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Dix heures dix minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Un moment de recueillement.
Veuillez vous asseoir.
Aux affaires courantes, déclaration ninistérielle.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents. M. le ministre des Transports.
Rapport annuel de la RAAQ
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
désire déposer le rapport de la Régie de l'assurance
automobile du Québec pour l'année 1986.
Le Président: M. le ministre, votre rapport est
déposé.
Avant-projet de loi modifiant la Loi
sur l'assurance automobile et d'autres dispositions
législatives
M. Côté (Charlesbourg): Je désire
déposer l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance
automobile et d'autres dispositions législatives.
Le Président: Votre avant-projet de loi est
déposé, M. le ministre.
M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, toujours à
l'étape du dépôt de documents.
Rapport annuel du CRIQ
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, j'ai
l'honneur de vous présenter le rapport du Centre de recherche
industrielle du Québec pour l'année terminée le 31 mars
1987.
Le Président: Votre rapport est déposé, M.
le ministre.
M. le ministre des Communications.
Rapport annuel du ministère des
Communications
M. French: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1986-1987 du ministère des
Communications.
Le Président: Votre rapport annuel est
déposé, M. le ministre.
M. le Solliciteur général.
Rapport annuel de la Régie des permis
d'alcool
M. Latulippe: M. le Président, j'ai l'honneur de vous
transmettre le rapport annuel de la Régie des permis d'alcool du
Québec pour l'année financière 1986-1987.
Le Président: M. le Solliciteur général,
votre document est déposé.
Dépôt de rapports de commissions. M. le président de
la commission du budget et de l'administration et député de
Vanier.
Étude détaillée du projet de loi
31
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration,
qui a siégé le 19 juin 1987 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 31, Loi modifiant
diverses dispositions législatives concernant les régimes de
retraite des secteurs public et parapublic. Le projet de loi a
été adopté avec des amendements.
Le Président: M. le député de Vanier, votre
rapport est déposé.
M. le vice-président de la commission de l'aménagement et
des équipements et député de Drummond.
Étude détaillée du projet de loi
200
M. Saint-Roch: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements, qui a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre
les intéressés et de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi d'intérêt privé
200, Loi modifiant la charte de la ville de Montréal. Le projet de loi a
été adopté avec des amendements.
Le Président: Est-ce que le rapport sur le projet de loi
200 est adopté? Il s'agit d'un projet de loi d'intérêt
privé. Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Dépôt de pétitions.
Ce matin, il n'y aura pas d'interventions portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
Nous allons maintenant procéder à la période
régulière de questions. Je vais reconnaître la
première question principale à M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
L'accord constitutionnel d'Ottawa et le pouvoir de
dépenser du fédéral
M, Johnson (Anjou): M. le Président, on sait que le
gouvernement a décidé d'étouffer le débat sur
l'accord constitutionnel par la mise en place d'une procédure absolument
exceptionnelle dans le Parlement qui est un débat limité à
35 heures dont, d'ailleurs, l'ensemble des heures n'ont pas été
utilisées jusqu'à maintenant par les membres du gouvernement ou
les députés ministériels. On sait, M. le Président,
que ce type de procédure est habituellement utilisé dans des cas
où l'intérêt public est manifeste, qu'il y a une situation
grave ou de nature urgente, par exemple, dans le cas de gens qui seraient sans
soins dans les hôpitaux, comme c'est déjà arrivé
dans le passé. Ce n'est évidemment pas le cas, d'autant plus
qu'il semble que certains partis politiques au fédéral ou
gouvernements provinciaux auraient l'intention, pour leur part, de proposer des
amendements et sont tous parfaitement conscients que les gouvernements ont
trois ans pour adopter une telle résolution. Dans les circonstances, M.
le Président, nous en sommes réduits à devoir exiger du
premier ministre, s'il condescend si gentiment à le faire, à
obtenir des éclaircissements quant à la portée et au sens
de l'accord d'Ottawa du 3 juin.
J'aurais donc une question au premier ministre qui touche, notamment, le
pouvoir de dépenser étant donné qu'il n'a pas
répondu à la question que je lui posais vendredi dernier. Je
voudrais lui demander s'il ne considère pas qu'en pratique, il y a eu
une dilution considérable de l'effet qu'il recherchait au sujet de la
limitation du pouvoir de dépenser à partir de l'accord du lac
Meech, lors de l'accord d'Ottawa. Est-ce qu'il ne reconnaît pas, en
pratique, que l'introduction de la distinction entre le Parlement et le
gouvernement du Canada dans ce texte devient, pour le Québec et
probablement pour d'autres provinces, une source où, d'une part, on
confirme le pouvoir de dépenser du fédéral et,
deuxièmement, où on soumettrait le Québec à la
possibilité que le fédéral établisse des objectifs
nationaux dans une loi et ne compense pas le Québec si le Québec
ne se conforme pas à ces objectifs?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'admets que nous avons eu
une très belle fin de semaine et que, peut-être, le chef de
l'Opposition a décidé de donner congé à ses
recherchistes. Les questions qu'il pose ce matin, il les a posées
à de multiples reprises depuis quelques semaines. Ce n'est pas notre
point de vue que les clarifications qui ont été apportées
au pouvoir de dépenser en modifient l'impact par rapport à
l'accord du lac Meech, au contraire, puisque nous avons réussi à
faire ajouter une clause de sauvegarde. Le chef de l'Opposition admet que, par
rapport au 30 avril, nous avons maintenant une clause de sauvegarde dans cet
accord du 3 juin qui empêche le gouvernement fédéral
d'élargir son pouvoir, étant donné que nous devions
reconnaître ce pouvoir de dépenser, mais nous l'avons reconnu en
mettant l'accent sur le retrait, la faculté de retrait des provinces. Il
y a eu deux petites modifications ou une modification. Dieu sait comment je me
souviens de cette néqociation de plusieurs heures. C'est évident
que, comme on parlait de programmes nationaux, c'était implicitement
établi ou amorcé par le gouvernement fédéral. Cela
ne pouvait pas être amorcé par une province, puisqu'on parlait de
programmes nationaux.
De notre point de vue, il n'y a pas du tout de modification, c'est tout
simplement une clarification qui a été faite le 3 juin.
Le Présidents M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Non. J'ai l'impression que le premier
ministre ne comprend pas la portée de la question ou, enfin,
peut-être n'était-il pas attentif au moment où je l'ai
formulée. Ce n'était pas le cas de la semaine dernière non
plus ou même des semaines précédentes. Il n'a pas toujours
l'air d'être attentif aux questions qu'on lui pose ou il est
indifférent à donner des réponses. C'est peut-être
plus probable.
Est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas que la clause qui
a été retenue dans l'accord d'Ottawa du 3 juin, pourrait
permettre, à toutes fins utiles, au gouvernement fédéral,
par loi, donc, par le Parlement fédéral, d'établir un
programme dit national avec des objectifs nationaux, sans compenser les
provinces parce que ce ne serait pas un acte de l'exécutif mais un acte
du Parlement du Canada?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je dirai au chef de l'Opposition, s'il a bien
remarqué - parce que plusieurs commentaires ont été faits
sur cette clause-là où on mentionne les objectifs nationaux - on
ne mentionne pas les objectifs nationaux du programme. Je pense que le chef de
l'Opposition doit constater cette nuance-là.
Dans ce contexte-là, je crois que la province conserve sa
flexibilité de pouvoir adapter son programme. Si elle a
déjà son programme, on pense, par exemple, à un programme
qui existerait au Québec; dans ce
contexte-là la province peut absorber les montants. Ce n'est
évidemment pas nécessaire pour elle d'avoir une duplication du
programme. Si elle n'a pas déjà ce programme, elle conserve,
quelles que soient les technicités qui peuvent être
soulevées, la marge de manoeuvre pour adapter ce programme selon ses
priorités.
Une voix: C'est ça.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Je vais finir par penser que le premier
ministre n'est peut-être pas au courant des propres textes qu'il veut
faire avaler au Parlement, dans une bousculade contre le processus
démocratique.
Est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas que l'article
106A, qui touche au pouvoir de dépenser, ne fait obligation à
l'État fédéral de compenser une province que dans la
mesure où le programme est établi par le gouvernement et ne fait
pas cette obligation au Parlement du Canada. On serait donc dans une situation
où le Parlement du Canada pourrait adopter un programme dit national et
il empêcherait, précisément, la souplesse que le premier
ministre prétend avoir cherchée à Ottawa?
Le Président: M. le premier ministre. M. le premier
ministre.
M. Bourassa: Je pense que le chef de l'Opposition commence
à couper les cheveux en quatre. D'ailleurs, ses reproches sur le
processus démocratique m'apparaissent plus ou moins fondés. Le
chef de l'Opposition se plaignait dans une conférence de presse, il y a
quelques jours, qu'il était fatigué de voir la majorité
l'emporter sur la minorité. (10 h 20)
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bourassa: Cette nouvelle philosophie politique du chef de
l'Opposition, qui doit dater probablement du 2 décembre 1985, est
difficile à satisfaire. Mais quand même, pour répondre
à son reproche, j'ai demandé au leader du gouvernement de faire
un effort dans le débat de 35 heures et on a accepté de donner 50
% du temps à l'Opposition. Bon.
Le Président: À l'ordre, s'il vous platt! M. le
premier ministre.
M. Bourassa: Nous disposons à l'Assemblée nationale
de 80 % de la députation, on a donné 50 % du temps au parti de
l'Opposition. Après, il nous reproche...
Le Président: En conclusion, M. le premier ministre.
À l'ordre, s'il vous platt!
M. Bourassa: ...d'être antidémocratiques. M. le
Président...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre. M. le premier
ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je pense que le chef de
l'Opposition fait des distinctions qui ne sont pas justifiées. Je lui
dis que, dans notre interprétation, que nous croyons légitime, il
n'y a pas eu de changement majeur ou même mineur à ce qui avait
été conclu au lac Meech, sauf la clause de sauvegarde que nous
avons fait ajouter.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): Je dirais au premier ministre que ce n'est
pas le fait que vous soyez majoritaires. On constate cela. Vous êtes 99
et vous allez porter vos responsabilités. Ce qui nous fatigue, c'est que
vous suspendiez les règles du Parlement, par exemple. Cela nous fatigue.
J'ai l'impression que le premier ministre a pris une fin de semaine
peut-être un peu trop longue et qu'il aurait été utile pour
lui, de fouiller un peu cet aspect que j'ai évoqué dès
jeudi et vendredi derniers, en lui disant -je lui réitère la
question et, pour la deuxième fois, il a été incapable de
répondre jusqu'à maintenant: Est-ce que le premier ministre ne
reconnaît pas que, dans son libellé actuel, l'accord d'Ottawa du 3
juin permettrait au gouvernement fédéral d'adopter des objectifs
nationaux par loi et ne pas être soumis à la compensation d'une
province, y compris le Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, pour la troisième
fois, je réponds au chef de l'Opposition que son interprétation
n'est pas justifiée.
M. Gratton: Bon!
M. Bourassa: Est-ce que c'est clair?
M. Gratton: Oui.
M. Bourassa: Quant à son reproche d'avoir suspendu les
règles du Parlement pour permettre un débat de 35 heures, comme
celui du référendum, je lui rappelle que, le lendemain de mon
élection comme chef du Parti libéral, ils ont suspendu le
Parlement pour un mois!
M. Gratton: Oui!
M. Bourassa: Un mois de vacances additionnelles pour vous
permettre de reprendre un peu confiance en vous-mêmes, après mon
élection comme chef du Parti libéral.
Le Président: M. le chef l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le premier ministre,
qui prétend qu'il nous accorde un débat de 35 heures comme
à l'époque du référendum, semble oublier une chose.
Le débat de 35 heures que nous avons eu, en 1980, avait
précédé un débat public de 60 jours et une
décision du peuple québécois. Cela ne mettait pas fin au
débat comme ce que vous êtes en train de faire.
Deuxièmement, le premier ministre pourrait dire à ses
troupes, qui écoutent ses propos la bouche ouverte...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...à en avaler des mouches...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...est-ce que le premier ministre...
Le Président: Â l'ordre, s'il vous plaît! M.
le chef de l'Opposition. À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, votre question. A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): Jusqu'à présent, il nous a
été donné de constater que, dans ce débat de 35
heures, pour lequel nous avons droit à la moitié des heures, ses
collègues n'ont pas utilisé le temps qu'on se serait attendu
qu'ils utilisent. Le premier ministre ne reconnaît-il pas que, la bouche
ouverte et l'oeil hébété, ses collègues
d'arrière-ban n'ont rien à dire sur la question
constitutionnelle?
Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le premier ministre.
M. Gratton: Ce n'est pas le jeu "straight".
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président...
Une voix: ...en attendant son leader.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, quant aux 35 heures que nous
avons sur le débat, il doit admettre qu'il suit 55 heures de
débats en commission parlementaire, qu'il suit des heures et des heures
dans les périodes de questions sur la constitution. Et des mois de
négociations. Ce n'est pas limité à ces 35
heures-là. Quant au fait que nous soyons peut-être plus sobres que
vous ne l'êtes dans des débats comme ceux-là, le chef de
l'Opposition devrait savoir que l'une des marques de commerce de notre
gouvernement, c'est de parler peu et d'agir beaucoup, contrairement à ce
que vous avez fait.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président: En additionnelle.
M. Johnson (Anjou): ...le premier ministre confond le calme et le
coma politique.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président: M. le député de Bertrand, en
principale. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député
de Bertrand.
Le respect des heures d'affaires par tous les
établissements commerciaux
M. Parent (Bertrand): En principale, M. le Président. Le
12 juin dernier, le ministre de l'Industrie et du Commerce recevait à
son bureau un groupe important qui représentait l'Association
provinciale des fruiteries du Québec. À la suite de cette
rencontre, ces gens du milieu des affaires ont décidé de
défier la loi 59. Le ministre de l'Industrie et du Commerce peut-il nous
dire ce matin s'il entend faire respecter la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux, telle qu'elle s'applique à tous les
groupes, y compris le groupe de l'Association des fruiteries qui se trouve
quelque peu brimée dans ses droits par rapport au décret
adopté le 4 février 1987 par le ministre de l'Industrie et du
Commerce, décret dans lequel il venait affecter particulièrement
des groupes qui touchent le domaine des fruiteries au Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce. M. le ministre.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le Président.
Brièvement, on me demande si
j'entends faire respecter la loi, la réponse, c'est oui.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle. En additionnelle.
M. Parent (Bertrand): En additionnelle, à la suite de
différentes recommandations qui lui ont été faites et
portées à son attention par les différents groupes qui
sont aux prises actuellement avec un problème sur les heures d'affaires,
qu'est-ce que le ministre entend faire de façon à corriger
certaines anomalies qui existent actuellement dans tout le dossier des heures
d'affaires au Québec et qui touchent plusieurs groupes? Le ministre
a-t-il l'intention d'agir au cours des prochains mois ou s'il a l'intention de
laisser porter, tel que c'est actuellement, créant différentes
catégories et différents groupes.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je
dirais que, par définition, la Loi sur les heures d'affaires, à
la suite des représentations et des consultations qui ont eu lieu sous
mon prédécesseur, crée, de fait, des groupes
différents dans la société qui peuvent ou ne peuvent pas
se livrer à du commerce le dimanche, en soirée, 24 heures par
jour ou quoique ce soit.
Ces catégorisations ont été édictées.
Il y a eu - le député l'a souligné et moi-même je le
reconnais - des moratoires d'imposés, des régimes particuliers et
transitoires que nous avons décidé, essentiellement, de
reconduire. Le véritable problème, c'est qu'une fois que les
catégories sont arrêtées, des gens qui ne tombent pas dans
une catégorie leur permettant de faire affaire avec plus de trois
employés le dimanche décideraient que ce n'est pas à leur
avantage. M. le Président, c'est la loi et il y a des catégories
et nous entendons faire respecter la loi.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
additionnelle.
M. Parent (Bertrand): En additionnelle, M. le Président.
Est-ce que le ministre n'a pas l'intention, face à cette nouvelle
demande de la part des consommateurs d'avoir accès à une
espèce de marché libre concernant les heures d'affaires, de
réviser cette situation par rapport à l'ensemble des groupes, des
commerces et des différents groupes de consommateurs qui, de plus. en
plus, réclament une libéralisation des heures d'affaires?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je dirai que c'est presque une
question principale, M. le Président. C'est un problème
extrêmement distinct que soulève le député à
ce moment-ci. J'aimerais dire, quant à une réouverture du dossier
des heures d'ouverture, au-delà des choix des consommateurs qui - je
suis d'accord avec ça, j'ai déjà entendu ça -
souhaiteraient magasiner 24 heures par jour, sept jours par semaine, quatre
semaines par mois et douze mois par année, qu'il n'en reste pas moins
qu'il y a des dimensions sociales au fait d'obliger, essentiellement, des gens
à travailler le dimanche et les fins de semaine; il faut tenir compte du
nombre de familles qui sont affectées par un travail que des nouvelles
règles de concurrence, que semble souhaiter le député,
imposeraient à des travailleurs de l'alimentation. Nous avons, à
ce moment-ci, décidé de reconduire et de maintenir ce qui
existait.
Je ne vois pas, je le répète, M. le Président, de
pressions qui viendraient du milieu des travailleurs, du milieu des
commerçants qui feraient en sorte que, de façon
générale, on devrait changer quelque disposition que ce soit des
heures d'affaires, en indiquant, en terminant, que je suis toujours, comme je
l'ai fait à l'endroit de l'Association des marchands de fruits, des
fruiteries, disposé à écouter leurs représentations
et chercher un régime qui pourra bien équilibrer une
libéralisation économique des heures d'affaires, tout en ayant
à l'esprit des conséquences sociales que ça
impliquerait.
Le Président: M. le député de Lévis,
en principale.
La réforme fédérale de la taxe de
vente
M. Garon: M. le Président, je voudrais poser ma question
au ministre des Finances que je voudrais féliciter pour son beau
bronzage. On sent qu'il a travaillé au soleil toute la fin de semaine,
à tel point que si le ministre du Tourisme l'engageait pour faire de la
publicité, on pourrait croire que le Québec, c'est la Floride du
Nord!
Le Président: En principale. Vous êtes en
principale, M. le député de Lévisl Votre question, en
principale. (10 h 30)
M. Garon: Dans la nouvelle perspective de l'accord du lac Meech,
dans ce nouvel oecuménisme canadien qui est train de se mettre en forme,
on a constaté en fin de semaine, samedi matin, par une
déclaration du ministre des Finances à Rimouski, dans un
français apparemment laborieux - mais l'effort était là,
semble-t-il - que la réforme de la taxe de vente, avec ou sans le
Québec,
serait effectuée. Dans Le Soleil et La Presse on titre: "Wilson
est déterminé à mener à terme sa réforme de
la taxe de vente, en dépit des objections du Québec". Il dit
même "avec ou sans le Québec, avec ou sans l'accord de M.
Gérard-D. Levesque, le ministre fédéral des Finances a
l'intention d'appliquer son projet de réforme de la taxe de vente".
J'aimerais savoir du ministre des Finances comment va s'appliquer cette
nouvelle flexibilité dont parle le premier ministre où le
gouvernement fédéral pourra accaparer nos champs de taxation,
dans ce nouvel oecuménisme, et comment cela pourrait se faire sans que
l'on se fasse tondre comme le mouton que nous avions autrefois comme
symbole.
M. Levesque: M. le Président, cela ne me surprend pas que
le député de Lévis n'ait pas saisi toutes les nuances
mises de l'avant par le ministre fédéral des Finances, mais si le
député de Lévis avait pris connaissance du livre blanc,
particulièrement dans le chapitre qui traite de la taxe de vente, il
aurait noté que le ministre des Finances du gouvernement
fédéral avait retenu trois options: une option qui comporte une
entente avec les provinces, incluant le Québec et deux autres options
qui font que le gouvernement fédéral peut, comme il l'est
présentement avec sa taxe de vente de 12 %, la modifier, la changer,
soit par une taxe à la valeur ajoutée comme TVA, ou encore avec
une autre taxe qui pourrait s'appeler la taxe des transactions commerciales et
le gouvernement du Québec maintiendrait le statut actuel avec la taxe de
vente que nous connaissons présentement.
Alors, c'est, à mon sens, bien clair, ce que le ministre
fédéral des Finances a dit: Si on ne s'entend pas avec le
Québec ou avec les autres provinces, nous passerons à l'option 2
ou l'option 3 qui fait que le gouvernement fédéral se
contenterait de changer sa taxe de vente de 12 % par une autre taxe de vente,
soit la TVA, soit la TTC, et nous continuerons de faire ce que nous faisons
jusqu'à maintenant. Il n'est jamais question que l'on impose quoi que ce
soit au gouvernement du Québec.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: Maintenant que le ministre des Finances est prêt
à commenter des hypothèses qu'il n'était pas prêt
à commenter vendredi, peut-il nous dire, en dehors des hypothèses
du ministre fédéral, quelle est la position qu'il entend
défendre dans cette réforme fiscale au point de vue de la
position du Québec, tant pour les impôts que de la taxe de vente
et quand attend-il l'annoncer officiellement? Sous la forme d'un budget, sous
la forme d'un livre blanc ou de la façon dont il voudra. Peut-il nous le
dire aujourd'hui?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: II est évident que pendant quelques mois,
nous aurons à travailler sur ces diverses hypothèses. J'ai dit,
la semaine dernière, que nous n'allons pas, aujourd'hui, nous harmoniser
à un livre blanc soumis â la consultation. J'ai dit que nous
allions attendre que le gouvernement fédéral dépose un
véritable budget avant de songer à s'y harmoniser en tout ou en
partie. Sûrement pas en tout, parce qu'on ne s'harmonise jamais en tout
avec le gouvernement fédéral parce que nous avons nos propres
choix politiques et que cela se traduit par une harmonisation partielle. Cela
dit, à propos de la taxe de vente - c'est la question du
député de Lévis - quant à savoir si nous allons
prendre l'option 1, l'option 2 ou l'option 3, la seule qui nous
intéresse, c'est l'option 1, où il y a une participation des
provinces et, à ce moment-là, j'ai mis comme prérequis
qu'il ne fallait, en aucune façon, que l'autonomie fiscale du
Québec ou son initiative en matière de fiscalité soient le
moindrement érodées. Il n'est pas question que nous perdions
l'initiative et la responsabilité fiscale. Si cela est maintenu, rien ne
nous empêche de considérer une autre avenue. On peut imaginer une
taxe de vente du Québec qui pourrait être harmonisée avec
des dispositions fédérales du livre blanc; cela pourrait arriver.
Premièrement, ces dispositions devraient être d'abord dans un
budget fédéral. Deuxièmement, il va falloir que nous y
trouvions l'intérêt des contribuables du Québec.
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Levesque: Si nous y trouvons cela et si nous protégeons
notre autonomie fiscale, notre initiative, nous pourrons envisager une telle
coopération avec le gouvernement fédéral, mais à
nos conditions.
Le Président: M. le député de Lévis,
en additionnelle.
M. Garon: M. le Président, est-ce que le ministre des
Finances a l'intention de s'inscrire seulement en réaction, à
réagir par rapport aux initiatives fédérales, ou si
lui-même a une conception de ce qui serait le meilleur pour le
Québec et qu'il a l'intention de la faire valoir dans cette perspective
de réforme ou s'il va simplement réagir aux initiatives que va
prendre le gouvernement fédéral?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, le député de
Lévis devrait savoir que nous n'avons pas à attendre pour
réagir. Au contraire, le budget du 30 avril, celui qui devait être
prononcé le 7 mai, on se le rappelle, contenait déjà tout
un pan sur la réforme fiscale. Justement, il ne tombera pas et,
justement, les prophéties de ce prophète de malheur qui s'appelle
le député de Lévis ne se réaliseront pas. Les
mesures que nous avons mises de l'avant dans le budget du 30 avril
résisteront à toutes les modifications du côté du
gouvernement fédéral telles qu'annoncées dans son livre
blanc. Lorsque nous parlons de la recherche et du développement, lorsque
nous parlons de l'abolition de l'impôt sur le revenu des particuliers
pour 40 000 familles québécoises, de la réduction de
l'impôt sur le revenu pour 300 000 autres familles
québécoises...
Le Président: En conclusion, M. le ministre.
M. Levesque: ...à bas revenu, on s'aperçoit que le
livre blanc du gouvernement fédéral ne touche en rien les
dispositions se retrouvant dans notre propre budget.
Le Président: M. le ministre.
M. Levesque: En conclusion - c'est parce que je suis
provoqué, M. le Président -je désire rassurer le
député de Lévis. Nous allons continuer à travailler
dans notre propre réforme fiscale et, s'il y a lieu de s'harmoniser
à un moment ou l'autre, cela se fera dans les intérêts de
la population du Québec.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
principale.
L'exploitation de deux zones
minéralisées importantes à Murdochville
M. Claveau: M. le Président, on sait que
l'épopée de Murdochville continue. Jeudi dernier, Le Soleil de
Québec titrait "Murdochville assise sur des coquerelles en or".
Une voix: Y a-t-il des rouges là?
M. Claveau: On a appris en effet que, pour mettre en exploitation
deux zones minéralisées extrêmement importantes à
haute teneur, soit le gisement Murdoch et la zone E, la compagnie Mines
Gaspé devrait déplacer, pour le faire dans des conditions
sécuritaires maximales, une bonne partie de la ville de Murdochville, y
compris le centre commercial, ce qui se révèle une
opération extrêmement compliquée et coûteuse. (10 h
40)
Dans ce cas-là, est-ce que le ministre
délégué aux Mines peut nous confirmer qu'effectivement,
c'est le cas en ce qui concerne l'exploitation de ces deux gisements dont les
approches, dont les travaux d'infrastructure sont terminés, et quel lien
le ministre délégué aux Mines fait-il entre l'arrêt
dit temporaire des opérations d'exploitation de Mines Gaspé et
les mises en développement de ces deux chantiers?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et aux Affaires autochtones.
M. Savoie: Je constate que le député d'Ungava ne
pose plus de questions sur le conflit de travail à la mine
Opémisca, à Chapais. Est-ce qu'il faut croire que c'est
réglé, M. le député d'Ungava? Je pense que oui.
Deuxièmement, pour ce qui est de l'article qui est paru dans Le
Soleil signé par M. Dionne, je crois que ce qu'il présentait
comme objectif principal, c'était une opération d'extraction
à ciel ouvert, ce qui voudrait dire, d'abord, le déplacement du
centre-ville et, deuxièmement, l'extraction de 1 000 000 000 de
stériles pour avoir accès à 4 000 000 de tonnes de minerai
riche, à 2 %, en cuivre, 2,94 % en cuivre. Les dirigeants de la
compagnie m'ont indiqué que ce n'était même pas pensable,
que cela constituerait une perte nette pour la compagnie de l'ordre de 3 000
000 000 $. Je comprends mal l'exposé qui a été fait. Et,
d'ailleurs, je pense qu'en tant qu'ex-mineur, il devrait savoir qu'enlever 1
000 000 000 de tonnes de morts-terrains pour avoir accès à une
opération qui devrait durer jusqu'en 1992 à peine, cela n'a pas
de bon sens.
Le Président: M. le député d'Ungava, en
additionnelle.
M. Claveau: Une brève additionnelle, M. le
Président. Est-ce que le ministre délégué aux Mines
sait que les travaux d'approche de ces deux zones sont déjà faits
sous terre, qu'ils sont terminés, et qu'il ne reste que la mise en
exploitation? Dans ce sens-là, comment se fait-il que ce soit juste
après avoir fait les travaux d'approche que la mine se rende compte que
ce serait impossible de l'exploiter?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Mines et aux Affaires autochtones.
M. Savoie: J'ai rencontré les dirigeants de Noranda la
semaine dernière. D'ailleurs, une autre réunion est prévue
cet après-midi, je pense, avec le comité que dirige le
député de Gaspé. On a examiné cela rapidement et
cela a été mis de côté. Lorsqu'on reçoit
les
explications appropriées, que le député aurait
d'ailleurs pu trouver dans le document que je lui ai remis il y a deux
semaines, une analyse faite par la compagnie Noranda elle-même, les
explications y étaient contenues. Je pense que Noranda a fait tout son
possible pour garder cette mine-là ouverte. Je pense que les ouvriers
eux-mêmes sont fort bien au courant aussi de cet effort et je pense qu'on
fait face tout simplement à une conjoncture économique
désastreuse pour la continuation des opérations à
Murdochville.
Le Président: Je vais maintenant reconnaître M. le
député de La Peltrie, en principale.
M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Une voix:
Ouais!
Résultats de la Conférence des
gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre
en matière d'environnement
M. Cannon: J'ai dit oui. M. le Président, la semaine
dernière, le ministre de l'Environnement a participé à la
15e Conférence annuelle des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre.
Est-ce que le ministre pourrait nous faire part des résultats concrets
en matière d'environnement, qui se sont discutés lors de cette
réunion?
Une voix: ...
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président, effectivement, il y a eu une
rencontre à Halifax, la semaine dernière, qui a eu des effets et
des résultats très importants dans le domaine de l'environnement,
en ce sens que, pour la première fois, les États de la
Nouvelle-Angleterre et les provinces de l'Est du Canada ont convenu d'une
résolution conjointe. Pour la première fois, dis-je, ce sont des
États et des provinces de deux pays différents, qui se sont mis
d'accord pour signer une entente qui prévoira une notification mutuelle
en cas de tout accident qui pourrait avoir un impact sur l'environnement d'un
État voisin ou d'une province voisine. C'est une première, en
fait, en Amérique du Nord que cette résolution commune qui a
été acceptée la semaine dernière.
Le Président: En additionnelle? M. Cannon: En
additionnelle.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de La Peltrie.
M. Gendron: M. le Président, questior de
règlement.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je ne me suis pas levé sut la question
principale, parce que je suis convaincu qu'il n'y avait même pas de
question là. C'est la première fois qu'or demande à un
ministre: Racontez-nous votre voyage. Peu importe le sujet important. S: vous
lui permettez une question additionnelle, il me semble que c'est abuser puisque
1e question principale, l'environnement est d'intérêt public sur
une loi, uns problématique particulière, mais demander ai
ministre de nous raconter ce qui s'est passé lors de son dernier voyage,
il ne me semble pas que ce soit une question qui doive être posée
en vertu de notre règlement.
J'ai laissé passer parce que j'étais convaincu qu'il
aurait dit: C'est un beau voyage, etc., mais pas d'additionnelle
là-dessus.
Le Président: Je pense que j'ai donné... C'est de
réduire à peu de choses les questions principales des membres de
cette Assemblée. D'abord, dans un premier temps, je pense que...
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le
Président, on me suggère de dire simplement: J'ai mon voyage!
Le Président: Je vais entendre la question additionnelle
et si ce n'en est pas une, je verrai à réagir.
M. le député de La Peltrie.
M. Cannon: Merci, M. le Président. C'est effectivement une
question additionnelle. Je comprends que le leader adjoint est obligé de
faire quelque chose ce matin...
Le Président: Votre additionnelle.
M. Cannon: ...étant donné que le leader de
l'Opposition n'est pas présent.
En additionnelle, M. le Président...
M. Gendron: Question de règlement. On a mis en cause le
leader de l'Opposition.
Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest,
question de règlement.
M. Gendron: Si le leader de l'Opposition n'est pas
présent, ce n'est pas un des nôtres qui est dans le "trouble", ce
matin, c'est un des leurs. Il est obligé de comparaître comme
témoin dans l'affaire du député de Saint-Henri. Il avait
beau ne pas l'évoquer.
Le Président: M. le député de La Peltrie,
votre question, sinon je passe à une principale. Votre question! Votre
question!
M. Jolivet: Un coup de canon dans l'eau.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Pour protéger les forêts du
député d'Abitibi-Ouest.
Le Président: Votre question.
M. Cannon: Merci, M. le Président. En additionnelle,
j'aimerais savoir en quoi cette rencontre a fait évoluer le dossier des
pluies acides, dossier extrêmement important, non seulement pour le
Québec...
Une voix: Pour le député d'Abitibi-Ouest.
M. Cannon: ...mais pour l'ensemble de nos forêts, non
seulement au Québec mais, également, dans les Maritimes et
ailleurs.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Lincoln: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lincoln: ...nous regrettons d'être obligés, du
côté ministériel, de poser ces questions. Nous aurions
espéré, après les retombées de la conférence
de la semaine dernière, que le critique de l'environnement pour
l'Opposition se serait intéressé à cette question.
D'abord, il y a eu l'accord sur le bon voisinage que j'ai cité.
Il y a eu aussi deux accords sur les pluies acides où tous les
États de la Nouvelle-Angleterre et de l'Est du Canada se sont
engagés à multiplier les stations de "monitoring" et
d'échantillonnage des pluies acides sur le territoire,
deuxièmement, à publier une cartographie des retombées de
pluies acides sur tout le territoire de l'Est du Canada et des
États-Unis. Je pense que c'est assez important pour qu'au moins
l'Opposition s'intéresse à ça et nous pose des questions
de temps en temps sur ce sujet de grande importance.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président: En additionnelle, M. le chef de
l'Opposition?
M. Johnson (Anjou): ...précisément, non pas que ce
soit la question du député de La Peltrie qui m'apparaisse
intéressante mais le sujet en soi. Est-ce que le premier ministre
pourrait nous dire si, à sa rencontre d'Halifax, il a permis que des
choses concrètes soient faites ou est-ce qu'il y avait trop de
gouverneurs absents?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je crois que les
explications avaient été données sur l'absence de
plusieurs gouverneurs, notamment la température qui avait
empêché le gouverneur Sununu, par exemple, d'assister à la
conférence.
Pour moi-même, j'ai demandé au ministre responsable de
l'Environnement d'être présent parce que j'aime toujours
être à la période de questions pour répondre aux
questions du chef de l'Opposition. L'été va être
très long, M. le Président, sans période de questions. Je
crois que le ministre responsable de l'Environnement était
présent le mardi matin et que nous avons déjà posé
des gestes très concrets: une entente de 142 000 000 $, tripartite, pour
Noranda qui est responsable d'une bonne partie de la pollution à un
certain niveau au Québec. Nous avons d'autres augmentations de budget
à cette fin, des ententes avec les États limitrophes, les
provinces et la Nouvelle-Angleterre. Il y a une volonté politique
très très ferme de la part de la Nouvelle-Angleterre, de
l'État de New York et des provinces de l'Est du Canada pour combattre
les pluies acides.
Le Président: M. le député de
Jonquière, en principale. (10 h 50)
Le projet de loi 43 sur l'aménagement et
l'urbanisme et les municipalités
M. Dufour: Le vendredi 19 juin, le ministre des Affaires
municipales aurait affirmé à cette Chambre qu'il a toujours
l'accord des deux unions des municipalités concernant le projet de loi
43, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, en
déposant une lettre signée par le président de l'Union des
municipalités du Québec datée 16 juin. Comment le ministre
des Affaires municipales peut-il toujours affirmer qu'il a cet accord puisque
j'ai en main un télégramme signé de la main de M. Roger
Nicolet, président de l'Union des municipalités régionales
de comté, qui réaffirme et qui demande aux municipalités
régionales de comté de s'opposer au projet de loi, puisqu'il s'y
est opposé depuis le 12 juin? Comment le ministre des Affaires
municipales peut-il réaffirmer une si grosse déclaration
vis-à-vis de ce désaccord entre les deux unions?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et
responsable de l'Habitation. M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, dans le projet de loi 43, la
politique gouvernementale d'aménagement des rives, des berges et des
plaines inondables est confiée aux municipalités du
Québec. La responsabilité de cette politique est confiée
aux municipalités du Québec. Mais il est prévu dans le
projet de loi, qui sera bientôt loi, qu'en dernière analyse, le
ministre de l'Environnement a toujours le pouvoir, si jamais une
municipalité ne respecte pas la problématique
générale, d'éventuellement désavouer un
règlement municipal. J'ai discuté de cette question avec les deux
présidents des unions des municipalités du Québec. Je
réaffirme que les deux présidents des deux unions m'ont
donné leur assurance qu'ils endossaient, d'une façon
générale, le principe de cette loi et la façon avec
laquelle on a décidé de procéder. Maintenant, je ne sais
pas si le télégramme est signé de la main de M. Nicolet,
ça m'étonnerait beaucoup, parce que en général les
télégrammes ne sont pas signés, mais je peux dire que M.
Nicolet et M. Pelletier m'ont tous deux donné cette assurance.
Maintenant, je ne contrôle pas des gestes qui sont faits par la
suite.
Le Président: M. le député de
Jonquière, en additionnelle. M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Puisqu'il y a un désaccord entre les deux
affirmations, je voudrais citer ou déposer copie du
télégramme envoyé aux 95 MRC du Québec, en date du
17 juin 1987, 16 h 45, signé par le président Roger Nicolet.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Y a-t-il
consentement pour déposer copie de ce télégramme? M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, il y a évidemment
consentement pour que le télégramme soit déposé,
mais pas pour qu'on en fasse lecture ici. On est à la période de
questions, pour le moment.
Le Président: Alors, déposez votre document. M. le
député de Jonquière, il y a consentement.
M. Dufour: Avant de déposer, le ministre
reconnaît-il que le 12 juin - selon la copie - nous vous avons
communiqué notre opposition au projet de loi 43, nous vous incitons
à intervenir par télégramme auprès du ministre des
Affaires municipales avant qu'il ne soit adopté...
Le Président: Je m'excuse. Je m'excuse. Vous étiez
en additionnelle. Voulez-vous déposer votre télégramme,
s'il vous plaît? M. le ministre des Affaires municipales. Voulez-vous
déposer votre copie II y a consentement.
M. Bourbeau: M. Nicolet et les dirigeants de l'Union des
municipalitsé régionales de comté ont rencontré en
ma présence, le premier ministre, jeudi ou vendredi de la semaine
dernière. M. Nicolet devant un certain nombre d'individus, dont des gens
de mon propre cabinet, a réitéré qu'il endossait le
principe de la loi 43 et que ce n'est qu'à l'égard de quelques
modalités que l'UMRCQ avait quelques objections, mais que, quant au
fond, le principe du projet de loi 43 était endossé. En ce qui
concerne l'Union des municipalités du Québec contrairement
à ce qu'a déclaré le député de
Jonquière, le président de l'Union des municipalités du
Québec, M. Jean Pelletier, a écrit une lettre au ministre que
j'ai déposée la semaine dernière, dans laquelle il
répète lui aussi qu'il endosse le projet de loi 43.
Le Présidents M. le député de
Jonquière, en additionnelle. En additionnelle.
M. Dufour: Le ministre des Affaire municipales est-il conscient
que son projet de loi avait sept articles et j'ai en main un
télégramme qui s'oppose à quatre articles. Il vient nous
dire devant cette Chambre que pour lui, ce sont des modalités. Le
premier ministre qui est là, devant nous, est-il capable de nous dire si
c'étaient des modalités ou si c'étaient des oppositions
farfelues venant de la part du président de l'Union des
municipalités régionales de comté?
Le Président: M. le premier ministre M. le premier
ministre.
M. Bourassa: Je me pose d'abord quelques questions sur la rigueur
de Ia dialectique du député de Jonquière. Il parle d'un
télégramme signé de la main de celui qui l'envoie.
Ça commence plutôt mal une question. Ce que je voudrais
dire...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le premier ministre.
Une voix: Les vacances sont commencées.
M. Gratton: Ouvrez la bouche pour écouter!
M. Bourassa: M. le Président, un peu moins d'agitation du
côté de l'Opposition essayez de copier notre calme, notre
sang-froid, notre détermination froide à régler les
problèmes du Québec.
Le Président: À la question, M. le
premier ministre.
M. Bourassa: Je suis tout à fait d'accord avec le ministre
des Affaires municipales, M. le Président.
Le Président: M. le député de Bertrand, en
principale?
M. Parent (Bertrand): En principale, M. le Président.
Le Président: En principale, M. le député de
Bertrand.
L'implantation de l'Agence spatiale canadienne
M. Parent (Bertrand): Cette semaine, nous étions en droit
de nous attendre à deux bonnes nouvelles de la part du ministre du
Commerce extérieur: d'abord, l'annonce de la tenue de la commission
parlementaire qu'il doit tenir sur le libre-échange, ainsi que l'annonce
pour confirmer la décision d'Ottawa quant à l'implantation de
l'agence spatiale dans la région de Montréal. Est-ce que le
ministre du Commerce extérieur, qui a suivi ce dossier et qui a,
apparemment, fait beaucoup de démarches, peut nous dire, ce matin,
devant cet échec des dernières semaines, devant la
troisième fois où il y a report de la part du gouvernement
fédéral, ce qu'il entend faire au cours des prochaines semaines -
avant de sûrement partir en vacances - de façon que nous puissions
renverser la vapeur et obtenir, pour le Québec, particulièrement
pour Montréal, une fois pour toutes, l'agence spatiale?
Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur
et responsable du Développement technologique.
M. MacDonald: Je remercie le député de Bertrand
pour sa question. Je le remercie particulièrement parce que, justement,
j'ai besoin de son aide, ainsi que de celle de tout le monde. On m'a dit,
à la publication du troisième délai - cela vient de bonne
source - que les représentations faites par la Chambre de commerce, par
le Board of Trade, par nous-mêmes et par un certain nombre de nos
collègues avaient effectivement amené un certain nombre des
décideurs à Ottawa à réviser leur position ou, tout
au moins, à demander une nouvelle étude du dossier.
Pour nous, j'ai l'impression que les vacances vont être courtes
parce que, ce matin, j'ai mis en marche un autre processus de
représentation du Québec, de façon à faire valoir
nos positions, non seulement au Québec, mais ailleurs au pays, dans
l'industrie de l'aéronautique et de l'aérospatiale, pour chercher
à convaincre ceux qui peuvent avoir de l'influence sur le
bien-fondé de notre cause.
En terminant, je demanderais au député de Bertrand
d'intervenir, d'une certaine façon et d'une façon certaine,
auprès de ses propres collègues pour nous aider. J'ai
écrit, entre autres, à tous les membres de cette Assemblée
et je n'ai reçu, comme dans le cas du leader de l'Opposition, comme
réponse, que la lettre avait été
référée à M. le député de Bertrand,
responsable de ce dossier, et c'est là que se terminait son
assistance.
Le Président: Conclusion, M. le ministre.
M. MacDonald: J'oserais prétendre qu'il pourrait faire
beaucoup mieux.
Le Président: Une dernière additionnelle, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Une dernière additionnelle. Le
ministre du Commerce extérieur ne reconnaît-il pas que c'est
l'Opposition, plus particulièrement le député de Bertrand,
qui a apporté cette question en Chambre, de façon à faire
bouger le ministre du Commerce extérieur? Le premier ministre a
lui-même rédiculisé notre attitude face à cela quant
à faire des parades à Ottawa. Or, si le...
Le Président: Votre question additionnelle.
M. Parent (Bertrand): ...ministre du Commerce extérieur a
besoin de l'aide de l'Opposition, j'en suis fort aise, il peut être
assuré de notre collaboration. Entre-temps, qu'est-ce qu'il entend
faire?
Le Président: M. le ministre du Commerce
extérieur.
M. MacDonald: En premier lieu, M. le député, merci
de votre collaboration. En deuxième lieu, j'entends, comme je vous l'ai
mentionné - si vous aviez écouté la réponse
à votre première question - mobiliser tous et chacun, au
Québec et au Canada, pour faire valoir notre position,
c'est-à-dire la position de la province de Québec et de la
région de Montréal pour obtenir le siège social de
l'Agence spatiale canadienne.
Le Président: Alors, cette dernière réponse
met fin à la période régulière de questions. Nous
allons continuer les affaires courantes.
Ce matin, il n'y a pas de vote reporté.
Motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, à la suite
du dépôt de l'avant-projet de loi sur l'assurance
automobile, j'aimerais faire un dernier avis...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: II ne s'agit pas d'une motion, mais plutôt d'un
avis...
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Gratton: ...pour que la commission... Le Président:
Un avis?
M. Gratton: En fait, appelons cela une motion, d'accord.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement sur la motion
de M. le leader...
M. Gratton: Je fais donc motion pour que la commission de
l'aménagement et des équipements procède à une
consultation générale et tienne des auditions publiques...
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: Un instant. Je n'ai pas d'objection à
l'entendre, sauf que, comme je l'ai indiqué au leader du
gouvernement...
M. Gratton: Cela a été corrigé.
M. Gendron: Cela a été corrigé? Alors, on va
l'entendre et on verra après. S'il y a une correction que je ne connais
pas, je ne peux pas donner mon avis. (11 heures)
Le Président: M. le leader du gouvernement.
Consultation générale dans le
cadre de l'étude de l'avant-projet
de loi modifiant la Loi sur
l'assurance-automobile
M. Gratton: Oui, M. le Président. Cela a été
corrigé et en consultation avec le personnel du leader. Je pense que
cela devrait répondre aux appréhensions de l'Opposition.
Je reprends la lecture M. le Président. Je fais motion pour que
la commission de l'aménagement et des équipements procède
à une consultation générale et tienne des auditions
publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi modifiant la
Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives,
que les mémoires soient transmis au Secrétariat des commissions
au plus tard le 21 août 1987 et que le ministre des Transports soit
membre de ladite commission pour la durée du mandat. J'indique tout de
suite qu'au plus tard demain, le mardi 23 juin, nous indiquerons vers quelle
date commenceront les auditions publiques quant à ce mandat, et ce, en
consultation avec le porte-parole de l'Opposition officielle.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: II n'y a pas de problème, M. le
Président, mais ce qui est étonnant, c'est que le leader nous
annonce une commission pour laquelle il y aura des consultations quant à
la date. Cependant, à la suite de l'appel au secours du ministre du
Commerce extérieur, il est étonnant que vous n'ayez rien à
dire concernant une commission parlementaire sur le libre-échange.
À la suite de son appel au secours de contribution de l'Opposition, il
nous ferait plaisir d'avoir une commission parlementaire sur le
libre-échange.
Une voix: Bien oui.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Ce n'est pas parce que je n'ai rien à dire
aujourd'hui que je n'aurai pas quelque chose à dire demain,
après-demain, vendredi, ni la semaine prochaine.
Le Président: Si je comprends bien, la motion
présentée par M. le leader du gouvernement est
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Y a-t-il d'autres motions sans préavis, M. le leader du
gouvernement et M. le leader adjoint?
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, il n'y a pas de commission,
il n'y a pas d'avis à donner ce matin. J'indiquerai cependant
qu'à 14 heures, puisqu'on s'est entendu entre nous pour suspendre
seulement de 13 à 14 heures aujourd'hui, des motions visant à
procéder à certaines nominations seront déposées
devant l'Assemblée nationale par le premier ministre pour que
l'Assemblée se prononce sur leur contenu probablement demain.
Cela étant dit, M. le Président, aux affaires du jour, je
vous inviterais à appeler l'article 80 du feuilleton s'il vous
plaît!
Le Président: Alors si j'ai bien compris,
il n'y a pas de renseignements concernant les travaux de cette
Assemblée. Nous allons immédiatement procéder aux affaires
du jour.
Reprise du débat sur la motion proposant que
l'Assemblée nationale
autorise la modification de la
constitution du Canada en conformité
avec l'accord d'Ottawa
À l'article 80 au feuilleton, il s'agit de la reprise du
débat ajourné le 19 juin 1987 par M. Lefebvre, leader adjoint du
gouvernement, sur la motion présentée par M. le premier ministre.
Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale autorise la
modification de la constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le
gouverneur général sous le grand sceau du Canada en
conformité avec l'annexe ci-jointe (au feuilleton)." Je suis prêt
à reconnaître M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, c'est avec grand plaisir que
je cède mon droit de parole au ministre de l'Éducation sans,
évidemment, perdre mon propre droit de parole que j'utiliserai au cours
de la journée.
Le Président: Antérieurement, cela a-t-il
été accepté? Y a-t-il consentement à cet effet, M.
le leader adjoint de l'Opposition?
M. Lefebvre: Oui.
Le Président: Alors je vais reconnaître le premier
des intervenants ce matin, sur la motion présentée par M. le
premier ministre, M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, ayant été
activement engagé dans le débat constitutionnel depuis plus d'un
quart de siècle, j'ai suivi avec un intérêt particulier les
développements remarquables qui se sont produits dans ce dossier au
cours de la dernière année. En ce qui touche le Québec, il
s'est fait plus de choses au cours de cette dernière année que
pendant tout le demi-siècle qui s'écoula entre la proclamation du
Statut de Westminster en 1931 et le rapatriement de la constitution en 1982.
L'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel traite des pouvoirs du
Parlement fédéral, avait fait l'objet, en 1949, d'une importante
modification conférant au Parlement fédéral des pouvoirs
accrus en ce qui touche la modification des articles le concernant directement.
Cet article nouveau fut abrogé par la Loi constitutionnelle de 1982, vu
qu'il n'était plus nécessaire à cause de la nouvelle
formule d'amendement.
En matière de partage des pouvoirs législatifs, trois
modifications importantes seulement ont eu lieu à l'époque
contemporaine. Une première, apportée en 1940, établissait
la compétence du Parlement fédéral en matière
d'assurance-chômage. Deux autres modifications apportées
successivement en 1951 et 1964 élargissaient la compétence du
Parlement fédéral en matière de pension de vieillesse. Si
l'on ajoute à cela la décision qui permit, en 1949,
l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, les seules
modifications majeures apportées à la constitution canadienne
depuis le Statut de Westminster sont celles que l'on trouve dans la Loi
constitutionnelle de 1982.
Cette loi a fait beaucoup de tort au Québec. Adoptée sans
le consentement du Québec, dans des circonstances peu honorables, la Loi
constitutionnelle de 1982 eu pour effet de marginaliser le Québec, de
l'obliger à se situer à l'écart de la vie
constitutionnelle normale du Canada.
La Loi constitutionnelle de 1982 eut néanmoins le double
mérite de doter le Canada d'une charte constitutionnelle des droits qui
est l'une des mieux équilibrées au monde et de remettre entre les
mains des Canadiens et de leur gouvernement la responsabilité de trouver
au pays même des solutions à leurs problèmes. Cette loi a
mis fin au régime désuet et humiliant des pèlerinages
constitutionnels à Londres. Elle a aussi posé les droits
individuels de chacun comme fondement de l'édifice politique
canadien.
L'accord constitutionnel que l'Assemblée nationale
s'apprête à ratifier est le premier fruit de cette dynamique
nouvelle créée, en grande partie, par la Loi constitutionnelle de
1982. II faut avoir l'honnêteté de le reconnaître.
S'il se situe dans le sillage historique de la loi de 1982, l'accord du
3 juin dernier en diffère, cependant, très nettement par l'esprit
dont il procède. L'esprit qui a inspiré l'accord du lac Meech et
d'Ottawa, c'est, en effet, non plus le souci d'assurer à tout prix la
prépondérance fédérale et d'ignorer le
particularisme québécois, mais plutôt une volonté
ferme d'acceptation réciproque et de recherche d'une saine
complémentarité entre le Canada et les éléments
divers qui le composent.
Acceptation réciproque du rôle propre dévolu au
Parlement fédéral et aux provinces par la constitution.
Acceptation réciproque par des Canadiens anglophones et les Canadiens
francophones de la dualité linguistique et culturelle du Canada.
Acceptation par tous les gouvernements canadiens, et cela, pour la
première fois, dans toute l'histoire de la Confédération,
du caractère distinct du Québec et du rôle propre de son
gouvernement et de son Assemblée nationale, comme gardien et
promoteur de la personnalité propre du Québec. Acceptation
par tous les gouvernements des droits inaliénables des peuples
autochtones et de la réalité multiculturelle du Canada.
Acceptation, enfin, du principe d'une saine égalité entre les
provinces qui regroupent sur leur territoire respectif les peuples divers du
Canada.
Voilà les pierres d'assise de l'accord du lac Meech et d'Ottawa.
Autant de principes que l'on retrouve également dans les grands textes
constitutionnels du gouvernement québécois, de 1960 à
1976, dans le livre beige publié en 1980 par le Parti libéral du
Québec et dans le manifeste "Maîtriser l'avenir"
publié par le Parti libéral du Québec, à la
veille de l'élection générale de 1985.
L'évolution constitutionnelle du dernier quart de siècle a
été jalonnée de nombreux glissements qui allèrent
tantôt dans le sens d'un renforcement dangereux de la
prépondérance fédérale, tantôt dans le sens
de la rupture du Québec avec le reste du Canada.
Mais le peuple réel n'adhérait, en fait, ni à l'une
ni à l'autre de ces tendances extrêmes qui s'opposaient pendant
plusieurs années. Il voulait, au fond, que nous demeurions à la
fois Québécois et Canadiens, que nous puissions nous
réaliser et nous affirmer avec force au Québec, mais tout en
continuant aussi de faire partie de l'ensemble canadien renouvelé.
La préférence du peuple québécois a toujours
favorisé la recherche de solutions empreintes d'esprit de conciliation
et de modération. L'accord que nous entérinerons bientôt
marque la victoire du réalisme et de la modération et nous
enseigne que la persévérance, la continuité, la
fidélité à des convictions et de la longanimité
sont des vertus essentielles dans l'édification d'un pays.
Mais, au fait, avons-nous lieu de nous réjouir? L'accord d'Ottawa
ne serait-il pas, comme l'affirmait l'autre jour, en cette Chambre, le chef de
l'Opposition, qu'un recueil minable de miettes insignifiantes? La question vaut
qu'on l'examine, car elle est au coeur de notre débat. Elle a
été posée, je pense, avec sincérité par ce
Québécois que je respecte et, à travers lui, par des
milliers de Québécois.
Le temps limité dont je dispose ne me permet pas d'aborder tous
les aspects de l'accord d'Ottawa. Je me bornerai, en conséquence,
à traiter de deux éléments majeurs de ce document, soit la
formule d'amendement constitutionnel et la compétence du Québec
en matière de droits linguistiques. (11 h 10)
En écoutant l'autre jour le chef de l'Opposition, j'avais
hâte de l'entendre commenter la formule d'amendement conte- nue dans
l'accord d'Ottawa. J'avais hâte de l'entendre commenter cet aspect
capital de l'accord, car l'honnêteté intellectuelle la plus
élémentaire l'invitait à reconnaître, dans cette
formule, celle-là même à laquelle lui-même et
plusieurs autres membres de l'Opposition accordèrent leur
adhésion, en 1981, par la voix de leur ancien chef, René
Lévesque. Mais au lieu de faire face à cet obstacle de taille, le
chef de l'Opposition s'est prudemment abstenu de faire la comparaison qui
s'imposait. Je le comprends facilement de ne pas avoir fait cet exercice, car
il aurait été obligé, en toute vérité, de
reconnaître que l'accord d'Ottawa apporte davantage au Québec que
l'accord signé par René Lévesque le 16 avril 1981, et,
à plus forte raison, que la Loi constitutionnelle de 1982. Dans l'accord
d'avril 1981, le Québec, abandonnant la revendication du droit de veto
complet acceptait que la règle de décision en matière de
changement constitutionnel soit celle d'une majorité comprenant les deux
Chambres fédérales et les deux tiers des provinces
représentant au moins 50 % de la population canadienne.
Dans l'accord d'Ottawa, cette règle est maintenue. Il n'y a ici
aucune espèce de recul. À moins que le Parti
québécois n'ait changé d'avis depuis 1981, il devra
reconnaître qu'il y a convergence à ce sujet entre les deux grands
partis représentés dans cette Chambre.
En ce qui touche les amendements impliquant des transferts de pouvoir
des provinces en faveur du Parlement fédéral, l'ancien
gouvernement avait voulu, à juste titre, obtenir un droit de retrait
assorti d'une juste compensation financière. Cette double garantie le
gouvernement Lévesque l'avait obtenue en avril 1981 de sept autres
provinces, mais il l'avait ensuite perdue à Ottawa en novembre de la
même année, en se laissant entraîner à cette occasion
dans un véritable cafouillage.
Tout ce que le Québec put obtenir en novembre 1981, ce fut un
droit de retrait assorti d'une compensation financière dans les cas
d'amendements impliquant des matières d'ordre éducatif ou
culturel. Encore ce compromis insatisfaisant ne fut-il obtenu que grâce
à une intervention in extremis d'éléments
modérés du Québec. Avec l'accord d'Ottawa, nous revenons
à l'esprit et presque à la lettre de l'accord d'avril 1981 au
sujet de la compensation financière en cas d'amendements impliquant des
transferts de pouvoirs constitutionnels. Ici encore, le Parti
québécois, s'il veut être conséquent, devrait avoir
la logique de se déclarer d'accord avec le gouvernement et la
très grande majorité des citoyens du Québec.
Dans l'accord d'avril 1981, certaines questions d'importance majeure,
telles la charge de souverain, les droits des provinces en matière de
représentation à la Chambre
des communes, l'usage des langues française et anglaise, la
composition de la Cour suprême et la modification de la formule
d'amendement, avaient été soustraites à la règle de
la majorité ordinaire et soumises à la règle du
consentement unanime d'Ottawa et des provinces. Pour toutes ces questions,
l'accord d'Ottawa maintient la règle de l'unanimité et, par voie
d'implication, le droit de veto du Québec. Ici encore, comment le Parti
québécois peut-il logiquement se dissocier du gouvernement et du
peuple québécois après avoir soutenu la position que l'on
sait en avril 1981?
Dans sa précipitation, le gouvernement de l'époque, en
signant l'accord d'avril 1981, avait commis une omission de taille. Il avait
oublié d'insister pour que soient soustraites à la règle
de la majorité ordinaire les questions aussi fondamentales que la
représentation proportionnelle des provinces aux Communes, les pouvoirs
et le mode de nomination des membres du Sénat, la représentation
des provinces au Sénat, la Cour suprême du Canada, l'extension des
provinces existantes dans les territoires et même, oubli absolument
impardonnable, la création de nouvelles provinces.
Sur toutes ces questions, un flanc entier avait été
laissé ouvert. Fort heureusement, l'accord d'Ottawa corrige cette erreur
déplorable en redonnant au Québec un droit de veto sur toute et
chacune de ces matières. Sera-t-on assez masochiste de l'autre
côté de la Chambre pour refuser de reconnaître qu'il s'agit
là d'une récupération importante à laquelle devrait
souscrire tout Québécois de bonne foi?
Je viens de rappeler ce que le gouvernement précédent,
représentant le Parti québécois, avait solennellement
accepté en notre nom, en avril 1981. Le gouvernement actuel, ayant
obtenu davantage sous la conduite éclairée du premier ministre et
du ministre des Affaires canadiennes, que je salue tous les deux avec gratitude
en notre nom, comment l'Opposition peut-elle refuser de souscrire au moins
à cette partie de l'accord d'Ottawa qui est, à mon jugement, la
plus importante de toutes, c'est-à-dire la partie qui définit une
formule d'amendement constitutionnel pour l'avenir, qui nous donne la clef de
toutes les décisions que nous serons appelés à prendre
dans l'avenir en matière de modifications constitutionnelles? Je pose la
question à l'Opposition.
J'ai écouté attentivement, d'autre part, les propos des
porte-parole de l'Opposition à l'encontre de l'accord d'Ottawa dans
l'espoir de mieux comprendre leurs objections. De tous les griefs que j'ai
entendus, il n'en est pas de plus persistants, de plus
répétés et de plus fervents à la fois, je pense
bien, que celui traitant des pouvoirs de l'Assemblée nationale en
matière linguistique. La thèse de l'Opposition tient dans une
proposition très simple: Elle réclame la totalité des
pouvoirs pour l'Assemblée nationale en matière linguistique.
L'accord d'Ottawa n'ayant pas procuré au Québec cette
totalité des pouvoirs, l'Opposition prétend le répudier.
Dans une perspective souverainiste, on peut comprendre l'attitude de
l'Opposition, mais dans une attitude fédéraliste, cette attitude
est foncièrement indéfendable et j'entends le
démontrer.
Dans une perspective fédéraliste, nous percevons en effet
le Canada, ainsi que le dit l'accord d'Ottawa, comme un pays formé,
d'une part, de citoyens francophones concentrés au Québec, mais
également présents dans le reste du Canada et, d'autre part, de
citoyens anglophones concentrés dans les autres provinces, mais aussi
présents au Québec. En disant cela, nous n'inventons rien, nous
ne formulons pas une thèse philosophique, nous percevons tout simplement
la réalité canadienne comme elle est. Non seulement nous
acceptons cette réalité, mais nous voulons nous y conformer dans
toute la mesure raisonnablement possible des institutions politiques du
pays.
Pour nous, cette perspective entraîne deux ordres de
conséquences. Tout d'abord, nous tenons à juste titre à ce
que le caractère français du Québec soit reconnu et puisse
s'affirmer dans un climat de liberté. En second lieu, nous voulons aussi
que la réalité institutionnelle du Canada fasse une place
généreuse aux droits linguistiques des francophones vivant hors
du Québec tout comme nous sommes disposés à respecter les
droits linguistiques des anglophones vivant au Québec. Dans une
perspective fédéraliste, la façon la plus efficace
d'assurer le maintien et le développement du volet francophone de la
dualité linguistique du Canada, c'est d'abord de faire en sorte qu'il
existe toujours, au Canada, un Québec fort, un Québec sûr
de ses droits et de ses prérogatives. Par les clauses qu'il contient
à ce sujet, dont d'autres intervenants ont traité abondamment,
l'accord du lac Meech renforce la position du Québec comme
société distincte à l'intérieur du Canada et la
reconnaît même formellement pour la première fois depuis les
débuts de la Confédération.
Mais vouloir que soit maintenu ce volet francophone de la dualité
linguistique du Canada, c'est aussi faire en sorte que soient également
protégés les droits linguistiques des francophones vivant hors
Québec. La meilleure façon de garantir les droits de ces
derniers, c'est de les inscrire dans la constitution même du pays, comme
cela a été fait en 1982. Réclamer dans cette perspective
la totalité des pouvoirs linguistiques pour l'Assemblée nationale
du Québec, ce serait renoncer à offrir aux minorités
francophones hors Québec toute garantie linguistique de
caractère
constitutionnel. Comment un fédéraliste sincère
pourrait-il agir ainsi sans renoncer à un élément
essentiel de son option? Comment le Québec pourrait-il refuser
d'accorder aux minorités francophones du Canada la protection
constitutionnelle qu'elles réclament sans renier les principes
mêmes de sa propre option constitutionnelle? (11 h 20)
Dès qu'on constitutionnalise les droits linguistiques, on limite
d'une certaine manière - c'est évident, c'est contenu dans la
définition môme de l'acte qu'on fait - les pouvoirs des provinces
et aussi ceux du Parlement fédéral en ces matières. Mais
les limites qu'imposent les droits présentement définis dans la
constitution canadienne sont de celles que le Québec peut
raisonnablement accepter afin de faire peser en retour le poids de son
influence en faveur d'une plus grande acceptation des droits des francophones
hors Québec.
Les dispositions constitutionnelles qui limitent la compétence
des provinces et du Parlement fédéral en matière
linguistique sont de trois ordres. Examinons-les quelques instants afin de voir
ce qu'elles entraînent au juste pour le Québec et de dissiper, une
fois pour toutes, toutes sortes de légendes qu'on essaie d'implanter
dans les esprits à ce sujet.
Il y a d'abord les limites que définit l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, c'est-à-dire des dispositions qui
garantissent le libre usage du français et de l'anglais au Parlement,
à l'Assemblée nationale et dans les procédures
judiciaires. Ces limites, à bien y penser, sont l'expression de droits
que je n'hésite aucunement à considérer comme naturels et
tout à fait fondamentaux, tout autant pour les membres de la
communauté anglophone vivant au Québec que pour les membres de la
communauté francophone vivant dans les autres provinces canadiennes. Au
lieu de chercher à abolir, à restreindre ou à diminuer ces
droits au Québec, pourquoi ne chercherions-nous pas à nous unir
afin d'en obtenir la reconnaissance officielle en Ontario et dans les autres
provinces canadiennes? Ne serait-ce pas là servir un idéal
beaucoup plus noble, beaucoup plus élevé, et, je pense aussi,
beaucoup plus civilisé?
Parmi les mesures qui limitent la compétence législative
du Québec et des autres Parlements canadiens en matière
linguistique, il y a, en second lieu, des limites que définissent les
articles de la Loi constitutionnelle de 1982 traitant des droits linguistiques,
c'est-à-dire les articles 16 à 23, je crois. Sur les sept
articles de la charte canadienne qui traitent explicitement des droits
linguistiques, un seul, à vrai dire, affecte directement le
Québec. Tous les autres affectent tantôt le Parlement
fédéral, tantôt la province du Nouveau-Brunswick. Un seul,
l'article 23, lequel traite des droits linguistiques en matière
d'éducation, affecte directement le Québec. Tous les autres
articles concernent soit le Parlement fédéral, soit la province
du Nouveau-Brunswick laquelle les a acceptés librement pour son propre
compte.
Or, l'article 23 contient essentiellement trois prescriptions dont deux
ne créent aucune espèce de problème pour le Québec,
à ma connaissance. L'article 23 (l)a) affirme le droit de tout Canadien
à recevoir l'enseignement dans sa langue maternelle. Cet article
pourrait donner lieu à des problèmes au Québec, vu qu'en
principe il pourrait ouvrir la porte de l'école anglaise à tous
les enfants d'immigrants anglophones en provenance d'autres pays. Mais, en
vertu d'un autre article de la Loi constitutionnelle de 1982,
c'est-à-dire l'article 59 (1), cet article 23 (l)a) ne peut recevoir
d'application au Québec qu'après autorisation de
l'Assemblée nationale ou du gouvernement du Québec. Vu qu'aucune
décision de cette nature n'a été prise et ne semble devoir
être prise par l'Assemblée nationale ou le gouvernement, cet
article ne contient aucun danger pour le Québec. La décision
relève de nous.
II y a ensuite, l'article 23 (l)b) qui définit, pour sa part, ce
qu'il est convenu d'appeler la clause Canada. Cet article définit le
droit à l'enseignement en français ou en anglais pour les enfants
de parents ayant reçu leur instruction primaire dans cette langue au
Canada. La charte des droits affirme ici un principe de
réciprocité et de droit difficilement contestable. Ce principe
est tellement sain que le Parti québécois lui-même l'a
maintes fois reconnu. Et, dans la déclaration que l'ancien premier
ministre, M. Johnson, faisait pendant la brève période où
il a été à la tête du gouvernement du Québec,
il reconnaissait ce principe de réciprocité. Il se disait
prêt à négocier avec le reste du Canada sur ce point
précis. Il y a un certain désaccord entre les deux partis quant
aux modalités d'application, mais, quant au fond, il y a plutôt
accord et convergence, à moins qu'on n'ait changé d'opinion tout
dernièrement et que cela nous ait échappé.
Il reste enfin, M. le Président, une partie de cet article 23,
l'article 23 (2), lequel consacre le droit à l'enseignement en langue,
anglaise pour tous les frères et soeurs d'un enfant ayant reçu
l'enseignement primaire ou secondaire dans l'une ou l'autre langue. Cet
article, de l'avis de plusieurs observateurs, pourrait devenir une passoire
dangereuse. Il pourrait avoir des effets négatifs sur l'équilibre
linguistique du Québec pour des raisons que je n'ai pas à
préciser maintenant, parce que ça m'entraînerait à
dépasser le temps qui m'est imparti. Disons qu'il crée des
problèmes.
Sur ce point aussi, il y a convergence, non pas désaccord, entre
les deux partis. Le Parti libéral du Québec a affirmé
à maintes reprises et le premier ministre l'a rappelé à
plusieurs reprises ces derniers temps, que cet article doit faire l'objet d'une
révision. Le gouvernement actuel a déclaré, par la voix du
premier ministre, qu'il entend demander que cet article soit inscrit au
programme à l'occasion des étapes ultérieures de la
révision constitutionnelle.
Il n'y a pas de problème urgent de ce côté-ci. Je
suis en charge de ce secteur au sein du gouvernement et il n'y a pas de
problème urgent de ce côté-ci. Les gens ne se
précipitent pas par centaines de Grenville à Hawkesbury dans mon
comté pour inscrire leurs enfants à l'école primaire en
première année en anglais, les ramener ensuite au Québec
de manière que tous les autres membres de la famille puissent être
instruits en anglais. Nos citoyens sont beaucoup plus responsables et
consciencieux que ça en matière d'éducation.
Il y a quand même un danger auquel nous voulons parer. Nous avons
affirmé à plusieurs reprises notre volonté d'y voir.
Est-ce qu'il ne serait pas plus logique que le Parti québécois
donne son appui au gouvernement actuel du Québec dans cette
démarche plutôt que d'essayer de monter des épouvantails
qui n'ont aucun fondement véritable dans la réalité des
textes juridiques si on veut les analyser sérieusement?
En plus de ces articles 16 à 23 de la charte qui traitent des
droits linguistiques, il y a les articles de la charte qui traitent des
libertés fondamentales et dont l'application pourrait donner lieu
à des décisions judiciaires susceptibles d'affecter la
compétence du Québec en matière linguistique.
On pense, par exemple, à un jugement récent de la Cour
d'appel du Québec qui invalidait certaines clauses de la loi 101 portant
sur la langue d'affichage et ce, au nom de la liberté d'expression
garantie par l'article 2 de la charte des droits. Cette possibilité est
réelle, on ne saurait le nier. Pour être complet, il faut
cependant ajouter que devant une situation comme celle-là, il est
toujours loisible au Québec de recourir à la clause "nonobstant",
c'est-à-dire à l'article 33 de la charte des droits dont M.
Bourassa a heureusement vu, à la dernière réunion à
Ottawa, à ce que le champ d'application ne soit pas restreint par
l'accord d'Ottawa.
Exception faite, par conséquent, de l'article 23 (2), il n'y a
rien à redouter pour le Québec des dispositions de la charte
canadienne qui définissent certains droits linguistiques et qui
limitent, par conséquent, la compétence législative des
provinces et du Parlement fédéral en ces matières.
En outre, les dispositions de l'accord d'Ottawa traitant du
caractère distinct du
Québec ne peuvent que contribuer à élargir l'aire
de compétences du Québec en matière linguistique. Tout en
reconnaissant la dualité linguistique du pays, l'accord d'Ottawa
reconnaît aussi le caractère distinct du Québec et affirme
le devoir de l'Assemblée nationale de protéger et de promouvoir
ce caractère.
 moins que les auteurs du document n'aient voulu strictement
parler pour ne rien dire, ces dispositions ne pourront que contribuer à
créer à l'avenir un climat favorable à une
interprétation plus libérale des pouvoirs du Québec en
matière linguistique. Vouloir faire dire autre chose au texte d'Ottawa
ce serait en fausser le sens.
Lorsque l'Opposition soutient que le Québec doit revendiquer la
totalité des pouvoirs en matière linguistique, elle s'inspire
d'une logique difficilement compatible avec la philosophie du régime
politique sous lequel nous vivons. Cette position postule en effet que seule
l'Assemblée nationale est représentative du peuple
québécois et que seule elle peut agir au nom du peuple
québécois en matière linguistique. La
réalité politique du Canada est cependant tout autre. Sous notre
régime politique, le Parlement fédéral, dans son ordre de
compétences, est tout aussi représentatif des
Québécois que l'Assemblée nationale peut et doit
l'être dans son ordre propre de compétences. Nier toute
compétence au Parlement fédéral en matière
linguistique, c'est amputer celui-ci d'une dimension importante de son
rôle. C'est aussi priver les citoyens francophones vivant hors du
Québec d'un instrument puissant sans lequel leur sort deviendrait de
plus en plus problématique. (11 h 30)
Le même raisonnement vaut pour la constitution du pays. Celle-ci
vaut nécessairement pour tout le Canada, non seulement pour le
Québec. Vouloir enlever de ce document toute référence aux
droits linguistiques n'est-ce pas, du même coup, administrer un soufflet
cavalier à nos compatriotes francophones hors Québec? Si aucun
droit linguistique ne leur est garanti dans la constitution, combien de temps
les minorités francophones pourront-elles survivre en dépendant
du seul bon vouloir de leurs gouvernements provinciaux respectifs?
L'enchâssement de certains droits linguistiques dans la
constitution du pays n'est pas un sujet de gêne ou d'embarras pour un
fédéraliste, mais plutôt un sujet de fierté et n'est
pas, non plus, un acte d'abdication dans la mesure où le Québec
adhère librement à l'ensemble politique canadien. Il est
plutôt la marque d'un souci d'élévation et de civilisation.
M. Pierre Elliott Trudeau, que je ne me suis jamais gêné pour
critiquer en d'autres lieux et sous d'autres aspects, a accompli, de ce point
de vue des droits linguistiques, une oeuvre
hautement méritoire dont l'histoire lui saura gré. Sans
rien retrancher à ce que M. Trudeau a fait en ce domaine en 1982,
l'accord du lac Meech et d'Ottawa vient le confirmer, et l'affiner en y
ajoutant des nuances qui reflètent plus fidèlement, avec une
précision plus grande, la véritable réalité de ce
pays.
J'aurais aimé parler aussi des perspectives élargies
qu'entrouvrent pour le Québec les clauses de l'accord d'Ottawa traitant
des nominations au Sénat et à la Cour suprême. Le temps
étant bref, je me bornerai à dire quelques mots en terminant au
sujet du partage des pouvoirs. Ce sujet a toujours été au coeur
de nos préoccupations. Il a toujours été un
élément central de nos revendications. Où en sommes-nous
à ce propos à la suite de l'accord d'Ottawa?
Le chef de l'Opposition et ses collègues ont sans doute raison de
soutenir que les résultats du lac Meech sont plutôt modestes au
chapitre du partage des compétences législatives. Dans l'accord
d'Ottawa, on trouve, néanmoins, ce que le Québec s'était
vu refuser à Victoria, à savoir - un exemple concret et
très actuel d'un nouveau partage des compétences
législatives dans un champ d'intérêt vital pour le
Québec l'immigration. Avec l'entente que le gouvernement
fédéral s'est solennellement engagé à signer avec
le Québec à ce sujet, le Québec obtient des pouvoirs
très importants au plan constitutionnel en matière d'immigration.
Il obtient ces pouvoirs dans un climat de collaboration, de respect mutuel
où ne perce aucune méfiance réciproque.
Je vois, dans cet exemple précis, l'indication de nouveaux
développements possibles dans d'autres domaines touchant au partage des
compétences législatives au cours des années à
venir. Si le même esprit se maintient, nous pourrons faire dans l'avenir
de nouveaux progrès. Nous pourrons les rechercher dans un climat
peut-être moins anxieux que celui des 40 dernières années
où le climat des discussions en matière de partage de pouvoirs
avait toujours été coloré, et souvent obscurci, par les
incursions fréquentes du Parlement fédéral dans des champs
de compétence provinciale au titre de son pouvoir de dépenser.
Avec les nouvelles limites qui sont imposées au pouvoir de
dépenser, je crois que nous pourrons envisager les questions de partage
des pouvoirs dans un esprit peut-être plus objectif et plus serein que
nous ne l'avons fait par le passé. La méfiance faisant place
à la collaboration dans le respect réciproque, il sera possible
d'ouvrir de nouvelles perspectives, de mettre au point de nouvelles formules de
partage. Mais tout cela pourra se faire dans un climat moins crispé que
par le passé, car, à l'avenir, les changements pourront
être discutés et envisagés sous l'empire d'une règle
de décision qui aura été arrêtée au Canada
même, qui sera désormais agrée par tous les gouvernements
concernés, y compris celui du Québec et par tous les Parlements
concernés, y compris celui du Québec.
Je salue, en conséquence, l'accord d'Ottawa comme un pas
important pour le Québec et le Canada tout entier. Je rends hommage
à ceux qui l'ont rendu possible, de manière particulière
pour le Québec, au premier ministre et au ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui
se sont révélés des négociateurs responsables et
habiles et, pour le Canada, au premier ministre du Canada et au sénateur
Lowell Murray, assistés d'hommes comme le sénateur Arthur
Tremblay qui ont su mettre de l'avant une vision du Canada marquée au
coin de la générosité, de la compréhension et
surtout d'une très grande foi en notre aptitude à résoudre
ensemble nos problèmes.
L'édification du Canada est loin d'être terminée;
à bien des égards, elle commence à peine. Nous
disposerons, désormais, pour poursuivre l'oeuvre commencée en
1867, de la clé qui nous a toujours fait défaut jusqu'à
maintenant, c'est-à-dire d'une règle de décision claire,
simple et acceptée de tous les gouvernements. En matière de
droits linguistiques, nous disposerons également d'un plancher
constitutionnel et d'aménagements nouveaux qui nous permettront de
franchir un pas décisif vers une société plus fraternelle
et plus juste. Tout en étant conscient de l'immense chemin qu'il reste
à parcourir, je me réjouis de l'étape que nous nous
apprêtons à franchir et j'ai l'assurance qu'elle produira des
fruits intéressants et durables pour le Québec et pour le Canada
tout entier.
Le Président: Je remercie M. le ministre de
l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.
Toujours sur la même motion présentée par M. le premier
ministre, je vais maintenant reconnaître, comme prochain intervenant, M.
le député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Je vous remercie, M. le Président. Je dois
dire, en commençant cette intervention, que le gouvernement se comporte
actuellement un peu à l'image d'une formation syndicale qui, convaincue
du fait que l'entreprise va fermer ses portes, obtient un règlement de
convention collective ni à la baisse ni à la hausse, des pertes
dans certains secteurs, peut-être des gains ou des similigains dans
d'autres, et qui s'empresse d'aller voir son assemblée
générale pour faire accepter une première proposition de
convention collective, avant même que les patrons se soient entendus sur
l'offre et
avant même que quiconque ait jugé de l'importance de signer
à ce stade.
Le gouvernement du Québec se comporte avec une faiblesse
étonnante, voire déconcertante dans les circonstances. D'abord,
situons le contexte général parce que les gens qui nous
écoutent se demandent bien ce que les députés, un 22 ou 23
juin, demain, ont à discuter de cette résolution, alors que les
médias d'information nous ont confirmé, pour ceux qui n'ont eu
que ce contact avec l'accord du lac Meech, qu'il y a trois ans avant que cette
entente devienne partie intégrante de la constitution canadienne.
Il y a eu une rencontre des premiers ministres qui a duré une
quinzaine d'heures, peut-être 18 heures de négociation. Il y a eu
quatre ou cinq semaines d'intervalle durant lesquelles tout le monde a
essayé de comprendre le sens du communiqué de presse émis
par les hommes politiques ayant participé à cette rencontre. Il y
a eu, ensuite, une négociation d'une douzaine d'heures entre des
premiers ministres, lesquels, finalement, se sont laissés sur une
espèce d'accord susceptible d'être modifié, qu'on avait
trois ans pour entériner, qui devrait être discuté dans
toutes les Législatures du Canada et au Parlement canadien, un accord
qui devrait être soumis, en plus, à l'ensemble des citoyens
canadiens par leurs gouvernements respectifs, quand ce n'est pas par le
gouvernement fédéral.
Le gouvernement du Québec s'empresse, les 19 et 20 juin ou
quelque chose comme cela, de suspendre les règles normales de la
session, peut-être parce qu'il n'avait pas de lois à nous faire
adopter, c'est possible. Pendant tout le mois de juin, il s'est passé
très peu de choses en cette Chambre; on suspend les règles
normales, on apporte, à la vapeur, en toute fin de session, un projet de
motion qu'il faut adopter. On nous oblige à en discuter en un temps
relativement court, compte tenu de l'histoire même du Québec,
compte tenu de l'importance extraordinaire de cette motion pour l'avenir du
Québec, compte tenu aussi de l'habitude qu'on a dans ce Parlement et de
la nécessité qu'éprouvent les Québécois de
discuter les grands dossiers longuement et en profondeur. (11 h 40)
Mme la Présidente, qu'on m'explique qu'au Québec on sente
la nécessité de discuter pendant deux ans une réforme sur
l'éducation, qu'on sente la nécessité de discuter pendant
18 ou 20 mois une réforme du régime forestier, et qu'on sente la
nécessité de discuter pendant un mois, tout compris, un
engagement constitutionnel qui sera valide et valable, et qui influencera
l'avenir même du peuple québécois pour des années
futures! Mme la Présidente, je n'y comprends rien. 20 mois pour une
réforme du régime forestier, 24 mois pour une réforme de
l'éducation et un mois pour engager l'avenir du Québec pour 50 et
peut-être 100 ans à venir. Vraiment je ne sais pas si quelqu'un de
l'autre côté pourra nous expliquer, dans son intervention, la
nécessité de procéder avec autant de rapidité. Je
ne sais pas si quelqu'un de l'autre cOté sera en mesure, au nom du
gouvernement, d'expliquer aux citoyens pourquoi il faudrait 20 ou 25 fois moins
de temps pour engager l'avenir du Québec pour des décennies que
pour faire une réforme sectorielle, comme celle du régime
forestier ou de l'éducation. Qu'on m'explique donc cela!
Mme la Présidente, le caractère d'urgence est d'autant
plus inquiétant quand on sait que, dans l'ensemble des gouvernements du
Canada, les gouvernements provinciaux comme le gouvernement
fédéral, il y n'a presque personne à ce stade-ci qui ait
décidé, sauf le Parlement du Québec, de regarder les
offres. Deux Parlements ont déposé une motion, une
résolution et ils ne la discutent même pas à ce stade-ci.
Ils ont décidé de laisser mûrir les choses; ils ont
décidé de laisser le débat public se faire, ils ont
décidé de laisser à leurs concitoyens le privilège
de lire, d'échanger, de discuter et de se faire une opinion avant
d'engager non pas leur avenir, mais l'avenir de la Confédération
canadienne en y insérant le Québec. Le Parlement du
Québec, le Parlement qui devrait être le plus critique à
l'endroit de cette entente, le Parlement qui représente les citoyens qui
ont le plus à perdre dans cette entente, le Parlement qui
représente les citoyens qui devraient être historiquement les plus
méfiants envers les ententes de premiers ministres canadiens, c'est ce
Parlement qui va le plus vite, Mme la Présidente. Un mois de commission
parlementaire, 35 heures de débats, quelques semaines après les
premières discussions sur le sujet, notre Parlement aura accepté,
par le poids de la majorité des 99 députés, cette motion.
Partout ailleurs au Canada, partout ailleurs, alors que l'avenir des autres
Canadiens est beaucoup moins engagé que le nôtre dans cette
motion, partout ailleurs, on reporte cela à l'automne, on reporte cela
dans le courant de l'année prochaine, et, plus, ce qui est tout à
fait légitime, on souhaite consulter les citoyens. Avant de modifier la
constitution canadienne, on va consulter les citoyens.
Le gouvernement libéral, composé d'hommes et de femmes qui
ont été parmi ceux qui se sont fait berner en 1980 par le premier
ministre canadien de l'époque, M. Pierre Elliott Trudeau, composé
aussi d'hommes et de femmes qui ne s'étaient pas fait berner, mais qui
étaient heureux de la duperie dont avait été victime
l'ensemble des Québécois et des Québécoises en mai
1980, composé aussi, je l'espère, d'hommes et de femmes qui,
sincèrement, croient que le
Québec devrait avoir une place davantage spécifique et
privilégiée au sein de la constitution canadienne, refuse
systématiquement de consulter la population du Québec.
On nous répond: H n'y a rien là. Il y a eu, en commission
parlementaire, des experts et des groupes qui ont témoigné. C'est
vrai. Il y a même eu, de leur part, des groupes qui ont
témoigné qui n'avaient même pas demandé à
témoigner. Il y a eu aussi des groupes qui avaient demandé
à témoigner parce qu'ils s'intéressaient au sujet et dont
on n'a pas accepté le témoignage. Il y a eu une commission
parlementaire où des gens sont venus presque unanimement, sauf
quelques-uns très proches de ce gouvernement, nous dire que le texte
qu'ils avaient n'était pas un texte juridique, qu'il était donc
difficile de se former une opinion sérieuse à partir
d'énoncés de principe, mais qu'il leur semblait, de façon
générale, que ce texte n'assurait pas au Québec les choses
qu'il doit s'assurer d'obtenir avant d'adhérer à la constitution
canadienne.
Il y a eu des personnes illustres. Il y a eu des gens qui sont
considérés comme de grands Québécois, des gens qui
ont réfléchi à l'avenir du peuple québécois,
qui ont étudié aussi le passé du peuple
québécois. Il y a eu des gens comme M. Léon Dion, qui
était employé autrefois par le ministre des Relations
internationales de ce gouvernement. Ce n'est certainement pas un militant
péquiste acharné.
Il y a eu M. Fernand Dumont aussi. C'est un éminent sociologue
dont les discours, dont les écrits ont souvent fait école et
continuent d'être respectés par l'ensemble des
Québécois. Ce ne sont pas des militants péquistes de la
première heure, Mme la Présidente. Ce sont, des intellectuels,
des gens dont le métier consiste à réfléchir sur le
sens et la portée des gestes de la société
québécoise et du Parlement québécois.
Tous ces gens sont venus nous dire que c'était inquiétant,
ce qu'il y avait dans l'entente du lac Meech. Tous ces gens sont venus nous
dire que ça n'avait pas de bon sens de se prononcer à partir de
textes qui n'ont rien de juridique. Tout le monde l'a réclamé. Le
premier ministre faisait son discours habituel, en ce sens qu'il nous
répétait: Ah, bien, il n'y a pas de texte juridique; il y en
aura; on en déposera; on est en train d'en fignoler.
Mais est-ce qu'on a l'impression, Mme la Présidente, que ce
premier ministre est en train d'engager l'avenir du Québec? Est-ce qu'on
a l'impression, à le voir fonctionner à la vapeur, en vitesse au
mois de juin, qu'il s'agit là d'une chose importante qu'il
s'apprête à signer et à faire adopter par cette
Assemblée nationale? Est-ce qu'on a l'impression qu'il s'agit là
d'un défenseur de l'intérêt des Québécois
quand on voit que les premiers ministres des autres provinces, dont les
citoyens sont beaucoup moins concernés par cette entente, prennent le
temps de consulter, de réfléchir et d'élargir le
débat dans leur Législature, alors que lui passe ça
à la vapeur, sans consultation, sans information, s'abritant
derrière le fait que, pendant quelques dizaines d'heures, en commission
parlementaire, des experts sont venus se prononcer sur un communiqué de
presse?
Mme la Présidente, ce n'est pas comme ça qu'on doit
engager l'avenir du Québec. Je faisais allusion tout à l'heure au
référendum et à la période de mai 1980. On en a
connu, à ce moment-là, des beaux discours des gens d'en face. On
en a vu, des politiciens fédéraux qui, pour sauver les meubles,
se promenaient dans les centres d'accueil de personnes âgées en
leur expliquant que plus jamais au Québec on ne reverrait des oranges si
jamais on votait oui au référendum.
Il y a même eu un premier ministre fédéral qui a eu
l'outrecuidance, qui a eu l'audace, l'indécence de se présenter
devant l'ensemble du peuple québécois pour nous faire croire
qu'un oui, c'est un non et un non, c'est un oui et qu'il se passerait des
choses dans le Canada après. Il s'en est passé des choses dans le
Canada. Même le ministre de l'Éducation qui vient de prendre la
parole est un de ceux qui se sont fait berner à ce moment-là.
Cela lui a même coûté plus que quinconque ici dans cette
salle; on s'en souviendra.
Je me méfie profondément des discours des politiciens
fédéraux et, plus encore, des discours de politiciens du
Québec qui, par naïveté ou par intérêt ou parce
qu'ils sont en service commandé, s'empressent de faire une chose qui
devrait, à mon sens et au sens de bien des citoyens, faire l'objet d'un
bien large débat. (11 h 50)
Je vous repose la question et j'espère que des
députés parmi ceux qui ne semblent pas d'accord avec mon point de
vue pourront me répondre: Pourquoi, au Québec, faire une
réforme de l'éducation, cela prend 24 mois, alors que faire
adhérer le Québec à la constitution canadienne, cela
prendrait un mois? Qu'on m'explique cela de l'autre côté. Qu'on
m'explique quelle est l'urgence de la situation. S'il restait juste nous qui
n'avions pas adopté de résolution, peut-être que l'on
comprendrait, le premier ministre étant débordé par des
priorités législatives, les autres provinces étant
prêtes à signer l'accord constitutionnel, le Parlement
fédéral étant prêt et nous n'étant pas
prêts, qu'il faille aller un peu plus vite. On comprendrait, mais ce
n'est pas cela, on est les premiers.
Ce syndicat qui était convaincu que la boutique allait fermer et
qui s'aperçoit qu'on
lui offre dans la convention collective une clause qui dit: On va
essayer de faire attention dans nos mises à pied pour que les plus
anciens aient une certaine forme de sécurité d'emploi et qui se
pète les bretelles devant ses syndiqués en disant: C'est
merveilleux. On était sûrs d'être tous chez nous demain
matin, puis, maintenant, on a une clause de sécurité d'emploi.
Voyons donc, Mme la Présidente, cela ne tient pas debout! Les
députés de l'autre câté n'y ont vraiment pas
réfléchi s'ils trouvent que cela tient debout.
Que comprend cette entente-là? Cela comprend peut-être un
gain sur le plan de l'immigration. On regarde cela. On commence à lire
un peu les textes et on dit: Le gouvernement fédéral
négociera avec le Québec, sur le plan de l'immigration, une
entente, quelque chose qui pourrait être un modus vivendi
intéressant, permettant au Québec d'en dire un peu plus dans le
domaine de l'immigration. Mais, par ailleurs, on s'aperçoit que, dans la
même entente, un peu plus loin, on dit: Toutes les provinces pourront
négocier avec le gouvernement fédéral un modus vivendi qui
les intéresse. En d'autres termes, ce que l'on s'est empressé de
donner d'une main à cette société québécoise
profondément différente du reste du Canada, pour le minimiser, on
l'a donné, de l'autre main, à l'ensemble des provinces du
Canada.
Dans ce texte-là, du début à la fin, toutes les
phrases, tous les paragraphes n'ont qu'un seul objectif: banaliser la
présence québécoise dans l'ensemble canadien. Mais
devra-t-on, Mme la Présidente, retourner dans l'histoire pour savoir
qu'on était le peuple fondateur de ce pays, qu'on a été,
à la suite d'une conquête, une des deux entités de ce
Canada, qu'on a été à l'origine même de la formation
de ce pays, qu'on a toujours eu des droits différents et que, petit
à petit, à la faveur des grands événements
mondiaux, les guerres, par exemple, on s'est fait prendre, siphonner
littéralement des pouvoirs par un gouvernement central qui, au
départ, n'était qu'une espèce d'organisme de coordination
du fédéralisme canadien, mais qui est en train de devenir le seul
et unique gouvernement important dans ce pays et dont tous les
députés, à très forte majorité anglophone,
tantôt, décideront de l'avenir du Québec, de l'ensemble des
programmes, de l'ensemble des interventions qui devront se faire auprès
de nos concitoyens?
On est tellement en train de se banaliser qu'on se satisfait de quelques
distinctions de l'ordre de l'interprétation, parce que, dans le texte il
y a certains mots qui permettent de penser que, peut-être, le
Québec n'est pas aussi banal que le Nouveau-Brunswick ou que
l'Île-du-Prince-Édouard. On est bien contents de ce
côté-là et on s'imagine qu'on a fait là un gain
immense à
Ottawa. Imaginez, le Québec aura un peu plus de pouvoirs que
l'Île-du-Prince-Édouard! C'est gros comme à peu près
la ville de Jonquière et de Chicoutimi réunies, Mme la
Présidente. On se pète les bretelles en disant: C'est donc
plaisant, le Québec est différent de
l'île-du-Prince-Édouard. On le savait déjà, Mme la
Présidente, et le problème ne se posait même pas dans nos
têtes.
Mme la Présidente, je vous citerai simplement un bout de texte
qui vient du ministre des Relations internationales et qui a trait à
toute la question qui avait été largement débattue et dont
on traite aussi dans cette entente: le pouvoir fédéral de
dépenser. Le ministre des Relations internationales, M.
Rémillard, dans son discours à Mont-Gabriel en mai 1986... Cela
ne fait pas tellement longtemps, c'est très récent, je suis
certain que le ministre s'en souvient. Vous allez voir jusqu'où un homme
d'une capacité certaine peut en arriver à arrondir les coins pour
suivre la ligne de son parti. Je me permets de le citer, je suis certain qu'il
sera très heureux de cela; je le vois déjà sourire
à la seule pensée de se faire citer en cette Chambre: "La
sécurité culturelle - c'est le ministre Rémillard qui
parle - signifie aussi la possibilité pour le Québec d'agir dans
ses champs de compétence sans l'interférence du gouvernement
fédéral par son pouvoir de dépenser. On sait que, par ce
pouvoir, Ottawa peut dépenser comme il l'entend des sommes d'argent dans
tous les domaines, qu'ils soient de sa compétence ou non. Cette
situation est devenue intolérable. Elle est, pour l'ensemble des
provinces, une épée de Damoclès sur toute politique
planifiée de leur développement tant social que culturel ou
économique."
Je stoppe la citation pour vous dire tout simplement que le ministre des
Relations internationales, qui avait une vision claire de la question du
pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, pourra
peut-être nous expliquer, aujourd'hui, en quoi nous avons obtenu des
garanties alors que l'article qui traite spécifiquement de ce
problème dit ceci: "Le gouvernement du Canada fournit une juste
compensation - il faudrait regarder les termes si on avait le temps;
malheureusement, je n'aurai pas le temps; j'aurai peut-être la
possibilité d'intervenir une deuxième fois dans ce débat
et je me paierai le luxe d'analyser certains de ces termes - au gouvernement
d'une province qui choisit de ne pas participer à un programme national
- c'est quoi, un programme national? il faudra voir - cofinancé qu'il
établit après l'entrée en vigueur du présent
article dans un secteur de compétence exclusive provinciale - regardez
donc! - si la province applique un programme ou une mesure compatible avec les
objectifs nationaux. Le
présent article n'élargit pas les compétences
législatives du Parlement du Canada ou des Législatures des
provinces."
On apprend que, dans l'accord du lac Meech, pour satisfaire les
inquiétudes du ministre des Relations internationales qui traite,
à juste titre, le pouvoir de dépenser du fédéral
comme une épée de Damoclès permettant en quelque sorte au
gouvernement fédéral de faire planer constamment sur le
gouvernement du Québec, entre autres, et sur les gouvernements
provinciaux du Canada la menace d'une intervention dans quelque secteur que ce
soit, la réponse à cette préoccupation du ministre des
Relations internationales est là-dedans. De temps en temps, quand une
province ne voudra pas embarquer dans un programme assez large
déterminé par le gouvernement fédéral dans une
compétence provinciale... Le gouvernement fédéral
intervient dans une compétence exclusive du Québec, par exemple.
Si le Québec ne veut pas embarquer dans ce programme qui le regarde
totalement, il pourra peut-être avoir une compensation
intéressante, compensation importante, mais pas nécessairement
pleine et entière. Il faut faire bien attention. Il obtiendra une
compensation si jamais le Québec décide de faire son propre
programme qui répondra aux objectifs nationaux.
Cela ne tient pas debout. On est en train de consacrer par cette
résolution - il faudrait que les députés en soient plus
conscients - le pouvoir du gouvernement fédéral de venir
dépenser son argent chez nous, de venir nous donner des directives chez
nous, de venir nous donner des directives dans des champs de compétence
exclusive du gouvernement du Québec. On va signer cela
allègrement en dedans d'un mois, en faisant croire à tout le
monde que c'est merveilleux, qu'on a sauvé les meubles alors que la
maison a passé au feu.
Mme la Présidente, c'est inacceptable, c'est inconcevable. Je ne
peux pas croire que, de l'autre côté, on n'aura pas
l'honnêteté intellectuelle de regarder les aspects négatifs
de cette entente qui risque à jamais de nous brimer comme
Québécois et de nous empêcher de fonctionner. On diminue
systématiquement, de l'autre c6té, depuis le début, depuis
l'élection, le pouvoir du Parlement, que ce soit dans une intervention
sur le plan économique en liquidant les principaux outils d'intervention
que possédait ce Parlement, que ce soit sur le plan constitutionnel en
banalisant le Parlement du Québec, en diminuant sa possibilité
d'intervenir dans l'économie et dans la vie sociale, culturelle et
communautaire. (12 heures)
On dirait que la mission même de ces hommes et de ces femmes qui
ont été élus par les Québécois en
décembre 1985, on dirait que cette mission qu'ils se sont donnée,
c'est de faire rentrer une fois pour toutes le Québec dans le rang,
c'est de banaliser ce Parlement et c'est de s'inscrire dans un contexte
historique où dix provinces sont équivalentes au Canada, ne
prenant pas comme référence qu'il y a quelques centaines
d'années, Mme la Présidente, nous étions le Canada et
qu'il y a encore moins longtemps nous étions la moitié du Canada
et nous décidions en conséquence. Il y a moins de 40 ans, nous
avions certains pouvoirs que nous n'avons plus. Il y a sept ans, nous
étions encore un peuple fier et un peuple capable d'imposer ses vues
à Ottawa et nous sommes maintenant un peuple qui a refusé de
signer la constitution canadienne qui a été imposée en
même temps d'ailleurs qu'à ceux d'en face, mais les sept se sont
fait berner, incluant le ministre de l'Éducation, qui est le plus grand
berné de toute cette histoire. Et, Mme la Présidente, on est en
train maintenant de nous dire que, pour les prochaines années, les
prochaines décennies, le Parlement du Québec sera comme le
Parlement de l'Île-du-Prince-Édouard. Ce sera comme le Parlement
du Nouveau-Brunswick, Mme la Présidente. Le Parlement du Québec
sera en quelque sorte une Législature qui aura obtenu par son accord,
par son entrée tardive dans la Confédération canadienne -
c'est vrai que Terre-Neuve avait déjà essayé cela - qu'on
inscrive dans la constitution que, peut-être, le gouvernement
fédéral devra donner aux provinces un peu d'argent quand il
décidera d'intervenir dans les champs qui ne le regardent pas du tout,
dans les champs de juridiction de ces mêmes provinces.
Mme la Présidente, dans un mois, je le rappelle, dans quelque 30
heures, avec 99 députés contre 23... On ne peut pas accepter, on
ne peut pas croire que le gouvernement va signer cette résolution, va
adopter cette résolution. On ne peut pas croire que ceux qui devraient
être les défenseurs du Québec vont être ceux qui vont
plier la tête, se livrer pieds et poings liés avant l'ensemble des
Législatures au Canada, avant l'Île-du-Prince-Édouard,
avant le Nouveau-Brunswick et avant l'Alberta, que le gouvernement du
Québec va être celui qui va se livrer pieds et poings liés
à l'ensemble canadien sans avoir eu plus de force de revendication, Mme
la Présidente. Et c'est à chaque jour que les nouveaux sujets de
discussion nous sont présentés. On vient d'apprendre, la semaine
dernière, que les ventes d'énergie électrique du
Québec, quelque chose qui est produit par les Québécois
pour les Québécois, avec leur argent, c'était sous la
juridiction de l'ONE et que l'ONE pouvait, à la suite de plaintes
d'autres provinces, à qui on est censé s'efforcer, soit dit en
passant, de vendre de l'énergie hydroélectrique depuis un certain
temps... D'autres provinces font des plaintes
à l'ONE parce qu'on ne leur aurait pas offert l'énergie
hydroélectrique du Québec avant de la vendre aux
États-Unis. Mme la Présidente, il faudrait que le premier
ministre du Québec, avant de s'empresser de nous vendre à rabais
comme il s'apprête à le faire, ait au moins la décence de
s'assurer, entre autres, dans ce domaine qui n'a jamais fait l'objet d'un
débat jusqu'à présent, qui n'a jamais fait l'objet d'une
mention dans l'accord du lac Meech, que le gouvernement du Québec est au
moins responsable, que le peuple du Québec est au moins responsable de
l'énergie électrique qu'il produit à même ses
rivières, avec son argent et avec sa société d'État
et de la façon qu'il l'a toujours fait depuis le début.
Mme la Présidente, il y a plein de champs de compétence
comme celui-là qui n'ont jamais été abordés par les
spécialistes parce que le débat a été trop court.
On prend 24 mois au Québec pour faire une réforme de
l'éducation, 20 mois pour faire une réforme du régime
forestier et un mois pour banaliser le Québec, pour mettre fin aux
espoirs de bien des Québécois et pour mettre fin à des
centaines d'années d'histoire. Mme la Présidente, le peuple du
Québec ne pardonnera jamais à ces hommes et à ces femmes
s'ils ne peuvent pas prendre un peu plus de temps et s'ils ne
préviennent pas leur chef du danger de se livrer pieds et poings
liés au gouvernement fédéral plutôt que de
défendre l'intérêt des citoyens, du peuple
québécois. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Roberval.
M. le député de Frontenac et leader adjoint du
gouvernement.
M. Roger Lefebvre
M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Le 2
décembre 1985, les Québécois nous ont demandé de
remettre de l'ordre dans le Québec et, entre autres demandes, d'assainir
les finances publiques, de créer de l'activité économique
et des emplois permanents et de ramener le Québec dans la
fédération canadienne. "L'enjeu des futures discussions
constitutionnelles, ce n'est rien de moins que la dignité du
Québec." Cet engagement apparaît dans Maîtriser l'avenir,
à la page 49. La dignité du Québec, le premier
ministre du Québec et son ministre responsable l'ont
récupérée le 3 juin 1987. Cette dignité que nous
avions perdue le 16 avril 1981 a été
récupérée par des négociateurs plus habiles, plus
réalistes et, surtout, qui croient au Canada.
Le débat en Chambre, immédiatement? Oui, M. le
député de Roberval. On l'aurait fait à l'automne, cela
aurait été trop tard; on le fait maintenant, c'est trop
tôt! Si on le fait maintenant, c'est qu'on veut que tous les Canadiens
sachent que les parlementaires qui sont présents à
l'Assemblée nationale veulent, en grande majorité, le retour du
Québec dans la Confédération canadienne. On veut
également donner la chance à ceux qui ne sont pas d'accord avec
ce point de vue de se faire entendre tout de suite, immédiatement et non
pas à l'automne. Ce qui est un peu paradoxal, c'est qu'on permette aux
opposants de se faire entendre immédiatement et qu'on nous en fasse le
reproche.
Tout a été dit ou à peu près dans le
débat constitutionnel au cours des dernières années et,
particulièrement, lors des audiences tenues par la commission des
institutions qui ont permis à tous ceux et celles qui ont voulu
s'exprimer de faire connaître leur point de vue sur l'entente du lac
Meech. Depuis, le débat s'est engagé à l'Assemblée
nationale. Que s'est-il passé le 3 juin, Mme la Présidente? Le 3
juin 1987, on a modifié la constitution, on a modifié un contrat
qui lie le gouvernement fédéral avec les autres provinces qui
forment la fédération canadienne. Qu'est-ce qu'on a
modifié ou qu'est-ce qu'on veut modifier de ce contrat-là? On
veut d'abord que le Québec soit reconnu comme société
distincte. On veut qu'à l'avenir le Québec participe de
façon claire à la nomination des juges de la Cour suprême.
On veut également acquérir des pouvoirs accrus pour
contrôler notre immigration. On veut aussi limiter le pouvoir du
fédéral dans sa capacité de dépenser dans les
provinces, sur le territoire des provinces, et on veut récupérer
ce qu'on a perdu le 16 avril 1981, notre droit de veto.
Lorsqu'on veut évaluer un contrat, je me dis que le point de vue
des juristes, le point de vue des constitutionnalistes est fondamental. Un
contrat est l'expression libre de la volonté des parties. Est-ce que le
Québec a signé le 3 juin 1987 une bonne entente? Comment peut-on
le savoir lorsqu'il y a, d'un côté de la Chambre à
l'Assemblée nationale, un point de vue qui est contredit par un autre
groupe de parlementaires? Ce que je dis aux Québécois et aux
Québécoises, c'est de s'en remettre à des gens, hommes ou
femmes, qui n'ont pas de point de vue personnel à défendre dans
ce débat-là, qui n'ont qu'un seul intérêt, soit de
donner un point de vue objectif, réaliste dans l'intérêt
des Québécois et des Québécoises. (12 h 10)
Qu'est-ce qu'on a eu comme points de vue lors des débats tenus
par la commission des institutions sur l'entente du lac Meech? Quels ont
été les points de vue qui m'incitent, moi, à dire: Oui,
c'est bon, l'entente du 3 juin 1987? Je veux simplement rappeler au
député de Lévis les propos qui ont été tenus
par Gérald Beaudoin, ex-doyen de la Faculté de droit d'Ottawa. Je
veux
rappeler au député de Lévis les propos tenus par
Nicole Duplé, constitutionnaliste réputée de
l'Université Laval. Je veux, également, rappeler aux
députés péquistes le point de vue défendu par Yves
Fortier, un constitutionnaliste tout aussi réputé, qui travaille
à l'Université Laval. Comment ne pas attacher, Mme la
Présidente, d'importance à l'opinion de Robert Décarie,
avocat de pratique privée, qui s'y connaît tout autant, au moins,
que le député d'Abitibi-Ouest dans un débat aussi
technique qu'une entente comme celle du 3 juin 1987?
Je veux rappeler à nos amis d'en face les propos de Raynold
Langlois, avocat connu partout au Canada. François Chevrette, doyen de
la Faculté de droit de l'Université de Montréal - c'est au
Québec ça - est venu nous dire: Oui, c'est bon, l'entente du 3
juin 1987. Pierre Blache, doyen de la Faculté de droit de
l'Université de Sherbrooke - c'est au Québec - est venu nous
dire: C'est bon cette entente-là. Claude Morin, c'est un expoliticien du
Québec, mieux connu de nos amis d'en face que de nous, est venu nous
dire textuellement: Vous récupérez le droit de veto qu'on a perdu
le 16 avril 1981. Ne serait-ce que pour le droit de veto que vous
récupérez, vous faites quelque chose de bien. Je ne suis pas en
accord, évidemment - c'est ce que nous a dit Claude Morin - avec les
trois autres points. Mais sur l'immigration et la récupération du
droit de veto, Claude Morin nous dit: Ce n'est pas parfait, mais c'est bien.
Évidemment, cela vous fait mal, M. le député de
Lévis, qu'on vous ramène les propos de Claude Morin. Je le
comprends.
Vous savez, Mme la Présidente, lorsqu'on est séparatiste,
lorsqu'on veut sortir le Québec de la fédération
canadienne, c'est absolument impossible qu'on puisse évaluer
objectivement une entente où le Québec améliorerait son
sort dans la fédération canadienne. C'est émotivement
impossible pour ces gens d'avoir un jugement réaliste. Pierre Trudeau et
le chef de l'Opposition ne peuvent avoir raison en même temps. Ils
peuvent cependant avoir tort en même temps. Lorsque Pierre Trudeau nous
dit: Je suis en complet désaccord avec l'entente du lac Meech, cela me
rassure. Son désaccord tient au fait que les provinces, et
particulièrement le Québec, gagnent trop dans cette entente. Vous
savez, la différence entre le point de vue de Pierre Trudeau et celui du
chef de l'Opposition, c'est la contradiction entre la conception
dépassée du Canada et l'incapacité viscérale de
croire au Canada.
Le 3 juin 1987, Mme la Présidente, le Québec, avec en
tête son premier ministre Robert Bourassa et son ministre responsable Gil
Rémillard, a récupéré ce qu'on avait perdu. Les
Québécois et les Québécoises veulent un Canada
fort. Les Québécois et les Québécoises veulent le
retour du Québec dans ce pays qui leur appartient de droit. Les
Québécois et les Québécoises ne veulent plus du
discours confus, hargneux, arrogant, rétrograde des représentants
de la thèse péquiste. J'aimerais rappeler à nos amis d'en
face, qui m'écoutent attentivement, les propos tenus par un des leurs,
le député Desbiens. Le titre: Desbiens accuse le
député Brassard. Tordage de bras en fin de semaine. On fait
référence, Mme la Présidente, au congrès national
du Parti québécois qu'on a tenu il y a quinze jours.
L'affirmation nationale qui est la nouvelle thèse défendue par
nos amis péquistes...
M. Gendron: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement. M. le
député...
M. Gendron: J'ai beau essayer d'élargir - non ça ne
me dérange pas du tout - mes horizons, je ne peux pas voir en quoi les
propos du député de Frontenac sont pertinents au débat sur
la motion du lac Meech lorsqu'on relate certains événements qui
auraient eu lieu au congrès du Parti québécois. D'aucune
façon, cela ne fait partie du présent débat et, en
conséquence, Mme la Présidente, j'aimerais que vous demandiez au
député de Frontenac de s'en tenir au débat; s'il n'a rien
à dire, qu'il passe la parole à un autre, nous avons beaucoup de
choses à dire.
M. Lefebvre; Mme la Présidente, sur la question de
règlement...
La Vice-Présidente: Sur la même question de
règlement.
M. Lefebvre: Je crois bien que vous avez compris que je mettais
en contradiction l'affirmation nationale, thèse défendue par nos
amis les péquistes, avec la nôtre, qui est le
fédéralisme.
La Vice-Présidente: Je suis prête à rendre ma
décision là-dessus. Vous comprendrez que le débat est
très large, mais qu'il s'agit présentement d'un débat
concernant le lac Meech. Donc, qu'on s'en tienne à la motion du premier
ministre...
Une voix: Bravo!
La Vice-Présidente: ...et qu'on parle sur cette motion.
Donc, M. le député de Frontenac, je vous demanderais de revenir
à la pertinence du débat.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je considère
pertinent ce qui a été défendu, ce qui a été
discuté lors du dernier congrès péquiste.
M. Garon: ...
M. Lefebvre: Mme la Présidente, est-ce que le
député de Lévis pourrait se taire lorsque je parle? S'il a
de quelque chose à dire, qu'il soulève une question de
règlement et on la débattra.
Les propos du député de Dubuc étaient les
suivants:...
La Vice-Présidente: M. le député... M.
Lefebvre: Je pose des questions...
La Vice-Présidente: M. le député de
Frontenac, vous savez que ma décision est rendue. Je vous demanderais de
la respecter et de voir à rentrer dans le vif du sujet, à savoir
de parler de la motion du premier ministre. Là-dessus, M. le
député de Frontenac...
M. Lefebvre: Mme la Présidente, est-ce que je dois
comprendre que je ne peux pas parler de l'affirmation nationale? Est-ce que je
ne peux pas, Mme la Présidente, rappeler à ceux qui pourraient
l'ignorer par hypothèse dans cette Chambre que le député
de Dubuc a mentionné ceci: Certains délégués de
Dubuc avaient...
La Vice-Présidente: Non, non, un instant! J'ai rendu ma
décision, M. le député de Frontenac. Elle est claire,
nette et précise et, aujourd'hui, le débat porte sur la motion du
premier ministre. Je vous demanderais d'en revenir au vif du sujet.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je dois conclure
qu'à partir de maintenant... Mme la Présidente, vous savez que
votre décision aura des conséquences. Je dois conclure que,
lorsqu'on tiendra, à l'avenir, un débat constitutionnel à
l'intérieur de l'Assemblée nationale, on ne pourra pas expliquer
ce que veut dire ou ce que ne veut pas dire la thèse péquiste,
à savoir l'affirmation nationale. C'est la décision que vous
venez de rendre, Mme la Présidente. Je dois donc arriver à la
conclusion que, comme la plupart des Québécois, l'immense
majorité des Québécois, vous en arrivez à la
conclusion que cela ne veut rien dire. Comme c'est le vide absolu à
l'Assemblée nationale, on ne traitera pas, à l'avenir, du vide
absolu, à savoir l'affirmation nationale.
Mme la Présidente, je suis absolument estomaqué et je me
réjouis parce que, finalement, nos pensées se rejoignent.
Lorsqu'on traitera du débat constitutionnel, l'affirmation nationale
n'est pas un thème qui peut rejoindre le débat constitutionnel,
ni de près ni de loin. C'est l'abstraction la plus absolue, cela ne veut
rien dire, à moins...
Une voix: A moins de se faire tordre les bras.
M. Lefebvre: ...évidemment, qu'on fasse comme le
député de Lac-Saint-Jean a fait, qu'on torde les bras de ceux qui
ne comprennent pas. Alors, à l'avenir, pour faire entendre aux
Québécois ce que veut dire "affirmation nationale", on
procédera à l'opération tordage de bras, comme on a fait
au dernier congrès péquiste il y a quinze jours.
M. Gendron: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
Mme Juneau: S'il n'a rien à dire...
M. Gendron: Oui, c'est cela. Mme la Présidente,
très sérieusement, quand j'ai la parole, je veux bien qu'il
s'asseoie. Merci, Mme la Présidente.
Alors, je veux tout simplement vous signaler que, manifestement, le
député de Frontenac, pour un leader adjoint du gouvernement,
ridiculise une décision qui a été rendue. Je voudrais
juste vous dire que ce que j'ai compris, quand je me suis levé sur une
question de règlement - c'est important, Mme la Présidente -
c'était uniquement sur le fait que le député de Frontenac
parlait d'une attitude qu'aurait eue le député de Lac-Saint-Jean.
C'est sur là-dessus que je me suis levé pour dire que cela
n'avait rien à voir avec le débat du lac Meech. (12 h 20)
S'il veut faire la promotion de l'affirmation nationale dans le
débat du lac Meech, parce qu'il n'a rien à dire sur l'entente -
là, je le comprends, car cela ne signifie rien pour le Québec -
cela est son problème. Et s'il veut parler de l'affirmation nationale,
cela ne me dérange pas, Mme la Présidente. C'est pourquoi je ne
voudrais pas que vous compreniez que nous, de ce côté-ci de cette
Chambre, on aurait interprété que votre décision est
à savoir qu'on ne peut pas parler de points de vue concernant la
question constitutionnelle du lac Meech reliée à une position
différente de celle de nos amis d'en face et qui, pour eux, est
carrément fédéraliste et le Québec, le plus petit
possible. On peut parler de cela. Ce n'était, et je conclus, Mme la
Présidente...
Une voix: ...
M. Gendron: Non, je n'ai pas fini...
M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Sur la question...
M. Lefebvre: Question de règlement sur la question de
règlement.
La Vice-Présidente: Sur la question de règlement,
je vais reconnaître le député de Frontenac.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, question de
règlement sur la question de règlement.
La Vice-Présidente: II s'agit du...
M. Lefebvre: Question de règlement sur la question de
règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement sur la
question de règlement.
M. Lefebvre: Le leader adjoint de l'Opposition fait-il un
discours ou s'il débat son point? Il faudrait que cela arrête, il
faudrait qu'il arrive à quelque chose, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: J'ai compris... J'ai compris la
question du...
M. Garon: ...
La Vice-Présidente: M. le député de
Lévis. S'il vous plaît, à l'ordre! Là-dessus, je
vais rendre ma décision. Ce que j'ai dit tantôt, c'est qu'il
n'était pas pertinent à ce stade-ci, lors du débat sur la
motion du premier ministre, d'essayer de confronter deux députés.
Je n'ai rien contre le fait de parler de l'affirmation nationale qui est la
thèse de l'Opposition. C'est très pertinent, il s'agit d'autres
options qui peuvent entrer dans le vif du sujet, à savoir le
fédéralisme versus le souverainisme. Mais ce que je ne veux pas
et ce qui n'est pas pertinent, c'est de confronter deux députés.
Là-dessus, je ne permettrai aucune confrontation.
Là-dessus...
M. Ciaccia: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, monsieur, sur une question de
règlement?
M. Ciaccia: Peut-être de directive. Cela veut-il dire que
le député de Frontenac ne peut pas porter à l'attention de
l'Assemblée nationale que, dans la signature de l'accord du lac Meech,
il n'y a pas eu de tordage de bras du point de vue du gouvernement, mais que,
dans l'affirmation nationale, il y a eu du tordage de bras du point de vue du
Parti québécois?
La Vice-Présidente: C'est une question qui est, pour moi,
non pas aléatoire, mais, à ce stade-ci, hypothétique;
donc, je n'ai pas à décider là-dessus. M. le
député de Frontenac, je vous cède la parole.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je comprends que je n'ai
pas, et c'est votre décision, le droit de mettre en contradiction deux
députés, mais j'ai le droit de faire la démonstration
qu'à l'intérieur de l'Opposition péquiste l'affirmation
nationale ne fait pas l'unanimité, sinon lorsqu'on fait une
opération de tordage de bras. Ce n'est pas moi qui dis cela, c'est le
député de Dubuc, Mme la Présidente, c'est lui qui dit
cela.
Mme la Présidente, en terminant, je veux conclure sur cette
petite pensée que je laisse aux Québécois et
Québécoises. Je comprends l'attitude des députés
péquistes: déçus que nous ayons réussi là
où ils ont échoué, déçus que nous ayons
récupéré ce qu'ils ont perdu...
Une voix: C'est vrai.
M. Lefebvre: ...déçus que nous ayons
négocié mieux, de façon plus réaliste et plus
intelligente. Le PQ, en 1981 et 1982, a ridiculisé bêtement le
Québec. Nous avons, en juin 1987, redonné leur fierté aux
Québécois et aux Québécoises. Là-dessus, je
veux dire merci au premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, et
merci au ministre des Relations internationales, M. Gil Rémillard.
Merci, Mme la Présidente.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Frontenac. Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le
député de Frontenac disait tout à l'heure que les
Québécois voulaient entrer dans la constitution, voulaient qu'on
signe la constitution, mais il a oublié de dire que le peuple
québécois ne voulait pas qu'on signe à rabais. Ce qu'on
est en train de faire aujourd'hui, c'est qu'on signe à n'importe quel
prix. Il y a une certaine publicité dans un magasin en Estrie qui
disait: Vente à étiquette rouge! C'était une vente en bas
du prix coûtant.
Des voix: Ha! Ha!
Mme Juneau: Bien là, aujourd'hui, on a une vente à
étiquette rouge. C'est cela que le député a oublié
de mentionner tout à l'heure.
Mme la Présidente, vous savez, le député a
parlé tout à l'heure de notre congrès qui s'est tenu les
12, 13 et 14 juin.
M. Lefevbre: ...Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
Mme Juneau: Oui, je vais parler de
pertinence, Mme la Présidente.
M. Lefevbre: ...Mme la Présidente, le
congrès...
Mme Juneau: Mme la Présidente, au congrès du...
M. Lefevbre: Cela n'a rien à voir avec la
résolution...
La Vice-Présidente: Continuez, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Mme la Présidente, je ne sais pas quelle
mouche l'a piqué, mais il n'est pas bien aujourd'hui.
Une voix: C'est le monstre qui l'a piqué, c'est le
monstre.
Mme Juneau: S'il écoutait cinq minutes, il comprendrait
pourquoi j'ai dit ça.
Une voix: C'est trop long!
Mme Juneau: II y a un "spring" à quelque part qui ne
marche pas. Je suis en train de dire qu'il y a eu une prise de position
à notre congrès qui a été votée unanimement
par au-delà de 1000 personnes. Ce n'est pas des pinotes, au-delà
de 1000 personnes. Une prise de position importante...
Mme Bleau: Une question de règlement, Mme la
Présidente. Si, de côté-ci de la Chambre, nous n'avons pas
le droit de parler du congrès, pourquoi Mme la députée
a-t-elle le droit d'en parler là?
Une voix: Elle est du même côté que nous.
La Vice-Présidente: Tantôt, ma décision, Mme
la députée de Groulx, était le fait de ne pas confronter
deux députés en Chambre. J'ai dit qu'on pouvait parler
d'affirmation...
Mme Juneau: C'est ça. Elle n'a pas saisi ça
encore.
La Vice-Présidente: ...ce que Mme la députée
de Johnson était en train de faire. Vous pouvez continuer, Mme la
députée de Johnson.
Une voix: ...dans les patates.
Mme Juneau: Mme la Présidente, je trouve regrettable que
je ne puisse pas faire mon intervention sans avoir la sainte paix.
Mme la Présidente, il y a eu une prise de position - je tente de
le dire depuis quelques minutes - votée unanimement par au-delà
de 1000 congressistes au Parti québécois qui disaient ceci: Les
membres du Parti québécois réunis en congrès
dénoncent vigoureusement le projet d'entente constitutionnelle d'Ottawa
du 3 juin. Cela a-t-il rapport à ce qu'on discute?
Voyez-vous, M. le député, si vous aviez attendu, vous
auriez compris pourquoi. Vous auriez compris aussi, madame. En acceptant ce
projet d'entente, le gouvernement Bourassa fait subir au Québec des
reculs et n'obtient aucun autre pouvoir particulier qui viendrait donner une
portée significative au caractère distinct du Québec. De
plus, le gouvernement libéral reconnaît une assise juridique et
constitutionnelle à la capacité du fédéral de
s'ingérer dans les domaines de compétence provinciale par le
biais du pouvoir de dépenser. Mais, plus grave encore, le gouvernement
libréal accepte que les dispositions à portée linguistique
de la constitution canadienne puissent être invoquées à
l'encontre des lois linguistiques de l'Assemblée nationale du
Québec. En prétendant inclure des clauses de sauvegarde du statu
quo, le gouvernement Bourassa maintient et constitutionnalise la
précarité linguistique et culturelle du Québec. En outre,
le refus du gouvernement Bourassa de revendiquer pour le Québec des
pouvoirs additionnels, notamment sur le développement économique
régional et la main-d'oeuvre, constitue un recul, par rapport aux
revendications des gouvernements québécois
précédents, et ceci, depuis 30 ans, qu'ils aient
été souverainistes comme le nôtre ou
fédéralistes. En conséquence, le Parti
québécois dénonce l'affaiblissement du Québec que
représente ce projet d'entente élaboré dans le secret et
la précipication.
C'est ce que je voulais dire. Je voulais dire que cela a
été une prise de position qui a été votée
unanimement par l'ensemble des congressistes du Parti québécois.
Et j'étais une de ces personnes et fière de voter pour cette
prise de position.
Mme la Présidente, le premier ministre, la semaine
dernière, a raillé certaines décisions du congrès
du Parti québécois, mais c'est parce qu'il se sentait
"insécure". Quand il a vu l'accord auquel chacun de nous est parvenu
à ce moment-là... Il y a lieu que le premier ministre soit
inquiet.
Au cours de la commission parlementaire que nous avons vécue au
sujet de l'accord du lac Meech, nous avons eu l'occasion d'entendre beaucoup
d'intervenants. J'aimerais vous parler un tout petit peu de l'agriculture, de
l'UPA. Vous savez, j'ai un comté qui représente 31
municipalités rurales, et j'ai environ 1500 à 1600 producteurs
agricoles chez nous. (12 h 30)
Donc, pour nous, dans le comté de Johnson, c'est un
élément extrêmement important que les producteurs
agricoles. En ce sens, je voudrais aborder la présence de
l'UPA lors de la commission parlementaire. L'UPA est venue dire que
l'Assemblée nationale décide des priorités en agriculture
et qu'elle soit - là, l'UPA y tient - au nom de l'efficacité et
du type d'agriculture que nous nous sommes donnés, poursuivre le
développement institutionnel de l'agriculture. Si cela vaut pour
l'agriculture, cela doit valoir aussi pour l'éducation, pour la culture
et aussi pour la santé et l'habitation.
Le ministre délégué aux Affaires gouvernementales
canadiennes, député de Jean-Talon, a répondu aux gens de
l'UPA: Dans un deuxième "round"! Si vous voulez changer cela, on est
prêts à en prendre bonne note et à le défendre dans
un deuxième "round" de négociations. Quand on est "knock-out" au
premier "round", on se défend mal au deuxième "round".
Lors de la commission parlementaire, les gens sont venus nous livrer
leurs inquiétudes par rapport à l'éducation. Qu'est-ce que
le ministre, député de Jean-Talon, a dit? Ne vous
inquiétez pas, puisque c'est dans le deuxième "round" qu'il y
aura des négociations sur l'éducation. Nous avons
décidé de procéder en deux étapes: la
première: Établissons un solage. Mais le solage n'est pas haut.
Il faut marcher à genoux dans le sous-sol. Au deuxième "round",
là, on parlera d'éducation.
Mme la Présidente, quand on signe un chèque en blanc,
c'est bien difficile d'aller récupérer après, parce qu'on
ne sait pas quel montant va signifier le chèque en blanc que l'on a
signé. C'est ce qui inquiète les gens de l'éducation, ce
qui m'inquiète et ce qui inquiète les gens du Parti
québécois, et tous ceux et celles qui croient que le
Québec devrait passer avant toute autre chose. Les décisions de
l'Assemblée nationale aussi devraient passer avant toute autre
chose.
Qu'est-ce que les gens de la culture sont venus dire à la
commission parlementaire? Je me souviens très bien de Mme
Élizabeth Chouvalidzé qui est venue donner son point de vue. Les
gens de la culture, qui se plaignent avec raison de n'avoir même pas de
statut juridique, comment peuvent-ils oser prétendre que l'accord du lac
Meech va confirmer toute autre chose et cela aussi? Des gens de la culture, des
artistes, j'en ai chez nous comme il y en a dans tous les autres comtés
du Québec, et ces gens-là aussi ont des inquiétudes par
rapport à ce qui se passe. Ils ont peur d'un chèque en blanc; ils
ont peur d'un deuxième "round" de négociations quand on est
à terre au plancher.
Mme la Présidente, les outils de communication sont au coeur de
notre caractère de société distincte et cela revêt
une importance fondamentale pour notre identité et notre
sécurité culturelles. Il s'agit, pourtant, de revendications
traditionnelles du Québec en cette matière. Le gouvernement
aurait certainement avantage à lire le livre blanc de Jean-Paul
L'Allier, alors ministre des Communications sous le gouvernement Rourassa,
phase I, pour mieux comprendre les enjeux dans ce secteur. Vous aurez
remarqué qu'avec le laisser-faire du gouvernement dans le dossier
d'UniMédia vendue à des intérêts torontois on a vite
compris la portée du concept de société distincte pour le
gouvernement libéral pressé d'en finir avec cette question de
l'accord du lac Meech.
Mme la Présidente, les grands gagnants de l'accord du lac Meech?
La vérité nous vient du Canada anglais. Qu'est-ce que le
sénateur Lowell Murray a dit? "La minorité anglophone du
Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant
l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les
onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que
j'appellerais la dualité linguistique de ce pays." Grand gagnant: Canada
anglais!
Ian Scott, le Procureur général de l'Ontario, a dit de
cette entente: "L'entente du lac Meech donne pour la première fois au
gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser
dans les domaines de juridiction provinciale." Grand gagnant, Canada anglais!
"Jamais de mémoire récente, disait le Globe and Mail, le
Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature
de l'accord constitutionnel de 1982 et de son retour dans la
confédération." Grand gagnant, Canada anglais!
Le 5 mai 1987, le sénateur Lowell Murray déclarait: "Ce
que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue à l'émission
"Question Period", à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition, la
clause de la société distincte, ne va en rien modifier la
répartition des pouvoirs, qu'elle ne vise pas à le faire et que
personne n'a prétendu qu'elle le ferait." Grand gagnant, Canada
anglais!
Mme la Présidente, le 6 mai dernier, Ian Scott disait encore:
"L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement
fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. Le
pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution.
Maintenant, il le sera. Dans ce sens, cette description formelle, une
première, est à l'avantage d'Ottawa." Pas du Québec, Mme
la Présidente, d'Ottawa. Grand gagnant, Canada anglais!
David Peterson, premier ministre de l'Ontario: "Ce sont les tribunaux
qui définiront le concept de société distincte du
Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des
interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances."
Grand gagnant, Canada anglais!
Je pense que ni les militants, ni les militantes du Parti
québécois, ni tous ceux et celles qui croient au Québec et
qui y
croient très fort et qui pensent que c'est le Québec qui
devrait avoir les pouvoirs en plusieurs matières, qui sont inclus dans
l'accord du lac Meech, jamais ces personnes n'auraient accepté de signer
l'accord sans aller demander l'avis du peuple québécois. Jamais
elles n'auraient permis qu'en l'espace de quelques heures, 35 tout au plus, on
signe un accord aussi important pour le Québec sans avoir demandé
l'avis de ceux et de celles qui devront vivre avec cet accord.
Dans quelques jours, on va célébrer la fête
nationale; dans deux jours à peine, on est le 22 aujourd'hui. Le
gouvernement actuel a voulu faire un cadeau au peuple du Québec, mais ce
n'est pas le cadeau de la fierté, c'est le cadeau de la
résignation. Résignation par une signature qu'on s'empresse de
nous refiler en bousculant toutes les règles de l'Assemblée
nationale. Signature qu'on va nous imposer parce que le Parti
québécois, l'Opposition officielle du Québec, n'accordera
pas son vote à une signature semblable. Parce que ce n'est pas sûr
que le peuple du Québec donnerait son accord à cette signature.
Un cadeau de résignation pour ce 24 juin 1987. Résignation parce
que les gens ne sont pas convaincus, on l'a vu à la commission
parlementaire, que c'est un bon accord. Le peuple québécois croit
qu'on pourrait obtenir davantage si on avait mis les bases un peu plus hautes,
si le solage n'était pas un solage de gens qui devront marcher à
genoux. Si le solage avait été fait de façon pertinente en
accord avec les vues, les besoins et les demandes du peuple du Québec,
cela n'aurait pas été un solage de gens à genoux, cela
aurait été un solage respectable pour un peuple respecté,
un peuple fondateur de ce grand pays.
Je ne peux pas dire que, lorsque je retournerai chez nous, mercredi,
pour la fête nationale, ce sera avec fierté. Je vais retourner
chez nous en sachant que la majorité m'a écrasée... (12 h
40)
Des voix: Oh! Oh!
Mme Juneau: ...en sachant que le vote de la majorité va
écraser l'Opposition parce qu'on est moins nombreux que vous, et vous le
savez très bien. Malgré que les gens vous ont dit que cela n'a
pas d'allure, malgré que des gens qui connaissent cela plus que moi sont
venus vous dire que vous devriez exiger davantage, vous avez
décidé de passer le rouleau compresseur. Mais vous allez le faire
en vertu du nombre, pas à cause de la popularité que vous avez
concernant l'accord du lac Meech.
Mme la Présidente, un gouvernement formé majoritairement
par le Parti québécois serait retourné devant le peuple
pour lui demander son accord, comme il l'a fait le 20 mai 1980. Pourquoi? Parce
que le respect de ceux et de celles qu'on représente, pour nous, c'est
extrêmement valable et c'est extrêmement important. Nous aurions
fait l'effort, tout au moins, d'aller voir notre monde, de retourner devant le
peuple québécois et de lui demander ce qu'il en pensait. Si le
peuple québécois avait choisi de dire oui, nous nous serions
inclinés, mais si le peuple québécois avait formulé
des objections qui, à mon point de vue, sont fort valables, je pense,
Mme la Présidente, que nous aurions cessé l'opération
aujourd'hui même.
Mais non, ce n'est pas cela qui se passe. On bouscule les règles
de l'Assemblée nationale. Les projets de loi, on les met au frais et on
dit: Cela ne presse pas; ce qui presse, c'est d'avoir un accord. Pourquoi?
Parce qu'on a peur. On est inquiets. On est inquiets parce que beaucoup de gens
sont venus nous faire part de leur inquiétude et parce qu'on a peur que,
dans les autres provinces, ça revire mal aussi. On a demandé si
peu. Pourquoi ne pas l'obtenir dans un débat de 35 heures? On a
demandé si peu et, après, on va passer au vote: 99 contre 23.
C'est cela qui sera le gain et le seul gain, et ce sera le cadeau de la
résignation et non le cadeau de la fierté pour le peuple du
Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Johnson.
M. le député de Marquette.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il m'est
fort agréable, aujourd'hui, d'intervenir sur cette résolution
constitutionnelle qui, il faut le dire bien honnêtement, n'est pas le
fruit du hasard sur le plan de la négociation. Le ministre responsable,
le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes et ministre des Relations internationales, depuis un an, a parcouru
les différentes provinces canadiennes - incluant, évidemment, des
rencontres avec le gouvernement fédéral -afin de leur expliquer
nos cinq conditions pour permettre au Québec d'adhérer à
l'Acte constitutionnel de 1982.
J'entendais tantôt mon amie, la députée de Johnson,
nous dire que nous avions fait cela à l'improviste, sans
préparation, sans consultation du peuple. J'aimerais tout simplement lui
répondre, Mme la Présidente, que ces cinq conditions minimales
que nous avions mises de l'avant ont été clairement
diffusées, clairement expliquées à la population du
Québec. Ces cinq conditions étaient clairement exposées
dans notre programme politique avant les élections de 1985. Elles ont
été également clairement exposées dans notre
programme électoral durant la campagne électorale de 1985.
Et,
comme je l'ai dit tantôt, nous avons reçu un mandat
extrêmement clair le 2 décembre 1985 avec 99 députés
sur 122.
J'aimerais m'attarder sur un point particulier de ces cinq conditions
minimales, soit la reconnaissance du Québec à l'intérieur
du Canada comme étant une société distincte. Pour la
première fois, cela nous est reconnu depuis 1867. C'est avec une grande
fierté que, comme Québécois et comme député,
je prends conscience et connaissance de cette reconnaissance prévue dans
la constitution du Canada. Le Parlement et le gouvernement du Québec ont
le rôle de protéger et de promouvoir cette société
distincte. C'est, comme l'a dit si souvent le ministre responsable, une
règle obligatoire et impérative dans l'interprétation de
ladite mention.
Moi aussi, Mme la Présidente, comme plusieurs, je ne suis pas
expert en matière constitutionnelle. À la suite de l'entente du
lac Meech, lorsque nous avons entendu différents experts à la
commission des institutions pendant 55 heures, la plupart des
constitutionnalistes reconnus et réputés nous demandaient de ne
pas définir cette notion de société distincte. On nous a
expliqué qu'en définissant on se trouvait à limiter la
portée de cette notion de société distincte.
Au début, comme plusieurs, je m'étais dit: En quoi
allons-nous nous limiter si nous ajoutons, par exemple, les mots "notamment,
par sa langue et par sa culture"? Finalement, à force d'écouter
les experts en matière constitutionnelle et en lisant quelque peu, je me
suis dit que la société distincte, c'est non seulement sa langue,
c'est-à-dire que le Québec parle majoritairement une langue qui
est le français, et sa culture, mais également l'ensemble de ses
institutions politiques et économiques. Je me suis rallié
d'emblée et facilement à ces experts, y incluant, bien sûr,
notre ministre responsable, le député de Jean-Talon.
C'est donc avec fierté qu'aujourd'hui je me lève en cette
Chambre pour intervenir quelques minutes pour approuver l'entente du lac Meech
confirmée le 3 juin 1987. Je m'étais également
levé, et ce n'était pas facile à l'époque, lorsque
l'ancien gouvernement fédéral avait décidé
unilatéralement de rapatrier la constitution canadienne, lorsque le
Québec n'était pas présent dans ce rapatriement et
lorsqu'aucune modification constitutionnelle ne se trouvait venir en
complémentarité s'ajouter à ce rapatriement
unilatéral. Ce n'était pas facile pour moi à
l'époque de m'allier au gouvernement du Parti québécois
qui, dans le coeur même, dans l'essence même de son programme,
était voué à la souveraineté du Québec. Ce
n'était pas facile à ce moment-là de me prononcer contre
le rapatriement unilatéral sans l'assentiment du Québec, mais je
m'étais levé quand même. À ce moment, je n'avais pas
agi avec partisanerie. Malheureusement, aujourd'hui, je constate -et je me
lève pour approuver l'accord constitutionnel - que de l'autre
côté de cette Chambre, on ne laisse pas tomber la partisanerie
pour s'allier au gouvernement du Québec. Et la majorité des
Québécois et des Québécoises - ceci est
prouvé par sondage -est d'accord avec l'accord constitutionnel du 3 juin
1987.
Qui est contre, Mme la Présidente? Plusieurs collègues
l'ont mentionné antérieurement. Ce sont les extrémistes
qui sont contre, soit d'une part les membres de l'Opposition qui, encore il y a
deux semaines, réaffirmaient que la souveraineté du Québec
constituait l'article 1 de leur programme politique. Comment demander à
des gens qui veulent la souveraineté, l'indépendance du
Québec, la sortie du Québec du Canada, d'approuver une entente
qui permet au Québec d'adhérer à la constitution
canadienne? Cela irait à l'encontre même de l'essence, de la
fondation de leur propre parti politique. D'autre part, évidemment, il y
a les centralisateurs excessifs. On pense à un certain premier ministre
que j'ai toujours respecté, mais avec des idées avec lesquelles
je n'ai pas toujours été d'accord. Un ancien premier ministre
qui, convaincu de son point, préférait, selon moi, avoir -
certains l'ont mentionné tantôt - un pays, le Canada,
extrêmement fort, très centralisé et avec des provinces
réduites quelque peu au rôle de grosses municipalités. (12
h 50)
Mais, Mme la Présidente, contrairement à Mme la
députée de Johnson, moi, le 24 juin, j'irai dans mon
comté, dans le beau comté de Marquette. Je serai fier
d'être en avant avec le drapeau du Québec pour exprimer ma
fierté d'être Québécois et doublement plus fier,
puisque le Québec est devenu encore plus fort à
l'intérieur du Canada. Donc, en terminant, je dis bravo au Québec
fort à l'intérieur du Canada et mes sincères
félicitations au premier ministre du Québec et au ministre
responsable, le député de Jean-Talon. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Marquette. M. le député de Jonquière.
M. Dufour: Mme la Présidente, compte tenu de l'heure,
serait-il possible d'ajourner pour recommencer à 15 heures?
La Vice-Présidente: Y a-t-il consentement?
M. Gratton: Mme la Présidente, ce n'est sûrement pas
pour être déplaisant à l'égard du
député, mais effectivement, il sait peut-être que nous ne
suspendrons que pour
une heure ce midi justement pour essayer d'avancer les travaux le plus
possible. Je voudrais lui suggérer de commencer son intervention qu'il
pourra compléter à 14 heures.
La Vice-Présidente: Comme il n'y a pas consentement, M. le
député de Jonquière, continuez.
M. Francis Dufour
M. Dufour: On va essayer de s'exécuter au même titre
que les gens du lac Meech ont pu exécuter certaines oeuvres concernant
le Québec. Depuis le début de ce débat et même
avant, si je le ramène lors de la première signature qui a
été faite au lac Meech, on se rend compte facilement que
l'Opposition a eu beaucoup de difficultés à faire valoir ses
points de vue et d'abord quant à la demande d'une commission
parlementaire où plusieurs personnes pouvaient venir s'exprimer
concernant cette entente.
Rappelons-nous à quel point on pouvait être fiers, à
ce moment-là, du côté du parti au pouvoir, de ramener une
entente qui avait été négociée au plancher,
c'est-à-dire que le plafond pouvait être le plancher, donc, au
minimum. L'Opposition, à ce moment-là, avait fait entendre sa
voix pour dire et pour affirmer qu'il y avait sûrement des lacunes et que
c'était impensable, dans si peu de temps, qu'on en vienne à un
accord complet sur cette entente éventuelle, puisque, dans un si court
laps de temps, ou on obtient beaucoup de choses pour tout le monde ou on
n'obtient rien. J'ai franchement l'impression que c'est plutôt le rien
que le plus qu'on a pu obtenir, le moins plutôt que le plus.
En commission parlementaire, en entendant les experts se prononcer, il y
a un certain nombre d'éléments qui sont revenus à la
surface et de questionnements qui se sont faits. Cela a été loin
de rassurer, non seulement l'Opposition, mais l'ensemble des citoyens du
Québec, des Québécois et des Québécoises.
Pourquoi a-t-on de la difficulté à accepter cette évidence
qui nous a été mise dans le visage très rapidement? Parce
que c'est inquiétant, parce que après avoir mis autant de temps
pour en discuter pendant de nombreuses années, au cours de quelques
heures, onze premiers ministres peuvent se retourner et revenir chacun chez soi
en disant: Mission accomplie, le travail est fait, et il n'y a plus rien
à changer.
Donc, après toutes ces questions qu'il y a eu en commission
parlementaire, le premier ministre du Québec nous a informés
qu'il devrait y avoir des petits changements d'apportés à cette
entente, puisqu'il y avait des éléments un peu différents
ou divergents concernant l'entente du lac Meech.
Il est revenu devant cette Assemblée pour nous faire part de ce
qu'il avait obtenu. À ce moment-là, on a eu droit à un
spectacle de première loge, puisqu'on avait le visage ou le spectacle de
la contemplation des uns par rapport aux autres. On aurait pu dire qu'on avait
un miroir à deux faces: D'un côté Gil, de l'autre
côté Robert, Robert-Gil. Les deux étaient sous le coup de
l'entente historique qui venait d'être signée. Le grand
Québécois qui arrivait d'Ottawa avec toutes les choses dans ses
poches. C'était l'admiration mutuelle, les uns par rapport aux autres.
On entend aussi, chaque fois qu'un député du parti au pouvoir se
lève, des félicitations envers leur chef d'avoir si bien accompli
un travail qui, à mes yeux, est bâclé et qui demanderait
beaucoup plus de réflexions et d'étude. On va se rappeler que,
dans les pays où il y a eu beaucoup de difficultés, même
plus qu'ici, au Canada, normalement, une entente constitutionnelle est soumise
à l'approbation de l'ensemble de la population. Je veux seulement
prendre comme exemple la dernière constitution à Manille, aux
Philippines. Ce n'est pas le pays le plus démocratique qui existait,
mais on l'a vu faire appel au peuple pour qu'il se prononce sur la
constitution. L'Algérie a aussi agi de la même façon. Quand
on a voulu séparer des choses en France, on a fait appel au peuple, pour
qu'il se prononce sur les grandes orientations qui sont de nature à
influencer le vécu ou à réorienter la vie des citoyens.
C'est comme cela que ça se passe. Généralement, une
convention, cela ne se règle pas en cachette. Cela ne se signe surtout
pas en cachette, cela ne se fait pas derrière des portes closes, cela se
fait au grand jour.
On a vu exactement cette promptitude, cette hâte à vouloir
nous présenter le plus rapidement possible comme si on s'était
donné comme mission de cacher, d'avoir le moins de contestations ou le
moins de réflexions possible sur ce qui s'est passé au lac Meech.
Peut-être qu'on n'a pas encore trouvé le monstre du lac Meech,
mais j'aimerais seulement vous rappeler qu'il y a le monstre du Loch Ness qui
fait époque et qui attire beaucoup de touristes. J'ai l'impression que
le monstre du lac Meech est à venir.
Regardons ce que les gens nous rappellent régulièrement.
Est-ce qu'à travers cette entente qui a été soumise
à l'Assemblée nationale, entente soumise à la fin d'une
session où il n'y a pratiquement rien qui s'est passé, entente
qui aurait pu être discutée auparavant, on profite de la
période de l'été pour essayer de camoufler ou de faire
aller le plus rapidement possible cette question pour l'évacuer de la
discussion? On a le droit de s'interroger; chacun d'entre nous devrait
s'interroger pour savoir pourquoi cette hâte, pourquoi cette
promptitude à vouloir faire accepter cette entente. Est-ce qu'on
a peur de la réaction des autres provinces? A-t-on peur de la
réaction au discours de l'ex-premier ministre du Canada? A-t-on peur des
changements qui pourraient survenir dans d'autres provinces au point de vue
politique? Enfin, un ensemble de circonstances ou d'interrogations qui font
qu'on doit signer au plus sacrant.
Avec cela, pourquoi veut-on se donner cette affirmation ou cette
décision? On veut le donner comme message aux autres provinces à
savoir qu'on ne peut plus négocier. Là, on n'est pas encore
entré dans le coeur du sujet. Personne n'a eu le temps de se virer de
bord et déjà, on demande et on pose la question pour que
l'Assemblée nationale ratifie quand on sait qu'elle a trois ans pour le
faire.
Donc, c'est très rapide et il y a des motifs, sûrement, qui
ne sont pas connus. Il y a des motifs qu'on ne veut pas dire sur la place
publique; pourquoi on veut questionner ou pourquoi on veut que cette entente
soit ratifiée le plus rapidement possible.
Il faudrait regarder, ce qu'est l'entente. Quels sont les vrais enjeux
ou quel est le contenu de cette entente du lac Meech? Est-ce qu'on a voulu
protéger ce qui fait le caractère distinct du Québec dans
cette entente? Sans être un constitutionnaliste, en examinant, tout de
même, les affirmations de ceux qui nous ont précédés
ou celles faites à la commission parlementaire, on se rend compte que le
caractère distinct du Québec n'est pas ce qui est contenu dans la
charte canadienne ou dans la constitution canadienne qui dit que, oui, le
Canada a un caractère distinct et que ce qui fait son caractère
distinct, c'est le bilinguisme. Dans l'entente du lac Meech, on parle du
caractère distinct du Québec, mais sans mentionner que le
caractère distinct du Québec, c'est sa langue.
Donc, c'est un phénomène important. On dit et on
répète, facilement et à satiété, de l'autre
côté, de la part du gouvernement: On va laisser dans les mains des
tribunaux la décision ou le droit de décider ce qui fait le
caractère distinct des Québécoises et des
Québécois.
La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le
député de Jonquière. Étant donné l'heure, il
faudrait un consentement si on doit autoriser la poursuite de l'intervention.
Sinon, je dois suspendre nos travaux.
M. Dufour: Vous comprendrez qu'il serait bien difficile de donner
le consentement.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je voudrais...
Une voix: ...d'accord et je cède le droit de parole
à...
M. Gratton: Oui, quant au début de l'Assemblée, je
souhaiterais, Mme la Présidente, à la suite d'une entente
intervenue avec l'Opposition, que nous ajournions ou que nous suspendions les
travaux de l'Assemblée jusqu'à 14 heures.
La Vice-Présidente: Vous comprendrez, M. le leader du
gouvernement, qu'il faut le consentement pour cette dernière demande.
Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on suspende nos travaux jusqu'à 14
heures, cet après-midi?
Des voix: Consentement.
La Vice-Présidente: Consentement. Donc, nous allons
suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 14 h 4)
La Vice-Présidente: Veuillez vous asseoir. Nous allons
donc reprendre nos travaux. Je vais céder la parole au leader du
gouvernement. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais de
reconnaître à ce moment-ci le premier ministre du
Québec.
M. Bourassa: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Si vous me permettez, M. le premier
ministre, comme il a été convenu ce matin, M. le premier ministre
a des documents à déposer. M. le premier ministre, vous pouvez y
aller.
Résolutions présentées par le
premier ministre
Montant forfaitaire à M. Yves Labonté au
terme de son mandat
M. Bourassa: Merci. Quelques résolutions, Mme la
Présidente, qu'à compter du 1er juillet 1986, le Protecteur du
citoyen, M. Yves Labonté, reçoive un salaire annuel correspondant
au premier échelon du niveau 2 de la structure salariale des
administrateurs d'État 1, qu'à la fin de son mandat comme
Protecteur du citoyen, M. Yves Labonté, reçoive un montant
forfaitaire de 20 500 $, première résolution. Je dépose le
document, merci.
M. Daniel Jacoby, nommé Protecteur du
citoyen
Deuxième résolution, que Me Daniel Jacoby, actuellement
sous-ministre du ministère de la Justice, soit nommé Protecteur
du citoyen, en remplacement de M. Yves Labonté, à compter du 31
août 1987. Quant aux traitement et avantages inhérents aux
nouvelles fonctions de Me Daniel Jacoby, ils sont énumérés
dans la proposition que je dépose. Mme la Présidente, pour
dépôt.
Mme Sophia Florakas Petsalis, nommée
vice-présidente de la Commission des
droits de la personne
Troisième résolution, que l'Assemblée nationale
nomme Mme Sophia Florakas Petsalis comme membre et vice-présidente de la
Commission des droits de la personne pour un mandat de trois ans à
compter d'aujourd'hui, en remplacement de Me Nicole Trudeau-Bérard, dont
le mandat est expiré. Dépôt.
Mme Carole Lynne Wallace, nommée à la
Commission d'accès à l'information
Quatrième résolution, que conformément aux articles
104 et 105 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements personnels, Mme Carole Lynne Wallace - la
loi, c'est L.R.Q. c. A-2.1 - domiciliée au 5907 rue Saint-André,
Montréal, soit nommée membre de la Commission d'accès
à l'information, en poste à Montréal, pour un mandat de
cinq ans, à compter du 20 juillet 1987. Quant aux traitement et
avantages inhérents aux nouvelles fonctions de Mme Carole Lynne Wallace,
ils sont énumérés dans la proposition que je
dépose. Voilà, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Documents déposés. Oui,
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Mme la Présidente, j'aimerais vous indiquer,
comme il s'agit de résolutions, dans les quatre cas, qui
requièrent une majorité qualifiée, c'est-à-dire des
deux tiers des membres de l'Assemblée nationale, que nous
procéderons au vote sur ces résolutions, demain à ou vers
15 heures.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement.
Oui, M. le leader...
M. Gendron: Tel qu'entendu, l'Opposition est d'accord pour
ratifier ces propositions du premier ministre du Québec, tel que
prescrit, au vote demain après-midi à ou vers 15 heures.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'on en fait un ordre de cette
Assemblée pour que le vote soit pris demain à ou vers 15 heures.
C'est demain après-midi?
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Ordre de cette Assemblée pour
que le vote soit pris à ou vers 15 heures demain. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je vous prierais
d'appeler maintenant l'article 80 du feuilleton, s'il vous platt.
Reprise du débat
La Vice-Présidente: L'article 80 de notre feuilleton
concerne la reprise du débat ajourné par M. le
député de Jonquière, qui a trait à la motion
présentée par M. le premier ministre et qui se lit comme suit:
Que l'Assemblée nationale autorise la modification de la constitution du
Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général
sous le grand sceau du Canada, en conformité de l'annexe jointe au
présent feuilleton". M. le député de Jonquière, en
vous rappelant qu'il vous reste 21 minutes.
M. Francis Dufour (suite)
M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. À 13 heures,
j'étais à parler du Québec, sous l'aspect de la
société distincte, qui fait partie de l'accord du lac Meech. Il
faudrait approfondir un peu parce que c'est un amendement très important
et peut-être le plus important dans cet accord à savoir ce qui en
est de cette société supposément distincte qu'on veut bien
introduire dans la clause ou dans l'entente Canada-Québec sur la
constitution.
On se référera, tout d'abord, à la position
gouvernementale. C'était l'optimiste et l'euphorie chez le premier
ministre et chez le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes concernant la protection de la langue
française. Il est évident qu'en approfondissant cette question,
il faut aussi voir ce que d'autres en pensent, car on ne peut pas se contenter
d'affirmations du gouvernement pour savoir ce qui s'est passé ou ce que
cette clause contient réellement.
Selon M. Lowell Murray, cette entente ne vise aucunement à
changer quoi que ce soit dans le partage des compétences
constitutionnelles du Haut-Canada. Voilà ce que dit un expert en
constitution directement d'Ottawa. Cette entente ne change absolument rien de
ce qui existe déjà. Donc, on est loin de l'entente
supraextraordinaire proposée. D'autres personnes se sont
également fait entendre en commission parlementaire - on a vu le
côté Ottawa, on va
regarder le côté québécois - comme le
professeur Léon Dion, qui nous dit que la clause telle que
rédigée n'est ni plus ni moins qu'une coquille vide. Si on veut
faire image, une coquille vide, cela ne fera pas des enfants forts. Ce ne sont
pas non plus des choses ou des éléments qui progresseront. Il dit
également que la juridiction exclusive du Québec en
matière linguistique devrait être clairement insérée
à l'intérieur de cette clause, sans cela, on sera le dindon de la
farce.
Le sociologue Fernand Dumont, qui n'est pas reconnu
nécessairement, comme un péquiste, nous dit: La
société distincte, c'est aussi et surtout la langue. Donc, quand
on parle du caractère distinctif qu'il y a dans l'entente du lac Meech,
on ne dit pas, contrairement à ce qui existe dans la constitution
canadienne, que, le bilinguisme, c'est ce qui fait la distinction canadienne.
Pour le Québec, on parle de société distincte, mais on ne
dit même pas ce qui en est. Donc, la société distincte,
pour le sociologue Fernand Dumont, c'est la langue.
Est-ce qu'on peut parler de Daniel Turp et de M. P.-A.
Côté?
La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le
député de Jonquière. Je demanderais la participation de la
Chambre. J'ai de la difficulté à bien saisir l'intervention du
député de Jonquière. M. le député de
Jonquière, vous pouvez poursuivre.
M. Dufour: Effectivement, ils parlent exactement dans le
même sens. La dualité canadienne se transmet ou s'affirme dans le
bilinguisme de la population, dans la langue, tandis qu'au Québec, cela
n'existe pas.
Donc, Me Nicole Duplé, Me François Chevrette et Me
Gérald Beaudoin n'ont pas pu non plus, avec toute
l'honnêteté intellectuelle qu'ils peuvent avoir, garantir que la
clause, telle que rédigée, protégeait efficacement la
Charte de la langue française contre le jugement des tribunaux. Il y a
d'autres mouvements qui ont fait des représentations: l'Alliance des
professeurs, la CEQ, le Mouvement Québec français. Ils ont dit
qu'il faut hors de tout doute que l'Assemblée nationale ait pleine
juridiction sur les politiques linguistiques qui doivent s'appliquer sur
l'ensemble du territoire du Québec. Je pense qu'il est clair que cette
clause est loin de protéger !es intérêts vitaux des
Québécoises et des Québécois concernant la
société distincte.
La société distincte, pour le Québec, ce n'est pas
la General Motors, ce n'est pas Bell Canada, ce n'est pas la compagnie Alcan.
C'est avant tout un peuple qui a le droit de parler sa langue dans son propre
milieu et surtout le droit de l'appliquer de la façon qu'il veut et dont
il l'entend. L'entente du lac Meech ne donne pas ces garanties. Donc, il ne
faut pas se surprendre qu'il y ait certaines résistances par rapport
à l'inclusion de cette clause. C'est tellement vrai que les
spécialistes ou les constitutionnalistes ont réussi à
convaincre quelque peu - je dis bien quelque peu - le premier ministre du
Québec, puisqu'il a décidé d'aller à Ottawa et
qu'il a dit: On a va réclamer une clause de sauvegarde pour s'assurer
qu'on ne perdra pas nos droits concernant la langue.
Il y a d'autres experts qui se sont prononcés dont le professeur
de droit constitutionnel de l'Université de Montréal, M.
José Whoerling qui a dit: Quant à la clause de sauvegarde, nous
pensons qu'elle n'a aucun effet sur la protection de la langue. Je pense que
c'est un avis éclairé important qui fait partie de ce
débat. Si on n'a pas de garanties, on aura beau se blinder, se donner un
coffre-fort, s'il ne peut pas résister à la chaleur ou à
l'usage, en fin de compte, ce n'est pas un coffre-fort, c'est un coffre
ouvert.
Dans la question de la langue, ce qui ressort de la plupart des
spécialistes qui se sont prononcés, c'est qu'il n'y a eu aucune
protection supplémentaire accordée à la langue
française. Il faut admettre qu'au Québec, c'est le
français qui est menacé, ce n'est pas la langue anglaise. Les
anglophones ont a l'intérieur de la constitution la garantie qu'ils ne
seront pas dérangés. Donc, on vient les renforcer, d'une part, ou
les empêcher de perdre ce qu'ils ont déjà. Comme ils en ont
beaucoup plus que dans l'ensemble des provinces canadiennes, il faut dire que
déjà ils sont extrêmement bien protégés.
Quand on aura à interpréter la clause de sauvegarde concernant le
problème linguistique, les juges n'auront qu'à s'en remettre,
d'abord, à la constitution canadienne où on dit clairement que
c'est le bilinguisme. Au Québec, si on ne dit pas clairement que le
français doit être protégé, ce qui fait la
société distincte, les juges auront à juger en regard de
ce qui existe et ce sera toujours la constitution ou la charte canadienne qui
prévaudra par rapport à la charte québécoise. Je
pense que, là-dessus, on n'a pas à se faire d'illusions. Quand
viendront les impératifs majeurs gouvernementaux, ce sera toujours un
gouvernement supérieur par rapport à un inférieur, en
tenant pour acquis qu'on est inclus à l'intérieur de cette
constitution. Ce sont eux qui prendront les décisions en fonction des
impératifs de la nation puisqu'on veut bien nous embarquer dans ce
projet.
Donc, le gouvernement fédéral est très bien
protégé. C'est peut-être vrai que M. Lowell Murray avait
raison. On ne donne rien de plus que ce qu'il y avait avant et on ne fait que
ratifier par un mécanisme ce qui existe déjà. C'est
peut-être pire qu'avant, parce que, le jour où on a signé,
on vient de
prendre un engagement ferme et, dans cet engagement, il n'y aura pas
beaucoup de place pour l'interprétation. S'il y a interprétation,
elle sera toujours en faveur du gros plutôt qu'en faveur du petit.
Le plancher qu'on a fixé pour l'adhésion du Québec
à la charte canadienne est certainement trop bas, ce qui veut dire qu'on
perd effectivement le pouvoir de travailler ou le pouvoir que le Québec
avait d'essayer d'améliorer les clauses concernant la langue et
concernant aussi les pouvoirs que nous exerçons déjà.
Il y a un problème majeur. Il semblerait aussi que ce qu'on vise
actuellement, c'est à essayer d'assurer la prédominance de la
charte canadienne par rapport à la charte québécoise.
C'est un élément fondamental, mais c'est aussi un
élément qui nous oblige à nous opposer fortement à
l'inclusion d'une clause qui ne veut dire absolument rien. On aurait pu
comprendre "peuple distinct", mais la société distincte, cela ne
veut dire absolument rien. On doute même que la Charte de la langue
française puisse s'appliquer à des organismes qui ont des chartes
fédérales, pour qu'eux appliquent la clause linguistique
concernant le Québec.
Le deuxième point qui est introduit dans cette entente, c'est le
pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, d'abord, dans
les juridictions canadiennes, mais aussi et surtout - c'est là qu'est le
problème - par l'intrusion dans le domaine des compétences du
Québec. Donc, on introduit, à l'intérieur de ce pouvoir de
dépenser, un élément, à savoir qu'on peut
établir des programmes à caractère national et que les
provinces peuvent y adhérer. Si elles y adhèrent, elles ont droit
à des compensations. Si elles n'y adhèrent pas, à ce
moment-là, elles peuvent se retirer, mais il faut qu'elles mettent sur
pied des programmes qui pourraient être sensiblement les mêmes,
pareils, comportant certaines particularités, à
l'intérieur de son territoire. Cela peut causer de graves
problèmes au point de vue du fonctionnement et aussi du caractère
distinct du Québec.
Il s'agit, pour essayer d'illustrer certains phénomènes
qu'on connaît, des questions environnementales. On sait que le
Québec, malheureusement, a pris un certain retard dans la protection de
l'environnement. Il y a eu, dans le passé, des programmes
fédéraux qui incluaient certaines actions de la part des
provinces avec le gouvernement canadien pour régler un certain nombre de
problèmes environnementaux. Ces programmes se sont éteints avec
le temps. On a mis fin à ces programmes pour certaines raisons,
peut-être des raisons financières, mais sûrement des raisons
politiques. Au moment où le Québec a décidé de
rattraper ou de combler les retards concernant l'environnement, le gouvernement
canadien a décidé de mettre fin à ces programmes.
Je doute fortement, avec l'inclusion du pouvoir de dépenser du
fédéral dans les provinces, il puisse remettre sur pied les
programmes environnementaux qui pourraient toucher l'ensemble des provinces. Je
ne parle pas de programmes particuliers parce qu'on parle de programmes
à caractère national. Donc, de ce côté-là, je
vois mal de quelle façon le Québec pourrait tirer son
épingle du jeu.
En ce qui concerne les programmes à frais partagés
concernant l'habitation, on a un exemple qu'on vit actuellement avec Ottawa: le
programme PARCQ qui a voulu remplacer un certain nombre de programmes mis sur
pied par le gouvernement québécois pour améliorer
l'habitation. Ça fait plus d'un an que ce programme était
négocié avec Ottawa, mais, malgré toute la bonne
volonté ou la mauvaise volonté du ministre des Affaires
municipales, on a de la difficulté à voir de quelle façon
il s'applique. Les formules viennent juste d'être adoptées. Il y a
beaucoup d'argent d'engagé et pas beaucoup de dépensé. (14
h 20)
Donc, le programme PARCQ est un programme canadien. Il ne répond
pas nécessairement aux normes québécoises, aux
problèmes que la population vit sur le territoire. Encore là,
c'est un programme qui s'adresse au Québec, mais qui, peut-être,
ne répond pas à l'objectif national.
Parlons de l'objectif du développement économique
régional. On connait les intrusions qu'Ottawa poursuit actuellement dans
les régions. Des programmes ont été mis sur pied pour
créer de toutes pièces, surtout dans de petites
communautés, des sociétés de développement
économique payées complètement par Ottawa 350 000 $
à 400 000 $ par année, si ma mémoire est exacte. Ces
organismes sont mis sur pied de façon très ponctuelle, sous la
volonté d'Ottawa. À mes yeux, ces programmes sont néfastes
pour les Québécois et les Québécoises parce que
ça vient doubler des programmes qui existent déjà,
ça vient mêler les cartes, ça vient aussi mettre sur pied
des organismes, essayer de renforcer les petits par rapport aux gros. À
toutes fins utiles, ça change les règles du jeu, ça
mélange tout le monde et, au point de vue du développement
économique, malheureusement, des frictions s'établissent entre
les organismes et on n'obtient pas les résultats
espérés.
Il faut comprendre que le Québec n'a pas tellement de politique
économique pour développer les régions. Peut-être
qu'Ottawa fait une bonne oeuvre dans ce cas-là, mais j'ai des doutes,
avec l'expérience que j'ai de ces dossiers-là, que le
gouvernement canadien puisse, en ce moment remplacer le gouvernement du
Québec dans le développement économique des
régions. C'est une question
de volonté et ce serait peut-être une bonne façon de
revenir à la base.
Au point de vue du travail on parle beaucoup de politiques de
main-d'oeuvre au Québec. Est-ce qu'Ottawa pourra remettre
complète juridiction au Québec concernant les politiques de
main-d'oeuvre, les recherches pour établir ces politiques? Je pense que
poser la question, c'est déjà y répondre. Encore
là, j'ai des doutes qu'Ottawa puisse établir une politique
nationale qui conviendrait parfaitement au Québec à cause de la
politique de la main-d'oeuvre et surtout à cause de l'augmentation du
fléau du chômage qui existe dans nos milieux. Il y a certainement
des participations ou des différences énormes qu'on pourrait
appliquer comme politique de main-d'oeuvre au Québec par rapport
à d'autres milieux.
Quant à la politique de l'éducation, si le Québec
est une société distincte, ce qui la caractérise, c'est la
langue avant tout, donc, quand on parle de l'éducation, c'est
évident que, là aussi, il y a un problème qui doit
être réglé. Il faut que ce soit reconnu à
l'intérieur de cette entente; sinon, cela ne veut plus rien dire.
Regardons au point de vue des lois. C'est la même chose. Le
gouvernement dirait: ici au Québec, on vit selon le Code civil, les
autres provinces, selon la "common law". Comment pourraient être
jugées les règles interprétatives des tribunaux les uns
par rapport aux autres?
Relations internationales, c'est la même chose. De quelle
façon va-t-on s'affirmer? C'est sûr que, si c'est pour s'enlever
la couverture sous les pieds, pour savoir lequel va être le plus fin,
puis lequel va prendre le "pole", lequel va parler, lequel va avoir la
meilleure idée, on fera comme on a déjà vu à une
certaine conférence où le premier ministre du Québec a
essayé de sortir à peu près tout ce qu'il pouvait avoir
pour pouvoir se distinguer. Mais ce n'était pas reconnu dans les faits.
C'est toujours reconnu avec les guerres de tapis et avec des positionnements
diplomatiques qui font que la situation n'est jamais claire. Je ne pense pas
que l'entente du lac Meech va éclaircir vraiment la situation qu'on a
connue jusqu'à maintenant. Mais le fait qu'on se sera coulé dans
le béton, le fait qu'on va avoir signé, à ce moment, cela
commence à nous rapetisser et à nous diminuer par rapport aux
objectifs que le Québec peut avoir l'ambition de pousser ou de faire
valoir.
On a certainement un pouvoir de nommer des juges. C'est la meilleure
façon qu'on a trouvée de régler les problèmes du
Québec puisqu'on va avoir le droit de nommer trois juges à la
Cour suprême. Quand on sait de quelle façon cela s'est toujours
fait, je ne pense pas que cela fasse un grand changement. Mais, le fait de
donner des pouvoirs aux autres pour pouvoir déterminer chez nous ce qui
est bon et ce qui n'est l'est pas, je ne pense pas que cela renforce, non plus,
la position du Québec au point de vue canadien, au point de vue de
peuple distinct, au point de vue de nos mécanismes normaux de
société.
Donc, il y a des changements à travers cela qui vont apporter des
différences par le fait qu'on a signé une entente qui aura
été déposée, négociée en dehors de la
population, sur laquelle la population n'aura pas eu le droit de se prononcer,
dont la population ne sera pas partie prenante.
Je disais au début: Lorsqu'on fait une constitution, il y a des
peuples beaucoup moins évolués que nous autres, qui sont beaucoup
moins démocratiques, où la population a eu son mot à dire.
Ce n'est pas le cas qu'on vit actuellement. On se dépêche à
le faire parce qu'on veut faire de la stratégie politique dans des
décisions aussi importantes, comme si on pouvait mêler les gens
assez pour leur dire que ça, c'est en dehors de leur vouloir, de leur
volonté, de leur compétence, que ça ne les regarde
pas.
Dieu sait, pourtant, que la constitution, c'est quelque chose
d'important! Cela a occasionné des guerres civiles à certains
endroits. Pourquoi? Parce que la constitution, c'est important. C'est ça
qui détermine les caractéristiques fondamentales d'un peuple.
Qu'ont fait les Américains pour mettre leur constitution sur pied?
Quelles sont les batailles qu'ils ont menées? Encore là, il y a
des gens qui ont participé et la population a dit son mot. On n'a
qu'à regarder le lieu de nos origines, la France. Là aussi, les
gens se sont prononcés sur la constitution parce qu'ils calculent que
c'est important. On ne doit pas enlever au peuple sa principale
décision. S'il est vrai que la population doit participer aux
élections, doit choisir ses représentants, il est encore deux
fois plus vrai ou cent fois plus vrai que la population, pour les
éléments fondamentaux, pour les éléments qui
régissent l'ensemble de ses décisions, l'ensemble de ce qui la
caractérise sur son territoire, ait son mot à dire.
Pourquoi cette hâte, cette précipitation, avant le
commencement de l'été ou au début de l'été,
de faire adopter une résolution à la fin des travaux
parlementaires qui ont été caractérisés cette
année - je ne parle pas du travail en commission parlementaire, mais ici
à l'Assemblée nationale - par de petits projets de loi où
il n'y avait pas grand-chose à faire?
Si l'Opposition avait voulu collaborer avec le parti gouvernemental,
j'ai l'impression qu'on aurait pu bâcler cette session en deux temps,
trois mouvements et, déjà depuis un mois, un mois et demi, on
serait en vacances. Parce que l'Opposition avait des choses à dire,
parce que l'Opposition avait des principes à faire valoir, à
ce
moment, cela a peut-être donné un peu plus de corps
à la législation, mais je doute beaucoup qu'on ait produit des
travaux d'excellente qualité parce qu'en regardant la
législation, l'histoire aura à juger. Le premier ministre a
prétendu qu'il écrivait l'histoire. À mes yeux, il y a la
grande histoire qui, elle, s'écrit dans le temps, qui s'imprègne.
Ça, c'est la grande histoire. Il y a la petite histoire, celle de tous
les jours, qui n'est pas nécessairement connue. Mais il y a aussi les
"conteux" d'histoires, les raconteurs d'histoires. J'ai l'impression que c'est
ce qui va caractériser cette entente.
Comme on est pratiquement sûr que le gouvernement ne reculera pas
par rapport à cette entente, qu'il veut passer absolument le "bulldozer"
et faire accepter cette entente de gré ou de force pour évacuer
toute discussion - parce qu'on travaille sous la vague; d'habitude, on peut
travailler avec la vague; j'ai l'impression que ce gouvernement travaille sous
la vague parce qu'il travaille en catimini - je voudrais citer, en guise de
conclusion, la dernière phrase de la revue Relations qui est
signée d'Albert Beaudry. En parlant de l'entente, il dit: "Le jour
où les Québécois francophones penseront pouvoir s'en
remettre à un bout de papier pour défendre leur identité
et construire leur avenir, cette entente à long terme va être
excessivement dangereuse. Voilà, en principe, ce qu'il est important de
retenir par rapport à cette entente: On ne peut pas empêcher
l'avenir d'un peuple par une entente à laquelle ce même peuple n'a
participé d'aucune façon. Donc, on déplore, avec beaucoup
de force, cette attitude gouvernementale qui applique cette entente de force et
qui l'impose avant le début de l'été. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Jonquière. M. le ministre délégué à
l'Administration publique et président du Conseil du trésor.
M. Paul Gobeil
M. Gobeil: Mme la Présidente, le débat au centre de
nos préoccupations aujourd'hui représente une étape
importante pour l'avenir du Québec, un Québec qui me tient
à coeur non seulement pour moi, mais aussi pour mes enfants et pour les
Québécois et les Québécoises, partie
intégrante de ce Québec de demain.
Je considère qu'il est important de témoigner en cette
Chambre de ma pleine satisfaction et de ma solidarité à
l'adhésion du Québec à l'accord constitutionnel
signé le 3 juin dernier à Ottawa. Cet accord assurera la
participation pleine et entière du Québec à
l'intérieur d'un Canada uni et fort. Je suis convaincu que nous nous
devons de faire le nécessaire pour assurer et même renforcer
l'harmonie et la coopération entre le gouvernement du Canada et ceux des
provinces, y compris le Québec. (14 h 30)
Depuis la Confédération, en 1867, c'est la première
fois que nous mettons toutes les chances de notre côté pour
répondre aux défis des prochaines années et ce, tant aux
plans économique que culturel. C'est contre toute attente que la
conférence de la dernière chance, comme se plaisaient à
l'appeler certains journalistes, a porté fruit. L'entente du lac Meech,
préliminaire à cet accord, cette unanimité des onze
premiers ministre, est, à mes yeux, une chance et un gain historique.
Cette chance, c'est l'acceptation, par ses dix partenaires au sein de la
Confédération, des cinq conditions posées par le
Québec pour adhérer à la constitution canadienne.
Tout d'abord, le caractère particulier du Québec. Le
gouvernement du Québec réclamait l'inscription, dans la nouvelle
constitution, d'un énoncé reconnaissant explicitement le
Québec comme société distincte et pierre d'assise de
l'élément francophone de la dualité canadienne.
Deuxièmement, les garanties touchant notre sécurité
culturelle, notamment au plan de l'immigration. Le gouvernement du
Québec réclamait la reconnaissance constitutionnelle du droit
pour le Québec de déterminer, conjointement avec le gouvernement
fédéral, le nombre et la sélection des personnes immigrant
au Québec. Troisièmement, la limitation du pouvoir
fédéral de dépenser. Le gouvernement du Québec
réclamait que le pouvoir fédéral de dépenser soit
limité par des dispositions constitutionnelles. Quatrièmement,
une formule d'amendement qui permette au Québec de s'opposer à
toute modification constitutionnelle allant à l'encontre de ses
intérêts. Le Québec réclamait que la nouvelle
constitution reconnaisse formellement au Québec un droit de veto pour
lui permettre de préserver efficacement ses pouvoirs actuels tout en lui
donnant les moyens de jouer un rôle clé dans l'évolution du
fédéralisme. Finalement, la Cour suprême. Le gouvernement
du Québec réclamait un droit de participation au processus de
sélection et de nomination des juges à la Cour suprême du
Canada.
Comme ministre délégué à l'Administration et
président du Conseil du trésor, il y en a, parmi les conditions
qui font partie de l'accord, une qui a retenu plus spécialement mon
attention, soit celle du pouvoir de dépenser du fédéral.
L'accord constitutionnel aura des conséquences à long terme
importantes sur la gestion du secteur public, puisque le gouvernement
fédéral accepte que son pouvoir de dépenser soit assujetti
à la possibilité pour une province de ne pas participer à
un programme dit national dans un domaine de juridiction
provinciale. En contrepartie, la province non participante recevra une
juste compensation si elle met en vigueur un programme ou une mesure compatible
avec les objectifs nationaux.
Mme la Présidente, si on remonte dans l'histoire, cette clause
vient clore un débat entre les deux paliers de gouvernement qui durait
depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale au Canada,
c'est-à-dire depuis que le gouvernement du Québec a
refusé, en 1947, au gouvernement fédéral de louer ses
champs d'impôts, préférant plutôt être
lui-même responsable du financement des services publics dont il avait la
responsabilité en vertu de ses pouvoirs constitutionnels. Cette position
de principe a toujours été défendue par les gouvernements
du Québec. C'est ainsi qu'en 1952 le Québec refusait un programme
de subventions per capita pour le financement des universités.
Mme la Présidente, par la suite, après que le gouvernement
fédéral eut introduit les grands programmes à frais
partagés dans le domaine des affaires sociales, dont celui de
l'assurance-hospitalisation en 1958, le Québec a demandé de
pouvoir s'en retirer avec compensation fiscale et financière, ce qui fut
fait en 1964. Cette première victoire sur le pouvoir
fédéral de dépenser avait été gagnée
par le premier ministre du temps, M. Jean Lesage, et j'aimerais citer ce qu'il
a déclaré lors de la conférence
fédérale-provinciale du 31 mars 1964: "Le problème
constitutionnel soulevé par les programmes conjoints est grave. En
pratique, la présence de ces plans réduit l'initiative des
provinces dans les champs d'action que la constitution leur reconnaît et
vient même déformer l'ordre de priorités que les provinces
désiraient établir dans leurs propres dépenses. Cependant,
les provinces peuvent difficilement refuser les subventions rattachées
aux programmes à frais partagés. En effet, si certaines d'entre
elles, à cause de leur position constitutionnelle, ne veulent pas se
soumettre aux conditions fixées par le gouvernement central, elles sont
gravement pénalisées puisqu'elles se voient privées de
sommes auxquelles leurs citoyens ont pourtant contribué."
Mme la Présidente, cette déclaration de l'ancien premier
ministre du Québec, M. Jean Lesage, explique bien les difficultés
liées à la mise sur pied de programmes de dépenses dits
nationaux dans les domaines de juridiction provinciale. Le dernier grand
programme à frais partagés mis sur pied fut celui de
l'assurance-maladie en 1969-1970. Lorsqu'en 1977-1978 le gouvernement
fédéral a remplacé les modalités de compensation
établies en 1964, il l'a fait en introduisant le concept de normes
nationales d'une manière restrictive. Ceci venait à assortir
l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser d'un train de
mesures réglementaires et normatives qui devaient prévaloir au
détriment des pouvoirs provinciaux exclusifs dans ces secteurs.
Mme la Présidente, la nouvelle clause de l'accord constitutionnel
introduit, à mon point de vue, une flexibilité
supplémentaire puisqu'elle parle d'objectifs et non plus de normes. Elle
est donc l'aboutissement d'un long processus de négociations et elle
garantit enfin, dans la constitution, le respect des responsabilités du
Québec. Au-delà des avantages constitutionnels et politiques, il
faut souligner que cet arrangement va permettre à long terme une
meilleure gestion du service public puisque le gouvernement
fédéral ne pourrait plus mettre sur pied de nouveaux programmes
et forcer les provinces à y adhérer selon des modalités
fixées unilatéralement. Ceci laissera au Québec la
flexibilité de déterminer des modalités de gestion qui
respectent sa situation particulière.
Le gouvernement fédéral, Mme la Présidente, a enfin
reconnu que le gouvernement du Québec avait ses propres
responsabilités et ses propres priorités dans ses champs de
compétence exclusive. C'est une grande victoire, Mme la
Présidente. Cela fait plus de 20 ans, soit depuis l'échec de la
formule Fulton-Favreau, au début des années soixante, que nous
attendons cet accord et que nous parlons de la question constitutionnelle au
Québec. Au fil des ans, les différentes tentatives
amorcées par les gouvernements qui se sont succédé, tant
à Québec qu'à Ottawa, n'ont fait qu'élargir le
gouffre qui nous séparait du consensus. Mais, enfin, avec cet accord
constitutionnel mené de main de maître par le premier ministre, le
Québec reprend sa place et son rôle dans les instances
constitutionnelles canadiennes.
Mme la Présidente, je profite, d'ailleurs, de l'occasion pour
réitérer mes félicitations au premier ministre et à
mon collègue, le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, pour avoir accompli un véritable tour
de force dans ces négociations constitutionnelles. Mes
félicitations aussi aux conseillers qui, durant plusieurs mois, se sont
penchés avec acharnement sur le dossier afin que l'on en tire les
résultats dont on connaît aujourd'hui toute l'ampleur. Au chapitre
des gains, cet accord constitutionnel nous permettra une flexibilité
raisonnable dans un régime fédéral dynamique, fondé
sur la concertation. Cette flexibilité, c'est des pouvoirs nouveaux pour
le Québec, des pouvoirs que nous exercerons ou non à notre
discrétion, selon les circonstances et graduellement, tant en ce qui
concerne le caractère distinct du Québec, le pouvoir de
dépenser qu'en ce qui concerne l'immigration. Chose certaine, il s'agit,
pour le Québec, d'une base solide pour bâtir l'avenir.
Comme le soulignait le journaliste, Gilbert Brunet, dans
l'édition de La Presse
du 10 juin dernier et je cite: "En 27 ans de révolution
tranquille, la couleur des gouvernements changeant maintes fois, le
Québec s'est acquis un poids politique considérable sur
l'échiquier canadien." Mais ce poids dans la balance politique ne
portera pas atteinte au gouvernement central de la fédération,
mais verra simplement à l'assouplir et à le décentraliser
légèrement pour l'adapter à la réalité du
pays. D'ailleurs, un sondage fait par la maison Angus Reed et effectué
au lendemain de l'accord à Ottawa ne démontrait-il pas qu'au
Québec 77 % des répondants étaient en faveur de l'accord
et, dans le reste du pays, 51 % ont dit approuver les modalités de
l'accord, alors que seulement 27 % se sont prononcés contre cette
entente?
Mme la Présidente, il y a une volonté politique tellement
forte de réintégrer le Québec dans la constitution
canadienne que je ne peux qu'être très confiant sur l'issue du
résultat. Et je crois sincèrement qu'il est important
d'entériner dans les meilleurs délais cet accord qui coulera dans
le béton l'unité canadienne. Il nous faut aller de l'avant et
dire à tous les autres Canadiens que, nous du Québec, nous sommes
d'accord. Il nous faut donner le ton à cet objectif d'unité
canadienne. (14 h 40)
En terminant, l'année 1987 sera une année charnière
pour le pays tout entier avec, entre autres, les dossiers sur la réforme
fiscale et la libéralisation des échanges. Plusieurs défis
et plusieurs remises en question se pointent à l'horizon.
Ces décisions façonneront notre avenir comme Canadiens, et
c'est à nous d'en prendre la responsabilité. Personnellement, Mme
la Présidente, je tire encore plus de fierté à affirmer
que je suis Québécois et Canadien dans un pays fort et riche, et
ce, tout autant au sens économique que culturel. Merci, Mme la
Présidente.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor. M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Attendez, cela va être leur fêtel Le 2
décembre 1985, celui qui vous parle était véritablement
très fier. Effectivement, c'était une victoire, on avait vaincu
les forces du mal dans Saint-Jacques dont le dernier député
libéral à temps plein date d'au moins 50 ans, c'était les
culottes à Vautrin. Saint-Jacques est un comté qui avait
voté oui et qui va continuer à voter oui au Québec. Ce
n'est pas un comté qui dira non à son propre peuple.
J'étais fier d'être élu député de
Saint-Jacques, j'avais une certaine fierté. J'étais content, cela
coïncidait bien, après 300 ans de présence de ma famille en
Amérique française, d'arriver dans l'institution la plus
prestigieuse de l'État, l'Assemblée nationale. J'avais une
certaine fierté d'arriver là. Je me disais: II me semble qu'il y
a quelque chose là-dedans.
Depuis le 2 décembre, qu'est-ce que je vois? Vous, M. le leader,
avec de l'improvisation, un menu législatif Métrécal, rien
dans l'assiette, du cynisme, les tartuferies d'un premier ministre qui a l'air
d'un mauvais clown qui est en train de faire son dernier tour de piste. Un
mépris du Parlement et des parlementaires. Je ne pensais jamais...
Effectivement, M. le leader, vous faites bien de me dire que vous quittez,
c'est ce que vous allez faire dans quelques mois. C'est ce que le Québec
va vous donner comme verdict dans quelques mois; ce n'est pas si loin que cela.
Attention! Remarquez l'histoire. Plus vous êtes haut et plus vous tombez
vite et raide, n'est-ce pas? Rappelez-vous 1976 et 1981, il pourrait y avoir
1989 ou 1990.
Qu'est-ce que je vois? Un mépris du Parlement, un mépris
de l'Assemblée nationale, un mépris des parlementaires non pas
uniquement des parlementaires de l'Opposition mais même de vos propres
parlementaires, comme si le Parti libéral avait instauré...
D'ailleurs, on voit les applaudissements béats et délirants comme
si le Parti libéral avait instauré depuis le 2 décembre
à l'Assemblée nationale une espèce de robotique. Tu
pèses sur un piton, il y en a 98 qui lèvent la main, tu tires une
manette, il y en a 98 qui applaudissent à n'importe quoi de ce qui est
présenté. Le 2 décembre, je vais être bien franc
avec vous, moi qui regardais cette Assemblée nationale comme
étant l'institution la plus prestigieuse et la plus importante de
l'État, je trouve que vous l'avez drôlement
dégradée.
Bien entendu, on a mis en fin de session - douce vengeance,
peut-être, au coeur du leader du gouvernement, puisque tout le monde sait
qu'il s'était légèrement couvert de ridicule avec la fin
de la session au mois de décembre - l'accord du lac Meech parce que cela
faisait toujours très Métrécal, son menu
législatif. Il nous met la fameuse entente du lac Meech dans la
foulée des dernières heures de la session et il essaie de nous
faire voter cela à pleine vapeur, assuré, bien entendu, de la
robotique qui s'est instaurée, où il suffit d'actionner la
manette et, automatiquement, 98 votes apparaissent.
Pourquoi cet empressement quand on sait qu'on a trois ans pour ratifier
l'entente? Pourquoi cette espèce - on me pardonnera le terme - de
"bulldozage"? Pourquoi cette hâte du gouvernement libéral de
signer cette entente historique mais pour laquelle on se
donne trois ans, justement pour bien s'assurer qu'elle soit historique?
Qu'est-ce que le premier ministre cache, lui qui a toujours été
d'ailleurs un modèle de transparence et surtout de présence?
Pourquoi signer le premier? Pourquoi aller à genoux, à genoux
devant les autres? Parce que les provinces canadiennes - déjà, on
le voit - vont changer des articles de l'entente. Elles sont en train de le
faire et vous autres, durant ce temps-là, avec votre pseudo-accord du
lac Meech, lac pollué d'ailleurs - on a vu ce qu'a fait votre ancien
collègue fédéral et premier ministre dans ce lac - vous
êtes en train de faire une vente de trottoir. Vous êtes en train de
faire une véritable vente de trottoir avec notre avenir. Vous êtes
en train de faire une vente de trottoir qui va mettre notre avenir dans la rue
comme société distincte, comme culture originale. C'est ce que
vous êtes en train de faire à l'Assemblée nationale.
J'ai dû m'absenter quelques jours, Mme la Présidente, vous
savez, à cause de l'état de santé de mon père, mais
je n'en ai pas pour autant cessé de m'intéresser à ce qui
se passait à l'Assemblée nationale. J'ai entendu les discours et
je vous prierais de ne plus jamais m'interpeller en disant: Mon ami d'en face.
Je refuse ce qualificatif même s'il fait partie des traditions
parlementaires.
Des voix: ...
M. Boulerice: J'entendais...
Des voix: ...
M. Boulerice: Mme la Présidente, est-ce que vous pourriez
demander à quelques-uns de ces robots, justement, de l'aile
parlementaire libérale de bien vouloir respecter le temps de parole qui
est accordé à l'Opposition et de cesser de m'interrompre? Ce que
moi, je n'ai pas fait d'ailleurs, n'en déplaise aux gens d'en face.
La Vice-Présidente: Je pense, M. le député
de Saint-Jacques, que les députés ont très bien compris
votre intervention. Là-dessus, je vous demanderais de...
Des voix: ...
M. Boulerice: Je vous remercie, Mme la Présidente,
d'appuyer mes propos, à savoir qu'il y a effectivement mépris du
Parlement et mépris des parlementaires. Il y en avait un exemple des
plus évidents tantôt qui semble vouloir se poursuivre.
J'entendais quelqu'un, de l'autre côté, parler de
l'humiliation de 1981. La véritable humiliation ne date pas de 1981. La
véritable humiliation date du 20 mai 1980 parce que vous vous êtes
alliés, à l'époque, à ces forces du non.
Contrairement à ce que disait le député de La Peltrie
à qui je répondrai par la bouche de mes canons, ce n'est pas nous
qui avons manipulé les Québécois au cours du
référendum de 1980, mais c'est vous, avec vos petits copains
fédéraux, à Ottawa, qui êtes venus faire accroire
avec le show Trudeau-Ryan, au Centre Paul-Sauvé, à
Montréal, qu'un non voudrait dire un oui et que tout le monde a mis son
siège, et non pas sa tête, en jeu à ce moment-là,
parce qu'il l'aurait perdue depuis fort longtemps. On a vu ce que cela a
donné. C'est en mai 1980 que vous avez fait subir une humiliation au
Québec et non pas en 1981, comme le déclarait pompeusement un
député d'en face.
Des voix: ...
M. Boulerice: Belle victoire. La Vice-Présidente:
À l'ordre!
M. Boulerice: Je ne l'ai pas lu, je l'ai écouté
votre discours. Belle victoire. L'humiliation, cela a été mai
1980. Aujourd'hui, on est bien pressé d'aller rejoindre ce beau Canada.
C'est tout juste si on n'essaie pas encore de me faire pleurer sur les
Rocheuses qu'on serait en train de perdre et que, finalement, on va rapatrier.
On va reprendre nos belles Rocheuses.
De mai 1980 au projet du lac Meech que vous êtes en train de nous
amener... Rappelez-vous, en mai 1980, ces beaux télégrammes qu'on
recevait des provinces canadiennes, ces pétitions signées de vos
braves, de nos braves compatriotes canadiens qui disaient: On vous aime; restez
dans la Confédération. Entre mai 1980 et aujourd'hui, qu'est-ce
qui s'est passé? Si vous voulez bien, on va en rappeler quelques
exemples? De l'agression physique contre des travailleurs saisonniers
francophones dans les provinces de l'Ouest, les incendies de maisons de Franco
manitobains. On nous aime bien et on est bien pressé d'aller les
retrouver dans cette belle convivialité pancanadienne. Justement, le
ministre des Affaires pancanadiennes, on est bien pressé d'aller faire
ça. On est bien pressé d'aller se livrer à une humiliation
qui est la résignation provinciale. (14 h 50)
C'est ça le fond de votre discours. C'est une province. On le
voit même dans votre abondante documentation. Vous n'êtes
même pas capables de respecter l'appellation du Québec
instaurée par un premier ministre libéral. M. Jean Lesage, lui,
parlait d'État du Québec. Je reçois
régulièrement de la documentation émanant de vos
ministères. On parle de la province de Québec. On aime ça,
c'est petit, c'est ratatinant. J'entends le député de Rimouski -
les citoyens de Rimouski doivent l'entendre - qui dit que c'est parfait de
parler de la province de
Québec et non pas de l'État du Québec. C'est bien
entendu qu'à cultiver le petit, comme vous le faites, ça va
être bien difficile, à ce peuple-là, d'atteindre le grand.
Mais ce n'est pas grave, on va continuer à se battre contre la
résignation provinciale que vous nous proposez, qui comporte,
d'ailleurs, nonobstant ce que nous dit M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes...
Quand je pense à son propos et à ce qu'il a dit, il y a quelques
années, à ce qu'il nous a dit en commission parlementaire,
à ce qu'il vient de nous dire... Je me rappelle toujours cette phrase de
Talleyrand qui disait: "L'ambition est comme le feu. Elle se nourrit des
matières les plus viles comme les plus nobles." Aucun pouvoir
reel...
Une voix: Oh!
M. Boulerice: Oui. Et de Talleyrand, d'ailleurs, on disait:
Comment se fait-il qu'il soit pauvre, lui qui a vendu tous ceux qui l'avaient
acheté? Je vous invite à réfléchir sur cette
phrase-là, M. le ministre.
Aucun pouvoir réel pour la protection de la langue. Moi,
député de Saint-Jacques, vendredi, j'appelais trois commerces de
Montréal pour me procurer un drapeau d'un pays étranger et ami
pour y accueillir, justement, ces amis-là et je me faisais
répondre, en 1987, dans ma ville, dans mon pays, encore en 1987: "Sorry,
I do not speak French." Dieu seul sait que je leur parlais bien en
français. Effectivement, M. le député de La Peltrie, je
leur parlais en français. Et je me faisais répondre: "I am sorry,
I do not speak French." Où sont les vrais pouvoirs pour la langue?
M. Gobeil: C'étaient des touristes.
M. Boulerice: Si vous qualifiez les anglophones du Québec
de touristes, M. le député de Verdun, libre à vous; vous
assumerez vos propos jusqu'à la fin, mais je trouve ça
méprisant qu'encore en 1987 je me fasse répondre ça et, en
plus, je suis député à l'Assemblée nationale. Mais
c'est vrai qu'on a eu le 2 décembre 1985 avec toutes vannes ouvertes
à des esprits revanchards. Aucune protection pour la langue.
La Cour suprême. J'étais en commission parlementaire des
institutions. Je voyais M. le ministre des affaires pancanadiennes qui disait:
II va y avoir trois juges du Québec. Est-ce un facteur
d'interprétation pour les juges, leur province d'origine? Est-ce qu'ils
rendent leurs jugements en fonction de la province dont ils sont originaires?
Si c'est ça, le mode de sélection des juges, je pense qu'il
faudra sérieusement penser à la nomination des juges de la Cour
suprême et à réviser complètement les
barèmes. Est-ce qu'on nomme un juge à la Cour provinciale parce
qu'il vient de Joliette et qu'il aura un préjugé favorable pour
Joliette? II est là pour appliquer les lois, sans aucune distinction de
sa province d'origine. Il est là pour appliquer et, surtout, pour
interpréter. On va avoir une Cour suprême dont rien n'est
changé, M. le ministre, qui continuera d'ailleurs de pencher toujours
comme la tour de Pise sur le même côté.
Le pouvoir fédéral de dépenser est flou, vague,
marécageux, d'ailleurs, comme le lac Meech où vous êtes
allés vous tremper jusqu'au cou, un pouvoir de dépenser qui va
influencer notre développement, qui va influencer notre consolidation
comme société francophone en Amérique du Nord, qui va
laisser les fédéraux intervenir dans des secteurs de notre
identité qui sont justement la culture, l'éducation, les
communications. Y a-t-il dans votre entente des pouvoirs accrus pour les
communications, qui sont la clé de l'avenir? Y a-t-il des pouvoirs
accrus pour le Québec?
Prenons un exemple concret. Avons-nous des pouvoirs qui vont permettre
au Québec d'infléchir les décisions du CRTC et nous
éviter d'autres CIBL-MF comme on a connu à Montréal?
Est-ce que vous avez obtenu cela? C'est beau le débat de vos juristes,
de vos légistes, de vos constitutionnalistes et de tous ces gens que je
respecte, mais, dans la vie quotidienne et dans l'avenir national des
Québécois, secteur par secteur, au-delà des belles
théories qui ont été sorties et de vos beaux tableaux avec
votre petite baguette et votre microphone, un "remake" très mauvais de
Point de mire, entre parenthèses... Est-ce qu'il y a des pouvoirs en
communications? Est-ce qu'il y a des pouvoirs accrus? Au chapitre de la langue,
pour employer un terme qui est familier à votre collègue,
l'ancien ministre de l'Habitation - parce qu'il n'y a plus de ministère
de l'Habitation, tout le monde le sait - est-ce que vous avez des garanties
"blindées", comme il dit, qu'on ne va pas continuer à charcuter
la loi 101 comme cela a été fait? Avez-vous des garanties?
Etes-vous capables de me les donner? Répondez à la question!
Etes-vous capables de me donner des garanties? Déjà la loi 101
qui est saccagée, et je vous donnais des exemples de comportements qui
reviennent à Montréal de mépris envers les francophones.
Avez-vous des pouvoirs accrus? Démontrez-le-moi. Je n'attends que cela.
Il n'y en a pas. Il n'y en a pas en communications. Il n'y en a pas dans le
secteur linguistique. Il n'y en a pas dans l'immigration.
J'entendais le député de Verdun qui disait qu'on va avoir
des pouvoirs accrus dans le domaine de l'immigration. Bien oui, on nous a dit:
Vous êtes distincts, vous allez avoir droit à une casquette verte,
mais, par contre, toutes les autres provinces ont aussi le droit de s'en
acheter une. Qu'est-ce qui
va nous distinguer? Et quelle est la distinction? On est un peuple
distinct. Alors, quelle est la distinction? Où est la précision
de cette distinction? Où? Donnez-moi les mots, donnez-moi le
libellé. Et le libellé qui peut exister actuellement sera-t-il
accepté par les autres provinces?
Une voix: Oui.
M. Boulerice: Ah oui! Je ne partage pas votre optimisme. Pas de
pouvoirs dans le domaine de l'éducation et Dieu seul sait que c'est
cela, l'éducation, qui fait partie également de notre culture, de
notre différence en Amérique du Nord.
Avez-vous des garanties du fédéral qu'on se retire des
champs exclusivement provinciaux? Où sont vos nouveaux pouvoirs? Je vous
pose la question depuis tantôt. Vous semblez songeur. Je ne sais pas si
le feu vous dévore? Mais je n'ai pas de réponse à cela.
Qu'y a-t-il comme réponse? Vous avez dans le secteur de la culture,
comme je vous en parlais tantôt, une limitation qui est très
partielle, très réduite, du pouvoir de dépenser du
gouvernement fédéral, qui va ne s'appliquer qu'aux nouveaux
programmes nationaux. Mais les anciens peuvent être maintenus. Mon
collègue avait raison en disant qu'il s'agira tout simplement de faire
adopter des lois par la Chambre des communes à Ottawa, puisque ce sera
facile à contourner. (15 heures)
La reconnaissance qui va être inscrite justement dans la
constitution, qu'il y a une intervention, justement, dans les
compétences du Québec, qui sont l'éducation et la culture,
où sont vos garanties à ce sujet? J'entendais le
député de Verdun qui parlait, à l'aube du
libre-échange. C'est quoi les pouvoirs du Québec dans la
négociation du libre-échange entre le Canada et les
États-Unis? C'est quoi? Quand vous avez lu comme moi le texte qui
émane du négociateur en chef pour les Américains qui
disait que la culture - je vais vous donner la traduction littérale -
doit être prise dans son sens le plus étroit. Qui a
décidé? Le gouvernement fédéral? Avez-vous des
pouvoirs qui vont vous permettre d'exercer les prérogatives du
Québec dans un domaine aussi fondamental que sa culture? Avez-vous une
réponse à cela? Vous n'avez pas de réponse à cela.
Il n'y a pas de réponse à cela.
Vous êtes en train de faire adopter à toute vapeur, comme
s'il s'agissait d'une vulgaire discussion de taverne, une adhésion
à l'acte de 1982. Le député de Verdun citait encore des
statistiques... Je lisais justement dans l'avion un magazine canadien anglais,
qui s'appelle le Maclean's ou quelque chose comme cela. Il y avait un sondage;
la majorité des Canadiens anglophones disent que pour le Québec,
ça ne changera rien la nouvelle entente constitutionnelle.
J'écoutais votre cousin germain, votre frère, je ne sais pas
comment s'expliquent vos liens de parenté, M. Turner, à Toronto
durant la fin de semaine, votre "boss" plutôt, votre grand "boss", c'est
vrai parce qu'ici c'est la succursale...
Une voix: ...
M. Boulerice: ...M. Turner - déjà, on rejette le
grand frère fédéral de l'autre bord qui disait aux
militants libéraux de l'Ontario: II faut accepter l'entente parce que si
on ne l'accepte pas, les Québécois vont exiger un statut
particulier et ils pourraient même exiger la
souveraineté-association. C'était: Aye, réglons au plus
"cheap", tout d'un coup qu'ils demandent plus! C'est sorti naïvement et
candidement de sa bouche, durant la fin de semaine à Toronto, devant vos
frères, cousins germains, parents par alliance, je ne sais pas comment
vous les appelez, les libéraux fédéraux, vos "boss", en
définitive. C'est sorti naïvement de la bouche de M. Turner
à Toronto.
Lui aussi l'a bien dit, il est en train de reprendre les propos de
l'Opposition péquiste à l'Assemblée nationale, c'est un
plancher, l'entente que vous avez négociée. C'est lui-même
qui le dit et qui, par inadvertance, dans une tentative
désespérée d'essayer de rallier ce beau Canada "from coast
to coast" à une entente encore là signée de nuit elle
aussi, est en train de confirmer nos propos et de dire: C'est un plancher cette
entente constitutionnelle. Il n'y aura pas de statut particulier. Les
Québécois, si on signe ça, ne réclameront pas de
statut particulier. Je trouve ça aberrant.
C'est vrai que je suis un député indépendantiste.
Les citoyens de Saint-Jacques le savent bien, ils ont voté en bonne
connaissance de cause le 2 décembre. Oui. Au départ, un statut
particulier, il me semble que ça aurait été mieux.
D'ailleurs, on fait des levées de fonds pour sauver de la disparition
les baleines bleues dans le fleuve et, dans votre accord constitutionnel, on
n'est même pas capable de préciser le véritable sens du mot
"distinct" pour la seule pauvre petite collectivité francophone qui
habite en Amérique du Nord, entourée d'anglophones à 40
contre 1. On n'est pas capable, M. le ministre, d'apporter cette
élémentaire précision à l'intérieur du texte
que vous vantez et que vous voulez faire approuver par l'Assemblée
nationale. Sans doute, vous allez réussir à cause de cette
robotique, de cette majorité en Chambre, que vous ne changerez pas,
d'ailleurs, malgré les propos on ne peut moins hypocrites que vous avez
souvent tenus quant à un système proportionnel électoral
au Québec. Vous en vouliez bien un, mais là vous n'en voulez pas.
Vous allez effectivement profiter de la
loi du nombre, d'une fin de session, à un moment où,
effectivement, la population du Québec n'est peut-être pas
très préoccupée par la question. Cela ne m'inquiète
pas, parce qu'il y a dans la vie des peuples des cycles comme dans la vie des
individus, des cycles comme on en trouve dans la nature: il y a marée
basse et marée haute. Cela reviendra bien.
Quand commenceront à nous arriver les interprétations et
les décisions de la Cour suprême, de la tour de Pise
penchée du même cûté, qui est à Ottawa, et que
ses décisions viendront abattre des pans de mur de la loi 101 encore
là, des décisions qui nous empêcheront de mettre en place
des politiques de plein emploi au Québec pour les jeunes, quand cela
nous empêchera de mettre en place des politiques de développement
culturel - enfin si jamais votre parti est capable d'en présenter -
quand on essaiera de mettre place des politiques pour l'éducation
supérieure au Québec et qu'on viendra se faire remettre sous le
nez l'interprétation qui est donnée par les juges de l'entente
constitutionnelle que vous voulez nous faire voter aujourd'hui, je pense que,
là, les Québécois vont commencer à mesurer quel est
le véritable impact de votre texte mouillé dans l'eau du lac
Meech que vous essayez de nous faire voter aujourd'hui. Ce ne sera
peut-être pas demain, mais cela pourrait être après-demain.
À ce moment-là, je vous vois dans l'embarras d'expliquer le
caractère historique de la signature précipitée que vous
êtes en train de vouloir mettre en bas d'une feuille de papier.
Il y a sans doute, à l'intérieur de cela, puisqu'on sait
qu'il est stratège quelques fois à ses heures, un
élément de stratégie... Trois minutes que vous dites, Mme
la Présidente, qu'il me reste sur un débat qui, s'il avait
été fait sous le Parti québécois, serait fait dans
des règles beaucoup plus démocratiques...
Des voix: Ah! Ah!
M. Boulerice: ...oui, avec une sanction de la population.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Boulerice: ...avec une sanction de la population. C'est ce
qui, effectivement, nous distingue: nous, nous avons des principes, vous des
intérêts, c'est bien différent. C'est pour cela que je vous
rappelais tantôt cette parole de...
La Vice-Présidente: Â l'ordre!
M. Boulerice: ...Talleyrand, quant à l'ambition qui est
comme le feu, elle se nourrit des matières aussi nobles que des
matières viles. Quand le premier ministre a décidé
d'apporter cela ici, en toute fin de session, et qu'il a passé la
commande à son leader, il y avait un élément de
stratégie qui était: Bien oui, si je suis la première
province canadienne à signer, cela va être gênant pour les
autres de dire non. Alors, il a lancé son boomerang, cela est un fait,
mais le boomerang, s'il n'y a personne qui l'accroche, vous savez où il
va lui revenir: en pleine face. Effectivement, M. le ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, vous me donnez raison, le boomerang va lui
revenir en pleine face. C'est ce qui va se passer dans les autres provinces
canadiennes, parce qu'eux auront un débat démocratique
là-dessus, à l'inverse de celui qui se fait ici dans le Parlement
depuis le 2 septembre où, je le répète, c'est un
mépris total de l'Assemblée nationale et des élus. Comme
les élus représentent la population, c'est un mépris total
de la population et de la démocratie. Dommage que vous ayez perdu le
sens philosophique de l'épithète qui qualifiait votre parti. Vous
n'êtes vraiment plus des libéraux. Abandonnez ce nom, vous le
déshonorez parce que ce n'est pas là le vrai sens du mot
"libéral", tel qu'on l'entend. (15 h 10)
Effectivement, nous prônons, nous, l'affirmation nationale, qui
est la conquête de nouveaux pouvoirs pour le Québec, la
conquête de nouveaux espaces politiques pour le Québec tandis que
vous, vous vous résignez provincialement, vous vous ramenez au petit,
vous cultivez le petit et vous empêchez les Québécois
d'atteindre le grand. C'est cela qui fait la différence, Mme la
Présidente, et les Québécois n'en seront pas dupes la
prochaine fois. Cela peut peut-être bien aller à cause du temps et
de l'imminence des vacances. À la fin d'une session, une population ne
s'en préoccupe peut-être pas, mais il y a trois
députés à qui vous venez de donner une énergie
incroyable, une énergie qu'on a eue au congrès parce qu'on s'est
tous ralliés, dans l'enthousiasme, à l'affirmation nationale des
Québécois et non pas à votre résignation
provinciale. En essayant de nous "bulldozer" sur un accord fondamental comme
celui du lac Meech, vous nous donnez 1 000 000 de fois plus d'énergie
qu'on ne pouvait en avoir il y a quelques mois. Je vous promets qu'on va se
promener au Québec et ce n'est pas parce que...
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Jacques, je vous demanderais de conclure.
M. Boulerice: Mme la Présidente, je vais conclure puisque
vous m'invitez à le faire. C'est dommage que je n'aie pas plus de temps
parce que je vous dis que, cinq minutes pour en parler en bien, cela aurait
été trop, mais une heure pour essayer de
dire ce qu'elle n'a pas, c'est trop peu. Vous le paierez effectivement
très cher. Et le premier comté où vous allez le payez
très cher, je vous le garantis, c'est dans le comté de
Saint-Jacques. On va fêter la Saint-Jean, nous, mais écoutez le
discours que je vais tenir à mes concitoyens de Saint-Jacques. Venez
l'entendre et vous allez voir à la prochaine élection dans le
comté de Saint-Jacques, vous allez retourner à l'époque
des culottes à Vautrin. Cela fait 50 ans qu'il n'y a pas eu de
député libéral, n'espérez pas en avoir un autre
dans Saint-Jacques. Merci.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, sur une question de règlement, Mme la
Présidente. Je n'ai pas voulu interrompre le député de
Saint-Jacques dans son envolée, mais j'aimerais qu'on lui rappelle que
l'article 35, 4°, du règlement empêche de faire ce qu'il a
fait tout au cours de son allocution, c'est-à-dire de s'adresser
directement à un autre député. Je souhaite que, lors de
son discours dans le comté de Saint-Jacques, au moins, il respectera les
règles du jeu mieux qu'il ne l'a fait ici au cours de son
intervention.
M. Boulerice: Je ne publierai pas de posters, madame, mais je
vais effectivement nommer tous les députés.
La Vice-Présidente: Ceci étant fait, je suis
prête à reconnaître le prochain intervenant, M. le
député des Iles-de-la-Madeleine.
M. Georges Farrah
M. Farrah: Merci, Mme la Présidente. Dans un premier
temps, j'aimerais dire au député de Saint-Jacques, par votre
entremise, que le congrès du PQ de la fin de semaine dernière ou
il y a quinze jours a certainement ravivé le député de
Duplessis et le député de Dubuc concernant l'affirmation
nationale, entre autres. Alors, on a hâte de voir où vous vous
logez.
Je ne ferai pas comme le député de Saint-Jacques, Mme la
Présidente, pour me morfondre et bifurquer dans une démagogie. On
va essayer de s'arrêter vraiment à l'entente comme telle, parce
que nous sommes des gens sérieux. Ce sont également des gens
sérieux qui ont négocié cette entente et je suis ravi
d'entendre des gens comme ceux de l'autre bord parce que je me dis que, lorsque
la population du Québec entend ces gens, c'est nous, du Parti
libéral et nous du gouvernement qui y gagnons. Car on ne peut avoir
aucune crédibilité à parler de la façon dont les
gens d'en face parlent depuis au-delà d'une semaine.
On nous a dit qu'on a voulu présenter cette résolution
ici, en Chambre, de façon très rapide et un peu
improvisée. Je pense qu'il y a lieu quand même de mettre les
choses au clair. Pour ce qui est de sa position constitutionnelle, le Parti
libéral du Québec a commencé depuis de nombreuses
années... On peut dire que déjà au début des
années soixante-dix avec le premier ministre que nous avons maintenant,
M. Bourassa, il y a eu les négociations de Victoria et par la suite, un
peu plus tard avec l'arrivée de M. Ryan, il y a eu des propositions
claires et précises venant du congrès, de la base militante du
parti, des gens que nous avons consultés pour, justement,
démontrer notre démocratie et l'importance des gens de la
base.
Par la suite, nous arrivons à cette position constitutionnelle,
avec l'arrivée du gouvernement en 1985, et c'est ainsi que nous avons
conclu l'entente constitutionnelle du 3 juin dernier.
Je comprends mal les députés de l'Opposition qui nous
disent qu'il n'y a aucun gain dans l'entente constitutionnelle de juin. Je ne
comprends pas évidemment. Et ceci démontre leur manque
d'objectivité, car il faut quand même admettre qu'il y a des gains
sensibles pour le Québec.
Si ce parti était crédible et le moindrement objectif, je
pense qu'il aurait lieu d'amener au moins certaines critiques constructives et
positives. Bien non, c'est une démagogie constante, et on dit qu'on n'a
rien amené.
Premier point de l'entente: société distincte. Pour la
première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct de
la société québécoise en l'inscrivant dans la loi
suprême du pays. Et l'Assemblée nationale et le gouvernement du
Québec se voient confier le rôle - ceci est très important
- de protéger et de promouvoir ce caractère distinct du
Québec. Je dis au député de Saint-Jacques: Cela, c'est un
gain pour nous, Québécois, société distincte.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'immigration, Mme la
Présidente. En matière d'immigration, le Québec a obtenu
des pouvoirs additionnels majeurs qui, en plus d'une confirmation de pouvoirs
déjà présents dans l'entente Couture-Cullen, donneront
désormais au Québec des moyens d'affronter l'avenir avec
confiance, et de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques migratoires,
démographiques et familiales qui assureront la pérennité
du caractère français de la société
québécoise et de son importance au sein de la
fédération canadienne.
Nous savons que cette entente nous donne également le droit
d'obtenir... On obtient 5 % en surplus au chapitre des immigrants qui pourront
aboutir chez nous au
Québec. Étant donné la situation
démographique au Québec, ceci est un point extrêmement
important et ceci nous donne un pouvoir supérieur, un autre pouvoir que
nous n'avions pas antérieurement.
Au sujet de la Cour suprême, nous savons que le Québec
pourra donner une liste au gouvernement fédéral, liste dans
laquelle le gouvernement fédéral va nommer trois juges qui seront
amenés par le Québec au fédéral, et ce, peu importe
notre situation, notre population au Québec. Même si nous avons 25
% de la population au Canada, si nous avons 24 % ou 20 %, peu importe, ceci
confirme que, indépendamment de la population que nous serons au
Québec, nous aurons le droit de nommer trois juges ou nous aurons le
droit de donner une liste au gouvernement fédéral, à
partir de laquelle le gouvernement fédéral nommera trois juges.
Ceci est un pouvoir substantiel en ce qui concerne le Québec, que nous
avons atteint avec l'entente négociée en juin.
Il y a également le pouvoir de dépenser, la formule
d'amendement ainsi que le droit de retrait, dont je ne parlerai pas ici,
étant donné que plusieurs de mes collègues l'ont fait et
le feront aussi éventuellement.
Ce que je voudrais amener aussi, c'est le travail exceptionnel, le
travail colossal que le premier ministre du Québec, ainsi que le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes, ont fait en ce qui concerne la réintégration du
Québec au sein de la Confédération canadienne.
Moi, je peux vous le dire, je suis un profane en matière de
constitution. Par contre, j'ai eu l'honneur et le privilège de pouvoir
assister à la commission parlementaire des institutions, en ce qui
concerne la constitution canadienne, et je dois vous dire que j'ai
été vraiment ébloui par la compétence et la
qualité du ministre responsable, ainsi que du premier ministre.
Souvent, en ce qui concerne les revendications qui nous ont
été faites par certains invités, nous aurions pu, de
façon improvisée, ajouter au sujet de la société
distincte, entre autres, la définir plus en détail. Mais on sait,
et j'ai appris, à ce moment-là, que plus on définit, plus
on peut limiter la portée de la société distincte.
À ce moment-là, cela a pris le courage politique de ces
hommes-là. Cela aurait été beau politiquement d'ajouter:
société distincte égale caractère français
du Québec. Politiquement, cela aurait été beau et cela
aurait été le genre de stratégie que ces gens d'en face
auraient voulu faire.
Mais pour donner une meilleure garantie, une meilleure protection au
Québec, nous n'avons pas voulu définir la société
distincte, justement parce que nous voulons qu'elle ait une portée plus
grande et qu'elle garantisse d'une façon plus substantielle les droits
et privilèges du peuple québécois.
C'est ça qu'il faut constater dans l'élaboration du
travail de ces gens-là et c'est justement ça que l'Opposition ne
sort pas de l'autre côté lorsqu'elle parle, parce qu'on sait qu'en
termes juridiques, chaque mot a son pesant d'or et chaque mot a sa
définition, a sa portée. (15 h 20)
II est très important de s'assurer que la définition que
nous avons incluse soit la plus large possible et qu'au niveau des tribunaux,
il y ait la plus grande protection du peuple québécois. Ce n'est
pas le député de Saint-Jacques qui pourra vous expliquer cela,
parce que ce qui est important pour lui, ce sont les mots et l'image.
Au-delà de cela, il faut avoir une pensée à long terme
pour garantir les pouvoirs du Québec dans de nombreuses
années.
En terminant, le chef de l'Opposition ridiculisait la deuxième
étape de négociations, la deuxième ronde qui, entre
autres, parlera des pêches. Les pêches pour mon comté des
Îles-de-la-Madeleine, c'est une chose très importante car c'est
l'économie vitale chez nous. Alors, les pêches pour nous... Si,
dans la deuxième ronde de négociations, les provinces peuvent
s'assurer un plus grand nombre de pouvoirs en matière de pêche,
chez nous, ce sera important dans les régions maritimes du
Québec. Ce que je veux dire au chef de l'Opposition également,
c'est que je voudrais lui faire prendre conscience qu'il y a des régions
maritimes au Québec et que si, dans la deuxième ronde de
négociations, on parle de pêche, il n'y a pas juste Terre-Neuve
qui va en bénéficier. Nous, du Québec, on va en
bénéficier, on peut en bénéficier. Qu'est-ce que
cela veut dire chez nous? Cela veut dire des emplois, des jobs chez nous, aux
Îles-de-la-Madeleine.
Une voix: Bravo!
M. Farrah: En terminant, comme le dirait le député
de Terrebonne, Mme la Présidente, je vous tends une perche à
vous, gens de l'Opposition, car le premier ministre du Québec est en
train de réparer votre erreur du 16 avril 1981. Qu'est-ce qui va
arriver? Le premier ministre du Québec et le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
vont vous permettre d'être pas si mal jugés dans l'histoire, parce
qu'on aura réparé votre erreur. Dans ce sens, on vous tend une
perche. S'il vous platt, prenez-la, parce que vous allez couler au fond du lac
et vous ne reviendrez jamais à la surface. Merci, Mme la
Présidente.
Des voix: Bravo!
M. Boulerice: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le
député de Saint-Jacques?
M. Boulerice: Mme la Présidente, est-ce que l'honorable
député des Îles-de-la-Madeleine consentirait à une
très brève question de ma part?
La Vice-Présidente: Vous devez savoir que j'ai besoin de
l'autorisation du député. Est-ce que le député
consent? Il consent. Je dois vous rappeler... Il n'y a pas consentement? Pas de
consentement, pas de question.
Je suis prête à reconnaître le prochain
intervenant.
Une voix: Tu as eu peur, hein?
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion,
vendredi dernier, d'intervenir sur cette motion que je considère, en
termes de sujet discuté, de sujet à être débattu,
une question majeure, importante pour la société
québécoise. J'ai indiqué cependant dans les premiers
éléments de mon intervention que, justement, parce que c'est une
question importante, si on avait affaire à un gouvernement qui a un
minimum de respect pour la démocratie, nous n'en traiterions pas en
catastrophe en fin de session dans un débat limité. Je n'ai pas
besoin d'ajouter que ce n'est pas la fin de semaine qui m'a fait changer
d'avis, puisque nous sommes toujours dans les mêmes conditions de fin de
session de vouloir procéder rapidement avec un empressement qui ne se
justifie d'aucune façon. D'ailleurs, plusieurs gouvernements dont celui
de l'Ontario et le gouvernement fédéral ont déjà
annoncé leur intention d'apporter des amendements majeurs. Si nous
n'avions pas affaire à un groupe de minimalistes et non pas de positifs,
comme certains l'ont mentionné, ils auraient au moins l'ouverture de ne
pas procéder en catastrophe pour permettre que nous puissions regarder
dans des délais normaux, après avoir consulté la
population, certains aspects qui, à tout le moins, mériteraient
d'être éclaircis davantage, d'être précisés
davantage, et j'aurai l'occasion de le faire au cours de cette
intervention.
On aura beau prendre des heures et déclarer que c'est
l'allégresse, qu'il s'agit là d'une entente absolument
extraordinaire, et de le répéter, comme on vient encore de
l'entendre par le député des Îles-de-la-Madeleine... Encore
là, à peine cinq ou six minutes pour en parler positivement,
parce que c'est tout ce qu'on a à dire: Répéter que le
ministre pancanadien a été extraordinaire dans ses
prétentions, dans sa démonstration, parce que lui avait dit que
définir la société distincte aurait comme
conséquence de restreindre. Il me semble que si on avait un peu
d'objectivité, on regarderait ce que d'autres ont dit. Ce qui
m'impressionne, et je vais être très objectif, ce n'est pas
tellement ce que les parlementaires de l'autre côté disent et pas
plus que ce que nous, nous disons, c'est de considérer la
réflexion de certains spécialistes qui ont scruté ces
questions, qui les ont analysées et qui sont venus nous dire, en
commission parlementaire, qu'il y avait des failles majeures, importantes.
On a entendu un témoin aux auditions, M. Léon Dion, qui
est, depuis plusieurs années, un spécialiste de ces questions -
et c'était leur témoin - dire qu'en ce qui le concerne, lui,
contrairement à l'affirmation du ministre des Affaires
intergouvernementales, uniquement avoir une référence à la
société distincte, c'était quelque chose d'absolument
extraordinaire. Il prétend que s'il n'y a pas de référence
à ce qui nous caractérise, à ce qui nous distingue
fondamentalement, c'est une coquille vide, c'est une étiquette sur une
bouteille vide. On a beau avoir la chaudière que vous voudrez, si elle
n'a pas de fond, on a un problème même si on essaie de la
remplir.
C'est un peu le problème qu'on entend de l'autre
côté en voulant toujours rendre grandiloquente cette entente du
lac Meech. Alors que tout le monde qui l'a regardée... C'était
facile d'arriver à une conclusion lorsqu'on exige tellement peu, et ce,
à la surprise de tous les intervenants canadiens. Rapidement on a dit:
pour la première fois, le Québec a si peu exigé qu'on va
être d'accord pour ratifier cette entente dite "minimaliste".
Je voudrais simplement, Mme la Présidente, prendre les minutes
qui vont suivre pour expliciter davantage deux notions qui m'apparaissent
fondamentales. Qu'on se fasse emplir les oreilles qu'on a gagné la
nomination de trois juges, en ce qui me concerne cela ne change rien. C'est un
pouvoir que nous avions déjà. Il n'y a strictement rien de
changé. La seule différence, c'est que, dorénavant, ils
vont piger dans une liste plutôt que de les nommer en l'absence de liste.
Mais dès qu'on parle de cela, cela confirme notre point de vue. Cela
veut dire que ces gens-là sont fiers de confier à des juristes
nos responsabilités politiques. J'ai toujours pensé qu'il
appartenait à des élus d'un Parlement de définir le cadre
institutionnel, le cadre juridique dans lequel le peuple du Québec et
l'État du Québec doivent fonctionner. Je trouve à
confirmer notre thèse dans tous leurs petits discours qui disent:
Holà, holà, bravo, on a obtenu la nomination des juges.
Premièrement, je le répète, on l'avait ce
droit et, deuxièmement, cela signifie qu'ils sont d'accord pour
remettre entre les mains des cours la responsabilité d'un Parlement
normal quand il a à prendre des décisions pour un peuple normal.
Donc, il n'y a pas de gain là en ce qui me concerne.
On a parlé pendant des heures du droit de veto alors qu'on a
appris que nous ne l'avions jamais obtenu. Sur le plan juridique, on n'a jamais
eu le droit de veto. Il n'y a pas de victoire majeure. Parler pendant quelques
minutes ou des heures de l'entente Cullen-Couture sur l'immigration, là,
on parle, au moins, de quelque chose que nous, de ce côté-ci,
connaissons. C'est justement notre ministre de l'Immigration du Parti
québécois, à l'époque, qui avait réussi
à négocier une entente sur l'immigration qui respecte davantage
les pouvoirs du Québec. Encore là, Mme la Présidente,
aucun gain.
On arrive aux deux notions fondamentales. Il me semble que les deux
points sur lesquels il y aurait lieu de prendre un peu plus de temps pour
développer des éléments de cette fameuse entente du lac
Meech, c'est toute la question du pouvoir de dépenser et la
référence à la société distincte. Encore
là, Mme la Présidente, je pense que c'est moins important
d'entendre les parlementaires s'exprimer là-dessus que d'entendre des
spécialistes de ces questions-là qui ont pris le temps d'analyser
le texte de l'accord et d'émettre énormément de
réserves et de détails pour lesquels ils prétendent qu'il
y avait lieu d'obtenir davantage de confirmation avant de chanter
d'allégresse. (15 h 30)
Pour les minutes qui vont suivre, je veux développer davantage la
question du pouvoir de dépenser. J'ai dit, vendredi dernier, et je suis
sûr de ce que j'affirme, que tout ce que nous faisons dans
l'élément du pouvoir de dépenser c'est que, pour la
première fois, on va constitutionnaliser la capacité du
fédéral d'intervenir constamment dans nos plates-bandes dans des
champs de juridiction qui ont toujours été nôtres, sauf
qu'avec l'entente du lac Meech on constitutionnalise cette disposition en
disant: On est d'accord que ce soit comme ça, venez dans nos champs de
juridiction. Ces gens-là ont le culot de prétendre qu'il s'agit
là d'un avantage pour le Québec, qu'il s'agit là d'un
élément important pour le Québec.
Je voudrais vous rappeler que l'accord du 3 juin 1987, au sujet du
pouvoir de dépenser, dit ceci: "L'objet de l'actuel document est de
faire, aussi brièvement que possible, un examen des dispositions de
l'accord constitutionnel de 1987 relatives à l'encadrement du pouvoir de
dépenser de l'État fédéral, afin de souligner les
difficultés qu'elles soulèvent.
Je répète: les difficultés que je vais soulever sur
le pouvoir de dépenser ne sont pas des prétentions de celui qui
vous parle, ce sont des prétentions d'un constitutionnaliste qui a
fouillé cette question et qui a la conviction que nous n'obtenons
absolument rien de neuf et que, au contraire, les dispositions prévues
à l'accord du lac Meech au 3 juin dernier font qu'à l'article 7,
on se ramasse avec une difficulté très dangereuse.
Analysons le texte de l'accord sur la disposition du pouvoir de
dépenser. Il faut se rappeler que l'article 7 de l'accord
constitutionnel de 1987 prévoit que la Loi constitutionnelle de 1867 est
modifiée en insérant, à la suite de l'actuel article 106,
la disposition suivante. Lisons le fameux article 106: "Le gouvernement du
Canada fournit une juste compensation au gouvernement d'une province qui
choisit de ne pas participer à un programme national cofinancé
qu'il établit après l'entrée en vigueur du présent
article dans un secteur de compétence exclusive provinciale si la
province applique un programme ou une mesure compatible avec les objectifs
nationaux. Le présent article n'élargit pas les
compétences législatives du Parlement du Canada", etc.
Il faut rappeler que la constitution canadienne sur le pouvoir de
dépenser dit ceci: "La question de la validité constitutionnelle
du pouvoir de dépenser de l'État fédéral demeure
indéniablement une des questions non résolues du
fédéralisme canadien. Il serait certes utile de reprendre dans
l'actuel contexte une définition du pouvoir de dépenser", etc. Il
importe de souligner que la question de la validité de ce pouvoir se
soulève à l'égard de son exercice par le
fédéral. Écoutez bien çaï "... son exercice
à l'égard du fédéral, non pas à
l'égard de ses propres compétences législatives mais bien
à l'égard des compétences législatives
exclusivement des provinces ou encore des compétences mixtes,
c'est-à-dire des compétences partagées entre les deux
paliers de gouvernement."
Rappelons par ailleurs que le Québec a, depuis toujours,
contesté la légitimité de cette façon de
procéder du fédéral qui, depuis plusieurs années,
tente de se servir de son pouvoir de dépenser afin de contrôler et
d'influencer dans les faits l'exercice par les provinces de leurs
compétences législatives en vertu de l'entente canadienne, en
vertu de la constitution canadienne censément exclusive aux
provinces.
Un de mes collègues citait d'ailleurs les propos du ministre
Rémillard dans son discours du Mont-Gabriel de 1986 reflétant
cette division traditionnelle du Québec. Là, il était plus
libre, plus dégagé, un peu moins prétentieux et à
ce moment-là on avait droit, je pense, à un minimum de
vérité, parce qu'il faut lui reconnaître une certaine
compétence, du moins passée, dans ces questions-là.
Actuellement, alors qu'il est affublé de l'épithète un peu
partisane de membre du cabinet, tout ce qui l'intéresse c'est d'avoir un
Québec le plus petit possible, le plus rapetissé possible, avec
le moins de moyens possible. Ça permet d'entendre des choses comme
celles qu'on a entendues en commission parlementaire, confirmées par les
jeunots qui arrivent et qui sont tout béats devant le ministre parce
qu'il a dit quelque chose qu'il a appris. Imaginez-vous! Le
député des îles dit qu'il a appris que définir
quelque chose pouvait courir un certain risque par rapport aux
éléments nons définis. Imaginez! Il a découvert
cela en commission parlementaire.
Alors qu'il disait ceci quand il avait un peu d'objectivité: La
sécurité culturelle signifie aussi la possibilité pour le
Québec d'agir dans ses champs de compétence sans
l'interférence du gouvernement fédéral par son pouvoir de
dépenser. On sait que, par ce pouvoir, Ottawa peut dépenser comme
il l'entend des sommes d'argent dans tous les domaines, qu'ils soient de sa
compétence ou non. Cette situation est devenue intolérable.
Imaginez. C'est M. le ministre actuel qui, dans le temps, s'appelait Gil
Rémillard qui disait ceci: Cette situation est devenue
intolérable. Pour l'ensemble des provinces, elle est une
épée de Damoclès sur toute politique planifiée de
leur développement tant social que culturel ou économique. Il
apparaît de plus en plus nécessaire que l'on assujettisse
l'exercice du pouvoir de dépenser à l'approbation des provinces.
Cela contribuerait grandement à bonifier le fonctionnement du
régime fédéral. C'est dans ce contexte qu'il convient de
comprendre l'actuelle proposition de modification au sujet du pouvoir de
dépenser.
Maintenant, quelques minutes sur les différences entre l'accord,
ce que je viens de lire, et les accords du lac Meech. L'accord du lac Meech fut
présenté comme une victoire du Québec qui
réussissait ainsi à convaincre le fédéral de
limiter l'exercice de son pouvoir de dépenser. La commission
parlementaire à Québec a, par ailleurs, démontré
que cette apparente victoire cachait de sérieux reculs pour le
Québec qui se trouverait par le fait même à... Et c'est
cela que je trouve le plus grave. Cela, Mme la Présidente, ce n'est pas
juridique. C'est une perception normale. Écoutez bien cela. La
conséquence la plus grave, ce serait la reconnaissance de
légitimer, rendre légitime, le pouvoir du fédéral
d'intervenir dans les domaines de compétence exclusivement
provinciale.
Je me rappelle quand ces gens étaient dans l'Opposition et
qu'effectivement, pour ce qui est, entre autres, des interventions du
fédéral concernant le développement des régions du
Québec, il fallait entendre l'actuel ministre du Développement
régional, le député de Charlesbourg dans l'Opposition, qui
disait: Cela n'a pas de bon sens de laisser le fédéral intervenir
comme il l'entend dans des créneaux de développement qui nous
appartiennent.
Je veux juste donner un exemple. J'ai eu à aider - je ne le
regrette pas cependant et à financer, quand j'étais ministre
responsable de l'Office de planification et de développement du
Québec, un terrain de golf à La Sarre qui sera inauguré
prochainement. Belle inauguration, investissement fantastique. Sauf que je
tiens à signaler, Mme la Présidente, que si j'ai
été obligé, comme député d'Abitibi-Ouest et
comme ministre responsable du Fonds de développement régional,
d'y donner suite, c'est parce qu'on avait reçu par la tête, dans
le temps que les députés fédéraux se promenaient
avec leur "slush fund" d'environ 2 500 000 $, 3 000 000 $... Les jeunots ne
connaissent peut-être pas cela, mais c'est la disposition pour un
député fédéral de se promener dans le paysage et de
garrocher l'argent sans aucun programme établi. Là, les
fédéraux se promenaient dans le paysage et disaient:
Écoutez, je mets 100 000 $ pour une aréna. Je mets 200 000 $ pour
un terrain de golf. Besoin ou non, cela n'a pas d'importance. Et nous, on
était obligé de pelleter par la suite leurs engagements et de
prendre la responsabilité de les financer.
Je répète, Mme la Présidente, que ce n'est pas une
façon de faire du développement économique
intégré, ce n'est pas une façon de faire du
développement régional valable et qui corresponde aux
priorités du Québec. Dans ce sens, aujourd'hui, ces mêmes
personnes applaudissent à la consécration du pouvoir
fédéral de venir dépenser comme il l'entend, comme bon lui
semble, dans des créneaux de développement qui nous
appartiennent. C'est très clair. C'est le ministre actuel des Affaires
intergouvernementales canadiennes qui, dans le temps, avait cette opinion qu'il
fallait baliser le pouvoir du gouvernement fédéral de venir
constamment faire des investissements dans des champs de juridiction qui
étaient nôtres.
Je continue sur les différences de l'accord du lac Meech. Je
répète qu'à cette commission parlementaire le gouvernement
du Québec tentait de trouver une solution en vertu de laquelle il
deviendrait possible, selon lui, d'encadrer le pouvoir de dépenser du
fédéral tout en évitant de constitu-tionnaliser les
fondements. (15 h 40)
Pendant ce temps, certaines personnes au Canada anglais, reprenant les
idées d'un ex-premier ministre, plaidaient en faveur d'un pouvoir
général d'intervention du fédéral dans des
compétences provinciales par le biais du pouvoir de dépenser. Les
premiers
ministres Pawley et Peterson se firent d'ailleurs les ardents
défenseurs de cette fausse approche en ce qui nous concerne. Outre les
quelques différences de style inévitables entre un
communiqué de presse et des textes juridiques, il convient de souligner
les différences suivantes à la suite de l'accord du lac Meech et
celui d'Ottawa du 3 juin. Je répète: Ces gens
dénonçaient... Maintenant, l'accord du 3 juin du lac Meech a eu
lieu. Regardons si on a gagné quelque chose ou si on a perdu quelque
chose sur ce que je voulais relater.
Le texte original semblait s'appliquer à tous les cas où
les programmes nationaux auraient été établis par le
fédéral. Maintenant, le paragraphe 1 de l'article 106A semble
limiter son application uniquement aux programmes établis par le
gouvernement fédéral. Nous croyons, comme on le verra, que cette
nuance est très importante. Deuxièmement, le paragraphe (2) de
l'article prend la peine de spécifier que l'article 106A
n'élargit ni les compétences législatives du Parlement du
Canada, ni celles des provinces. On verra aussi ultérieurement la
signification vraisemblable de cette spécification. Quelle est la place
exacte de l'article 106A au sein de la constitution? L'article 106A
proposé serait situé au sein de la Loi constitutionnelle de 1867
immédiatement après l'article 106 qui traite de l'emploi qui peut
être fait du fonds consolidé du revenu du Canada, le tout au sein
de la section VIII intitulée: Revenus, dettes, actifs, etc.
De cette constatation, il faut conclure que le constituant placerait le
nouvel article 106 au sein des dispositions relatives aux possessions du
fédéral et qui plus est immédiatement après
l'article qui permet explicitement au fédéral d'affecter le fonds
consolidé du revenu au service public.
Voici ce qui pourrait arriver, Mme la Présidente: Les tribunaux
pourraient sans doute inférer de ce seul fait qu'a contrario l'article
106A ne fait que restreindre la portée de la règle
générale. En conséquence, en vertu de celle-ci, le
fédéral pourrait dépenser, comme il l'entend et de
façon illimitée, son argent - et là, écoutez la
conclusion - dans tous les domaines de compétence provinciale ou mixte
tout en déterminant des objectifs et peut-être des normes. Il me
semble qu'il s'agit là d'une ambiguïté à laquelle
nous, comme Opposition, ne pourra nous soustraire. Quand on parle de juste
compensation, qui va interpréter véritablement la juste
compensation? Il est difficile de définir ce en quoi consiste une juste
compensation. Il ne s'agit probablement pas d'une compensation pleine et
entière.
Cette notion fait plutôt appel à une notion qui
relève davantage de l'équité et qui est beaucoup plus
vague. La version anglaise parle de "reasonable", ce qui confirmerait cette
façon de concevoir les choses. Dans ce contexte, il serait possible
d'imaginer que le caractère juste d'une telle compensation puisse
dépendre de critères tels l'ampleur ou le degré de
conformité du programme de la mesure provinciale avec les objectifs
nationaux ou encore tout simplement du pouvoir de négociation des
interlocuteurs fédéraux et provinciaux en présence.
Quoi qu'il en soit, M. le Président, la détermination
d'une juste compensation ne peut être que laissée aux bons soins
des parties ou, à défaut d'entente, à ceux des tribunaux.
Dans l'une ou l'autre éventualité, il semble manifeste que cette
détermination constituera dans les faits une pression à accepter
soit de souscrire au programme national cofinancé, soit de rendre le
programme provincial " compatible aux objectifs nationaux. Mais dans un cas
comme dans l'autre, l'avis de ce juriste confirme nos prétentions que le
gouvernement fédéral pourra faire ce qu'il veut au moment
où il veut et, en conséquence, il ne s'agit pas du tout d'un
acquis, mais il s'agit effectivement d'une perte pour le Québec parce
que, dorénavant, le gouvernement fédéral, du fait qu'on
vient de constitutionnaliser par l'accord du lac Meech son pouvoir
d'intervention dans des créneaux qui sont nôtres, dans des
juridictions qui sont entièrement de la responsabilité du
Québec.
Il me semble, M. le Président, qu'il s'agit d'une disposition,
contrairement à ce qui était affirmé, qui ne va pas du
tout dans le sens de renforcer les juridictions exclusives du gouvernement du
Québec. Dans cette perspective, il me semble qu'il serait normal et
qu'il nous appartient, de droit, d'exercer entièrement la
responsabilité d'un État normal qui veut assumer pleinement la
façon de dépenser les sommes d'argent qu'il perçoit de ses
contribuables.
J'ai toujours pensé - je l'ai toujours signalé dans toute
mon action politique - que le développement régional du
Québec, c'est capital, c'est important. Il m'apparaît que les plus
habilités à prendre les décisions qui correspondent le
mieux aux besoins réels et véritables de nos populations, c'est
le gouvernement qui est le plus près de ces citoyens-là. Or, le
gouvernement qui est le plus près des citoyens et des citoyennes du
Québec, ce n'est pas le gouvernement fédéral, c'est le
gouvernement du Québec.
Ce que je vous dis là est tellement vrai, qu'un autre des
éléments qui nous distinguent, c'est qu'à chaque fois
qu'on interview les Québécois et qu'on leur demande quel est leur
gouvernement, immanquablement, ces citoyens répondent que c'est le
gouvernement du Québec. Faites la même enquête auprès
des habitants du Canada, à l'extérieur du Québec et
demandez-leur qui est leur gouvernement. Le réflexe normal, cela
va être de répondre: le gouvernement fédéral. C'est
l'enquêteur ou l'intervieweur qui est obligé de leur faire penser
qu'il y a des gouvernements provinciaux en Ontario, à Vancouver, au
Manitoba et dans les autres provinces, parce qu'ils sont habitués
à être sous la juridiction du gouvernement central. Partout, dans
le reste du Canada, faites le test en n'importe quel temps, les autres citoyens
canadiens vont répondre que leur gouvernement, c'est le gouvernement
central, alors qu'ici, au Québec, c'est exactement l'inverse.
Est-ce que je suis en train de traduire un mal de ventre? Non, je suis
en train de traduire une réalité qui nous distingue, qui nous
caractérise et qui a toujours été la nôtre. En
conséquence, faire du développement régional
intégré, polyvalent, multidimensionnel mais respectueux des
besoins de ces populations, c'est de faire du développement
régional qui correspond à nos préoccupations
fondamentales. Avec la disposition sur le pouvoir de dépenser,
dorénavant, tout le monde aura le droit de prétendre en faire et
affirmer qu'il lui appartient d'intervenir dans des créneaux qui sont
les nûtres. Si c'est cela, parler d'un pouvoir accru pour le
Québec, moi, je débarque, je ne peux pas être d'accord. Je
suis convaincu que si les citoyens et les citoyennes du Québec avaient
le temps d'être consultés plutôt que d'être
bousculés comme on l'est actuellement, en fin de session, et qu'on
prenait le temps d'aller leur expliquer exactement le sens et la portée
juridique de cet accord du lac Meech, en particulier sur le pouvoir de
dépenser et sur la référence à la
société distincte, je suis convaincu que ces gens-là
diraient: Ce n'est pas ce que l'on veut. Ce n'est pas cela qu'on appelle la
continuité historique que tous les premiers ministres du Québec,
qui avaient un peu d'épine dorsale, ont revendiqué depuis les
années mil neuf cent soixante. C'est un Québec plus fort et plus
autonome, qui contrôle ses outils de développement que l'on veut.
Pas un Québec rapetissé, un Québec en vente, ce n'est pas
cela la continuité historique. Il me semble que sur la question du
pouvoir de dépenser, il y avait lieu de revenir sur ces notions.
J'ai dit que je prendrais quelques minutes également sur la
question de la société distincte. J'entendais, ce matin, le
ministre de l'Éducation qui a fait un beau laïus en
prétendant que c'était dangereux de permettre que le
Québec puisse avoir l'exclusivité de la responsabilité
linguistique et qu'il était normal, selon lui, que le gouvernement
central puisse exercer une responsabilité dans le domaine linguistique.
On ne s'est jamais opposé à cela. Ce qu'on a toujours dit, de ce
cûté-ci, c'est qu'en ce qui regarde les citoyens et les citoyennes
du
Québec, on ne voudrait pas être un quart de Parlement, un
tiers de Parlement, on voudrait être un Parlement entier. On voudrait
être un Parlement complet.
En matière linguistique, pour ce qui regarde la
législation linguistique pour les Québécois et les
Québécoises, on a la conviction que cela nous regarde, que c'est
notre responsabilité d'avoir la capacité de
légiférer avec pleine et entière juridiction dans ce
domaine et de ne pas être à la merci des tribunaux, des juges et
de l'appareil judiciaire, comme j'ai eu à le vivre pendant une
année comme ministre de l'Éducation. Constamment quand on a
essayé de se doter de lois qui correspondent mieux à ce que nous
sommes, on a dû faire face à des décisions qui nous ont
empêchés, en vertu de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique, d'adapter notre système scolaire à la
réalité de 1987, en particulier en se dotant d'une
référence pour ce qui est des commissions scolaires sur une base
linguistique plutôt que sur une base confessionnelle. (15 h 50)
On ne peut pas d'une main prétendre qu'on a une charte
québécoise des droits qui respecte la liberté de
pensée, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la
liberté de religion et arriver, d'un autre cOté, dans une autre
loi et dire: Nous allons conserver le caractère archaïque au niveau
de la définition et de la délimitation de nos commissions
scolaires sur une base confessionnelle alors que, selon la Charte des droits et
libertés de la personne, c'est une disposition sur laquelle
l'État n'a pas à prendre de direction et à donner des
avis.
Sur la clause concernant l'inclusion de la mention de la
société distincte - parce que mon temps s'écoule - je
voudrais seulement dire quelques phrases. N'oubliez pas, M. le
Président, que la référence à la
société distincte sera assujettie aux règles
d'interprétation. Il faut être conscient que cette clause ne
constitue qu'une règle d'interprétation parmi d'autres. Ceci
signifie en droit qu'elle est un principe dont les juges ne sont appelés
à tenir compte que dans le cas où une règle de droit
constitutionnel ne leur paraîtrait pas autrement claire. Ainsi, s'il est
clair pour les juges que l'affichage français enfreint la liberté
d'expression de la charte canadienne des droits, la clause de
société distincte doit rester lettre morte à cet
égard. Je répète: La clause où tous les
parlementaires perroquets répètent qu'il s'agit d'un avantage
fantastique... Ils vont continuer à dire: Voilà un avantage
extraordinaire.
Selon les règles d'interprétation, chaque fois que les
juges prétendront qu'il s'agit d'interpréter cela par rapport
à autre chose, ils devront ne pas en tenir compte. Quel est l'avantage?
Quel est l'immense avantage de
me faire accroire à moi, comme Québécois, que le
fait que dans la constitution canadienne il y ait une référence
à la société distincte du Québec, cela
représente un avantage. D'aucune façon! Le fait que la clause de
la société distincte ne soit qu'une règle
d'interprétation signifie aussi, en droit, que l'adhésion du
Québec à la constitution de 1982 se fait à mille
coudées en dessous de ce que la constitution de 1982 a fait au
Québec.
La constitution de 1982 a enlevé à l'Assemblée
nationale le pouvoir souverain qu'elle avait en plusieurs matières
vitales: langue, éducation, droits civils, pour le donner aux tribunaux
canadiens. La clause de la société distincte ne fait qu'inviter
ces tribunaux à tenir compte de l'évidence en cas de doute. Le
pouvoir souverain perdu en 1982 demeure toujours dans les mains des tribunaux
canadiens et ce, nous nous y opposons.
Ma conclusion sera simple, M. le Président, c'est la même
que l'autre fois. Pour la première fois, c'est le Canada anglais qui est
obligé de parler en mon nom et de dire: Cela ne vaut pas cinq "cennes".
L'ensemble des intervenants du Canada anglais nous dit: Écoutez, il n'y
a rien là-dedans, cela ne règle rien. Le Québec n'a
gagné aucun pouvoir; on constitutionnalise le pouvoir de
dépenser. Jamais, de mémoire récente, le Québec n'a
demandé si peu en échange de sa signature de l'accord
constitutionnel.
Ce que le sénateur Lowell Murray - je conclus là-dessus -
a dit à l'occasion de cette entrevue à l'émission
"Question period" à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition, la
clause de la société distincte, ne va en rien modifier la
répartition des pouvoirs; elle ne vise pas à le faire et personne
n'a prétendu qu'elle le ferait. L'ensemble des intervenants du Canada
anglais a dit: II s'agit là de quelque chose de minimaliste et c'est
comme cela que j'avais commencé mon exposé vendredi dernier, en
disant: Ce ne sont pas des positifs, ce ne sont pas des optimistes, ce sont des
minimalistes qui veulent un Québec le plus petit possible, le plus
rapetissé possible avec le moins de pouvoirs possible, parce que leur
gouvernement...
Si on le demandait aux libéraux qu'il y a ici, dans cette
Assemblée nationale, ils répondraient probablement comme le reste
des Canadiens à l'extérieur du Québec: Leur gouvernement,
c'est le gouvernement fédéral et non pas le gouvernement du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à Mme la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. Je crois que nous
pouvons dire en toute légitimité que la motion de
résolution débattue en cette Chambre depuis quelques jours
constitue l'aboutissement d'une réforme ardemment souhaitée par
une majorité de Québécoises et de Québécois
et qui a été amorcée il y a plus de 20 ans
déjà. Lorsqu'elle aura été entérinée
par les dix autres Parlements canadiens, la modification constitutionnelle
visée par cette motion constituera pour le Québec une
étape aussi marquante que son entrée au sein de la
Confédération en 1867. Aussi, est-ce avec beaucoup de
fierté que je vois le Québec tourner cette page parmi les plus
tourmentées de son histoire pour enfin adhérer, la tête
haute, à la Loi constitutionnelle de 1982.
 cet égard, je ne peux m'empêcher, encore une fois,
de souligner le rôle déterminant du premier ministre et de mon
collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes.
Ils ont, au prix de nombreuses et de longues distinctions au niveau
intergouvernemental, réussi à susciter un consensus unique chez
les dix autres premiers ministres autour de la nécessité
d'accorder au Québec les pouvoirs constitutionnels essentiels à
la pérennité de sa spécificité.
Leurs démarches visaient et visent toujours à redonner au
Québec la place qui lui revient au sein de la fédération
canadienne, tout en lui accordant cette marge de manoeuvre nécessaire
à la préservation et à la promotion de son
caractère distinct.
Bien sûr, pour en arriver à une entente comme celle du lac
Meech et celle du 3 juin, il fallait croire, comme une majorité de
Québécois, en la possibilité pour le Québec de se
développer, d'évoluer et de s'épanouir au sein de la
fédération canadienne, que ce soit au niveau culturel, social ou
économique.
Dans cet ordre d'idées, j'ajouterais que le premier ministre, le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes et l'ensemble des membres de l'actuel gouvernement élus
démocratiquement ont toujours affirmé leur double attachement au
Québec et au Canada. Ils ont toujours cru, avec sincérité,
que le Québec sortira plus fort et plus grand du processus entamé
avec l'accord du lac Meech.
Il m'est difficile de m'imaginer que l'Opposition puisse être
sincère lorsqu'elle accuse le gouvernement d'agir à la sauvette
et de ne pas avoir suffisamment informé la population. Bref,
l'Opposition nous recommande d'attendre et d'attendre toujours et encore, mais
d'attendre quoi et dans l'intérêt de qui? Peut-être dans
l'intérêt d'un certain qui utilise ce prétexte pour
régler
son problème de leadership ou peut-être dans
l'intérêt d'un parti, mais certainement pas dans celui des
Québécois qui attendent depuis déjà trop
longtemps.
L'entente actuelle n'a rien d'accidentel ni de prématuré.
Elle est le résultat d'une réflexion amorcée sous Jean
Lesage et qui s'est poursuivie sous Daniel Johnson, Robert Bourassa et
même René Lévesque.
Tout au long des vingt dernières années et plus, cette
réflexion a donné lieu à un débat public sans
précédent. Il a évolué et mûri au gré
d'enquêtes souvent très poussées et de nombreuses
rencontres fédérales-provinciales qui se sont
succédé. Que l'on songe à la commission Laurendeau-Dunton,
à la rencontre de Victoria, aux discussions constitutionnelles de 1978,
à la commission Pepin-Robarts, au débat
référendaire ou à celui entourant le rapatriement de la
constitution. Chacune de ces étapes a contribué à
éclairer et à mûrir l'entente du 3 juin 1987.
J'aimerais ajouter ici que l'on ne peut décemment
prétendre que ces hommes et ces femmes qui, durant toutes ces
années, ont cherché à obtenir le meilleur arrangement
constitutionnel possible pour le Québec, ne souhaitaient, en fait, que
d'éterniser un débat sans fin et de maintenir une incertitude
qui, à la longue, risque d'avoir des conséquences
désastreuses pour le Québec comme pour le Canada. Je crois, au
contraire, que ces hommes et ces femmes voulaient des résultats pour
eux-mêmes, pour leurs enfants et pour la société qu'ils
souhaitent bâtir au sein de la fédération canadienne. C'est
ce que le gouvernement actuel est déterminé à donner
à la population du Québec, des résultats.
À moins de vouloir devenir, comme les gens de l'Opposition, des
spécialistes des rendez-vous manqués avec l'histoire, je crois
qu'il nous faut, collectivement, avoir la sagesse et la lucidité de
savoir saisir le moment historique qui se présente à nous et de
démontrer que nous avons la confiance nécessaire en
nous-mêmes pour relever le défi du partenariat au sein de la
fédération canadienne. (16 heures)
J'entendais, jeudi dernier, le député de Gouin tenter de
donner des leçons de démocratie et de franchise au gouvernement
et avoir le culot de nous dire qu'au moment du référendum,
c'était clair: les militants du oui revendiquaient l'ensemble des
pouvoirs. Voilà un bel exemple de franchise après coup, lorsqu'on
sait tout le mal que s'était donné le gouvernement
péquiste pour noyer la seule vraie question, celle de
l'indépendance, dans un texte totalement incompréhensible et tous
les efforts qu'il a déployés pour tenter de convaincre la
population du Québec que cette question ne voulait pas dire ce qu'elle
disait.
Il est vrai que je me suis battue du côté du non, et j'en
suis très fière. Il est vrai que je me suis battue aux
côtés de ces milliers de Québécoises qui se sont
tenues debout et qui ont dit non aux formules alambiquées, non au
déchirement auquel vous avez soumis la société
québécoise, non au gaspillage d'énergie et à la
perte de nombreuses occasions d'avancer qui nous ont déjà trop
coûté, enfin, non à l'état de faiblesse dans lequel
vous avez abandonné le Québec.
Mais les questions que je pose, aujourd'hui, sont: Où
était-elle donc votre franchise, le 16 mai 1981, lorsque vous avez
abandonné le droit de veto à l'insu du peuple au nom duquel vous
prétendiez parler? Où était-elle donc votre franchise
lorsque vous avez concocté votre proposition constitutionnelle de mai
1985 sans même avoir consulté cette Assemblée et que vous
sembliez disposé à faire passer à toute vapeur? Où
est-elle donc cette franchise que vous modifiez au gré des conjonctures
électorales qui s'appellent tantôt étapisme, tantôt
souveraineté avec ou sans association, tantôt beau risque,
tantôt affirmation nationale, tantôt souveraineté par
morceaux, alors qu'en fin de compte, ce dont il s'agit, c'est de l'avenir du
Québec?
Non, je crois que nous n'avons aucune leçon de franchise ou de
démocratie à recevoir de vous. Les membres du gouvernement actuel
ont toujours agi à visage découvert et ont toujours
affirmé clairement leur volonté d'amener le Québec
à adhérer dans l'honneur et la dignité à la Loi
constitutionnelle de 1982. Les conditions d'acceptation de la nouvelle
constitution exposées dans Maîtriser l'avenir avaient, au
moment de leur dévoilement, été abondamment
commentées par les médias d'information qui leur avaient
d'ailleurs accordé un accueil majoritairement favorable. Durant la
campagne électorale, nous avons clairement réitéré
notre volonté de faire adhérer le Québec à la
constitution selon les cinq conditions adoptées démocratiquement
par la base militante du Parti libéral du Québec.
Le 9 mai 1986, mon collègue, le ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, lors du colloque de Mont-Gabriel sur la
confédération, réitérait de nouveau publiquement
les conditions que posait le Québec à son adhésion
constitutionnelle.
Au mois d'août 1986, lors de leur conférence annuelle, les
dix premiers ministres provinciaux convenaient à l'unanimité que
leur première priorité en matière constitutionnelle serait
d'engager immédiatement des discussions
fédérales-provinciales pour que le Québec puisse accepter
de participer pleinement et à part entière à la
fédération canadienne.
En novembre 1986, le premier ministre
du Canada et les dix premiers ministres provinciaux annonçaient
dans un communiqué conjoint que des progrès importants avaient
été réalisés vers une meilleure
compréhension des cinq propositions du Québec.
Enfin, le 30 avril dernier, lors de la rencontre du lac Meech, les onze
premiers ministres en venaient à une entente historique sur les cinq
conditions posées par le Québec. Cette entente fut suivie d'une
étude détaillée de plus de 55 heures en commission
parlementaire, puis consacrée par la signature des onze premiers
ministres, le 3 juin qui, pour la première fois dans l'histoire de la
confédération, reconnaissaient le caractère distinct du
Québec et lui accordaient les pouvoirs nécessaires pour le
promouvoir et assurer sa pérennité, notamment en matière
d'immigration. Et on dira que ce n'était pas important!
À cet égard, je crois qu'il est esssentiel de souligner
à quel point l'immigration est l'un des facteurs clés de
l'évolution de notre société, et cela, depuis toujours.
C'est d'ailleurs, sans doute, l'un des motifs ayant conduit les Pères de
la confédération à reconnaître, dès 1867,
qu'il s'agissait là d'un des domaines à compétence
partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces.
Au moment où nous nous apprêtons à réitérer
notre adhésion à la Confédération canadienne et
à dégager le sens de cette démarche, il y a lieu, M. le
Président, de nous souvenir que le Québec était
présent jusqu'au début des années 1900 à Paris,
à Londres et à Bruxelles, afin de recruter une main-d'oeuvre
compétente et qualifiée. Les ententes constitutionnelles conclues
en 1867 permirent à nos prédécesseurs d'alors d'intervenir
et d'être actifs en matière d'immigration. Ce faisant, ils
marquaient l'importance que l'immigration représentait pour le
développement de notre société. Par la suite, et pour des
raisons qu'il serait trop long d'élaborer, le Québec s'est
désintéressé de l'immigration, laissant toute
liberté d'action aux autorités fédérales
jusqu'à ce qu'il se dote, à la fin des années soixante,
d'un ministère de l'Immigration devenu depuis le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
Dans la foulée de la Révolution tranquille, le
Québec est redevenu conscient de l'importance de l'immigration comme
outil essentiel à son développement. À diverses reprises
au cours de son histoire, le Québec s'est donc senti tenu d'assurer des
responsabilités grandissantes en matière d'immigration. M. le
Président, je suis fière d'appartenir à un gouvernement
qui a fait de l'immigration une des conditions essentielles de son
adhésion à la constitution canadienne.
Autant l'immigration est une richesse pour la société qui
y reçoit ses nouveaux arrivants, autant ces derniers sont-ils
générateurs de développement économique, culturel
et social et autant importe-t-il que le Québec, société
distincte au sein du Canada, puisse assumer lui-même ses propres
politiques et décider de l'accueil et de la place qu'il entend
réserver à ces personnes et à leurs familles.
Désormais, M. le Président, le Québec aura les
pouvoirs et la maîtrise d'oeuvre suffisante pour que ces nouveaux
immigrants puissent s'intégrer harmonieusement au sein de notre
société afin de participer pleinement et de plein droit au
développement de notre caractère distinct et français au
sein du Canada.
M. le Président, l'accord constitutionnel que nous nous
apprêtons à adopter prochainement a permis que des
négociations bilatérales avec le gouvernement
fédéral s'amorcent et qu'une entente de principe soit conclue
quant au partage des responsabilités en matière d'immigration. Le
Québec aura l'assurance que nous pourrons accueillir un nombre
d'immigrants proportionnel à notre part de la population canadienne avec
droit de dépasser ce chiffre de 5 %.
Comme je l'indiquais lors de mon intervention en commission
parlementaire le 12 mai dernier, ce gain et cette assurance sont capitaux. Les
pouvoirs constitutionnels que le Québec acquiert en matière
d'immigration nous assurent que l'immigration internationale à
destination du Canada ne servira pas à minoriser le Québec au
sein de la Confédération canadienne. Cette capacité
d'établir librement des niveaux d'immigration qui nous soient propres
sera déterminante pour assurer notre sécurité
démocratique et culturelle.
Les pouvoirs ainsi obtenus par le Québec quant à la
détermination des niveaux d'immigration ne prennent toutefois tout leur
sens que parce que la sélection sera désormais
québécoise. En effet, les négociations bilatérales
qui se sont engagées avant le 3 juin dernier et qui se poursuivent
depuis lors avec nos homologues fédéraux me permettent de
confirmer à cette Assemblée que, désormais, la
sélection, tant à l'étranger qu'ici même, sera
québécoise. L'entente Cullen-Couture, j'aimerais le rappeler au
député de Gouin, n'offrait aucune permanence constitutionnelle et
ne nous assurait d'aucune protection juridique. Désormais, il s'agira
bel et bien d'un processus de sélection qui appartiendra en propre au
Québec. C'est là un gain dont nous pouvons nous féliciter
dès à présent, mais dont les générations
futures de femmes et d'hommes publics responsables des destinées du
Québec sauront faire, j'en suis assurée, bon usage.
L'accueil et les services d'intégration sont le dernier point sur
lequel, M. le Président, je souhaiterais attirer votre attention.
Désormais, le Québec assurera seul la maîtrise d'oeuvre en
matière d'accueil,
d'intégration et de francisation de ses nouveaux immigrants et le
gouvernement fédéral assurera une juste compensation à la
suite du retrait de ses programmes en la matière.
Voilà essentiellement, M. le Président, les acquis que les
négociations constitutionnelles actuelles nous auront permis d'obtenir
en matière d'immigration. Désormais, le Québec
détient les pouvoirs essentiels pour assurer le plein
épanouissement de ses politiques en ce domaine. Les gains que nous avons
faits à ce jour nous permettent d'affirmer que, constitutionnellement
et, par conséquent, juridiquement, le Québec pourra
désormais assumer pleinement ses responsabilités en
matière d'immigration.
M. le Président, une constitution est essentielle pour toute
société libérale, démocratique et soucieuse
d'assurer tout à la fois son développement collectif et le
respect des droits des individus qui la composent. Voilà pourquoi il
importe que le Québec marque son adhésion aux propositions
constitutionnelles actuelles. Pour ma part, j'exprime ma confiance en l'avenir
et je suis convaincue que le Québec saura préserver à sa
manière, à sa façon et en son temps, ce caractère
distinct qui est le nôtre d'aujourd'hui. L'immigration et ce qu'elle sera
demain au Québec reflétera notre manière d'être et
nos convictions. De ça, j'en suis convaincue. De même, suis-je
convaincue, M. le Président, que, désormais, le Québec
possède les pouvoirs constitutionnels requis pour orienter son
immigration et préserver son caractère francophone dans le
respect du droit de chacun. (16 h 10)
Voilà ce dont je me félicite aujourd'hui et dont je
voulais faire partager la conviction par mes collègues en cette
Assemblée et par l'ensemble de notre population. Voilà pourquoi
j'appuie sans réserve les amendements constitutionnels actuellement
à l'étude. Je le fais en tant que ministre responsable tout
autant de l'Immigration que des Communautés culturelles, tout autant
comme députée de Bourassa mais également en tant que
Québécoise.
Enfin, c'est avec fierté que le Québec pourra
adhérer à l'ensemble politique canadien. Comme le disait le
député de Rosemont au début de ce débat: "Nous
n'avons pas perdu le Québec, nous avons gagné le Canada." Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme
la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le gouvernement
actuel nous invite à adhérer à cette entente du lac Meech
en nous présentant cette motion d'urgence en Chambre. Il qualifie cette
entente d'entente historique. Je dis oui. Oui, une entente historique, non pas
comme un gain, mais comme un recul qui restera sûrement à
l'histoire et qui portera lourdement sur la réputation et la valeur de
ce gouvernement. Historique parce qu'on reconnaîtra le pouvoir d'Ottawa
de dépenser dans des secteurs de compétence exclusive aux
provinces. Historique parce que ça se sera fait sans consultation, dans
le plus total mépris de la population. Historique parce que
bâclée, parce que sans garantie par rapport aux conditions
linguistiques du Québec, parce que sans garantie par rapport aux
réelles compensations alors qu'on reconnaît le pouvoir de
dépenser d'Ottawa dans les secteurs des provinces. Historique aussi
parce qu'on se rappellera de cette entente en raison d'un double langage, selon
qu'on s'adresse aux Canadiens des autres provinces ou qu'on s'adresse aux
Québécois. Historique également parce qu'on se rappellera
le double langage de ce gouvernement selon qu'il s'adresse aux
Québécois francophones ou aux Québécois
anglophones.
Cette entente est historique en ce sens qu'on reconnaîtra par le
biais de cette entente le pouvoir d'Ottawa de dépenser dans des secteurs
de juridiction exclusive aux provinces. Pourtant, traditionnellement, au
Québec, tous les gouvernements s'étaient refusés à
reconnaître la légitimité de la façon de faire du
gouvernement central de venir dépenser dans des secteurs de juridiction
provinciale, venant ainsi réaliser indirectement ce qui ne lui
était pas permis de faire directement.
De tout temps, le Québec a chèrement défendu son
autonomie en cette matière et il faut le comprendre de la façon
suivante. Si vous reconnaissez le pouvoir d'Ottawa de dépenser dans des
champs de juridiction provinciale, il faudra se demander, demain, quand Ottawa
aura investi tous les champs de juridiction des provinces, à quoi
serviront les Législatures provinciales. Quand il n'y aura plus de
pouvoirs qui seront exclusifs aux provinces, à quoi serviront nos lois
provinciales? Le Québec l'avait compris peut-être plus tôt,
mais certainement de façon beaucoup plus vive que les autres provinces
et, de tout temps, on a défendu ce pouvoir du Québec de
dépenser dans les juridictions de sa compétence.
Le ministre Rémillard d'ailleurs était tout à fait
dans cette lignée, dans cette pensée de ses
prédécesseurs. Je me permets de rappeler les propos qu'il tenait
au Mont-Gabriel, en mai 1986, et qui révèlent cette vision
traditionnelle du Québec.
Le ministre Rémillard disait, à cette occasion: la
sécurité culturelle signifie aussi la possibilité pour le
Québec d'agir dans ses
champs de compétence sans l'interférence du gouvernement
fédéral par son pouvoir de dépenser. On sait que, par ce
pouvoir, Ottawa peut dépenser comme il l'entend des sommes d'argent dans
tous les domaines, qu'ils soient de sa compétence ou non. Cette
situation est devenue intolérable. Elle est, pour l'ensemble des
provinces, une épée de Damoclès sur toute politique
planifiée de leur développement, tant social, culturel
qu'économique.
Il ajoutait: "II apparaît de plus en plus nécessaire que
l'on assujettisse l'exercice du pouvoir de dépenser à
l'approbation des provinces. Cela contribuerait grandement à bonifier le
fonctionnement du régime fédéral." On croirait vraiment
entendre un ministre du gouvernement du Parti québécois.
Pourtant, l'entente du lac Meech vient reconnaître le pouvoir de
dépenser d'Ottawa. Il est peut-être intéressant de rappeler
le libellé de ce paragraphe touchant les programmes cofinancés,
et je me permets de le lire. Il est dit: "Le gouvernement du Canada fournit une
juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas
participer à un programme national cofinancé qu'il établit
après l'entrée en vigueur du présent article dans un
secteur de compétence exclusive provinciale, si la province applique un
programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux."
Ce texte comporte de nombreuses ambiguïtés. Il aurait
été important, pour ne pas dire vital, que l'on puisse y apporter
certaines clarifications avant de se livrer au gouvernement central pieds et
poings liés.
En effet, comment doit-on définir ce qui est une juste
compensation? Il faut se rappeler que la juste compensation est liée au
respect de toutes et chacune des dispositions et des conditions
explicitées dans cette disposition. Je rappelle qu'il faut que ce soit
un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux.
Comment définir une juste compensation? Une juste compensation,
cela peut être n'importe quoi à l'exception d'une compensation
pleine et entière. S'il s'était agi d'une compensation pleine et
entière, on l'aurait indiqué. Donc, juste compensation ne peut
être qu'en-deçà d'une compensation pleine et
entière.
Si c'est juste et que ce n'est pas plein et entier, qui définira
ce qui est juste ou injuste ou inéquitable? Les tribunaux? On
connaît les délais pour faire de telles interprétations.
À notre avis, c'est une façon qu'a le gouvernement central
d'exercer une pression sur les provinces de manière qu'elles acceptent
les programmes. Les provinces qui n'accepteront pas les programmes devront
accepter une compensation qui sera juste mais certainement
en-deçà de ce qui est plein et entier.
Est-ce que le Québec aura les moyens de s'offrir des programmes
différents alors qu'il n'aura pas la compensation pleine et
entière? C'est de cette façon que les objectifs de
développement dans tous les programmes, et en particulier dans les
programmes de santé et de services sociaux et en éducation,
seront dorénavant fixés par Ottawa.
Pourtant, la leçon des programmes cofinancés ou
l'avidité d'Ottawa de vouloir investir les champs de compétence
du Québec, on sait ce que cela a donné. Il serait peut-être
intéressant de rappeler un peu aux membres de cette Assemblée ce
que sont les programmes déjà existants - qui d'ailleurs ne sont
pas couverts par cette entente - comment cela procède et ce que cela a
donné pour le Québec. Il faut peut-être rappeler, d'abord,
que les programmes existants ne sont pas couverts dans l'entente mais posent un
certain nombre de problèmes... (16 h 20)
En effet, le gouvernement fédéral participe au financement
de la santé et de l'enseignement supérieur au poste secondaire
par le biais d'une formule connue sous le nom de financement des programmes
établis, FPE. Celle-ci est mise au point sur une base quinquennale par
le biais des arrangements fiscaux. Depuis 1982, le gouvernement
fédéral a apporté de façon unilatérale des
modifications aux arrangements fiscaux qui ont eu comme effet de diminuer sa
contribution.
En effet, en 1982, abandon de la garantie de recettes qui avait d'abord
été introduite en 1977, ce qui constitue un manque à
gagner de plus de 3 000 000 000 $ pour la période de 1982 à 1992.
En 1984, la loi C-12, qui consacre le partage de la contribution
fédérale entre la santé et l'enseignement supérieur
impose un plafond de la croissance des transferts au titre de l'enseignement
postsecondaire de 6 % en 1983-1984 et de 5 % en 1985-1986. De l'avis du
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, c'est un manque
à gagner de 700 000 000 $. La loi C-96 vient, par la
désindexation partielle des paiements fédéraux, par la
modification de liens entre l'évolution de la contribution totale et la
croissance économique, modifier les règles et c'est un manque
à gagner de 2 000 000 000 $ d'ici à 1992.
Cette loi a un impact majeur puisqu'elle signifie à long terme
une réduction des transferts fiscaux au Québec supérieure
à la contribution financière du Québec pour l'enseignement
postsecondaire. Le gouvernement précédent avait
dénoncé ces mesures, et l'actuel gouvernement, qui était
à l'Opposition, n'avait cessé de dénoncer
l'incapacité du gouvernement du Parti québécois de
défendre les intérêts du
Québec dans ce domaine. On connaît la situation actuelle.
Elle a empiré parce qu'on a connu depuis la loi C-96. D'ailleurs, dans
ses deux discours sur le budget, le ministre des Finances a
dénoncé les décisions fédérales, et
particulièrement dans le document de 1986-1987.
Le gouvernement réclame un plus grand respect des juridictions
provinciales. Pourtant, on vient reconnaître le droit du Canada de
dépenser dans les secteurs de juridiction provinciale, je le rappelle.
Le gouvernement réclame un plus grand respect des juridictions
provinciales, la limitation du pouvoir d'intervention unilatérale du
fédéral par le biais d'ententes formelles entre les gouvernements
et le respect des choix budgétaires des provinces. Le gouvernement
dénonce le désengagement du fédéral et
réclame des points d'impôt pour fins de compensation, mais
là, on parle d'une compensation complète. Comment l'actuel
gouvernement peut-il, dans ses documents, aujourd'hui, dans le discours sur le
budget, réclamer des points d'impôt, un transfert de points
d'impôt pour fins de compensation complète alors qu'il se
contenterait, dans l'entente du lac Meech, d'une compensation juste qui,
rappelons-le, ne peut être qu'en deçà de ce que serait une
compensation complète ou encore pleine et entière? Si cette
entente est historique, elle passera à l'histoire comme étant un
recul majeur par rapport à ce qui avait été
traditionnellement contesté, c'est-à-dire le pouvoir d'Ottawa de
dépenser dans des secteurs de juridiction provinciale. L'entente du lac
Meech ne garantit en rien, mais en rien, qu'il y aura une compensation
complète et, je le rappelle, la seule interprétation qu'on peut
faire c'est en deçà de complète et de pleine et
entière.
Le gouvernement fédéral, cependant, lui, fait des gains
importants. Il réalise ainsi un rêve qu'il chérit depuis de
nombreuses années. On connaît depuis des décennies les
efforts que fait le gouvernement central pour s'ingérer
particulièrement dans le domaine de l'enseignement supérieur. Le
gouvernement central a toujours voulu fixer les priorités de
développement et les objectifs de l'enseignement supérieur. Il va
atteindre son but par le biais de cette entente qui lui permettra,
dorénavant, d'investir dans les champs de compétence des
provinces sans assurer ces dernières qu'elles auront droit à un
remboursement plein et entier. Une telle pression sur les provinces les plus
pauvres aura les effets qu'on sait: la province ne pourra pas se retirer, donc
les objectifs seront fixés par Ottawa et, je me permets de le dire, avec
une certaine complicité des autres provinces, si ce n'est pas de toutes
les provinces, de la plupart d'entre elles.
Un récent rapport du comité sénatorial sur le
financement des universités proposait que le financement des
universités relève exclusivement des provinces. L'Association
canadienne des universités s'est violemment opposée à
cette recommandation du rapport sénatorial et a recommandé
précisément l'inverse, que s'il devait y avoir des changements,
c'est que le financement et les objectifs de développement devraient
6tre fixés par le gouvernement fédéral.
Je dis: l'entente du lac Meech, par rapport au pouvoir de
dépenser, risque peu de soulever des objections dans plusieurs autres
provinces qui se feront pour ce secteur, pour cette question, complices du
gouvernement central pour faire reculer l'autonomie des autres provinces, mais
plus particulièrement l'autonomie qui a toujours été - je
le rappelle - par le passé, si chère à tous les
gouvernements du Québec comme à tous les
Québécois.
Cette question du lac Meech touchant le pouvoir de dépenser a
fait l'unanimité des groupes et des experts qui se sont
présentés en commission parlementaire. On a dénoncé
les dangers d'une telle entente pour les provinces. Il faut se rappeler qu'une
telle entente touche profondément à l'autonomie des provinces et,
plus particulièrement, à l'autonomie du Québec. Elle le
fait d'une double façon. En permettant à Ottawa de
dépenser dans des secteurs de compétence du Québec, on
vient toucher profondément à l'autonomie du Québec parce
qu'on touche à un domaine qui était réservé
exclusivement aux provinces, donc au Québec, mais également de
double façon, parce qu'on vient dépenser dans un domaine que le
gouvernement priorise. On prive ainsi la province de ressources pour agir de la
façon qu'elle le voudrait, au moment où elle le souhaiterait et
de la manière qu'elle le voudrait. On touche doublement à
l'autonomie de la province parce qu'on touche à un champ de sa
compétence et parce qu'on prend des sommes d'argent pour définir
une façon d'intervenir des domaines d'intervention et à un moment
d'intervention qui est fixé par Ottawa et non plus par la province.
Cette entente sera historique et elle restera à l'histoire parce que
c'est la reconnaissance constitutionnelle du droit d'intrusion du
fédéral dans les domaines de compétence exclusive des
provinces.
Cette entente sera historique également, nous dit le premier
ministre, parce qu'elle reconnaît la société distincte.
Pourtant, tous les spécialistes qui sont venus en commission
parlementaire se sont dits incapables de nous assurer que cette
société distincte permettrait effectivement, dans les faits, de
protéger la langue de la majorité du Québec. (16 h 30)
Selon plusieurs de ces spécialistes, ce concept est creux, il est
vide. Le refus du gouvernement du Québec d'introduire une clause donnant
à l'Assemblée nationale pleine
juridiction sur les politiques linguistiques rend ce concept de
société distincte vide de tout sens et laisse aux tribunaux le
choix d'interpréter ce qu'on appelle cette règle
d'interprétation de la société distincte, en
parallèle avec toutes les autres règles d'interprétation
qui sont comprises, entre autres, dans la Charte des droits et libertés
de la personne.
Comment concevoir que la société distincte puisse inclure
de façon certaine le respect de la langue de la majorité et le
droit de l'Assemblée nationale de légiférer en
matière de langue si on refuse de l'inscrire?
M. le Président, pourriez-vous me dire ce qui distingue la
société québécoise si ce n'est sa langue et sa
culture? Soustrayez de nos différences la langue et la culture et est-ce
que ce qui restera comme société justifiera qu'on modifie la
constitution canadienne pour l'y inscrire? S'il ne restait que le institutions,
s'il ne restait que le Code civil, est-ce qu'on trouverait... S'il n'y avait
pas la langue pour distinguer notre société, s'il n'y avait pas
la culture, est-ce qu'on trouverait utile d'introduire une clause pour
reconnaître la société distincte?
Je vois, dans cette décision du gouvernement de refuser
d'inscrire, dans la définition de la société distincte,
les droits de l'Assemblée nationale de légiférer en
matière de langue, un recul du gouvernement actuel vis-à-vis des
pressions exercées par les autres provinces. Si le premier ministre peut
nous dire qu'il était capable d'introduire cette clause dans l'entente
du lac Meech et qu'il l'a refusée, c'est qu'il s'est laissé
convaincre, pour ne pas dire qu'on l'a convaincu, que c'était
inacceptable pour les autres provinces canadiennes. C'est la seule explication.
Parce que c'est à l'unanimité des groupes et des intervenants
qu'on s'est dit incapables d'interpréter ce que pourrait être
l'interprétation qui pourrait être faite de cette règle
d'interprétation qui est la société distincte.
Il n'y a rien qui nous dit que cette règle pourrait être
interprétée en faveur de la majorité, parce que
l'interprétation qui en sera faite devra tenir compte des autres
règles d'interprétation touchant, par exemple, la dualité
canadienne, la Charte canadienne des droits sur la liberté d'expression
et l'égalité des personnes.
D'ailleurs, à l'exception du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et
du premier ministre, personne n'a pu nous donner cette garantie. L'actuel
gouvernement a là-dessus un double langage. S'il y a quelque chose qui
passera à l'histoire, c'est ce double langage. Il y a, d'une part, le
premier ministre et le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes qui nous disent que ce concept est
inédit et qu'il passera à l'histoire comme étant un gain
considérable pour le Québec, et le discours d'un autre ministre
du même cabinet, le ministre des Communications qui,
précisément, dit le contraire.
Je me permets' de rappeler les propos que tenait le ministre des
Communications au sixième congrès d'Alliance Québec le 30
mai 1987. Parlant de ce concept de société distincte, le ministre
des Communications dit: "Ce qu'on peut dire, je présume, c'est que
personne ne sait exactement comment les tribunaux interpréteront la
notion de société distincte parce que la reconnaissance, si
jamais on devait l'évoquer, on l'examinera à la lumière
d'un vaste ensemble de textes de loi et de jurisprudence." Et il ajoutait: "De
toutes les épreuves hypothétiques auxquelles on pourrait la
soumettre, la plus exigeante sera sans doute celle des normes
enchâssées dans la Charte des droits des personnes."
En effet, M. le Président, à titre d'exemple, comment
pourrions-nous refuser que l'anglais, langue seconde, soit enseignée
dès la première année du primaire au Québec, alors
que le français, langue seconde, est enseignée dès la
première année du primaire en Ontario?
L'égalité des personnes, leur liberté d'expression.
Comment pourrions-nous, à ce moment-là, interpréter la
notion de société distincte? Est-ce qu'elle aura
prévalence sur toutes les autres règles d'interprétation,
sur la Charte des droits et libertés de la personne? J'en doute.
Je dois dire qu'en ce sens, le ministre des Communications en doutait
également. Alors, quand on entend un tel discours qui nous vient d'un
ministre et pas n'importe lequel, le ministre des Communications - le ministre
des Communications, dans toute société, a un rôle important
comme véhicule de la culture de la majorité - quand il est en
train de nous dire que l'interprétation qu'on pourrait faire de la
société distincte serait simplement de considérer, comme
l'estime Alliance Québec, que ce qui distingue la société
québécoise, c'est que c'est la seule province au Canada où
les anglophones sont minoritaires. Celui qui endosse ces propos, c'est le
ministre des Communications qui est assis au même Conseil des ministres
que le premier ministre et le ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. le Président, cette entente restera à l'histoire comme
s'étant faite dans le plus total mépris de la population. Le
gouvernement nous dit: On a consulté; il y a eu une commission
parlementaire. Il faut se rappeler d'abord que la commission parlementaire
s'est penchée sur un communiqué de presse, qu'elle était
réservée à quelques spécialistes, qu'elle n'a pas
été ouverte à tous ceux, toutes celles qui en ont fait la
demande.
Par ailleurs, le gouvernement actuel
dit: On aura discuté de cette question aussi longtemps qu'on a
discuté de la question référendaire. Il est
peut-être important de se rappeler que la question
référendaire ouvrait sur un référendum. Si on me
disait aujourd'hui que les 35 heures de discussions qu'on a ici en Chambre
ouvrent sur un référendum, je n'aurais aucune objection.
Mais ce n'est pas le cas. Les discussions qu'on a aujourd'hui viennent
sceller le sort du Québec, sans la participation des
Québécois. On vient se livrer à Ottawa les pieds et les
poings liés et à la merci des autres provinces qui, elles,
procèdent à une longue consultation. C'est l'exclusion de la
population qui est tenue volontairement à l'écart.
Cela s'est fait et cela se fait dans le plus total mépris de la
population, parce que la population ne pourra pas décemment, j'allais
dire, penser tirer avantage d'une participation aux consultations menées
par le Sénat ou menées par le gouvernement central.
En effet, comment peut-on envisager sérieusement se
présenter devant le comité formé par le Sénat ou
formé par le gouvernement central pour fins de consultation sur
l'entente du lac Meech? Comment pense-t-on qu'un Québécois ou un
groupe de jeunes Québécois pourraient décemment penser
infléchir cette décision, alors que le gouvernement du
Québec aura, par la plus haute instance du Québec, par le biais
de l'Assemblée nationale, décidé du contenu de cette
entente?
Toute participation d'un Québécois ou d'un groupe du
Québec à la consultation qui sera menée par le
Sénat devient, par le fait même, dérisoire. C'est de cette
façon que ce gouvernement a choisi de tenir la population
éloignée de ce débat. Personne n'aura le goût de se
présenter devant ces commissions pour essayer de faire valoir des points
de vue qui seraient divergents de ce qui aura été adopté,
je le rappelle, par la plus haute instance au Québec. (16 h 40)
Le gouvernement, en tenant ce débat à la veille ou
même pendant les vacances table sur l'inertie de la population, l'inertie
des Québécois. Pourtant, il aurait eu davantage de poids s'il
avait choisi de tabler sur l'appui de la population et non pas sur son
indifférence momentanée qui risque de se tourner contre ce
gouvernement. J'aimerais, à la suite de la FTQ, redire 'le message que
livrait celle-ci en commission parlementaire: Nous vous invitons aussi à
prendre tout le temps nécessaire pour bien mesurer la portée des
textes que vous signerez. Vous n'avez pas le droit de vous tromper et
d'engager, par le fait même, l'avenir du Québec sur des voies
néfastes. La façon la plus sûre d'éviter cela, c'est
de pousuivre le plus ouvertement, le plus fréquemment possible, le
débat qui s'amorce. Mettez la population dans le coup, vous en gagnerez
un appui qui donnera du poids à vos arguments. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
cède la parole à M. le député de Sauvé.
M. Marcel Parent
M. Parent (Sauvé): Merci, M. le Président. Il est
des moments dans la vie d'un homme public où nous avons à prendre
des décisions d'importance, plus cruciales les unes que les autres.
Avoir à intervenir à un moment historique de l'histoire du
Québec est, pour un député, un devoir et une obligation.
Lorsque j'ai été élu député, mes amis me
demandaient: Qu'est-ce qui t'a le plus frappé dans ton nouveau
métier de député? Au moment où tu as
été assermenté? Au moment où tu as fait, en
Chambre, ton premier discours?
Oui, ce sont des moments importants, des moments même enivrants
pour quelqu'un qui arrive dans la vie publique, de prêter serment, de
défendre les intérêts de l'ensemble de la population et de
bien servir les gens qui l'ont élu, de parler au salon bleu, de livrer
un message à l'Assemblée nationale, c'est très important.
Mais ce qui m'a touché le plus et ce qui m'a le plus fait
réfléchir, c'est au moment où j'ai voté pour la
première fois. La première fois que je me suis levé et que
j'ai voté avec mon parti, que j'ai appuyé une politique, je me
suis demandé si je représentais réellement les
préoccupations des gens qui m'avaient élu.
Le deuxième moment le plus important pour moi, ici à
l'Assemblée nationale, je le vis actuellement en prenant part au
débat constitutionnel. Y a-t-il un moment plus important dans l'histoire
d'une société, dans l'histoire d'un pays que le moment où
il se donne des structures, où il se dit: Je me donne qualité
d'être capable d'opérer à l'intérieur de structures
politiques. C'est pour cela que tous les députés de
l'équipe ministérielle vivent aujourd'hui un moment important de
leur vie de député. Nous allons tous ensemble dans quelques
heures appuyer l'effort de l'équipe Bourassa-Rémillard qui a
devant le gouvernement canadien défendu, comme de vrais
Québécois, les intérêts du Québec.
L'Opposition nous a reproché, depuis le début de ce
débat, d'amener ce débat constitutionnel en catastrophe, d'une
façon précipitée, à la fin de la session. Eh bien!
Non, M. le Président, on ne peut pas accepter pareille accusation. Le
débat constitutionnel pour un Québécois, pour un
francophone a commencé en 1867 au moment de l'institution de la
Confédération canadienne. On se rappellera toujours les
débats, les discussions entre le Haut-Canada et le Bas-Canada.
Toujours, le Québec a dû se battre et se défendre pour
tâcher d'avoir une place au sein de la Fédération
canadienne. Cela a duré jusqu'à nos jours, plus
particulièrement jusqu'en 1980 lors du référendum.
À ce moment-là, l'ensemble du Québec a porté un
jugement, l'ensemble du Québec a dit au Canada: Nous voulons demeurer
à l'intérieur de la Fédération canadienne. Nous ne
voulons pas nous isoler, nous ne voulons pas nous "ghettoïser".
Après, en 1981, lors des débats et des discussions pour le
renouvellement de la constitution, encore là les porte-parole du
Québec qui, à ce moment-là, étaient les
porte-parole du gouvernement actuellement dans l'Opposition, sont allés
perdre le peu de droits que possédait le Québec, soit son droit
de veto.
Et on nous dit: Vous amenez cette discussion-là en catastrophe.
Non, on en a parlé lors du référendum; on en a
parlé en 1981; on en a parlé en 1982 et, le 30 avril dernier, au
lac Meech, l'équipe de M. Bourassa et les dix premiers ministres des
provinces acceptaient une entente de principe basée sur la fierté
du Québec, la fierté des Québécoises et des
Québécois d'adhérer à la fédération
canadienne dans l'honneur et le respect. Le 3 juin, les dix premiers ministres
encore réunis avec le premier ministre du pays sanctionnaient les textes
juridiques qui officialisaient l'entente de principe qui avait
été signée au lac Meech le 30 avril. Et on appelle cela
une discussion précipitée, une discussion de fin de session. Eh
bien non, cela dure depuis cent ans, la discussion constitutionnelle. Par
contre, il fallait arrêter d'en parler. Il fallait arrêter de
rêver, il fallait arrêter d'idéaliser et il fallait devenir
efficace. C'est ce que le gouvernement du Parti libéral a fait.
On nous a dit: Vous faites cela en catimini; vous n'en parlez à
personne; vous faites cela en fin de session. On n'était pas, en fin de
session au mois d'avril ou au début de mai lorsque, pendant 55 heures,
en commission parlementaire, nous avons discuté, analysé
l'entente du lac Meech. Des experts, des constitutionnalistes, des groupes
importants de la société québécoise sont venus
témoigner et sont venus donner un éclairage au gouvernement,
à l'équipe Bourassa-Rémillard. Ils sont venus dire: Bien,
on a des doutes sur ça; vous devriez faire attention à ça;
vous devriez améliorer ça. Eh bien, on les a
écoutés. Cela n'a pas été de la foutaise ces 55
heures en commission parlementaire; cela a servi à bonifier l'entente du
lac Meech et cela s'est traduit par la rédaction et l'acceptation des
textes juridiques le 3 juin dernier.
On n'a pas fait cela en catimini. On n'a pas fait cela en cachette.
Lorsqu'en 1982, 1983 et 1984 les instances du Parti libéral
s'engageaient à faire en sorte que le
Québec réintègre la Fédération
canadienne dans l'honneur et dans le respect, sous l'équipe de M. Ryan,
dans le livre beige, dans les engagements politiques du Parti libéral,
on ne s'était pas caché. On s'était affiché comme
un parti fédéraliste qui ferait le nécessaire pour que le
Québec joue son juste rôle à l'intérieur de la
fédération, pour que le Québec soit un partenaire majeur
de cette Fédération canadienne, un parti qui ferait en sorte que
la dualité des deux nations soit reconnue et que le français
demeure officiellement la langue officielle au Québec. Eh bien,
ça, on l'a fait dans la définition de la société
distincte.
Il est certain que n'importe quelle solution, M. le Président,
qui aurait été présentée devant l'Assemblée
nationale, ici, la meilleure solution pour intégrer, pour rapatrier le
Québec au sein de la Fédération canadienne n'aurait jamais
satisfait nos adversaires parce que l'ambition de nos adversaires, c'est de ne
jamais adhérer à la Fédération canadienne. Alors le
discours que l'on tient actuellement, il pourrait durer pendant des ans. Non,
on ne tombera pas dans ce piège. Il perdure depuis cent ans et, d'une
façon beaucoup plus concrète, depuis six ans. Maintenant, il est
temps de passer aux actes. Tous les intéressés, tous les
groupements importants de la société ont eu la chance de se faire
entendre. Tous les éditorialistes des grands journaux ont donné
leur opinion et, en général, nous avons la conviction que
l'entente constitutionnelle qui a été signée le 3 juin
dernier répond aux aspirations de l'ensemble des
Québécois.
Il est certain qu'un indépendantiste, un souverainiste, ne peut
pas être d'accord avec cela. Je les comprends et je les respecte. Mais ce
ne sont pas eux qui ont gagné l'élection du 2 décembre
dernier. Le 2 décembre dernier, l'ensemble de la population du
Québec a élu un Parti libéral à vocation
fédéraliste qui s'est engagé à faire en sorte que,
dans le respect et dans la dignité, le Québec puisse continuer
à jouer son râle de partenaire majeur au sein de la
fédération. (16 h 50)
L'entente constitutionnelle du 3 juin n'est peut-être pas parfaite
mais, contrairement à ce qu'affirment les prophètes de malheur,
cette entente comporte des gains appréciables pour notre province. Pour
la première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct
de la société québécoise en l'inscrivant dans la
loi suprême du pays et l'Assemblée nationale, nous, M. le
Président, avons la responsabilité de protéger et de
promouvoir ce caractère distinct. Qu'est-ce qu'on peut demander de plus?
On l'a, pour la première fois, inscrit dans la constitution.
En matière d'immigration, je n'ai pas à élaborer
ici très très longtemps sur le phénomène de
dénatalité que vivent le
Québec et l'Amérique du Nord. Si on veut conserver le fait
français au Québec, il faudrait se donner des moyens pour pouvoir
mieux contrôler notre immigration. L'entente qui a été
signée le 3 juin dernier nous donne ces garanties.
En matière d'immigration, le Québec a obtenu des pouvoirs
additionnels majeurs qui, en plus d'une confirmation de pouvoirs
déjà présents dans l'entente Couture-Cullen, donneront
désormais au Québec des moyens d'affronter l'avenir avec
confiance, de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques migratoires,
démocratiques et familiales qui assureront la pérennité du
caractère français de la société
québécoise et de son importance au sein de la
fédération canadienne.
Pour les milliers de Québécois qui livrèrent la
bataille du référendum dans l'espoir de trouver une place
meilleure pour le Québec au sein d'un Canada renouvelé, l'accord
du lac Meech est certainement le début d'un processus qui pourra ensuite
embrasser l'autre volet non moins important de la réforme
constitutionnelle souhaitée, soit celui de la révision des
pouvoirs.
Si, en 1980, nous avons voté non au référendum,
c'est parce que nous avons cru que le Québec et le Canada pouvaient
donner aux Québécois un Canada renouvelé. Aujourd'hui, en
1987, après l'époque du référendum, l'équipe
de M. Mulroney...
M. Boulerice: Question de règlement.
Le Vice-Président: M. le député de
Sauvé, un instant!
Sur un rappel au règlement, M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, au moment où
effectivement...
Le Vice-Président: Rapidement, M. le
député.
M. Boulerice: ...on veut faire entrer le Québec dans la
confédération canadienne, il n'y a pas quorum de l'autre bord.
Ils vont voter, ils ne sont même pas là.
Le Vice-Président: D'accord. Très bien. Je vous
ferai remarquer que si vous avez un rappel au règlement vous devez
soulever uniquement le point en question et non pas amorcer un débat. Je
constate que nous n'avons pas quorum et je demanderais qu'on appelle les
députés.
À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons maintenant
quorum.
M. le député de Sauvé, vous pouvez poursuivre votre
intervention.
M. Parent (Sauvé): C'est avec plaisir que je vois qu'il
manquait peut-être un ou deux députés du parti
ministériel pour former quorum pendant qu'il n'y avait que deux
députés de l'Opposition assis à leur place, de l'autre
côté.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Parent (Sauvé): J'enchaîne, M. le
Président, en vous disant qu'aujourd'hui, en 1987, l'honorable Brian
Mulroney, le premier ministre du Québec, le ministre
délégué aux affaires canadiennes ont fait en sorte que les
engagements pris par l'équipe du non au référendum se
réalisent: un Canada renouvelé, un Canada
décentralisé et une participation majeure du Québec
à l'intérieur de la fédération canadienne.
Pour la première fois dans l'histoire du Canada, depuis 1867,
dans la charte canadienne, dans la constitution, le Québec aura des
droits en tant que société distincte, des pouvoirs quant à
l'immigration; il pourra participer à la nomination des juges de la Cour
suprême, il aura un mot à dire dans le pouvoir de dépenser.
Autrement dit, il deviendra officiellement, avec la signature de cette entente
et le vote que l'on tiendra dans toutes les Assemblées
législatives du Canada, ce qu'il aurait toujours dû être: un
partenaire majeur et probablement le plus important de la
fédération canadienne. C'est pourquoi j'invite tous les membres
de l'Assemblée nationale, demain, à venir voter et dire leur
accord avec cette entente qui a été signée à Ottawa
le 3 juin dernier. Cela peut être difficile pour les gens de
l'Opposition, parce que cette entente, cette affirmation nationale du peuple
québécois a été faite par le Parti libéral
qui est au pouvoir actuellement. J'invite l'Opposition, si elle est
sincère, ses affirmationnistes, eux qui nous disent: Nous voulons voter
pour une idéologie qui s'appelle l'affirmation nationale. Nous sommes
des séparatistes, nous sommes des souverainistes, mais on va mettre cela
en catimini, on va affirmer la fierté nationale. Eh bien! c'est le
temps.
Dans toute l'histoire du Québec, jamais l'affirmation nationale
n'a été aussi présente. Alors, je vous invite, les 122
députés de l'Assemblée nationale, demain
après-midi, d'un commun accord, dans un geste fait de dignité et
de fierté, à voter pour les accords qui ont été
signés le 3 juin dernier à Ottawa. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Que d'aberrations
n'aura-t-on pas entendues, M. le Président, lors de ce débat trop
court, soit dit en passant, par lequel on s'apprête à pendre
l'avenir du Québec!
Avant de commencer, et en espérant que vous allez ajuster les
micros parce qu'il y a...
M. Boulerice: Question de règlement, M. le
Président. Je viens d'entendre des interventions...
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Saint-Jacques. Je vous donne la parole sur un appel au règlement.
M. Boulerice: Je voudrais bien que le député
d'Ungava intervienne, mais j'entends des interventions de l'autre
côté. N'y a-t-il pas un règlement qui oblige, pour
intervenir, d'être à son fauteuil?
Le Vice-Président: Tout député qui doit
intervenir doit le faire de son fauteuil. C'est ce que le règlement nous
dit. Maintenant, quand un député a la parole... Un instant. M. le
député, je vais vous rappeler à l'ordre parce que je suis
en train de parler. Je vous demanderais de ne pas parler à d'autres
députés. Vous reprochez à certains députés
de parler pendant qu'un autre député parle. Vous faites
exactement la même chose actuellement. Je vais demander la collaboration
de l'ensemble des parlementaires pour respecter le droit de parole, pour
écouter celui qui a la parole et ne pas intervenir en même temps.
M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. J'allais vous demander
d'ajuster les micros ou le son parce que je croyais que le "grichage" que
j'entendais de l'autre côté venait du système de son.
Toujours est-il, M. le Président, qu'avant de commencer mon
intervention, j'aimerais faire une petite mise au point avec nos
collègues de l'aile ministérielle que je respecte
énormément, mais à qui je suggérerais de commencer
par apprendre à connaître un peu le programme de leur parti avant
de se permettre de critiquer ce qui se passe dans le nôtre. S'ils avaient
lu le programme de leur parti et s'ils avaient fait attention à tout ce
qu'ils ont promis en campagne électorale, probablement qu'on n'en serait
pas où on en est aujourd'hui. Il est fort possible que, s'ils avaient
réalisé tout ce qu'ils ont promis, le Québec serait plus
debout que ce qu'ils sont en train de faire avec actuellement.
D'autant plus aussi qu'au lieu peut-être de s'attarder au
programme du Parti québécois, ces gens auraient mieux fait de
lire le texte de l'entente du 3 juin. Ils auraient peut-être
été plus en mesure de parler de choses qu'ils connaissent ou de
choses qu'ils devraient connaître tout au moins, de ne pas parler sur
n'importe quoi de n'importe quelle façon. Nous, on a en main le texte du
3 juin. On n'a pas à se fier aux discours qui nous sont décrits
par d'autres pour savoir ce qu'on va dire en Chambre. On part du texte et on le
regarde. On le lit attentivement et on constate ce qu'il y a là-dedans.
Ce serait probablement plus rentable pour le peuple du Québec que ces
gens s'attardent à essayer de comprendre ce qu'ils essaient
eux-mêmes de dire plutôt que d'essayer de comprendre ce que
d'autres font ou disent. J'ai l'impression qu'ils ont de la difficulté
à comprendre leurs propres propos.
Puisqu'on a justement en main le texte du 3 juin, le texte de l'entente
constitutionnelle, le fameux texte historique, quelques petites pages à
la sauvette, dont il est question depuis quelques jours, eh bien! reprenons-le,
regardons vraiment ce qu'il y a dans le texte. On va peut-être comprendre
pourquoi justement nous, de l'Opposition, ainsi que probablement une large
partie de la population du Québec, ne sommes pas d'accord avec ce que le
gouvernement actuel est en train de faire. (17 heures)
Ce gouvernement est en train de voter à la toute dernière
minute, en fin de session, en profitant de la fermeture des classes, en
profitant du moment où les Québécois se préparent
à prendre des vacances d'été bien méritées
après un dur hiver... Le gouvernement profite de ce moment pour adopter
en vitesse une entente constitutionnelle qui va lier, qui va mettre des
menottes, dans l'histoire du Québec, pour l'avenir du Québec, son
développement. C'est absolument inadmissible. Regardons ce qu'il y a
dans le texte. Regardons. J'inciterais tous mes collègues de l'aile
ministérielle, qui ont sûrement le texte en main puisqu'ils osent
en parler, à suivre en même temps, de leur pupitre, pendant que je
vais lire le texte. Est-ce que chacun a sorti son texte?
Des voix: Oui.
Le Vice-Président: Un instant. M. le député
d'Ungava, je vais demander la collaboration des députés. J'ai
demandé tantôt d'écouter attentivement les propos. Je vais
simplement vous rappeler à l'ordre. J'ai remarqué que
quelquefois, dans les interventions au cours de la présente
journée... L'article du règlement que je veux citer, je
demanderais aux députés de le respecter. "Le député
qui a la parole ne peut s'adresser directement à un autre
député". Ça s'est fait des deux côtés de
l'Assemblée, je dois le reconnaître. Je vous demanderais, si on
veut éviter des réactions, des commentaires et des discussions,
d'un côté et de l'autre, pendant une intervention, de ne pas
interpeller les gens, même globalement. Je demande la collaboration de
l'ensemble des députés, s'il vous plaît, et d'éviter
les caucus également. M. le député d'Ungava,
vous avez la parole.
M. Claveau: M. le Président, je passerai donc par vous,
puisque vous le désirez, pour demander à mes collègues de
l'aile ministérielle de sortir leur texte et de bien vouloir le suivre
en même temps que je lis à haute voix pour tous nos amis
contribuables membres de ce peuple québécois, qui,
malheureusement, n'ont pas pu l'avoir, parce qu'on l'a eu à la toute
dernière minute nous aussi.
Voyons voir de quoi on parle quand on parle de société
distincte dans la fameuse entente constitutionnelle du 3 juin. Je lis parce
qu'il me semble que ce n'est pas tout le monde qui l'a: La reconnaissance de ce
que l'existence de Canadiens d'expression française, concentrés
au Québec mais présents aussi dans le reste du pays, et de
Canadiens d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais
aussi présents au Québec, constitue un caractère
fondamental du Canada.
M. le Président, ces gens peuvent bien se permettre d'applaudir.
Qu'est-ce que cela dit, effectivement? Qu'y a-t-il là-dedans de nouveau
par rapport à ce qu'on connaît? Ne serait-ce pas là une
vérité de La Palice? On essaie d'exprimer dans un texte quelque
chose que tout le monde sait. Qui plus est, M. le Président, je pourrais
reprendre le même texte, mais en changeant juste un peu les mots, et on
va voir si l'expérience... Peut-être que ça ferait
comprendre dans quoi exactement on se situe quand on parle de ça, quand
on dit: Qu'est-ce que c'est la société distincte? Je pourrais me
permettre, pour cette Chambre et l'ensemble de nos amis du peuple
québécois, de reprendre le texte autrement. On pourrait dire, par
exemple: La reconnaissance de ce que l'existence de Canadiens d'expression
française concentrés dans l'est de Montréal, mais
présents aussi dans le reste de Montréal, et de Canadiens
d'expression anglaise concentrés dans le West-Island, mais aussi
présents dans le reste de Montréal constitue un caractère
fondamental de Montréal.
Voilà, M. le Président, de quelle façon on pourrait
voir ce texte. Cela peut s'appliquer à n'importe qui, n'importe
où, n'importe comment. Il y a là une notion de
régionalisme, une simple notion de réduire le problème de
la société distincte au Québec à un problème
de conjoncture régionale, à une suite historique d'un
problème qui a été vécu dans l'histoire et qui a
donné ce que l'on a aujourd'hui et qui fait en sorte qu'on a un peu plus
de francophones au Québec qu'ailleurs et qu'ailleurs, il y a un peu plus
d'anglophones qu'au Québec, mais que les deux s'entremêlent et
que, finalement, cela peut tout s'organiser pour faire un seul et même
grand pays. Voyons donc, M. le Président. C'est là la
simplification extrême de ce qu'est la société distincte.
C'est là essayer de nous faire une démonstration par l'absurde
que l'on existe réellement au Québec. On le sait qu'on existe au
Québec en tant que francophones. On sait qu'on a la large
majorité de la population au Québec qui est francophone. On sait
qu'on veut mettre en place toutes les mesures nécessaires pour que les
immigrants s'intègrent à la société francophone du
Québec. On sait ça.
On sait aussi qu'en tant que francophones au Québec, on a
toujours eu à se battre... Le député de Sauvé avait
raison tout à l'heure de dire que la démarche du peuple du
Québec est une longue démarche historique et difficile pour
essayer de s'affirmer dans un contexte qui n'est pas nôtre. Il avait tout
à fait raison de le dire, sauf que sa conclusion n'était pas tout
à fait en accord avec les prémisses qu'il avançait. Ce
n'est pas parce qu'on signe demain matin une petite entente constitutionnelle
discutée à la hâte, par des gens qui étaient
pressés de régler on ne sait quoi et on ne sait pourquoi, ce
n'est pas parce qu'on a signé cela qu'on va régler, demain matin,
le problème du peuple du Québec.
Ce n'est pas parce qu'on a signé cela qu'on va changer l'histoire
de ce qu'il y a là depuis 1760; ce n'est pas parce qu'on a signé
cela que, demain matin, les anglophones du Canada vont regarder les
francophones du Québec avec un sourire d'admiration, avec des yeux
admiratifs et qu'ils vont dire: Ahî mais on vous découvre enfin,
on ne vous avait jamais vus! On ne croyait pas que vous étiez si beaux,
que vous étiez si fins; c'est vrai, on vient de comprendre et on va vous
donner toutes les chances possibles. On va vous intégrer dans notre
belle et grande confédération canadienne. Vous allez être
égaux à nous autres, on va vous donner toutes les chances. Voyons
donc! Il faudrait être - il y a des mots qu'on ne peut pas dire en
Chambre - un minimum naïf pour croire qu'à partir de la signature
d'un texte semblable, de quelques paragraphes, on va changer l'histoire
canadienne, l'histoire de ces deux peuples qui se sont partagé
difficilement, je dirais pratiquement de force...
M. Boulerice: Des Valium là, hein!
M. Claveau: ...une partie de territoire qui se trouve à
l'extrémité nord de l'Amérique. Ce n'est pas cela qui va
changer l'histoire. Ce n'est pas parce qu'on a signé cela que, demain
matin, on va oublier ce qui s'est passé.
La vérité, elle est là. La vérité est
dans le fait que la société québécoise sera
toujours distincte du reste du Canada, une société qui ne sera
pas une société
anglophone, une société qui aura son vécu et son
histoire propre et qui, pour survivre, aura dû se battre continuellement
et va devoir continuer à le faire. Elle va devoir continuer à le
faire avec d'autant plus d'acharnement qu'à partir de maintenant, on va
laisser croire que les choses vont bien et que, finalement, on est
intégré dans ce beau et grand pays dans lequel on ne s'est jamais
reconnu et dans lequel on ne se reconnaîtra pas plus au lendemain de la
signature de ce texte qui se veut un texte de sauveur.
Je dirais que c'est probablement le plus beau texte pour endormir le
peuple du Québec, mais un peuple ne s'endort pas comme cela. On
n'arrête pas un peuple en devenir et c'est ce que ces gens vont
apprendre, à leurs dépens, puisqu'ils ne veulent pas nous
écouter.
On n'arrête pas un peuple qui prend conscience de ce qu'il est; on
n'arrête pas un peuple qui veut faire sa démarche vers son
autonomie totale et complète. Cela ne s'arrête pas ou cela ne
s'arrête pas pour le moins à partir d'un simple petit texte
où on dit: Cela nous fait plaisir de vous avoir avec nous et, à
partir de demain matin, vous, les francophones, vous êtes beaux, on vous
découvre tout à coup; on ne vous avait jamais vus autrement
qu'avec des cuillères de bois et dansant la claquette.
Vous pensez que c'est cela qui va changer l'avenir du Québec? Si
ces gens-là se leurrent eux-mêmes, ils ne nous leurreront pas, ni
la population du Québec, parce que nous allons être là pour
démontrer toute la fanfaronnade qu'il y a derrière cette
démarche.
Je me demande quels sont les intérêts... Qu'est-ce qui fait
que ces gens-là ont peur de s'affirmer tels qu'ils sont? Qu'est-ce qui
fait que ces gens là ont tendance à se diminuer eux-mêmes
au lieu d'exprimer toute la fierté qu'il y a à appartenir
à un peuple noble, à un peuple qui se tient debout, à un
peuple qui regarde avec confiance son avenir? Ces gens viennent nous dire: Nous
avons travaillé pour le non au référendum, nous sommes
fiers d'y avoir travaillé, un non voulait dire un consensus nouveau pour
un Canada renouvelé. Oui, M. le Président, on sait ce que le
Canada renouvelé a donné depuis 1980; on sait de quelle
fierté ces gens peuvent parler quand ils parlent d'avoir
travaillé pour le non. Ils parlent de la fierté d'avoir mis un
peuple à genoux; c'est de cela qu'ils parlent, c'est leur fierté
parce qu'il n'y en a pas d'autre.
Le Québec n'a jamais été dans une situation aussi
difficile dans ses relations avec les autres provinces canadiennes, dans ses
relations économiques et commerciales avec l'Ontario que depuis que ces
gens ont travaillé pour le non lors du référendum en 1980,
alors qu'on avait là une occasion historique, certes là une vraie
occasion historique, de se lever debout, de s'affirmer dans ce qu'on
était, de se renégocier une véritable nouvelle entente
avec le reste canadien, de se renégocier les bases fondamentales d'un
développement conjoint, mais dans lequel chacun s'occupait de ses
affaires. Eh bien, ces gens-là ont travaillé contre et,
aujourd'hui, ils viennent nous dire: On a trouvé la solution pour que le
Québec soit lui-même. (17 h 10)
Voyons doncï Comment voulez-vous être vous-mêmes quand
vous donnez à votre voisin toutes les possibilités de venir
gérer chez vous. J'ai toujours dit - et je continue à le croire,
je suis certain que tous ici seront d'accord avec moi - qu'un bon voisin, un
voisin avec lequel c'est plaisant de partager son espace de vie, c'est un
voisin qui se mêle de ses affaires, M. le Président. Il n'y a pas
plus tannant qu'un voisin qui vous dit qu'il n'aime pas la couleur de votre
galerie ou que les rideaux de la cuisine qui donne sur sa cour
l'énervent et que vous devriez changer de rideaux de cuisine. Il n'y a
pas plus tannant qu'un voisin qui n'est pas d'accord parce qu'il trouve que
vous n'avez pas une voiture assez belle pour la garer, dans la cour, juste
à côté de chez lui. Il n'y a pas plus tannant comme voisin.
Eh bien, c'est cela qu'on est en train de faire actuellement. On est en train
de donner la possibilité à notre voisin canadien de venir
s'ingérer dans toutes nos affaires, partout! C'est cela qu'on est en
train de faire.
Comment est-ce qu'on est en train de faire cela, entre autres? On est en
train de le faire en lui donnant des pouvoirs accrus par son pouvoir de
dépenser. Oui, M. le Président, pour une fois, on va retrouver,
dans le texte constitutionnel canadien, la possibilité pour le
gouvernement central, un gouvernement qui, lui, n'a pas froid aux yeux, qui lui
ne marche pas à genoux, un gouvernement qui va être plus fort que
jamais, plus centralisateur que jamais, d'agir sous des apparences
peut-être un peu décentralisatrices, des apparences
régiona-listes. Il reste que le pouvoir sera au niveau central et c'est
dit à plusieurs reprises là-dedans, M. le Président. C'est
dit à plusieurs reprises. Quand on dit, par exemple, sur la question du
pouvoir de dépenser, qu'il va être impossible pour une province de
se retirer d'un programme ou de pouvoir bénéficier d'une juste
compensation... C'est un terme à définir, soit dit en passant, un
terme plutôt flou, mais il sera impossible de bénéficier
d'une compensation si la politique ou si le programme mis en place dans ladite
province ne répond pas aux objectifs nationaux. Est-ce assez clair,
à savoir qui décide? C'est le voisin qui vous dit de quelle
couleur peinturer votre galerie, M. le Président. Et vous lui dites:
Oui, je vais acheter ma peinture tout de suite, à la
course, parce que je veux te faire plaisir.
C'est cela qui va se passer. On donne la possibilité au
gouvernement central, fédéral d'intervenir chez nous, à sa
guise. Si on n'est pas d'accord, bien on nous dira: Tu peux toujours te retirer
si tu n'es pas d'accord; retire-toi, mais tu vas payer la note, par exemple,
parce que c'est nous autres qui fixons, en tant que gouvernement central, les
grandes orientations dans lesquelles tu vas devoir te diriger, mon ami. Si tu
ne vas pas par là, bien, c'est bien de valeur, mais tu t'en feras un
petit programme à toi, mais tu paieras pour. C'est cela que ça
dit le pouvoir de dépenser. C'est exactement ce que cela dit. Pour ceux
qui ont le texte devant eux, ici, et qui le suivent attentivement, comme je le
fais, ils comprendront que c'est exactement ce qui est dit en page 4, à
l'article 7, la modification 106A à la Charte constitutionnelle
canadienne de 1982.
Parlons d'immigration, M. le . Président, puisque ces
gens-là... La ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration se disait fière de pouvoir enfin contrôler
l'immigration. Foutaise! M. le Président. Tromperie! Elle n'a
probablement pas lu le texte et s'est fiée aux notes que le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou
que le premier ministre lui ont données pour faire son discours parce
qu'elle n'a sûrement pas lu le texte pour dire cela.
Regardez ce que dit le texte de l'entente du 3 juin 1987 à
Ottawa, en page 2: Modification à l'article 95B, paragraphe (2), on dit:
"L'accord, - accord qui va se faire entre une province et le gouvernement
central en matière d'immigration - ayant ainsi force de loi n'a d'effet
que dans la mesure de sa compatibilité avec les dispositions des lois du
Parlement du Canada - je ne parle pas d'autre chose là - qui fixent les
normes et objectifs nationaux relatifs à l'immigration." C'est cela qui
est écrit noir sur blanc. Quand la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration dit: Ah! On est tellement content, enfin on va
pouvoir prendre nos décisions, foutaise! Elle n'a sûrement pas lu
le texte, M. le Président. C'est cela qu'il dit le texte. Et il dit que,
pour qu'il y ait une entente qui soit possible dans le domaine de l'immigration
et pour que cette entente devienne force de loi après un accord avec le
gouvernement fédéral, elle devra suivre, se conformer
fondamentalement, en tout et en partie, aux normes et aux objectifs nationaux
relatifs à l'immigration.
À moins que je ne me trompe, dans ce texte, national, cela ne
veut pas dire Québec, national, cela veut dire Canada. Ce n'est pas la
constitution du Québec qu'on a là, c'est la constitution du
Canada dans laquelle on essaie de faire un trou pour le
Québec afin de pouvoir mieux le contrôler. C'est exactement
ce que dit le texte ici. J'inviterais la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration, la prochaine fois qu'elle aura à
intervenir en Chambre, d'au moins faire son texte elle-même ou, du moins,
de lire sur ce dont elle parle, parce qu'il y a loin d'être fière
de dire: Je vais être la botte aux lettres du ministère de
l'Immigration fédéral. Mais c'est exactement ce à quoi la
ministre se réduit elle-même avec un beau grand sourire
béat. C'est exactement ce à quoi elle se réduit et ce
qu'elle accepte d'emblée, sans même se poser de question.
Ce n'est plus le gouvernement du Québec; ce ne sera pas le
gouvernement du Québec qui va faire ses objectifs, qui va donner ses
plans par rapport à l'immigration, qui va faire que son idée par
rapport à une politique d'immigration va avoir
prépondérance sur les autres. Non, ce n'est pas cela qui va se
passer.
On dit: Oui, on va être capable de t'accorder une
possibilité de dire ce que tu penses, toi, le Québec, quand tu
vas vouloir les normes, les quantités d'immigrants, la sorte
d'immigrants que tu vas vouloir avoir. On peut faire des ententes
là-dessus. Mais il faudra que ces ententes soient toujours conformes
à la politique fédérale, avec les objectifs qui auraient
été fixés par le gouvernement central. Et ces
gens-là s'empressent d'applaudir à une telle politique.
Quand on dit que ce sont des gens qui sont en train de mettre le
Québec à genoux, on en a là les plus belles preuves. Des
politiques! On va enchâsser le Québec dans un mécanisme
constitutionnel où il n'aura plus aucun pouvoir décisionnel,
autant par rapport à la société distincte, parce qu'on
n'en définit pas, en aucune façon. On ne dit pas ce que c'est,
sauf qu'on dit qu'il y a plus de francophones au Québec qu'ailleurs au
Canada, ce que tout le monde avait compris bien avant le texte de 1982 et bien
avant ce texte du 3 juin 1987. Cela, tout le monde le savait.
Là, on ne dit pas ce que cela veut dire. Mais, en pratique, on ne
dit pas vers quoi ça va tendre. On dit simplement: Cela va être
ça, une société distincte et on ajoute en plus, on
s'empresse en plus d'ajouter, quand on parle de société distincte
et cela, encore, c'est dans le texte: Le présent article n'a pas pour
effet de déroger aux pouvoirs, droits ou privilèges du Parlement
ou du gouvernement du Canada ou des Législatures ou des gouvernements
des provinces, y compris à leurs pouvoirs, droits ou privilèges
en matière de langue. Est-ce assez clair?
On a une belle société distincte au Québec, mais ce
n'est pas nous qui décidons? Cela va être quoi, notre distinction,
par exemple? Cela va être le pouvoir central là-
bas, avec un Parlement qui nous fait dos, un Parlement qui nous tourne
le dos le long de la rivière Outaouais, qui va décider quels
doivent être les critères fondamentaux qui vont faire que le
Québec va être distinct du reste.
Ce n'est pas nous qui allons légiférer là-dessus;
ce n'est pas nous qui allons déterminer quelles sont nos
différences, à part le fait de savoir qu'on parle
français. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui vont venir me
contester ici quand je dis qu'il ne doit pas y avoir beaucoup d'autres
Parlements au Canada qui légifèrent en français. Cela, on
le savait.
Mais, à part cela, qui va déterminer les grands
critères, les lignes maîtresses? Qui va mettre en place les
grandes politiques qui vont déterminer ce qui est différent au
Québec qu'ailleurs. Ce n'est pas nous autres; c'est bien clair. On dit
que cet article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs, droits ou
privilège du Parlement ou du gouvernement central canadien.
Ce sont eux qui vont décider pour nous ce qu'on est comme
société. Si on n'est pas d'accord, on n'aura qu'à se
plier, parce qu'on va avoir signé le papier; on va leur avoir
donné le pouvoir de le faire. On leur donne le pouvoir de
déterminer qui on est - est-ce assez fort, cela, M. le Président
- et on va applaudir à cela.
Ils nous demandent d'applaudir à un geste pareil. Ils nous
demandent d'applaudir quand on dit au voisin: Dis-moi donc de quelle couleur je
devrais peinturer ma galerie. C'est incroyable ce qu'on nous amène
là. C'est absolument aberrant. Et on voudrait que le peuple
québécois soit d'accord avec cela. Certes, ces gens-là ont
tout intérêt à le passer rapidement en catimini, en fin de
session, pendant que tout le monde prépare ses vacances
d'été, parce qu'ils n'ont pas intérêt à ce
qu'on en discute trop longtemps, sinon, ils se verraient dételés
comme ils l'ont déjà été une fois lorsqu'ils ont
essayé de toucher à la loi 101.
On n'arrête pas comme cela un peuple en devenir. Plus on essaie de
lui piler sur la tête, plus on risque de payer un jour. Ces
gens-là auraient dû comprendre les leçons du passé,
auraient dû comprendre le mécanisme historique qui a fait que le
peuple francophone au Québec a réussi à survivre dans une
mer anglophone qui lui était hostile. (17 h 20)
C'est presque une erreur historique, la survivance du fait
français au Québec. Quand on constate...
Des voix: Wo!
M. Claveau: Oui, M. le Président, je n'ai pas honte de le
dire. Quand on constaté que des empires, comme l'empire romain qui
contrôlait presque toute l'Europe, sont nés, ont grandi et se sont
détruits eux-mêmes en l'espace d'environ 400 ou 500 ans, si on
suivait le même cheminement, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus de
francophones au Québec. Si ce peuple a survécu à partir
d'une poignée de francophones lors de la conquête anglaise de
1760, c'est parce que ces gens avaient du coeur au ventre et qu'ils avaient
envie de se battre pour ce qu'ils étaient, ils n'avaient pas envie de
lâcher le morceau. Sinon, on aurait été engloutis, envahis
par la mer anglophone qui a pris tout le reste du continent
nord-américain.
C'est une erreur historique en soi que les Québécois
soient restés un peuple francophone fort, dynamique,
déterminé dans cette mer anglophone. Ces gens-là auraient
dû comprendre le cheminement historique de 300 ans de ce peuple et se
dire que ce n'est pas par une petite signature de dernière minute,
où on veut donner aux autres le pouvoir de décider de ce qu'on
est, qu'on va arrêter ce cheminement et qu'on va écraser ce peuple
qui est fier de ce qu'il est, ce peuple qui a envie de continuer à
grandir, à prospérer, à se développer,
malgré les contraintes historiques imposées par le fait
d'être quelques millions à peine dans une mer anglophone avec des
cultures différentes, des traditions différentes, des points de
vue différents, des mécaniques sociales et économiques
différentes.
On a survécu, M. le Président, et on n'est pas prêt
de s'éteindre. Ce n'est pas en donnant partiellement, pour le moment,
les pouvoirs aux autres de décider pour nous autres qu'on va
s'éteindre. C'est bien clair, ce n'est pas sorcier, cette affaire.
Depuis 1760, 1837, 1867, 1980, tout au long du cheminement du peuple du
Québec, jamais on n'a réussi à faire le moindre consensus
avec ceux avec qui on partage une entité juridique qui s'appelle la
constitution canadienne ou l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Jamais on n'a réussi à avoir l'appui des anglophones de ce pays
pour faire en sorte que notre peuple se développe. Pensez-vous que
l'histoire a changé du jour au lendemain? Pensez-vous que c'est parce
qu'on s'est rencontré autour du lac Meech par un beau soir d'avril 1987
que l'histoire a changé? Non, M. le Président. Il y a anguille
sous roche, c'est clair.
Comment se fait-il que tout le monde soit d'accord pour ramener le
Québec dans le giron constitutionnel à partir de ce texte? Moi,
cela me préoccupe de penser que, du jour au lendemain, tout le monde est
d'accord pour dire: Oui, on va vous donner votre "nanane". Comment cela se
fait-il? Ce n'est sûrement pas la prestance du premier ministre du
Québec qui a fait cela. Ce n'est sûrement pas le miroir du
ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes
qui en est responsable et ce n'est sûrement pas le sourire
béat de la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration. Non, M. le Président.
Des voix: Oui.
M. Claveau: C'est parce que les provinces canadiennes ont compris
qu'avec ce qu'il y avait sur la table, il y avait matière à les
satisfaire, elles, tout en faisant croire aux Québécois qu'ils
seraient satisfaits. C'est cela qui se passe, c'est dans cela qu'on est, un
texte dans lequel on n'a plus aucun pouvoir décisionnel, un texte dans
lequel les objectifs en matière de société distincte,
d'immigration, de pouvoir de dépenser seront décidés par
d'autres et dans lesquels nous devrons nous mouler, nous confondre, nous
devrons nous assimiler si nous voulons réussir à avoir un tant
soit peu d'aide de ce gouvernement d'ailleurs pour nous développer.
Voyons donc! Comment peut-on essayer de vendre une telle salade au peuple du
Québec? Comment peut-on encore applaudir à un texte qui, de toute
évidence, est un amoindrissement pour ce peuple dont on est si fier? Je
vous dis, M. le Président, en terminant, que, si ces gens-là ont
envie de marcher à genoux, si ces gens-là ont envie de baiser les
pieds du gouvernement fédéral, eh bien! qu'ils le fassent, c'est
leur affaire, mais qu'ils n'entraînent pas l'ensemble du peuple
québécois dans la boue dans laquelle ils aiment se retrouver
eux-mêmes. Merci, M. le Président.
Des voix: Oh!
Le Vice-Président: Je cède maintenant la...
M. Cannon: M. le Président, est-ce que...
Le Vice-Président: Un instant. M. le député
de La Peltrie.
M. Cannon: Je voudrais savoir, M. le Président, si, en
vertu de l'article 259, le député d'Ungava accepterait que je lui
pose une question.
Le Vice-Président: Effectivement, c'est l'article 213, M.
le député de La Peltrie.
Une voix: C'est le matin, les questions.
Le Vice-Président: Est-ce que vous acceptez une question,
M. le député d'Ungava?
M. Claveau: Non, M. le Président.
Le Vice-Président: Très bien.
M. Claveau: Si le député de La Peltrie a une
intervention...
Le Vice-Président: Pas de commentaires. Aucun commentaire,
s'il vous plaît! Vous aviez à accepter ou refuser. Donc, il n'y a
pas de consentement pour une question.
Je vais maintenant céder la parole à M. le
député de Vimont.
M. Jean-Paul Théorêt
M. Théorôt: M. le Président, c'est avec
beaucoup d'enthousiasme et de fierté que j'interviens aujourd'hui dans
le débat constitutionnel sur la résolution
présentée par le premier ministre du Québec, relativement
à l'accord historique que les onze premiers ministres de l'ensemble du
Canada ont signé le 3 juin dernier. C'est avec beaucoup de
fierté, M. le Président, parce que je crois que cet accord
permettra au Québec de réintégrer la
fédération canadienne la tête haute, ayant la satisfaction
d'avoir obtenu l'accord sur toutes les demandes que le Québec avait
présentées lors des discussions du lac Meech.
Dans quelques minutes, je vous donnerai des exemples concrets des gains
importants que le premier ministre du Québec et le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ont
obtenus grâce à leur travail acharné, et à leur
détermination à défendre et à protéger les
droits fondamentaux de tous les Québécois et
Québécoises. Permettez-moi, M. le Président, dans un
premier temps, de répondre aux députés péquistes et
à certaines accusations fausses, injustes et teintées d'une
partisanerie politique qui ne devrait pas avoir sa place dans un débat
aussi important pour l'avenir des Québécois et des
Québécoises. Je ne vous citerai que trois exemples, M. le
Président, d'interventions faites par des représentants du Parti
québécois et qui ont été reprises par la plupart
des intervenants péquistes.
Le député de Verchères mentionnait, dans son
intervention du 18 juin dernier: "Quand on dit qu'on voulait s'affirmer, ceux
qui se demandaient ce que c'était l'affirmation nationale, c'est cela;
c'est de vouloir avancer, de vouloir prendre sa place, de vouloir s'affirmer.
Mais le problème, c'est que vous empêchez toute affirmation du
Québec pour l'avenir avec cela. En vous contentant du statu quo, vous
bloquez l'avenir." Quelle accusation ridicule, M. le Président, alors
que tous les intervenants dans ce dossier, à part, bien sûr, les
tenants de l'indépendance du Québec, donc les
députés péquistes, tous ont affirmé que le
Québec avait fait des gains importants, un pas en avant avec cet accord
constitutionnel. Ce qui choque le député de Verchères, M.
le Président, c'est que l'affirmation nationale,
selon lui, est de vouloir avancer, de vouloir prendre sa place, de
vouloir s'affirmer. Eh bien, c'est exactement ce que nous avons fait en signant
l'entente du lac Meech. Et c'est cela qui choque et embarrasse le
député de Verchères, M. le Président.
Le chef de l'Opposition déclarait, le 18 juin dernier, en nous
accusant de brimer le processus démocratique: "Contrairement au
débat référendaire, ces 35 heures de débat à
l'Assemblée nationale visent à mettre le couvercle sur le
dossier, alors que les 35 heures de débat en 1980 ouvraient un
débat public qui a duré 60 jours et qui s'est terminé par
une décision des citoyens du Québec par un vote libre." (17 h
30)
J'aimerais rappeler au chef de l'Opposition que nous avons
consulté la population du Québec avant le débat de
l'Assemblée nationale, et que c'est par un vote libre que les citoyens
et citoyennes du Québec ont appuyé massivement, le 2
décembre 1985, les cinq conditions constitutionnelles qui faisaient
partie intégrante de notre programme électoral.
Je rappelle également au chef de l'Opposition que nous avons
consulté les groupes de tous les milieux et ce, pendant 55 heures en
commission parlementaire et ce, encore une fois, avant les 35 heures de
débat sur cette entente que nous discutons aujourd'hui.
Le chef de l'Opposition déclarait dans la même
journée, et je le cite: "Moi, je suis souverainiste. Cela veut dire que
je pense que le Québec est un pays, qu'il doit devenir un pays." Cette
déclaration de foi pour l'indépendance du Québec, pour
faire du Québec un pays souverain démontre clairement et sans
équivoque que quels que soient les gains supplémentaires que nous
aurions obtenus, jamais le chef de l'Opposition et son parti n'auraient
donné leur appui pour une entente, quelle qu'elle soit, qui aurait eu
pour effet de réintégrer le Québec dans la constitution
canadienne puisque, semble-t-il, tout ce à quoi rêve le chef de
l'Opposition, c'est de devenir le président de la république du
Québec.
Voilà une preuve irréfutable que toutes les interventions
des députés péquistes n'ont aucune
crédibilité puisque cela n'a jamais été leur
intention d'approuver la réintégration du Québec dans la
constitution canadienne.
M. le Président, je suis fier d'appuyer cette résolution
parce que, comme l'a déclaré le premier ministre au sortir de la
rencontre des 2 et 3 juin dernier, l'entente conclue entre les dix provinces
permet au Québec de réintégrer la constitution la
tête haute. En effet, c'est en toute légitimité que le
gouvernement libéral peut s'attribuer une partie importante de ce
succès car, dès les premiers mois de son mandat, il a entrepris
les démarches nécessaires pour convaincre le reste du Canada de
l'importance de réintégrer le Québec à la
fédération canadienne.
La population du Québec a manifesté à de nombreuses
reprises sa volonté de mettre un terme à l'incertitude
constitutionnelle, notamment lors des élections du 2 décembre
1985. Elle est également consciente que le prolongement indu du statu
quo actuel risque à la longue d'hypothéquer notre potentiel de
croissance sociale, économique et culturelle. Aussi est-il primordial
que le Québec conserve son leadership et démontre clairement au
reste du Canada sa détermination à agir comme un partenaire
majeur dans la Fédération canadienne.
S'il n'agit pas maintenant, le Québec risque de laisser passer
une conjoncture qui pourrait ne pas se représenter avant de nombreuses
années, voire des décennies.
L'entente constitutionnelle du 3 juin n'est peut-être pas parfaite
mais, contrairement à ce qu'affirment ces prophètes de malheur,
elle comporte des gains appréciables pour notre province. Pour la
première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct de
la société québécoise en l'inscrivant dans la loi
suprême du pays et l'Assemblée nationale et le gouvernement du
Québec doivent protéger et promouvoir ce caractère
distinct.
En matière d'immigration, le Québec a obtenu des pouvoirs
additionnels majeurs qui, en plus d'une confirmation de pouvoirs
déjà présents dans l'entente Couture-Cullen, donneront
désormais au Québec les moyens d'affronter l'avenir avec
confiance, de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques migratoires,
démographiques et familiales qui assureront la pérennité
du caractère français au sein de la Fédération
canadienne.
Un autre gain majeur vient de l'obtention de la garantie
constitutionnelle qu'au moins trois des neuf juges de la Cour suprême
proviendront du Barreau du Québec. L'accord constitutionnel
confère maintenant la possibilité au Québec de refuser des
programmes fédéraux de dépenses sans encourir de
pénalité ou de sanction financière. Désormais,
grâce à l'entente du 3 juin, le Québec retrouve sa
capacité de faire des choix qu'il estime les plus aptes à
satisfaire les besoins et les exigences de sa société distincte.
Dorénavant, le Canada entier fonctionnera avec une nouvelle dynamique,
un nouveau modus Vivendi, imprégné du respect des
compétences de chaque gouvernement et des besoins particuliers des
citoyens qu'il représente.
Cette nouvelle dynamique introduira une augmentation de la concertation,
une flexibilité conforme à l'image de la concertation et,
également, l'élaboration et la mise en oeuvre des
éventuels programmes cofinancés.
M. le Président, cette entente du 3 juin est une entente ouverte
sur l'avenir. Pour la protection des intérêts supérieurs du
Québec, elle vient mettre fin à l'incertitude constitutionnelle.
Elle permettra, enfin, au Québec de passer à d'autres
défis tout aussi importants pour son avenir et pour le mieux-être
des Québécois et Québécoises..
Jamais je n'ai été aussi fier d'être
Québécois. Je félicite le premier ministre du
Québec et le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes de permettre à la
société québécoise de réintégrer la
Fédération canadienne dans l'honneur et lui permettre ainsi
d'être un partenaire de premier rang avec nos concitoyens canadiens. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président.
J'écoute attentivement les discours en cette Chambre. On entend
évidemment surtout les discours des députés de
l'Opposition mais, lorsque l'occasion s'y prête, j'écoute les
discours des députés libéraux. Ce qui me frappe beaucoup
dans ces discours, c'est lorsque nos amis d'en face ou d'à
côté nous disent, concluent leur intervention en disant oui
à l'accord constitutionnel, oui à l'accord du lac Meech. Je me
demande si c'est comme lors du référendum. Au
référendum, votre non voulait dire un oui. Et là, la
population du Québec se demande, lorsque vous dites oui à
l'accord constitutionnel, si cela veut dire non à l'accord
constitutionnel? Il faudrait nous le dire. Je dois vous le dire, on est comme
le reste de la population du Québec. On se méfie de votre premier
ministre et on se méfie de votre ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
Je vais vous donner un exemple, rapidement. Le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
pendant la commission parlementaire de l'autre côté, lorsque
arrivaient des groupes, des organismes, avait développé ce qu'on
appelait son vidéoclip, son espèce d'argumentation en conserve
qu'il passait à chaque fois, peu importe ce que les intervenants avaient
dit. Dans ce vidéoclip, il y avait toujours un passage qui durait
à peu près cinq minutes dans lequel le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
député de Jean-Talon, nous expliquait à quel point le mot
"rôle" était plus fort que le mot "engagement" dans la clause de
reconnaissance de la société distincte.
Cela, c'est le paragraphe 3 de l'entente qui en parle. Et je vais vous
situer dans le contexte. Dans l'accord du lac Meech, on disait le Parlement du
Canada et les législatures des provinces prennent l'engagement de
protéger la caractéristique fondamentale qui est
mentionnée au paragraphe (1) a). Cela, c'est la dualité
canadienne.
Au paragraphe (3), c'est la législature et le gouvernement du
Québec qui ont le rôle de protéger et de promouvoir le
caractère distinct du Québec visé à l'alinéa
précédent. Et le ministre délégué aux
Affaires intergouvernementales canadiennes nous expliquait et expliquait
à la population, aux intervenants à quel point prendre un
engagement c'était, pour lui, inférieur à devoir exercer
un rôle. C'était son vidéoclip. (17 h 40)
II s'en va à Ottawa. Il revient d'Ottawa et lisez l'accord
constitutionnel. Je pense que vous auriez avantage à le lire, de temps
en temps. Ce qu'il dit dans la clause de reconnaissance de la
société distincte, c'est qu'il n'y a plus d'engagement. On
emploie le même mot dans l'accord pour définir l'obligation de la
Législature québécoise de protéger la
caractéristique fondamentale, c'est-à-dire la dualité
canadienne, le bilinguisme, en quelque sorte, ici au Québec, et le
caractère distinct. Quant à moi, je vais vous dire que je me
méfie des gens qui ne sont pas capables de dire clairement ce qu'ils
pensent et de garder une cohérence dans ce qu'ils disent.
Dans ce sens, vous avez à peu près tous en 1980, sauf
exception - j'en reconnais certains députés libéraux qui
ont milité pour le oui au référendum... En grande
majorité, ces gens ont tous participé à cette immense
fumisterie qu'a constitué la campagne du non au
référendum, campagne dans laquelle on a expliqué aux
Québécois qu'un non, ça voulait dire un oui. Là,
aujourd'hui, j'écoute les quelques-uns et les quelques-unes qui prennent
la parole et ils nous disent: Oui, quant à moi, je vais vous dire...
J'écoute, à part cela, quand vous faites des
références au contenu et j'ai comme l'impression que ça
veut dire non.
Quand le leader du gouvernement s'est levé en Chambre la semaine
dernière pour invoquer l'urgence que nous débattions en fin de
session à toute vapeur, dans un débat restreint de 35 heures, la
résolution constitutionnelle qui, par ailleurs, est extrêmement
importante pour l'avenir du Québec, je me méfie du leader du
gouvernement parce que de l'urgence, dans ce dossier, il sait fort bien qu'il
n'y en a pas, qu'il n'y a aucune raison urgente pour que nous étudiions
actuellement la résolution constitutionnelle.
Je me méfie du premier ministre. Je me méfie de ses
acolytes qui essaient de nous passer sur le corps, une résolution
constitutionnelle sans mandat, ai-je besoin de vous le rappeler? J'entendais
encore le député qui me précédait tantôt dire
qu'ils
avaient obtenu, durant la dernière élection, un mandat
pour régler la constitution. Non, ce n'était pas cela à la
dernière campagne électorale. Je ne vous dirai pas ce que
c'était à la dernière campagne électorale. Cela va
vous faire hurler que je vous redise ce que les candidats et
députés libéraux ont répété dans tout
le Québec à la dernière élection, mais la
dernière des choses dont vous avez parlé c'était la
constitution. La première, c'était la parité de l'aide
sociale aux jeunes, qui n'existe toujours pas. La deuxième des choses
dont vous avez parlé, c'est la pension aux femmes au foyer. On ne verra
jamais la couleur de cette promesse farfelue, irréalisable et, dans
certains cas, trompeuse à l'égard de la population.
M. le Président, il existe cinq conditions que le gouvernement
libéral a déposées avant d'aller négocier. Je me
souviens encore du ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes qui disait, deux jours avant la rencontre du
lac Meech: On s'en va juste voir ce qu'il y a là, avec ses cinq
conditions. Je me dis: S'il va juste voir, ce n'est pas trop pire. Il
dépose, en deux mots, quelques miettes de revendications et il s'en va
voir comment les autres réagissent. S'il se fait lancer la vaisselle
qu'il y a dans le petit chalet du lac Meech, bien il va ressortir.
Le problème, c'est qu'au lac Meech, il y a des gens,
particulièrement en Ontario, qui étaient intéressés
à régler le dossier constitutionnel. Le Québec est
resté là avec ses cinq conditions. La semaine dernière,
j'ai eu l'occasion de faire le tour des cinq conditions: Cour suprême; il
n'y a pas de quoi quand même commencer à crier victoire sur la
consécration d'une pratique qui existait déjà depuis 1875.
Immigration; c'est la consécration d'une entente qui existait depuis une
dizaine d'années, il n'y a pas de quoi écrire à sa
mère. Droit de veto sur les institutions et sur des changements aux
compétences des provinces, le ministre des Finances, qui a une longue
expérience en cette Chambre, qui me fait le plaisir de participer
à nos débats aujourd'hui, sait fort bien que ces droits de veto
sur l'entrée de nouvelles provinces au Canada ou sur des modifications
aux compétences des provinces ou de celles du gouvernement central, cela
se produit une fois par 35 ans à peu près. Il reste deux
conditions: le pouvoir de dépenser et la clause sur la
société distincte, deux éléments objectivement
d'importance. Voyons voir ce que le Québec a ramené sur ces deux
éléments.
Premièrement, en ce qui concerne la clause sur la reconnaissance
de la société distincte, je ne sais pas si vous avez vu le chef
du Parti libéral fédéral, John Turner, à la
télévision en fin de semaine, qui a enlevé sa veste pour
expliquer à ses délégués à quel point il n'y
avait rien là. Je vais reprendre à peu près textuellement
ses paroles: "What this agreement does, it only states that Québec is a
distinct society." C'est John Turner, en fin de semaine - on a pu le voir sur
nos petits écrans - qui le disait; tout ce que cette clause fait, c'est
de reconnaître que le Québec est une société
distincte sans pouvoir distinct, sans droit distinct et sans aucun
privilège distinct. Je ne sais pas, mais s'il y a... Au Québec,
on est distinct, bien sûr, on est 6 000 000 parmi les 250 000 000 qui
parlent anglais. Si j'ai 256 personnes qui sont devant moi et qu'il y en a 6
qui sont distinctes, si je leur dis: Écoutez, vous êtes
distinctes, cela les avance gros! Ce dont elles ont besoin, c'est de pouvoirs
distincts afin de pouvoir s'émanciper, progresser, prendre leur place et
pouvoir s'affirmer. Il me semble que c'est simple. Il ne suffit pas que je
dise, si j'ai quatre enfants et qu'il y en a un qui est handicapé chez
nous ou, peu importe, qu'il a une caractéristique distincte, il ne
suffit pas que je lui dise: Tu es distinct et le problème est
réglé. Bien nonï Le Québec est distinct au sein de la
fédération canadienne, ce qui veut dire que le Québec
devrait avoir des pouvoirs distincts.
Or, encore une fois, je le répète parce que,
malheureusement, pour avoir la preuve de cela, il faudra dix ans et c'est la
Cour suprême qui va venir nous le dire, soit que la clause sur la
société distincte ne vaut pas plus que ce qu'il y a là.
Comme un expert disait en commission parlementaire: cette clause-là,
c'est mieux que rien, c'est peut-être quelque chose, mais avant de savoir
si ce sera quelque chose, il faut attendre un jugement de la Cour
suprême, qui va venir dans dix ans. Pourquoi? Cette clause-là est
peut-être plus que rien, peut-être quelque chose, mais dont on ne
connaît pas encore la nature, l'étendue et la portée. Elle
ne pourra jamais être bien élevée à cause de la
clause de sauvegarde qui a été ajoutée, parce que c'est
une règle interprétative. Ce n'est pas du droit substantif, c'est
une règle interprétative à deux volets. Le premier volet,
je le répète, parce que c'est cela que les députés
libéraux vont endosser par leur vote massif, autoritaire, que nous
prendrons demain, au terme de ce débat réduit de 35 heures. C'est
que le Parlement du Canada et les Législatures des provinces - est-ce
qu'on vous a dit au caucus que cela inclut l'Assemblée nationale du
Québec? - ont le rôle de protéger la caractéristique
fondamentale du Canada visée à l'alinéa (l)a).
L'alinéa (l)a), je vais le relire: "la reconnaissance de ce que
l'existence de Canadiens d'expression française, concentrés au
Québec mais présents aussi dans le reste du pays, et de Canadiens
d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais aussi
présents au Québec, constitue une caractéristique
fondamentale du Canada." Ce
que nous demandons aux députés de cette Chambre, c'est
d'approuver le fait que l'Assemblée nationale du Québec ait le
rôle de défendre et de protéger l'aspect de dualité
du Canada, donc son caractère bilingue. (17 h 50)
Est-ce qu'on est conscient que ce premier volet d'interprétation
de la clause sur la société distincte constitue des menottes que
nous mettons aux poings des élus du peuple, maintenant et pour les
décennies futures, et qui les empêcheront probablement d'adopter
des lois ou de prendre des décisions qui pourraient permettre
l'émancipation du peuple québécois? C'est le premier
volet.
Le deuxième volet, c'est évidement le râle pour le
Québec de promouvoir le caractère distinct du Québec
visé à l'alinéa (l)b). Donc, une règle
d'interprétation à deux volets. C'est cela la clause sur la
société distincte. Je me souviens fort bien de certains juristes
payés par le gouvernement libéral, payés par le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
qui sont venus en commission parlementaire nous dire: Écoutez, avec le
caractère distinct, on va pouvoir tout faire, on va pouvoir tout
invoquer devant les tribunaux sur chacune de nos lois. Je ne nommerai pas ce
juriste-là en particulier auquel je pense, mais qui est allé
aussi loin, peut-être parce qu'il avait été bien
payé, que de dire cette énormité, soit que cette miniscule
clause lui permettait de tout plaider devant les tribunaux au profit du
Québec. Incroyable!
La différence entre l'accord du lac Meech et l'accord intervenu
à Ottawa, c'est qu'une autre clause a été ajoutée.
Cette autre clause se lit comme suit... On en parle de la constitution. Moi, je
me méfie; j'aime mieux revenir aux textes et j'aime mieux me fier aux
experts, comme, en particulier, Me Henri Brun et Me José Woehrling qui a
écrit un texte fantastique dans La Presse la semaine
dernière.
J'aime mieux me fier aux experts et me fier aux textes, plutôt que
de me fier au gouvernement libéral. Le paragraphe (4) de la clause de
reconnaissance de la société distincte, soi-disant la clause de
sauvegarde, le premier ministre a eu le front de revenir d'Ottawa en nous
disant qu'il venait d'obtenir une clause qui protégeait le
caractère français du Québec, alors que la clause de
sauvegarde...
On va la lire. "Le présent article n'a pas pour effet de
déroger - on reviendra sur le mot déroger plus tard - aux
pouvoirs, droits ou privilèges du Parlement ou du gouvernement du Canada
ou des Législatures ou des gouvernements des provinces, y compris
à leurs pouvoirs, droits et privilèges en matière de
langue."
Ce que cela veut dire, la clause qui fait glousser le premier ministre,
c'est qu'il n'y a rien là-dedans qui ne pourra permettre la
dérogation au partage des pouvoirs tels que déjà
définis dans la constitution autant au profit du Parlement canadien
qu'au profit des Législatures et, donc, de cette Assemblée
nationale.
Comment, avec un minimum d'honnêteté intellectuelle, le
premier ministre - il a arrêté de le dire depuis trois, quatre ou
cinq jours - dans les jours qui ont suivi l'accord d'Ottawa a-t-il pu clamer
triomphe et clamer que cette clause protégeait le caractère
français du Québec, alors que c'est une clause qui sauvegarde le
statu quo sur le plan constitutionnel, parce qu'elle protège le partage
des pouvoirs à jamais?
C'est cela qu'on retrouve dans ce paragraphe (4) que je viens de vous
lire, M. le Président. Il ne s'agit pas de faire des discours qui
dureraient six heures; il s'agit de lire le texte. Là-dessus, je
voudrais attirer l'attention du gouvernement libéral, puisque
j'espère toujours que les amendements qui vont venir des autres
provinces vont peut-être permettre d'éclairer ceux qui veulent
être aveugles, ici, au Québec, ceux qui refusent une consultation
de la population, ceux qui refusent une consultation des experts.
Je voudrais attirer leur attention sur la version française de
l'accord d'Ottawa et la version anglaise par rapport à la clause de
sauvegarde, clause de sauvegarde, encore une fois, du pouvoir constitutionnel.
Ce nouveau paragraphe dit que la clause de la société distincte
ne doit pas non plus déroger - c'est en français - aux pouvoirs
du Québec. Si on entend le mot "déroger" dans son sens
français, cela signifie que la clause de société distincte
n'est susceptible d'engendrer aucun accroissement de pouvoirs pour le
Québec. Le mot "déroger", en langue française, renvoie
autant à une augmentation qu'à une diminution. Par contre, si le
mot "déroger" a le sens de sa version anglaise, du mot anglais
utilisé, soit "derogate", le paragraphe (4) pourrait, à ce
moment-là, permettre que la clause de société distincte
ouvre à une possible augmentation des pouvoirs qui n'affecteraient pas
le partage des pouvoirs, car en langue anglaise le mot "derogate" renvoie
à une diminution et non pas à une augmentation.
La question de savoir si la clause de la société distincte
pourrait permettre que l'affichage français soit jugé
constitutionnel, malgré la liberté d'expression dans la charte,
passe donc, dans un premier temps par le sens qu'il faut donner au mot
"déroger" par rapport à sa version anglaise "derogate" ou, c'est
peut-être au sens qu'il faut donner à "derogate" par rapport
à la version française "déroger". Je ne sais pas quelle
version a été écrite la première. J'ai comme
l'intuition que les fonctionnaires fédéraux, qui
étaient
les maîtres d'oeuvre de la rédaction de cet accord, ont
d'abord rédigé en anglais. J'attire l'attention du ministre sur
cela.
M. le Président, il me reste à peine deux minutes pour
signaler, en terminant, à quel point je trouve paresseux pour le
gouvernement de ne pas vouloir procéder à une simple audition de
l'opinion de la population sur cet accord constitutionnel. Les discours des
députés libéraux ont tous un trente minutes
d'émotions dans lequel on dit: Quel moment historique! Quelle importance
pour le Québec et toutes les générations à venir
que cette entrée dans la confédération. Si c'est vrai ce
que vous dites, pourquoi ne pas consulter, écouter et peut-être
expliquer à la population que votre accord se tient debout? Si c'est si
vrai que cela, allez le dire à la population et ouvrez les portes du
Salon bleu à la population. Auriez-vous peur que votre oui, en
réalité, soit un autre non, puisque vous avez habitué la
population du Québec à un éternel double langage, à
une éternelle confusion. Est-ce que vous aimez mieux garder la
population du Québec dans l'obscurité et la confusion?
Des voix: Hou!
Le Vice-Président: Un instant!
Des voix: ...
Le Vice-Président: Un instant! Je ne voudrais pas que cela
se termine dans un tel chahut. M. le député de Taillon, je vous
rappelle à l'ordre pour une raison. À l'article 35.4 de notre
règlement, vous ne devez pas vous adresser directement aux
députés. Si le règlement prévoit cela, c'est pour
ne pas avoir la réaction qui vous revient aussi vite, comme c'est le cas
présentement. Donc, je demande la collaboration des
députés et je vous cède la parole pour la fin de votre
intervention.
M. Filion: Écoutez, M. le Président. C'est vrai
qu'ils se sentent visés, et ils ont peut-être raison. Tous ceux
qui vont voter pour demain, à 15 heures, ont peut-être raison de
se sentir visés.
Une voix: ...
M. Filion: Et, M. le Président, je termine en disant
ceci...
Le Vice-Président: Un instant! J'ai une question de
règlement. Sur un rappel au règlement, M. le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, question de règlement,
très brièvement, parce qu'il nous vise. Je veux simplement dire:
Vous devriez vous adresser aux vrais indépendantistes, M.
Rhéaume...
Le Vice-Président: M. le député de
Sainte-Anne, s'il vous plaît! Je vous rappelle à l'ordre. M. le
député de Taillon, votre conclusion.
M. Filion: Je n'ai interrompu personne en cette Assemblée
et ce n'est pas mon habitude.
Le Vice-Président: Allez-y!
M. Filion: Qu'on me laisse terminer, M. le Président.
Qu'on respecte le droit de parole même de ceux qui sont moins
nombreux.
Des voix: Ah! Ah!
Une voix: En conclusion, M. le député de
Taillon.
M. Filion: En conclusion, M. le Président, je dis ceci au
gouvernement. On ne peut pas poser un geste de cette importance, de cette
nature, de la façon dont ils le font, sans payer un prix
élevé, un prix regrettable, parce que ce genre de forcing
politique n'est pas de mise dans un dossier de l'importance du dossier
constitutionnel. Cela, je saurai le rappeler en temps et lieu. Dans mon cas, en
terminant, M. le Président, et dans le cas de l'Opposition, on vous l'a
dit clairement, c'est non à l'accord constitutionnel et notre non, nous
autres, il veut dire un non. Merci.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour
suspendre les travaux de 18 heures jusqu'à 19 heures, contrairement
à la règle habituelle. Je dois vous dire qu'il y a une entente
entre les partis pour reprendre les travaux dès 19 heures, ce soir.
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement à
cette motion de dérogation à notre règlement concernant la
suspension des travaux à l'heure du souper qui durera une heure et non
pas jusqu'à 20 heures?
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: II y a donc consentement. Cette motion
étant adoptée, l'Assemblée nationale suspend ses travaux
qui reprendront à 19 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 19 h 2)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, c'est moi qui ai suspendu
les travaux à 18 heures. Vous me permettrez de céder mon droit de
parole au ministre de la Justice.
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, Mme la Présidente. L'accord du lac Meech
et le projet d'amendement constitutionnel qui en résulte constituent
l'aboutissement et la concrétisation d'un long processus de
négociation visant à redonner au Québec la place qui lui
revient dans la Fédération canadienne. Les modifications sur
lesquelles se sont entendus les onze premiers ministres canadiens
répondent à nombre de préoccupations séculaires des
divers gouvernements québécois qui se sont succédé
depuis au moins un demi-siècle. Qui plus est cette révision des
textes constitutionnels que l'on s'apprête à entériner
consacre le rôle prépondérant des provinces au sein de la
Fédération canadienne et s'inscrit dans l'esprit d'un
fédéralisme véritable, conforme à la vision des
Pères de la confédération.
Il fut un temps où l'autonomie des provinces était plus
apparente que réelle et, n'eût été des interventions
répétées du comité judiciaire du Conseil
privé, il y a fort à parier que les visées
centralisatrices de certains auraient fini par dénaturer l'esprit de
l'entente intervenue en 1867. Aussi, ne faut-il pas se surprendre de cette mise
en garde formulée par Lord Watson en 1892, et qu'il aura l'occasion de
réitérer à de nombreuses reprises et je cite: "Le but de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'était pas de fusionner
les provinces en une seule ni de subordonner les gouvernements provinciaux
à une autorité centrale, mais de créer un gouvernement
fédéral dans lequel elles seraient toutes
représentées et auquel sera confiée de façon
exclusive l'administration des affaires dans lesquelles elles avaient un
intérêt commun, chaque province conservant son indépendance
et son autonomie." Fin de la citation qu'on peut trouver dans le Liquidateur de
la Banque maritime du Canada contre le Receveur général du
Nouveau-Brunswick, 1892, Appeal Cases, pages 437, 442, 443.
Cette période est maintenant révolue. Non pas que les
velléités de centralisation se soient estompées au fil des
années, bien au contraire. Mais le consensus qui s'est
dégagé au cours des récentes années en faveur d'un
fédéralisme coopératif et d'une plus grande participation
des provinces, doublé d'une volonté bien arrêtée de
la part du Québec de bien marquer sa spécificité, ne
pouvait rester lettre morte au niveau des textes juridiques et reposer
uniquement sur l'interprétation judiciaire et sur la bonne
volonté administrative, avec tous les flottements que cela
supposerait.
La loi fondamentale d'un pays doit refléter ces changements, qui
ne sont, tout compte fait, que le parachèvement du texte original de
1867 et l'accomplissement de la vision du pays qu'en avaient ses fondateurs.
C'est précisément ce qu'a accompli l'accord constitutionnel du 3
juin 1987. En modifiant pour la première fois la constitution dans le
sens d'un affermissement des compétences provinciales, cet accord
imprime au fédéralisme canadien une dynamique nouvelle dont on
n'a pas fini de mesurer les répercussions au delà même des
résultats concrets et immédiats qu'il renferme.
Le texte de l'accord constitutionnel de 1987 représente pour le
Québec un gain majeur et répond non seulement aux conditions
mises de l'avant par ce gouvernement pour adhérer à la
constitution canadienne, mais également à la plupart des
revendications exprimées par les administrations antérieures
depuis au moins cinquante ans.
Il va de soi que l'on ne saurait trop insister, dans un premier temps,
sur la consécration constitutionnelle du caractère distinct de la
société québécoise. Si le caractère distinct
du Québec n'a jamais fait l'ombre d'un doute sur le plan sociologique et
peut même se déduire de la lecture de la Loi constitutionnelle de
1867 - qu'il suffise de penser, entre autres, au bijuridisme qui transpire des
articles 94 et 98 portant sur l'uniformisation du droit et sur le choix des
juges siégeant dans les cours du Québec, ainsi qu'à la
spécificité des institutions politiques québécoises
mises en place par les articles 71 à 80 - il demeure qu'elle n'avait
jamais fait l'objet d'une reconnaissance explicite et solennelle. En
enchâssant cette caractéristique dans le texte môme de la
Loi constitutionnelle de 1867, l'on s'assure que toute la constitution
canadienne devra être interprétée de façon à
prendre acte de cette réalité. Nous obtenons ainsi l'assurance
que ce caractère distinct transcende l'ensemble des textes
constitutionnels, comme l'ont revendiqué à divers titres tous les
premiers ministres québécois depuis au moins un
demi-siècle. (19 h 10)
Non seulement le Québec a-t-il obtenu cette assurance minimale,
mais aussi a-t-il obtenu que la constitution lui reconnaisse le rôle
essentiel de protéger et de promouvoir sa spécificité. Ce
rôle, l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec
pourront
l'exercer relativement à toutes les matières formant ce
caractère distinct, et cela, dans tous les secteurs d'activité.
Désormais, le Québec possède les outils consitutionnels
nécessaires pour s'assurer du maintien et du développement de ses
caractéristiques essentielles dans le respect des droits de l'ensemble
des citoyens de la province.
En outre, le Québec a obtenu une protection additionelle par le
biais de l'introduction d'une clause de sauvegarde contenue au paragraphe (4)
de l'article 2. Essentiellement, cette clause assure au Québec une
protection constitutionnelle de ses pouvoirs actuels en matière
linguistique.
De plus, tel que rédigée, cette clause permet non
seulement de protéger nos acquis en cette matière mais
également d'assurer que le rôle du Québec de promouvoir sa
spécificité en favorisant l'affirmation de son caractère
français demeure.
À ce premier volet de l'entente, se greffent quatre autres
modifications substantielles qui constituent autant de reconnaissances
implicites du caractère distinct de la société
québécoise. On songe ici, en particulier, à l'immigration.
Sujet de compétence concurrente en vertu de l'article 95 de la Loi
constitutionnelle de 1867, l'immigration n'en constituait pas moins une
responsabilité prioritairement fédérale jusqu'à ce
jour, ne serait-ce qu'à cause de la préséance qu'accordait
le texte constitutionnel aux lois fédérales en cas de conflit
avec les mesures adoptées par les provinces.
 ce chapitre, les gains obtenus par le Québec, dans
l'accord du 3 juin 1987, sont, de l'avis de tous, majeurs. On reconnaît
d'abord, pour la première fois, la possibilité pour les
provinces, à leur demande, de négocier avec le gouvernement
fédéral des accords adaptés à leurs besoins
particuliers, ces accords pouvant par la suite être
constitutionnalisés.
Il s'agit là d'une nouvelle forme de délégation de
pouvoirs que la jurisprudence classique des tribunaux canadiens ne semblait pas
autoriser comme en fait foi l'arrêt Procureur général de la
Nouvelle-Écosse contre le Procureur général du Canada,
1951, rapport de la Cour suprême à la page 31.
Or, pour le Québec, cette nouvelle avenue se concrétisera
à très court terme puisque le texte de l'accord prévoit
l'obligation pour le gouvernement fédéral de conclure une telle
entente avec le Québec dans les meilleurs délais. Dans la
foulée des ententes intérieures Québec-Canada conclues en
1971, (Long-CIoutier), 1975, (Andras-Bienvenue) et 1978 (Cullen-Couture) en
matière d'immigration, cette entente confirmera de façon non
équivoque le droit de regard exclusif du gouvernement
québécois sur la sélection des immigrants étrangers
dans le cadre, bien entendu, des objectifs nationaux en matière
d'immigration et garantira au Québec sa juste part des immigrants
canadiens.
En outre, des pouvoirs législatifs exclusifs seront
conférés à l'Assemblée nationale en ce qui concerne
la réception et l'intégration des immigrants à la
société québécoise. De plus, afin de confirmer le
rôle de maître d'oeuvre du Québec en cette matière,
l'entente mettra fin au dédoublement des services en prévoyant le
retrait des fonctionnaires fédéraux lorsque leurs homologues
provinciaux remplissent déjà les mêmes fonctions. Tout cela
répond à des exigences maintes fois formulées pour assurer
au gouvernement du Québec un contrôle réel sur
l'arrivée des nouveaux immigrants.
L'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser en
matière provinciale répond également aux objections
traditionnelles du Québec et vient substantiellement réduire la
menace que faisait constamment planer l'exercice de cette compétence
innommmée, mais combien réelle sur les compétences
provinciales. Fondé sur les compétences fédérales
en matière de taxation, l'article 91, paragraphe (3) et de
propriété publique, article 91 paragraphe (l)a), et sur l'emploi
que peut faire le Parlement au fonds du revenu consolidé, ce pouvoir a
été confirmé par la jurisprudence - entre autres, dans
l'affaire Angers contre le ministre du Revenu national, 1957, rapports de la
Cour de l'échiquier, à la page 83 - et la marge du gouvernement
central en cette matière était très grande.
Jumelée à un partage des compétences fiscales
très favorable au gouvernement central, l'utilisation du pouvoir de
dépenser a permis en de nombreuses occasions aux autorités
fédérales d'empiéter sur nos compétences
provinciales exclusives.
Le Québec s'est tout particulièrement opposé
à l'instauration de programmes en vertu desquels le gouvernement
fédéral décide des priorités et oblige pour ainsi
dire les provinces à participer au financement de ces priorités
fédérales, et pour cause. Des études ont
démontré que plus du tiers des budgets provinciaux était
absorbé par de tels programmes, alors même que les Parlements
provinciaux n'ont, en principe, aucun droit de regard sur le choix de ces
priorités et sur les moyens de les mettre en oeuvre.
La modification constitutionnelle sur ce point viendra donc combler un
vide important et aura l'avantage de garantir aux provinces un droit de retrait
accompagné d'une compensation financière lorsqu'un programme ou
une mesure provinciale compatible avec les objectifs nationaux est
appliquée. Qui plus est, cette modification aura pour effet de
créer une nouvelle dynamique dans les relations
fédérales-provinciales, puisque le pouvoir central devrait
désormais compter avec le droit de retrait lorsqu'il établira de
nouveaux programmes. Ceci ne peut que
favoriser une plus grande concertation et une meilleure harmonisation
des objectifs poursuivis par les deux paliers de gouvernement, dans le respect
des compétences provinciales.
La participation du Québec à la nomination des juges
à la Cour suprême du Canada représente une autre victoire
majeure et fait suite aux revendications souvent répétées
des divers gouvernements de cette province. Il faut se réjouir de la
constitutionnalisation du plus haut tribunal d'un pays et de l'obligation pour
le gouvernement fédéral d'y nommer trois juges
québécois. Non seulement cette initiative aura-t-elle pour effet
de mettre un terme à l'ambiguïté qui entourait le statut
juridique de cette institution vitale créée par simple loi
fédérale en 1875, mais elle aura également l'avantage de
garantir au Québec une présence permanente au sein de la plus
haute instance judiciaire du pays. (19 h 20)
Mais, c'est au chapitre de la nomination des juges que l'entente innove
vraiment, puisqu'elle prévoit une participation active des provinces
dans le processus de sélection des juges. Seuls des avocats, membres du
Barreau du Québec et qui ont été proposés par le
gouvernement québécois, pourront dorénavant combler les
vacances causées par le départ de l'un des trois juges en
provenance du Québec. Cette modification reconnaît pour
l'essentiel une demande québécoise formulée dès
1970 à Victoria et consacre véritablement la dualité
canadienne et le bijuridisme au sein de la plus haute instance judiciaire du
pays.
Un même effet de collaboration et de concentration
prévaudra en ce qui concerne les nominations au Sénat et ce, tant
que la constitution ne sera pas formellement amendée à cet
égard. Il est intéressant de souligner que, dès 1887, les
premiers ministres provinciaux revendiquaient le pouvoir de nommer la
moitié des membres du Sénat. Cent ans plus tard, les provinces
ont obtenu beaucoup plus puisque l'entente leur permettra de soumettre une
liste pour la nomination de tous les sénateurs. Encore une fois, les
provinces marquent des points importants en vue d'une, participation plus
adéquate aux décisions de la Chambre haute.
Enfin, s'il est un aspect de la loi fondamentale du pays qui peut avoir
des répercussions à long terme, c'est bien la formule par
laquelle on modifie la constitution. Obstacle majeur à toutes les
tentatives de rapatriement de la constitution canadienne depuis 1967, la
formule d'amendement méritait à juste titre la plus grande
attention. La, formule proposée dans l'accord du 3 juin, largement
inspirée de celle que l'on avait retenue à Victoria, en 1970,
redonne au Québec le droit de veto qu'on lui avait toujours reconnu
jusqu'en 1982.
Dans un premier temps, on élargit à toutes les
compétences provinciales - et non plus seulement à
l'éducation et aux autres domaines culturels - le droit des provinces
d'exiger une juste compensation financière et ce, si la
Législature de l'une ou de plusieurs d'entre elles décide
d'exercer le droit de retrait que lui accorde déjà la Loi
constitutionnelle de 1982 et de ne pas souscrire au transfert d'une de ces
compétences en faveur du Parlement fédéral.
Il s'agit là, sans aucun doute, d'une amélioration
marquée par rapport . à la situation qui prévalait depuis
1867, et même depuis 1982, et qui ne peut que favoriser la poursuite des
intérêts du Québec dans le cadre du régime
fédéral canadien. En accordant une compensation financière
dans tous les domaines de compétence provinciale, c'est le droit de
retrait lui-même que l'on consolide et, avec lui, la possibilité
pour le Québec d'épouser une vision du fédéralisme
qui pourrait différer de celle des autres provinces.
Par ailleurs, le projet d'amendement constitutionnel
généralise le droit de veto que prévoyait
déjà, à certains égards, la Loi constitutionnelle
de 1982 pour l'étendre à toutes les modifications ayant pour
effet de porter atteinte à la reine et à ses
représentants, à la Chambre des communes, au Sénat et
à la Cour suprême. C'est ainsi que le Québec jouira d'un
droit de veto dans l'hypothèse où l'on voudrait modifier les
pouvoirs du Sénat, le mode de sélection des sénateurs, le
nombre des sénateurs représentant le Québec, et la Cour
suprême du Canada, toutes matières auxquelles on pouvait apporter
des amendements sans l'accord du Québec depuis 1982. Ce droit de veto du
Québec pour tout ce qui touche les institutions fédérales,
joint au droit de retrait avec compensation financière eu égard
à tout transfert de compétence législative provinciale,
assure au Québec une sécurité maximale tout en maintenant
suffisamment de flexibilité pour lui permettre d'évoluer avec des
coudées franches.
Il va sans dire que les modifications sur lesquelles se sont entendus
les premiers ministres, à l'initiative du Québec, ne
résolvent pas toutes les difficultés et ne mettent pas un terme
à toutes les interrogations. Elles n'en représentent pas moins
une victoire majeure pour le Québec et lui permettent de
réintégrer la Fédération canadienne en assumant le
rôle qui lui revient. En accédant à toutes les conditions
mises de l'avant par le gouvernement et en reconnaissant formellement le
rôle particulier qu'est appelé à jouer le Québec au
sein de la Fédération canadienne, l'accord constitutionnel du 3
juin 1987 marque un jalon historique dans le développement de
notre société et de ses institutions et fait droit aux
réclamations historiques de toutes les administrations
antérieures depuis au moins 50 ans. L'émergence d'un tel
consensus parmi les partenaires ' de la Fédération canadienne
n'est pas monnaie courante, comme en fait foi la trame tourmentée des
négociations constitutionnelles, et il importe pour cette
Assemblée d'entériner le projet de résolution qui lui est
proposé. Merci, Mme la Présidente.
Des voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice et
député de D'Arcy-McGee. Mme la députée de
Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Deux fois,
M. le député. J'ai cette chance - je ne dirais pas ce bonheur
mais cette chance - de pouvoir intervenir deux fois. Je pense que...
J'espère encore être capable de vous convaincre de cette
nécessaire position que vous devriez prendre, à savoir que vous
devriez retarder cette signature, retarder l'accord, ici, à
l'Assemblée nationale, prendre le temps de poser des questions au peuple
du Québec, faire le tour du Québec avec une commission
itinérante et puis demander aux gens ce qu'ils en pensent. Si,
éventuellement, le jugement du peuple québécois est
positif, eh bien on aura fait notre travail jusqu'au bout.
La raison pour laquelle j'interviens une deuxième fois, c'est
justement pour cette raison, Mme la Présidente. Dans cette
deuxième intervention, je vais traiter seulement de la
société distincte. Mes collègues, qui auront à
intervenir tout à l'heure, pourront à leur tour discourir sur
d'autres parties de l'entente constitutionnelle. Pour ma part, Mme la
Présidente, si vous permettez, j'interviendrai seulement sur la
société distincte. Je pense, comme beaucoup de gens ici au
Québec, que le gouvernement a crié victoire peut-être un
peu trop vite avec cette société distincte.
Ce concept de société distincte inscrit dans la
constitution, sans qu'on en spécifie le contenu ou les balises
m'apparaît un grand danger. Un grand danger, en ce sens, que cela
pourrait porter à interprétation et serait sûrement sujet
à interprétation devant les tribunaux. Il me semble important de
rediscuter avec les gens du gouvernement pour essayer de leur faire comprendre
à quel point cet accord ou cette signature est grave pour tout le peuple
du Québec pour ce que nous serons demain, et pour les aider à en
prendre conscience. Par mon humble intervention, je veux pouvoir leur dire
à quel point c'est important de voir toutes les avenues possibles et
essayer de prendre une décision sage et compréhensible pour tout
le peuple qu'on représente. (19 h 30)
Comme je le disais dans mon autre intervention, Mme la
Présidente, il est très dangeureux de signer un chèque en
blanc, puisqu'on n'a plus aucun pouvoir sur les allées et venues de ce
chèque s'il y a la signature au bas avant d'être capable de savoir
ce que cela pourra comporter de problèmes ou de situations aberrantes
pour le peuple du Québec. Quand on parle de société
distincte, Mme la Présidente, on parle de ce que nous avons reçu
en tant que legs de nos parents: notre culture, notre langue qui est la langue
française.
Vous savez, lors de la commission parlementaire qui s'est tenue, ici,
à l'Assemblée nationale où des personnes sont venues
discuter avec les membres de cette commission - malheureusement je
n'étais pas membre de cette commission, je n'ai pas pu suivre tous les
débats, mais, par contre, des collègues y étaient, des
collègues des deux côtés, et ils ont entendu tous et chacun
les mêmes interventions - je pense qu'il y a eu des interventions qui
auraient dû ébranler davantage les gens du pouvoir parce que, en
premier lieu, Mme la Présidente, quand on parle de la
société distincte, il faut absolument y incture le
français. C'est d'ailleurs ce que sont venus nous dire plusieurs experts
à la commission parlementaire, dont un - plus d'un, mais un entre autres
- qui était attendu de façon extraordinaire par les gens au
pouvoir, puisque c'est eux qui l'avaient convoqué. Les experts
étaient Léon Dion, Fernand Dumont, Jacques-Yvan Morin et Daniel
Turp qui, d'un commun accord, demandaient d'ajouter au projet d'accord
constitutionnel une clause précisant les responsabilités du
gouvernement du Québec en matière linguistique.
Qu'est-il arrivé, Mme la Présidente? Ils se sont
heurtés à un mur. Un mur de surdité. Un mur
d'incompréhension parce qu'il n'était pas question, semble-t-il,
qu'on ajoute quoi que ce soit à cet accord constitutionnel, et surtout
pas d'inclure le français. On dit dans cet article du Soleil qui
a paru le 15 mai 1987: "Le professeur Dion, invité par le gouvernement
à témoigner devant la commission parlementaire qui étudie
l'accord du lac Meech, a proposé un amendement dont l'ajout lui
paraît indispensable pour que l'entente soit acceptable." Indispensable,
disait M. Léon Dion qui est un politicologue très renommé.
Son témoignage était le plus attendu de tous, Mme la
Présidente. "M. Dion veut qu'on précise que l'Assemblée
nationale et le gouvernement ont la responsabilité de protéger et
promouvoir le caractère distinct de la société
québécoise. Cette responsabilité inclut
nécessairement la protection et la promotion du français,
composante principale et
essentielle de cette société - qui est la nôtre. La
protection et la promotion des institutions anglophones au Québec seront
soumises à cette priorité principale et essentielle concernant la
langue française, disait-il. Sans pareil amendement, a même dit M.
Dion, le Québec risque fort d'être le dindon de l'entente du lac
Meech."
Le premier ministre et son ministre responsable, le député
de Jean-Talon, ont écarté du revers de la main tout amendement
qui aurait pour effet de définir la société distincte que
forme le Québec, de crainte de restreindre du même coup le
concept. Mais je ne pense pas et je ne crois pas, comme beaucoup d'autres gens
au Québec, que ce serait nous restreindre ou nous minimiser que
d'inclure le français, la protection du français, à
l'intérieur de cette entente.
Je vous ai mentionné tout à l'heure qu'il y avait M.
Léon Dion qui était un invité très attendu. Il y a
eu aussi M. Jacques-Yvan Morin qui est un homme qui, depuis 25 ans, analyse la
constitution. C'est un constitutionnaliste, et il a trouvé des
pièges raffinés dans l'entente du lac Meech. M. Morin a
été mêlé, comme je le disais tout à l'heure,
à tous les grands débats sur la question depuis 25 ans. Il a
constaté qu'une fois de plus, Ottawa a refusé de débattre
du partage des pouvoirs. Il serait bien étonnant, selon lui, qu'une fois
bien rentré au bercail et bien ficelé - c'est-à-dire,
notre chèque en blanc - le Québec ait le rapport de forces pour
obtenir une réforme en ce sens. L'accord du lac Meech est plein de
pièges. Ce n'est pas moi qui le dis. Je pense que ces hommes, ces
constitutionnalistes, ces politicologues sont beaucoup mieux informés et
beaucoup mieux en mesure de donner une interprétation de ce qui se
discutait à la commission parlementaire.
Il y a aussi M. Fernard Dumont, qui a été interrogé
par le ministre responsable du dossier. Le ministre lui a demandé:
Est-ce que vous seriez satisfait si on ajoutait que le Québec est une
société distincte à cause de sa langue? Il a
répondu: Non, et je vais vous dire pourquoi. La porte, étant
entrouverte, ouvrez-la donc toute grande et allez donc voir ce qu'il y a
derrière. Qu'est-ce que c'est, une société distincte et
sur quoi les citoyens des autres provinces seront-ils d'accord? Quel rapport le
pouvoir de dépenser du fédéral aura-t-il avec la
société distincte? Nous avons besoin de précisions.
Voilà trois hommes fort éminents qui sont venus en commission
parlementaire exprimer au gouvernement libéral, aux membres de la
commission parlementaire, leurs craintes, leurs inquiétudes devant cette
signature précipitée de l'accord du lac Meech.
Mme la Présidente, en plus de cela, l'entente du lac Meech
permettra à la Cour suprême de charcuter davantage les
dispositions de la loi 101. Et celles qui n'ont pas encore été
charcutées pourront l'être avec cet accord du lac Meech.
Je pense que les gens du Québec auraient pu crier victoire tous
ensemble, et non pas uniquement le gouvernement, si nous avions obtenu les
pleins pouvoirs en matière linguistique. Or, ce n'est pas le cas. Ce
n'est pas le cas du tout. La communauté anglophone du Québec le
sait parce qu'elle sort gagnante de cette entente du lac Meech. Le
Québec n'a obtenu aucun pouvoir spécifique pour assurer la
protection et la promotion de la langue française. Au contraire, en
vertu de l'accord du lac Meech, le Québec s'engage à promouvoir
le bilinguisme. Belle victoire pour le Québec!
La Cour suprême continuera de dicter comment la liberté
d'expression prévue à la charte canadienne contrevient aux
articles de la loi 101 et nous n'aurons plus qu'à nous y soumettre.
À cause de quoi? À cause d'une signature
précipitée, à cause du non-vouloir du gouvernement, que
nous avons en face, d'écouter les voix de ces constitutionnalistes et
d'écouter aussi la voix du peuple qui aurait certainement des choses
à dire. Le gouvernement continuera de se soumettre au jugement de la
Cour suprême et de charcuter notre loi 101. Belle victoire! Encore une
fois, une victoire de résignation et une victoire d'abandon. Ce n'est
pa3 une victoire pour sauter de joie. Je pense que c'est une entente
inacceptable et humiliante pour le Québec. Le gouvernement
fédéral sort grand gagnant de cette entente: reconnaissance
formelle, dans la constitution, de son pouvoir de dépenser dans des
secteurs de juridiction provinciale, engagement du Québec de promouvoir
le bilinguisme en renforçant les droits de la communauté
anglophone au Québec.
Mme la Présidente, je vis dans une région où il y a
une association qui s'appelle les Townshippers. Au printemps 1987, les
Townshippers se sont bien rendu compte qu'ils avaient un appui de taille en la
présence du gouvernement du Parti libéral. Ils ont tout de suite
commencé l'offensive. Ils n'ont pas attendu l'accord du lac Meech, ils
ont commencé tout de suite, au printemps, parce qu'ils savaient qu'il y
aurait un appui. Les Townshippers de l'Estrie ont écrit à toutes
les municipalités de notre grande région leur demandant, par voie
de résolution, d'appuyer un affichage bilingue dans l'ensemble des
municipalités de l'Estrie. (19 h 40)
J'ai trouvé qu'ils s'étaient retournés vite sur un
trente sous. Ils s'étaient retournés vite parce qu'ils sont
passés tout de suite à l'offensive. Ils ont demandé aux
municipalités de l'Estrie de les appuyer par voie de résolution.
J'étais décontenancée devant une telle offensive. J'ai
pris position
publiquement dans le journal en disant que c'était une honte de
la part des municipalités d'approuver par voie de résolution une
telle offensive.
Mme la Présidente, je m'excuse, mais même le ministre de la
Justice fait...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais
la collaboration de la Chambre pour pouvoir... S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Je demande la collaboration de la Chambre. Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Mme la Présidente, je vous remercie beaucoup.
J'étais en train de dire que je n'ai pas dérangé le
ministre de la Justice pendant qu'il a fait son intervention. J'espère
qu'il va être assez aimable pour en faire autant pour les gens de
l'Opposition qui ont des choses à dire aussi. Si le ministre veut
s'encenser lui-même et encenser son gouvernement, cela le regarde. Mais
j'espère qu'on a le droit d'intervenir aussi.
Mme la Présidente, j'étais en train de vous dire que les
Townshippers avaient eu une offensive extrêmement importante, et
dès le printemps de cette année, avant même que le premier
ministre nous amène à la commission parlementaire sur l'accord du
lac Meech. Il y a 35 municipalités de l'Estrie qui, par voie de
résolution, ont appuyé les Townshippers. Je pense que ces
municipalités n'ont pas vu le danger juste en face duquel on
était, parce que, si nous sommes des Québécois
francophones, je pense qu'il faut faire attention de ne pas laisser la porte
trop grande ouverte à tout cet affichage bilingue qu'il pourrait y avoir
dans nos régions, dans nos municipalités, parce que cela aussi
nous fait avancer dans le fait qu'on perd notre culture qu'est la langue
française et qu'on s'en vient davantage devant du bilinguisme et qu'on
s'en vient davantage à ce que nos jeunes perdent cette culture qu'est la
belle langue française, qui est notre culture à tous.
L'engagement du Québec de promouvoir le bilinguisme, comme je le
disais tout à l'heure, renforce les droits des communautés
anglophones du Québec au lieu de défendre les droits des
francophones du Québec. II me semble important que les personnes qui
devront autoriser cette signature devraient comprendre aussi l'importance de ce
que sera le Québec de demain en ne prenant pas de précautions sur
la signature de cet accord du lac Meech.
Le gouvernement du Québec ne doit pas signer cette entente car,
s'il la signe à genoux, dans des conditions carrément
inacceptables eu égard aux revendications constitutionnelles qui se sont
faites ici depuis 25 ans, il me semble, Mme la Présidente, que cela
devrait être une espèce d'avis, une lumière rouge qui
s'allumerait devant le gou- vernement du Québec pour lui dire qu'il ne
faudrait pas signer cet accord constitutionnel.
Mme la Présidente, étant native de la région de
l'Estrie et étant une francophone pure laine comme dirait mon
grand-père, je souhaite que le gouvernement que nous avons en face fasse
un effort extrêmement valable et considérable avant de signer cet
accord et qu'on puisse définir enfin ce qu'est la société
distincte et d'inclure comme paramètre la langue française dans
tout ce qui pourra se signer en vue de protéger, non seulement ce qu'on
vit aujourd'hui, mais de protéger nos enfants qui, demain, seront les
dirigeants de cette communauté qui est la nôtre.
J'aimerais bien vous lire quelques alexandrins d'une chanson qui a
été composée par un de nos amis français de France
qui est Yves Duteil et que j'ai trouvée tellement belle que je voudrais
vous en livrer quelques passages. Il dit: "C'est une langue belle, avec des
mots superbes "Qui porte son histoire à travers ses accents "Où
l'on sent la musique et le parfum des herbes "Le fromage de chèvre et le
pain de froment... "Dans cette langue belle aux couleurs de Provence "Où
la saveur des choses est déjà dans les mots "C'est d'abord en
parlant que la fête commence "Et l'on boit des paroles aussi bien que de
l'eau "Les voix ressemblent aux cours des fleuves et des rivières "Elles
répondent aux méandres, au vent dans les roseaux "Parfois
même aux torrents qui charrient du tonnerre "En polissant les pierres sur
le bord des ruisseaux "C'est une langue belle à l'autre bout du monde
"Une bulle de France au nord d'un continent "Sertie dans un étau, mais
pourtant si féconde "Enfermée dans les glaces au sommet d'un
volcan "C'est une langue belle à qui sait la défendre "Elle offre
les trésors de richesses infinies "Les mots qui nous manquaient pour
pouvoir nous comprendre "Et la force qu'il faut pour vivre en harmonie."
Comment ne pouvons-nous pas défendre cette langue qu'on a apprise
sur les genoux de nos parents et qui, nous le souhaitons, pourra être
aussi le bien de nos enfants?
J'espère que le gouvernement du Québec prendra en
considération ce que je viens de dire et ce que nous avons, chacun de
nous, eu à dire sur l'accord du lac Meech et j'espère que ce que
nous aurons dit pourra faire réfléchir. Merci beaucoup.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Johnson. M. le député de Limoilou.
M. Michel Després
M. Després: Mme la Présidente, le 3 juin dernier,
les onze premiers ministres canadiens concluaient à l'unanimité
un accord sur les modifications constitutionnelles propres à assurer la
participation pleine et entière du Québec à
l'évolution constitutionnelle du Canada dans le respect et le principe
de l'égalité de toutes les provinces et ainsi améliorer la
coopération entre elles. Pour l'ensemble des Québécois
comme pour l'ensemble des Canadiens, il s'agit d'un moment historique sans
précédent car jamais, depuis le début du processus de
réforme constitutionnelle déjà amorcé depuis
maintenant 20 ans, n'avait-on assisté à pareille unanimité
et pareil consensus, Mme la Présidente, tant de la part des dirigeants
politiques que de ses citoyens.
Un contexte sociopolitique du Québec qui est mur pour
réintégrer la fédération canadienne avec le nouveau
climat de confiance favorisé par le gouvernement libéral depuis
le 2 décembre 1985. Les Québécois ont repris confiance en
la force du Québec. Après avoir traversé, je dirais, l'une
des plus grandes incertitudes politiques que le Québec ait connues dans
son histoire, le Parti québécois a perdu la confiance des
Québécois justement parce qu'il avait provoqué, à
ce moment, un climat d'affrontement qui, à l'époque, a
ruiné la confiance des Québécois en l'avenir et
suscité la méfiance du reste du Canada.
Le Parti québécois n'a pas su démontrer la
crédibilité nécessaire pour faire progresser le
Québec au plan constitutionnel et c'est ce qu'ont jugé les
Québécois à la dernière élection. Mme la
Présidente, comment voulez-vous que la population du Québec ait
confiance en ces gens eux qui cherchent constamment à se définir
sur la place publique? Une journée, ils se disent séparatistes,
une autre journée, ils se disent souverainistes,
indépendantistes, promotionnistes, affirmationnistes. C'est simple, Mme
la Présidente, 50 % d'entre eux sont perdus et les autres 50 % cherchent
ceux qui sont perdus. (19 h 50)
C'est donc en toute légitimité que le gouvernement
libéral peut s'attribuer une partie importante de ce succès.
Dès les premiers mois de son mandat, il a entrepris les démarches
nécessaires pour convaincre le reste du Canada de l'importance de
réintégrer le Québec à la Fédération
canadienne. Aussi est-il primordial que le Québec conserve son
leadership et démontre concrètement au reste du Canada sa
détermination à agir comme partenaire majeur de la
Fédération canadienne. S'il n'agit pas maintenant, le
Québec risque de laisser passer une conjoncture qui pourrait ne pas se
présenter avant de nombreuses années, voire même avant
plusieurs décennies.
Une constitution qui nous offre quoi, Mme la Présidente? Des
gains sans précédents. L'entente constitutionnelle du 2 juin
n'est peut-être pas parfaite, mais, contrairement à ce
qu'affirment les prophètes péquistes, cette entente comporte des
gains appréciables pour notre province. Tout d'abord, qu'on pense
à cette définition de la société distincte. Pour la
première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct de
la société québécoise en l'inscrivant dans la loi
suprême du pays. L'Assemblée nationale et le gouvernement
québécois se voient confier le rôle de protéger et
de promouvoir ce caractère distinct. Deuxièmement, en
matière d'immigration, le Québec a obtenu des pouvoirs
additionnels majeurs en plus d'une confirmation de pouvoirs déjà
présents dans l'entente Cullen-Couture. Ils nous donneront,
désormais, les moyens d'affronter l'avenir avec confiance et nous
permettront de concevoir et de mettre en application des politiques
migratoires, démographiques, familiales qui assureront la
pérennité du caractère français de la
société québécoise et de son importance au sein de
la Fédération canadienne.
Au chapitre de la Cour suprême, un autre gain majeur vient de
l'adoption de la garantie constitutionnelle qu'au moins trois des neuf juges de
la Cour suprême proviendront du Barreau du Québec. La
participation du Québec à la nomination de ces trois juges est,
en outre, garantie, puisque ceux-ci devront être nommés par Ottawa
parmi une liste de candidats proposés par le gouvernement
québécois.
Ce fameux pouvoir de dépenser, dont parle tant l'accord
constitutionnel, confère maintenant la possibilité au
Québec de refuser des programmes fédéraux de
dépenses sans encourir de pénalités et de sanctions
financières. Ce nouveau droit de retrait avec compensation
financière constitue, quant à nous, un gain inédit. Non
seulement, le Québec retrouvera-t-il sa totale marge de manoeuvre dans
ses champs de compétence, mais le droit au retrait avec compensation
rendra plus concerté l'exercice par le fédéral de son
pouvoir de dépenser. En effet, lorsque le gouvernement
fédéral voudra procéder à la mise sur pied d'un
nouveau programme national, il devra discuter de son contenu, de
ses objectifs et des moyens à prendre avec les provinces, s'il
souhaite que ce programme soit appliqué, partout, dans le pays. Il ne
pourra plus décider unilatéralement de son opportunité et
de ses critères de fonctionnement.
Parlons, maintenant, de la formule d'amendement. Le Québec se
devait de récupérer des droits linguistiques qui,
malheureusement, avaient été perdus. Il a accompli sa mission en
enregistrant deux victoires, quant à nous, essentielles. La
première tient à la reconnaissance du droit de veto
abandonné par cet ancien gouvernement le 16 avril 1981. Par
l'établissement de la règle de l'unanimité pour toute
modification portant sur les questions énumérées à
l'article 42 de la constitution de 1982, le Québec retrouve, en effet,
sa capacité de s'opposer à tout amendement constitutionnel
affectant la structure du fédéralisme canadien et qui va à
l'encontre des intérêts québécois.
Dorénavant, toute modification relative, entre autres, à la
représentation des provinces aux Communes, à la réforme du
Sénat, à la Cour suprême, au rattachement de territoires
aux provinces et à la création de nouvelles provinces ne pourront
intervenir, sans l'assentiment du Québec.
Une deuxième victoire concerne l'élargissement du droit de
veto avec une juste compensation prévue à l'article 40, encore
là de la Loi constitutionnelle de 1982. Le Québec a
négocié et obtenu le droit pour une province d'exercer un droit
de retrait avec juste compensation à l'occasion d'un amendement
constitutionnel qui transfère au fédéral une
compétence provinciale, quel que soit - cela est très important -
le secteur d'activité en cause. Cette généralisation de
l'article 40 de la loi constitutionnelle fournit au Québec, dans tous
les domaines de compétence provinciale, une protection plus grande pour
tous les secteurs relatifs à son caractère distinct. Elle
constitue en outre un gage que le fédéralisme canadien ne pourra
évoluer vers une centralisation des pouvoirs du fédéral
que dans la mesure où les gouvernements et les citoyens qu'ils
représentent le voudront bien.
Mme la Présidente, l'accord du 3 juin dernier met fin, quant
à nous, à l'incertitude. Cet accord constitue une excellente
entente qui s'inscrit parfaitement dans la foulée des revendications
traditionnelles qui ont suivi les différents gouvernements. Il est
l'aboutissement d'un débat qui dure depuis maintenant des
décennies et dont le pour et le contre des divers aspects ont
été largement exposés à la population du
Québec et à celle du Canada.
Nous avons donc en main tous les éléments
nécessaires pour faire collectivement, d'une façon lucide et
éclairée, le choix et nous avons l'intention de faire ce choix
afin de permettre au Québec de passer à d'autres défis
tout aussi importants pour son avenir et pour le mieux-être des citoyens.
Merci, Mme la Présidente.
Une voix: Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Limoilou. M. le député de Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Merci, distingués collègues. Mme la
Présidente, pour la deuxième fois aujourd'hui, j'ai l'occasion
d'intervenir sur cet important dossier qui nous intéresse tous et qui
aura fait que le premier ministre du Québec aura cru bon, à la
fin du mois de juin, de dire à l'Assemblée nationale: On suspend
les règles, on met de côté le menu législatif -
même s'il était maigre, tout de même, il fallait bien passer
à travers - et on demande aux députés de
s'intéresser à la résolution constitutionnelle.
Mme la Présidente, ce matin j'ai eu l'occasion...
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Gauthier: Oui, Mme la Présidente, je vous
suggère de ramener nos amis d'en face à l'ordre; peut-être
que l'écoute leur apportera la sagesse.
J'allais dire que la vérité dans ce dossier vient
malheureusement, puisque nos amis d'en face n'ont pas eu l'air de prendre
constatation de la chose, du Canada anglais. Quand on regarde l'ensemble des
citations qu'il m'a été donné de voir au cours des
dernières semaines, on s'aperçoit que l'entente constitutionnelle
du lac Meech, celle qui a fait l'objet de la résolution d'aujourd'hui,
qu'on travaille aujourd'hui, est considérée et qualifiée
comme étant excellente par tout le monde au Canada anglais. Voyons donc
ensemble et calmement ce que ces gens en pensent et voyons si, dans ces
déclarations, on peut y retrouver notre intérêt à
nous, Québécois de langue anglaise et de langue française.
Voyons si, véritablement, on peut retrouver notre intérêt,
comme peuple québécois, dans ces interprétations de la
résolution constitutionnelle. (20 heures)
La première citation vient du sénateur Murray, ministre
d'État aux Relations fédérales-provinciales, qui a
été l'un des artisans, il faut bien le dire, de cette
résolution constitutionnelle: "La minorité anglophone du
Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant
l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les
onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que
j'appellerais la dualité linguistique de ce pays." C'est le
17 juin, dans un discours au Sénat, que le sénateur
Murray, dans sa déclaration la plus caractéristique de cette
entente, nous parle du caractère de la dualité linguistique de ce
pays. À aucun moment, le sénateur Murray n'a parlé de
protection supplémentaire pour le français. À aucun
moment, il n'a parlé d'un avantage marqué pour les
Québécois francophones à adhérer en quelque sorte
au pacte confédératif. Non, le sénateur Murray nous parle
de consacrer la dualité de ce pays. "L'entente du lac Meech donne pour
la première fois au gouvernement fédéral le droit
constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction
provinciale." Cette déclaration, elle est de M. Ian Scott, procureur
général de l'Ontario et elle a été faite le 20 mai
1987. Les politiciens de l'Ontario, des gens responsables, confirment ce que
les membres de l'Opposition claironnent depuis déjà quelques
jours en cette Chambre. Cette affirmation est d'ailleurs constamment
contredite, réfutée ou rejetée - oh refuse simplement de
l'entendre par les ministériels. Le droit constitutionnel de
dépenser dans des juridictions strictement provinciales, des domaines
qui, normalement, ont toujours fait l'objet, dans quelque province que ce soit,
d'une revendication de tous les politiciens de tout temps, cela prend quelqu'un
de l'Ontario pour venir nous l'affirmer. On l'affirme aussi en cette Chambre.
Et les députés ministériels ne semblent pas
réaliser que c'est la situation telle qu'elle se présente
maintenant. Peut-être leur a-t-on trop monté la tête avec
quelques prétendus avantages dans cet accord pour qu'ils puissent voir
les problèmes réels qu'il pose. Mais il n'est pas encore trop
tard, le débat n'est pas terminé, et je suis persuadé que
d'aucuns d'entre eux sauront réfléchir à la question et
pourront considérer que ce que le procureur général de
l'Ontario affirme, ce que les parlementaires de ce côté de la
Chambre affirment et ce que d'autres affirment a peut-être un fond de
vérité. "Jamais, de mémoire récente, le
Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature
de l'accord constitutionnel de 1982 et son retour dans la
confédération. C'est la parole souventefois citée dans la
langue de Shakespeare par le chef de l'Opposition. Cela vient du Globe and
Mail. "C'est vrai que le plancher sur lequel repose cet accord, le plancher
de négociations qu'on a établi est tellement bas. Pour la
première fois, le Québec sera aussi bas dans ses
revendications".
Que ce soit le sénateur Murray qui parle de la
consécration du caractère linguistique dans ce pays, que ce soit
le procureur général de l'Ontario qui parle de la confirmation
constitutionnelle du pouvoir du fédéral de dépenser dans
des domaines de juridiction provinciale, que ce soit le Globe and Mail,
qui affirme que jamais notre plancher n'a été aussi bas, je pense
que l'ensemble des Québécois ont raison de s'interroger.
L'intérêt des uns, malheureusement, ne coïncide pas toujours
avec l'intérêt des autres. J'imagine que les députés
en cette Chambre auraient avantage à méditer sur ces phrases
cueillies dans les médias d'information anglophones.
Le sénateur Murray, le 5 mai, récidivait: "Ce que j'ai dit
à l'occasion de cette entrevue à l'émission "Question
Period" à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition - on parlait de
la clause de la société distincte - ne va en rien modifier la
répartition des pouvoirs, qu'elle ne vise pas à le faire et que
personne n'a prétendu qu'elle le ferait." Le sénateur Murray,
c'est l'artisan fédéral de cette entente. Je ne sais pas pourquoi
les députés d'en face refusent de constater que l'entente ne fait
pas ce qu'on leur a dit qu'elle ferait. On leur a dit: C'est bon pour le
Québec, cela fait plein de choses, cela nous donne enfin des pouvoirs,
cela détermine des choses pour le Québec, il faut voter pour,
allons-y, vendons-la à tout le monde. Ces déclarations n'ont pas
été faites par des membres du Parti québécois.
Elles n'ont pas été faites par des membres du Mouvement
Québec français ou de la Société
Saint-Jean-Baptiste, elles sont faites par des anglophones à
l'extérieur du Québec, des gens qui croient juste de donner une
interprétation qui est valable, il faut bien le dire, de cette
résolution, de cette entente constitutionnelle. Le Procureur
général de l'Ontario, toujours le 6 mai, disait: "L'accord du lac
Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre
sur pied de nouveaux programmes sociaux. On est là dans un domaine de
juridiction provinciale."
Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la
constitution; maintenant, il le sera et, dans ce sens, cette description
formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa. Le
sénateur Murray est obligé d'expliquer aussi au Sénat,
à Ottawa, dans les milieux anglophones, là où il y a de la
résistance face à cette entente constitutionnelle, qu'il y a des
avantages pour le Canada anglais, qu'il y a des avantages surtout pour le
gouvernement fédéral. Il le dit très bien: "Le pouvoir de
dépenser n'était pas mentionné dans la constitution;
maintenant, il le sera et, dans ce sens, cette description formelle, une
première, est à l'avantage d'Ottawa."
Quand on explique aux députés d'en face que c'est un grave
problème, que c'est là la reconnaissance officielle d'un pouvoir
qui a toujours été contesté par l'ensemble des
gouvernements du Québec, que ce soit des gouvernements libéraux,
des gouvernements unionistes, des gouvernements péquistes, cela a
toujours été dénoncé
comme étant un moyen pour le fédéral d'utiliser ses
ressources aux fins, d'envahir des champs de juridiction qui ne lui
appartiennent pas, il me semble qu'il n'y a pas un député en
cette Chambre, il n'y a pas un parlementaire, à plus forte raison un
membre du cabinet des ministres qui peut rester insensible à cette
possibilité qui est maintenant celle de leurs homologues
fédéraux - on achève de les appeler des homologues
fédéraux, bientôt, ce sera leurs supérieurs
fédéraux - d'envahir des champs de juridiction.
Je vois Mme la ministre des Affaires culturelles qui est dans un domaine
essentiellement vital pour la survie du Québec, de la culture
française sur ce territoire d'Amérique. Mme la ministre des
Affaires culturelles ne verrait certainement pas d'un bon oeil que le
gouvernement fédéral, par son pouvoir de dépenser
maintenant consacré dans la constitution, dans des champs de juridiction
appartenant uniquement aux gouvernements provinciaux, donc au gouvernement du
Québec dans ce cas-ci, puisse intervenir pour autant qu'il donne un
programme national, disons un programme d'intérêt national dans le
domaine culturel, et dise à la ministre des Affaires culturelles: Ou
bien vous embarquez, ou bien, Mme la ministre, vous vous retirez; mais vous
mettez un programme équivalent sur pied, sinon il n'y a pas de
compensation financière. Je suis certain que Mme la ministre des
Affaires culturelles serait peinée de voir que les impôts des
Québécois serviraient à mettre sur pied, dans l'ensemble
des provinces du Canada, des programmes dans le domaine culturel et qu'elle ne
pourrait pas en profiter. Mais je suis certain aussi, la connaissant, que Mme
la ministre des Affaires culturelles serait probablement furieuse de savoir
qu'elle n'a plus le choix maintenant dans son propre ministère, dans son
secteur, de déterminer les priorités d'action du gouvernement,
les marges de manoeuvre financière étant relativement minces.
Comment un ministre du gouvernement du Québec pourra-t-il se garder
l'autonomie décisionnelle dans son secteur, dans la mesure où il
devra se conformer, selon le bon loisir des ministres fédéraux,
à des programmes dits nationaux, à des programmes
généraux, pour lesquels il n'aura pas d'intérêt? Je
suis persuadé, Mme la Présidente, que ce soit la ministre des
Affaires culturelles, le ministre de l'Environnement, le ministre des Affaires
municipales ou d'autres ministres - on ne parlera pas du ministre
délégué à la Privatisation, Mme la
Présidente, il n'a pas son pareil au Canada - mais il viendra, Mme la
Présidente...
Des voix: ...
M. Gauthier: ...à un moment donné, quand on lui
confiera un ministère dans lequel il y aura des juridictions
conflictuelles.
Une voix: II y en a déjà.
M. Gauthier: Effectivement, dans la question des valeurs
mobilières dont il est responsable, il connatt ce secteur
d'activité. Il connatt actuellement des problèmes avec le
gouvernement fédéral dans toute la question de la
réglementation et de l'harmonisation du fonctionnement des institutions
financières. (20 h 10)
Mme la Présidente, est-ce que ce ministre, cette ministre ou
d'autres personnes ici dans cette salle qui ont des responsabilités
ministérielles trouvent normal, valorisant et acceptable la signature
d'un document, l'adoption d'une résolution par cette Assemblée
nationale sans que le débat ne se fasse véritablement. Les
premiers au Canada s'empresseront de mettre leur signature, leur vote, leur
appui, leur poids politique, la confiance que les gens ont en ces élus,
tout cela pour diminuer en quelque sorte leur rôle, leur importance et
leurs responsabilités.
C'est à n'y rien comprendre. Je ne comprends pas qu'un
député de cette Assemblée nationale, pire, un membre du
Conseil des ministres, souhaite diminuer sa capacité d'intervenir. Je ne
comprends pas qu'on puisse vouloir, dans ce Parlement, être, en quelque
sorte, des deuxièmes classes face aux députés
fédéraux et face aux ministres fédéraux dont le
pouvoir de dépenser ouvrira une panoplie de moyens d'intervenir
directement dans la gestion courante des provinces du Canada. Je ne comprends
pas qu'une ministre ou qu'un ministre de ce gouvernement ou qu'un
député accepte qu'on le banalise au point où un ministre -
je le disais ce matin - de l'Île-du-Prince-Édouard ou du
Nouveau-Brunswick ait, en quelque sorte, la même autonomie d'intervention
face au gouvernement fédéral que le ministre du Québec
aura.
Je ne comprends pas qu'on puisse accepter qu'une province comme
l'Île-du-Prince-Édouard, je le disais ce matin, de la grosseur des
villes de Jonquière et de Chicoutimi ensemble, puisse avoir un statut
équivalent à ce que le Québec aura dans la
Confédération canadienne, le Québec qui est la terre, la
patrie d'une des deux nations fondatrices de ce pays. C'est impossible, Mme la
Présidente, que des gens ne puissent pas réaliser que si
l'intérêt du Canada anglais ou des politiciens
fédéraux est à ce point marqué et marquant dans
leurs propos face à la situation dans laquelle on se trouve, ça
puisse être en même temps et de façon aussi évidente
pour la majorité
ministérielle, l'intérêt du Québec.
Le Procureur général de l'Ontario qui continuait sa
citation, disait - je me permettrai d'en citer encore un bout pour convaincre
nos voisins d'en face. Il serait important qu'ils se réveillent avant
que le vote ne se prenne là-dessus, qu'ils en parlent à leur
premier ministre qui, peut-être, par un objectif politique secret,
caché, essaie de leur en passer une petite vite. Peut-être
auront-ils le goût de poser les questions demain au caucus de la
formation ministérielle. Donc, le Procureur général de
l'Ontario disait: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du
gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux
programmes."
C'est clair, c'est évident et c'est ce contre quoi l'ensemble des
politiciens du Québec, les hommes et les femmes politiques du
Québec se sont toujours battus, aussi loin que je puisse me souvenir et
bien plus loin encore si je me réfère aux livres d'histoire. "Ce
sont les tribunaux qui définiront le concept de la société
distincte du Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra
largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des
circonstances." C'est David Peterson, premier ministre de l'Ontario qui, dans
le Globe and Mail du 16 mai 1987, faisait cette déclaration. "Ce
sont les tribunaux qui définiront le concept de la société
distincte du Québec." Je regrette mais c'est plus fort, à mon
point de vue, cette déclaration du premier ministre de l'Ontario qui a
été une partie prenante à la négociation du texte
qui a donné lieu à la résolution qui est devant nous.
Probablement que M. Peterson connaît mieux son affaire,
malgré que je respecte tous mes collègues d'en face, que
l'ensemble des gens qui sont en face de nous. Il n'a pas d'intérêt
politique au Québec, M. Peterson.
Essayer de nous faire croire que c'est un bon "deal" pour les
Québécois que cette affairel H a été de ceux qui
ont donné des tapes dans le dos de M. Bourassa au lac Meech. Ah oui!
Parce que cela faisait son affaire. M. Peterson l'a dit: La
société distincte du Québec, les tribunaux
l'interpréteront. L'impact de cette reconnaissance dépendra
largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des
circonstances.
Mme la Présidente, qu'on cesse de nous faire croire, dans cette
Chambre, que le Québec a gagné sur le plan de la distinction de
sa société dans l'accord du lac Meech. Qu'on cesse donc de nous
endormir avec des discours qui n'ont d'autres fondements que la
répétition du charabia politique du chef du gouvernement,
actuellement. Mme la Présidente, tout le monde à
l'extérieur du Québec trouve que c'est un bien bon "deal" pour le
Canada anglais. Tout le monde à l'extérieur du ' Québec
trouve que le Québec n'a jamais demandé si peu pour faire partie
de la constitution canadienne. Tout le monde, à l'extérieur du
Québec, explique à ses électeurs, à ses commettants
que, dans le fond, il n'y a rien là comme pouvoir pour le Québec.
Et les gens du Québec, les experts constitutionnalistes du
Québec, les sociologues, les spécialistes, ceux qui se sont
intéressés à cette question, qui sont venus en commission
parlementaire, à de très rares exceptions près, ont tous
déclaré que c'était dangereux de signer quelque chose qui
n'avait pas plus de substance pour le Québec, de signer un texte dans
lequel il n'y a pas de garantie formelle pour le Québec. Et s'il y a des
garanties - je sais qu'il y a des gens en face qui vont prendre la parole, dans
quelques instants - qu'on nous indique clairement sur quelles opinions
juridiques sérieuses s'appuient ces affirmations qu'on nous livre depuis
un certain nombre de jours, depuis un certain nombre d'heures, dans cette
Chambre.
Mme la Présidente, je vous dirai simplement qu'il y a
également une deuxième ronde de négociations qui est
prévue et cela m'inquiète parce que, dans la première
ronde, on s'est fait organiser. Les Québécois se sont fait passer
un lac Meech! Les Québécois se sont fait passer une petite vite
par l'ensemble des premiers ministres du Canada. Les déclarations et les
citations que je faisais tout à l'heure le démontrent largement.
On parle de Pierre Trudeau. Parlons-en donc de Pierre Trudeau! M. le
député de Frontenac, si cela peut vous intéresser, je vais
vous en parler.
Pierre Trudeau, cet homme dont la conception du Canada est tellement
centralisatrice, archaïque et déconnectée de la
réalité. C'est ce même Pierre Trudeau de Cité
libre, on s'en souviendra, qui a toujours traité le Québec et
les Québécois comme une bourgade et les membres d'une bourgade,
des gens qui ne sont pas capables ou qui n'ont pas intérêt
à s'élever au niveau de la nation dans le sens où lui
l'entend. Cet esprit supérieur, déconnecté de la
réalité, a tellement fait pour le Canada qu'aujourd'hui,
même après quatre ans ou trois ans et quelques mois de
règne conservateur, il n'y a plus personne au Canada qui
s'intéresse au Parti libéral fédéral ou, du moins,
à ceux qui sont encore marqués du règne de Pierre Elliott
Trudeau. Parlons-en de Pierre Elliott Trudeau! C'est celui qui, en 1980, vous a
menti, vous a bernés et vous a emberlificotés, ce qui vous a
amenés à vous faire jouer comme l'ensemble des
Québécois et à croire qu'il se passerait effectivement des
choses au Canada. Sauf qu'on s'est aperçu de ce qui s'était
passé. On s'est aperçu que, maintenant, le Québec est
affaibli par la résolution constitutionnelle. Le Québec, à
qui on avait promis un statut particulier, à qui on avait promis plus
de
pouvoirs, le Québec qui devait essentiellement avoir confiance
dans ce politicien francophone de Montréal - et les
Québécois ont tendance à se rattacher aux gens de chez
eux, surtout quand ils sont à Ottawa et qu'ils ont l'air de mener
quelque chose - le Québec, dis-je, s'est fait berner par Pierre Trudeau.
À telle enseigne que, même aujourd'hui, allez en parler à
John Turner, allez en parler aux politiciens libéraux, vos grands
frères, vos maîtres peut-être, vos patrons possiblement,
allez leur en parler et demandez-leur comment ils essaient de se distinguer de
ce personnage d'une autre époque, de toute façon, et qui n'a pas
encore compris que son temps était fait. (20 h 20)
Des voix: D'accord. On est d'accord.
M. Gauthier: Je suis heureux de voir que le Parti libéral
provincial, par la bouche de son leader adjoint, est d'accord avec ces propos
que j'entretiens au sujet de l'ancien premier ministre. Il n'est pas seul
d'ailleurs, les autres libéraux fédéraux sont tout aussi
d'accord. Cet homme, qui avait une conception centralisatrice du Canada n'avait
qu'un objectif: celui d'exercer ce pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral. Dans son machiavélisme, il avait conçu un
plan destiné à affaiblir, à banaliser le Québec et
ce plan aura été complété de façon beaucoup
plus habile, il faut le dire, mais complété exactement dans la
même direction par Brian Mulroney.
Mme la Présidente, Pierre Elliott Trudeau, dans son
machiavélisme, est en train d'essayer de nous faire croire maintenant
que c'est impensable que l'entente du lac Meech puisse donner au Québec
autant de pouvoir. La seule chose qu'on n'a pas dite, c'est qu'il est seul au
Canada actuellement à avoir le pas, avec quelques politiciens
d'extrême droite qui croient que le Canada sera affaibli dans une telle
entente. La plupart des politiciens actuels croient, et à juste titre,
que le Québec sortira affaibli dans un Canada plus uni. Pour Pierre
Trudeau, ce n'est pas encore assez, mais je ne suis pas sûr que son jeu
ne consiste pas simplement à démontrer, en prenant
l'extrême droite, que l'entente constitutionnelle, bof! ce n'est
peut-être pas si pire. Trudeau trouve que cela n'a pas de bon sens pour
le Canada. Le Parti québécois trouve que cela n'a pas de bon sens
pour le Québec. Peut-être bien qu'entre les deux il y aurait
quelque chose d'intéressant.
Pierre Elliott Trudeau est assez machiavélique pour avoir
capitalisé sur une telle façon de concevoir les choses de la part
de l'électorat moyen, mais il faudra bien constater qu'outre cette note
discordante de ce politicien dépassé, l'ensemble des politiciens
actuels du Canada est d'accord pour dire que c'est un bien bon "deal" pour le
Canada. Si c'est un bien bon "deal" pour le Canada, je ne suis pas sûr
que ce soit un si bon "deal" que cela pour le Québec.
Mme la Présidente, le premier ministre du Québec
malheureusement a cédé des choses... Vous me dites qu'il me reste
cinq minutes, Mme la Présidente. C'est effrayant. J'en aurais pour des
heures à parler de cette entente constitutionnelle.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Gauthier: Je suis certain que j'obtiendrais le consentement de
l'autre côté, Mme la Présidente, parce qu'ils
s'intéressent à ce qu'on dit.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Gauthier: C'est peut-être la première fois qu'on
leur parle aussi franchement de ce qui doit être dit. C'est
peut-être la première fois que nos collègues d'en face ont
la chance...
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Gauthier: ...de se confronter aux déclarations des
politiciens d'autres coins du pays.
La Vice-Présidente: À l'ordre!
M. Gauthier: C'est peut-être la première fois qu'on
leur fait réaliser les pouvoirs que le Québec aura perdus, que ce
soit en consacrant le pouvoir de dépenser du fédéral, que
ce soit en n'obtenant pas sur le plan linguistique le pouvoir de
légiférer comme cela devrait être à
l'intérieur du Québec, à l'Assemblée nationale du
Québec.
Mme la Présidente, c'est peut-être la première fois
qu'on leur dit que, sur le plan juridique, l'entente constitutionnelle, la
résolution qu'on nous propose n'offre aucune garantie de protection de
notre droit. C'est peut-être la première fois qu'on leur dit que
le "deal" du lac Meech n'est peut-être pas le "deal" du siècle
pour les Québécois, mais c'est probablement le "deal" du
siècle pour tous ceux et celles - je voudrais bien qu'ils se fassent
connaître - qui ont le goût, qui ont envie de renier ce que les
politiciens qui les ont précédés au Québec depuis
plus de 50 ans ont toujours fait, en ravalant le Québec, en le
rabaissant au niveau de l'Île-du-Prince-Édouard, au niveau du
Nouveau-Brunswick, au niveau de la Nouvelle-Écosse.
Mme la Présidente, mes propos font mal à certains
députés dans cette salle. Je sais...
La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le
député de Roberval. Je demanderais la collaboration de la
Chambre. J'ai reconnu le
député de Roberval et j'aimerais, si vous avez quelque
chose à dire, que vous intervenez par la suite. M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Je sais que ce que
je dis blesse le député de Vanier parce qu'il est blessé
dans son orgueil, car, il ne croyait pas qu'on l'avait embarqué dans un
tel débat. On ne le lui avait jamais dit. On lui avait fait croire que
c'était un "deal" pour le Québec. On ne lui avait jamais dit que
tout le monde au Canada, excepté lui, pensait que c'était un bon
"deal" pour le Canada anglais et que le Québec, malgré son
histoire, malgré les gouvernements de Johnson, de Lesage, malgré
les gouvernements de Duplessis et de Taschereau, on ne lui avait jamais dit que
c'était un des premiers politiciens depuis aussi longtemps, plus
longtemps qu'il n'existe, que jamais aucun politicien au Québec n'aurait
accepté une pareille situation.
Aujourd'hui, il s'apprête à mettre son vote en bas d'une
résolution pour laquelle on a refusé aux Québécois
un véritable débat. N'oubliez pas, messieurs, que nous serons la
première Assemblée législative - puisque vous aimez ce
terme - à adopter la résolution constitutionnelle, nous qui
sommes les grands perdants dans cette résolution, parce que le
débat risque - oui, mesdames, vous pouvez applaudir - de faire en sorte
que les Québécois s'aperçoivent de la duperie et votre
premier ministre avait le goût d'adopter cela vite au mois de juin, qu'on
n'en parlerait plus et qu'au Québec ce ne serait pas trop dommageable
sur le plan des sondages. Mais, c'est triste, Mme la Présidente, c'est
très triste. Ce débat est très triste. Le résultat,
la conséquence de ce débat est encore plus triste. On aura
signé la capitulation de centaines d'années de lutte du peuple
québécois. Vous nous aurez banalisés, mais un jour vous
paierez pour. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Roberval. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: En vertu de l'article 213. Mme la Présidente,
si le député de Roberval voulait me le permettre, j'aimerais lui
poser une question.
La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213, vous savez,
M. le leader adjoint du gouvernement, qu'il faut le consentement du
député concerné. M. le député de Roberval,
consentez-vous une question?
M. Gauthier: Mme la Présidente, si le député
de Frontenac avait écouté, probablement que tout a
été dit dans ce débat et probablement qu'il n'aurait pas
de question à poser. Mme la Présidente, je suis disponible pour
répondre au député de Frontenac, à toutes les
questions qui l'intéresseront, je peux lui fournir la documentation
qu'on ne lui a pas fournie à son caucus.
La Vice-Présidente: D'accord. Avant de reconnaître
la question, j'aimerais aviser cette Chambre que la question et la
réponse doivent être très courtes. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: II a dit non.
M. Gauthier: Mme la Présidente...
M. Lefebvre: Mme la Présidente... M. le
député...
M. Gauthier: ...je veux simplement dire...
La Vice-Présidente: Un instant.
M. Lefebvre: C'est une question très simple.
M. Gauthier: Est-ce que je peux répondre?
La Vice-Présidente: Oui, oui. Je reconnais le
député de Roberval.
M. Gauthier: Mme la Présidente, pour que vous, le
député de Frontenac et les députés là-bas
qui n'ont pas eu l'air de comprendre entendent bien. J'ai simplement dit au
député de Frontenac...
Des voix: Oui ou non.
M. Gauthier: J'ai dit au député de Frontenac que
s'il avait bien écouté il n'aurait pas de question à
poser. S'il veut m'en poser, je suis disponible, derrière le
trône. Même je lui fournirai la documentation.
La Vice-Présidente: Bon. Là-dessus, j'ai cru
comprendre qu'il n'y avait pas de permission. Donc, pas de question. M. le
député de Vanier, sur une question de règlement?
M. Lemieux: Question de règlement, Mme la
Présidente. Comme le député de Roberval ne veut pas
répondre à une question du député de Frontenac,
voudrait-il bien répondre à une question du député
de Vanier, en vertu de l'article 213 du règlement?
La Vice-Présidente: M. le député de
Roberval, sans commentaire. Oui ou non.
M. Gauthier: Mme la Présidente, c'est
sans intérêt, une question du député de
Vanier.
La Vice-Présidente: Bon, d'accord, pas de question.
Oui.
Mme Juneau: Mme la Présidente, question de
règlement.
Il a été défini au début des discussions sur
l'accord du lac Meech qu'il y avait 35 heures de débat. Si on passe
notre temps à se lever d'un bord et l'autre...
Une voix: C'est la meilleure celle-là.
La Vice-Présidente: Là-dessus j'oserais dire,
madame, que les questions de règlement sont toujours pertinentes
à un débat et que ce n'était pas une question de
règlement. Là-dessus, je suis prête à
reconnaître Mme la ministre des Affaires culturelles. Mme la
ministre.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Mme la Présidente, en entendant le
député de Roberval, j'ai l'impression que la population doit
être fière de s'être débarrassée de cet
État-spectacle que nous avons connu dans les années
passées. Comme il l'a fait par le passé, le gouvernement
libéral a assumé ses responsabilités en vue
d'adhérer de façon définitive à l'accord
constitutionnel, à partir d'une démarche qui a fait en sorte
qu'une entente favorable au Québec intervienne et ce, après
maints soubresauts survenus dans un dossier aussi complexe que celui des
relations fédérales-provinciales. (20 h 30)
De fait, il est important de saisir la trame qui se profilait tout au
cours des dernières années, avant d'en arriver à un tel
dénouement et, surtout, avant d'illustrer aussi la
spécificité culturelle qui va bien au delà de la question
linguistique. Dans le cadre des discussions constitutionnelles, le gouvernement
québécois a adopté une approche résolument
positive. En vertu de celle-ci, il s'agit pour les intervenants canadiens et
provinciaux de trouver une solution viable afin que le Québec puisse
réintégrer l'accord constitutionnel.
On comprend mieux ainsi l'issue de l'entente intervenue le 30 avril
dernier à la lumière de l'évolution du
fédéralisme canadien. Historiquement, les principales forces
politiques se percevaient à partir de l'idée qu'on se faisait du
fédéralisme centralisé, comparativement à un autre
plus décentralisé. En vertu du fédéralisme
centralisé, on sait que le gouvernement central détiendrait la
plupart des grands leviers économiques, culturels et politiques. Et si
ce concept paraît clair et simple, il comporte néanmoins le
désavantage d'entacher la souveraineté des provinces dans leurs
juridictions. Leur identité respective s'en trouverait
altérée en plus d'être peu évolutive.
On comprend, dès lors, que le Québec a toujours
préféré une formule moins rigide comme celui du
fédéralisme coopératif, fédéralisme aussi
décentralisé, de manière que soit reconnu son
caractère distinct. C'est précisément le sens et la
portée de la dernière entente constitutionnelle à laquelle
a adhéré le Québec en y associant cinq conditions
fondamentales qui correspondaient à ses aspirations. En somme, on a
assisté à une sorte de retour aux sources du fait que tous les
intervenants voulaient en arriver à assurer l'unité du pays.
Certes, l'environnement politique qui prévalait à la naissance de
la Fédération canadienne a bien changé, mais le cadre
global est demeuré.
On se souviendra qu'en 1867, le concept de centralisation qui animait
les Pères de la confédération s'est vite estompé
dans la pratique. Les tensions ethniques et religieuses qui déchiraient
le pays ont rendu son unification difficile, et particulièrement entre
les années 1873 et 1896. En cours d'histoire sont venus s'ajouter
d'autres enjeux qui ont milité en faveur d'un fédéralisme
de plus en plus décentralisé. Des rapports difficiles entre
communautés linguistiques, entre groupes d'affaires, ont fait en sorte
que les Canadiens se sont progressivement identifiés à leur
État provincial. Toutefois, l'essentiel demeure en ce que personne ne
désire remettre en cause l'unité du pays. Au regard de la
dernière entente constitutionnelle, on peut d'ores et déjà
affirmer qu'elle représente davantage qu'une simple symbolique. En
effet, toute la constitution devra dorénavant être
interprétée en fonction de cette reconnaissance du Québec
comme étant une société distincte.
Je ne crois pas me tromper en affirmant que l'Opposition ait saisi
l'idée que le fédéralisme canadien pourrait évoluer
sans être dissous. Leur échec de 1980 transcende encore leurs
débats internes. Elle demeure incapable de renouer ses liens avec les
groupes idéologiques de notre société et assurer une
relance. Je soulignerai également que la question linguistique
constituait une composante importante, mais non exclusive, dans le cadre des
récentes discussions.
Par delà cette question essentielle pour la survie et
l'épanouissement de notre communauté francophone s'est
tissée une toile culturelle qui a caractérisé et aussi
délimité notre spécificité, un mode de
pensée, une façon de vivre et de se comprendre entre nous et
entre communautés autres que francophone qui ont façonné
des liens sociaux, culturels et économiques dans une diversité
québécoise. Dans cet environnement, une large place était
accordée aux droits individuels et aussi aux droits
collectifs. Que ce soit sur le strict plan culturel ou dans un cadre
politique plus général, le gouvernement du Québec a cru
qu'une entente constitutionnelle était devenue fondamentalement
nécessaire pour le peuple québécois à ce stade de
l'histoire des relations fédérales-provinciales.
Cette entente constitue une chance historique qui se traduit en un
engagement, de la part des différentes Législatures provinciales,
d'agir. Oui, d'agir dans les meilleurs délais afin qu'elle soit
définitivement acceptée dans l'ensemble du Canada. Comme le
disait récemment le premier ministre du Québec: II n'y a pas de
doute que le Québec soit le grand gagnant de cette opération
constitutionnelle. En effet, la constitution renaîtra pour la
première fois en 120 ans d'histoire, l'histoire du Québec comme
société distincte sera enfin reconnue. Elle assurera aussi au
Québec les moyens de préserver, mais aussi de promouvoir son
caractère distinct. Elle lui donnera également une assise
constitutionnelle du fait français au Québec, en plus de lui
procurer une sécurité nécessaire pour le
développement de notre société.
Sur le strict plan culturel, la conclusion de cette entente
constitutionnelle constitue un gain appréciable. En effet, le
Québec poursuivra ses objectifs de protection et de promotion de sa
distinction à travers sa façon de vivre, à travers sa
façon de créer, de propager sa culture. La marge de manoeuvre du
Québec en ce domaine sera encore mieux déterminée par le
biais de ses programmes d'aide technique ou financière et son
réseau d'institutions.
En abordant le thème constitutionnel, on ne peut esquiver l'autre
débat qui en découle, soit celui du rôle de l'État
à l'égard de la culture au Québec. Je vous rappelle, en
outre, que les gouvernements libéraux qui se sont succédé
ont sans cesse insisté sur l'idée de souveraineté en
matière culturelle. C'est d'ailleurs à partir d'un tel principe
que se comprend l'évolution du rôle de l'État depuis les 25
dernières années en matière culturelle, et ce, dans tous
les secteurs d'activité; que ce soit la danse, la musique, l'art
dramatique et l'art d'interprétation, la littérature,
l'équipement culturel, l'aide au milieu artistique et j'en passe.
Conséquemment, on se souviendra que, jusqu'aux années
1959, l'État n'a pas été complètement absent du
domaine culturel, mais ses actions restaient dépourvues d'envergure et
de plan d'ensemble. Aucun ministère n'avait pour tâche de
coordonner et d'orienter les actions gouvernementales en matière
culturelle. Ce n'est qu'au début des années soixante que la
culture est devenue une affaire publique où l'État se sentait
justifié d'intervenir progressivement dans ces champs d'activité.
Aux efforts de l'État québécois s'ajoutèrent ceux
des autres ordres de gouvernement, soit ceux des municipalités, du
gouvernement canadien, lesquels ont contribué à augmenter l'aide
accordée au milieu artistique et, dès lors, on percevait bien que
le Québec désirait affirmer sa distinction; affirmer sa
distinction, oui, par le biais de ses politiques et de la prolifération
de ses programmes d'aide. Les efforts gouvernementaux ont fait en sorte que,
dorénavant, le milieu culturel pouvait compter sur l'appui d'un agent
d'intervention majeur en ce que l'État prenait de plus en plus de place
dans un domaine où l'on réclamait qu'il alloue des ressources
financières et techniques. Le danger d'une telle intervention
résidait dans cette propension des gouvernements à politiser la
culture québécoise, une attitude que condamna avec raison le
milieu culturel et artistique.
Aujourd'hui, cette société distincte maintenant reconnue
dans la constitution ne fait que vivre sa maturité. En d'autres termes,
ce que le Québec a vécu de façon informelle, il peut
maintenant l'assumer pleinement de façon formelle. Pourtant, cette marge
de manoeuvre n'a rien à voir avec une quelconque forme cachée de
souveraineté-association comme se sont plu à le commenter
certains observateurs de la scène politique. Quand on y pense bien, Mme
la Présidente, le Québec a réclamé rien de moins
que sa souveraineté culturelle pour laquelle il a lutté pendant
des années. (20 h 40)
Donc, à partir de cette entente, il reviendra à
l'Assemblée nationale de promouvoir la spécificité du
Québec dans le domaine culturel comme dans les autres activités.
La population québécoise peut compter sur l'efficacité du
gouvernement libéral. A l'heure des bilans, nous saurons d'ailleurs
prouver une telle affirmation en ce que le milieu artistique et culturel aura
bénéficié d'une orientation et de mesures
planifiées en fonction de ce que la société peut leur
offrir. Le milieu artistique aura pris la place qui lui revient, de
façon légitime.
En regard du dossier linguistique, le Québec a également
obtenu des gains substantiels. En effet, comme le précisait le premier
ministre du Québec, les clauses de sécurité juridique
ajoutées à l'article sur la société distincte pour
mettre les pouvoirs actuels du Québec en matière linguistique
à l'abri des interprétations des tribunaux corespondent mieux
à notre distinction. En effet, en vertu de cette entente, les premiers
ministres se sont dits prêts à accepter que l'article de la
constitution sur le Québec, société distincte, soit
précisé par une référence à la langue
française comme trait de spécificité. Voilà un gain
majeur et concret par rapport à la performance de l'ancien gouvernement
qui, en 1981, a laissé
échapper le droit de veto qui était
considéré comme un acquis pour le Québec. En d'autres
termes, la nouvelle entente inscrit en toutes lettres que les pouvoirs de
l'Assemblée nationale demeurent intacts pour tout ce qui touche la
protection et la promotion de la société distincte. Le
Québec aura donc réussi à faire en sorte de
réintégrer avec fierté les rangs du Canada et de
réorienter la dynamique constitutionnelle dans un sens favorable aux
intérêts du pays et ce, en fonction des intérêts du
Québec. Voilà l'essentiel, voilà aussi la raison de
l'appui d'une majorité de la population québécoise
à cette entente constitutionnelle.
Comme le titrait Le Devoir, les 26 et 27 mai dernier, cette
entente constitue un pas en avant que le gouvernement du Québec devait
franchir et qui marque, dans l'histoire des relations
fédérale-provinciales, une ouverture et un épanouissement
du peuple francophone et de la société québécoise.
Le Québec pourra, dès lors, affirmer sa spécificité
à travers sa culture et ce, en exerçant les pouvoirs qui lui sont
propres et exclusifs. Les interventions du gouvernement canadien continueront
d'offrir des gains appréciables pour le milieu culturel, mais devront
aussi s'inscrire dans les priorités du Québec.
Enfin, la récente entente constitutionnelle comporte des
avantages pour le Québec sur le plan culturel, avantages incluant le
domaine linguistique, mais, pardessus tout, s'établiront dans ce pays de
nouveaux rapports, une nouvelle dynamique dans les relations
fédérale-provinciales. En consacrant le caractère distinct
du Québec à l'heure où d'autres débats reprendront
leur cours, il devenait essentiel que le Québec réintègre
les rangs du simple fait que l'ensemble de la population
québécoise a confiance au fédéralisme canadien,
qu'on le qualifie de coopératif ou de décentralisé. Les
gains nets en faveur du Québec furent concrets, en dépit des
discussions parfois difficiles, dans certains secteurs d'activité.
Par ailleurs, jamais le Québec n'a remis en cause notre
système politique. Historiquement, la discussion portait davantage sur
le degré de coopération auquel le Québec accepterait
d'adhérer librement et fièrement à quelque texte
constitutionnel qui lui serait soumis. Avec la récente entente, ce
degré de coopération est désormais plus clair. Telle me
semble être la logique et aussi la cohérence de la démarche
du gouvernement québécois dans le dossier constitutionnel. En
bout de piste, le Québec n'a ni renié, ni altéré
l'essentiel des revendications traditionnelles en matière
constitutionnelle. Bien au contraire, le gouvernement du Québec a fait
reconnaître des principes de base plutôt que d'y aller à la
pièce, une démarche qui identifie beaucoup mieux le contenu de
nos droits légitimes en matière culturelle, économique ou
politique.
En somme, le reste du Canada a obtenu réponse à la
question "What does Québec want?" Les autres premiers ministres savent
maintenant que le Québec a toujours voulu adhérer à la
constitution, mais pas à n'importe quel prix, au point d'en sacrifier
des pans de juridiction qu'il lui était essentiel de conserver, sinon
d'augmenter. En outre, la démarche du gouvernement
québécois s'est inspirée du plus grand respect de ses
autres partenaires canadiens, démarche qui ne l'a pas
empêché de demeurer ferme sur l'ensemble de ses revendications,
une démarche marquée par l'absence de toute menace qui met en
cause l'unité politique du pays et au cours de laquelle l'aspect
théâtral des déclarations fracassantes a cédé
le pas à la logique et au pragmatisme.
La population québécoise est d'ailleurs confiante qu'une
telle dynamique de discussion se renouvelle dans un débat tout aussi
crucial que celui du libre-échange. Comme on le sait, le Québec
devra demeurer vigilant pour s'assurer que sa position sur la question du
libre-échange, par rapport au volet culturel, soit bien
étayée et aussi soit bien comprise de l'ensemble de ses
partenaires pour mener ce dossier à bon port. L'enjeu sera de taille et
la carte de la société distincte devra, là aussi,
être jouée de façon optimale pour bien faire comprendre
à tous les interlocuteurs en cause qu'en aucun temps l'identité
québécoise ne doit être menacée à la suite de
la signature d'une telle entente.
Voilà, Mme la Présidente, l'essentiel de la
démarche du gouvernement québécois qui croit en l'avenir
du Canada et qui croit aussi à l'épanouissement d'un
Québec distinct au sein d'un fédéralisme
coopératif. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires
culturelles et vice-première ministre.
M. le député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. Une des
premières questions qu'on doit se poser, c'est: Est-ce que le
gouvernement libéral, le gouvernement actuellement au pouvoir, a
été élu pour adhérer à la constitution
canadienne à n'importe quel prix?
Des voix: Oui. Des voix: Non.
M. Dufour: Est-ce que, vraiment, ce gouvernement a mis, durant la
campagne électorale, les cartes sur table...
Une voix: Oui.
M. Dufour: ...pour négocier, discuter avec l'ensemble de
la population?
Une voix: Jamais!
M. Dufour: Contrairement à ce qui se dit, je
réponds: Non, le gouvernement actuel n'a pas été
élu pour régler le problème de la constitution. Il a fait
le débat à l'intérieur du parti, parmi ses membres, en
catimini, en petits groupes très restreints. Cela n'a pas
été l'objet de la campagne électorale qui a donné
lieu à l'élection du 2 décembre 1985. Le gouvernement en
face de nous n'a pas été élu en fonction de l'entente qui
pourrait mener à la ratification d'un accord avec le gouvernement
canadien. Donc, c'est un débat très important.
Si c'est vrai, comme le prétendent les députés d'en
face, qu'ils ont été élus pour mettre en place ou pour
régler la constitution canadienne, il faudrait peut-être remettre
en question un certain nombre d'éléments, un certain nombre de
promesses électorales qui ont été reniées, mises de
côté et foulées aux pieds. Je pense que c'est la question
qu'il faudrait se poser. Un gouvernement ne peut pas être pour une chose
et être contre une autre. Il faudrait qu'il soit cohérent et
logique dans l'ensemble de ses décisions. Regardez et examinez - je vous
y invite, pas nécessairement ceux qui nous écoutent, mais au
moins ceux qui ont été élus parce qu'ils auront des
comptes à rendre un de ces jours - quelles sont les promesses qui ont
été faites, quelles sont les assurances qui ont été
données à la population et quelle est la marchandise qui a
été livrée depuis ce temps-là. Il s'agit de
regarder le nombre de chômeurs, d'assistés sociaux, les plus
démunis, les groupes communautaires. Tous ces gens-là pourraient
vous en parler et j'ai l'impression que, de ce côté-là,
vous en auriez plein les bras.
Mais cela ne suffisait pas! Il fallait que M. Bourassa et M.
Rémillard, le ministre pancanadien, puissent rassurer les gens qu'ils
avaient livré des choses qui passeraient à l'histoire avec un
grand "H". On a eu Paul "H". Gobeil. On va avoir les ministres de la "H", avec
un grand "H" pour histoire. Ce n'est pas nous qui le disons. Il s'agit de les
écouter. Ils sont allés à Ottawa, au lac Meech, pour
discuter de la constitution. Ils sont revenus. Ils étaient en admiration
l'un devant l'autre. Un était un homme historique et l'autre a
passé à l'histoire; l'autre était donc bon et fin. Ce
n'est pas ce qui a été dit en pleine Assemblée nationale?
Je vous invite au moins à faire un petit effort pour ouvrir vos
oreilles, pour vous rendre compte que, lorsque ces gens-là sont revenus
du lac Meech, ils étaient tombés en admiration l'un devant
l'autre. C'est ce que j'appelais ce matin le miroir à deux faces:
Robert-Gil, Gil-Robert. Mon doux qu'on est beau et que cela allait bien!
Des voix: ...
(20 h 50)
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le
député de Jonquière, je pense que je n'ai pas à
vous rappeler l'article 35.2 où il est dit que le député
qui a la parole ne peut désigner un député autrement que
par son titre. Là-dessus, pour éviter tout débat, je vous
demanderais de respecter cet article. Vous pouvez continuer.
M. Dufour: J'aurais eu de la misère à en
définir un, parce qu'il a changé de comté tellement
souvent qu'il aurait été difficile pour moi de nommer son titre.
Je l'aurais oublié.
Cela dit, je dois dire que ces gens-là sont tombés en
admiration l'un par rapport à l'autre ou l'autre par rapport à
l'un, parce qu'ils ont trouvé qu'ils avaient fait tellement une bonne
"job" qu'ils n'avaient plus rien à faire, tout était
accompli.
Qu'on regarde ce qui s'est passé par après. On a
demandé, à force de demander non pas à sang, mais à
cor et à cri, une commission parlementaire, qu'on a voulu
écourter le plus possible, qui a été rallongée
à force de pressions de l'Opposition pour écouter ce que les gens
avaient à dire. Heureusement, cela a amené une certaine
réflexion, puisque le premier ministre a décidé qu'on
n'avait pas tellement de protection pour les droits linguistiques, que cela
prendrait une clause de sauvegarde pour s'assurer que les droits linguistiques
seraient bien protégés. Même avec cette clause, en dehors
de l'emballage verbal de certaines personnes vis-à-vis de cette entente,
il faudrait peut-être réfléchir sérieusement et
surtout très calmement sur la signification de l'entente. J'essaie de
regarder à travers ça les gens qui sont en dehors de la politique
mais qui réfléchissent, qui sont des spécialistes en la
question.
Je reviens avec l'analyse de José Woehrling qui dit que la clause
"sauvegarde" stipule que la reconnaissance de la dualité canadienne et
du caractère distinct du Québec, de même que le rôle
des onze Parlements de protéger la dualité - celui du Parlement
et du gouvernement du Québec -de protéger, de promouvoir le
caractère distinct n'ont pas pour effet de déroger aux pouvoirs,
droits ou privilèges du Parlement ou du gouvernement du Canada ou des
Législatures ou des gouvernements des provinces, y compris leurs
pouvoirs, droits ou privilèges en matière de langue...
Donc, dans la mesure où elle bénéficie non
seulement au Québec mais également à toutes les autres
provinces et, plus important encore, au fédéral lui-même,
la clause
"sauvegarde" conquise de haute lutte par M. Bourassa a probablement pour
effet de fixer non seulement le plancher des pouvoirs linguistiques du
Québec mais aussi leur plafond. Je pense que ce
côté-là parle tout seul. Cela veut dire que la clause
canadienne dit qu'une société distincte canadienne doit
protéger... C'est le bilinguisme qui est la clause distincte et au
Québec, on parle de société distincte, mais il n'y a rien
d'attaché à ça. Donc, société distincte qui
ne veut rien dire. Société distincte qui fait qu'on est
banalisé comme peuple. C'est important et c'est difficile pour nous.
Vous comprendrez que pour les gens de l'Opposition, c'est difficile de faire
confiance aux gens au pouvoir.
Je vous rappelle qu'il y a eu des gens qui ont déjà
regardé les problèmes de la langue ici au Québec. Il y a
eu des études. Je veux vous rappeler qu'en 1965 le Dr Wilder Penfield,
à la commission Laurendeau-Dunton, disait qu'à Montréal
l'enseignement dans toutes les écoles devrait se faire en anglais le
matin et en français l'après-midi. Cela a suscité des
recherches et un tollé.
Voici ce qu'on a répondu à cela. Le résultat ne nie
en aucune façon que le bilinguisme et, si possible, le fait de savoir
plusieurs langues soient un atout humain considérable, mais on doit
considéré comme bien prouvées deux mises en garde:
Premièrement il faut être bien formé à l'usage de sa
langue maternelle avant tout apprentissage surtout scolaire d'une
deuxième langue, sinon la créativité et la communication
seront affaiblies dans les deux langues qu'on aura apprises.
Deuxièmement, le bilinguisme scolaire imposé par la
famille et l'école favorise les enfants plus doués
intellectuellement et ceux qui proviennent des milieux socio-économiques
plus élevés. Il défavorise tous les autres. Les Belges ont
un mot très dur zenneke, bâtard, pour désigner les victimes
du bilinguisme infantile forcé. Il serait dommage que la pression d'un
courant d'opinion sous notre ministre de l'Éducation en produise une
génération parmi nous sous prétexte de nous rendre plus
compétitifs.
Ce ne sont pas mes mots, vous savez bien que je ne peux pas
écrire ça. Il y a des gens qui ont étudié, mais je
peux le lire. Je peux vous le transmettre. Je peux au moins vous dire qu'il se
passe des choses. Il y a des gens avant vous autres qui ont
réfléchi sur cette problématique, qui sont arrivés
à des résultats et des conclusions et qui viennent vous dire:
Attention! Vous qui avez commencé à faire tourner la terre
à partir du 2 décembre, où allez-vous nous mener? Avec vos
idées de passer à l'histoire. Je vous l'ai dit ce matin. Il y a
des gens qui passent à la grande histoire, il y a la petite histoire, et
il y a les "conteux" d'histoires. Vous, vous allez faire partie des conteurs
d'histoires. C'est comme cela qu'on le voit.
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dufour: La question du bilinguisme est importante. Qu'on
regarde ce qui se passe dans la loi 101. Est-ce qu'on gagne quelque chose avec
cet accord? Je pense qu'il faut réfléchir à cela. Il faut
aussi examiner s'il s'est vraiment passé des choses par rapport à
cette clause. Parce qu'il faut bien le constater, vous êtes des gens qui
avez confiance en la justice, en la Cour suprême d'une façon
inconsidérée, je pourrais même dire presque d'une
façon...
Une voix: Inconditionnelle!
M. Dufour: ...inacceptable, inacceptable parce que vous abdiquez
les pouvoirs des élus, les pouvoirs de l'Assemblée nationale, au
profit de la Cour suprême. Pourtant, la Cour suprême ne devrait
avoir comme fonction fondamentale que de déterminer en fonction des lois
qui ont été votées par les différentes
Assemblées, par les différents Parlements, puisqu'on fait encore
partie de la constitution canadienne. Vous, vous nous dites: On est prêt
à partir en voyage, les autres décideront pour nous. C'est cela
qui arrive. C'est cela qui est dangereux et c'est cela qui est compliqué
dans votre positionnement. Les juges décideront.
Parce qu'il va y avoir trois juges qui seront nommés après
consultation avec le Québec. On vient d'avoir la vérité
tranquille, on est prêt à se confier au gouvernement, à la
Cour suprême, pour se faire décider les mêmes choses.
Pourtant, il y a des spécialistes qui nous disent: Vous n'avez rien
gagné. Le bilinguisme d'un côté, le multiculturalisme de
l'autre. Comment se concrétisera là-dedans le caractère
distinct du Québec?
Les textes fondamentaux du Canada contiennent déjà plus
qu'il ne faut pour fixer celui-ci dans un corridor terriblement étroit,
quasi folklorique. Et on parle de la société distincte. On parle
d'une société qui va être différente des autres. On
pense à des gains fondamentaux pour faire avancer le Québec. On
pense à de meilleures balises pour faire respecter le droit de
travailler et de gagner sa vie en français. Est-ce comme cela qu'on le
voit?
Pourtant, le sénateur Lowell Murray dit: II n'y a rien là.
Ils ont retenu ce qu'ils avaient. Les dix autres premiers ministres des
provinces du Canada, cela ne change rien. Ce qu'on vous a donné, vous
l'aviez. Ou il y avait tout pour tout le monde. S'il y en avait pour tout le
monde, c'était le gros magasin ouvert, Provigo probablement, tout le
monde pouvait se servir, on n'avait pas besoin de payer à la caisse. Il
y a un prix
quelque part, quelqu'un va payer le prix, ce seront probablement les
Québécoises et les Québécois. Ils avaient ouvert le
magasin. Il faut faire attention, et on vous le dit d'avance parce que
l'Opposition vous répète à satiété: Faites
attention. Ne pensez donc pas que le monde a commencé à tourner
à partir du 2 décembre 1985, parce qu'il pourrait encore y avoir
des déluges.
Vous pensez que vous êtes Dieu le Père, mais vous
n'êtes pas rendus là. Vous n'avez même pas à
réfléchir là-dessus. Vous n'êtes pas là. On
cherche encore vos idées depuis un an et demi comme Parlement, comme
gouvernement. On cherche vos idées. Le problème qu'on a, c'est
d'essayer de les trouver. Je pense que c'est compliqué. Ce n'est pas
facile. Parce que vous ne savez pas où vous allez. On ne sait pas
d'où on vient. Vous avez voulu faire des farces avec le Parti
québécois. Je pense que vous devriez réfléchir sur
votre devenir et sur où vous voulez aller. La société
distincte? Oui, par sa banalité, par son intégration et son
mixage à travers le grand Canada, le grand tout. Parce que pour
certaines personnes, c'est "Voir le Canada et mourir". C'est cela qu'ils se
disent. Faire partie du Canada, et il n'y a plus rien à faire. On vient
de gagner nos épaulettes. Dix contre un. Vous essaierez de tirer du
poignet de ce côté-là.
Je vous dis d'avance que vous n'avez pas fini. Les
Québécoises et les Québécois vont se
réveiller un jour. Ils vont vous dire: Vous n'aviez pas le droit de
faire cela en plein été, de nous passer cela. Une constitution,
c'est plus important. On doit en discuter. On doit mettre cela, sur la place
publique. Il y a d'autres peuples beaucoup moins démocratiques que nous
qui sont passés par là, qui ont décidé que le
peuple devait être consulté. Non seulement vous ne voulez pas
consulter le peuple, vous ne voulez même pas une commission parlementaire
pour permettre aux spécialistes et aux gens qui ont des choses à
dire de venir les dire. Vous avez peur et vous prenez l'avance sur tout le
monde. Vous voulez dire à tout le monde: Nous sommes corrects et nous ne
pouvons plus rien changer. (21 heures)
On l'a déjà dit une fois. On est revenu du lac Meech en
disant: C'est parfait, ce qu'on a. Deux mois plus tard, vous avez dit: II faut
aller à Ottawa pour négocier une chose qui est encore
perfectible. Vous êtes loin d'avoir obtenu le maximum. On parle de
plancher et de plafond. Vous n'avez plus de place nulle part. C'est toujours
une question d'être en haut ou en bas en même temps.
C'est un élément important sûrement puisque cela a
déjà fait l'objet de quelques débats, mais surtout l'objet
de vantardise de la part de deux personnes qui sont le premier ministre du
Canada et le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, donc deux personnes qui croient qu'elles ont
fait avancer le Québec parce qu'elles ont obtenu certaines clauses.
Quels sont les autres éléments? Il n'y a pas seulement la
société distincte sur laquelle on peut s'arrêter. Il faut
aussi regarder d'une façon un peu plus approfondie ou un peu plus claire
le pouvoir de dépenser. Ce pouvoir de dépenser est presque la
clause fourre-tout: les gens peuvent faire, à la condition, et c'est
cela la particularité... Le gouvernement canadien pourra mettre sur pied
une politique nationale. On ne dit pas: Les provinces pourront mettre de
l'avant une politique qui serait de caractère national. C'est le
gouvernement canadien qui va pouvoir mettre sur pied des politiques nationales.
Ces politiques, si elles sont acceptées par les provinces, pas seulement
par le Québec, cela deviendra une politique nationale. À ce
moment-là, on va avoir un droit de retrait mais c'est un programme qui
va toujours demeurer, ce qui veut dire que Québec va toujours être
laissé sur sa faim, sur son appétit.
Donc, il n'y aura pas de clause spécifique pour le Québec.
C'est une clause spécifique pour l'ensemble des provinces canadiennes. A
ce moment-là, les gens vont pouvoir piger, dire que ce programme fait
l'affaire de la province. Si le Québec décide de se retirer et de
ne pas adhérer, il devra trouver beaucoup d'imagination pour mettre sur
pied une politique qui pourrait s'apparenter à celle dite nationale.
Mais qui va décider que la politique mise de l'avant par le gouvernement
du Québec, si on dit non, est une politique nationale? Qui va
décider cela? Est-ce la Cour suprême, le gouvernement canadien,
l'ensemble des provinces ou, d'une façon ou de l'autre, personne? Le
Québec, à ce moment-là, perdra tous ses acquis.
Je veux prendre comme exemples certains programmes qui auraient pu faire
l'affaire du gouvernement du Québec. Dans l'environnement, on a eu un
programme dit national pour aider à l'assainissement de l'eau. Il y a eu
beaucoup d'argent dépensé. Lorsqu'est venu le temps pour le
Québec de profiter ou de reprendre le retard, pour certaines
circonstances ou certaines raisons parce qu'on ne peut pas mettre de l'avant
toutes les choses en même temps, comme par hasard, le programme a
disparu. Le gouvernement canadien a décidé que le programme
n'existait plus.
Donc, le Québec est pénalisé; actuellement,
au-dessus de 500 municipalités demandent au ministre de l'Environnement
de faire des pressions auprès d'Ottawa pour remettre ces programmes sur
pied. Cela n'avance pas vite. C'est évident que le gouvernement qu'on a
disait: On est de bons négociateurs. Il faudra que ce soit de bons
négociateurs, même avec l'entente du lac
Meech signée, mais même avec l'entente d'Ottawa
signée. Il faudra qu'on ait des bons négociateurs.
J'ai de la difficulté à comprendre que ce soient des bons
négociateurs, je vais vous rappeler, par exemple, la fermeture de
Schefferville où le ministre des Affaires municipales nous disait dans
le temps: Pas de problème, on va faire adopter une loi pour fermer le
village; la loi étant adoptée, à ce moment-là, ils
iront négocier avec Ottawa. Je ne sais pas comment on a fait pour
négocier, mais le village est encore ouvert, les problèmes
continuent à Schefferville. C'est cela la négociation, elle n'a
pas eu lieu.
Même avec une entente, vous devrez Être encore de bons
négociateurs. Pour cela, je doute de vos capacités de
négocier parce que pour négocier il faut être debout, pas
à genoux, pas sur le ventre, ni assis. Il faut négocier debout.
On n'a pas l'impression que ce qui a été obtenu dans l'entente du
lac Meech a été une négociation très forte, puisque
les onze provinces sont sorties de là en disant: Mission accomplie, on a
tout obtenu ou on n'a rien obtenu. J'ai l'impression que c'est plutôt
rien que tout. A ce moment-là, c'est justement le sens de nos
questions.
Quand on regarde quels sont les pouvoirs de dépenser, il y a des
programmes actuellement dits nationaux qui sont les allocations familiales, les
programmes qui touchent la santé, les pensions de vieillesse.
Qu'arrivera-t-il dans une entente sur le pouvoir de dépenser puisque le
gouvernement fédéral a fait des intrusions dans la juridiction
provinciale? Il n'y a rien qui dise qu'il doive en sortir. Donc, ipso facto, ce
qui est vécu, ce qui est donné actuellement, c'est fini, c'est
réglé, on ne peut plus y revenir. Mais ce sera seulement pour le
futur. Vous êtes-vous interrogés par rapport à des
politiques de main-d'oeuvre? Comment pourrait-on mettre sur pied des politiques
de main-d'oeuvre à saveur et à caractère
québécois avec cette entente?
Comment pourraient-elles s'intégrer dans la grande politique
canadienne? C'est toujours le problème. Le gouvernement aura-t-il
l'intention ou le goût d'en faire? Est-ce que c'est nécessaire
pour les autres provinces de faire exactement les mêmes actions quand on
sait que le taux de chômage au Québec est plus élevé
que dans plusieurs provinces canadiennes? À ce moment-là, on
vient de perdre ou d'empêcher certains positionnements du Québec
dans ces dossiers. On est loin d'avoir tout réglé avec cette
entente, surtout concernant le pouvoir de dépenser. Qu'on regarde du
point de vue des municipalités, il y a un certain nombre
d'éléments qui touchent les municipalités qui,
anciennement, ont pu faire l'objet de politiques canadiennes.
Il faudrait penser que cette entente ouvre la porte au gouvernement
canadien parce que ce sera toujours le gouvernement no 1. On ne dit, nulle
part, que les provinces sont égales. On dit, peut-être, que les
provinces sont égales, mais on ne dit pas: sont égales au Canada.
Il faut qu'il y ait toute une mécanique d'entreprise, dans cette
entente, pour essayer de trouver de quelle façon les provinces pourront
s'en tirer dans des programmes dits nationaux. Il y a des programmes sociaux
sur lesquels on peut s'interroger. Il y a des programmes à
caractère économique qui sont extrêmement importants. Je
veux souligner le caractère du programme Clé, programme qui a
pour fonction - c'est un programme fédéral - de créer de
l'emploi, mais qui s'adresse à des municipalités de moins de 25
000 habitants. Ce programme existe au Québec, ça vient du
fédéral, cela existe dans quelques endroits. C'est un programme
qui met à la disposition d'organismes 350 000 $ à 400 000 $ par
année et qui a pour but de créer de l'emploi tout en
"cautionnant" les municipalités, les commissariats industriels existants
et, en tenant compte d'à peu près rien, sinon de créer
deux ou trois emplois pour les gens qui s'occupent de ce programme.
Ceci, à mes yeux, est néfaste. Il remet en question tout
le programme de développement ou de création d'emplois qui existe
actuellement. Il faut dire que, de ce côté, le
fédéral est assez bien servi parce qu'on ne sent pas,
actuellement, au gouvernement du Québec une volonté très
grande de créer de l'emploi. Il s'agit de regarder ce qui se passe. Il
n'y a pas de très grande volonté. Le fédéral agit,
même avec beaucoup de gaspillage, parce que pour moi c'est du gaspillage
ces montants d'argent. C'est, en grande partie, gaspillé. Le
gouvernement du Québec n'a pas trouvé le moyen de
récupérer ces sommes ou de s'intégrer à cette
politique pour développer l'emploi. Donc, c'est important qu'on
s'interroge là-dessus. Je ne pense pas que la réflexion du
gouvernement du Québec en soit rendue là.
Maintes fois, des gens sont venus demander, à la commission
parlementaire, ce que ça voulait dire ou ce qui arriverait dans certains
domaines concernant l'entente. Les autochtones se sont adressés
directement à M. Bourassa, au premier ministre, qui a dit à ces
autochtones: Ce sera pour la deuxième ronde. La première ronde,
la deuxième ronde. Première ronde: "magané",
deuxième ronde: "amoché", troisième ronde probablement:
"fall ballé". On sera intégré et puis disparu de la carte.
Il y a eu la réponse à l'UPA qui l'interrogeait, aussi, sur le
pouvoir de dépenser en matière d'agriculture. On ne peut pas dire
que ces gens ne sont pas directement concernés, les deux pieds sur la
terre. Ce sont les cultivateurs, l'UPA. Il me semble que ça parle de
gens qui sont des
agriculteurs. Et ils demandaient ce qui arriverait, par exemple, s'il y
avait des programmes à caractères nationaux qui venaient changer
les programmes à caractères provinciaux ou
québécois? (21 h 10)
Là-dessus, le ministre des affaires pancanadiennes vient nous
dire: On fera cela et on réglera cela dans la deuxième ronde. On
garde une marge de manoeuvre et cela va être de l'autre côté
qu'on va aller faire cela. Admettons que ce n'est pas tellement rassurant pour
des groupes qui se sont pris en main depuis de nombreuses années et qui
ont avancé pas mal fort dans les dix ou douze dernières
années, c'est-à-dire douze moins les deux dernières; dans
les dix années auparavant, ils ont avancé assez fortement et
l'agriculture a pris une place excessivement importante dans le ciel
québécois. Ces gens sont inquiets et avec raison, puisqu'on les
met en deuxième ronde, comme si l'agriculture était la
deuxième, la troisième ou la quatrième dimension, la
quatrième question importante qui pourrait être
réglée.
M. Rémillard aussi répondait aux membres de la CEQ, la
centrale de l'éducation, lesquels étaient un peu beaucoup
inquiets par rapport à ce qui arriverait dans le système de
l'éducation. Là-dessus, le ministre a répondu: On ne sait
pas trop, cela se fera à la deuxième étape; dans cette
deuxième étape, on va régler tout cela. Donc, encore
là, il y a un certain nombre d'interrogations, de sorte que la langue
n'est pas trop protégée. Ce n'est pas l'anglais qui est en danger
au Québec, je pense bien que je ne vous apprends rien en disant cela: 2
1/2 % des gens sur le continent nord-américain parlent français,
des gens qui demandent de gagner leur vie en français. Ce n'est pas
juste une question de business, c'est une question de fierté; les gens
sont intéressés à conserver leur langue et leurs
racines.
Dans cette entente, est-ce qu'on a toutes les garanties concernant cette
langue? Quand j'interroge les spécialistes ou les constitutionnalistes,
ce n'est pas ce qu'ils nous disent; ils disent qu'il n'y a rien de plus
qu'avant. S'il y avait une interprétation d'un tribunal concernant une
question controversée, ce serait beaucoup plus en fonction du
biculturalisme qu'en fonction de la société distincte du
Québec qu'on pourrait discuter de cela.
L'alliance des professeurs aussi a parlé des grandes
préoccupations en ce qui concerne le partage des compétences
législatives. Encore là, on dit: On va y aller encore pour une
deuxième ronde; donc, tout le temps en fonction de l'avenir. C'est un
gouvernement qui a tendance à repousser toujours à plus tard. Ne
posez pas de question, on va vous arranger cela. Si ce n'est pas aujourd'hui,
cela va être demain.
Pensez-vous que le monde va être capable d'accepter ce point de
vue? Je veux bien partir en voyage avec quelqu'un, mais je veux savoir si on va
avoir les moyens de s'en revenir. C'est important, je suis attaché
à des racines quelque part. Je veux bien qu'on m'amène en voyage,
mais pas dans un "nowhere". Ce n'est pas à l'âge qu'on a là
qu'on va aller n'importe où. Il faut regarder si on va avoir le billet
de retour. Là, il n'y a pas de billet de retour. C'est probablement un
billet qui va nous amener dans une aventure qui va nous mener nulle part ou qui
va nous diriger vers une disparition complète de tout ce que l'on a, de
tout ce qui nous est le plus cher et de ce à quoi on est le plus
attaché.
Les Québécois ont une particularité et ils ont
aussi des racines. Peut-être qu'on n'est pas des Français au
même titre que les gens de France, mais on est Québécois,
avec un sentiment d'appartenance à l'Amérique,
d'Américain, mais c'est ce qui fait notre particularité et aussi
qu'on est ce que l'on est. On n'est pas obligé de se fondre dans un
grand tout. On a pensé de protéger l'ensemble des origines
ethniques au Québec, et on pense que les Québécois n'ont
pas besoin d'être protégés? Faisons attention! J'aurais
peut-être quelques interrogations à poser. Il y avait des gens,
tout à l'heure, qui se posaient... Même sur le plan de
l'immigration où il semble qu'on a tout obtenu, on pourrait
peut-être se poser quelques questions. Encore là, je ne les ai pas
inventées, elles viennent d'ailleurs, mais on dit: Que le gouvernement
libéral cesse au plus tôt le jeu des concessions sur les trois
fronts à la fois, immigration incontrôlée,
multiculturalisme au détriment de la majorité, faiblesse sur
l'affichage, école et travail en anglais. Cela risque de créer
beaucoup plus de conflits que de les résoudre. On dit: Que le ministre
de l'Éducation remplace son projet actuel du bilinguisme hâtif par
une politique ferme de socialisation de jeunes immigrants français dans
tous les cas où la loi le prévoit, ainsi que la formation
professionnelle des jeunes et des adultes en français. Que ce même
organisme, en parlant du ministère des Communautés culturelles,
explore l'abandon par l'Angleterre d'une politique sur le multiculturalisme
après avoir constaté son échec. C'est un peu vers cela
qu'on va, la grande mosaïque canadienne.
En même temps, on dit: Après avoir opté pour vivre -
c'est un appel qu'on fait à l'Immigration - dans une province
française, il faudrait peut-être que les immigrants finissent par
comprendre, et qu'on leur fasse comprendre non pas à coups de pied, mais
d'une façon logique, que c'est important de parler et de vivre en
français au Québec. Ce n'est pas parce qu'on aura une entente
qu'on va vivre mieux au Québec. Cela prend une
volonté et c'est cela que l'Opposition a. On n'a pas confiance en
vous. On n'a pas confiance au gouvernement actuel pour protéger les
droits des Québécoises et des Québécois. Quand ces
gens auront décidé de vivre au Québec, ils devront
accepter aussi de parler la langue et de s'intégrer au milieu. Ce n'est
pas après être arrivé qu'on veut s'en sortir. C'est qu'on
arrive et qu'on s'intègre à la société
québécoise. C'est comme cela que je vois l'entente du lac Meech,
ou l'entente d'Ottawa. Qu'on l'appelle comme on voudra. C'est beaucoup plus de
la petite histoire au moment où on se parle. Ce sera loin d'une entente
qui pourra produire des effets aussi bénéfiques qu'on a voulu le
laisser entendre au retour, dans cette euphorie de moi et moi. C'était
cela qui est arrivé. On est tombé en admiration, le premier
ministre et le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, l'un de l'autre, en ce sens qu'on avait tout
gagné. Moi, je dis: Non, on n'a pas tout gagné. C'est dangereux,
qu'on ait tout perdu. Au moment où on signe, c'est le commencement.
D'abord, il faut respecter sa parole. Je ne pense pas qu'on ait fait avancer le
Québec en signant ou en allant signer cette entente, surtout au
début de l'été. On profite un peu de l'apathie de
l'ensemble de la population qui a hâte d'être en vacances et qui a
hâte de profiter du soleil. Les gens ne sont pas nécessairement
à l'écoute de la télévision et ils ne sont pas
nécessairement plongés dans la lecture concernant tout ce qui se
passe dans le domaine politique. Ces gens sont probablement
préoccupés par des choses qui pourraient pour le moment
être plus importantes.
Mme la Présidente, en terminant, je veux simplement rappeler que
l'entente qu'on nous propose est probablement l'entente de la soumission
plutôt qu'une entente qui va se signer dans l'honneur et dans
l'enthousiasme. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Jonquière. M. le député de Lafontaine.
M. Gobé; Mme la Présidente, avant de commencer me
permettriez-vous de demander au député de Jonquière si je
peux lui poser une question en vertu de l'article 213, s'il vous
plaît?
La Vice-Présidente: Une courte réponse, M. le
député de Jonquière, est-ce que vous consentez?
M. Dufour: Mme la Présidente, j'écoute ce que les
députés libéraux ont à dire, cela me suffit.
La Vice-Présidente: Donc, j'interprète cela comme
un refus. Un refus? Vous devez continuer votre débat.
M. Lemieux: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: Une question de règlement, M.
le député?
M. Lemieux: Cela va, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Lafontaine.
M. Jean-Claude Gobé
M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Je
déplore grandement que le député de Jonquière
refuse que nous lui posions des questions, car j'en avais certainement une
très bonne à lui poser. Vu que maintenant j'ai le droit de
parole, je vais vous en donner la primeur, Mme la Présidente. Je voulais
poser au député de Jonquière la question suivante: Est-il
séparatiste, souverainiste, affirmationniste ou indépendantiste?
Cela semble pour l'instant assez confus dans les options de la formation en
face de nous. Lorsque j'écoute le député de
Jonquière faire son discours, plusieurs textes et plusieurs paragraphes
qu'il mentionnait par moment m'amenaient à l'affirmation nationale,
d'autres fois à la séparation. En tout cas, cela semblait assez
confus. J'ai relevé quelques mots qu'il disait. Entre
parenthèses, il disait: Le Québec, une société
distincte, l'entente du lac Meech va en faire une société
banalisée. Mme la Présidente, permettez-moi de faire une petite
mise au point. La société banalisée, ce n'est pas nous qui
l'avons faite. Je pense que c'est l'ancien gouvernement. Vous savez, leur
société, lorsque ces gens l'ont quittée, c'était
une société démoralisée envers les espoirs des
jeunes, c'était une société marginalisée au niveau
constitutionnel. C'était une société profondément
blessée dans son économie et dans ses institutions publiques et
parapubliques. Quand on voit la situation qui prévalait à ce
moment dans notre société, les gens comprennent un peu quelle est
la société banalisée du député de
Jonquière. Là, je ne parlerai pas de la banalisation non plus de
son propre parti dont les membres sont partis complètement partout. On
les retrouve dans toutes sortes de formations politiques plus ou moins
marginales, certaines sont pour le séparatisme, d'autres pour le
souverainisme et d'autres sont des formations fédéralistes comme
le NPD. J'oubliais les créditistes, Mme la Présidente. (21 h
20)
Des voix: H!l Ha! Ha!
M. Gobé: Et voilà le genre de société
banalisée. Le député de Jonquière veut nous donner
des leçons en ce qui concerne l'entente et le travail constitutionnels
de
notre gouvernement. Mais comment pouvons-nous leur faire confiance?
Comment pouvons-nous encore croire les paroles de ces gens-là? Ces
gens-là sont arrivés en 1976 en nous disant: Maintenant, on va se
mettre au travail et on va se donner des forces, et on va progresser, notre
société guébécoise va se prendre en main. Neuf ans
après, on voit le bilan, c'est-à-dire une société
avec 700 000 personnes à l'aide sociale, 300 000 chômeurs, 200 000
Québécois qui ont émigré à
l'étranger, une dette consolidée pour le Québec de 40 000
000 000 $ alors qu'elle était de 5 000 000 000 $ lorsqu'ils ont pris le
pouvoir, une impasse constitutionnelle. Un soir, ils sont allés
négocier une entente à Ottawa. Ils sont allés se coucher,
et, le lendemain, on n'avait plus de droit de veto. Ils avaient l'air surpris.
Ils sont revenus mécontents en disant: On nous a trahis, on n'ira plus
aux conférences constitutionnelles, on n'est plus
intéressés. L'ancien premier ministre a piqué une crise
à l'Assemblée nationale. Le député de Lévis
se pétait les bretelles disant: Cela ne marchera pas, je n'irai plus aux
réunions constitutionnelles sur l'agriculture, on nous a trahis.
On ne vous a pas trahis, messieurs. C'est vous qui avez abandonné
des droits historiques du Québec en allant vous coucher. Vous
n'étiez pas de bons négociateurs. Vous avez dit que vous feriez
la nouvelle société. Vous n'avez pas été capables
de la faire avec votre référendum quand les gens ne vous ont pas
crus, ne vous ont pas suivis. Vous n'avez pas donné assez confiance aux
gens pour qu'ils aillent avec vous. Quand vous avez voulu négocier comme
un bon gouvernement, disiez-vous, vous avez perdu lamentablement, pour une
poignée de lentilles.
Voilà le genre de leçon que veulent nous donner ces gens
qui parlent depuis maintenant 20 heures. Voilà les peurs qui commencent
à repartir. J'écoutais le député de
Jonquière qui disait: Les Québécois vont tout perdre.
Perdre quoi? On a tout perdu avec vous autres. On commence à en
reprendre, notre société québécoise repart sur de
nouvelles bases, une nouvelle confiance. Les gens 'retroussent leurs manches,
les gens retournent travailler, les entreprises reviennent au Québec.
Pourquoi? Parce que le gouvernement actuel a su donner cette confiance. Le
premier ministre actuel, par son comportement et ses décisions, a su
influer sur les grands facteurs de développement économique tant
aux États-Unis qu'au Canada. Les investisseurs reviennent. C'est le
contraire. Dans le temps, ça partait et, maintenant, ça revient.
C'est le secret de milliers d'emplois. Juste dans la région de
Montréal, plus particulièrement dans l'est de Montréal,
depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons au-delà de 15 000 emplois
qui ont été créés alors qu'à l'époque
on en perdait 1000 par mois. Voilà cette nouvelle société,
cette nouvelle manière d'agir que notre gouvernement a mise en place. On
n'a pas de leçon à recevoir du député de
Jonquière ou de ses collègues.
L'entente du lac Meech est une entente historique. C'est quelque chose
qui, pour la première fois depuis 20 ans, fait consensus, que ce soient
chez les hommes politiques des provinces du Canada, que ce soient chez les
citoyens. Dans mon comté, en fin de semaine, je suis allé dans
des clubs sociaux, à des parties de balle pour des organismes
charitables, et je parlais avec les gens. Que disaient-ils? Signez l'entente,
elle est bonne pour le Québec. Ces gens-là, c'était aussi
M. Beaudet, de Montréal-Est, M. Antonio Dellorifice, de
Rivière-des-Prairies, des gens du comté, des gens de l'est de
Montréal et d'autres dont le nom m'échappe actuellement.
Voilà ce que les citoyens disent. Il y a consensus chez nos
citoyens.
Regardons les journalistes. Généralement, nos amis d'en
face aiment citer les articles de journaux en disant: Le gouvernement n'est pas
bon, le gouvernement, un député, est pris dans une affaire plus
ou moins tendancieuse. Mais ils oublient de lire les articles qui disent des
choses qui ne leur plaisent pas. On peut lire Michel Roy dans La Presse
du 2 mai 1987 - ce n'est pas n'importe qui, Michel Roy - qui disait: "II
s'agit d'un accord qui justifie pleinement l'adhésion du Québec
à la loi constitutionnelle. Il protège les droits historiques,
les aspirations légitimes du Québec. Il consacre le
caractère distinct du Québec. Il reconnaît la
dualité canadienne qu'Ottawa et les provinces s'engagent à
protéger. Il précise qu'il appartient à l'Assemblée
nationale et au gouvernement du Québec, non seulement de
protéger, mais encore de promouvoir le caractère distinct de la
société québécoise."
Voici un autre consensus d'un journaliste du Journal de Québec
et du Journal de Montréal. Normand Girard: "Victoire
gagnée de haute lutte". Voilà un consensus dans notre
société pour une première fois depuis bien longtemps.
Encore une fois, on voit là l'action de notre premier ministre et de son
ministre des Affaires intergouvernementales qui ont su rallier tout le monde et
qui ont su faire quelque chose qui correspond à l'ensemble de nos
concitoyens.
Pendant que ces gens-là se battaient sur toutes sortes de front,
sans rien obtenir et en perdant, au fur et à mesure que s'engageaient
des batailles, toutes nos positions, ils n'ont pas vu poindre d'autres dangers
pour notre société québécoise. Ils avaient les yeux
bouchés. Ils ont dit: On va perdre quoi? On va perdre notre langue.
C'est évident qu'on va la perdre notre
langue, mais on ne la perdra pas à cause des lois; on ne la
perdra pas à cause de notre gouvernement. On va la perdre, si cela
continue, pour une raison: C'est qu'il y a une dénatalité au
Québec. On ne fait plus d'enfants. Le taux de natalité, c'est 1,4
%. Cela prendrait 2,1 %, 2,2 % pour renouveler notre population. Voilà
un des dangers dont ils ne parlent pas et qui les dérange. Ils en sont
peut-être un des facteurs de responsabilité. Savez-vous, Mme la
Présidente, que, dans à peu près une trentaine
d'années, dans 35 ans, cela prendra 75 000 immigrants par année
pour remplacer notre population. Voilà la situation.
L'entente du lac Meech a un avantage qui va nous aider. C'est un des
leviers, un des acquis dont nous avions besoin pour tendre à
régler cette situation. Nous avons maintenant obtenu la sélection
de nos immigrants à l'étranger et au pays. Nous pourrons, en
pleine souveraineté, décider qui vient au Québec et qui
n'y vient pas. Vous imaginez l'importance que cela peut avoir alors que notre
population est en déclin à cause de la dénatalité
qui est due en grande partie - je le mets entre parenthèses - aux
mauvaises gestions, aux mauvaises politiques du gouvernement et a la chicane
qu'on a eue depuis une quinzaine d'années avec nos amis d'en face. Vous
savez, quand cela ne va pas bien dans la maison, on ne fait pas d'enfants, et
cela n'allait pas bien chez nous jusqu'à ce que nous prenions le
pouvoir, Mme la Présidente, il y a 18 mois.
Des voix: ...
M. Gobé: Mme la Présidente, est-ce que vous
pourriez demander aux députés de l'Opposition s'ils veulent nous
écouter? Ils disent que le débat est important. Pour une fois
qu'un député s'exprime, j'aimerais bien qu'ils observent le
silence, comme on le fait pour eux.
Uhe voix: Ha! Ha!
M. Gobé: Le député de Lévis rigole.
Il a juste ça à faire. Peut-être qu'il ferait mieux de
rigoler avec son chef et son affirmation nationale.
La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le
député de Lafontaine, je vous demanderais, pour essayer de
limiter les dégâts en cette Chambre, de vous adresser à la
présidence.
Line voix: Les dégâts. Des voix: Ha! Ha!
Ha!
M. Gobé: Mme la Présidente, vous savez, l'accord du
lac Meech, plus particulièrement en ce qui concerne les ententes en
matière d'immigration, c'est cela qui va permettre au Québec
d'avoir son ballon d'oxygène. C'est cela qui va nous permettre de
préparer un Québec où, demain, les gens parleront encore
français. Ce ne sont pas les lois de l'ancien gouvernement, ce ne sont
pas leurs argumentations dépassées. Ce sont les pouvoirs que la
ministre a obtenus. J'écoutais le député d'Ungava, cet
après-midi, qui disait que la ministre souriait béatement.
D'abord, c'était impoli envers une femme. Ces gens-là n'ont,
semble-t-il, aucun respect pour leurs collègues parlementaires
féminines et, deuxièmement, Mme la Présidente, elle
souriait et elle avait raison, car c'est la première fois qu'une
ministre de l'Immigration obtient autant de pouvoirs pour le Québec.
Voilà une des raisons pour notre collègue, la
députée de Bourassa et ministre de l'Immigration, de sourire.
Voyez-vous, je crois qu'avec tous ces acquis, en particulier ceux en
matière d'immigration... Vu le temps qui presse à cause du nombre
de députés qui veulent parler, parce qu'il y a beaucoup de nos
collègues députés qui veulent parler sur cet accord, je
terminerai, Mme la Présidente, en disant: Oui, je vais signer, oui je
vais me lever pour voter pour l'entente. Oui, je vais la signer et la
tête haute. Je vais la signer parce que je suis fier, pour une fois,
d'avoir vaincu les années de chicane. Je suis fier, Mme la
Présidente, de me lever et de dire: Nous regardons vers l'avenir; nous
allons relever le défi des sociétés futures non pas en
pleurant et en criant, en regardant derrière nous autres, mais en
regardant devant nous avec fierté, avec force, avec dignité, avec
passion et aussi avec générosité, parce que les
épreuves qui nous attendent pour les prochaines années au
Québec nous commandent toutes ces qualités. Je crois, Mme la
Présidente, que la société québécoise
possède l'ensemble de ces qualités à condition, bien
entendu, que le pouvoir politique corresponde à ses aspirations, ce qui
est le cas lorsqu'on voit cette entente et cet accord que le gouvernement
propose à la population.
Mme la Présidente, en terminant, j'aimerais m'associer à
mes collègues qui vont appuyer cette entente et déplorer qu'une
fois de plus encore l'Opposition traîne en arrière, chiale et
semble chercher des choses négatives où il n'y a que de bonnes
choses et du positif pour le Québec. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lafontaine.
M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Mme la Présidente, vous me permettrez au
début de mon exposé de faire
une leçon d'histoire au député de Lafontaine. (21 h
30)
Des voix: Ha! Ha!
M. Garon: Vous savez, de 1608 à 1763, il a immigré
au Québec exactement 12 000 Français qui étaient devenus,
en 1763, par la force de la procréation et de la natalité, 65 000
personnes qui ont été abandonnées, seules, parce que tous
ceux qui avaient de l'argent sont partis et ceux qui n'avaient pas d'argent
pour partir sont restés. Ces gens, qui étaient 65 000 en 1763,
n'ont pas attendu après la mère patrie ou après qui que ce
soit pour se développer, s'organiser et se bâtir une
société ici, de sorte qu'il y a quelques années on pouvait
dire que leurs descendants étaient devenus 12 000 000 dont 6 000 000
étaient aux États-Unis et 6 000 000 au Canada et, sur les 6 000
000 du Canada, 80 % étaient au Québec.
Nous n'avons pas attendu après les Michelin, en
Nouvelle-Écosse, où les Renault, en Ontario, pour bâtir
notre développement économique au Québec. C'est par
nous-mêmes que nous avons bâti des institutions qui nous
ressemblent, qui sont davantage communautaires parce qu'on n'avait pas de
millionnaires qui étaient tous retournés en France en 1763. De la
sorte, nous avons bâti des institutions collectives, des
coopératives comme les caisses populaires, des chaînes
d'alimentation comme Métro-Richelieu, d'autres compagnies
d'assurance-vie coopérative, des institutions, comme la Caisse de
dépôt, qui appartiennent à l'ftat. Nous avons su nous
développer par nous-mêmes, selon nos moyens, nos
possibilités, sans compter sur les millionnaires, ni sur les patries
d'ailleurs qui nous avaient abandonnés.
J'aimerais que le député de Lafontaine mette ça
dans sa pipe et, s'il ne fume pas, qu'il mette ça dans son bagage pour
l'avenir.
M. Gobé: Question de règlement.
La Vice-Présidente: M. le député de
Lafontaine.
M. Gobé: II est évident que l'ensemble des
électeurs, de mon comté en particulier, savent que je suis
né en Europe, en France. Je suis moi-même un immigrant et je
demanderais au député de Lévis de respecter cette
dimension. Je lui rappelle que j'ai été élu par des
électeurs québécois de mon comté, des francophones
et qu'à ce titre-là j'ai droit au même respect que
n'importe quel autre élu en cette Chambre. Je lui demanderais
d'être un peu plus posé et d'essayer de ne pas laisser entendre,
par association, qu'étant né à l'extérieur je ne
suis pas capable de parler sur la constitution ou sur toute autre chose. Je
trouve ça déplorable, Mme la Présidente.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
La Vice-Présidente: M. le député de
Lévis, vous n'êtes pas sans connaître notre règlement
et, plus spécifiquement, l'article 35 où il est interdit à
un député qui a la parole de s'adresser à un autre
député. Donc, pour limiter les débats dans cette Chambre,
je vous demanderais de vous adresser à la présidence.
M. Garon: Mme la Présidente, comme d'habitude, je
m'adresserai à vous. Je vous dirai simplement que le
député de Lafontaine, en m'adressant à vous, a le
sentiment de penser que le Québec est né hier. Le Québec
est né grâce à des tentatives qui remontent à 1534
et à d'autres qui ont suivi et qui ont commencé à
réussir en 1608. Le Québec a presque 400 ans. Il a une longue
histoire et, surtout, une histoire d'abandon. C'est pourquoi il a dû
compter sur lui-même. C'est un des rares peuples à avoir
survécu alors que des milliers de peuples sont disparus dans l'histoire
du monde. Fondé par 12 000 immigrants, à travers les glaces, les
difficultés, après avoir été abandonné par
tous. Ils ont réussi à devenir un peuple qui, aujourd'hui, compte
6 500 000 habitants. Ce peuple mérite d'être respecté. Ceux
qui ont décidé de s'y joindre doivent, en premier lieu, le
respecter.
Quand le Parti libéral a suspendu les règles de
procédure, il l'a fait comme si on était en état de
guerre. Vous savez que, si le Québec avait été en
état de guerre, il n'aurait pas pu suspendre davantage les règles
de procédure. J'ai consulté lors de la suspension de 18 heures
à 19 heures, ce soir. On m'a dit que jamais, dans l'histoire du
Québec, les règles n'avaient été suspendus autant
qu'elles le sont actuellement. C'est un débat d'urgence où
même l'heure du midi n'est pas respectée, l'heure du souper n'est
pas respectée et on travaillera tard, ce soir, parce que le Parti
libéral a choisi de faire suspendre les règles de
procédure.
M. Lefebvre: Question de règlement.
La Vice-Présidente: Question de règlement. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Est-ce que vous considérez que la motion
relativement à la suspension des règles est pertinente au
débat - c'est vous-même qui l'avez bien situé ce matin -
à savoir la résolution telle que présentée par le
premier ministre du Québec? La motion quant à la suspension des
règles est déjà réglée, Mme la
Présidente.
M. Garon: J'ai le droit de le dire.
La Vice-Présidente: S'il, vous plaît! S'il vous
plaît! Vous savez qu'on a toujours été
très large sur l'interprétation de la pertinence d'un
débat. Or, c'est sûr qu'à l'intérieur d'un
débat le député qui a la parole peut, mais d'une
façon subsidiaire, parler de la motion pour la suspension des
règles. Il faudra, par la suite, qu'il revienne dans le vif du sujet,
à savoir la motion du premier ministre. M. le député de
Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, je vous remercie de votre
décision. Je vous dirais -j'en faisais un aparté en
commençant mon exposé - que nous sommes actuellement dans un
débat où les règles de procédure normales ont
été complètement suspendues. On a établi un
état d'urgence comme si on était en temps de guerre. Et
l'état d'urgence ne peut pas être plus total. Alors que les
différentes provinces du Canada auront trois ans pour débattre de
cette question, on a décidé qu'ici, cela se fera en deux jours,
jour et nuit, sans que le peuple ne soit consulté d'aucune façon,
n'ait son mot à dire d'aucune façon sur les textes que le premier
ministre veut faire adopter. Cela ne m'étonne pas, Mme la
Présidente, parce que le premier ministre n'a jamais été
renommé pour son courage.
Des voix: Ah! Ah!
M. Garon: Mme la Présidente, la Loi constitutionnelle de
1982 prévoit à son article 39, paragraphe 2, que...
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît! Question de règlement, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Mme la Présidente, je voudrais rappeler au
député de Lévis que jamais le premier ministre du
Québec n'a suspendu l'application de la Charte des droits et
libertés de la personne, comme vous l'avez fait avec l'imposition de la
loi 111.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Là-dessus, je demanderais, s'il
vous plaît, la collaboration de la Chambre pour qu'on puisse entendre le
député de Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, l'histoire se rappellera que
les députés libéraux ont essayé de m'empêcher
de parler. Mais je suis habitué à ce genre de comportement
puisque c'est le même comportement, en cette Chambre, chaque fois que je
me lève. Alors, je ne m'étonnerai pas de cela. J'ai
déjà dit en cette Chambre que beaucoup de députés
libéraux qui sont ici sont arrivés sans être connus et
repartiront sans être connus davantage!
La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit, à son article
39, paragraphe 2, que: "La proclamation visée au paragraphe 38 (1) ne
peut être prise que dans les trois ans suivant l'adoption de la
résolution à l'origine de la procédure de modification."
Le paragraphe 38 (1) est celui qui prévoit la mécanique
d'adoption d'un amendement constitutionnel: "par des résolutions du
Sénat et de la Chambre des communes" et des Assemblées
législatives des provinces. On a donc prévu un délai de
trois ans. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y avait pas de feu dans
la demeure. De plus, ce délai ne court même pas puisque le compte
à rebours ne commence qu'à partir de l'adoption de la
résolution à l'origine de la procédure de modification.
Actuellement, d'autres résolutions ont été
déposées au Nouveau-Brunswick, en Alberta, à Ottawa, mais
aucune n'est à l'étude. Donc, tout est au point mort et il n'y a
aucun péril en la demeure, aucune urgence, malgré ce que tente de
faire croire le Parti libéral.
Pourquoi un tel empressement à procéder alors que
plusieurs gouvernements, dont ceux de l'Ontario et du fédéral,
ont annoncé leur intention de procéder à des consultations
au cours des prochains mois, qui pourraient déboucher sur des
amendements majeurs? Ici, on a décidé de mettre le couvercle sur
la marmite et de faire en sorte qu'il n'y ait pas de débat dans la
population. Est-ce normal, Mme la Présidente? Alors que dans n'importe
quel pays au monde, qui n'est pas une république de bananes, il y aurait
une consultation, un débat dans la population, un
référendum dans 90 % des pays, avant ratification par le
Parlement, ici, il n'y aura eu aucun débat auquel aura été
associé, de quelque façon que ce soit, le peuple du
Québec.
Aujourd'hui, on va nous parler de ce premier ministre courageux. On va
nous parler de son Tarzan de Jean-Talon, se promenant de liane en liane dans la
forêt canadienne, recherchant cet oecuménisme nouveau. Voyons
donc, Mme la Présidente! Rien que le fait d'évoquer la situation
fait pouffer de rire n'importe qui parce que personne ne croit qu'on soit en
présence de matamore et de Tarzan qui ont knock-outé le reste du
Canada.
M. Joly: Mme la Présidente, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Fabre.
M. Joly: Mme la Présidente, nous avons ici un
député qui est en train de résumer une philosophie qui est
bien particulière et qui est la sienne. En politique, Mme la
Présidente, il y en a qui sont ici pour se faire voir, se faire valoir,
mais lui, il est en train de nous avoir, Mme la Présidente. (21 h
40)
La Vice-Présidente: Ce n'était pas une question de
règlement, mais je tiendrais, par contre, à dire au
député de Lévis qu'il faudrait, tout de même,
respecter l'article 35.1° où il est bien dit que le
député qui a la parole ne peut désigner un
député autrement que par son titre. Là-dessus, M. le
député de Lévis, je sais que vous êtes au
courant.
M. Lemieux: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Sur une autre question de
règlement?
M. Lemieux: Oui. Tous les parlementaires ne sont pas à
l'image du député de Lévis, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Là-dessus, je suis prête
à reconnaître le député de Lévis. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, pour le nombre de fois que le
député de Vanier parle en cette Chambre, il peut rester assis
tranquille, n'est-ce pas?
M. Lemieux: Question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Garon: Jusqu'à maintenant, il n'a pas pris cinq minutes
depuis un an et demi.
La Vice-Présidente: M. le député de
Lévis, je demande votre collaboration. Adressez-vous donc à la
présidence pour limiter les débats.
M. Garon: Je suis parfaitement d'accord avec vous, Mme la
Présidente. C'est, d'ailleurs, ce que je fais depuis le début,
m'adresser à vous, sauf qu'évidemment la vérité
fait mal. Si je ne touchais pas des points justes, vous savez bien que les
députés libéraux resteraient assis tranquilles et
continueraient à faire leurs mots croisés comme d'habitude.
Actuellement, Mme la Présidente, il y a un débat en cours
auquel participent très peu les députés libéraux
qui ont fait tout en leur pouvoir pour limiter ce débat pour que la
population n'y participe pas. Quand on le dit, ils devraient au moins ne pas
s'offusquer puisque c'est l'authentique vérité. Là-dessus,
notre presse est silencieuse parce qu'elle a décidé que ce
débat était inutile à ce moment-ci. Peut-être dans
six mois, dans un an, mais elle a jugé à ce moment-ci que ce
débat était inutile.
Je ne suis pas complètement étonné sachant qu'elle
appartient en partie à Power Corporation; pour l'autre partie,
maintenant à Toronto. On ne s'étonnera pas, un jour qui ne sera
peut-être pas si lointain, que notre peuple décide de se faire
entendre ailleurs et autrement, ce qu'il a fait, d'ailleurs, en 1974, 1975,
1976 quand il a compris qu'il y avait d'autres moyens de se faire entendre
qu'ici dans ce Parlement.
Mme la Présidente, M. Ryan disait ce matin que cette entente
était le geste le plus important depuis 50 ans. Je dirai que le
député d'Argenteuil fait facilement fi de notre histoire.
Une voix: II n'est pas là.
M. Garon: Ce n'est pas ma faute s'il n'est pas là. Il n'a
qu'à être là. J'y étais ce matin quand il a
parlé. Mme la Présidente, je dirai que j'étais
présent quand le député d'Argenteuil a parlé ce
matin. S'il n'est pas là quand je parle ce soir, ce n'est pas ma
faute.
Je dirai ceci: Au début des années cinquante, quand le
premier ministre du temps a décidé de mettre en place un
impôt sur le revenu pour que le gouvernement du Québec
établisse ses droits et que le gouvernement libéral du temps de
Louis Saint-Laurent a reculé, c'était un geste important qui
donnait quelque chose au Québec, beaucoup plus que le simulacre de
papier qu'on a fait actuellement. Quand je disais que M. Jean Lesage -
indépendamment de la politique, il faut donner à chacun ce qui
lui appartient - a réussi à établir avec M. Pearson la
formule de l'"opting out" ou du retrait compensatoire qui était mis en
place pour la première fois, là aussi le Québec obtenait
quelque chose.
Le député d'Argenteuil nous a vanté ce matin ce
genre de papier qui, à mon avis, ne donnera absolument rien puisqu'on
s'en remet à l'interprétation des tribunaux et on sait ce que
nous a donné dans le passé l'interprétation des tribunaux.
On verra sur le plan historique la valeur de ce papier. Les gens verront
également dans le temps qui avait raison dans les débats qu'on
tenait en cette Chambre. Ces débats sont enregistrés. Ils font
partie de l'histoire du Québec. Ils verront ceux qui voyaient juste dans
le débat qui se passe à l'heure actuelle.
Au moment de la campagne référendaire, le premier ministre
du Canada disait, avec la complicité de tous ces gens du Parti
libéral qui étaient là sur les mêmes tribunes, qu'un
non voulait dire un oui. Tout le monde avait compris à ce moment, si un
non voulait dire un oui, que cela voulait dire plus de pouvoirs pour le
Québec. On a vu de quelle façon il a traduit dans la
réalité en 1981-1982 ce non qui voulait dire un oui. Ce sera la
même chose avec la société distincte qui voudra dire,
contrairement à ce que disent les libéraux aujourd'hui, que le
Québec constitue une société distincte parce que les
anglophones sont la seule minorité à protéger au
Canada.
Je dois vous dire que de plus en plus quand on voit les textes
d'interprétation, il faut être conscient que cette clause ne
constitue qu'une règle d'interprétation de la constitution. Cela
signifie en droit qu'elle est un principe dont les juges ne sont appelés
à tenir compte que pour le cas où une règle de droit
constitutionnel ne leur paraîtrait pas autrement claire. Mme la
Présidente, il faut savoir que les juges devront tenir compte aussi de
la Loi constitutionnelle de 1867 qui dit que le Canada forme une
fédération, de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et
libertés qui dit que seule une loi raisonnable et justifiable peut
porter atteinte à un droit de cette charte. La Cour suprême du
Canada a déjà précisé que seules les lois qui
portent le moins possible atteinte à ces droits sont raisonnables et
justifiables au sens de l'article 1.
J'en passe. Une règle d'interprétation équivoque.
Il faut être bien conscient que ce qu'on appelle la clause de la
société distincte est une règle d'interprétation
qui énonce, en fait, deux principes opposés. Dans un premier
temps, la clause dit que, premièrement, le Canada est d'abord un pays
bilingue. Elle ajoute, ensuite, que ce fait constitue une
caractéristique fondamentale du Canada. Deuxièmement, c'est dans
un second temps seulement qu'elle dit que le Québec forme une
société distincte sans ajouter que ce fait constitue une
caractéristique fondamentale du Canada. Mme la Présidente, on
peut très bien s'attendre que la Cour suprême du Canada
établisse qu'au Québec la minorité anglaise a besoin
d'être protégée et que c'est ce groupe qu'elle
protège.
Le premier ministre s'est aperçu qu'il s'était
embarqué, après la commission parlementaire qui a
été tenue. Il a ajouté un nouveau paragraphe 4, le 3 juin,
à la clause de la société distincte pour empêcher
effectivemement que celle-ci ne puisse servir à diminuer les pouvoirs
actuels du Québec. Pourquoi? Parce qu'il s'est rendu compte que
ça pouvait jouer dans les deux sens et que ça pouvait jouer
autant contre le Québec que pour le Québec. C'est quoi, une
constitution? Est-ce un document hétéroclite, pas clair, qui
devra aller nécessairement devant les tribunaux parce que personne ne
sait ce qu'il veut dire exactement ou est-ce que ce ne doit pas, au contraire,
être un texte clair qui sert à guider le fonctionnement du pays,
qu'elle a pour rôle de coordonner et d'organiser?
Mme la Présidente, nous avons vu ces différentes clauses.
Personne ne nous fera accroire que ces clauses ont pour effet de donner plus de
pouvoirs au Québec. Aucune de ces clauses n'a pour effet de donner plus
de pouvoirs au Québec. Au contraire, les clauses de sauvegarde qui ont
été mises par le premier ministre du Québec ont pour effet
de faire en sorte que jamais les pouvoirs du Québec ne soient accrus.
Par ailleurs, le pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral dans des juridictions provinciales est reconnu pour la
première fois dans un texte constitutionnel. On établit comment
le Québec pourra dans certaines conditions avoir une compensation
financière s'il s'engage dans des programmes qui visent les objectifs
nationaux dans des domaines qui sont de sa juridiction.
On est dans le fort, Mme la Présidente. Là, actuellement,
le gouvernement fédéral va pouvoir dépenser des fonds dans
des domaines de juridiction québécoise et, pour avoir droit
à une compensation, il faudra fonctionner en fonction d'objectifs
nationaux. Comment voulez-vous qu'un gouvernement puisse organiser
véritablement son pays, son territoire de cette façon-là,
alors que son pouvoir de dépenser va être accaparé par les
objectifs d'un gouvernement autre qui va intervenir dans ses juridictions? On
se rappelle qu'à la Société centrale d'hypothèques
et de logement, par exemple, quand le gouvernement fédéral est
entré dans ce secteur parce que tous les contrats d'architectes avaient
été donnés à Toronto, on faisait des maisons avec
des petites cuisines et des grands salons conformes à la façon de
vivre de Toronto, alors que les gens ici n'empruntaient pas parce qu'ils
n'étaient pas intéressés à ce genre de maisons avec
des petites cuisines et des grands salons, vu que, nous autres, on vivait dans
des grandes cuisines et des petits salons. Pourquoi? Parce que la
Société centrale d'hypothèques et de logement...
Oui, on regardera les débats dans le journal Le Devoir au cours
des années quarante et cinquante, et on verra qu'on prêtait dix
à quinze fois plus en Ontario parce qu'aucun plan d'architecte n'avait
été fait au Québec en fonction des goûts des
consommateurs du Québec. Le député de Jean-Talon
était encore jeune, Mme la Présidente; à cette
époque, peut-être qu'il ramassait les fraises des champs à
Baie-Saint-Paul. Je peux vous dire une chose: II pourra refaire son histoire
dans le domaine de la Société centrale d'hypothèques et de
logement. Dans le domaine de la route Trans-Canada, on se rappellera que le
gouvernement fédéral a fait de beaux programmes où il
bâtissait quatre fois plus de routes en Ontario qu'au Québec,
quatre fois plus de ponts en Ontario qu'au Québec avec des beaux
programmes nationaux. (21 h 50)
On se rappellera que, dans le cas du fleuve Saint-Laurent,
c'était parfait aussi pour faire des canaux pour aller vers l'Ontario,
et, par la suite, pour faire une voie maritime pour aller vers l'Ontario, mais,
quand il s'est agi d'ouvrir le fleuve Saint-Laurent l'hiver, il a fallu
téter le gouvernement fédéral
pendant des années, des dizaines d'années, pour qu'on
puisse le faire, parce que le fédéral se satisfaisait très
bien que les bateaux s'arrêtent à Halifax et que les "containers"
montent d'Halifax vers Toronto avec un tarif subventionné qui
représentait un coût plus bas que le prix coûtant.
Dans les prochaines semaines ou les prochains mois, alors qu'on est en
train de parler de sous-marins nucléaires pour établir la
souveraineté du Canada sur l'Arctique, dix sous-marins qui iront
à la France, on verra, si les sous-contrats iront - des contrats qui
pourraient avoir des retombées économiques ici - à Lauzon
ou à Sorel - Lauzon est le plus grand chantier maritime au Canada - ou
si on ne trouvera pas le moyen d'apporter les contrats en Ontario. 3e n'ai
aucune confiance en cette entente, parce que je suis persuadé que, si le
Parti libéral en était fier - seulement par psychologie humaine,
enlevons le juridique et tout ce qu'on voudra - il ne ferait pas le genre de
débat qu'il fait actuellement. Le Parti libéral ne ferait pas un
débat escamoté, en fin de session, sans avertissement à la
population, en siégeant du matin jusqu'au soir, peut-être une
partie de la nuit, cette nuit, comme si la constitution canadienne était
une maladie honteuse dont on pouvait seulement parler la nuit. Moi, depuis que
je suis petit gars, j'entends parler de la constitution canadienne dans des
débats de nuit, qu'il s'agisse de 1981, de 1982, du lac...
M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Garon: ...Meech ou encore des nouvelles...
M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de... M.
Garon: ...ententes, récemment.
La Vice-Présidente: Question de règlement. M. le
leader adjoint.
M. Lefebvre: Je vous prierais de rappeler le député
à l'ordre, lorsqu'il dit qu'on a siégé la nuit. On a
siégé jeudi et vendredi dernier et aujourd'hui, et jamais la
nuit!
M. Charbonneau: Question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Lefebvre: C'est faux, c'est faux, ce que le
député de Lévis a dit.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! M. le
député de Verchères, sur la même question de
règlement?
M. Charbonneau: Oui, Mme la Présidente, sur la question de
règlement. Je voudrais que vous indiquiez au leader du gouvernement
qu'il a beau ne pas aimer les propos du député de Lévis,
cela ne l'autorise pas à enfreindre le règlement et à
passer ses remarques pour interrompre mon collègue. On a
écouté ses collègues même si on n'aime pas
nécessairement les propos qu'on entend. Je lui demanderais, ainsi
qu'à ses collègues, de faire la même chose.
La Vice-Présidente: Bon! Ce n'est pas une question de
règlement. Là-dessus, je vais céder la parole au
député de Lévis. M. le député de
Lévis, veuillez continuer votre intervention.
M. Garon: Mme la Présidente, j'entends le ministre des
Communications devenir féroce. On aurait aimé qu'il ait un peu
plus de férocité, quand il traitait avec les gens de Toronto qui
achetaient la moitié des journaux ou des quotidiens du
Québec.
Concernant le pouvoir de dépenser également, l'Union des
producteurs agricoles a comparu devant la commission. Elle a été
formelle. Dans son exposé très précis, elle a bien
démontré les effets pernicieux des dépenses
fédérales sans retenue dans le domaine agricole. Que de
dédoublement d'énergies et d'argent, quel gaspillage en raison de
priorités souvent fort différentes! Ce que veut l'UPA, c'est que
ce soit l'Assemblée nationale qui décide des priorités en
agriculture. C'est là que l'UPA tient, au nom de l'efficacité et
du type d'agriculture que nous nous sommes donné, à poursuivre le
développement institutionnel de l'agriculture. Si cela vaut pour
l'agriculture, que dire de l'éducation, de la culture, de la
santé et de l'habitation?
Je dirais que, si le député de Jean-Talon, ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
était intéressé, il ferait un peu d'histoire. Qu'il aille
comparer ce que nos ancêtres avaient obtenu comme colonie en 1774,
après onze ans d'occupation, directement de la mère patrie avec
l'Acte de Québec, il se rendra compte à quel point le document
qu'il veut faire signer au Parlement de Québec n'obtient rien par
rapport à ce que nos ancêtres avaient obtenu en 1774 avec des
fourches de bois. Le député devrait se rendre compte que, sur le
plan du droit civil, sur le plan de la langue, sur le plan des institutions qui
devaient nous diriger au Québec, on avait obtenu davantage et que
n'eût été, en 1841, l'Union du Bas-Canada et du
Haut-Canada, à ce moment-là, en termes d'autonomie, on
était en train d'obtenir et de se diriger davantage au Québec que
par les règles qu'on est en train de formuler dans une
pseudo-constitution en essayant de nous faire croire qu'on ne peut pas
vivre sans la Saskatchewan ni sans l'Île-du-Prince-Édouard -
arrêtons donc de rêver en couleur! - qu'on ne peut pas vivre sans
l'Alberta qui n'a plus de pétrole et qui, tantôt, va venir
quémander les prébendes du gouvernement fédéral
obtenues à même nos taxes. Arrêtons donc!
Prenez le chemin de fer qui a été bâti par Trudeau,
le premier ministre du Canada du temps, avec 20 000 000 000 $ de subventions et
de paiements fédéraux, avec 650 000 000 $, indexés par
année, d'aide à l'agriculture de l'Ouest, avec le "Maritimes
Freight Act" qui subventionne à 75 % le transport des Maritimes vers le
Québec pour mieux concurrencer notre production locale, régionale
et nationale au Québec, Mme la Présidente.
M. Chevrette: Mme la Présidente, je sais qu'à
plusieurs reprises, pour l'avoir vu sur le moniteur, vous êtes intervenue
pour demander l'ordre dans cette Chambre. Je pense qu'on doit respecter
à la fois les propos, les styles, etc. De notre côté, nous
tenterons, Mme la Présidente, jusqu'à la fin de ce débat,
de le faire dans la plus grande quiétude et la plus grande
sérénité. J'aimerais que vous observiez, à ce
stade, que nous avons de la difficulté à nous entendre.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Sur la question de règlement, le leader de
l'Opposition a raison de dire qu'il faut respecter les intervenants. Je devrais
peut-être lui rappeler que, dans certains cas, ce n'est pas toujours
facile. J'aimerais en profiter pour vous inviter à rappeler au
député de Lévis le paragraphe 7 de l'article 35 qui dit
que l'on ne peut pas "se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant
à l'adresse de qui que ce soit". C'est à peu près 50 % des
propos du député de Lévis, depuis le début de son
intervention, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais m'adresser
à la Chambre. Je demande la collaboration des deux côtés
pour le bon déroulement de ce débat. Là-dessus, pour ne
pas prendre trop de temps, je reconnais le député de
Lévis. M. le député de Lévis.
M. Garon: Mme la Présidente, je suis habitué
à me faire interrompre dans cette Chambre. Si mes propos étaient
complètement faux, si les députés ministériels
pensaient que mes propos ne font référence à aucune
vérité, ils seraient très heureux et ils applaudiraient.
C'est parce qu'ils savent que la population du Québec n'accepte pas le
geste qu'ils posent actuellement. Il est possible, temporairement, que les gens
ne disent mot parce qu'ils n'ont pas été éveillés
et qu'ils n'ont pas beaucoup été mis au courant par la presse,
une presse qui n'est pas, il faut le dire, dans beaucoup de cas,
propriété populaire. Elle est beaucoup plus, de fait, la
propriété de grands organismes financiers ou, encore, la
propriété même de l'étranger comme c'est le cas,
maintenant, du Soleil, du Quotidien et du Droit. Mme la Présidente, quel
que soit le temps que cela prendra, moi, je vous dis que le peuple du
Québec n'acceptera pas qu'on lui fasse une constitution dont il n'a
été partie d'aucune façon, dont on a escamoté le
débat, sur laquelle on n'a pas voulu, d'aucune façon, qu'il
puisse dire un mot.
Dans les semaines, les mois et les trois ans qui viennent, on verra que
ce sera discuté en Ontario, ce sera discuté au
fédéral, ce sera discuté au niveau de chacune des
provinces, même du gros Nouveau-Brunswick dont parlait Jean
Chrétien, de la petite Île-du-Prince-Édouard, de la
Saskatchewan rurale, de Terre-Neuve, avec ses 25 % de chômage, qui a eu,
pour entrer dans la confédération en 1949, la bouette gratis,
c'est-à-dire les appâts à harengs gratis, parce que
c'était l'une des principales promesses de fournir aux pêcheurs,
éternellement, les appâts gratis pour prendre la morue,
c'est-à-dire les appâts qu'on met sur les hameçons. Un bel
oecuménisme canadien, comme vous vous en rendez compte, et un bel
idéal!
Notre peuple n'acceptera pas qu'on lui fasse une constitution dans la
clandestinité, une constitution faite par un gouvernement qui n'a aucun
mandat, par un premier ministre qui n'aura jamais le courage d'aller voir la
population, faire les consultations requises pour qu'on fasse comme tous les
autres peuples du monde: qu'on se donne une constitution claire, précise
et que l'on sache ce qu'elle veut dire. Ailleurs, habituellement, ce sont les
élus qui font la constitution. Ici, on veut faire une constitution
ambiguë, grise et pas claire pour, après cela, en remettre
l'interprétation aux tribunaux où les juges seront, dans une
proportion de un sur trois, du Québec, c'est-à-dire très
fortement, majoritairement, des autres provinces du Canada anglais.
En conclusion, je dis que, pour moi, député de
Lévis, la signature de cette entente sera un crime de haute trahison
contre le peuple du Québec. Je vous remercie. (22 heures)
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lévis.
M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, si nos collègues
libéraux ont décidé de ne pas intervenir...
M. Lefebvre: Avec votre permission, M. le député.
Excusez-moi, Mme la Présidente. Est-ce que je peux intervenir?
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: II y a effectivement, Mme la Présidente, deux
de nos députés qui doivent intervenir. Je veux tout de suite
informer les membres de l'Assemblée qu'il y a un léger retard,
mais il ne faudrait pas qu'il soit interprété comme si on
était en train de sauter des tours. Il y a deux députés
qui sont absents au moment où on se parle et qui vont intervenir un peu
plus tard. On pourrait inviter immédiatement le député
d'Iberville, s'il est déjà prêt à intervenir.
La Vice-Présidente: Compte tenu que le
député de... M. le député de Verchères,
est-ce que vous consentez à ce que ce soit...
M. Charbonneau! Mme la Présidente, le principe de l'alternance
pourrait continuer de s'appliquer.
La Vice-Présidente: Bon, d'accord. Je vous remercie, M. le
député de Verchères. M. le député
d'Iberville.
M. Jacques Tremblay
M. Tremblay (Iberville): Merci, Mme la Présidente. Je
prends la parole aujourd'hui sur cette motion historique, qui
éventuellement permettra la modification de la constitution canadienne,
avec beaucoup d'émotion mais également avec une certaine
déception à l'égard de quelques propos tenus en cette
Chambre par les députés de l'Opposition.
À mon sens, l'accord qui fut signé à Ottawa et sur
lequel je reviendrai plus loin est un excellent accord, car non seulement il
satisfait pleinement les conditions posées par le programme du Parti
libéral, Maîtriser l'avenir, mais il accorde plus de pouvoirs que
l'ancien gouvernement du Québec n'en réclamait lui-même en
1981.
En écoutant les nombreux discours prononcés en cette
Chambre, je me suis efforcé de comprendre le point de vue défendu
par l'Opposition et, à bien y penser, il n'y a probablement qu'une seule
explication à son refus de coopérer avec le gouvernement actuel.
Je m'explique. L'une des meilleures allocutions péquistes qui a
été prononcée sur cette motion fut celle du
député de Terrebonne que j'ai eu l'immense plaisir
d'écouter. Je ne partage pas ses opinions sur le sujet, mais je le
respecte beaucoup. Son message était clair, d'une grande
sincérité et d'une franchise éloquente. Que disait le
député de Terrebonne? Il disait: Je suis souverainiste, je ne
comprends pas la démarche du gouvernement libéral. A tout le
moins, je n'y crois pas. Je verrai la souveraineté du Québec un
jour. Il a même ajouté que d'en parler le faisait vibrer.
Effectivement, sa prestation fut rendue avec coeur. Vous étiez
probablement présente en cette Chambre, Mme la Présidente,
lorsque notre collègue de Terrebonne s'est exprimé. À la
fin de son excellent discours, un seul de ses collègues péquistes
l'a applaudi, un seul. Il s'agissait là d'une opinion de fond
défendue avec beaucoup de conviction et un seul de ses collègues
l'a applaudi. Que pouvait bien cacher ce silence? La société
québécoise a déjà statué sur leur projet. Il
faut dorénavant que la souveraineté soit un concept banni du
vocabulaire péquiste ou encore que l'article 1 de la constitution du PQ
soit inséré dans la filière 131 C'est un motif fort
possible. Que le PQ soit profondément souverainiste, c'est peu
plausible. Aussi, à propos du refus de l'Opposition de coopérer
avec le gouvernement à cette conquête de pouvoirs accrus au plan
constitutionnel, de deux choses l'une: ou le PQ est encore souverainiste et ne
peut donc collaborer avec le gouvernement parce qu'il ne croit pas à la
démarche, ce dont je doute, ou l'affirmation nationale, ce projet vague
du chef de l'Opposition visant l'accroissement des pouvoirs du Québec,
est supplantée par la démarche constitutionnelle de notre chef
et, de ce point de vue, le PQ n'a d'autre choix que de s'opposer par pur
opportunisme politique et partisanerie, ce qui est probablement le cas.
Je déplore une telle attitude, mais j'avoue que je comprends les
sentiments de frustration de cette formation politique dite, entre
parenthèses, nationaliste. Malgré tout, c'est cette même
Opposition qui nous dit, aujourd'hui, que nous devons faire ce débat
au-dessus de la partisanerie politique. Allons donc, un peu de sérieux!
Le Parti libéral en 1981, bien qu'étant formé de
fédéralistes convaincus, n'avait pas hésité
à voter avec le gouvernement d'alors pour s'opposer au rapatriement
unilatéral d'Ottawa que nous considérions injustifié.
Quand même, trouvez d'autres arguments que la partisanerie politique.
Ayez donc le courage de vos convictions.
Mme la Présidente, l'accord signé à Ottawa est, en
quelque sorte, la consécration juridique de 227 ans de lutte par les
francophones du Québec pour la reconnaissance de leurs
particularités et de leurs droits. Le député de
Lévis, tout à l'heure, a essayé de faire un peu
d'histoire. Je peux me permettre de rappeler des faits plus précis.
Faisons un peu d'histoire. Rappelons, en bref, quelques faits de notre
histoire. Au lendemain de la perte de Québec et de Montréal en
1760, nos ancêtres avaient tout perdu, tous leurs droits et
privilèges ainsi que leurs pouvoirs. À compter de cette
date, notre société a entamé une longue
série d'actions pour la reconquête des moyens qui nous
étaient nécessaires afin de répondre à nos
aspirations. Bien que, de 1760 à 1774, le régime militaire et les
gouvernements britanniques se soient donné pour objectif d'assimiler les
Canadiens français en leur supprimant tous les droits, la
stratégie s'avéra un échec total. En 1774, l'Acte de
Québec viendra redonner aux francophones d'Amérique les
principales libertés essentielles dont, entre autres, le
rétablissement des lois civiles françaises. Par la suite, l'Acte
constitutionnel, en 1791, créera le Bas-Canada et le Haut-Canada, ce qui
permettra aux deux grandes communautés, d'une part, d'élire des
représentants gouvernementaux et, d'autre part, de se développer
selon leurs propres aspirations. Arrive enfin la constitution de 1867 laquelle
conférera à la province de Québec et a ses élus une
foule de pouvoirs qu'elle n'a jamais eus jusqu'alors.
C'est la première fois que des représentants élus
par les francophones obtiennent autant de prérogatives en matière
de législation. Je dois dire d'ailleurs que ce sont les libéraux
de l'époque, tels que les Honoré Mercier et Marchand, qui feront
le plus en faveur de l'affirmation de l'État québécois.
Entre autres, Mme la Présidente, je voudrais profiter de l'occasion pour
attirer l'attention de la Chambre sur le fait que, cette année, l'accord
du lac Meech survient à 100 ans exactement après la prise de
pouvoir d'Honoré Mercier, un de nos plus grands premiers ministres du
Québec, un libéral.
Avec l'arrivée de Maurice Duplessis, d'autres gains sont
réalisés pour enfin reprendre le droit de taxation des revenus,
des successions et de l'essence. Toutefois, les efforts d'autonomie de
Duplessis avaient été, il faut bien l'avouer, à double
tranchant. On oublie trop souvent, comme l'avait élo-quemment
démontré la commission Tremblay, que la formule des subventions
conditionnelles du gouvernement fédéral fut pratiquement toujours
refusée par le Québec et, de ce fait, concluaient les auteurs, et
je cite: "Les Québécois sont taxés pour
l'établissement d'un système dont ils ne retirent aucun
avantage." À cet égard, on se souviendra, par exemple, du nombre
d'écoles techniques qui furent bâties en Ontario avec les subsides
du fédéral alors qu'au Québec on refusait
obstinément l'aide d'Ottawa, ce qui a été lourd de
conséquences pour l'instruction publique au plan de son
développement. Le retrait avec compensation financière que
l'actuel premier ministre a obtenu habilement le 3 juin dernier aurait
certainement été d'un précieux recours à cette
époque.
En bref, au cours de son histoire, le Québec a conquis de
nombreux pouvoirs et édifié un solide rapport de forces à
l'égard de l'ensemble canadien. Ce rapport de forces a, notamment,
été cristallisé par l'actuel premier ministre du
Québec qui, en 1971, avait refusé de signer la formule de
Victoria, qui ne conférait pas assez de garanties au Québec.
Hélas, les gains et ce rapport de forces favorable au Québec,
obtenus des luttes vigoureusement menées par les patriotes et les
gouvernements qui se sont succédé, ont été
sérieusement ébranlés par le gouvernement péquiste.
En effet, le gouvernement péquiste, irrité par la défaite
référendaire et animé d'une animosité
disproportionnée à l'endroit des dirigeants
fédéraux, a fait voler en éclats en 1981 ce rapport de
forces favorable que le Québec s'était difficilement donné
après 200 ans d'histoire. Entre autres, le droit de veto
québécois fut abandonné au profit d'une alliance partisane
contre les détenteurs du pouvoir à Ottawa. On connaît la
suite. Il s'agit d'un triste sort que ce gouvernement du temps a
réservé au Québec, lequel se déclarait pourtant le
seul habilité à défendre les intérêts des
Québécois et des Québécoises. (22 h 10)
Pour la première fois depuis 120 ans la constitution canadienne
reconnaîtra que le Québec est une société distincte.
Ce ne sera pas inscrit dans le préambule de la constitution, lequel est
soustrait à l'interprétation des tribunaux, mais ce sera dans la
constitution. A cette reconnaissance du caractère distinct qui englobe
les particularités propres du Québec, tant au plan de la culture
que de l'économie, s'ajoute le rôle gouvernemental d'en exercer la
protection et la promotion ainsi qu'une clause de sauvegarde en matière
linguistique, laquelle consolide et renforce de façon absolue les
pouvoirs de l'Assemblée nationale à ce chapitre. En d'autres
termes ceci permettra, en plus de protéger toutes les
caractéristiques propres au Québec, de mettre fin à
l'érosion de nos compétences en matière linguistique.
En ce qui a trait à l'immigration, faisant suite à plus de
20 ans de négociations avec le fédéral en cette
matière et avec la fragilité démographique croissante qui
est tributaire du Québec moderne, il était essentiel que dans un
accord constitutionnel le gouvernement obtienne des pouvoirs
supplémentaires à cet égard. Aussi, pour contrer la
dénatalité quasi chronique à laquelle le Québec est
confronté, celui-ci pourra obtenir un nombre d'immigrants correspondant
à son poids démographique au sein du Canada, plus 5 %, aura des
pouvoirs de sélection sur tout immigrant désireux de
s'établir ici et exercera des pouvoirs législatifs exclusifs
à l'Assemblée nationale au niveau de la formation, de
l'établissement et de l'adaptation des immigrants. En plus de
concourir à rétablir la balance démographique en
faveur du Québec, ces pouvoirs additionnels seront d'un précieux
recours pour la pérennité du caractère français de
la société québécoise. J'espère, M. le
Président, que ceci va réussir à contrebalancer les
erreurs et les politiques rétrogrades du gouvernement péquiste,
de ses neuf ans noirs qui ont fait fuir des centaines de milliers de personnes
du Québec.
Pour ce qui est de la limitation du pouvoir fédéral de
dépenser, les gains enregistrés sont considérables. Dans
le passé, cette prérogative du gouvernement fédéral
a causé de nombreux torts au Québec. Lorsque les dirigeants
québécois décidaient d'opter pour la liberté
d'action, il s'ensuivait des pénalités financières
appréciables. Aussi, la limitation du pouvoir fédéral de
dépenser concrétisée par le droit de retrait avec
compensation financière se révélera un atout sans
précédent pour la marge de manoeuvre du Québec dans
l'élaboration de ses programmes. Non seulement le gouvernement actuel
sera-t-il obligé de discuter avec les provinces de l'opportunité
et des modalités des programmes mais celles-ci pourront se retirer afin
de créer leurs propres programmes avec une contribution
financière du gouvernement fédéral. Par exemple, si on
prend le très onéreux programme d'assainissement des eaux, si on
avait eu cette formule avant - on a dépensé 2 000 000 000 $
jusqu'à maintenant et il nous en reste 4 000 000 000 $ alors que
l'Ontario a eu des subventions fédérales - ce sont quelques
centaines de millions de dollars que le Québec aurait eus.
Enfin, en guise de réparation historique pour le Québec,
le premier ministre a réussi à recouvrer le droit de veto pour
tout amendement constitutionnel. Droit de veto qui avait été
naïvement abandonné par l'ancien gouvernement.
En bref, comme on peut le voir, M. le Président, l'accord
constitutionnel de 1987 n'est absolument pas un aboutissement ou une fin en
soi. Au contraire, outre les gains très substantiels que l'accord
accorde au Québec, celui-ci est en premier lieu la consécration
constitutionnelle d'un pouvoir fortement accru de négociation pour le
gouvernement du Québec en matière de réparation des
compétences avec le fédéral. De surcroît, cet accord
consolide la stabilité politique du Québec, laquelle est un
élément essentiel à la prospérité
économique de notre communauté. Quant à la culture, dans
la mesure où la détermination politique sera solidement
établie et l'affranchissement économique croîtra, elle ne
pourra que mieux se développer et s'affirmer.
Du côté de l'Opposition ils ont un chef qui se bat
éperdument pour l'affirmation nationale. L'influent député
de Lévis, de son côté, opte pour la souveraineté du
Québec.
Le député de Verchères, lui, est d'avis qu'il
faudrait une confédération. Quant à leurs
collègues, ils n'ont que l'embarras du choix. L'ambiguïté du
PQ sur la question constitutionnelle est probablement l'un des
éléments non négligeables qui peut expliquer le
gâchis constitutionnel de 1981. Pour notre part, nous sommes d'avis que
pour être viable un système fédéral doit
conférer au Québec des pouvoirs afin de satisfaire aux
aspirations de notre société. C'est précisément ce
que notre premier ministre est allé chercher à Ottawa le 3 juin
dernier et nous en sommes fiers. Au fond, la plus grande frustration de
l'Opposition est de constater que le premier ministre du Québec est
allé chercher et a obtenu plus qu'eux n'en demandaient en 1981 et qu'ils
n'ont pas eu. C'est la différence entre un gouvernement de rêveurs
et un gouvernement d'action.
M. le Président, le discours péquiste est toujours le
même, aussi négatif dans l'Opposition qu'il l'était au
pouvoir. Exactement le même. L'accord du lac Meech est essentiel
actuellement à la stabilité politique du Québec. Une
stabilité politique, M. le député de Lévis,
amène aussi des investissements massifs, cela fait fonctionner
l'économie. Cela veut dire que cela amène aussi des emplois pour
les jeunes. Cela veut dire aussi que les femmes vont trouver des emplois, cela
veut dire que les pères et les mères vont avoir l'argent
nécessaire pour faire instruire leurs enfants aussi. La croissance des
revenus de l'État, il ne faut pas oublier cela, on a besoin de la
croissance des revenus. Les gens du troisième âge qui sont dans
des foyers actuellement ont besoin qu'on puisse donner les services de
santé nécessaires, ces gens qui, eux, ont bâti le pays, pas
le groupe qui, pendant neuf ans, était au pouvoir au Québec. Les
gens du troisième âge, ce sont eux qui ont bâti notre pays,
notre province. Il faut leur rendre hommage. L'épanouissement de la
culture française - je vais le dire parce que trop souvent on entend des
discours négatifs -s'ils ne le savent pas, passe par une économie
forte. Il n'y a pas d'autre solution. Il ne faut pas oublier cela. Une
économie prospère, qu'on le veuille ou non, au-delà des
discours creux qu'on est habitué d'entendre, comme ceux du
député de Lévis... Il faut se rappeler que la
réalité c'est l'économie. C'est comme cela que
l'épanouissement de la culture française va se faire au
Québec.
L'accord du lac Meech, en plus de nous donner une force
constitutionelle, va pousser davantage le Québec en avant. Après
le virage majeur du 2 décembre 1985, nous allons continuer à
donner l'élan nécessaire. Il faut se mettre dans la tête
que force économique et épanouissement de la culture
française vont de pair. Qui sont les vrais nationalistes au fond? Est-ce
que ce sont ceux qui, pendant neuf ans, ont créé
l'instabilité politique au Québec, qui ont fait fuir les
capitaux, qui ont fait fuir les cerveaux, qui ont fait déménager
les jeunes à l'extérieur parce qu'ils n'avaient plus d'avenir
ici, qui ont fait fuir des sièges sociaux et qui ont créé
la pire crise économique de toute l'histoire du Québec des
cinquante dernières années? Ou est-ce ceux qui ont
créé la prospérité économique par un climat
sain pour l'avantage de tous? L'accord du lac Meech est un nouveau
départ pour le Québec grâce au chef, le premier ministre,
et au député de Jean-Talon. Je tiens à dire à cette
Chambre que je leur rends un hommage particulier et plus que jamais nous avons
toutes les raisons d'être fiers d'être Québécois.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, il faut vraiment le
faire! Je pense qu'il faut être encore assez peu
expérimenté dans ce métier de parlementaire et avoir
encore beaucoup d'illusions pour faire un discours aussi démagogique,
aussi déconnecté. Je respecte mon collègue le
député d'Iberville. Ce que je ne respecte pas, c'est ce genre de
grossièreté comme la suivante: Le gouvernement du Parti
québécois est le responsable de la crise économique qui a
sévi au Québec en 1982.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Charbonneau: Je pense que les députés
libéraux qui applaudissent ne passent pas pour des gens très
sérieux auprès des gens qui nous écoutent. Les gens qui
nous écoutent savent une chose: Qu'ils soient péquistes ou
libéraux, fédéralistes ou indépendantistes, ils
savent que la crise économique qui a frappé le Québec il y
a quelques années est une crise économique qui a frappé le
monde occidental et le Québec comme les autres. Oui. Le Québec
s'en est mieux sorti, au Canada, que la plupart des autres régions. II
s'en est sorti plus rapidement et mieux. (22 h 20)
M. le Président, j'ai écouté sans dire un mot.
J'aimerais que le jeune député, sans expérience, de
Saint-Hyacinthe se la ferme et m'écoute. Si cela ne lui plaît pas,
il peut sortir. J'ai écouté depuis une heure et demie, ici, sans
dire un mot.
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Verchères. Un instant. Un instant, M. le député de
Verchères. Je suis actuellement debout. À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La soirée peut
être longue, nous le savons tous. Donc, je demanderais la collaboration
de l'ensemble des députés. Si certains veulent aller prendre
l'air au lieu d'écouter les propos de tout parlementaire qui s'adresse
à l'Assemblée, ils sont invités à aller à
l'extérieur. Ils reviendront quand ils seront disposés à
écouter les discours. Autrement, je verrai à sanctionner les
incartades, les écarts de conduite de ces députés. M. le
député de Verchères, allez-y.
M. Garon: Avant de reprendre, pour être certain, en vertu
du règlement...
Le Vice-Président: Un instant. Un instant. M. le
député de Lévis.
M. Garon: En vertu du règlement.
Le Vice-Président: C'est un rappel au
règlement.
M. Garon: M. le Président, pour être certain que
vous ne serez pas obligé d'intervenir à toutes les 30 secondes,
pouvez-vous demander à chacun des députés, en vertu de
notre règlement, de regagner son siège? Le règlement le
prévoit. Il y aura plus de chances que ce soit tranquille en cette
Chambre.
Le Vice-Président: Bon. M. le député de
Lévis, effectivement, si vous le demandez, je vais appliquer strictement
le règlement. Je demanderais à chacun des députés
de bien vouloir regagner sa place immédiatement. MM. les
députés, s'il vous plaît! Allez-y, M. le
député, s'il vous plaît! M. le député. M. le
député, s'il vous plaît! M. le député, s'il
vous plaît!
M. le député, je vous ferai remarquer... Je ferai
remarquer à l'ensemble des parlementaires de la Chambre que le
député vient de briser une règle de coutume parlementaire.
En aucun moment un député ne doit passer entre la masse qui est
sur la table et le président de l'Assemblée. C'est une
règle qui n'est malheureusement pas respectée dans cette
Assemblée. Je prierais l'ensemble des députés, à
l'avenir, de respecter cette règle. J'avertirai personnellement les
députés. La masse est le symbole de l'autorité dans cette
Assemblée. Passer entre le président et la masse est une
incartade à la règle de décorum de l'Assemblée. Je
le spécifie à chacun des députés. Que ceux qui
l'ignoraient en prennent bonne note. À l'avenir, vous verrez à
respecter cette règle de décorum de l'Assemblée. M. le
député de...
M. Maltais: M. le Président, je m'excuse. Je ne le savais
pas parce que l'ancien président ne nous avait jamais dit que
c'était une erreur. Je m'en excuse profondément. Je ne manquerai
jamais de
respect envers la présidence.
Le Vice-Président: Très bien. Je n'ai pas
mentionné, M. le député, que vous manquiez de respect
envers la présidence. C'est une règle qui n'est malheureusement
pas connue, une coutume parlementaire qui est à respecter. M. le
député de Verchères, vous avez la parole.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Ce que
j'expliquais c'est que je peux bien comprendre qu'on fait un débat qui
soulève les passions et que chacun a ses convictions, ici. Mais je pense
que si on veut faire avancer les choses il faut, au moins, invoquer des
arguments qui appellent un minimum de sérieux et qui sont appuyés
sur des faits. Je veux bien que, par partisanerie, on impute au Parti
québécois la crise économique mais ce n'est pas
très sérieux. Je pense que finalement quand une crise
économique frappe le monde occidental, elle est originaire, en bonne
partie, de la façon dont les Américains ont géré
leur situation budgétaire et que le gouvernement fédéral
canadien a augmenté les taux d'intérêt, à ce
moment-là, pour réagir. On peut toujours faire de la
démagogie facile mais je pense que cela ne fait pas avancer grand-chose.
On peut faire aussi comme mon bon ami le député de Lafontaine a
fait tantôt et, finalement, aller jusqu'à dire, dans un
élan oratoire, que sous le règne du Parti québécois
on a connu une chute de natalité épouvantable au Québec.
Franchement, ce n'est pas bien connecté ni avec la réalité
ni avec le débat dans lequel on se situe. Il n'y a pas grand monde qui
va prendre cela au sérieux. Là encore, je suis convaincu,
connaissant le député de Lafontaine, "qu'il regrette d'avoir dit
cela. Comme le député d'Iberville, après réflexion,
regrette sans doute de s'être emporté un peu.
M. le Président, je vais faire une mise au point pour le
député d'Iberville qui avait l'air bien préoccupé
par les orientations idéologiques de ses collègues de
l'Opposition. On dit que je suis un député qui croit, qui a cru
et qui continue de croire en la capacité des Québécois de
se donner un pays. On appelle cela indépendance, on appelle cela
souveraineté. Quand on regarde dans le dictionnaire, c'est la même
chose. Souveraineté, c'est un terme juridique. Indépendance,
c'est un terme plus littéraire, plus politique. D'ailleurs, il faut
parler d'indépendance politique. Quand on parle de souveraineté,
on n'a pas besoin de dire souveraineté politique. La
souveraineté, c'est essentiellement politique, juridique. Quant à
moi, je crois à la souveraineté possible du Québec. Je
crois, par ailleurs, qu'il y a d'autres façons de promouvoir
l'avancement des Québécoises et des Québécois. Je
crois qu'on peut être nationaliste du Québec, être
profondément attaché au peuple d'ici, à son histoire,
à ses traditions, à ses valeurs, sans nécessairement
croire qu'il faut aller jusque-là.
Je crois qu'on est capable, qu'on aurait dû y aller et qu'on
devrait encore y aller. Pour moi, l'affirmation nationale, pour le
député d'Iberville qui ne semblait pas comprendre tantôt,
c'est une démarche de responsabilisation. Un adolescent qui devient un
adulte, qui veut devenir un adulte, s'affirme progressivement. Un peuple qui
s'affirme progressivement, de plus en plus, dans toutes sortes de domaines,
peut avoir le goût, peut-être qu'il aura le goût, de prendre
toute la liberté politique, toute la marge de manoeuvre. Choisira-t-il
de le faire un jour? Peut-être, je ne le sais pas. Je ne le sais pas, pas
plus que les députés libéraux qui ont gagné le
référendum en 1980 peuvent prétendre que c'est maintenant
définitif, irréversible. Il n'y a rien d'irréversible en
ce monde.
M. Maltais: Question de règlement.
Le Vice-Président: Un instant, M. le député
de Verchères. Question de règlement, M. le député
de - je m'excuse - Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, je vous demanderais
d'appliquer le même règlement, comme le député de
Lévis l'a demandé tout à l'heure, et de rappeler chacun
des députés à son siège.
Le Vice-Président: Très bien, M. le
député de Saguenay. En conséquence, je dis au
député qui n'est pas à sa place actuellement de bien
vouloir gagner sa place. M. le député de Saint-Jacques, je
m'excuse, je m'adresse à vous. Sur une demande du député
de Lévis tantôt, on a exigé que chacun des
députés se tienne à son banc. Si vous voulez discuter avec
quelque personne, je vous inviterais à le faire en dehors de
l'Assemblée nationale. M. le député de Verchères,
votre intervention.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. C'est une
brillante intervention qui fait avancer beaucoup de choses. L'affirmation
nationale, c'est de prendre plus de place, de plus en plus de place, c'est de
croire en nos capacités, à notre potentiel. C'est de croire qu'on
devrait aller jusqu'à se donner les capacités de se diriger
nous-mêmes ici. Ce que je me rappelle, c'est que ce courant d'affirmation
nationale a finalement inspiré, je le disais la semaine dernière,
au début du débat, ce courant politique qu'on essaie non
seulement de réanimer, mais de pousser à sa logique ultime. C'est
finalement le courant qui a d'une façon animé tout le
nationalisme québécois, que ce soit celui des libéraux
ou
que ce soit celui des indépendantistes comme nous.
Depuis la Révolution tranquille au Québec, les gens
avaient décidé qu'il fallait aller en avant, qu'il fallait
progresser, qu'il fallait prendre plus de place, qu'il fallait plus d'autonomie
et qu'il fallait, dans notre cas, l'autonomie complète, l'autonomie
maximum. Cela nous a menés au référendum de 1980. Quand
j'écoute mes collègues libéraux faire des discours, c'est
comme s'ils avaient gagné le référendum à 90 %.
Alors que le Québec, et en particulier le Québec français,
s'est profondément divisé autour de l'enjeu de 1980. Il y a 50 %
de Canadiens français qui ont dit oui, 50 % de Canadiens français
qui ont dit non. Nos concitoyens d'autres origines ont fait la
différence. (22 h 30)
C'est un respect, c'est une constatation qu'on ne devrait pas oublier
dans cette Chambre, quand on revendique l'appui de la population. Il y a 50 %
des francophones du Québec qui ont voté oui au
référendum. Une très grande majorité des gens qui
ont voté non, chez les francophones tout au moins, l'ont fait parce
qu'ils ont cru quelqu'un qui leur avait dit qu'un non voulait dire un oui.
C'est dans ce contexte qu'il faut, aujourd'hui, se poser la question: Est-ce
que l'entente, qui a été signée au lac Meech et à
Ottawa par la suite, est une bonne entente? Est-ce que le Québec en sort
avec des gains additionnels? Est-ce que les avenues restent ouvertes pour
l'avenir? Â l'égard de quoi? À l'égard de ce qui
s'est produit en 1980 et en 1981. On a essuyé, nous qui étions
pour le oui, un échec, mais beaucoup de gens se sont rendu compte que
c'est l'ensemble du Québec qui, finalement, s'est retrouvé
pénalisé. Parce que c'est évident qu'en prenant le risque
politique d'engager le Québec dans un combat idéologique
où il fallait trancher, à un moment donné, le choix
pouvait, par la suite, donner un message au reste du Canada qui était:
Finalement, les Québécois ne sont pas prêts à aller
jusqu'au bout.
Il y a des gens qui, en votant oui au référendum,
étaient des fédéralistes, comme Léon Dion qui avait
voté oui par stratégie, parce qu'il était bien conscient
des conséquences du non. C'est évident que les gens du non, M.
Trudeau en tête, ont fait ce que nous aurions fait si on avait
gagné le référendum; ils ont consolidé leur
position. Ils ont consolidé leur victoire, mais aux dépens de
qui? Est-ce qu'ils l'ont fait en respectant la parole qu'ils avaient
donnée aux gens du Québec à l'occasion du
référendum?
Finalement, on s'est retrouvé avec le rapatriement
unilatéral de la constitution et une attitude du gouvernement central et
de beaucoup de fédéralistes qui, au Québec,
s'étaient battus du côté du non, avec la volonté de
régler le problème du Québec une fois pour toutes. Il ne
fallait plus jamais que la menace de séparatisme puisse se reproduire;
il fallait que plus jamais on ne puisse menacer l'unité canadienne
à ce point, comme on avait réussi à le faire dans les
années quatre-vingt. Il fallait mettre le Québec à sa
place le plus possible. C'était l'attitude des gens du reste du Canada.
C'était l'attitude de M. Trudeau. C'est d'ailleurs l'attitude qui
justifie aujourd'hui, en fait depuis quelque temps, son intervention dans le
débat. J'entends le député d'Iberville ou de ses
collègues dire: Écoutez, à ce moment-là, vous avez
perdu le droit de veto. Quel droit de veto? La Cour suprême a
statué, par la suite, qu'il n'y avait jamais eu de droit de veto.
Comment peut-on perdre quelque chose qu'on n'a jamais eu? Oui, il y avait un
rapport de force politique; oui, on l'a exercé et oui, la dynamique a
fait que le Québec s'est retrouvé affaibli, beaucoup à
cause du non, aussi du fait que, dans la négociation constitutionnelle,
le gouvernement Lévesque soit allé négocier avec les
autres provinces. Il s'est fait avoir, entre autres une nuit où il s'est
fait trahir littéralement par des gens qui avaient donné leur
parole, qui avaient signé un document avec le premier ministre du
Québec. Cela avait beau être un premier ministre
indépendantiste ou souverainiste, c'était néanmoins le
premier ministre du Québec. Quand il allait négocier avec les
autres provinces anglophones du Canada, il négociait au nom de
l'ensemble des Québécois et des Québécoises, qu'ils
aient voté oui ou non au référendum.
C'est ce qui lui est arrivé, à lui et à ses
collègues, à Ottawa et à Hull, cette nuit
particulière et c'est l'ensemble des Québécois et des
Québécoises qui se sont retrouvés dans une position
vulnérable de défensive. On essaie de dire: C'est la faute du
gouvernement du Parti québécois. C'est surtout le résultat
d'une dynamique qui a commencé avec le non référendaire,
d'une dynamique qui s'est continuée par la suite, parce que le vainqueur
a voulu aller jusqu'au bout de sa victoire, y compris en trahissant sa propre
parole envers l'opinion publique québécoise. Je me dis: Est-ce
que c'est une bonne entente, maintenant? Est-ce que cela nous replace dans une
dynamique où on va pouvoir recommencer à progresser?
Qu'on soit indépendantiste ou fédéraliste, si on a
à coeur les intérêts du Québec, les
intérêts des Québécois et des
Québécoises, les intérêts des gens d'ici, c'est cela
qui est important. Ce n'est pas de refaire, à ce moment-ci, la bataille
du référendum. On n'est pas ici pour savoir si, demain matin, en
signant cela, Québec va devenir un pays ou s'il va continuer
d'être une province canadienne. Il ne faut pas charrier non plus! Ce
n'est pas parce que le
Québec s'est fait avoir en 1981 et 1982, qu'il n'a pas
adhéré à la" constitution rapatriée
unilatéralement qu'il n'était plus une province canadienne et
qu'il ne faisait plus partie de ce pays qui s'appelle le Canada.
C'est comme si, des fois, on discutait et tout à coup le
Québec était dans le Canada et tout à coup il ne
l'était plus. Le Québec, c'est une province du Canada encore. Ce
qu'il est important de savoir: Est-ce qu'on veut que cette province de chaque
côté de l'Assemblée nationale devienne une province comme
les autres? Est-ce qu'on considère que l'État
québécois est un État provincial comme les autres au
Canada? Pourquoi ce Parlement s'appelle-t-il l'Assemblée nationale,
alors que tous les autres Parlements provinciaux ce sont des assemblées
législatives? Il faudrait peut-être revenir au vocabulaire. C'est
peut-être parce qu'il y a une nation ici, c'est peut-être parce
qu'il y a un peuple ici, particulier et concentré ici sur le territoire
du Québec et qui en fait un État national, le seul État
national qui existe au Canada.
Le peuple canadien-anglais est concentré non pas dans un
État provincial, mais est réparti dans l'ensemble des autres
États provinciaux. Il n'y a pas un gouvernement du reste du Canada qui
peut prétendre parler au nom de la majorité des Canadiens
anglais. C'est pour cela d'ailleurs que dans les sondages le premier
gouvernement des Canadiens anglais c'est le gouvernement fédéral,
alors que dans les sondages les Québécois répondent que
leur premier gouvernement, qu'il soit libéral ou péquiste, c'est
le gouvernement du Québec.
Moi, ce que je constate, c'est qu'il y a des opinions divergentes sur la
valeur de cette entente. M. Bourassa, le premier ministre, et ses
collègues, les députés libéraux qu'on a entendus et
qu'on va entendre encore pendant quelques heures, nous disent que ce sont des
gains historiques. Moi, je vais vous dire bien honnêtement que j'ai dit
dans mon comté publiquement que, si tel était le cas,
j'accepterais d'endosser cette entente, même si, au congrès du
Parti québécois, des militants nous ont dit de ne pas faire cela,
jamais. Je vais vous dire, ce qui est important pour moi, c'est que le
Québec avance, qu'il consolide ses positions et qu'il se replace dans
une dynamique de progression. Ce qui m'inquiète et ce qui devrait
inquiéter non seulement les députés libéraux, mais
les gens qui nous écoutent, les gens qui se retrouvent un peu
mêlés dans tout cela, c'est finalement l'opinion des autres. Dans
cette entente, il n'y avait pas seulement M. Bourassa, le premier ministre du
Québec, et M. Rémillard, le ministre des Relations
internationales et ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, il y avait aussi d'autres partenaires
fédéraux et provinciaux. Quand j'écoute les commentaires
émis par ces gens-là, je me dis: Je n'ai pas le même son de
cloche que le premier ministre du Québec. Là, cela
m'inquiète.
Je prends quelques citations du sénateur Lowell Murray, ministre
d'État aux Relations fédérales-provinciales, qui disait,
le 17 juin, au Sénat: La minorité anglophone du Québec est
probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord
constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze
gouvernements se sont engagés à protéger ce que
j'appellerais la dualité linguistique de ce pays.
Il y a Ian Scott, le Procureur général de l'Ontario:
L'entente du lac Meech donne pour la première fois au gouvernement
fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les
domaines de juridiction provinciale. C'est tout à fait le contraire de
ce que le ministre des Relations internationales nous dit. C'est le contraire
de ce que les députés libéraux vous disent à vous,
M. le Président, et aux gens qui nous écoutent depuis que ce
débat est commencé. Ce n'est pas n'importe qui, c'est le
Procureur général de l'Ontario. M. Murray ajoutait un peu plus
loin: Ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue, à
l'émission "Question Period", à l'antenne de CTV, c'est que cette
disposition, la clause de la société distincte, ne va en rien
modifier la répartition des pouvoirs; elle ne vise pas à le faire
et personne n'a prétendu qu'elle le ferait.
M. Scott a dit à un autre moment: L'accord du lac Meech
renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur
pied de nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est pas
mentionné dans la constitution; maintenant, il le sera. Dans ce sens,
cette description formelle, une première, est à l'avantage
d'Ottawa. Pour ajouter à tout cela, le premier ministre de l'Ontario,
l'un des vis-à-vis qui a signé avec le premier ministre du
Québec l'entente, a dit: Ce sont les tribunaux qui définiront le
concept de la société distincte du Québec. L'impact de
cette reconnaissance dépendra largement des interprétations
judiciaires et de l'évolution des circonstances. Ce ne sont pas du tout
les gains historiques que nous présente le premier ministre du
Québec. (22 h 40)
Est-ce qu'on doit s'étonner, M. le Président, devant ces
propos, devant les propos de journalistes du Québec qui, par exemple,
dans Le Soleil du 6 juin, nous disent: "Le Québec et l'accord
constitutionnel, ni gagnant ni perdant, le triomphe du statu quo." Dans La
Presse du 6 juin, un autre texte du correspondant parlementaire du journal
La Presse à Ottawa: "L'accord constitutionnel, le texte final
corrige en faveur d'Ottawa les ambiguïtés du lac Meech." Dans La
Presse, Gilbert Brunet
disait: "Plus de questions que de réponses".
M. le Président, ce n'est pas cela que nous disent nos
collègues d'en face, ce n'est pas cela que nous dit le premier ministre
du Québec, ce n'est pas cela que nous dit le ministre des Relations
internationales. Personne, dans ces textes, ne parle de gains historiques pour
le Québec. Personne ne parle d'une dynamique où le Québec
va pouvoir reprendre, recréer surtout un rapport de force qu'il avait
utilisé dans les années soixante et soixante-dix. Non. On nous
parle du statu quo. Plus que cela, il y a des experts qui se sont
penchés sur l'entente -non pas sur les communiqués de presse,
entendons-nous bien. On a fait une commission parlementaire de 55 heures pour
entendre toute une série d'experts statuer et donner des opinions
juridiques sur des communiqués de presse. Là, on a les textes.
Plusieurs de ces experts ont repris leur analyse maintenant fondée sur
les textes.
Je prends un expert, par exemple, M. Jacques Frémont qui a fait
une analyse sur le pouvoir de dépenser. Je vais vous lire un extrait de
ce qu'il a écrit, en conclusion de son étude, à
l'égard de la clause de sauvegarde dont nous parle le premier ministre
sur le pouvoir de dépenser et qui fera en sorte que le gouvernement
fédéral ne pourra plus intervenir dans les juridictions
provinciales, dont celle du Québec. Il dit: "Un projet d'amendement
dangereux. À la lumière de l'analyse qui précède -
je vous fais grâce des neuf pages, je n'aurai pas le temps de vous lire
toute l'opinion juridique -il est inutile d'épiloguer longuement sur le
caractère inacceptable de cet article tel que proposé."
Imaginez-vous. Ce que le projet ne dit pas, dit-il... "Au-delà de ces
commentaires, il convient aussi de rappeler que le fait de souscrire à
cet amendement constitutionnel comporte une conséquence peut-être
encore plus importante, celle de reconnaître l'existence et la
légitimité du pouvoir fédéral de dépenser."
Ce n'est pas cela que le premier ministre nous dit. C'est pourtant ce que les
gens de l'Ontario ont dit. Les gens de l'Ontario disent la même chose que
les experts constitutionnels du Québec. Qui faut-il croire, M. le
Président? M. Frémont ajoute: "Cela veut dire qu'implicitement,
cet article confirme l'existence non pas seulement du pouvoir
fédéral de dépenser dans des domaines de compétence
provinciale, mais aussi de préciser dans les faits, d'imposer aux
provinces des objectifs, des normes, des conditions afin de recevoir ces
montants, en bref, d'intervenir de façon normative dans les domaines
législatifs provinciaux. "Il semble donc qu'en tentant ainsi d'encadrer
le pouvoir fédéral de dépenser, le Québec se trouve
à, premièrement, reconnaître l'existence et la
légitimité, ce qui, dans l'état actuel du droit,
était loin d'être évident. Nulle part auparavant on n'avait
une affirmation aussi claire du droit du gouvernement fédéral de
dépenser. Deuxièmement, à permettre au
fédéral de limiter, de restreindre dans les faits l'autonomie
législative de l'Assemblée nationale. Troisièmement, avec
la vague garantie de l'obtention d'une compensation ni pleine ni
entière, pour autant que le nombre de conditions imposées par
l'État fédéral soit respecté, le tout dans des
domaines de compétence provinciale pourtant exclusives. On peut et on
doit, dans ce contexte, parler de conception de ce que le
fédéralisme canadien doit être et de la place des pouvoirs
législatifs du Québec. À cet égard, le texte de cet
article contient les germes d'un recul sans précédent de
l'autonomie législative de l'Assemblée nationale du Québec
et du gouvernement du Québec." Il explique une chose à laquelle
le premier ministre n'a pas été capable de répondre.
À plusieurs reprises, le chef de l'Opposition, au cours des
derniers jours, lui a dit: Écoutez, dans l'entente que vous avez
signée, on parle de la limitation du pouvoir du gouvernement. Mais
là, on a trouvé la faille, entre autres, à cause du
professeur Frémont. On parle du gouvernement et non pas du Parlement.
Autrement dit, il n'y a rien dans l'entente qui permettrait au gouvernement
d'agir par voie de législation, de présenter une loi au Parlement
fédéral et en faisant adopter la loi par le Parlement, faire ce
que le premier ministre du Québec pense qu'il n'est plus possible de
faire maintenant.
Je pourrais ajouter les opinions juridiques quant à la
société distincte du professeur Henri Brun ou du professeur
José Woehrling de l'Université de Montréal. Dans les deux
cas, l'un de l'Université Laval et un de l'Université de
Montréal, on a fait des études élaborées pour
montrer que, là non plus, il n'y a pas la protection que présente
le premier ministre du Québec. Qu'est-ce qu'on va faire devant toutes
ces versions contradictoires? Il me semble que le réflexe normal c'est
de faire attention. Ce n'est pas de précipiter un débat à
toute vapeur.
Et moi, je veux comprendre l'argument du premier ministre, celui qu'on
avoue en coulisse mais qu'on n'ose pas avouer en public: Vous savez, on veut
éviter que les provinces anglophones, qui ont signé l'entente
avec vous, vous fassent dans les mains comme elles nous ont fait dans les mains
en 1981 et qu'elles vous lâchent en cours de route. Donc, on veut mettre
un plancher.
La question qu'on doit se poser est celle-ci: Est-ce que le plancher
qu'on nous présente est suffisant? M. le Président, il y a trop
d'interprétations divergentes et trop d'indications qui nous indiquent
que ce plancher que l'actuel gouvernement du
Québec voudrait nous voir accepter est inacceptable, est trop
bas. Ce qu'on doit constater c'est que, finalement, le gouvernement a
décidé de profiter de la confusion de cette période-ci. La
confusion dans l'opinion publique. Quand on pose la question aux gens, les gens
qui nous écoutent vont se rendre compte eux-mêmes qu'ils sont un
peu mêlés. Tout le monde est un peu mêlé dans ce
débat-là. Écoutez! Ils entendent Trudeau dire que c'est
épouvantable. Ils nous entendent dire que c'est épouvantable pour
toutes sortes d'autres raisons.
Ils entendent le premier ministre du Québec dire que c'est le
bienfait du siècle, que c'est un gain extraordinaire. Ils entendent le
premier ministre fédéral dire que ce n'est pas si extraordinaire
que ça mais que c'est une bonne affaire. Ils entendent le premier
ministre de l'Ontario dire le contraire de ce que le premier ministre du
Québec dit. C'est évident que les gens sont mêlés.
Si on leur demande: Êtes-vous d'accord avec des gains historiques? Ils
diront: Oui. C'est ça qu'ils disent dans les sondages quand on leur
présente la question et les opinions de cette façon-là.
Mais quand on va plus loin et qu'on leur pose un certain nombre de questions
à l'égard de leur volonté d'aller plus loin, d'en obtenir
plus, là, la réponse des Québécois est plus
nuancée. On se rend compte que, finalement, les gens voudraient que leur
gouvernement, qui est actuellement le gouvernement libéral, ce
gouvernement qui représente l'ensemble de la population du
Québec, y compris les gens qui ont voté oui au
référendum, c'est le gouvernement - on ne devrait pas l'oublier
-de la population du Québec en son entier. À cet égard,
les 50 % de Canadiens français qui ont dit oui au
référendum s'attendent que leur gouvernement actuel, pour le
temps où il va être là, quelle que soit la durée de
son mandat, se tienne debout et qu'il n'abdique pas ses
responsabilités.
Ce que je vous dis, c'est que, contrairement à ce que
prétendait le député d'Iberville dans son intervention
tantôt, ça ne consacre pas la stabilité politique et
contrairement à ce que le premier ministre du Québec a
prétendu, il'n'y a pas de gain historique. De toute évidence trop
de gens nous disent que ce n'est pas le cas et, en conséquence, pourquoi
à ce moment-ci se placer en position de vulnérabilité et
surtout en position où il ne sera plus possible d'en obtenir plus?
Voilà le grand drame de toute cette entente, M. le Président.
C'est ce que j'exprimais au début tantôt quand je disais:
Est-ce une bonne entente? Est-ce qu'on a des gains réels et, surtout,
est-ce qu'on garde ouvertes les portes sur l'avenir? La réponse est: On
peut discuter longtemps sur les gains réels. Il y a des opinions
contradictoires et on va en entendre jusqu'à ce que le débat soit
fini.
Mais, ce qui est évident pour tout le monde, le statu quo qui a
été invoqué fait en sorte que, pour l'avenir, il n'y a pas
de possibilité d'aller en chercher plus facilement. Et, c'est ça
qui est dramatique dans cette entente-là et c'est ça qui devrait
amener les députés libéraux à faire un peu moins de
fanfaronnade et à prendre leurs responsabilités tout en
n'oubliant pas qu'ils ont maintenant, comme dirigeants du Québec ayant
la responsabilité de gouverner le Québec, la
responsabilité de représenter l'ensemble de la population du
Québec en se rappelant - et je termine avec ça - que ceux qui ont
voté oui et une bonne partie de ceux qui ont voté non voulaient
beaucoup plus que ce qu'on leur présente actuellement comme étant
des gains historiques.
Ce qu'ils voulaient, c'est d'être dans la continuité du
mouvement en avant de notre peuple depuis 25 ou 30 ans et non pas de s'effoirer
et de se contenter de peu, à ce moment-ci, parce que là, on
voudrait régler une fois pour toutes le cas du Parti
québécois. Ce n'est pas le cas du Parti québécois
ni le cas de l'indépendance qu'on règle, c'est le cas de l'avenir
du Québec et ses moyens d'intervenir sur la réalité et les
problèmes des gens.
Voilà ce que j'avais à dire, M. le Président.
Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je
cède la parole à M. le député de Papineau. (22 h
50)
M. Mark Assad
M. Assad: Merci, M. le Président. Mon intention n'est pas
de commenter les détails de l'entente constitutionnelle. On pourrait
dire que je ne suis pas exactement un passionné des débats
constitutionnels mais je reconnais évidemment la grande importance de la
signature de l'entente du lac Meech.
Je voudrais donner plutôt, M. le Président, le point de vue
d'une personne qui est née, qui a grandi au Québec dans une
petite ville où les Canadiens français étaient en
majorité naturellement, mais qui a fait ses études à 1'
école anglaise. Donc, mon expérience de vie m'a donné la
chance de côtoyer et de connaître les deux groupes linguistiques
qui forment notre pays, j'ai donc vu l'évolution qu'a connue le
Québec à la fin des années cinquante, des années
soixante et de la Révolution tranquille et des années
soixante-dix, l'évolution dans le domaine de l'éducation, le
domaine culturel et surtout dans le domaine économique. J'ai vécu
cette évolution quotidiennement comme beaucoup de mes compatriotes, tant
de langue anglaise que de langue française.
Je voudrais à ce moment-ci citer une phrase de l'ancien premier
ministre du
Canada, Mackenzie King, vers la fin de sa carrière, dans les
années quarante. Je le cite et j'espère que vous allez être
d'accord avec la traduction que je vais donner de ce qu'a dit cet ancien
premier ministre du Canada, Mackenzie King. C'était remarquable ce qu'il
a dit. Je cite: "Un jour, le Québec va prendre conscience de sa force
et, à ce moment-là, il deviendra un géant dans la
confédération canadienne." Sans doute que Mackenzie King
était un homme qui voyait loin et il voyait le Québec comme une
force dans la confédération canadienne.
Évidemment, en très peu de temps, en moins de 30 ans, sa
prédiction s'est avérée.
Avec les outils que s'est donnés le Québec sur le plan
économique - nous connaissons tous la Caisse de dépôt et
placement, la Société générale de financement et la
progression d'Hydro-Québec, une des plus grandes réussites de
l'histoire économique du Canada - nous avons énormément
progressé et nous sommes devenus une force économique
enviée par tout le Canada. M. le Président, sans cette
évolution extraordinaire et rapide, est-ce que le Québec aurait
été en position de dicter ses conditions aux autres provinces du
Canada, si on était resté statique comme on l'a été
longtemps? Mais, avec l'essor économique qu'on a connu à la fin
des années cinquante, surtout durant les années soixante et
soixante-dix, il est évident que cette force et cette confiance en
nous-mêmes faisaient qu'on était en position de dire au reste du
Canada: Vous avez besoin de nous. Effectivement, ils ont reconnu la
nécessité de ramener le Québec dans la famille du
Canada.
Je suis convaincu, M. le Président, que c'est grâce aux
défis que nous avons relevés avec succès que nous en
sommes arrivés à une entente aussi avantageuse. Le premier
ministre du Québec, comme d'ailleurs l'ont noté des observateurs,
a été très habile dans cette négociation, avec
l'aide de ses conseillers au sein du cabinet et en particulier du ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Il
faut noter ici le destin hors du commun de notre premier ministre, M. Bourassa.
Il est dit et je cite: "Le destin est l'enfant du caractère." Il n'y a
pas de doute que le caractère de M. Bourassa a joué pour beaucoup
dans cette entente avec les premiers ministres des autres provinces. Sa
logique, sa persévérance, sa connaissance de la
réalité politique canadienne ont été des atouts
majeurs qui ont permis d'aboutir à une entente aussi importante.
Avec les années soixante et soixante-dix, avec la remontée
économique, nous avons connu un phénomène inattendu dans
la province de Québec. L'indice de natalité au Québec
était un des plus élevés non seulement en Amérique
du Nord, mais dans tout le monde occidental; mais on assiste maintenant au
phénomène inverse, c'est-à-dire la
dénatalité. Mon collègue député d'Outremont
m'avait donné une leçon de ce problème de la
dénatalité et ce qui peut en découler dans l'avenir. Assez
curieux, cela est un nouveau défi pour les Québécois, le
défi qu'on a relevé il y a 200 ans.
Un des plus grands historiens du XXe siècle, Arnold Toynbee, dans
une série de conférences qu'il a prononcées à
l'Université McGill en 1956, avait fait une prophétie. On dit que
l'histoire se répète. Effectivement, j'ai cité cette
phrase en 1974 durant les débats sur le projet de loi 22. Ce n'est
peut-être pas la grande histoire, mais au moins c'est la petite histoire.
Mon habileté à traduire laisse à désirer, mais au
moins c'est sincère. Toynbee a dit: "Lorsque l'archange Gabriel
annoncera la fin des temps, deux peuples sont sûrs d'être sur la
terre: les Chinois et les Canadiens français." Merci.
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, encore quelques remarques au
sujet de cet accord constitutionnel. Voilà un débat qui se
déroule, il faut bien le reconnaître, dans l'indifférence
presque générale au Québec. Je suis convaincu que chaque
député a sans doute eu l'occasion, dans sa circonscription, au
cours de la fin de semaine, de constater que les citoyens du Québec ne
manifestaient pas beaucoup d'intérêt à l'égard de ce
débat sur la question constitutionnelle, sur la ratification de l'accord
constitutionnel par l'Assemblée nationale.
Cela peut se comprendre puisque le tout se déroule dans un moment
de l'année où les Québécois sont sans doute plus
intéressés à préparer leurs vacances, à
faire leur jardinage et à s'occuper de leurs plates-bandes. Je suis
persuadé que le gouvernement était parfaitement conscient de cela
lorsqu'il a décidé d'obliger l'Assemblée nationale a
débattre de cet accord constitutionnel. Je suis persuadé, je suis
convaincu que le gouvernement a délibérément situé
ce débat à ce moment-ci de l'année, sachant fort bien que
ça se déroulerait dans l'indifférence
générale. C'était, j'en suis persuadé, son
intention. Ce n'est pas le fruit du hasard. Le gouvernement a donc
délibérément situé ce débat dans un moment
précis où la majorité des Québécois n'en
aura même pas conscience. (23 heures)
Pourquoi? Parce que le gouvernement ne souhaite pas un véritable
et un large débat public sur cette question. Le gouvernement ne veut pas
que les Québécois saisissent les véritables enjeux de cet
accord
constitutionnel. Le meilleur moyen de faire en sorte que les
Québécois ne prennent pas conscience des enjeux, c'est de faire
vite, c'et de faire rapidement, de procéder à la vapeur, à
un moment où ils songent à autre chose, où ils sont
intéressés et préoccupés par autre chose, en
particulier par leurs vacances.
Il faut dire que cette entente n'est absolument pas montrable. C'est
peut-être pour cela que le gouvernement l'a fait adopter, l'a fait
ratifier par l'Assemblée nationale dans l'indifférence
générale, parce qu'elle n'est pas montrable. Si elle était
montrable, comme le disait tout à l'heure mon collègue de
Lévis, si le gouvernement était tellement fier du contenu de
cette entente, des dispositions de cet accord, s'il en était tellement
fier, il aurait dû d'abord permettre à tous les
Québécois, par le biais d'une commission parlementaire et d'une
consultation générale ouverte et publique, d'en prendre
connaissance, d'en examiner les tenants et aboutissants, de se faire une
opinion, de se forger un point de vue sur la question, ce qui n'est
malheureusement pas le cas. Ils ont à peine amorcé, ils ont
à peine commencé, à l'occasion d'une commission
parlementaire à entendre un certain nombre d'experts et d'organismes.
Les Québécois ont à peine commencé à se
forger une opinion sur le contenu de cet accord. Le gouvernement,
malheureusement, ne souhaite pas leur laisser le temps de compléter
cette réflexion nécessaire et qui demande un certain temps,
compte tenu de la nature des enjeux et de la complexité de ces questions
constitutionnelles.
Le gouvernement décide d'aller vite parce qu'il sait fort bien
que cette entente n'est pas montrable, que cette entente n'est pas conforme
à ce qu'il est convenu d'appeler, depuis 30 ans, au Québec, les
aspirations traditionnelles du Québec, les revendications
traditionnelles du Québec, particulièrement en matière de
partage des pouvoirs et de partage des compétences. On sait que tous les
gouvernements qui se sont succédé au Québec depuis 30 ou
40 ans ont exigé, ont revendiqué davantage de pouvoirs pour le
Québec, plus de> pouvoirs, plus de compétences pour permettre,
justement, un meilleur développement, pour permettre au Québec de
progresser, de se développer, d'avoir une plus grande marge de
manoeuvre.
Ce sont les revendications traditionnelles du Québec, les
aspirations traditionnelles du Québec dans le cadre du régime
fédéral, il faut bien le préciser. Il ne s'agit pas de
faire la souveraineté du Québec, il ne s'agit pas de faire en
sorte que le Québec devienne un État souverain, mais, dans le
cadre du régime fédéral, les Québécois, de
tout temps, depuis des générations et quel que soit le parti au
pouvoir depuis 40 ans, les Québécois ont revendiqué
davantage de compétences pour le Québec de façon à
leur permettre de mieux se développer et de progresser davantage sur
tous les plans.
Cette entente, quand on la compare, quand on la met en face des
aspirations traditionnelles du Québec, il nous faut malheureusement
reconnaître qu'elle n'est en aucune façon conforme à ces
aspirations traditionnelles, qu'elle ne répond pas du tout, en aucune
façon, à ces revendications traditionnelles, puisqu'elle ne
comporte pas de pouvoirs accrus, de compétences additionnelles,
supplémentaires pour le Québec. C'est au moins un constat que
tout le monde fait, que tous les observateurs ont fait d'un bout à
l'autre du Canada. On est en face d'une entente, d'un accord qui n'accorde en
aucune façon plus de pouvoirs au Québec. C'est, sur le plan des
pouvoirs, des compétences, le statu quo. Il y a au moins un consensus
général à travers tout le Canada sur le contenu de cet
accord: il n'y a pas de pouvoirs accrus pour le Québec.
La question qu'on doit se poser aussi, c'est comment se fait-il que le
gouvernement libéral n'ait pas tenté d'aller plus loin. Comment
se fait-il qu'il n'ait pas jugé utile d'exiger davantage, de revendiquer
plus dans les circonstances, puisqu'il entreprenait des négociations
constitutionnelles? Pourquoi n'a-til pas été plus exigeant?
Pourquoi n'a-t-il pas jugé bon d'aller plus loin en matière de
revendications, particulièrement concernant des pouvoirs et des
compétences accrus? Eh bien! il faut se rappeler ce qu'est le Parti
libéral. Le Parti libéral, ce n'est pas seulement un parti
fédéraliste - c'est parfaitement son droit le plus
légitime de l'être et de croire au régime
fédéral - mais c'est également un parti politique qui, de
façon officielle en cette Chambre, du moins plusieurs de ses membres et
certains sont actuellement des ministres influents du gouvernement, s'est
montré satisfait de l'acte constitutionnel de 1982, de ce qu'on a
appelé, avec raison d'ailleurs, le coup de force de M. Trudeau, le
rapatriement unilatéral avec tout ce que cela entraînait comme
réduction réelle, concrète des pouvoirs de
l'Assemblée nationale, particulièrement en matière
linguistique et en matière d'éducation.
À l'époque, nous avions présenté une motion
devant cette Assemblée nationale. Une motion qui ne demandait pas
à l'Assemblée nationale d'approuver un projet de
souveraineté, mais une motion qui, tout simplement, demandait à
l'Assemblée nationale de s'opposer au rapatriement unilatéral de
la constitution. On était à ce moment-là en octobre 1981
et elle se lisait comme suit, je vous en donne les premières phrases:
"La Cour suprême du Canada ayant décidé que le projet
fédéral concernant la constitution du Canada réduit les
pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que
l'action unilatérale du gouvernement fédéral bien
que légale est inconstitutionnelle, parce que contraire aux conventions
- le gouvernement du Québec, on se le rappellera, avait demandé
un avis à la Cour suprême sur le rapatriement unilatéral -
cette Assemblée réclame du gouvernement fédéral
qu'il renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à
tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses
pouvoirs sans son consentement."
Une résolution, donc, qui n'est pas une proclamation de
l'indépendance du Québec, simplement une résolution,
à l'époque, en octobre 1981, qui dit au gouvernement
fédéral: Arrêtez le processus de rapatriement, puisqu'il
rogne, il réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Dans le
cadre du régime fédéral! Il ne s'agit pas de proclamer
l'indépendance.
Je me souviens très bien de ce débat. Le chef du Parti
libéral d'alors, M. Ryan, avait accepté de voter pour cette
motion. Une bonne partie de son caucus également avait voté pour
cette motion, mais il y avait eu neuf rebelles. On se rappellera les neuf
rebelles qui, malgré l'adhésion du chef du Parti libéral
à la motion, avaient décidé de voter contre cette motion.
Ils étaient neuf. Il y en a plusieurs qui sont encore ici, M. le
Président. Les neuf qui avaient voté contre sont: M. O'Gallagher,
il n'est plus là; M. Ciaccia, c'est un ministre important, ministre de
l'Énergie et des Ressources du gouvernement libéral; M. Caron,
maintenant retraité de l'Assemblée nationale; M. Lincoln,
ministre de l'Environnement du gouvernement actuel; M. Gratton, ministre du
Revenu, leader du gouvernement actuel qui lève la main en disant:
"Présent"; M. Maciocia qui est toujours un député de cette
Assemblée; M. Cusano que je vois ici en face de moi; M. French, qui est
un autre ministre du gouvernement, ministre des Communications, et Mme
Dougherty, qui est encore une députée de cette Chambre. (23 h
10)
Neuf députés, dont quatre actuellement font partie de ce
gouvernement, qui s'étaient refusé de voter sur cette
résolution - il faut quand même interpréter les votes comme
ils sont inscrits dans le Journal des débats et dans les
procès-verbaux - parce qu'ils étaient d'accord avec ce que M.
Trudeau faisait à Ottawa à l'époque, le rapatriement
unilatéral avec une charte des droits qui limitait, qui réduisait
les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Ils étaient d'ailleurs
tellement d'accord avec cela que non seulement les neuf, mais une vingtaine de
députés libéraux, lorsque Sa Majesté est venue
signer l'accord constitutionnel de 1982, se sont rendus à Ottawa pour
festoyer, pour célébrer.
Il faut en conclure, par conséquent, à moins que ce ne
soit des hypocrites, ce que je n'oserais croire et n'oserais dire, qu'ils
étaient d'accord fondamentalement avec l'opération
enclenchée par M. Trudeau qui a conduit à l'Acte constitutionnel
de 1982 et qu'ils étaient par conséquent d'accord pour que
l'Assemblée nationale voie ses pouvoirs réduits,
particulièrement en matière d'éducation. Il y a toujours,
parmi ces neuf qui sont au sein de ce gouvernement, des ministres influents,
importants.
Quand je regarde l'entente constitutionnelle d'Ottawa,
négociée récemment, qui comporte si peu, quand je me pose
la question "pourquoi le Parti libéral n'a-t-il pas exigé
davantage, pourquoi n'a-t-il pas jugé utile d'aller plus loin en
matière de revendications et d'exigences?", je ne suis pas tellement
surpris quand je regarde le comportement de plusieurs des ministres du
gouvernement, à l'époque de la crise constitutionnelle de
1981-1982, qui s'étaient montrés parfaitement d'accord avec
l'Acte constitutionnel de 1982. Je sais que ce n'est pas le cas du ministre
actuel délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes, je le sais, puisqu'il s'y était opposé à ce
moment-là, alors qu'il était professeur d'université. Ce
n'est pas son cas, mais c'est le cas de plusieurs de ses collègues.
Comment voulez-vous qu'un parti politique au pouvoir exige davantage de
pouvoirs en conformité avec les revendications traditionnelles du
Québec lorsque, en son sein même, plusieurs de ses ministres
influents, importants ne jugent pas utile, souhaitable d'aller plus loin et
qu'ils ont même célébré, festoyé à
l'occasion de la signature officielle de l'accord constitutionnel de 1982 en
présence de Sa Majesté? Comment voulez-vous que ce parti, que ce
gouvernement soit plus exigeant, exige et revendique davantage en
matière constitutionnelle dans le cadre fédéral? Cela
m'apparatt impossible.
Par conséquent, c'est malheureux à dire et c'est
déplorable, mais compte tenu de la nature de ce parti politique qui est
actuellement au pouvoir au Québec, compte-tenu de ses positions
antérieures, compte-tenu des positions connues - les votes à
l'Assemblée nationale sont là pour témoigner des positions
connues de plusieurs de ses membres éminents et influents - je dois
reconnaître que ce gouvernement était incapable d'aller plus loin,
d'exiger davantage, malheureusement. Ce faisant, il n'a pas respecté, il
ne s'est pas conformé aux revendications traditionnelles du
Québec, du peuple québécois en matière
constitutionnelle. Sa volonté de changement était vraiment trop
faible, trop ténue, trop molle. Il n'y avait pas une réelle
volonté de changement, une forte volonté de changement ferme de
la part de ce gouvernement dans le cadre du régime fédéral
actuel.
On a le résultat actuellement débattu par cette
Assemblée, une entente qui
constitue le minimum du minimum et qu'on ne devrait en aucune
façon signer, parce que cela ne répare en aucune façon les
dégâts et le gâchis qui ont été causés
par l'accord constitutionnel de 1982.
C'est encore la même chose, évidemment, quand on examine la
question linguistique. Comment voulez-vous qu'un gouvernement exige, ce qui est
notre position à nous, les pleins pouvoirs de l'Assemblée
nationale en matière linguistique? Comment vouleZ'Vous qu'un
gouvernement exige que le seul centre et le seul lieu de décisions en
matière linguistique ce soit l'Assemblée nationale sur le
territoire du Québec, quand ce gouvernement, ce parti ne voit pas
l'utilité ni la nécessité de donner à
l'Assemblée nationale, ou de redonner, devrais-je dire, ses pleines
compétences en matière linguistique? Il n'en voit pas la
nécessité.
À deux reprises, en cette Chambre, au cours de cette session,
nous avons présenté des motions très claires et
très précises visant à obtenir l'assentiment de
l'Assemblée nationale, l'unanimité de l'Assemblée
nationale, pour faire en sorte qu'en matière constitutionnelle nous
réclamions, comme Parlement du Québec, les pleins pouvoirs en
matière linguistique. À deux reprises, une première fois
par le biais du député de Jean-Talon et, une deuxième
fois, je pense, par le député de Mille-Îles, on a cru bon
de littéralement dénaturer nos motions, de les défigurer
et de leur enlever le sens que nous voulions leur donner au départ,
lorsqu'on les a présentées. On leur a enlevé leur sens
véritable et on a même été obligés dans les
deux cas de voter contre, alors que les députés
ministériels ont voté pour, après les avoir
amendées de telle façon que cela ne correspondait en aucune
façon à ce que nous exigions, au sens que nous voulions donner
à ces motions d'exiger les pleins pouvoirs de cette Assemblée en
matière linguistique.
C'est évident que les Québécois réclament...
Et sur cela, s'il y a au moins une chose très claire, c'est que les
trois quarts sinon davantage des Québécois francophones sont en
plein accord avec l'idée de faire en sorte que le seul centre de
décisions au Québec en matière linguistique ce soit
l'Assemblée nationale, et que l'Assemblée nationale ne soit pas
entravée dans l'exercice de cette compétence par des dispositions
constitutionnelles, en particulier issues de la charte canadienne des droits.
C'est très clair. Il n'y a pas d'ambiguïté, il n'y a pas
d'équivoque possible. L'immense majorité des
Québécois francophones, à cette question, répondent
oui: Est-ce que vous souhaitez que ce soit l'Assemblée nationale qui
détienne les pleins pouvoirs en matière linguistique? La
réponse est toujours oui à plus de 75 % chez les
francophones.
Devant une volonté populaire aussi manifeste, aussi claire et
aussi peu ambiguë, il me semble que le gouvernement libérai devrait
se plier ou se soumettre à cette volonté populaire. C'est ce que
nous lui demandions d'ailleurs, soit d'exiger la pleine compétence
linguistique pour cette Assemblée nationale, ce Parlement de
Québec. Il ne l'a pas fait. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait? Il faut quand
même dire les choses telles qu'elles sont. Il reste que, lorsqu'on lit
les mémoires d'Alliance Québec, un organisme représentant,
l'organisme porte-parole de la communauté anglophone au Québec,
il est très clair, et ils sont venus témoigner en commission
parlementaire, pour eux, les gens d'Alliance Québec, la
société distincte, oui, très bien, d'accord, mais cela
doit être jumelé, conjugué et je dirais même dans
leur esprit, j'en suis persuadé, subordonné à ce qui
s'appelle la caractéristique fondamentale du Canada qui est la
dualité linguistique. (23 h 20)
Cela est très clair. C'est la pensée d'Alliance
Québec, c'est cela qu'ils ont déclaré à une
commission du Sénat en 1985, je pense, et c'est ce qu'ils ont
répété en commission parlementaire il y a quelques
semaines. Pour eux, la dualité linguistique est une
caractéristique fondamentale du Canada, par conséquent aussi du
Québec, et le concept de société distincte doit être
subordonné à cette dualité linguistique.
On sait évidemment que la communauté anglaise est
très influente à l'intérieur du Parti libéral,
c'est un fait connu depuis des décennies. Le principal véhicule
politique de la communauté anglophone au Québec, c'est le Parti
libéral; je pense que c'est un fait patent, évident. Il est
évident qu'à ce moment-là ils exercent une influence sur
le plan idéologique, si bien que leur conception des choses, leur vision
des choses a été en large partie adoptée par ce
gouvernement et, ensuite, je dirais, s'est reflétée dans
l'entente du lac Meech et s'est traduite en termes juridiques dans l'accord
constitutionnel d'Ottawa. C'est là, c'est le chapitre, la clause
d'interprétation sur la dualité linguistique et sur la
société distincte.
Il n'est pas inutile de signaler, M. le Président, que cette
communauté anglaise est toujours hostile à la loi 101. Cela aussi
est un fait connu. Récemment, La Presse commandait un sondage
à la firme CROP auprès de la communauté anglophone pour
connaître son état d'esprit relativement à la charte du
français et les résultats sont très clairs. Est-ce que
vous êtes d'accord avec le fait que le français soit la seule
langue officielle au Québec? La réponse: Pas d'accord tout
à fait, 67 % - c'est un sondage qui a été fait
auprès de la communauté anglaise du Québec - plutôt
pas d'accord: 21 %. Si on met plutôt pas d'accord et pas d'accord tout
à fait
ensemble, cela fait 88 %. C'est beaucoup.
Êtes-vous d'accord avec le fait que le français soit la
langue de travail au Québec? Plutôt pas d'accord, 21 % et tout
à fait pas d'accord, 48 %. Si on les additionne, cela fait 69 % qui ne
sont pas d'accord pour que le français soit la langue de travail au
Québec.
Êtes-vous d'accord pour que le français soit la seule
langue d'enseignement pour les enfants d'immigrants au Québec?
Plutôt pas d'accord: 22 %; pas d'accord tout à fait: 62 %, ce qui
fait, si j'additionne, 84 %. 84 % ne sont pas d'accord pour que le
français soit la seule langue d'enseignement pour les enfants
d'immigrants au Québec.
Pour ce qui est de l'affichage au sein de la communauté anglaise,
affichage en français seulement, tel que prescrit par la loi: 1 % en
français et, dans une autre langue avec prédominance du
français, 38 %; en français et dans une autre langue, à
parts égales, 43 %. Donc, c'est le bilinguisme pour plus de 80 %. C'est
cela la réalité.
Alliance Québec a beau dire dans ses mémoires que, oui,
elle est d'accord avec l'esprit, l'objectif, de la charte du français,
il n'en demeure pas moins - ce sondage est tout à fait
révélateur - que la communauté anglaise du Québec
est toujours farouchement hostile, opposée aux lignes de forces, aux
dispositions majeures de la loi 101, langue officielle, langue de travail,
langue d'enseignement, langue d'affichage. Ils sont contre majoritairement et
avec une forte majorité, le sondage est très clair
là-dessus.
Vous avez un parti où cette communauté anglaise exerce une
influence déterminante. Or, il est évident que, dans ces
conditions, le gouvernement en face de nous n'est en aucune façon
sensible aux aspirations en matière linguistique de la majorité,
de l'immense majorité des francophones du Québec.
Voilà, M. le Président, les quelques remarques que je
tenais à exprimer, encore une fois, à ce sujet. Je pense que,
finalement, on est en face d'une mauvaise entente, une entente qui n'est pas
montrable, une entente qui n'est pas sortable et, au fond, étant
donné la nature du Parti libéral, étant donné ses
clientèles, étant donné ses appuis, étant
donné ses positions antérieures, il faut malheureusement
reconnaître que ce parti, ce gouvernement ne pourrait pas aller beaucoup
plus loin que cette mauvaise entente, que cette entente qui n'est pas
montrable. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Lafontaine.
M. Gobé: M. le Président, en vertu de l'article
213, me serait-il possible de demander au député de
Lac-Saint-Jean s'il accepterait de répondre à une question que je
lui poserais par rapport à l'exposé qu'il vient de faire?
M. Brassard: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: Très bien. M. le
député de Lac-Saint-Jean étant d'accord, M. le
député de Lafontaine, en vous rappelant que la question doit
être brève.
M. Gobé: Merci, M. le Président. Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que M. le député
de Lac-Saint-Jean reconnaît qu'en 1981 le gouvernement, celui du Parti
québécois et M. René Lévesque, le premier ministre
lui-même, accordaient leur adhésion à la formule
d'amendement contenue dans l'accord du lac Meech, soit celle d'une
majorité comprenant les deux Chambres fédérales et les
deux tiers des provinces représentant au moins 50 % de la population
canadienne?
Le Vice-Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Brassard: M. le Président, nos propos, nos remarques et
nos discours ne portent pas vraiment sur la formule d'amendement, parce que je
dois dire que, oui, telle que formulée, la formule d'amendement pourrait
nous convenir et elle correspond, essentiellement - effectivement, c'est la
réalité des faits - à ce que nous réclamions,
à ce que nous avons réclamé ici même à
l'Assemblée nationale, à l'occasion d'une motion, et à ce
que nous réclamions également dans le projet d'accord
constitutionnel rendu public en mai 1985 par l'ancien gouvernement. Oui sur la
formule d'amendement, mais sur le reste, plus que des réserves et
surtout sur les insuffisances de cet accord.
Le Vice-Président: Cela y met fin. C'était
seulement une question et non pas une deuxième question, M. le
député de Lafontaine. Je reconnais maintenant comme prochain
intervenant M. le député de Fabre.
M. Jean A. Joly
M. Joly: M. le Président, c'est pour moi aussi ce soir un
grand honneur de me lever et de prendre la parole au nom du côté
ministériel pour essayer, à mon tour, de démontrer que
l'entente du lac Meech était vraiment celle qui aurait dû
être signée, il y a déjà quelques années.
Par contre, je m'en voudrais de ne pas souligner ce à quoi nous
avons eu à faire face. Nous avons eu à vivre ce soir, M. le
Président, et ceci même depuis déjà quelques jours,
du grand théâtre. Nous avons vu, tour à tour,
déambuler, pour ne pas dire aussi fabuler devant nous le professeur de
Lévis,
le député de Lévis, qui était entouré
béatement de certains de ses collègues qui le regardaient d'une
façon quasi religieuse, tout ébahis des propos incongrus venant
d'à peu près nulle part, pour arriver à peu près
nulle part. Nous avons vu cela. (23 h 30)
Une voix: C'est vrai.
M. Joly: Je ne souhaite qu'une chose, M. le Président: si
l'on dit que les élèves dépassent souvent le professeur,
j'espère que la prochaine génération de
députés de l'Opposition ne sera pas à l'image du
député de Lévis.
J'ai mentionné un petit peu plus tôt dans la soirée,
qu'il y en a qui sont ici, à l'Assemblée nationale, pour se faire
voir et d'autres pour se faire valoir, mais qu'ils ne pensent pas qu'ils vont
nous avoir. Je pense que, d'un commun accord, nous allons tous vers le
même but: celui d'essayer de faire avancer la cause du Québec, la
cause des Québécois.
Jusqu'ici, tout ce que nous avons entendu, ce sont les plaintes de
l'Opposition, ses gémissements, son pleurnichage. C'est bien facile
à comprendre: ils n'ont pas d'autre sujet que celui sur lequel ils
peuvent s'appuyer ou auquel ils peuvent s'accrocher. Quand la barque coule, on
essaie d'en couler une autre. Soyez assuré, M. le Président, que
la nôtre n'est pas sur le point de couler.
On nous dit que 35 heures de débat, ce n'est pas beaucoup. On
nous dit cela. Mais on oublie de mentionner que, antérieurement à
ces 35 heures de débat, il y a, quand même, eu 55 heures de
débat en commission parlementaire où, globalement, nous avons eu
à écouter plus de 20 groupes qui se sont présentés
et qui ont fait valoir leur point de vue sur l'entente constitutionnelle du lac
Meech. Afin de faire une petite comparaison entre celle que nous vivons
actuellement en 1987 et celle de 1981, disons que, comparativement aux 55
heures de commission parlementaire - ce qui ne semble pas juste - en 1981, le
gouvernement de l'époque n'avait consenti que 46 heures de débat.
Cela veut dire une différence de 9 heures de plus en 1987. Alors
qu'aujourd'hui nous sollicitions l'expression et les commentaires de 18
individus et experts, en 1981, seulement 11 experts s'étaient
présentés, et cela à titre personnel. Nous avons
sollicité l'intervention de 18 individus et experts, je le
répète. Il faut se rappeler qu'en 1981, c'était
l'époque du gouvernement du Parti québécois.
On nous reproche aujourd'hui de ne pas être juste parce qu'on
consent à un débat de 35 heures et que ces 35 heures sont
divisées en deux, soit 50 % du temps à chaque côté.
Or, dans cette période pendant laquelle on a débattu de sujets
aussi importants que le référendum et le reste, jamais on n'a
consenti à une formule du partage du temps à 50 %. Jamais.
Partant de ce principe, je ne crois pas qu'il soit juste et honnête de la
part de l'Opposition de nous dire que nous avons été ou que nous
sommes malhonnêtes.
Le député de Lévis, dans son long exposé,
nous a fait un cours d'histoire, un cours qui partait d'aussi loin que 1534. Je
serais quasiment tenté de le considérer comme un fossoyeur qui
enterre les vivants et qui déterre les morts. C'est ce que l'on vit avec
le député de Lévis.
Pendant que le député de Lévis s'amuse à
lever et à "garrocher" de la terre, pour ne pas dire de la boue, un peu
partout, on cherche des solutions et nous allons vers les vraies solutions. Je
crois, en toute sincérité et en toute honnêteté, que
la signature de l'entente du lac Meech est une solution.
Le Vice-Président: M. le député de Fabre. M.
le député de Saint-Jacques, sur un rappel au
règlement.
M. Boulerice: Le député de Fabre parle de morts.
Pourriez-vous vérifier le quorum, s'il vous plaît?
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Jacques, je dois constater que nous avons effectivement quorum. M. le
député de Fabre, poursuivez votre intervention.
M. Joly: M. le Président, je pense que le
député de Saint-Jacques voulait démontrer qu'il
était présent en Chambre. Il avait sûrement quelqu'un
à saluer dans son auditoire.
Aujourd'hui, nous sommes en face d'une solution qui nous est
présentée et qui est celle qui aurait sans doute dû
être cherchée depuis nombre d'années, soit la signature de
l'entente du lac Meech.
Grâce à deux grands Québécois, à deux
grand Canadiens, soit le premier ministre et le ministre et
député de Jean-Talon, nous avons réussi à faire ce
que l'Opposition n'a jamais fait dans le passé; au contraire, en avril
1981, on y perdait.
S'ils n'ont pas réussi à faire quelque chose du genre dans
le passé, il y a une raison bien simple, c'est qu'ils
commençaient à faire peur à bien du monde. La preuve,
c'est qu'on a subi un exode, une perte dans les industries au Québec.
C'était attribuable au climat qui persistait en ce temps-là.
C'est bien certain que toutes ces industries qui sont parties, on peut
les compter, mais toutes celles qui ne sont pas venues, c'est incalculable et
cela veut dire un net recul pour nous du Québec. C'est aujourd'hui une
situation différente. Onze premiers ministres se sont réunis, se
sont assis et ont décidé de parler ensemble, de discuter ensemble
et de chercher à s'entendre.
M. le Président, j'aimerais vous citer
ici ce qui était écrit dans le journal La Presse
par Robert Décarie: "L'entente du lac Meech, un témoignage
éloquent de la bonne volonté et de la capacité
d'adaptation de nos dirigeants actuels. Le fait que le Québec
réintègre les rangs aux conditions de son choix constitue en soi
un accomplissement de taille." Il y a deux choses dans ces deux courts
paragraphes qui me frappent. Quand on dit "de nos dirigeants actuels", cela
veut dire que n'eût été le gouvernement libéral en
place, sans aucun doute que cette entente du lac Meech n'aurait jamais
été amorcée, n'aurait jamais été
signée. C'est la première chose qui me frappe. Mais quand on dit
aussi "réintègre les rangs aux conditions de son choix", cela
veut dire que c'est nous qui avons décidé des règles du
jeu. Parce que ce que nous demandions était juste et légitime,
d'un commun accord, les onze premiers ministres se sont entendus.
C'est ce qui fait qu'encore dans La Presse, sous la plume de Michel Roy,
en date du samedi 2 mai, on disait, sous le titre "Un accord capital": "Ce qui
s'est passé jeudi dans les collines de la Gatineau tient du prodige.
Personne en effet n'avait osé prédire que les onze premiers
ministres réussiraient en dix heures à conclure une entente
constitutionnelle convenant au gouvernement du Québec." (23 h 40)
Si ce n'est pas ce que l'on appelle un climat de confiance, je me
demande jusqu'où on peut aller dans l'extrapolation et subir ce qu'on a
eu à subir tant de la part du député de Verchères
que de la part du député de Lac-Saint-Jean qui disaient qu'on n'a
pas été exigeants, qu'on n'a été exigeants d'aucune
façon, qu'on n'a rien demandé, qu'on aurait dû demander
encore un peu plus, alors que nous demandions un peu plus qu'ils n'ont jamais
demandé, parce qu'eux c'était toujours un peu moins. Alors,
pendant qu'eux c'était un peu moins, nous, aujourd'hui, c'est un peu
plus. Alors, qu'est-ce que le député de Lac-Saint-Jean voudrait
avoir de plus, M. le Président?
Le député de Lac-Saint-Jean nous soulignait aussi qu'on
devait prendre nos responsabilités. Nous les avons prises, nos
responsabilités. La preuve que nous avons pris nos
responsabilités, c'est que nous avons une entente qui est à la
mesure du Québec, une entente que nous méritions depuis
longtemps, une entente qui avait été altérée dans
le passé, pas par le Parti libéral, mais bien par le Parti
québécois. Je serais quasiment tenté de dire que ce n'est
pas le Canada qui a rapatrié le Québec, mais plutôt le
Québec qui a rapatrié le Canada. Quand on regarde ce qui nous est
consenti, exactement ce qu'on a demandé, cela prouve seulement une
chose, que le climat de confiance que nous, du Parti libéral, avons
réussi à ramener ici dans cette province de Québec a fait
que les onze premiers ministres ont réussi à s'asseoir ensemble
et à négocier quelque chose qui leur tenait à coeur autant
qu'à nous, parce que ce n'était pas le Parti libéral qui
avait défait ce que nous avons eu à vivre pendant tant
d'années.
Je conclus en disant que nous avons des négociateurs hors pair
qui se sont déplacés avec une équipe, avec de grands
spécialistes qui étaient là avec l'idée bien
arrêtée de continuer à défendre les droits du
Québec, les droits de ceux qui nous ont élus avec un programme
qui était déjà connu, soit notre programme, le programme
du Parti libéral. Nous ne faussons pas les cartes, nous ne changeons pas
les règles du jeu. Nous exécutons tout simplement ce sur quoi
nous avons été élus, nous n'exécutons qu'une autre
tranche de notre programme, qu'une autre tranche de nos engagements. C'est ce
que nous exécutons, tout comme le redressement économique. Il
faut regarder tout ce qui s'est fait depuis un an et demi. On mentionnait qu'il
y a eu 207 000 emplois de créés au Canada, d'avril 1986 à
avril 1987; 105 000 ont été créés au Québec.
Ce n'est pas simplement par la force des choses, c'est par un climat de
confiance qui est revenu.
Alors, quand on voit les onze premiers ministres s'asseoir autour d'une
même table, autour d'un même sujet, ce n'est pas simplement parce
qu'il y a eu du tordage de bras, comme on l'a vu dans certains comtés,
pour amener certains députés ou certains
délégués à abonder dans un sens qui ne leur
était pas vraiment personnel ou dont ils n'étaient pas
entièrement convaincus. Ce sont onze individus responsables,
représentant un Canada tout entier dont le Québec fait partie et,
à la suite de ces discussions, nous vivons de grands moments
aujourd'hui. C'est pourquoi je dis merci à de grands Canadiens, à
de grands Québécois qui y ont cru, qui y croient encore. Nous les
appuierons jusqu'à la fin dans le mandat qui leur a été
confié et je vous dis que je suis entièrement fier d'être
québécois, entièrement fier d'être canadien.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le
député de Joliette et leader de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention le député de Fabre
et je sais jusqu'à quel point cela l'a forcé, à certains
moments, pour ne pas sourire. Quand il prenait certaines envolées, on
sentait que cela avait le goût de rider de chaque bord de la bouche, en
particulier quand il parlait de ces grands négociateurs. Ne pas l'avoir
connu, je lui
aurais demandé s'il aspirait à un poste de ministre
à court terme, mais, à cette heure-ci, je vais sans doute
éviter de parler de ses aspirations pour relever une phrase en
particulier qu'il a dite et qui m'a marqué. Il a dit: Nous avons une
entente à la mesure du Québec. Je vous avoue que je suis
convaincu qu'il a fait un lapsus, que ce n'était pas le sens qu'il a
voulu donner à sa phrase. Parce que, si on allait ausculter le coeur de
chaque Québécois, on ne viendra pas me faire accroire qu'une
entente qui ne donne pas les pouvoirs exclusifs sur le plan linguistique, est
une entente à la mesure du Québec, surtout quand on dit qu'on est
une société distincte, quand on dit qu'on veut vraiment avoir la
maîtrise de ses propres éléments et de tous ses moyens au
plan culturel, et ce, pour la survie d'une société distincte en
Amérique du Nord. Une entente à la mesure du Québec est
une entente qui donnerait à l'ensemble des Québécois
l'ensemble des pouvoirs au plan linguistique et au plan culturel.
Il me semble qu'affirmer avec autant de force que c'est une excellente
entente à la mesure du Québec, c'est exagéré, pour
ne pas dire que c'est une hyperbole. Il me semble que cela ne cadre pas
tellement avec le contenu qu'on peut y lire.
À ce stade-ci, M. le Président, je dirai ma surprise de
voir qu'on est allé si peu loin dans les demandes. Pourquoi? Est-ce que
les Québécois auraient été fâchés de
voir leurs grands négociateurs - en grandeur physique, vous avez raison
- leurs deux grands six pieds aller demander à Ottawa tous les pouvoirs
sur le plan linguistique, tous les pouvoirs pour la maîtrise de leur
culture? Est-ce que les Québécois auraient été
insultés? Est-ce que les Québécois seraient tombés
à bras raccourcis sur le premier ministre actuel pour lui dire: Mais
vous faites donc mal, vous demandez tous les pouvoirs de législation
pour vous assurer qu'on sera les seuls à décider, que ce ne
seront pas les juges, mais que ce seront les politiciens, les hommes
élus à l'Assemblée nationale qui auront à
décider des politiques linguistiques au Québec et des politiques
de développement culturel? Est-ce que les Québécois
auraient été fâchés d'entendre leur premier ministre
dire cela ou demander cela? D'abord, est-ce que les Québécois
auraient été surpris que le premier ministre demande tous les
pouvoirs sur les plans culturel et linguistique? Non.
Il faudrait que ceux qui essaient de bâtir l'histoire, au moment
où on se parle, se souviennent un peu de l'histoire. Je suis
persuadé, sans me tromper, qu'il y a plusieurs Québécois
qui se rappellent que le premier ministre actuel, à la conférence
de Victoria, a demandé la souveraineté culturelle. La.
souveraineté culturelle, au cas où on l'oublierait, c'est quoi?
Être souverain sur le plan culturel au Québec, c'est quoi? Est-ce
qu'être souverain sur le plan culturel, ce n'est pas avoir tous les
pouvoirs? Est-ce qu'on peut être souverain si on n'a pas tous les
pouvoirs, d'abord? Là, il ne s'agit même pas de faire de
l'histoire, mais de faire de la linguistique, d'analyser le sens des mots. Si
le premier ministre actuel, à Victoria, a décidé de se
retirer de cette conférence en disant au premier ministre du Canada, aux
premiers ministres des provinces canadiennes: Je refuse de signer toute entente
parce que vous ne m'assurez pas la souveraineté culturelle, c'est parce
qu'il n'avait pas eu, à ce moment-là, l'ensemble des pouvoirs lui
permettant d'assumer toutes ses responsabilités. C'était pour
cela.
M. Bourassa, le premier ministre actuel, en 1972, s'était
retiré précisément parce qu'il voulait avoir la
maîtrise de tous les instruments de développement culturel, pour
assurer la spécificité québécoise, justement. (23 h
50)
Pour les Québécois, pour ceux qui suivent
l'actualité politique, pour ceux qui suivent la cohérence
politique des hommes publics, la surprise, c'est de voir l'actuel premier
ministre reculer dans ses demandes par rapport aux gestes qu'il a posés
antérieurement. C'est cela, la plus grande surprise. Ce n'est pas le
fait qu'il aurait demandé beaucoup ou qu'il aurait demandé plus
qui aurait été une surprise; c'est le fait qu'il n'a même
pas demandé ce qu'il a déjà demandé. Dans la
continuité historique, pour ceux qui font un tant soit peu d'histoire,
c'est la première fois qu'un premier ministre du Québec, durant
son règne politique, recule, régresse dans ses demandes. Et ces
demandes auraient été spécifiquement propres à
cette fameuse société distincte dont on parlait.
Une société distincte, c'est une société
différente, c'est une société qui a des choses
particulières par rapport aux autres. On veut promouvoir une
société distincte, je crie bravo, mais, pour promouvoir,
maintenir, enrichir et accroître une société distincte, on
le fait avec quoi? C'est avec les pouvoirs que l'on a. Quels sont les pouvoirs
que nous avons de plus? Posez-vous la question, vous qui faites une analyse de
l'entente du siècle, de l'entente à la mesure du Québec,
comme le disait le député de Fabre. À partir des textes,
quels sont les pouvoirs que nous avons de plus en matière linguistique?
On est encore soumis aux articles de la charte canadienne. Ce sont encore les
juges qui vont décider de l'interprétation de nos lois en regard
de ces articles de la charte canadienne. Est-ce qu'on a plus de pouvoirs sur le
plan linguistique qu'on n'en avait avant l'entente? Absolument pas, c'est le
statu quo juridique de ce côté-là. C'est loin en "mosus",
comme le diraient certains bons Québécois, de la
souveraineté culturelle.
C'est très loin des ambitions des Québécois en ce
qui regarde la maîtrise totale de leur langue. Que l'on ne vienne pas me
faire accroire que cette entente du siècle, que cette entente
supposément à la mesure des Québécois vient ajouter
des pouvoirs! Comment voulez-vous que l'on maintienne nos acquis sans pouvoirs?
Comment voulez-vous que l'on améliore nos acquis sans pouvoirs? Comment
voulez-vous assurer hors de tout doute raisonnable la survie du fait
français au Québec sans pouvoirs exclusifs, sans
souveraineté culturelle, sans souveraineté dans ces domaines
d'action, dans ces champs d'action? M. le Président, je ne crois pas
qu'il y ait énormément de sérieux quand on vient
m'affirmer que c'est une entente à la mesure des
Québécois, que c'est l'entente du siècle. Je n'y crois
pas.
J'écoutais les intervenants précédents parler de
l'immigration. Ils disaient: Oui, mais en immigration, maintenant, on va
pouvoir conserver notre poids politique. Lisez toute l'entente. Lisez l'annexe
à la motion. Chaque province pourra défoncer son quota actuel
d'immigrants. À ce moment-là, comment pouvez-vous affirmer que
l'on sera les seuls à maintenir notre poids démographique? Lisez
l'entente. L'Île-du-Prince-Édouard pourrait décider qu'elle
a besoin de 5 %, elle aussi. Le Nouveau-Brunswick pourrait affirmer qu'il a
besoin de ses 5 % de plus, lui aussi. La Nouvelle-Écosse peut faire
pareil. Où est la différence à ce moment-là?
Pourquoi venez-vous dire à l'ensemble des Québécois que
c'est extraordinaire, alors que vous savez très bien que, sur le plan de
l'immigration, le seul gain, c'est de confirmer dans la constitution l'entente
Cullen-Couture? Tout le reste n'est pas dans la constitution, c'est à
négocier. Il n'y a pas d'entente au moment où on se parle.
Pourtant, on vous demande, à vous, parlementaires des deux
côtés de la Chambre, de voter pour cela?
Sur le pouvoir de dépenser... M. le Président,
pourriez-vous demander au ministre... Sur le pouvoir de dépenser, on
dit: C'est mirobolant. On a toujours eu la possibilité, en vertu de
notre rapport de force, de dire: On ne prend pas ton programme
fédéral et tu vas nous compenser. On vient enchâsser dans
une constitution une capacité de compensation, un pouvoir de
compensation, mais pour autant que les critères nationaux soient
respectés. C'est loin de la formule de l'"opting out", qui consiste en
un retrait avec pleine compensation, indépendamment du cadre national ou
pas; c'est très loin de cela. Ce n'est pas une formule de retrait avec
compensation. On dit: Tu seras compensé à la condition que tu
aies un programme un peu similaire.
Cela revient un peu à cela dans les mots. Il faudra au moins que
les grandes lignes de ton programme provincial correspondent aux grandes lignes
de notre programme national; sinon, tu ne seras pas compensé. Ce n'est
pas un "opting out" ou une formule de compensation comme cela était
prévu lors de la signature des sept premiers ministres avant la nuit des
grands couteaux.
Ce n'est véritablement pas de la pleine compensation. C'est une
compensation conditionnelle. Si le gouvernement fédéral
décidait d'investir dans un champ qui n'est nullement prioritaire pour
les Québécois, qu'arriverait-il? Si on voulait investir pour le
développement des sites naturels pour développer notre industrie
touristique et que le gouvernement central mettait de l'avant un programme pour
faire les trottoirs, qu'arriverait-il? Cela ne respecte pas trop les grandes
lignes. Qu'arriverait-il? Pas de compensation, parce qu'on ne respecterait pas
un critère de programme national?
M. le Président, il y a des attrape-nigauds dans cette entente,
dite "l'entente du siècle", dite "l'entente à la mesure des
Québécois". Je pense que la véritable mesure des
Québécois quant au pouvoir de dépenser était la
formule de retrait avec pleine compensation, indépendamment des
programmes. Le Québec a toujours été à
l'avant-garde dans l'ensemble canadien, vous le savez, pour se doter de
programmes tant dans le domaine social que dans le domaine de la santé.
Le Québec n'a pas attendu le Canada là-dessus. Le Québec
s'est doté de ces mesures, a été à l'avant-garde et
même il fait l'envie de plusieurs provinces canadiennes. Et maintenant,
parce que le Canada voudrait investir dans des programmes dans l'ensemble
canadien qui a du retard, on serait pénalisés comme province et
on accepterait, en vertu de la constitution, d'être
pénalisés?
Je trouve cela extrêmement dangereux parce qu'on aurait
signé nous-mêmes notre arrêt de mort et qu'on n'aurait plus
de rapport de force, puisque le Canada nous répondra: Vous l'avez
signé, vous saviez à quoi à vous vous attendiez. Si vous
ne le saviez pas, ce n'est pas notre faute, vous aviez des conseillers
juridiques. Si vous ne le saviez pas, c'était à vous de vous
informer. Avant de signer, on s'informe et on prend les mesures pour savoir ce
qu'on signe. De ce côté-là, qu'on ne vienne pas me dire que
c'est quelque chose de mirobolant. Ce n'est sûrement pas l'entente du
siècle. Ce n'est toujours pas une entente à la mesure des
Québécois. Non, M. le Président, vous ne me ferez pas
accroire cela.
Il y a des questions que je me pose. La première, c'est: Comment
expliquer à l'ensemble des Québécois, à monsieur ou
à madame Tout-le-Monde, ce que c'est, cette histoire, le lac Meech,
l'entente, les droits, l'absence de droits sur le plan linguistique? Comment
expliquer à cette dame ou à ce
monsieur qui nous écoute que, dans l'ensemble canadien, les
Procureurs généraux des provinces, certains premiers ministres
des provinces, certains sénateurs canadiens, certains politiciens dans
plusieurs provinces canadiennes disent que le Québec n'a signé
que le statu quo? Comment expliquer que, dans l'ensemble canadien, dans les
journaux anglophones, dise que le Québec n'a rien gagné?
(minuit)
Comment expliquer à ces gens qui nous écoutent que les
gens des autres provinces considèrent que l'adhésion du
Québec ne change rien, sauf qu'il y a une province de plus qui
adhère à la constitution et qu'ici, au Québec, le parti au
pouvoir leur dit avec beaucoup de répétitions que c'est une
entente extraordinaire. Est-ce que c'est possible que neuf provinces
canadiennes mentent effrontément à leurs électeurs? Est-ce
que c'est possible que le Sénat canadien se trompe quand il dit que le
Québec n'a rien obtenu de plus? Est-ce que les Procureurs
qénéraux des provinces mentent effrontément à leur
population quand ils disent aux électeurs de l'Ontario, par exemple, que
le Québec n'a rien obtenu de plus? Est-ce que c'est possible que seul le
Québec dise la vérité aux gens du Québec et que les
autres provinces bernent leurs électeurs, bernent les citoyens
canadiens? Je ne crois pas cela, M. le Président.
Il y a une question fondamentale qu'on doit se poser. Comment se
fait-il, par exemple, qu'en Ontario on soit tellement heureux que le
Québec n'ait rien obtenu de plus? Ils trouvent que le point sur le
pouvoir de dépenser est même dangereux pour eux, imaginez-vous!
Mais, sur la société distincte, ils s'expliquent et ils disent
carrément que le Québec n'a rien obtenu de plus. Le Québec
adhère, conformément à la Charte des droits et
libertés, et c'est cela qui va primer toute loi
québécoise. Nous applaudissons à cela. Pourtant, je me
souviens d'avoir fait des discours sur le plan linguistique dans cette Chambre
et d'avoir parlé à certains parlementaires, et ce n'est pas ce
que certains parlementaires sentent, ce n'est pas vrai. On ne me fera pas
accroire cela à moi, M. le Président. On ne me fera pas accroire
qu'il y a des parlementaires libéraux - certains, oui, mais pas tous les
parlementaires libéraux, on ne me fera pas accroire cela -qui pensent
que le Québec n'aurait pas dû avoir tous les pouvoirs sur le plan
linguistique. Ce n'est pas à moi que vous allez faire accroire cela.
Absolument pas! Vous pouvez vous le faire accroire ici, entre vous, mais pas
à moi.
On sait qu'il y a des gens qui viennent de certains comtés dont
les militants sont allés leur dire que le Québec devrait avoir
tous les pouvoirs sur le plan linguistique. Ces mêmes
députés libéraux qui font des discours pour dire que c'est
bon l'entente auraient été applaudis encore plus fort dans leur
comté, et je pourrais en nommer ici. Ils auraient été
encore plus fortement applaudis dans leur comté s'ils avaient obtenu
tous les pouvoirs sur le plan linguistique. Je suis sûr de cela, M. le
Président, j'en suis convaincu, mais qu'on ne vienne pas me dire qu'on a
obtenu la souveraineté culturelle de 1972. C'est plusieurs crans
au-dessous de cela. J'espère que vous êtes les seuls à vous
conter des histoires là-dessus parce que cela n'a pas de bon sens, M. le
Président. Cela n'a absolument pas de bon sens!
Vous qui disiez que le Québec avait tout perdu, je vous donne
l'exemple de la nuit des longs couteaux, en 1981-1982, quand les sept premiers
ministres des autres provinces ont signé une pleine compensation sans
condition. Etes-vous capable de me dire très sérieusement, sans
sourire, qui que ce soit d'entre vous, que cela n'était pas
supérieur ou que cela était inférieur à cela? Venez
donc me dire que c'était inférieur à ce que vous avez
signé! Je vais vous le dire carrément, celui qui se
lèverait pour me dire que c'était inférieur à cela,
la pleine compensation sans condition, il ne faut pas être avocat pour
comprendre ce paragraphe, que l'offre des sept provinces à
l'époque qui avaient accepté la formule de pleine compensation,
de l'"opting-out", était sacrement supérieure à ce que
vous avez obtenu. Je défie n'importe quel procureur, qu'il soit de la
couronne ou de la défense, de me prouver le contraire, textes à
l'appui, de me prouver le contraire en disant que René Lévesque
n'avait pas obtenu plus.
Bien sûr qu'il y a eu une nuit des longs couteaux et, là,
vous avez dit que c'était la faute du Québec. Vous n'avez pas
blâmé les sept qui avaient renié leur signature, vous avez
blâmé le premier ministre du Québec, comme Opposition
à l'époque, et, là -écoutez-moi bien, vous qui
ricanez - par exemple, vous avez signé, tout le monde, et vous avez
assez peur ce soir qu'ils déchirent leur signature. Vous avez assez peur
qu'ils amendent l'entente que vous prenez les devants comme des petits chiens
battus. Il faut signer vite vite, tout à coup qu'ils changeraient
d'idée. C'est cela qui arrive. Vous qui reprochiez à M.
Lévesque de s'être laissé berner, vous avez assez peur de
vous faire berner, alors que les dix premiers ministres ont signé et que
le premier ministre du Canada a signé, vous avez assez peur de vous
faire berner que vous prenez les devants dans une fin de session, M. le
Président, au moment où les gens s'apprêtent à
fêter la fête nationale des Québécois.
Vous avez peur des autres, vous avez peur de vous faire faire le coup de
1981 et, cette fois-ci, cela va être tous des méchants. La fois
qu'ils ont trahi leur signature, il n'y avait qu'un seul méchant et
c'était un Québécois. Vous avez eu le
réflexe du Québécois, sauter sur le dos du
Québécois qui essayait de vous défendre au lieu d'attaquer
ceux qui reniaient leur signature. Aujourd'hui, devant eux, devant ces
mêmes personnes qui ont renié leur signature, qu'est-ce que vous
faites? Vous avez peur.
On va prendre les devants, on va les placer dans un carcan,
peut-être qu'ils vont être mal pris pour amender... Pour amender
quoi? Le statu quo. Ce n'est pas bien grave qu'ils amendent le statu quo. Il y
en a pour qui les affaires indiennes, c'est très important. Il y en a
pour qui le pouvoir de dépenser, c'est très important. Il y en
pour qui l'immigration, il y aurait peut-être des choses à y
ajouter, mais vous avez peur qu'ils changent un iota. Auriez-vous peur qu'ils
l'amendent? Ce serait, entre vous et moi, la planche de salut du Québec
parce que le premier ministre pourrait dire: Oui, je vais y retourner aux
conférences fédérales-provinciales, mais, cette fois-ci,
ce que j'ai prôné sur la souveraineté culturelle du
Québec, je l'exige, ce que j'ai prôné sur le pouvoir de
dépenser sans entrave, vous allez nous le compenser pleinement et sans
condition. Je suis persuadé que le premier ministre du Québec
serait applaudi à tout rompre.
Vous-même qui avez fait des discours depuis 30 heures environ,
vous-même qui avez dit que c'était fantastique, vous-même
qui avez dit que c'était l'entente du siècle, vous-même qui
avez dit que c'était à la mesure des Québécois, le
jour où trois, quatre provinces se désisteront de l'entente
actuelle parce qu'elles ne la trouvent pas de leur goût, vous allez
tomber non pas sur le Québécois parce que vous êtes en
cause comme gouvernement, vous serez les premiers à les accuser de tous
les maux de la terre. Vous allez dire que cette entente... Vous allez y
retourner de vigueur et vous allez en mettre au lieu d'en avoir mis quand
c'était le moment.
Le vrai rapport de force, c'est présentement. Le Canada anglais
veut que le Québec entre dans la constitution. C'est le temps d'exiger
des choses concrètes. C'est le temps d'exiger des pouvoirs qui
correspondent aux objectifs. Qui est contre une société distincte
au Québec? Personne. Tout le monde est d'accord avec cela, mais, par
exemple, tout le monde veut qu'elle soit distincte. Et pour être
distincte... Allez-vous me faire accroire que ce n'était qu'une phrase:
Vous allez être distincts? Est-ce que c'est le fait de dire: Mon petit
gars, je te reconnais un caractère distinct, dans l'équipe de
balle, tu as un gilet blanc et tous les autres ont un gilet rouge, mais
cependant, tu vas jouer sur le banc, tu ne joueras pas plus que les autres et
tu n'auras pas plus de temps d'exercice que les autres. Il va me dire: En quoi
suis-je distinct, à part mon chandail?
Avec quoi allez-vous vous distinguer? Avec quoi allez-vous être
capables d'assurer, par exemple, la survie du français envers et contre
tous, envers les tribunaux d'abord? Qu'il y en ait un qui se lève en
Chambre pour me dire que c'est normal que ce soit un juge qui décide
comment on va légiférer sur le français! Qui trouve cela
normal? Certains avocats vont se lever et vont dire: Bien, c'est normal qu'on
plaide. On sait bien, c'est payant! Ce n'est pas cela, un politicien
élu. Un élu du peuple est là pour trancher les
problèmes, pour les régler quand il sait qu'il peut y en avoir.
Il est là pour les éviter. Un législateur ne parle pas
pour rien dire. Il n'est pas là pour laisser cela à
l'interprétation des avocats, des juristes et des juges. Il est
là pour clarifier les choses, pour que ce soit le plus clair possible.
Et quand il y a une ambiguïté, malgré l'effort de
clarté, il est là pour clarifier, pour amender les lois en
conséquence. C'est cela.
Donc, des gens braves, des gens qui ont semé un climat de
confiance, des gens qui disent que tout va bien, des gens qui sont sûrs
d'eux, des gens vraiment sûrs d'eux -vous savez, cela ne bronche pas...
Ils agissent déjà en peureux, d'abord dans leurs demandes. S'ils
n'avaient pas été peureux, ils auraient demandé plein
pouvoir sur le plan liguistique - je le répète - plein pouvoir
sur le plan du pouvoir de dépenser et de la pleine compensation, plein
pouvoir dans l'immigration. Ils auraient demandé également, j'en
suis sûr, la souveraineté culturelle du Québec; c'est
sûr, cela a déjà fait partie de leurs demandes. Ils sont
peureux donc au chapitre des demandes. Avoir peur de trop demander alors qu'ils
étaient en position de force, disaient-ils, et qu'eux pouvaient se
permettre de demander beaucoup et qu'il n'y aurait pas de problème, vu
que c'étaient des bons négociateurs. Premier geste de peur.
Stratégie de peureux. (0 h 10)
Si vous dites qu'ils sont de si bonne foi que cela, eux qui ont
signé, M. le Président, devant les caméras de la
télévision avec le premier ministre du Canada et tous les dix
premiers ministres des provinces, pourquoi avoir peur? Vous avez peur de quoi?
Ils ne vous trahiront pas, vous autres, voyons! Est-ce que vous commenceriez
à trouver le geste qui a été posé en 1981
plutôt bas? Je suis heureux de vous entendre, parce que c'est un peu cela
que vous dites d'une certaine façon. Par votre stratégie vous
êtes en train de démontrer que vous n'avez pas confiance. Par
votre stratégie vous êtes en train de démontrer que vous
êtes peureux. Par votre stratégie vous êtes en train de
démontrer que vous avez peur de perdre un tout petit peu, alors que vous
n'avez même pas demandé quelque chose de valable.
M. le Président, c'est une entente de
peureux que vous avez sur la table, une stratégie utilisée
par des peureux, des attitudes de peureux. Quand on n'a pas peur et qu'on dit
qu'on fait confiance aux autres, on n'agit pas à la sauvette, on
n'utilise pas les derniers jours de session pour, au moment où tous les
gens s'apprêtent à entrer en vacances, leur en passer une "petite
vite". On dit: Ils n'en discuteront pas. C'est la réforme Wilson, c'est
le changement de camp de Michel Bergeron à Québec. Cela
paraît bien. Pas de problème, ils n'en parleront pas, la presse
est un peu fatiguée d'en parler, les citoyens ont hâte d'entrer en
vacances, ils ne veulent pas en parler.
On leur passe cela, sans prendre au moins la précaution de penser
que les Québécois ont le droit, tout autant que les citoyens de
l'Île-du-Prince-Édouard, tout autant que les citoyens du
Nouveau-Brunswick, tout autant que les citoyens de Terre-Neuve, tout autant que
les citoyens canadiens dans l'ensemble, de l'Ontario, etc., d'être
consultés sur les textes définitifs et non pas sur un
communiqué de presse. Les gens ont le droit d'être capables de
dire publiquement... Parce qu'il y a des citoyens à qui on ne permet pas
de s'exprimer.
À court terme, ce n'est pas trop grave; à moyen terme, il
y a du monde qui se réveille, il y a du monde qui constate, il y a du
monde qui réagit, et je trouve cela malsain. On appelle cela du
"pelletage par en avant". Un gouvernement qui ne veut pas soulever de vagues,
il garroche tout en avant et il attend. Un jour ou l'autre il faut qu'il la
ramasse pareil, la neige, et le tas est tellement gros que cela crée des
problèmes. Cela crée des problèmes, M. le
Président. C'est ce que fait le gouvernement actuel.
En terminant, je dirai que je regrette énormément qu'on
profite d'une situation de fin de session pour essayer d'en passer une "petite
vite" aux Québécois. Les petits Québécois peuvent
avoir l'air, à court terme, passablement tranquilles, mais ce sont des
gens fiers, les Québécois. On peut les berner une fois de temps
en temps, mais on ne peut pas les berner tout le temps. Merci.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le ministre des Communications.
M. Richard French
M. French: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir de
participer à ce débat important, débat qui invite
l'Assemblée nationale à entériner, à endosser
l'entente constitutionnelle négociée depuis deux ou trois mois,
qui est enfin la suite d'un long processus qui a impliqué le programme
électoral du Parti libéral du Québec, l'endossement de ce
programme par l'ensemble de la population, le 2 décembre 1985, les
discussions qui ont suivi les discours publics du ministre responsable des
Affaires canadiennes, une discussion entre les premiers ministres au lac Meech
et subséquemment une longue négociation entre les premiers
ministres dans l'immeuble Langevin, il y a deux ou trois semaines. C'est quand
même fascinant d'écouter, d'assister à des discussions
politiques sur des enjeux aussi importants, aussi historiques. Combien de
débats comme cela les murs de l'Assemblée nationale ont-ils vus?
Combien d'hommes et de femmes ont pu participer à cette
définition, à cette éternelle redéfinition du
Québec qui fait partie de l'essentiel de la politique
québécoise depuis nos débuts. En entendant, avec le plus
grand respect, l'Opposition officielle, ce soir, jeudi et vendredi derniers, M.
le Président, on constate qu'entre les deux partis politiques, on
assiste à une situation qui n'est pas tellement un débat sur les
points et les virgules de l'entente constitutionnelle mais beaucoup plus
à la confrontation de deux visions du Québec, de deux visions de
l'avenir du Québec.
En écoutant nos amis d'en face, on a un peu l'impression
d'écouter un chef qui, lorsque la soupe n'est pas bonne, dit que c'est
la faute du client. Quelle est la vision péquiste finalement? Qu'est-ce
qui anime ses objections si acharnées, ce travail combien difficile
d'une poignée de personnes contre une entente qui reçoit
l'approbation de la grande majorité des Canadiens comme des
Québécois? Qu'est-ce qui amène l'Opposition officielle
à opposer une fin de non-recevoir à l'entente
constitutionnelle?
Quelle est la vision péquiste? Pour moi, la vision
péquiste part d'une prémisse fort simple. Le Québec est
profondément menacé. Les provinces anglophones, les
Anglo-Québécois, les non-francophones et les
non-Québécois sont essentiellement indifférents sinon
activement hostiles au sort du Québec. Toujours d'après nos amis
d'en face, le système fédéral est un carcan sans issue, un
cul-de-sac, et, plus particulièrement, c'est un mécanisme
gouvernemental à partir duquel cette hégémonie
d'indifférence anglophone s'exerce sur le Québec. D'après
les discours que nous avons entendus, non seulement ce soir, non seulement
jeudi et vendredi, non seulement en 1980 et en 1982, cette prémisse
revient, chaque fois que ces questions combien difficiles de langue, de
constitution sont à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
C'est une attitude défensive.
C'est curieux, M. le Président, dans les années 1960, en
pleine révolution tranquille, on n'avait pas cette attitude tout
à fait défensive, parce qu'on se rendait compte qu'il y avait des
défis qui se dessinaient pour l'avenir, qu'il y avait les grands
défis de moderniser la société québécoise,
qu'il y
avait une place à occuper, qu'il y avait des moyens publics, des
lois, des règlements et des institutions à bâtir ou
à créer. Tout cela ferait en sorte qu'avec le temps, les
Québécoises et les Québécois de langue
française plus particulièrement, auraient la possibilité
d'occuper les lieux de décision, auraient la capacité de bien
gérer leur société, une société moderne.
C'est ce qui s'est fait. Mais, quelque part, pendant les années 1970,
cette attitude d'affirmation, de création, de modernisation, s'est
muée chez certains - parmi lesquels nos amis d'en face n'étaient
pas les moindres, et certainement pas les moins articulés - cette
attitude d'affirmation s'est muée en repli, s'est muée en
crainte, s'est muée en besoin d'évoquer toujours le danger et de
confondre systématiquement le danger réel et légitime
d'une minorité francophone dans un continent de 250 000 000
d'anglophones avec la présence au Québec de quelques centaines de
milliers d'anglophones, avec la présence au Canada d'une majorité
anglophone, mais dans un pays, dans une société qui se
reconnaît comme étant biculturelle et bilingue. Je parle au niveau
national, M. le Président. Et la logique de la Révolution
tranquille a été trahie par une logique indépendantiste,
par une expression soutenue de peur et de crainte. Il y avait toujours
nécessité de frapper le tambour ethnolinguistique afin de faire
danser la tribu autour du feu sacré animé nécessairement
par le Parti québécois. (0 h 20)
Mais, M. le Président, c'est un style politique qui a connu son
temps. C'est un discours politique caduc. C'est une analyse politique
vétuste. C'est anachronique dans le Québec des années
quatre-vingt d'imaginer que ce genre d'évocation des difficultés
et des menaces va faire monter une opinion publique significative dans le sens
voulu par l'Opposition.
Le fait est que le Parti québécois a des
difficultés de reconnaître et de se faire reconnaître par un
Québec qui est maintenant un Québec post-nationaliste. Avis aux
futurs dinosaures politiques: ou vous vous adaptez ou vous êtes une
espèce en voie de disparition. Si vous écoutiez votre chef, il y
aurait peut-être du progrès. Mais il n'y a pas une grande
écoute pour le chef de ce parti politique, donc, il n'y a pas beaucoup
de progrès, car on en entendrait parler de la part du
député de Terrebonne qui, je l'espère, va me suivre. Mais,
c'est l'adaptation ou l'extinction. Il faut absolument comprendre que les
enjeux sont différents, que l'analyse et les discours doivent absolument
évoluer. C'est cela, la frustration du leader parlementaire de
l'Opposition. C'est cela, la frustration du député de
Lac-Saint-Jean qui avoue que ces débats n'intéressent pas
beaucoup les Québécois. Ils sont obligés d'évoquer
le fait que l'été s'en vient. Je ne pense pas que ce soit cela,
M. le Président. Je pense que c'est très clair; c'est tout
simplement que nos amis d'en face chantent la même vieille rengaine et
les Québécois ont fait leur deuil de tout cela. Ils ont
rejeté le parti politique en question le 2 décembre 1985 et tant
et aussi longtemps qu'on n'aura pas une autre version, un autre diagnostic plus
au fait des réalités de 1987, nos amis d'en face vont se trouver
à parler beaucoup dans le vide. S'oppose à cette vision
essentiellement défensive, cette vision nombriliste, cette vision de
repli sur soi, une vision qu'on peut associer au gouvernement, au Parti
libéral et aux tranches de la société qui gravitent autour
de cette formation. C'est une vision optimiste, c'est une vision d'un
Québec plein de potentiel, confiant dans ses moyens. C'est une attitude
positive envers l'extérieur. C'est un désir de rayonnement vers
les marchés hors Québec, que ce soit au Canada, aux
États-Unis, en Europe ou en Asie. C'est une reconnaissance du
système fédéral comme un actif pour la
société québécoise, comme essentiel pour ce
développement du Québec qui est l'objectif des gens qui sont
confiants, qui voient le Québec de façon optimiste et plein de
potentiel. Pour ces gens, l'affirmation d'une société distincte,
cela comprend la langue, cela comprend la culture, mais cela comprend aussi une
autre forme d'affirmation qui est aussi souhaitable, aussi défendable,
aussi légitime, aussi favorable pour l'ensemble des
Québécois qui est le défi de concurrencer les autres, qui
est le défi de l'excellence, qui est la présence des
Québécois francophones et anglophones dans tous les
marchés et toutes les entreprises au Québec, au Canada, aux
États-Unis et ailleurs.
Cette concurrence de l'Atlantique au Pacifique, c'est une forme
d'affirmation de sa spécificité aussi légitime qu'une
évocation des éternels éléments, aussi importants
soient-ils, que constituent la langue et la culture
québécoises.
II faut associer ces attitudes et plus particulièrement ce
changement d'opinion publique au Québec, changement fondamental qui
s'est produit depuis à peu près 1982, un changement de leadership
social au Québec. Le parti politique en face de nous, le Parti
québécois, s'est basé sur une certaine tranche de la
société que je vais vous décrire. Maintenant, ils veulent
souvent nous faire croire qu'ils sont un parti de masse, un mouvement de masse,
un mouvement des travailleurs, un parti social-démocrate sur le
modèle européen.
Mais, M. le Président, rien n'est plus loin de la
vérité que cette autopublicité qu'aiment faire nos amis
d'en face, puisque si on regarde les sondages et si on regarde les
statistiques, la seule différence sociale entre les gens qui appuient
habituellement le
Parti libéral et les gens qui appuient habituellement et plus
spécifiquement le Parti québécois sont de la classe
moyenne, ce ne sont pas ceux de la classe des moins nantis, et la masse des
travailleurs québécois. C'est une classe moyenne, employés
publics orientés vers l'opinion, qui appuie le Parti
québécois, une classe moyenne employée par l'entreprise
privée et, dans la pratique, les professions libérales
associées à l'entreprise privée, une bourgeoisie du
marché, une bourgeoisie orientée vers le marché.
Et ce qu'on a vu au Québec, depuis une dizaine d'années,
c'est un changement de leadership social entre un groupe de
Québécois employés du secteur public orientés vers
l'opinion avec une sécurité d'emploi et une forte protection des
conventions collectives vers un groupe d'entrepreneurs, d'employés du
secteur privé orientés vers les marchés, désireux
et optimistes face à l'avenir et face au rayonnement du Québec.
C'est un peu naturel que les gens employés par le secteur public aient
l'habitude d'évoquer le danger et de s'offrir humblement comme la
solution ou la protection contre ce danger.
Mais la logique de l'optimisme, la logique de confiance, c'est une
logique fédéraliste où le Québec a beaucoup
à offrir au Canada, où le Québec n'a pas toujours à
craindre le fédéralisme, la coopération, et la
présence qui lui revient au niveau national au Canada.
C'est cela, une vision politique postnationaliste. Cela ne veut pas dire
qu'il n'y pas d'impulsion nationaliste là-dedans. Cela veut dire que
cette impulsion ne s'exprime plus par l'évocation de danger, de crainte
et de peur, par le repli sur soi, par le nombrilisme. Ce nationalisme s'exprime
via le succès des entrepreneurs québécois, de l'Atlantique
au Pacifique.
Cette confiance ne nous amène pas dans les luttes stériles
qu'aimait animer le gouvernement précédent. Cette confiance et
cette logique fédéralistes ne nous amènent pas dans la
confrontation que nous a offerte le gouvernement précédent, mais
plutôt dans la confiance, la collaboration avec nos partenaires du
fédéralisme canadien. Eh bien, pourquoi pas le leadership
important? On en a vu un excellent exemple par le premier ministre du
Québec depuis 18 mois. (0 h 30)
L'entente constitutionnelle et le débat là-dessus se
situent dans cette confrontation de deux visions de l'avenir du Québec.
Lorsqu'il s'agit de se poser la question de savoir comment évaluer
l'entente constitutionnelle, il y a un fait qui prime tous les autres. C'est ce
que nous ne devrons jamais, au grand jamais, perdre de vue. Ce fait est tout
simplement que nous nous trouvons dans une conjoncture politique
particulièrement favorable à une entente constitutionnelle et que
cette rencontre de circonstances politiques s'établit, non pas en mois
ni en années, mais en décennies.
De laisser entendre qu'il serait peut-être souhaitable d'un point
de vue particulier, et Dieu sait si nos amis d'en face ont un point de vue
particulier, que l'on ne puisse mener à terme l'entente du lac Meech,
équivaut à envisager une impasse constitutionnelle ou encore une
évolution constitutionnelle dont le Québec serait
complètement absent. Là, je m'adresse à l'ensemble des
Québécois qui doivent faire cette évaluation.
Mais pourquoi une entente est-elle si difficile? J'aimerais revenir un
petit peu au contexte historique de la situation dans laquelle on se trouve. Il
y a un facteur très important dont peu de gens parlent, c'est la
différence de la culture politique entre les groupes linguistiques. Les
cultures politiques des groupes linguistiques sont différentes. Une
constitution pour ces deux groupes qui puisse embrasser un État
binational, biculturel, c'est une constitution particulière qui
amène une compréhension de ces différences fondamentales
de culture politique.
Parmi les doctrines politiques les plus caractéristiques de la
tradition anglo-saxonne est celle de l'individualisme libéral. Je veux
dire libéral avec un petit "1". Cet individualisme libéral
soutient qu'un citoyen doit considérer l'État comme un
système de contraintes s'exerçant sur les activités de
l'individu. Ce système de contraintes ne se justifie que dans la mesure
où l'individu sent que ce système protège ses droits et
ses libertés. La société est donc une association
volontaire d'individus quasi atomistes à laquelle chacun peut renoncer
de son propre gré. Pour des raisons historiques, des raisons tout
à fait valables, les Québécois francophones, donc la
majorité, n'ont jamais adhéré à l'individualisme
libéral tel que je l'ai décrit. Parce que les
Québécois francophones ont été obligés
d'assurer leur survie, ils ont créé un régime collectif
d'exigences et de contraintes applicables à l'individu. Ces exigences et
ces contraintes ont dépassé les limites que pouvait
tolérer un individualisme libéral pur et dur. Ces réflexes
politiques et sociaux se sont enracinés profondément dans la
mentalité et dans les institutions des Québécois
francophones.
Ainsi, la communauté anglophone du Québec s'est sentie
plus ou moins déphasée sur le plan politique, depuis la
Révolution tranquille. Si les négociations avec les provinces
majoritairement anglophones, dans le cadre du débat constitutionnel, se
sont avérées quelque peu difficiles, c'est en partie du fait que
cette tendance collectiviste qui caractérisait et caractérise
encore, jusqu'à
un certain point, la vie publique québécoise et la culture
politique francophone, a été difficile à saisir, à
cerner pour les anglophones.
Au Québec même, avant la Révolution tranquille,
l'Église avait pratiquement le monopole des biens et services
liés à l'éducation et à la santé. La
communauté anglophone se fournissait elle-même la plupart de ces
services, sans que personne ait l'idée de s'y opposer. Les
Anglo-Québécois étaient à l'aise dans leur
individualisme, dans leur intégration politique et culturelle à
l'ensemble du Canada, dans leur tradition de bénévolat. Ils ont
donc endossé cet individualisme, mais après la Révolution
tranquille qui a donné naissance à un État
québécois activiste et collectiviste, tout a changé dans
une société qui a emprunté la voie publique, les citoyens
étaient tous à la disposition de l'État et l'État
était présumément à la disposition de l'ensemble
des citoyens. Mais ce dialogue s'établissait mal entre le collectivisme
de l'élite politique francophone et l'individualisme de l'élite
économique anglophone. C'est exactement ce genre
d'incompréhension mutuelle qui a lieu chaque fois qu'il y a une
négociation constitutionnelle.
Donc, une constitution est nécessairement et
inévitablement une forme de compromis. D'ailleurs, M. le
Président, je lisais récemment une étude sur la
constitution américaine d'il y a presque deux cents ans et j'ai appris
avec stupéfaction que la très grande majorité des
signataires de la constitution américaine signait à contrecoeur,
à reculons; parce que les signataires ne croyaient pas que
c'était la meilleure constitution possible. Ils se sont bien rendu
compte que ce n'était pas la recherche de l'idéal; c'était
plutôt la reconnaissance et la nécessité d'avoir des moyens
de vivre ensemble. Je peux vous dire qu'on n'a pas ces mêmes craintes de
ce côté-ci de la Chambre face à l'entente constitutionnelle
de 1987. Mais je peux vous dire que nos amis d'en face n'accepteraient, au
grand jamais, quelque entente que ce soit négociée de ce
côté-ci de la Chambre en fonction de notre vision du Canada, en
fonction de notre vision du Québec et en fonction de notre vision de la
compréhension qui doit régner entre les deux composantes majeures
ethnolinguistiques du pays. Parce que, et c'est très légitime,
ils ne sont pas prêts à donner leur adhésion au Canada,
parce que fondamentalement, la logique de leur vision du Québec, c'est
une logique indépendantiste. Ce qui est leur strict droit.
Mr. Speaker, I would like to say a few words at this point to 3ome
members of the anglophone community who have been concerned about the
constitutional discussions and debates. I have been obviously following their
concerns in that regard. In considering where we ought to stand on the
constitutional question, there is one primordial and overriding fact of which
we must never ever lose sight: It is simply that we are at a political juncture
which is uniquely favorable to a constitutional understanding and that this
kind of coïncidence of political circumstances can be timed not in months
or in years but in decades. And it is simply false to argue that there is no
inherent danger in a situation in which Québec is not a party to the
Constitution of Canada.
The absence of Québec from the Canadian Constitution is not a
mere detail, it is a fundamental and intolerable anomaly in the juridical
fabric of the country. And to suggest that a failure to bring the Meech Lake
process to term would be desirable from the perspective of some particular
series of interests or other is to write the formula either for constitutional
stalemate, on the one hand, or for a constitutional evolution from which
Québec is completely absent. And that would be an extremely dangerous
phenomenon for all Quebeckers, and particularly for anglophone Quebeckers.
Many anglophone Quebeckers have been interested in the implications of
the distinct society phrase for the rights of anglophones in Québec. You
are also aware, I imagine, that the very same form of words has struck some
francophone Quebeckers, including some distinguished constitutional experts, as
offering insufficient protection for the French language.
Fundamentally, no one can tell exactly what construction the courts will
put on the distinct society phrase as a form or a guide to the interpretation
of constitutional provisions, because no one knows in exactly what context the
courts will be seized of such a case.
I would like to say to my constituents and to the anglophones who are
undoubtedly glued to their television sets this evening following this debate,
Mr. Speaker, why I support the constitutional recognition of Québec as a
distinct society. I think it is important. (0 h 40)
There are three fundamental reasons: The first reason is simply that
Québec is a distinct society and no Québec government can be so
unmindful of its historical responsibilities as a government issued from a
Parliament, the only Parliament in North America which is elected by a majority
of francophones, as to sign a constitutional document which does not recognize
Quebec's status as a distinct society. In fact, Mr. Speaker, I choose to live
in Québec because it is a distinct society. Whatever its disadvantages
and whatever its imperfections, this distinct society is our society, it is
my
society and I am very proud of it. When all the legal distinctions, all
the political power strings, all the demagogy and all the rhetoric that pours
out from all the various quarters that are commenting on the constitutional
discussion are over, Québec will still be a distinct society and we will
still have to live together, and this constitutional agreement provides the
best possible vehicle for that to take place.
The second reason is that recognition of the distinct society is paired
with a recognition of the Canadian duality which explicitly evokes the presence
of English-speaking Quebeckers within this province and it is followed by an
expression of the obligation of provincial Legislatures to recognize this
duality. And this is the essence of the Canadian political contract. It is a
fundamental component of the Meech Lake proposals.
The third reason why I think it is important to embrace the notion of a
distinct society and to recognize it as a fundamentally positive aspect for all
Quebeckers of the constitutional agreement is that the notion of a distinct
society is a very capacious one. It embraces not only language and culture, but
also a whole range of other things from the Civil Code to the Caisse de
dépôt. And if and when it is evoked, it will be tested against the
background of an enormous body of precedents and statutes. And amongst such
hypothetical legal tests, the standards embodied in Charters of human rights
will only be one possible test. If we examine the distinct society provision
exclusively from the preoccupation of its relationship to freedom of expression
provisions in a charter of rights, we are looking down the big end of the
telescope. We should not be surprised if we cannot see anything at the other
end.
I would like to suggest to my English-speaking fellow citizens of
Québec that we have a fundamental decision to make. Do we wish to share
the privilege of living in a pluralist, open-minded, tolerant coexistence with
the majority of francophone Quebeckers who speak French and to embark with them
on an adventure which is .going to lead us, I am very confident, to put behind
us the kind of strains ans stresses which have occurred in the past and which
have been very much the responsibility of both groups or do we want, like
certain political parties in the Québec National Assembly, to take
refuge in all our fears, to relive all our nightmares, to reevoke, to gain some
rather cheap applause in the short term, all of the historical
misunderstandings that we have been strugging so hard to overcome?
The Meech Lake Agreement provides us with an opportunity to move beyond
that. I think that is what you want. I know that is what the Government wants
and I believe that it provides us with an opportunity which will not come a
second time, and I would ask you to remember that in evaluating your position
on the constitutional accord.
M. le Président, combien ai-je de temps encore?
Le Vice-Président: Une minute, M. le ministre.
M. French: M. le Président, j'ai entendu dire par nos amis
d'en face que personne de conséquence n'avait dit que l'entente
constitutionnelle nous offrait un progrès important. Je ne
prétends pas être une personne de conséquence, donc, je
vais évoquer le ministre de l'Education qui, lui, dans Le Devoir, il y a
à peu près trois semaines, a décrit l'accord du lac Meech
comme comportant des gains importants et incontestables pour le Québec.
Il a noté l'importance de huit points que j'aimerais récapituler
brièvement: d'abord, la reconnaissance du caractère distinct du
Québec comme règle d'interprétation judiciaire de la
constitution; deuxièmement, la reconnaissance du rôle propre de
l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec dans la
protection et la promotion du caractère distinct de la
société québécoise; troisièmement, le droit
de retrait assorti d'une juste compensation financière dans tous les cas
d'amendement constitutionnel comportant le transfert d'un champ de
compétence provinciale au pouvoir fédéral.
Quatrièmement, droit de retrait assorti d'une juste compensation
financière dans les programmes impliquant des paiements du gouvernement
fédéral aux provinces dans des domaines relevant, d'après
la constitution de 1867, de la compétence exclusive des provinces.
Cinquièmement, droit de veto sur toute modification constitutionnelle
concernant les matières suivantes: représentation des provinces
à la Chambre des communes, pouvoir du Sénat et mode de nomination
des sénateurs, nombre de sénateurs par province, la Cour
suprême du Canada, le rattachement aux provinces en tout ou en partie des
territoires, la création de nouvelles provinces, un rôle
élargi pour le Québec en matière d'immigration, un pouvoir
d'initiative du Québec concernant les nominations au Sénat, un
pouvoir d'initiative du Québec concernant les nominations à la
Cour suprême et, finalement, garantie de la présence
perpétuelle de trois juges en provenance du Québec au sein de la
Cour suprême.
M. le Président, je suis peut-être typique des
Québécois en n'étant pas expert constitutionnel, je vous
avoue que je trouve que les moyens de vivre ensemble, c'est, avant tout, les
moyens que nous prenons dans la rue, dans les écoles, dans les
institutions sociales, dans les entreprises les unes avec
les autres. Mais, en tant que reflet de cette réalité,
réalité de plus en plus prometteuse, réalité de
plus en plus intéressante, je pense que l'entente du lac Meech est tout
à fait honorable, tout à fait acceptable et importante pour le
Québec.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant, pour la
poursuite du débat, M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, pour être dans la
même veine que l'interlocuteur précédent, I would like to
tell the audience not to adjust their television set, it was not "Twilight
Zone", it was just the Honourable member of Westmount. Ce n'était pas,
mesdames et messieurs, la énième présentation de la
série américaine "Twilight Zone"; vous venez d'entendre le
discours du député de Westmount et ministre des Communications.
C'était un mélange de sociologie alambiquée,
frelatée, joint avec un monument de littérature
ésotérique qui va sans doute passer à l'histoire comme la
plus grande contribution du député de Westmount à la
littérature au Québec, sauf qu'il a été fort
heureusement dépassé par bien de nos compatriotes anglophones
dans l'art d'écrire, fort heureusement.
II y a une constante qui se dégage des interventions venant de
l'autre côté: c'est toujours un texte écrit. C'est vrai
que, quand on est au gouvernement, on a les traitements de texte et tout cela,
cela facilite la tâche naturellement. Mais j'ai remarqué que tous
disposent d'un discours écrit, que l'on lit, où on sent, de toute
évidence, un manque de conviction, qu'il y a uniquement une ligne de
parti qui est tenue par les individus qui composent cette majorité
ministérielle disproportionnée à cause, justement, du
régime parlementaire britannique que nous vivons qui est uninominal
à un tour, mais on sent qu'il y a une ligne de parti qui tient. Elle se
traduit effectivement dans ce scénario continu des lectures qu'on entend
dans les salves d'applaudissements qui jaillissent immédiatement
après le premier ou le deuxième ou le troisième credo
énoncé par le député quand il s'agit de parler de
l'accord du lac Meech.
Je vous le répète, absence totale de conviction, on le
sent, aucun discours n'a été livré avec passion, avec
vigueur, naturellement toujours aussi suivant un fond de terrorisme
psychologique, comme si le Québec avait vécu jusqu'au 2
décembre 1985 le plus affreux des goulags. (0 h 50)
J'écoutais la seconde partie de ce qu'a dit le
député de Westmount et avec tous les "ismes" qu'il a
mentionnés, le collectivisme, l'individualisme, j'avais presque
l'impression d'écouter une de ces tirades très
spécialisées de Radio-Tirana, Albanie avec l'éloge du
24ème congrès qu'ils ont tenu dans la capitale. Je pense que le
discours était manifestement - j'oserais employer le terme - une farce.
Ce n'est pas, de toute façon, fortuit que j'aie employé "Twilight
Zone" parce que je pense que le député de Westmount était
malheureusement bien au delà du réel.
Mais je l'entendais s'adresser en tant que Québécois
anglophone, ce qu'il est, ce que j'aime bien chez lui, d'ailleurs. J'ai
vécu dans son petit coin de ville. Je vous dis que les premiers temps,
je ne me sentais pas tellement chez moi, mais à partir de 1976, je ne
sais pas, il s'est passé des choses et, après, en 1977, avec la
loi 101, je commençais à me sentir un peu plus chez moi, sur
Queen Mary Road. Remarquez, je suis retourné récemment et j'ai
bien l'impression que c'est la "twilight zone" qui est revenue effectivement.
Je m'aperçois qu'on n'est plus tellement chez soi. J'ai trouvé au
député une certaine assurance. Il est bien entendu qu'on a de
l'assurance quand on est député de Westmount et qu'on fait partie
de la communauté anglophone. J'aurais, moi-même, cette assurance,
c'est évident. Quand on est 40 contre un, quand on peut s'appuyer sur un
continent entier, il est bien entendu qu'on n'a pas de crainte. Il est bien
entendu que l'avenir est radieux. Gloire aux pionniers, cela va très
bien. Mais quand on est minoritaire, encore une fois, sur un continent
où, je le répète depuis je ne sais pas combien de fois,
nous sommes 40 contre un, je ne vois pas en quoi exiger des garanties
crée un sentiment de peur, que ce sentiment de peur ait quelque chose de
psychologiquement dérangé. C'est tout simplement l'instinct de
survie.
Je vous le disais cet après-midi... Malheureusement, M. le
Président, on ne m'a pas laissé tout le temps, mais fort
heureusement, je peux me reprendre ce soir, même si l'heure est un peu
tardive. Je sais qu'il y a quand même de nombreux Québécois
et Québécoises qui écoutent justement ces débats
que nous avons et qui sont préoccupés par la question. Donc, je
disais, M. le Président, qu'on accepte de protéger, qu'on fait
des collectes publiques pour préserver les baleines bleues qui sont en
voie de disparition et un peuple qui, lui, est minoritaire et concentré
dans un endroit géographique, n'aurait pas le droit d'obtenir des textes
juridiques qui lui garantissent sa survie.
Je pense que Pierre Vadeboncoeur n'était pas loin de la
vérité quand il écrivait son volume Génocide en
douce. Car c'est cela qui est en train de se produire au Québec. Les
statistiques sont encore là. Il est très évident que
l'assimilation, même avec la loi 101, n'a pas été
stoppée. Si on
veut justement protéger ce caractère distinct, ce que je
disais au ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes cet après-midi, il faudrait bien le
spécifier. Mais j'entendais, après être intervenu, le
député des Îles-de-la-Madeleine qui disait: Mais si on
avait spécifié distinct, on aurait pu en oublier et là, on
n'aurait pas tout mis, donc il n'y aurait pas de garantie.
La question que je voulais lui poser: Est-ce que vous croyez qu'on peut
mettre plus d'eau dans une chaudière s'il n'y a pas de fond? C'est
à peu près le même type de logique qu'il tenait. Puis, on a
entendu le scénario, photocopié à 99 exemplaires de
l'autre côté, j'aimerais bien savoir qui dit vrai. Qui dit la
vérité? On lisait dans La Presse: "La minorité anglophone
du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant
l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les
onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que
j'appellerai la dualité linguistique de ce pays." C'est le
sénateur Lowell Murray qui est ministre d'État aux Relations
fédérales-provinciales qui disait cela au Sénat, le 17
juin. Ian Scott, Procureur général de l'Ontario, disait, lui,
dans le Toronto Star, le 20 mai 1987: L'entente du lac Meech donne, pour
la première fois au gouvernement fédéral le droit
constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction
provinciale.
Le Globe and Mail, prestigieux journal de Toronto, le 25 avril:
Jamais, de mémoire récente - on va vous le servir encore - le
Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature
de l'accord constitutionnel de 1982 et de son retour dans la
confédération. Ce que j'ai dit à l'occasion de cette
entrevue, à l'émission "Question Period", à l'antenne de
CTV, c'est que cette disposition, la clause de la société
distincte, ne va en rien modifier la répartition des pouvoirs qu'elle ne
vise à le faire et que personne n'a prétendu qu'elle le ferait.
Toujours notre bon vieux sénateur Lowell Murray, le 5 mai 1987.
Ian Scott, Procureur général de l'Ontario, dans le
Toronto Star - ils étaient forts sur les déclarations - le
6 mai: L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement
fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. Le
pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution;
maintenant, il le sera. Dans ce sens, cette description formelle, une
première, est à l'avantage d'Ottawa.
David Peterson, premier ministre de l'Ontario, Globe and Mail, 16
mai 1987: Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de la
société distincte du Québec. L'impact de cette
reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires
et de l'évolution des circonstances. Et, après, on nous demande
comment il se fait que l'on exige des garanties. Quand on voit ces
déclarations, on peut être portés à employer ce
vieil adage qui dit: À qui le crime profite-t-il? Quand on voit des
déclarations de gens aussi chaleureux, aussi sympathiques, à la
défense de la cause française en Amérique du Nord:
À qui le crime sert-il?
Je vais avoir le plaisir de vous le reciter. Votre patron, le chef du
Parti libéral fédéral, disait, durant la fin de semaine,
à Toronto toujours, dans une longue supplique à ses militants
hésitants sur l'accord du lac Meech: C'est bon, il faut signer, parce
que, si on ne signe pas, le Québec pourrait demander un statut
particulier ou la souveraineté-association. Déjà, au
départ, ce n'est quand même pas si bête de sa part, il
reconnaissait la souveraineté-association, ce qui est un changement de
discours chez lui. Il invoquait le statut particulier. Encore là, dans
sa candeur, sa naïveté ou l'état lamentable, d'ailleurs,
dans lequel se trouve son parti actuellement, qui est peut-être un signe
avant-coureur de ce qui pourrait arriver au niveau provincial, puisque c'est le
terme qu'on affectionne de l'autre côté, dans sa grande
naïveté, le chef du Parti libéral fédéral,
c'est-à-dire votre grand patron à tous, avouait que
c'était effectivement ce que nous disons depuis le début, que
c'était un plancher. Quand on vise le plancher, on se ramasse dans le
sous-sol. Ce n'est pas comme cela qu'on négocie. Justement, je suis
d'accord avec les propos de mes collègues de l'Opposition qui sont
intervenus: Où sont les grands négociateurs qu'on nous avait
promis quand on regarde le maigre résultat auquel ils sont
arrivés avec l'accord constitutionnel du lac Meech? (1 heure)
On a parlé de plancher, effectivement. Je n'ai pas plus de
réponse cette nuit que j'en ai eu cet après-midi quand je
demandais au ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, le député de Jean-Talon:
Est-ce que nous avons de nouveaux pouvoirs dans la culture? Est-ce que nous
avons de nouveaux pouvoirs dans le domaine des communications, de façon
à éviter de nous faire refaire le coup de CIBL-MF? Non. Et Radio
McGill? Oui. Est-ce qu'on a de nouveaux pouvoirs? Ou est-ce qu'on limite les
pouvoirs d'intervention du gouvernement fédéral dans des champs
de juridiction provinciale que sont l'enseignement supérieur et
l'enseiqnement universitaire?
Je vais continuer à répéter ma question: Le
député de Verdun parlait de l'aube du libre-échange.
L'aube se levait sur le libre-échange avec nos voisins
américains. Pas d'objection à ce qu'on examine la question du
libre-échange, mais, dans des domaines que nous avons identifiés
au non, chez nous, l'agriculture et la culture, est-ce que le Québec a
des pouvoirs dans l'entente constitutionnelle du lac Meech? Ou cela
appartient-il au gouvernement fédéral qui, lui, va
répondre un oui ou un non pour le Québec? Osons espérer
que ce sera un non; quand il s'agit des domaines de la culture et de
l'agriculture, comme nous l'ont fait savoir les milieux culturels et les
milieux agricoles, dont l'Union des producteurs agricoles.
Le député de Jean-Talon, également ministre des
Relations internationales, dînait ce soir avec le ministre de la Culture
du Sénégal et l'ambassadeur du Sénégal au Canada,
dîner, d'ailleurs, auquel j'avais le plaisir de participer. Qu'est-ce que
l'entente constitutionnelle du lac Meech donne au Québec pour raffermir,
affermir même, dans certains cas, puisque cela n'existe pas, ses
compétences internationales dans les domaines qui sont de sa
juridiction? Sommes-nous capables, avec l'entente du lac Meech, d'ouvrir ce que
nous souhaitons depuis des années, une délégation
générale du Québec en Afrique noire? Je pense que Dakar
était le choix retenu, c'est-à-dire la capitale du
Sénégal. Est-ce que nous devrons aller mendier à Ottawa la
permission d'ouvrir une délégation générale
à Barcelone, en Catalogne? Quand on connaît l'intérêt
que les Catalans portent au Québec et quand on connaît
l'affinité qui peut exister entre les Catalans et les
Québécois, est-ce qu'on devra encore aller mendier cela à
Ottawa, pour affermir des champs de juridiction provinciale? On a des choses
à partager avec eux dans le domaine de la culture, dans le domaine de
l'éducation, dans le domaine des communications, dans le domaine de
l'immigration où, là aussi, on n'a pas répondu aux
questions.
Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration y
est allée elle aussi de la copie numéro 34 du texte
photocopié ou polycopié qui a été distribué
et dont on assiste à la lecture répétitive. Elle n'a pas
répondu à la question. Est-ce que nous devrons continuer à
mendier, à quêter les instruments qui nous sont nécessaires
pour notre développement, sachant pertinemment que notre
développement est différent des autres? Il est différent,
d'abord et avant tout, à cause de la langue que nous parlons. La langue
que nous parlons nous rattache à une culture et à une
civilisation. Donc, elle entraîne chez nous des schèmes de
référence, des attitudes, des comportements, un système de
pensée et de valeurs différent des autres. Mais ce concept de
"société distincte", en quoi se distingue-t-il, puisqu'on ne
l'explicite pas? D'ailleurs, le député des
Îles-de-la-Madeleine ne voulait pas, justement, donner de sens au mot
"distinct". Il ne voulait pas que l'on distingue ce mot "distinct".
C'est quoi, l'accord du lac Meech? Il y a des groupes d'organismes
impressionnants qui sont venus, des personnalités
québécoises également et tous ont émis des
réserves.
C'est vrai qu'il n'y a peut-être pas foule et bousculade dans les
autobus et dans le métro à Montréal là-dessus, mais
quand il s'agit d'engager l'avenir d'un peuple, est-ce que l'on a le droit de
faire ce que vous faites, c'est-à-dire un débat de fin de
session, un débat à 1 h 5, entre parenthèses. Et en ne
vous appuyant que sur la majorité parlementaire que vous avez à
cause d'un vice de notre système électoral, vous allez engager
l'avenir d'un peuple pour X années juste avec le poids de cela? Vous
avez eu beau faire référence à ces atroces années
qui ont été vécues sous un gouvernement du Parti
québécois, en démocratie, je regrette, mais je n'ai aucune
leçon à prendre de vous, parce que nous, on savait ce que le mot
"démocratie" signifiait et on l'a exercée, on l'a proposée
et puis on est allés voir les Québécois. Ils ont
exercé un choix.
Je le respecte parce que je sais qu'il n'était pas
définitif. Mais on ne s'est pas servi d'une majorité
parlementaire en Chambre pour voter. On a fait appel au peuple, ce que vous ne
faites pas. Je vous le répète, vous utilisez abusivement
l'étiquette libérale dans son véritable sens. Elle ne vous
appartient plus; vous n'êtes pas un parti libéral dans le sens
philosophique du terme.
L'entente du lac Meech, vous allez effectivement la voter. Et je
conclurai là-dessus, M. le Président, puisque vous m'indiquez que
le temps qui m'est alloué s'achève. Vous allez effectivement la
voter avec votre majorité parlementaire, mais rappelez-vous que les
majorités parlementaires, c'est temporaire. Dans votre cas, l'histoire
nous enseigne que plus elles sont fortes, plus elles tombent vite, plus elles
tombent rapidement. Pour employer une expression américaine que
comprendrait fort bien le député de Westmount: Quand on tombe, ce
n'est pas la chute qui est effrayante, mais l'arrêt soudain en bas. M. le
Président, je vous remercie.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Mille-Îles.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: M. le Président, il me fait plaisir
d'intervenir dans le cadre de ce débat sur la résolution qui fera
entrer le Québec dans la Fédération canadienne. J'ai
choisi ce soir de traiter, dans le coeur de mon intervention, de l'aspect
surtout du pouvoir de dépenser. Mais vous ne pourrez m'empêcher -
et je ne peux résister à la tentation - de répondre
à mon collègue, le député de Saint-Jacques, qui
tantôt, dans le cours de son discours, nous disait: La démocratie,
c'est avant tout de laisser aux gens la liberté de penser, d'agir et
d'exprimer tout haut ce qu'ils ressentent et ce qu'ils pensent.
Je lisais ce matin dans les journaux que le député
péquiste de Dubuc avait quelques reproches assez vigoureux à
faire à son collègue de Lac-Saint-Jean pour l'exercice de la
démocratie qui s'est fait lors du dernier conseil national du Parti
québécois quant à la thèse de l'affirmation
nationale.
En matière de démocratie, M. le Président, bien
entendu, il y a plusieurs conceptions qui peuvent s'affronter, mais je ne
partage pas du tout la conception que se font certaines personnes de
l'Opposition.
Tout au cours des deux semaines d'audition en commission parlementaire,
on nous a dit et redit et surtout le chef de l'Opposition, le
député de Lac-Saint-Jean et le député de Gouin:
Mais où sont donc les textes? On ne peut pas discuter de l'entrée
du Québec dans la Fédération canadienne si nous n'avons
pas les textes définitifs. Tout au cours de ces deux semaines, j'avais
toujours une explication à donner et je n'ai jamais pu la donner; ce
soir je vais la donner. (1 h 10)
C'est évident que lorsque le chef de l'Opposition comparait les
textes finaux en disant: Quand on achète une maison, si on n'a pas le
contrat de vente, on ne sait pas dans quoi on s'engage, c'est
compréhensible. Mais, M. le Président, lorsqu'on va faire une
offre d'achat sur une maison, y a-t-il un seul promettant acheteur qui se
présente à la porte avec un contrat notarié dans ses
poches et avec toutes les conditions précises, stipulées à
la ligne, comme si c'était prêt pour signature le soir même?
Non, cela ne se passe pas comme cela dans la réalité vécue
dans tout achat qu'un Québécois fait relativement à un
bien immobilier, relativement à une maison d'habitation.
Il est bien évident que lorsque l'on demandait, au cours des deux
semaines de commission parlementaire: Mais produisez-nous les textes finals, on
veut voir la version finale des textes, il était normal que la version
finale ne soit pas prête, mais ce qui est encore plus anormal, c'est que
j'ai beau écouter, depuis quatorze, quinze heures discourir les
députés de l'Opposition, il n'y en a pas un seul depuis quinze
heures de discours qui a soulevé un mot qui était
inapproprié dans la version finale qu'ils ont devant eux. Donc,
c'était tout simplement une méthode de harcèlement pour
essayer de rendre un peu confuse pour les Québécois la
démarche du parti gouvernemental. Premier point.
Deuxième point. J'ai trouvé scandaleux et c'est le terme -
les montants d'honoraires qui ont été payés par l'ancien
gouvernement à des experts dans le domaine du droit constitutionnel, en
1981, qui avaient été chargés de préparer les
opinions juridiques pour le compte de l'ancien gouvernement. La somme de tous
ces honoraires s'élevait, M. le Président, à 860 000 $.
Même pas le dixième des textes et des opinions juridiques, qui ont
été rédigés à même ce montant et ce
budget global de 860 000 $, ont été déposés en
commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale en 1981. Les
Québécois jugeront et les générations futures
jugeront s'il s'agit là d'une sorte de dilapidation du Trésor
public. Quant à nous, M. le Président, nous avons engagé,
oui certes, des experts constitutionnels mais la note n'atteint même pas
le dixième du montant qui a été dépensé par
l'ancien gouvernement du Parti québécois en 1981.
Quant au pouvoir fédéral de dépenser, il y a un
article qui est dans le projet de résolution constitutionnelle,
l'article 7: "Le gouvernement du Canada fournit une juste compensation au
gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un
programme national cofinancé qu'il établit après
l'entrée en vigueur du présent article dans un secteur de
compétence exclusive provinciale, si la province applique un programme
ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux". Je retiens un terme
très important, c'est la date: "après l'entrée en vigueur
du présent article". Donc, M. le Président, bien entendu,
l'article 7 s'appliquant et qui devient l'article 106A, quand nous le regardons
attentivement, cela signifie que tous les programmes passés,
déjà existants, ne sont pas touchés par cette disposition.
Ce que les provinces canadiennes et le gouvernement fédéral ont
voulu signifier par là, c'est pour tout nouveau programme. On pourra
donner comme exemple un programme concernant les sans-abri. Et on ajoute
également le terme "objectifs nationaux", objectif national étant
une grande norme que l'on pourrait appliquer à la grandeur du pays.
Faisons un peu l'historique, M. le Président, de ce pouvoir
général de dépenser. Dans la constitution canadienne,
celle de 1867, il y avait l'article 91. L'article 91 et son préambule
stipulent le pouvoir résiduaire qui est dévolu par notre
constitution au Parlement fédéral. C'est-à-dire qu'on a
décidé que tout ce qui n'était pas attribué au
gouvernement provincial dans l'article 92, l'article qui suit, demeurait par
vote résiduaire dans le préambule de l'article 91 sous la
juridiction du gouvernement fédéral. Je cite l'article 91: "II
sera loisible à la Reine, sur l'avis et du consentement du Sénat
et de la Chambre des communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le
bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne
tombant pas dans les catégories de sujets, par le présent acte,
exclusivement assimilés aux Législatures des provinces."
C'est un article général. Le gouvernement
fédéral, au cours des années, depuis
1867, s'en est prévalu à quelques reprises, M. le
Président, et dans certains domaines de juridiction provinciale.
Notamment, ce que l'on peut constater, c'est que dans la Loi constitutionnelle
de 1982... Et le pouvoir résiduaire du fédéral s'est
appliqué bon an, mal an, dans divers domaines, de 1867 en cheminant
jusqu'en 1982, pour aboutir dans deux articles qui permettaient au gouvernement
fédéral de répartir la richesse nationale à travers
les provinces canadiennes et les différentes régions du Canada.
L'article 36 du document constitutionnel de 1982 stipulait que le Parlement et
les Législatures ainsi que les gouvernements fédéral et
provinciaux s'engageaient à promouvoir l'égalité des
chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être,
à favoriser le développement économique pour
réduire l'inégalité des chances, à fournir à
tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, des
services publics essentiels. L'article 36.2, bien entendu, c'était le
fameux article sur la péréquation, c'est-à-dire que le
gouvernement fédéral, lui, s'engageait, en vertu de cet article,
à redistribuer la richesse nationale dans tout le pays et c'était
une obligation qu'il assumait dans l'intérêt de l'ensemble des
Canadiens.
Mon long préambule, M. le Président, c'est pour vous
amener, ainsi que les gens qui nous regardent ce soir, à bien
comprendre, quand on parle du pouvoir de dépenser, la nature de ce que
l'on veut dire lorsqu'on parle des juridictions et que l'on distingue les
juridictions, provinciales et fédérale. Exemple, le plus bel
exemple: le domaine de la santé, les hôpitaux et l'administration
hospitalière au Québec, c'est de juridiction provinciale.
L'article 92.7 de la constitution de 1867 dit que sont de juridiction
exclusivement provinciale: l'établissement, l'entretien et
l'administration des hôpitaux, des asiles, des institutions, des hospices
et le reste. C'est clair. Mais le gouvernement fédéral a
décidé que, dans certaines provinces où des citoyens
canadiens n'avaient pas accès à des services médicaux
d'égale qualité, il mettrait de l'avant un programme pour aider
ces Canadiens, qu'ils soient de Terre-Neuve, de la Colombie britannique ou de
la Saskatchewan, à se faire soigner. C'est un objectif national. Je suis
sûr que les Québécois - et ceux qui nous regardent ce soir
- concourent à un tel objectif, qu'ils sont d'accord avec cette
règle, cette règle fondamentale. Le gouvernement
fédéral a mis des sous sur la table pour redistribuer les
impôts fédéraux et la richesse nationale dans le secteur de
la santé. C'est là que le bât blesse. Le chef de
l'Opposition, M. le Président, en 1984, a fait la preuve
irrévocable qu'il ne pensait pas ce qu'il a dit avec le projet de loi
C-3. C-3, c'est un projet de loi qui a été sanctionné le
17 avril 1984 et qui modifiait la loi par laquelle le gouvernement
fédéral mettait des sous sur la table pour aider les
régimes dans les différentes provinces, les régimes qui
étaient les régimes de santé au Québec, en Ontario,
en Saskatchewan, à Terre-Neuve et ailleurs. Une très bonne loi,
excellente loi. C-3 est apparue au début de février comme projet
de loi. Deux mois se sont écoulés et, le 17 avril 1984, deux mois
plus tard, c'est devenu une loi. Mais le chef de l'Opposition, qui était
en 1984 ministre des Affaires sociales, qu'est-ce qu'il a fait à ce
moment-là? Il a dit: Intervention du fédéral dans un
domaine de juridiction exclusivement provinciale: 92.7. (1 h 20)
Crime contre le Québec, trahison, comme a dit tantôt le
député de Lévis. Il a fait tout un boucan, tout un tapage,
il a sorti le drapeau et a dit: On va aller se battre à Ottawa. Il a
ramassé des institutions - je vous en cite quelques-unes, je ne peux pas
vous les nommer toutes, cela me prendrait deux heures - le Foyer Villa Maria,
le Centre d'accueil le Phare, le CLSC de Brandon, l'hôpital Notre-Dame de
Saint-Croix, le CLSC Longueuil, le CLSC le Norois, l'hôpital Notre-Dame
de Charny, etc., pour dire: C'est une invasion dans notre juridiction
provinciale exclusive. Le fédéral n'a pas d'affaire à
venir dans nos plates-bandes. Il a porté l'étendard bien haut,
sauf qu'une fois que le projet de loi C-3 est devenu loi, le 17 avril 1984,
Pierre Marc, le chef de l'Opposition, député d'Anjou et
ex-ministre des Affaires sociales du gouvernement du Parti
québécois, du 17 avril 1984 au 2 décembre 1985, qu'est-ce
qu'il a fait? Il est allé se cacher. Il n'a rien contesté.
S'il voulait contester la loi du 17 avril 1984 parce qu'elle
n'était pas conforme et que le gouvernement fédéral
n'avait pas le droit d'intervenir dans ce domaine, il n'avait qu'une chose
à faire: aller devant les tribunaux, aller devant la Cour d'appel, aller
devant la Cour suprême du Canada et contester la loi. Mais il ne l'a pas
fait. Quand est venu le temps de livrer la bataille, il est allé se
cacher. Il a eu peur de livrer la bataille. Qu'est-ce que cela veut dire?
Est-ce que cela veut dire qu'il n'était pas convaincu, au départ,
que ce qu'il disait dans le réseau des affaires sociales au
Québec, avec communiqué de presse à l'appui,
n'était pas vrai? Est-ce que le chef de l'Opposition savait très
bien qu'il était en train d'induire en erreur le Québec et les
Québécois ou est-ce que, tout simplement, il était sur le
pilote automatique ou, comme dirait le député de Lévis,
qu'il dormait "sur la switch"?
C'est soit l'un, soit l'autre. S'il est exact que le pouvoir
fédéral de dépenser dans un domaine de juridiction
exclusive provinciale est appliqué depuis X années, depuis 1867,
dans certains cas d'inégalité
dans le pays - prenons le cas du régime de santé - je
prétends qu'on ne peut pas dire que c'est incorrect et ne pas aller au
bout de son opinion et de sa démarche et s'arrêter en cours de
route. Il faut aller au bout de ses convictions, sinon les convictions valent
le petit bout de route qu'on a fait, c'est-à-dire pas grand-chose.
Le pouvoir fédéral de dépenser, comment est-il
limité dans l'accord constitutionnel du lac Meech? Moi, je le vois d'une
façon différente parce que, maintenant, dans la constitution, ce
qui m'importe, c'est qu'il y ait une obligation annuelle à l'article 8.
Je vous le lis: "Le premier ministre du Canada convoque au moins une fois par
an une conférence réunissant les premiers ministres provinciaux
et lui-même et portant sur l'économie canadienne ainsi que sur
toutes autres questions appropriées." Cela signifie que, dans un nouveau
programme, dans un nouvel objectif national... Comment, dans les faits, cela
va-t-il se dérouler? C'est tout simple, M. le Président. Le
gouvernement fédéral et les provinces, une fois par année,
sont obligés, en vertu de l'entente constitutionnelle du lac Meech, de
se rencontrer et de discuter entre eux de ces nouveaux programmes. Vous savez
très bien que tout ce que fait un gouvernement, dans quelque domaine que
ce soit, c'est dépenser les sommes d'argent qu'il a perçues en
impôts. Que ce soit dans le domaine de l'environnement, dans le domaine
des municipalités, dans le domaine de la santé, chaque fois que
le gouvernement pose un acte pour la population, il dépense. Mais on ne
dépense pas en vase clos, on ne dépense pas seulement sur un bout
de papier, ex cathedra. On dépense dans un contexte où les
partenaires maintenant, en vertu de l'accord du lac Meech, sont obligés,
M. le Président, de se parler, non de s'affronter, de se parler, de
dialoguer, d'établir des lignes de consensus. Avant, cela n'existait
pas. Cela n'existe pas, d'autant plus, à part cette conférence
sur l'économie, qu'il y a également un autre article - il ne faut
pas oublier - la conférence constitutionnelle, à l'article 13,
où, encore une fois, une fois par année les premiers ministres
provinciaux et le premier ministre fédéral vont se rencontrer
pour discuter de constitution. C'est très différent, parce que ce
que j'ai entre les mains, c'est un protocole d'entente signé à
Regina les 14 et 15 février 1985, alors que l'ancien gouvernement du
Parti québécois était au pouvoir. Ce n'était pas
une obligation constitutionnelle. Maintenant, cela va l'être, les deux
conférences. On mettait n'importe quoi au programme de ces
conférences annuelles des premiers ministres. Par exemple: Ils
examineront l'état des relations fédérales-provinciales.
Ils se consulteront sur les grandes questions intéressant les deux
ordres de gouvernement, et en particulier celle de l'économie. Alors, on
mélangeait tout, on mettait tout ensemble dans une même salade,
dans un même spaghetti, et cela donnait lieu à des séances
de tiraillements.
Je suppose, ce que je pressens qui va se passer demain matin, c'est que
les gens, les premiers ministres provinciaux, le premier ministre
fédéral vont établir un programme chaque année. Il
va y avoir un suivi. Ce ne sera pas tous les trois ou quatre ans. Ils vont
parler dans un... Par exemple, si une période de récession
importante pour le Québec comme celle de 1982 survient encore, il ne
faudrait pas que l'Ontario, le Québec, la Saskatchewan et le
gouvernement fédéral aient des programmes de stabilisation pour
maintenir l'emploi à un haut niveau qui soient incompatibles. Alors, on
va agencer les politiques, et qui vont être les plus grands gagnants de
cet agencement de politiques, de cette coordination? Ce seront les
Québécois, les Ontariens, les Canadiens en général.
Selon moi, c'est peut-être le gain le plus important et le plus
prometteur que tous les Canadiens, que les Québécois ont obtenu
et vont obtenir avec la signature de l'entente constitutionnelle du lac
Meech.
Lorsque la Chambre de commerce du Québec a témoigné
à la commission des institutions sur la constitution, j'ai posé
des questions à M. Létourneau qui était, je pense,
vice-président de la Chambre de commerce du Québec. J'aimerais
vous citer les galées sur ce que M. Létourneau nous a dit. Je
vais commencer par le passage: Je comprends que votre approche était
pratique, parce que vous venez du secteur des affaires et qu'en affaires on se
parle, on échange constamment. On n'est pas toujours en position de
conflit ou en position d'affrontement. C'est ce que je vois à
l'intérieur de votre document. Mais vous qui comprenez cette limitation
effective dans les faits du pouvoir de dépenser, quand les premiers
ministres des provinces et le premier ministre fédéral vont se
rencontrer une fois par année, ils vont se parler. Est-ce que, pour
vous, on est en train de passer d'une sorte de fédéralisme
d'affrontement à un fédéralisme qu'on peut qualifier de
coopératif, d'exécutif, de concertation ou de collaboration?
Réponse de M. Létourneau: M. le Président, je dois
tout d'abord signaler que notre compréhension de la clause du droit de
dépenser ne s'applique pas qu'au moment où il y a des
conférences. Je ne sais pas si M. le ministre peut m'aider
là-dessus, mais notre compréhension, c'est que la clause sur le
pouvoir de dépenser s'applique en tout temps, à n'importe quel
moment où le fédéral veut prendre une initiative dans ce
domaine. Donc, on pourra en parler à l'occasion des conférences,
mais elle est omniprésente et sera présente en tout temps.
M. Létourneau continue: Parmi les
qualificatifs de fédéralisme que vous avez
énumérés, si je me réfère à nos
propos et à nos échanges préalables à la
présentation de ce document, je dirais que c'est un
fédéralisme de collaboration.
C'est très clair pour quelqu'un qui lit le petit texte qui est
ici, pour quelqu'un qui veut imaginer et se fermer les yeux un court moment sur
ce qui va se passer dans six mois, un an, deux ans, trois ans, quatre ans. Je
considère, M. le Président, que c'est un gain important. (1 h
30)
Vous savez, nous, au Parti libéral du Québec, je pense que
notre démarche relativement au dossier constitutionnel est
irréprochable. D'abord, une longue réflexion amorcée en
1980, discussions ouvertes, à chacun de nos conseils
généraux ou de nos congrès, sur la question
constitutionnelle. Cinq conditions posées clairement lors de la
dernière campagne électorale. Je pense qu'en vous citant un
passage fort éloquent d'un éminent Canadien vous comprendrez que
nous avons suivi à la lettre ce que ce grand Canadien écrivait.
Je vous en cite un passage, M. le Président: "Nous déplorons
l'absence de leadership au plan politique. Les hommes publics, tant
fédéraux que provinciaux, ne fournissent aux citoyens aucune
image indiquant dans quelle direction ils désirent conduire le pays. On
les dirait à la remorque des moyens de communication et des scribes qui
rédigent leurs discours. Le leadership implique le courage d'envisager
tous les changements institutionnels qui s'imposent, la capacité de
proposer aux citoyens, dans un ordre de priorités donné, des
objectifs précis et intellectuellement acceptables et la force de gagner
la libre adhésion de ces citoyens à ces objectifs." Qui peut
être contre une telle démarche? Qui, dans cette Chambre, peut
s'opposer à un tel cheminement? Ce passage est tiré d'un article
de Cité libre, écrit en mai 1964 par Pierre Elliott
Trudeau.
Avant de conclure, comme je l'ai fait à une autre reprise, je
dirai au chef de l'Opposition, en lui citant son père, Daniel Johnson,
dans un livre fort populaire qui s'intitulait Égalité ou
indépendance, la courte phrase qui suit. Son père disait, et
je pense qu'il avait raison: "Le progrès ne consiste pas à
détruire le passé, mais à le parfaire et à le
dépasser." Je pense que les membres de l'Opposition devraient s'imbiber
de cette pensée, baigner dans cette pensée de feu Daniel Johnson
père.
En guise de conclusion, M. le Président, et sans amertume aucune
pour le chef de l'Opposition qui m'a traité, en commission
parlementaire, de "bedeau du fédéralisme", je lui dirai tout
simplement cette courte phrase: Je préfère être l'humble
bedeau du fédéralisme renouvelé que le faux curé
d'un nationalisme étroit et dépassé. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Vous constatez
comme moi qu'il est 1 h 35. Je vais essayer d'être très clair et
très limpide à cause du grand nombre de
téléspectateurs que nous avons à l'écoute à
cette heure.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Blais: Nous avons devant nous une entente constitutionnelle
éventuelle. De l'autre côté, j'ai entendu différents
députés en parler avec ferveur, avec sincérité.
J'espère que, de ce côté-ci, vous avez trouvé que
tous mes confrères qui ont parlé de ce sujet le faisaient
également avec ferveur et avec sincérité.
Il est toujours un peu odieux de relever des phrases dites par un
adversaire, parce qu'on peut se faire dire souvent qu'on le cite hors contexte,
mais je ne peux m'empêcher de tomber dans le piège, comme
plusieurs d'entre vous l'ont fait, et de relever franchement des extraits, au
moins l'esprit du discours du brillant député de Westmount. Un
discours doucereux de pur paternalisme, de grande majoritaire sûr de lui,
c'est toujours facile à tenir quel que soit l'endroit où nous le
tenions. Quand on est la voix du groupe majoritaire et qu'on est au poste de
commande, que la générosité est donc facile. C'est quand
on est minoritaire, au poste subalterne, que le problème se pose. C'est
facile de parler de justice distributive et d'aide aux personnes
défavorisées quand on est archimillionnaire et qu'on n'a rien
connu d'autre. On a le verbe généreux et, selon que l'on est le
porte-parole de la minorité ou le porte-parole de la majorité, on
peut réagir de deux façons. On trône, comme majoritaire, en
possession tranquille de la vérité et distributeur d'oboles
à la minorité suppliante mais, quand on est de la minorité
suppliante, on ne peut pas avoir le même langage, c'est impossible,
à moins d'accepter par défaitisme son état de soumis.
L'état de soumission, il n'y a aucun peuple au monde qui l'accepte comme
tel. L'accepter relève de l'aberration nationale. C'est de l'aberration
nationale.
Supposons que moi je suis un Nord-Américain, bien sûr, de
culture francophone avec quelques bribes de bilinguisme et avec cette fougue du
Nord-Américain. Si j'immigre en Italie, c'est bien sûr que je suis
en minorité et que le gouvernement italien ne se mettra pas à
regarder et à essayer de me donner des droits. Mais, quand on est sur
notre territoire et qu'on est les victimes
d'une soumission constante et qu'on a d'un côté à
l'autre de la Chambre deux philosophies différentes pour définir
qui nous sommes, c'est difficile de s'entendre, malgré toute la bonne
volonté.
Quelle est la définition du Québécois que, de
l'autre côté de la Chambre, on donne: un Québécois
est un être d'une société distincte qui est minoritaire au
Canada. C'est ce que je crois qui se dégage des discours que j'entends
de l'autre côté. De ce côté-ci, nous disons: un
Québécois, société distincte, est un majoritaire au
Québec. Jamais, nous ne serons sur la même route. Jamais! Et les
deux ont raison, c'est cela le problème. Les deux ont raison. C'est un
pays artificiel et, tant et aussi longtemps qu'il y aura deux
définitions des mêmes êtres qui habitent sur le même
territoire, il y aura toujours des chocs de pensées, des chocs de
discussions, tant que l'on n'acceptera pas l'inévitable. (1 h 40)
Je n'ai pas aimé me faire dire, dans un élan de
générosité: Nous vous comprenons! Les droits de la
collectivité l'emportent sur les droits des individus! Ce sont de beaux
principes, quand on est de la collectivité majoritaire. Cela froisse un
peu l'intérieur, surtout que je crois ne pas être ce que l'on
appelle communément, de façon souvent péjorative - je
n'aime pas cela, je ne le dis jamais de façon péjorative, bien
qu'il y a certaines personnes qui peuvent l'entendre de cette façon -
les ethnies, comme si c'était des minorités différentes.
Mais on ne dira jamais dans une constitution, fût-elle
québécoise, les Ukrainiens au Québec forment une
société distincte, les Italiens forment une société
distincte et les Allemands forment une société distincte, on n'en
finirait plus. C'est impossible. Mais que le Canada dise que nous sommes une
société distincte, c'est nous traiter un peu comme une ethnie qui
n'est pas un des peuples fondateurs d'un grand pays. Je n'aime pas cette
façon de traiter le majoritaire que je suis au Québec. Le texte,
dans le contexte, ne contient pas dans son libellé ou dans son verbatim,
comme on dit en langage législatif, des paroles très
édifiantes.
Pourquoi veut-on que le Québec revienne comme province à
part entière dans cette Confédération? Il y a certainement
des raisons. La raison profonde c'est qu'actuellement il nous manque quelque
chose. S'il ne nous manquait rien, on ne chercherait pas ou on ne nous
demanderait pas d'y être dans cette constitution; ou ce que nous avons
actuellement ne nous satisfait pas ou, si cela nous satisfait, nous sommes un
peu gauches d'avoir ces discussions inutiles. Cela veut dire que les pouvoirs
qu'on a actuellement au Québec ne satisfont ni l'un, ni l'autre des
côtés de cette Chambre. Au moins, là-dessus, on pourrait
certainement s'entendre, si on veut soit adhérer à la
constitution ou qu'on veuille nous y amener. Vous savez, quant à un
texte nouveau à être inséré dans une
éventuelle constitution, je n'y crois pas. Cela ne sera jamais
signé, c'est impossible, je n'y crois pas. Nous, on va, ici, en bons
soumis, le signer mais il faut que les autres signent et ça, je n'y
crois pas, je vous le dis. Et comme Québécois je suis très
heureux. On dit, on va ajouter ce texte et il y a un paragraphe b - mon Dieu,
que c'est beau, c'est un velours à l'oreille. Paragraphe b: "la
reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une
société distincte". Cela sonne bien, je suis certain que vous
l'avez lu très souvent. A cause de ce paragraphe, on se glorifie et on
dit aux gens, dans les discours de l'autre côté, qu'on va avoir
enfin les pouvoirs que l'on désire sinon on n'adhérerait pas
à cette constitution. Mais il ne faut pas se laisser tromper par ce
paragraphe, parce qu'on prend la peine à l'article 4 de le
préciser: le présent article n'a pas pour effet de déroger
aux pouvoirs que le Canada ou le Québec ont actuellement. Si cela ne
change pas les pouvoirs qu'on a - et c'est écrit - où mettez-vous
votre confiance dans ce paragraphe b, qui reconnaît une
société distincte?
Nous sommes dans une Fédération canadienne et non dans une
confédération, on s'en parlait vendredi. Et cette entente, vous
nous la présentez comme une fée, une vraie fée avec des
paroles magiques qui entrerait dans la constitution et qui viendrait enfin
libérer le Québec de tous les problèmes qu'il a à
vivre avec le reste du Canada. Mais la fée, la grande fée, je la
connais bien. La grande fée, la fée des rations canadienne. Cette
fée des rations canadienne, pourquoi? De mon côté, moi, je
lui parle à votre grande fée qui est l'entente que vous nous
présentez avec sa baguette magique. Cette grande fée des rations
canadienne, ma ration comme Québécois, elle ne me l'a jamais
donnée. C'est pour cela qu'on se bat. On ne trouve pas que dans cette
constitution cette fée nous donne notre ration juste et
équitable. La fée des rations canadienne, la fée, M. le
président, quelle fée! c'est la fée-néante. Pour
moi, c'est une fée-néante.
Qu'est-ce qu'elle nous donne, cette fée, avec cette entente
éventuelle qui, j'en suis persuadé, ne sera jamais signée?
Est-ce qu'elle nous donne, cette fée, dans son entente magique, quelque
chose de plus du côté culturel? Où parle-t-elle, cette
fée? Où étincelle-t-elle, la baguette magique de cette
Fédération canadienne dans le texte pour donner des pouvoirs au
Québec du côté culturel? Que nous donne-t-elle? Je ne le
vois pas et je ne vous entends pas citer les textes qu'on va approuver pour
dire qu'elle nous donne quelque chose.
Le grand écran que vous mettez devant nous, c'est le paragraphe
b), la
reconnaissance qu'il y a une société distincte au
Québec, et il y a un paragraphe tout de suite en dessous qui dit: "Le
présent article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs..."
C'est écrit en français. Il n'est pas nécessaire
d'être un grand juriste ou un grand constitutionnaliste pour comprendre
que cela ne veut tout simplement rien dire. On aurait pu ajouter aussi: Et au
sein du Québec, il y a une société distincte italienne, il
y a une société distincte ukrainienne, il y a une
société distincte yougoslave. On pourrait toutes les nommer. S'il
n'y a rien qui s'y rattache, s'il n'y a pas de pouvoirs qui s'attachent
à cela, ne brandissons pas cela comme l'une des grandes rations de cette
fée bienfaisante. Quand on lit à haute voix les paroles qui sont
écrites, le tympan doit les comprendre et vibrer aux mêmes sons
partout dans cette Chambre, mais il semblerait que non.
Du côté linguistique, où voyez-vous quelque chose?
On n'a pas assez de pouvoirs linguistiques au Québec, on se le dit. Ne
faites pas croire aux gens que cette fée nous donne une ration de
pouvoirs linguistiques. Elle ne nous donne rien. C'est écrit: "Le
présent article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs..."
Cela veut dire que ça ne change rien du côté des pouvoirs.
Pourquoi signe-t-on quelque chose qui ne donne rien? Encore là, juste
les mots font peur à l'extérieur du Québec, même si
cela ne donne rien et même si les chances que cela soit signé sont
minimes.
Du côté de la protection de la minorité francophone
à l'extérieur des frontières du Québec, où
sont les paroles qui protègent? On dit qu'il y a des francophones
à l'extérieur du Québec. On le dit, mais le fait de le
dire, est-ce que cela leur donne plus de droits que ceux qu'ils ont? Non, parce
que l'article 4 se rapporte à cela aussi. Aucun pouvoir
supplémentaire. Donc, nos francophones à l'extérieur du
Québec auront des services avec le beau petit paragraphe "où le
nombre le justifie" et cela ne donne rien de plus à qui que ce soit.
Où est ce phénomène qui peut être écrit dans
ce texte? Où est-il ce phénomène de la grande
béatitude? Où est-il?
Le pouvoir de dépenser. Où y a-t-il quelque chose dans
cela qui donne des pouvoirs supplémentaires au Québec et aux
autres provinces dans ce cas-là? Le gouvernement fédéral
venait dépenser sur notre territoire de façon
anticonstitutionnelle. Là, tout ce que cela fait, c'est que cela permet
au gouvernement fédéral de venir dépenser sur notre
territoire de façon constitutionnelle.
Mais, c'est cela. Je vois une députée, qui est l'une de
mes grandes amies, rire. Il n'y a rien dans cela, rien, rien! Il faut lire le
texte, non pas écouter ce qu'on met autour, il faut lire le texte. Le
gouverne- ment fédéral venait sur notre territoire
dépenser sans autorisation constitutionnelle. Si cela est signé,
il va pouvoir faire la même chose, mais ce sera reconnu par la
constitution. Où est la victoire de cette grande fée? Et on se
bombe le torse, on se pète les bretelles: Victoire! Victoire! Une
entente historique! Ce sera historique, parce que ce ne sera jamais
signé. (1 h 50)
Avant de signer le pouvoir de dépenser, j'aurais aimé que
quelqu'un se soit mis à y penser. Pour dépenser, il me semble
qu'il faudrait d'abord qu'on pense. Il y a toujours cette possibilité
des provinces qui ont l'oreille du gouvernement d'Ottawa. Il a toujours cette
possibilité. Le Québec s'est fait jouer un vilain tour dans le
domaine de l'assainissement des eaux, et vous le savez tous. Cela tombe
justement bien, c'était le même premier ministre qui était
là de 1970 à 1976. Un plan avait été
institué pour aider les municipalités des provinces à
faire l'assainissement de leurs eaux. C'est une juridiction exclusive des
provinces. Constitu-tionnellement, le fédéral n'avait pas le
droit d'y venir. Il avait un objectif national. Il fournissait 16 2/3 % des
coûts aux provinces qui faisaient leurs plans. Le premier ministre,
à l'époque, dans la phase I, n'était pas prêt. Donc,
Québec n'a pas fait de travaux d'assainissement des eaux de 1970
à 1976, aussi peu que pas, 53 000 000 $.
On a pris le pouvoir le 15 novembre 1976. Donc, en 1977 et en 1978, on a
dépensé 150 000 000 $. Quand il a vu qu'on amorçait notre
participation à cet objectif national, Ottawa a coupé le plan.
L'Ontario avait 94 % de son assainissement de faits, les provinces de l'Ouest,
90 %; le Québec n'avait que 10 % de faits et les provinces de
l'Atlantique, 66 %.
Ce pouvoir de dépenser, s'il est institutionnalisé dans la
constitution aujourd'hui, cela donnera quoi de plus? Le sourire des gens du
West Island de plus, c'est tout. Cela les fera sourire parce qu'étant de
la partie gagnante et commandante, il n'y aura pas de problème.
Qu'est-ce que notre grande fée des rations canadienne nous donne de plus
dans cette entente? Rien. Pourquoi vouloir à ce point signer? Au moins,
si cela arrivait à Noël, ce serait d'époque, la fée.
Mais non, en plein mois de juin! Et ce ne sont pas les idées qui
déboulent. Il n'y a rien. On se fait passer un sapin en plein mois de
juin.
En fait, avez-vous pensé à une chose? II y a
peut-être un attrape-nigaud là-dedans. Laurier disait: II y a deux
nationalismes dans ce grand pays, il y a un nationalisme de l'Ouest et un
nationalisme au Québec; ailleurs, c'est le calme plat. Qu'est-ce qu'on
pourrait regarder là-dedans qui est un attrape-nigaud? En indiquant dans
la constitution que le Québec est une société
distincte, est-ce que, de ce fait, le Canada ne se fait pas donner par
le Québec, sur papier, un grande distinction: il est seul dans tout le
reste et le Québec, le faisant sans pouvoirs, refuserait automatiquement
la sienne, sa distinction? J'ai l'impression que c'est à
réfléchir.
En conclusion, nous avons mené, de ce côté-ci -
probablement que cela se terminera demain, les temps de parole vont
s'épuiser -une bataille verbale. C'était le moyen que nous
avions. Cette bataille verbale a été faite de façon non
partisane. Nous avons mené haut un bataille non partisane. De
façon partisane, de grâce, signez! Signez! Comme péquiste,
je vous demande de signer, et vite. Et demandez aux autres de signer, et vite.
Parce que vous faites apparaître devant cette signature tellement
d'espoirs redoutables que vous ne pourrez pas répondre de la
moitié du tiers du commencement d'une de vos promesses dans ce texte qui
ne dit rien et que, lorsque les Québécois se réveilleront,
si jamais ça se signe, vous allez être éliminés de
la carte de façon totale. Des fois, ça prend du temps à se
réveiller et, quand on le fait à cette heure-ci, les gens ne se
rendent peut-être pas compte des gestes que l'on pose. Mais, en tant que
Québécois non partisan, en tant que Québécois, avec
la définition que j'en ai, tout en respectant la vôtre qui n'est
pas la même: Ne signez pas. Ce ne sera plus le carillon de la bonne
entente, mais le bourdonnement d'une gang de cloches qui signent ensemble.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais comme intervenant suivant
M. le député de Rousseau.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier aussi mes nombreux collègues qui vont écouter ce
discours qui se situe dans une phase terminale et qui se situe aussi dans un
phénomène historique. Ce ne sera peut-être pas le discours
historique de ma carrière, mais, à 2 heures du matin, vous
comprendrez qu'en dépit de l'heure et de la noirceur à
l'extérieur, c'est important que j'y amène un peu de ma
lumière.
Je suis aussi très content de parler après mon voisin de
comté que, malheureusement, je trouve tout à fait pessimiste pour
une rare fois. Tout le monde connaît ce personnage vivant et
coloré qui, aujourd'hui, nous dit: Cela n'a aucune chance d'être
signé. Tout compte fait, je reconnais que lui est sûrement
convaincu de ce qu'il nous dit, parce que c'est peut-être le seul ou un
des seuls députés du Parti québécois à avoir
des convictions profondes. Ses convictions, il les a étalées, il
les a dites. Bien entendu, son parti et son chef de l'ont pas
écouté, mais je pense que le député de Terrebonne
est très convaincu de ses convictions et nous l'a démontré
à plusieurs reprises.
Je pense que ce débat est le débat de la dignité du
Québec. Sur la constitution, le rapatriement, la signature, bien des
choses se sont dites, beaucoup d'arguments ont été
employés, mais une chose est certaine: le gouvernement libéral a
réalisé un engagement, celui de signer une entente dans
l'harmonie. Je prendrai comme exemple ce que le député de
Joliette disait tantôt. Un exemple dans le domaine sportif parce que tous
et chacun savent que c'est un domaine auquel je suis attaché. Le
député de Joliette disait tantôt: II y a des chandails
rouges - il avait choisi la bonne couleur - et il y a un chandail blanc. Je
voudrais lui dire que: dans une équipe, ce qui est important, c'est que
tout le monde ait le même chandail et que tout le monde ait le même
objectif de travailler pour obtenir la victoire. Que le patineur soit plus ou
moins habile, qu'il soit plus grand ou plus fort, je pense qu'il fait partie de
la même équipe. L'important, c'est de participer et ce, dans
l'harmonie.
Le Québec avait connu au préalable
énormément d'échecs au niveau de la signature d'ententes
sur le reste du Canada. Bien entendu, cette harmonie qu'a connue le
gouvernement du Québec, c'est au grand désarroi du Parti
québécois parce que l'intérêt du Parti
québécois, c'est que ça ne fonctionne pas.
Malheureusement, on est revenu d'Ottawa et ça fonctionnait. Cela a
été le désenchantement du parti de l'Opposition.
M. le Président, je ne voudrais quand même pas me
substituer aux constitutionna-listes, ce que je ne suis pas, aux juristes, ce
que je ne suis pas. On a entendu un merveilleux discours tantôt du
député de Mille-Iles qui nous a démontré
l'importance du pouvoir de dépenser. (2 heures)
Je pense que, si les députés du Parti
québécois n'ont pas compris, ils ne comprendront jamais. Bien
entendu, s'ils étaient ici, ce serait préférable. Je
remercie encore une fois le député de Terrebonne d'être ici
parce que je suis convaincu qu'il est resté spécialement pour
écouter son voisin.
Je ne voudrais pas oublier de me joindre au reste de l'équipe
ministérielle pour adresser mes félicitations au premier
ministre, un homme d'expérience, qui, en 1971, avait déjà
fait sa marque au niveau des rapports constitutionnels et à notre
ministre. Ces deux personnes ont formé un duo qu'on pourrait dire des
plus compétents, des plus habiles pas pour déjouer les autres
provinces, mais pour démontrer que le Québec a sa place dans le
Canada. Ils ont été talentueux et surtout respectueux de la
population qui en avait assez des chicanes
sous l'ancien gouvernement. On a exactement respecté ce à
quoi on s'était engagé durant la campagne électorale.
M. le Président, je vais me contenter de vous livrer quelques
réflexions personnelles, dans bien des cas inspirées par les
citoyens du beau comté de Rousseau, que j'ai l'occasion de côtoyer
très souvent. Un comté à moitié rural, à
moitié touristique, très peu de constitutionnalistes à
l'intérieur, beaucoup moins de juristes, mais des gens qui ont une
opinion ferme et décidée sur la constitution. Je voudrais
rassurer certains députés du Parti québécois qui
semblent dire que la population est affolée, que la population est tout
à fait contre. Je veux les rassurer parce que j'ai deux bureaux dans le
comté. Ni l'un ni l'autre n'a été assailli de personnes
venant me dire: Vous ne nous avez pas parlé, vous ne nous avez pas
consultés. Je n'ai même pas eu, ou très peu d'appels
téléphoniques de personnes qui voulaient des explications
supplémentaires.
C'est donc dire que ce qui s'est fait en commission parlementaire, ce
qui s'était fait l'année précédente par l'amorce de
la discussion... Je tiens à souligner que l'amorce s'est faite dans mon
comté, à l'auberge du Mont-Gabriel. C'est signe qu'il se passe
sûrement de très bonnes choses dans Rousseau.
Vous, M. le député de Terrebonne, vous avez eu votre temps
de parole. Vous aurez un droit de réplique, j'imagine. M. le
Président, il y a une chose que j'aimerais vous livrer. Vous savez, je
pense que le premier événement qu'il faut peut-être
mentionner, c'est que les citoyens du Québec sont heureux de cette
signature. Cela n'a pas de valeur au plan légal, cela n'a rien
d'exceptionnel, mais les gens sont heureux qu'on ait signé cela. On l'a
vu dans les nombreux sondages. Ces citoyens sont surtout heureux parce que
cette entente comprend nos cinq points et elle est rationnelle. Je veux juste
faire un parallèle: quand on nous accuse d'avoir brouillé toutes
sortes de choses, rappelez-vous la question référendaire.
Était-elle claire? Un chef-d'oeuvre, M. le Président, de
méli-mélo. Un chef-d'oeuvre!
Les gens au référendum savaient-ils dans quoi ils auraient
pu s'engager? Cela prenait presque un cours classique pour comprendre la
question ou un cours de théâtre pour être capable de la
jouer en improvisation. On nous reproche de ne pas avoir des textes assez
limpides, assez clairs. Il s'agit juste de comparer ce qu'on a vécu en
1981. Je pense qu'on n'a pas de leçon à recevoir de ce parti qui
nous dit d'en demander plus alors qu'il n'a jamais rien eu.
Je voudrais retenir les propos de trois députés
différents, dont certains propos, que je qualifie de vicieux, du
député de Lac-Saint-Jean, connu sous le nom de "tordeur de bras".
Ce n'est pas nous qui le disons, ce n'est pas de la démagogie; c'est un
membre de son parti qui ne vient plus en Chambre, fort probablement parce qu'il
a trop mal au bras.
Le député de Lac-Saint-Jean essaie -vous voyez comme on a
une équipe active, en formel - de nous montrer qu'il y a deux types de
Québécois ici, les Anglais et les Français. Pour nous du
Parti libéral, il n'y a qu'un seul Québécois, ce sont
toutes ces personnes; c'est le respect total. Dans son discours d'une
demi-heure, il a parlé presque exclusivement de la loi 101, en essayant
de semer un peu plus de confusion.
Je voudrais répéter à toutes les classes de la
population du Québec que nous ne tiendrons jamais ce discours. C'est
dans le respect le plus total. Cette opposition entre les Anglais et les
Français, malheureusement, le Québec y a trop vibré durant
les années soixante-dix et heureusement jusqu'en 1985. Je veux quand
même leur signaler que le respect que le gouvernement leur offre, il le
leur a offert aussi dans la signature du rétablissement de l'harmonie au
Canada.
Je voudrais reprendre quelques propos du député de
Joliette, un autre de mes voisins. Vous voyez comme j'ai un voisinage quelque
peu perturbateur.
Une voix: Tu n'as jamais pensé à
déménager?
M. Thérien: Non, je n'ai pas pensé à
déménager, mais ce sont les citoyens de Joliette et de Terrebonne
qui pensent à déménager dans Rousseau. Comme je le
mentionnais tantôt, le député de Joliette nous disait: Vous
signez à rabais. Nous sommes tous deux d'anciens enseignants. Il
faudrait qu'il revoie la définition du mot "rabais"; cela veut dire
abaisser un prix sur quelque chose d'identifié. On n'avait rien. On ne
pouvait pas être "à rabais" lorsqu'on n'avait rien, on n'avait pas
de signature. On était isolé et on emploie le mot "rabais". On
dit qu'on signe cela à rabais, lorsqu'on n'a jamais été
capable de signer quelque chose.
D'ailleurs, si le député de Joliette était ici, je
lui dirais: II nous a signé, par décret, à rabais, des
conditions dans l'enseignement; ce n'était pas un rabais, mais une
"écoeuranterie" qui, heureusement, a été rachetée
par le Parti libéral dans les dernières négociations.
Bien entendu, je ne peux pas passer sous silence les propos du
député de Saint-Jacques qui nous parle de passion. On le
connaît comme un personnage passionné. Je ne sais pas à
quelle chute il est de la Passion. On sait tous que, malheureusement, le
Québec a vécu un certain temps de passion; on a oublié le
côté rationnel et le côté économique. Il nous
a parlé surtout de la majorité parlementaire. Son chef nous en
parle aussi. Je lui rappelle la même chose
que j'aurais rappelée au député de Joliette:
Où était-il? Qu'est-ce qu'on a fait de la majorité
parlementaire quand on a voté la loi 111, la loi la plus
répressive? C'est la majorité parlementaire, c'est le nombre, M.
le député de Terrebonne, que vous pouvez compter sur vos doigts,
en ajoutant...
Ce geste historique des onze premiers ministres, on a beau dire ce que
l'on veut, mais, quand même, cela va s'inscrire dans l'histoire. Les plus
pessimistes diront que cela ne se signera jamais; tout le monde sait que,
dorénavant, le Parti libéral est un parti optimiste et rationnel.
(2 h 10)
On essaie aussi de nous faire accroire que les cinq propositions, c'est
quelque chose qui ne vaut à peu près rien. L'immigration,
c'était important avant, cela ne l'est plus. On gagne quelque chose,
mais les autres provinces aussi. C'est tout à fait nouveau. Le droit de
veto, on n'en a vraiment jamais eu. Par contre, on était plus fort
avant, donc, on avait sûrement quelque chose. Les autres provinces l'ont
aussi. On n'a à peu près rien obtenu, selon eux.
Reconnaissance explicite du Québec comme société
distincte. Ils en ont connu des échecs dans des négociations
où on a voulu inscrire le Québec sous le nom de peuple, de nation
ou sous toutes sortes d'autres identifications. Je pense, et je le signalais
tantôt, que c'est au grand mérite de notre duo qui est allé
à Ottawa et qui est revenu avec la reconnaissance de la
société distincte. Comme je le disais tantôt, le pouvoir
fédéral de dépenser, et mon collègue de
Mille-Îles en a très bien parlé tantôt, c'est
là aussi un avantage.
Ce que je trouve un peu bizarre, surtout de la part du
député de Terrebonne tantôt qui l'évoquait, c'est
qu'on essaie de voir tous les problèmes qui pourraient surgir de cette
entente sans avoir vécu cela. Je pense que c'est chercher, comme on l'a
cherché dans les années 1981 ou ailleurs, un peu le chaos ou la
chicane, c'est chercher quelque chose qui ne fonctionnerait pas. Je l'aurais
cru beaucoup plus optimiste que cela; sûrement qu'à 2 heures du
matin il est un peu fatigué. Demain matin, je suis convaincu qu'il va
reprendre son discours avec une autre attitude. Je suis convaincu de cela.
Il y a une chose qu'il faut signaler au parti de l'Opposition que nous,
on est en mesure de constater et de respecter, c'est que la population a
évolué. Penser que la population pense de la même
façon que dans les années soixante-dix, penser que les seuls
défenseurs du Québec, c'est le Parti québécois, je
pense que c'est mal connaître la population du Québec. Penser
aussi que la population n'est pas au courant de l'entente qui s'est
signée, c'est, malheureusement, traiter la population d'ignorante,
d'incapable de comprendre ce qui se passe. Médias,
télévision et presse écrite ont très bien
expliqué ce qu'était cette entente. Ce qui est plus
déplorable, M. le Président, c'est que c'est choquant pour eux de
voir que cela fonctionne. C'est cela qui est le plus choquant. Il ne faut pas
que cela fonctionne. Les pouvoirs supplémentaires. Bien entendu,
lorsqu'on s'entend avec quelqu'un... Je prenais comme exemple le sport
tantôt. Dans une équipe sportive où il y a de la dissension
- je ne parle pas d'une équipe politique, on l'a vu dernièrement
dans les équipes politiques - il ne peut pas y avoir d'efforts
supplémentaires, il ne peut pas y avoir de gains supplémentaires.
C'est la question qu'il faut se poser. Bien entendu, l'entraîneur est
fort important. Le nôtre était excellent, notre premier ministre
du Québec.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Thérien: Bien entendu, je pense que cette signature va
permettre au gouvernement, à tout le Québec de mettre le cap sur
autre chose aussi, de ne pas négliger la continuité des
pourparlers, mais de mettre le cap sur ce que la population souhaite le plus,
des réalisations économiques. Je pourrais vous en nommer. Le
premier ministre est expert pour vous nommer toutes les réalisations que
notre gouvernement a faites depuis un certain temps.
Est-ce qu'on peut être contre le fait que le Québec a
été le premier, le chef de file à indiquer à tout
le Canada que ce sur quoi on s'est entendu, on y tient, sans amendement et sans
rectification? On y tient. M. le député de Terrebonne, repensez
à ceci. C'est tout le Québec qui vous implore, 77 % des
Québécois, pas juste des anglophones, bien que M. le
député de Lac-Saint-Jean essaie de nous faire croire que le Parti
libéral, le gouvernement présentement, c'est le gouvernement des
anglophones. Au contraire, c'est le gouvernement de tous les
Québécois, il n'y a qu'une seule classe de
Québécois. Pourquoi semer cette dissension et essayer de faire
connaître un petit peu ce que le Québec a connu dans les
années précédentes?
M. le Président, je voudrais conclure là-dessus en vous
disant qu'on veut sauvegarder ce qui a été signé, - M. le
député de Terrebonne, vous aurez votre temps - l'entente qui a
été signée. Nous sommes les premiers et nous indiquons
clairement notre message. Je suis fier de participer à ce débat,
je suis fier de participer à ce gouvernement, je suis fier d'être
Québécois après la signature de cette entente. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Je demanderai la suspension du débat, M. le
Président.
Le Vice-Président: L'ajournement du débat?
M. Blais: L'ajournement du débat.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
du débat est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, n'ayant pas de feuilleton
à ma disposition, je ferai motion pour que nous ajournions nos travaux
à demain ou plutôt à ce matin, 10 heures.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. Donc, l'Assemblée
nationale ajourne ses travaux. Ceux-ci reprendont ce matin, mardi 23 juin,
à 10 heures.
(Fin de la séance à 2 h 17)