur. C'est pourquoi dans la société il ne faut jamais tout faire soi-même. Je ne suis pas le bon Dieu, je ne suis pas une personne qui peut tout faire soi-même. Je préfère de beaucoup travailler avec mes collègues, au lieu de travailler contre eux, au lieu d'être toujours en bataille, ce qui s'est produit dans le gouvernement antérieur où le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation était tellement puissant que les autres ministres avaient peur de ce qu'il disait. On ne faisait pas de Loi sur les pesticides parce qu'il n'en voulait pas dans le monde agricole.

On faisait le remblai de Kamouraska parce que le ministre de l'Environnement ne pouvait pas s'imposer. On faisait le projet de Lachine, - des rapides hydroélectriques parce qu'il ne pouvait pas s'imposer. On faisait toutes sortes de choses. On ne faisait pas de projet de rives, parce qu'on ne pouvait pas imposer cela au ministre de l'Agriculture. Sans doute qu'il ne voulait pas. Là au contraire, je vais avoir le concours de mon collègue qui va mettre de l'argent dans le programme Sol-Plus et autres pour protéger, justement, les rives. Je sais qu'on commence avec trois mètres, mais trois mètres, c'est déjà beaucoup. Les agriculteurs eux trouvent cela immense. Ce sont des milliers et des milliers d'acres et d'arpents qu'il faudra aller retrouver et redonner à la protection des rives.

Là, nous essayons de convaincre tous ces intervenants en leur disant: Si vous ne le faites pas, si vous ne protégez pas cette bande essentielle au bord des cours d'eau, elle va disparaître de toute façon parce qu'elle va partir à la rivière, comme cela s'est fait durant les années de négligence.

Je suis fier et content que mon collègue des Forêts soit venu parler ici. Au lieu de montrer que je suis plus faible, cela démontre que nous travaillons ensemble, que l'objectif est le même. Cela démontre aussi que le ministre de l'Environnement est responsable de la politique et que les autres l'acceptent tout en travaillant dans leurs domaines respectifs à promouvoir le même objectif.

Je voudrais, pendant les quelques minutes qui me restent, parler de cette question qui est véhiculée dans le décor depuis plusieurs mois déjà, parce que je pense que les gens qui le disent commencent à réaliser que beaucoup de choses se font dans l'environnement. Quelle est l'opposition que vous pouvez faire quand vous voyez toutes sortes de choses se faire? À ce moment-là, il faut dire: Bien lui, il ne se tient pas debout; il travaille à travers les autres ministères; celui-là fait telle chose et celui-là telle autre chose; l'environnement passe en second, comme ce qu'on a entendu de la part des trois intervenants du milieu. Je dois dire en faveur du député de Terrebonne, le critique de l'Opposition, qu'il le dit de façon convaincue mais il le voit peut-être différemment de moi.

C'est pourquoi je veux mettre l'accent sur les choses que nous avons faites. Nous sommes une équipe de résultats. On ne se prend pas au sérieux au Conseil des ministres ou dans le caucus libéral; on n'a jamais voulu, chacun de nous, faire la vedette; je ne suis pas une vedette, mon collègue ici n'est pas une vedette et mon collègue de là n'est pas une vedette; chez mes collègues

députés, personne n'est vedette. On veut faire des choses. Nous avons décidé que faire des choses ensemble, c'est beaucoup plus facile que de faire des choses à l'encontre l'un de l'autre. Cela, j'en suis convaincu et je me battrai pour cela pour toujours. Et je voudrais, en toute conviction, dire à mes collègues de l'Opposition: Citez quelque chose qui s'est fait dans le cadre du ministre de l'Environnement. Ses ressources ne sont pas immenses. En fait, on dit toujours qu'il y a des ressources bien manquantes dedans et je le conçois. Mais, en même temps, il faut voir qu'il y a des problèmes partout, dans la Santé et les Services sociaux, dans l'Éducation et ailleurs, mais un jour viendra où on aura plus d'argent. (17 h 50)

En attendant, avec les moyens et les effectifs que nous avons, je voudrais citer quelque chose que nous avons fait. Quand je suis arrivé au ministère, dans le cas de la ville de La Salle, la grande question des dépôts toxiques était restée en suspens. Pour une raison ou une autre, il n'y avait pas de décret gouvernemental. Nous avons fait signer ce décret-là tout de suite. On a mis de l'argent. On a passé à travers le Conseil du trésor; j'ai été m'y battre, le gouvernement m'a appuyé, l'affaire a commencé, il y a eu une action. Cela a été la même chose dans le cas de Rivière-des-Prairies où il y a eu un site où il a fallu transiger. On a été chercher la compagnie Esso, on a été chercher une compagnie à numéro; on leur a fait mettre dedans 1 500 000 $; on s'est assis avec elles et elles ont signé une entente avec nous. Je pourrais citer la loi sur les non-fumeurs qui était restée sur les tablettes pendant des années parce que le ministre de l'Environnement n'avait pas le courage de le faire puisque ses collègues, et surtout le premier ministre, étaient des gros fumeurs. Alors, cela n'arrivait jamais.

Nous aussi, nous avons beaucoup de fumeurs dans le caucus des députés. J'ai été convaincre mes collègues et ils ont accepté le bien-fondé d'une loi qui protège la majorité des gens qui ne fument pas au Québec. On a eu la loi sur les non-fumeurs. Cela s'est fait par le ministère de l'Environnement. Je peux lui parler aussi de la politique des BPC, des deux dépôts de BPC à Shawinigan et à Saint-Basile-le-Grand, pour laquelle je me suis battu pendant des années quand j'étais critique de l'Opposition. Rien ne s'est fait pendant des années. Depuis que nous sommes arrivés, je pourrais vous dire, si j'avais le temps, toutes les mesures qui ont été prises pour rectifier ces dépôts inefficaces, pour être la première province du Canada, comme dans le cas des non-fumeurs, soit dit en passant, à établir une politique sur les BPC qui va nous donner dix ans pour l'élimination des BPC. Je pourrais citer le cas de l'entente sur Noranda, l'entente sur les pluies acides, les ententes industrielles avec Tioxide NL Chem et récemment avec QIT Expro, le programme 3-R pour le recyclage dans les écoles. Je pourrais citer le contrat de FAPEL, la première fois que nous avons donné un contrat à un mouvement environnemental pour faire des choses que le ministère faisait avant, coûtant moins d'argent et mieux faites.

Je pourrais parler du programme des réserves écologiques où nous allons créer 38 réserves écologiques quand il y en a seulement 13. Dans trois ans, il y en aura 51. Déjà, nous avons un programme pour en créer 12, autant qu'on en a créé depuis 1974. Je pourrais citer le projet Saint-Laurent où le premier ministre nous a appuyés. On est allé mettre de l'argent tout de suite au Secrétariat à la valorisation du Saint-Laurent. On a eu tout le monde industriel avec nous. On a tous les ministres du gouvernement. Mon collègue des Transports m'a prêté le Secrétariat à la valorisation du Saint-Laurent pour faire ce travail. Enfin, je pourrais citer la Loi sur les pesticides qu'on vient de débattre maintenant qui a été sur les tablettes pendant des années et là, pour la première fois, il y a une volonté gouvernementale.

Tout cela ne s'est pas fait par magie et cela ne s'est pas fait par des faiblards. Cela s'est fait parce qu'on a une volonté, nous, de faire de l'environnement au Québec et de faire valoir la qualité de la vie. Le premier ministre y croit, tous mes collègues y croient, nous y croyons tous. Je vais défendre à jamais cette politique qui va faire que de plus en plus nous allons travailler en coopération. Nous allons travailler non pas pour crier fort, nous allons travailler pour faire des choses, pour obtenir des résultats parce que ce qui compte pour nous avant tout, c'est la qualité de la vie de nos citoyens, surtout celle des générations à venir. De cela, je suis convaincu jusqu'à ma dernière goutte de sang. Je sais que mes collègues partagent cette conviction au plus haut degré. C'est pourquoi, je pense, nous commençons de plus en plus à travailler, à réaliser des choses et, petit à petit, nous faisons des pas en avant très significatifs. Merci.

Une voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Environnement. Le débat étant clos, est-ce que le principe du projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, est adopté?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je fais motion pour que le projet de loi 19 soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Blais: Adopté, mais j'aimerais, s'il vous plaît, être sûr que le projet de loi 27 passera à la commission avant le projet de loi 19.

La Vice-Présidente: M. le leader ajoint du gouvernement.

M. Lefebvre: J'ai des avis, Mme la Présidente, en ce sens. J'avise cette Assemblée que ce soir, à compter de 20 heures jusqu'à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: Projet de loi 27, Loi sur les pesticides et le projet de loi 19, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement.

La Vice-Présidente: Est-ce que cela vous satisfait, M. le député de Terrebonne?

M. Blais: Adopté.

La Vice-Présidente: Donc, il y a motion pour déférer le projet de loi 19 à la commission de l'aménagement et des équipements. Ceci étant adopté, compte tenu de l'heure, nous allons donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 20 h 6)

La Vice-Présidente: Vous pouvez vous asseoir. Nous allons reprendre nos travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 9 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 23 Adoption du principe

Le Vice-Présidente: À l'article 9 de notre feuilleton, le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports.

M. le ministre des Transports.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Comme vous pouvez le constater, Mme la Présidente, c'est un projet de loi qui reçoit déjà l'assentiment de tous mes collègues ici présents...

Une voix: Y compris l'Opposition.

M. Côté (Charlesbourg): ...y compris l'Opposition, puisque c'est très manifestement un projet qui est attendu depuis déjà fort longtemps.

Essentiellement, le projet de loi 23 vise à faire en sorte que nous adoptions, sur le plan législatif, la clause 75-25 qui, depuis déjà de nombreuses années, est revendiquée par tous les artisans du Québec comme principe puisque, par la suite, personne ne pourra plus contester cette clause 75-25.

Bien sûr, nous n'avons pas besoin de parler longuement du travail de camionneur artisan, donc dans le domaine du vrac, pour se rendre compte que cette industrie est partout dans le Québec et a un impact tout à fait significatif dans l'ensemble des régions du Québec.

Puisque cette pratique se fait par territoire désigné, et nous verrons tout à l'heure ce qui arrivera de l'autre partie, puisqu'à partir du moment où nous aurons très clairement défini et déterminé que la clause 75-25 fera partie de nos lois, donc consignée dans une loi, nous verrons et je donnerai quelques explications là-dessus, ce qui arrivera par la suite quant au reste de la pratique de manière très brève puisque nos consultations ne sont pas encore terminées.

D'abord, on peut se poser une question, et je veux l'éclaircir dès le départ pour qu'il n'y ait pas d'équivoque. Plusieurs députés ont reçu, à leur bureau de comté, la visite de camionneurs artisans ou de leur représentant de poste ou sous-poste disant craindre que, dans cette vague de déréglementation, le vrac puisse être déréglementé de manière totale laissant ainsi à eux-mêmes les travailleurs artisans qui, depuis quelques années, ont un travail protégé.

J'ai eu l'occasion de rencontrer des représentants des postes, des sous-postes de toute la province, des gens de l'ANCAI, il y a environ deux mois et demi, et je leur ai fait part, à ce moment, qu'il n'était pas dans l'intention du gouvernement de déréglementer le vrac, mais qu'il était plutôt question de déréglementer le transport des marchandises.

Il est donc très clair - et c'est de manière très officielle, ce soir, puisque c'est par l'entremise de nos débats télévisés - que le gouvernement n'a pas l'intention de

déréglementer le vrac. C'est clair. La plus belle preuve en est que, si on déréglementait le vrac aujourd'hui ou dans deux ou trois mois, on n'aurait pas besoin d'introduire devant cette Assemblée le projet de loi 23 qui fera en sorte que l'on va faire une loi de la clause 75-25. Donc, le règlement 12 continue d'exister, mais il sera, au cours de l'été, nous l'espérons bien, rajusté, remodelé, un peu dépoussiéré, compte tenu d'une vaste consultation que nous menons maintenant qui a permis à des hauts fonctionnaires du ministère d'aller rencontrer des représentants des postes et des sous-postes partout au Québec et de faire un inventaire de la situation - ce qui ne s'est jamais fait - des quelque 10 000 détenteurs de permis de vrac au Québec et les 7000 titulaires de ces permis.

Cela veut dire que c'est une industrie qui, effectivement, est très fortement entre les mains d'individus, de simples individus qui y gagnent leur vie dans tout le Québec. Ce que nous menons comme expérience actuellement, c'est la cueillette de toute une série d'informations qui ont permis aux gens du ministère de rencontrer quelque 264 intervenants dans une tournée partout au Québec. Aux dernières nouvelles, au dernier rapport que j'ai eu, il ne restait à rencontrer que les représentants de la Communauté urbaine de Montréal et ceux de la Communauté urbaine de Québec avant que cette tournée provinciale soit terminée.

Parallèlement à cela, afin d'aller chercher le plus d'informations possible et qu'elles soient le plus près possible de la vérité, j'ai demandé au ministère de mener, par l'entremise d'une maison professionnelle, des conversations téléphoniques pour connaître les pratiques et les usages des artisans dans tout le Québec, pour être capable de se faire un portrait de l'ensemble de l'industrie de même que de l'artisan type, pour être capable de connaître leur appréciation des postes, des sous-postes, la manière dont cela fonctionne et pour faire en sorte, aussi, qu'on connaisse mieux les retombées de cette pratique, où elle se fait bien, où elle se fait moins bien, quels sont les bons côtés, quels sont les mauvais côtés et ce que les détenteurs de permis souhaitent comme réaménagement au niveau du règlement numéro 12.

Ce ne sont donc pas 400 répondants, mais 2000 répondants artisans qui ont été rejoints par téléphone et qui ont effectivement répondu. Il a fallu interroger au-delà de 3000 personnes pour en trouver 2000 qui acceptent de répondre et de donner le fruit de leur expérience et de leur vécu dans le domaine du vrac. Cette partie est maintenant terminée; il reste au ministère à faire l'analyse de l'ensemble de ces données et de dégager un certain nombre de consensus et de correctifs à apporter au règlement 12 de telle sorte que nous puissions très prochainement rencontrer à nouveau les représentants des intervenants, que ce soient les gens de l'ANCAI ou les gens représentant les postes ou les sous-postes pour tenter d'en arriver à un terrain d'entente en termes de pratique et faire en sorte que cette industrie soit bien campée sous une nouvelle loi sur le plan législatif qui va faire en sorte que la clause 75-25 ne soit plus contestable et que, deuxièmement, la pratique en vertu du règlement 12 soit rajeunie, modifiée, simplifiée et qu'il soit plus à l'écoute de la réalité d'aujourd'hui que de celle d'hier. Dans ce sens, c'est une démarche qui devrait aboutir le plus rapidement possible.

J'aurai, au cours de la semaine prochaine, des rencontres en particulier avec les gens de l'ANCAI qui ont souhaité nous rencontrer parce qu'ils vivent actuellement un certain nombre de problèmes au Saguenay—Lac-Saint-Jean. J'ai eu l'occasion de discuter avec M. Morin, le président de l'ANCAI, pour lui faire part qu'il y avait effectivement des problèmes. Nous le savions mais il fallait faire ce qui n'avait jamais été fait jusqu'ici, soit avoir entre les mains de vraies données sur l'industrie, ce qu'elle est, sur sa pratique et faire en sorte qu'on puisse discuter de certains accommodements et de certains aménagements du règlement 12 qui satisfassent à la fois les artisans eux-mêmes et aussi les entrepreneurs qui ont besoin d'artisans. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas une harmonisation de cette pratique en accord avec les utilisateurs et les artisans eux-mêmes, on risque de toujours se retrouver avec des confrontations devant les tribunaux qui, effectivement, ne mènent nulle part. On l'a vu dans le cas de la clause 75-25 qui était incluse dans les devis, les appels d'offres et les contrats du gouvernement et qui a été contestée par un citoyen du comté de Joliette qui a vu son point de vue triompher devant les tribunaux. Le ministère a dû faire appel de cette décision, de ces trois décisions de trois différents juges de la Cour supérieure pour faire en sorte qu'on puisse maintenir l'équilibre social qui est très important et faire en sorte que ces artisans, qui sont partout dans le Québec, ne voient pas arriver chez eux des entrepreneurs qui pourraient amener avec eux des camions provenant de Québec et de Montréal pour aller faire du travail en Gaspésie, pour aller faire du travail sur la Côte-Nord, alors qu'il y a là des artisans très équipés, consciencieux, capables de faire ce travail, et c'est ce travail-là que nous voulons protéger pour l'ensemble de cette industrie qui est répartie partout dans le Québec.

Donc, ce projet de loi 23 a pour objet d'autoriser le ministère des Transports à inclure dans les contrats donnés par

soumissions publiques pour des travaux de voirie une clause de protection favorisant la participation des titulaires des permis de camionnage en vrac. Ce projet de loi vise également à valider cette clause de protection lorsque, par entente, une municipalité est maître d'oeuvre des travaux effectués, des travaux de route. Si, par exemple, le ministère des Transports signe un protocole d'entente sur la route 132, pour des travaux à être effectués par la municipalité, par exemple par la ville de Grande-Rivière, ou par la municipalité de Saint-Charles-Borromée, dans le comté de Joliette - ce qui préoccupe aussi le député de Berthier - il est clair que ce protocole d'entente qui pourra être signé, qui a été signé et qui sera exécuté fera l'objet de cette précaution, de ce projet de loi, et devra, par conséquent, respecter la clause 75-25.

La petite histoire nous rappelle que trois jugements devant la Cour supérieure ont fait en sorte que cette clause 75-25 qui avait été incluse dans les contrats par l'ex-ministre des Transports que j'ai eu le plaisir d'accueillir la semaine dernière à l'Assemblée nationale, M. Lucien Lessard, qui, devant un blocus systématique du Parlement de la part des artisans dans tout le Québec... L'histoire nous rappelle que l'ANCAI, qui a été fondée à la fin de 1969, a pris un pouvoir tout à fait exceptionnel au cours des années soixante-dix et menant jusqu'en 1976. L'ANCAI s'est donc retrouvée comme une association extrêmement forte dans tout le Québec et c'est sous le régime ou le règne de M. Lucien Lessard, ex-ministre des Transports, et devant le blocage systématique de l'arrondissement du Parlement, devant des négociations qui se sont déroulées au bureau du ministère des Transports - je me demande même si le député de Joliette n'était pas un de ceux qui ont participé à cette négociation ardue - qu'on est venu à la conclusion et à une entente qu'effectivement cette clause 75-25 serait incluse dans les contrats du ministère sans protection législative, ce qui était probablement, à l'époque, une décision fort sage qui s'inspirait du temps et qui, aujourd'hui, doit être traduite sur le plan législatif pour la mettre à l'abri de toute contestation sur le plan juridique.

Mais, ce qui est arrivé aussi, cela a été de décider de créer des postes et sous-postes, ce qui a fait que le pouvoir de l'ANCAI qui était très puissant auparavant s'en est trouvé beaucoup affecté et que l'ANCAI s'est retrouvée dans tout le Québec avec une représentativité beaucoup plus faible, laissant aux postes et sous-postes beaucoup plus de pouvoir, beaucoup plus d'autorité puisque ce sont eux qui donnent le travail, ce sont les donneurs de travail, ce sont les répartiteurs de travail aux différents camionneurs, ce qui fait en sorte que certaines questions se posent sur certaines méthodes. Ce n'est pas généralisé partout au Québec, mais une chose est certaine, il y a quand même certaines critiques à l'égard de ce système, que nous tenterons de réqler avec la consultation que nous faisons et les amendements que nous apporterons au règlement 12.

Donc, ce sont trois jugements. Celui du 10 décembre 1979 du juge Jean Moisan venait contester la validité de la clause 75-25; celui du 16 décembre 1981 du juge Denis Lévesque, même chose, contestait; finalement, le dernier, du 11 juin 1986, du juge Jean-Claude Nolin, a effectivement reconnu que le ministère des Transports ne pouvait pas imposer, puisqu'il n'y avait pas d'assises légales quant à la clause 75-25. (20 h 20)

Cette clause est extrêmement importante pour les camionneurs artisans. C'est la survie des camionneurs artisans dans tout le Québec. Les travaux touchés par cette clause représentent une importante part du nombre d'heures travaillées annuellement. Nous aurions pu continuer de contester, aller en appel des jugements prononcés, pour ainsi perpétuer cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des camionneurs artisans. Nous avons donc choisi la justice et l'équité. Nous avons choisi une solution durable en faisant en sorte que cette clause, qui, aujourd'hui, est reconnue, soit protégée par une loi, ce que nous faisons ce soir.

La loi vise aussi à s'assurer que les gens qui travaillent dans cette industrie puissent récolter le fruit de leur travail. Effectivement, il serait possiblement plus facile pour certains gros entrepreneurs de transporter leurs camions et de faire leur propre travail sur des chantiers dans des régions éloignées, là où il y a effectivement de gros travaux, que de les confier à des artisans. Mais il est bon de se rappeler que si des entrepreneurs ont eu cette tendance au cours des dernières années, c'est qu'il n'a pas toujours été facile pour les entrepreneurs de se faire respecter par certains groupes d'artisans aussi. Et ça a brassé, il faut bien se le dire, sur certains chantiers. Sur la 132, dans le comté de Gaspé, ce qu'on appelait communément avant Gaspé-Nord, ça s'est tabassé sur la gueule comme il faut - pour en avoir eu des échos - et ça n'a pas toujours été du joli. Dans ce sens, je pense que ce n'est pas le moyen de faire progresser de manière harmonieuse l'application de cette clause 75-25. Le moyen, c'est de le mettre dans une loi, comme nous faisons actuellement, et de faire en sorte, qu'à la fois, entrepreneurs et artisans puissent se retrouver éventuellement à une table où il y aura discussion quant aux mécanismes de répartition du travail, quant aux possibilités d'appel d'artisans et qui fera en sorte que la paix soit un peu plus calme.

Je ne connais pas beaucoup d'entrepreneurs qui auraient avantage à avoir dans leur cour des vingtaines, des cinquantaines de camions qui coûtent extrêmement cher par rapport à des artisans qui sont là et qui peuvent rendre le travail disponible dans la mesure où ils ont un bon rendement. Le problème se pose si on paie à forfait ou si on paie à l'heure. Le rendement est fort différent, semble-t-il, dans la pratique. Ce sont des questions que nous nous devons de nous poser. Nous nous les poserons effectivement à une table commune lorsque les deux parties seront invitées à venir dialoguer et nous ferons en sorte que leur différend, étalé sur la table, puisse trouver des solutions applicables qui permettront que cette industrie puisse pratiquer son métier de manière beaucoup plus efficace et davantage respectée par les entrepreneurs.

Donc, il est clair que ce principe... Ce n'est jamais blanc ni noir, d'un côté comme de l'autre. Ce que nous avons vu, c'est qu'il y a des problèmes des deux côtés. Dans ce sens, notre objectif à nous, mon rôle à moi comme ministre des Transports n'est pas d'opposer les intervenants, mais davantage les asseoir à la table et faire en sorte qu'on puisse s'entendre. Un geste aujourd'hui est posé très clairement en faveur et pour les artisans du Québec dans le sens de ce qui était réclamé depuis de nombreuses années: la clause 75-25 inscrite dans un projet de loi sera chose faite à compter des prochains jours et protégera leurs acquis. Bien sûr, on pourrait aller plus avant et faire en sorte qu'on se rende à la volonté que tous les travaux municipaux et tous les travaux d'assainissement des eaux puissent être inclus dans la clause 75-25.

Ce que j'ai voulu faire par ce projet de loi, c'est d'abord s'assurer que l'on conserve les acquis, la pratique d'aujourd'hui, et qu'on puisse, par la suite, définir le mode d'exploitation, de telle sorte que l'on puisse, éventuellement, examiner de plus près la possibilité d'en ajouter. Mais, selon l'attitude que nous aurons et la pratique que nous connaîtrons à partir du moment où nous aurons revu et rajusté le règlement 12, à ce moment-là, on pourra envisager d'autres ouvertures ou, du moins, je pourrai envisager de parler à mon collègue des Affaires municipales ou à celui de l'Environnement quant au prolongement possible de l'application de cette clause 75-25.

Il est clair que le courtage et même le courtage - c'est cela dont il faut se rendre compte - après avoir subi l'assaut quant à la clause 75-25 qui a été reconnue comme non valide par trois juges, le juge Barbeau, quant à lui, donnait raison à un plaignant qui venait contester le courtage, les postes et les sous-postes; le juge Barbeau lui a donné raison au mois de janvier.

Nous nous retrouvons donc devant à peu près la même situation où nous sommes allés en appel et c'est clair: en appel, le temps de régler les problèmes que nous devons régler au chapitre des postes et sous-postes et du règlement 12 et de faire en sorte que cette pratique soit réglementée de manière convenable pour les utilisateurs et pour ceux qui en profitent.

Donc, Mme la Présidente, vous conviendrez avec moi que c'est un geste extrêmement important qui est franchi ce soir par la proposition à cette Assemblée d'adopter le principe, en deuxième lecture, de reconnaître la clause 75-25 de manière législative afin de la protéger dans le temps contre les jugements qui lui seraient défavorables et faire en sorte que ces artisans, partout dans le Québec, puissent bénéficier de manière durable et équitable de cette partie de travaux qui, pour 75-25, leur accorde un minimum de base un peu partout au Québec et fait en sorte que plus personne ne pourra le contester sur le plan juridique et que plus personne, par conséquent, ne pourra le contester sur le plan de l'application et que le ministère des Transports, quant à lui, de même que les municipalités jouissant de protocoles d'entente avec le ministère des Transports quant à des travaux à être effectués sur le système routier, seront obligés de le respecter.

C'est donc ce soir, effectivement, la victoire des artisans, la victoire, dans un premier temps, de ceux qui gagnent leur vie avec un camion dans tout le Québec et, il faut le dire aussi, de certaines autres personnes qui ont un permis et un camion mais qui le font exploiter par d'autres, et il y en a: un pompier, un professeur d'école, un avocat. Certains avocats se sont spécialisés dans ce domaine bien sûr, on n'en est pas dupe. Lorsqu'on pourra sortir avec le portrait de l'industrie, globalement, on sera à même de constater un certain nombre de choses qui jusqu'à maintenant n'étaient pas connues du public ni même, j'imagine, de l'organisation des transporteurs artisans. On pourra faire en sorte qu'on ait un véritable portrait de l'industrie des artisans. La deuxième étape, celle qui suivra celle de ce soir, sera définitivement le règlement 12 qui sera très prochainement revu après une consultation très large, à la fois des gens qui pratiquent ce métier et des gens qui utilisent ces camionneurs artisans, tout cela chapeauté par les entrevues téléphoniques auprès de 2000 artisans, qui fera en sorte que nous aurons un portrait assez fidèle de ce qui se passe dans cette industrie et des amendements souhaités et possibles en ce qui a trait au règlement 12. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre des Transports. Mme la députée de

Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Mme la Présidente, il faut constater que cette industrie du camionnage en vrac, une industrie d'une importance majeure quand on pense simplement que près de la moitié des entreprises de transport public sont dans le vrac, est actuellement l'objet d'une incertitude qui la mine assez profondément. Évidemment, plusieurs facteurs - nous allons rapidement les examiner ce soir - créent cette situation d'incertitude. L'un des facteurs importants est certainement le rôle joué par les tribunaux dans l'invalidation des règlements. Pensons entre autres à ces deux règlements stratégiques qui fondaient l'industrie du camionnage en vrac, à savoir la directive ministérielle concernant la clause 75-25 - on aura l'occasion d'y revenir - de même que le règlement affectant les postes et les sous-postes qui répartissent le travail dans le camionnage en vrac.

(20 h 30)

Je pense bien que c'est assez troublant de se rendre compte qu'à chaque fin de session, nous sommes appelés ici à l'Assemblée nationale à examiner des projets de loi qui consistent à nous mettre à l'abri des jugements des tribunaux. Moi, quand il y a quelques années maintenant j'ai fait mes études de droit et obtenu ma licence de droit, je me rappelle que la formation qui nous était donnée consistait à rechercher l'intention du législateur pour être en mesure de défendre adéquatement le client qu'on avait à représenter. Maintenant, c'est le législateur qui cherche à se mettre à l'abri, à se protéger de l'interprétation que les tribunaux feront de ses intentions. C'est au point où des directives ministérielles doivent être mises à l'abri dans des règlements habilitants qui eux-mêmes doivent trouver protection à l'intérieur de lois qui, elles-mêmes, doivent être protégées par des clauses "nonobstant". Alors, c'est une sorte de mouvement perpétuel, et je pense ne pas me tromper en constatant que, depuis un an et demi, nous sommes, à chaque fin de session, appelés à régulariser, par des projets de loi, des directives, des règlements, des dispositions législatives qui sont invalidés par les tribunaux.

En l'occurrence, ce soir, nous examinons le projet de loi 23 modifiant la Loi sur le ministère des Transports qui comprend essentiellement trois articles. Ces trois articles ont pour effet de reconduire une clause de contrat, une clause dans les cahiers des charges et dans les devis des soumissions publiques, clause qui constitue une condition pour obtenir un contrat de voirie et qui prévoit que les entrepreneurs doivent donner à contrat le transport, concrètement, du sel, de la terre, du gravier, ce qu'on appelle les matières granuleuses, en haut de la ligne d'infrastructure. Pour que les gens qui essaient de nous suivre ce soir nous comprennent bien, c'est le transport du sel, le transport des matériaux lors des travaux de voirie.

Depuis très longtemps, depuis au-delà de quinze ans, depuis 1972, que cette directive ministérielle est appliquée dans les soumissions publiques, qu'elle l'est de façon telle qu'elle protège pas seulement les camionneurs artisans parce que, il faut constater qu'après avoir été introduite en 1972 dans les cahiers des charges du ministère des Transports, reconfirmée en 1975, en 1977, ce sont l'ensemble des camionneurs inscrits dans les postes et sous-postes qui ont bénéficié de cette clause de protection. Ce n'est pas qu'une clause en faveur des camionneurs artisans, c'est une clause qui bénéficie à tous les camionneurs qui ont un permis de transport en vrac, qui est réparti par les postes de courtage, les postes et les sous-postes où il n'est pas nécessaire d'être membre de l'association des camionneurs artisans pour en bénéficier.

Mme la Présidente, c'est donc une pratique qui est maintenant en vigueur depuis plus d'une décennie et qui a été invalidée, notamment, par une décision d'un juge de la Cour supérieure de Joliette en juin dernier. Les motifs sont, je pense, à rappeler parce que nous les retrouvons de plus en plus dans les décisions qui rendent nulles et illégales des dispositions de nos règlements. Cette directive ministérielle, dans les cahiers des charges, serait illégale pour le motif qu'il n'y aurait pas d'assise dans les règlements ou dans les lois habilitantes, qu'il n'y aurait pas d'assise puisqu'il s'agirait là d'une clause exorbitante qui donnerait un pouvoir exorbitant, un pouvoir qui violerait la libre concurrence, un pouvoir qui serait une entrave sérieuse au libre jeu de la concurrence, pouvoir qui doit être légalisé dans des dispositions, nous disent les savants juges, de règlements elles-mêmes habilitées par des lois.

C'est d'une certaine façon ce qu'on peut appeler des politiques préférentielles. Tout ce qui est préférence, que ce soit en matière de transport ou dans bien d'autres domaines de l'activité économique ou autre, on retrouve de plus en plus l'invalidation, que ce soit de clauses de préférence d'embauche, de préférence d'emploi, quels qu'en soient les motifs. C'est donc maintenant une sorte d'obsession que nous avons dans cette Assemblée de nous protéger contre l'invalidation de nos propres lois, de nos propres règlements et de ce que nous considérons être les orientations que nous prenons pour en faire bénéficier certains groupes dans la société.

Nous nous trouvons devant ce projet de loi, lequel va donner une assise à la clause

de répartition du camionnage, du transport des matériaux, la clause 75-25. La question qu'il faut se poser, c'est: Qui va répartir? qui sera le donneur d'ouvrage, compte tenu que les postes et les sous-postes au Québec -70 sous-postes au Québec, cinq postes régionaux - avaient ce mandat de répartition, ou plutôt six postes régionaux - qui avaient la responsabilité en vertu d'un règlement dûment adopté, se sont vus écartés par un autre jugement de cour pour le motif que, là encore, cela contrevenait au libre jeu de la concurrence?

Il faut reconnaître que les savants juges sont certainement beaucoup plus restrictifs dans l'interprétation des droits collectifs qu'ils ne le sont dans l'interprétation des droits individuels. Je souhaite que ce soit certainement une crainte qui anime le présent gouvernement en d'autres domaines, y compris en matière constitutionnelle où on a vu également, très récemment, qu'il y avait, là aussi, matière à grande sagesse, compte tenu des interprétations que les tribunaux pouvaient faire des intentions que les législateurs expriment.

C'est donc une industrie qui est minée par l'incertitude, qui l'était et qui attendait avec impatience le dépôt de ce projet de loi qui est venu en cette Chambre le 8 avril dernier. Le ministre des Transports avait informé l'industrie, en septembre 1986, qu'il entendait régulariser la situation lors d'une rencontre qui a eu lieu, à la suite de sa présence remarquée, au congrès annuel de l'Association nationale des camionneurs artisans indépendants à Jonquière l'an dernier. C'est donc depuis septembre dernier qu'était attendue cette clause de régularisation.

Il faut constater que cela ne vient pas entièrement, comme je vous le signalais tantôt, régler la situation puisque le ministre nous annonce que, l'automne prochain, nous aurons à examiner l'ensemble de la réglementation concernant les postes et sous-postes qui répartissent et qui affectent la distribution du travail dans le camionnage en vrac. Nous souhaitons que soient connues les intentions du législateur en cette matière. Quand je vous disais que l'incertitude mine en grande partie cette industrie qui, pourtant, a bien d'autres problèmes et n'avait pas besoin de ces nouveaux problèmes. Elle n'est pas troublée que par des jugements de cour, elle l'est aussi par une sorte de contradiction qui vient des intentions en matière de déréglementation. (20 h 40)

Le ministre des Transports a répété à quelques reprises qu'il n'était pas dans son intention de déréglementer le camionnage en vrac. Je pense qu'il vient de nous le répéter dans son discours de deuxième lecture il y a quelques minutes. Par contre, son collègue responsable de la Déréglementation avait lui-même signé un rapport qui ne semble pas avoir été totalement écarté et qui invitait le gouvernement à déclarer son intention de réaliser une déréglementation totale du camionnage en vrac en matière de permis et de tarifs. Je parle évidemment du rapport Scowen, du nom de son auteur chargé de la déréglementation et adjoint du premier ministre. Il invitait également son gouvernement à éliminer, au plus tard le 1er janvier 1988, le monopole de courtage réservé aux postes et sous-postes, de façon, disait-il, que les camionneurs aient le choix de contracter librement avec les demandeurs de services.

Le ministre des Transports nous dit ne pas avoir l'intention de déréglementer en matière de vrac mais, nous a-t-il dit plus exactement, il a l'intention de réajuster. Alors, il faudrait savoir - et je pense que l'industrie est certainement soucieuse de le savoir - ce qu'entend le ministre par "réajuster" le camionnage en vrac plutôt que de le "déréglementer". Entend-il définitivement écarter les recommandations qui lui venaient de son collègue responsable de la Déréglementation? Quelles sont les suites qu'il entend donner à la consultation qu'il a fait effectuer dans l'industrie? Je pense que nous ne pouvons pas être entièrement satisfaits des réponses que le ministre a apportées ce soir à cette question. Il nous a simplement dit qu'il avait l'intention de le faire, mais il n'a aucunement indiqué en quel sens il entendait le faire. Il y a donc des jugements de cour, il y a plus ou moins l'ombre d'une déréglementation sauvage qui plane sur l'industrie malgré les propos rassurants du ministre des Transports, mais il y a également tout le problème de la responsabilité de la Commission des transports du Québec.

Nous aurons l'occasion, nous a dit le ministre des Transports, d'examiner en commission parlementaire l'automne prochain, cette responsabilité qui incombe à la Commission des transports pour rafraîchir l'ensemble de son mandat. Il faut reconnaître qu'actuellement, en matière de tarifs, c'est certainement une situation sans précédent. Tous les observateurs de cette industrie, l'ensemble des partenaires de cette industrie reconnaissent qu'au chapitre des taux, c'est une sorte de farce assez coûteuse présentement, puisque la loi exige toujours que les tarifs soient déposés et respectés. Tous les observateurs savent qu'ils sont toujours déposés mais jamais respectés et même, ils ne sont pas consultés dans bien des cas. Tout cela se fait au vu et au su de l'ensemble de l'industrie. 11 y a donc matière à intervenir rapidement dans ce domaine, parce que, évidemment, tout cela se fait, il faut bien le constater, souvent au détriment de l'entretien des véhicules et avec des

heures de travail accrues, en supposant qu'il y a des surcharges. Le ministre sait très bien qu'il y a encore de façon fréquente des surcharges et je pense qu'il entend, d'ailleurs, intervenir l'automne prochain sur cette question.

Nous souhaitons qu'il le fasse rapidement de façon que les personnes qui contreviennent, qui violent la loi ne puissent plus le faire impunément et que l'ensemble de l'industrie soit soutenu dans l'effort qu'il fait pour que la réglementation soit respectée. Nous souhaitons... Nous l'avons fait savoir au ministre, d'ailleurs, qui nous a dit avoir examiné la question et avoir l'intention de légiférer de façon que la charge des véhicules lourds soit à la fois sous la responsabilité des transporteurs et de l'expéditeur. Nous pensons que cette responsabilité partagée des infractions serait certainement un moyen efficace de faire respecter la réglementation en matière de charge. Il y a des coûts pour cette violation systématique, des coûts qui sont payés par l'ensemble de la société, des coûts de routes prématurément usées, des coûts en matière d'accidents et des séquelles des accidents, des coûts sociaux qui sont importants. Il est certainement important que, présentement, l'ensemble des intervenants dans l'industrie connaissent les intentions gouvernementales en cette matière afin de renforcer le désir déjà manifesté dans l'industrie de civiliser cette question et de régulariser la question des charges et des poids. Donc, nécessité d'une intervention en cette matière de façon à permettre que les milliers de personnes qui travaillent dans l'industrie... On parle d'au-delà de quelque 7700 emplois. C'est donc là une industrie majeure.

Il faut reconnaître que cette industrie a connu des soubresauts importants. Si le revenu par jour de travail a augmenté, il faut reconnaître qu'il y a eu une baisse considérable du nombre de jours travaillés. En l'espace de quelque cinq années, c'est près de la moitié du nombre de jours travaillés par année qu'ont connue les camionneurs artisans malgré une hausse des revenus par jour, ce qui n'augmente pas substantiellement, en fin de compte, leur revenu annuel.

C'est donc un coup de barre qu'il nous faut donner. Ce projet de loi devant nous n'est, d'une certaine façon, qu'une amorce puisque c'est là la reconduction d'une clause qui était déjà en vigueur et qui va continuer à s'appliquer. Il faut reconnaître que l'industrie ne gagne rien particulièrement ce soir. Elle gagne de ne pas perdre ce qu'elle avait déjà obtenu et elle est inquiète en ce qui concerne certainement la distribution du travail parce qu'il n'y a pas encore nettement d'annoncé le maintien des postes et des sous-postes. Il faut reconnaître que cette industrie a besoin présentement d'être rassurée de façon à pouvoir, notamment, continuer d'investir dans l'entretien du matériel qui, le ministre le sait, se fait assez vétuste présentement et qui a besoin de remplacement.

Nous entendons, et nous l'avons fait savoir, soutenir ce projet de loi en deuxième lecture et en assurer l'adoption rapidement de façon à agir le plus rapidement possible pour régulariser la situation. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Maisonneuve.

M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Mme la Présidente, pour bien comprendre le projet de loi qui est devant cette Assemblée, il faut tout d'abord tracer un portrait de l'industrie du camionnage en vrac pour savoir exactement de quoi il s'agit.

J'aimerais vous rappeler, Mme la Présidente, au cas où vous ne l'auriez pas immédiatement à l'idée, que l'industrie québécoise du camionnage en vrac compte aujourd'hui près de 7700 personnes qui exploitent environ 10 700 permis. Si on considère le chiffre de 50 000 $ comme étant la valeur moyenne d'un camion - il y en a dont la valeur peut atteindre 100 000 $, comme vous le savez, à l'état neuf - on obtient, pour les investissements des équipements dans cette industrie, un ordre de grandeur d'environ 500 000 000 $, soit un demi-milliard de dollars. Ce secteur d'activité est relié directement à tous les grands travaux de construction et de développement dans toutes les régions du Québec. Il est également un élément déterminant dans l'exploitation de nos richesses forestières qui, comme vous le savez, est l'industrie la plus importante au Québec. (20 h 50)

Sur les quelque 10 700 permis qui sont délivrés par la Commission des transports du Québec, environ 10 000, soit la très grande majorité, oeuvrent dans le secteur du camionnage à benne basculante pour le transport du sable, de la terre, du gravier et de la pierre, de la neige, des glaces, du béton bitumineux, de la tourbe à gazon, du sel, des engrais et des fertilisants.

Il reste donc environ 700 permis qui travaillent dans les secteurs du transport des copeaux de bois, des sciures et des planures, du bois en longueur ainsi que du bois de construction. Tous les permis de vrac sont distribués dans toutes les régions du Québec. Par exemple, on en trouve 2143 dans la région 06 situés autour de Montréal et Laval, 1848 dans la région de Québec et seulement 333 dans la région de la Côte-Nord, région

qui compte le moins de permis et qui n'en est pas moins importante sur le plan économique au Québec.

Au cours des années, le secteur d'activité du camionnage en vrac s'est doté d'un encadrement réglementaire détaillé et unique en Amérique du Nord. Au Québec, pour effectuer du transport en vrac pour le compte d'autrui, il faut détenir un permis délivré par la Commission des transports du Québec. Ce permis donne le droit de n'exploiter qu'un seul camion. Il n'est valable que dans la région mentionnée dans le permis. Le gouvernement applique une politique de gel des permis depuis 1977. Cette politique, liée à une surveillance étroite des permis en exploitation par la Commission des transports, a entraîné depuis dix ans une diminution de 2200 permis.

Pour aller travailler de façon temporaire dans une autre région que la sienne, un camionneur doit obtenir, de la Commission des transports, un permis spécial ou additif. Pour changer de région de façon permanente, le camionneur n'a d'autre choix que de vendre son camion dans sa région et d'en acheter un autre dans la nouvelle région où il veut s'installer. Le permis ne donne droit de transporter que les matières qui sont énumérées dans ce permis. Il est interdit à un détenteur de permis de détenir un autre type de permis de transport. Les taux et les tarifs, sauf exception, sont fixés par la Commission des transports du Québec. Le ministre en a dit quelques mots tout à l'heure.

Une structure de postes et de sous-postes d'affectation a été créée, chacun jouissant d'un monopole dans le secteur du courtage à l'intérieur de zones ou d'une région déterminée. On dénombre actuellement 4200 permis VR à l'intérieur de cette structure de postes et de sous-postes. Finalement, le ministère des Transports, dans sa pratique administrative, applique une politique favorisant l'octroi des activités de transport dans des contrats de voirie à des détenteurs de permis VR, membres des sous-postes et des postes d'affectation.

Voilà, Mme la Présidente, l'essentiel de la réglementation mise en place au cours des années et un bref portrait de cette industrie. Cette réglementation a certainement été au cours des années un élément important de stabilité dans l'industrie, ce qui n'implique pas qu'elle a réussi à résoudre tous les problèmes. Tout d'abord, il reste un problème d'application. À titre d'exemple, la Commission des transports du Québec n'a procédé, depuis 1982, à aucune fixation des taux et permis dans le secteur du transport forestier à cause des difficultés intrinsèques au processus et des conditions particulières de ce secteur.

Il faut aussi reconnaître, même si cette réglementation est protectionniste, qu'elle n'a pas réussi à assurer la prospérité à tous les camionneurs si on se fie au peu de jours travaillés par année pour un certain nombre d'entre eux. C'est une chose bien connue.

Il y a finalement des groupes importants de la société, y compris des groupes de camionneurs, qui contestent en tout ou en partie les règles de jeu appliquées dans le secteur du camionnage en vrac. Certains voudraient des modifications allant au renforcement de la réglementation, comme l'accroissement de l'autorité des postes sur les sous-postes, l'application d'une formule Rand aux postes et sous-postes, l'élargissement de la notion de courtage, etc., jusqu'à la déréglementation complète -il y en a qui le souhaitent et qui le disent -du secteur, comme cela existe dans presque toutes les provinces canadiennes.

Finalement, d'autres voient des incompatibilités fondamentales entre notre réglementation et les principes généralement reconnus par la société qui les incitent à recourir aux tribunaux pour faire valider leur point de vue.

C'est ainsi, Mme la Présidente, et le ministre y faisait allusion de même que Mme la députée de Maisonneuve, qu'il y a au moins sept jugements de cour importants qui remettent en cause et qui nous obligent aujourd'hui à légiférer la pratique administrative du ministère ainsi que la réglementation qui en découle en ce qui concerne le camionnage en vrac.

Tout d'abord, Mme la Présidente, dès le 10 décembre 1979 à Sept-Îles, un juge de la Cour supérieure, le juge Jean Moisan, dans la cause Achille Houde contre la ville de Sept-îles, a annulé la résolution de la ville selon laquelle elle s'engageait à respecter la clause 75-25 à l'occasion des contrats de transport. Cela a été suivi en décembre 1981 à Joliette d'un autre jugement du juge Denis Lévesque, de la Cour supérieure toujours, qui, dans une cause qui opposait un citoyen à la ville de Joliette, annulait aussi la résolution de la ville au même effet que pour Sept-îles. Le 11 juin 1986 il y a eu la cause à laquelle le ministre faisait allusion tout à l'heure où le juge Nolin déclarait illégale et de nul effet la clause 75-25 chaque fois qu'elle était introduite par le ministre des Transports dans les cahiers des charges et les devis généraux du ministère à l'égard des travaux de voirie faits par une entreprise. Le 20 mai 1986, le juge Alice Desjardins de la Cour supérieure, dans la cause de Transportbec Inc. contre le Procureur général du Québec qui déclarait invalide l'article 48.1 du règlement sur le camionnage en vrac qui restreint les permis de courtage aux seules corporations sans but lucratif ou associations coopératives. Le 16 décembre 1986, les juges de la Cour d'appel Dubé, Paré et Nichols, dans la cause Charles-Henri Fortier contre Serge Lafleur,

cassait la décision de la Commission des transports à savoir que M. Fortier n'avait pas agi en qualité de courtier et annulait la suspension du permis prononcée par la commission.

Finalement, un dernier jugement le 28 janvier 1987, par le juge Alphonse Barbeau de la Cour supérieure dans la cause Poste de courtage Montréal-Laval et le Procureur général du Québec contre les Transports Laguerre et autres et la ville de Montréal, invalidait la section 4 du règlement sur le camionnage en vrac traitant du courtage en transport adopté sous l'autorité de la Loi des transports. Comme on le voit, Mme la Présidente, la situation est devenue sérieuse et, vous pouvez me croire, ce n'est pas le gouvernement qui a provoqué cette situation, d'aucune façon. Chaque fois que le gouvernement a pu le faire, les substituts du Procureur général du Québec ont toujours été présents en cour pour défendre la réglementation sur le camionnage en vrac chaque fois qu'elle a été attaquée.

Il faut que ce soit bien clair et qu'on sache que le gouvernement a toujours fait ce qu'il devait pour défendre la validité de la réglementation. Les arguments et les principes en cause pour justifier les jugements des juges sont nombreux. Ils ne peuvent être rejetés du simple revers de la main. Il y en a de nombreux et je vais en énumérer quelques-uns rapidement. Il y a, tout d'abord, la Loi sur les cités et villes en matière de travaux publics qui n'autorise pas les pouvoirs publics à imposer une clause 75-25 dans l'exécution d'un contrat obtenu à la suite d'un appel d'offres et de soumissions. Première raison.

Les juges ont aussi envisagé le fait que la clause 75-25 violerait le principe de la libre concurrence en matière de soumission publique. Ils ont aussi étudié l'impact de la clause 75-25 à savoir qu'elle n'avait pas d'assises légales et qu'elle était exclusivement d'utilité administrative puisque non appuyée sur une base législative, à proprement parler. Les juges ont déclaré qu'une ville ne serait pas liée par la structure des postes et sous-postes lorsqu'elle procède par appel d'offres et par contrat. Ils ont aussi établi que l'activité de courtage n'engloberait pas celle du mandataire prévue à l'article 1715 du Code civil. Les juges ont aussi établi, ce qui est déjà bien connu, que le pouvoir de réglementer n'inclut pas le pouvoir de prohiber.

Ils ont aussi établi que le règlement modifiait les lois existantes touchant les sociétés civiles ou commerciales et sur le droit de s'associer librement entre elles. Il y a aussi le fait que la ville de Montréal se retrouverait en contradiction avec sa charte qui l'oblige à aller en soumissions publiques pour adjuger les contrats au plus bas soumissionnaire. Dans la recherche d'une solution à tous ces problèmes, Mme la Présidente, il est important de faire, dès le départ, quelques constatations. Tout d'abord, à ces problèmes, il semble bien qu'il n'existe pas une solution unique et globale. Il semble plutôt qu'il faudrait y apporter plusieurs éléments de solution chacun permettant d'améliorer la solution sur un point particulier.

La pleine collaboration de tous les intervenants semble indispensable pour l'application de ces éléments de solution: du gouvernement bien sûr, c'est entendu, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui en Chambre - mais, également des camionneurs, des administrateurs de leurs associations, des entrepreneurs ainsi que des divers requérants de services. Les seules mesures législatives réglementaires ne pourront pas régler le problème. On ne peut pas tout faire par les lois. On ne peut pas décréter par des lois, la prospérité. On ne peut pas déclarer que des gens vont vivre d'une façon honorable, mais on peut tout simplement mettre en place les éléments qui vont favoriser cette situation.

Il faut s'assurer que, dès son adoption, la loi ne soit pas déboutée, en tout ou en partie, par des jugements de cour comme cela a été le cas précédemment. Les citoyens, c'est entendu, ont le droit de contester les lois qu'ils considèrent ultra vires, qu'ils considèrent anticonstitutionnelles et qu'ils considèrent ne pas avoir été adoptées selon les règles en application. Parfois ils réussissent devant les tribunaux, M. le Président, et c'est à ce moment que le législateur doit intervenir.

Enfin, il va falloir que les camionneurs en vrac, à l'instar de leurs confrères du camionnage général, se donnent davantage une approche de marketing de leurs services. La règle d'or du succès, là-dedans comme dans d'autre chose, dans cette activité commerciale a toujours été et restera celle de la qualité de services à des prix concurrentiels et raisonnables. Tout d'abord, le gouvernement a décidé d'aller en appel des jugements. Je l'ai mentionné tout à l'heure, du jugement Nolin, en particulier, qui rendait illégalle et nulle d'effet la clause 75-25. Ceci a permis au ministre des Transports de continuer à appliquer la clause 75-25 comme il le faisait avant ce jugement. (21 heures)

En second lieu, le gouvernement a également décidé de porter en appel le jugement du juge Barbeau qui invalidait la section du règlement sur le camionnage en vrac traitant du courtage en transport. Et surtout - c'est ce que nous faisons ce soir -le ministre des Transports, tel qu'il l'avait annoncé précédemment, présente à cette Assemblée nationale le projet de loi 23 qui a pour objet d'autoriser le ministre des Transports à inclure dans les contrats qui sont adjugés après demande de soumissions

publiques pour la réalisation de travaux de voirie, une clause de protection favorisant la participation des titulaires de permis de camionnage en vrac à la réalisation des contrats. Ce projet de loi vise également à valider cette clause de protection lorsque, par entente entre le ministre des Transports et une municipalité, cette dernière, agissant pour le compte du ministre des Transports, inclut cette clause dans les contrats de la municipalité. Ces actions permettront, pour le moment, de parer aux principaux inconvénients causés par les jugements.

Notre objectif fondamental demeure et a toujours été d'apporter une solution durable permettant d'améliorer la situation générale dans le secteur du camionnage en vrac et de fournir à ceux qui y oeuvrent des conditions de prospérité qui leur permettront de récolter le fruit légitime de leurs efforts et de leur travail. Cette solution, le gouvernement ne la possède pas dans ses tiroirs. C'est pourquoi le ministre des Transports - il l'indiquait tout à l'heure - a décidé de mener une vaste campagne de consultation auprès des principaux intervenants de ce secteur d'activité, autant les transporteurs que les requérants de services. Cette consultation comprend deux volets: une tournée provinciale dans toutes les régions du Québec et un sondage téléphonique auprès des détenteurs de permis. La tournée provinciale, qui s'est effectuée pendant cinq semaines et qui vient de se terminer, a permis de rencontrer dans les dix régions du Québec des représentants des postes, des sous-postes, des entrepreneurs, des représentants municipaux ainsi que certains autres groupes intéressés ou concernés par le camionnage en vrac. L'objectif principal de ces rencontres était avant tout d'écouter ce que les principaux intéressés avaient à dire.

Au moment où je vous parle, un bilan global n'est pas encore effectué. Je peux néanmoins vous dire que l'expérience a été enrichissante et que, dans l'avenir, les rencontres comme celles-là devraient se répéter d'une façon plus régulière. Il y a aussi un sondage téléphonique, comme on l'indiquait tout à l'heure, qui a été mené auprès de 2000 détenteurs de permis pour savoir exactement ce qui se passe. Dans ces circonstances, je veux vous assurer, Mme la Présidente, que les actions que nous posons aujourd'hui dans cette Assemblée sont de nature à stabiliser la situation dans le domaine du camionnage en vrac; ce n'est pas la solution totale, finale et globale, c'est cependant un pas qu'il nous fallait franchir. Et, dans les circonstances, je veux ajouter mes félicitations à celles de la plupart des intervenants au ministre des Transports pour avoir eu le courage politique de poser ce geste dès maintenant. On peut assurer les transporteurs en vrac que d'autres gestes seront posés en temps utile de façon qu'ils puissent continuer d'exercer leur métier, leur profession, d'y trouver les bénéfices auxquels ils ont droit et qu'en même temps la société puisse assurer les services dont elle a besoin au meilleur coût possible.

Mme la Présidente, il me fait plaisir de vous annoncer ce que vous saviez déjà, bien sûr, c'est que j'appuie sans réserve le projet de loi 23 et qu'il me fera plaisir de voter pour ce projet de loi, tout comme l'Opposition a annoncé qu'elle le ferait.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Louis-Hébert. M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez, dans un premier temps, de confirmer ce que le ministre des Transports disait dans son allocution, à savoir que le député de Joliette était des négociations lors du fameux rassemblement des camionneurs à Québec. Je me souviens des amendements au règlement 11, comme on l'appelait à l'époque; ils avaient fait en sorte que, pour un certain temps en tout cas, nous avions eu une paix relative dans le domaine du camionnage.

Il est évident que le geste que pose le ministre ce soir, en donnant une assise légale à la suite de la contestation devant les tribunaux, vient au moins rassurer les gens sur une portion de travail qui leur était dévolue dans les travaux routiers et je dois vous avouer que, dans certaines régions du Québec, c'est avec un soupir de soulagement à la suite des constatations juridiques. Je pense que l'on viendra rassurer les camionneurs artisans qui, entre vous et moi, depuis quelques années, n'ont pas été gâtés. Ce sont des gens qui, bien souvent l'hiver, font du déneigement; et, mis à part l'hiver dernier, je vous avoue qu'au cours des deux ou trois dernières saisons, ceux-ci n'ont pas eu des revenus faramineux dans le déneigement, ils ne se fiaient que sur le système routier.

Ici, je dois dire que, depuis deux budgets, ce n'est pas le ministre des Transports qui les gâtés non plus. Je comprends que ce n'est pas de sa faute, que c'est sans doute dû à ceux qui préparent les budgets. Quand on se rend compte que dans le budget de 1987-1988 il manque encore 90 000 000 $ pour atteindre l'équivalent des budgets de 1985-1986 et même de 1984-1985, et en argent constant ou pour avoir les mêmes sommes pour faire les mêmes travaux, cela lui prendrait 150 000 000 $ cette année pour correspondre à la dernière année du budget du gouvernement qui a précédé le gouvernement actuel, Mme la Présidente. Donc, c'est bien évident qu'ils ne sont pas gâtés. Je pense que le ministre ce

soir amène un certain baume sur la plaie de ces camionneurs artisans qui, depuis deux ou trois ans, ont souffert passablement.

Cela dit, le ministre reconnaît lui-même qu'il ne règle pas l'ensemble du problème mais qu'il vient régler le champ de travail. Ce soir, il y a des gens sans doute, même dans ma circonscription électorale, qui ne seront pas tellement heureux, c'est évident, parce que le fait de décider qu'il y a une portion qui ira aux artisans, cela enlève à certaines compagnies le soin ou le fait de prendre la totalité de leurs camions dans une autre compagnie mais dont ils sont titulaires également. Ce n'est sûrement pas intéressant pour eux. D'autre part, dans une société, c'est cela le rôle du politique, c'est de procéder à un partage, et comme formation politique nous, on a dit: oui, on est d'accord avec ce partage. En particulier, ce n'est pas seulement pour ma région, c'est même en dehors de ma région. Dans plusieurs régions, si on ne leur avait pas accordé cette clause 75-25 je vous avoue qu'il n'y aurait pas eu grand artisans.

C'est grâce aux travaux routiers dans certaines régions qu'on réussit à faire travailler le camionnage. C'est grâce aux travaux routiers et avec, bien sûr, des petits emplois secondaires ou occasionnels qu'on réussit à vivre du camionnage. C'est évident que dans des régions comme la Gaspésie, comme l'Abitibi, c'est indispensable d'avoir de ces travaux routiers et d'en avoir en abondance pour essayer de faire un salaire minimum décent. Il faut s'imaginer aujourd'hui, le coût de remboursement, quand on achète un camion, on ne joue pas dans les 5000 $ ou 10 000 $. On ne joue pas dans les 20 000 $ l'équivalent d'une automobile aujourd'hui. C'est 70 000 $, 80 000 $ ou 90 000 $. Cela fait des remboursements mensuels extrêmement élevés pour ceux qui vivent de ce secteur industriel. Je vous avoue qu'ils ont besoin, bien sûr, de travaux et de travaux d'envergure. Ils ont besoin de ces 25 %, cette portion qui leur est réservée pour boucler le budget, faire les paiements et faire vivre leurs familles.

Donc, du côté de l'Opposition, cela s'inscrit exactement dans la ligne qu'on a toujours préconisée. Nous avions introduit cela dans un règlement, n'ayant pas d'assise juridique à l'époque parce que ce n'était pas contesté et c'était accepté, mais depuis les contestations juridiques on n'a pas le choix. Cela arrive dans plusieurs lois. Beaucoup de gouvernements commencent par des réglementations pour se rendre compte par la suite que certains utilisent des cours civiles, contestent, décrètent à toutes fins utiles par des jugements et la jurisprudence que c'est illégal. Il faut leur donner une assise juridique. Cela a été le cas énormément de fois au ministère de la Santé où on a dû ratifier par la suite par des amendements législatifs, apporter des assises juridiques à de la réglementation parce que certains centres hospitaliers, à l'époque, contestaient la réglementation du ministère. Il a fallu se donner une assise juridique par une loi pour se donner une force ou une validité au règlement. On retrouve cela dans plusieurs secteurs. Je pense qu'aujourd'hui, c'est bienvenu. Je souhaite au ministre qu'il se tienne debout non seulement pour la clause 75-25 mais pour régler la partie onéreuse qu'il reste à régler, tous les postes de péage et les sous-postes. Je suis persuadé que le ministre, à la suite de la consultation qu'il mène, saura également amener quelque chose de positif pour ce secteur. C'est tout de même au-delà de 4500 individus. Je pense que c'est important que le ministre... On sait qu'il y a 7000 individus, donc c'est encore plus que je pensais, c'est beaucoup dans une société, 7000 personnes. Donc, à ce moment, je suis convaincu que le ministre saura se tenir debout pour régler l'autre partie du dossier qu'il reste à régler. Je pense que c'est important, Mme la Présidente. (21 h 10)

En plus de lui souhaiter cette fermeté, je voudrais également lui souhaiter plus de compréhension de la part de ses collègues, le ministre des Finances et le ministre du Conseil du trésor. Parce que le ministre a dit que le développement économique régional, dont il est aussi titulaire comme ministre responsable du Développement régional, il sait très bien que, dans certaines régions, tous les travaux routiers constituent un apport important au développement régional. Je ne dis pas que c'est le seul apport, mais c'est un apport important dans le développement régional.

Avec un manque à gagner de 89 000 000 $ en argent pour atteindre le budget et de 150 000 000 $ en argent constant pour atteindre le budget de la dernière année du gouvernement qui l'a précédé, je voudrais lui souhaiter de jouer pleinement son rôle de ministre responsable du Développement régional et souhaiter que ses collègues montrent beaucoup de compréhension en ce qui concerne ce dossier. Je suis convaincu qu'il serait le premier à se réjouir dans cette Chambre s'il obtenait l'équivalent en argent constant que le précédent gouvernement avait pour le développement routier, l'entretien routier, etc.

Mme la Présidente, oui, l'Opposition va voter pour ce projet de loi qui légalise, qui donne une assise légale à une réglementation qui existe déjà depuis plusieurs années, mais qui avait été contestée. À ceux qui auraient peut-être de la difficulté à avaler ce projet de loi, je leur demande un peu de compréhension parce que, dans notre société, tant qu'on a permis à des gens d'aller chercher des acquis, il est tout à fait normal

qu'on se préoccupe qu'ils les conservent. D'autant plus que ces gens sont inquiets depuis une bonne année. Avec toute la déréglementation qu'on avait annoncée dans le rapport Scowen, il y a plusieurs camionneurs artisans qui pensaient qu'on n'aurait plus place au soleil, que ce serait exclusivement les multinationales ou les très grosses compagnies qui réussiraient à faire du camionnage en vrac et qu'on prendrait des moyens pour les éteindre un à un.

C'est un pas, je ne dis pas que c'est encore acquis, mais au moins en leur assurant, par la clause 75-25, cette part du gâteau de 25 %, je pense que le ministre, pour être cohérent maintenant, après leur avoir reconnu ce champ de travail, cet apport qu'ils peuvent aller chercher, va leur donner cette sécurité qu'ils exigent maintenant, le droit d'exister en ne déréglementant pas au point où les compagnies pourront faire affaire exclusivement avec les grosses et où les artisans crèveront.

Je pense que, si on donne aux artisans un champ de 25 % qu'ils peuvent accaparer, il faut leur donner la chance, maintenant, véritablement d'exister, de continuer à se battre et à travailler dans leur champ de travail, et faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de travail pour eux.

Donc, l'Opposition va se joindre à cette législation. Mme la Présidente, nous allons voter pour. Comme c'est un projet de loi où il y a très peu d'articles, à toutes fins utiles, parce que ce n'est qu'une assise juridique. Nous avons toutes les chances possibles de voir son adoption avant la fin de la session qui est le 19 juin. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Le Vice-Présidente: Merci, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Mme la Présidente, je voudrais prendre quelques minutes pour joindre ma modeste voix à ce projet de loi 23 qui modifie la Loi sur le ministère des Transports. Je pense que cela a été dit, ce n'est pas parce que le projet de loi est d'envergure, sûrement pas par le nombre d'articles que c'est un projet de loi majeur, important. On est habitué à cela avec ce gouvernement d'avoir des législations plutôt minces, sauf que, dans le présent contexte, c'est une loi majeure, importante, compte tenu du sujet traité.

Compte tenu de l'importance du sujet traité, je pense que tout le monde va convenir que ce projet de loi a son importance pour plusieurs raisons. Il a son importance d'abord pour sécuriser un groupe de citoyens dans la société, compte tenu des habitudes, compte tenu du passé, compte tenu de toutes sortes de dispositions réglementaires ou autres, en leur garantissant un minimum parce qu'il s'agit bien d'un minimum de travail. Et, en conséquence, laisser planer le doute pour ce qui est de la non-garantie que ces gens puissent avoir un minimum annuel de travaux, c'était quelque chose qui ne pouvait pas durer. Et je pense que le ministre avait raison d'assumer ses responsabilités et de consacrer, une fois pour toute, un principe qui, somme toute, puisqu'on a souvent l'habitude de mentionner qu'au Québec ou ailleurs ce qui fait véritablement les lois, au-delà de la loi, c'est souvent ce qu'on appelle les us et coutumes, les habitudes...

Cela fait au moins une vingtaine d'années qu'au Québec on a consacré le principe que puisqu'il existe une industrie du vrac, qui est de plus en plus importante, qui est de plus en plus significative pour l'économie du Québec et qui s'inscrit très bien dans les principes économiques d'un Québec déconcentré, décentralisé, et qui permet que des régionaux puissent, eux aussi, avoir un minimum de garanties contractuelles. Je pense qu'on n'a pas à prendre des heures pour démontrer l'importance de l'industrie du vrac, au sens général du terme. C'est une industrie qui a des retombées économiques importantes, des retombées économiques régionales et qui permet à des régionaux de pouvoir gaqner leur vie un peu plus près de leur milieu familial. En conséquence, il est important de reconnaître l'inquiétude qui existait et de faire ce qui est prévu au projet de loi 23. Comme je l'ai mentionné tantôt, il s'agit d'une toute petite disposition, mais qui est importante, étant donné le sujet traité, et qui dit: Dorénavant, le ministre des Transports pourra inclure, "dans les contrats qui sont adjugés après demande de soumissions publiques pour la réalisation de travaux de voirie, une clause de protection -les mots disent bien ce qu'ils veulent dire -favorisant la participation des titulaires de permis de camionnage en vrac à la réalisation du contrat". "Ce projet de loi vise également à valider cette clause de protection lorsque, par entente entre le ministre des Transports et une municipalité, cette dernière agissant pour le compte du ministre des Transports, inclut cette clause dans les contrats de la municipalité". C'est une disposition extensive qui permet également à des municipalités qui voudraient bien se prévaloir de cette disposition de pouvoir, elles aussi, comme municipalités, confier des contrats et choisir l'industrie du camionnage en vrac tout en respectant la disposition qui est actuellement suivie par le ministère des Transports.

Je ne veux pas être très long là-dessus parce que cela a été mentionné, quoi qu'il y a des gens qui s'adaptent plus, un peu... Les

chiffres sont parfois un peu dépassés. Parler d'un camion à 50 000 $, 60 000 $, je pense que c'est rêver; ce n'est pas cela, le coût d'un camion. Il n'y a plus grand-chose en bas de 100 000 $ pour un camion moderne, 1987-1988. En conséquence, ces gens ont à supporter des investissements majeurs. Quand on lit, entre autres - je pense que le ministère des Transports est très au courant de cela, et le ministre également - dans quelque revue qui a vraiment fait des analyses sur la situation réelle des camionneurs en vrac, que, tout compte fait, la base de travaux, en moyenne, se situe entre 35, 40 ou 50 jours et, les bonnes années de contrat, c'est 80 jours de travaux sur une base annuelle...

Quand on a à supporter des investissements d'une aussi grande importance que ceux que je viens d'évoquer et qu'on dit, selon les statistiques... Demandez aux responsables de la répartition de travail dans les postes et sous-postes de transport de vrac, ils vous diront qu'ils refilent, bon an mal an, à peine 50 à 80 jours de travail à chacun des camionneurs cotisants. Comme je vous l'ai dit, ces gens ont à supporter des investissements pendant toute l'année, ça leur prenait donc un minimum de garanties. Je sais bien que mon collègue, le député de Joliette, mentionnait tantôt que, dans son coin, il semble qu'il y a eu un bon hiver. Les gens ont été obligés de se "garrocher" sur le déneignement. Prenez un cas comme la région de l'Abitibi où, l'an dernier, on n'a pas eu d'été - pas au sens de la température, même si c'est vrai; mais au sens contractuel - il y a eu tellement peu de contrats du ministère des Transports pour ces gens qu'ils ont à peine travaillé, pour ne pas dire autre chose, et on n'a pas eu de neige l'hiver dernier. Imaginez, ils ne pouvaient pas se "garrocher" sur le déneigement. Quand tu ne travailles pas l'été et que tu ne travailles pas l'hiver, tu es inquiet avec raison surtout quand tu vois, dans la cour, un investissement de 85 000 $, 90 000 $, 100 000 $ et que tu ne peux pas envisager de faire face à tes paiements.

Il ne faut pas oublier que souvent, ces artisans sont des artisans de carrière. Dans bien des cas, c'est un permis, pas nécessairement de père en fils, mais pas loin comme mentalité. Très vite, les jeunes ont été initiés à la conduite de ces camions lourds; ils ont l'expertise; il y a des entreprises familiales qui ont toujours été dans le domaine du camionnage et il y a plusieurs jeunes qui veulent continuer cette industrie, pour autant qu'il y ait du travail.

Je pense que ce que mon collègue, le député de Joliette, a relaté tantôt est important, il l'a dit, on est d'accord là-dessus. Il n'y aura pas de longue chinoiserie, on est d'accord pour ce projet de loi puisque c'est la pratique qu'on a vécue pendant toute notre administration. Sans avoir participé aux négociations comme telles, pour avoir passé presque deux nuits sans sommeil - je ne conterai pas toutes mes péripéties - lors de la fameuse manifestation à l'été 1977, j'ai été pris très près du blocage de la Grande-Allée parce que j'y avais un appartement. J'ai dû composer avec les circonstances et même échanger des propos avec les camionneurs artisans. Je pense qu'on a pris nos responsabilités en disant: On ne peut pas ne pas tenir compte de l'historique. Je pense que c'est important de prendre quelques minutes pour revenir là-dessus. (21 h 20)

Quand on a créé la commission Lippé pour étudier le problème du transport en vrac au Québec, la vingtaine de recommandations tournaient toujours à peu près à la même chose. Il y avait 20 recommandations, mais quel était l'objectif fondamental de la commission Lippé? C'était de dire: II faut réduire l'offre de camionnage, c'est important car l'offre est trop élevée par rapport à la demande. Deuxièmement, il faut stabiliser davantaqe la demande. Il me semble que c'est une référence importante. Stabiliser la demande, cela veut dire sécuriser des êtres humains, des investissements, des familles, l'avenir. Il n'y a pas beaucoup d'êtres humains qui ne souhaitent pas travailler dans des conditions un peu plus sécurisantes. En ce sens, je pense que le rapport Lippé frappait juste. On mentionnait aussi: "encadrer le fonctionnement et la surveillance du secteur", et cela était également une recommandation importante. Ce dont je vous parle, c'était en août 1965; il y aura donc bientôt 22 ans. Cela veut dire que, déjà, on avait le souci de réglementer ce secteur. Déjà, on avait la compréhension de l'importance de ce secteur et c'est pourquoi je ne pouvais pas accepter entre autres la recommandation du rapport Scowen.

Je suis heureux, aujourd'hui, de voir une espèce d'anicroche. Nous, on aurait préféré quelque chose de vraiment plus fort comme gouvernement, pas sous cet aspect, mais comme gouvernement, dire carrément qu'il y a des aberrations dans le rapport Scowen et il me semble que le ministre des Transports, aujourd'hui, fait la preuve qu'il est d'accord avec notre thèse qu'il y a des choses qui n'ont pas de bon sens. Le rapport Scowen disait et je le cite: "Abolition totale de la réglementation des tarifs dans l'industrie du transport en vrac au plus tard le 1er janvier 1988". Je ne pense pas que ce soit vers cela qu'on s'en aille. Heureusement! en tout cas, en ce qui me concerne. "Estimation du monopole de courtage réservé aux postes et sous-postes de façon que les camionneurs aient le choix de contracter librement avec les demandeurs de services au plus tard le 1er janvier 1988." Comme si

c'était simple de dire des choses, comme si c'était simple d'écrire un rapport indépendamment de ce que j'appelle une réalité observable, une réalité historique dans laquelle les régions sont inscrites. Les régions du Québec sont inscrites dans une tout autre réalité. Cela faisait un peu irresponsable de sentir que des membres du gouvernement puissent énoncer des choses aussi déconnectées de la réalité vécue, de la réalité sentie.

Lorsque le rapport a été publié, j'en ai jasé avec des camionneurs qui sont venus me voir à mon bureau et qui étaient drôlement inquiets, et avec raison. Je n'étais pas en mesure de les sécuriser compte tenu de la tendance de ce gouvernement de rapetisser l'État québécois, d'en faire un petit État le plus possible et le moins interventionniste, comme si c'était une réalité à laquelle on était confronté. Ce n'est pas cela, la réalité à laquelle nous sommes confrontés. La réalité à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement, c'est: Oui, n'importe quel citoyen contribuable a besoin d'un État qui balise, un État qui sécurise, un État qui protège et un État qui intervient bien sûr à la bonne place, mais pas abusivement. Il me semble qu'on le démontre tous les jours. Il n'y a pas de journée en commission parlementaire ou en Chambre où on ne fait pas la démonstration que l'État a sa place, l'État est nécessaire, l'État doit se responsabiliser et assumer ses responsabilités. "Préparation d'analyses et d'études nécessaires à l'élaboration d'une stratégie de dérégle-mentaiton dans ce secteur." Ce n'est pas ce que le ministre nous annonce aujourd'hui. Le ministre ne nous dit pas qu'il est en train de concocter une stratégie de déréglementation. Il dit: Non, je veux sécuriser ce monde-là parce que, entre-temps, il y a des jugements de cour qui ont été rendus qui font que ces gens-là sont dans l'insécurité totale et ils ont été obligés d'être un peu agressifs, avec raison.

Qu'est-ce qu'on lisait depuis quelques mois? Front commun des camionneurs québécois. Ils voulaient voir le ministre - pas juste à la télévision - ils voulaient le rencontrer, lui parler, parce qu'il avait dit de belles choses, ce ministre, quand il est allé les rencontrer à Jonquière. Si j'avais le temps, je pourrais en faire l'historique. Comme il y avait de l'ouverture dans les propos qu'il a eus: Ma politique à moi, c'est une politique d'ouverture. L'industrie chez nous, c'est ce qu'il y a de plus précieux et vous êtes des participants à cette industrie; donc, on va vous aider. On va avoir une relation étroite qui ne vise pas autre chose que d'améliorer votre sort et qui ne vise pas ma gloriole politique. Dans la mesure où vous êtes la majorité, c'est clair qu'on va se parler. On pourra se parler par les voies normales, etc. Il y avait pour trois ou quatre pages d'énoncés comme ceux-là, très intéressants. Cela a pris du temps. Les camionneurs ont dû dire: Nous, les postes d'affectation, on croit à cela; la clause 75-25, parce que c'est l'objet essentiel du projet de loi, on y tient parce qu'elle nous a permis au moins d'avoir un petit peu de sécurité, et ainsi de suite. Les camionneurs artisans menacent. Un ultimatum poli pour le ministre des Transports. Je m'arrête là, mais, aujourd'hui, on a à discuter d'un projet de loi qui confirme que le ministre des Transports, je pense, a saisi l'importance et a compris l'importance de sécuriser le secteur du vrac et de permettre que des individus qui ont investi beaucoup puissent avoir un minimum de protection.

Contrairement à ce que je voulais mentionner dans le rapport Scowen, je pense que les gens ont compris que ce n'est pas Scowen et ce n'est pas l'équipe libérale qui a inventé ce que j'appellerais nos habitudes québécoises de déréglementation, pardon, la réglementation dans le domaine du transport. J'aurais pu vous en parler pendant des heures. Imaginez que cela a commencé en 1929, des dispositifs réglementaires dans le secteur du vrac. Je n'étais pas vieux, en 1929, moi. Je veux bien croire qu'il y avait une méchante crise, paraît-il, mais au-delà de cela, Mme la Présidente, c'est plus pour illustrer que c'était fondamental. Je vous ai cité tantôt le rapport Lippé, 1971, 1972, 1973 et, enfin, en 1977, le MTQ veut transférer certains pouvoirs détenus par l'ANCAI aux postes d'affectation. Malgré une importante manifestation, le règlement est adopté et prévoit la disparition de la distinction entre les camionneurs artisans et les camionneurs entrepreneurs. La création d'un poste d'affectation unique dans chaque région éliminera la nécessité de faire partie de l'ANCAI pour être membre du poste, gel de l'émission de nouveaux permis. En avril 1978, il y a eu l'adoption du fameux règlement 112, et ainsi de suite.

Je veux simplement illustrer, Mme la Présidente, que nous, comme gouvernement, avons consacré administrativement la formule de la clause 75-25 pour s'assurer que les camionneurs artisans puissent avoir un minimum de protection. Comme ma collègue, la critique de l'Opposition en cette matière, la députée de Maisonneuve, l'a dit d'une façon on ne peut plus claire, c'est clair que l'Opposition sera en complet accord avec le projet de loi, mais elle est obligée de manifester ce que la critique a manifesté. Ce n'est sûrement qu'un premier pas parce qu'il y a tout l'autre volet qu'on ne peut pas laisser en pan pendant des mois. Sécuriser ces gens-là sur les contrats avec la clause 75-25, c'est une chose, mais il va falloir bientôt se parler de ce qui arrive avec les postes et les sous-postes d'affectation. Le ministre des Transports, tantôt, a dit:

Écoutez, j'ai mené une vaste consultation; ces gens-là m'ont donné des informations; ces gens-là m'ont parlé. Je suis convaincu qu'ils lui ont parlé de la nécessité de raffermir, à savoir si, oui ou non, on maintient cette structure de postes d'affectation et de sous-postes, avec des responsabilités définies, avec une espèce de guichet unique sur le plan contractuel. Il me semble que ce volet n'est pas tellement présent dans la disposition du projet de loi 23. On ne fait que régulariser la nécessité, cependant, d'avoir une assise juridique pour quelque chose qui s'appliquait dans le temps.

En conclusion, je vais souhaiter que le ministre des Transports retienne deux choses importantes. Premièrement, il a fait un bout de chemin nécessaire, requis. On est d'accord avec lui. Il en reste un autre important à faire sur toute la question des sous-postes et des postes d'affectation. Mais le plus fondamental demeurera toujours que le ministre des Transports doit toujours être très préoccupé, très vigilant pour que des contrats, il y en ait, et pour que ces contrats débutent le plus tôt possible. Écoutez, on est rendu au milieu de juin. Encore, vendredi dernier, je faisais un peu de bureau compte tenu de la fin de session et que c'est difficile parce que les heures sont longues ici, et il y a des gens qui sont venus me voir et m'ont dit: Écoutez, quand, pensez-vous, va-t-on être informés des différents contrats du ministère? Je suis obligé de dire, d'abord, que, cette année encore, on va devoir souffrir pas mal des vaches maigres s'il n'y a pas de corrections importantes. (21 h 30)

J'espère que le ministre va tenir compte de certains échanges que j'ai eus avec lui. Au-delà de cela, il reste qu'on est rendu au milieu de juin et on n'a aucune espèce d'indication quand les contrats vont sortir. Les travailleurs camionneurs artisans ont vécu un hiver comme je le décrivais tantôt où à partir du milieu de février, on n'avait plus de neige. Cela fait quatre mois qu'ils sont dans l'attente, dans l'expectative. Ces gens-là veulent travailler. Ils veulent effectuer leurs paiements. Ils veulent pouvoir dire: Oui, je suis en mesure de sauver mon camion, de le conserver. Cela fait des mois que le gérant de banque ou le gérant de caisse est après eux pour qu'ils effectuent les paiements. Pour ce faire, ils vont devoir travailler rapidement. J'espère que le ministre des Transports va tenir compte de nos revendications pour que les contrats sortent le plus rapidement possible, qu'il y ait un volume de contrats important et qu'il tienne compte que son travail n'est pas terminé comme ministre des Transports même si, aujourd'hui, il vient de poser un geste correct, un geste que nous soulignons avec énormément d'intérêt pour la cause du vrac qui est une cause importante et surtout pour les intéressés, les camionneurs artisans. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le ministre des Transports pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Marc-Yvan Côté (réplique)

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je suis extrêmement heureux que l'Assemblée puisse se prononcer de manière unanime pour l'adoption d'un projet de loi qui le sera ce soir mais qui aurait pu l'être avant, il faut bien l'admettre.

Le gouvernement précédent, comme nous plus tôt, nous aurions pu faire en sorte que ce 75-25 soit avant ce soir confirmé sur le plan législatif, ce qui aurait éliminé un certain nombre d'incertitudes qui ont été évoquées par les représentants de l'Opposition. Mme la députée de Maisonneuve faisait état, dans son propos, de trois principales incertitudes qui faisaient en sorte que l'industrie avait certaines inquiétudes, à juste titre. Premièrement, les tribunaux. L'interprétation que faisaient les tribunaux de certains règlements et de certaines clauses, finalement, faisait en sorte que des artisans se retrouvaient un peu le bec à l'eau devant certains jugements d'avocats, puisque, pour être juge, il faut être avocat. Je suis pleinement convaincu que Mme la députée de Maisonneuve sait ce que cela veut dire. Aussi, il faut presque être aujourd'hui un avocat sur le plan législatif pour être capable de comprendre cet ensemble de lois et de règlements qui sont, bien sûr, notre manne presque quotidienne, nos moments où nous adoptons ces lois et ces règlements.

Bien sûr, les tribunaux ont jugé au meilleur de leur connaissance, j'imagine, mais force nous est d'admettre que, dans le domaine des transports, il n'y a pas beaucoup de juges spécialisés. On en a des preuves chaque jour. Ce que l'on peut au moins souhaiter pour le futur, c'est qu'il y ait une certaine spécialisation d'un certain nombre de juges qui seraient capables de comprendre certaines législations et certaines réglementations faites par nos contentieux et différents avocats de transport qui feraient en sorte qu'on puisse finalement se comprendre un de ces jours, et que l'interprétation que les tribunaux veuillent bien donner de certaines lois et certains règlements puisse correspondre à la volonté du législateur qui, lui, l'a fait à l'époque.

Nul doute dans notre esprit qu'au moment où le règlement sur 75-25 a été adopté et appliqué aux différents contrats, on voulait effectivement protéger ces artisans, leur donner un minimum de travail, donc possible, et c'était là la volonté du

législateur qui, M. le Président, qui êtes vous-même avocat, a été interprété de manière différente par les tribunaux. Je pense que la règle dans notre société fait en sorte que nous devons respecter ces jugements, sinon il n'y a plus d'équilibre chez nous.

Donc, cette première incertitude est réglée par le projet de loi 23 qui fait en sorte que nous aurons maintenant des assises légales. L'Opposition nous a rendu hommage pour l'avoir fait. Merci. Merci, et c'est un engagement respecté. Pas un engagement pris en septembre 1986, un engagement pris le 25. février 1987 au moment où j'ai rencontré à mon cabinet les représentants de l'ANCAI, des représentants des postes et des représentants des sous-postes. Donc, le gouvernement livre.

Deuxième incertitude, la déréglementation et le rapport Scowen. Le rapport Scowen a le mérite de poser un certain nombre de questions, de poser un certain nombre d'hypothèses, et c'est par la suite au gouvernement de décider ce que, lui, il a comme vision de l'avenir et ce qu'il décide de conserver ou de rejeter. Dans ce cas-ci, il n'y a plus d'inquiétude. On peut aller sortir le rapport, le véhiculer, l'expédier à tous les artisans du Québec, leur dire que l'inquiétude est encore possible, malgré le fait que ce soir nous allons adopter le principe de la loi 23, principe consacrant, sur le plan législatif, la clause 75-25. Il est clair et très clair - je l'ai dit à Jonquière, je l'ai dit le 25 février lorsque j'ai rencontré des gens de l'Abitibi, les gens de la Gaspésie, de la Côte-Nord, de la région de Québec, du sud de Montréal, du nord de Montréal, de Montréal et les représentants de l'ANCAI. Pourquoi je l'ai fait?

Pourquoi ai-je réuni tout ce monde dans une même pièce? Parce qu'ils se chicanaient entre eux. Il faut le dire aussi. Parce qu'ils tiraient la couverte chacun de leur côté: Postes contre sous-postes. Les gens de l'ANCAI contestant la répartition du travail donné et l'effritement de leur pouvoir sur le plan historique à la suite de la décision que vous aviez prise en 1977 d'affaiblir l'ANCAI au profit des postes et sous-postes. Ça aussi c'est une vérité qu'il faut dire et avec laquelle nous devons vivre aujourd'hui. Et aujourd'hui, on arrive et on dit: Le ministre a agi devant les menaces parce que les artisans ou les gens du vrac menaçaient de faire des manifestations. La vérité a tout de même ses droits.

Oui, effectivement, à Jonquière, je suis allé les rencontrer. Vous avez bien dit, M. le député d'Abitibi-Ouest, que je leur ai parlé de politique d'ouverture. C'est vrai vis-à-vis de l'ANCAI qui avait été oubliée par votre gouvernement. Il ne faut pas l'oublier ça. Oui. Ce que j'avais dit, vous avez eu l'honnêteté de le répéter ce soir. Dans la mesure où vous représentez la majorité, la démonstration n'a pas été faite que l'ANCAI représentait la majorité. Ce que cela a permis de faire au cours de l'hiver, c'est que l'ANCAI s'est secouée, l'ANCAI est retournée à la barre, a mobilisé du monde, et a fait en sorte qu'ils ont maintenant plus de demandes qu'ils en avaient sans nécessairement avoir la majorité. Cela est clair.

Si mon attitude a au moins provoqué cela, j'en suis fort heureux pour l'ANCAI. Alors que vous les avez démobilisés, je les ai mobilisés. Dans ce sens, nous le verrons très prochainement lorsque nous aborderons l'autre phase, celle de savoir qui représente qui. Cela est extrêmement important. Je ne veux pas ici minimiser l'importance de l'ANCAI. Au contraire. S'il y a aujourd'hui des artisans dans tout le Québec, c'est dû à l'ANCAI et au rôle de l'ANCAI qui est dans tout le Québec et dans toutes les régions du Québec. Cela est clair. Cela remonte à 1969, donc, bien avant les postes et bien avant les sous-postes. Dans ce sens, j'ai été très clair, extrêmement clair. Aussi clair, dans la déréglementation, que je le suis dans la clause 75-25.

Si c'est vrai aujourd'hui que, sur le plan législatif, nous confirmons le principe de la clause 75-25, mes paroles quant à la non-déréglementation du vrac sont aussi vraies que le projet de loi qui est déposé aujourd'hui. Donc, sur deux points où vous parliez d'incertitude, deux sont réglés en termes de déréglementation. Ce dont il faut maintenant parler, c'est de l'avenir. Vous aviez raison d'évoquer certaines incertitudes quant à l'avenir, je pense que ce n'est pas fausser le jeu de la réalité ou des possibilités. On est inquiet sur le règlement 12, de ce qui arrivera du règlement 12. Pour ceux qui n'ont rien à se reprocher, il n'y a pas de raison d'avoir de l'incertitude. Pour ceux qui ont des choses à se reprocher, vous avez peut-être raison d'avoir certaines inquiétudes, effectivement, parce que la pratique n'est pas totalement limpide. D'ailleurs, je suis convaincu que l'Opposition le sait fort bien pour avoir rencontré des individus, pour avoir dialogué avec des individus qui sont des détenteurs de permis et qui voudraient eux aussi partager équitablement ce travail. Ce n'est pas tout le monde qui est pleinement convaincu qu'il y a un partage équitable du travail. Je pense qu'il faut se le dire. (21 h 40)

L'honnêteté, elle a été poussée jusque-là à la rencontre du 25 février. Alors que les gens des postes, les gens des sous-postes et les représentants de l'ANCAI me demandaient, individuellement, une rencontre, j'ai décidé de les réunir les trois en même temps. Cela s'est fait le 25 février à la salle de conférence du ministère des

Transports. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on s'est parlé "dans le nez". Oui, on s'est dit des vérités. On a mis les cartes sur la table. Cela a choqué certains individus, d'où "les possibilités de". Mais "les possibilités de" ne m'énervent pas; j'ai démontré de l'ouverture, j'ai collaboré. S'il y a eu tout ce laps de temps entre le congrès de Jonquière et la réunion de février à mon bureau, c'est que trois violons avaient beaucoup de difficultés à s'accorder. Ces trois violons -un premier des postes, un deuxième des sous-postes et un troisième, l'ANCAI - se disaient tout aussi représentatifs de l'industrie les uns que les autres. Ils sont arrivés avec des documents au ministère quant aux amendements à apporter au règlement 12: des propositions différentes. La réunion de février a été déterminante quant à la vérité sur le dossier, quant à l'heure juste et quant à l'enclenchement d'une tournée provinciale menée par des hauts officiers du ministère pour être capables de faire le portrait de l'industrie qui n'avait pas été fait depuis fort longtemps.

Selon certaines données préliminaires que je possède, vous serez quand même certainement étonnés d'une situation qui n'est pas aussi mauvaise que l'on serait tenté de le croire à ce moment-ci. Vous serez peut-être étonnés de certaines statistiques concernant l'industrie. Ce n'est pas que cette dernière soit en pleine et parfaite santé; non, mais c'est moins pire que ce qu'on prétend. Lorsque le sondage ou l'enquête téléphonique sera terminée, on sera à même de dresser le portrait global et de commencer à définir l'avenir. Oui, effectivement, dans mon propos, j'ai parlé de réajustement, de rajeunissement du règlement 12. Je n'ai cependant jamais parlé d'une commission parlementaire. J'ai parlé d'un règlement pour la fin de l'été ou le début de l'automne, après des consultations avec les intervenants, soit les représentants des postes, des sous-postes, de l'ANCAI et aussi, bien sûr, à partir du moment où nous aurons fait notre lit, une rencontre des représentants de l'industrie avec les utilisateurs des camions, soit les entrepreneurs.

Lorsque l'on a décidé... Le député de Joliette a été honnête à ce chapitre quand il a dit que ce projet de loi ne devait pas plaire à tout le monde, ce soir. Je me rappelle que M. Morin, le président de l'ANCAI, avait dit dans les journaux que le ministre des Transports préférait davantage ceux qui contribuaient à la caisse du Parti libéral, qui étaient les entrepreneurs, que les petits artisans. Je lui ai dit, le 25 février, quand je lui ai annoncé que nous ferions un projet de loi de la clause 75-25, que possiblement ceux qu'il pensait être les souscripteurs à la caisse électorale du Parti libéral ne seraient probablement pas les plus heureux et que j'avais choisi les petits au lieu de ceux qui, supposément, contribuaient à la caisse du Parti libéral du Québec. Cela était clair.

J'ai même fait plus que cela, M. le Président, pour m'assurer que la paix règne. J'ai rencontré l'exécutif de l'ACRGTQ. On a effectivement discuté de la clause 75-25. Je leur ai dit, avant même que le projet de loi soit déposé, que l'intention gouvernementale était très ferme, immuable quant à l'application de la clause 75-25 et qu'elle serait inscrite à l'intérieur d'un projet de loi, donc balisée et qu'on devrait dorénavant vivre avec cette pratique. Je leur ai aussi garanti que l'on pourrait avoir une rencontre avec les artisans et avec les donneurs d'ouvrage afin de savoir si, effectivement, on a des réponses pour les entrepreneurs qui se plaignent que certains artisans ne veulent pas transporter de l'asphalte parce que cela salit les boîtes. Transporter du gravier, cela est moins salissant. Il y a ce genre de plaintes. Par contre, il faut aussi pouvoir poser des questions à l'entrepreneur quant à certains abus d'entrepreneurs: des camions qui font la file d'attente pendant des heures avant d'être chargés lorsqu'ils font des voyages à forfait. Il y a un rééquilibrage, bien sûr, à faire dans la pratique, et ce rééquilibrage sera utile et applicable dans la mesure où nous trouverons le juste milieu entre les artisans qui ont besoin de gagner leur vie et les entrepreneurs qui, eux, soumissionnent sur des contrats et ont aussi besoin que des contrats soient exécutés selon les règles de l'art. Dans ce sens, oui, effectivement, nous allons faire ce que nous avons à faire de la même manière dans le troisième quant à l'avenir que nous l'avons fait dans le cas de la clause 75-25 que dans le cas de la déréglementation. Nous allons le faire aussi à un autre chapitre évoqué par Mme la députée de Maisonneuve, en ce qui a trait aux charges, où nous sommes obligés aujourd'hui de réajuster une situation qui a duré sous le gouvernement précédent et sous la première année de notre gouvernement.

Il a commencé à y avoir des réajustements extrêmement importants cette année, avec une nouvelle mesure du système d'immatriculation, de limites de charges et de mesurage de limites de charges. Oui, c'est plus sévère cette année, oui, je peux le dire, cela jure au Québec et certains artisans aussi au Québec. Ce qui faisait probablement partie d'une certaine frustration lors du congrès de l'ANCAI cette année le dimanche où ils ont accueilli Mme la députée de Maisonneuve avec beaucoup d'empressement, ce qui n'était pas nécessairement le cas au cours des années précédentes quant à l'accueil qu'ils ont fait aux gens de son parti.

Il est clair que l'application - vous en êtes pleinement conscients - plus rigide des

contrôles de charges fera en sorte que nous allons viser trois groupes de personnes: le conducteur, le transporteur et aussi l'expéditeur. Effectivement il y a des problèmes en ce qui a trait à la charge. Il y aura des artisans qui se feront dire dans le "pit" de gravier: Si tu ne charges pas comme on te charge, tu vas avoir des problèmes. On va en prendre d'autres. Oui, effectivement, il y a des gens qui se font dire cela. Ce sont des problèmes que nous allons régler ou que nous allons tenter de régler, de trouver des solutions pour que tout le monde puisse se comprendre. Dans cette mesure, oui, effectivement nous allons intervenir.

Quant à ce qui a été souhaité par mon collègue de Louis-Hébert qui a rencontré, à ma place, lors du congrès de l'ANCAI, les artisans à Victoriaville, il a raison de dire que cela doit être une table de concertation plus régulière. Je ne me souviens pas, du moins je n'ai pas trouvé grand-chose dans les notes au ministère de la dernière rencontre entre un ministre des Transports et ces représentants de l'ANCAI ou ces représentants du monde des artisans. Il m'apparaît très clair que cette opération, dans la mesure où nous réussissons à définir ces structures, devra être beaucoup plus permanente et beaucoup plus profitable, donc, à l'industrie, de même qu'au gouvernement, qu'aux utilisateurs ou qu'aux donneurs d'ouvrage.

Dans ce sens, M. le Président, je suis pleinement convaincu que c'est une mesure qui était attendue et souhaitée par l'ensemble de l'industrie des artisans au Québec. Nous y donnons suite ce soir et, de ce que j'ai compris, nous pourrons donc l'adopter très certainement avant l'ajournement de la session. Je me fais fort que ce projet de loi subisse la sanction royale dans les plus brefs délais de telle sorte qu'il soit applicable de manière législative, puisqu'il l'est maintenant ayant fait appel de la décision du jugement, le plus rapidement possible et ainsi témoigner à l'ensemble de ces artisans que nous sommes actuellement en route vers un règlement d'une situation qui a déjà trop duré et qui sera au bénéfice des artisans par tout le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Le débat étant clos à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 23, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Lefebvre: M. le Président, je ferai motion pour déférer le projet de loi 23 à la commission de l'aménagement et des équipements.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement, à nouveau.

M. Lefebvre: M. le Président, je vous demanderai d'appeler maintenant l'article 8 au feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 22 Adoption du principe

Le Vice-Président: À l'article R du feuilleton, M. le ministre des Transports propose maintenant l'adoption du principe du projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur le transport par taxi. Je cède la parole à M. le ministre des Transports. (21 h 50)

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je suis extrêment heureux que le projet de loi porte le numéro 22 parce que j'ai déjà eu, comme député de Matane, le plaisir de faire adopter une loi 22 qui avait suscité probablement beaucoup plus de chambardements et d'émoi partout au Québec que ne suscitera celle-ci; encore qu'elle va heurter certains usages, en particulier des limousines.

Comme vous l'avez appelée, c'est la Loi modifiant le transport par taxi. C'est une étape extrêmement importante, M. le Président, dans tout le processus que nous avons entrepris depuis déjà fort longtemps pour redonner à l'industrie du taxi ses titres de noblesse et faire en sorte que cette industrie redevienne prospère et permette à tous ces artisans du taxi, qui sont en particulier regroupés dans l'agglomération de Montréal, de vivre décemment de leur industrie et de faire en sorte qu'ils soient extrêmement fiers d'y travailler.

Il faut dire que, depuis quelques années, il y a eu plusieurs efforts de faits pour permettre de retaper cette industrie et de faire en sorte que ceux qui y travaillent puissent vivre décemment. Et je veux rendre hommage à mon prédécesseur, M. Guy Tardif, qui s'était personnellement impliqué de manière très significative, avec plusieurs soubresauts en ce qui concerne le plan de rachat qui a été adopté, contesté par la suite, mais finalement revu et accepté par l'ensemble de l'industrie, qui n'a pas eu les effets escomptés à l'époque, mais qui a

quand même eu des effets bénéfiques, puisque, à notre arrivée au pouvoir, il y avait approximativement 600 permis qui avaient été rachetés.

Donc, cela a été une disposition très bien perçue par le milieu, qui a fait en sorte d'éliminer tout près de 600 permis de la circulation et de rendre davantage rentables les permis qui demeuraient. Les objectifs étaient au moins de 1500 à 2000, certainement au-delà de ce que le marché pouvait donner, compte tenu de ce qu'on offrait, puisque, au fur et à mesure que progressait le rachat ou l'élimination de certains permis de taxi, certains ont trouvé différents trucs pour utiliser ces permis pour leur rapporter davantage que la vente du permis qui était de 10 000 $.

Ce que nous sommes à finaliser dans les jours qui viennent, c'est le deuxième souffle du plan de rachat de taxi puisque nous permettrons, de manière officielle, dans les prochains jours, de manière officieuse ce soir en l'évoquant devant les caméras de télévision, de hausser le prix de rachat du permis de 10 000 $ à 18 000 $, nous rendant ainsi à un voeu très largement exprimé par les représentants du taxi, qui se sont regroupés à tout près de 1000 dans une assemblée le 19 mai dernier, et qui a fait en sorte que deux seules personnes se sont opposées alors que la totalité des autres intervenants a accepté de hausser le prix donné pour le rachat du permis de taxi.

Pour cela, nous devons rendre un hommage tout à fait particulier au dynamique président de la ligue A-11, qui est M. Gilles Léveillé, qui a fait un travail fantastique à ce sujet et qui est en train de redonner à cette ligue de taxi toute la fierté d'être la plus grosse, la plus puissante, la plus représentative de l'industrie du taxi à Montréal.

Nous avions quand même, avant cela, posé un certain nombre de gestes éliminant la possibilité de location de permis de taxi, au sujet desquels des causes sont devant les tribunaux maintenant. Nous avions aussi porté par décret le droit de transfert de 10 000 % à 20 000 $, créant ainsi une pression plus importante sur ceux qui préféraient payer des droits de transfert, donc le vendre à un autre individu au lieu d'éliminer tout simplement le permis de taxi.

Donc, nous l'avons passé de 10 000 $ à 20 000 $, et, à la lumière de ce que nous décidons maintenant de passer de 10 000 $ à 18 000 $ le coût de rachat, nous examinerons la possibilité de nouveau d'aller trouver un prix raisonnable quant au droit de transfert avec l'industrie.

Nous avons adopté, à peu près à pareille date l'an dernier, la loi permettant la décentralisation vers la Communauté urbaine de Montréal. Donc, c'est une autre étape extrêmement importante pour que cette industrie du taxi soit plus près des décideurs politiques et fasse en sorte qu'il y ait une meilleure compréhension de leurs besoins, de leurs défis quotidiens et que ce pouvoir régional qu'est la Communauté urbaine de Montréal, puisse davantage suivre et épurer cette industrie avec différents moyens, puisque la présence policière de la Communauté urbaine de Montréal étant très près de l'exercice, il y aura certainement une amélioration très souhaitable à ce niveau.

En cours d'année, il y a eu aussi le rapport du comité Bissonnet. Mon collègue, le député de Jeanne-Mance, de concert avec des gens de mon ministère, de concert avec des gens de mon cabinet, a mené une vaste consultation quant à certaines mesures qui devraient être appliquées au niveau du taxi et qui permettraient, finalement, d'atteindre cet objectif qu'on s'est fixé de rationaliser l'industrie, de sorte qu'elle soit plus viable. Plusieurs recommandations du rapport Bissonnet ont déjà reçu l'aval des autorités du ministère; d'autres l'auront en cours de route. Donc, globalement, le rapport Bissonnet est un rapport extrêmement souhaitable, très bien accueilli lors de l'assemblée du 19 mai dernier par l'ensemble de l'industrie du taxi qui a signifié sa reconnaissance pour que le gouvernement adopte certaines autres mesures contenues au rapport.

Je veux retenir deux éléments à l'intérieur du rapport Bissonnet concernant le projet de loi de ce soir. Dans son rapport, il avait soulevé plusieurs anomalies. Je ne veux qu'en citer deux qui vont illustrer le pourquoi du projet de loi, ce soir. La première, c'était l'incapacité pour un titulaire de permis de taxi de spécialiser son service en service de limousine. C'était donc devenu impossible, c'était clair. En cela, il y avait, bien sûr, dans la pratique, une anomalie qui ne pouvait perdurer et qui devait être changée.

Deuxièmement, deuxième anomalie, la définition de la limousine que l'on retrouve au règlement sur le transport par taxi entraîne des frictions entre le taxi traditionnel et la limousine. La définition du mot "limousine" permet aux transporteurs par limousine de pénétrer les marchés traditionnels du taxi sans être astreints à offrir un véritable service du luxe. La souplesse des taux, des tarifs du service par limousine, qui sont déterminés par les transporteurs, fait que le coût horaire peut être inférieur à celui du taxi conventionnel. Il faut dire que ce n'est pas la pratique générale, mais que cette pratique, dans certains cas, fait que les services de limousine coûteraient moins cher que les services par taxi.

À la lumière de ces informations, à la lumière de ce vécu très bien ressenti par les taxis, par ces artisans du taxi, on vient, dans

la loi précédente, de parler d'artisans du vrac, on peut aussi parler d'artisans du taxi, et on en a parlé à plusieurs reprises. Un effort magistral est fait quant à la régulation de ces statuts pour que cette industrie puisse vivre honorablement. Il en coûte aussi cher pour acheter un camion, il en coûte aussi très cher pour acheter un véhicule taxi, pour l'entretenir et pour faire en sorte que cet individu vive, il faut faire nécessairement certains réajustements à notre Loi sur le taxi.

M. le Président, je voudrais vous énumérer six principes qui seront touchés à l'intérieur de cette loi que nous discuterons ce soir, et nous espérons bien pouvoir procéder à son adoption avant la fin de la présente session. Premièrement, les taxis pourront opérer ailleurs que sur le territoire, s'il n'existe aucun taxi à cet endroit. Ceci pourra faciliter l'organisation du transport des personnes handicapées en région. Soyons clairs, soyons très honnêtes, soyons très ouverts. Actuellement, cela se pratique, mais dans l'illégalité. C'est un service qui, aujourd'hui est nécessaire pour ces régions non desservies par des taxis. Nous devons le reconnaître et c'est ce que nous ferons dans la loi actuelle. (22 heures)

Deuxièmement, l'article 25 a pour effet de créer une nouvelle catégorie de permis, celle de limousines de grand luxe afin d'assurer une meileure différenciation et, par conséquent, un meilleur contrôle des divers services de transport rémunéré des personnes par automobile. Oui... M. le Président, j'ai eu l'occasion de faire quelques visites au Québec, d'aller aux États-Unis et de constater qu'effectivement, un service de limousines de luxe existait et était, pour certains, rentable. C'est clair que, demain matin, il ne pourra y avoir 1000 limousines de luxe au Québec; cela ne serait pas rentable. Mais il existe effectivement un marché au Québec pour quelqu'un qui veut se payer une limousine de luxe, que ce soit à son mariage, que ce soit à son divorce, que ce soit à son deuxième mariage, que ce soit dans certains cas - cela en fait rire, le divorce, mais cela arrive...

Une voix: On loue une limousine pour le divorce?

M. Côté (Charlesbourg): ...que ce soit... On l'a vu dans certains cas, Montréal devenant une ville où il se tourne plusieurs films, des grandes vedettes, sur le plan international, viennent séjourner à Montréal. La première demande qu'on fait en sortant de l'aéroport: Limousine de luxe. Cela n'existe pas chez nous. Vous allez embarquer dans la petite berline qui est la limousine, chez nous. Passez-moi l'expression, cela ne fait pas tout à fait à l'heure d'aujourd'hui...

Une voix: Des limousines de ministre. Ce ne sont pas des limousines de luxe, ce sont des limousines de ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Mon collègue de Mont-Royal, le ministre de l'Énergie parle des limousines de ministre. Je sais que Mme la députée de Maisonneuve a connu cela aussi. Ce n'est pas tout à fait le genre de limousine de luxe.

Ce que nous voulons, c'est effectivement créer une catégorie de limousines de luxe...

Une voix: Des Pontiac!

M. Côté (Charlesbourg): ...qui fera en sorte que l'individu qui voudra payer 7000 $ pour une semaine pour aller faire le tour de la Gaspésie de manière très confortable pourra le faire. Quelqu'un qui voudra se payer le luxe d'une limousine à 1000 $ par jour pourra le faire. Nous, dans la réglementation, nous prévoirons les permis en conséquence, le coût des permis en conséquence aussi parce qu'il faudra bien que le coût des permis aille avec la limousine de luxe et ce sera au marché de déterminer un certain nombre de choses. Nous allons donc créer cette catégorie de limousines de luxe qui, d'ailleurs, aujourd'hui, dans certains cas, existe mais de manière illégale. J'ai eu l'occasion de rencontrer un de ces individus qui m'a montré son véhicule complètement transformé - au Québec, s'il vous plaît! -dans la vallée du Richelieu où j'ai pu constater qu'il y avait une transformation substantielle de véhicules qui allaient servir le marché des limousines de luxe au Texas. Donc assez bons pour les faire au Québec pour alimenter le Texas, mais pas assez bons pour les faire au Québec et qu'elles soient reconnues et utilisables chez nous. C'est cette situation que nous allons corriger et faire en sorte qu'une petite entreprise chez nous qui les transforme puisse effectivement faire vivre du monde et que des individus voulant payer 75 000 $, 80 000 $, 85 000 $ pour une limousine de luxe puissent le faire, la faire fonctionner chez nous pour des gens qui auraient les moyens de se la payer. Nous réglons donc ce problème.

Un troisième principe: le projet de loi prévoit que des permis de limousines de grand luxe seront délivrés sur le territoire du Québec et à certains regroupements de municipalités. Vous savez, par les temps qui courent, nos lois et règlements subissent l'assaut des propriétaires de limousines. Ce qui est devant les tribunaux est devant les tribunaux. Mais est-il besoin de vous rappeler qu'actuellement, il y a dans la région de Montréal 191 permis de limousines, qu'il existe 2 permis de limousines dans la région de Hull et qu'il existe 13 tolérances législatives dans la région de Québec? Nous

parlons donc à ce moment-ci de 206 limousines à travers le Québec versus tout près de 10 000 taxis à travers le Québec.

Quatrièmement, M. le Président, la possibilité pour les ligues de taxi de représenter les intérêts de leurs membres devant la Commission des transports du Québec. Le "boutte du boutte", M. le Président, on l'a vécu dans ce cas-là, alors que la ligue A-11 a voulu s'opposer, devant la Commission des transports, à un individu qui tentait d'obtenir un permis de limousine. La Commission des transports a dit à la ligue A-ll: Vous ne pouvez pas comme ligue A-ll venir déposer devant nous; ce doivent être des individus qui déposent devant nous. La petite histoire nous apprend que, sur le plan législatif, c'est le gouvernement qui a obligé les ligues à se former. Donc, sur le plan législatif, on a créé une obligation. Ce n'était pas la volonté du milieu. Ce n'était pas la volonté des propriétaires de taxi. Cela leur rend service aujourd'hui, mais, à l'époque, ce n'était pas leur volonté. Cela a été la volonté législative, donc, l'obligation de le faire.

Aujourd'hui, par ce projet de loi, nous allons dans la continuité de l'obligation que nous avons créée et nous donnons le droit aux ligues de taxi, comme ligues, d'aller devant la Commission des transports du Québec pour faire opposition ou approuver l'émission de certains permis. Dans ce sens-là, ce n'est que justice. Comme l'occasion est toute rêvée pour passer certains messages, je dis aux autres organismes qui seraient tentés de vouloir obtenir le même privilège: Oubliez ça. Je pense à l'ATEQ, à l'APAQ, à tous ces regroupements de transporteurs par autobus, scolaires ou autres. Vous vous êtes formés en associations par votre propre volonté et non par la volonté du législateur. Il y a donc une distinction très nette entre la situation vécue par les ligues de taxi et la situation que vivent les différentes autres associations.

Cinquièmement, certains ajustements à la demande de la Communauté urbaine de Montréal qui visent à permettre aux poursuivants des infractions à la Loi sur le transport par taxi et à ses règlements de se prévaloir d'une procédure similaire à celle du Code de la sécurité routière. Finalement, ce sont des mesures qui, dans l'esprit du législateur, ne sont que temporaires et ne seraient là que pour le temps de l'adoption du Code de procédure pénale; celui-ci doit être éventuellement adopté.

Sixièmement, un accroissement des pouvoirs des enquêteurs de la Commission des transports du Québec et un pouvoir additionnel d'inspection des taxis par des employés de la Communauté urbaine de Montréal. C'est simple, ce que nous visons par là, c'est d'éliminer la lourdeur du contrôle par les agents de la paix et de favoriser une approche plutôt préventive que coercitive du règlement de certains problèmes de l'industrie du taxi à Montréal.

Enfin, M. le Président, ce projet de loi permet de préciser les pouvoirs réglementaires du gouvernement. Il permet aussi une meilleure harmonisation des pouvoirs réglementaires d'une autorité régionale avec ceux du gouvernement.

Si l'on veut traduire très rapidement ce que signifie ce projet de loi, pour nous, il est beaucoup plus équitable vis-à-vis de l'industrie. Une voiture propre n'est pas, à mon avis, un critère pour définir une limousine. Tous les taxis doivent être propres. Nous nous sommes donné les moyens pour qu'il en soit ainsi.

Il y aura la création du Bureau du taxi, souhaité aussi par notre collègue de Jeanne-Mance, donc, du Bureau du taxi de Montréal. Il est clair que ce n'est pas l'accord total et parfait, mais, en plus de la création du bureau de taxi à Montréal, je suis extrêmement heureux d'annoncer que nous allons créer le poste de Monsieur Taxi. Certains voient déjà le député de Jeanne-Mance siéger à ce poste, mais nous avons encore davantage besoin de ses services à l'Assemblée nationale.

Donc, nous allons créer le poste de Monsieur Taxi au niveau de Montréal qui sera ce guichet unique où des intervenants du taxi voulant prendre de l'information ou se plaindre pourront le faire à volonté. Si nous le créons pour Montréal, il devra être aussi disponible pour la région de Québec dans le domaine du taxi. (22 h 10)

Une voix: Pour La Sarre.

M. Côté (Charlesbourg): Pour La Sarre, on pourra le rendre itinérant dans la mesure du possible où il y a des problèmes. De façon définitive, c'est une personne qui a une bonne compréhension, une bonne vision du phénomène taxi et qui sera capable d'être à l'écoute des soubresauts de cette industrie, des individus et de faire part de certains irritants et certaines recommandations au niveau du gouvernement.

Je suis extrêmement heureux de l'annoncer ce soir et de faire en sorte que cet individu, Monsieur Taxi, le mois de septembre, le mois d'octobre, puisse être en poste pour être un lien tout à fait exemplaire dans l'industrie.

M. le Président, je l'ai dit d'entrée de jeu, ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec ce projet de loi. Il est bon de le dire. C'est clair que Murray Hill s'oppose et s'opposera à ce projet de loi. Je crois qu'il est normal de s'opposer lorsque l'on perd certains privilèges. Je le comprends mais quant à moi, quant à nous du gouvernement, nous avons eu à choisir entre l'industrie du taxi et l'industrie de la

limousine. L'industrie de la limousine, n'étant pas l'industrie du taxi mais étant l'industrie de la limousine, devra se comporter en limousine. Ce projet de loi consacre de façon définitive ce que devra être une limousine de luxe, ce que devra être une limousine tout court, et ce que doit être un taxi pour faire une différenciation très nette.

En terminant, M. le Président, ce sont les principaux principes contenus à l'intérieur de ce projet de loi qui seront très certainement dans la lignée de ceux qui ont été adoptés jusqu'à maintenant et qui se veulent des mesures législatives très directes, très claires pour améliorer la pratique de l'industrie, faire en sorte que celui qui la pratique vive mieux, et que celui qui l'utilise aussi se sente mieux, se sente plus respecté. Dans ce sens, je pense que nous n'aurons pas tout réglé avec ce projet de loi mais, grâce aux précieux conseils et aux précieuses recommandations faites par le rapport Bissonnet, nous progressons dans la bonne voie et nous sommes convaincus que nous franchirons avec l'adoption de ce projet de loi un pas extrêmement important, un pas marquant dans le niveau de respectabilité que pourront avoir les gens de l'ensemble du Québec vis-à-vis ceux qui pratiquent le métier de chauffeur de taxi. Ce sera bien pour tout le monde, à la fois pour l'utilisateur ou pour celui qui pratique ce métier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Chaque fois que l'appui de ma formation politique a été requis à cette Assemblée pour améliorer la situation des artisans et celle de l'industrie du taxi, nous l'avons fait et nous entendons, cette fois encore, M. le Président, à l'égard du projet de loi 22, apporter notre concours et notre collaboration à son adoption dans les meilleurs délais.

Le ministre des Transports, avec raison, a parlé d'efforts continus pour bonifier, améliorer la situation d'une industrie qui étouffait, il faut bien en convenir, littéralement sous le poids des pratiques abusives -je pense en particulier à la location des permis auxquels nous avons mis fin en juin dernier - et sous le poids d'une centralisation et d'un contrôle excessifs.

Le ministre des Transports, avec raison, a cité les efforts personnels de son prédécesseur, l'ex-député de Crémazie. À mon tour, je voudrais citer également les efforts réalisés par l'actuel député de Crémazie qui était à l'époque activement impliqué sur le territoire de l'île de Montréal dans les milieux d'affaires et qui a, à ma connaissance, parrainé et participé à l'élaboration du plan de rachat.

M. le Président, nous avons eu l'occasion d'examiner avec les gens du ministère chacune des dispositions de ce projet de loi... Et c'est un examen que nous avons apprécié. Nous nous réjouissons de l'annonce faite par le ministre, ce soir, de l'augmentation du prix de rachat de 10 000 $ à 18 000 $. Nous souhaitons connaître, comme, certainement, les artisans qui sont maintenant informés de cette augmentation, la date où elle sera en vigueur et nous nous en réjouissons parce que pour la très grande majorité des artisans, ce plan de rachat est d'une certaine façon leur fonds de retraite. C'est là une sorte de sécurité pour ceux et celles - et elles sont de plus en plus nombreuses - qui font maintenant métier de chauffeur de taxi, de penser qu'il y a un montant qui leur est réservé au moment où ils ou elles décideront de se retirer de l'industrie du taxi.

C'est donc, évidemment, certainement une nouvelle impulsion qui, souhaitons-le, va être donnée à ce plan de rachat, nouvelle impulsion qui se justifie parce que l'objectif de l'élimination des 2000 permis est toujours souhaitable. Jusqu'à maintenant, quelques centaines, 600 ou 700, sont maintenant atteints, et il faut souhaiter qu'avec cette augmentation du prix du plan de rachat on puisse connaître à nouveau une diminution du nombre de permis à Montréal. II faut se rappeler, M. le Président, qu'il y avait environ 4400 permis au moment où le plan de rachat a été mis en place et adopté par la ligue. C'est un objectif d'au plus 2400 permis qu'il faut souhaiter voir se réaliser.

Nous souscrivons également aux propos élogieux du ministre à l'endroit de l'actuel président, M. Léveillée. Nous pensons également qu'ils sont tout à fait mérités. Nous souhaitons... comme nous l'avons fait en juin 1986, lorsque nous avons agi avec célérité, mais également avec sévérité à raison contre cette pratique abusive qui se développait dans l'industrie et qui consistait à permettre que soient loués les permis de taxis sans automobile. Il faut savoir qu'un permis, que ce soit en matière de taxi, en matière d'école de conduite, en quelque matière que ce soit, c'est un privilège qu'accorde l'État à un titulaire qui en fait la demande. Ce privilège que l'État accorde ne doit pas devenir matière à spéculation. En juin 1986 nous avons assuré notre concours pour que soit adopté rapidement cette modification à la Loi sur le transport par taxi afin que soit interdite la location du permis de taxi sans que ce permis soit attaché à une automobile qui appartient à un propriétaire.

Il faut se rappeler, M. le Président, que c'était une pratique de louer le permis à un chauffeur pour un montant de 160 $ par semaine parfois, tout en obligeant ce dernier

à acheter lui-même l'automobile, en l'obligeant à transférer la propriété de l'automobile au nom du propriétaire du permis de taxi, et lorsque le chauffeur n'était pas en mesure d'acquitter ses droits hebdomadaires, simplement pour la location du permis de 160 $, on assistait à une pratique abusive qui consistait pour le titulaire du permis à conserver l'automobile et à mettre fin au contrat et c'était là vraiment une pratique odieuse. Nous avons collaboré pour y mettre fin.

Nous souhaitons également connaître l'intention du ministre à l'égard d'une autre pratique qui s'est développée depuis et qui consiste à contrevenir au règlement du programme de rachat pour éviter de payer le droit de transfert, c'est-à-dire l'amende, en termes pratiques, M. le Président, qui est passée depuis le 1er avril de 10 000 $ à 20 000 $ et qui consiste, par notaire et avocat interposés, à empêcher que la vente soit conclue au fiduciaire qui doit racheter, en vertu du programme de plan de rachat, pour essayer d'éviter l'amende, en cas contraire. (22 h 20)

Nous souhaitons connaître les intentions du ministre concernant les recommandations qui lui étaient faites par ses collègues, notamment par le député de Jeanne-Mance, à savoir d'adopter des sanctions disciplinaires -c'était là, d'ailleurs, une réclamation du rapport Bissonnet - contre les notaires et les avocats qui étaient impliqués dans ce genre de conventions illégales. Nous souhaitons connaître les intentions du ministre à cet égard pour que cesse également cette pratique odieuse.

Alors, le projet de loi 22 est une loi qui modifie la Loi sur le transport par taxi, de façon à donner de plus grandes précisions et une plus grande harmonisation des pouvoirs du ministère et des communautés urbaines. Mais, en l'occurrence, il n'y a que la Communauté urbaine de Montréal qui entend les utiliser. Cela ne veut pas dire que, dans l'avenir, d'autres autorités régionales, comme on dit, c'est-à-dire d'autres communautés urbaines, ne voudront pas ultérieurement utiliser ces pouvoirs. La Communauté urbaine de Montréal se verra confier le pouvoir de réglementer l'industrie du moins quant à certaines dispositions.

La réglementation québécoise continuera à s'appliquer dans l'ensemble du territoire, mais deviendra inopérante au fur et à mesure où la communauté urbaine décidera d'occuper le champ de la réglementation. Je pense que, dès cette semaine, doivent se tenir à Montréal des auditions de la commission permanente de la Communauté urbaine de Montréal, afin d'entendre les représentations des organismes ou personnes qui ont à faire valoir un point de vue sur la réglementation que la Communauté urbaine de Montréal entend appliquer sur son territoire.

Alors, c'est donc un projet de loi qui vient améliorer la formulation des dispositions déjà existantes, qui vient rapatrier certaines dispositions réglementaires pour, d'une certaine façon, les mettre à l'abri, encore une fois, d'une possible invalidation de la part des tribunaux, qui vient, enfin, créer un nouveau permis - le ministre en a parlé - celui du transport de grand luxe. Il est entendu qu'il y aura une distinction très nette entre la limousine de grand luxe, et le marché traditionnel du taxi, la limousine de grand luxe devant offrir des services à un prix supérieur, mais aussi d'une qualité supérieure. Nous attendons, avec beaucoup d'intérêt, le règlement qui viendra définir ce qu'est la limousine de grand luxe. Il faut comprendre que le projet de loi ne vient que permettre la création de ce permis de limousine de grand luxe, mais c'est au moment où nous connaîtrons le règlement que nous serons satisfaits. Nous saurons si, véritablement, le règlement crée cette distinction souhaitable mais indispensable entre le service de limousine de grand luxe et le marché traditionnel du taxi. Nous souhaitons, à l'instar de ceux qui maintenant siègent au gouvernement - au moment où ils étaient de ce côté-ci, dans l'Opposition -connaître le règlement le plus rapidement possible.

Il faudrait souhaiter, d'ailleurs, qu'en matière de transport, comme sans doute dans bien d'autres secteurs de l'activité gouvernementale, nous puissions connaître le projet de réglementation gouvernementale au moment où nous avons à disposer des lois qui habilitent le gouvernement à réglementer. Dans ce projet de loi, nous donnons, finalement, un chèque en blanc, puisque nous adoptons une disposition qui permet au gouvernement de créer un nouveau permis de limousine de grand luxe. C'est, d'une certaine façon, une sorte de chèque en blanc parce que malgré les intentions gouvernementales en ce sens, nous n'avons pas de texte écrit qui nous permet de constater si, dans la réalité des mots, il y a cette distinction nette entre le service de limousine de grand luxe et le service traditionnel du marché du taxi. Nous souhaitons, le plus rapidement possible, connaître les intentions gouvernementales qui seront formulées dans le règlement.

M. le Président, nous souscrivons également à cette disposition que nous retrouvons dans le projet de loi 22 et qui va, dorénavant, permettre aux ligues de taxi de pouvoir représenter leurs membres devant la Commission des transports du Québec. Il faut constater que c'est là un droit nouveau et que cela était éminemment souhaitable. Dorénavant, les ligues pourront se charger de la défense des intérêts de leurs membres. Je

pense que c'est certainement là une des dispositions qui concourent à la paix sociale entre le ministre et la ligue à Montréal qui a abondamment et favorablement commenté cette nouvelle disposition.

M. le Président, nous retrouvons, comme c'était le cas déjà dans le rapport Bissonnet, la prohibition de concession exclusive près des établissements publics. C'était là une recommandation formulée par les artisans de l'industrie du taxi et qui va dorénavant se lire comme suit, soit de "prohiber, sur les immeubles des établissements publics qu'il détermine, la concession d'un droit d'accès exlusif à un poste d'attente ou d'un droit d'installation d'une ligne téléphonique directe exclusive ou établir les conditions ou les restrictions concernant une telle concession." C'était là d'ailleurs un voeu largement exprimé que l'ensemble des artisans aient accès aux établissements publics pour offrir le service de taxi.

Je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas rappeler l'importance du taxi comme véritable industrie du transport terrestre des personnes. On n'a pas toujours le sentiment de l'importance de cette industrie parce qu'elle n'est pas l'objet de programmes d'aide financière directe et c'est là la distinction la plus fondamentale avec ces autres concurrents du transport. C'est certainement la seule industrie, contrairement au transport par autobus ou par métro, qui ne bénéficie d'aucun programme d'aide financière directe. Pourtant, c'est une idustrie au même titre que tous les autres transporteurs publics. Simplement pour vous donner quelques chiffres de l'importance de cette industrie, il faut se rappeler que le Québec tout entier compte près de 9000 taxis, dont 4400 dans la région métropolitaine de Montréal. J'avais l'occasion de le rappeler tantôt, c'est d'ailleurs beaucoup trop. De là l'importance de ce plan de rachat.

L'indutrie du taxi représente à elle seule un marché de 250 000 000 $ par année, c'est-à-dire près d'un quart de milliard de dollars par année avec 70 000 000 d'utilisateurs seulement au Québec. Il faut donc constater l'importance de cette industrie et reconnaître l'importance également des efforts qui sont, depuis quelques années, consentis pour bonifier, pour améliorer à la fois le service aux usagers mais également le sort réservé à ceux et à celles qui en font le métier. (22 h 30)

D'autre part, M. le Président, nous avons également constaté que la Communauté urbaine de Montréal a mis sur pied ce Bureau du taxi qui est en activité depuis le 1er avril dernier et dont le premier président entré en fonction est M. Claude Forcier. C'est dorénavant ce Bureau du taxi qui verra à émettre et à renouveler les permis, qui verra également à vérifier la compétence, la formation des chauffeurs, à s'assurer de la propreté et de la sécurité des véhicules.

J'ai eu souvent l'occasion de le constater, étant moi-même une usagère du taxi. Comme bien d'autres, M. le Président, c'est mon principal moyen de locomotion, ayant écarté la propriété d'une automobile. C'est donc là un moyen de transport que j'utilise couramment. J'ai eu souvent l'occasion de constater qu'à Montréal, contrairement, par exemple, à la pratique dans la ville de Québec, il n'y a pas toujours eu une industrie du taxi qui offrait un service de qualité. Ce n'est pas nécessairement lié aux artisans, mais bien plus aux règles du jeu. À la ville de Québec, il faut reconnaître que l'industrie s'est civilisée par les décisions prises par les artisans eux-mêmes; par exemple, dans la ville de Québec, les artisans du taxi ont décidé, il y a maintenant deux ans, qu'il n'y aurait qu'un seul chauffeur par automobile, évitant ainsi une conduite 24 heures par jour d'une auto et introduisant une règle qui non seulement permet une rationalisation du service, mais bonifie les revenus des artisans.

Montréal n'a pas permis cette régularisation par des règles du jeu introduites par l'industrie elle-même et Montréal a plus qu'ailleurs, compte tenu de l'anonymat de la grande ville, certainement besoin d'une réglementation qui lui soit mieux adaptée, plus proche. C'est en ce sens une bonification qui sera apportée par ce projet de loi qui transfère le contrôle de la réglementation à la Communauté urbaine de Montréal et qui, dès l'automne prochain, permettra et facilitera l'inspection des automobiles par une surveillance réalisée par la Communauté urbaine de Montréal.

M. le Président, il y a certainement matière à amélioration dans les dispositions contenues dans ce projet de loi, et nous entendons concourir à son adoption dans les meilleurs délais. Je ne voudrais pas, cependant, terminer sans évoquer des recommandations qui, heureusement, ne se trouvent pas à nous être proposées dans ce projet de loi, recommandations que l'on retrouvait dans le rapport Bissonnet et qui, loin d'être bien accueillies, ont plutôt été jugées avec une extrême sévérité. Je parle de cette recommandation concernant les points d'inaptitude.

Je ne voudrais pas rappeler tous les titres, ce serait sans doute fâcheux pour le député de Jeanne-Mance, qui prendra la parole immédiatement après mon intervention. Je voudrais simplement lui rappeler quelques titres qui ont suivi la recommandation que contenait son rapport d'augmenter à 18 les points d'inaptitude pour les chauffeurs de taxi. Il faut se rappeler

que les chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de camion ont rouspété en disant qu'ils étaient aussi fréquemment sur les routes et que, si une telle faveur était accordée aux chauffeurs de taxi, eux-mêmes la réclameraient. C'est au-delà de 60 000 professionnels des transports qui auraient pu demander de jouir d'un tel privilège.

Les journaux ont titré "Pas de complaisance face aux chauffeurs de taxi", étant entendu que la même situation aurait dû être accordée aux professionnels qui sont sur nos routes. Évidemment, cette proposition d'un nombre maximum de points de démérite a été très largement critiquée, l'argument utilisé étant le fait qu'être plus souvent dans le trafic n'autorisait pas à faire courir plus de risques en contrevenant aux règles de la sécurité routière. C'est heureux que le ministre des Transports ait eu le bon sens de retenir ce qu'il y avait de mieux dans le rapport qui lui a été remis en écartant ce qui était certainement exorbitant.

Sur ce, je termine en rappelant que nous entendons concourir à l'adoption de ce projet de loi dans les meilleurs délais.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Jeanne-Mance.

M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: M. le Président, M. le ministre, homme dévoué à la cause des taxis au Québec, je me dois de souligner sa grande présence dans le dossier et sa grande compréhension pour des personnes qui travaillent de 60 à 75 heures par semaine.

En réponse à Mme la députée de Maisonneuve sur les points de sécurité, je tiens à vous dire qu'un de vos collègues, tous les jours, me demande: Quand est-ce qu'on va avoir 18 points? Un de vos collègues de votre parti politique m'a dit: Michel, quand est-ce que nous, les députés, on va avoir 18 points d'inaptitude? J'ai fait l'étude de l'industrie du taxi, mais je n'avais pas le mandat d'étudier les conditions des chauffeurs de camion et des chauffeurs d'autobus. Je pense que j'en avais assez d'étudier l'industrie du taxi. J'ai constaté que les gens de cette industrie, tout en respectant la sécurité routière à son maximum, étant donné qu'ils font plus de 70 heures sur la route, en particulier sur l'île de Montréal ou dans la ville de Québec, peuvent avoir plus de difficulté avec seulement 12 points. Si on compare un chauffeur ordinaire de l'Ontario à un chauffeur ordinaire du Québec, on se rend compte qu'ici, on est en retard; on devrait avoir un minimum de 15 points. Les infractions en Ontario sont inférieures aux nôtres. Je demanderais à M. le ministre de le faire pour l'industrie du taxi et de regarder si on peut augmenter le nombre de points au niveau provincial pour tous les chauffeurs en général, parce qu'en Ontario, c'est 15 points et on est dans le même pays. Je pense que l'objectif que je recherche dans ce dossier, c'est d'augmenter les points de démérite pour les chauffeurs de taxi. Je pense que c'est une justification pertinente à l'endroit de ces chauffeurs.

Si je me suis dévoué au dossier du taxi, Mme la députée de Maisonneuve, c'est parce que j'ai trouvé, il y a quelques années, que les trains n'étaient pas sécuritaires.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Bissonnet: Le plan de rachat; l'objectif souhaité par la ligue A-11 de Montréal est de 1500 à 2000 permis. Les chauffeurs de taxi dont c'est le propre plan de rachat ont décidé unanimement, comme l'a dit le ministre tantôt, sauf deux titulaires qui se sont opposés à une reconduction du plan de rachat et à une augmentation, de porter de 10 000 $ à 18 000 $ le plan de rachat vis-à-vis du fiduciaire considérant que, dernièrement, le gouvernement avait augmenté le droit de transfert de 10 000 $ à 20 000 $. Bravo de suivre, M. le ministre, la décision de ces chauffeurs de taxi, qui veulent réduire le nombre de permis. Je vous dis, M. le ministre: Attention, surveillons cela de près! Nous avons une pénalité de 10 000 $ à 20 000 $ actuellement, un plan de rachat à 18 000 $; l'objectif souhaité est de se rendre au moins à 1500 permis. Donc, s'il y a des difficultés pour le droit de transfert, je pense que, si on veut vraiment donner à chaque titulaire, propriétaire d'une auto-taxi dans la ligue A-ll, un gain représentant les efforts qu'il fait chaque jour, il y aurait peut-être lieu d'augmenter ce droit de transfert. (22 h 40)

Taxi spécialisé. Les ligues de taxi A-ll, A-12, A-5 et le regroupement des ligues de Québec demandent depuis plusieurs années le pouvoir d'ester en justice pour représenter leurs membres. Ce projet de loi 22 leur donne enfin le droit de représenter leurs membres devant la Commission des transports. Souvent, ils se sont présentés et, comme ils n'avaient pas de statut légalisé par une loi, ils ne pouvaient pas représenter leurs membres. Ce pouvoir leur est donné dans ce projet de loi. M. le ministre, dans le rapport que je vous ai transmis, je vous demandais de lever le moratoire sur les limousines qui sont illégales, mais tolérées par la loi de 1984 ou 1985. À la suite de ce pouvoir des ligues de taxi d'ester devant les tribunaux pour représenter leurs membres, il serait normal, M. le ministre, que le moratoire soit levé pour légaliser la situation des titulaires illégaux de permis de limousine dans la région de Québec et dans la région de Montréal, tout en prouvant devant la

commission qu'ils effectuaient effectivement un service de limousine à la population entre 1981 et 1983.

Taxi spécialisé transféré en service de limousine. À la communauté urbaine, certaines restrictions existent en attendant la décentralisation pour savoir exactement si, via les trois ligues de taxi dans l'agglomération métropolitaine, il n'y a pas lieu d'attendre.

Concertation entre la communauté urbaine, M. le ministre, et les trois ligues de taxi. Il faudrait faire des représentations pour que les trois ligues de taxi se sentent vraiment écoutées par le nouveau Bureau de taxi de la Communauté urbaine de Montréal.

Limousines de grand luxe. Actuellement, au Québec, il y a trois permis de limousine. La compagnie Murray Hill a 94 permis. La compagnie Contact a acheté la compagnie Samson et un autre titulaire à Montréal a été vendu dernièrement. Donc, ces trois compagnies de limousine ont environ 190 autos. Dans ce projet de loi, on institue la limousine grand luxe "stretch". La question, M. le ministre, qu'il faut se poser, c'est: Est-ce qu'un titulaire qui ferait une demande devant la Commission des transports aura le droit à une auto ou, si son permis de limousine lui permettra d'avoir un nombre illimité d'automobiles? Je pense qu'il y aura des questions à se poser si on compare les permis de limousine traditionnelle, soit le nombre de limousines qui étaient en fonction ou qui avaient une immatriculation entre 1981 et 1983.

Je pense que les ligues de taxi du Québec accueilleront très bien ce projet de loi, M. le Président. Je voudrais dire un mot sur les concessions exclusives aux hôpitaux. Dans le projet de loi, à l'article 14.7 , on y fait référence. Depuis le projet de règlement sur le taxi qui a été adopté l'année dernière, plusieurs institutions ont cessé de donner un service exclusif de taxi à des associations de taxi. Par contre, on a enlevé le poste en commun, qui était un poste privé et exclusif, pour le transférer sur rue. Dans plusieurs hôpitaux de Montréal, il serait logique que ces postes de stationnement privé pour taxis demeurent au même endroit où ils étaient. À titre de référence, à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, le poste de taxi qui était à la porte d'entrée est maintenant sur rue et c'est la population qui en subit les conséquences.

M. le ministre, je vous félicite de ce projet de loi. Il y aura peut-être des amendements à y apporter, mais je pense que cela répond à des demandes de l'industrie du taxi. En ce qui a trait aux demandes de décentralisation sur l'île de Montréal où la plupart des problèmes se situent, je pense que la décentralisation apportera à l'industrie du taxi, à la population et à tous les consommateurs un meilleur service. M. le ministre, je vous félicite et, si vous avez encore besoin de moi pour défendre l'industrie du taxi, cela me fera plaisir d'être à vos côtés. Merci.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le ministre des Transports pour son droit de réplique.

M. Marc-Yvan Côté (réplique)

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, très brièvement puisque ce projet de loi recevra l'approbation de la Chambre de manière unanime, je suis particulièrement fier pour l'industrie du taxi de pouvoir franchir une autre étape. À la fois Mme la députée de Maisonneuve et M. le député de Jeanne-Mance ont fait état de certains points spécifiques du projet de loi et de certaines questions auxquelles je pourrais peut-être répondre dès maintenant ou donner certains éclaircissements.

Pour répondre à une première question qui était la date de mise en application du plan de rachat, j'ai signé des documents officiels hier. Ces papiers devront suivre leur cours. Donc, c'est une question de jours maintenant pour que le plan de rachat devienne officiel et ainsi qu'il puisse s'appliquer à l'ensemble de l'industrie.

Quant au nombre de permis rachetés jusqu'à maintenant, on ne se trompe pas en évaluant à près de 800 le nombre de permis rachetés compte tenu de certains petits soubresauts au moment où on a interdit la location et, finalement, quelques permis par la suite. Mais normalement ce que nous décidons en acceptant de passer de 10 000 $ à 18 000 $ devrait avoir des effets très significatifs. On espère donc passer le cap des 1000 et atteindre les 1200 et, à 1200, je pense que le plan de rachat pourrait avoir fait en bonne partie son oeuvre.

Mme la députée de Maisonneuve a souhaité qu'au moment où on adopte des projets de loi comme ceux-ci qui font appel à de la réglementation ultérieurement on puisse avoir entre les mains la réglementation. Dans les cas où cela a été possible, on l'a fait avec le plus grand des plaisirs. Force nous est de constater à ce moment-ci que le ministère des Transports est pris dans un processus sur le plan législatif extrêmement important qui commande d'innombrables efforts au contentieux du ministère, que ce soit quant au projet de loi sur la déréglementation du transport des marchandises, un projet de loi sur les chemins de fer et toute une série de projets de loi qui devront être déposés à l'automne, mais qui demandent qu'on les dépose au Conseil exécutif pour le 15 juillet, et qui commandent beaucoup de ressources, énormément de ressources. Cela fait en sorte que le projet de loi sur la déréglementation

a des effets au niveau de la Régie de l'assurance automobile, au niveau de la Commission des transports du Québec. C'est la pièce maîtresse de législation au ministère pour l'automne et tous les légistes travaillent là-dessus. Nous ferons diligence quant aux règlements qui découleront de cette loi et en informerons, bien sûr, l'Opposition de façon qu'on puisse en faire une analyse éclairée qui corresponde aux besoins d'aujourd'hui.

Vous avez entendu comme moi certaines remarques de Mme la députée de Maisonneuve quant aux répercussions dans les journaux du rapport Bissonnet. Je pense qu'on a malheureusement couvert davantage l'élément qui devait faire passer de 12 à 18 les points d'inaptitude chez les chauffeurs de taxi par rapport à l'essence du rapport dans lequel on trouvait énormément de points positifs pour l'industrie qui ont été adoptés et qui seront adoptés de telle sorte qu'on aura vite oublié cette recommandation pour remercier le député de Jeanne-Mance et son équipe de l'excellent travail qu'ils ont fait quant aux autres mesures dont plusieurs se retrouvent à l'intérieur même de ce projet de loi.

Dans ce sens, je pense que cela n'a pas été rendre justice au rapport Bissonnet que de ne parler que des points qui ont soulevé l'émoi de certains chauffeurs. Certainement les chauffeurs de taxi seraient très heureux d'avoir les 18 points, mais d'autres ont dit qu'il ne devrait pas y avoir deux sortes de conducteurs au Québec, puisque tout le monde doit respecter la loi. Le député de Jeanne-Mance souhaitait qu'on révise la grille des points d'inaptitude pour la rendre un peu plus conforme à celle de l'Ontario puisqu'en Ontario chaque conducteur a 15 points par rapport à 12 points au Québec. En Ontario, pour le doublement d'un autobus scolaire, il y a une perte de 6 points, alors qu'au Québec c'est 9 ce qui fait, quand même, une différence très appréciable. Vous voyez avec tout cela que la proposition de 18 points n'était pas loin de la réalité, compte tenu de ces deux éléments, mais on aurait dû les donner à tout le monde.

Dans ce sens, je pense que c'est rétablir la situation et les faits mais cela ne veut pas dire, pour autant, que le gouvernement acceptera demain matin de donner 18 points à tout le monde puisque nous en sommes actuellement dans une étape extrêmement importante de prise de conscience du respect des lois et règlements au Québec et de sécurité routière. Mais je puis, d'ores et déjà, vous annoncer que j'ai acheminé dans les différents comités ministériels aujourd'hui même des modifications substantielles à la grille d'évaluation des points d'inaptitude à la fois dans son plafond et dans certaines mesures. On pourrait voir, au sortir de ces comités, une nouvelle grille qui tiendrait compte d'un certain nombre de facteurs et qui pourrait peut-être même, si elle passait la rampe, être très révolutionnaire par rapport à ce qu'on a connu jusqu'à maintenant: simplification, bonification, pour que, d'ici peut-être un mois ou deux, ou au retour, à la rentrée parlementaire, on puisse avoir passé la rampe d'une nouvelle grille d'évaluation des points d'inaptitude qui pourrait être applicable au cours des prochains mois.

Quant au voeu exprimé par le député de Jeanne-Mance que les trois ligues de taxi de la région de Montréal reçoivent toute l'écoute et l'attention qu'elles méritent au niveau de la communauté urbaine, j'ai eu moi-même l'occasion de discuter avec M. Hamelin, président de la CUM, vendredi dernier et lui-même devait rencontrer aujourd'hui en particulier M. Légaré et son groupe pour faire le point sur la situation des transferts et régler certains petits irritants qui, en cours de route, ont parsemé leurs relations et faire en sorte que tout rentre dans l'ordre pour le mieux-être de l'industrie du taxi.

Finalement, à une question du député de Jeanne-Mance qui disait: Est-ce que, dans les permis de limousine ce sera un permis pour une voiture? Oui, un permis pour une voiture et non pas un permis pour plusieurs voitures, de telle sorte qu'on puisse réglementer et régler un certain nombre de problèmes.

H y a une autre question que j'oublie de la part du député de Jeanne-Mance. Quant aux limousines illégales, bien sûr, à partir du moment où nous aurons adopté ce projet de loi, chacun pourra légaliser sa situation, mais devant la Commission des transports, dans la mesure où chacun pourra répondre aux critères et normes établis par la Commission des transports et appliqués par elle.

Je pense que nous franchissons l'unanimité de cette Chambre en témoigne grandement - un pas extrêmement important pour l'industrie du taxi qui, je suis bien heureux de l'apprendre puisque je ne le savais pas, était l'affaire du député de Jeanne-Mance, mais était aussi l'affaire des députés de Crémazie, tant le ministre Tardif de l'époque que le député et ministre actuel de Crémazie, qui sait très bien assumer la continuité de ce dossier. Sa grande connaissance de l'agglomération de Montréal fait en sorte que c'est un excellent défenseur de tous les problèmes du taxi. En cela, je suis très heureux de ma formation politique, du député de Crémazie, de par son expérience passée, et du député de Jeanne-Mance.

En terminant, M. le Président, je voudrais dire au député de Jeanne-Mance que j'ai beaucoup apprécié sa collaboration. Nul

doute que son précieux concours, son expérience et sa disponibilité feront en sorte que le ministre des Transports très prochainement fera à nouveau appel à lui pour proposer des solutions dans d'autres domaines et j'espère qu'il le fera de manière tout aussi convenable et raisonnable qu'il l'a fait dans le cas du taxi. Ce serait de bon augure pour d'autres qui attendent des solutions à leurs problèmes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Le débat étant clos à cette étape de l'étude du projet de loi, est-ce que la motion d'adoption du principe du projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur le transport par taxi, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Lefebvre: Je fais motion pour déférer le projet de loi 22 à la commission de l'aménagement et des équipements.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: Je fais motion pour ajourner les travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Donc, l'Assemblée nationale ajourne ses travaux à demain, le mardi 9 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 54)

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