To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Assembly Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the National Assembly

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the National Assembly

Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Monday, June 22, 1987 - Vol. 29 N° 129

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

Dix heures dix minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

Aux affaires courantes, déclaration ninistérielle.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents. M. le ministre des Transports.

Rapport annuel de la RAAQ

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je désire déposer le rapport de la Régie de l'assurance automobile du Québec pour l'année 1986.

Le Président: M. le ministre, votre rapport est déposé.

Avant-projet de loi modifiant la Loi

sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives

M. Côté (Charlesbourg): Je désire déposer l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives.

Le Président: Votre avant-projet de loi est déposé, M. le ministre.

M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, toujours à l'étape du dépôt de documents.

Rapport annuel du CRIQ

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, j'ai l'honneur de vous présenter le rapport du Centre de recherche industrielle du Québec pour l'année terminée le 31 mars 1987.

Le Président: Votre rapport est déposé, M. le ministre.

M. le ministre des Communications.

Rapport annuel du ministère des Communications

M. French: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1986-1987 du ministère des Communications.

Le Président: Votre rapport annuel est déposé, M. le ministre.

M. le Solliciteur général.

Rapport annuel de la Régie des permis d'alcool

M. Latulippe: M. le Président, j'ai l'honneur de vous transmettre le rapport annuel de la Régie des permis d'alcool du Québec pour l'année financière 1986-1987.

Le Président: M. le Solliciteur général, votre document est déposé.

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député de Vanier.

Étude détaillée du projet de loi 31

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration, qui a siégé le 19 juin 1987 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 31, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: M. le député de Vanier, votre rapport est déposé.

M. le vice-président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Drummond.

Étude détaillée du projet de loi 200

M. Saint-Roch: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements, qui a siégé le 18 juin 1987 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 200, Loi modifiant la charte de la ville de Montréal. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Est-ce que le rapport sur le projet de loi 200 est adopté? Il s'agit d'un projet de loi d'intérêt privé. Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Dépôt de pétitions.

Ce matin, il n'y aura pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Nous allons maintenant procéder à la période régulière de questions. Je vais reconnaître la première question principale à M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

L'accord constitutionnel d'Ottawa et le pouvoir de dépenser du fédéral

M, Johnson (Anjou): M. le Président, on sait que le gouvernement a décidé d'étouffer le débat sur l'accord constitutionnel par la mise en place d'une procédure absolument exceptionnelle dans le Parlement qui est un débat limité à 35 heures dont, d'ailleurs, l'ensemble des heures n'ont pas été utilisées jusqu'à maintenant par les membres du gouvernement ou les députés ministériels. On sait, M. le Président, que ce type de procédure est habituellement utilisé dans des cas où l'intérêt public est manifeste, qu'il y a une situation grave ou de nature urgente, par exemple, dans le cas de gens qui seraient sans soins dans les hôpitaux, comme c'est déjà arrivé dans le passé. Ce n'est évidemment pas le cas, d'autant plus qu'il semble que certains partis politiques au fédéral ou gouvernements provinciaux auraient l'intention, pour leur part, de proposer des amendements et sont tous parfaitement conscients que les gouvernements ont trois ans pour adopter une telle résolution. Dans les circonstances, M. le Président, nous en sommes réduits à devoir exiger du premier ministre, s'il condescend si gentiment à le faire, à obtenir des éclaircissements quant à la portée et au sens de l'accord d'Ottawa du 3 juin.

J'aurais donc une question au premier ministre qui touche, notamment, le pouvoir de dépenser étant donné qu'il n'a pas répondu à la question que je lui posais vendredi dernier. Je voudrais lui demander s'il ne considère pas qu'en pratique, il y a eu une dilution considérable de l'effet qu'il recherchait au sujet de la limitation du pouvoir de dépenser à partir de l'accord du lac Meech, lors de l'accord d'Ottawa. Est-ce qu'il ne reconnaît pas, en pratique, que l'introduction de la distinction entre le Parlement et le gouvernement du Canada dans ce texte devient, pour le Québec et probablement pour d'autres provinces, une source où, d'une part, on confirme le pouvoir de dépenser du fédéral et, deuxièmement, où on soumettrait le Québec à la possibilité que le fédéral établisse des objectifs nationaux dans une loi et ne compense pas le Québec si le Québec ne se conforme pas à ces objectifs?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'admets que nous avons eu une très belle fin de semaine et que, peut-être, le chef de l'Opposition a décidé de donner congé à ses recherchistes. Les questions qu'il pose ce matin, il les a posées à de multiples reprises depuis quelques semaines. Ce n'est pas notre point de vue que les clarifications qui ont été apportées au pouvoir de dépenser en modifient l'impact par rapport à l'accord du lac Meech, au contraire, puisque nous avons réussi à faire ajouter une clause de sauvegarde. Le chef de l'Opposition admet que, par rapport au 30 avril, nous avons maintenant une clause de sauvegarde dans cet accord du 3 juin qui empêche le gouvernement fédéral d'élargir son pouvoir, étant donné que nous devions reconnaître ce pouvoir de dépenser, mais nous l'avons reconnu en mettant l'accent sur le retrait, la faculté de retrait des provinces. Il y a eu deux petites modifications ou une modification. Dieu sait comment je me souviens de cette néqociation de plusieurs heures. C'est évident que, comme on parlait de programmes nationaux, c'était implicitement établi ou amorcé par le gouvernement fédéral. Cela ne pouvait pas être amorcé par une province, puisqu'on parlait de programmes nationaux.

De notre point de vue, il n'y a pas du tout de modification, c'est tout simplement une clarification qui a été faite le 3 juin.

Le Présidents M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Non. J'ai l'impression que le premier ministre ne comprend pas la portée de la question ou, enfin, peut-être n'était-il pas attentif au moment où je l'ai formulée. Ce n'était pas le cas de la semaine dernière non plus ou même des semaines précédentes. Il n'a pas toujours l'air d'être attentif aux questions qu'on lui pose ou il est indifférent à donner des réponses. C'est peut-être plus probable.

Est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas que la clause qui a été retenue dans l'accord d'Ottawa du 3 juin, pourrait permettre, à toutes fins utiles, au gouvernement fédéral, par loi, donc, par le Parlement fédéral, d'établir un programme dit national avec des objectifs nationaux, sans compenser les provinces parce que ce ne serait pas un acte de l'exécutif mais un acte du Parlement du Canada?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je dirai au chef de l'Opposition, s'il a bien remarqué - parce que plusieurs commentaires ont été faits sur cette clause-là où on mentionne les objectifs nationaux - on ne mentionne pas les objectifs nationaux du programme. Je pense que le chef de l'Opposition doit constater cette nuance-là.

Dans ce contexte-là, je crois que la province conserve sa flexibilité de pouvoir adapter son programme. Si elle a déjà son programme, on pense, par exemple, à un programme qui existerait au Québec; dans ce

contexte-là la province peut absorber les montants. Ce n'est évidemment pas nécessaire pour elle d'avoir une duplication du programme. Si elle n'a pas déjà ce programme, elle conserve, quelles que soient les technicités qui peuvent être soulevées, la marge de manoeuvre pour adapter ce programme selon ses priorités.

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Je vais finir par penser que le premier ministre n'est peut-être pas au courant des propres textes qu'il veut faire avaler au Parlement, dans une bousculade contre le processus démocratique.

Est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas que l'article 106A, qui touche au pouvoir de dépenser, ne fait obligation à l'État fédéral de compenser une province que dans la mesure où le programme est établi par le gouvernement et ne fait pas cette obligation au Parlement du Canada. On serait donc dans une situation où le Parlement du Canada pourrait adopter un programme dit national et il empêcherait, précisément, la souplesse que le premier ministre prétend avoir cherchée à Ottawa?

Le Président: M. le premier ministre. M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je pense que le chef de l'Opposition commence à couper les cheveux en quatre. D'ailleurs, ses reproches sur le processus démocratique m'apparaissent plus ou moins fondés. Le chef de l'Opposition se plaignait dans une conférence de presse, il y a quelques jours, qu'il était fatigué de voir la majorité l'emporter sur la minorité. (10 h 20)

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bourassa: Cette nouvelle philosophie politique du chef de l'Opposition, qui doit dater probablement du 2 décembre 1985, est difficile à satisfaire. Mais quand même, pour répondre à son reproche, j'ai demandé au leader du gouvernement de faire un effort dans le débat de 35 heures et on a accepté de donner 50 % du temps à l'Opposition. Bon.

Le Président: À l'ordre, s'il vous platt! M. le premier ministre.

M. Bourassa: Nous disposons à l'Assemblée nationale de 80 % de la députation, on a donné 50 % du temps au parti de l'Opposition. Après, il nous reproche...

Le Président: En conclusion, M. le premier ministre. À l'ordre, s'il vous platt!

M. Bourassa: ...d'être antidémocratiques. M. le Président...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je pense que le chef de l'Opposition fait des distinctions qui ne sont pas justifiées. Je lui dis que, dans notre interprétation, que nous croyons légitime, il n'y a pas eu de changement majeur ou même mineur à ce qui avait été conclu au lac Meech, sauf la clause de sauvegarde que nous avons fait ajouter.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): Je dirais au premier ministre que ce n'est pas le fait que vous soyez majoritaires. On constate cela. Vous êtes 99 et vous allez porter vos responsabilités. Ce qui nous fatigue, c'est que vous suspendiez les règles du Parlement, par exemple. Cela nous fatigue. J'ai l'impression que le premier ministre a pris une fin de semaine peut-être un peu trop longue et qu'il aurait été utile pour lui, de fouiller un peu cet aspect que j'ai évoqué dès jeudi et vendredi derniers, en lui disant -je lui réitère la question et, pour la deuxième fois, il a été incapable de répondre jusqu'à maintenant: Est-ce que le premier ministre ne reconnaît pas que, dans son libellé actuel, l'accord d'Ottawa du 3 juin permettrait au gouvernement fédéral d'adopter des objectifs nationaux par loi et ne pas être soumis à la compensation d'une province, y compris le Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, pour la troisième fois, je réponds au chef de l'Opposition que son interprétation n'est pas justifiée.

M. Gratton: Bon!

M. Bourassa: Est-ce que c'est clair?

M. Gratton: Oui.

M. Bourassa: Quant à son reproche d'avoir suspendu les règles du Parlement pour permettre un débat de 35 heures, comme celui du référendum, je lui rappelle que, le lendemain de mon élection comme chef du Parti libéral, ils ont suspendu le Parlement pour un mois!

M. Gratton: Oui!

M. Bourassa: Un mois de vacances additionnelles pour vous permettre de reprendre un peu confiance en vous-mêmes, après mon élection comme chef du Parti libéral.

Le Président: M. le chef l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le premier ministre, qui prétend qu'il nous accorde un débat de 35 heures comme à l'époque du référendum, semble oublier une chose. Le débat de 35 heures que nous avons eu, en 1980, avait précédé un débat public de 60 jours et une décision du peuple québécois. Cela ne mettait pas fin au débat comme ce que vous êtes en train de faire.

Deuxièmement, le premier ministre pourrait dire à ses troupes, qui écoutent ses propos la bouche ouverte...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): ...à en avaler des mouches...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): ...est-ce que le premier ministre...

Le Président: Â l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, votre question. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): Jusqu'à présent, il nous a été donné de constater que, dans ce débat de 35 heures, pour lequel nous avons droit à la moitié des heures, ses collègues n'ont pas utilisé le temps qu'on se serait attendu qu'ils utilisent. Le premier ministre ne reconnaît-il pas que, la bouche ouverte et l'oeil hébété, ses collègues d'arrière-ban n'ont rien à dire sur la question constitutionnelle?

Le Président: M. le premier ministre. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Gratton: Ce n'est pas le jeu "straight".

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président...

Une voix: ...en attendant son leader.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, quant aux 35 heures que nous avons sur le débat, il doit admettre qu'il suit 55 heures de débats en commission parlementaire, qu'il suit des heures et des heures dans les périodes de questions sur la constitution. Et des mois de négociations. Ce n'est pas limité à ces 35 heures-là. Quant au fait que nous soyons peut-être plus sobres que vous ne l'êtes dans des débats comme ceux-là, le chef de l'Opposition devrait savoir que l'une des marques de commerce de notre gouvernement, c'est de parler peu et d'agir beaucoup, contrairement à ce que vous avez fait.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition, en additionnelle.

M. Johnson (Anjou): M. le Président...

Le Président: En additionnelle.

M. Johnson (Anjou): ...le premier ministre confond le calme et le coma politique.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président: M. le député de Bertrand, en principale. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bertrand.

Le respect des heures d'affaires par tous les établissements commerciaux

M. Parent (Bertrand): En principale, M. le Président. Le 12 juin dernier, le ministre de l'Industrie et du Commerce recevait à son bureau un groupe important qui représentait l'Association provinciale des fruiteries du Québec. À la suite de cette rencontre, ces gens du milieu des affaires ont décidé de défier la loi 59. Le ministre de l'Industrie et du Commerce peut-il nous dire ce matin s'il entend faire respecter la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, telle qu'elle s'applique à tous les groupes, y compris le groupe de l'Association des fruiteries qui se trouve quelque peu brimée dans ses droits par rapport au décret adopté le 4 février 1987 par le ministre de l'Industrie et du Commerce, décret dans lequel il venait affecter particulièrement des groupes qui touchent le domaine des fruiteries au Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce. M. le ministre.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le Président. Brièvement, on me demande si

j'entends faire respecter la loi, la réponse, c'est oui.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle. En additionnelle.

M. Parent (Bertrand): En additionnelle, à la suite de différentes recommandations qui lui ont été faites et portées à son attention par les différents groupes qui sont aux prises actuellement avec un problème sur les heures d'affaires, qu'est-ce que le ministre entend faire de façon à corriger certaines anomalies qui existent actuellement dans tout le dossier des heures d'affaires au Québec et qui touchent plusieurs groupes? Le ministre a-t-il l'intention d'agir au cours des prochains mois ou s'il a l'intention de laisser porter, tel que c'est actuellement, créant différentes catégories et différents groupes.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, je dirais que, par définition, la Loi sur les heures d'affaires, à la suite des représentations et des consultations qui ont eu lieu sous mon prédécesseur, crée, de fait, des groupes différents dans la société qui peuvent ou ne peuvent pas se livrer à du commerce le dimanche, en soirée, 24 heures par jour ou quoique ce soit.

Ces catégorisations ont été édictées. Il y a eu - le député l'a souligné et moi-même je le reconnais - des moratoires d'imposés, des régimes particuliers et transitoires que nous avons décidé, essentiellement, de reconduire. Le véritable problème, c'est qu'une fois que les catégories sont arrêtées, des gens qui ne tombent pas dans une catégorie leur permettant de faire affaire avec plus de trois employés le dimanche décideraient que ce n'est pas à leur avantage. M. le Président, c'est la loi et il y a des catégories et nous entendons faire respecter la loi.

Le Président: M. le député de Bertrand, en additionnelle.

M. Parent (Bertrand): En additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre n'a pas l'intention, face à cette nouvelle demande de la part des consommateurs d'avoir accès à une espèce de marché libre concernant les heures d'affaires, de réviser cette situation par rapport à l'ensemble des groupes, des commerces et des différents groupes de consommateurs qui, de plus. en plus, réclament une libéralisation des heures d'affaires?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je dirai que c'est presque une question principale, M. le Président. C'est un problème extrêmement distinct que soulève le député à ce moment-ci. J'aimerais dire, quant à une réouverture du dossier des heures d'ouverture, au-delà des choix des consommateurs qui - je suis d'accord avec ça, j'ai déjà entendu ça - souhaiteraient magasiner 24 heures par jour, sept jours par semaine, quatre semaines par mois et douze mois par année, qu'il n'en reste pas moins qu'il y a des dimensions sociales au fait d'obliger, essentiellement, des gens à travailler le dimanche et les fins de semaine; il faut tenir compte du nombre de familles qui sont affectées par un travail que des nouvelles règles de concurrence, que semble souhaiter le député, imposeraient à des travailleurs de l'alimentation. Nous avons, à ce moment-ci, décidé de reconduire et de maintenir ce qui existait.

Je ne vois pas, je le répète, M. le Président, de pressions qui viendraient du milieu des travailleurs, du milieu des commerçants qui feraient en sorte que, de façon générale, on devrait changer quelque disposition que ce soit des heures d'affaires, en indiquant, en terminant, que je suis toujours, comme je l'ai fait à l'endroit de l'Association des marchands de fruits, des fruiteries, disposé à écouter leurs représentations et chercher un régime qui pourra bien équilibrer une libéralisation économique des heures d'affaires, tout en ayant à l'esprit des conséquences sociales que ça impliquerait.

Le Président: M. le député de Lévis, en principale.

La réforme fédérale de la taxe de vente

M. Garon: M. le Président, je voudrais poser ma question au ministre des Finances que je voudrais féliciter pour son beau bronzage. On sent qu'il a travaillé au soleil toute la fin de semaine, à tel point que si le ministre du Tourisme l'engageait pour faire de la publicité, on pourrait croire que le Québec, c'est la Floride du Nord!

Le Président: En principale. Vous êtes en principale, M. le député de Lévisl Votre question, en principale. (10 h 30)

M. Garon: Dans la nouvelle perspective de l'accord du lac Meech, dans ce nouvel oecuménisme canadien qui est train de se mettre en forme, on a constaté en fin de semaine, samedi matin, par une déclaration du ministre des Finances à Rimouski, dans un français apparemment laborieux - mais l'effort était là, semble-t-il - que la réforme de la taxe de vente, avec ou sans le Québec,

serait effectuée. Dans Le Soleil et La Presse on titre: "Wilson est déterminé à mener à terme sa réforme de la taxe de vente, en dépit des objections du Québec". Il dit même "avec ou sans le Québec, avec ou sans l'accord de M. Gérard-D. Levesque, le ministre fédéral des Finances a l'intention d'appliquer son projet de réforme de la taxe de vente".

J'aimerais savoir du ministre des Finances comment va s'appliquer cette nouvelle flexibilité dont parle le premier ministre où le gouvernement fédéral pourra accaparer nos champs de taxation, dans ce nouvel oecuménisme, et comment cela pourrait se faire sans que l'on se fasse tondre comme le mouton que nous avions autrefois comme symbole.

M. Levesque: M. le Président, cela ne me surprend pas que le député de Lévis n'ait pas saisi toutes les nuances mises de l'avant par le ministre fédéral des Finances, mais si le député de Lévis avait pris connaissance du livre blanc, particulièrement dans le chapitre qui traite de la taxe de vente, il aurait noté que le ministre des Finances du gouvernement fédéral avait retenu trois options: une option qui comporte une entente avec les provinces, incluant le Québec et deux autres options qui font que le gouvernement fédéral peut, comme il l'est présentement avec sa taxe de vente de 12 %, la modifier, la changer, soit par une taxe à la valeur ajoutée comme TVA, ou encore avec une autre taxe qui pourrait s'appeler la taxe des transactions commerciales et le gouvernement du Québec maintiendrait le statut actuel avec la taxe de vente que nous connaissons présentement.

Alors, c'est, à mon sens, bien clair, ce que le ministre fédéral des Finances a dit: Si on ne s'entend pas avec le Québec ou avec les autres provinces, nous passerons à l'option 2 ou l'option 3 qui fait que le gouvernement fédéral se contenterait de changer sa taxe de vente de 12 % par une autre taxe de vente, soit la TVA, soit la TTC, et nous continuerons de faire ce que nous faisons jusqu'à maintenant. Il n'est jamais question que l'on impose quoi que ce soit au gouvernement du Québec.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: Maintenant que le ministre des Finances est prêt à commenter des hypothèses qu'il n'était pas prêt à commenter vendredi, peut-il nous dire, en dehors des hypothèses du ministre fédéral, quelle est la position qu'il entend défendre dans cette réforme fiscale au point de vue de la position du Québec, tant pour les impôts que de la taxe de vente et quand attend-il l'annoncer officiellement? Sous la forme d'un budget, sous la forme d'un livre blanc ou de la façon dont il voudra. Peut-il nous le dire aujourd'hui?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: II est évident que pendant quelques mois, nous aurons à travailler sur ces diverses hypothèses. J'ai dit, la semaine dernière, que nous n'allons pas, aujourd'hui, nous harmoniser à un livre blanc soumis â la consultation. J'ai dit que nous allions attendre que le gouvernement fédéral dépose un véritable budget avant de songer à s'y harmoniser en tout ou en partie. Sûrement pas en tout, parce qu'on ne s'harmonise jamais en tout avec le gouvernement fédéral parce que nous avons nos propres choix politiques et que cela se traduit par une harmonisation partielle. Cela dit, à propos de la taxe de vente - c'est la question du député de Lévis - quant à savoir si nous allons prendre l'option 1, l'option 2 ou l'option 3, la seule qui nous intéresse, c'est l'option 1, où il y a une participation des provinces et, à ce moment-là, j'ai mis comme prérequis qu'il ne fallait, en aucune façon, que l'autonomie fiscale du Québec ou son initiative en matière de fiscalité soient le moindrement érodées. Il n'est pas question que nous perdions l'initiative et la responsabilité fiscale. Si cela est maintenu, rien ne nous empêche de considérer une autre avenue. On peut imaginer une taxe de vente du Québec qui pourrait être harmonisée avec des dispositions fédérales du livre blanc; cela pourrait arriver. Premièrement, ces dispositions devraient être d'abord dans un budget fédéral. Deuxièmement, il va falloir que nous y trouvions l'intérêt des contribuables du Québec.

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Levesque: Si nous y trouvons cela et si nous protégeons notre autonomie fiscale, notre initiative, nous pourrons envisager une telle coopération avec le gouvernement fédéral, mais à nos conditions.

Le Président: M. le député de Lévis, en additionnelle.

M. Garon: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances a l'intention de s'inscrire seulement en réaction, à réagir par rapport aux initiatives fédérales, ou si lui-même a une conception de ce qui serait le meilleur pour le Québec et qu'il a l'intention de la faire valoir dans cette perspective de réforme ou s'il va simplement réagir aux initiatives que va prendre le gouvernement fédéral?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, le député de Lévis devrait savoir que nous n'avons pas à attendre pour réagir. Au contraire, le budget du 30 avril, celui qui devait être prononcé le 7 mai, on se le rappelle, contenait déjà tout un pan sur la réforme fiscale. Justement, il ne tombera pas et, justement, les prophéties de ce prophète de malheur qui s'appelle le député de Lévis ne se réaliseront pas. Les mesures que nous avons mises de l'avant dans le budget du 30 avril résisteront à toutes les modifications du côté du gouvernement fédéral telles qu'annoncées dans son livre blanc. Lorsque nous parlons de la recherche et du développement, lorsque nous parlons de l'abolition de l'impôt sur le revenu des particuliers pour 40 000 familles québécoises, de la réduction de l'impôt sur le revenu pour 300 000 autres familles québécoises...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Levesque: ...à bas revenu, on s'aperçoit que le livre blanc du gouvernement fédéral ne touche en rien les dispositions se retrouvant dans notre propre budget.

Le Président: M. le ministre.

M. Levesque: En conclusion - c'est parce que je suis provoqué, M. le Président -je désire rassurer le député de Lévis. Nous allons continuer à travailler dans notre propre réforme fiscale et, s'il y a lieu de s'harmoniser à un moment ou l'autre, cela se fera dans les intérêts de la population du Québec.

Le Président: M. le député d'Ungava, en principale.

L'exploitation de deux zones minéralisées importantes à Murdochville

M. Claveau: M. le Président, on sait que l'épopée de Murdochville continue. Jeudi dernier, Le Soleil de Québec titrait "Murdochville assise sur des coquerelles en or".

Une voix: Y a-t-il des rouges là?

M. Claveau: On a appris en effet que, pour mettre en exploitation deux zones minéralisées extrêmement importantes à haute teneur, soit le gisement Murdoch et la zone E, la compagnie Mines Gaspé devrait déplacer, pour le faire dans des conditions sécuritaires maximales, une bonne partie de la ville de Murdochville, y compris le centre commercial, ce qui se révèle une opération extrêmement compliquée et coûteuse. (10 h 40)

Dans ce cas-là, est-ce que le ministre délégué aux Mines peut nous confirmer qu'effectivement, c'est le cas en ce qui concerne l'exploitation de ces deux gisements dont les approches, dont les travaux d'infrastructure sont terminés, et quel lien le ministre délégué aux Mines fait-il entre l'arrêt dit temporaire des opérations d'exploitation de Mines Gaspé et les mises en développement de ces deux chantiers?

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones.

M. Savoie: Je constate que le député d'Ungava ne pose plus de questions sur le conflit de travail à la mine Opémisca, à Chapais. Est-ce qu'il faut croire que c'est réglé, M. le député d'Ungava? Je pense que oui.

Deuxièmement, pour ce qui est de l'article qui est paru dans Le Soleil signé par M. Dionne, je crois que ce qu'il présentait comme objectif principal, c'était une opération d'extraction à ciel ouvert, ce qui voudrait dire, d'abord, le déplacement du centre-ville et, deuxièmement, l'extraction de 1 000 000 000 de stériles pour avoir accès à 4 000 000 de tonnes de minerai riche, à 2 %, en cuivre, 2,94 % en cuivre. Les dirigeants de la compagnie m'ont indiqué que ce n'était même pas pensable, que cela constituerait une perte nette pour la compagnie de l'ordre de 3 000 000 000 $. Je comprends mal l'exposé qui a été fait. Et, d'ailleurs, je pense qu'en tant qu'ex-mineur, il devrait savoir qu'enlever 1 000 000 000 de tonnes de morts-terrains pour avoir accès à une opération qui devrait durer jusqu'en 1992 à peine, cela n'a pas de bon sens.

Le Président: M. le député d'Ungava, en additionnelle.

M. Claveau: Une brève additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre délégué aux Mines sait que les travaux d'approche de ces deux zones sont déjà faits sous terre, qu'ils sont terminés, et qu'il ne reste que la mise en exploitation? Dans ce sens-là, comment se fait-il que ce soit juste après avoir fait les travaux d'approche que la mine se rende compte que ce serait impossible de l'exploiter?

Le Président: M. le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones.

M. Savoie: J'ai rencontré les dirigeants de Noranda la semaine dernière. D'ailleurs, une autre réunion est prévue cet après-midi, je pense, avec le comité que dirige le député de Gaspé. On a examiné cela rapidement et cela a été mis de côté. Lorsqu'on reçoit les

explications appropriées, que le député aurait d'ailleurs pu trouver dans le document que je lui ai remis il y a deux semaines, une analyse faite par la compagnie Noranda elle-même, les explications y étaient contenues. Je pense que Noranda a fait tout son possible pour garder cette mine-là ouverte. Je pense que les ouvriers eux-mêmes sont fort bien au courant aussi de cet effort et je pense qu'on fait face tout simplement à une conjoncture économique désastreuse pour la continuation des opérations à Murdochville.

Le Président: Je vais maintenant reconnaître M. le député de La Peltrie, en principale.

M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Une voix: Ouais!

Résultats de la Conférence des

gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre

en matière d'environnement

M. Cannon: J'ai dit oui. M. le Président, la semaine dernière, le ministre de l'Environnement a participé à la 15e Conférence annuelle des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre. Est-ce que le ministre pourrait nous faire part des résultats concrets en matière d'environnement, qui se sont discutés lors de cette réunion?

Une voix: ...

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président, effectivement, il y a eu une rencontre à Halifax, la semaine dernière, qui a eu des effets et des résultats très importants dans le domaine de l'environnement, en ce sens que, pour la première fois, les États de la Nouvelle-Angleterre et les provinces de l'Est du Canada ont convenu d'une résolution conjointe. Pour la première fois, dis-je, ce sont des États et des provinces de deux pays différents, qui se sont mis d'accord pour signer une entente qui prévoira une notification mutuelle en cas de tout accident qui pourrait avoir un impact sur l'environnement d'un État voisin ou d'une province voisine. C'est une première, en fait, en Amérique du Nord que cette résolution commune qui a été acceptée la semaine dernière.

Le Président: En additionnelle? M. Cannon: En additionnelle.

Le Président: En additionnelle, M. le député de La Peltrie.

M. Gendron: M. le Président, questior de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je ne me suis pas levé sut la question principale, parce que je suis convaincu qu'il n'y avait même pas de question là. C'est la première fois qu'or demande à un ministre: Racontez-nous votre voyage. Peu importe le sujet important. S: vous lui permettez une question additionnelle, il me semble que c'est abuser puisque 1e question principale, l'environnement est d'intérêt public sur une loi, uns problématique particulière, mais demander ai ministre de nous raconter ce qui s'est passé lors de son dernier voyage, il ne me semble pas que ce soit une question qui doive être posée en vertu de notre règlement.

J'ai laissé passer parce que j'étais convaincu qu'il aurait dit: C'est un beau voyage, etc., mais pas d'additionnelle là-dessus.

Le Président: Je pense que j'ai donné... C'est de réduire à peu de choses les questions principales des membres de cette Assemblée. D'abord, dans un premier temps, je pense que...

M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le Président, on me suggère de dire simplement: J'ai mon voyage!

Le Président: Je vais entendre la question additionnelle et si ce n'en est pas une, je verrai à réagir.

M. le député de La Peltrie.

M. Cannon: Merci, M. le Président. C'est effectivement une question additionnelle. Je comprends que le leader adjoint est obligé de faire quelque chose ce matin...

Le Président: Votre additionnelle.

M. Cannon: ...étant donné que le leader de l'Opposition n'est pas présent.

En additionnelle, M. le Président...

M. Gendron: Question de règlement. On a mis en cause le leader de l'Opposition.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, question de règlement.

M. Gendron: Si le leader de l'Opposition n'est pas présent, ce n'est pas un des nôtres qui est dans le "trouble", ce matin, c'est un des leurs. Il est obligé de comparaître comme témoin dans l'affaire du député de Saint-Henri. Il avait beau ne pas l'évoquer.

Le Président: M. le député de La Peltrie, votre question, sinon je passe à une principale. Votre question! Votre question!

M. Jolivet: Un coup de canon dans l'eau.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Pour protéger les forêts du député d'Abitibi-Ouest.

Le Président: Votre question.

M. Cannon: Merci, M. le Président. En additionnelle, j'aimerais savoir en quoi cette rencontre a fait évoluer le dossier des pluies acides, dossier extrêmement important, non seulement pour le Québec...

Une voix: Pour le député d'Abitibi-Ouest.

M. Cannon: ...mais pour l'ensemble de nos forêts, non seulement au Québec mais, également, dans les Maritimes et ailleurs.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Lincoln: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: ...nous regrettons d'être obligés, du côté ministériel, de poser ces questions. Nous aurions espéré, après les retombées de la conférence de la semaine dernière, que le critique de l'environnement pour l'Opposition se serait intéressé à cette question.

D'abord, il y a eu l'accord sur le bon voisinage que j'ai cité. Il y a eu aussi deux accords sur les pluies acides où tous les États de la Nouvelle-Angleterre et de l'Est du Canada se sont engagés à multiplier les stations de "monitoring" et d'échantillonnage des pluies acides sur le territoire, deuxièmement, à publier une cartographie des retombées de pluies acides sur tout le territoire de l'Est du Canada et des États-Unis. Je pense que c'est assez important pour qu'au moins l'Opposition s'intéresse à ça et nous pose des questions de temps en temps sur ce sujet de grande importance.

M. Johnson (Anjou): M. le Président...

Le Président: En additionnelle, M. le chef de l'Opposition?

M. Johnson (Anjou): ...précisément, non pas que ce soit la question du député de La Peltrie qui m'apparaisse intéressante mais le sujet en soi. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire si, à sa rencontre d'Halifax, il a permis que des choses concrètes soient faites ou est-ce qu'il y avait trop de gouverneurs absents?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois que les explications avaient été données sur l'absence de plusieurs gouverneurs, notamment la température qui avait empêché le gouverneur Sununu, par exemple, d'assister à la conférence.

Pour moi-même, j'ai demandé au ministre responsable de l'Environnement d'être présent parce que j'aime toujours être à la période de questions pour répondre aux questions du chef de l'Opposition. L'été va être très long, M. le Président, sans période de questions. Je crois que le ministre responsable de l'Environnement était présent le mardi matin et que nous avons déjà posé des gestes très concrets: une entente de 142 000 000 $, tripartite, pour Noranda qui est responsable d'une bonne partie de la pollution à un certain niveau au Québec. Nous avons d'autres augmentations de budget à cette fin, des ententes avec les États limitrophes, les provinces et la Nouvelle-Angleterre. Il y a une volonté politique très très ferme de la part de la Nouvelle-Angleterre, de l'État de New York et des provinces de l'Est du Canada pour combattre les pluies acides.

Le Président: M. le député de Jonquière, en principale. (10 h 50)

Le projet de loi 43 sur l'aménagement et l'urbanisme et les municipalités

M. Dufour: Le vendredi 19 juin, le ministre des Affaires municipales aurait affirmé à cette Chambre qu'il a toujours l'accord des deux unions des municipalités concernant le projet de loi 43, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, en déposant une lettre signée par le président de l'Union des municipalités du Québec datée 16 juin. Comment le ministre des Affaires municipales peut-il toujours affirmer qu'il a cet accord puisque j'ai en main un télégramme signé de la main de M. Roger Nicolet, président de l'Union des municipalités régionales de comté, qui réaffirme et qui demande aux municipalités régionales de comté de s'opposer au projet de loi, puisqu'il s'y est opposé depuis le 12 juin? Comment le ministre des Affaires municipales peut-il réaffirmer une si grosse déclaration vis-à-vis de ce désaccord entre les deux unions?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, dans le projet de loi 43, la politique gouvernementale d'aménagement des rives, des berges et des plaines inondables est confiée aux municipalités du Québec. La responsabilité de cette politique est confiée aux municipalités du Québec. Mais il est prévu dans le projet de loi, qui sera bientôt loi, qu'en dernière analyse, le ministre de l'Environnement a toujours le pouvoir, si jamais une municipalité ne respecte pas la problématique générale, d'éventuellement désavouer un règlement municipal. J'ai discuté de cette question avec les deux présidents des unions des municipalités du Québec. Je réaffirme que les deux présidents des deux unions m'ont donné leur assurance qu'ils endossaient, d'une façon générale, le principe de cette loi et la façon avec laquelle on a décidé de procéder. Maintenant, je ne sais pas si le télégramme est signé de la main de M. Nicolet, ça m'étonnerait beaucoup, parce que en général les télégrammes ne sont pas signés, mais je peux dire que M. Nicolet et M. Pelletier m'ont tous deux donné cette assurance. Maintenant, je ne contrôle pas des gestes qui sont faits par la suite.

Le Président: M. le député de Jonquière, en additionnelle. M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Puisqu'il y a un désaccord entre les deux affirmations, je voudrais citer ou déposer copie du télégramme envoyé aux 95 MRC du Québec, en date du 17 juin 1987, 16 h 45, signé par le président Roger Nicolet.

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Y a-t-il consentement pour déposer copie de ce télégramme? M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, il y a évidemment consentement pour que le télégramme soit déposé, mais pas pour qu'on en fasse lecture ici. On est à la période de questions, pour le moment.

Le Président: Alors, déposez votre document. M. le député de Jonquière, il y a consentement.

M. Dufour: Avant de déposer, le ministre reconnaît-il que le 12 juin - selon la copie - nous vous avons communiqué notre opposition au projet de loi 43, nous vous incitons à intervenir par télégramme auprès du ministre des Affaires municipales avant qu'il ne soit adopté...

Le Président: Je m'excuse. Je m'excuse. Vous étiez en additionnelle. Voulez-vous déposer votre télégramme, s'il vous plaît? M. le ministre des Affaires municipales. Voulez-vous déposer votre copie II y a consentement.

M. Bourbeau: M. Nicolet et les dirigeants de l'Union des municipalitsé régionales de comté ont rencontré en ma présence, le premier ministre, jeudi ou vendredi de la semaine dernière. M. Nicolet devant un certain nombre d'individus, dont des gens de mon propre cabinet, a réitéré qu'il endossait le principe de la loi 43 et que ce n'est qu'à l'égard de quelques modalités que l'UMRCQ avait quelques objections, mais que, quant au fond, le principe du projet de loi 43 était endossé. En ce qui concerne l'Union des municipalités du Québec contrairement à ce qu'a déclaré le député de Jonquière, le président de l'Union des municipalités du Québec, M. Jean Pelletier, a écrit une lettre au ministre que j'ai déposée la semaine dernière, dans laquelle il répète lui aussi qu'il endosse le projet de loi 43.

Le Présidents M. le député de Jonquière, en additionnelle. En additionnelle.

M. Dufour: Le ministre des Affaire municipales est-il conscient que son projet de loi avait sept articles et j'ai en main un télégramme qui s'oppose à quatre articles. Il vient nous dire devant cette Chambre que pour lui, ce sont des modalités. Le premier ministre qui est là, devant nous, est-il capable de nous dire si c'étaient des modalités ou si c'étaient des oppositions farfelues venant de la part du président de l'Union des municipalités régionales de comté?

Le Président: M. le premier ministre M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je me pose d'abord quelques questions sur la rigueur de Ia dialectique du député de Jonquière. Il parle d'un télégramme signé de la main de celui qui l'envoie. Ça commence plutôt mal une question. Ce que je voudrais dire...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

Une voix: Les vacances sont commencées.

M. Gratton: Ouvrez la bouche pour écouter!

M. Bourassa: M. le Président, un peu moins d'agitation du côté de l'Opposition essayez de copier notre calme, notre sang-froid, notre détermination froide à régler les problèmes du Québec.

Le Président: À la question, M. le

premier ministre.

M. Bourassa: Je suis tout à fait d'accord avec le ministre des Affaires municipales, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bertrand, en principale?

M. Parent (Bertrand): En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Bertrand.

L'implantation de l'Agence spatiale canadienne

M. Parent (Bertrand): Cette semaine, nous étions en droit de nous attendre à deux bonnes nouvelles de la part du ministre du Commerce extérieur: d'abord, l'annonce de la tenue de la commission parlementaire qu'il doit tenir sur le libre-échange, ainsi que l'annonce pour confirmer la décision d'Ottawa quant à l'implantation de l'agence spatiale dans la région de Montréal. Est-ce que le ministre du Commerce extérieur, qui a suivi ce dossier et qui a, apparemment, fait beaucoup de démarches, peut nous dire, ce matin, devant cet échec des dernières semaines, devant la troisième fois où il y a report de la part du gouvernement fédéral, ce qu'il entend faire au cours des prochaines semaines - avant de sûrement partir en vacances - de façon que nous puissions renverser la vapeur et obtenir, pour le Québec, particulièrement pour Montréal, une fois pour toutes, l'agence spatiale?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur et responsable du Développement technologique.

M. MacDonald: Je remercie le député de Bertrand pour sa question. Je le remercie particulièrement parce que, justement, j'ai besoin de son aide, ainsi que de celle de tout le monde. On m'a dit, à la publication du troisième délai - cela vient de bonne source - que les représentations faites par la Chambre de commerce, par le Board of Trade, par nous-mêmes et par un certain nombre de nos collègues avaient effectivement amené un certain nombre des décideurs à Ottawa à réviser leur position ou, tout au moins, à demander une nouvelle étude du dossier.

Pour nous, j'ai l'impression que les vacances vont être courtes parce que, ce matin, j'ai mis en marche un autre processus de représentation du Québec, de façon à faire valoir nos positions, non seulement au Québec, mais ailleurs au pays, dans l'industrie de l'aéronautique et de l'aérospatiale, pour chercher à convaincre ceux qui peuvent avoir de l'influence sur le bien-fondé de notre cause.

En terminant, je demanderais au député de Bertrand d'intervenir, d'une certaine façon et d'une façon certaine, auprès de ses propres collègues pour nous aider. J'ai écrit, entre autres, à tous les membres de cette Assemblée et je n'ai reçu, comme dans le cas du leader de l'Opposition, comme réponse, que la lettre avait été référée à M. le député de Bertrand, responsable de ce dossier, et c'est là que se terminait son assistance.

Le Président: Conclusion, M. le ministre.

M. MacDonald: J'oserais prétendre qu'il pourrait faire beaucoup mieux.

Le Président: Une dernière additionnelle, M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Une dernière additionnelle. Le ministre du Commerce extérieur ne reconnaît-il pas que c'est l'Opposition, plus particulièrement le député de Bertrand, qui a apporté cette question en Chambre, de façon à faire bouger le ministre du Commerce extérieur? Le premier ministre a lui-même rédiculisé notre attitude face à cela quant à faire des parades à Ottawa. Or, si le...

Le Président: Votre question additionnelle.

M. Parent (Bertrand): ...ministre du Commerce extérieur a besoin de l'aide de l'Opposition, j'en suis fort aise, il peut être assuré de notre collaboration. Entre-temps, qu'est-ce qu'il entend faire?

Le Président: M. le ministre du Commerce extérieur.

M. MacDonald: En premier lieu, M. le député, merci de votre collaboration. En deuxième lieu, j'entends, comme je vous l'ai mentionné - si vous aviez écouté la réponse à votre première question - mobiliser tous et chacun, au Québec et au Canada, pour faire valoir notre position, c'est-à-dire la position de la province de Québec et de la région de Montréal pour obtenir le siège social de l'Agence spatiale canadienne.

Le Président: Alors, cette dernière réponse met fin à la période régulière de questions. Nous allons continuer les affaires courantes.

Ce matin, il n'y a pas de vote reporté.

Motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, à la suite

du dépôt de l'avant-projet de loi sur l'assurance automobile, j'aimerais faire un dernier avis...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: II ne s'agit pas d'une motion, mais plutôt d'un avis...

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Gratton: ...pour que la commission... Le Président: Un avis?

M. Gratton: En fait, appelons cela une motion, d'accord.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement sur la motion de M. le leader...

M. Gratton: Je fais donc motion pour que la commission de l'aménagement et des équipements procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques...

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Un instant. Je n'ai pas d'objection à l'entendre, sauf que, comme je l'ai indiqué au leader du gouvernement...

M. Gratton: Cela a été corrigé.

M. Gendron: Cela a été corrigé? Alors, on va l'entendre et on verra après. S'il y a une correction que je ne connais pas, je ne peux pas donner mon avis. (11 heures)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

Consultation générale dans le

cadre de l'étude de l'avant-projet

de loi modifiant la Loi sur

l'assurance-automobile

M. Gratton: Oui, M. le Président. Cela a été corrigé et en consultation avec le personnel du leader. Je pense que cela devrait répondre aux appréhensions de l'Opposition.

Je reprends la lecture M. le Président. Je fais motion pour que la commission de l'aménagement et des équipements procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives, que les mémoires soient transmis au Secrétariat des commissions au plus tard le 21 août 1987 et que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat. J'indique tout de suite qu'au plus tard demain, le mardi 23 juin, nous indiquerons vers quelle date commenceront les auditions publiques quant à ce mandat, et ce, en consultation avec le porte-parole de l'Opposition officielle.

Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: II n'y a pas de problème, M. le Président, mais ce qui est étonnant, c'est que le leader nous annonce une commission pour laquelle il y aura des consultations quant à la date. Cependant, à la suite de l'appel au secours du ministre du Commerce extérieur, il est étonnant que vous n'ayez rien à dire concernant une commission parlementaire sur le libre-échange. À la suite de son appel au secours de contribution de l'Opposition, il nous ferait plaisir d'avoir une commission parlementaire sur le libre-échange.

Une voix: Bien oui.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Ce n'est pas parce que je n'ai rien à dire aujourd'hui que je n'aurai pas quelque chose à dire demain, après-demain, vendredi, ni la semaine prochaine.

Le Président: Si je comprends bien, la motion présentée par M. le leader du gouvernement est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Y a-t-il d'autres motions sans préavis, M. le leader du gouvernement et M. le leader adjoint?

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, il n'y a pas de commission, il n'y a pas d'avis à donner ce matin. J'indiquerai cependant qu'à 14 heures, puisqu'on s'est entendu entre nous pour suspendre seulement de 13 à 14 heures aujourd'hui, des motions visant à procéder à certaines nominations seront déposées devant l'Assemblée nationale par le premier ministre pour que l'Assemblée se prononce sur leur contenu probablement demain.

Cela étant dit, M. le Président, aux affaires du jour, je vous inviterais à appeler l'article 80 du feuilleton s'il vous plaît!

Le Président: Alors si j'ai bien compris,

il n'y a pas de renseignements concernant les travaux de cette Assemblée. Nous allons immédiatement procéder aux affaires du jour.

Reprise du débat sur la motion proposant que l'Assemblée nationale

autorise la modification de la

constitution du Canada en conformité

avec l'accord d'Ottawa

À l'article 80 au feuilleton, il s'agit de la reprise du débat ajourné le 19 juin 1987 par M. Lefebvre, leader adjoint du gouvernement, sur la motion présentée par M. le premier ministre. Cette motion se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale autorise la modification de la constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada en conformité avec l'annexe ci-jointe (au feuilleton)." Je suis prêt à reconnaître M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, c'est avec grand plaisir que je cède mon droit de parole au ministre de l'Éducation sans, évidemment, perdre mon propre droit de parole que j'utiliserai au cours de la journée.

Le Président: Antérieurement, cela a-t-il été accepté? Y a-t-il consentement à cet effet, M. le leader adjoint de l'Opposition?

M. Lefebvre: Oui.

Le Président: Alors je vais reconnaître le premier des intervenants ce matin, sur la motion présentée par M. le premier ministre, M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, ayant été activement engagé dans le débat constitutionnel depuis plus d'un quart de siècle, j'ai suivi avec un intérêt particulier les développements remarquables qui se sont produits dans ce dossier au cours de la dernière année. En ce qui touche le Québec, il s'est fait plus de choses au cours de cette dernière année que pendant tout le demi-siècle qui s'écoula entre la proclamation du Statut de Westminster en 1931 et le rapatriement de la constitution en 1982. L'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel traite des pouvoirs du Parlement fédéral, avait fait l'objet, en 1949, d'une importante modification conférant au Parlement fédéral des pouvoirs accrus en ce qui touche la modification des articles le concernant directement. Cet article nouveau fut abrogé par la Loi constitutionnelle de 1982, vu qu'il n'était plus nécessaire à cause de la nouvelle formule d'amendement.

En matière de partage des pouvoirs législatifs, trois modifications importantes seulement ont eu lieu à l'époque contemporaine. Une première, apportée en 1940, établissait la compétence du Parlement fédéral en matière d'assurance-chômage. Deux autres modifications apportées successivement en 1951 et 1964 élargissaient la compétence du Parlement fédéral en matière de pension de vieillesse. Si l'on ajoute à cela la décision qui permit, en 1949, l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération, les seules modifications majeures apportées à la constitution canadienne depuis le Statut de Westminster sont celles que l'on trouve dans la Loi constitutionnelle de 1982.

Cette loi a fait beaucoup de tort au Québec. Adoptée sans le consentement du Québec, dans des circonstances peu honorables, la Loi constitutionnelle de 1982 eu pour effet de marginaliser le Québec, de l'obliger à se situer à l'écart de la vie constitutionnelle normale du Canada.

La Loi constitutionnelle de 1982 eut néanmoins le double mérite de doter le Canada d'une charte constitutionnelle des droits qui est l'une des mieux équilibrées au monde et de remettre entre les mains des Canadiens et de leur gouvernement la responsabilité de trouver au pays même des solutions à leurs problèmes. Cette loi a mis fin au régime désuet et humiliant des pèlerinages constitutionnels à Londres. Elle a aussi posé les droits individuels de chacun comme fondement de l'édifice politique canadien.

L'accord constitutionnel que l'Assemblée nationale s'apprête à ratifier est le premier fruit de cette dynamique nouvelle créée, en grande partie, par la Loi constitutionnelle de 1982. II faut avoir l'honnêteté de le reconnaître.

S'il se situe dans le sillage historique de la loi de 1982, l'accord du 3 juin dernier en diffère, cependant, très nettement par l'esprit dont il procède. L'esprit qui a inspiré l'accord du lac Meech et d'Ottawa, c'est, en effet, non plus le souci d'assurer à tout prix la prépondérance fédérale et d'ignorer le particularisme québécois, mais plutôt une volonté ferme d'acceptation réciproque et de recherche d'une saine complémentarité entre le Canada et les éléments divers qui le composent.

Acceptation réciproque du rôle propre dévolu au Parlement fédéral et aux provinces par la constitution. Acceptation réciproque par des Canadiens anglophones et les Canadiens francophones de la dualité linguistique et culturelle du Canada. Acceptation par tous les gouvernements canadiens, et cela, pour la première fois, dans toute l'histoire de la Confédération, du caractère distinct du Québec et du rôle propre de son gouvernement et de son Assemblée nationale, comme gardien et

promoteur de la personnalité propre du Québec. Acceptation par tous les gouvernements des droits inaliénables des peuples autochtones et de la réalité multiculturelle du Canada. Acceptation, enfin, du principe d'une saine égalité entre les provinces qui regroupent sur leur territoire respectif les peuples divers du Canada.

Voilà les pierres d'assise de l'accord du lac Meech et d'Ottawa. Autant de principes que l'on retrouve également dans les grands textes constitutionnels du gouvernement québécois, de 1960 à 1976, dans le livre beige publié en 1980 par le Parti libéral du Québec et dans le manifeste "Maîtriser l'avenir" publié par le Parti libéral du Québec, à la veille de l'élection générale de 1985.

L'évolution constitutionnelle du dernier quart de siècle a été jalonnée de nombreux glissements qui allèrent tantôt dans le sens d'un renforcement dangereux de la prépondérance fédérale, tantôt dans le sens de la rupture du Québec avec le reste du Canada.

Mais le peuple réel n'adhérait, en fait, ni à l'une ni à l'autre de ces tendances extrêmes qui s'opposaient pendant plusieurs années. Il voulait, au fond, que nous demeurions à la fois Québécois et Canadiens, que nous puissions nous réaliser et nous affirmer avec force au Québec, mais tout en continuant aussi de faire partie de l'ensemble canadien renouvelé.

La préférence du peuple québécois a toujours favorisé la recherche de solutions empreintes d'esprit de conciliation et de modération. L'accord que nous entérinerons bientôt marque la victoire du réalisme et de la modération et nous enseigne que la persévérance, la continuité, la fidélité à des convictions et de la longanimité sont des vertus essentielles dans l'édification d'un pays.

Mais, au fait, avons-nous lieu de nous réjouir? L'accord d'Ottawa ne serait-il pas, comme l'affirmait l'autre jour, en cette Chambre, le chef de l'Opposition, qu'un recueil minable de miettes insignifiantes? La question vaut qu'on l'examine, car elle est au coeur de notre débat. Elle a été posée, je pense, avec sincérité par ce Québécois que je respecte et, à travers lui, par des milliers de Québécois.

Le temps limité dont je dispose ne me permet pas d'aborder tous les aspects de l'accord d'Ottawa. Je me bornerai, en conséquence, à traiter de deux éléments majeurs de ce document, soit la formule d'amendement constitutionnel et la compétence du Québec en matière de droits linguistiques. (11 h 10)

En écoutant l'autre jour le chef de l'Opposition, j'avais hâte de l'entendre commenter la formule d'amendement conte- nue dans l'accord d'Ottawa. J'avais hâte de l'entendre commenter cet aspect capital de l'accord, car l'honnêteté intellectuelle la plus élémentaire l'invitait à reconnaître, dans cette formule, celle-là même à laquelle lui-même et plusieurs autres membres de l'Opposition accordèrent leur adhésion, en 1981, par la voix de leur ancien chef, René Lévesque. Mais au lieu de faire face à cet obstacle de taille, le chef de l'Opposition s'est prudemment abstenu de faire la comparaison qui s'imposait. Je le comprends facilement de ne pas avoir fait cet exercice, car il aurait été obligé, en toute vérité, de reconnaître que l'accord d'Ottawa apporte davantage au Québec que l'accord signé par René Lévesque le 16 avril 1981, et, à plus forte raison, que la Loi constitutionnelle de 1982. Dans l'accord d'avril 1981, le Québec, abandonnant la revendication du droit de veto complet acceptait que la règle de décision en matière de changement constitutionnel soit celle d'une majorité comprenant les deux Chambres fédérales et les deux tiers des provinces représentant au moins 50 % de la population canadienne.

Dans l'accord d'Ottawa, cette règle est maintenue. Il n'y a ici aucune espèce de recul. À moins que le Parti québécois n'ait changé d'avis depuis 1981, il devra reconnaître qu'il y a convergence à ce sujet entre les deux grands partis représentés dans cette Chambre.

En ce qui touche les amendements impliquant des transferts de pouvoir des provinces en faveur du Parlement fédéral, l'ancien gouvernement avait voulu, à juste titre, obtenir un droit de retrait assorti d'une juste compensation financière. Cette double garantie le gouvernement Lévesque l'avait obtenue en avril 1981 de sept autres provinces, mais il l'avait ensuite perdue à Ottawa en novembre de la même année, en se laissant entraîner à cette occasion dans un véritable cafouillage.

Tout ce que le Québec put obtenir en novembre 1981, ce fut un droit de retrait assorti d'une compensation financière dans les cas d'amendements impliquant des matières d'ordre éducatif ou culturel. Encore ce compromis insatisfaisant ne fut-il obtenu que grâce à une intervention in extremis d'éléments modérés du Québec. Avec l'accord d'Ottawa, nous revenons à l'esprit et presque à la lettre de l'accord d'avril 1981 au sujet de la compensation financière en cas d'amendements impliquant des transferts de pouvoirs constitutionnels. Ici encore, le Parti québécois, s'il veut être conséquent, devrait avoir la logique de se déclarer d'accord avec le gouvernement et la très grande majorité des citoyens du Québec.

Dans l'accord d'avril 1981, certaines questions d'importance majeure, telles la charge de souverain, les droits des provinces en matière de représentation à la Chambre

des communes, l'usage des langues française et anglaise, la composition de la Cour suprême et la modification de la formule d'amendement, avaient été soustraites à la règle de la majorité ordinaire et soumises à la règle du consentement unanime d'Ottawa et des provinces. Pour toutes ces questions, l'accord d'Ottawa maintient la règle de l'unanimité et, par voie d'implication, le droit de veto du Québec. Ici encore, comment le Parti québécois peut-il logiquement se dissocier du gouvernement et du peuple québécois après avoir soutenu la position que l'on sait en avril 1981?

Dans sa précipitation, le gouvernement de l'époque, en signant l'accord d'avril 1981, avait commis une omission de taille. Il avait oublié d'insister pour que soient soustraites à la règle de la majorité ordinaire les questions aussi fondamentales que la représentation proportionnelle des provinces aux Communes, les pouvoirs et le mode de nomination des membres du Sénat, la représentation des provinces au Sénat, la Cour suprême du Canada, l'extension des provinces existantes dans les territoires et même, oubli absolument impardonnable, la création de nouvelles provinces.

Sur toutes ces questions, un flanc entier avait été laissé ouvert. Fort heureusement, l'accord d'Ottawa corrige cette erreur déplorable en redonnant au Québec un droit de veto sur toute et chacune de ces matières. Sera-t-on assez masochiste de l'autre côté de la Chambre pour refuser de reconnaître qu'il s'agit là d'une récupération importante à laquelle devrait souscrire tout Québécois de bonne foi?

Je viens de rappeler ce que le gouvernement précédent, représentant le Parti québécois, avait solennellement accepté en notre nom, en avril 1981. Le gouvernement actuel, ayant obtenu davantage sous la conduite éclairée du premier ministre et du ministre des Affaires canadiennes, que je salue tous les deux avec gratitude en notre nom, comment l'Opposition peut-elle refuser de souscrire au moins à cette partie de l'accord d'Ottawa qui est, à mon jugement, la plus importante de toutes, c'est-à-dire la partie qui définit une formule d'amendement constitutionnel pour l'avenir, qui nous donne la clef de toutes les décisions que nous serons appelés à prendre dans l'avenir en matière de modifications constitutionnelles? Je pose la question à l'Opposition.

J'ai écouté attentivement, d'autre part, les propos des porte-parole de l'Opposition à l'encontre de l'accord d'Ottawa dans l'espoir de mieux comprendre leurs objections. De tous les griefs que j'ai entendus, il n'en est pas de plus persistants, de plus répétés et de plus fervents à la fois, je pense bien, que celui traitant des pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière linguistique. La thèse de l'Opposition tient dans une proposition très simple: Elle réclame la totalité des pouvoirs pour l'Assemblée nationale en matière linguistique. L'accord d'Ottawa n'ayant pas procuré au Québec cette totalité des pouvoirs, l'Opposition prétend le répudier. Dans une perspective souverainiste, on peut comprendre l'attitude de l'Opposition, mais dans une attitude fédéraliste, cette attitude est foncièrement indéfendable et j'entends le démontrer.

Dans une perspective fédéraliste, nous percevons en effet le Canada, ainsi que le dit l'accord d'Ottawa, comme un pays formé, d'une part, de citoyens francophones concentrés au Québec, mais également présents dans le reste du Canada et, d'autre part, de citoyens anglophones concentrés dans les autres provinces, mais aussi présents au Québec. En disant cela, nous n'inventons rien, nous ne formulons pas une thèse philosophique, nous percevons tout simplement la réalité canadienne comme elle est. Non seulement nous acceptons cette réalité, mais nous voulons nous y conformer dans toute la mesure raisonnablement possible des institutions politiques du pays.

Pour nous, cette perspective entraîne deux ordres de conséquences. Tout d'abord, nous tenons à juste titre à ce que le caractère français du Québec soit reconnu et puisse s'affirmer dans un climat de liberté. En second lieu, nous voulons aussi que la réalité institutionnelle du Canada fasse une place généreuse aux droits linguistiques des francophones vivant hors du Québec tout comme nous sommes disposés à respecter les droits linguistiques des anglophones vivant au Québec. Dans une perspective fédéraliste, la façon la plus efficace d'assurer le maintien et le développement du volet francophone de la dualité linguistique du Canada, c'est d'abord de faire en sorte qu'il existe toujours, au Canada, un Québec fort, un Québec sûr de ses droits et de ses prérogatives. Par les clauses qu'il contient à ce sujet, dont d'autres intervenants ont traité abondamment, l'accord du lac Meech renforce la position du Québec comme société distincte à l'intérieur du Canada et la reconnaît même formellement pour la première fois depuis les débuts de la Confédération.

Mais vouloir que soit maintenu ce volet francophone de la dualité linguistique du Canada, c'est aussi faire en sorte que soient également protégés les droits linguistiques des francophones vivant hors Québec. La meilleure façon de garantir les droits de ces derniers, c'est de les inscrire dans la constitution même du pays, comme cela a été fait en 1982. Réclamer dans cette perspective la totalité des pouvoirs linguistiques pour l'Assemblée nationale du Québec, ce serait renoncer à offrir aux minorités francophones hors Québec toute garantie linguistique de caractère

constitutionnel. Comment un fédéraliste sincère pourrait-il agir ainsi sans renoncer à un élément essentiel de son option? Comment le Québec pourrait-il refuser d'accorder aux minorités francophones du Canada la protection constitutionnelle qu'elles réclament sans renier les principes mêmes de sa propre option constitutionnelle? (11 h 20)

Dès qu'on constitutionnalise les droits linguistiques, on limite d'une certaine manière - c'est évident, c'est contenu dans la définition môme de l'acte qu'on fait - les pouvoirs des provinces et aussi ceux du Parlement fédéral en ces matières. Mais les limites qu'imposent les droits présentement définis dans la constitution canadienne sont de celles que le Québec peut raisonnablement accepter afin de faire peser en retour le poids de son influence en faveur d'une plus grande acceptation des droits des francophones hors Québec.

Les dispositions constitutionnelles qui limitent la compétence des provinces et du Parlement fédéral en matière linguistique sont de trois ordres. Examinons-les quelques instants afin de voir ce qu'elles entraînent au juste pour le Québec et de dissiper, une fois pour toutes, toutes sortes de légendes qu'on essaie d'implanter dans les esprits à ce sujet.

Il y a d'abord les limites que définit l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, c'est-à-dire des dispositions qui garantissent le libre usage du français et de l'anglais au Parlement, à l'Assemblée nationale et dans les procédures judiciaires. Ces limites, à bien y penser, sont l'expression de droits que je n'hésite aucunement à considérer comme naturels et tout à fait fondamentaux, tout autant pour les membres de la communauté anglophone vivant au Québec que pour les membres de la communauté francophone vivant dans les autres provinces canadiennes. Au lieu de chercher à abolir, à restreindre ou à diminuer ces droits au Québec, pourquoi ne chercherions-nous pas à nous unir afin d'en obtenir la reconnaissance officielle en Ontario et dans les autres provinces canadiennes? Ne serait-ce pas là servir un idéal beaucoup plus noble, beaucoup plus élevé, et, je pense aussi, beaucoup plus civilisé?

Parmi les mesures qui limitent la compétence législative du Québec et des autres Parlements canadiens en matière linguistique, il y a, en second lieu, des limites que définissent les articles de la Loi constitutionnelle de 1982 traitant des droits linguistiques, c'est-à-dire les articles 16 à 23, je crois. Sur les sept articles de la charte canadienne qui traitent explicitement des droits linguistiques, un seul, à vrai dire, affecte directement le Québec. Tous les autres affectent tantôt le Parlement fédéral, tantôt la province du Nouveau-Brunswick. Un seul, l'article 23, lequel traite des droits linguistiques en matière d'éducation, affecte directement le Québec. Tous les autres articles concernent soit le Parlement fédéral, soit la province du Nouveau-Brunswick laquelle les a acceptés librement pour son propre compte.

Or, l'article 23 contient essentiellement trois prescriptions dont deux ne créent aucune espèce de problème pour le Québec, à ma connaissance. L'article 23 (l)a) affirme le droit de tout Canadien à recevoir l'enseignement dans sa langue maternelle. Cet article pourrait donner lieu à des problèmes au Québec, vu qu'en principe il pourrait ouvrir la porte de l'école anglaise à tous les enfants d'immigrants anglophones en provenance d'autres pays. Mais, en vertu d'un autre article de la Loi constitutionnelle de 1982, c'est-à-dire l'article 59 (1), cet article 23 (l)a) ne peut recevoir d'application au Québec qu'après autorisation de l'Assemblée nationale ou du gouvernement du Québec. Vu qu'aucune décision de cette nature n'a été prise et ne semble devoir être prise par l'Assemblée nationale ou le gouvernement, cet article ne contient aucun danger pour le Québec. La décision relève de nous.

II y a ensuite, l'article 23 (l)b) qui définit, pour sa part, ce qu'il est convenu d'appeler la clause Canada. Cet article définit le droit à l'enseignement en français ou en anglais pour les enfants de parents ayant reçu leur instruction primaire dans cette langue au Canada. La charte des droits affirme ici un principe de réciprocité et de droit difficilement contestable. Ce principe est tellement sain que le Parti québécois lui-même l'a maintes fois reconnu. Et, dans la déclaration que l'ancien premier ministre, M. Johnson, faisait pendant la brève période où il a été à la tête du gouvernement du Québec, il reconnaissait ce principe de réciprocité. Il se disait prêt à négocier avec le reste du Canada sur ce point précis. Il y a un certain désaccord entre les deux partis quant aux modalités d'application, mais, quant au fond, il y a plutôt accord et convergence, à moins qu'on n'ait changé d'opinion tout dernièrement et que cela nous ait échappé.

Il reste enfin, M. le Président, une partie de cet article 23, l'article 23 (2), lequel consacre le droit à l'enseignement en langue, anglaise pour tous les frères et soeurs d'un enfant ayant reçu l'enseignement primaire ou secondaire dans l'une ou l'autre langue. Cet article, de l'avis de plusieurs observateurs, pourrait devenir une passoire dangereuse. Il pourrait avoir des effets négatifs sur l'équilibre linguistique du Québec pour des raisons que je n'ai pas à préciser maintenant, parce que ça m'entraînerait à dépasser le temps qui m'est imparti. Disons qu'il crée des problèmes.

Sur ce point aussi, il y a convergence, non pas désaccord, entre les deux partis. Le Parti libéral du Québec a affirmé à maintes reprises et le premier ministre l'a rappelé à plusieurs reprises ces derniers temps, que cet article doit faire l'objet d'une révision. Le gouvernement actuel a déclaré, par la voix du premier ministre, qu'il entend demander que cet article soit inscrit au programme à l'occasion des étapes ultérieures de la révision constitutionnelle.

Il n'y a pas de problème urgent de ce côté-ci. Je suis en charge de ce secteur au sein du gouvernement et il n'y a pas de problème urgent de ce côté-ci. Les gens ne se précipitent pas par centaines de Grenville à Hawkesbury dans mon comté pour inscrire leurs enfants à l'école primaire en première année en anglais, les ramener ensuite au Québec de manière que tous les autres membres de la famille puissent être instruits en anglais. Nos citoyens sont beaucoup plus responsables et consciencieux que ça en matière d'éducation.

Il y a quand même un danger auquel nous voulons parer. Nous avons affirmé à plusieurs reprises notre volonté d'y voir. Est-ce qu'il ne serait pas plus logique que le Parti québécois donne son appui au gouvernement actuel du Québec dans cette démarche plutôt que d'essayer de monter des épouvantails qui n'ont aucun fondement véritable dans la réalité des textes juridiques si on veut les analyser sérieusement?

En plus de ces articles 16 à 23 de la charte qui traitent des droits linguistiques, il y a les articles de la charte qui traitent des libertés fondamentales et dont l'application pourrait donner lieu à des décisions judiciaires susceptibles d'affecter la compétence du Québec en matière linguistique.

On pense, par exemple, à un jugement récent de la Cour d'appel du Québec qui invalidait certaines clauses de la loi 101 portant sur la langue d'affichage et ce, au nom de la liberté d'expression garantie par l'article 2 de la charte des droits. Cette possibilité est réelle, on ne saurait le nier. Pour être complet, il faut cependant ajouter que devant une situation comme celle-là, il est toujours loisible au Québec de recourir à la clause "nonobstant", c'est-à-dire à l'article 33 de la charte des droits dont M. Bourassa a heureusement vu, à la dernière réunion à Ottawa, à ce que le champ d'application ne soit pas restreint par l'accord d'Ottawa.

Exception faite, par conséquent, de l'article 23 (2), il n'y a rien à redouter pour le Québec des dispositions de la charte canadienne qui définissent certains droits linguistiques et qui limitent, par conséquent, la compétence législative des provinces et du Parlement fédéral en ces matières.

En outre, les dispositions de l'accord d'Ottawa traitant du caractère distinct du

Québec ne peuvent que contribuer à élargir l'aire de compétences du Québec en matière linguistique. Tout en reconnaissant la dualité linguistique du pays, l'accord d'Ottawa reconnaît aussi le caractère distinct du Québec et affirme le devoir de l'Assemblée nationale de protéger et de promouvoir ce caractère.

 moins que les auteurs du document n'aient voulu strictement parler pour ne rien dire, ces dispositions ne pourront que contribuer à créer à l'avenir un climat favorable à une interprétation plus libérale des pouvoirs du Québec en matière linguistique. Vouloir faire dire autre chose au texte d'Ottawa ce serait en fausser le sens.

Lorsque l'Opposition soutient que le Québec doit revendiquer la totalité des pouvoirs en matière linguistique, elle s'inspire d'une logique difficilement compatible avec la philosophie du régime politique sous lequel nous vivons. Cette position postule en effet que seule l'Assemblée nationale est représentative du peuple québécois et que seule elle peut agir au nom du peuple québécois en matière linguistique. La réalité politique du Canada est cependant tout autre. Sous notre régime politique, le Parlement fédéral, dans son ordre de compétences, est tout aussi représentatif des Québécois que l'Assemblée nationale peut et doit l'être dans son ordre propre de compétences. Nier toute compétence au Parlement fédéral en matière linguistique, c'est amputer celui-ci d'une dimension importante de son rôle. C'est aussi priver les citoyens francophones vivant hors du Québec d'un instrument puissant sans lequel leur sort deviendrait de plus en plus problématique. (11 h 30)

Le même raisonnement vaut pour la constitution du pays. Celle-ci vaut nécessairement pour tout le Canada, non seulement pour le Québec. Vouloir enlever de ce document toute référence aux droits linguistiques n'est-ce pas, du même coup, administrer un soufflet cavalier à nos compatriotes francophones hors Québec? Si aucun droit linguistique ne leur est garanti dans la constitution, combien de temps les minorités francophones pourront-elles survivre en dépendant du seul bon vouloir de leurs gouvernements provinciaux respectifs?

L'enchâssement de certains droits linguistiques dans la constitution du pays n'est pas un sujet de gêne ou d'embarras pour un fédéraliste, mais plutôt un sujet de fierté et n'est pas, non plus, un acte d'abdication dans la mesure où le Québec adhère librement à l'ensemble politique canadien. Il est plutôt la marque d'un souci d'élévation et de civilisation. M. Pierre Elliott Trudeau, que je ne me suis jamais gêné pour critiquer en d'autres lieux et sous d'autres aspects, a accompli, de ce point de vue des droits linguistiques, une oeuvre

hautement méritoire dont l'histoire lui saura gré. Sans rien retrancher à ce que M. Trudeau a fait en ce domaine en 1982, l'accord du lac Meech et d'Ottawa vient le confirmer, et l'affiner en y ajoutant des nuances qui reflètent plus fidèlement, avec une précision plus grande, la véritable réalité de ce pays.

J'aurais aimé parler aussi des perspectives élargies qu'entrouvrent pour le Québec les clauses de l'accord d'Ottawa traitant des nominations au Sénat et à la Cour suprême. Le temps étant bref, je me bornerai à dire quelques mots en terminant au sujet du partage des pouvoirs. Ce sujet a toujours été au coeur de nos préoccupations. Il a toujours été un élément central de nos revendications. Où en sommes-nous à ce propos à la suite de l'accord d'Ottawa?

Le chef de l'Opposition et ses collègues ont sans doute raison de soutenir que les résultats du lac Meech sont plutôt modestes au chapitre du partage des compétences législatives. Dans l'accord d'Ottawa, on trouve, néanmoins, ce que le Québec s'était vu refuser à Victoria, à savoir - un exemple concret et très actuel d'un nouveau partage des compétences législatives dans un champ d'intérêt vital pour le Québec l'immigration. Avec l'entente que le gouvernement fédéral s'est solennellement engagé à signer avec le Québec à ce sujet, le Québec obtient des pouvoirs très importants au plan constitutionnel en matière d'immigration. Il obtient ces pouvoirs dans un climat de collaboration, de respect mutuel où ne perce aucune méfiance réciproque.

Je vois, dans cet exemple précis, l'indication de nouveaux développements possibles dans d'autres domaines touchant au partage des compétences législatives au cours des années à venir. Si le même esprit se maintient, nous pourrons faire dans l'avenir de nouveaux progrès. Nous pourrons les rechercher dans un climat peut-être moins anxieux que celui des 40 dernières années où le climat des discussions en matière de partage de pouvoirs avait toujours été coloré, et souvent obscurci, par les incursions fréquentes du Parlement fédéral dans des champs de compétence provinciale au titre de son pouvoir de dépenser. Avec les nouvelles limites qui sont imposées au pouvoir de dépenser, je crois que nous pourrons envisager les questions de partage des pouvoirs dans un esprit peut-être plus objectif et plus serein que nous ne l'avons fait par le passé. La méfiance faisant place à la collaboration dans le respect réciproque, il sera possible d'ouvrir de nouvelles perspectives, de mettre au point de nouvelles formules de partage. Mais tout cela pourra se faire dans un climat moins crispé que par le passé, car, à l'avenir, les changements pourront être discutés et envisagés sous l'empire d'une règle de décision qui aura été arrêtée au Canada même, qui sera désormais agrée par tous les gouvernements concernés, y compris celui du Québec et par tous les Parlements concernés, y compris celui du Québec.

Je salue, en conséquence, l'accord d'Ottawa comme un pas important pour le Québec et le Canada tout entier. Je rends hommage à ceux qui l'ont rendu possible, de manière particulière pour le Québec, au premier ministre et au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui se sont révélés des négociateurs responsables et habiles et, pour le Canada, au premier ministre du Canada et au sénateur Lowell Murray, assistés d'hommes comme le sénateur Arthur Tremblay qui ont su mettre de l'avant une vision du Canada marquée au coin de la générosité, de la compréhension et surtout d'une très grande foi en notre aptitude à résoudre ensemble nos problèmes.

L'édification du Canada est loin d'être terminée; à bien des égards, elle commence à peine. Nous disposerons, désormais, pour poursuivre l'oeuvre commencée en 1867, de la clé qui nous a toujours fait défaut jusqu'à maintenant, c'est-à-dire d'une règle de décision claire, simple et acceptée de tous les gouvernements. En matière de droits linguistiques, nous disposerons également d'un plancher constitutionnel et d'aménagements nouveaux qui nous permettront de franchir un pas décisif vers une société plus fraternelle et plus juste. Tout en étant conscient de l'immense chemin qu'il reste à parcourir, je me réjouis de l'étape que nous nous apprêtons à franchir et j'ai l'assurance qu'elle produira des fruits intéressants et durables pour le Québec et pour le Canada tout entier.

Le Président: Je remercie M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. Toujours sur la même motion présentée par M. le premier ministre, je vais maintenant reconnaître, comme prochain intervenant, M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Je vous remercie, M. le Président. Je dois dire, en commençant cette intervention, que le gouvernement se comporte actuellement un peu à l'image d'une formation syndicale qui, convaincue du fait que l'entreprise va fermer ses portes, obtient un règlement de convention collective ni à la baisse ni à la hausse, des pertes dans certains secteurs, peut-être des gains ou des similigains dans d'autres, et qui s'empresse d'aller voir son assemblée générale pour faire accepter une première proposition de convention collective, avant même que les patrons se soient entendus sur l'offre et

avant même que quiconque ait jugé de l'importance de signer à ce stade.

Le gouvernement du Québec se comporte avec une faiblesse étonnante, voire déconcertante dans les circonstances. D'abord, situons le contexte général parce que les gens qui nous écoutent se demandent bien ce que les députés, un 22 ou 23 juin, demain, ont à discuter de cette résolution, alors que les médias d'information nous ont confirmé, pour ceux qui n'ont eu que ce contact avec l'accord du lac Meech, qu'il y a trois ans avant que cette entente devienne partie intégrante de la constitution canadienne.

Il y a eu une rencontre des premiers ministres qui a duré une quinzaine d'heures, peut-être 18 heures de négociation. Il y a eu quatre ou cinq semaines d'intervalle durant lesquelles tout le monde a essayé de comprendre le sens du communiqué de presse émis par les hommes politiques ayant participé à cette rencontre. Il y a eu, ensuite, une négociation d'une douzaine d'heures entre des premiers ministres, lesquels, finalement, se sont laissés sur une espèce d'accord susceptible d'être modifié, qu'on avait trois ans pour entériner, qui devrait être discuté dans toutes les Législatures du Canada et au Parlement canadien, un accord qui devrait être soumis, en plus, à l'ensemble des citoyens canadiens par leurs gouvernements respectifs, quand ce n'est pas par le gouvernement fédéral.

Le gouvernement du Québec s'empresse, les 19 et 20 juin ou quelque chose comme cela, de suspendre les règles normales de la session, peut-être parce qu'il n'avait pas de lois à nous faire adopter, c'est possible. Pendant tout le mois de juin, il s'est passé très peu de choses en cette Chambre; on suspend les règles normales, on apporte, à la vapeur, en toute fin de session, un projet de motion qu'il faut adopter. On nous oblige à en discuter en un temps relativement court, compte tenu de l'histoire même du Québec, compte tenu de l'importance extraordinaire de cette motion pour l'avenir du Québec, compte tenu aussi de l'habitude qu'on a dans ce Parlement et de la nécessité qu'éprouvent les Québécois de discuter les grands dossiers longuement et en profondeur. (11 h 40)

Mme la Présidente, qu'on m'explique qu'au Québec on sente la nécessité de discuter pendant deux ans une réforme sur l'éducation, qu'on sente la nécessité de discuter pendant 18 ou 20 mois une réforme du régime forestier, et qu'on sente la nécessité de discuter pendant un mois, tout compris, un engagement constitutionnel qui sera valide et valable, et qui influencera l'avenir même du peuple québécois pour des années futures! Mme la Présidente, je n'y comprends rien. 20 mois pour une réforme du régime forestier, 24 mois pour une réforme de l'éducation et un mois pour engager l'avenir du Québec pour 50 et peut-être 100 ans à venir. Vraiment je ne sais pas si quelqu'un de l'autre côté pourra nous expliquer, dans son intervention, la nécessité de procéder avec autant de rapidité. Je ne sais pas si quelqu'un de l'autre cOté sera en mesure, au nom du gouvernement, d'expliquer aux citoyens pourquoi il faudrait 20 ou 25 fois moins de temps pour engager l'avenir du Québec pour des décennies que pour faire une réforme sectorielle, comme celle du régime forestier ou de l'éducation. Qu'on m'explique donc cela!

Mme la Présidente, le caractère d'urgence est d'autant plus inquiétant quand on sait que, dans l'ensemble des gouvernements du Canada, les gouvernements provinciaux comme le gouvernement fédéral, il y n'a presque personne à ce stade-ci qui ait décidé, sauf le Parlement du Québec, de regarder les offres. Deux Parlements ont déposé une motion, une résolution et ils ne la discutent même pas à ce stade-ci. Ils ont décidé de laisser mûrir les choses; ils ont décidé de laisser le débat public se faire, ils ont décidé de laisser à leurs concitoyens le privilège de lire, d'échanger, de discuter et de se faire une opinion avant d'engager non pas leur avenir, mais l'avenir de la Confédération canadienne en y insérant le Québec. Le Parlement du Québec, le Parlement qui devrait être le plus critique à l'endroit de cette entente, le Parlement qui représente les citoyens qui ont le plus à perdre dans cette entente, le Parlement qui représente les citoyens qui devraient être historiquement les plus méfiants envers les ententes de premiers ministres canadiens, c'est ce Parlement qui va le plus vite, Mme la Présidente. Un mois de commission parlementaire, 35 heures de débats, quelques semaines après les premières discussions sur le sujet, notre Parlement aura accepté, par le poids de la majorité des 99 députés, cette motion. Partout ailleurs au Canada, partout ailleurs, alors que l'avenir des autres Canadiens est beaucoup moins engagé que le nôtre dans cette motion, partout ailleurs, on reporte cela à l'automne, on reporte cela dans le courant de l'année prochaine, et, plus, ce qui est tout à fait légitime, on souhaite consulter les citoyens. Avant de modifier la constitution canadienne, on va consulter les citoyens.

Le gouvernement libéral, composé d'hommes et de femmes qui ont été parmi ceux qui se sont fait berner en 1980 par le premier ministre canadien de l'époque, M. Pierre Elliott Trudeau, composé aussi d'hommes et de femmes qui ne s'étaient pas fait berner, mais qui étaient heureux de la duperie dont avait été victime l'ensemble des Québécois et des Québécoises en mai 1980, composé aussi, je l'espère, d'hommes et de femmes qui, sincèrement, croient que le

Québec devrait avoir une place davantage spécifique et privilégiée au sein de la constitution canadienne, refuse systématiquement de consulter la population du Québec.

On nous répond: H n'y a rien là. Il y a eu, en commission parlementaire, des experts et des groupes qui ont témoigné. C'est vrai. Il y a même eu, de leur part, des groupes qui ont témoigné qui n'avaient même pas demandé à témoigner. Il y a eu aussi des groupes qui avaient demandé à témoigner parce qu'ils s'intéressaient au sujet et dont on n'a pas accepté le témoignage. Il y a eu une commission parlementaire où des gens sont venus presque unanimement, sauf quelques-uns très proches de ce gouvernement, nous dire que le texte qu'ils avaient n'était pas un texte juridique, qu'il était donc difficile de se former une opinion sérieuse à partir d'énoncés de principe, mais qu'il leur semblait, de façon générale, que ce texte n'assurait pas au Québec les choses qu'il doit s'assurer d'obtenir avant d'adhérer à la constitution canadienne.

Il y a eu des personnes illustres. Il y a eu des gens qui sont considérés comme de grands Québécois, des gens qui ont réfléchi à l'avenir du peuple québécois, qui ont étudié aussi le passé du peuple québécois. Il y a eu des gens comme M. Léon Dion, qui était employé autrefois par le ministre des Relations internationales de ce gouvernement. Ce n'est certainement pas un militant péquiste acharné.

Il y a eu M. Fernand Dumont aussi. C'est un éminent sociologue dont les discours, dont les écrits ont souvent fait école et continuent d'être respectés par l'ensemble des Québécois. Ce ne sont pas des militants péquistes de la première heure, Mme la Présidente. Ce sont, des intellectuels, des gens dont le métier consiste à réfléchir sur le sens et la portée des gestes de la société québécoise et du Parlement québécois.

Tous ces gens sont venus nous dire que c'était inquiétant, ce qu'il y avait dans l'entente du lac Meech. Tous ces gens sont venus nous dire que ça n'avait pas de bon sens de se prononcer à partir de textes qui n'ont rien de juridique. Tout le monde l'a réclamé. Le premier ministre faisait son discours habituel, en ce sens qu'il nous répétait: Ah, bien, il n'y a pas de texte juridique; il y en aura; on en déposera; on est en train d'en fignoler.

Mais est-ce qu'on a l'impression, Mme la Présidente, que ce premier ministre est en train d'engager l'avenir du Québec? Est-ce qu'on a l'impression, à le voir fonctionner à la vapeur, en vitesse au mois de juin, qu'il s'agit là d'une chose importante qu'il s'apprête à signer et à faire adopter par cette Assemblée nationale? Est-ce qu'on a l'impression qu'il s'agit là d'un défenseur de l'intérêt des Québécois quand on voit que les premiers ministres des autres provinces, dont les citoyens sont beaucoup moins concernés par cette entente, prennent le temps de consulter, de réfléchir et d'élargir le débat dans leur Législature, alors que lui passe ça à la vapeur, sans consultation, sans information, s'abritant derrière le fait que, pendant quelques dizaines d'heures, en commission parlementaire, des experts sont venus se prononcer sur un communiqué de presse?

Mme la Présidente, ce n'est pas comme ça qu'on doit engager l'avenir du Québec. Je faisais allusion tout à l'heure au référendum et à la période de mai 1980. On en a connu, à ce moment-là, des beaux discours des gens d'en face. On en a vu, des politiciens fédéraux qui, pour sauver les meubles, se promenaient dans les centres d'accueil de personnes âgées en leur expliquant que plus jamais au Québec on ne reverrait des oranges si jamais on votait oui au référendum.

Il y a même eu un premier ministre fédéral qui a eu l'outrecuidance, qui a eu l'audace, l'indécence de se présenter devant l'ensemble du peuple québécois pour nous faire croire qu'un oui, c'est un non et un non, c'est un oui et qu'il se passerait des choses dans le Canada après. Il s'en est passé des choses dans le Canada. Même le ministre de l'Éducation qui vient de prendre la parole est un de ceux qui se sont fait berner à ce moment-là. Cela lui a même coûté plus que quinconque ici dans cette salle; on s'en souviendra.

Je me méfie profondément des discours des politiciens fédéraux et, plus encore, des discours de politiciens du Québec qui, par naïveté ou par intérêt ou parce qu'ils sont en service commandé, s'empressent de faire une chose qui devrait, à mon sens et au sens de bien des citoyens, faire l'objet d'un bien large débat. (11 h 50)

Je vous repose la question et j'espère que des députés parmi ceux qui ne semblent pas d'accord avec mon point de vue pourront me répondre: Pourquoi, au Québec, faire une réforme de l'éducation, cela prend 24 mois, alors que faire adhérer le Québec à la constitution canadienne, cela prendrait un mois? Qu'on m'explique cela de l'autre côté. Qu'on m'explique quelle est l'urgence de la situation. S'il restait juste nous qui n'avions pas adopté de résolution, peut-être que l'on comprendrait, le premier ministre étant débordé par des priorités législatives, les autres provinces étant prêtes à signer l'accord constitutionnel, le Parlement fédéral étant prêt et nous n'étant pas prêts, qu'il faille aller un peu plus vite. On comprendrait, mais ce n'est pas cela, on est les premiers.

Ce syndicat qui était convaincu que la boutique allait fermer et qui s'aperçoit qu'on

lui offre dans la convention collective une clause qui dit: On va essayer de faire attention dans nos mises à pied pour que les plus anciens aient une certaine forme de sécurité d'emploi et qui se pète les bretelles devant ses syndiqués en disant: C'est merveilleux. On était sûrs d'être tous chez nous demain matin, puis, maintenant, on a une clause de sécurité d'emploi. Voyons donc, Mme la Présidente, cela ne tient pas debout! Les députés de l'autre câté n'y ont vraiment pas réfléchi s'ils trouvent que cela tient debout.

Que comprend cette entente-là? Cela comprend peut-être un gain sur le plan de l'immigration. On regarde cela. On commence à lire un peu les textes et on dit: Le gouvernement fédéral négociera avec le Québec, sur le plan de l'immigration, une entente, quelque chose qui pourrait être un modus vivendi intéressant, permettant au Québec d'en dire un peu plus dans le domaine de l'immigration. Mais, par ailleurs, on s'aperçoit que, dans la même entente, un peu plus loin, on dit: Toutes les provinces pourront négocier avec le gouvernement fédéral un modus vivendi qui les intéresse. En d'autres termes, ce que l'on s'est empressé de donner d'une main à cette société québécoise profondément différente du reste du Canada, pour le minimiser, on l'a donné, de l'autre main, à l'ensemble des provinces du Canada.

Dans ce texte-là, du début à la fin, toutes les phrases, tous les paragraphes n'ont qu'un seul objectif: banaliser la présence québécoise dans l'ensemble canadien. Mais devra-t-on, Mme la Présidente, retourner dans l'histoire pour savoir qu'on était le peuple fondateur de ce pays, qu'on a été, à la suite d'une conquête, une des deux entités de ce Canada, qu'on a été à l'origine même de la formation de ce pays, qu'on a toujours eu des droits différents et que, petit à petit, à la faveur des grands événements mondiaux, les guerres, par exemple, on s'est fait prendre, siphonner littéralement des pouvoirs par un gouvernement central qui, au départ, n'était qu'une espèce d'organisme de coordination du fédéralisme canadien, mais qui est en train de devenir le seul et unique gouvernement important dans ce pays et dont tous les députés, à très forte majorité anglophone, tantôt, décideront de l'avenir du Québec, de l'ensemble des programmes, de l'ensemble des interventions qui devront se faire auprès de nos concitoyens?

On est tellement en train de se banaliser qu'on se satisfait de quelques distinctions de l'ordre de l'interprétation, parce que, dans le texte il y a certains mots qui permettent de penser que, peut-être, le Québec n'est pas aussi banal que le Nouveau-Brunswick ou que l'Île-du-Prince-Édouard. On est bien contents de ce côté-là et on s'imagine qu'on a fait là un gain immense à

Ottawa. Imaginez, le Québec aura un peu plus de pouvoirs que l'Île-du-Prince-Édouard! C'est gros comme à peu près la ville de Jonquière et de Chicoutimi réunies, Mme la Présidente. On se pète les bretelles en disant: C'est donc plaisant, le Québec est différent de l'île-du-Prince-Édouard. On le savait déjà, Mme la Présidente, et le problème ne se posait même pas dans nos têtes.

Mme la Présidente, je vous citerai simplement un bout de texte qui vient du ministre des Relations internationales et qui a trait à toute la question qui avait été largement débattue et dont on traite aussi dans cette entente: le pouvoir fédéral de dépenser. Le ministre des Relations internationales, M. Rémillard, dans son discours à Mont-Gabriel en mai 1986... Cela ne fait pas tellement longtemps, c'est très récent, je suis certain que le ministre s'en souvient. Vous allez voir jusqu'où un homme d'une capacité certaine peut en arriver à arrondir les coins pour suivre la ligne de son parti. Je me permets de le citer, je suis certain qu'il sera très heureux de cela; je le vois déjà sourire à la seule pensée de se faire citer en cette Chambre: "La sécurité culturelle - c'est le ministre Rémillard qui parle - signifie aussi la possibilité pour le Québec d'agir dans ses champs de compétence sans l'interférence du gouvernement fédéral par son pouvoir de dépenser. On sait que, par ce pouvoir, Ottawa peut dépenser comme il l'entend des sommes d'argent dans tous les domaines, qu'ils soient de sa compétence ou non. Cette situation est devenue intolérable. Elle est, pour l'ensemble des provinces, une épée de Damoclès sur toute politique planifiée de leur développement tant social que culturel ou économique."

Je stoppe la citation pour vous dire tout simplement que le ministre des Relations internationales, qui avait une vision claire de la question du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, pourra peut-être nous expliquer, aujourd'hui, en quoi nous avons obtenu des garanties alors que l'article qui traite spécifiquement de ce problème dit ceci: "Le gouvernement du Canada fournit une juste compensation - il faudrait regarder les termes si on avait le temps; malheureusement, je n'aurai pas le temps; j'aurai peut-être la possibilité d'intervenir une deuxième fois dans ce débat et je me paierai le luxe d'analyser certains de ces termes - au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un programme national - c'est quoi, un programme national? il faudra voir - cofinancé qu'il établit après l'entrée en vigueur du présent article dans un secteur de compétence exclusive provinciale - regardez donc! - si la province applique un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux. Le

présent article n'élargit pas les compétences législatives du Parlement du Canada ou des Législatures des provinces."

On apprend que, dans l'accord du lac Meech, pour satisfaire les inquiétudes du ministre des Relations internationales qui traite, à juste titre, le pouvoir de dépenser du fédéral comme une épée de Damoclès permettant en quelque sorte au gouvernement fédéral de faire planer constamment sur le gouvernement du Québec, entre autres, et sur les gouvernements provinciaux du Canada la menace d'une intervention dans quelque secteur que ce soit, la réponse à cette préoccupation du ministre des Relations internationales est là-dedans. De temps en temps, quand une province ne voudra pas embarquer dans un programme assez large déterminé par le gouvernement fédéral dans une compétence provinciale... Le gouvernement fédéral intervient dans une compétence exclusive du Québec, par exemple. Si le Québec ne veut pas embarquer dans ce programme qui le regarde totalement, il pourra peut-être avoir une compensation intéressante, compensation importante, mais pas nécessairement pleine et entière. Il faut faire bien attention. Il obtiendra une compensation si jamais le Québec décide de faire son propre programme qui répondra aux objectifs nationaux.

Cela ne tient pas debout. On est en train de consacrer par cette résolution - il faudrait que les députés en soient plus conscients - le pouvoir du gouvernement fédéral de venir dépenser son argent chez nous, de venir nous donner des directives chez nous, de venir nous donner des directives dans des champs de compétence exclusive du gouvernement du Québec. On va signer cela allègrement en dedans d'un mois, en faisant croire à tout le monde que c'est merveilleux, qu'on a sauvé les meubles alors que la maison a passé au feu.

Mme la Présidente, c'est inacceptable, c'est inconcevable. Je ne peux pas croire que, de l'autre côté, on n'aura pas l'honnêteté intellectuelle de regarder les aspects négatifs de cette entente qui risque à jamais de nous brimer comme Québécois et de nous empêcher de fonctionner. On diminue systématiquement, de l'autre c6té, depuis le début, depuis l'élection, le pouvoir du Parlement, que ce soit dans une intervention sur le plan économique en liquidant les principaux outils d'intervention que possédait ce Parlement, que ce soit sur le plan constitutionnel en banalisant le Parlement du Québec, en diminuant sa possibilité d'intervenir dans l'économie et dans la vie sociale, culturelle et communautaire. (12 heures)

On dirait que la mission même de ces hommes et de ces femmes qui ont été élus par les Québécois en décembre 1985, on dirait que cette mission qu'ils se sont donnée, c'est de faire rentrer une fois pour toutes le Québec dans le rang, c'est de banaliser ce Parlement et c'est de s'inscrire dans un contexte historique où dix provinces sont équivalentes au Canada, ne prenant pas comme référence qu'il y a quelques centaines d'années, Mme la Présidente, nous étions le Canada et qu'il y a encore moins longtemps nous étions la moitié du Canada et nous décidions en conséquence. Il y a moins de 40 ans, nous avions certains pouvoirs que nous n'avons plus. Il y a sept ans, nous étions encore un peuple fier et un peuple capable d'imposer ses vues à Ottawa et nous sommes maintenant un peuple qui a refusé de signer la constitution canadienne qui a été imposée en même temps d'ailleurs qu'à ceux d'en face, mais les sept se sont fait berner, incluant le ministre de l'Éducation, qui est le plus grand berné de toute cette histoire. Et, Mme la Présidente, on est en train maintenant de nous dire que, pour les prochaines années, les prochaines décennies, le Parlement du Québec sera comme le Parlement de l'Île-du-Prince-Édouard. Ce sera comme le Parlement du Nouveau-Brunswick, Mme la Présidente. Le Parlement du Québec sera en quelque sorte une Législature qui aura obtenu par son accord, par son entrée tardive dans la Confédération canadienne - c'est vrai que Terre-Neuve avait déjà essayé cela - qu'on inscrive dans la constitution que, peut-être, le gouvernement fédéral devra donner aux provinces un peu d'argent quand il décidera d'intervenir dans les champs qui ne le regardent pas du tout, dans les champs de juridiction de ces mêmes provinces.

Mme la Présidente, dans un mois, je le rappelle, dans quelque 30 heures, avec 99 députés contre 23... On ne peut pas accepter, on ne peut pas croire que le gouvernement va signer cette résolution, va adopter cette résolution. On ne peut pas croire que ceux qui devraient être les défenseurs du Québec vont être ceux qui vont plier la tête, se livrer pieds et poings liés avant l'ensemble des Législatures au Canada, avant l'Île-du-Prince-Édouard, avant le Nouveau-Brunswick et avant l'Alberta, que le gouvernement du Québec va être celui qui va se livrer pieds et poings liés à l'ensemble canadien sans avoir eu plus de force de revendication, Mme la Présidente. Et c'est à chaque jour que les nouveaux sujets de discussion nous sont présentés. On vient d'apprendre, la semaine dernière, que les ventes d'énergie électrique du Québec, quelque chose qui est produit par les Québécois pour les Québécois, avec leur argent, c'était sous la juridiction de l'ONE et que l'ONE pouvait, à la suite de plaintes d'autres provinces, à qui on est censé s'efforcer, soit dit en passant, de vendre de l'énergie hydroélectrique depuis un certain temps... D'autres provinces font des plaintes

à l'ONE parce qu'on ne leur aurait pas offert l'énergie hydroélectrique du Québec avant de la vendre aux États-Unis. Mme la Présidente, il faudrait que le premier ministre du Québec, avant de s'empresser de nous vendre à rabais comme il s'apprête à le faire, ait au moins la décence de s'assurer, entre autres, dans ce domaine qui n'a jamais fait l'objet d'un débat jusqu'à présent, qui n'a jamais fait l'objet d'une mention dans l'accord du lac Meech, que le gouvernement du Québec est au moins responsable, que le peuple du Québec est au moins responsable de l'énergie électrique qu'il produit à même ses rivières, avec son argent et avec sa société d'État et de la façon qu'il l'a toujours fait depuis le début.

Mme la Présidente, il y a plein de champs de compétence comme celui-là qui n'ont jamais été abordés par les spécialistes parce que le débat a été trop court. On prend 24 mois au Québec pour faire une réforme de l'éducation, 20 mois pour faire une réforme du régime forestier et un mois pour banaliser le Québec, pour mettre fin aux espoirs de bien des Québécois et pour mettre fin à des centaines d'années d'histoire. Mme la Présidente, le peuple du Québec ne pardonnera jamais à ces hommes et à ces femmes s'ils ne peuvent pas prendre un peu plus de temps et s'ils ne préviennent pas leur chef du danger de se livrer pieds et poings liés au gouvernement fédéral plutôt que de défendre l'intérêt des citoyens, du peuple québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Roberval.

M. le député de Frontenac et leader adjoint du gouvernement.

M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Le 2 décembre 1985, les Québécois nous ont demandé de remettre de l'ordre dans le Québec et, entre autres demandes, d'assainir les finances publiques, de créer de l'activité économique et des emplois permanents et de ramener le Québec dans la fédération canadienne. "L'enjeu des futures discussions constitutionnelles, ce n'est rien de moins que la dignité du Québec." Cet engagement apparaît dans Maîtriser l'avenir, à la page 49. La dignité du Québec, le premier ministre du Québec et son ministre responsable l'ont récupérée le 3 juin 1987. Cette dignité que nous avions perdue le 16 avril 1981 a été récupérée par des négociateurs plus habiles, plus réalistes et, surtout, qui croient au Canada.

Le débat en Chambre, immédiatement? Oui, M. le député de Roberval. On l'aurait fait à l'automne, cela aurait été trop tard; on le fait maintenant, c'est trop tôt! Si on le fait maintenant, c'est qu'on veut que tous les Canadiens sachent que les parlementaires qui sont présents à l'Assemblée nationale veulent, en grande majorité, le retour du Québec dans la Confédération canadienne. On veut également donner la chance à ceux qui ne sont pas d'accord avec ce point de vue de se faire entendre tout de suite, immédiatement et non pas à l'automne. Ce qui est un peu paradoxal, c'est qu'on permette aux opposants de se faire entendre immédiatement et qu'on nous en fasse le reproche.

Tout a été dit ou à peu près dans le débat constitutionnel au cours des dernières années et, particulièrement, lors des audiences tenues par la commission des institutions qui ont permis à tous ceux et celles qui ont voulu s'exprimer de faire connaître leur point de vue sur l'entente du lac Meech. Depuis, le débat s'est engagé à l'Assemblée nationale. Que s'est-il passé le 3 juin, Mme la Présidente? Le 3 juin 1987, on a modifié la constitution, on a modifié un contrat qui lie le gouvernement fédéral avec les autres provinces qui forment la fédération canadienne. Qu'est-ce qu'on a modifié ou qu'est-ce qu'on veut modifier de ce contrat-là? On veut d'abord que le Québec soit reconnu comme société distincte. On veut qu'à l'avenir le Québec participe de façon claire à la nomination des juges de la Cour suprême. On veut également acquérir des pouvoirs accrus pour contrôler notre immigration. On veut aussi limiter le pouvoir du fédéral dans sa capacité de dépenser dans les provinces, sur le territoire des provinces, et on veut récupérer ce qu'on a perdu le 16 avril 1981, notre droit de veto.

Lorsqu'on veut évaluer un contrat, je me dis que le point de vue des juristes, le point de vue des constitutionnalistes est fondamental. Un contrat est l'expression libre de la volonté des parties. Est-ce que le Québec a signé le 3 juin 1987 une bonne entente? Comment peut-on le savoir lorsqu'il y a, d'un côté de la Chambre à l'Assemblée nationale, un point de vue qui est contredit par un autre groupe de parlementaires? Ce que je dis aux Québécois et aux Québécoises, c'est de s'en remettre à des gens, hommes ou femmes, qui n'ont pas de point de vue personnel à défendre dans ce débat-là, qui n'ont qu'un seul intérêt, soit de donner un point de vue objectif, réaliste dans l'intérêt des Québécois et des Québécoises. (12 h 10)

Qu'est-ce qu'on a eu comme points de vue lors des débats tenus par la commission des institutions sur l'entente du lac Meech? Quels ont été les points de vue qui m'incitent, moi, à dire: Oui, c'est bon, l'entente du 3 juin 1987? Je veux simplement rappeler au député de Lévis les propos qui ont été tenus par Gérald Beaudoin, ex-doyen de la Faculté de droit d'Ottawa. Je veux

rappeler au député de Lévis les propos tenus par Nicole Duplé, constitutionnaliste réputée de l'Université Laval. Je veux, également, rappeler aux députés péquistes le point de vue défendu par Yves Fortier, un constitutionnaliste tout aussi réputé, qui travaille à l'Université Laval. Comment ne pas attacher, Mme la Présidente, d'importance à l'opinion de Robert Décarie, avocat de pratique privée, qui s'y connaît tout autant, au moins, que le député d'Abitibi-Ouest dans un débat aussi technique qu'une entente comme celle du 3 juin 1987?

Je veux rappeler à nos amis d'en face les propos de Raynold Langlois, avocat connu partout au Canada. François Chevrette, doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal - c'est au Québec ça - est venu nous dire: Oui, c'est bon, l'entente du 3 juin 1987. Pierre Blache, doyen de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke - c'est au Québec - est venu nous dire: C'est bon cette entente-là. Claude Morin, c'est un expoliticien du Québec, mieux connu de nos amis d'en face que de nous, est venu nous dire textuellement: Vous récupérez le droit de veto qu'on a perdu le 16 avril 1981. Ne serait-ce que pour le droit de veto que vous récupérez, vous faites quelque chose de bien. Je ne suis pas en accord, évidemment - c'est ce que nous a dit Claude Morin - avec les trois autres points. Mais sur l'immigration et la récupération du droit de veto, Claude Morin nous dit: Ce n'est pas parfait, mais c'est bien. Évidemment, cela vous fait mal, M. le député de Lévis, qu'on vous ramène les propos de Claude Morin. Je le comprends.

Vous savez, Mme la Présidente, lorsqu'on est séparatiste, lorsqu'on veut sortir le Québec de la fédération canadienne, c'est absolument impossible qu'on puisse évaluer objectivement une entente où le Québec améliorerait son sort dans la fédération canadienne. C'est émotivement impossible pour ces gens d'avoir un jugement réaliste. Pierre Trudeau et le chef de l'Opposition ne peuvent avoir raison en même temps. Ils peuvent cependant avoir tort en même temps. Lorsque Pierre Trudeau nous dit: Je suis en complet désaccord avec l'entente du lac Meech, cela me rassure. Son désaccord tient au fait que les provinces, et particulièrement le Québec, gagnent trop dans cette entente. Vous savez, la différence entre le point de vue de Pierre Trudeau et celui du chef de l'Opposition, c'est la contradiction entre la conception dépassée du Canada et l'incapacité viscérale de croire au Canada.

Le 3 juin 1987, Mme la Présidente, le Québec, avec en tête son premier ministre Robert Bourassa et son ministre responsable Gil Rémillard, a récupéré ce qu'on avait perdu. Les Québécois et les Québécoises veulent un Canada fort. Les Québécois et les Québécoises veulent le retour du Québec dans ce pays qui leur appartient de droit. Les Québécois et les Québécoises ne veulent plus du discours confus, hargneux, arrogant, rétrograde des représentants de la thèse péquiste. J'aimerais rappeler à nos amis d'en face, qui m'écoutent attentivement, les propos tenus par un des leurs, le député Desbiens. Le titre: Desbiens accuse le député Brassard. Tordage de bras en fin de semaine. On fait référence, Mme la Présidente, au congrès national du Parti québécois qu'on a tenu il y a quinze jours. L'affirmation nationale qui est la nouvelle thèse défendue par nos amis péquistes...

M. Gendron: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement. M. le député...

M. Gendron: J'ai beau essayer d'élargir - non ça ne me dérange pas du tout - mes horizons, je ne peux pas voir en quoi les propos du député de Frontenac sont pertinents au débat sur la motion du lac Meech lorsqu'on relate certains événements qui auraient eu lieu au congrès du Parti québécois. D'aucune façon, cela ne fait partie du présent débat et, en conséquence, Mme la Présidente, j'aimerais que vous demandiez au député de Frontenac de s'en tenir au débat; s'il n'a rien à dire, qu'il passe la parole à un autre, nous avons beaucoup de choses à dire.

M. Lefebvre; Mme la Présidente, sur la question de règlement...

La Vice-Présidente: Sur la même question de règlement.

M. Lefebvre: Je crois bien que vous avez compris que je mettais en contradiction l'affirmation nationale, thèse défendue par nos amis les péquistes, avec la nôtre, qui est le fédéralisme.

La Vice-Présidente: Je suis prête à rendre ma décision là-dessus. Vous comprendrez que le débat est très large, mais qu'il s'agit présentement d'un débat concernant le lac Meech. Donc, qu'on s'en tienne à la motion du premier ministre...

Une voix: Bravo!

La Vice-Présidente: ...et qu'on parle sur cette motion. Donc, M. le député de Frontenac, je vous demanderais de revenir à la pertinence du débat.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je considère pertinent ce qui a été défendu, ce qui a été discuté lors du dernier congrès péquiste.

M. Garon: ...

M. Lefebvre: Mme la Présidente, est-ce que le député de Lévis pourrait se taire lorsque je parle? S'il a de quelque chose à dire, qu'il soulève une question de règlement et on la débattra.

Les propos du député de Dubuc étaient les suivants:...

La Vice-Présidente: M. le député... M. Lefebvre: Je pose des questions...

La Vice-Présidente: M. le député de Frontenac, vous savez que ma décision est rendue. Je vous demanderais de la respecter et de voir à rentrer dans le vif du sujet, à savoir de parler de la motion du premier ministre. Là-dessus, M. le député de Frontenac...

M. Lefebvre: Mme la Présidente, est-ce que je dois comprendre que je ne peux pas parler de l'affirmation nationale? Est-ce que je ne peux pas, Mme la Présidente, rappeler à ceux qui pourraient l'ignorer par hypothèse dans cette Chambre que le député de Dubuc a mentionné ceci: Certains délégués de Dubuc avaient...

La Vice-Présidente: Non, non, un instant! J'ai rendu ma décision, M. le député de Frontenac. Elle est claire, nette et précise et, aujourd'hui, le débat porte sur la motion du premier ministre. Je vous demanderais d'en revenir au vif du sujet.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je dois conclure qu'à partir de maintenant... Mme la Présidente, vous savez que votre décision aura des conséquences. Je dois conclure que, lorsqu'on tiendra, à l'avenir, un débat constitutionnel à l'intérieur de l'Assemblée nationale, on ne pourra pas expliquer ce que veut dire ou ce que ne veut pas dire la thèse péquiste, à savoir l'affirmation nationale. C'est la décision que vous venez de rendre, Mme la Présidente. Je dois donc arriver à la conclusion que, comme la plupart des Québécois, l'immense majorité des Québécois, vous en arrivez à la conclusion que cela ne veut rien dire. Comme c'est le vide absolu à l'Assemblée nationale, on ne traitera pas, à l'avenir, du vide absolu, à savoir l'affirmation nationale.

Mme la Présidente, je suis absolument estomaqué et je me réjouis parce que, finalement, nos pensées se rejoignent. Lorsqu'on traitera du débat constitutionnel, l'affirmation nationale n'est pas un thème qui peut rejoindre le débat constitutionnel, ni de près ni de loin. C'est l'abstraction la plus absolue, cela ne veut rien dire, à moins...

Une voix: A moins de se faire tordre les bras.

M. Lefebvre: ...évidemment, qu'on fasse comme le député de Lac-Saint-Jean a fait, qu'on torde les bras de ceux qui ne comprennent pas. Alors, à l'avenir, pour faire entendre aux Québécois ce que veut dire "affirmation nationale", on procédera à l'opération tordage de bras, comme on a fait au dernier congrès péquiste il y a quinze jours.

M. Gendron: Mme la Présidente, question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le député d'Abitibi-Ouest.

Mme Juneau: S'il n'a rien à dire...

M. Gendron: Oui, c'est cela. Mme la Présidente, très sérieusement, quand j'ai la parole, je veux bien qu'il s'asseoie. Merci, Mme la Présidente.

Alors, je veux tout simplement vous signaler que, manifestement, le député de Frontenac, pour un leader adjoint du gouvernement, ridiculise une décision qui a été rendue. Je voudrais juste vous dire que ce que j'ai compris, quand je me suis levé sur une question de règlement - c'est important, Mme la Présidente - c'était uniquement sur le fait que le député de Frontenac parlait d'une attitude qu'aurait eue le député de Lac-Saint-Jean. C'est sur là-dessus que je me suis levé pour dire que cela n'avait rien à voir avec le débat du lac Meech. (12 h 20)

S'il veut faire la promotion de l'affirmation nationale dans le débat du lac Meech, parce qu'il n'a rien à dire sur l'entente - là, je le comprends, car cela ne signifie rien pour le Québec - cela est son problème. Et s'il veut parler de l'affirmation nationale, cela ne me dérange pas, Mme la Présidente. C'est pourquoi je ne voudrais pas que vous compreniez que nous, de ce côté-ci de cette Chambre, on aurait interprété que votre décision est à savoir qu'on ne peut pas parler de points de vue concernant la question constitutionnelle du lac Meech reliée à une position différente de celle de nos amis d'en face et qui, pour eux, est carrément fédéraliste et le Québec, le plus petit possible. On peut parler de cela. Ce n'était, et je conclus, Mme la Présidente...

Une voix: ...

M. Gendron: Non, je n'ai pas fini...

M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur la question...

M. Lefebvre: Question de règlement sur la question de règlement.

La Vice-Présidente: Sur la question de règlement, je vais reconnaître le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, question de règlement sur la question de règlement.

La Vice-Présidente: II s'agit du...

M. Lefebvre: Question de règlement sur la question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement sur la question de règlement.

M. Lefebvre: Le leader adjoint de l'Opposition fait-il un discours ou s'il débat son point? Il faudrait que cela arrête, il faudrait qu'il arrive à quelque chose, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: J'ai compris... J'ai compris la question du...

M. Garon: ...

La Vice-Présidente: M. le député de Lévis. S'il vous plaît, à l'ordre! Là-dessus, je vais rendre ma décision. Ce que j'ai dit tantôt, c'est qu'il n'était pas pertinent à ce stade-ci, lors du débat sur la motion du premier ministre, d'essayer de confronter deux députés. Je n'ai rien contre le fait de parler de l'affirmation nationale qui est la thèse de l'Opposition. C'est très pertinent, il s'agit d'autres options qui peuvent entrer dans le vif du sujet, à savoir le fédéralisme versus le souverainisme. Mais ce que je ne veux pas et ce qui n'est pas pertinent, c'est de confronter deux députés. Là-dessus, je ne permettrai aucune confrontation. Là-dessus...

M. Ciaccia: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, monsieur, sur une question de règlement?

M. Ciaccia: Peut-être de directive. Cela veut-il dire que le député de Frontenac ne peut pas porter à l'attention de l'Assemblée nationale que, dans la signature de l'accord du lac Meech, il n'y a pas eu de tordage de bras du point de vue du gouvernement, mais que, dans l'affirmation nationale, il y a eu du tordage de bras du point de vue du Parti québécois?

La Vice-Présidente: C'est une question qui est, pour moi, non pas aléatoire, mais, à ce stade-ci, hypothétique; donc, je n'ai pas à décider là-dessus. M. le député de Frontenac, je vous cède la parole.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je comprends que je n'ai pas, et c'est votre décision, le droit de mettre en contradiction deux députés, mais j'ai le droit de faire la démonstration qu'à l'intérieur de l'Opposition péquiste l'affirmation nationale ne fait pas l'unanimité, sinon lorsqu'on fait une opération de tordage de bras. Ce n'est pas moi qui dis cela, c'est le député de Dubuc, Mme la Présidente, c'est lui qui dit cela.

Mme la Présidente, en terminant, je veux conclure sur cette petite pensée que je laisse aux Québécois et Québécoises. Je comprends l'attitude des députés péquistes: déçus que nous ayons réussi là où ils ont échoué, déçus que nous ayons récupéré ce qu'ils ont perdu...

Une voix: C'est vrai.

M. Lefebvre: ...déçus que nous ayons négocié mieux, de façon plus réaliste et plus intelligente. Le PQ, en 1981 et 1982, a ridiculisé bêtement le Québec. Nous avons, en juin 1987, redonné leur fierté aux Québécois et aux Québécoises. Là-dessus, je veux dire merci au premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, et merci au ministre des Relations internationales, M. Gil Rémillard. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Frontenac. Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le député de Frontenac disait tout à l'heure que les Québécois voulaient entrer dans la constitution, voulaient qu'on signe la constitution, mais il a oublié de dire que le peuple québécois ne voulait pas qu'on signe à rabais. Ce qu'on est en train de faire aujourd'hui, c'est qu'on signe à n'importe quel prix. Il y a une certaine publicité dans un magasin en Estrie qui disait: Vente à étiquette rouge! C'était une vente en bas du prix coûtant.

Des voix: Ha! Ha!

Mme Juneau: Bien là, aujourd'hui, on a une vente à étiquette rouge. C'est cela que le député a oublié de mentionner tout à l'heure.

Mme la Présidente, vous savez, le député a parlé tout à l'heure de notre congrès qui s'est tenu les 12, 13 et 14 juin.

M. Lefevbre: ...Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

Mme Juneau: Oui, je vais parler de

pertinence, Mme la Présidente.

M. Lefevbre: ...Mme la Présidente, le congrès...

Mme Juneau: Mme la Présidente, au congrès du...

M. Lefevbre: Cela n'a rien à voir avec la résolution...

La Vice-Présidente: Continuez, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Mme la Présidente, je ne sais pas quelle mouche l'a piqué, mais il n'est pas bien aujourd'hui.

Une voix: C'est le monstre qui l'a piqué, c'est le monstre.

Mme Juneau: S'il écoutait cinq minutes, il comprendrait pourquoi j'ai dit ça.

Une voix: C'est trop long!

Mme Juneau: II y a un "spring" à quelque part qui ne marche pas. Je suis en train de dire qu'il y a eu une prise de position à notre congrès qui a été votée unanimement par au-delà de 1000 personnes. Ce n'est pas des pinotes, au-delà de 1000 personnes. Une prise de position importante...

Mme Bleau: Une question de règlement, Mme la Présidente. Si, de côté-ci de la Chambre, nous n'avons pas le droit de parler du congrès, pourquoi Mme la députée a-t-elle le droit d'en parler là?

Une voix: Elle est du même côté que nous.

La Vice-Présidente: Tantôt, ma décision, Mme la députée de Groulx, était le fait de ne pas confronter deux députés en Chambre. J'ai dit qu'on pouvait parler d'affirmation...

Mme Juneau: C'est ça. Elle n'a pas saisi ça encore.

La Vice-Présidente: ...ce que Mme la députée de Johnson était en train de faire. Vous pouvez continuer, Mme la députée de Johnson.

Une voix: ...dans les patates.

Mme Juneau: Mme la Présidente, je trouve regrettable que je ne puisse pas faire mon intervention sans avoir la sainte paix.

Mme la Présidente, il y a eu une prise de position - je tente de le dire depuis quelques minutes - votée unanimement par au-delà de 1000 congressistes au Parti québécois qui disaient ceci: Les membres du Parti québécois réunis en congrès dénoncent vigoureusement le projet d'entente constitutionnelle d'Ottawa du 3 juin. Cela a-t-il rapport à ce qu'on discute?

Voyez-vous, M. le député, si vous aviez attendu, vous auriez compris pourquoi. Vous auriez compris aussi, madame. En acceptant ce projet d'entente, le gouvernement Bourassa fait subir au Québec des reculs et n'obtient aucun autre pouvoir particulier qui viendrait donner une portée significative au caractère distinct du Québec. De plus, le gouvernement libéral reconnaît une assise juridique et constitutionnelle à la capacité du fédéral de s'ingérer dans les domaines de compétence provinciale par le biais du pouvoir de dépenser. Mais, plus grave encore, le gouvernement libréal accepte que les dispositions à portée linguistique de la constitution canadienne puissent être invoquées à l'encontre des lois linguistiques de l'Assemblée nationale du Québec. En prétendant inclure des clauses de sauvegarde du statu quo, le gouvernement Bourassa maintient et constitutionnalise la précarité linguistique et culturelle du Québec. En outre, le refus du gouvernement Bourassa de revendiquer pour le Québec des pouvoirs additionnels, notamment sur le développement économique régional et la main-d'oeuvre, constitue un recul, par rapport aux revendications des gouvernements québécois précédents, et ceci, depuis 30 ans, qu'ils aient été souverainistes comme le nôtre ou fédéralistes. En conséquence, le Parti québécois dénonce l'affaiblissement du Québec que représente ce projet d'entente élaboré dans le secret et la précipication.

C'est ce que je voulais dire. Je voulais dire que cela a été une prise de position qui a été votée unanimement par l'ensemble des congressistes du Parti québécois. Et j'étais une de ces personnes et fière de voter pour cette prise de position.

Mme la Présidente, le premier ministre, la semaine dernière, a raillé certaines décisions du congrès du Parti québécois, mais c'est parce qu'il se sentait "insécure". Quand il a vu l'accord auquel chacun de nous est parvenu à ce moment-là... Il y a lieu que le premier ministre soit inquiet.

Au cours de la commission parlementaire que nous avons vécue au sujet de l'accord du lac Meech, nous avons eu l'occasion d'entendre beaucoup d'intervenants. J'aimerais vous parler un tout petit peu de l'agriculture, de l'UPA. Vous savez, j'ai un comté qui représente 31 municipalités rurales, et j'ai environ 1500 à 1600 producteurs agricoles chez nous. (12 h 30)

Donc, pour nous, dans le comté de Johnson, c'est un élément extrêmement important que les producteurs agricoles. En ce sens, je voudrais aborder la présence de

l'UPA lors de la commission parlementaire. L'UPA est venue dire que l'Assemblée nationale décide des priorités en agriculture et qu'elle soit - là, l'UPA y tient - au nom de l'efficacité et du type d'agriculture que nous nous sommes donnés, poursuivre le développement institutionnel de l'agriculture. Si cela vaut pour l'agriculture, cela doit valoir aussi pour l'éducation, pour la culture et aussi pour la santé et l'habitation.

Le ministre délégué aux Affaires gouvernementales canadiennes, député de Jean-Talon, a répondu aux gens de l'UPA: Dans un deuxième "round"! Si vous voulez changer cela, on est prêts à en prendre bonne note et à le défendre dans un deuxième "round" de négociations. Quand on est "knock-out" au premier "round", on se défend mal au deuxième "round".

Lors de la commission parlementaire, les gens sont venus nous livrer leurs inquiétudes par rapport à l'éducation. Qu'est-ce que le ministre, député de Jean-Talon, a dit? Ne vous inquiétez pas, puisque c'est dans le deuxième "round" qu'il y aura des négociations sur l'éducation. Nous avons décidé de procéder en deux étapes: la première: Établissons un solage. Mais le solage n'est pas haut. Il faut marcher à genoux dans le sous-sol. Au deuxième "round", là, on parlera d'éducation.

Mme la Présidente, quand on signe un chèque en blanc, c'est bien difficile d'aller récupérer après, parce qu'on ne sait pas quel montant va signifier le chèque en blanc que l'on a signé. C'est ce qui inquiète les gens de l'éducation, ce qui m'inquiète et ce qui inquiète les gens du Parti québécois, et tous ceux et celles qui croient que le Québec devrait passer avant toute autre chose. Les décisions de l'Assemblée nationale aussi devraient passer avant toute autre chose.

Qu'est-ce que les gens de la culture sont venus dire à la commission parlementaire? Je me souviens très bien de Mme Élizabeth Chouvalidzé qui est venue donner son point de vue. Les gens de la culture, qui se plaignent avec raison de n'avoir même pas de statut juridique, comment peuvent-ils oser prétendre que l'accord du lac Meech va confirmer toute autre chose et cela aussi? Des gens de la culture, des artistes, j'en ai chez nous comme il y en a dans tous les autres comtés du Québec, et ces gens-là aussi ont des inquiétudes par rapport à ce qui se passe. Ils ont peur d'un chèque en blanc; ils ont peur d'un deuxième "round" de négociations quand on est à terre au plancher.

Mme la Présidente, les outils de communication sont au coeur de notre caractère de société distincte et cela revêt une importance fondamentale pour notre identité et notre sécurité culturelles. Il s'agit, pourtant, de revendications traditionnelles du Québec en cette matière. Le gouvernement aurait certainement avantage à lire le livre blanc de Jean-Paul L'Allier, alors ministre des Communications sous le gouvernement Rourassa, phase I, pour mieux comprendre les enjeux dans ce secteur. Vous aurez remarqué qu'avec le laisser-faire du gouvernement dans le dossier d'UniMédia vendue à des intérêts torontois on a vite compris la portée du concept de société distincte pour le gouvernement libéral pressé d'en finir avec cette question de l'accord du lac Meech.

Mme la Présidente, les grands gagnants de l'accord du lac Meech? La vérité nous vient du Canada anglais. Qu'est-ce que le sénateur Lowell Murray a dit? "La minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays." Grand gagnant: Canada anglais!

Ian Scott, le Procureur général de l'Ontario, a dit de cette entente: "L'entente du lac Meech donne pour la première fois au gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale." Grand gagnant, Canada anglais! "Jamais de mémoire récente, disait le Globe and Mail, le Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature de l'accord constitutionnel de 1982 et de son retour dans la confédération." Grand gagnant, Canada anglais!

Le 5 mai 1987, le sénateur Lowell Murray déclarait: "Ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue à l'émission "Question Period", à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition, la clause de la société distincte, ne va en rien modifier la répartition des pouvoirs, qu'elle ne vise pas à le faire et que personne n'a prétendu qu'elle le ferait." Grand gagnant, Canada anglais!

Mme la Présidente, le 6 mai dernier, Ian Scott disait encore: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution. Maintenant, il le sera. Dans ce sens, cette description formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa." Pas du Québec, Mme la Présidente, d'Ottawa. Grand gagnant, Canada anglais!

David Peterson, premier ministre de l'Ontario: "Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de société distincte du Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances." Grand gagnant, Canada anglais!

Je pense que ni les militants, ni les militantes du Parti québécois, ni tous ceux et celles qui croient au Québec et qui y

croient très fort et qui pensent que c'est le Québec qui devrait avoir les pouvoirs en plusieurs matières, qui sont inclus dans l'accord du lac Meech, jamais ces personnes n'auraient accepté de signer l'accord sans aller demander l'avis du peuple québécois. Jamais elles n'auraient permis qu'en l'espace de quelques heures, 35 tout au plus, on signe un accord aussi important pour le Québec sans avoir demandé l'avis de ceux et de celles qui devront vivre avec cet accord.

Dans quelques jours, on va célébrer la fête nationale; dans deux jours à peine, on est le 22 aujourd'hui. Le gouvernement actuel a voulu faire un cadeau au peuple du Québec, mais ce n'est pas le cadeau de la fierté, c'est le cadeau de la résignation. Résignation par une signature qu'on s'empresse de nous refiler en bousculant toutes les règles de l'Assemblée nationale. Signature qu'on va nous imposer parce que le Parti québécois, l'Opposition officielle du Québec, n'accordera pas son vote à une signature semblable. Parce que ce n'est pas sûr que le peuple du Québec donnerait son accord à cette signature. Un cadeau de résignation pour ce 24 juin 1987. Résignation parce que les gens ne sont pas convaincus, on l'a vu à la commission parlementaire, que c'est un bon accord. Le peuple québécois croit qu'on pourrait obtenir davantage si on avait mis les bases un peu plus hautes, si le solage n'était pas un solage de gens qui devront marcher à genoux. Si le solage avait été fait de façon pertinente en accord avec les vues, les besoins et les demandes du peuple du Québec, cela n'aurait pas été un solage de gens à genoux, cela aurait été un solage respectable pour un peuple respecté, un peuple fondateur de ce grand pays.

Je ne peux pas dire que, lorsque je retournerai chez nous, mercredi, pour la fête nationale, ce sera avec fierté. Je vais retourner chez nous en sachant que la majorité m'a écrasée... (12 h 40)

Des voix: Oh! Oh!

Mme Juneau: ...en sachant que le vote de la majorité va écraser l'Opposition parce qu'on est moins nombreux que vous, et vous le savez très bien. Malgré que les gens vous ont dit que cela n'a pas d'allure, malgré que des gens qui connaissent cela plus que moi sont venus vous dire que vous devriez exiger davantage, vous avez décidé de passer le rouleau compresseur. Mais vous allez le faire en vertu du nombre, pas à cause de la popularité que vous avez concernant l'accord du lac Meech.

Mme la Présidente, un gouvernement formé majoritairement par le Parti québécois serait retourné devant le peuple pour lui demander son accord, comme il l'a fait le 20 mai 1980. Pourquoi? Parce que le respect de ceux et de celles qu'on représente, pour nous, c'est extrêmement valable et c'est extrêmement important. Nous aurions fait l'effort, tout au moins, d'aller voir notre monde, de retourner devant le peuple québécois et de lui demander ce qu'il en pensait. Si le peuple québécois avait choisi de dire oui, nous nous serions inclinés, mais si le peuple québécois avait formulé des objections qui, à mon point de vue, sont fort valables, je pense, Mme la Présidente, que nous aurions cessé l'opération aujourd'hui même.

Mais non, ce n'est pas cela qui se passe. On bouscule les règles de l'Assemblée nationale. Les projets de loi, on les met au frais et on dit: Cela ne presse pas; ce qui presse, c'est d'avoir un accord. Pourquoi? Parce qu'on a peur. On est inquiets. On est inquiets parce que beaucoup de gens sont venus nous faire part de leur inquiétude et parce qu'on a peur que, dans les autres provinces, ça revire mal aussi. On a demandé si peu. Pourquoi ne pas l'obtenir dans un débat de 35 heures? On a demandé si peu et, après, on va passer au vote: 99 contre 23. C'est cela qui sera le gain et le seul gain, et ce sera le cadeau de la résignation et non le cadeau de la fierté pour le peuple du Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Johnson.

M. le député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il m'est fort agréable, aujourd'hui, d'intervenir sur cette résolution constitutionnelle qui, il faut le dire bien honnêtement, n'est pas le fruit du hasard sur le plan de la négociation. Le ministre responsable, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et ministre des Relations internationales, depuis un an, a parcouru les différentes provinces canadiennes - incluant, évidemment, des rencontres avec le gouvernement fédéral -afin de leur expliquer nos cinq conditions pour permettre au Québec d'adhérer à l'Acte constitutionnel de 1982.

J'entendais tantôt mon amie, la députée de Johnson, nous dire que nous avions fait cela à l'improviste, sans préparation, sans consultation du peuple. J'aimerais tout simplement lui répondre, Mme la Présidente, que ces cinq conditions minimales que nous avions mises de l'avant ont été clairement diffusées, clairement expliquées à la population du Québec. Ces cinq conditions étaient clairement exposées dans notre programme politique avant les élections de 1985. Elles ont été également clairement exposées dans notre programme électoral durant la campagne électorale de 1985. Et,

comme je l'ai dit tantôt, nous avons reçu un mandat extrêmement clair le 2 décembre 1985 avec 99 députés sur 122.

J'aimerais m'attarder sur un point particulier de ces cinq conditions minimales, soit la reconnaissance du Québec à l'intérieur du Canada comme étant une société distincte. Pour la première fois, cela nous est reconnu depuis 1867. C'est avec une grande fierté que, comme Québécois et comme député, je prends conscience et connaissance de cette reconnaissance prévue dans la constitution du Canada. Le Parlement et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir cette société distincte. C'est, comme l'a dit si souvent le ministre responsable, une règle obligatoire et impérative dans l'interprétation de ladite mention.

Moi aussi, Mme la Présidente, comme plusieurs, je ne suis pas expert en matière constitutionnelle. À la suite de l'entente du lac Meech, lorsque nous avons entendu différents experts à la commission des institutions pendant 55 heures, la plupart des constitutionnalistes reconnus et réputés nous demandaient de ne pas définir cette notion de société distincte. On nous a expliqué qu'en définissant on se trouvait à limiter la portée de cette notion de société distincte.

Au début, comme plusieurs, je m'étais dit: En quoi allons-nous nous limiter si nous ajoutons, par exemple, les mots "notamment, par sa langue et par sa culture"? Finalement, à force d'écouter les experts en matière constitutionnelle et en lisant quelque peu, je me suis dit que la société distincte, c'est non seulement sa langue, c'est-à-dire que le Québec parle majoritairement une langue qui est le français, et sa culture, mais également l'ensemble de ses institutions politiques et économiques. Je me suis rallié d'emblée et facilement à ces experts, y incluant, bien sûr, notre ministre responsable, le député de Jean-Talon.

C'est donc avec fierté qu'aujourd'hui je me lève en cette Chambre pour intervenir quelques minutes pour approuver l'entente du lac Meech confirmée le 3 juin 1987. Je m'étais également levé, et ce n'était pas facile à l'époque, lorsque l'ancien gouvernement fédéral avait décidé unilatéralement de rapatrier la constitution canadienne, lorsque le Québec n'était pas présent dans ce rapatriement et lorsqu'aucune modification constitutionnelle ne se trouvait venir en complémentarité s'ajouter à ce rapatriement unilatéral. Ce n'était pas facile pour moi à l'époque de m'allier au gouvernement du Parti québécois qui, dans le coeur même, dans l'essence même de son programme, était voué à la souveraineté du Québec. Ce n'était pas facile à ce moment-là de me prononcer contre le rapatriement unilatéral sans l'assentiment du Québec, mais je m'étais levé quand même. À ce moment, je n'avais pas agi avec partisanerie. Malheureusement, aujourd'hui, je constate -et je me lève pour approuver l'accord constitutionnel - que de l'autre côté de cette Chambre, on ne laisse pas tomber la partisanerie pour s'allier au gouvernement du Québec. Et la majorité des Québécois et des Québécoises - ceci est prouvé par sondage -est d'accord avec l'accord constitutionnel du 3 juin 1987.

Qui est contre, Mme la Présidente? Plusieurs collègues l'ont mentionné antérieurement. Ce sont les extrémistes qui sont contre, soit d'une part les membres de l'Opposition qui, encore il y a deux semaines, réaffirmaient que la souveraineté du Québec constituait l'article 1 de leur programme politique. Comment demander à des gens qui veulent la souveraineté, l'indépendance du Québec, la sortie du Québec du Canada, d'approuver une entente qui permet au Québec d'adhérer à la constitution canadienne? Cela irait à l'encontre même de l'essence, de la fondation de leur propre parti politique. D'autre part, évidemment, il y a les centralisateurs excessifs. On pense à un certain premier ministre que j'ai toujours respecté, mais avec des idées avec lesquelles je n'ai pas toujours été d'accord. Un ancien premier ministre qui, convaincu de son point, préférait, selon moi, avoir - certains l'ont mentionné tantôt - un pays, le Canada, extrêmement fort, très centralisé et avec des provinces réduites quelque peu au rôle de grosses municipalités. (12 h 50)

Mais, Mme la Présidente, contrairement à Mme la députée de Johnson, moi, le 24 juin, j'irai dans mon comté, dans le beau comté de Marquette. Je serai fier d'être en avant avec le drapeau du Québec pour exprimer ma fierté d'être Québécois et doublement plus fier, puisque le Québec est devenu encore plus fort à l'intérieur du Canada. Donc, en terminant, je dis bravo au Québec fort à l'intérieur du Canada et mes sincères félicitations au premier ministre du Québec et au ministre responsable, le député de Jean-Talon. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Marquette. M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Mme la Présidente, compte tenu de l'heure, serait-il possible d'ajourner pour recommencer à 15 heures?

La Vice-Présidente: Y a-t-il consentement?

M. Gratton: Mme la Présidente, ce n'est sûrement pas pour être déplaisant à l'égard du député, mais effectivement, il sait peut-être que nous ne suspendrons que pour

une heure ce midi justement pour essayer d'avancer les travaux le plus possible. Je voudrais lui suggérer de commencer son intervention qu'il pourra compléter à 14 heures.

La Vice-Présidente: Comme il n'y a pas consentement, M. le député de Jonquière, continuez.

M. Francis Dufour

M. Dufour: On va essayer de s'exécuter au même titre que les gens du lac Meech ont pu exécuter certaines oeuvres concernant le Québec. Depuis le début de ce débat et même avant, si je le ramène lors de la première signature qui a été faite au lac Meech, on se rend compte facilement que l'Opposition a eu beaucoup de difficultés à faire valoir ses points de vue et d'abord quant à la demande d'une commission parlementaire où plusieurs personnes pouvaient venir s'exprimer concernant cette entente.

Rappelons-nous à quel point on pouvait être fiers, à ce moment-là, du côté du parti au pouvoir, de ramener une entente qui avait été négociée au plancher, c'est-à-dire que le plafond pouvait être le plancher, donc, au minimum. L'Opposition, à ce moment-là, avait fait entendre sa voix pour dire et pour affirmer qu'il y avait sûrement des lacunes et que c'était impensable, dans si peu de temps, qu'on en vienne à un accord complet sur cette entente éventuelle, puisque, dans un si court laps de temps, ou on obtient beaucoup de choses pour tout le monde ou on n'obtient rien. J'ai franchement l'impression que c'est plutôt le rien que le plus qu'on a pu obtenir, le moins plutôt que le plus.

En commission parlementaire, en entendant les experts se prononcer, il y a un certain nombre d'éléments qui sont revenus à la surface et de questionnements qui se sont faits. Cela a été loin de rassurer, non seulement l'Opposition, mais l'ensemble des citoyens du Québec, des Québécois et des Québécoises. Pourquoi a-t-on de la difficulté à accepter cette évidence qui nous a été mise dans le visage très rapidement? Parce que c'est inquiétant, parce que après avoir mis autant de temps pour en discuter pendant de nombreuses années, au cours de quelques heures, onze premiers ministres peuvent se retourner et revenir chacun chez soi en disant: Mission accomplie, le travail est fait, et il n'y a plus rien à changer.

Donc, après toutes ces questions qu'il y a eu en commission parlementaire, le premier ministre du Québec nous a informés qu'il devrait y avoir des petits changements d'apportés à cette entente, puisqu'il y avait des éléments un peu différents ou divergents concernant l'entente du lac Meech.

Il est revenu devant cette Assemblée pour nous faire part de ce qu'il avait obtenu. À ce moment-là, on a eu droit à un spectacle de première loge, puisqu'on avait le visage ou le spectacle de la contemplation des uns par rapport aux autres. On aurait pu dire qu'on avait un miroir à deux faces: D'un côté Gil, de l'autre côté Robert, Robert-Gil. Les deux étaient sous le coup de l'entente historique qui venait d'être signée. Le grand Québécois qui arrivait d'Ottawa avec toutes les choses dans ses poches. C'était l'admiration mutuelle, les uns par rapport aux autres. On entend aussi, chaque fois qu'un député du parti au pouvoir se lève, des félicitations envers leur chef d'avoir si bien accompli un travail qui, à mes yeux, est bâclé et qui demanderait beaucoup plus de réflexions et d'étude. On va se rappeler que, dans les pays où il y a eu beaucoup de difficultés, même plus qu'ici, au Canada, normalement, une entente constitutionnelle est soumise à l'approbation de l'ensemble de la population. Je veux seulement prendre comme exemple la dernière constitution à Manille, aux Philippines. Ce n'est pas le pays le plus démocratique qui existait, mais on l'a vu faire appel au peuple pour qu'il se prononce sur la constitution. L'Algérie a aussi agi de la même façon. Quand on a voulu séparer des choses en France, on a fait appel au peuple, pour qu'il se prononce sur les grandes orientations qui sont de nature à influencer le vécu ou à réorienter la vie des citoyens. C'est comme cela que ça se passe. Généralement, une convention, cela ne se règle pas en cachette. Cela ne se signe surtout pas en cachette, cela ne se fait pas derrière des portes closes, cela se fait au grand jour.

On a vu exactement cette promptitude, cette hâte à vouloir nous présenter le plus rapidement possible comme si on s'était donné comme mission de cacher, d'avoir le moins de contestations ou le moins de réflexions possible sur ce qui s'est passé au lac Meech. Peut-être qu'on n'a pas encore trouvé le monstre du lac Meech, mais j'aimerais seulement vous rappeler qu'il y a le monstre du Loch Ness qui fait époque et qui attire beaucoup de touristes. J'ai l'impression que le monstre du lac Meech est à venir.

Regardons ce que les gens nous rappellent régulièrement. Est-ce qu'à travers cette entente qui a été soumise à l'Assemblée nationale, entente soumise à la fin d'une session où il n'y a pratiquement rien qui s'est passé, entente qui aurait pu être discutée auparavant, on profite de la période de l'été pour essayer de camoufler ou de faire aller le plus rapidement possible cette question pour l'évacuer de la discussion? On a le droit de s'interroger; chacun d'entre nous devrait s'interroger pour savoir pourquoi cette hâte, pourquoi cette

promptitude à vouloir faire accepter cette entente. Est-ce qu'on a peur de la réaction des autres provinces? A-t-on peur de la réaction au discours de l'ex-premier ministre du Canada? A-t-on peur des changements qui pourraient survenir dans d'autres provinces au point de vue politique? Enfin, un ensemble de circonstances ou d'interrogations qui font qu'on doit signer au plus sacrant.

Avec cela, pourquoi veut-on se donner cette affirmation ou cette décision? On veut le donner comme message aux autres provinces à savoir qu'on ne peut plus négocier. Là, on n'est pas encore entré dans le coeur du sujet. Personne n'a eu le temps de se virer de bord et déjà, on demande et on pose la question pour que l'Assemblée nationale ratifie quand on sait qu'elle a trois ans pour le faire.

Donc, c'est très rapide et il y a des motifs, sûrement, qui ne sont pas connus. Il y a des motifs qu'on ne veut pas dire sur la place publique; pourquoi on veut questionner ou pourquoi on veut que cette entente soit ratifiée le plus rapidement possible.

Il faudrait regarder, ce qu'est l'entente. Quels sont les vrais enjeux ou quel est le contenu de cette entente du lac Meech? Est-ce qu'on a voulu protéger ce qui fait le caractère distinct du Québec dans cette entente? Sans être un constitutionnaliste, en examinant, tout de même, les affirmations de ceux qui nous ont précédés ou celles faites à la commission parlementaire, on se rend compte que le caractère distinct du Québec n'est pas ce qui est contenu dans la charte canadienne ou dans la constitution canadienne qui dit que, oui, le Canada a un caractère distinct et que ce qui fait son caractère distinct, c'est le bilinguisme. Dans l'entente du lac Meech, on parle du caractère distinct du Québec, mais sans mentionner que le caractère distinct du Québec, c'est sa langue.

Donc, c'est un phénomène important. On dit et on répète, facilement et à satiété, de l'autre côté, de la part du gouvernement: On va laisser dans les mains des tribunaux la décision ou le droit de décider ce qui fait le caractère distinct des Québécoises et des Québécois.

La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le député de Jonquière. Étant donné l'heure, il faudrait un consentement si on doit autoriser la poursuite de l'intervention. Sinon, je dois suspendre nos travaux.

M. Dufour: Vous comprendrez qu'il serait bien difficile de donner le consentement.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je voudrais...

Une voix: ...d'accord et je cède le droit de parole à...

M. Gratton: Oui, quant au début de l'Assemblée, je souhaiterais, Mme la Présidente, à la suite d'une entente intervenue avec l'Opposition, que nous ajournions ou que nous suspendions les travaux de l'Assemblée jusqu'à 14 heures.

La Vice-Présidente: Vous comprendrez, M. le leader du gouvernement, qu'il faut le consentement pour cette dernière demande. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on suspende nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi?

Des voix: Consentement.

La Vice-Présidente: Consentement. Donc, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 14 h 4)

La Vice-Présidente: Veuillez vous asseoir. Nous allons donc reprendre nos travaux. Je vais céder la parole au leader du gouvernement. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, je vous prierais de reconnaître à ce moment-ci le premier ministre du Québec.

M. Bourassa: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Si vous me permettez, M. le premier ministre, comme il a été convenu ce matin, M. le premier ministre a des documents à déposer. M. le premier ministre, vous pouvez y aller.

Résolutions présentées par le premier ministre

Montant forfaitaire à M. Yves Labonté au terme de son mandat

M. Bourassa: Merci. Quelques résolutions, Mme la Présidente, qu'à compter du 1er juillet 1986, le Protecteur du citoyen, M. Yves Labonté, reçoive un salaire annuel correspondant au premier échelon du niveau 2 de la structure salariale des administrateurs d'État 1, qu'à la fin de son mandat comme Protecteur du citoyen, M. Yves Labonté, reçoive un montant forfaitaire de 20 500 $, première résolution. Je dépose le document, merci.

M. Daniel Jacoby, nommé Protecteur du citoyen

Deuxième résolution, que Me Daniel Jacoby, actuellement sous-ministre du ministère de la Justice, soit nommé Protecteur du citoyen, en remplacement de M. Yves Labonté, à compter du 31 août 1987. Quant aux traitement et avantages inhérents aux nouvelles fonctions de Me Daniel Jacoby, ils sont énumérés dans la proposition que je dépose. Mme la Présidente, pour dépôt.

Mme Sophia Florakas Petsalis, nommée

vice-présidente de la Commission des

droits de la personne

Troisième résolution, que l'Assemblée nationale nomme Mme Sophia Florakas Petsalis comme membre et vice-présidente de la Commission des droits de la personne pour un mandat de trois ans à compter d'aujourd'hui, en remplacement de Me Nicole Trudeau-Bérard, dont le mandat est expiré. Dépôt.

Mme Carole Lynne Wallace, nommée à la Commission d'accès à l'information

Quatrième résolution, que conformément aux articles 104 et 105 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Mme Carole Lynne Wallace - la loi, c'est L.R.Q. c. A-2.1 - domiciliée au 5907 rue Saint-André, Montréal, soit nommée membre de la Commission d'accès à l'information, en poste à Montréal, pour un mandat de cinq ans, à compter du 20 juillet 1987. Quant aux traitement et avantages inhérents aux nouvelles fonctions de Mme Carole Lynne Wallace, ils sont énumérés dans la proposition que je dépose. Voilà, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Documents déposés. Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Mme la Présidente, j'aimerais vous indiquer, comme il s'agit de résolutions, dans les quatre cas, qui requièrent une majorité qualifiée, c'est-à-dire des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale, que nous procéderons au vote sur ces résolutions, demain à ou vers 15 heures.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement. Oui, M. le leader...

M. Gendron: Tel qu'entendu, l'Opposition est d'accord pour ratifier ces propositions du premier ministre du Québec, tel que prescrit, au vote demain après-midi à ou vers 15 heures.

La Vice-Présidente: Est-ce qu'on en fait un ordre de cette Assemblée pour que le vote soit pris demain à ou vers 15 heures. C'est demain après-midi?

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Ordre de cette Assemblée pour que le vote soit pris à ou vers 15 heures demain. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente, je vous prierais d'appeler maintenant l'article 80 du feuilleton, s'il vous platt.

Reprise du débat

La Vice-Présidente: L'article 80 de notre feuilleton concerne la reprise du débat ajourné par M. le député de Jonquière, qui a trait à la motion présentée par M. le premier ministre et qui se lit comme suit: Que l'Assemblée nationale autorise la modification de la constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité de l'annexe jointe au présent feuilleton". M. le député de Jonquière, en vous rappelant qu'il vous reste 21 minutes.

M. Francis Dufour (suite)

M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. À 13 heures, j'étais à parler du Québec, sous l'aspect de la société distincte, qui fait partie de l'accord du lac Meech. Il faudrait approfondir un peu parce que c'est un amendement très important et peut-être le plus important dans cet accord à savoir ce qui en est de cette société supposément distincte qu'on veut bien introduire dans la clause ou dans l'entente Canada-Québec sur la constitution.

On se référera, tout d'abord, à la position gouvernementale. C'était l'optimiste et l'euphorie chez le premier ministre et chez le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes concernant la protection de la langue française. Il est évident qu'en approfondissant cette question, il faut aussi voir ce que d'autres en pensent, car on ne peut pas se contenter d'affirmations du gouvernement pour savoir ce qui s'est passé ou ce que cette clause contient réellement.

Selon M. Lowell Murray, cette entente ne vise aucunement à changer quoi que ce soit dans le partage des compétences constitutionnelles du Haut-Canada. Voilà ce que dit un expert en constitution directement d'Ottawa. Cette entente ne change absolument rien de ce qui existe déjà. Donc, on est loin de l'entente supraextraordinaire proposée. D'autres personnes se sont également fait entendre en commission parlementaire - on a vu le côté Ottawa, on va

regarder le côté québécois - comme le professeur Léon Dion, qui nous dit que la clause telle que rédigée n'est ni plus ni moins qu'une coquille vide. Si on veut faire image, une coquille vide, cela ne fera pas des enfants forts. Ce ne sont pas non plus des choses ou des éléments qui progresseront. Il dit également que la juridiction exclusive du Québec en matière linguistique devrait être clairement insérée à l'intérieur de cette clause, sans cela, on sera le dindon de la farce.

Le sociologue Fernand Dumont, qui n'est pas reconnu nécessairement, comme un péquiste, nous dit: La société distincte, c'est aussi et surtout la langue. Donc, quand on parle du caractère distinctif qu'il y a dans l'entente du lac Meech, on ne dit pas, contrairement à ce qui existe dans la constitution canadienne, que, le bilinguisme, c'est ce qui fait la distinction canadienne. Pour le Québec, on parle de société distincte, mais on ne dit même pas ce qui en est. Donc, la société distincte, pour le sociologue Fernand Dumont, c'est la langue.

Est-ce qu'on peut parler de Daniel Turp et de M. P.-A. Côté?

La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le député de Jonquière. Je demanderais la participation de la Chambre. J'ai de la difficulté à bien saisir l'intervention du député de Jonquière. M. le député de Jonquière, vous pouvez poursuivre.

M. Dufour: Effectivement, ils parlent exactement dans le même sens. La dualité canadienne se transmet ou s'affirme dans le bilinguisme de la population, dans la langue, tandis qu'au Québec, cela n'existe pas.

Donc, Me Nicole Duplé, Me François Chevrette et Me Gérald Beaudoin n'ont pas pu non plus, avec toute l'honnêteté intellectuelle qu'ils peuvent avoir, garantir que la clause, telle que rédigée, protégeait efficacement la Charte de la langue française contre le jugement des tribunaux. Il y a d'autres mouvements qui ont fait des représentations: l'Alliance des professeurs, la CEQ, le Mouvement Québec français. Ils ont dit qu'il faut hors de tout doute que l'Assemblée nationale ait pleine juridiction sur les politiques linguistiques qui doivent s'appliquer sur l'ensemble du territoire du Québec. Je pense qu'il est clair que cette clause est loin de protéger !es intérêts vitaux des Québécoises et des Québécois concernant la société distincte.

La société distincte, pour le Québec, ce n'est pas la General Motors, ce n'est pas Bell Canada, ce n'est pas la compagnie Alcan. C'est avant tout un peuple qui a le droit de parler sa langue dans son propre milieu et surtout le droit de l'appliquer de la façon qu'il veut et dont il l'entend. L'entente du lac Meech ne donne pas ces garanties. Donc, il ne faut pas se surprendre qu'il y ait certaines résistances par rapport à l'inclusion de cette clause. C'est tellement vrai que les spécialistes ou les constitutionnalistes ont réussi à convaincre quelque peu - je dis bien quelque peu - le premier ministre du Québec, puisqu'il a décidé d'aller à Ottawa et qu'il a dit: On a va réclamer une clause de sauvegarde pour s'assurer qu'on ne perdra pas nos droits concernant la langue.

Il y a d'autres experts qui se sont prononcés dont le professeur de droit constitutionnel de l'Université de Montréal, M. José Whoerling qui a dit: Quant à la clause de sauvegarde, nous pensons qu'elle n'a aucun effet sur la protection de la langue. Je pense que c'est un avis éclairé important qui fait partie de ce débat. Si on n'a pas de garanties, on aura beau se blinder, se donner un coffre-fort, s'il ne peut pas résister à la chaleur ou à l'usage, en fin de compte, ce n'est pas un coffre-fort, c'est un coffre ouvert.

Dans la question de la langue, ce qui ressort de la plupart des spécialistes qui se sont prononcés, c'est qu'il n'y a eu aucune protection supplémentaire accordée à la langue française. Il faut admettre qu'au Québec, c'est le français qui est menacé, ce n'est pas la langue anglaise. Les anglophones ont a l'intérieur de la constitution la garantie qu'ils ne seront pas dérangés. Donc, on vient les renforcer, d'une part, ou les empêcher de perdre ce qu'ils ont déjà. Comme ils en ont beaucoup plus que dans l'ensemble des provinces canadiennes, il faut dire que déjà ils sont extrêmement bien protégés. Quand on aura à interpréter la clause de sauvegarde concernant le problème linguistique, les juges n'auront qu'à s'en remettre, d'abord, à la constitution canadienne où on dit clairement que c'est le bilinguisme. Au Québec, si on ne dit pas clairement que le français doit être protégé, ce qui fait la société distincte, les juges auront à juger en regard de ce qui existe et ce sera toujours la constitution ou la charte canadienne qui prévaudra par rapport à la charte québécoise. Je pense que, là-dessus, on n'a pas à se faire d'illusions. Quand viendront les impératifs majeurs gouvernementaux, ce sera toujours un gouvernement supérieur par rapport à un inférieur, en tenant pour acquis qu'on est inclus à l'intérieur de cette constitution. Ce sont eux qui prendront les décisions en fonction des impératifs de la nation puisqu'on veut bien nous embarquer dans ce projet.

Donc, le gouvernement fédéral est très bien protégé. C'est peut-être vrai que M. Lowell Murray avait raison. On ne donne rien de plus que ce qu'il y avait avant et on ne fait que ratifier par un mécanisme ce qui existe déjà. C'est peut-être pire qu'avant, parce que, le jour où on a signé, on vient de

prendre un engagement ferme et, dans cet engagement, il n'y aura pas beaucoup de place pour l'interprétation. S'il y a interprétation, elle sera toujours en faveur du gros plutôt qu'en faveur du petit.

Le plancher qu'on a fixé pour l'adhésion du Québec à la charte canadienne est certainement trop bas, ce qui veut dire qu'on perd effectivement le pouvoir de travailler ou le pouvoir que le Québec avait d'essayer d'améliorer les clauses concernant la langue et concernant aussi les pouvoirs que nous exerçons déjà.

Il y a un problème majeur. Il semblerait aussi que ce qu'on vise actuellement, c'est à essayer d'assurer la prédominance de la charte canadienne par rapport à la charte québécoise. C'est un élément fondamental, mais c'est aussi un élément qui nous oblige à nous opposer fortement à l'inclusion d'une clause qui ne veut dire absolument rien. On aurait pu comprendre "peuple distinct", mais la société distincte, cela ne veut dire absolument rien. On doute même que la Charte de la langue française puisse s'appliquer à des organismes qui ont des chartes fédérales, pour qu'eux appliquent la clause linguistique concernant le Québec.

Le deuxième point qui est introduit dans cette entente, c'est le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, d'abord, dans les juridictions canadiennes, mais aussi et surtout - c'est là qu'est le problème - par l'intrusion dans le domaine des compétences du Québec. Donc, on introduit, à l'intérieur de ce pouvoir de dépenser, un élément, à savoir qu'on peut établir des programmes à caractère national et que les provinces peuvent y adhérer. Si elles y adhèrent, elles ont droit à des compensations. Si elles n'y adhèrent pas, à ce moment-là, elles peuvent se retirer, mais il faut qu'elles mettent sur pied des programmes qui pourraient être sensiblement les mêmes, pareils, comportant certaines particularités, à l'intérieur de son territoire. Cela peut causer de graves problèmes au point de vue du fonctionnement et aussi du caractère distinct du Québec.

Il s'agit, pour essayer d'illustrer certains phénomènes qu'on connaît, des questions environnementales. On sait que le Québec, malheureusement, a pris un certain retard dans la protection de l'environnement. Il y a eu, dans le passé, des programmes fédéraux qui incluaient certaines actions de la part des provinces avec le gouvernement canadien pour régler un certain nombre de problèmes environnementaux. Ces programmes se sont éteints avec le temps. On a mis fin à ces programmes pour certaines raisons, peut-être des raisons financières, mais sûrement des raisons politiques. Au moment où le Québec a décidé de rattraper ou de combler les retards concernant l'environnement, le gouvernement canadien a décidé de mettre fin à ces programmes.

Je doute fortement, avec l'inclusion du pouvoir de dépenser du fédéral dans les provinces, il puisse remettre sur pied les programmes environnementaux qui pourraient toucher l'ensemble des provinces. Je ne parle pas de programmes particuliers parce qu'on parle de programmes à caractère national. Donc, de ce côté-là, je vois mal de quelle façon le Québec pourrait tirer son épingle du jeu.

En ce qui concerne les programmes à frais partagés concernant l'habitation, on a un exemple qu'on vit actuellement avec Ottawa: le programme PARCQ qui a voulu remplacer un certain nombre de programmes mis sur pied par le gouvernement québécois pour améliorer l'habitation. Ça fait plus d'un an que ce programme était négocié avec Ottawa, mais, malgré toute la bonne volonté ou la mauvaise volonté du ministre des Affaires municipales, on a de la difficulté à voir de quelle façon il s'applique. Les formules viennent juste d'être adoptées. Il y a beaucoup d'argent d'engagé et pas beaucoup de dépensé. (14 h 20)

Donc, le programme PARCQ est un programme canadien. Il ne répond pas nécessairement aux normes québécoises, aux problèmes que la population vit sur le territoire. Encore là, c'est un programme qui s'adresse au Québec, mais qui, peut-être, ne répond pas à l'objectif national.

Parlons de l'objectif du développement économique régional. On connait les intrusions qu'Ottawa poursuit actuellement dans les régions. Des programmes ont été mis sur pied pour créer de toutes pièces, surtout dans de petites communautés, des sociétés de développement économique payées complètement par Ottawa 350 000 $ à 400 000 $ par année, si ma mémoire est exacte. Ces organismes sont mis sur pied de façon très ponctuelle, sous la volonté d'Ottawa. À mes yeux, ces programmes sont néfastes pour les Québécois et les Québécoises parce que ça vient doubler des programmes qui existent déjà, ça vient mêler les cartes, ça vient aussi mettre sur pied des organismes, essayer de renforcer les petits par rapport aux gros. À toutes fins utiles, ça change les règles du jeu, ça mélange tout le monde et, au point de vue du développement économique, malheureusement, des frictions s'établissent entre les organismes et on n'obtient pas les résultats espérés.

Il faut comprendre que le Québec n'a pas tellement de politique économique pour développer les régions. Peut-être qu'Ottawa fait une bonne oeuvre dans ce cas-là, mais j'ai des doutes, avec l'expérience que j'ai de ces dossiers-là, que le gouvernement canadien puisse, en ce moment remplacer le gouvernement du Québec dans le développement économique des régions. C'est une question

de volonté et ce serait peut-être une bonne façon de revenir à la base.

Au point de vue du travail on parle beaucoup de politiques de main-d'oeuvre au Québec. Est-ce qu'Ottawa pourra remettre complète juridiction au Québec concernant les politiques de main-d'oeuvre, les recherches pour établir ces politiques? Je pense que poser la question, c'est déjà y répondre. Encore là, j'ai des doutes qu'Ottawa puisse établir une politique nationale qui conviendrait parfaitement au Québec à cause de la politique de la main-d'oeuvre et surtout à cause de l'augmentation du fléau du chômage qui existe dans nos milieux. Il y a certainement des participations ou des différences énormes qu'on pourrait appliquer comme politique de main-d'oeuvre au Québec par rapport à d'autres milieux.

Quant à la politique de l'éducation, si le Québec est une société distincte, ce qui la caractérise, c'est la langue avant tout, donc, quand on parle de l'éducation, c'est évident que, là aussi, il y a un problème qui doit être réglé. Il faut que ce soit reconnu à l'intérieur de cette entente; sinon, cela ne veut plus rien dire.

Regardons au point de vue des lois. C'est la même chose. Le gouvernement dirait: ici au Québec, on vit selon le Code civil, les autres provinces, selon la "common law". Comment pourraient être jugées les règles interprétatives des tribunaux les uns par rapport aux autres?

Relations internationales, c'est la même chose. De quelle façon va-t-on s'affirmer? C'est sûr que, si c'est pour s'enlever la couverture sous les pieds, pour savoir lequel va être le plus fin, puis lequel va prendre le "pole", lequel va parler, lequel va avoir la meilleure idée, on fera comme on a déjà vu à une certaine conférence où le premier ministre du Québec a essayé de sortir à peu près tout ce qu'il pouvait avoir pour pouvoir se distinguer. Mais ce n'était pas reconnu dans les faits. C'est toujours reconnu avec les guerres de tapis et avec des positionnements diplomatiques qui font que la situation n'est jamais claire. Je ne pense pas que l'entente du lac Meech va éclaircir vraiment la situation qu'on a connue jusqu'à maintenant. Mais le fait qu'on se sera coulé dans le béton, le fait qu'on va avoir signé, à ce moment, cela commence à nous rapetisser et à nous diminuer par rapport aux objectifs que le Québec peut avoir l'ambition de pousser ou de faire valoir.

On a certainement un pouvoir de nommer des juges. C'est la meilleure façon qu'on a trouvée de régler les problèmes du Québec puisqu'on va avoir le droit de nommer trois juges à la Cour suprême. Quand on sait de quelle façon cela s'est toujours fait, je ne pense pas que cela fasse un grand changement. Mais, le fait de donner des pouvoirs aux autres pour pouvoir déterminer chez nous ce qui est bon et ce qui n'est l'est pas, je ne pense pas que cela renforce, non plus, la position du Québec au point de vue canadien, au point de vue de peuple distinct, au point de vue de nos mécanismes normaux de société.

Donc, il y a des changements à travers cela qui vont apporter des différences par le fait qu'on a signé une entente qui aura été déposée, négociée en dehors de la population, sur laquelle la population n'aura pas eu le droit de se prononcer, dont la population ne sera pas partie prenante.

Je disais au début: Lorsqu'on fait une constitution, il y a des peuples beaucoup moins évolués que nous autres, qui sont beaucoup moins démocratiques, où la population a eu son mot à dire. Ce n'est pas le cas qu'on vit actuellement. On se dépêche à le faire parce qu'on veut faire de la stratégie politique dans des décisions aussi importantes, comme si on pouvait mêler les gens assez pour leur dire que ça, c'est en dehors de leur vouloir, de leur volonté, de leur compétence, que ça ne les regarde pas.

Dieu sait, pourtant, que la constitution, c'est quelque chose d'important! Cela a occasionné des guerres civiles à certains endroits. Pourquoi? Parce que la constitution, c'est important. C'est ça qui détermine les caractéristiques fondamentales d'un peuple. Qu'ont fait les Américains pour mettre leur constitution sur pied? Quelles sont les batailles qu'ils ont menées? Encore là, il y a des gens qui ont participé et la population a dit son mot. On n'a qu'à regarder le lieu de nos origines, la France. Là aussi, les gens se sont prononcés sur la constitution parce qu'ils calculent que c'est important. On ne doit pas enlever au peuple sa principale décision. S'il est vrai que la population doit participer aux élections, doit choisir ses représentants, il est encore deux fois plus vrai ou cent fois plus vrai que la population, pour les éléments fondamentaux, pour les éléments qui régissent l'ensemble de ses décisions, l'ensemble de ce qui la caractérise sur son territoire, ait son mot à dire.

Pourquoi cette hâte, cette précipitation, avant le commencement de l'été ou au début de l'été, de faire adopter une résolution à la fin des travaux parlementaires qui ont été caractérisés cette année - je ne parle pas du travail en commission parlementaire, mais ici à l'Assemblée nationale - par de petits projets de loi où il n'y avait pas grand-chose à faire?

Si l'Opposition avait voulu collaborer avec le parti gouvernemental, j'ai l'impression qu'on aurait pu bâcler cette session en deux temps, trois mouvements et, déjà depuis un mois, un mois et demi, on serait en vacances. Parce que l'Opposition avait des choses à dire, parce que l'Opposition avait des principes à faire valoir, à ce

moment, cela a peut-être donné un peu plus de corps à la législation, mais je doute beaucoup qu'on ait produit des travaux d'excellente qualité parce qu'en regardant la législation, l'histoire aura à juger. Le premier ministre a prétendu qu'il écrivait l'histoire. À mes yeux, il y a la grande histoire qui, elle, s'écrit dans le temps, qui s'imprègne. Ça, c'est la grande histoire. Il y a la petite histoire, celle de tous les jours, qui n'est pas nécessairement connue. Mais il y a aussi les "conteux" d'histoires, les raconteurs d'histoires. J'ai l'impression que c'est ce qui va caractériser cette entente.

Comme on est pratiquement sûr que le gouvernement ne reculera pas par rapport à cette entente, qu'il veut passer absolument le "bulldozer" et faire accepter cette entente de gré ou de force pour évacuer toute discussion - parce qu'on travaille sous la vague; d'habitude, on peut travailler avec la vague; j'ai l'impression que ce gouvernement travaille sous la vague parce qu'il travaille en catimini - je voudrais citer, en guise de conclusion, la dernière phrase de la revue Relations qui est signée d'Albert Beaudry. En parlant de l'entente, il dit: "Le jour où les Québécois francophones penseront pouvoir s'en remettre à un bout de papier pour défendre leur identité et construire leur avenir, cette entente à long terme va être excessivement dangereuse. Voilà, en principe, ce qu'il est important de retenir par rapport à cette entente: On ne peut pas empêcher l'avenir d'un peuple par une entente à laquelle ce même peuple n'a participé d'aucune façon. Donc, on déplore, avec beaucoup de force, cette attitude gouvernementale qui applique cette entente de force et qui l'impose avant le début de l'été. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Jonquière. M. le ministre délégué à l'Administration publique et président du Conseil du trésor.

M. Paul Gobeil

M. Gobeil: Mme la Présidente, le débat au centre de nos préoccupations aujourd'hui représente une étape importante pour l'avenir du Québec, un Québec qui me tient à coeur non seulement pour moi, mais aussi pour mes enfants et pour les Québécois et les Québécoises, partie intégrante de ce Québec de demain.

Je considère qu'il est important de témoigner en cette Chambre de ma pleine satisfaction et de ma solidarité à l'adhésion du Québec à l'accord constitutionnel signé le 3 juin dernier à Ottawa. Cet accord assurera la participation pleine et entière du Québec à l'intérieur d'un Canada uni et fort. Je suis convaincu que nous nous devons de faire le nécessaire pour assurer et même renforcer l'harmonie et la coopération entre le gouvernement du Canada et ceux des provinces, y compris le Québec. (14 h 30)

Depuis la Confédération, en 1867, c'est la première fois que nous mettons toutes les chances de notre côté pour répondre aux défis des prochaines années et ce, tant aux plans économique que culturel. C'est contre toute attente que la conférence de la dernière chance, comme se plaisaient à l'appeler certains journalistes, a porté fruit. L'entente du lac Meech, préliminaire à cet accord, cette unanimité des onze premiers ministre, est, à mes yeux, une chance et un gain historique. Cette chance, c'est l'acceptation, par ses dix partenaires au sein de la Confédération, des cinq conditions posées par le Québec pour adhérer à la constitution canadienne.

Tout d'abord, le caractère particulier du Québec. Le gouvernement du Québec réclamait l'inscription, dans la nouvelle constitution, d'un énoncé reconnaissant explicitement le Québec comme société distincte et pierre d'assise de l'élément francophone de la dualité canadienne. Deuxièmement, les garanties touchant notre sécurité culturelle, notamment au plan de l'immigration. Le gouvernement du Québec réclamait la reconnaissance constitutionnelle du droit pour le Québec de déterminer, conjointement avec le gouvernement fédéral, le nombre et la sélection des personnes immigrant au Québec. Troisièmement, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser. Le gouvernement du Québec réclamait que le pouvoir fédéral de dépenser soit limité par des dispositions constitutionnelles. Quatrièmement, une formule d'amendement qui permette au Québec de s'opposer à toute modification constitutionnelle allant à l'encontre de ses intérêts. Le Québec réclamait que la nouvelle constitution reconnaisse formellement au Québec un droit de veto pour lui permettre de préserver efficacement ses pouvoirs actuels tout en lui donnant les moyens de jouer un rôle clé dans l'évolution du fédéralisme. Finalement, la Cour suprême. Le gouvernement du Québec réclamait un droit de participation au processus de sélection et de nomination des juges à la Cour suprême du Canada.

Comme ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor, il y en a, parmi les conditions qui font partie de l'accord, une qui a retenu plus spécialement mon attention, soit celle du pouvoir de dépenser du fédéral. L'accord constitutionnel aura des conséquences à long terme importantes sur la gestion du secteur public, puisque le gouvernement fédéral accepte que son pouvoir de dépenser soit assujetti à la possibilité pour une province de ne pas participer à un programme dit national dans un domaine de juridiction

provinciale. En contrepartie, la province non participante recevra une juste compensation si elle met en vigueur un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux.

Mme la Présidente, si on remonte dans l'histoire, cette clause vient clore un débat entre les deux paliers de gouvernement qui durait depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale au Canada, c'est-à-dire depuis que le gouvernement du Québec a refusé, en 1947, au gouvernement fédéral de louer ses champs d'impôts, préférant plutôt être lui-même responsable du financement des services publics dont il avait la responsabilité en vertu de ses pouvoirs constitutionnels. Cette position de principe a toujours été défendue par les gouvernements du Québec. C'est ainsi qu'en 1952 le Québec refusait un programme de subventions per capita pour le financement des universités.

Mme la Présidente, par la suite, après que le gouvernement fédéral eut introduit les grands programmes à frais partagés dans le domaine des affaires sociales, dont celui de l'assurance-hospitalisation en 1958, le Québec a demandé de pouvoir s'en retirer avec compensation fiscale et financière, ce qui fut fait en 1964. Cette première victoire sur le pouvoir fédéral de dépenser avait été gagnée par le premier ministre du temps, M. Jean Lesage, et j'aimerais citer ce qu'il a déclaré lors de la conférence fédérale-provinciale du 31 mars 1964: "Le problème constitutionnel soulevé par les programmes conjoints est grave. En pratique, la présence de ces plans réduit l'initiative des provinces dans les champs d'action que la constitution leur reconnaît et vient même déformer l'ordre de priorités que les provinces désiraient établir dans leurs propres dépenses. Cependant, les provinces peuvent difficilement refuser les subventions rattachées aux programmes à frais partagés. En effet, si certaines d'entre elles, à cause de leur position constitutionnelle, ne veulent pas se soumettre aux conditions fixées par le gouvernement central, elles sont gravement pénalisées puisqu'elles se voient privées de sommes auxquelles leurs citoyens ont pourtant contribué."

Mme la Présidente, cette déclaration de l'ancien premier ministre du Québec, M. Jean Lesage, explique bien les difficultés liées à la mise sur pied de programmes de dépenses dits nationaux dans les domaines de juridiction provinciale. Le dernier grand programme à frais partagés mis sur pied fut celui de l'assurance-maladie en 1969-1970. Lorsqu'en 1977-1978 le gouvernement fédéral a remplacé les modalités de compensation établies en 1964, il l'a fait en introduisant le concept de normes nationales d'une manière restrictive. Ceci venait à assortir l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser d'un train de mesures réglementaires et normatives qui devaient prévaloir au détriment des pouvoirs provinciaux exclusifs dans ces secteurs.

Mme la Présidente, la nouvelle clause de l'accord constitutionnel introduit, à mon point de vue, une flexibilité supplémentaire puisqu'elle parle d'objectifs et non plus de normes. Elle est donc l'aboutissement d'un long processus de négociations et elle garantit enfin, dans la constitution, le respect des responsabilités du Québec. Au-delà des avantages constitutionnels et politiques, il faut souligner que cet arrangement va permettre à long terme une meilleure gestion du service public puisque le gouvernement fédéral ne pourrait plus mettre sur pied de nouveaux programmes et forcer les provinces à y adhérer selon des modalités fixées unilatéralement. Ceci laissera au Québec la flexibilité de déterminer des modalités de gestion qui respectent sa situation particulière.

Le gouvernement fédéral, Mme la Présidente, a enfin reconnu que le gouvernement du Québec avait ses propres responsabilités et ses propres priorités dans ses champs de compétence exclusive. C'est une grande victoire, Mme la Présidente. Cela fait plus de 20 ans, soit depuis l'échec de la formule Fulton-Favreau, au début des années soixante, que nous attendons cet accord et que nous parlons de la question constitutionnelle au Québec. Au fil des ans, les différentes tentatives amorcées par les gouvernements qui se sont succédé, tant à Québec qu'à Ottawa, n'ont fait qu'élargir le gouffre qui nous séparait du consensus. Mais, enfin, avec cet accord constitutionnel mené de main de maître par le premier ministre, le Québec reprend sa place et son rôle dans les instances constitutionnelles canadiennes.

Mme la Présidente, je profite, d'ailleurs, de l'occasion pour réitérer mes félicitations au premier ministre et à mon collègue, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, pour avoir accompli un véritable tour de force dans ces négociations constitutionnelles. Mes félicitations aussi aux conseillers qui, durant plusieurs mois, se sont penchés avec acharnement sur le dossier afin que l'on en tire les résultats dont on connaît aujourd'hui toute l'ampleur. Au chapitre des gains, cet accord constitutionnel nous permettra une flexibilité raisonnable dans un régime fédéral dynamique, fondé sur la concertation. Cette flexibilité, c'est des pouvoirs nouveaux pour le Québec, des pouvoirs que nous exercerons ou non à notre discrétion, selon les circonstances et graduellement, tant en ce qui concerne le caractère distinct du Québec, le pouvoir de dépenser qu'en ce qui concerne l'immigration. Chose certaine, il s'agit, pour le Québec, d'une base solide pour bâtir l'avenir.

Comme le soulignait le journaliste, Gilbert Brunet, dans l'édition de La Presse

du 10 juin dernier et je cite: "En 27 ans de révolution tranquille, la couleur des gouvernements changeant maintes fois, le Québec s'est acquis un poids politique considérable sur l'échiquier canadien." Mais ce poids dans la balance politique ne portera pas atteinte au gouvernement central de la fédération, mais verra simplement à l'assouplir et à le décentraliser légèrement pour l'adapter à la réalité du pays. D'ailleurs, un sondage fait par la maison Angus Reed et effectué au lendemain de l'accord à Ottawa ne démontrait-il pas qu'au Québec 77 % des répondants étaient en faveur de l'accord et, dans le reste du pays, 51 % ont dit approuver les modalités de l'accord, alors que seulement 27 % se sont prononcés contre cette entente?

Mme la Présidente, il y a une volonté politique tellement forte de réintégrer le Québec dans la constitution canadienne que je ne peux qu'être très confiant sur l'issue du résultat. Et je crois sincèrement qu'il est important d'entériner dans les meilleurs délais cet accord qui coulera dans le béton l'unité canadienne. Il nous faut aller de l'avant et dire à tous les autres Canadiens que, nous du Québec, nous sommes d'accord. Il nous faut donner le ton à cet objectif d'unité canadienne. (14 h 40)

En terminant, l'année 1987 sera une année charnière pour le pays tout entier avec, entre autres, les dossiers sur la réforme fiscale et la libéralisation des échanges. Plusieurs défis et plusieurs remises en question se pointent à l'horizon.

Ces décisions façonneront notre avenir comme Canadiens, et c'est à nous d'en prendre la responsabilité. Personnellement, Mme la Présidente, je tire encore plus de fierté à affirmer que je suis Québécois et Canadien dans un pays fort et riche, et ce, tout autant au sens économique que culturel. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor. M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Attendez, cela va être leur fêtel Le 2 décembre 1985, celui qui vous parle était véritablement très fier. Effectivement, c'était une victoire, on avait vaincu les forces du mal dans Saint-Jacques dont le dernier député libéral à temps plein date d'au moins 50 ans, c'était les culottes à Vautrin. Saint-Jacques est un comté qui avait voté oui et qui va continuer à voter oui au Québec. Ce n'est pas un comté qui dira non à son propre peuple. J'étais fier d'être élu député de Saint-Jacques, j'avais une certaine fierté. J'étais content, cela coïncidait bien, après 300 ans de présence de ma famille en Amérique française, d'arriver dans l'institution la plus prestigieuse de l'État, l'Assemblée nationale. J'avais une certaine fierté d'arriver là. Je me disais: II me semble qu'il y a quelque chose là-dedans.

Depuis le 2 décembre, qu'est-ce que je vois? Vous, M. le leader, avec de l'improvisation, un menu législatif Métrécal, rien dans l'assiette, du cynisme, les tartuferies d'un premier ministre qui a l'air d'un mauvais clown qui est en train de faire son dernier tour de piste. Un mépris du Parlement et des parlementaires. Je ne pensais jamais... Effectivement, M. le leader, vous faites bien de me dire que vous quittez, c'est ce que vous allez faire dans quelques mois. C'est ce que le Québec va vous donner comme verdict dans quelques mois; ce n'est pas si loin que cela. Attention! Remarquez l'histoire. Plus vous êtes haut et plus vous tombez vite et raide, n'est-ce pas? Rappelez-vous 1976 et 1981, il pourrait y avoir 1989 ou 1990.

Qu'est-ce que je vois? Un mépris du Parlement, un mépris de l'Assemblée nationale, un mépris des parlementaires non pas uniquement des parlementaires de l'Opposition mais même de vos propres parlementaires, comme si le Parti libéral avait instauré... D'ailleurs, on voit les applaudissements béats et délirants comme si le Parti libéral avait instauré depuis le 2 décembre à l'Assemblée nationale une espèce de robotique. Tu pèses sur un piton, il y en a 98 qui lèvent la main, tu tires une manette, il y en a 98 qui applaudissent à n'importe quoi de ce qui est présenté. Le 2 décembre, je vais être bien franc avec vous, moi qui regardais cette Assemblée nationale comme étant l'institution la plus prestigieuse et la plus importante de l'État, je trouve que vous l'avez drôlement dégradée.

Bien entendu, on a mis en fin de session - douce vengeance, peut-être, au coeur du leader du gouvernement, puisque tout le monde sait qu'il s'était légèrement couvert de ridicule avec la fin de la session au mois de décembre - l'accord du lac Meech parce que cela faisait toujours très Métrécal, son menu législatif. Il nous met la fameuse entente du lac Meech dans la foulée des dernières heures de la session et il essaie de nous faire voter cela à pleine vapeur, assuré, bien entendu, de la robotique qui s'est instaurée, où il suffit d'actionner la manette et, automatiquement, 98 votes apparaissent.

Pourquoi cet empressement quand on sait qu'on a trois ans pour ratifier l'entente? Pourquoi cette espèce - on me pardonnera le terme - de "bulldozage"? Pourquoi cette hâte du gouvernement libéral de signer cette entente historique mais pour laquelle on se

donne trois ans, justement pour bien s'assurer qu'elle soit historique? Qu'est-ce que le premier ministre cache, lui qui a toujours été d'ailleurs un modèle de transparence et surtout de présence? Pourquoi signer le premier? Pourquoi aller à genoux, à genoux devant les autres? Parce que les provinces canadiennes - déjà, on le voit - vont changer des articles de l'entente. Elles sont en train de le faire et vous autres, durant ce temps-là, avec votre pseudo-accord du lac Meech, lac pollué d'ailleurs - on a vu ce qu'a fait votre ancien collègue fédéral et premier ministre dans ce lac - vous êtes en train de faire une vente de trottoir. Vous êtes en train de faire une véritable vente de trottoir avec notre avenir. Vous êtes en train de faire une vente de trottoir qui va mettre notre avenir dans la rue comme société distincte, comme culture originale. C'est ce que vous êtes en train de faire à l'Assemblée nationale.

J'ai dû m'absenter quelques jours, Mme la Présidente, vous savez, à cause de l'état de santé de mon père, mais je n'en ai pas pour autant cessé de m'intéresser à ce qui se passait à l'Assemblée nationale. J'ai entendu les discours et je vous prierais de ne plus jamais m'interpeller en disant: Mon ami d'en face. Je refuse ce qualificatif même s'il fait partie des traditions parlementaires.

Des voix: ...

M. Boulerice: J'entendais...

Des voix: ...

M. Boulerice: Mme la Présidente, est-ce que vous pourriez demander à quelques-uns de ces robots, justement, de l'aile parlementaire libérale de bien vouloir respecter le temps de parole qui est accordé à l'Opposition et de cesser de m'interrompre? Ce que moi, je n'ai pas fait d'ailleurs, n'en déplaise aux gens d'en face.

La Vice-Présidente: Je pense, M. le député de Saint-Jacques, que les députés ont très bien compris votre intervention. Là-dessus, je vous demanderais de...

Des voix: ...

M. Boulerice: Je vous remercie, Mme la Présidente, d'appuyer mes propos, à savoir qu'il y a effectivement mépris du Parlement et mépris des parlementaires. Il y en avait un exemple des plus évidents tantôt qui semble vouloir se poursuivre.

J'entendais quelqu'un, de l'autre côté, parler de l'humiliation de 1981. La véritable humiliation ne date pas de 1981. La véritable humiliation date du 20 mai 1980 parce que vous vous êtes alliés, à l'époque, à ces forces du non. Contrairement à ce que disait le député de La Peltrie à qui je répondrai par la bouche de mes canons, ce n'est pas nous qui avons manipulé les Québécois au cours du référendum de 1980, mais c'est vous, avec vos petits copains fédéraux, à Ottawa, qui êtes venus faire accroire avec le show Trudeau-Ryan, au Centre Paul-Sauvé, à Montréal, qu'un non voudrait dire un oui et que tout le monde a mis son siège, et non pas sa tête, en jeu à ce moment-là, parce qu'il l'aurait perdue depuis fort longtemps. On a vu ce que cela a donné. C'est en mai 1980 que vous avez fait subir une humiliation au Québec et non pas en 1981, comme le déclarait pompeusement un député d'en face.

Des voix: ...

M. Boulerice: Belle victoire. La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Boulerice: Je ne l'ai pas lu, je l'ai écouté votre discours. Belle victoire. L'humiliation, cela a été mai 1980. Aujourd'hui, on est bien pressé d'aller rejoindre ce beau Canada. C'est tout juste si on n'essaie pas encore de me faire pleurer sur les Rocheuses qu'on serait en train de perdre et que, finalement, on va rapatrier. On va reprendre nos belles Rocheuses.

De mai 1980 au projet du lac Meech que vous êtes en train de nous amener... Rappelez-vous, en mai 1980, ces beaux télégrammes qu'on recevait des provinces canadiennes, ces pétitions signées de vos braves, de nos braves compatriotes canadiens qui disaient: On vous aime; restez dans la Confédération. Entre mai 1980 et aujourd'hui, qu'est-ce qui s'est passé? Si vous voulez bien, on va en rappeler quelques exemples? De l'agression physique contre des travailleurs saisonniers francophones dans les provinces de l'Ouest, les incendies de maisons de Franco manitobains. On nous aime bien et on est bien pressé d'aller les retrouver dans cette belle convivialité pancanadienne. Justement, le ministre des Affaires pancanadiennes, on est bien pressé d'aller faire ça. On est bien pressé d'aller se livrer à une humiliation qui est la résignation provinciale. (14 h 50)

C'est ça le fond de votre discours. C'est une province. On le voit même dans votre abondante documentation. Vous n'êtes même pas capables de respecter l'appellation du Québec instaurée par un premier ministre libéral. M. Jean Lesage, lui, parlait d'État du Québec. Je reçois régulièrement de la documentation émanant de vos ministères. On parle de la province de Québec. On aime ça, c'est petit, c'est ratatinant. J'entends le député de Rimouski - les citoyens de Rimouski doivent l'entendre - qui dit que c'est parfait de parler de la province de

Québec et non pas de l'État du Québec. C'est bien entendu qu'à cultiver le petit, comme vous le faites, ça va être bien difficile, à ce peuple-là, d'atteindre le grand. Mais ce n'est pas grave, on va continuer à se battre contre la résignation provinciale que vous nous proposez, qui comporte, d'ailleurs, nonobstant ce que nous dit M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes... Quand je pense à son propos et à ce qu'il a dit, il y a quelques années, à ce qu'il nous a dit en commission parlementaire, à ce qu'il vient de nous dire... Je me rappelle toujours cette phrase de Talleyrand qui disait: "L'ambition est comme le feu. Elle se nourrit des matières les plus viles comme les plus nobles." Aucun pouvoir reel...

Une voix: Oh!

M. Boulerice: Oui. Et de Talleyrand, d'ailleurs, on disait: Comment se fait-il qu'il soit pauvre, lui qui a vendu tous ceux qui l'avaient acheté? Je vous invite à réfléchir sur cette phrase-là, M. le ministre.

Aucun pouvoir réel pour la protection de la langue. Moi, député de Saint-Jacques, vendredi, j'appelais trois commerces de Montréal pour me procurer un drapeau d'un pays étranger et ami pour y accueillir, justement, ces amis-là et je me faisais répondre, en 1987, dans ma ville, dans mon pays, encore en 1987: "Sorry, I do not speak French." Dieu seul sait que je leur parlais bien en français. Effectivement, M. le député de La Peltrie, je leur parlais en français. Et je me faisais répondre: "I am sorry, I do not speak French." Où sont les vrais pouvoirs pour la langue?

M. Gobeil: C'étaient des touristes.

M. Boulerice: Si vous qualifiez les anglophones du Québec de touristes, M. le député de Verdun, libre à vous; vous assumerez vos propos jusqu'à la fin, mais je trouve ça méprisant qu'encore en 1987 je me fasse répondre ça et, en plus, je suis député à l'Assemblée nationale. Mais c'est vrai qu'on a eu le 2 décembre 1985 avec toutes vannes ouvertes à des esprits revanchards. Aucune protection pour la langue.

La Cour suprême. J'étais en commission parlementaire des institutions. Je voyais M. le ministre des affaires pancanadiennes qui disait: II va y avoir trois juges du Québec. Est-ce un facteur d'interprétation pour les juges, leur province d'origine? Est-ce qu'ils rendent leurs jugements en fonction de la province dont ils sont originaires? Si c'est ça, le mode de sélection des juges, je pense qu'il faudra sérieusement penser à la nomination des juges de la Cour suprême et à réviser complètement les barèmes. Est-ce qu'on nomme un juge à la Cour provinciale parce qu'il vient de Joliette et qu'il aura un préjugé favorable pour Joliette? II est là pour appliquer les lois, sans aucune distinction de sa province d'origine. Il est là pour appliquer et, surtout, pour interpréter. On va avoir une Cour suprême dont rien n'est changé, M. le ministre, qui continuera d'ailleurs de pencher toujours comme la tour de Pise sur le même côté.

Le pouvoir fédéral de dépenser est flou, vague, marécageux, d'ailleurs, comme le lac Meech où vous êtes allés vous tremper jusqu'au cou, un pouvoir de dépenser qui va influencer notre développement, qui va influencer notre consolidation comme société francophone en Amérique du Nord, qui va laisser les fédéraux intervenir dans des secteurs de notre identité qui sont justement la culture, l'éducation, les communications. Y a-t-il dans votre entente des pouvoirs accrus pour les communications, qui sont la clé de l'avenir? Y a-t-il des pouvoirs accrus pour le Québec?

Prenons un exemple concret. Avons-nous des pouvoirs qui vont permettre au Québec d'infléchir les décisions du CRTC et nous éviter d'autres CIBL-MF comme on a connu à Montréal? Est-ce que vous avez obtenu cela? C'est beau le débat de vos juristes, de vos légistes, de vos constitutionnalistes et de tous ces gens que je respecte, mais, dans la vie quotidienne et dans l'avenir national des Québécois, secteur par secteur, au-delà des belles théories qui ont été sorties et de vos beaux tableaux avec votre petite baguette et votre microphone, un "remake" très mauvais de Point de mire, entre parenthèses... Est-ce qu'il y a des pouvoirs en communications? Est-ce qu'il y a des pouvoirs accrus? Au chapitre de la langue, pour employer un terme qui est familier à votre collègue, l'ancien ministre de l'Habitation - parce qu'il n'y a plus de ministère de l'Habitation, tout le monde le sait - est-ce que vous avez des garanties "blindées", comme il dit, qu'on ne va pas continuer à charcuter la loi 101 comme cela a été fait? Avez-vous des garanties? Etes-vous capables de me les donner? Répondez à la question! Etes-vous capables de me donner des garanties? Déjà la loi 101 qui est saccagée, et je vous donnais des exemples de comportements qui reviennent à Montréal de mépris envers les francophones. Avez-vous des pouvoirs accrus? Démontrez-le-moi. Je n'attends que cela. Il n'y en a pas. Il n'y en a pas en communications. Il n'y en a pas dans le secteur linguistique. Il n'y en a pas dans l'immigration.

J'entendais le député de Verdun qui disait qu'on va avoir des pouvoirs accrus dans le domaine de l'immigration. Bien oui, on nous a dit: Vous êtes distincts, vous allez avoir droit à une casquette verte, mais, par contre, toutes les autres provinces ont aussi le droit de s'en acheter une. Qu'est-ce qui

va nous distinguer? Et quelle est la distinction? On est un peuple distinct. Alors, quelle est la distinction? Où est la précision de cette distinction? Où? Donnez-moi les mots, donnez-moi le libellé. Et le libellé qui peut exister actuellement sera-t-il accepté par les autres provinces?

Une voix: Oui.

M. Boulerice: Ah oui! Je ne partage pas votre optimisme. Pas de pouvoirs dans le domaine de l'éducation et Dieu seul sait que c'est cela, l'éducation, qui fait partie également de notre culture, de notre différence en Amérique du Nord.

Avez-vous des garanties du fédéral qu'on se retire des champs exclusivement provinciaux? Où sont vos nouveaux pouvoirs? Je vous pose la question depuis tantôt. Vous semblez songeur. Je ne sais pas si le feu vous dévore? Mais je n'ai pas de réponse à cela. Qu'y a-t-il comme réponse? Vous avez dans le secteur de la culture, comme je vous en parlais tantôt, une limitation qui est très partielle, très réduite, du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, qui va ne s'appliquer qu'aux nouveaux programmes nationaux. Mais les anciens peuvent être maintenus. Mon collègue avait raison en disant qu'il s'agira tout simplement de faire adopter des lois par la Chambre des communes à Ottawa, puisque ce sera facile à contourner. (15 heures)

La reconnaissance qui va être inscrite justement dans la constitution, qu'il y a une intervention, justement, dans les compétences du Québec, qui sont l'éducation et la culture, où sont vos garanties à ce sujet? J'entendais le député de Verdun qui parlait, à l'aube du libre-échange. C'est quoi les pouvoirs du Québec dans la négociation du libre-échange entre le Canada et les États-Unis? C'est quoi? Quand vous avez lu comme moi le texte qui émane du négociateur en chef pour les Américains qui disait que la culture - je vais vous donner la traduction littérale - doit être prise dans son sens le plus étroit. Qui a décidé? Le gouvernement fédéral? Avez-vous des pouvoirs qui vont vous permettre d'exercer les prérogatives du Québec dans un domaine aussi fondamental que sa culture? Avez-vous une réponse à cela? Vous n'avez pas de réponse à cela. Il n'y a pas de réponse à cela.

Vous êtes en train de faire adopter à toute vapeur, comme s'il s'agissait d'une vulgaire discussion de taverne, une adhésion à l'acte de 1982. Le député de Verdun citait encore des statistiques... Je lisais justement dans l'avion un magazine canadien anglais, qui s'appelle le Maclean's ou quelque chose comme cela. Il y avait un sondage; la majorité des Canadiens anglophones disent que pour le Québec, ça ne changera rien la nouvelle entente constitutionnelle. J'écoutais votre cousin germain, votre frère, je ne sais pas comment s'expliquent vos liens de parenté, M. Turner, à Toronto durant la fin de semaine, votre "boss" plutôt, votre grand "boss", c'est vrai parce qu'ici c'est la succursale...

Une voix: ...

M. Boulerice: ...M. Turner - déjà, on rejette le grand frère fédéral de l'autre bord qui disait aux militants libéraux de l'Ontario: II faut accepter l'entente parce que si on ne l'accepte pas, les Québécois vont exiger un statut particulier et ils pourraient même exiger la souveraineté-association. C'était: Aye, réglons au plus "cheap", tout d'un coup qu'ils demandent plus! C'est sorti naïvement et candidement de sa bouche, durant la fin de semaine à Toronto, devant vos frères, cousins germains, parents par alliance, je ne sais pas comment vous les appelez, les libéraux fédéraux, vos "boss", en définitive. C'est sorti naïvement de la bouche de M. Turner à Toronto.

Lui aussi l'a bien dit, il est en train de reprendre les propos de l'Opposition péquiste à l'Assemblée nationale, c'est un plancher, l'entente que vous avez négociée. C'est lui-même qui le dit et qui, par inadvertance, dans une tentative désespérée d'essayer de rallier ce beau Canada "from coast to coast" à une entente encore là signée de nuit elle aussi, est en train de confirmer nos propos et de dire: C'est un plancher cette entente constitutionnelle. Il n'y aura pas de statut particulier. Les Québécois, si on signe ça, ne réclameront pas de statut particulier. Je trouve ça aberrant.

C'est vrai que je suis un député indépendantiste. Les citoyens de Saint-Jacques le savent bien, ils ont voté en bonne connaissance de cause le 2 décembre. Oui. Au départ, un statut particulier, il me semble que ça aurait été mieux. D'ailleurs, on fait des levées de fonds pour sauver de la disparition les baleines bleues dans le fleuve et, dans votre accord constitutionnel, on n'est même pas capable de préciser le véritable sens du mot "distinct" pour la seule pauvre petite collectivité francophone qui habite en Amérique du Nord, entourée d'anglophones à 40 contre 1. On n'est pas capable, M. le ministre, d'apporter cette élémentaire précision à l'intérieur du texte que vous vantez et que vous voulez faire approuver par l'Assemblée nationale. Sans doute, vous allez réussir à cause de cette robotique, de cette majorité en Chambre, que vous ne changerez pas, d'ailleurs, malgré les propos on ne peut moins hypocrites que vous avez souvent tenus quant à un système proportionnel électoral au Québec. Vous en vouliez bien un, mais là vous n'en voulez pas. Vous allez effectivement profiter de la

loi du nombre, d'une fin de session, à un moment où, effectivement, la population du Québec n'est peut-être pas très préoccupée par la question. Cela ne m'inquiète pas, parce qu'il y a dans la vie des peuples des cycles comme dans la vie des individus, des cycles comme on en trouve dans la nature: il y a marée basse et marée haute. Cela reviendra bien.

Quand commenceront à nous arriver les interprétations et les décisions de la Cour suprême, de la tour de Pise penchée du même cûté, qui est à Ottawa, et que ses décisions viendront abattre des pans de mur de la loi 101 encore là, des décisions qui nous empêcheront de mettre en place des politiques de plein emploi au Québec pour les jeunes, quand cela nous empêchera de mettre en place des politiques de développement culturel - enfin si jamais votre parti est capable d'en présenter - quand on essaiera de mettre place des politiques pour l'éducation supérieure au Québec et qu'on viendra se faire remettre sous le nez l'interprétation qui est donnée par les juges de l'entente constitutionnelle que vous voulez nous faire voter aujourd'hui, je pense que, là, les Québécois vont commencer à mesurer quel est le véritable impact de votre texte mouillé dans l'eau du lac Meech que vous essayez de nous faire voter aujourd'hui. Ce ne sera peut-être pas demain, mais cela pourrait être après-demain. À ce moment-là, je vous vois dans l'embarras d'expliquer le caractère historique de la signature précipitée que vous êtes en train de vouloir mettre en bas d'une feuille de papier.

Il y a sans doute, à l'intérieur de cela, puisqu'on sait qu'il est stratège quelques fois à ses heures, un élément de stratégie... Trois minutes que vous dites, Mme la Présidente, qu'il me reste sur un débat qui, s'il avait été fait sous le Parti québécois, serait fait dans des règles beaucoup plus démocratiques...

Des voix: Ah! Ah!

M. Boulerice: ...oui, avec une sanction de la population.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Boulerice: ...avec une sanction de la population. C'est ce qui, effectivement, nous distingue: nous, nous avons des principes, vous des intérêts, c'est bien différent. C'est pour cela que je vous rappelais tantôt cette parole de...

La Vice-Présidente: Â l'ordre!

M. Boulerice: ...Talleyrand, quant à l'ambition qui est comme le feu, elle se nourrit des matières aussi nobles que des matières viles. Quand le premier ministre a décidé d'apporter cela ici, en toute fin de session, et qu'il a passé la commande à son leader, il y avait un élément de stratégie qui était: Bien oui, si je suis la première province canadienne à signer, cela va être gênant pour les autres de dire non. Alors, il a lancé son boomerang, cela est un fait, mais le boomerang, s'il n'y a personne qui l'accroche, vous savez où il va lui revenir: en pleine face. Effectivement, M. le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, vous me donnez raison, le boomerang va lui revenir en pleine face. C'est ce qui va se passer dans les autres provinces canadiennes, parce qu'eux auront un débat démocratique là-dessus, à l'inverse de celui qui se fait ici dans le Parlement depuis le 2 septembre où, je le répète, c'est un mépris total de l'Assemblée nationale et des élus. Comme les élus représentent la population, c'est un mépris total de la population et de la démocratie. Dommage que vous ayez perdu le sens philosophique de l'épithète qui qualifiait votre parti. Vous n'êtes vraiment plus des libéraux. Abandonnez ce nom, vous le déshonorez parce que ce n'est pas là le vrai sens du mot "libéral", tel qu'on l'entend. (15 h 10)

Effectivement, nous prônons, nous, l'affirmation nationale, qui est la conquête de nouveaux pouvoirs pour le Québec, la conquête de nouveaux espaces politiques pour le Québec tandis que vous, vous vous résignez provincialement, vous vous ramenez au petit, vous cultivez le petit et vous empêchez les Québécois d'atteindre le grand. C'est cela qui fait la différence, Mme la Présidente, et les Québécois n'en seront pas dupes la prochaine fois. Cela peut peut-être bien aller à cause du temps et de l'imminence des vacances. À la fin d'une session, une population ne s'en préoccupe peut-être pas, mais il y a trois députés à qui vous venez de donner une énergie incroyable, une énergie qu'on a eue au congrès parce qu'on s'est tous ralliés, dans l'enthousiasme, à l'affirmation nationale des Québécois et non pas à votre résignation provinciale. En essayant de nous "bulldozer" sur un accord fondamental comme celui du lac Meech, vous nous donnez 1 000 000 de fois plus d'énergie qu'on ne pouvait en avoir il y a quelques mois. Je vous promets qu'on va se promener au Québec et ce n'est pas parce que...

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Jacques, je vous demanderais de conclure.

M. Boulerice: Mme la Présidente, je vais conclure puisque vous m'invitez à le faire. C'est dommage que je n'aie pas plus de temps parce que je vous dis que, cinq minutes pour en parler en bien, cela aurait été trop, mais une heure pour essayer de

dire ce qu'elle n'a pas, c'est trop peu. Vous le paierez effectivement très cher. Et le premier comté où vous allez le payez très cher, je vous le garantis, c'est dans le comté de Saint-Jacques. On va fêter la Saint-Jean, nous, mais écoutez le discours que je vais tenir à mes concitoyens de Saint-Jacques. Venez l'entendre et vous allez voir à la prochaine élection dans le comté de Saint-Jacques, vous allez retourner à l'époque des culottes à Vautrin. Cela fait 50 ans qu'il n'y a pas eu de député libéral, n'espérez pas en avoir un autre dans Saint-Jacques. Merci.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Oui, sur une question de règlement, Mme la Présidente. Je n'ai pas voulu interrompre le député de Saint-Jacques dans son envolée, mais j'aimerais qu'on lui rappelle que l'article 35, 4°, du règlement empêche de faire ce qu'il a fait tout au cours de son allocution, c'est-à-dire de s'adresser directement à un autre député. Je souhaite que, lors de son discours dans le comté de Saint-Jacques, au moins, il respectera les règles du jeu mieux qu'il ne l'a fait ici au cours de son intervention.

M. Boulerice: Je ne publierai pas de posters, madame, mais je vais effectivement nommer tous les députés.

La Vice-Présidente: Ceci étant fait, je suis prête à reconnaître le prochain intervenant, M. le député des Iles-de-la-Madeleine.

M. Georges Farrah

M. Farrah: Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, j'aimerais dire au député de Saint-Jacques, par votre entremise, que le congrès du PQ de la fin de semaine dernière ou il y a quinze jours a certainement ravivé le député de Duplessis et le député de Dubuc concernant l'affirmation nationale, entre autres. Alors, on a hâte de voir où vous vous logez.

Je ne ferai pas comme le député de Saint-Jacques, Mme la Présidente, pour me morfondre et bifurquer dans une démagogie. On va essayer de s'arrêter vraiment à l'entente comme telle, parce que nous sommes des gens sérieux. Ce sont également des gens sérieux qui ont négocié cette entente et je suis ravi d'entendre des gens comme ceux de l'autre bord parce que je me dis que, lorsque la population du Québec entend ces gens, c'est nous, du Parti libéral et nous du gouvernement qui y gagnons. Car on ne peut avoir aucune crédibilité à parler de la façon dont les gens d'en face parlent depuis au-delà d'une semaine.

On nous a dit qu'on a voulu présenter cette résolution ici, en Chambre, de façon très rapide et un peu improvisée. Je pense qu'il y a lieu quand même de mettre les choses au clair. Pour ce qui est de sa position constitutionnelle, le Parti libéral du Québec a commencé depuis de nombreuses années... On peut dire que déjà au début des années soixante-dix avec le premier ministre que nous avons maintenant, M. Bourassa, il y a eu les négociations de Victoria et par la suite, un peu plus tard avec l'arrivée de M. Ryan, il y a eu des propositions claires et précises venant du congrès, de la base militante du parti, des gens que nous avons consultés pour, justement, démontrer notre démocratie et l'importance des gens de la base.

Par la suite, nous arrivons à cette position constitutionnelle, avec l'arrivée du gouvernement en 1985, et c'est ainsi que nous avons conclu l'entente constitutionnelle du 3 juin dernier.

Je comprends mal les députés de l'Opposition qui nous disent qu'il n'y a aucun gain dans l'entente constitutionnelle de juin. Je ne comprends pas évidemment. Et ceci démontre leur manque d'objectivité, car il faut quand même admettre qu'il y a des gains sensibles pour le Québec.

Si ce parti était crédible et le moindrement objectif, je pense qu'il aurait lieu d'amener au moins certaines critiques constructives et positives. Bien non, c'est une démagogie constante, et on dit qu'on n'a rien amené.

Premier point de l'entente: société distincte. Pour la première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct de la société québécoise en l'inscrivant dans la loi suprême du pays. Et l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec se voient confier le rôle - ceci est très important - de protéger et de promouvoir ce caractère distinct du Québec. Je dis au député de Saint-Jacques: Cela, c'est un gain pour nous, Québécois, société distincte.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'immigration, Mme la Présidente. En matière d'immigration, le Québec a obtenu des pouvoirs additionnels majeurs qui, en plus d'une confirmation de pouvoirs déjà présents dans l'entente Couture-Cullen, donneront désormais au Québec des moyens d'affronter l'avenir avec confiance, et de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques migratoires, démographiques et familiales qui assureront la pérennité du caractère français de la société québécoise et de son importance au sein de la fédération canadienne.

Nous savons que cette entente nous donne également le droit d'obtenir... On obtient 5 % en surplus au chapitre des immigrants qui pourront aboutir chez nous au

Québec. Étant donné la situation démographique au Québec, ceci est un point extrêmement important et ceci nous donne un pouvoir supérieur, un autre pouvoir que nous n'avions pas antérieurement.

Au sujet de la Cour suprême, nous savons que le Québec pourra donner une liste au gouvernement fédéral, liste dans laquelle le gouvernement fédéral va nommer trois juges qui seront amenés par le Québec au fédéral, et ce, peu importe notre situation, notre population au Québec. Même si nous avons 25 % de la population au Canada, si nous avons 24 % ou 20 %, peu importe, ceci confirme que, indépendamment de la population que nous serons au Québec, nous aurons le droit de nommer trois juges ou nous aurons le droit de donner une liste au gouvernement fédéral, à partir de laquelle le gouvernement fédéral nommera trois juges. Ceci est un pouvoir substantiel en ce qui concerne le Québec, que nous avons atteint avec l'entente négociée en juin.

Il y a également le pouvoir de dépenser, la formule d'amendement ainsi que le droit de retrait, dont je ne parlerai pas ici, étant donné que plusieurs de mes collègues l'ont fait et le feront aussi éventuellement.

Ce que je voudrais amener aussi, c'est le travail exceptionnel, le travail colossal que le premier ministre du Québec, ainsi que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, ont fait en ce qui concerne la réintégration du Québec au sein de la Confédération canadienne.

Moi, je peux vous le dire, je suis un profane en matière de constitution. Par contre, j'ai eu l'honneur et le privilège de pouvoir assister à la commission parlementaire des institutions, en ce qui concerne la constitution canadienne, et je dois vous dire que j'ai été vraiment ébloui par la compétence et la qualité du ministre responsable, ainsi que du premier ministre.

Souvent, en ce qui concerne les revendications qui nous ont été faites par certains invités, nous aurions pu, de façon improvisée, ajouter au sujet de la société distincte, entre autres, la définir plus en détail. Mais on sait, et j'ai appris, à ce moment-là, que plus on définit, plus on peut limiter la portée de la société distincte.

À ce moment-là, cela a pris le courage politique de ces hommes-là. Cela aurait été beau politiquement d'ajouter: société distincte égale caractère français du Québec. Politiquement, cela aurait été beau et cela aurait été le genre de stratégie que ces gens d'en face auraient voulu faire.

Mais pour donner une meilleure garantie, une meilleure protection au Québec, nous n'avons pas voulu définir la société distincte, justement parce que nous voulons qu'elle ait une portée plus grande et qu'elle garantisse d'une façon plus substantielle les droits et privilèges du peuple québécois.

C'est ça qu'il faut constater dans l'élaboration du travail de ces gens-là et c'est justement ça que l'Opposition ne sort pas de l'autre côté lorsqu'elle parle, parce qu'on sait qu'en termes juridiques, chaque mot a son pesant d'or et chaque mot a sa définition, a sa portée. (15 h 20)

II est très important de s'assurer que la définition que nous avons incluse soit la plus large possible et qu'au niveau des tribunaux, il y ait la plus grande protection du peuple québécois. Ce n'est pas le député de Saint-Jacques qui pourra vous expliquer cela, parce que ce qui est important pour lui, ce sont les mots et l'image. Au-delà de cela, il faut avoir une pensée à long terme pour garantir les pouvoirs du Québec dans de nombreuses années.

En terminant, le chef de l'Opposition ridiculisait la deuxième étape de négociations, la deuxième ronde qui, entre autres, parlera des pêches. Les pêches pour mon comté des Îles-de-la-Madeleine, c'est une chose très importante car c'est l'économie vitale chez nous. Alors, les pêches pour nous... Si, dans la deuxième ronde de négociations, les provinces peuvent s'assurer un plus grand nombre de pouvoirs en matière de pêche, chez nous, ce sera important dans les régions maritimes du Québec. Ce que je veux dire au chef de l'Opposition également, c'est que je voudrais lui faire prendre conscience qu'il y a des régions maritimes au Québec et que si, dans la deuxième ronde de négociations, on parle de pêche, il n'y a pas juste Terre-Neuve qui va en bénéficier. Nous, du Québec, on va en bénéficier, on peut en bénéficier. Qu'est-ce que cela veut dire chez nous? Cela veut dire des emplois, des jobs chez nous, aux Îles-de-la-Madeleine.

Une voix: Bravo!

M. Farrah: En terminant, comme le dirait le député de Terrebonne, Mme la Présidente, je vous tends une perche à vous, gens de l'Opposition, car le premier ministre du Québec est en train de réparer votre erreur du 16 avril 1981. Qu'est-ce qui va arriver? Le premier ministre du Québec et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes vont vous permettre d'être pas si mal jugés dans l'histoire, parce qu'on aura réparé votre erreur. Dans ce sens, on vous tend une perche. S'il vous platt, prenez-la, parce que vous allez couler au fond du lac et vous ne reviendrez jamais à la surface. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

M. Boulerice: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Question de règlement, M. le député de Saint-Jacques?

M. Boulerice: Mme la Présidente, est-ce que l'honorable député des Îles-de-la-Madeleine consentirait à une très brève question de ma part?

La Vice-Présidente: Vous devez savoir que j'ai besoin de l'autorisation du député. Est-ce que le député consent? Il consent. Je dois vous rappeler... Il n'y a pas consentement? Pas de consentement, pas de question.

Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant.

Une voix: Tu as eu peur, hein?

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion, vendredi dernier, d'intervenir sur cette motion que je considère, en termes de sujet discuté, de sujet à être débattu, une question majeure, importante pour la société québécoise. J'ai indiqué cependant dans les premiers éléments de mon intervention que, justement, parce que c'est une question importante, si on avait affaire à un gouvernement qui a un minimum de respect pour la démocratie, nous n'en traiterions pas en catastrophe en fin de session dans un débat limité. Je n'ai pas besoin d'ajouter que ce n'est pas la fin de semaine qui m'a fait changer d'avis, puisque nous sommes toujours dans les mêmes conditions de fin de session de vouloir procéder rapidement avec un empressement qui ne se justifie d'aucune façon. D'ailleurs, plusieurs gouvernements dont celui de l'Ontario et le gouvernement fédéral ont déjà annoncé leur intention d'apporter des amendements majeurs. Si nous n'avions pas affaire à un groupe de minimalistes et non pas de positifs, comme certains l'ont mentionné, ils auraient au moins l'ouverture de ne pas procéder en catastrophe pour permettre que nous puissions regarder dans des délais normaux, après avoir consulté la population, certains aspects qui, à tout le moins, mériteraient d'être éclaircis davantage, d'être précisés davantage, et j'aurai l'occasion de le faire au cours de cette intervention.

On aura beau prendre des heures et déclarer que c'est l'allégresse, qu'il s'agit là d'une entente absolument extraordinaire, et de le répéter, comme on vient encore de l'entendre par le député des Îles-de-la-Madeleine... Encore là, à peine cinq ou six minutes pour en parler positivement, parce que c'est tout ce qu'on a à dire: Répéter que le ministre pancanadien a été extraordinaire dans ses prétentions, dans sa démonstration, parce que lui avait dit que définir la société distincte aurait comme conséquence de restreindre. Il me semble que si on avait un peu d'objectivité, on regarderait ce que d'autres ont dit. Ce qui m'impressionne, et je vais être très objectif, ce n'est pas tellement ce que les parlementaires de l'autre côté disent et pas plus que ce que nous, nous disons, c'est de considérer la réflexion de certains spécialistes qui ont scruté ces questions, qui les ont analysées et qui sont venus nous dire, en commission parlementaire, qu'il y avait des failles majeures, importantes.

On a entendu un témoin aux auditions, M. Léon Dion, qui est, depuis plusieurs années, un spécialiste de ces questions - et c'était leur témoin - dire qu'en ce qui le concerne, lui, contrairement à l'affirmation du ministre des Affaires intergouvernementales, uniquement avoir une référence à la société distincte, c'était quelque chose d'absolument extraordinaire. Il prétend que s'il n'y a pas de référence à ce qui nous caractérise, à ce qui nous distingue fondamentalement, c'est une coquille vide, c'est une étiquette sur une bouteille vide. On a beau avoir la chaudière que vous voudrez, si elle n'a pas de fond, on a un problème même si on essaie de la remplir.

C'est un peu le problème qu'on entend de l'autre côté en voulant toujours rendre grandiloquente cette entente du lac Meech. Alors que tout le monde qui l'a regardée... C'était facile d'arriver à une conclusion lorsqu'on exige tellement peu, et ce, à la surprise de tous les intervenants canadiens. Rapidement on a dit: pour la première fois, le Québec a si peu exigé qu'on va être d'accord pour ratifier cette entente dite "minimaliste".

Je voudrais simplement, Mme la Présidente, prendre les minutes qui vont suivre pour expliciter davantage deux notions qui m'apparaissent fondamentales. Qu'on se fasse emplir les oreilles qu'on a gagné la nomination de trois juges, en ce qui me concerne cela ne change rien. C'est un pouvoir que nous avions déjà. Il n'y a strictement rien de changé. La seule différence, c'est que, dorénavant, ils vont piger dans une liste plutôt que de les nommer en l'absence de liste. Mais dès qu'on parle de cela, cela confirme notre point de vue. Cela veut dire que ces gens-là sont fiers de confier à des juristes nos responsabilités politiques. J'ai toujours pensé qu'il appartenait à des élus d'un Parlement de définir le cadre institutionnel, le cadre juridique dans lequel le peuple du Québec et l'État du Québec doivent fonctionner. Je trouve à confirmer notre thèse dans tous leurs petits discours qui disent: Holà, holà, bravo, on a obtenu la nomination des juges. Premièrement, je le répète, on l'avait ce

droit et, deuxièmement, cela signifie qu'ils sont d'accord pour remettre entre les mains des cours la responsabilité d'un Parlement normal quand il a à prendre des décisions pour un peuple normal. Donc, il n'y a pas de gain là en ce qui me concerne.

On a parlé pendant des heures du droit de veto alors qu'on a appris que nous ne l'avions jamais obtenu. Sur le plan juridique, on n'a jamais eu le droit de veto. Il n'y a pas de victoire majeure. Parler pendant quelques minutes ou des heures de l'entente Cullen-Couture sur l'immigration, là, on parle, au moins, de quelque chose que nous, de ce côté-ci, connaissons. C'est justement notre ministre de l'Immigration du Parti québécois, à l'époque, qui avait réussi à négocier une entente sur l'immigration qui respecte davantage les pouvoirs du Québec. Encore là, Mme la Présidente, aucun gain.

On arrive aux deux notions fondamentales. Il me semble que les deux points sur lesquels il y aurait lieu de prendre un peu plus de temps pour développer des éléments de cette fameuse entente du lac Meech, c'est toute la question du pouvoir de dépenser et la référence à la société distincte. Encore là, Mme la Présidente, je pense que c'est moins important d'entendre les parlementaires s'exprimer là-dessus que d'entendre des spécialistes de ces questions-là qui ont pris le temps d'analyser le texte de l'accord et d'émettre énormément de réserves et de détails pour lesquels ils prétendent qu'il y avait lieu d'obtenir davantage de confirmation avant de chanter d'allégresse. (15 h 30)

Pour les minutes qui vont suivre, je veux développer davantage la question du pouvoir de dépenser. J'ai dit, vendredi dernier, et je suis sûr de ce que j'affirme, que tout ce que nous faisons dans l'élément du pouvoir de dépenser c'est que, pour la première fois, on va constitutionnaliser la capacité du fédéral d'intervenir constamment dans nos plates-bandes dans des champs de juridiction qui ont toujours été nôtres, sauf qu'avec l'entente du lac Meech on constitutionnalise cette disposition en disant: On est d'accord que ce soit comme ça, venez dans nos champs de juridiction. Ces gens-là ont le culot de prétendre qu'il s'agit là d'un avantage pour le Québec, qu'il s'agit là d'un élément important pour le Québec.

Je voudrais vous rappeler que l'accord du 3 juin 1987, au sujet du pouvoir de dépenser, dit ceci: "L'objet de l'actuel document est de faire, aussi brièvement que possible, un examen des dispositions de l'accord constitutionnel de 1987 relatives à l'encadrement du pouvoir de dépenser de l'État fédéral, afin de souligner les difficultés qu'elles soulèvent.

Je répète: les difficultés que je vais soulever sur le pouvoir de dépenser ne sont pas des prétentions de celui qui vous parle, ce sont des prétentions d'un constitutionnaliste qui a fouillé cette question et qui a la conviction que nous n'obtenons absolument rien de neuf et que, au contraire, les dispositions prévues à l'accord du lac Meech au 3 juin dernier font qu'à l'article 7, on se ramasse avec une difficulté très dangereuse.

Analysons le texte de l'accord sur la disposition du pouvoir de dépenser. Il faut se rappeler que l'article 7 de l'accord constitutionnel de 1987 prévoit que la Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée en insérant, à la suite de l'actuel article 106, la disposition suivante. Lisons le fameux article 106: "Le gouvernement du Canada fournit une juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un programme national cofinancé qu'il établit après l'entrée en vigueur du présent article dans un secteur de compétence exclusive provinciale si la province applique un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux. Le présent article n'élargit pas les compétences législatives du Parlement du Canada", etc.

Il faut rappeler que la constitution canadienne sur le pouvoir de dépenser dit ceci: "La question de la validité constitutionnelle du pouvoir de dépenser de l'État fédéral demeure indéniablement une des questions non résolues du fédéralisme canadien. Il serait certes utile de reprendre dans l'actuel contexte une définition du pouvoir de dépenser", etc. Il importe de souligner que la question de la validité de ce pouvoir se soulève à l'égard de son exercice par le fédéral. Écoutez bien çaï "... son exercice à l'égard du fédéral, non pas à l'égard de ses propres compétences législatives mais bien à l'égard des compétences législatives exclusivement des provinces ou encore des compétences mixtes, c'est-à-dire des compétences partagées entre les deux paliers de gouvernement."

Rappelons par ailleurs que le Québec a, depuis toujours, contesté la légitimité de cette façon de procéder du fédéral qui, depuis plusieurs années, tente de se servir de son pouvoir de dépenser afin de contrôler et d'influencer dans les faits l'exercice par les provinces de leurs compétences législatives en vertu de l'entente canadienne, en vertu de la constitution canadienne censément exclusive aux provinces.

Un de mes collègues citait d'ailleurs les propos du ministre Rémillard dans son discours du Mont-Gabriel de 1986 reflétant cette division traditionnelle du Québec. Là, il était plus libre, plus dégagé, un peu moins prétentieux et à ce moment-là on avait droit, je pense, à un minimum de vérité, parce qu'il faut lui reconnaître une certaine

compétence, du moins passée, dans ces questions-là. Actuellement, alors qu'il est affublé de l'épithète un peu partisane de membre du cabinet, tout ce qui l'intéresse c'est d'avoir un Québec le plus petit possible, le plus rapetissé possible, avec le moins de moyens possible. Ça permet d'entendre des choses comme celles qu'on a entendues en commission parlementaire, confirmées par les jeunots qui arrivent et qui sont tout béats devant le ministre parce qu'il a dit quelque chose qu'il a appris. Imaginez-vous! Le député des îles dit qu'il a appris que définir quelque chose pouvait courir un certain risque par rapport aux éléments nons définis. Imaginez! Il a découvert cela en commission parlementaire.

Alors qu'il disait ceci quand il avait un peu d'objectivité: La sécurité culturelle signifie aussi la possibilité pour le Québec d'agir dans ses champs de compétence sans l'interférence du gouvernement fédéral par son pouvoir de dépenser. On sait que, par ce pouvoir, Ottawa peut dépenser comme il l'entend des sommes d'argent dans tous les domaines, qu'ils soient de sa compétence ou non. Cette situation est devenue intolérable. Imaginez. C'est M. le ministre actuel qui, dans le temps, s'appelait Gil Rémillard qui disait ceci: Cette situation est devenue intolérable. Pour l'ensemble des provinces, elle est une épée de Damoclès sur toute politique planifiée de leur développement tant social que culturel ou économique. Il apparaît de plus en plus nécessaire que l'on assujettisse l'exercice du pouvoir de dépenser à l'approbation des provinces. Cela contribuerait grandement à bonifier le fonctionnement du régime fédéral. C'est dans ce contexte qu'il convient de comprendre l'actuelle proposition de modification au sujet du pouvoir de dépenser.

Maintenant, quelques minutes sur les différences entre l'accord, ce que je viens de lire, et les accords du lac Meech. L'accord du lac Meech fut présenté comme une victoire du Québec qui réussissait ainsi à convaincre le fédéral de limiter l'exercice de son pouvoir de dépenser. La commission parlementaire à Québec a, par ailleurs, démontré que cette apparente victoire cachait de sérieux reculs pour le Québec qui se trouverait par le fait même à... Et c'est cela que je trouve le plus grave. Cela, Mme la Présidente, ce n'est pas juridique. C'est une perception normale. Écoutez bien cela. La conséquence la plus grave, ce serait la reconnaissance de légitimer, rendre légitime, le pouvoir du fédéral d'intervenir dans les domaines de compétence exclusivement provinciale.

Je me rappelle quand ces gens étaient dans l'Opposition et qu'effectivement, pour ce qui est, entre autres, des interventions du fédéral concernant le développement des régions du Québec, il fallait entendre l'actuel ministre du Développement régional, le député de Charlesbourg dans l'Opposition, qui disait: Cela n'a pas de bon sens de laisser le fédéral intervenir comme il l'entend dans des créneaux de développement qui nous appartiennent.

Je veux juste donner un exemple. J'ai eu à aider - je ne le regrette pas cependant et à financer, quand j'étais ministre responsable de l'Office de planification et de développement du Québec, un terrain de golf à La Sarre qui sera inauguré prochainement. Belle inauguration, investissement fantastique. Sauf que je tiens à signaler, Mme la Présidente, que si j'ai été obligé, comme député d'Abitibi-Ouest et comme ministre responsable du Fonds de développement régional, d'y donner suite, c'est parce qu'on avait reçu par la tête, dans le temps que les députés fédéraux se promenaient avec leur "slush fund" d'environ 2 500 000 $, 3 000 000 $... Les jeunots ne connaissent peut-être pas cela, mais c'est la disposition pour un député fédéral de se promener dans le paysage et de garrocher l'argent sans aucun programme établi. Là, les fédéraux se promenaient dans le paysage et disaient: Écoutez, je mets 100 000 $ pour une aréna. Je mets 200 000 $ pour un terrain de golf. Besoin ou non, cela n'a pas d'importance. Et nous, on était obligé de pelleter par la suite leurs engagements et de prendre la responsabilité de les financer.

Je répète, Mme la Présidente, que ce n'est pas une façon de faire du développement économique intégré, ce n'est pas une façon de faire du développement régional valable et qui corresponde aux priorités du Québec. Dans ce sens, aujourd'hui, ces mêmes personnes applaudissent à la consécration du pouvoir fédéral de venir dépenser comme il l'entend, comme bon lui semble, dans des créneaux de développement qui nous appartiennent. C'est très clair. C'est le ministre actuel des Affaires intergouvernementales canadiennes qui, dans le temps, avait cette opinion qu'il fallait baliser le pouvoir du gouvernement fédéral de venir constamment faire des investissements dans des champs de juridiction qui étaient nôtres.

Je continue sur les différences de l'accord du lac Meech. Je répète qu'à cette commission parlementaire le gouvernement du Québec tentait de trouver une solution en vertu de laquelle il deviendrait possible, selon lui, d'encadrer le pouvoir de dépenser du fédéral tout en évitant de constitu-tionnaliser les fondements. (15 h 40)

Pendant ce temps, certaines personnes au Canada anglais, reprenant les idées d'un ex-premier ministre, plaidaient en faveur d'un pouvoir général d'intervention du fédéral dans des compétences provinciales par le biais du pouvoir de dépenser. Les premiers

ministres Pawley et Peterson se firent d'ailleurs les ardents défenseurs de cette fausse approche en ce qui nous concerne. Outre les quelques différences de style inévitables entre un communiqué de presse et des textes juridiques, il convient de souligner les différences suivantes à la suite de l'accord du lac Meech et celui d'Ottawa du 3 juin. Je répète: Ces gens dénonçaient... Maintenant, l'accord du 3 juin du lac Meech a eu lieu. Regardons si on a gagné quelque chose ou si on a perdu quelque chose sur ce que je voulais relater.

Le texte original semblait s'appliquer à tous les cas où les programmes nationaux auraient été établis par le fédéral. Maintenant, le paragraphe 1 de l'article 106A semble limiter son application uniquement aux programmes établis par le gouvernement fédéral. Nous croyons, comme on le verra, que cette nuance est très importante. Deuxièmement, le paragraphe (2) de l'article prend la peine de spécifier que l'article 106A n'élargit ni les compétences législatives du Parlement du Canada, ni celles des provinces. On verra aussi ultérieurement la signification vraisemblable de cette spécification. Quelle est la place exacte de l'article 106A au sein de la constitution? L'article 106A proposé serait situé au sein de la Loi constitutionnelle de 1867 immédiatement après l'article 106 qui traite de l'emploi qui peut être fait du fonds consolidé du revenu du Canada, le tout au sein de la section VIII intitulée: Revenus, dettes, actifs, etc.

De cette constatation, il faut conclure que le constituant placerait le nouvel article 106 au sein des dispositions relatives aux possessions du fédéral et qui plus est immédiatement après l'article qui permet explicitement au fédéral d'affecter le fonds consolidé du revenu au service public.

Voici ce qui pourrait arriver, Mme la Présidente: Les tribunaux pourraient sans doute inférer de ce seul fait qu'a contrario l'article 106A ne fait que restreindre la portée de la règle générale. En conséquence, en vertu de celle-ci, le fédéral pourrait dépenser, comme il l'entend et de façon illimitée, son argent - et là, écoutez la conclusion - dans tous les domaines de compétence provinciale ou mixte tout en déterminant des objectifs et peut-être des normes. Il me semble qu'il s'agit là d'une ambiguïté à laquelle nous, comme Opposition, ne pourra nous soustraire. Quand on parle de juste compensation, qui va interpréter véritablement la juste compensation? Il est difficile de définir ce en quoi consiste une juste compensation. Il ne s'agit probablement pas d'une compensation pleine et entière.

Cette notion fait plutôt appel à une notion qui relève davantage de l'équité et qui est beaucoup plus vague. La version anglaise parle de "reasonable", ce qui confirmerait cette façon de concevoir les choses. Dans ce contexte, il serait possible d'imaginer que le caractère juste d'une telle compensation puisse dépendre de critères tels l'ampleur ou le degré de conformité du programme de la mesure provinciale avec les objectifs nationaux ou encore tout simplement du pouvoir de négociation des interlocuteurs fédéraux et provinciaux en présence.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, la détermination d'une juste compensation ne peut être que laissée aux bons soins des parties ou, à défaut d'entente, à ceux des tribunaux. Dans l'une ou l'autre éventualité, il semble manifeste que cette détermination constituera dans les faits une pression à accepter soit de souscrire au programme national cofinancé, soit de rendre le programme provincial " compatible aux objectifs nationaux. Mais dans un cas comme dans l'autre, l'avis de ce juriste confirme nos prétentions que le gouvernement fédéral pourra faire ce qu'il veut au moment où il veut et, en conséquence, il ne s'agit pas du tout d'un acquis, mais il s'agit effectivement d'une perte pour le Québec parce que, dorénavant, le gouvernement fédéral, du fait qu'on vient de constitutionnaliser par l'accord du lac Meech son pouvoir d'intervention dans des créneaux qui sont nôtres, dans des juridictions qui sont entièrement de la responsabilité du Québec.

Il me semble, M. le Président, qu'il s'agit d'une disposition, contrairement à ce qui était affirmé, qui ne va pas du tout dans le sens de renforcer les juridictions exclusives du gouvernement du Québec. Dans cette perspective, il me semble qu'il serait normal et qu'il nous appartient, de droit, d'exercer entièrement la responsabilité d'un État normal qui veut assumer pleinement la façon de dépenser les sommes d'argent qu'il perçoit de ses contribuables.

J'ai toujours pensé - je l'ai toujours signalé dans toute mon action politique - que le développement régional du Québec, c'est capital, c'est important. Il m'apparaît que les plus habilités à prendre les décisions qui correspondent le mieux aux besoins réels et véritables de nos populations, c'est le gouvernement qui est le plus près de ces citoyens-là. Or, le gouvernement qui est le plus près des citoyens et des citoyennes du Québec, ce n'est pas le gouvernement fédéral, c'est le gouvernement du Québec.

Ce que je vous dis là est tellement vrai, qu'un autre des éléments qui nous distinguent, c'est qu'à chaque fois qu'on interview les Québécois et qu'on leur demande quel est leur gouvernement, immanquablement, ces citoyens répondent que c'est le gouvernement du Québec. Faites la même enquête auprès des habitants du Canada, à l'extérieur du Québec et

demandez-leur qui est leur gouvernement. Le réflexe normal, cela va être de répondre: le gouvernement fédéral. C'est l'enquêteur ou l'intervieweur qui est obligé de leur faire penser qu'il y a des gouvernements provinciaux en Ontario, à Vancouver, au Manitoba et dans les autres provinces, parce qu'ils sont habitués à être sous la juridiction du gouvernement central. Partout, dans le reste du Canada, faites le test en n'importe quel temps, les autres citoyens canadiens vont répondre que leur gouvernement, c'est le gouvernement central, alors qu'ici, au Québec, c'est exactement l'inverse.

Est-ce que je suis en train de traduire un mal de ventre? Non, je suis en train de traduire une réalité qui nous distingue, qui nous caractérise et qui a toujours été la nôtre. En conséquence, faire du développement régional intégré, polyvalent, multidimensionnel mais respectueux des besoins de ces populations, c'est de faire du développement régional qui correspond à nos préoccupations fondamentales. Avec la disposition sur le pouvoir de dépenser, dorénavant, tout le monde aura le droit de prétendre en faire et affirmer qu'il lui appartient d'intervenir dans des créneaux qui sont les nûtres. Si c'est cela, parler d'un pouvoir accru pour le Québec, moi, je débarque, je ne peux pas être d'accord. Je suis convaincu que si les citoyens et les citoyennes du Québec avaient le temps d'être consultés plutôt que d'être bousculés comme on l'est actuellement, en fin de session, et qu'on prenait le temps d'aller leur expliquer exactement le sens et la portée juridique de cet accord du lac Meech, en particulier sur le pouvoir de dépenser et sur la référence à la société distincte, je suis convaincu que ces gens-là diraient: Ce n'est pas ce que l'on veut. Ce n'est pas cela qu'on appelle la continuité historique que tous les premiers ministres du Québec, qui avaient un peu d'épine dorsale, ont revendiqué depuis les années mil neuf cent soixante. C'est un Québec plus fort et plus autonome, qui contrôle ses outils de développement que l'on veut. Pas un Québec rapetissé, un Québec en vente, ce n'est pas cela la continuité historique. Il me semble que sur la question du pouvoir de dépenser, il y avait lieu de revenir sur ces notions.

J'ai dit que je prendrais quelques minutes également sur la question de la société distincte. J'entendais, ce matin, le ministre de l'Éducation qui a fait un beau laïus en prétendant que c'était dangereux de permettre que le Québec puisse avoir l'exclusivité de la responsabilité linguistique et qu'il était normal, selon lui, que le gouvernement central puisse exercer une responsabilité dans le domaine linguistique. On ne s'est jamais opposé à cela. Ce qu'on a toujours dit, de ce cûté-ci, c'est qu'en ce qui regarde les citoyens et les citoyennes du

Québec, on ne voudrait pas être un quart de Parlement, un tiers de Parlement, on voudrait être un Parlement entier. On voudrait être un Parlement complet.

En matière linguistique, pour ce qui regarde la législation linguistique pour les Québécois et les Québécoises, on a la conviction que cela nous regarde, que c'est notre responsabilité d'avoir la capacité de légiférer avec pleine et entière juridiction dans ce domaine et de ne pas être à la merci des tribunaux, des juges et de l'appareil judiciaire, comme j'ai eu à le vivre pendant une année comme ministre de l'Éducation. Constamment quand on a essayé de se doter de lois qui correspondent mieux à ce que nous sommes, on a dû faire face à des décisions qui nous ont empêchés, en vertu de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, d'adapter notre système scolaire à la réalité de 1987, en particulier en se dotant d'une référence pour ce qui est des commissions scolaires sur une base linguistique plutôt que sur une base confessionnelle. (15 h 50)

On ne peut pas d'une main prétendre qu'on a une charte québécoise des droits qui respecte la liberté de pensée, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de religion et arriver, d'un autre cOté, dans une autre loi et dire: Nous allons conserver le caractère archaïque au niveau de la définition et de la délimitation de nos commissions scolaires sur une base confessionnelle alors que, selon la Charte des droits et libertés de la personne, c'est une disposition sur laquelle l'État n'a pas à prendre de direction et à donner des avis.

Sur la clause concernant l'inclusion de la mention de la société distincte - parce que mon temps s'écoule - je voudrais seulement dire quelques phrases. N'oubliez pas, M. le Président, que la référence à la société distincte sera assujettie aux règles d'interprétation. Il faut être conscient que cette clause ne constitue qu'une règle d'interprétation parmi d'autres. Ceci signifie en droit qu'elle est un principe dont les juges ne sont appelés à tenir compte que dans le cas où une règle de droit constitutionnel ne leur paraîtrait pas autrement claire. Ainsi, s'il est clair pour les juges que l'affichage français enfreint la liberté d'expression de la charte canadienne des droits, la clause de société distincte doit rester lettre morte à cet égard. Je répète: La clause où tous les parlementaires perroquets répètent qu'il s'agit d'un avantage fantastique... Ils vont continuer à dire: Voilà un avantage extraordinaire.

Selon les règles d'interprétation, chaque fois que les juges prétendront qu'il s'agit d'interpréter cela par rapport à autre chose, ils devront ne pas en tenir compte. Quel est l'avantage? Quel est l'immense avantage de

me faire accroire à moi, comme Québécois, que le fait que dans la constitution canadienne il y ait une référence à la société distincte du Québec, cela représente un avantage. D'aucune façon! Le fait que la clause de la société distincte ne soit qu'une règle d'interprétation signifie aussi, en droit, que l'adhésion du Québec à la constitution de 1982 se fait à mille coudées en dessous de ce que la constitution de 1982 a fait au Québec.

La constitution de 1982 a enlevé à l'Assemblée nationale le pouvoir souverain qu'elle avait en plusieurs matières vitales: langue, éducation, droits civils, pour le donner aux tribunaux canadiens. La clause de la société distincte ne fait qu'inviter ces tribunaux à tenir compte de l'évidence en cas de doute. Le pouvoir souverain perdu en 1982 demeure toujours dans les mains des tribunaux canadiens et ce, nous nous y opposons.

Ma conclusion sera simple, M. le Président, c'est la même que l'autre fois. Pour la première fois, c'est le Canada anglais qui est obligé de parler en mon nom et de dire: Cela ne vaut pas cinq "cennes". L'ensemble des intervenants du Canada anglais nous dit: Écoutez, il n'y a rien là-dedans, cela ne règle rien. Le Québec n'a gagné aucun pouvoir; on constitutionnalise le pouvoir de dépenser. Jamais, de mémoire récente, le Québec n'a demandé si peu en échange de sa signature de l'accord constitutionnel.

Ce que le sénateur Lowell Murray - je conclus là-dessus - a dit à l'occasion de cette entrevue à l'émission "Question period" à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition, la clause de la société distincte, ne va en rien modifier la répartition des pouvoirs; elle ne vise pas à le faire et personne n'a prétendu qu'elle le ferait. L'ensemble des intervenants du Canada anglais a dit: II s'agit là de quelque chose de minimaliste et c'est comme cela que j'avais commencé mon exposé vendredi dernier, en disant: Ce ne sont pas des positifs, ce ne sont pas des optimistes, ce sont des minimalistes qui veulent un Québec le plus petit possible, le plus rapetissé possible avec le moins de pouvoirs possible, parce que leur gouvernement...

Si on le demandait aux libéraux qu'il y a ici, dans cette Assemblée nationale, ils répondraient probablement comme le reste des Canadiens à l'extérieur du Québec: Leur gouvernement, c'est le gouvernement fédéral et non pas le gouvernement du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Je crois que nous pouvons dire en toute légitimité que la motion de résolution débattue en cette Chambre depuis quelques jours constitue l'aboutissement d'une réforme ardemment souhaitée par une majorité de Québécoises et de Québécois et qui a été amorcée il y a plus de 20 ans déjà. Lorsqu'elle aura été entérinée par les dix autres Parlements canadiens, la modification constitutionnelle visée par cette motion constituera pour le Québec une étape aussi marquante que son entrée au sein de la Confédération en 1867. Aussi, est-ce avec beaucoup de fierté que je vois le Québec tourner cette page parmi les plus tourmentées de son histoire pour enfin adhérer, la tête haute, à la Loi constitutionnelle de 1982.

 cet égard, je ne peux m'empêcher, encore une fois, de souligner le rôle déterminant du premier ministre et de mon collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes. Ils ont, au prix de nombreuses et de longues distinctions au niveau intergouvernemental, réussi à susciter un consensus unique chez les dix autres premiers ministres autour de la nécessité d'accorder au Québec les pouvoirs constitutionnels essentiels à la pérennité de sa spécificité.

Leurs démarches visaient et visent toujours à redonner au Québec la place qui lui revient au sein de la fédération canadienne, tout en lui accordant cette marge de manoeuvre nécessaire à la préservation et à la promotion de son caractère distinct.

Bien sûr, pour en arriver à une entente comme celle du lac Meech et celle du 3 juin, il fallait croire, comme une majorité de Québécois, en la possibilité pour le Québec de se développer, d'évoluer et de s'épanouir au sein de la fédération canadienne, que ce soit au niveau culturel, social ou économique.

Dans cet ordre d'idées, j'ajouterais que le premier ministre, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et l'ensemble des membres de l'actuel gouvernement élus démocratiquement ont toujours affirmé leur double attachement au Québec et au Canada. Ils ont toujours cru, avec sincérité, que le Québec sortira plus fort et plus grand du processus entamé avec l'accord du lac Meech.

Il m'est difficile de m'imaginer que l'Opposition puisse être sincère lorsqu'elle accuse le gouvernement d'agir à la sauvette et de ne pas avoir suffisamment informé la population. Bref, l'Opposition nous recommande d'attendre et d'attendre toujours et encore, mais d'attendre quoi et dans l'intérêt de qui? Peut-être dans l'intérêt d'un certain qui utilise ce prétexte pour régler

son problème de leadership ou peut-être dans l'intérêt d'un parti, mais certainement pas dans celui des Québécois qui attendent depuis déjà trop longtemps.

L'entente actuelle n'a rien d'accidentel ni de prématuré. Elle est le résultat d'une réflexion amorcée sous Jean Lesage et qui s'est poursuivie sous Daniel Johnson, Robert Bourassa et même René Lévesque.

Tout au long des vingt dernières années et plus, cette réflexion a donné lieu à un débat public sans précédent. Il a évolué et mûri au gré d'enquêtes souvent très poussées et de nombreuses rencontres fédérales-provinciales qui se sont succédé. Que l'on songe à la commission Laurendeau-Dunton, à la rencontre de Victoria, aux discussions constitutionnelles de 1978, à la commission Pepin-Robarts, au débat référendaire ou à celui entourant le rapatriement de la constitution. Chacune de ces étapes a contribué à éclairer et à mûrir l'entente du 3 juin 1987.

J'aimerais ajouter ici que l'on ne peut décemment prétendre que ces hommes et ces femmes qui, durant toutes ces années, ont cherché à obtenir le meilleur arrangement constitutionnel possible pour le Québec, ne souhaitaient, en fait, que d'éterniser un débat sans fin et de maintenir une incertitude qui, à la longue, risque d'avoir des conséquences désastreuses pour le Québec comme pour le Canada. Je crois, au contraire, que ces hommes et ces femmes voulaient des résultats pour eux-mêmes, pour leurs enfants et pour la société qu'ils souhaitent bâtir au sein de la fédération canadienne. C'est ce que le gouvernement actuel est déterminé à donner à la population du Québec, des résultats.

À moins de vouloir devenir, comme les gens de l'Opposition, des spécialistes des rendez-vous manqués avec l'histoire, je crois qu'il nous faut, collectivement, avoir la sagesse et la lucidité de savoir saisir le moment historique qui se présente à nous et de démontrer que nous avons la confiance nécessaire en nous-mêmes pour relever le défi du partenariat au sein de la fédération canadienne. (16 heures)

J'entendais, jeudi dernier, le député de Gouin tenter de donner des leçons de démocratie et de franchise au gouvernement et avoir le culot de nous dire qu'au moment du référendum, c'était clair: les militants du oui revendiquaient l'ensemble des pouvoirs. Voilà un bel exemple de franchise après coup, lorsqu'on sait tout le mal que s'était donné le gouvernement péquiste pour noyer la seule vraie question, celle de l'indépendance, dans un texte totalement incompréhensible et tous les efforts qu'il a déployés pour tenter de convaincre la population du Québec que cette question ne voulait pas dire ce qu'elle disait.

Il est vrai que je me suis battue du côté du non, et j'en suis très fière. Il est vrai que je me suis battue aux côtés de ces milliers de Québécoises qui se sont tenues debout et qui ont dit non aux formules alambiquées, non au déchirement auquel vous avez soumis la société québécoise, non au gaspillage d'énergie et à la perte de nombreuses occasions d'avancer qui nous ont déjà trop coûté, enfin, non à l'état de faiblesse dans lequel vous avez abandonné le Québec.

Mais les questions que je pose, aujourd'hui, sont: Où était-elle donc votre franchise, le 16 mai 1981, lorsque vous avez abandonné le droit de veto à l'insu du peuple au nom duquel vous prétendiez parler? Où était-elle donc votre franchise lorsque vous avez concocté votre proposition constitutionnelle de mai 1985 sans même avoir consulté cette Assemblée et que vous sembliez disposé à faire passer à toute vapeur? Où est-elle donc cette franchise que vous modifiez au gré des conjonctures électorales qui s'appellent tantôt étapisme, tantôt souveraineté avec ou sans association, tantôt beau risque, tantôt affirmation nationale, tantôt souveraineté par morceaux, alors qu'en fin de compte, ce dont il s'agit, c'est de l'avenir du Québec?

Non, je crois que nous n'avons aucune leçon de franchise ou de démocratie à recevoir de vous. Les membres du gouvernement actuel ont toujours agi à visage découvert et ont toujours affirmé clairement leur volonté d'amener le Québec à adhérer dans l'honneur et la dignité à la Loi constitutionnelle de 1982. Les conditions d'acceptation de la nouvelle constitution exposées dans Maîtriser l'avenir avaient, au moment de leur dévoilement, été abondamment commentées par les médias d'information qui leur avaient d'ailleurs accordé un accueil majoritairement favorable. Durant la campagne électorale, nous avons clairement réitéré notre volonté de faire adhérer le Québec à la constitution selon les cinq conditions adoptées démocratiquement par la base militante du Parti libéral du Québec.

Le 9 mai 1986, mon collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, lors du colloque de Mont-Gabriel sur la confédération, réitérait de nouveau publiquement les conditions que posait le Québec à son adhésion constitutionnelle.

Au mois d'août 1986, lors de leur conférence annuelle, les dix premiers ministres provinciaux convenaient à l'unanimité que leur première priorité en matière constitutionnelle serait d'engager immédiatement des discussions fédérales-provinciales pour que le Québec puisse accepter de participer pleinement et à part entière à la fédération canadienne.

En novembre 1986, le premier ministre

du Canada et les dix premiers ministres provinciaux annonçaient dans un communiqué conjoint que des progrès importants avaient été réalisés vers une meilleure compréhension des cinq propositions du Québec.

Enfin, le 30 avril dernier, lors de la rencontre du lac Meech, les onze premiers ministres en venaient à une entente historique sur les cinq conditions posées par le Québec. Cette entente fut suivie d'une étude détaillée de plus de 55 heures en commission parlementaire, puis consacrée par la signature des onze premiers ministres, le 3 juin qui, pour la première fois dans l'histoire de la confédération, reconnaissaient le caractère distinct du Québec et lui accordaient les pouvoirs nécessaires pour le promouvoir et assurer sa pérennité, notamment en matière d'immigration. Et on dira que ce n'était pas important!

À cet égard, je crois qu'il est esssentiel de souligner à quel point l'immigration est l'un des facteurs clés de l'évolution de notre société, et cela, depuis toujours. C'est d'ailleurs, sans doute, l'un des motifs ayant conduit les Pères de la confédération à reconnaître, dès 1867, qu'il s'agissait là d'un des domaines à compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. Au moment où nous nous apprêtons à réitérer notre adhésion à la Confédération canadienne et à dégager le sens de cette démarche, il y a lieu, M. le Président, de nous souvenir que le Québec était présent jusqu'au début des années 1900 à Paris, à Londres et à Bruxelles, afin de recruter une main-d'oeuvre compétente et qualifiée. Les ententes constitutionnelles conclues en 1867 permirent à nos prédécesseurs d'alors d'intervenir et d'être actifs en matière d'immigration. Ce faisant, ils marquaient l'importance que l'immigration représentait pour le développement de notre société. Par la suite, et pour des raisons qu'il serait trop long d'élaborer, le Québec s'est désintéressé de l'immigration, laissant toute liberté d'action aux autorités fédérales jusqu'à ce qu'il se dote, à la fin des années soixante, d'un ministère de l'Immigration devenu depuis le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Dans la foulée de la Révolution tranquille, le Québec est redevenu conscient de l'importance de l'immigration comme outil essentiel à son développement. À diverses reprises au cours de son histoire, le Québec s'est donc senti tenu d'assurer des responsabilités grandissantes en matière d'immigration. M. le Président, je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui a fait de l'immigration une des conditions essentielles de son adhésion à la constitution canadienne.

Autant l'immigration est une richesse pour la société qui y reçoit ses nouveaux arrivants, autant ces derniers sont-ils générateurs de développement économique, culturel et social et autant importe-t-il que le Québec, société distincte au sein du Canada, puisse assumer lui-même ses propres politiques et décider de l'accueil et de la place qu'il entend réserver à ces personnes et à leurs familles.

Désormais, M. le Président, le Québec aura les pouvoirs et la maîtrise d'oeuvre suffisante pour que ces nouveaux immigrants puissent s'intégrer harmonieusement au sein de notre société afin de participer pleinement et de plein droit au développement de notre caractère distinct et français au sein du Canada.

M. le Président, l'accord constitutionnel que nous nous apprêtons à adopter prochainement a permis que des négociations bilatérales avec le gouvernement fédéral s'amorcent et qu'une entente de principe soit conclue quant au partage des responsabilités en matière d'immigration. Le Québec aura l'assurance que nous pourrons accueillir un nombre d'immigrants proportionnel à notre part de la population canadienne avec droit de dépasser ce chiffre de 5 %.

Comme je l'indiquais lors de mon intervention en commission parlementaire le 12 mai dernier, ce gain et cette assurance sont capitaux. Les pouvoirs constitutionnels que le Québec acquiert en matière d'immigration nous assurent que l'immigration internationale à destination du Canada ne servira pas à minoriser le Québec au sein de la Confédération canadienne. Cette capacité d'établir librement des niveaux d'immigration qui nous soient propres sera déterminante pour assurer notre sécurité démocratique et culturelle.

Les pouvoirs ainsi obtenus par le Québec quant à la détermination des niveaux d'immigration ne prennent toutefois tout leur sens que parce que la sélection sera désormais québécoise. En effet, les négociations bilatérales qui se sont engagées avant le 3 juin dernier et qui se poursuivent depuis lors avec nos homologues fédéraux me permettent de confirmer à cette Assemblée que, désormais, la sélection, tant à l'étranger qu'ici même, sera québécoise. L'entente Cullen-Couture, j'aimerais le rappeler au député de Gouin, n'offrait aucune permanence constitutionnelle et ne nous assurait d'aucune protection juridique. Désormais, il s'agira bel et bien d'un processus de sélection qui appartiendra en propre au Québec. C'est là un gain dont nous pouvons nous féliciter dès à présent, mais dont les générations futures de femmes et d'hommes publics responsables des destinées du Québec sauront faire, j'en suis assurée, bon usage.

L'accueil et les services d'intégration sont le dernier point sur lequel, M. le Président, je souhaiterais attirer votre attention. Désormais, le Québec assurera seul la maîtrise d'oeuvre en matière d'accueil,

d'intégration et de francisation de ses nouveaux immigrants et le gouvernement fédéral assurera une juste compensation à la suite du retrait de ses programmes en la matière.

Voilà essentiellement, M. le Président, les acquis que les négociations constitutionnelles actuelles nous auront permis d'obtenir en matière d'immigration. Désormais, le Québec détient les pouvoirs essentiels pour assurer le plein épanouissement de ses politiques en ce domaine. Les gains que nous avons faits à ce jour nous permettent d'affirmer que, constitutionnellement et, par conséquent, juridiquement, le Québec pourra désormais assumer pleinement ses responsabilités en matière d'immigration.

M. le Président, une constitution est essentielle pour toute société libérale, démocratique et soucieuse d'assurer tout à la fois son développement collectif et le respect des droits des individus qui la composent. Voilà pourquoi il importe que le Québec marque son adhésion aux propositions constitutionnelles actuelles. Pour ma part, j'exprime ma confiance en l'avenir et je suis convaincue que le Québec saura préserver à sa manière, à sa façon et en son temps, ce caractère distinct qui est le nôtre d'aujourd'hui. L'immigration et ce qu'elle sera demain au Québec reflétera notre manière d'être et nos convictions. De ça, j'en suis convaincue. De même, suis-je convaincue, M. le Président, que, désormais, le Québec possède les pouvoirs constitutionnels requis pour orienter son immigration et préserver son caractère francophone dans le respect du droit de chacun. (16 h 10)

Voilà ce dont je me félicite aujourd'hui et dont je voulais faire partager la conviction par mes collègues en cette Assemblée et par l'ensemble de notre population. Voilà pourquoi j'appuie sans réserve les amendements constitutionnels actuellement à l'étude. Je le fais en tant que ministre responsable tout autant de l'Immigration que des Communautés culturelles, tout autant comme députée de Bourassa mais également en tant que Québécoise.

Enfin, c'est avec fierté que le Québec pourra adhérer à l'ensemble politique canadien. Comme le disait le député de Rosemont au début de ce débat: "Nous n'avons pas perdu le Québec, nous avons gagné le Canada." Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le gouvernement actuel nous invite à adhérer à cette entente du lac Meech en nous présentant cette motion d'urgence en Chambre. Il qualifie cette entente d'entente historique. Je dis oui. Oui, une entente historique, non pas comme un gain, mais comme un recul qui restera sûrement à l'histoire et qui portera lourdement sur la réputation et la valeur de ce gouvernement. Historique parce qu'on reconnaîtra le pouvoir d'Ottawa de dépenser dans des secteurs de compétence exclusive aux provinces. Historique parce que ça se sera fait sans consultation, dans le plus total mépris de la population. Historique parce que bâclée, parce que sans garantie par rapport aux conditions linguistiques du Québec, parce que sans garantie par rapport aux réelles compensations alors qu'on reconnaît le pouvoir de dépenser d'Ottawa dans les secteurs des provinces. Historique aussi parce qu'on se rappellera de cette entente en raison d'un double langage, selon qu'on s'adresse aux Canadiens des autres provinces ou qu'on s'adresse aux Québécois. Historique également parce qu'on se rappellera le double langage de ce gouvernement selon qu'il s'adresse aux Québécois francophones ou aux Québécois anglophones.

Cette entente est historique en ce sens qu'on reconnaîtra par le biais de cette entente le pouvoir d'Ottawa de dépenser dans des secteurs de juridiction exclusive aux provinces. Pourtant, traditionnellement, au Québec, tous les gouvernements s'étaient refusés à reconnaître la légitimité de la façon de faire du gouvernement central de venir dépenser dans des secteurs de juridiction provinciale, venant ainsi réaliser indirectement ce qui ne lui était pas permis de faire directement.

De tout temps, le Québec a chèrement défendu son autonomie en cette matière et il faut le comprendre de la façon suivante. Si vous reconnaissez le pouvoir d'Ottawa de dépenser dans des champs de juridiction provinciale, il faudra se demander, demain, quand Ottawa aura investi tous les champs de juridiction des provinces, à quoi serviront les Législatures provinciales. Quand il n'y aura plus de pouvoirs qui seront exclusifs aux provinces, à quoi serviront nos lois provinciales? Le Québec l'avait compris peut-être plus tôt, mais certainement de façon beaucoup plus vive que les autres provinces et, de tout temps, on a défendu ce pouvoir du Québec de dépenser dans les juridictions de sa compétence.

Le ministre Rémillard d'ailleurs était tout à fait dans cette lignée, dans cette pensée de ses prédécesseurs. Je me permets de rappeler les propos qu'il tenait au Mont-Gabriel, en mai 1986, et qui révèlent cette vision traditionnelle du Québec.

Le ministre Rémillard disait, à cette occasion: la sécurité culturelle signifie aussi la possibilité pour le Québec d'agir dans ses

champs de compétence sans l'interférence du gouvernement fédéral par son pouvoir de dépenser. On sait que, par ce pouvoir, Ottawa peut dépenser comme il l'entend des sommes d'argent dans tous les domaines, qu'ils soient de sa compétence ou non. Cette situation est devenue intolérable. Elle est, pour l'ensemble des provinces, une épée de Damoclès sur toute politique planifiée de leur développement, tant social, culturel qu'économique.

Il ajoutait: "II apparaît de plus en plus nécessaire que l'on assujettisse l'exercice du pouvoir de dépenser à l'approbation des provinces. Cela contribuerait grandement à bonifier le fonctionnement du régime fédéral." On croirait vraiment entendre un ministre du gouvernement du Parti québécois.

Pourtant, l'entente du lac Meech vient reconnaître le pouvoir de dépenser d'Ottawa. Il est peut-être intéressant de rappeler le libellé de ce paragraphe touchant les programmes cofinancés, et je me permets de le lire. Il est dit: "Le gouvernement du Canada fournit une juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un programme national cofinancé qu'il établit après l'entrée en vigueur du présent article dans un secteur de compétence exclusive provinciale, si la province applique un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux."

Ce texte comporte de nombreuses ambiguïtés. Il aurait été important, pour ne pas dire vital, que l'on puisse y apporter certaines clarifications avant de se livrer au gouvernement central pieds et poings liés.

En effet, comment doit-on définir ce qui est une juste compensation? Il faut se rappeler que la juste compensation est liée au respect de toutes et chacune des dispositions et des conditions explicitées dans cette disposition. Je rappelle qu'il faut que ce soit un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux.

Comment définir une juste compensation? Une juste compensation, cela peut être n'importe quoi à l'exception d'une compensation pleine et entière. S'il s'était agi d'une compensation pleine et entière, on l'aurait indiqué. Donc, juste compensation ne peut être qu'en-deçà d'une compensation pleine et entière.

Si c'est juste et que ce n'est pas plein et entier, qui définira ce qui est juste ou injuste ou inéquitable? Les tribunaux? On connaît les délais pour faire de telles interprétations. À notre avis, c'est une façon qu'a le gouvernement central d'exercer une pression sur les provinces de manière qu'elles acceptent les programmes. Les provinces qui n'accepteront pas les programmes devront accepter une compensation qui sera juste mais certainement en-deçà de ce qui est plein et entier.

Est-ce que le Québec aura les moyens de s'offrir des programmes différents alors qu'il n'aura pas la compensation pleine et entière? C'est de cette façon que les objectifs de développement dans tous les programmes, et en particulier dans les programmes de santé et de services sociaux et en éducation, seront dorénavant fixés par Ottawa.

Pourtant, la leçon des programmes cofinancés ou l'avidité d'Ottawa de vouloir investir les champs de compétence du Québec, on sait ce que cela a donné. Il serait peut-être intéressant de rappeler un peu aux membres de cette Assemblée ce que sont les programmes déjà existants - qui d'ailleurs ne sont pas couverts par cette entente - comment cela procède et ce que cela a donné pour le Québec. Il faut peut-être rappeler, d'abord, que les programmes existants ne sont pas couverts dans l'entente mais posent un certain nombre de problèmes... (16 h 20)

En effet, le gouvernement fédéral participe au financement de la santé et de l'enseignement supérieur au poste secondaire par le biais d'une formule connue sous le nom de financement des programmes établis, FPE. Celle-ci est mise au point sur une base quinquennale par le biais des arrangements fiscaux. Depuis 1982, le gouvernement fédéral a apporté de façon unilatérale des modifications aux arrangements fiscaux qui ont eu comme effet de diminuer sa contribution.

En effet, en 1982, abandon de la garantie de recettes qui avait d'abord été introduite en 1977, ce qui constitue un manque à gagner de plus de 3 000 000 000 $ pour la période de 1982 à 1992. En 1984, la loi C-12, qui consacre le partage de la contribution fédérale entre la santé et l'enseignement supérieur impose un plafond de la croissance des transferts au titre de l'enseignement postsecondaire de 6 % en 1983-1984 et de 5 % en 1985-1986. De l'avis du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, c'est un manque à gagner de 700 000 000 $. La loi C-96 vient, par la désindexation partielle des paiements fédéraux, par la modification de liens entre l'évolution de la contribution totale et la croissance économique, modifier les règles et c'est un manque à gagner de 2 000 000 000 $ d'ici à 1992.

Cette loi a un impact majeur puisqu'elle signifie à long terme une réduction des transferts fiscaux au Québec supérieure à la contribution financière du Québec pour l'enseignement postsecondaire. Le gouvernement précédent avait dénoncé ces mesures, et l'actuel gouvernement, qui était à l'Opposition, n'avait cessé de dénoncer l'incapacité du gouvernement du Parti québécois de défendre les intérêts du

Québec dans ce domaine. On connaît la situation actuelle. Elle a empiré parce qu'on a connu depuis la loi C-96. D'ailleurs, dans ses deux discours sur le budget, le ministre des Finances a dénoncé les décisions fédérales, et particulièrement dans le document de 1986-1987.

Le gouvernement réclame un plus grand respect des juridictions provinciales. Pourtant, on vient reconnaître le droit du Canada de dépenser dans les secteurs de juridiction provinciale, je le rappelle. Le gouvernement réclame un plus grand respect des juridictions provinciales, la limitation du pouvoir d'intervention unilatérale du fédéral par le biais d'ententes formelles entre les gouvernements et le respect des choix budgétaires des provinces. Le gouvernement dénonce le désengagement du fédéral et réclame des points d'impôt pour fins de compensation, mais là, on parle d'une compensation complète. Comment l'actuel gouvernement peut-il, dans ses documents, aujourd'hui, dans le discours sur le budget, réclamer des points d'impôt, un transfert de points d'impôt pour fins de compensation complète alors qu'il se contenterait, dans l'entente du lac Meech, d'une compensation juste qui, rappelons-le, ne peut être qu'en deçà de ce que serait une compensation complète ou encore pleine et entière? Si cette entente est historique, elle passera à l'histoire comme étant un recul majeur par rapport à ce qui avait été traditionnellement contesté, c'est-à-dire le pouvoir d'Ottawa de dépenser dans des secteurs de juridiction provinciale. L'entente du lac Meech ne garantit en rien, mais en rien, qu'il y aura une compensation complète et, je le rappelle, la seule interprétation qu'on peut faire c'est en deçà de complète et de pleine et entière.

Le gouvernement fédéral, cependant, lui, fait des gains importants. Il réalise ainsi un rêve qu'il chérit depuis de nombreuses années. On connaît depuis des décennies les efforts que fait le gouvernement central pour s'ingérer particulièrement dans le domaine de l'enseignement supérieur. Le gouvernement central a toujours voulu fixer les priorités de développement et les objectifs de l'enseignement supérieur. Il va atteindre son but par le biais de cette entente qui lui permettra, dorénavant, d'investir dans les champs de compétence des provinces sans assurer ces dernières qu'elles auront droit à un remboursement plein et entier. Une telle pression sur les provinces les plus pauvres aura les effets qu'on sait: la province ne pourra pas se retirer, donc les objectifs seront fixés par Ottawa et, je me permets de le dire, avec une certaine complicité des autres provinces, si ce n'est pas de toutes les provinces, de la plupart d'entre elles.

Un récent rapport du comité sénatorial sur le financement des universités proposait que le financement des universités relève exclusivement des provinces. L'Association canadienne des universités s'est violemment opposée à cette recommandation du rapport sénatorial et a recommandé précisément l'inverse, que s'il devait y avoir des changements, c'est que le financement et les objectifs de développement devraient 6tre fixés par le gouvernement fédéral.

Je dis: l'entente du lac Meech, par rapport au pouvoir de dépenser, risque peu de soulever des objections dans plusieurs autres provinces qui se feront pour ce secteur, pour cette question, complices du gouvernement central pour faire reculer l'autonomie des autres provinces, mais plus particulièrement l'autonomie qui a toujours été - je le rappelle - par le passé, si chère à tous les gouvernements du Québec comme à tous les Québécois.

Cette question du lac Meech touchant le pouvoir de dépenser a fait l'unanimité des groupes et des experts qui se sont présentés en commission parlementaire. On a dénoncé les dangers d'une telle entente pour les provinces. Il faut se rappeler qu'une telle entente touche profondément à l'autonomie des provinces et, plus particulièrement, à l'autonomie du Québec. Elle le fait d'une double façon. En permettant à Ottawa de dépenser dans des secteurs de compétence du Québec, on vient toucher profondément à l'autonomie du Québec parce qu'on touche à un domaine qui était réservé exclusivement aux provinces, donc au Québec, mais également de double façon, parce qu'on vient dépenser dans un domaine que le gouvernement priorise. On prive ainsi la province de ressources pour agir de la façon qu'elle le voudrait, au moment où elle le souhaiterait et de la manière qu'elle le voudrait. On touche doublement à l'autonomie de la province parce qu'on touche à un champ de sa compétence et parce qu'on prend des sommes d'argent pour définir une façon d'intervenir des domaines d'intervention et à un moment d'intervention qui est fixé par Ottawa et non plus par la province. Cette entente sera historique et elle restera à l'histoire parce que c'est la reconnaissance constitutionnelle du droit d'intrusion du fédéral dans les domaines de compétence exclusive des provinces.

Cette entente sera historique également, nous dit le premier ministre, parce qu'elle reconnaît la société distincte. Pourtant, tous les spécialistes qui sont venus en commission parlementaire se sont dits incapables de nous assurer que cette société distincte permettrait effectivement, dans les faits, de protéger la langue de la majorité du Québec. (16 h 30)

Selon plusieurs de ces spécialistes, ce concept est creux, il est vide. Le refus du gouvernement du Québec d'introduire une clause donnant à l'Assemblée nationale pleine

juridiction sur les politiques linguistiques rend ce concept de société distincte vide de tout sens et laisse aux tribunaux le choix d'interpréter ce qu'on appelle cette règle d'interprétation de la société distincte, en parallèle avec toutes les autres règles d'interprétation qui sont comprises, entre autres, dans la Charte des droits et libertés de la personne.

Comment concevoir que la société distincte puisse inclure de façon certaine le respect de la langue de la majorité et le droit de l'Assemblée nationale de légiférer en matière de langue si on refuse de l'inscrire?

M. le Président, pourriez-vous me dire ce qui distingue la société québécoise si ce n'est sa langue et sa culture? Soustrayez de nos différences la langue et la culture et est-ce que ce qui restera comme société justifiera qu'on modifie la constitution canadienne pour l'y inscrire? S'il ne restait que le institutions, s'il ne restait que le Code civil, est-ce qu'on trouverait... S'il n'y avait pas la langue pour distinguer notre société, s'il n'y avait pas la culture, est-ce qu'on trouverait utile d'introduire une clause pour reconnaître la société distincte?

Je vois, dans cette décision du gouvernement de refuser d'inscrire, dans la définition de la société distincte, les droits de l'Assemblée nationale de légiférer en matière de langue, un recul du gouvernement actuel vis-à-vis des pressions exercées par les autres provinces. Si le premier ministre peut nous dire qu'il était capable d'introduire cette clause dans l'entente du lac Meech et qu'il l'a refusée, c'est qu'il s'est laissé convaincre, pour ne pas dire qu'on l'a convaincu, que c'était inacceptable pour les autres provinces canadiennes. C'est la seule explication. Parce que c'est à l'unanimité des groupes et des intervenants qu'on s'est dit incapables d'interpréter ce que pourrait être l'interprétation qui pourrait être faite de cette règle d'interprétation qui est la société distincte.

Il n'y a rien qui nous dit que cette règle pourrait être interprétée en faveur de la majorité, parce que l'interprétation qui en sera faite devra tenir compte des autres règles d'interprétation touchant, par exemple, la dualité canadienne, la Charte canadienne des droits sur la liberté d'expression et l'égalité des personnes.

D'ailleurs, à l'exception du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et du premier ministre, personne n'a pu nous donner cette garantie. L'actuel gouvernement a là-dessus un double langage. S'il y a quelque chose qui passera à l'histoire, c'est ce double langage. Il y a, d'une part, le premier ministre et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui nous disent que ce concept est inédit et qu'il passera à l'histoire comme étant un gain considérable pour le Québec, et le discours d'un autre ministre du même cabinet, le ministre des Communications qui, précisément, dit le contraire.

Je me permets' de rappeler les propos que tenait le ministre des Communications au sixième congrès d'Alliance Québec le 30 mai 1987. Parlant de ce concept de société distincte, le ministre des Communications dit: "Ce qu'on peut dire, je présume, c'est que personne ne sait exactement comment les tribunaux interpréteront la notion de société distincte parce que la reconnaissance, si jamais on devait l'évoquer, on l'examinera à la lumière d'un vaste ensemble de textes de loi et de jurisprudence." Et il ajoutait: "De toutes les épreuves hypothétiques auxquelles on pourrait la soumettre, la plus exigeante sera sans doute celle des normes enchâssées dans la Charte des droits des personnes."

En effet, M. le Président, à titre d'exemple, comment pourrions-nous refuser que l'anglais, langue seconde, soit enseignée dès la première année du primaire au Québec, alors que le français, langue seconde, est enseignée dès la première année du primaire en Ontario?

L'égalité des personnes, leur liberté d'expression. Comment pourrions-nous, à ce moment-là, interpréter la notion de société distincte? Est-ce qu'elle aura prévalence sur toutes les autres règles d'interprétation, sur la Charte des droits et libertés de la personne? J'en doute.

Je dois dire qu'en ce sens, le ministre des Communications en doutait également. Alors, quand on entend un tel discours qui nous vient d'un ministre et pas n'importe lequel, le ministre des Communications - le ministre des Communications, dans toute société, a un rôle important comme véhicule de la culture de la majorité - quand il est en train de nous dire que l'interprétation qu'on pourrait faire de la société distincte serait simplement de considérer, comme l'estime Alliance Québec, que ce qui distingue la société québécoise, c'est que c'est la seule province au Canada où les anglophones sont minoritaires. Celui qui endosse ces propos, c'est le ministre des Communications qui est assis au même Conseil des ministres que le premier ministre et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. le Président, cette entente restera à l'histoire comme s'étant faite dans le plus total mépris de la population. Le gouvernement nous dit: On a consulté; il y a eu une commission parlementaire. Il faut se rappeler d'abord que la commission parlementaire s'est penchée sur un communiqué de presse, qu'elle était réservée à quelques spécialistes, qu'elle n'a pas été ouverte à tous ceux, toutes celles qui en ont fait la demande.

Par ailleurs, le gouvernement actuel

dit: On aura discuté de cette question aussi longtemps qu'on a discuté de la question référendaire. Il est peut-être important de se rappeler que la question référendaire ouvrait sur un référendum. Si on me disait aujourd'hui que les 35 heures de discussions qu'on a ici en Chambre ouvrent sur un référendum, je n'aurais aucune objection.

Mais ce n'est pas le cas. Les discussions qu'on a aujourd'hui viennent sceller le sort du Québec, sans la participation des Québécois. On vient se livrer à Ottawa les pieds et les poings liés et à la merci des autres provinces qui, elles, procèdent à une longue consultation. C'est l'exclusion de la population qui est tenue volontairement à l'écart.

Cela s'est fait et cela se fait dans le plus total mépris de la population, parce que la population ne pourra pas décemment, j'allais dire, penser tirer avantage d'une participation aux consultations menées par le Sénat ou menées par le gouvernement central.

En effet, comment peut-on envisager sérieusement se présenter devant le comité formé par le Sénat ou formé par le gouvernement central pour fins de consultation sur l'entente du lac Meech? Comment pense-t-on qu'un Québécois ou un groupe de jeunes Québécois pourraient décemment penser infléchir cette décision, alors que le gouvernement du Québec aura, par la plus haute instance du Québec, par le biais de l'Assemblée nationale, décidé du contenu de cette entente?

Toute participation d'un Québécois ou d'un groupe du Québec à la consultation qui sera menée par le Sénat devient, par le fait même, dérisoire. C'est de cette façon que ce gouvernement a choisi de tenir la population éloignée de ce débat. Personne n'aura le goût de se présenter devant ces commissions pour essayer de faire valoir des points de vue qui seraient divergents de ce qui aura été adopté, je le rappelle, par la plus haute instance au Québec. (16 h 40)

Le gouvernement, en tenant ce débat à la veille ou même pendant les vacances table sur l'inertie de la population, l'inertie des Québécois. Pourtant, il aurait eu davantage de poids s'il avait choisi de tabler sur l'appui de la population et non pas sur son indifférence momentanée qui risque de se tourner contre ce gouvernement. J'aimerais, à la suite de la FTQ, redire 'le message que livrait celle-ci en commission parlementaire: Nous vous invitons aussi à prendre tout le temps nécessaire pour bien mesurer la portée des textes que vous signerez. Vous n'avez pas le droit de vous tromper et d'engager, par le fait même, l'avenir du Québec sur des voies néfastes. La façon la plus sûre d'éviter cela, c'est de pousuivre le plus ouvertement, le plus fréquemment possible, le débat qui s'amorce. Mettez la population dans le coup, vous en gagnerez un appui qui donnera du poids à vos arguments. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je cède la parole à M. le député de Sauvé.

M. Marcel Parent

M. Parent (Sauvé): Merci, M. le Président. Il est des moments dans la vie d'un homme public où nous avons à prendre des décisions d'importance, plus cruciales les unes que les autres. Avoir à intervenir à un moment historique de l'histoire du Québec est, pour un député, un devoir et une obligation. Lorsque j'ai été élu député, mes amis me demandaient: Qu'est-ce qui t'a le plus frappé dans ton nouveau métier de député? Au moment où tu as été assermenté? Au moment où tu as fait, en Chambre, ton premier discours?

Oui, ce sont des moments importants, des moments même enivrants pour quelqu'un qui arrive dans la vie publique, de prêter serment, de défendre les intérêts de l'ensemble de la population et de bien servir les gens qui l'ont élu, de parler au salon bleu, de livrer un message à l'Assemblée nationale, c'est très important. Mais ce qui m'a touché le plus et ce qui m'a le plus fait réfléchir, c'est au moment où j'ai voté pour la première fois. La première fois que je me suis levé et que j'ai voté avec mon parti, que j'ai appuyé une politique, je me suis demandé si je représentais réellement les préoccupations des gens qui m'avaient élu.

Le deuxième moment le plus important pour moi, ici à l'Assemblée nationale, je le vis actuellement en prenant part au débat constitutionnel. Y a-t-il un moment plus important dans l'histoire d'une société, dans l'histoire d'un pays que le moment où il se donne des structures, où il se dit: Je me donne qualité d'être capable d'opérer à l'intérieur de structures politiques. C'est pour cela que tous les députés de l'équipe ministérielle vivent aujourd'hui un moment important de leur vie de député. Nous allons tous ensemble dans quelques heures appuyer l'effort de l'équipe Bourassa-Rémillard qui a devant le gouvernement canadien défendu, comme de vrais Québécois, les intérêts du Québec.

L'Opposition nous a reproché, depuis le début de ce débat, d'amener ce débat constitutionnel en catastrophe, d'une façon précipitée, à la fin de la session. Eh bien! Non, M. le Président, on ne peut pas accepter pareille accusation. Le débat constitutionnel pour un Québécois, pour un francophone a commencé en 1867 au moment de l'institution de la Confédération canadienne. On se rappellera toujours les

débats, les discussions entre le Haut-Canada et le Bas-Canada. Toujours, le Québec a dû se battre et se défendre pour tâcher d'avoir une place au sein de la Fédération canadienne. Cela a duré jusqu'à nos jours, plus particulièrement jusqu'en 1980 lors du référendum. À ce moment-là, l'ensemble du Québec a porté un jugement, l'ensemble du Québec a dit au Canada: Nous voulons demeurer à l'intérieur de la Fédération canadienne. Nous ne voulons pas nous isoler, nous ne voulons pas nous "ghettoïser". Après, en 1981, lors des débats et des discussions pour le renouvellement de la constitution, encore là les porte-parole du Québec qui, à ce moment-là, étaient les porte-parole du gouvernement actuellement dans l'Opposition, sont allés perdre le peu de droits que possédait le Québec, soit son droit de veto.

Et on nous dit: Vous amenez cette discussion-là en catastrophe. Non, on en a parlé lors du référendum; on en a parlé en 1981; on en a parlé en 1982 et, le 30 avril dernier, au lac Meech, l'équipe de M. Bourassa et les dix premiers ministres des provinces acceptaient une entente de principe basée sur la fierté du Québec, la fierté des Québécoises et des Québécois d'adhérer à la fédération canadienne dans l'honneur et le respect. Le 3 juin, les dix premiers ministres encore réunis avec le premier ministre du pays sanctionnaient les textes juridiques qui officialisaient l'entente de principe qui avait été signée au lac Meech le 30 avril. Et on appelle cela une discussion précipitée, une discussion de fin de session. Eh bien non, cela dure depuis cent ans, la discussion constitutionnelle. Par contre, il fallait arrêter d'en parler. Il fallait arrêter de rêver, il fallait arrêter d'idéaliser et il fallait devenir efficace. C'est ce que le gouvernement du Parti libéral a fait.

On nous a dit: Vous faites cela en catimini; vous n'en parlez à personne; vous faites cela en fin de session. On n'était pas, en fin de session au mois d'avril ou au début de mai lorsque, pendant 55 heures, en commission parlementaire, nous avons discuté, analysé l'entente du lac Meech. Des experts, des constitutionnalistes, des groupes importants de la société québécoise sont venus témoigner et sont venus donner un éclairage au gouvernement, à l'équipe Bourassa-Rémillard. Ils sont venus dire: Bien, on a des doutes sur ça; vous devriez faire attention à ça; vous devriez améliorer ça. Eh bien, on les a écoutés. Cela n'a pas été de la foutaise ces 55 heures en commission parlementaire; cela a servi à bonifier l'entente du lac Meech et cela s'est traduit par la rédaction et l'acceptation des textes juridiques le 3 juin dernier.

On n'a pas fait cela en catimini. On n'a pas fait cela en cachette. Lorsqu'en 1982, 1983 et 1984 les instances du Parti libéral s'engageaient à faire en sorte que le

Québec réintègre la Fédération canadienne dans l'honneur et dans le respect, sous l'équipe de M. Ryan, dans le livre beige, dans les engagements politiques du Parti libéral, on ne s'était pas caché. On s'était affiché comme un parti fédéraliste qui ferait le nécessaire pour que le Québec joue son juste rôle à l'intérieur de la fédération, pour que le Québec soit un partenaire majeur de cette Fédération canadienne, un parti qui ferait en sorte que la dualité des deux nations soit reconnue et que le français demeure officiellement la langue officielle au Québec. Eh bien, ça, on l'a fait dans la définition de la société distincte.

Il est certain que n'importe quelle solution, M. le Président, qui aurait été présentée devant l'Assemblée nationale, ici, la meilleure solution pour intégrer, pour rapatrier le Québec au sein de la Fédération canadienne n'aurait jamais satisfait nos adversaires parce que l'ambition de nos adversaires, c'est de ne jamais adhérer à la Fédération canadienne. Alors le discours que l'on tient actuellement, il pourrait durer pendant des ans. Non, on ne tombera pas dans ce piège. Il perdure depuis cent ans et, d'une façon beaucoup plus concrète, depuis six ans. Maintenant, il est temps de passer aux actes. Tous les intéressés, tous les groupements importants de la société ont eu la chance de se faire entendre. Tous les éditorialistes des grands journaux ont donné leur opinion et, en général, nous avons la conviction que l'entente constitutionnelle qui a été signée le 3 juin dernier répond aux aspirations de l'ensemble des Québécois.

Il est certain qu'un indépendantiste, un souverainiste, ne peut pas être d'accord avec cela. Je les comprends et je les respecte. Mais ce ne sont pas eux qui ont gagné l'élection du 2 décembre dernier. Le 2 décembre dernier, l'ensemble de la population du Québec a élu un Parti libéral à vocation fédéraliste qui s'est engagé à faire en sorte que, dans le respect et dans la dignité, le Québec puisse continuer à jouer son râle de partenaire majeur au sein de la fédération. (16 h 50)

L'entente constitutionnelle du 3 juin n'est peut-être pas parfaite mais, contrairement à ce qu'affirment les prophètes de malheur, cette entente comporte des gains appréciables pour notre province. Pour la première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct de la société québécoise en l'inscrivant dans la loi suprême du pays et l'Assemblée nationale, nous, M. le Président, avons la responsabilité de protéger et de promouvoir ce caractère distinct. Qu'est-ce qu'on peut demander de plus? On l'a, pour la première fois, inscrit dans la constitution.

En matière d'immigration, je n'ai pas à élaborer ici très très longtemps sur le phénomène de dénatalité que vivent le

Québec et l'Amérique du Nord. Si on veut conserver le fait français au Québec, il faudrait se donner des moyens pour pouvoir mieux contrôler notre immigration. L'entente qui a été signée le 3 juin dernier nous donne ces garanties.

En matière d'immigration, le Québec a obtenu des pouvoirs additionnels majeurs qui, en plus d'une confirmation de pouvoirs déjà présents dans l'entente Couture-Cullen, donneront désormais au Québec des moyens d'affronter l'avenir avec confiance, de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques migratoires, démocratiques et familiales qui assureront la pérennité du caractère français de la société québécoise et de son importance au sein de la fédération canadienne.

Pour les milliers de Québécois qui livrèrent la bataille du référendum dans l'espoir de trouver une place meilleure pour le Québec au sein d'un Canada renouvelé, l'accord du lac Meech est certainement le début d'un processus qui pourra ensuite embrasser l'autre volet non moins important de la réforme constitutionnelle souhaitée, soit celui de la révision des pouvoirs.

Si, en 1980, nous avons voté non au référendum, c'est parce que nous avons cru que le Québec et le Canada pouvaient donner aux Québécois un Canada renouvelé. Aujourd'hui, en 1987, après l'époque du référendum, l'équipe de M. Mulroney...

M. Boulerice: Question de règlement.

Le Vice-Président: M. le député de Sauvé, un instant!

Sur un rappel au règlement, M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, au moment où effectivement...

Le Vice-Président: Rapidement, M. le député.

M. Boulerice: ...on veut faire entrer le Québec dans la confédération canadienne, il n'y a pas quorum de l'autre bord. Ils vont voter, ils ne sont même pas là.

Le Vice-Président: D'accord. Très bien. Je vous ferai remarquer que si vous avez un rappel au règlement vous devez soulever uniquement le point en question et non pas amorcer un débat. Je constate que nous n'avons pas quorum et je demanderais qu'on appelle les députés.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons maintenant quorum.

M. le député de Sauvé, vous pouvez poursuivre votre intervention.

M. Parent (Sauvé): C'est avec plaisir que je vois qu'il manquait peut-être un ou deux députés du parti ministériel pour former quorum pendant qu'il n'y avait que deux députés de l'Opposition assis à leur place, de l'autre côté.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Parent (Sauvé): J'enchaîne, M. le Président, en vous disant qu'aujourd'hui, en 1987, l'honorable Brian Mulroney, le premier ministre du Québec, le ministre délégué aux affaires canadiennes ont fait en sorte que les engagements pris par l'équipe du non au référendum se réalisent: un Canada renouvelé, un Canada décentralisé et une participation majeure du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne.

Pour la première fois dans l'histoire du Canada, depuis 1867, dans la charte canadienne, dans la constitution, le Québec aura des droits en tant que société distincte, des pouvoirs quant à l'immigration; il pourra participer à la nomination des juges de la Cour suprême, il aura un mot à dire dans le pouvoir de dépenser. Autrement dit, il deviendra officiellement, avec la signature de cette entente et le vote que l'on tiendra dans toutes les Assemblées législatives du Canada, ce qu'il aurait toujours dû être: un partenaire majeur et probablement le plus important de la fédération canadienne. C'est pourquoi j'invite tous les membres de l'Assemblée nationale, demain, à venir voter et dire leur accord avec cette entente qui a été signée à Ottawa le 3 juin dernier. Cela peut être difficile pour les gens de l'Opposition, parce que cette entente, cette affirmation nationale du peuple québécois a été faite par le Parti libéral qui est au pouvoir actuellement. J'invite l'Opposition, si elle est sincère, ses affirmationnistes, eux qui nous disent: Nous voulons voter pour une idéologie qui s'appelle l'affirmation nationale. Nous sommes des séparatistes, nous sommes des souverainistes, mais on va mettre cela en catimini, on va affirmer la fierté nationale. Eh bien! c'est le temps.

Dans toute l'histoire du Québec, jamais l'affirmation nationale n'a été aussi présente. Alors, je vous invite, les 122 députés de l'Assemblée nationale, demain après-midi, d'un commun accord, dans un geste fait de dignité et de fierté, à voter pour les accords qui ont été signés le 3 juin dernier à Ottawa. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Que d'aberrations n'aura-t-on pas entendues, M. le Président, lors de ce débat trop court, soit dit en passant, par lequel on s'apprête à pendre l'avenir du Québec!

Avant de commencer, et en espérant que vous allez ajuster les micros parce qu'il y a...

M. Boulerice: Question de règlement, M. le Président. Je viens d'entendre des interventions...

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Saint-Jacques. Je vous donne la parole sur un appel au règlement.

M. Boulerice: Je voudrais bien que le député d'Ungava intervienne, mais j'entends des interventions de l'autre côté. N'y a-t-il pas un règlement qui oblige, pour intervenir, d'être à son fauteuil?

Le Vice-Président: Tout député qui doit intervenir doit le faire de son fauteuil. C'est ce que le règlement nous dit. Maintenant, quand un député a la parole... Un instant. M. le député, je vais vous rappeler à l'ordre parce que je suis en train de parler. Je vous demanderais de ne pas parler à d'autres députés. Vous reprochez à certains députés de parler pendant qu'un autre député parle. Vous faites exactement la même chose actuellement. Je vais demander la collaboration de l'ensemble des parlementaires pour respecter le droit de parole, pour écouter celui qui a la parole et ne pas intervenir en même temps. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. J'allais vous demander d'ajuster les micros ou le son parce que je croyais que le "grichage" que j'entendais de l'autre côté venait du système de son.

Toujours est-il, M. le Président, qu'avant de commencer mon intervention, j'aimerais faire une petite mise au point avec nos collègues de l'aile ministérielle que je respecte énormément, mais à qui je suggérerais de commencer par apprendre à connaître un peu le programme de leur parti avant de se permettre de critiquer ce qui se passe dans le nôtre. S'ils avaient lu le programme de leur parti et s'ils avaient fait attention à tout ce qu'ils ont promis en campagne électorale, probablement qu'on n'en serait pas où on en est aujourd'hui. Il est fort possible que, s'ils avaient réalisé tout ce qu'ils ont promis, le Québec serait plus debout que ce qu'ils sont en train de faire avec actuellement.

D'autant plus aussi qu'au lieu peut-être de s'attarder au programme du Parti québécois, ces gens auraient mieux fait de lire le texte de l'entente du 3 juin. Ils auraient peut-être été plus en mesure de parler de choses qu'ils connaissent ou de choses qu'ils devraient connaître tout au moins, de ne pas parler sur n'importe quoi de n'importe quelle façon. Nous, on a en main le texte du 3 juin. On n'a pas à se fier aux discours qui nous sont décrits par d'autres pour savoir ce qu'on va dire en Chambre. On part du texte et on le regarde. On le lit attentivement et on constate ce qu'il y a là-dedans. Ce serait probablement plus rentable pour le peuple du Québec que ces gens s'attardent à essayer de comprendre ce qu'ils essaient eux-mêmes de dire plutôt que d'essayer de comprendre ce que d'autres font ou disent. J'ai l'impression qu'ils ont de la difficulté à comprendre leurs propres propos.

Puisqu'on a justement en main le texte du 3 juin, le texte de l'entente constitutionnelle, le fameux texte historique, quelques petites pages à la sauvette, dont il est question depuis quelques jours, eh bien! reprenons-le, regardons vraiment ce qu'il y a dans le texte. On va peut-être comprendre pourquoi justement nous, de l'Opposition, ainsi que probablement une large partie de la population du Québec, ne sommes pas d'accord avec ce que le gouvernement actuel est en train de faire. (17 heures)

Ce gouvernement est en train de voter à la toute dernière minute, en fin de session, en profitant de la fermeture des classes, en profitant du moment où les Québécois se préparent à prendre des vacances d'été bien méritées après un dur hiver... Le gouvernement profite de ce moment pour adopter en vitesse une entente constitutionnelle qui va lier, qui va mettre des menottes, dans l'histoire du Québec, pour l'avenir du Québec, son développement. C'est absolument inadmissible. Regardons ce qu'il y a dans le texte. Regardons. J'inciterais tous mes collègues de l'aile ministérielle, qui ont sûrement le texte en main puisqu'ils osent en parler, à suivre en même temps, de leur pupitre, pendant que je vais lire le texte. Est-ce que chacun a sorti son texte?

Des voix: Oui.

Le Vice-Président: Un instant. M. le député d'Ungava, je vais demander la collaboration des députés. J'ai demandé tantôt d'écouter attentivement les propos. Je vais simplement vous rappeler à l'ordre. J'ai remarqué que quelquefois, dans les interventions au cours de la présente journée... L'article du règlement que je veux citer, je demanderais aux députés de le respecter. "Le député qui a la parole ne peut s'adresser directement à un autre député". Ça s'est fait des deux côtés de l'Assemblée, je dois le reconnaître. Je vous demanderais, si on veut éviter des réactions, des commentaires et des discussions, d'un côté et de l'autre, pendant une intervention, de ne pas interpeller les gens, même globalement. Je demande la collaboration de l'ensemble des députés, s'il vous plaît, et d'éviter les caucus également. M. le député d'Ungava,

vous avez la parole.

M. Claveau: M. le Président, je passerai donc par vous, puisque vous le désirez, pour demander à mes collègues de l'aile ministérielle de sortir leur texte et de bien vouloir le suivre en même temps que je lis à haute voix pour tous nos amis contribuables membres de ce peuple québécois, qui, malheureusement, n'ont pas pu l'avoir, parce qu'on l'a eu à la toute dernière minute nous aussi.

Voyons voir de quoi on parle quand on parle de société distincte dans la fameuse entente constitutionnelle du 3 juin. Je lis parce qu'il me semble que ce n'est pas tout le monde qui l'a: La reconnaissance de ce que l'existence de Canadiens d'expression française, concentrés au Québec mais présents aussi dans le reste du pays, et de Canadiens d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais aussi présents au Québec, constitue un caractère fondamental du Canada.

M. le Président, ces gens peuvent bien se permettre d'applaudir. Qu'est-ce que cela dit, effectivement? Qu'y a-t-il là-dedans de nouveau par rapport à ce qu'on connaît? Ne serait-ce pas là une vérité de La Palice? On essaie d'exprimer dans un texte quelque chose que tout le monde sait. Qui plus est, M. le Président, je pourrais reprendre le même texte, mais en changeant juste un peu les mots, et on va voir si l'expérience... Peut-être que ça ferait comprendre dans quoi exactement on se situe quand on parle de ça, quand on dit: Qu'est-ce que c'est la société distincte? Je pourrais me permettre, pour cette Chambre et l'ensemble de nos amis du peuple québécois, de reprendre le texte autrement. On pourrait dire, par exemple: La reconnaissance de ce que l'existence de Canadiens d'expression française concentrés dans l'est de Montréal, mais présents aussi dans le reste de Montréal, et de Canadiens d'expression anglaise concentrés dans le West-Island, mais aussi présents dans le reste de Montréal constitue un caractère fondamental de Montréal.

Voilà, M. le Président, de quelle façon on pourrait voir ce texte. Cela peut s'appliquer à n'importe qui, n'importe où, n'importe comment. Il y a là une notion de régionalisme, une simple notion de réduire le problème de la société distincte au Québec à un problème de conjoncture régionale, à une suite historique d'un problème qui a été vécu dans l'histoire et qui a donné ce que l'on a aujourd'hui et qui fait en sorte qu'on a un peu plus de francophones au Québec qu'ailleurs et qu'ailleurs, il y a un peu plus d'anglophones qu'au Québec, mais que les deux s'entremêlent et que, finalement, cela peut tout s'organiser pour faire un seul et même grand pays. Voyons donc, M. le Président. C'est là la simplification extrême de ce qu'est la société distincte. C'est là essayer de nous faire une démonstration par l'absurde que l'on existe réellement au Québec. On le sait qu'on existe au Québec en tant que francophones. On sait qu'on a la large majorité de la population au Québec qui est francophone. On sait qu'on veut mettre en place toutes les mesures nécessaires pour que les immigrants s'intègrent à la société francophone du Québec. On sait ça.

On sait aussi qu'en tant que francophones au Québec, on a toujours eu à se battre... Le député de Sauvé avait raison tout à l'heure de dire que la démarche du peuple du Québec est une longue démarche historique et difficile pour essayer de s'affirmer dans un contexte qui n'est pas nôtre. Il avait tout à fait raison de le dire, sauf que sa conclusion n'était pas tout à fait en accord avec les prémisses qu'il avançait. Ce n'est pas parce qu'on signe demain matin une petite entente constitutionnelle discutée à la hâte, par des gens qui étaient pressés de régler on ne sait quoi et on ne sait pourquoi, ce n'est pas parce qu'on a signé cela qu'on va régler, demain matin, le problème du peuple du Québec.

Ce n'est pas parce qu'on a signé cela qu'on va changer l'histoire de ce qu'il y a là depuis 1760; ce n'est pas parce qu'on a signé cela que, demain matin, les anglophones du Canada vont regarder les francophones du Québec avec un sourire d'admiration, avec des yeux admiratifs et qu'ils vont dire: Ahî mais on vous découvre enfin, on ne vous avait jamais vus! On ne croyait pas que vous étiez si beaux, que vous étiez si fins; c'est vrai, on vient de comprendre et on va vous donner toutes les chances possibles. On va vous intégrer dans notre belle et grande confédération canadienne. Vous allez être égaux à nous autres, on va vous donner toutes les chances. Voyons donc! Il faudrait être - il y a des mots qu'on ne peut pas dire en Chambre - un minimum naïf pour croire qu'à partir de la signature d'un texte semblable, de quelques paragraphes, on va changer l'histoire canadienne, l'histoire de ces deux peuples qui se sont partagé difficilement, je dirais pratiquement de force...

M. Boulerice: Des Valium là, hein!

M. Claveau: ...une partie de territoire qui se trouve à l'extrémité nord de l'Amérique. Ce n'est pas cela qui va changer l'histoire. Ce n'est pas parce qu'on a signé cela que, demain matin, on va oublier ce qui s'est passé.

La vérité, elle est là. La vérité est dans le fait que la société québécoise sera toujours distincte du reste du Canada, une société qui ne sera pas une société

anglophone, une société qui aura son vécu et son histoire propre et qui, pour survivre, aura dû se battre continuellement et va devoir continuer à le faire. Elle va devoir continuer à le faire avec d'autant plus d'acharnement qu'à partir de maintenant, on va laisser croire que les choses vont bien et que, finalement, on est intégré dans ce beau et grand pays dans lequel on ne s'est jamais reconnu et dans lequel on ne se reconnaîtra pas plus au lendemain de la signature de ce texte qui se veut un texte de sauveur.

Je dirais que c'est probablement le plus beau texte pour endormir le peuple du Québec, mais un peuple ne s'endort pas comme cela. On n'arrête pas un peuple en devenir et c'est ce que ces gens vont apprendre, à leurs dépens, puisqu'ils ne veulent pas nous écouter.

On n'arrête pas un peuple qui prend conscience de ce qu'il est; on n'arrête pas un peuple qui veut faire sa démarche vers son autonomie totale et complète. Cela ne s'arrête pas ou cela ne s'arrête pas pour le moins à partir d'un simple petit texte où on dit: Cela nous fait plaisir de vous avoir avec nous et, à partir de demain matin, vous, les francophones, vous êtes beaux, on vous découvre tout à coup; on ne vous avait jamais vus autrement qu'avec des cuillères de bois et dansant la claquette.

Vous pensez que c'est cela qui va changer l'avenir du Québec? Si ces gens-là se leurrent eux-mêmes, ils ne nous leurreront pas, ni la population du Québec, parce que nous allons être là pour démontrer toute la fanfaronnade qu'il y a derrière cette démarche.

Je me demande quels sont les intérêts... Qu'est-ce qui fait que ces gens-là ont peur de s'affirmer tels qu'ils sont? Qu'est-ce qui fait que ces gens là ont tendance à se diminuer eux-mêmes au lieu d'exprimer toute la fierté qu'il y a à appartenir à un peuple noble, à un peuple qui se tient debout, à un peuple qui regarde avec confiance son avenir? Ces gens viennent nous dire: Nous avons travaillé pour le non au référendum, nous sommes fiers d'y avoir travaillé, un non voulait dire un consensus nouveau pour un Canada renouvelé. Oui, M. le Président, on sait ce que le Canada renouvelé a donné depuis 1980; on sait de quelle fierté ces gens peuvent parler quand ils parlent d'avoir travaillé pour le non. Ils parlent de la fierté d'avoir mis un peuple à genoux; c'est de cela qu'ils parlent, c'est leur fierté parce qu'il n'y en a pas d'autre.

Le Québec n'a jamais été dans une situation aussi difficile dans ses relations avec les autres provinces canadiennes, dans ses relations économiques et commerciales avec l'Ontario que depuis que ces gens ont travaillé pour le non lors du référendum en 1980, alors qu'on avait là une occasion historique, certes là une vraie occasion historique, de se lever debout, de s'affirmer dans ce qu'on était, de se renégocier une véritable nouvelle entente avec le reste canadien, de se renégocier les bases fondamentales d'un développement conjoint, mais dans lequel chacun s'occupait de ses affaires. Eh bien, ces gens-là ont travaillé contre et, aujourd'hui, ils viennent nous dire: On a trouvé la solution pour que le Québec soit lui-même. (17 h 10)

Voyons doncï Comment voulez-vous être vous-mêmes quand vous donnez à votre voisin toutes les possibilités de venir gérer chez vous. J'ai toujours dit - et je continue à le croire, je suis certain que tous ici seront d'accord avec moi - qu'un bon voisin, un voisin avec lequel c'est plaisant de partager son espace de vie, c'est un voisin qui se mêle de ses affaires, M. le Président. Il n'y a pas plus tannant qu'un voisin qui vous dit qu'il n'aime pas la couleur de votre galerie ou que les rideaux de la cuisine qui donne sur sa cour l'énervent et que vous devriez changer de rideaux de cuisine. Il n'y a pas plus tannant qu'un voisin qui n'est pas d'accord parce qu'il trouve que vous n'avez pas une voiture assez belle pour la garer, dans la cour, juste à côté de chez lui. Il n'y a pas plus tannant comme voisin. Eh bien, c'est cela qu'on est en train de faire actuellement. On est en train de donner la possibilité à notre voisin canadien de venir s'ingérer dans toutes nos affaires, partout! C'est cela qu'on est en train de faire.

Comment est-ce qu'on est en train de faire cela, entre autres? On est en train de le faire en lui donnant des pouvoirs accrus par son pouvoir de dépenser. Oui, M. le Président, pour une fois, on va retrouver, dans le texte constitutionnel canadien, la possibilité pour le gouvernement central, un gouvernement qui, lui, n'a pas froid aux yeux, qui lui ne marche pas à genoux, un gouvernement qui va être plus fort que jamais, plus centralisateur que jamais, d'agir sous des apparences peut-être un peu décentralisatrices, des apparences régiona-listes. Il reste que le pouvoir sera au niveau central et c'est dit à plusieurs reprises là-dedans, M. le Président. C'est dit à plusieurs reprises. Quand on dit, par exemple, sur la question du pouvoir de dépenser, qu'il va être impossible pour une province de se retirer d'un programme ou de pouvoir bénéficier d'une juste compensation... C'est un terme à définir, soit dit en passant, un terme plutôt flou, mais il sera impossible de bénéficier d'une compensation si la politique ou si le programme mis en place dans ladite province ne répond pas aux objectifs nationaux. Est-ce assez clair, à savoir qui décide? C'est le voisin qui vous dit de quelle couleur peinturer votre galerie, M. le Président. Et vous lui dites: Oui, je vais acheter ma peinture tout de suite, à la

course, parce que je veux te faire plaisir.

C'est cela qui va se passer. On donne la possibilité au gouvernement central, fédéral d'intervenir chez nous, à sa guise. Si on n'est pas d'accord, bien on nous dira: Tu peux toujours te retirer si tu n'es pas d'accord; retire-toi, mais tu vas payer la note, par exemple, parce que c'est nous autres qui fixons, en tant que gouvernement central, les grandes orientations dans lesquelles tu vas devoir te diriger, mon ami. Si tu ne vas pas par là, bien, c'est bien de valeur, mais tu t'en feras un petit programme à toi, mais tu paieras pour. C'est cela que ça dit le pouvoir de dépenser. C'est exactement ce que cela dit. Pour ceux qui ont le texte devant eux, ici, et qui le suivent attentivement, comme je le fais, ils comprendront que c'est exactement ce qui est dit en page 4, à l'article 7, la modification 106A à la Charte constitutionnelle canadienne de 1982.

Parlons d'immigration, M. le . Président, puisque ces gens-là... La ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration se disait fière de pouvoir enfin contrôler l'immigration. Foutaise! M. le Président. Tromperie! Elle n'a probablement pas lu le texte et s'est fiée aux notes que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ou que le premier ministre lui ont données pour faire son discours parce qu'elle n'a sûrement pas lu le texte pour dire cela.

Regardez ce que dit le texte de l'entente du 3 juin 1987 à Ottawa, en page 2: Modification à l'article 95B, paragraphe (2), on dit: "L'accord, - accord qui va se faire entre une province et le gouvernement central en matière d'immigration - ayant ainsi force de loi n'a d'effet que dans la mesure de sa compatibilité avec les dispositions des lois du Parlement du Canada - je ne parle pas d'autre chose là - qui fixent les normes et objectifs nationaux relatifs à l'immigration." C'est cela qui est écrit noir sur blanc. Quand la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration dit: Ah! On est tellement content, enfin on va pouvoir prendre nos décisions, foutaise! Elle n'a sûrement pas lu le texte, M. le Président. C'est cela qu'il dit le texte. Et il dit que, pour qu'il y ait une entente qui soit possible dans le domaine de l'immigration et pour que cette entente devienne force de loi après un accord avec le gouvernement fédéral, elle devra suivre, se conformer fondamentalement, en tout et en partie, aux normes et aux objectifs nationaux relatifs à l'immigration.

À moins que je ne me trompe, dans ce texte, national, cela ne veut pas dire Québec, national, cela veut dire Canada. Ce n'est pas la constitution du Québec qu'on a là, c'est la constitution du Canada dans laquelle on essaie de faire un trou pour le

Québec afin de pouvoir mieux le contrôler. C'est exactement ce que dit le texte ici. J'inviterais la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, la prochaine fois qu'elle aura à intervenir en Chambre, d'au moins faire son texte elle-même ou, du moins, de lire sur ce dont elle parle, parce qu'il y a loin d'être fière de dire: Je vais être la botte aux lettres du ministère de l'Immigration fédéral. Mais c'est exactement ce à quoi la ministre se réduit elle-même avec un beau grand sourire béat. C'est exactement ce à quoi elle se réduit et ce qu'elle accepte d'emblée, sans même se poser de question.

Ce n'est plus le gouvernement du Québec; ce ne sera pas le gouvernement du Québec qui va faire ses objectifs, qui va donner ses plans par rapport à l'immigration, qui va faire que son idée par rapport à une politique d'immigration va avoir prépondérance sur les autres. Non, ce n'est pas cela qui va se passer.

On dit: Oui, on va être capable de t'accorder une possibilité de dire ce que tu penses, toi, le Québec, quand tu vas vouloir les normes, les quantités d'immigrants, la sorte d'immigrants que tu vas vouloir avoir. On peut faire des ententes là-dessus. Mais il faudra que ces ententes soient toujours conformes à la politique fédérale, avec les objectifs qui auraient été fixés par le gouvernement central. Et ces gens-là s'empressent d'applaudir à une telle politique.

Quand on dit que ce sont des gens qui sont en train de mettre le Québec à genoux, on en a là les plus belles preuves. Des politiques! On va enchâsser le Québec dans un mécanisme constitutionnel où il n'aura plus aucun pouvoir décisionnel, autant par rapport à la société distincte, parce qu'on n'en définit pas, en aucune façon. On ne dit pas ce que c'est, sauf qu'on dit qu'il y a plus de francophones au Québec qu'ailleurs au Canada, ce que tout le monde avait compris bien avant le texte de 1982 et bien avant ce texte du 3 juin 1987. Cela, tout le monde le savait.

Là, on ne dit pas ce que cela veut dire. Mais, en pratique, on ne dit pas vers quoi ça va tendre. On dit simplement: Cela va être ça, une société distincte et on ajoute en plus, on s'empresse en plus d'ajouter, quand on parle de société distincte et cela, encore, c'est dans le texte: Le présent article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs, droits ou privilèges du Parlement ou du gouvernement du Canada ou des Législatures ou des gouvernements des provinces, y compris à leurs pouvoirs, droits ou privilèges en matière de langue. Est-ce assez clair?

On a une belle société distincte au Québec, mais ce n'est pas nous qui décidons? Cela va être quoi, notre distinction, par exemple? Cela va être le pouvoir central là-

bas, avec un Parlement qui nous fait dos, un Parlement qui nous tourne le dos le long de la rivière Outaouais, qui va décider quels doivent être les critères fondamentaux qui vont faire que le Québec va être distinct du reste.

Ce n'est pas nous qui allons légiférer là-dessus; ce n'est pas nous qui allons déterminer quelles sont nos différences, à part le fait de savoir qu'on parle français. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui vont venir me contester ici quand je dis qu'il ne doit pas y avoir beaucoup d'autres Parlements au Canada qui légifèrent en français. Cela, on le savait.

Mais, à part cela, qui va déterminer les grands critères, les lignes maîtresses? Qui va mettre en place les grandes politiques qui vont déterminer ce qui est différent au Québec qu'ailleurs. Ce n'est pas nous autres; c'est bien clair. On dit que cet article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs, droits ou privilège du Parlement ou du gouvernement central canadien.

Ce sont eux qui vont décider pour nous ce qu'on est comme société. Si on n'est pas d'accord, on n'aura qu'à se plier, parce qu'on va avoir signé le papier; on va leur avoir donné le pouvoir de le faire. On leur donne le pouvoir de déterminer qui on est - est-ce assez fort, cela, M. le Président - et on va applaudir à cela.

Ils nous demandent d'applaudir à un geste pareil. Ils nous demandent d'applaudir quand on dit au voisin: Dis-moi donc de quelle couleur je devrais peinturer ma galerie. C'est incroyable ce qu'on nous amène là. C'est absolument aberrant. Et on voudrait que le peuple québécois soit d'accord avec cela. Certes, ces gens-là ont tout intérêt à le passer rapidement en catimini, en fin de session, pendant que tout le monde prépare ses vacances d'été, parce qu'ils n'ont pas intérêt à ce qu'on en discute trop longtemps, sinon, ils se verraient dételés comme ils l'ont déjà été une fois lorsqu'ils ont essayé de toucher à la loi 101.

On n'arrête pas comme cela un peuple en devenir. Plus on essaie de lui piler sur la tête, plus on risque de payer un jour. Ces gens-là auraient dû comprendre les leçons du passé, auraient dû comprendre le mécanisme historique qui a fait que le peuple francophone au Québec a réussi à survivre dans une mer anglophone qui lui était hostile. (17 h 20)

C'est presque une erreur historique, la survivance du fait français au Québec. Quand on constate...

Des voix: Wo!

M. Claveau: Oui, M. le Président, je n'ai pas honte de le dire. Quand on constaté que des empires, comme l'empire romain qui contrôlait presque toute l'Europe, sont nés, ont grandi et se sont détruits eux-mêmes en l'espace d'environ 400 ou 500 ans, si on suivait le même cheminement, il y a longtemps qu'il n'y aurait plus de francophones au Québec. Si ce peuple a survécu à partir d'une poignée de francophones lors de la conquête anglaise de 1760, c'est parce que ces gens avaient du coeur au ventre et qu'ils avaient envie de se battre pour ce qu'ils étaient, ils n'avaient pas envie de lâcher le morceau. Sinon, on aurait été engloutis, envahis par la mer anglophone qui a pris tout le reste du continent nord-américain.

C'est une erreur historique en soi que les Québécois soient restés un peuple francophone fort, dynamique, déterminé dans cette mer anglophone. Ces gens-là auraient dû comprendre le cheminement historique de 300 ans de ce peuple et se dire que ce n'est pas par une petite signature de dernière minute, où on veut donner aux autres le pouvoir de décider de ce qu'on est, qu'on va arrêter ce cheminement et qu'on va écraser ce peuple qui est fier de ce qu'il est, ce peuple qui a envie de continuer à grandir, à prospérer, à se développer, malgré les contraintes historiques imposées par le fait d'être quelques millions à peine dans une mer anglophone avec des cultures différentes, des traditions différentes, des points de vue différents, des mécaniques sociales et économiques différentes.

On a survécu, M. le Président, et on n'est pas prêt de s'éteindre. Ce n'est pas en donnant partiellement, pour le moment, les pouvoirs aux autres de décider pour nous autres qu'on va s'éteindre. C'est bien clair, ce n'est pas sorcier, cette affaire. Depuis 1760, 1837, 1867, 1980, tout au long du cheminement du peuple du Québec, jamais on n'a réussi à faire le moindre consensus avec ceux avec qui on partage une entité juridique qui s'appelle la constitution canadienne ou l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Jamais on n'a réussi à avoir l'appui des anglophones de ce pays pour faire en sorte que notre peuple se développe. Pensez-vous que l'histoire a changé du jour au lendemain? Pensez-vous que c'est parce qu'on s'est rencontré autour du lac Meech par un beau soir d'avril 1987 que l'histoire a changé? Non, M. le Président. Il y a anguille sous roche, c'est clair.

Comment se fait-il que tout le monde soit d'accord pour ramener le Québec dans le giron constitutionnel à partir de ce texte? Moi, cela me préoccupe de penser que, du jour au lendemain, tout le monde est d'accord pour dire: Oui, on va vous donner votre "nanane". Comment cela se fait-il? Ce n'est sûrement pas la prestance du premier ministre du Québec qui a fait cela. Ce n'est sûrement pas le miroir du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes

qui en est responsable et ce n'est sûrement pas le sourire béat de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Non, M. le Président.

Des voix: Oui.

M. Claveau: C'est parce que les provinces canadiennes ont compris qu'avec ce qu'il y avait sur la table, il y avait matière à les satisfaire, elles, tout en faisant croire aux Québécois qu'ils seraient satisfaits. C'est cela qui se passe, c'est dans cela qu'on est, un texte dans lequel on n'a plus aucun pouvoir décisionnel, un texte dans lequel les objectifs en matière de société distincte, d'immigration, de pouvoir de dépenser seront décidés par d'autres et dans lesquels nous devrons nous mouler, nous confondre, nous devrons nous assimiler si nous voulons réussir à avoir un tant soit peu d'aide de ce gouvernement d'ailleurs pour nous développer. Voyons donc! Comment peut-on essayer de vendre une telle salade au peuple du Québec? Comment peut-on encore applaudir à un texte qui, de toute évidence, est un amoindrissement pour ce peuple dont on est si fier? Je vous dis, M. le Président, en terminant, que, si ces gens-là ont envie de marcher à genoux, si ces gens-là ont envie de baiser les pieds du gouvernement fédéral, eh bien! qu'ils le fassent, c'est leur affaire, mais qu'ils n'entraînent pas l'ensemble du peuple québécois dans la boue dans laquelle ils aiment se retrouver eux-mêmes. Merci, M. le Président.

Des voix: Oh!

Le Vice-Président: Je cède maintenant la...

M. Cannon: M. le Président, est-ce que...

Le Vice-Président: Un instant. M. le député de La Peltrie.

M. Cannon: Je voudrais savoir, M. le Président, si, en vertu de l'article 259, le député d'Ungava accepterait que je lui pose une question.

Le Vice-Président: Effectivement, c'est l'article 213, M. le député de La Peltrie.

Une voix: C'est le matin, les questions.

Le Vice-Président: Est-ce que vous acceptez une question, M. le député d'Ungava?

M. Claveau: Non, M. le Président.

Le Vice-Président: Très bien.

M. Claveau: Si le député de La Peltrie a une intervention...

Le Vice-Président: Pas de commentaires. Aucun commentaire, s'il vous plaît! Vous aviez à accepter ou refuser. Donc, il n'y a pas de consentement pour une question.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Vimont.

M. Jean-Paul Théorêt

M. Théorôt: M. le Président, c'est avec beaucoup d'enthousiasme et de fierté que j'interviens aujourd'hui dans le débat constitutionnel sur la résolution présentée par le premier ministre du Québec, relativement à l'accord historique que les onze premiers ministres de l'ensemble du Canada ont signé le 3 juin dernier. C'est avec beaucoup de fierté, M. le Président, parce que je crois que cet accord permettra au Québec de réintégrer la fédération canadienne la tête haute, ayant la satisfaction d'avoir obtenu l'accord sur toutes les demandes que le Québec avait présentées lors des discussions du lac Meech.

Dans quelques minutes, je vous donnerai des exemples concrets des gains importants que le premier ministre du Québec et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes ont obtenus grâce à leur travail acharné, et à leur détermination à défendre et à protéger les droits fondamentaux de tous les Québécois et Québécoises. Permettez-moi, M. le Président, dans un premier temps, de répondre aux députés péquistes et à certaines accusations fausses, injustes et teintées d'une partisanerie politique qui ne devrait pas avoir sa place dans un débat aussi important pour l'avenir des Québécois et des Québécoises. Je ne vous citerai que trois exemples, M. le Président, d'interventions faites par des représentants du Parti québécois et qui ont été reprises par la plupart des intervenants péquistes.

Le député de Verchères mentionnait, dans son intervention du 18 juin dernier: "Quand on dit qu'on voulait s'affirmer, ceux qui se demandaient ce que c'était l'affirmation nationale, c'est cela; c'est de vouloir avancer, de vouloir prendre sa place, de vouloir s'affirmer. Mais le problème, c'est que vous empêchez toute affirmation du Québec pour l'avenir avec cela. En vous contentant du statu quo, vous bloquez l'avenir." Quelle accusation ridicule, M. le Président, alors que tous les intervenants dans ce dossier, à part, bien sûr, les tenants de l'indépendance du Québec, donc les députés péquistes, tous ont affirmé que le Québec avait fait des gains importants, un pas en avant avec cet accord constitutionnel. Ce qui choque le député de Verchères, M. le Président, c'est que l'affirmation nationale,

selon lui, est de vouloir avancer, de vouloir prendre sa place, de vouloir s'affirmer. Eh bien, c'est exactement ce que nous avons fait en signant l'entente du lac Meech. Et c'est cela qui choque et embarrasse le député de Verchères, M. le Président.

Le chef de l'Opposition déclarait, le 18 juin dernier, en nous accusant de brimer le processus démocratique: "Contrairement au débat référendaire, ces 35 heures de débat à l'Assemblée nationale visent à mettre le couvercle sur le dossier, alors que les 35 heures de débat en 1980 ouvraient un débat public qui a duré 60 jours et qui s'est terminé par une décision des citoyens du Québec par un vote libre." (17 h 30)

J'aimerais rappeler au chef de l'Opposition que nous avons consulté la population du Québec avant le débat de l'Assemblée nationale, et que c'est par un vote libre que les citoyens et citoyennes du Québec ont appuyé massivement, le 2 décembre 1985, les cinq conditions constitutionnelles qui faisaient partie intégrante de notre programme électoral.

Je rappelle également au chef de l'Opposition que nous avons consulté les groupes de tous les milieux et ce, pendant 55 heures en commission parlementaire et ce, encore une fois, avant les 35 heures de débat sur cette entente que nous discutons aujourd'hui.

Le chef de l'Opposition déclarait dans la même journée, et je le cite: "Moi, je suis souverainiste. Cela veut dire que je pense que le Québec est un pays, qu'il doit devenir un pays." Cette déclaration de foi pour l'indépendance du Québec, pour faire du Québec un pays souverain démontre clairement et sans équivoque que quels que soient les gains supplémentaires que nous aurions obtenus, jamais le chef de l'Opposition et son parti n'auraient donné leur appui pour une entente, quelle qu'elle soit, qui aurait eu pour effet de réintégrer le Québec dans la constitution canadienne puisque, semble-t-il, tout ce à quoi rêve le chef de l'Opposition, c'est de devenir le président de la république du Québec.

Voilà une preuve irréfutable que toutes les interventions des députés péquistes n'ont aucune crédibilité puisque cela n'a jamais été leur intention d'approuver la réintégration du Québec dans la constitution canadienne.

M. le Président, je suis fier d'appuyer cette résolution parce que, comme l'a déclaré le premier ministre au sortir de la rencontre des 2 et 3 juin dernier, l'entente conclue entre les dix provinces permet au Québec de réintégrer la constitution la tête haute. En effet, c'est en toute légitimité que le gouvernement libéral peut s'attribuer une partie importante de ce succès car, dès les premiers mois de son mandat, il a entrepris les démarches nécessaires pour convaincre le reste du Canada de l'importance de réintégrer le Québec à la fédération canadienne.

La population du Québec a manifesté à de nombreuses reprises sa volonté de mettre un terme à l'incertitude constitutionnelle, notamment lors des élections du 2 décembre 1985. Elle est également consciente que le prolongement indu du statu quo actuel risque à la longue d'hypothéquer notre potentiel de croissance sociale, économique et culturelle. Aussi est-il primordial que le Québec conserve son leadership et démontre clairement au reste du Canada sa détermination à agir comme un partenaire majeur dans la Fédération canadienne.

S'il n'agit pas maintenant, le Québec risque de laisser passer une conjoncture qui pourrait ne pas se représenter avant de nombreuses années, voire des décennies.

L'entente constitutionnelle du 3 juin n'est peut-être pas parfaite mais, contrairement à ce qu'affirment ces prophètes de malheur, elle comporte des gains appréciables pour notre province. Pour la première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct de la société québécoise en l'inscrivant dans la loi suprême du pays et l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec doivent protéger et promouvoir ce caractère distinct.

En matière d'immigration, le Québec a obtenu des pouvoirs additionnels majeurs qui, en plus d'une confirmation de pouvoirs déjà présents dans l'entente Couture-Cullen, donneront désormais au Québec les moyens d'affronter l'avenir avec confiance, de concevoir et de mettre en oeuvre les politiques migratoires, démographiques et familiales qui assureront la pérennité du caractère français au sein de la Fédération canadienne.

Un autre gain majeur vient de l'obtention de la garantie constitutionnelle qu'au moins trois des neuf juges de la Cour suprême proviendront du Barreau du Québec. L'accord constitutionnel confère maintenant la possibilité au Québec de refuser des programmes fédéraux de dépenses sans encourir de pénalité ou de sanction financière. Désormais, grâce à l'entente du 3 juin, le Québec retrouve sa capacité de faire des choix qu'il estime les plus aptes à satisfaire les besoins et les exigences de sa société distincte. Dorénavant, le Canada entier fonctionnera avec une nouvelle dynamique, un nouveau modus Vivendi, imprégné du respect des compétences de chaque gouvernement et des besoins particuliers des citoyens qu'il représente.

Cette nouvelle dynamique introduira une augmentation de la concertation, une flexibilité conforme à l'image de la concertation et, également, l'élaboration et la mise en oeuvre des éventuels programmes cofinancés.

M. le Président, cette entente du 3 juin est une entente ouverte sur l'avenir. Pour la protection des intérêts supérieurs du Québec, elle vient mettre fin à l'incertitude constitutionnelle. Elle permettra, enfin, au Québec de passer à d'autres défis tout aussi importants pour son avenir et pour le mieux-être des Québécois et Québécoises..

Jamais je n'ai été aussi fier d'être Québécois. Je félicite le premier ministre du Québec et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes de permettre à la société québécoise de réintégrer la Fédération canadienne dans l'honneur et lui permettre ainsi d'être un partenaire de premier rang avec nos concitoyens canadiens. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. J'écoute attentivement les discours en cette Chambre. On entend évidemment surtout les discours des députés de l'Opposition mais, lorsque l'occasion s'y prête, j'écoute les discours des députés libéraux. Ce qui me frappe beaucoup dans ces discours, c'est lorsque nos amis d'en face ou d'à côté nous disent, concluent leur intervention en disant oui à l'accord constitutionnel, oui à l'accord du lac Meech. Je me demande si c'est comme lors du référendum. Au référendum, votre non voulait dire un oui. Et là, la population du Québec se demande, lorsque vous dites oui à l'accord constitutionnel, si cela veut dire non à l'accord constitutionnel? Il faudrait nous le dire. Je dois vous le dire, on est comme le reste de la population du Québec. On se méfie de votre premier ministre et on se méfie de votre ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

Je vais vous donner un exemple, rapidement. Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, pendant la commission parlementaire de l'autre côté, lorsque arrivaient des groupes, des organismes, avait développé ce qu'on appelait son vidéoclip, son espèce d'argumentation en conserve qu'il passait à chaque fois, peu importe ce que les intervenants avaient dit. Dans ce vidéoclip, il y avait toujours un passage qui durait à peu près cinq minutes dans lequel le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, député de Jean-Talon, nous expliquait à quel point le mot "rôle" était plus fort que le mot "engagement" dans la clause de reconnaissance de la société distincte.

Cela, c'est le paragraphe 3 de l'entente qui en parle. Et je vais vous situer dans le contexte. Dans l'accord du lac Meech, on disait le Parlement du Canada et les législatures des provinces prennent l'engagement de protéger la caractéristique fondamentale qui est mentionnée au paragraphe (1) a). Cela, c'est la dualité canadienne.

Au paragraphe (3), c'est la législature et le gouvernement du Québec qui ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec visé à l'alinéa précédent. Et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes nous expliquait et expliquait à la population, aux intervenants à quel point prendre un engagement c'était, pour lui, inférieur à devoir exercer un rôle. C'était son vidéoclip. (17 h 40)

II s'en va à Ottawa. Il revient d'Ottawa et lisez l'accord constitutionnel. Je pense que vous auriez avantage à le lire, de temps en temps. Ce qu'il dit dans la clause de reconnaissance de la société distincte, c'est qu'il n'y a plus d'engagement. On emploie le même mot dans l'accord pour définir l'obligation de la Législature québécoise de protéger la caractéristique fondamentale, c'est-à-dire la dualité canadienne, le bilinguisme, en quelque sorte, ici au Québec, et le caractère distinct. Quant à moi, je vais vous dire que je me méfie des gens qui ne sont pas capables de dire clairement ce qu'ils pensent et de garder une cohérence dans ce qu'ils disent.

Dans ce sens, vous avez à peu près tous en 1980, sauf exception - j'en reconnais certains députés libéraux qui ont milité pour le oui au référendum... En grande majorité, ces gens ont tous participé à cette immense fumisterie qu'a constitué la campagne du non au référendum, campagne dans laquelle on a expliqué aux Québécois qu'un non, ça voulait dire un oui. Là, aujourd'hui, j'écoute les quelques-uns et les quelques-unes qui prennent la parole et ils nous disent: Oui, quant à moi, je vais vous dire... J'écoute, à part cela, quand vous faites des références au contenu et j'ai comme l'impression que ça veut dire non.

Quand le leader du gouvernement s'est levé en Chambre la semaine dernière pour invoquer l'urgence que nous débattions en fin de session à toute vapeur, dans un débat restreint de 35 heures, la résolution constitutionnelle qui, par ailleurs, est extrêmement importante pour l'avenir du Québec, je me méfie du leader du gouvernement parce que de l'urgence, dans ce dossier, il sait fort bien qu'il n'y en a pas, qu'il n'y a aucune raison urgente pour que nous étudiions actuellement la résolution constitutionnelle.

Je me méfie du premier ministre. Je me méfie de ses acolytes qui essaient de nous passer sur le corps, une résolution constitutionnelle sans mandat, ai-je besoin de vous le rappeler? J'entendais encore le député qui me précédait tantôt dire qu'ils

avaient obtenu, durant la dernière élection, un mandat pour régler la constitution. Non, ce n'était pas cela à la dernière campagne électorale. Je ne vous dirai pas ce que c'était à la dernière campagne électorale. Cela va vous faire hurler que je vous redise ce que les candidats et députés libéraux ont répété dans tout le Québec à la dernière élection, mais la dernière des choses dont vous avez parlé c'était la constitution. La première, c'était la parité de l'aide sociale aux jeunes, qui n'existe toujours pas. La deuxième des choses dont vous avez parlé, c'est la pension aux femmes au foyer. On ne verra jamais la couleur de cette promesse farfelue, irréalisable et, dans certains cas, trompeuse à l'égard de la population.

M. le Président, il existe cinq conditions que le gouvernement libéral a déposées avant d'aller négocier. Je me souviens encore du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui disait, deux jours avant la rencontre du lac Meech: On s'en va juste voir ce qu'il y a là, avec ses cinq conditions. Je me dis: S'il va juste voir, ce n'est pas trop pire. Il dépose, en deux mots, quelques miettes de revendications et il s'en va voir comment les autres réagissent. S'il se fait lancer la vaisselle qu'il y a dans le petit chalet du lac Meech, bien il va ressortir.

Le problème, c'est qu'au lac Meech, il y a des gens, particulièrement en Ontario, qui étaient intéressés à régler le dossier constitutionnel. Le Québec est resté là avec ses cinq conditions. La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de faire le tour des cinq conditions: Cour suprême; il n'y a pas de quoi quand même commencer à crier victoire sur la consécration d'une pratique qui existait déjà depuis 1875. Immigration; c'est la consécration d'une entente qui existait depuis une dizaine d'années, il n'y a pas de quoi écrire à sa mère. Droit de veto sur les institutions et sur des changements aux compétences des provinces, le ministre des Finances, qui a une longue expérience en cette Chambre, qui me fait le plaisir de participer à nos débats aujourd'hui, sait fort bien que ces droits de veto sur l'entrée de nouvelles provinces au Canada ou sur des modifications aux compétences des provinces ou de celles du gouvernement central, cela se produit une fois par 35 ans à peu près. Il reste deux conditions: le pouvoir de dépenser et la clause sur la société distincte, deux éléments objectivement d'importance. Voyons voir ce que le Québec a ramené sur ces deux éléments.

Premièrement, en ce qui concerne la clause sur la reconnaissance de la société distincte, je ne sais pas si vous avez vu le chef du Parti libéral fédéral, John Turner, à la télévision en fin de semaine, qui a enlevé sa veste pour expliquer à ses délégués à quel point il n'y avait rien là. Je vais reprendre à peu près textuellement ses paroles: "What this agreement does, it only states that Québec is a distinct society." C'est John Turner, en fin de semaine - on a pu le voir sur nos petits écrans - qui le disait; tout ce que cette clause fait, c'est de reconnaître que le Québec est une société distincte sans pouvoir distinct, sans droit distinct et sans aucun privilège distinct. Je ne sais pas, mais s'il y a... Au Québec, on est distinct, bien sûr, on est 6 000 000 parmi les 250 000 000 qui parlent anglais. Si j'ai 256 personnes qui sont devant moi et qu'il y en a 6 qui sont distinctes, si je leur dis: Écoutez, vous êtes distinctes, cela les avance gros! Ce dont elles ont besoin, c'est de pouvoirs distincts afin de pouvoir s'émanciper, progresser, prendre leur place et pouvoir s'affirmer. Il me semble que c'est simple. Il ne suffit pas que je dise, si j'ai quatre enfants et qu'il y en a un qui est handicapé chez nous ou, peu importe, qu'il a une caractéristique distincte, il ne suffit pas que je lui dise: Tu es distinct et le problème est réglé. Bien nonï Le Québec est distinct au sein de la fédération canadienne, ce qui veut dire que le Québec devrait avoir des pouvoirs distincts.

Or, encore une fois, je le répète parce que, malheureusement, pour avoir la preuve de cela, il faudra dix ans et c'est la Cour suprême qui va venir nous le dire, soit que la clause sur la société distincte ne vaut pas plus que ce qu'il y a là. Comme un expert disait en commission parlementaire: cette clause-là, c'est mieux que rien, c'est peut-être quelque chose, mais avant de savoir si ce sera quelque chose, il faut attendre un jugement de la Cour suprême, qui va venir dans dix ans. Pourquoi? Cette clause-là est peut-être plus que rien, peut-être quelque chose, mais dont on ne connaît pas encore la nature, l'étendue et la portée. Elle ne pourra jamais être bien élevée à cause de la clause de sauvegarde qui a été ajoutée, parce que c'est une règle interprétative. Ce n'est pas du droit substantif, c'est une règle interprétative à deux volets. Le premier volet, je le répète, parce que c'est cela que les députés libéraux vont endosser par leur vote massif, autoritaire, que nous prendrons demain, au terme de ce débat réduit de 35 heures. C'est que le Parlement du Canada et les Législatures des provinces - est-ce qu'on vous a dit au caucus que cela inclut l'Assemblée nationale du Québec? - ont le rôle de protéger la caractéristique fondamentale du Canada visée à l'alinéa (l)a). L'alinéa (l)a), je vais le relire: "la reconnaissance de ce que l'existence de Canadiens d'expression française, concentrés au Québec mais présents aussi dans le reste du pays, et de Canadiens d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays mais aussi présents au Québec, constitue une caractéristique fondamentale du Canada." Ce

que nous demandons aux députés de cette Chambre, c'est d'approuver le fait que l'Assemblée nationale du Québec ait le rôle de défendre et de protéger l'aspect de dualité du Canada, donc son caractère bilingue. (17 h 50)

Est-ce qu'on est conscient que ce premier volet d'interprétation de la clause sur la société distincte constitue des menottes que nous mettons aux poings des élus du peuple, maintenant et pour les décennies futures, et qui les empêcheront probablement d'adopter des lois ou de prendre des décisions qui pourraient permettre l'émancipation du peuple québécois? C'est le premier volet.

Le deuxième volet, c'est évidement le râle pour le Québec de promouvoir le caractère distinct du Québec visé à l'alinéa (l)b). Donc, une règle d'interprétation à deux volets. C'est cela la clause sur la société distincte. Je me souviens fort bien de certains juristes payés par le gouvernement libéral, payés par le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, qui sont venus en commission parlementaire nous dire: Écoutez, avec le caractère distinct, on va pouvoir tout faire, on va pouvoir tout invoquer devant les tribunaux sur chacune de nos lois. Je ne nommerai pas ce juriste-là en particulier auquel je pense, mais qui est allé aussi loin, peut-être parce qu'il avait été bien payé, que de dire cette énormité, soit que cette miniscule clause lui permettait de tout plaider devant les tribunaux au profit du Québec. Incroyable!

La différence entre l'accord du lac Meech et l'accord intervenu à Ottawa, c'est qu'une autre clause a été ajoutée. Cette autre clause se lit comme suit... On en parle de la constitution. Moi, je me méfie; j'aime mieux revenir aux textes et j'aime mieux me fier aux experts, comme, en particulier, Me Henri Brun et Me José Woehrling qui a écrit un texte fantastique dans La Presse la semaine dernière.

J'aime mieux me fier aux experts et me fier aux textes, plutôt que de me fier au gouvernement libéral. Le paragraphe (4) de la clause de reconnaissance de la société distincte, soi-disant la clause de sauvegarde, le premier ministre a eu le front de revenir d'Ottawa en nous disant qu'il venait d'obtenir une clause qui protégeait le caractère français du Québec, alors que la clause de sauvegarde...

On va la lire. "Le présent article n'a pas pour effet de déroger - on reviendra sur le mot déroger plus tard - aux pouvoirs, droits ou privilèges du Parlement ou du gouvernement du Canada ou des Législatures ou des gouvernements des provinces, y compris à leurs pouvoirs, droits et privilèges en matière de langue."

Ce que cela veut dire, la clause qui fait glousser le premier ministre, c'est qu'il n'y a rien là-dedans qui ne pourra permettre la dérogation au partage des pouvoirs tels que déjà définis dans la constitution autant au profit du Parlement canadien qu'au profit des Législatures et, donc, de cette Assemblée nationale.

Comment, avec un minimum d'honnêteté intellectuelle, le premier ministre - il a arrêté de le dire depuis trois, quatre ou cinq jours - dans les jours qui ont suivi l'accord d'Ottawa a-t-il pu clamer triomphe et clamer que cette clause protégeait le caractère français du Québec, alors que c'est une clause qui sauvegarde le statu quo sur le plan constitutionnel, parce qu'elle protège le partage des pouvoirs à jamais?

C'est cela qu'on retrouve dans ce paragraphe (4) que je viens de vous lire, M. le Président. Il ne s'agit pas de faire des discours qui dureraient six heures; il s'agit de lire le texte. Là-dessus, je voudrais attirer l'attention du gouvernement libéral, puisque j'espère toujours que les amendements qui vont venir des autres provinces vont peut-être permettre d'éclairer ceux qui veulent être aveugles, ici, au Québec, ceux qui refusent une consultation de la population, ceux qui refusent une consultation des experts.

Je voudrais attirer leur attention sur la version française de l'accord d'Ottawa et la version anglaise par rapport à la clause de sauvegarde, clause de sauvegarde, encore une fois, du pouvoir constitutionnel. Ce nouveau paragraphe dit que la clause de la société distincte ne doit pas non plus déroger - c'est en français - aux pouvoirs du Québec. Si on entend le mot "déroger" dans son sens français, cela signifie que la clause de société distincte n'est susceptible d'engendrer aucun accroissement de pouvoirs pour le Québec. Le mot "déroger", en langue française, renvoie autant à une augmentation qu'à une diminution. Par contre, si le mot "déroger" a le sens de sa version anglaise, du mot anglais utilisé, soit "derogate", le paragraphe (4) pourrait, à ce moment-là, permettre que la clause de société distincte ouvre à une possible augmentation des pouvoirs qui n'affecteraient pas le partage des pouvoirs, car en langue anglaise le mot "derogate" renvoie à une diminution et non pas à une augmentation.

La question de savoir si la clause de la société distincte pourrait permettre que l'affichage français soit jugé constitutionnel, malgré la liberté d'expression dans la charte, passe donc, dans un premier temps par le sens qu'il faut donner au mot "déroger" par rapport à sa version anglaise "derogate" ou, c'est peut-être au sens qu'il faut donner à "derogate" par rapport à la version française "déroger". Je ne sais pas quelle version a été écrite la première. J'ai comme l'intuition que les fonctionnaires fédéraux, qui étaient

les maîtres d'oeuvre de la rédaction de cet accord, ont d'abord rédigé en anglais. J'attire l'attention du ministre sur cela.

M. le Président, il me reste à peine deux minutes pour signaler, en terminant, à quel point je trouve paresseux pour le gouvernement de ne pas vouloir procéder à une simple audition de l'opinion de la population sur cet accord constitutionnel. Les discours des députés libéraux ont tous un trente minutes d'émotions dans lequel on dit: Quel moment historique! Quelle importance pour le Québec et toutes les générations à venir que cette entrée dans la confédération. Si c'est vrai ce que vous dites, pourquoi ne pas consulter, écouter et peut-être expliquer à la population que votre accord se tient debout? Si c'est si vrai que cela, allez le dire à la population et ouvrez les portes du Salon bleu à la population. Auriez-vous peur que votre oui, en réalité, soit un autre non, puisque vous avez habitué la population du Québec à un éternel double langage, à une éternelle confusion. Est-ce que vous aimez mieux garder la population du Québec dans l'obscurité et la confusion?

Des voix: Hou!

Le Vice-Président: Un instant!

Des voix: ...

Le Vice-Président: Un instant! Je ne voudrais pas que cela se termine dans un tel chahut. M. le député de Taillon, je vous rappelle à l'ordre pour une raison. À l'article 35.4 de notre règlement, vous ne devez pas vous adresser directement aux députés. Si le règlement prévoit cela, c'est pour ne pas avoir la réaction qui vous revient aussi vite, comme c'est le cas présentement. Donc, je demande la collaboration des députés et je vous cède la parole pour la fin de votre intervention.

M. Filion: Écoutez, M. le Président. C'est vrai qu'ils se sentent visés, et ils ont peut-être raison. Tous ceux qui vont voter pour demain, à 15 heures, ont peut-être raison de se sentir visés.

Une voix: ...

M. Filion: Et, M. le Président, je termine en disant ceci...

Le Vice-Président: Un instant! J'ai une question de règlement. Sur un rappel au règlement, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, question de règlement, très brièvement, parce qu'il nous vise. Je veux simplement dire: Vous devriez vous adresser aux vrais indépendantistes, M. Rhéaume...

Le Vice-Président: M. le député de Sainte-Anne, s'il vous plaît! Je vous rappelle à l'ordre. M. le député de Taillon, votre conclusion.

M. Filion: Je n'ai interrompu personne en cette Assemblée et ce n'est pas mon habitude.

Le Vice-Président: Allez-y!

M. Filion: Qu'on me laisse terminer, M. le Président. Qu'on respecte le droit de parole même de ceux qui sont moins nombreux.

Des voix: Ah! Ah!

Une voix: En conclusion, M. le député de Taillon.

M. Filion: En conclusion, M. le Président, je dis ceci au gouvernement. On ne peut pas poser un geste de cette importance, de cette nature, de la façon dont ils le font, sans payer un prix élevé, un prix regrettable, parce que ce genre de forcing politique n'est pas de mise dans un dossier de l'importance du dossier constitutionnel. Cela, je saurai le rappeler en temps et lieu. Dans mon cas, en terminant, M. le Président, et dans le cas de l'Opposition, on vous l'a dit clairement, c'est non à l'accord constitutionnel et notre non, nous autres, il veut dire un non. Merci.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le Président, je fais motion pour suspendre les travaux de 18 heures jusqu'à 19 heures, contrairement à la règle habituelle. Je dois vous dire qu'il y a une entente entre les partis pour reprendre les travaux dès 19 heures, ce soir.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement à cette motion de dérogation à notre règlement concernant la suspension des travaux à l'heure du souper qui durera une heure et non pas jusqu'à 20 heures?

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: II y a donc consentement. Cette motion étant adoptée, l'Assemblée nationale suspend ses travaux qui reprendront à 19 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 19 h 2)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, c'est moi qui ai suspendu les travaux à 18 heures. Vous me permettrez de céder mon droit de parole au ministre de la Justice.

La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, Mme la Présidente. L'accord du lac Meech et le projet d'amendement constitutionnel qui en résulte constituent l'aboutissement et la concrétisation d'un long processus de négociation visant à redonner au Québec la place qui lui revient dans la Fédération canadienne. Les modifications sur lesquelles se sont entendus les onze premiers ministres canadiens répondent à nombre de préoccupations séculaires des divers gouvernements québécois qui se sont succédé depuis au moins un demi-siècle. Qui plus est cette révision des textes constitutionnels que l'on s'apprête à entériner consacre le rôle prépondérant des provinces au sein de la Fédération canadienne et s'inscrit dans l'esprit d'un fédéralisme véritable, conforme à la vision des Pères de la confédération.

Il fut un temps où l'autonomie des provinces était plus apparente que réelle et, n'eût été des interventions répétées du comité judiciaire du Conseil privé, il y a fort à parier que les visées centralisatrices de certains auraient fini par dénaturer l'esprit de l'entente intervenue en 1867. Aussi, ne faut-il pas se surprendre de cette mise en garde formulée par Lord Watson en 1892, et qu'il aura l'occasion de réitérer à de nombreuses reprises et je cite: "Le but de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique n'était pas de fusionner les provinces en une seule ni de subordonner les gouvernements provinciaux à une autorité centrale, mais de créer un gouvernement fédéral dans lequel elles seraient toutes représentées et auquel sera confiée de façon exclusive l'administration des affaires dans lesquelles elles avaient un intérêt commun, chaque province conservant son indépendance et son autonomie." Fin de la citation qu'on peut trouver dans le Liquidateur de la Banque maritime du Canada contre le Receveur général du Nouveau-Brunswick, 1892, Appeal Cases, pages 437, 442, 443.

Cette période est maintenant révolue. Non pas que les velléités de centralisation se soient estompées au fil des années, bien au contraire. Mais le consensus qui s'est dégagé au cours des récentes années en faveur d'un fédéralisme coopératif et d'une plus grande participation des provinces, doublé d'une volonté bien arrêtée de la part du Québec de bien marquer sa spécificité, ne pouvait rester lettre morte au niveau des textes juridiques et reposer uniquement sur l'interprétation judiciaire et sur la bonne volonté administrative, avec tous les flottements que cela supposerait.

La loi fondamentale d'un pays doit refléter ces changements, qui ne sont, tout compte fait, que le parachèvement du texte original de 1867 et l'accomplissement de la vision du pays qu'en avaient ses fondateurs. C'est précisément ce qu'a accompli l'accord constitutionnel du 3 juin 1987. En modifiant pour la première fois la constitution dans le sens d'un affermissement des compétences provinciales, cet accord imprime au fédéralisme canadien une dynamique nouvelle dont on n'a pas fini de mesurer les répercussions au delà même des résultats concrets et immédiats qu'il renferme.

Le texte de l'accord constitutionnel de 1987 représente pour le Québec un gain majeur et répond non seulement aux conditions mises de l'avant par ce gouvernement pour adhérer à la constitution canadienne, mais également à la plupart des revendications exprimées par les administrations antérieures depuis au moins cinquante ans.

Il va de soi que l'on ne saurait trop insister, dans un premier temps, sur la consécration constitutionnelle du caractère distinct de la société québécoise. Si le caractère distinct du Québec n'a jamais fait l'ombre d'un doute sur le plan sociologique et peut même se déduire de la lecture de la Loi constitutionnelle de 1867 - qu'il suffise de penser, entre autres, au bijuridisme qui transpire des articles 94 et 98 portant sur l'uniformisation du droit et sur le choix des juges siégeant dans les cours du Québec, ainsi qu'à la spécificité des institutions politiques québécoises mises en place par les articles 71 à 80 - il demeure qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'une reconnaissance explicite et solennelle. En enchâssant cette caractéristique dans le texte môme de la Loi constitutionnelle de 1867, l'on s'assure que toute la constitution canadienne devra être interprétée de façon à prendre acte de cette réalité. Nous obtenons ainsi l'assurance que ce caractère distinct transcende l'ensemble des textes constitutionnels, comme l'ont revendiqué à divers titres tous les premiers ministres québécois depuis au moins un demi-siècle. (19 h 10)

Non seulement le Québec a-t-il obtenu cette assurance minimale, mais aussi a-t-il obtenu que la constitution lui reconnaisse le rôle essentiel de protéger et de promouvoir sa spécificité. Ce rôle, l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec pourront

l'exercer relativement à toutes les matières formant ce caractère distinct, et cela, dans tous les secteurs d'activité. Désormais, le Québec possède les outils consitutionnels nécessaires pour s'assurer du maintien et du développement de ses caractéristiques essentielles dans le respect des droits de l'ensemble des citoyens de la province.

En outre, le Québec a obtenu une protection additionelle par le biais de l'introduction d'une clause de sauvegarde contenue au paragraphe (4) de l'article 2. Essentiellement, cette clause assure au Québec une protection constitutionnelle de ses pouvoirs actuels en matière linguistique.

De plus, tel que rédigée, cette clause permet non seulement de protéger nos acquis en cette matière mais également d'assurer que le rôle du Québec de promouvoir sa spécificité en favorisant l'affirmation de son caractère français demeure.

À ce premier volet de l'entente, se greffent quatre autres modifications substantielles qui constituent autant de reconnaissances implicites du caractère distinct de la société québécoise. On songe ici, en particulier, à l'immigration. Sujet de compétence concurrente en vertu de l'article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867, l'immigration n'en constituait pas moins une responsabilité prioritairement fédérale jusqu'à ce jour, ne serait-ce qu'à cause de la préséance qu'accordait le texte constitutionnel aux lois fédérales en cas de conflit avec les mesures adoptées par les provinces.

 ce chapitre, les gains obtenus par le Québec, dans l'accord du 3 juin 1987, sont, de l'avis de tous, majeurs. On reconnaît d'abord, pour la première fois, la possibilité pour les provinces, à leur demande, de négocier avec le gouvernement fédéral des accords adaptés à leurs besoins particuliers, ces accords pouvant par la suite être constitutionnalisés.

Il s'agit là d'une nouvelle forme de délégation de pouvoirs que la jurisprudence classique des tribunaux canadiens ne semblait pas autoriser comme en fait foi l'arrêt Procureur général de la Nouvelle-Écosse contre le Procureur général du Canada, 1951, rapport de la Cour suprême à la page 31.

Or, pour le Québec, cette nouvelle avenue se concrétisera à très court terme puisque le texte de l'accord prévoit l'obligation pour le gouvernement fédéral de conclure une telle entente avec le Québec dans les meilleurs délais. Dans la foulée des ententes intérieures Québec-Canada conclues en 1971, (Long-CIoutier), 1975, (Andras-Bienvenue) et 1978 (Cullen-Couture) en matière d'immigration, cette entente confirmera de façon non équivoque le droit de regard exclusif du gouvernement québécois sur la sélection des immigrants étrangers dans le cadre, bien entendu, des objectifs nationaux en matière d'immigration et garantira au Québec sa juste part des immigrants canadiens.

En outre, des pouvoirs législatifs exclusifs seront conférés à l'Assemblée nationale en ce qui concerne la réception et l'intégration des immigrants à la société québécoise. De plus, afin de confirmer le rôle de maître d'oeuvre du Québec en cette matière, l'entente mettra fin au dédoublement des services en prévoyant le retrait des fonctionnaires fédéraux lorsque leurs homologues provinciaux remplissent déjà les mêmes fonctions. Tout cela répond à des exigences maintes fois formulées pour assurer au gouvernement du Québec un contrôle réel sur l'arrivée des nouveaux immigrants.

L'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser en matière provinciale répond également aux objections traditionnelles du Québec et vient substantiellement réduire la menace que faisait constamment planer l'exercice de cette compétence innommmée, mais combien réelle sur les compétences provinciales. Fondé sur les compétences fédérales en matière de taxation, l'article 91, paragraphe (3) et de propriété publique, article 91 paragraphe (l)a), et sur l'emploi que peut faire le Parlement au fonds du revenu consolidé, ce pouvoir a été confirmé par la jurisprudence - entre autres, dans l'affaire Angers contre le ministre du Revenu national, 1957, rapports de la Cour de l'échiquier, à la page 83 - et la marge du gouvernement central en cette matière était très grande.

Jumelée à un partage des compétences fiscales très favorable au gouvernement central, l'utilisation du pouvoir de dépenser a permis en de nombreuses occasions aux autorités fédérales d'empiéter sur nos compétences provinciales exclusives.

Le Québec s'est tout particulièrement opposé à l'instauration de programmes en vertu desquels le gouvernement fédéral décide des priorités et oblige pour ainsi dire les provinces à participer au financement de ces priorités fédérales, et pour cause. Des études ont démontré que plus du tiers des budgets provinciaux était absorbé par de tels programmes, alors même que les Parlements provinciaux n'ont, en principe, aucun droit de regard sur le choix de ces priorités et sur les moyens de les mettre en oeuvre.

La modification constitutionnelle sur ce point viendra donc combler un vide important et aura l'avantage de garantir aux provinces un droit de retrait accompagné d'une compensation financière lorsqu'un programme ou une mesure provinciale compatible avec les objectifs nationaux est appliquée. Qui plus est, cette modification aura pour effet de créer une nouvelle dynamique dans les relations fédérales-provinciales, puisque le pouvoir central devrait désormais compter avec le droit de retrait lorsqu'il établira de nouveaux programmes. Ceci ne peut que

favoriser une plus grande concertation et une meilleure harmonisation des objectifs poursuivis par les deux paliers de gouvernement, dans le respect des compétences provinciales.

La participation du Québec à la nomination des juges à la Cour suprême du Canada représente une autre victoire majeure et fait suite aux revendications souvent répétées des divers gouvernements de cette province. Il faut se réjouir de la constitutionnalisation du plus haut tribunal d'un pays et de l'obligation pour le gouvernement fédéral d'y nommer trois juges québécois. Non seulement cette initiative aura-t-elle pour effet de mettre un terme à l'ambiguïté qui entourait le statut juridique de cette institution vitale créée par simple loi fédérale en 1875, mais elle aura également l'avantage de garantir au Québec une présence permanente au sein de la plus haute instance judiciaire du pays. (19 h 20)

Mais, c'est au chapitre de la nomination des juges que l'entente innove vraiment, puisqu'elle prévoit une participation active des provinces dans le processus de sélection des juges. Seuls des avocats, membres du Barreau du Québec et qui ont été proposés par le gouvernement québécois, pourront dorénavant combler les vacances causées par le départ de l'un des trois juges en provenance du Québec. Cette modification reconnaît pour l'essentiel une demande québécoise formulée dès 1970 à Victoria et consacre véritablement la dualité canadienne et le bijuridisme au sein de la plus haute instance judiciaire du pays.

Un même effet de collaboration et de concentration prévaudra en ce qui concerne les nominations au Sénat et ce, tant que la constitution ne sera pas formellement amendée à cet égard. Il est intéressant de souligner que, dès 1887, les premiers ministres provinciaux revendiquaient le pouvoir de nommer la moitié des membres du Sénat. Cent ans plus tard, les provinces ont obtenu beaucoup plus puisque l'entente leur permettra de soumettre une liste pour la nomination de tous les sénateurs. Encore une fois, les provinces marquent des points importants en vue d'une, participation plus adéquate aux décisions de la Chambre haute.

Enfin, s'il est un aspect de la loi fondamentale du pays qui peut avoir des répercussions à long terme, c'est bien la formule par laquelle on modifie la constitution. Obstacle majeur à toutes les tentatives de rapatriement de la constitution canadienne depuis 1967, la formule d'amendement méritait à juste titre la plus grande attention. La, formule proposée dans l'accord du 3 juin, largement inspirée de celle que l'on avait retenue à Victoria, en 1970, redonne au Québec le droit de veto qu'on lui avait toujours reconnu jusqu'en 1982.

Dans un premier temps, on élargit à toutes les compétences provinciales - et non plus seulement à l'éducation et aux autres domaines culturels - le droit des provinces d'exiger une juste compensation financière et ce, si la Législature de l'une ou de plusieurs d'entre elles décide d'exercer le droit de retrait que lui accorde déjà la Loi constitutionnelle de 1982 et de ne pas souscrire au transfert d'une de ces compétences en faveur du Parlement fédéral.

Il s'agit là, sans aucun doute, d'une amélioration marquée par rapport . à la situation qui prévalait depuis 1867, et même depuis 1982, et qui ne peut que favoriser la poursuite des intérêts du Québec dans le cadre du régime fédéral canadien. En accordant une compensation financière dans tous les domaines de compétence provinciale, c'est le droit de retrait lui-même que l'on consolide et, avec lui, la possibilité pour le Québec d'épouser une vision du fédéralisme qui pourrait différer de celle des autres provinces.

Par ailleurs, le projet d'amendement constitutionnel généralise le droit de veto que prévoyait déjà, à certains égards, la Loi constitutionnelle de 1982 pour l'étendre à toutes les modifications ayant pour effet de porter atteinte à la reine et à ses représentants, à la Chambre des communes, au Sénat et à la Cour suprême. C'est ainsi que le Québec jouira d'un droit de veto dans l'hypothèse où l'on voudrait modifier les pouvoirs du Sénat, le mode de sélection des sénateurs, le nombre des sénateurs représentant le Québec, et la Cour suprême du Canada, toutes matières auxquelles on pouvait apporter des amendements sans l'accord du Québec depuis 1982. Ce droit de veto du Québec pour tout ce qui touche les institutions fédérales, joint au droit de retrait avec compensation financière eu égard à tout transfert de compétence législative provinciale, assure au Québec une sécurité maximale tout en maintenant suffisamment de flexibilité pour lui permettre d'évoluer avec des coudées franches.

Il va sans dire que les modifications sur lesquelles se sont entendus les premiers ministres, à l'initiative du Québec, ne résolvent pas toutes les difficultés et ne mettent pas un terme à toutes les interrogations. Elles n'en représentent pas moins une victoire majeure pour le Québec et lui permettent de réintégrer la Fédération canadienne en assumant le rôle qui lui revient. En accédant à toutes les conditions mises de l'avant par le gouvernement et en reconnaissant formellement le rôle particulier qu'est appelé à jouer le Québec au sein de la Fédération canadienne, l'accord constitutionnel du 3 juin 1987 marque un jalon historique dans le développement de

notre société et de ses institutions et fait droit aux réclamations historiques de toutes les administrations antérieures depuis au moins 50 ans. L'émergence d'un tel consensus parmi les partenaires ' de la Fédération canadienne n'est pas monnaie courante, comme en fait foi la trame tourmentée des négociations constitutionnelles, et il importe pour cette Assemblée d'entériner le projet de résolution qui lui est proposé. Merci, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice et député de D'Arcy-McGee. Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Deux fois, M. le député. J'ai cette chance - je ne dirais pas ce bonheur mais cette chance - de pouvoir intervenir deux fois. Je pense que... J'espère encore être capable de vous convaincre de cette nécessaire position que vous devriez prendre, à savoir que vous devriez retarder cette signature, retarder l'accord, ici, à l'Assemblée nationale, prendre le temps de poser des questions au peuple du Québec, faire le tour du Québec avec une commission itinérante et puis demander aux gens ce qu'ils en pensent. Si, éventuellement, le jugement du peuple québécois est positif, eh bien on aura fait notre travail jusqu'au bout.

La raison pour laquelle j'interviens une deuxième fois, c'est justement pour cette raison, Mme la Présidente. Dans cette deuxième intervention, je vais traiter seulement de la société distincte. Mes collègues, qui auront à intervenir tout à l'heure, pourront à leur tour discourir sur d'autres parties de l'entente constitutionnelle. Pour ma part, Mme la Présidente, si vous permettez, j'interviendrai seulement sur la société distincte. Je pense, comme beaucoup de gens ici au Québec, que le gouvernement a crié victoire peut-être un peu trop vite avec cette société distincte.

Ce concept de société distincte inscrit dans la constitution, sans qu'on en spécifie le contenu ou les balises m'apparaît un grand danger. Un grand danger, en ce sens, que cela pourrait porter à interprétation et serait sûrement sujet à interprétation devant les tribunaux. Il me semble important de rediscuter avec les gens du gouvernement pour essayer de leur faire comprendre à quel point cet accord ou cette signature est grave pour tout le peuple du Québec pour ce que nous serons demain, et pour les aider à en prendre conscience. Par mon humble intervention, je veux pouvoir leur dire à quel point c'est important de voir toutes les avenues possibles et essayer de prendre une décision sage et compréhensible pour tout le peuple qu'on représente. (19 h 30)

Comme je le disais dans mon autre intervention, Mme la Présidente, il est très dangeureux de signer un chèque en blanc, puisqu'on n'a plus aucun pouvoir sur les allées et venues de ce chèque s'il y a la signature au bas avant d'être capable de savoir ce que cela pourra comporter de problèmes ou de situations aberrantes pour le peuple du Québec. Quand on parle de société distincte, Mme la Présidente, on parle de ce que nous avons reçu en tant que legs de nos parents: notre culture, notre langue qui est la langue française.

Vous savez, lors de la commission parlementaire qui s'est tenue, ici, à l'Assemblée nationale où des personnes sont venues discuter avec les membres de cette commission - malheureusement je n'étais pas membre de cette commission, je n'ai pas pu suivre tous les débats, mais, par contre, des collègues y étaient, des collègues des deux côtés, et ils ont entendu tous et chacun les mêmes interventions - je pense qu'il y a eu des interventions qui auraient dû ébranler davantage les gens du pouvoir parce que, en premier lieu, Mme la Présidente, quand on parle de la société distincte, il faut absolument y incture le français. C'est d'ailleurs ce que sont venus nous dire plusieurs experts à la commission parlementaire, dont un - plus d'un, mais un entre autres - qui était attendu de façon extraordinaire par les gens au pouvoir, puisque c'est eux qui l'avaient convoqué. Les experts étaient Léon Dion, Fernand Dumont, Jacques-Yvan Morin et Daniel Turp qui, d'un commun accord, demandaient d'ajouter au projet d'accord constitutionnel une clause précisant les responsabilités du gouvernement du Québec en matière linguistique.

Qu'est-il arrivé, Mme la Présidente? Ils se sont heurtés à un mur. Un mur de surdité. Un mur d'incompréhension parce qu'il n'était pas question, semble-t-il, qu'on ajoute quoi que ce soit à cet accord constitutionnel, et surtout pas d'inclure le français. On dit dans cet article du Soleil qui a paru le 15 mai 1987: "Le professeur Dion, invité par le gouvernement à témoigner devant la commission parlementaire qui étudie l'accord du lac Meech, a proposé un amendement dont l'ajout lui paraît indispensable pour que l'entente soit acceptable." Indispensable, disait M. Léon Dion qui est un politicologue très renommé. Son témoignage était le plus attendu de tous, Mme la Présidente. "M. Dion veut qu'on précise que l'Assemblée nationale et le gouvernement ont la responsabilité de protéger et promouvoir le caractère distinct de la société québécoise. Cette responsabilité inclut nécessairement la protection et la promotion du français, composante principale et

essentielle de cette société - qui est la nôtre. La protection et la promotion des institutions anglophones au Québec seront soumises à cette priorité principale et essentielle concernant la langue française, disait-il. Sans pareil amendement, a même dit M. Dion, le Québec risque fort d'être le dindon de l'entente du lac Meech."

Le premier ministre et son ministre responsable, le député de Jean-Talon, ont écarté du revers de la main tout amendement qui aurait pour effet de définir la société distincte que forme le Québec, de crainte de restreindre du même coup le concept. Mais je ne pense pas et je ne crois pas, comme beaucoup d'autres gens au Québec, que ce serait nous restreindre ou nous minimiser que d'inclure le français, la protection du français, à l'intérieur de cette entente.

Je vous ai mentionné tout à l'heure qu'il y avait M. Léon Dion qui était un invité très attendu. Il y a eu aussi M. Jacques-Yvan Morin qui est un homme qui, depuis 25 ans, analyse la constitution. C'est un constitutionnaliste, et il a trouvé des pièges raffinés dans l'entente du lac Meech. M. Morin a été mêlé, comme je le disais tout à l'heure, à tous les grands débats sur la question depuis 25 ans. Il a constaté qu'une fois de plus, Ottawa a refusé de débattre du partage des pouvoirs. Il serait bien étonnant, selon lui, qu'une fois bien rentré au bercail et bien ficelé - c'est-à-dire, notre chèque en blanc - le Québec ait le rapport de forces pour obtenir une réforme en ce sens. L'accord du lac Meech est plein de pièges. Ce n'est pas moi qui le dis. Je pense que ces hommes, ces constitutionnalistes, ces politicologues sont beaucoup mieux informés et beaucoup mieux en mesure de donner une interprétation de ce qui se discutait à la commission parlementaire.

Il y a aussi M. Fernard Dumont, qui a été interrogé par le ministre responsable du dossier. Le ministre lui a demandé: Est-ce que vous seriez satisfait si on ajoutait que le Québec est une société distincte à cause de sa langue? Il a répondu: Non, et je vais vous dire pourquoi. La porte, étant entrouverte, ouvrez-la donc toute grande et allez donc voir ce qu'il y a derrière. Qu'est-ce que c'est, une société distincte et sur quoi les citoyens des autres provinces seront-ils d'accord? Quel rapport le pouvoir de dépenser du fédéral aura-t-il avec la société distincte? Nous avons besoin de précisions. Voilà trois hommes fort éminents qui sont venus en commission parlementaire exprimer au gouvernement libéral, aux membres de la commission parlementaire, leurs craintes, leurs inquiétudes devant cette signature précipitée de l'accord du lac Meech.

Mme la Présidente, en plus de cela, l'entente du lac Meech permettra à la Cour suprême de charcuter davantage les dispositions de la loi 101. Et celles qui n'ont pas encore été charcutées pourront l'être avec cet accord du lac Meech.

Je pense que les gens du Québec auraient pu crier victoire tous ensemble, et non pas uniquement le gouvernement, si nous avions obtenu les pleins pouvoirs en matière linguistique. Or, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas du tout. La communauté anglophone du Québec le sait parce qu'elle sort gagnante de cette entente du lac Meech. Le Québec n'a obtenu aucun pouvoir spécifique pour assurer la protection et la promotion de la langue française. Au contraire, en vertu de l'accord du lac Meech, le Québec s'engage à promouvoir le bilinguisme. Belle victoire pour le Québec!

La Cour suprême continuera de dicter comment la liberté d'expression prévue à la charte canadienne contrevient aux articles de la loi 101 et nous n'aurons plus qu'à nous y soumettre. À cause de quoi? À cause d'une signature précipitée, à cause du non-vouloir du gouvernement, que nous avons en face, d'écouter les voix de ces constitutionnalistes et d'écouter aussi la voix du peuple qui aurait certainement des choses à dire. Le gouvernement continuera de se soumettre au jugement de la Cour suprême et de charcuter notre loi 101. Belle victoire! Encore une fois, une victoire de résignation et une victoire d'abandon. Ce n'est pa3 une victoire pour sauter de joie. Je pense que c'est une entente inacceptable et humiliante pour le Québec. Le gouvernement fédéral sort grand gagnant de cette entente: reconnaissance formelle, dans la constitution, de son pouvoir de dépenser dans des secteurs de juridiction provinciale, engagement du Québec de promouvoir le bilinguisme en renforçant les droits de la communauté anglophone au Québec.

Mme la Présidente, je vis dans une région où il y a une association qui s'appelle les Townshippers. Au printemps 1987, les Townshippers se sont bien rendu compte qu'ils avaient un appui de taille en la présence du gouvernement du Parti libéral. Ils ont tout de suite commencé l'offensive. Ils n'ont pas attendu l'accord du lac Meech, ils ont commencé tout de suite, au printemps, parce qu'ils savaient qu'il y aurait un appui. Les Townshippers de l'Estrie ont écrit à toutes les municipalités de notre grande région leur demandant, par voie de résolution, d'appuyer un affichage bilingue dans l'ensemble des municipalités de l'Estrie. (19 h 40)

J'ai trouvé qu'ils s'étaient retournés vite sur un trente sous. Ils s'étaient retournés vite parce qu'ils sont passés tout de suite à l'offensive. Ils ont demandé aux municipalités de l'Estrie de les appuyer par voie de résolution. J'étais décontenancée devant une telle offensive. J'ai pris position

publiquement dans le journal en disant que c'était une honte de la part des municipalités d'approuver par voie de résolution une telle offensive.

Mme la Présidente, je m'excuse, mais même le ministre de la Justice fait...

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, je demanderais la collaboration de la Chambre pour pouvoir... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je demande la collaboration de la Chambre. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Mme la Présidente, je vous remercie beaucoup. J'étais en train de dire que je n'ai pas dérangé le ministre de la Justice pendant qu'il a fait son intervention. J'espère qu'il va être assez aimable pour en faire autant pour les gens de l'Opposition qui ont des choses à dire aussi. Si le ministre veut s'encenser lui-même et encenser son gouvernement, cela le regarde. Mais j'espère qu'on a le droit d'intervenir aussi.

Mme la Présidente, j'étais en train de vous dire que les Townshippers avaient eu une offensive extrêmement importante, et dès le printemps de cette année, avant même que le premier ministre nous amène à la commission parlementaire sur l'accord du lac Meech. Il y a 35 municipalités de l'Estrie qui, par voie de résolution, ont appuyé les Townshippers. Je pense que ces municipalités n'ont pas vu le danger juste en face duquel on était, parce que, si nous sommes des Québécois francophones, je pense qu'il faut faire attention de ne pas laisser la porte trop grande ouverte à tout cet affichage bilingue qu'il pourrait y avoir dans nos régions, dans nos municipalités, parce que cela aussi nous fait avancer dans le fait qu'on perd notre culture qu'est la langue française et qu'on s'en vient davantage devant du bilinguisme et qu'on s'en vient davantage à ce que nos jeunes perdent cette culture qu'est la belle langue française, qui est notre culture à tous.

L'engagement du Québec de promouvoir le bilinguisme, comme je le disais tout à l'heure, renforce les droits des communautés anglophones du Québec au lieu de défendre les droits des francophones du Québec. II me semble important que les personnes qui devront autoriser cette signature devraient comprendre aussi l'importance de ce que sera le Québec de demain en ne prenant pas de précautions sur la signature de cet accord du lac Meech.

Le gouvernement du Québec ne doit pas signer cette entente car, s'il la signe à genoux, dans des conditions carrément inacceptables eu égard aux revendications constitutionnelles qui se sont faites ici depuis 25 ans, il me semble, Mme la Présidente, que cela devrait être une espèce d'avis, une lumière rouge qui s'allumerait devant le gou- vernement du Québec pour lui dire qu'il ne faudrait pas signer cet accord constitutionnel.

Mme la Présidente, étant native de la région de l'Estrie et étant une francophone pure laine comme dirait mon grand-père, je souhaite que le gouvernement que nous avons en face fasse un effort extrêmement valable et considérable avant de signer cet accord et qu'on puisse définir enfin ce qu'est la société distincte et d'inclure comme paramètre la langue française dans tout ce qui pourra se signer en vue de protéger, non seulement ce qu'on vit aujourd'hui, mais de protéger nos enfants qui, demain, seront les dirigeants de cette communauté qui est la nôtre.

J'aimerais bien vous lire quelques alexandrins d'une chanson qui a été composée par un de nos amis français de France qui est Yves Duteil et que j'ai trouvée tellement belle que je voudrais vous en livrer quelques passages. Il dit: "C'est une langue belle, avec des mots superbes "Qui porte son histoire à travers ses accents "Où l'on sent la musique et le parfum des herbes "Le fromage de chèvre et le pain de froment... "Dans cette langue belle aux couleurs de Provence "Où la saveur des choses est déjà dans les mots "C'est d'abord en parlant que la fête commence "Et l'on boit des paroles aussi bien que de l'eau "Les voix ressemblent aux cours des fleuves et des rivières "Elles répondent aux méandres, au vent dans les roseaux "Parfois même aux torrents qui charrient du tonnerre "En polissant les pierres sur le bord des ruisseaux "C'est une langue belle à l'autre bout du monde "Une bulle de France au nord d'un continent "Sertie dans un étau, mais pourtant si féconde "Enfermée dans les glaces au sommet d'un volcan "C'est une langue belle à qui sait la défendre "Elle offre les trésors de richesses infinies "Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre "Et la force qu'il faut pour vivre en harmonie."

Comment ne pouvons-nous pas défendre cette langue qu'on a apprise sur les genoux de nos parents et qui, nous le souhaitons, pourra être aussi le bien de nos enfants?

J'espère que le gouvernement du Québec prendra en considération ce que je viens de dire et ce que nous avons, chacun de nous, eu à dire sur l'accord du lac Meech et j'espère que ce que nous aurons dit pourra faire réfléchir. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de Johnson. M. le député de Limoilou.

M. Michel Després

M. Després: Mme la Présidente, le 3 juin dernier, les onze premiers ministres canadiens concluaient à l'unanimité un accord sur les modifications constitutionnelles propres à assurer la participation pleine et entière du Québec à l'évolution constitutionnelle du Canada dans le respect et le principe de l'égalité de toutes les provinces et ainsi améliorer la coopération entre elles. Pour l'ensemble des Québécois comme pour l'ensemble des Canadiens, il s'agit d'un moment historique sans précédent car jamais, depuis le début du processus de réforme constitutionnelle déjà amorcé depuis maintenant 20 ans, n'avait-on assisté à pareille unanimité et pareil consensus, Mme la Présidente, tant de la part des dirigeants politiques que de ses citoyens.

Un contexte sociopolitique du Québec qui est mur pour réintégrer la fédération canadienne avec le nouveau climat de confiance favorisé par le gouvernement libéral depuis le 2 décembre 1985. Les Québécois ont repris confiance en la force du Québec. Après avoir traversé, je dirais, l'une des plus grandes incertitudes politiques que le Québec ait connues dans son histoire, le Parti québécois a perdu la confiance des Québécois justement parce qu'il avait provoqué, à ce moment, un climat d'affrontement qui, à l'époque, a ruiné la confiance des Québécois en l'avenir et suscité la méfiance du reste du Canada.

Le Parti québécois n'a pas su démontrer la crédibilité nécessaire pour faire progresser le Québec au plan constitutionnel et c'est ce qu'ont jugé les Québécois à la dernière élection. Mme la Présidente, comment voulez-vous que la population du Québec ait confiance en ces gens eux qui cherchent constamment à se définir sur la place publique? Une journée, ils se disent séparatistes, une autre journée, ils se disent souverainistes, indépendantistes, promotionnistes, affirmationnistes. C'est simple, Mme la Présidente, 50 % d'entre eux sont perdus et les autres 50 % cherchent ceux qui sont perdus. (19 h 50)

C'est donc en toute légitimité que le gouvernement libéral peut s'attribuer une partie importante de ce succès. Dès les premiers mois de son mandat, il a entrepris les démarches nécessaires pour convaincre le reste du Canada de l'importance de réintégrer le Québec à la Fédération canadienne. Aussi est-il primordial que le Québec conserve son leadership et démontre concrètement au reste du Canada sa détermination à agir comme partenaire majeur de la Fédération canadienne. S'il n'agit pas maintenant, le Québec risque de laisser passer une conjoncture qui pourrait ne pas se présenter avant de nombreuses années, voire même avant plusieurs décennies.

Une constitution qui nous offre quoi, Mme la Présidente? Des gains sans précédents. L'entente constitutionnelle du 2 juin n'est peut-être pas parfaite, mais, contrairement à ce qu'affirment les prophètes péquistes, cette entente comporte des gains appréciables pour notre province. Tout d'abord, qu'on pense à cette définition de la société distincte. Pour la première fois depuis 1867, on consacre le caractère distinct de la société québécoise en l'inscrivant dans la loi suprême du pays. L'Assemblée nationale et le gouvernement québécois se voient confier le rôle de protéger et de promouvoir ce caractère distinct. Deuxièmement, en matière d'immigration, le Québec a obtenu des pouvoirs additionnels majeurs en plus d'une confirmation de pouvoirs déjà présents dans l'entente Cullen-Couture. Ils nous donneront, désormais, les moyens d'affronter l'avenir avec confiance et nous permettront de concevoir et de mettre en application des politiques migratoires, démographiques, familiales qui assureront la pérennité du caractère français de la société québécoise et de son importance au sein de la Fédération canadienne.

Au chapitre de la Cour suprême, un autre gain majeur vient de l'adoption de la garantie constitutionnelle qu'au moins trois des neuf juges de la Cour suprême proviendront du Barreau du Québec. La participation du Québec à la nomination de ces trois juges est, en outre, garantie, puisque ceux-ci devront être nommés par Ottawa parmi une liste de candidats proposés par le gouvernement québécois.

Ce fameux pouvoir de dépenser, dont parle tant l'accord constitutionnel, confère maintenant la possibilité au Québec de refuser des programmes fédéraux de dépenses sans encourir de pénalités et de sanctions financières. Ce nouveau droit de retrait avec compensation financière constitue, quant à nous, un gain inédit. Non seulement, le Québec retrouvera-t-il sa totale marge de manoeuvre dans ses champs de compétence, mais le droit au retrait avec compensation rendra plus concerté l'exercice par le fédéral de son pouvoir de dépenser. En effet, lorsque le gouvernement fédéral voudra procéder à la mise sur pied d'un nouveau programme national, il devra discuter de son contenu, de

ses objectifs et des moyens à prendre avec les provinces, s'il souhaite que ce programme soit appliqué, partout, dans le pays. Il ne pourra plus décider unilatéralement de son opportunité et de ses critères de fonctionnement.

Parlons, maintenant, de la formule d'amendement. Le Québec se devait de récupérer des droits linguistiques qui, malheureusement, avaient été perdus. Il a accompli sa mission en enregistrant deux victoires, quant à nous, essentielles. La première tient à la reconnaissance du droit de veto abandonné par cet ancien gouvernement le 16 avril 1981. Par l'établissement de la règle de l'unanimité pour toute modification portant sur les questions énumérées à l'article 42 de la constitution de 1982, le Québec retrouve, en effet, sa capacité de s'opposer à tout amendement constitutionnel affectant la structure du fédéralisme canadien et qui va à l'encontre des intérêts québécois. Dorénavant, toute modification relative, entre autres, à la représentation des provinces aux Communes, à la réforme du Sénat, à la Cour suprême, au rattachement de territoires aux provinces et à la création de nouvelles provinces ne pourront intervenir, sans l'assentiment du Québec.

Une deuxième victoire concerne l'élargissement du droit de veto avec une juste compensation prévue à l'article 40, encore là de la Loi constitutionnelle de 1982. Le Québec a négocié et obtenu le droit pour une province d'exercer un droit de retrait avec juste compensation à l'occasion d'un amendement constitutionnel qui transfère au fédéral une compétence provinciale, quel que soit - cela est très important - le secteur d'activité en cause. Cette généralisation de l'article 40 de la loi constitutionnelle fournit au Québec, dans tous les domaines de compétence provinciale, une protection plus grande pour tous les secteurs relatifs à son caractère distinct. Elle constitue en outre un gage que le fédéralisme canadien ne pourra évoluer vers une centralisation des pouvoirs du fédéral que dans la mesure où les gouvernements et les citoyens qu'ils représentent le voudront bien.

Mme la Présidente, l'accord du 3 juin dernier met fin, quant à nous, à l'incertitude. Cet accord constitue une excellente entente qui s'inscrit parfaitement dans la foulée des revendications traditionnelles qui ont suivi les différents gouvernements. Il est l'aboutissement d'un débat qui dure depuis maintenant des décennies et dont le pour et le contre des divers aspects ont été largement exposés à la population du Québec et à celle du Canada.

Nous avons donc en main tous les éléments nécessaires pour faire collectivement, d'une façon lucide et éclairée, le choix et nous avons l'intention de faire ce choix afin de permettre au Québec de passer à d'autres défis tout aussi importants pour son avenir et pour le mieux-être des citoyens. Merci, Mme la Présidente.

Une voix: Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Limoilou. M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, distingués collègues. Mme la Présidente, pour la deuxième fois aujourd'hui, j'ai l'occasion d'intervenir sur cet important dossier qui nous intéresse tous et qui aura fait que le premier ministre du Québec aura cru bon, à la fin du mois de juin, de dire à l'Assemblée nationale: On suspend les règles, on met de côté le menu législatif - même s'il était maigre, tout de même, il fallait bien passer à travers - et on demande aux députés de s'intéresser à la résolution constitutionnelle.

Mme la Présidente, ce matin j'ai eu l'occasion...

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gauthier: Oui, Mme la Présidente, je vous suggère de ramener nos amis d'en face à l'ordre; peut-être que l'écoute leur apportera la sagesse.

J'allais dire que la vérité dans ce dossier vient malheureusement, puisque nos amis d'en face n'ont pas eu l'air de prendre constatation de la chose, du Canada anglais. Quand on regarde l'ensemble des citations qu'il m'a été donné de voir au cours des dernières semaines, on s'aperçoit que l'entente constitutionnelle du lac Meech, celle qui a fait l'objet de la résolution d'aujourd'hui, qu'on travaille aujourd'hui, est considérée et qualifiée comme étant excellente par tout le monde au Canada anglais. Voyons donc ensemble et calmement ce que ces gens en pensent et voyons si, dans ces déclarations, on peut y retrouver notre intérêt à nous, Québécois de langue anglaise et de langue française. Voyons si, véritablement, on peut retrouver notre intérêt, comme peuple québécois, dans ces interprétations de la résolution constitutionnelle. (20 heures)

La première citation vient du sénateur Murray, ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales, qui a été l'un des artisans, il faut bien le dire, de cette résolution constitutionnelle: "La minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays." C'est le

17 juin, dans un discours au Sénat, que le sénateur Murray, dans sa déclaration la plus caractéristique de cette entente, nous parle du caractère de la dualité linguistique de ce pays. À aucun moment, le sénateur Murray n'a parlé de protection supplémentaire pour le français. À aucun moment, il n'a parlé d'un avantage marqué pour les Québécois francophones à adhérer en quelque sorte au pacte confédératif. Non, le sénateur Murray nous parle de consacrer la dualité de ce pays. "L'entente du lac Meech donne pour la première fois au gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale." Cette déclaration, elle est de M. Ian Scott, procureur général de l'Ontario et elle a été faite le 20 mai 1987. Les politiciens de l'Ontario, des gens responsables, confirment ce que les membres de l'Opposition claironnent depuis déjà quelques jours en cette Chambre. Cette affirmation est d'ailleurs constamment contredite, réfutée ou rejetée - oh refuse simplement de l'entendre par les ministériels. Le droit constitutionnel de dépenser dans des juridictions strictement provinciales, des domaines qui, normalement, ont toujours fait l'objet, dans quelque province que ce soit, d'une revendication de tous les politiciens de tout temps, cela prend quelqu'un de l'Ontario pour venir nous l'affirmer. On l'affirme aussi en cette Chambre. Et les députés ministériels ne semblent pas réaliser que c'est la situation telle qu'elle se présente maintenant. Peut-être leur a-t-on trop monté la tête avec quelques prétendus avantages dans cet accord pour qu'ils puissent voir les problèmes réels qu'il pose. Mais il n'est pas encore trop tard, le débat n'est pas terminé, et je suis persuadé que d'aucuns d'entre eux sauront réfléchir à la question et pourront considérer que ce que le procureur général de l'Ontario affirme, ce que les parlementaires de ce côté de la Chambre affirment et ce que d'autres affirment a peut-être un fond de vérité. "Jamais, de mémoire récente, le Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature de l'accord constitutionnel de 1982 et son retour dans la confédération. C'est la parole souventefois citée dans la langue de Shakespeare par le chef de l'Opposition. Cela vient du Globe and Mail. "C'est vrai que le plancher sur lequel repose cet accord, le plancher de négociations qu'on a établi est tellement bas. Pour la première fois, le Québec sera aussi bas dans ses revendications".

Que ce soit le sénateur Murray qui parle de la consécration du caractère linguistique dans ce pays, que ce soit le procureur général de l'Ontario qui parle de la confirmation constitutionnelle du pouvoir du fédéral de dépenser dans des domaines de juridiction provinciale, que ce soit le Globe and Mail, qui affirme que jamais notre plancher n'a été aussi bas, je pense que l'ensemble des Québécois ont raison de s'interroger. L'intérêt des uns, malheureusement, ne coïncide pas toujours avec l'intérêt des autres. J'imagine que les députés en cette Chambre auraient avantage à méditer sur ces phrases cueillies dans les médias d'information anglophones.

Le sénateur Murray, le 5 mai, récidivait: "Ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue à l'émission "Question Period" à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition - on parlait de la clause de la société distincte - ne va en rien modifier la répartition des pouvoirs, qu'elle ne vise pas à le faire et que personne n'a prétendu qu'elle le ferait." Le sénateur Murray, c'est l'artisan fédéral de cette entente. Je ne sais pas pourquoi les députés d'en face refusent de constater que l'entente ne fait pas ce qu'on leur a dit qu'elle ferait. On leur a dit: C'est bon pour le Québec, cela fait plein de choses, cela nous donne enfin des pouvoirs, cela détermine des choses pour le Québec, il faut voter pour, allons-y, vendons-la à tout le monde. Ces déclarations n'ont pas été faites par des membres du Parti québécois. Elles n'ont pas été faites par des membres du Mouvement Québec français ou de la Société Saint-Jean-Baptiste, elles sont faites par des anglophones à l'extérieur du Québec, des gens qui croient juste de donner une interprétation qui est valable, il faut bien le dire, de cette résolution, de cette entente constitutionnelle. Le Procureur général de l'Ontario, toujours le 6 mai, disait: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. On est là dans un domaine de juridiction provinciale."

Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution; maintenant, il le sera et, dans ce sens, cette description formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa. Le sénateur Murray est obligé d'expliquer aussi au Sénat, à Ottawa, dans les milieux anglophones, là où il y a de la résistance face à cette entente constitutionnelle, qu'il y a des avantages pour le Canada anglais, qu'il y a des avantages surtout pour le gouvernement fédéral. Il le dit très bien: "Le pouvoir de dépenser n'était pas mentionné dans la constitution; maintenant, il le sera et, dans ce sens, cette description formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa."

Quand on explique aux députés d'en face que c'est un grave problème, que c'est là la reconnaissance officielle d'un pouvoir qui a toujours été contesté par l'ensemble des gouvernements du Québec, que ce soit des gouvernements libéraux, des gouvernements unionistes, des gouvernements péquistes, cela a toujours été dénoncé

comme étant un moyen pour le fédéral d'utiliser ses ressources aux fins, d'envahir des champs de juridiction qui ne lui appartiennent pas, il me semble qu'il n'y a pas un député en cette Chambre, il n'y a pas un parlementaire, à plus forte raison un membre du cabinet des ministres qui peut rester insensible à cette possibilité qui est maintenant celle de leurs homologues fédéraux - on achève de les appeler des homologues fédéraux, bientôt, ce sera leurs supérieurs fédéraux - d'envahir des champs de juridiction.

Je vois Mme la ministre des Affaires culturelles qui est dans un domaine essentiellement vital pour la survie du Québec, de la culture française sur ce territoire d'Amérique. Mme la ministre des Affaires culturelles ne verrait certainement pas d'un bon oeil que le gouvernement fédéral, par son pouvoir de dépenser maintenant consacré dans la constitution, dans des champs de juridiction appartenant uniquement aux gouvernements provinciaux, donc au gouvernement du Québec dans ce cas-ci, puisse intervenir pour autant qu'il donne un programme national, disons un programme d'intérêt national dans le domaine culturel, et dise à la ministre des Affaires culturelles: Ou bien vous embarquez, ou bien, Mme la ministre, vous vous retirez; mais vous mettez un programme équivalent sur pied, sinon il n'y a pas de compensation financière. Je suis certain que Mme la ministre des Affaires culturelles serait peinée de voir que les impôts des Québécois serviraient à mettre sur pied, dans l'ensemble des provinces du Canada, des programmes dans le domaine culturel et qu'elle ne pourrait pas en profiter. Mais je suis certain aussi, la connaissant, que Mme la ministre des Affaires culturelles serait probablement furieuse de savoir qu'elle n'a plus le choix maintenant dans son propre ministère, dans son secteur, de déterminer les priorités d'action du gouvernement, les marges de manoeuvre financière étant relativement minces. Comment un ministre du gouvernement du Québec pourra-t-il se garder l'autonomie décisionnelle dans son secteur, dans la mesure où il devra se conformer, selon le bon loisir des ministres fédéraux, à des programmes dits nationaux, à des programmes généraux, pour lesquels il n'aura pas d'intérêt? Je suis persuadé, Mme la Présidente, que ce soit la ministre des Affaires culturelles, le ministre de l'Environnement, le ministre des Affaires municipales ou d'autres ministres - on ne parlera pas du ministre délégué à la Privatisation, Mme la Présidente, il n'a pas son pareil au Canada - mais il viendra, Mme la Présidente...

Des voix: ...

M. Gauthier: ...à un moment donné, quand on lui confiera un ministère dans lequel il y aura des juridictions conflictuelles.

Une voix: II y en a déjà.

M. Gauthier: Effectivement, dans la question des valeurs mobilières dont il est responsable, il connatt ce secteur d'activité. Il connatt actuellement des problèmes avec le gouvernement fédéral dans toute la question de la réglementation et de l'harmonisation du fonctionnement des institutions financières. (20 h 10)

Mme la Présidente, est-ce que ce ministre, cette ministre ou d'autres personnes ici dans cette salle qui ont des responsabilités ministérielles trouvent normal, valorisant et acceptable la signature d'un document, l'adoption d'une résolution par cette Assemblée nationale sans que le débat ne se fasse véritablement. Les premiers au Canada s'empresseront de mettre leur signature, leur vote, leur appui, leur poids politique, la confiance que les gens ont en ces élus, tout cela pour diminuer en quelque sorte leur rôle, leur importance et leurs responsabilités.

C'est à n'y rien comprendre. Je ne comprends pas qu'un député de cette Assemblée nationale, pire, un membre du Conseil des ministres, souhaite diminuer sa capacité d'intervenir. Je ne comprends pas qu'on puisse vouloir, dans ce Parlement, être, en quelque sorte, des deuxièmes classes face aux députés fédéraux et face aux ministres fédéraux dont le pouvoir de dépenser ouvrira une panoplie de moyens d'intervenir directement dans la gestion courante des provinces du Canada. Je ne comprends pas qu'une ministre ou qu'un ministre de ce gouvernement ou qu'un député accepte qu'on le banalise au point où un ministre - je le disais ce matin - de l'Île-du-Prince-Édouard ou du Nouveau-Brunswick ait, en quelque sorte, la même autonomie d'intervention face au gouvernement fédéral que le ministre du Québec aura.

Je ne comprends pas qu'on puisse accepter qu'une province comme l'Île-du-Prince-Édouard, je le disais ce matin, de la grosseur des villes de Jonquière et de Chicoutimi ensemble, puisse avoir un statut équivalent à ce que le Québec aura dans la Confédération canadienne, le Québec qui est la terre, la patrie d'une des deux nations fondatrices de ce pays. C'est impossible, Mme la Présidente, que des gens ne puissent pas réaliser que si l'intérêt du Canada anglais ou des politiciens fédéraux est à ce point marqué et marquant dans leurs propos face à la situation dans laquelle on se trouve, ça puisse être en même temps et de façon aussi évidente pour la majorité

ministérielle, l'intérêt du Québec.

Le Procureur général de l'Ontario qui continuait sa citation, disait - je me permettrai d'en citer encore un bout pour convaincre nos voisins d'en face. Il serait important qu'ils se réveillent avant que le vote ne se prenne là-dessus, qu'ils en parlent à leur premier ministre qui, peut-être, par un objectif politique secret, caché, essaie de leur en passer une petite vite. Peut-être auront-ils le goût de poser les questions demain au caucus de la formation ministérielle. Donc, le Procureur général de l'Ontario disait: "L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes."

C'est clair, c'est évident et c'est ce contre quoi l'ensemble des politiciens du Québec, les hommes et les femmes politiques du Québec se sont toujours battus, aussi loin que je puisse me souvenir et bien plus loin encore si je me réfère aux livres d'histoire. "Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de la société distincte du Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances." C'est David Peterson, premier ministre de l'Ontario qui, dans le Globe and Mail du 16 mai 1987, faisait cette déclaration. "Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de la société distincte du Québec." Je regrette mais c'est plus fort, à mon point de vue, cette déclaration du premier ministre de l'Ontario qui a été une partie prenante à la négociation du texte qui a donné lieu à la résolution qui est devant nous.

Probablement que M. Peterson connaît mieux son affaire, malgré que je respecte tous mes collègues d'en face, que l'ensemble des gens qui sont en face de nous. Il n'a pas d'intérêt politique au Québec, M. Peterson.

Essayer de nous faire croire que c'est un bon "deal" pour les Québécois que cette affairel H a été de ceux qui ont donné des tapes dans le dos de M. Bourassa au lac Meech. Ah oui! Parce que cela faisait son affaire. M. Peterson l'a dit: La société distincte du Québec, les tribunaux l'interpréteront. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances.

Mme la Présidente, qu'on cesse de nous faire croire, dans cette Chambre, que le Québec a gagné sur le plan de la distinction de sa société dans l'accord du lac Meech. Qu'on cesse donc de nous endormir avec des discours qui n'ont d'autres fondements que la répétition du charabia politique du chef du gouvernement, actuellement. Mme la Présidente, tout le monde à l'extérieur du Québec trouve que c'est un bien bon "deal" pour le Canada anglais. Tout le monde à l'extérieur du ' Québec trouve que le Québec n'a jamais demandé si peu pour faire partie de la constitution canadienne. Tout le monde, à l'extérieur du Québec, explique à ses électeurs, à ses commettants que, dans le fond, il n'y a rien là comme pouvoir pour le Québec. Et les gens du Québec, les experts constitutionnalistes du Québec, les sociologues, les spécialistes, ceux qui se sont intéressés à cette question, qui sont venus en commission parlementaire, à de très rares exceptions près, ont tous déclaré que c'était dangereux de signer quelque chose qui n'avait pas plus de substance pour le Québec, de signer un texte dans lequel il n'y a pas de garantie formelle pour le Québec. Et s'il y a des garanties - je sais qu'il y a des gens en face qui vont prendre la parole, dans quelques instants - qu'on nous indique clairement sur quelles opinions juridiques sérieuses s'appuient ces affirmations qu'on nous livre depuis un certain nombre de jours, depuis un certain nombre d'heures, dans cette Chambre.

Mme la Présidente, je vous dirai simplement qu'il y a également une deuxième ronde de négociations qui est prévue et cela m'inquiète parce que, dans la première ronde, on s'est fait organiser. Les Québécois se sont fait passer un lac Meech! Les Québécois se sont fait passer une petite vite par l'ensemble des premiers ministres du Canada. Les déclarations et les citations que je faisais tout à l'heure le démontrent largement. On parle de Pierre Trudeau. Parlons-en donc de Pierre Trudeau! M. le député de Frontenac, si cela peut vous intéresser, je vais vous en parler.

Pierre Trudeau, cet homme dont la conception du Canada est tellement centralisatrice, archaïque et déconnectée de la réalité. C'est ce même Pierre Trudeau de Cité libre, on s'en souviendra, qui a toujours traité le Québec et les Québécois comme une bourgade et les membres d'une bourgade, des gens qui ne sont pas capables ou qui n'ont pas intérêt à s'élever au niveau de la nation dans le sens où lui l'entend. Cet esprit supérieur, déconnecté de la réalité, a tellement fait pour le Canada qu'aujourd'hui, même après quatre ans ou trois ans et quelques mois de règne conservateur, il n'y a plus personne au Canada qui s'intéresse au Parti libéral fédéral ou, du moins, à ceux qui sont encore marqués du règne de Pierre Elliott Trudeau. Parlons-en de Pierre Elliott Trudeau! C'est celui qui, en 1980, vous a menti, vous a bernés et vous a emberlificotés, ce qui vous a amenés à vous faire jouer comme l'ensemble des Québécois et à croire qu'il se passerait effectivement des choses au Canada. Sauf qu'on s'est aperçu de ce qui s'était passé. On s'est aperçu que, maintenant, le Québec est affaibli par la résolution constitutionnelle. Le Québec, à qui on avait promis un statut particulier, à qui on avait promis plus de

pouvoirs, le Québec qui devait essentiellement avoir confiance dans ce politicien francophone de Montréal - et les Québécois ont tendance à se rattacher aux gens de chez eux, surtout quand ils sont à Ottawa et qu'ils ont l'air de mener quelque chose - le Québec, dis-je, s'est fait berner par Pierre Trudeau. À telle enseigne que, même aujourd'hui, allez en parler à John Turner, allez en parler aux politiciens libéraux, vos grands frères, vos maîtres peut-être, vos patrons possiblement, allez leur en parler et demandez-leur comment ils essaient de se distinguer de ce personnage d'une autre époque, de toute façon, et qui n'a pas encore compris que son temps était fait. (20 h 20)

Des voix: D'accord. On est d'accord.

M. Gauthier: Je suis heureux de voir que le Parti libéral provincial, par la bouche de son leader adjoint, est d'accord avec ces propos que j'entretiens au sujet de l'ancien premier ministre. Il n'est pas seul d'ailleurs, les autres libéraux fédéraux sont tout aussi d'accord. Cet homme, qui avait une conception centralisatrice du Canada n'avait qu'un objectif: celui d'exercer ce pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Dans son machiavélisme, il avait conçu un plan destiné à affaiblir, à banaliser le Québec et ce plan aura été complété de façon beaucoup plus habile, il faut le dire, mais complété exactement dans la même direction par Brian Mulroney.

Mme la Présidente, Pierre Elliott Trudeau, dans son machiavélisme, est en train d'essayer de nous faire croire maintenant que c'est impensable que l'entente du lac Meech puisse donner au Québec autant de pouvoir. La seule chose qu'on n'a pas dite, c'est qu'il est seul au Canada actuellement à avoir le pas, avec quelques politiciens d'extrême droite qui croient que le Canada sera affaibli dans une telle entente. La plupart des politiciens actuels croient, et à juste titre, que le Québec sortira affaibli dans un Canada plus uni. Pour Pierre Trudeau, ce n'est pas encore assez, mais je ne suis pas sûr que son jeu ne consiste pas simplement à démontrer, en prenant l'extrême droite, que l'entente constitutionnelle, bof! ce n'est peut-être pas si pire. Trudeau trouve que cela n'a pas de bon sens pour le Canada. Le Parti québécois trouve que cela n'a pas de bon sens pour le Québec. Peut-être bien qu'entre les deux il y aurait quelque chose d'intéressant.

Pierre Elliott Trudeau est assez machiavélique pour avoir capitalisé sur une telle façon de concevoir les choses de la part de l'électorat moyen, mais il faudra bien constater qu'outre cette note discordante de ce politicien dépassé, l'ensemble des politiciens actuels du Canada est d'accord pour dire que c'est un bien bon "deal" pour le Canada. Si c'est un bien bon "deal" pour le Canada, je ne suis pas sûr que ce soit un si bon "deal" que cela pour le Québec.

Mme la Présidente, le premier ministre du Québec malheureusement a cédé des choses... Vous me dites qu'il me reste cinq minutes, Mme la Présidente. C'est effrayant. J'en aurais pour des heures à parler de cette entente constitutionnelle.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Gauthier: Je suis certain que j'obtiendrais le consentement de l'autre côté, Mme la Présidente, parce qu'ils s'intéressent à ce qu'on dit.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Gauthier: C'est peut-être la première fois qu'on leur parle aussi franchement de ce qui doit être dit. C'est peut-être la première fois que nos collègues d'en face ont la chance...

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Gauthier: ...de se confronter aux déclarations des politiciens d'autres coins du pays.

La Vice-Présidente: À l'ordre!

M. Gauthier: C'est peut-être la première fois qu'on leur fait réaliser les pouvoirs que le Québec aura perdus, que ce soit en consacrant le pouvoir de dépenser du fédéral, que ce soit en n'obtenant pas sur le plan linguistique le pouvoir de légiférer comme cela devrait être à l'intérieur du Québec, à l'Assemblée nationale du Québec.

Mme la Présidente, c'est peut-être la première fois qu'on leur dit que, sur le plan juridique, l'entente constitutionnelle, la résolution qu'on nous propose n'offre aucune garantie de protection de notre droit. C'est peut-être la première fois qu'on leur dit que le "deal" du lac Meech n'est peut-être pas le "deal" du siècle pour les Québécois, mais c'est probablement le "deal" du siècle pour tous ceux et celles - je voudrais bien qu'ils se fassent connaître - qui ont le goût, qui ont envie de renier ce que les politiciens qui les ont précédés au Québec depuis plus de 50 ans ont toujours fait, en ravalant le Québec, en le rabaissant au niveau de l'Île-du-Prince-Édouard, au niveau du Nouveau-Brunswick, au niveau de la Nouvelle-Écosse.

Mme la Présidente, mes propos font mal à certains députés dans cette salle. Je sais...

La Vice-Présidente: Je m'excuse, M. le député de Roberval. Je demanderais la collaboration de la Chambre. J'ai reconnu le

député de Roberval et j'aimerais, si vous avez quelque chose à dire, que vous intervenez par la suite. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, Mme la Présidente. Je sais que ce que je dis blesse le député de Vanier parce qu'il est blessé dans son orgueil, car, il ne croyait pas qu'on l'avait embarqué dans un tel débat. On ne le lui avait jamais dit. On lui avait fait croire que c'était un "deal" pour le Québec. On ne lui avait jamais dit que tout le monde au Canada, excepté lui, pensait que c'était un bon "deal" pour le Canada anglais et que le Québec, malgré son histoire, malgré les gouvernements de Johnson, de Lesage, malgré les gouvernements de Duplessis et de Taschereau, on ne lui avait jamais dit que c'était un des premiers politiciens depuis aussi longtemps, plus longtemps qu'il n'existe, que jamais aucun politicien au Québec n'aurait accepté une pareille situation.

Aujourd'hui, il s'apprête à mettre son vote en bas d'une résolution pour laquelle on a refusé aux Québécois un véritable débat. N'oubliez pas, messieurs, que nous serons la première Assemblée législative - puisque vous aimez ce terme - à adopter la résolution constitutionnelle, nous qui sommes les grands perdants dans cette résolution, parce que le débat risque - oui, mesdames, vous pouvez applaudir - de faire en sorte que les Québécois s'aperçoivent de la duperie et votre premier ministre avait le goût d'adopter cela vite au mois de juin, qu'on n'en parlerait plus et qu'au Québec ce ne serait pas trop dommageable sur le plan des sondages. Mais, c'est triste, Mme la Présidente, c'est très triste. Ce débat est très triste. Le résultat, la conséquence de ce débat est encore plus triste. On aura signé la capitulation de centaines d'années de lutte du peuple québécois. Vous nous aurez banalisés, mais un jour vous paierez pour. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Roberval. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: En vertu de l'article 213. Mme la Présidente, si le député de Roberval voulait me le permettre, j'aimerais lui poser une question.

La Vice-Présidente: En vertu de l'article 213, vous savez, M. le leader adjoint du gouvernement, qu'il faut le consentement du député concerné. M. le député de Roberval, consentez-vous une question?

M. Gauthier: Mme la Présidente, si le député de Frontenac avait écouté, probablement que tout a été dit dans ce débat et probablement qu'il n'aurait pas de question à poser. Mme la Présidente, je suis disponible pour répondre au député de Frontenac, à toutes les questions qui l'intéresseront, je peux lui fournir la documentation qu'on ne lui a pas fournie à son caucus.

La Vice-Présidente: D'accord. Avant de reconnaître la question, j'aimerais aviser cette Chambre que la question et la réponse doivent être très courtes. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: II a dit non.

M. Gauthier: Mme la Présidente...

M. Lefebvre: Mme la Présidente... M. le député...

M. Gauthier: ...je veux simplement dire...

La Vice-Présidente: Un instant.

M. Lefebvre: C'est une question très simple.

M. Gauthier: Est-ce que je peux répondre?

La Vice-Présidente: Oui, oui. Je reconnais le député de Roberval.

M. Gauthier: Mme la Présidente, pour que vous, le député de Frontenac et les députés là-bas qui n'ont pas eu l'air de comprendre entendent bien. J'ai simplement dit au député de Frontenac...

Des voix: Oui ou non.

M. Gauthier: J'ai dit au député de Frontenac que s'il avait bien écouté il n'aurait pas de question à poser. S'il veut m'en poser, je suis disponible, derrière le trône. Même je lui fournirai la documentation.

La Vice-Présidente: Bon. Là-dessus, j'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas de permission. Donc, pas de question. M. le député de Vanier, sur une question de règlement?

M. Lemieux: Question de règlement, Mme la Présidente. Comme le député de Roberval ne veut pas répondre à une question du député de Frontenac, voudrait-il bien répondre à une question du député de Vanier, en vertu de l'article 213 du règlement?

La Vice-Présidente: M. le député de Roberval, sans commentaire. Oui ou non.

M. Gauthier: Mme la Présidente, c'est

sans intérêt, une question du député de Vanier.

La Vice-Présidente: Bon, d'accord, pas de question. Oui.

Mme Juneau: Mme la Présidente, question de règlement.

Il a été défini au début des discussions sur l'accord du lac Meech qu'il y avait 35 heures de débat. Si on passe notre temps à se lever d'un bord et l'autre...

Une voix: C'est la meilleure celle-là.

La Vice-Présidente: Là-dessus j'oserais dire, madame, que les questions de règlement sont toujours pertinentes à un débat et que ce n'était pas une question de règlement. Là-dessus, je suis prête à reconnaître Mme la ministre des Affaires culturelles. Mme la ministre.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Mme la Présidente, en entendant le député de Roberval, j'ai l'impression que la population doit être fière de s'être débarrassée de cet État-spectacle que nous avons connu dans les années passées. Comme il l'a fait par le passé, le gouvernement libéral a assumé ses responsabilités en vue d'adhérer de façon définitive à l'accord constitutionnel, à partir d'une démarche qui a fait en sorte qu'une entente favorable au Québec intervienne et ce, après maints soubresauts survenus dans un dossier aussi complexe que celui des relations fédérales-provinciales. (20 h 30)

De fait, il est important de saisir la trame qui se profilait tout au cours des dernières années, avant d'en arriver à un tel dénouement et, surtout, avant d'illustrer aussi la spécificité culturelle qui va bien au delà de la question linguistique. Dans le cadre des discussions constitutionnelles, le gouvernement québécois a adopté une approche résolument positive. En vertu de celle-ci, il s'agit pour les intervenants canadiens et provinciaux de trouver une solution viable afin que le Québec puisse réintégrer l'accord constitutionnel.

On comprend mieux ainsi l'issue de l'entente intervenue le 30 avril dernier à la lumière de l'évolution du fédéralisme canadien. Historiquement, les principales forces politiques se percevaient à partir de l'idée qu'on se faisait du fédéralisme centralisé, comparativement à un autre plus décentralisé. En vertu du fédéralisme centralisé, on sait que le gouvernement central détiendrait la plupart des grands leviers économiques, culturels et politiques. Et si ce concept paraît clair et simple, il comporte néanmoins le désavantage d'entacher la souveraineté des provinces dans leurs juridictions. Leur identité respective s'en trouverait altérée en plus d'être peu évolutive.

On comprend, dès lors, que le Québec a toujours préféré une formule moins rigide comme celui du fédéralisme coopératif, fédéralisme aussi décentralisé, de manière que soit reconnu son caractère distinct. C'est précisément le sens et la portée de la dernière entente constitutionnelle à laquelle a adhéré le Québec en y associant cinq conditions fondamentales qui correspondaient à ses aspirations. En somme, on a assisté à une sorte de retour aux sources du fait que tous les intervenants voulaient en arriver à assurer l'unité du pays. Certes, l'environnement politique qui prévalait à la naissance de la Fédération canadienne a bien changé, mais le cadre global est demeuré.

On se souviendra qu'en 1867, le concept de centralisation qui animait les Pères de la confédération s'est vite estompé dans la pratique. Les tensions ethniques et religieuses qui déchiraient le pays ont rendu son unification difficile, et particulièrement entre les années 1873 et 1896. En cours d'histoire sont venus s'ajouter d'autres enjeux qui ont milité en faveur d'un fédéralisme de plus en plus décentralisé. Des rapports difficiles entre communautés linguistiques, entre groupes d'affaires, ont fait en sorte que les Canadiens se sont progressivement identifiés à leur État provincial. Toutefois, l'essentiel demeure en ce que personne ne désire remettre en cause l'unité du pays. Au regard de la dernière entente constitutionnelle, on peut d'ores et déjà affirmer qu'elle représente davantage qu'une simple symbolique. En effet, toute la constitution devra dorénavant être interprétée en fonction de cette reconnaissance du Québec comme étant une société distincte.

Je ne crois pas me tromper en affirmant que l'Opposition ait saisi l'idée que le fédéralisme canadien pourrait évoluer sans être dissous. Leur échec de 1980 transcende encore leurs débats internes. Elle demeure incapable de renouer ses liens avec les groupes idéologiques de notre société et assurer une relance. Je soulignerai également que la question linguistique constituait une composante importante, mais non exclusive, dans le cadre des récentes discussions.

Par delà cette question essentielle pour la survie et l'épanouissement de notre communauté francophone s'est tissée une toile culturelle qui a caractérisé et aussi délimité notre spécificité, un mode de pensée, une façon de vivre et de se comprendre entre nous et entre communautés autres que francophone qui ont façonné des liens sociaux, culturels et économiques dans une diversité québécoise. Dans cet environnement, une large place était accordée aux droits individuels et aussi aux droits

collectifs. Que ce soit sur le strict plan culturel ou dans un cadre politique plus général, le gouvernement du Québec a cru qu'une entente constitutionnelle était devenue fondamentalement nécessaire pour le peuple québécois à ce stade de l'histoire des relations fédérales-provinciales.

Cette entente constitue une chance historique qui se traduit en un engagement, de la part des différentes Législatures provinciales, d'agir. Oui, d'agir dans les meilleurs délais afin qu'elle soit définitivement acceptée dans l'ensemble du Canada. Comme le disait récemment le premier ministre du Québec: II n'y a pas de doute que le Québec soit le grand gagnant de cette opération constitutionnelle. En effet, la constitution renaîtra pour la première fois en 120 ans d'histoire, l'histoire du Québec comme société distincte sera enfin reconnue. Elle assurera aussi au Québec les moyens de préserver, mais aussi de promouvoir son caractère distinct. Elle lui donnera également une assise constitutionnelle du fait français au Québec, en plus de lui procurer une sécurité nécessaire pour le développement de notre société.

Sur le strict plan culturel, la conclusion de cette entente constitutionnelle constitue un gain appréciable. En effet, le Québec poursuivra ses objectifs de protection et de promotion de sa distinction à travers sa façon de vivre, à travers sa façon de créer, de propager sa culture. La marge de manoeuvre du Québec en ce domaine sera encore mieux déterminée par le biais de ses programmes d'aide technique ou financière et son réseau d'institutions.

En abordant le thème constitutionnel, on ne peut esquiver l'autre débat qui en découle, soit celui du rôle de l'État à l'égard de la culture au Québec. Je vous rappelle, en outre, que les gouvernements libéraux qui se sont succédé ont sans cesse insisté sur l'idée de souveraineté en matière culturelle. C'est d'ailleurs à partir d'un tel principe que se comprend l'évolution du rôle de l'État depuis les 25 dernières années en matière culturelle, et ce, dans tous les secteurs d'activité; que ce soit la danse, la musique, l'art dramatique et l'art d'interprétation, la littérature, l'équipement culturel, l'aide au milieu artistique et j'en passe.

Conséquemment, on se souviendra que, jusqu'aux années 1959, l'État n'a pas été complètement absent du domaine culturel, mais ses actions restaient dépourvues d'envergure et de plan d'ensemble. Aucun ministère n'avait pour tâche de coordonner et d'orienter les actions gouvernementales en matière culturelle. Ce n'est qu'au début des années soixante que la culture est devenue une affaire publique où l'État se sentait justifié d'intervenir progressivement dans ces champs d'activité. Aux efforts de l'État québécois s'ajoutèrent ceux des autres ordres de gouvernement, soit ceux des municipalités, du gouvernement canadien, lesquels ont contribué à augmenter l'aide accordée au milieu artistique et, dès lors, on percevait bien que le Québec désirait affirmer sa distinction; affirmer sa distinction, oui, par le biais de ses politiques et de la prolifération de ses programmes d'aide. Les efforts gouvernementaux ont fait en sorte que, dorénavant, le milieu culturel pouvait compter sur l'appui d'un agent d'intervention majeur en ce que l'État prenait de plus en plus de place dans un domaine où l'on réclamait qu'il alloue des ressources financières et techniques. Le danger d'une telle intervention résidait dans cette propension des gouvernements à politiser la culture québécoise, une attitude que condamna avec raison le milieu culturel et artistique.

Aujourd'hui, cette société distincte maintenant reconnue dans la constitution ne fait que vivre sa maturité. En d'autres termes, ce que le Québec a vécu de façon informelle, il peut maintenant l'assumer pleinement de façon formelle. Pourtant, cette marge de manoeuvre n'a rien à voir avec une quelconque forme cachée de souveraineté-association comme se sont plu à le commenter certains observateurs de la scène politique. Quand on y pense bien, Mme la Présidente, le Québec a réclamé rien de moins que sa souveraineté culturelle pour laquelle il a lutté pendant des années. (20 h 40)

Donc, à partir de cette entente, il reviendra à l'Assemblée nationale de promouvoir la spécificité du Québec dans le domaine culturel comme dans les autres activités. La population québécoise peut compter sur l'efficacité du gouvernement libéral. A l'heure des bilans, nous saurons d'ailleurs prouver une telle affirmation en ce que le milieu artistique et culturel aura bénéficié d'une orientation et de mesures planifiées en fonction de ce que la société peut leur offrir. Le milieu artistique aura pris la place qui lui revient, de façon légitime.

En regard du dossier linguistique, le Québec a également obtenu des gains substantiels. En effet, comme le précisait le premier ministre du Québec, les clauses de sécurité juridique ajoutées à l'article sur la société distincte pour mettre les pouvoirs actuels du Québec en matière linguistique à l'abri des interprétations des tribunaux corespondent mieux à notre distinction. En effet, en vertu de cette entente, les premiers ministres se sont dits prêts à accepter que l'article de la constitution sur le Québec, société distincte, soit précisé par une référence à la langue française comme trait de spécificité. Voilà un gain majeur et concret par rapport à la performance de l'ancien gouvernement qui, en 1981, a laissé

échapper le droit de veto qui était considéré comme un acquis pour le Québec. En d'autres termes, la nouvelle entente inscrit en toutes lettres que les pouvoirs de l'Assemblée nationale demeurent intacts pour tout ce qui touche la protection et la promotion de la société distincte. Le Québec aura donc réussi à faire en sorte de réintégrer avec fierté les rangs du Canada et de réorienter la dynamique constitutionnelle dans un sens favorable aux intérêts du pays et ce, en fonction des intérêts du Québec. Voilà l'essentiel, voilà aussi la raison de l'appui d'une majorité de la population québécoise à cette entente constitutionnelle.

Comme le titrait Le Devoir, les 26 et 27 mai dernier, cette entente constitue un pas en avant que le gouvernement du Québec devait franchir et qui marque, dans l'histoire des relations fédérale-provinciales, une ouverture et un épanouissement du peuple francophone et de la société québécoise. Le Québec pourra, dès lors, affirmer sa spécificité à travers sa culture et ce, en exerçant les pouvoirs qui lui sont propres et exclusifs. Les interventions du gouvernement canadien continueront d'offrir des gains appréciables pour le milieu culturel, mais devront aussi s'inscrire dans les priorités du Québec.

Enfin, la récente entente constitutionnelle comporte des avantages pour le Québec sur le plan culturel, avantages incluant le domaine linguistique, mais, pardessus tout, s'établiront dans ce pays de nouveaux rapports, une nouvelle dynamique dans les relations fédérale-provinciales. En consacrant le caractère distinct du Québec à l'heure où d'autres débats reprendront leur cours, il devenait essentiel que le Québec réintègre les rangs du simple fait que l'ensemble de la population québécoise a confiance au fédéralisme canadien, qu'on le qualifie de coopératif ou de décentralisé. Les gains nets en faveur du Québec furent concrets, en dépit des discussions parfois difficiles, dans certains secteurs d'activité.

Par ailleurs, jamais le Québec n'a remis en cause notre système politique. Historiquement, la discussion portait davantage sur le degré de coopération auquel le Québec accepterait d'adhérer librement et fièrement à quelque texte constitutionnel qui lui serait soumis. Avec la récente entente, ce degré de coopération est désormais plus clair. Telle me semble être la logique et aussi la cohérence de la démarche du gouvernement québécois dans le dossier constitutionnel. En bout de piste, le Québec n'a ni renié, ni altéré l'essentiel des revendications traditionnelles en matière constitutionnelle. Bien au contraire, le gouvernement du Québec a fait reconnaître des principes de base plutôt que d'y aller à la pièce, une démarche qui identifie beaucoup mieux le contenu de nos droits légitimes en matière culturelle, économique ou politique.

En somme, le reste du Canada a obtenu réponse à la question "What does Québec want?" Les autres premiers ministres savent maintenant que le Québec a toujours voulu adhérer à la constitution, mais pas à n'importe quel prix, au point d'en sacrifier des pans de juridiction qu'il lui était essentiel de conserver, sinon d'augmenter. En outre, la démarche du gouvernement québécois s'est inspirée du plus grand respect de ses autres partenaires canadiens, démarche qui ne l'a pas empêché de demeurer ferme sur l'ensemble de ses revendications, une démarche marquée par l'absence de toute menace qui met en cause l'unité politique du pays et au cours de laquelle l'aspect théâtral des déclarations fracassantes a cédé le pas à la logique et au pragmatisme.

La population québécoise est d'ailleurs confiante qu'une telle dynamique de discussion se renouvelle dans un débat tout aussi crucial que celui du libre-échange. Comme on le sait, le Québec devra demeurer vigilant pour s'assurer que sa position sur la question du libre-échange, par rapport au volet culturel, soit bien étayée et aussi soit bien comprise de l'ensemble de ses partenaires pour mener ce dossier à bon port. L'enjeu sera de taille et la carte de la société distincte devra, là aussi, être jouée de façon optimale pour bien faire comprendre à tous les interlocuteurs en cause qu'en aucun temps l'identité québécoise ne doit être menacée à la suite de la signature d'une telle entente.

Voilà, Mme la Présidente, l'essentiel de la démarche du gouvernement québécois qui croit en l'avenir du Canada et qui croit aussi à l'épanouissement d'un Québec distinct au sein d'un fédéralisme coopératif. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires culturelles et vice-première ministre.

M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, Mme la Présidente. Une des premières questions qu'on doit se poser, c'est: Est-ce que le gouvernement libéral, le gouvernement actuellement au pouvoir, a été élu pour adhérer à la constitution canadienne à n'importe quel prix?

Des voix: Oui. Des voix: Non.

M. Dufour: Est-ce que, vraiment, ce gouvernement a mis, durant la campagne électorale, les cartes sur table...

Une voix: Oui.

M. Dufour: ...pour négocier, discuter avec l'ensemble de la population?

Une voix: Jamais!

M. Dufour: Contrairement à ce qui se dit, je réponds: Non, le gouvernement actuel n'a pas été élu pour régler le problème de la constitution. Il a fait le débat à l'intérieur du parti, parmi ses membres, en catimini, en petits groupes très restreints. Cela n'a pas été l'objet de la campagne électorale qui a donné lieu à l'élection du 2 décembre 1985. Le gouvernement en face de nous n'a pas été élu en fonction de l'entente qui pourrait mener à la ratification d'un accord avec le gouvernement canadien. Donc, c'est un débat très important.

Si c'est vrai, comme le prétendent les députés d'en face, qu'ils ont été élus pour mettre en place ou pour régler la constitution canadienne, il faudrait peut-être remettre en question un certain nombre d'éléments, un certain nombre de promesses électorales qui ont été reniées, mises de côté et foulées aux pieds. Je pense que c'est la question qu'il faudrait se poser. Un gouvernement ne peut pas être pour une chose et être contre une autre. Il faudrait qu'il soit cohérent et logique dans l'ensemble de ses décisions. Regardez et examinez - je vous y invite, pas nécessairement ceux qui nous écoutent, mais au moins ceux qui ont été élus parce qu'ils auront des comptes à rendre un de ces jours - quelles sont les promesses qui ont été faites, quelles sont les assurances qui ont été données à la population et quelle est la marchandise qui a été livrée depuis ce temps-là. Il s'agit de regarder le nombre de chômeurs, d'assistés sociaux, les plus démunis, les groupes communautaires. Tous ces gens-là pourraient vous en parler et j'ai l'impression que, de ce côté-là, vous en auriez plein les bras.

Mais cela ne suffisait pas! Il fallait que M. Bourassa et M. Rémillard, le ministre pancanadien, puissent rassurer les gens qu'ils avaient livré des choses qui passeraient à l'histoire avec un grand "H". On a eu Paul "H". Gobeil. On va avoir les ministres de la "H", avec un grand "H" pour histoire. Ce n'est pas nous qui le disons. Il s'agit de les écouter. Ils sont allés à Ottawa, au lac Meech, pour discuter de la constitution. Ils sont revenus. Ils étaient en admiration l'un devant l'autre. Un était un homme historique et l'autre a passé à l'histoire; l'autre était donc bon et fin. Ce n'est pas ce qui a été dit en pleine Assemblée nationale? Je vous invite au moins à faire un petit effort pour ouvrir vos oreilles, pour vous rendre compte que, lorsque ces gens-là sont revenus du lac Meech, ils étaient tombés en admiration l'un devant l'autre. C'est ce que j'appelais ce matin le miroir à deux faces: Robert-Gil, Gil-Robert. Mon doux qu'on est beau et que cela allait bien!

Des voix: ...

(20 h 50)

La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le député de Jonquière, je pense que je n'ai pas à vous rappeler l'article 35.2 où il est dit que le député qui a la parole ne peut désigner un député autrement que par son titre. Là-dessus, pour éviter tout débat, je vous demanderais de respecter cet article. Vous pouvez continuer.

M. Dufour: J'aurais eu de la misère à en définir un, parce qu'il a changé de comté tellement souvent qu'il aurait été difficile pour moi de nommer son titre. Je l'aurais oublié.

Cela dit, je dois dire que ces gens-là sont tombés en admiration l'un par rapport à l'autre ou l'autre par rapport à l'un, parce qu'ils ont trouvé qu'ils avaient fait tellement une bonne "job" qu'ils n'avaient plus rien à faire, tout était accompli.

Qu'on regarde ce qui s'est passé par après. On a demandé, à force de demander non pas à sang, mais à cor et à cri, une commission parlementaire, qu'on a voulu écourter le plus possible, qui a été rallongée à force de pressions de l'Opposition pour écouter ce que les gens avaient à dire. Heureusement, cela a amené une certaine réflexion, puisque le premier ministre a décidé qu'on n'avait pas tellement de protection pour les droits linguistiques, que cela prendrait une clause de sauvegarde pour s'assurer que les droits linguistiques seraient bien protégés. Même avec cette clause, en dehors de l'emballage verbal de certaines personnes vis-à-vis de cette entente, il faudrait peut-être réfléchir sérieusement et surtout très calmement sur la signification de l'entente. J'essaie de regarder à travers ça les gens qui sont en dehors de la politique mais qui réfléchissent, qui sont des spécialistes en la question.

Je reviens avec l'analyse de José Woehrling qui dit que la clause "sauvegarde" stipule que la reconnaissance de la dualité canadienne et du caractère distinct du Québec, de même que le rôle des onze Parlements de protéger la dualité - celui du Parlement et du gouvernement du Québec -de protéger, de promouvoir le caractère distinct n'ont pas pour effet de déroger aux pouvoirs, droits ou privilèges du Parlement ou du gouvernement du Canada ou des Législatures ou des gouvernements des provinces, y compris leurs pouvoirs, droits ou privilèges en matière de langue...

Donc, dans la mesure où elle bénéficie non seulement au Québec mais également à toutes les autres provinces et, plus important encore, au fédéral lui-même, la clause

"sauvegarde" conquise de haute lutte par M. Bourassa a probablement pour effet de fixer non seulement le plancher des pouvoirs linguistiques du Québec mais aussi leur plafond. Je pense que ce côté-là parle tout seul. Cela veut dire que la clause canadienne dit qu'une société distincte canadienne doit protéger... C'est le bilinguisme qui est la clause distincte et au Québec, on parle de société distincte, mais il n'y a rien d'attaché à ça. Donc, société distincte qui ne veut rien dire. Société distincte qui fait qu'on est banalisé comme peuple. C'est important et c'est difficile pour nous. Vous comprendrez que pour les gens de l'Opposition, c'est difficile de faire confiance aux gens au pouvoir.

Je vous rappelle qu'il y a eu des gens qui ont déjà regardé les problèmes de la langue ici au Québec. Il y a eu des études. Je veux vous rappeler qu'en 1965 le Dr Wilder Penfield, à la commission Laurendeau-Dunton, disait qu'à Montréal l'enseignement dans toutes les écoles devrait se faire en anglais le matin et en français l'après-midi. Cela a suscité des recherches et un tollé.

Voici ce qu'on a répondu à cela. Le résultat ne nie en aucune façon que le bilinguisme et, si possible, le fait de savoir plusieurs langues soient un atout humain considérable, mais on doit considéré comme bien prouvées deux mises en garde: Premièrement il faut être bien formé à l'usage de sa langue maternelle avant tout apprentissage surtout scolaire d'une deuxième langue, sinon la créativité et la communication seront affaiblies dans les deux langues qu'on aura apprises.

Deuxièmement, le bilinguisme scolaire imposé par la famille et l'école favorise les enfants plus doués intellectuellement et ceux qui proviennent des milieux socio-économiques plus élevés. Il défavorise tous les autres. Les Belges ont un mot très dur zenneke, bâtard, pour désigner les victimes du bilinguisme infantile forcé. Il serait dommage que la pression d'un courant d'opinion sous notre ministre de l'Éducation en produise une génération parmi nous sous prétexte de nous rendre plus compétitifs.

Ce ne sont pas mes mots, vous savez bien que je ne peux pas écrire ça. Il y a des gens qui ont étudié, mais je peux le lire. Je peux vous le transmettre. Je peux au moins vous dire qu'il se passe des choses. Il y a des gens avant vous autres qui ont réfléchi sur cette problématique, qui sont arrivés à des résultats et des conclusions et qui viennent vous dire: Attention! Vous qui avez commencé à faire tourner la terre à partir du 2 décembre, où allez-vous nous mener? Avec vos idées de passer à l'histoire. Je vous l'ai dit ce matin. Il y a des gens qui passent à la grande histoire, il y a la petite histoire, et il y a les "conteux" d'histoires. Vous, vous allez faire partie des conteurs d'histoires. C'est comme cela qu'on le voit.

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dufour: La question du bilinguisme est importante. Qu'on regarde ce qui se passe dans la loi 101. Est-ce qu'on gagne quelque chose avec cet accord? Je pense qu'il faut réfléchir à cela. Il faut aussi examiner s'il s'est vraiment passé des choses par rapport à cette clause. Parce qu'il faut bien le constater, vous êtes des gens qui avez confiance en la justice, en la Cour suprême d'une façon inconsidérée, je pourrais même dire presque d'une façon...

Une voix: Inconditionnelle!

M. Dufour: ...inacceptable, inacceptable parce que vous abdiquez les pouvoirs des élus, les pouvoirs de l'Assemblée nationale, au profit de la Cour suprême. Pourtant, la Cour suprême ne devrait avoir comme fonction fondamentale que de déterminer en fonction des lois qui ont été votées par les différentes Assemblées, par les différents Parlements, puisqu'on fait encore partie de la constitution canadienne. Vous, vous nous dites: On est prêt à partir en voyage, les autres décideront pour nous. C'est cela qui arrive. C'est cela qui est dangereux et c'est cela qui est compliqué dans votre positionnement. Les juges décideront.

Parce qu'il va y avoir trois juges qui seront nommés après consultation avec le Québec. On vient d'avoir la vérité tranquille, on est prêt à se confier au gouvernement, à la Cour suprême, pour se faire décider les mêmes choses. Pourtant, il y a des spécialistes qui nous disent: Vous n'avez rien gagné. Le bilinguisme d'un côté, le multiculturalisme de l'autre. Comment se concrétisera là-dedans le caractère distinct du Québec?

Les textes fondamentaux du Canada contiennent déjà plus qu'il ne faut pour fixer celui-ci dans un corridor terriblement étroit, quasi folklorique. Et on parle de la société distincte. On parle d'une société qui va être différente des autres. On pense à des gains fondamentaux pour faire avancer le Québec. On pense à de meilleures balises pour faire respecter le droit de travailler et de gagner sa vie en français. Est-ce comme cela qu'on le voit?

Pourtant, le sénateur Lowell Murray dit: II n'y a rien là. Ils ont retenu ce qu'ils avaient. Les dix autres premiers ministres des provinces du Canada, cela ne change rien. Ce qu'on vous a donné, vous l'aviez. Ou il y avait tout pour tout le monde. S'il y en avait pour tout le monde, c'était le gros magasin ouvert, Provigo probablement, tout le monde pouvait se servir, on n'avait pas besoin de payer à la caisse. Il y a un prix

quelque part, quelqu'un va payer le prix, ce seront probablement les Québécoises et les Québécois. Ils avaient ouvert le magasin. Il faut faire attention, et on vous le dit d'avance parce que l'Opposition vous répète à satiété: Faites attention. Ne pensez donc pas que le monde a commencé à tourner à partir du 2 décembre 1985, parce qu'il pourrait encore y avoir des déluges.

Vous pensez que vous êtes Dieu le Père, mais vous n'êtes pas rendus là. Vous n'avez même pas à réfléchir là-dessus. Vous n'êtes pas là. On cherche encore vos idées depuis un an et demi comme Parlement, comme gouvernement. On cherche vos idées. Le problème qu'on a, c'est d'essayer de les trouver. Je pense que c'est compliqué. Ce n'est pas facile. Parce que vous ne savez pas où vous allez. On ne sait pas d'où on vient. Vous avez voulu faire des farces avec le Parti québécois. Je pense que vous devriez réfléchir sur votre devenir et sur où vous voulez aller. La société distincte? Oui, par sa banalité, par son intégration et son mixage à travers le grand Canada, le grand tout. Parce que pour certaines personnes, c'est "Voir le Canada et mourir". C'est cela qu'ils se disent. Faire partie du Canada, et il n'y a plus rien à faire. On vient de gagner nos épaulettes. Dix contre un. Vous essaierez de tirer du poignet de ce côté-là.

Je vous dis d'avance que vous n'avez pas fini. Les Québécoises et les Québécois vont se réveiller un jour. Ils vont vous dire: Vous n'aviez pas le droit de faire cela en plein été, de nous passer cela. Une constitution, c'est plus important. On doit en discuter. On doit mettre cela, sur la place publique. Il y a d'autres peuples beaucoup moins démocratiques que nous qui sont passés par là, qui ont décidé que le peuple devait être consulté. Non seulement vous ne voulez pas consulter le peuple, vous ne voulez même pas une commission parlementaire pour permettre aux spécialistes et aux gens qui ont des choses à dire de venir les dire. Vous avez peur et vous prenez l'avance sur tout le monde. Vous voulez dire à tout le monde: Nous sommes corrects et nous ne pouvons plus rien changer. (21 heures)

On l'a déjà dit une fois. On est revenu du lac Meech en disant: C'est parfait, ce qu'on a. Deux mois plus tard, vous avez dit: II faut aller à Ottawa pour négocier une chose qui est encore perfectible. Vous êtes loin d'avoir obtenu le maximum. On parle de plancher et de plafond. Vous n'avez plus de place nulle part. C'est toujours une question d'être en haut ou en bas en même temps.

C'est un élément important sûrement puisque cela a déjà fait l'objet de quelques débats, mais surtout l'objet de vantardise de la part de deux personnes qui sont le premier ministre du Canada et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, donc deux personnes qui croient qu'elles ont fait avancer le Québec parce qu'elles ont obtenu certaines clauses.

Quels sont les autres éléments? Il n'y a pas seulement la société distincte sur laquelle on peut s'arrêter. Il faut aussi regarder d'une façon un peu plus approfondie ou un peu plus claire le pouvoir de dépenser. Ce pouvoir de dépenser est presque la clause fourre-tout: les gens peuvent faire, à la condition, et c'est cela la particularité... Le gouvernement canadien pourra mettre sur pied une politique nationale. On ne dit pas: Les provinces pourront mettre de l'avant une politique qui serait de caractère national. C'est le gouvernement canadien qui va pouvoir mettre sur pied des politiques nationales. Ces politiques, si elles sont acceptées par les provinces, pas seulement par le Québec, cela deviendra une politique nationale. À ce moment-là, on va avoir un droit de retrait mais c'est un programme qui va toujours demeurer, ce qui veut dire que Québec va toujours être laissé sur sa faim, sur son appétit.

Donc, il n'y aura pas de clause spécifique pour le Québec. C'est une clause spécifique pour l'ensemble des provinces canadiennes. A ce moment-là, les gens vont pouvoir piger, dire que ce programme fait l'affaire de la province. Si le Québec décide de se retirer et de ne pas adhérer, il devra trouver beaucoup d'imagination pour mettre sur pied une politique qui pourrait s'apparenter à celle dite nationale. Mais qui va décider que la politique mise de l'avant par le gouvernement du Québec, si on dit non, est une politique nationale? Qui va décider cela? Est-ce la Cour suprême, le gouvernement canadien, l'ensemble des provinces ou, d'une façon ou de l'autre, personne? Le Québec, à ce moment-là, perdra tous ses acquis.

Je veux prendre comme exemples certains programmes qui auraient pu faire l'affaire du gouvernement du Québec. Dans l'environnement, on a eu un programme dit national pour aider à l'assainissement de l'eau. Il y a eu beaucoup d'argent dépensé. Lorsqu'est venu le temps pour le Québec de profiter ou de reprendre le retard, pour certaines circonstances ou certaines raisons parce qu'on ne peut pas mettre de l'avant toutes les choses en même temps, comme par hasard, le programme a disparu. Le gouvernement canadien a décidé que le programme n'existait plus.

Donc, le Québec est pénalisé; actuellement, au-dessus de 500 municipalités demandent au ministre de l'Environnement de faire des pressions auprès d'Ottawa pour remettre ces programmes sur pied. Cela n'avance pas vite. C'est évident que le gouvernement qu'on a disait: On est de bons négociateurs. Il faudra que ce soit de bons négociateurs, même avec l'entente du lac

Meech signée, mais même avec l'entente d'Ottawa signée. Il faudra qu'on ait des bons négociateurs.

J'ai de la difficulté à comprendre que ce soient des bons négociateurs, je vais vous rappeler, par exemple, la fermeture de Schefferville où le ministre des Affaires municipales nous disait dans le temps: Pas de problème, on va faire adopter une loi pour fermer le village; la loi étant adoptée, à ce moment-là, ils iront négocier avec Ottawa. Je ne sais pas comment on a fait pour négocier, mais le village est encore ouvert, les problèmes continuent à Schefferville. C'est cela la négociation, elle n'a pas eu lieu.

Même avec une entente, vous devrez Être encore de bons négociateurs. Pour cela, je doute de vos capacités de négocier parce que pour négocier il faut être debout, pas à genoux, pas sur le ventre, ni assis. Il faut négocier debout. On n'a pas l'impression que ce qui a été obtenu dans l'entente du lac Meech a été une négociation très forte, puisque les onze provinces sont sorties de là en disant: Mission accomplie, on a tout obtenu ou on n'a rien obtenu. J'ai l'impression que c'est plutôt rien que tout. A ce moment-là, c'est justement le sens de nos questions.

Quand on regarde quels sont les pouvoirs de dépenser, il y a des programmes actuellement dits nationaux qui sont les allocations familiales, les programmes qui touchent la santé, les pensions de vieillesse. Qu'arrivera-t-il dans une entente sur le pouvoir de dépenser puisque le gouvernement fédéral a fait des intrusions dans la juridiction provinciale? Il n'y a rien qui dise qu'il doive en sortir. Donc, ipso facto, ce qui est vécu, ce qui est donné actuellement, c'est fini, c'est réglé, on ne peut plus y revenir. Mais ce sera seulement pour le futur. Vous êtes-vous interrogés par rapport à des politiques de main-d'oeuvre? Comment pourrait-on mettre sur pied des politiques de main-d'oeuvre à saveur et à caractère québécois avec cette entente?

Comment pourraient-elles s'intégrer dans la grande politique canadienne? C'est toujours le problème. Le gouvernement aura-t-il l'intention ou le goût d'en faire? Est-ce que c'est nécessaire pour les autres provinces de faire exactement les mêmes actions quand on sait que le taux de chômage au Québec est plus élevé que dans plusieurs provinces canadiennes? À ce moment-là, on vient de perdre ou d'empêcher certains positionnements du Québec dans ces dossiers. On est loin d'avoir tout réglé avec cette entente, surtout concernant le pouvoir de dépenser. Qu'on regarde du point de vue des municipalités, il y a un certain nombre d'éléments qui touchent les municipalités qui, anciennement, ont pu faire l'objet de politiques canadiennes.

Il faudrait penser que cette entente ouvre la porte au gouvernement canadien parce que ce sera toujours le gouvernement no 1. On ne dit, nulle part, que les provinces sont égales. On dit, peut-être, que les provinces sont égales, mais on ne dit pas: sont égales au Canada. Il faut qu'il y ait toute une mécanique d'entreprise, dans cette entente, pour essayer de trouver de quelle façon les provinces pourront s'en tirer dans des programmes dits nationaux. Il y a des programmes sociaux sur lesquels on peut s'interroger. Il y a des programmes à caractère économique qui sont extrêmement importants. Je veux souligner le caractère du programme Clé, programme qui a pour fonction - c'est un programme fédéral - de créer de l'emploi, mais qui s'adresse à des municipalités de moins de 25 000 habitants. Ce programme existe au Québec, ça vient du fédéral, cela existe dans quelques endroits. C'est un programme qui met à la disposition d'organismes 350 000 $ à 400 000 $ par année et qui a pour but de créer de l'emploi tout en "cautionnant" les municipalités, les commissariats industriels existants et, en tenant compte d'à peu près rien, sinon de créer deux ou trois emplois pour les gens qui s'occupent de ce programme.

Ceci, à mes yeux, est néfaste. Il remet en question tout le programme de développement ou de création d'emplois qui existe actuellement. Il faut dire que, de ce côté, le fédéral est assez bien servi parce qu'on ne sent pas, actuellement, au gouvernement du Québec une volonté très grande de créer de l'emploi. Il s'agit de regarder ce qui se passe. Il n'y a pas de très grande volonté. Le fédéral agit, même avec beaucoup de gaspillage, parce que pour moi c'est du gaspillage ces montants d'argent. C'est, en grande partie, gaspillé. Le gouvernement du Québec n'a pas trouvé le moyen de récupérer ces sommes ou de s'intégrer à cette politique pour développer l'emploi. Donc, c'est important qu'on s'interroge là-dessus. Je ne pense pas que la réflexion du gouvernement du Québec en soit rendue là.

Maintes fois, des gens sont venus demander, à la commission parlementaire, ce que ça voulait dire ou ce qui arriverait dans certains domaines concernant l'entente. Les autochtones se sont adressés directement à M. Bourassa, au premier ministre, qui a dit à ces autochtones: Ce sera pour la deuxième ronde. La première ronde, la deuxième ronde. Première ronde: "magané", deuxième ronde: "amoché", troisième ronde probablement: "fall ballé". On sera intégré et puis disparu de la carte. Il y a eu la réponse à l'UPA qui l'interrogeait, aussi, sur le pouvoir de dépenser en matière d'agriculture. On ne peut pas dire que ces gens ne sont pas directement concernés, les deux pieds sur la terre. Ce sont les cultivateurs, l'UPA. Il me semble que ça parle de gens qui sont des

agriculteurs. Et ils demandaient ce qui arriverait, par exemple, s'il y avait des programmes à caractères nationaux qui venaient changer les programmes à caractères provinciaux ou québécois? (21 h 10)

Là-dessus, le ministre des affaires pancanadiennes vient nous dire: On fera cela et on réglera cela dans la deuxième ronde. On garde une marge de manoeuvre et cela va être de l'autre côté qu'on va aller faire cela. Admettons que ce n'est pas tellement rassurant pour des groupes qui se sont pris en main depuis de nombreuses années et qui ont avancé pas mal fort dans les dix ou douze dernières années, c'est-à-dire douze moins les deux dernières; dans les dix années auparavant, ils ont avancé assez fortement et l'agriculture a pris une place excessivement importante dans le ciel québécois. Ces gens sont inquiets et avec raison, puisqu'on les met en deuxième ronde, comme si l'agriculture était la deuxième, la troisième ou la quatrième dimension, la quatrième question importante qui pourrait être réglée.

M. Rémillard aussi répondait aux membres de la CEQ, la centrale de l'éducation, lesquels étaient un peu beaucoup inquiets par rapport à ce qui arriverait dans le système de l'éducation. Là-dessus, le ministre a répondu: On ne sait pas trop, cela se fera à la deuxième étape; dans cette deuxième étape, on va régler tout cela. Donc, encore là, il y a un certain nombre d'interrogations, de sorte que la langue n'est pas trop protégée. Ce n'est pas l'anglais qui est en danger au Québec, je pense bien que je ne vous apprends rien en disant cela: 2 1/2 % des gens sur le continent nord-américain parlent français, des gens qui demandent de gagner leur vie en français. Ce n'est pas juste une question de business, c'est une question de fierté; les gens sont intéressés à conserver leur langue et leurs racines.

Dans cette entente, est-ce qu'on a toutes les garanties concernant cette langue? Quand j'interroge les spécialistes ou les constitutionnalistes, ce n'est pas ce qu'ils nous disent; ils disent qu'il n'y a rien de plus qu'avant. S'il y avait une interprétation d'un tribunal concernant une question controversée, ce serait beaucoup plus en fonction du biculturalisme qu'en fonction de la société distincte du Québec qu'on pourrait discuter de cela.

L'alliance des professeurs aussi a parlé des grandes préoccupations en ce qui concerne le partage des compétences législatives. Encore là, on dit: On va y aller encore pour une deuxième ronde; donc, tout le temps en fonction de l'avenir. C'est un gouvernement qui a tendance à repousser toujours à plus tard. Ne posez pas de question, on va vous arranger cela. Si ce n'est pas aujourd'hui, cela va être demain.

Pensez-vous que le monde va être capable d'accepter ce point de vue? Je veux bien partir en voyage avec quelqu'un, mais je veux savoir si on va avoir les moyens de s'en revenir. C'est important, je suis attaché à des racines quelque part. Je veux bien qu'on m'amène en voyage, mais pas dans un "nowhere". Ce n'est pas à l'âge qu'on a là qu'on va aller n'importe où. Il faut regarder si on va avoir le billet de retour. Là, il n'y a pas de billet de retour. C'est probablement un billet qui va nous amener dans une aventure qui va nous mener nulle part ou qui va nous diriger vers une disparition complète de tout ce que l'on a, de tout ce qui nous est le plus cher et de ce à quoi on est le plus attaché.

Les Québécois ont une particularité et ils ont aussi des racines. Peut-être qu'on n'est pas des Français au même titre que les gens de France, mais on est Québécois, avec un sentiment d'appartenance à l'Amérique, d'Américain, mais c'est ce qui fait notre particularité et aussi qu'on est ce que l'on est. On n'est pas obligé de se fondre dans un grand tout. On a pensé de protéger l'ensemble des origines ethniques au Québec, et on pense que les Québécois n'ont pas besoin d'être protégés? Faisons attention! J'aurais peut-être quelques interrogations à poser. Il y avait des gens, tout à l'heure, qui se posaient... Même sur le plan de l'immigration où il semble qu'on a tout obtenu, on pourrait peut-être se poser quelques questions. Encore là, je ne les ai pas inventées, elles viennent d'ailleurs, mais on dit: Que le gouvernement libéral cesse au plus tôt le jeu des concessions sur les trois fronts à la fois, immigration incontrôlée, multiculturalisme au détriment de la majorité, faiblesse sur l'affichage, école et travail en anglais. Cela risque de créer beaucoup plus de conflits que de les résoudre. On dit: Que le ministre de l'Éducation remplace son projet actuel du bilinguisme hâtif par une politique ferme de socialisation de jeunes immigrants français dans tous les cas où la loi le prévoit, ainsi que la formation professionnelle des jeunes et des adultes en français. Que ce même organisme, en parlant du ministère des Communautés culturelles, explore l'abandon par l'Angleterre d'une politique sur le multiculturalisme après avoir constaté son échec. C'est un peu vers cela qu'on va, la grande mosaïque canadienne.

En même temps, on dit: Après avoir opté pour vivre - c'est un appel qu'on fait à l'Immigration - dans une province française, il faudrait peut-être que les immigrants finissent par comprendre, et qu'on leur fasse comprendre non pas à coups de pied, mais d'une façon logique, que c'est important de parler et de vivre en français au Québec. Ce n'est pas parce qu'on aura une entente qu'on va vivre mieux au Québec. Cela prend une

volonté et c'est cela que l'Opposition a. On n'a pas confiance en vous. On n'a pas confiance au gouvernement actuel pour protéger les droits des Québécoises et des Québécois. Quand ces gens auront décidé de vivre au Québec, ils devront accepter aussi de parler la langue et de s'intégrer au milieu. Ce n'est pas après être arrivé qu'on veut s'en sortir. C'est qu'on arrive et qu'on s'intègre à la société québécoise. C'est comme cela que je vois l'entente du lac Meech, ou l'entente d'Ottawa. Qu'on l'appelle comme on voudra. C'est beaucoup plus de la petite histoire au moment où on se parle. Ce sera loin d'une entente qui pourra produire des effets aussi bénéfiques qu'on a voulu le laisser entendre au retour, dans cette euphorie de moi et moi. C'était cela qui est arrivé. On est tombé en admiration, le premier ministre et le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, l'un de l'autre, en ce sens qu'on avait tout gagné. Moi, je dis: Non, on n'a pas tout gagné. C'est dangereux, qu'on ait tout perdu. Au moment où on signe, c'est le commencement. D'abord, il faut respecter sa parole. Je ne pense pas qu'on ait fait avancer le Québec en signant ou en allant signer cette entente, surtout au début de l'été. On profite un peu de l'apathie de l'ensemble de la population qui a hâte d'être en vacances et qui a hâte de profiter du soleil. Les gens ne sont pas nécessairement à l'écoute de la télévision et ils ne sont pas nécessairement plongés dans la lecture concernant tout ce qui se passe dans le domaine politique. Ces gens sont probablement préoccupés par des choses qui pourraient pour le moment être plus importantes.

Mme la Présidente, en terminant, je veux simplement rappeler que l'entente qu'on nous propose est probablement l'entente de la soumission plutôt qu'une entente qui va se signer dans l'honneur et dans l'enthousiasme. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Jonquière. M. le député de Lafontaine.

M. Gobé; Mme la Présidente, avant de commencer me permettriez-vous de demander au député de Jonquière si je peux lui poser une question en vertu de l'article 213, s'il vous plaît?

La Vice-Présidente: Une courte réponse, M. le député de Jonquière, est-ce que vous consentez?

M. Dufour: Mme la Présidente, j'écoute ce que les députés libéraux ont à dire, cela me suffit.

La Vice-Présidente: Donc, j'interprète cela comme un refus. Un refus? Vous devez continuer votre débat.

M. Lemieux: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: Une question de règlement, M. le député?

M. Lemieux: Cela va, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Lafontaine.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Je déplore grandement que le député de Jonquière refuse que nous lui posions des questions, car j'en avais certainement une très bonne à lui poser. Vu que maintenant j'ai le droit de parole, je vais vous en donner la primeur, Mme la Présidente. Je voulais poser au député de Jonquière la question suivante: Est-il séparatiste, souverainiste, affirmationniste ou indépendantiste? Cela semble pour l'instant assez confus dans les options de la formation en face de nous. Lorsque j'écoute le député de Jonquière faire son discours, plusieurs textes et plusieurs paragraphes qu'il mentionnait par moment m'amenaient à l'affirmation nationale, d'autres fois à la séparation. En tout cas, cela semblait assez confus. J'ai relevé quelques mots qu'il disait. Entre parenthèses, il disait: Le Québec, une société distincte, l'entente du lac Meech va en faire une société banalisée. Mme la Présidente, permettez-moi de faire une petite mise au point. La société banalisée, ce n'est pas nous qui l'avons faite. Je pense que c'est l'ancien gouvernement. Vous savez, leur société, lorsque ces gens l'ont quittée, c'était une société démoralisée envers les espoirs des jeunes, c'était une société marginalisée au niveau constitutionnel. C'était une société profondément blessée dans son économie et dans ses institutions publiques et parapubliques. Quand on voit la situation qui prévalait à ce moment dans notre société, les gens comprennent un peu quelle est la société banalisée du député de Jonquière. Là, je ne parlerai pas de la banalisation non plus de son propre parti dont les membres sont partis complètement partout. On les retrouve dans toutes sortes de formations politiques plus ou moins marginales, certaines sont pour le séparatisme, d'autres pour le souverainisme et d'autres sont des formations fédéralistes comme le NPD. J'oubliais les créditistes, Mme la Présidente. (21 h 20)

Des voix: H!l Ha! Ha!

M. Gobé: Et voilà le genre de société banalisée. Le député de Jonquière veut nous donner des leçons en ce qui concerne l'entente et le travail constitutionnels de

notre gouvernement. Mais comment pouvons-nous leur faire confiance? Comment pouvons-nous encore croire les paroles de ces gens-là? Ces gens-là sont arrivés en 1976 en nous disant: Maintenant, on va se mettre au travail et on va se donner des forces, et on va progresser, notre société guébécoise va se prendre en main. Neuf ans après, on voit le bilan, c'est-à-dire une société avec 700 000 personnes à l'aide sociale, 300 000 chômeurs, 200 000 Québécois qui ont émigré à l'étranger, une dette consolidée pour le Québec de 40 000 000 000 $ alors qu'elle était de 5 000 000 000 $ lorsqu'ils ont pris le pouvoir, une impasse constitutionnelle. Un soir, ils sont allés négocier une entente à Ottawa. Ils sont allés se coucher, et, le lendemain, on n'avait plus de droit de veto. Ils avaient l'air surpris. Ils sont revenus mécontents en disant: On nous a trahis, on n'ira plus aux conférences constitutionnelles, on n'est plus intéressés. L'ancien premier ministre a piqué une crise à l'Assemblée nationale. Le député de Lévis se pétait les bretelles disant: Cela ne marchera pas, je n'irai plus aux réunions constitutionnelles sur l'agriculture, on nous a trahis.

On ne vous a pas trahis, messieurs. C'est vous qui avez abandonné des droits historiques du Québec en allant vous coucher. Vous n'étiez pas de bons négociateurs. Vous avez dit que vous feriez la nouvelle société. Vous n'avez pas été capables de la faire avec votre référendum quand les gens ne vous ont pas crus, ne vous ont pas suivis. Vous n'avez pas donné assez confiance aux gens pour qu'ils aillent avec vous. Quand vous avez voulu négocier comme un bon gouvernement, disiez-vous, vous avez perdu lamentablement, pour une poignée de lentilles.

Voilà le genre de leçon que veulent nous donner ces gens qui parlent depuis maintenant 20 heures. Voilà les peurs qui commencent à repartir. J'écoutais le député de Jonquière qui disait: Les Québécois vont tout perdre. Perdre quoi? On a tout perdu avec vous autres. On commence à en reprendre, notre société québécoise repart sur de nouvelles bases, une nouvelle confiance. Les gens 'retroussent leurs manches, les gens retournent travailler, les entreprises reviennent au Québec. Pourquoi? Parce que le gouvernement actuel a su donner cette confiance. Le premier ministre actuel, par son comportement et ses décisions, a su influer sur les grands facteurs de développement économique tant aux États-Unis qu'au Canada. Les investisseurs reviennent. C'est le contraire. Dans le temps, ça partait et, maintenant, ça revient. C'est le secret de milliers d'emplois. Juste dans la région de Montréal, plus particulièrement dans l'est de Montréal, depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons au-delà de 15 000 emplois qui ont été créés alors qu'à l'époque on en perdait 1000 par mois. Voilà cette nouvelle société, cette nouvelle manière d'agir que notre gouvernement a mise en place. On n'a pas de leçon à recevoir du député de Jonquière ou de ses collègues.

L'entente du lac Meech est une entente historique. C'est quelque chose qui, pour la première fois depuis 20 ans, fait consensus, que ce soient chez les hommes politiques des provinces du Canada, que ce soient chez les citoyens. Dans mon comté, en fin de semaine, je suis allé dans des clubs sociaux, à des parties de balle pour des organismes charitables, et je parlais avec les gens. Que disaient-ils? Signez l'entente, elle est bonne pour le Québec. Ces gens-là, c'était aussi M. Beaudet, de Montréal-Est, M. Antonio Dellorifice, de Rivière-des-Prairies, des gens du comté, des gens de l'est de Montréal et d'autres dont le nom m'échappe actuellement. Voilà ce que les citoyens disent. Il y a consensus chez nos citoyens.

Regardons les journalistes. Généralement, nos amis d'en face aiment citer les articles de journaux en disant: Le gouvernement n'est pas bon, le gouvernement, un député, est pris dans une affaire plus ou moins tendancieuse. Mais ils oublient de lire les articles qui disent des choses qui ne leur plaisent pas. On peut lire Michel Roy dans La Presse du 2 mai 1987 - ce n'est pas n'importe qui, Michel Roy - qui disait: "II s'agit d'un accord qui justifie pleinement l'adhésion du Québec à la loi constitutionnelle. Il protège les droits historiques, les aspirations légitimes du Québec. Il consacre le caractère distinct du Québec. Il reconnaît la dualité canadienne qu'Ottawa et les provinces s'engagent à protéger. Il précise qu'il appartient à l'Assemblée nationale et au gouvernement du Québec, non seulement de protéger, mais encore de promouvoir le caractère distinct de la société québécoise."

Voici un autre consensus d'un journaliste du Journal de Québec et du Journal de Montréal. Normand Girard: "Victoire gagnée de haute lutte". Voilà un consensus dans notre société pour une première fois depuis bien longtemps. Encore une fois, on voit là l'action de notre premier ministre et de son ministre des Affaires intergouvernementales qui ont su rallier tout le monde et qui ont su faire quelque chose qui correspond à l'ensemble de nos concitoyens.

Pendant que ces gens-là se battaient sur toutes sortes de front, sans rien obtenir et en perdant, au fur et à mesure que s'engageaient des batailles, toutes nos positions, ils n'ont pas vu poindre d'autres dangers pour notre société québécoise. Ils avaient les yeux bouchés. Ils ont dit: On va perdre quoi? On va perdre notre langue. C'est évident qu'on va la perdre notre

langue, mais on ne la perdra pas à cause des lois; on ne la perdra pas à cause de notre gouvernement. On va la perdre, si cela continue, pour une raison: C'est qu'il y a une dénatalité au Québec. On ne fait plus d'enfants. Le taux de natalité, c'est 1,4 %. Cela prendrait 2,1 %, 2,2 % pour renouveler notre population. Voilà un des dangers dont ils ne parlent pas et qui les dérange. Ils en sont peut-être un des facteurs de responsabilité. Savez-vous, Mme la Présidente, que, dans à peu près une trentaine d'années, dans 35 ans, cela prendra 75 000 immigrants par année pour remplacer notre population. Voilà la situation.

L'entente du lac Meech a un avantage qui va nous aider. C'est un des leviers, un des acquis dont nous avions besoin pour tendre à régler cette situation. Nous avons maintenant obtenu la sélection de nos immigrants à l'étranger et au pays. Nous pourrons, en pleine souveraineté, décider qui vient au Québec et qui n'y vient pas. Vous imaginez l'importance que cela peut avoir alors que notre population est en déclin à cause de la dénatalité qui est due en grande partie - je le mets entre parenthèses - aux mauvaises gestions, aux mauvaises politiques du gouvernement et a la chicane qu'on a eue depuis une quinzaine d'années avec nos amis d'en face. Vous savez, quand cela ne va pas bien dans la maison, on ne fait pas d'enfants, et cela n'allait pas bien chez nous jusqu'à ce que nous prenions le pouvoir, Mme la Présidente, il y a 18 mois.

Des voix: ...

M. Gobé: Mme la Présidente, est-ce que vous pourriez demander aux députés de l'Opposition s'ils veulent nous écouter? Ils disent que le débat est important. Pour une fois qu'un député s'exprime, j'aimerais bien qu'ils observent le silence, comme on le fait pour eux.

Uhe voix: Ha! Ha!

M. Gobé: Le député de Lévis rigole. Il a juste ça à faire. Peut-être qu'il ferait mieux de rigoler avec son chef et son affirmation nationale.

La Vice-Présidente: Là-dessus, M. le député de Lafontaine, je vous demanderais, pour essayer de limiter les dégâts en cette Chambre, de vous adresser à la présidence.

Line voix: Les dégâts. Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Gobé: Mme la Présidente, vous savez, l'accord du lac Meech, plus particulièrement en ce qui concerne les ententes en matière d'immigration, c'est cela qui va permettre au Québec d'avoir son ballon d'oxygène. C'est cela qui va nous permettre de préparer un Québec où, demain, les gens parleront encore français. Ce ne sont pas les lois de l'ancien gouvernement, ce ne sont pas leurs argumentations dépassées. Ce sont les pouvoirs que la ministre a obtenus. J'écoutais le député d'Ungava, cet après-midi, qui disait que la ministre souriait béatement. D'abord, c'était impoli envers une femme. Ces gens-là n'ont, semble-t-il, aucun respect pour leurs collègues parlementaires féminines et, deuxièmement, Mme la Présidente, elle souriait et elle avait raison, car c'est la première fois qu'une ministre de l'Immigration obtient autant de pouvoirs pour le Québec. Voilà une des raisons pour notre collègue, la députée de Bourassa et ministre de l'Immigration, de sourire.

Voyez-vous, je crois qu'avec tous ces acquis, en particulier ceux en matière d'immigration... Vu le temps qui presse à cause du nombre de députés qui veulent parler, parce qu'il y a beaucoup de nos collègues députés qui veulent parler sur cet accord, je terminerai, Mme la Présidente, en disant: Oui, je vais signer, oui je vais me lever pour voter pour l'entente. Oui, je vais la signer et la tête haute. Je vais la signer parce que je suis fier, pour une fois, d'avoir vaincu les années de chicane. Je suis fier, Mme la Présidente, de me lever et de dire: Nous regardons vers l'avenir; nous allons relever le défi des sociétés futures non pas en pleurant et en criant, en regardant derrière nous autres, mais en regardant devant nous avec fierté, avec force, avec dignité, avec passion et aussi avec générosité, parce que les épreuves qui nous attendent pour les prochaines années au Québec nous commandent toutes ces qualités. Je crois, Mme la Présidente, que la société québécoise possède l'ensemble de ces qualités à condition, bien entendu, que le pouvoir politique corresponde à ses aspirations, ce qui est le cas lorsqu'on voit cette entente et cet accord que le gouvernement propose à la population.

Mme la Présidente, en terminant, j'aimerais m'associer à mes collègues qui vont appuyer cette entente et déplorer qu'une fois de plus encore l'Opposition traîne en arrière, chiale et semble chercher des choses négatives où il n'y a que de bonnes choses et du positif pour le Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lafontaine.

M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme la Présidente, vous me permettrez au début de mon exposé de faire

une leçon d'histoire au député de Lafontaine. (21 h 30)

Des voix: Ha! Ha!

M. Garon: Vous savez, de 1608 à 1763, il a immigré au Québec exactement 12 000 Français qui étaient devenus, en 1763, par la force de la procréation et de la natalité, 65 000 personnes qui ont été abandonnées, seules, parce que tous ceux qui avaient de l'argent sont partis et ceux qui n'avaient pas d'argent pour partir sont restés. Ces gens, qui étaient 65 000 en 1763, n'ont pas attendu après la mère patrie ou après qui que ce soit pour se développer, s'organiser et se bâtir une société ici, de sorte qu'il y a quelques années on pouvait dire que leurs descendants étaient devenus 12 000 000 dont 6 000 000 étaient aux États-Unis et 6 000 000 au Canada et, sur les 6 000 000 du Canada, 80 % étaient au Québec.

Nous n'avons pas attendu après les Michelin, en Nouvelle-Écosse, où les Renault, en Ontario, pour bâtir notre développement économique au Québec. C'est par nous-mêmes que nous avons bâti des institutions qui nous ressemblent, qui sont davantage communautaires parce qu'on n'avait pas de millionnaires qui étaient tous retournés en France en 1763. De la sorte, nous avons bâti des institutions collectives, des coopératives comme les caisses populaires, des chaînes d'alimentation comme Métro-Richelieu, d'autres compagnies d'assurance-vie coopérative, des institutions, comme la Caisse de dépôt, qui appartiennent à l'ftat. Nous avons su nous développer par nous-mêmes, selon nos moyens, nos possibilités, sans compter sur les millionnaires, ni sur les patries d'ailleurs qui nous avaient abandonnés.

J'aimerais que le député de Lafontaine mette ça dans sa pipe et, s'il ne fume pas, qu'il mette ça dans son bagage pour l'avenir.

M. Gobé: Question de règlement.

La Vice-Présidente: M. le député de Lafontaine.

M. Gobé: II est évident que l'ensemble des électeurs, de mon comté en particulier, savent que je suis né en Europe, en France. Je suis moi-même un immigrant et je demanderais au député de Lévis de respecter cette dimension. Je lui rappelle que j'ai été élu par des électeurs québécois de mon comté, des francophones et qu'à ce titre-là j'ai droit au même respect que n'importe quel autre élu en cette Chambre. Je lui demanderais d'être un peu plus posé et d'essayer de ne pas laisser entendre, par association, qu'étant né à l'extérieur je ne suis pas capable de parler sur la constitution ou sur toute autre chose. Je trouve ça déplorable, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

La Vice-Présidente: M. le député de Lévis, vous n'êtes pas sans connaître notre règlement et, plus spécifiquement, l'article 35 où il est interdit à un député qui a la parole de s'adresser à un autre député. Donc, pour limiter les débats dans cette Chambre, je vous demanderais de vous adresser à la présidence.

M. Garon: Mme la Présidente, comme d'habitude, je m'adresserai à vous. Je vous dirai simplement que le député de Lafontaine, en m'adressant à vous, a le sentiment de penser que le Québec est né hier. Le Québec est né grâce à des tentatives qui remontent à 1534 et à d'autres qui ont suivi et qui ont commencé à réussir en 1608. Le Québec a presque 400 ans. Il a une longue histoire et, surtout, une histoire d'abandon. C'est pourquoi il a dû compter sur lui-même. C'est un des rares peuples à avoir survécu alors que des milliers de peuples sont disparus dans l'histoire du monde. Fondé par 12 000 immigrants, à travers les glaces, les difficultés, après avoir été abandonné par tous. Ils ont réussi à devenir un peuple qui, aujourd'hui, compte 6 500 000 habitants. Ce peuple mérite d'être respecté. Ceux qui ont décidé de s'y joindre doivent, en premier lieu, le respecter.

Quand le Parti libéral a suspendu les règles de procédure, il l'a fait comme si on était en état de guerre. Vous savez que, si le Québec avait été en état de guerre, il n'aurait pas pu suspendre davantage les règles de procédure. J'ai consulté lors de la suspension de 18 heures à 19 heures, ce soir. On m'a dit que jamais, dans l'histoire du Québec, les règles n'avaient été suspendus autant qu'elles le sont actuellement. C'est un débat d'urgence où même l'heure du midi n'est pas respectée, l'heure du souper n'est pas respectée et on travaillera tard, ce soir, parce que le Parti libéral a choisi de faire suspendre les règles de procédure.

M. Lefebvre: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Question de règlement. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Est-ce que vous considérez que la motion relativement à la suspension des règles est pertinente au débat - c'est vous-même qui l'avez bien situé ce matin - à savoir la résolution telle que présentée par le premier ministre du Québec? La motion quant à la suspension des règles est déjà réglée, Mme la Présidente.

M. Garon: J'ai le droit de le dire.

La Vice-Présidente: S'il, vous plaît! S'il vous plaît! Vous savez qu'on a toujours été

très large sur l'interprétation de la pertinence d'un débat. Or, c'est sûr qu'à l'intérieur d'un débat le député qui a la parole peut, mais d'une façon subsidiaire, parler de la motion pour la suspension des règles. Il faudra, par la suite, qu'il revienne dans le vif du sujet, à savoir la motion du premier ministre. M. le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, je vous remercie de votre décision. Je vous dirais -j'en faisais un aparté en commençant mon exposé - que nous sommes actuellement dans un débat où les règles de procédure normales ont été complètement suspendues. On a établi un état d'urgence comme si on était en temps de guerre. Et l'état d'urgence ne peut pas être plus total. Alors que les différentes provinces du Canada auront trois ans pour débattre de cette question, on a décidé qu'ici, cela se fera en deux jours, jour et nuit, sans que le peuple ne soit consulté d'aucune façon, n'ait son mot à dire d'aucune façon sur les textes que le premier ministre veut faire adopter. Cela ne m'étonne pas, Mme la Présidente, parce que le premier ministre n'a jamais été renommé pour son courage.

Des voix: Ah! Ah!

M. Garon: Mme la Présidente, la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit à son article 39, paragraphe 2, que...

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît! Question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Mme la Présidente, je voudrais rappeler au député de Lévis que jamais le premier ministre du Québec n'a suspendu l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, comme vous l'avez fait avec l'imposition de la loi 111.

Des voix: Bravo!

La Vice-Présidente: Là-dessus, je demanderais, s'il vous plaît, la collaboration de la Chambre pour qu'on puisse entendre le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, l'histoire se rappellera que les députés libéraux ont essayé de m'empêcher de parler. Mais je suis habitué à ce genre de comportement puisque c'est le même comportement, en cette Chambre, chaque fois que je me lève. Alors, je ne m'étonnerai pas de cela. J'ai déjà dit en cette Chambre que beaucoup de députés libéraux qui sont ici sont arrivés sans être connus et repartiront sans être connus davantage!

La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit, à son article 39, paragraphe 2, que: "La proclamation visée au paragraphe 38 (1) ne peut être prise que dans les trois ans suivant l'adoption de la résolution à l'origine de la procédure de modification." Le paragraphe 38 (1) est celui qui prévoit la mécanique d'adoption d'un amendement constitutionnel: "par des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes" et des Assemblées législatives des provinces. On a donc prévu un délai de trois ans. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y avait pas de feu dans la demeure. De plus, ce délai ne court même pas puisque le compte à rebours ne commence qu'à partir de l'adoption de la résolution à l'origine de la procédure de modification. Actuellement, d'autres résolutions ont été déposées au Nouveau-Brunswick, en Alberta, à Ottawa, mais aucune n'est à l'étude. Donc, tout est au point mort et il n'y a aucun péril en la demeure, aucune urgence, malgré ce que tente de faire croire le Parti libéral.

Pourquoi un tel empressement à procéder alors que plusieurs gouvernements, dont ceux de l'Ontario et du fédéral, ont annoncé leur intention de procéder à des consultations au cours des prochains mois, qui pourraient déboucher sur des amendements majeurs? Ici, on a décidé de mettre le couvercle sur la marmite et de faire en sorte qu'il n'y ait pas de débat dans la population. Est-ce normal, Mme la Présidente? Alors que dans n'importe quel pays au monde, qui n'est pas une république de bananes, il y aurait une consultation, un débat dans la population, un référendum dans 90 % des pays, avant ratification par le Parlement, ici, il n'y aura eu aucun débat auquel aura été associé, de quelque façon que ce soit, le peuple du Québec.

Aujourd'hui, on va nous parler de ce premier ministre courageux. On va nous parler de son Tarzan de Jean-Talon, se promenant de liane en liane dans la forêt canadienne, recherchant cet oecuménisme nouveau. Voyons donc, Mme la Présidente! Rien que le fait d'évoquer la situation fait pouffer de rire n'importe qui parce que personne ne croit qu'on soit en présence de matamore et de Tarzan qui ont knock-outé le reste du Canada.

M. Joly: Mme la Présidente, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Fabre.

M. Joly: Mme la Présidente, nous avons ici un député qui est en train de résumer une philosophie qui est bien particulière et qui est la sienne. En politique, Mme la Présidente, il y en a qui sont ici pour se faire voir, se faire valoir, mais lui, il est en train de nous avoir, Mme la Présidente. (21 h 40)

La Vice-Présidente: Ce n'était pas une question de règlement, mais je tiendrais, par contre, à dire au député de Lévis qu'il faudrait, tout de même, respecter l'article 35.1° où il est bien dit que le député qui a la parole ne peut désigner un député autrement que par son titre. Là-dessus, M. le député de Lévis, je sais que vous êtes au courant.

M. Lemieux: Sur la question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur une autre question de règlement?

M. Lemieux: Oui. Tous les parlementaires ne sont pas à l'image du député de Lévis, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Là-dessus, je suis prête à reconnaître le député de Lévis. M. le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, pour le nombre de fois que le député de Vanier parle en cette Chambre, il peut rester assis tranquille, n'est-ce pas?

M. Lemieux: Question de règlement, Mme la Présidente.

M. Garon: Jusqu'à maintenant, il n'a pas pris cinq minutes depuis un an et demi.

La Vice-Présidente: M. le député de Lévis, je demande votre collaboration. Adressez-vous donc à la présidence pour limiter les débats.

M. Garon: Je suis parfaitement d'accord avec vous, Mme la Présidente. C'est, d'ailleurs, ce que je fais depuis le début, m'adresser à vous, sauf qu'évidemment la vérité fait mal. Si je ne touchais pas des points justes, vous savez bien que les députés libéraux resteraient assis tranquilles et continueraient à faire leurs mots croisés comme d'habitude.

Actuellement, Mme la Présidente, il y a un débat en cours auquel participent très peu les députés libéraux qui ont fait tout en leur pouvoir pour limiter ce débat pour que la population n'y participe pas. Quand on le dit, ils devraient au moins ne pas s'offusquer puisque c'est l'authentique vérité. Là-dessus, notre presse est silencieuse parce qu'elle a décidé que ce débat était inutile à ce moment-ci. Peut-être dans six mois, dans un an, mais elle a jugé à ce moment-ci que ce débat était inutile.

Je ne suis pas complètement étonné sachant qu'elle appartient en partie à Power Corporation; pour l'autre partie, maintenant à Toronto. On ne s'étonnera pas, un jour qui ne sera peut-être pas si lointain, que notre peuple décide de se faire entendre ailleurs et autrement, ce qu'il a fait, d'ailleurs, en 1974, 1975, 1976 quand il a compris qu'il y avait d'autres moyens de se faire entendre qu'ici dans ce Parlement.

Mme la Présidente, M. Ryan disait ce matin que cette entente était le geste le plus important depuis 50 ans. Je dirai que le député d'Argenteuil fait facilement fi de notre histoire.

Une voix: II n'est pas là.

M. Garon: Ce n'est pas ma faute s'il n'est pas là. Il n'a qu'à être là. J'y étais ce matin quand il a parlé. Mme la Présidente, je dirai que j'étais présent quand le député d'Argenteuil a parlé ce matin. S'il n'est pas là quand je parle ce soir, ce n'est pas ma faute.

Je dirai ceci: Au début des années cinquante, quand le premier ministre du temps a décidé de mettre en place un impôt sur le revenu pour que le gouvernement du Québec établisse ses droits et que le gouvernement libéral du temps de Louis Saint-Laurent a reculé, c'était un geste important qui donnait quelque chose au Québec, beaucoup plus que le simulacre de papier qu'on a fait actuellement. Quand je disais que M. Jean Lesage - indépendamment de la politique, il faut donner à chacun ce qui lui appartient - a réussi à établir avec M. Pearson la formule de l'"opting out" ou du retrait compensatoire qui était mis en place pour la première fois, là aussi le Québec obtenait quelque chose.

Le député d'Argenteuil nous a vanté ce matin ce genre de papier qui, à mon avis, ne donnera absolument rien puisqu'on s'en remet à l'interprétation des tribunaux et on sait ce que nous a donné dans le passé l'interprétation des tribunaux. On verra sur le plan historique la valeur de ce papier. Les gens verront également dans le temps qui avait raison dans les débats qu'on tenait en cette Chambre. Ces débats sont enregistrés. Ils font partie de l'histoire du Québec. Ils verront ceux qui voyaient juste dans le débat qui se passe à l'heure actuelle.

Au moment de la campagne référendaire, le premier ministre du Canada disait, avec la complicité de tous ces gens du Parti libéral qui étaient là sur les mêmes tribunes, qu'un non voulait dire un oui. Tout le monde avait compris à ce moment, si un non voulait dire un oui, que cela voulait dire plus de pouvoirs pour le Québec. On a vu de quelle façon il a traduit dans la réalité en 1981-1982 ce non qui voulait dire un oui. Ce sera la même chose avec la société distincte qui voudra dire, contrairement à ce que disent les libéraux aujourd'hui, que le Québec constitue une société distincte parce que les anglophones sont la seule minorité à protéger au Canada.

Je dois vous dire que de plus en plus quand on voit les textes d'interprétation, il faut être conscient que cette clause ne constitue qu'une règle d'interprétation de la constitution. Cela signifie en droit qu'elle est un principe dont les juges ne sont appelés à tenir compte que pour le cas où une règle de droit constitutionnel ne leur paraîtrait pas autrement claire. Mme la Présidente, il faut savoir que les juges devront tenir compte aussi de la Loi constitutionnelle de 1867 qui dit que le Canada forme une fédération, de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés qui dit que seule une loi raisonnable et justifiable peut porter atteinte à un droit de cette charte. La Cour suprême du Canada a déjà précisé que seules les lois qui portent le moins possible atteinte à ces droits sont raisonnables et justifiables au sens de l'article 1.

J'en passe. Une règle d'interprétation équivoque. Il faut être bien conscient que ce qu'on appelle la clause de la société distincte est une règle d'interprétation qui énonce, en fait, deux principes opposés. Dans un premier temps, la clause dit que, premièrement, le Canada est d'abord un pays bilingue. Elle ajoute, ensuite, que ce fait constitue une caractéristique fondamentale du Canada. Deuxièmement, c'est dans un second temps seulement qu'elle dit que le Québec forme une société distincte sans ajouter que ce fait constitue une caractéristique fondamentale du Canada. Mme la Présidente, on peut très bien s'attendre que la Cour suprême du Canada établisse qu'au Québec la minorité anglaise a besoin d'être protégée et que c'est ce groupe qu'elle protège.

Le premier ministre s'est aperçu qu'il s'était embarqué, après la commission parlementaire qui a été tenue. Il a ajouté un nouveau paragraphe 4, le 3 juin, à la clause de la société distincte pour empêcher effectivemement que celle-ci ne puisse servir à diminuer les pouvoirs actuels du Québec. Pourquoi? Parce qu'il s'est rendu compte que ça pouvait jouer dans les deux sens et que ça pouvait jouer autant contre le Québec que pour le Québec. C'est quoi, une constitution? Est-ce un document hétéroclite, pas clair, qui devra aller nécessairement devant les tribunaux parce que personne ne sait ce qu'il veut dire exactement ou est-ce que ce ne doit pas, au contraire, être un texte clair qui sert à guider le fonctionnement du pays, qu'elle a pour rôle de coordonner et d'organiser?

Mme la Présidente, nous avons vu ces différentes clauses. Personne ne nous fera accroire que ces clauses ont pour effet de donner plus de pouvoirs au Québec. Aucune de ces clauses n'a pour effet de donner plus de pouvoirs au Québec. Au contraire, les clauses de sauvegarde qui ont été mises par le premier ministre du Québec ont pour effet de faire en sorte que jamais les pouvoirs du Québec ne soient accrus. Par ailleurs, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans des juridictions provinciales est reconnu pour la première fois dans un texte constitutionnel. On établit comment le Québec pourra dans certaines conditions avoir une compensation financière s'il s'engage dans des programmes qui visent les objectifs nationaux dans des domaines qui sont de sa juridiction.

On est dans le fort, Mme la Présidente. Là, actuellement, le gouvernement fédéral va pouvoir dépenser des fonds dans des domaines de juridiction québécoise et, pour avoir droit à une compensation, il faudra fonctionner en fonction d'objectifs nationaux. Comment voulez-vous qu'un gouvernement puisse organiser véritablement son pays, son territoire de cette façon-là, alors que son pouvoir de dépenser va être accaparé par les objectifs d'un gouvernement autre qui va intervenir dans ses juridictions? On se rappelle qu'à la Société centrale d'hypothèques et de logement, par exemple, quand le gouvernement fédéral est entré dans ce secteur parce que tous les contrats d'architectes avaient été donnés à Toronto, on faisait des maisons avec des petites cuisines et des grands salons conformes à la façon de vivre de Toronto, alors que les gens ici n'empruntaient pas parce qu'ils n'étaient pas intéressés à ce genre de maisons avec des petites cuisines et des grands salons, vu que, nous autres, on vivait dans des grandes cuisines et des petits salons. Pourquoi? Parce que la Société centrale d'hypothèques et de logement...

Oui, on regardera les débats dans le journal Le Devoir au cours des années quarante et cinquante, et on verra qu'on prêtait dix à quinze fois plus en Ontario parce qu'aucun plan d'architecte n'avait été fait au Québec en fonction des goûts des consommateurs du Québec. Le député de Jean-Talon était encore jeune, Mme la Présidente; à cette époque, peut-être qu'il ramassait les fraises des champs à Baie-Saint-Paul. Je peux vous dire une chose: II pourra refaire son histoire dans le domaine de la Société centrale d'hypothèques et de logement. Dans le domaine de la route Trans-Canada, on se rappellera que le gouvernement fédéral a fait de beaux programmes où il bâtissait quatre fois plus de routes en Ontario qu'au Québec, quatre fois plus de ponts en Ontario qu'au Québec avec des beaux programmes nationaux. (21 h 50)

On se rappellera que, dans le cas du fleuve Saint-Laurent, c'était parfait aussi pour faire des canaux pour aller vers l'Ontario, et, par la suite, pour faire une voie maritime pour aller vers l'Ontario, mais, quand il s'est agi d'ouvrir le fleuve Saint-Laurent l'hiver, il a fallu téter le gouvernement fédéral

pendant des années, des dizaines d'années, pour qu'on puisse le faire, parce que le fédéral se satisfaisait très bien que les bateaux s'arrêtent à Halifax et que les "containers" montent d'Halifax vers Toronto avec un tarif subventionné qui représentait un coût plus bas que le prix coûtant.

Dans les prochaines semaines ou les prochains mois, alors qu'on est en train de parler de sous-marins nucléaires pour établir la souveraineté du Canada sur l'Arctique, dix sous-marins qui iront à la France, on verra, si les sous-contrats iront - des contrats qui pourraient avoir des retombées économiques ici - à Lauzon ou à Sorel - Lauzon est le plus grand chantier maritime au Canada - ou si on ne trouvera pas le moyen d'apporter les contrats en Ontario. 3e n'ai aucune confiance en cette entente, parce que je suis persuadé que, si le Parti libéral en était fier - seulement par psychologie humaine, enlevons le juridique et tout ce qu'on voudra - il ne ferait pas le genre de débat qu'il fait actuellement. Le Parti libéral ne ferait pas un débat escamoté, en fin de session, sans avertissement à la population, en siégeant du matin jusqu'au soir, peut-être une partie de la nuit, cette nuit, comme si la constitution canadienne était une maladie honteuse dont on pouvait seulement parler la nuit. Moi, depuis que je suis petit gars, j'entends parler de la constitution canadienne dans des débats de nuit, qu'il s'agisse de 1981, de 1982, du lac...

M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la Présidente.

M. Garon: ...Meech ou encore des nouvelles...

M. Lefebvre: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de... M. Garon: ...ententes, récemment.

La Vice-Présidente: Question de règlement. M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: Je vous prierais de rappeler le député à l'ordre, lorsqu'il dit qu'on a siégé la nuit. On a siégé jeudi et vendredi dernier et aujourd'hui, et jamais la nuit!

M. Charbonneau: Question de règlement, Mme la Présidente.

M. Lefebvre: C'est faux, c'est faux, ce que le député de Lévis a dit.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît! M. le député de Verchères, sur la même question de règlement?

M. Charbonneau: Oui, Mme la Présidente, sur la question de règlement. Je voudrais que vous indiquiez au leader du gouvernement qu'il a beau ne pas aimer les propos du député de Lévis, cela ne l'autorise pas à enfreindre le règlement et à passer ses remarques pour interrompre mon collègue. On a écouté ses collègues même si on n'aime pas nécessairement les propos qu'on entend. Je lui demanderais, ainsi qu'à ses collègues, de faire la même chose.

La Vice-Présidente: Bon! Ce n'est pas une question de règlement. Là-dessus, je vais céder la parole au député de Lévis. M. le député de Lévis, veuillez continuer votre intervention.

M. Garon: Mme la Présidente, j'entends le ministre des Communications devenir féroce. On aurait aimé qu'il ait un peu plus de férocité, quand il traitait avec les gens de Toronto qui achetaient la moitié des journaux ou des quotidiens du Québec.

Concernant le pouvoir de dépenser également, l'Union des producteurs agricoles a comparu devant la commission. Elle a été formelle. Dans son exposé très précis, elle a bien démontré les effets pernicieux des dépenses fédérales sans retenue dans le domaine agricole. Que de dédoublement d'énergies et d'argent, quel gaspillage en raison de priorités souvent fort différentes! Ce que veut l'UPA, c'est que ce soit l'Assemblée nationale qui décide des priorités en agriculture. C'est là que l'UPA tient, au nom de l'efficacité et du type d'agriculture que nous nous sommes donné, à poursuivre le développement institutionnel de l'agriculture. Si cela vaut pour l'agriculture, que dire de l'éducation, de la culture, de la santé et de l'habitation?

Je dirais que, si le député de Jean-Talon, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, était intéressé, il ferait un peu d'histoire. Qu'il aille comparer ce que nos ancêtres avaient obtenu comme colonie en 1774, après onze ans d'occupation, directement de la mère patrie avec l'Acte de Québec, il se rendra compte à quel point le document qu'il veut faire signer au Parlement de Québec n'obtient rien par rapport à ce que nos ancêtres avaient obtenu en 1774 avec des fourches de bois. Le député devrait se rendre compte que, sur le plan du droit civil, sur le plan de la langue, sur le plan des institutions qui devaient nous diriger au Québec, on avait obtenu davantage et que n'eût été, en 1841, l'Union du Bas-Canada et du Haut-Canada, à ce moment-là, en termes d'autonomie, on était en train d'obtenir et de se diriger davantage au Québec que par les règles qu'on est en train de formuler dans une

pseudo-constitution en essayant de nous faire croire qu'on ne peut pas vivre sans la Saskatchewan ni sans l'Île-du-Prince-Édouard - arrêtons donc de rêver en couleur! - qu'on ne peut pas vivre sans l'Alberta qui n'a plus de pétrole et qui, tantôt, va venir quémander les prébendes du gouvernement fédéral obtenues à même nos taxes. Arrêtons donc!

Prenez le chemin de fer qui a été bâti par Trudeau, le premier ministre du Canada du temps, avec 20 000 000 000 $ de subventions et de paiements fédéraux, avec 650 000 000 $, indexés par année, d'aide à l'agriculture de l'Ouest, avec le "Maritimes Freight Act" qui subventionne à 75 % le transport des Maritimes vers le Québec pour mieux concurrencer notre production locale, régionale et nationale au Québec, Mme la Présidente.

M. Chevrette: Mme la Présidente, je sais qu'à plusieurs reprises, pour l'avoir vu sur le moniteur, vous êtes intervenue pour demander l'ordre dans cette Chambre. Je pense qu'on doit respecter à la fois les propos, les styles, etc. De notre côté, nous tenterons, Mme la Présidente, jusqu'à la fin de ce débat, de le faire dans la plus grande quiétude et la plus grande sérénité. J'aimerais que vous observiez, à ce stade, que nous avons de la difficulté à nous entendre.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Sur la question de règlement, le leader de l'Opposition a raison de dire qu'il faut respecter les intervenants. Je devrais peut-être lui rappeler que, dans certains cas, ce n'est pas toujours facile. J'aimerais en profiter pour vous inviter à rappeler au député de Lévis le paragraphe 7 de l'article 35 qui dit que l'on ne peut pas "se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit". C'est à peu près 50 % des propos du député de Lévis, depuis le début de son intervention, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Là-dessus, je vais m'adresser à la Chambre. Je demande la collaboration des deux côtés pour le bon déroulement de ce débat. Là-dessus, pour ne pas prendre trop de temps, je reconnais le député de Lévis. M. le député de Lévis.

M. Garon: Mme la Présidente, je suis habitué à me faire interrompre dans cette Chambre. Si mes propos étaient complètement faux, si les députés ministériels pensaient que mes propos ne font référence à aucune vérité, ils seraient très heureux et ils applaudiraient. C'est parce qu'ils savent que la population du Québec n'accepte pas le geste qu'ils posent actuellement. Il est possible, temporairement, que les gens ne disent mot parce qu'ils n'ont pas été éveillés et qu'ils n'ont pas beaucoup été mis au courant par la presse, une presse qui n'est pas, il faut le dire, dans beaucoup de cas, propriété populaire. Elle est beaucoup plus, de fait, la propriété de grands organismes financiers ou, encore, la propriété même de l'étranger comme c'est le cas, maintenant, du Soleil, du Quotidien et du Droit. Mme la Présidente, quel que soit le temps que cela prendra, moi, je vous dis que le peuple du Québec n'acceptera pas qu'on lui fasse une constitution dont il n'a été partie d'aucune façon, dont on a escamoté le débat, sur laquelle on n'a pas voulu, d'aucune façon, qu'il puisse dire un mot.

Dans les semaines, les mois et les trois ans qui viennent, on verra que ce sera discuté en Ontario, ce sera discuté au fédéral, ce sera discuté au niveau de chacune des provinces, même du gros Nouveau-Brunswick dont parlait Jean Chrétien, de la petite Île-du-Prince-Édouard, de la Saskatchewan rurale, de Terre-Neuve, avec ses 25 % de chômage, qui a eu, pour entrer dans la confédération en 1949, la bouette gratis, c'est-à-dire les appâts à harengs gratis, parce que c'était l'une des principales promesses de fournir aux pêcheurs, éternellement, les appâts gratis pour prendre la morue, c'est-à-dire les appâts qu'on met sur les hameçons. Un bel oecuménisme canadien, comme vous vous en rendez compte, et un bel idéal!

Notre peuple n'acceptera pas qu'on lui fasse une constitution dans la clandestinité, une constitution faite par un gouvernement qui n'a aucun mandat, par un premier ministre qui n'aura jamais le courage d'aller voir la population, faire les consultations requises pour qu'on fasse comme tous les autres peuples du monde: qu'on se donne une constitution claire, précise et que l'on sache ce qu'elle veut dire. Ailleurs, habituellement, ce sont les élus qui font la constitution. Ici, on veut faire une constitution ambiguë, grise et pas claire pour, après cela, en remettre l'interprétation aux tribunaux où les juges seront, dans une proportion de un sur trois, du Québec, c'est-à-dire très fortement, majoritairement, des autres provinces du Canada anglais.

En conclusion, je dis que, pour moi, député de Lévis, la signature de cette entente sera un crime de haute trahison contre le peuple du Québec. Je vous remercie. (22 heures)

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Lévis.

M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Mme la Présidente, si nos collègues libéraux ont décidé de ne pas intervenir...

M. Lefebvre: Avec votre permission, M. le député. Excusez-moi, Mme la Présidente. Est-ce que je peux intervenir?

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: II y a effectivement, Mme la Présidente, deux de nos députés qui doivent intervenir. Je veux tout de suite informer les membres de l'Assemblée qu'il y a un léger retard, mais il ne faudrait pas qu'il soit interprété comme si on était en train de sauter des tours. Il y a deux députés qui sont absents au moment où on se parle et qui vont intervenir un peu plus tard. On pourrait inviter immédiatement le député d'Iberville, s'il est déjà prêt à intervenir.

La Vice-Présidente: Compte tenu que le député de... M. le député de Verchères, est-ce que vous consentez à ce que ce soit...

M. Charbonneau! Mme la Présidente, le principe de l'alternance pourrait continuer de s'appliquer.

La Vice-Présidente: Bon, d'accord. Je vous remercie, M. le député de Verchères. M. le député d'Iberville.

M. Jacques Tremblay

M. Tremblay (Iberville): Merci, Mme la Présidente. Je prends la parole aujourd'hui sur cette motion historique, qui éventuellement permettra la modification de la constitution canadienne, avec beaucoup d'émotion mais également avec une certaine déception à l'égard de quelques propos tenus en cette Chambre par les députés de l'Opposition.

À mon sens, l'accord qui fut signé à Ottawa et sur lequel je reviendrai plus loin est un excellent accord, car non seulement il satisfait pleinement les conditions posées par le programme du Parti libéral, Maîtriser l'avenir, mais il accorde plus de pouvoirs que l'ancien gouvernement du Québec n'en réclamait lui-même en 1981.

En écoutant les nombreux discours prononcés en cette Chambre, je me suis efforcé de comprendre le point de vue défendu par l'Opposition et, à bien y penser, il n'y a probablement qu'une seule explication à son refus de coopérer avec le gouvernement actuel. Je m'explique. L'une des meilleures allocutions péquistes qui a été prononcée sur cette motion fut celle du député de Terrebonne que j'ai eu l'immense plaisir d'écouter. Je ne partage pas ses opinions sur le sujet, mais je le respecte beaucoup. Son message était clair, d'une grande sincérité et d'une franchise éloquente. Que disait le député de Terrebonne? Il disait: Je suis souverainiste, je ne comprends pas la démarche du gouvernement libéral. A tout le moins, je n'y crois pas. Je verrai la souveraineté du Québec un jour. Il a même ajouté que d'en parler le faisait vibrer. Effectivement, sa prestation fut rendue avec coeur. Vous étiez probablement présente en cette Chambre, Mme la Présidente, lorsque notre collègue de Terrebonne s'est exprimé. À la fin de son excellent discours, un seul de ses collègues péquistes l'a applaudi, un seul. Il s'agissait là d'une opinion de fond défendue avec beaucoup de conviction et un seul de ses collègues l'a applaudi. Que pouvait bien cacher ce silence? La société québécoise a déjà statué sur leur projet. Il faut dorénavant que la souveraineté soit un concept banni du vocabulaire péquiste ou encore que l'article 1 de la constitution du PQ soit inséré dans la filière 131 C'est un motif fort possible. Que le PQ soit profondément souverainiste, c'est peu plausible. Aussi, à propos du refus de l'Opposition de coopérer avec le gouvernement à cette conquête de pouvoirs accrus au plan constitutionnel, de deux choses l'une: ou le PQ est encore souverainiste et ne peut donc collaborer avec le gouvernement parce qu'il ne croit pas à la démarche, ce dont je doute, ou l'affirmation nationale, ce projet vague du chef de l'Opposition visant l'accroissement des pouvoirs du Québec, est supplantée par la démarche constitutionnelle de notre chef et, de ce point de vue, le PQ n'a d'autre choix que de s'opposer par pur opportunisme politique et partisanerie, ce qui est probablement le cas.

Je déplore une telle attitude, mais j'avoue que je comprends les sentiments de frustration de cette formation politique dite, entre parenthèses, nationaliste. Malgré tout, c'est cette même Opposition qui nous dit, aujourd'hui, que nous devons faire ce débat au-dessus de la partisanerie politique. Allons donc, un peu de sérieux! Le Parti libéral en 1981, bien qu'étant formé de fédéralistes convaincus, n'avait pas hésité à voter avec le gouvernement d'alors pour s'opposer au rapatriement unilatéral d'Ottawa que nous considérions injustifié. Quand même, trouvez d'autres arguments que la partisanerie politique. Ayez donc le courage de vos convictions.

Mme la Présidente, l'accord signé à Ottawa est, en quelque sorte, la consécration juridique de 227 ans de lutte par les francophones du Québec pour la reconnaissance de leurs particularités et de leurs droits. Le député de Lévis, tout à l'heure, a essayé de faire un peu d'histoire. Je peux me permettre de rappeler des faits plus précis. Faisons un peu d'histoire. Rappelons, en bref, quelques faits de notre histoire. Au lendemain de la perte de Québec et de Montréal en 1760, nos ancêtres avaient tout perdu, tous leurs droits et privilèges ainsi que leurs pouvoirs. À compter de cette

date, notre société a entamé une longue série d'actions pour la reconquête des moyens qui nous étaient nécessaires afin de répondre à nos aspirations. Bien que, de 1760 à 1774, le régime militaire et les gouvernements britanniques se soient donné pour objectif d'assimiler les Canadiens français en leur supprimant tous les droits, la stratégie s'avéra un échec total. En 1774, l'Acte de Québec viendra redonner aux francophones d'Amérique les principales libertés essentielles dont, entre autres, le rétablissement des lois civiles françaises. Par la suite, l'Acte constitutionnel, en 1791, créera le Bas-Canada et le Haut-Canada, ce qui permettra aux deux grandes communautés, d'une part, d'élire des représentants gouvernementaux et, d'autre part, de se développer selon leurs propres aspirations. Arrive enfin la constitution de 1867 laquelle conférera à la province de Québec et a ses élus une foule de pouvoirs qu'elle n'a jamais eus jusqu'alors.

C'est la première fois que des représentants élus par les francophones obtiennent autant de prérogatives en matière de législation. Je dois dire d'ailleurs que ce sont les libéraux de l'époque, tels que les Honoré Mercier et Marchand, qui feront le plus en faveur de l'affirmation de l'État québécois. Entre autres, Mme la Présidente, je voudrais profiter de l'occasion pour attirer l'attention de la Chambre sur le fait que, cette année, l'accord du lac Meech survient à 100 ans exactement après la prise de pouvoir d'Honoré Mercier, un de nos plus grands premiers ministres du Québec, un libéral.

Avec l'arrivée de Maurice Duplessis, d'autres gains sont réalisés pour enfin reprendre le droit de taxation des revenus, des successions et de l'essence. Toutefois, les efforts d'autonomie de Duplessis avaient été, il faut bien l'avouer, à double tranchant. On oublie trop souvent, comme l'avait élo-quemment démontré la commission Tremblay, que la formule des subventions conditionnelles du gouvernement fédéral fut pratiquement toujours refusée par le Québec et, de ce fait, concluaient les auteurs, et je cite: "Les Québécois sont taxés pour l'établissement d'un système dont ils ne retirent aucun avantage." À cet égard, on se souviendra, par exemple, du nombre d'écoles techniques qui furent bâties en Ontario avec les subsides du fédéral alors qu'au Québec on refusait obstinément l'aide d'Ottawa, ce qui a été lourd de conséquences pour l'instruction publique au plan de son développement. Le retrait avec compensation financière que l'actuel premier ministre a obtenu habilement le 3 juin dernier aurait certainement été d'un précieux recours à cette époque.

En bref, au cours de son histoire, le Québec a conquis de nombreux pouvoirs et édifié un solide rapport de forces à l'égard de l'ensemble canadien. Ce rapport de forces a, notamment, été cristallisé par l'actuel premier ministre du Québec qui, en 1971, avait refusé de signer la formule de Victoria, qui ne conférait pas assez de garanties au Québec. Hélas, les gains et ce rapport de forces favorable au Québec, obtenus des luttes vigoureusement menées par les patriotes et les gouvernements qui se sont succédé, ont été sérieusement ébranlés par le gouvernement péquiste. En effet, le gouvernement péquiste, irrité par la défaite référendaire et animé d'une animosité disproportionnée à l'endroit des dirigeants fédéraux, a fait voler en éclats en 1981 ce rapport de forces favorable que le Québec s'était difficilement donné après 200 ans d'histoire. Entre autres, le droit de veto québécois fut abandonné au profit d'une alliance partisane contre les détenteurs du pouvoir à Ottawa. On connaît la suite. Il s'agit d'un triste sort que ce gouvernement du temps a réservé au Québec, lequel se déclarait pourtant le seul habilité à défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises. (22 h 10)

Pour la première fois depuis 120 ans la constitution canadienne reconnaîtra que le Québec est une société distincte. Ce ne sera pas inscrit dans le préambule de la constitution, lequel est soustrait à l'interprétation des tribunaux, mais ce sera dans la constitution. A cette reconnaissance du caractère distinct qui englobe les particularités propres du Québec, tant au plan de la culture que de l'économie, s'ajoute le rôle gouvernemental d'en exercer la protection et la promotion ainsi qu'une clause de sauvegarde en matière linguistique, laquelle consolide et renforce de façon absolue les pouvoirs de l'Assemblée nationale à ce chapitre. En d'autres termes ceci permettra, en plus de protéger toutes les caractéristiques propres au Québec, de mettre fin à l'érosion de nos compétences en matière linguistique.

En ce qui a trait à l'immigration, faisant suite à plus de 20 ans de négociations avec le fédéral en cette matière et avec la fragilité démographique croissante qui est tributaire du Québec moderne, il était essentiel que dans un accord constitutionnel le gouvernement obtienne des pouvoirs supplémentaires à cet égard. Aussi, pour contrer la dénatalité quasi chronique à laquelle le Québec est confronté, celui-ci pourra obtenir un nombre d'immigrants correspondant à son poids démographique au sein du Canada, plus 5 %, aura des pouvoirs de sélection sur tout immigrant désireux de s'établir ici et exercera des pouvoirs législatifs exclusifs à l'Assemblée nationale au niveau de la formation, de l'établissement et de l'adaptation des immigrants. En plus de

concourir à rétablir la balance démographique en faveur du Québec, ces pouvoirs additionnels seront d'un précieux recours pour la pérennité du caractère français de la société québécoise. J'espère, M. le Président, que ceci va réussir à contrebalancer les erreurs et les politiques rétrogrades du gouvernement péquiste, de ses neuf ans noirs qui ont fait fuir des centaines de milliers de personnes du Québec.

Pour ce qui est de la limitation du pouvoir fédéral de dépenser, les gains enregistrés sont considérables. Dans le passé, cette prérogative du gouvernement fédéral a causé de nombreux torts au Québec. Lorsque les dirigeants québécois décidaient d'opter pour la liberté d'action, il s'ensuivait des pénalités financières appréciables. Aussi, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser concrétisée par le droit de retrait avec compensation financière se révélera un atout sans précédent pour la marge de manoeuvre du Québec dans l'élaboration de ses programmes. Non seulement le gouvernement actuel sera-t-il obligé de discuter avec les provinces de l'opportunité et des modalités des programmes mais celles-ci pourront se retirer afin de créer leurs propres programmes avec une contribution financière du gouvernement fédéral. Par exemple, si on prend le très onéreux programme d'assainissement des eaux, si on avait eu cette formule avant - on a dépensé 2 000 000 000 $ jusqu'à maintenant et il nous en reste 4 000 000 000 $ alors que l'Ontario a eu des subventions fédérales - ce sont quelques centaines de millions de dollars que le Québec aurait eus.

Enfin, en guise de réparation historique pour le Québec, le premier ministre a réussi à recouvrer le droit de veto pour tout amendement constitutionnel. Droit de veto qui avait été naïvement abandonné par l'ancien gouvernement.

En bref, comme on peut le voir, M. le Président, l'accord constitutionnel de 1987 n'est absolument pas un aboutissement ou une fin en soi. Au contraire, outre les gains très substantiels que l'accord accorde au Québec, celui-ci est en premier lieu la consécration constitutionnelle d'un pouvoir fortement accru de négociation pour le gouvernement du Québec en matière de réparation des compétences avec le fédéral. De surcroît, cet accord consolide la stabilité politique du Québec, laquelle est un élément essentiel à la prospérité économique de notre communauté. Quant à la culture, dans la mesure où la détermination politique sera solidement établie et l'affranchissement économique croîtra, elle ne pourra que mieux se développer et s'affirmer.

Du côté de l'Opposition ils ont un chef qui se bat éperdument pour l'affirmation nationale. L'influent député de Lévis, de son côté, opte pour la souveraineté du Québec.

Le député de Verchères, lui, est d'avis qu'il faudrait une confédération. Quant à leurs collègues, ils n'ont que l'embarras du choix. L'ambiguïté du PQ sur la question constitutionnelle est probablement l'un des éléments non négligeables qui peut expliquer le gâchis constitutionnel de 1981. Pour notre part, nous sommes d'avis que pour être viable un système fédéral doit conférer au Québec des pouvoirs afin de satisfaire aux aspirations de notre société. C'est précisément ce que notre premier ministre est allé chercher à Ottawa le 3 juin dernier et nous en sommes fiers. Au fond, la plus grande frustration de l'Opposition est de constater que le premier ministre du Québec est allé chercher et a obtenu plus qu'eux n'en demandaient en 1981 et qu'ils n'ont pas eu. C'est la différence entre un gouvernement de rêveurs et un gouvernement d'action.

M. le Président, le discours péquiste est toujours le même, aussi négatif dans l'Opposition qu'il l'était au pouvoir. Exactement le même. L'accord du lac Meech est essentiel actuellement à la stabilité politique du Québec. Une stabilité politique, M. le député de Lévis, amène aussi des investissements massifs, cela fait fonctionner l'économie. Cela veut dire que cela amène aussi des emplois pour les jeunes. Cela veut dire aussi que les femmes vont trouver des emplois, cela veut dire que les pères et les mères vont avoir l'argent nécessaire pour faire instruire leurs enfants aussi. La croissance des revenus de l'État, il ne faut pas oublier cela, on a besoin de la croissance des revenus. Les gens du troisième âge qui sont dans des foyers actuellement ont besoin qu'on puisse donner les services de santé nécessaires, ces gens qui, eux, ont bâti le pays, pas le groupe qui, pendant neuf ans, était au pouvoir au Québec. Les gens du troisième âge, ce sont eux qui ont bâti notre pays, notre province. Il faut leur rendre hommage. L'épanouissement de la culture française - je vais le dire parce que trop souvent on entend des discours négatifs -s'ils ne le savent pas, passe par une économie forte. Il n'y a pas d'autre solution. Il ne faut pas oublier cela. Une économie prospère, qu'on le veuille ou non, au-delà des discours creux qu'on est habitué d'entendre, comme ceux du député de Lévis... Il faut se rappeler que la réalité c'est l'économie. C'est comme cela que l'épanouissement de la culture française va se faire au Québec.

L'accord du lac Meech, en plus de nous donner une force constitutionelle, va pousser davantage le Québec en avant. Après le virage majeur du 2 décembre 1985, nous allons continuer à donner l'élan nécessaire. Il faut se mettre dans la tête que force économique et épanouissement de la culture française vont de pair. Qui sont les vrais nationalistes au fond? Est-ce que ce sont ceux qui, pendant neuf ans, ont créé

l'instabilité politique au Québec, qui ont fait fuir les capitaux, qui ont fait fuir les cerveaux, qui ont fait déménager les jeunes à l'extérieur parce qu'ils n'avaient plus d'avenir ici, qui ont fait fuir des sièges sociaux et qui ont créé la pire crise économique de toute l'histoire du Québec des cinquante dernières années? Ou est-ce ceux qui ont créé la prospérité économique par un climat sain pour l'avantage de tous? L'accord du lac Meech est un nouveau départ pour le Québec grâce au chef, le premier ministre, et au député de Jean-Talon. Je tiens à dire à cette Chambre que je leur rends un hommage particulier et plus que jamais nous avons toutes les raisons d'être fiers d'être Québécois.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: M. le Président, il faut vraiment le faire! Je pense qu'il faut être encore assez peu expérimenté dans ce métier de parlementaire et avoir encore beaucoup d'illusions pour faire un discours aussi démagogique, aussi déconnecté. Je respecte mon collègue le député d'Iberville. Ce que je ne respecte pas, c'est ce genre de grossièreté comme la suivante: Le gouvernement du Parti québécois est le responsable de la crise économique qui a sévi au Québec en 1982.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Charbonneau: Je pense que les députés libéraux qui applaudissent ne passent pas pour des gens très sérieux auprès des gens qui nous écoutent. Les gens qui nous écoutent savent une chose: Qu'ils soient péquistes ou libéraux, fédéralistes ou indépendantistes, ils savent que la crise économique qui a frappé le Québec il y a quelques années est une crise économique qui a frappé le monde occidental et le Québec comme les autres. Oui. Le Québec s'en est mieux sorti, au Canada, que la plupart des autres régions. II s'en est sorti plus rapidement et mieux. (22 h 20)

M. le Président, j'ai écouté sans dire un mot. J'aimerais que le jeune député, sans expérience, de Saint-Hyacinthe se la ferme et m'écoute. Si cela ne lui plaît pas, il peut sortir. J'ai écouté depuis une heure et demie, ici, sans dire un mot.

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Verchères. Un instant. Un instant, M. le député de Verchères. Je suis actuellement debout. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La soirée peut être longue, nous le savons tous. Donc, je demanderais la collaboration de l'ensemble des députés. Si certains veulent aller prendre l'air au lieu d'écouter les propos de tout parlementaire qui s'adresse à l'Assemblée, ils sont invités à aller à l'extérieur. Ils reviendront quand ils seront disposés à écouter les discours. Autrement, je verrai à sanctionner les incartades, les écarts de conduite de ces députés. M. le député de Verchères, allez-y.

M. Garon: Avant de reprendre, pour être certain, en vertu du règlement...

Le Vice-Président: Un instant. Un instant. M. le député de Lévis.

M. Garon: En vertu du règlement.

Le Vice-Président: C'est un rappel au règlement.

M. Garon: M. le Président, pour être certain que vous ne serez pas obligé d'intervenir à toutes les 30 secondes, pouvez-vous demander à chacun des députés, en vertu de notre règlement, de regagner son siège? Le règlement le prévoit. Il y aura plus de chances que ce soit tranquille en cette Chambre.

Le Vice-Président: Bon. M. le député de Lévis, effectivement, si vous le demandez, je vais appliquer strictement le règlement. Je demanderais à chacun des députés de bien vouloir regagner sa place immédiatement. MM. les députés, s'il vous plaît! Allez-y, M. le député, s'il vous plaît! M. le député. M. le député, s'il vous plaît! M. le député, s'il vous plaît!

M. le député, je vous ferai remarquer... Je ferai remarquer à l'ensemble des parlementaires de la Chambre que le député vient de briser une règle de coutume parlementaire. En aucun moment un député ne doit passer entre la masse qui est sur la table et le président de l'Assemblée. C'est une règle qui n'est malheureusement pas respectée dans cette Assemblée. Je prierais l'ensemble des députés, à l'avenir, de respecter cette règle. J'avertirai personnellement les députés. La masse est le symbole de l'autorité dans cette Assemblée. Passer entre le président et la masse est une incartade à la règle de décorum de l'Assemblée. Je le spécifie à chacun des députés. Que ceux qui l'ignoraient en prennent bonne note. À l'avenir, vous verrez à respecter cette règle de décorum de l'Assemblée. M. le député de...

M. Maltais: M. le Président, je m'excuse. Je ne le savais pas parce que l'ancien président ne nous avait jamais dit que c'était une erreur. Je m'en excuse profondément. Je ne manquerai jamais de

respect envers la présidence.

Le Vice-Président: Très bien. Je n'ai pas mentionné, M. le député, que vous manquiez de respect envers la présidence. C'est une règle qui n'est malheureusement pas connue, une coutume parlementaire qui est à respecter. M. le député de Verchères, vous avez la parole.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Ce que j'expliquais c'est que je peux bien comprendre qu'on fait un débat qui soulève les passions et que chacun a ses convictions, ici. Mais je pense que si on veut faire avancer les choses il faut, au moins, invoquer des arguments qui appellent un minimum de sérieux et qui sont appuyés sur des faits. Je veux bien que, par partisanerie, on impute au Parti québécois la crise économique mais ce n'est pas très sérieux. Je pense que finalement quand une crise économique frappe le monde occidental, elle est originaire, en bonne partie, de la façon dont les Américains ont géré leur situation budgétaire et que le gouvernement fédéral canadien a augmenté les taux d'intérêt, à ce moment-là, pour réagir. On peut toujours faire de la démagogie facile mais je pense que cela ne fait pas avancer grand-chose. On peut faire aussi comme mon bon ami le député de Lafontaine a fait tantôt et, finalement, aller jusqu'à dire, dans un élan oratoire, que sous le règne du Parti québécois on a connu une chute de natalité épouvantable au Québec. Franchement, ce n'est pas bien connecté ni avec la réalité ni avec le débat dans lequel on se situe. Il n'y a pas grand monde qui va prendre cela au sérieux. Là encore, je suis convaincu, connaissant le député de Lafontaine, "qu'il regrette d'avoir dit cela. Comme le député d'Iberville, après réflexion, regrette sans doute de s'être emporté un peu.

M. le Président, je vais faire une mise au point pour le député d'Iberville qui avait l'air bien préoccupé par les orientations idéologiques de ses collègues de l'Opposition. On dit que je suis un député qui croit, qui a cru et qui continue de croire en la capacité des Québécois de se donner un pays. On appelle cela indépendance, on appelle cela souveraineté. Quand on regarde dans le dictionnaire, c'est la même chose. Souveraineté, c'est un terme juridique. Indépendance, c'est un terme plus littéraire, plus politique. D'ailleurs, il faut parler d'indépendance politique. Quand on parle de souveraineté, on n'a pas besoin de dire souveraineté politique. La souveraineté, c'est essentiellement politique, juridique. Quant à moi, je crois à la souveraineté possible du Québec. Je crois, par ailleurs, qu'il y a d'autres façons de promouvoir l'avancement des Québécoises et des Québécois. Je crois qu'on peut être nationaliste du Québec, être profondément attaché au peuple d'ici, à son histoire, à ses traditions, à ses valeurs, sans nécessairement croire qu'il faut aller jusque-là.

Je crois qu'on est capable, qu'on aurait dû y aller et qu'on devrait encore y aller. Pour moi, l'affirmation nationale, pour le député d'Iberville qui ne semblait pas comprendre tantôt, c'est une démarche de responsabilisation. Un adolescent qui devient un adulte, qui veut devenir un adulte, s'affirme progressivement. Un peuple qui s'affirme progressivement, de plus en plus, dans toutes sortes de domaines, peut avoir le goût, peut-être qu'il aura le goût, de prendre toute la liberté politique, toute la marge de manoeuvre. Choisira-t-il de le faire un jour? Peut-être, je ne le sais pas. Je ne le sais pas, pas plus que les députés libéraux qui ont gagné le référendum en 1980 peuvent prétendre que c'est maintenant définitif, irréversible. Il n'y a rien d'irréversible en ce monde.

M. Maltais: Question de règlement.

Le Vice-Président: Un instant, M. le député de Verchères. Question de règlement, M. le député de - je m'excuse - Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, je vous demanderais d'appliquer le même règlement, comme le député de Lévis l'a demandé tout à l'heure, et de rappeler chacun des députés à son siège.

Le Vice-Président: Très bien, M. le député de Saguenay. En conséquence, je dis au député qui n'est pas à sa place actuellement de bien vouloir gagner sa place. M. le député de Saint-Jacques, je m'excuse, je m'adresse à vous. Sur une demande du député de Lévis tantôt, on a exigé que chacun des députés se tienne à son banc. Si vous voulez discuter avec quelque personne, je vous inviterais à le faire en dehors de l'Assemblée nationale. M. le député de Verchères, votre intervention.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. C'est une brillante intervention qui fait avancer beaucoup de choses. L'affirmation nationale, c'est de prendre plus de place, de plus en plus de place, c'est de croire en nos capacités, à notre potentiel. C'est de croire qu'on devrait aller jusqu'à se donner les capacités de se diriger nous-mêmes ici. Ce que je me rappelle, c'est que ce courant d'affirmation nationale a finalement inspiré, je le disais la semaine dernière, au début du débat, ce courant politique qu'on essaie non seulement de réanimer, mais de pousser à sa logique ultime. C'est finalement le courant qui a d'une façon animé tout le nationalisme québécois, que ce soit celui des libéraux ou

que ce soit celui des indépendantistes comme nous.

Depuis la Révolution tranquille au Québec, les gens avaient décidé qu'il fallait aller en avant, qu'il fallait progresser, qu'il fallait prendre plus de place, qu'il fallait plus d'autonomie et qu'il fallait, dans notre cas, l'autonomie complète, l'autonomie maximum. Cela nous a menés au référendum de 1980. Quand j'écoute mes collègues libéraux faire des discours, c'est comme s'ils avaient gagné le référendum à 90 %. Alors que le Québec, et en particulier le Québec français, s'est profondément divisé autour de l'enjeu de 1980. Il y a 50 % de Canadiens français qui ont dit oui, 50 % de Canadiens français qui ont dit non. Nos concitoyens d'autres origines ont fait la différence. (22 h 30)

C'est un respect, c'est une constatation qu'on ne devrait pas oublier dans cette Chambre, quand on revendique l'appui de la population. Il y a 50 % des francophones du Québec qui ont voté oui au référendum. Une très grande majorité des gens qui ont voté non, chez les francophones tout au moins, l'ont fait parce qu'ils ont cru quelqu'un qui leur avait dit qu'un non voulait dire un oui. C'est dans ce contexte qu'il faut, aujourd'hui, se poser la question: Est-ce que l'entente, qui a été signée au lac Meech et à Ottawa par la suite, est une bonne entente? Est-ce que le Québec en sort avec des gains additionnels? Est-ce que les avenues restent ouvertes pour l'avenir? Â l'égard de quoi? À l'égard de ce qui s'est produit en 1980 et en 1981. On a essuyé, nous qui étions pour le oui, un échec, mais beaucoup de gens se sont rendu compte que c'est l'ensemble du Québec qui, finalement, s'est retrouvé pénalisé. Parce que c'est évident qu'en prenant le risque politique d'engager le Québec dans un combat idéologique où il fallait trancher, à un moment donné, le choix pouvait, par la suite, donner un message au reste du Canada qui était: Finalement, les Québécois ne sont pas prêts à aller jusqu'au bout.

Il y a des gens qui, en votant oui au référendum, étaient des fédéralistes, comme Léon Dion qui avait voté oui par stratégie, parce qu'il était bien conscient des conséquences du non. C'est évident que les gens du non, M. Trudeau en tête, ont fait ce que nous aurions fait si on avait gagné le référendum; ils ont consolidé leur position. Ils ont consolidé leur victoire, mais aux dépens de qui? Est-ce qu'ils l'ont fait en respectant la parole qu'ils avaient donnée aux gens du Québec à l'occasion du référendum?

Finalement, on s'est retrouvé avec le rapatriement unilatéral de la constitution et une attitude du gouvernement central et de beaucoup de fédéralistes qui, au Québec, s'étaient battus du côté du non, avec la volonté de régler le problème du Québec une fois pour toutes. Il ne fallait plus jamais que la menace de séparatisme puisse se reproduire; il fallait que plus jamais on ne puisse menacer l'unité canadienne à ce point, comme on avait réussi à le faire dans les années quatre-vingt. Il fallait mettre le Québec à sa place le plus possible. C'était l'attitude des gens du reste du Canada. C'était l'attitude de M. Trudeau. C'est d'ailleurs l'attitude qui justifie aujourd'hui, en fait depuis quelque temps, son intervention dans le débat. J'entends le député d'Iberville ou de ses collègues dire: Écoutez, à ce moment-là, vous avez perdu le droit de veto. Quel droit de veto? La Cour suprême a statué, par la suite, qu'il n'y avait jamais eu de droit de veto. Comment peut-on perdre quelque chose qu'on n'a jamais eu? Oui, il y avait un rapport de force politique; oui, on l'a exercé et oui, la dynamique a fait que le Québec s'est retrouvé affaibli, beaucoup à cause du non, aussi du fait que, dans la négociation constitutionnelle, le gouvernement Lévesque soit allé négocier avec les autres provinces. Il s'est fait avoir, entre autres une nuit où il s'est fait trahir littéralement par des gens qui avaient donné leur parole, qui avaient signé un document avec le premier ministre du Québec. Cela avait beau être un premier ministre indépendantiste ou souverainiste, c'était néanmoins le premier ministre du Québec. Quand il allait négocier avec les autres provinces anglophones du Canada, il négociait au nom de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, qu'ils aient voté oui ou non au référendum.

C'est ce qui lui est arrivé, à lui et à ses collègues, à Ottawa et à Hull, cette nuit particulière et c'est l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui se sont retrouvés dans une position vulnérable de défensive. On essaie de dire: C'est la faute du gouvernement du Parti québécois. C'est surtout le résultat d'une dynamique qui a commencé avec le non référendaire, d'une dynamique qui s'est continuée par la suite, parce que le vainqueur a voulu aller jusqu'au bout de sa victoire, y compris en trahissant sa propre parole envers l'opinion publique québécoise. Je me dis: Est-ce que c'est une bonne entente, maintenant? Est-ce que cela nous replace dans une dynamique où on va pouvoir recommencer à progresser?

Qu'on soit indépendantiste ou fédéraliste, si on a à coeur les intérêts du Québec, les intérêts des Québécois et des Québécoises, les intérêts des gens d'ici, c'est cela qui est important. Ce n'est pas de refaire, à ce moment-ci, la bataille du référendum. On n'est pas ici pour savoir si, demain matin, en signant cela, Québec va devenir un pays ou s'il va continuer d'être une province canadienne. Il ne faut pas charrier non plus! Ce n'est pas parce que le

Québec s'est fait avoir en 1981 et 1982, qu'il n'a pas adhéré à la" constitution rapatriée unilatéralement qu'il n'était plus une province canadienne et qu'il ne faisait plus partie de ce pays qui s'appelle le Canada.

C'est comme si, des fois, on discutait et tout à coup le Québec était dans le Canada et tout à coup il ne l'était plus. Le Québec, c'est une province du Canada encore. Ce qu'il est important de savoir: Est-ce qu'on veut que cette province de chaque côté de l'Assemblée nationale devienne une province comme les autres? Est-ce qu'on considère que l'État québécois est un État provincial comme les autres au Canada? Pourquoi ce Parlement s'appelle-t-il l'Assemblée nationale, alors que tous les autres Parlements provinciaux ce sont des assemblées législatives? Il faudrait peut-être revenir au vocabulaire. C'est peut-être parce qu'il y a une nation ici, c'est peut-être parce qu'il y a un peuple ici, particulier et concentré ici sur le territoire du Québec et qui en fait un État national, le seul État national qui existe au Canada.

Le peuple canadien-anglais est concentré non pas dans un État provincial, mais est réparti dans l'ensemble des autres États provinciaux. Il n'y a pas un gouvernement du reste du Canada qui peut prétendre parler au nom de la majorité des Canadiens anglais. C'est pour cela d'ailleurs que dans les sondages le premier gouvernement des Canadiens anglais c'est le gouvernement fédéral, alors que dans les sondages les Québécois répondent que leur premier gouvernement, qu'il soit libéral ou péquiste, c'est le gouvernement du Québec.

Moi, ce que je constate, c'est qu'il y a des opinions divergentes sur la valeur de cette entente. M. Bourassa, le premier ministre, et ses collègues, les députés libéraux qu'on a entendus et qu'on va entendre encore pendant quelques heures, nous disent que ce sont des gains historiques. Moi, je vais vous dire bien honnêtement que j'ai dit dans mon comté publiquement que, si tel était le cas, j'accepterais d'endosser cette entente, même si, au congrès du Parti québécois, des militants nous ont dit de ne pas faire cela, jamais. Je vais vous dire, ce qui est important pour moi, c'est que le Québec avance, qu'il consolide ses positions et qu'il se replace dans une dynamique de progression. Ce qui m'inquiète et ce qui devrait inquiéter non seulement les députés libéraux, mais les gens qui nous écoutent, les gens qui se retrouvent un peu mêlés dans tout cela, c'est finalement l'opinion des autres. Dans cette entente, il n'y avait pas seulement M. Bourassa, le premier ministre du Québec, et M. Rémillard, le ministre des Relations internationales et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, il y avait aussi d'autres partenaires fédéraux et provinciaux. Quand j'écoute les commentaires émis par ces gens-là, je me dis: Je n'ai pas le même son de cloche que le premier ministre du Québec. Là, cela m'inquiète.

Je prends quelques citations du sénateur Lowell Murray, ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales, qui disait, le 17 juin, au Sénat: La minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que j'appellerais la dualité linguistique de ce pays.

Il y a Ian Scott, le Procureur général de l'Ontario: L'entente du lac Meech donne pour la première fois au gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale. C'est tout à fait le contraire de ce que le ministre des Relations internationales nous dit. C'est le contraire de ce que les députés libéraux vous disent à vous, M. le Président, et aux gens qui nous écoutent depuis que ce débat est commencé. Ce n'est pas n'importe qui, c'est le Procureur général de l'Ontario. M. Murray ajoutait un peu plus loin: Ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue, à l'émission "Question Period", à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition, la clause de la société distincte, ne va en rien modifier la répartition des pouvoirs; elle ne vise pas à le faire et personne n'a prétendu qu'elle le ferait.

M. Scott a dit à un autre moment: L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution; maintenant, il le sera. Dans ce sens, cette description formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa. Pour ajouter à tout cela, le premier ministre de l'Ontario, l'un des vis-à-vis qui a signé avec le premier ministre du Québec l'entente, a dit: Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de la société distincte du Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances. Ce ne sont pas du tout les gains historiques que nous présente le premier ministre du Québec. (22 h 40)

Est-ce qu'on doit s'étonner, M. le Président, devant ces propos, devant les propos de journalistes du Québec qui, par exemple, dans Le Soleil du 6 juin, nous disent: "Le Québec et l'accord constitutionnel, ni gagnant ni perdant, le triomphe du statu quo." Dans La Presse du 6 juin, un autre texte du correspondant parlementaire du journal La Presse à Ottawa: "L'accord constitutionnel, le texte final corrige en faveur d'Ottawa les ambiguïtés du lac Meech." Dans La Presse, Gilbert Brunet

disait: "Plus de questions que de réponses".

M. le Président, ce n'est pas cela que nous disent nos collègues d'en face, ce n'est pas cela que nous dit le premier ministre du Québec, ce n'est pas cela que nous dit le ministre des Relations internationales. Personne, dans ces textes, ne parle de gains historiques pour le Québec. Personne ne parle d'une dynamique où le Québec va pouvoir reprendre, recréer surtout un rapport de force qu'il avait utilisé dans les années soixante et soixante-dix. Non. On nous parle du statu quo. Plus que cela, il y a des experts qui se sont penchés sur l'entente -non pas sur les communiqués de presse, entendons-nous bien. On a fait une commission parlementaire de 55 heures pour entendre toute une série d'experts statuer et donner des opinions juridiques sur des communiqués de presse. Là, on a les textes. Plusieurs de ces experts ont repris leur analyse maintenant fondée sur les textes.

Je prends un expert, par exemple, M. Jacques Frémont qui a fait une analyse sur le pouvoir de dépenser. Je vais vous lire un extrait de ce qu'il a écrit, en conclusion de son étude, à l'égard de la clause de sauvegarde dont nous parle le premier ministre sur le pouvoir de dépenser et qui fera en sorte que le gouvernement fédéral ne pourra plus intervenir dans les juridictions provinciales, dont celle du Québec. Il dit: "Un projet d'amendement dangereux. À la lumière de l'analyse qui précède - je vous fais grâce des neuf pages, je n'aurai pas le temps de vous lire toute l'opinion juridique -il est inutile d'épiloguer longuement sur le caractère inacceptable de cet article tel que proposé." Imaginez-vous. Ce que le projet ne dit pas, dit-il... "Au-delà de ces commentaires, il convient aussi de rappeler que le fait de souscrire à cet amendement constitutionnel comporte une conséquence peut-être encore plus importante, celle de reconnaître l'existence et la légitimité du pouvoir fédéral de dépenser." Ce n'est pas cela que le premier ministre nous dit. C'est pourtant ce que les gens de l'Ontario ont dit. Les gens de l'Ontario disent la même chose que les experts constitutionnels du Québec. Qui faut-il croire, M. le Président? M. Frémont ajoute: "Cela veut dire qu'implicitement, cet article confirme l'existence non pas seulement du pouvoir fédéral de dépenser dans des domaines de compétence provinciale, mais aussi de préciser dans les faits, d'imposer aux provinces des objectifs, des normes, des conditions afin de recevoir ces montants, en bref, d'intervenir de façon normative dans les domaines législatifs provinciaux. "Il semble donc qu'en tentant ainsi d'encadrer le pouvoir fédéral de dépenser, le Québec se trouve à, premièrement, reconnaître l'existence et la légitimité, ce qui, dans l'état actuel du droit, était loin d'être évident. Nulle part auparavant on n'avait une affirmation aussi claire du droit du gouvernement fédéral de dépenser. Deuxièmement, à permettre au fédéral de limiter, de restreindre dans les faits l'autonomie législative de l'Assemblée nationale. Troisièmement, avec la vague garantie de l'obtention d'une compensation ni pleine ni entière, pour autant que le nombre de conditions imposées par l'État fédéral soit respecté, le tout dans des domaines de compétence provinciale pourtant exclusives. On peut et on doit, dans ce contexte, parler de conception de ce que le fédéralisme canadien doit être et de la place des pouvoirs législatifs du Québec. À cet égard, le texte de cet article contient les germes d'un recul sans précédent de l'autonomie législative de l'Assemblée nationale du Québec et du gouvernement du Québec." Il explique une chose à laquelle le premier ministre n'a pas été capable de répondre.

À plusieurs reprises, le chef de l'Opposition, au cours des derniers jours, lui a dit: Écoutez, dans l'entente que vous avez signée, on parle de la limitation du pouvoir du gouvernement. Mais là, on a trouvé la faille, entre autres, à cause du professeur Frémont. On parle du gouvernement et non pas du Parlement. Autrement dit, il n'y a rien dans l'entente qui permettrait au gouvernement d'agir par voie de législation, de présenter une loi au Parlement fédéral et en faisant adopter la loi par le Parlement, faire ce que le premier ministre du Québec pense qu'il n'est plus possible de faire maintenant.

Je pourrais ajouter les opinions juridiques quant à la société distincte du professeur Henri Brun ou du professeur José Woehrling de l'Université de Montréal. Dans les deux cas, l'un de l'Université Laval et un de l'Université de Montréal, on a fait des études élaborées pour montrer que, là non plus, il n'y a pas la protection que présente le premier ministre du Québec. Qu'est-ce qu'on va faire devant toutes ces versions contradictoires? Il me semble que le réflexe normal c'est de faire attention. Ce n'est pas de précipiter un débat à toute vapeur.

Et moi, je veux comprendre l'argument du premier ministre, celui qu'on avoue en coulisse mais qu'on n'ose pas avouer en public: Vous savez, on veut éviter que les provinces anglophones, qui ont signé l'entente avec vous, vous fassent dans les mains comme elles nous ont fait dans les mains en 1981 et qu'elles vous lâchent en cours de route. Donc, on veut mettre un plancher.

La question qu'on doit se poser est celle-ci: Est-ce que le plancher qu'on nous présente est suffisant? M. le Président, il y a trop d'interprétations divergentes et trop d'indications qui nous indiquent que ce plancher que l'actuel gouvernement du

Québec voudrait nous voir accepter est inacceptable, est trop bas. Ce qu'on doit constater c'est que, finalement, le gouvernement a décidé de profiter de la confusion de cette période-ci. La confusion dans l'opinion publique. Quand on pose la question aux gens, les gens qui nous écoutent vont se rendre compte eux-mêmes qu'ils sont un peu mêlés. Tout le monde est un peu mêlé dans ce débat-là. Écoutez! Ils entendent Trudeau dire que c'est épouvantable. Ils nous entendent dire que c'est épouvantable pour toutes sortes d'autres raisons.

Ils entendent le premier ministre du Québec dire que c'est le bienfait du siècle, que c'est un gain extraordinaire. Ils entendent le premier ministre fédéral dire que ce n'est pas si extraordinaire que ça mais que c'est une bonne affaire. Ils entendent le premier ministre de l'Ontario dire le contraire de ce que le premier ministre du Québec dit. C'est évident que les gens sont mêlés. Si on leur demande: Êtes-vous d'accord avec des gains historiques? Ils diront: Oui. C'est ça qu'ils disent dans les sondages quand on leur présente la question et les opinions de cette façon-là. Mais quand on va plus loin et qu'on leur pose un certain nombre de questions à l'égard de leur volonté d'aller plus loin, d'en obtenir plus, là, la réponse des Québécois est plus nuancée. On se rend compte que, finalement, les gens voudraient que leur gouvernement, qui est actuellement le gouvernement libéral, ce gouvernement qui représente l'ensemble de la population du Québec, y compris les gens qui ont voté oui au référendum, c'est le gouvernement - on ne devrait pas l'oublier -de la population du Québec en son entier. À cet égard, les 50 % de Canadiens français qui ont dit oui au référendum s'attendent que leur gouvernement actuel, pour le temps où il va être là, quelle que soit la durée de son mandat, se tienne debout et qu'il n'abdique pas ses responsabilités.

Ce que je vous dis, c'est que, contrairement à ce que prétendait le député d'Iberville dans son intervention tantôt, ça ne consacre pas la stabilité politique et contrairement à ce que le premier ministre du Québec a prétendu, il'n'y a pas de gain historique. De toute évidence trop de gens nous disent que ce n'est pas le cas et, en conséquence, pourquoi à ce moment-ci se placer en position de vulnérabilité et surtout en position où il ne sera plus possible d'en obtenir plus? Voilà le grand drame de toute cette entente, M. le Président.

C'est ce que j'exprimais au début tantôt quand je disais: Est-ce une bonne entente? Est-ce qu'on a des gains réels et, surtout, est-ce qu'on garde ouvertes les portes sur l'avenir? La réponse est: On peut discuter longtemps sur les gains réels. Il y a des opinions contradictoires et on va en entendre jusqu'à ce que le débat soit fini.

Mais, ce qui est évident pour tout le monde, le statu quo qui a été invoqué fait en sorte que, pour l'avenir, il n'y a pas de possibilité d'aller en chercher plus facilement. Et, c'est ça qui est dramatique dans cette entente-là et c'est ça qui devrait amener les députés libéraux à faire un peu moins de fanfaronnade et à prendre leurs responsabilités tout en n'oubliant pas qu'ils ont maintenant, comme dirigeants du Québec ayant la responsabilité de gouverner le Québec, la responsabilité de représenter l'ensemble de la population du Québec en se rappelant - et je termine avec ça - que ceux qui ont voté oui et une bonne partie de ceux qui ont voté non voulaient beaucoup plus que ce qu'on leur présente actuellement comme étant des gains historiques.

Ce qu'ils voulaient, c'est d'être dans la continuité du mouvement en avant de notre peuple depuis 25 ou 30 ans et non pas de s'effoirer et de se contenter de peu, à ce moment-ci, parce que là, on voudrait régler une fois pour toutes le cas du Parti québécois. Ce n'est pas le cas du Parti québécois ni le cas de l'indépendance qu'on règle, c'est le cas de l'avenir du Québec et ses moyens d'intervenir sur la réalité et les problèmes des gens.

Voilà ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Vice-Président: Pour la poursuite du débat, je cède la parole à M. le député de Papineau. (22 h 50)

M. Mark Assad

M. Assad: Merci, M. le Président. Mon intention n'est pas de commenter les détails de l'entente constitutionnelle. On pourrait dire que je ne suis pas exactement un passionné des débats constitutionnels mais je reconnais évidemment la grande importance de la signature de l'entente du lac Meech.

Je voudrais donner plutôt, M. le Président, le point de vue d'une personne qui est née, qui a grandi au Québec dans une petite ville où les Canadiens français étaient en majorité naturellement, mais qui a fait ses études à 1' école anglaise. Donc, mon expérience de vie m'a donné la chance de côtoyer et de connaître les deux groupes linguistiques qui forment notre pays, j'ai donc vu l'évolution qu'a connue le Québec à la fin des années cinquante, des années soixante et de la Révolution tranquille et des années soixante-dix, l'évolution dans le domaine de l'éducation, le domaine culturel et surtout dans le domaine économique. J'ai vécu cette évolution quotidiennement comme beaucoup de mes compatriotes, tant de langue anglaise que de langue française.

Je voudrais à ce moment-ci citer une phrase de l'ancien premier ministre du

Canada, Mackenzie King, vers la fin de sa carrière, dans les années quarante. Je le cite et j'espère que vous allez être d'accord avec la traduction que je vais donner de ce qu'a dit cet ancien premier ministre du Canada, Mackenzie King. C'était remarquable ce qu'il a dit. Je cite: "Un jour, le Québec va prendre conscience de sa force et, à ce moment-là, il deviendra un géant dans la confédération canadienne." Sans doute que Mackenzie King était un homme qui voyait loin et il voyait le Québec comme une force dans la confédération canadienne.

Évidemment, en très peu de temps, en moins de 30 ans, sa prédiction s'est avérée.

Avec les outils que s'est donnés le Québec sur le plan économique - nous connaissons tous la Caisse de dépôt et placement, la Société générale de financement et la progression d'Hydro-Québec, une des plus grandes réussites de l'histoire économique du Canada - nous avons énormément progressé et nous sommes devenus une force économique enviée par tout le Canada. M. le Président, sans cette évolution extraordinaire et rapide, est-ce que le Québec aurait été en position de dicter ses conditions aux autres provinces du Canada, si on était resté statique comme on l'a été longtemps? Mais, avec l'essor économique qu'on a connu à la fin des années cinquante, surtout durant les années soixante et soixante-dix, il est évident que cette force et cette confiance en nous-mêmes faisaient qu'on était en position de dire au reste du Canada: Vous avez besoin de nous. Effectivement, ils ont reconnu la nécessité de ramener le Québec dans la famille du Canada.

Je suis convaincu, M. le Président, que c'est grâce aux défis que nous avons relevés avec succès que nous en sommes arrivés à une entente aussi avantageuse. Le premier ministre du Québec, comme d'ailleurs l'ont noté des observateurs, a été très habile dans cette négociation, avec l'aide de ses conseillers au sein du cabinet et en particulier du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Il faut noter ici le destin hors du commun de notre premier ministre, M. Bourassa. Il est dit et je cite: "Le destin est l'enfant du caractère." Il n'y a pas de doute que le caractère de M. Bourassa a joué pour beaucoup dans cette entente avec les premiers ministres des autres provinces. Sa logique, sa persévérance, sa connaissance de la réalité politique canadienne ont été des atouts majeurs qui ont permis d'aboutir à une entente aussi importante.

Avec les années soixante et soixante-dix, avec la remontée économique, nous avons connu un phénomène inattendu dans la province de Québec. L'indice de natalité au Québec était un des plus élevés non seulement en Amérique du Nord, mais dans tout le monde occidental; mais on assiste maintenant au phénomène inverse, c'est-à-dire la dénatalité. Mon collègue député d'Outremont m'avait donné une leçon de ce problème de la dénatalité et ce qui peut en découler dans l'avenir. Assez curieux, cela est un nouveau défi pour les Québécois, le défi qu'on a relevé il y a 200 ans.

Un des plus grands historiens du XXe siècle, Arnold Toynbee, dans une série de conférences qu'il a prononcées à l'Université McGill en 1956, avait fait une prophétie. On dit que l'histoire se répète. Effectivement, j'ai cité cette phrase en 1974 durant les débats sur le projet de loi 22. Ce n'est peut-être pas la grande histoire, mais au moins c'est la petite histoire. Mon habileté à traduire laisse à désirer, mais au moins c'est sincère. Toynbee a dit: "Lorsque l'archange Gabriel annoncera la fin des temps, deux peuples sont sûrs d'être sur la terre: les Chinois et les Canadiens français." Merci.

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, encore quelques remarques au sujet de cet accord constitutionnel. Voilà un débat qui se déroule, il faut bien le reconnaître, dans l'indifférence presque générale au Québec. Je suis convaincu que chaque député a sans doute eu l'occasion, dans sa circonscription, au cours de la fin de semaine, de constater que les citoyens du Québec ne manifestaient pas beaucoup d'intérêt à l'égard de ce débat sur la question constitutionnelle, sur la ratification de l'accord constitutionnel par l'Assemblée nationale.

Cela peut se comprendre puisque le tout se déroule dans un moment de l'année où les Québécois sont sans doute plus intéressés à préparer leurs vacances, à faire leur jardinage et à s'occuper de leurs plates-bandes. Je suis persuadé que le gouvernement était parfaitement conscient de cela lorsqu'il a décidé d'obliger l'Assemblée nationale a débattre de cet accord constitutionnel. Je suis persuadé, je suis convaincu que le gouvernement a délibérément situé ce débat à ce moment-ci de l'année, sachant fort bien que ça se déroulerait dans l'indifférence générale. C'était, j'en suis persuadé, son intention. Ce n'est pas le fruit du hasard. Le gouvernement a donc délibérément situé ce débat dans un moment précis où la majorité des Québécois n'en aura même pas conscience. (23 heures)

Pourquoi? Parce que le gouvernement ne souhaite pas un véritable et un large débat public sur cette question. Le gouvernement ne veut pas que les Québécois saisissent les véritables enjeux de cet accord

constitutionnel. Le meilleur moyen de faire en sorte que les Québécois ne prennent pas conscience des enjeux, c'est de faire vite, c'et de faire rapidement, de procéder à la vapeur, à un moment où ils songent à autre chose, où ils sont intéressés et préoccupés par autre chose, en particulier par leurs vacances.

Il faut dire que cette entente n'est absolument pas montrable. C'est peut-être pour cela que le gouvernement l'a fait adopter, l'a fait ratifier par l'Assemblée nationale dans l'indifférence générale, parce qu'elle n'est pas montrable. Si elle était montrable, comme le disait tout à l'heure mon collègue de Lévis, si le gouvernement était tellement fier du contenu de cette entente, des dispositions de cet accord, s'il en était tellement fier, il aurait dû d'abord permettre à tous les Québécois, par le biais d'une commission parlementaire et d'une consultation générale ouverte et publique, d'en prendre connaissance, d'en examiner les tenants et aboutissants, de se faire une opinion, de se forger un point de vue sur la question, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Ils ont à peine amorcé, ils ont à peine commencé, à l'occasion d'une commission parlementaire à entendre un certain nombre d'experts et d'organismes. Les Québécois ont à peine commencé à se forger une opinion sur le contenu de cet accord. Le gouvernement, malheureusement, ne souhaite pas leur laisser le temps de compléter cette réflexion nécessaire et qui demande un certain temps, compte tenu de la nature des enjeux et de la complexité de ces questions constitutionnelles.

Le gouvernement décide d'aller vite parce qu'il sait fort bien que cette entente n'est pas montrable, que cette entente n'est pas conforme à ce qu'il est convenu d'appeler, depuis 30 ans, au Québec, les aspirations traditionnelles du Québec, les revendications traditionnelles du Québec, particulièrement en matière de partage des pouvoirs et de partage des compétences. On sait que tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec depuis 30 ou 40 ans ont exigé, ont revendiqué davantage de pouvoirs pour le Québec, plus de> pouvoirs, plus de compétences pour permettre, justement, un meilleur développement, pour permettre au Québec de progresser, de se développer, d'avoir une plus grande marge de manoeuvre.

Ce sont les revendications traditionnelles du Québec, les aspirations traditionnelles du Québec dans le cadre du régime fédéral, il faut bien le préciser. Il ne s'agit pas de faire la souveraineté du Québec, il ne s'agit pas de faire en sorte que le Québec devienne un État souverain, mais, dans le cadre du régime fédéral, les Québécois, de tout temps, depuis des générations et quel que soit le parti au pouvoir depuis 40 ans, les Québécois ont revendiqué davantage de compétences pour le Québec de façon à leur permettre de mieux se développer et de progresser davantage sur tous les plans.

Cette entente, quand on la compare, quand on la met en face des aspirations traditionnelles du Québec, il nous faut malheureusement reconnaître qu'elle n'est en aucune façon conforme à ces aspirations traditionnelles, qu'elle ne répond pas du tout, en aucune façon, à ces revendications traditionnelles, puisqu'elle ne comporte pas de pouvoirs accrus, de compétences additionnelles, supplémentaires pour le Québec. C'est au moins un constat que tout le monde fait, que tous les observateurs ont fait d'un bout à l'autre du Canada. On est en face d'une entente, d'un accord qui n'accorde en aucune façon plus de pouvoirs au Québec. C'est, sur le plan des pouvoirs, des compétences, le statu quo. Il y a au moins un consensus général à travers tout le Canada sur le contenu de cet accord: il n'y a pas de pouvoirs accrus pour le Québec.

La question qu'on doit se poser aussi, c'est comment se fait-il que le gouvernement libéral n'ait pas tenté d'aller plus loin. Comment se fait-il qu'il n'ait pas jugé utile d'exiger davantage, de revendiquer plus dans les circonstances, puisqu'il entreprenait des négociations constitutionnelles? Pourquoi n'a-t—il pas été plus exigeant? Pourquoi n'a-t-il pas jugé bon d'aller plus loin en matière de revendications, particulièrement concernant des pouvoirs et des compétences accrus? Eh bien! il faut se rappeler ce qu'est le Parti libéral. Le Parti libéral, ce n'est pas seulement un parti fédéraliste - c'est parfaitement son droit le plus légitime de l'être et de croire au régime fédéral - mais c'est également un parti politique qui, de façon officielle en cette Chambre, du moins plusieurs de ses membres et certains sont actuellement des ministres influents du gouvernement, s'est montré satisfait de l'acte constitutionnel de 1982, de ce qu'on a appelé, avec raison d'ailleurs, le coup de force de M. Trudeau, le rapatriement unilatéral avec tout ce que cela entraînait comme réduction réelle, concrète des pouvoirs de l'Assemblée nationale, particulièrement en matière linguistique et en matière d'éducation.

À l'époque, nous avions présenté une motion devant cette Assemblée nationale. Une motion qui ne demandait pas à l'Assemblée nationale d'approuver un projet de souveraineté, mais une motion qui, tout simplement, demandait à l'Assemblée nationale de s'opposer au rapatriement unilatéral de la constitution. On était à ce moment-là en octobre 1981 et elle se lisait comme suit, je vous en donne les premières phrases: "La Cour suprême du Canada ayant décidé que le projet fédéral concernant la constitution du Canada réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que

l'action unilatérale du gouvernement fédéral bien que légale est inconstitutionnelle, parce que contraire aux conventions - le gouvernement du Québec, on se le rappellera, avait demandé un avis à la Cour suprême sur le rapatriement unilatéral - cette Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement."

Une résolution, donc, qui n'est pas une proclamation de l'indépendance du Québec, simplement une résolution, à l'époque, en octobre 1981, qui dit au gouvernement fédéral: Arrêtez le processus de rapatriement, puisqu'il rogne, il réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Dans le cadre du régime fédéral! Il ne s'agit pas de proclamer l'indépendance.

Je me souviens très bien de ce débat. Le chef du Parti libéral d'alors, M. Ryan, avait accepté de voter pour cette motion. Une bonne partie de son caucus également avait voté pour cette motion, mais il y avait eu neuf rebelles. On se rappellera les neuf rebelles qui, malgré l'adhésion du chef du Parti libéral à la motion, avaient décidé de voter contre cette motion. Ils étaient neuf. Il y en a plusieurs qui sont encore ici, M. le Président. Les neuf qui avaient voté contre sont: M. O'Gallagher, il n'est plus là; M. Ciaccia, c'est un ministre important, ministre de l'Énergie et des Ressources du gouvernement libéral; M. Caron, maintenant retraité de l'Assemblée nationale; M. Lincoln, ministre de l'Environnement du gouvernement actuel; M. Gratton, ministre du Revenu, leader du gouvernement actuel qui lève la main en disant: "Présent"; M. Maciocia qui est toujours un député de cette Assemblée; M. Cusano que je vois ici en face de moi; M. French, qui est un autre ministre du gouvernement, ministre des Communications, et Mme Dougherty, qui est encore une députée de cette Chambre. (23 h 10)

Neuf députés, dont quatre actuellement font partie de ce gouvernement, qui s'étaient refusé de voter sur cette résolution - il faut quand même interpréter les votes comme ils sont inscrits dans le Journal des débats et dans les procès-verbaux - parce qu'ils étaient d'accord avec ce que M. Trudeau faisait à Ottawa à l'époque, le rapatriement unilatéral avec une charte des droits qui limitait, qui réduisait les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Ils étaient d'ailleurs tellement d'accord avec cela que non seulement les neuf, mais une vingtaine de députés libéraux, lorsque Sa Majesté est venue signer l'accord constitutionnel de 1982, se sont rendus à Ottawa pour festoyer, pour célébrer.

Il faut en conclure, par conséquent, à moins que ce ne soit des hypocrites, ce que je n'oserais croire et n'oserais dire, qu'ils étaient d'accord fondamentalement avec l'opération enclenchée par M. Trudeau qui a conduit à l'Acte constitutionnel de 1982 et qu'ils étaient par conséquent d'accord pour que l'Assemblée nationale voie ses pouvoirs réduits, particulièrement en matière d'éducation. Il y a toujours, parmi ces neuf qui sont au sein de ce gouvernement, des ministres influents, importants.

Quand je regarde l'entente constitutionnelle d'Ottawa, négociée récemment, qui comporte si peu, quand je me pose la question "pourquoi le Parti libéral n'a-t-il pas exigé davantage, pourquoi n'a-t-il pas jugé utile d'aller plus loin en matière de revendications et d'exigences?", je ne suis pas tellement surpris quand je regarde le comportement de plusieurs des ministres du gouvernement, à l'époque de la crise constitutionnelle de 1981-1982, qui s'étaient montrés parfaitement d'accord avec l'Acte constitutionnel de 1982. Je sais que ce n'est pas le cas du ministre actuel délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, je le sais, puisqu'il s'y était opposé à ce moment-là, alors qu'il était professeur d'université. Ce n'est pas son cas, mais c'est le cas de plusieurs de ses collègues.

Comment voulez-vous qu'un parti politique au pouvoir exige davantage de pouvoirs en conformité avec les revendications traditionnelles du Québec lorsque, en son sein même, plusieurs de ses ministres influents, importants ne jugent pas utile, souhaitable d'aller plus loin et qu'ils ont même célébré, festoyé à l'occasion de la signature officielle de l'accord constitutionnel de 1982 en présence de Sa Majesté? Comment voulez-vous que ce parti, que ce gouvernement soit plus exigeant, exige et revendique davantage en matière constitutionnelle dans le cadre fédéral? Cela m'apparatt impossible.

Par conséquent, c'est malheureux à dire et c'est déplorable, mais compte tenu de la nature de ce parti politique qui est actuellement au pouvoir au Québec, compte-tenu de ses positions antérieures, compte-tenu des positions connues - les votes à l'Assemblée nationale sont là pour témoigner des positions connues de plusieurs de ses membres éminents et influents - je dois reconnaître que ce gouvernement était incapable d'aller plus loin, d'exiger davantage, malheureusement. Ce faisant, il n'a pas respecté, il ne s'est pas conformé aux revendications traditionnelles du Québec, du peuple québécois en matière constitutionnelle. Sa volonté de changement était vraiment trop faible, trop ténue, trop molle. Il n'y avait pas une réelle volonté de changement, une forte volonté de changement ferme de la part de ce gouvernement dans le cadre du régime fédéral actuel.

On a le résultat actuellement débattu par cette Assemblée, une entente qui

constitue le minimum du minimum et qu'on ne devrait en aucune façon signer, parce que cela ne répare en aucune façon les dégâts et le gâchis qui ont été causés par l'accord constitutionnel de 1982.

C'est encore la même chose, évidemment, quand on examine la question linguistique. Comment voulez-vous qu'un gouvernement exige, ce qui est notre position à nous, les pleins pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière linguistique? Comment vouleZ'Vous qu'un gouvernement exige que le seul centre et le seul lieu de décisions en matière linguistique ce soit l'Assemblée nationale sur le territoire du Québec, quand ce gouvernement, ce parti ne voit pas l'utilité ni la nécessité de donner à l'Assemblée nationale, ou de redonner, devrais-je dire, ses pleines compétences en matière linguistique? Il n'en voit pas la nécessité.

À deux reprises, en cette Chambre, au cours de cette session, nous avons présenté des motions très claires et très précises visant à obtenir l'assentiment de l'Assemblée nationale, l'unanimité de l'Assemblée nationale, pour faire en sorte qu'en matière constitutionnelle nous réclamions, comme Parlement du Québec, les pleins pouvoirs en matière linguistique. À deux reprises, une première fois par le biais du député de Jean-Talon et, une deuxième fois, je pense, par le député de Mille-Îles, on a cru bon de littéralement dénaturer nos motions, de les défigurer et de leur enlever le sens que nous voulions leur donner au départ, lorsqu'on les a présentées. On leur a enlevé leur sens véritable et on a même été obligés dans les deux cas de voter contre, alors que les députés ministériels ont voté pour, après les avoir amendées de telle façon que cela ne correspondait en aucune façon à ce que nous exigions, au sens que nous voulions donner à ces motions d'exiger les pleins pouvoirs de cette Assemblée en matière linguistique.

C'est évident que les Québécois réclament... Et sur cela, s'il y a au moins une chose très claire, c'est que les trois quarts sinon davantage des Québécois francophones sont en plein accord avec l'idée de faire en sorte que le seul centre de décisions au Québec en matière linguistique ce soit l'Assemblée nationale, et que l'Assemblée nationale ne soit pas entravée dans l'exercice de cette compétence par des dispositions constitutionnelles, en particulier issues de la charte canadienne des droits. C'est très clair. Il n'y a pas d'ambiguïté, il n'y a pas d'équivoque possible. L'immense majorité des Québécois francophones, à cette question, répondent oui: Est-ce que vous souhaitez que ce soit l'Assemblée nationale qui détienne les pleins pouvoirs en matière linguistique? La réponse est toujours oui à plus de 75 % chez les francophones.

Devant une volonté populaire aussi manifeste, aussi claire et aussi peu ambiguë, il me semble que le gouvernement libérai devrait se plier ou se soumettre à cette volonté populaire. C'est ce que nous lui demandions d'ailleurs, soit d'exiger la pleine compétence linguistique pour cette Assemblée nationale, ce Parlement de Québec. Il ne l'a pas fait. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait? Il faut quand même dire les choses telles qu'elles sont. Il reste que, lorsqu'on lit les mémoires d'Alliance Québec, un organisme représentant, l'organisme porte-parole de la communauté anglophone au Québec, il est très clair, et ils sont venus témoigner en commission parlementaire, pour eux, les gens d'Alliance Québec, la société distincte, oui, très bien, d'accord, mais cela doit être jumelé, conjugué et je dirais même dans leur esprit, j'en suis persuadé, subordonné à ce qui s'appelle la caractéristique fondamentale du Canada qui est la dualité linguistique. (23 h 20)

Cela est très clair. C'est la pensée d'Alliance Québec, c'est cela qu'ils ont déclaré à une commission du Sénat en 1985, je pense, et c'est ce qu'ils ont répété en commission parlementaire il y a quelques semaines. Pour eux, la dualité linguistique est une caractéristique fondamentale du Canada, par conséquent aussi du Québec, et le concept de société distincte doit être subordonné à cette dualité linguistique.

On sait évidemment que la communauté anglaise est très influente à l'intérieur du Parti libéral, c'est un fait connu depuis des décennies. Le principal véhicule politique de la communauté anglophone au Québec, c'est le Parti libéral; je pense que c'est un fait patent, évident. Il est évident qu'à ce moment-là ils exercent une influence sur le plan idéologique, si bien que leur conception des choses, leur vision des choses a été en large partie adoptée par ce gouvernement et, ensuite, je dirais, s'est reflétée dans l'entente du lac Meech et s'est traduite en termes juridiques dans l'accord constitutionnel d'Ottawa. C'est là, c'est le chapitre, la clause d'interprétation sur la dualité linguistique et sur la société distincte.

Il n'est pas inutile de signaler, M. le Président, que cette communauté anglaise est toujours hostile à la loi 101. Cela aussi est un fait connu. Récemment, La Presse commandait un sondage à la firme CROP auprès de la communauté anglophone pour connaître son état d'esprit relativement à la charte du français et les résultats sont très clairs. Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que le français soit la seule langue officielle au Québec? La réponse: Pas d'accord tout à fait, 67 % - c'est un sondage qui a été fait auprès de la communauté anglaise du Québec - plutôt pas d'accord: 21 %. Si on met plutôt pas d'accord et pas d'accord tout à fait

ensemble, cela fait 88 %. C'est beaucoup.

Êtes-vous d'accord avec le fait que le français soit la langue de travail au Québec? Plutôt pas d'accord, 21 % et tout à fait pas d'accord, 48 %. Si on les additionne, cela fait 69 % qui ne sont pas d'accord pour que le français soit la langue de travail au Québec.

Êtes-vous d'accord pour que le français soit la seule langue d'enseignement pour les enfants d'immigrants au Québec? Plutôt pas d'accord: 22 %; pas d'accord tout à fait: 62 %, ce qui fait, si j'additionne, 84 %. 84 % ne sont pas d'accord pour que le français soit la seule langue d'enseignement pour les enfants d'immigrants au Québec.

Pour ce qui est de l'affichage au sein de la communauté anglaise, affichage en français seulement, tel que prescrit par la loi: 1 % en français et, dans une autre langue avec prédominance du français, 38 %; en français et dans une autre langue, à parts égales, 43 %. Donc, c'est le bilinguisme pour plus de 80 %. C'est cela la réalité.

Alliance Québec a beau dire dans ses mémoires que, oui, elle est d'accord avec l'esprit, l'objectif, de la charte du français, il n'en demeure pas moins - ce sondage est tout à fait révélateur - que la communauté anglaise du Québec est toujours farouchement hostile, opposée aux lignes de forces, aux dispositions majeures de la loi 101, langue officielle, langue de travail, langue d'enseignement, langue d'affichage. Ils sont contre majoritairement et avec une forte majorité, le sondage est très clair là-dessus.

Vous avez un parti où cette communauté anglaise exerce une influence déterminante. Or, il est évident que, dans ces conditions, le gouvernement en face de nous n'est en aucune façon sensible aux aspirations en matière linguistique de la majorité, de l'immense majorité des francophones du Québec.

Voilà, M. le Président, les quelques remarques que je tenais à exprimer, encore une fois, à ce sujet. Je pense que, finalement, on est en face d'une mauvaise entente, une entente qui n'est pas montrable, une entente qui n'est pas sortable et, au fond, étant donné la nature du Parti libéral, étant donné ses clientèles, étant donné ses appuis, étant donné ses positions antérieures, il faut malheureusement reconnaître que ce parti, ce gouvernement ne pourrait pas aller beaucoup plus loin que cette mauvaise entente, que cette entente qui n'est pas montrable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Lafontaine.

M. Gobé: M. le Président, en vertu de l'article 213, me serait-il possible de demander au député de Lac-Saint-Jean s'il accepterait de répondre à une question que je lui poserais par rapport à l'exposé qu'il vient de faire?

M. Brassard: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: Très bien. M. le député de Lac-Saint-Jean étant d'accord, M. le député de Lafontaine, en vous rappelant que la question doit être brève.

M. Gobé: Merci, M. le Président. Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Est-ce que M. le député de Lac-Saint-Jean reconnaît qu'en 1981 le gouvernement, celui du Parti québécois et M. René Lévesque, le premier ministre lui-même, accordaient leur adhésion à la formule d'amendement contenue dans l'accord du lac Meech, soit celle d'une majorité comprenant les deux Chambres fédérales et les deux tiers des provinces représentant au moins 50 % de la population canadienne?

Le Vice-Président: M. le député de Lac-Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Brassard: M. le Président, nos propos, nos remarques et nos discours ne portent pas vraiment sur la formule d'amendement, parce que je dois dire que, oui, telle que formulée, la formule d'amendement pourrait nous convenir et elle correspond, essentiellement - effectivement, c'est la réalité des faits - à ce que nous réclamions, à ce que nous avons réclamé ici même à l'Assemblée nationale, à l'occasion d'une motion, et à ce que nous réclamions également dans le projet d'accord constitutionnel rendu public en mai 1985 par l'ancien gouvernement. Oui sur la formule d'amendement, mais sur le reste, plus que des réserves et surtout sur les insuffisances de cet accord.

Le Vice-Président: Cela y met fin. C'était seulement une question et non pas une deuxième question, M. le député de Lafontaine. Je reconnais maintenant comme prochain intervenant M. le député de Fabre.

M. Jean A. Joly

M. Joly: M. le Président, c'est pour moi aussi ce soir un grand honneur de me lever et de prendre la parole au nom du côté ministériel pour essayer, à mon tour, de démontrer que l'entente du lac Meech était vraiment celle qui aurait dû être signée, il y a déjà quelques années.

Par contre, je m'en voudrais de ne pas souligner ce à quoi nous avons eu à faire face. Nous avons eu à vivre ce soir, M. le Président, et ceci même depuis déjà quelques jours, du grand théâtre. Nous avons vu, tour à tour, déambuler, pour ne pas dire aussi fabuler devant nous le professeur de Lévis,

le député de Lévis, qui était entouré béatement de certains de ses collègues qui le regardaient d'une façon quasi religieuse, tout ébahis des propos incongrus venant d'à peu près nulle part, pour arriver à peu près nulle part. Nous avons vu cela. (23 h 30)

Une voix: C'est vrai.

M. Joly: Je ne souhaite qu'une chose, M. le Président: si l'on dit que les élèves dépassent souvent le professeur, j'espère que la prochaine génération de députés de l'Opposition ne sera pas à l'image du député de Lévis.

J'ai mentionné un petit peu plus tôt dans la soirée, qu'il y en a qui sont ici, à l'Assemblée nationale, pour se faire voir et d'autres pour se faire valoir, mais qu'ils ne pensent pas qu'ils vont nous avoir. Je pense que, d'un commun accord, nous allons tous vers le même but: celui d'essayer de faire avancer la cause du Québec, la cause des Québécois.

Jusqu'ici, tout ce que nous avons entendu, ce sont les plaintes de l'Opposition, ses gémissements, son pleurnichage. C'est bien facile à comprendre: ils n'ont pas d'autre sujet que celui sur lequel ils peuvent s'appuyer ou auquel ils peuvent s'accrocher. Quand la barque coule, on essaie d'en couler une autre. Soyez assuré, M. le Président, que la nôtre n'est pas sur le point de couler.

On nous dit que 35 heures de débat, ce n'est pas beaucoup. On nous dit cela. Mais on oublie de mentionner que, antérieurement à ces 35 heures de débat, il y a, quand même, eu 55 heures de débat en commission parlementaire où, globalement, nous avons eu à écouter plus de 20 groupes qui se sont présentés et qui ont fait valoir leur point de vue sur l'entente constitutionnelle du lac Meech. Afin de faire une petite comparaison entre celle que nous vivons actuellement en 1987 et celle de 1981, disons que, comparativement aux 55 heures de commission parlementaire - ce qui ne semble pas juste - en 1981, le gouvernement de l'époque n'avait consenti que 46 heures de débat. Cela veut dire une différence de 9 heures de plus en 1987. Alors qu'aujourd'hui nous sollicitions l'expression et les commentaires de 18 individus et experts, en 1981, seulement 11 experts s'étaient présentés, et cela à titre personnel. Nous avons sollicité l'intervention de 18 individus et experts, je le répète. Il faut se rappeler qu'en 1981, c'était l'époque du gouvernement du Parti québécois.

On nous reproche aujourd'hui de ne pas être juste parce qu'on consent à un débat de 35 heures et que ces 35 heures sont divisées en deux, soit 50 % du temps à chaque côté. Or, dans cette période pendant laquelle on a débattu de sujets aussi importants que le référendum et le reste, jamais on n'a consenti à une formule du partage du temps à 50 %. Jamais. Partant de ce principe, je ne crois pas qu'il soit juste et honnête de la part de l'Opposition de nous dire que nous avons été ou que nous sommes malhonnêtes.

Le député de Lévis, dans son long exposé, nous a fait un cours d'histoire, un cours qui partait d'aussi loin que 1534. Je serais quasiment tenté de le considérer comme un fossoyeur qui enterre les vivants et qui déterre les morts. C'est ce que l'on vit avec le député de Lévis.

Pendant que le député de Lévis s'amuse à lever et à "garrocher" de la terre, pour ne pas dire de la boue, un peu partout, on cherche des solutions et nous allons vers les vraies solutions. Je crois, en toute sincérité et en toute honnêteté, que la signature de l'entente du lac Meech est une solution.

Le Vice-Président: M. le député de Fabre. M. le député de Saint-Jacques, sur un rappel au règlement.

M. Boulerice: Le député de Fabre parle de morts. Pourriez-vous vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Jacques, je dois constater que nous avons effectivement quorum. M. le député de Fabre, poursuivez votre intervention.

M. Joly: M. le Président, je pense que le député de Saint-Jacques voulait démontrer qu'il était présent en Chambre. Il avait sûrement quelqu'un à saluer dans son auditoire.

Aujourd'hui, nous sommes en face d'une solution qui nous est présentée et qui est celle qui aurait sans doute dû être cherchée depuis nombre d'années, soit la signature de l'entente du lac Meech.

Grâce à deux grands Québécois, à deux grand Canadiens, soit le premier ministre et le ministre et député de Jean-Talon, nous avons réussi à faire ce que l'Opposition n'a jamais fait dans le passé; au contraire, en avril 1981, on y perdait.

S'ils n'ont pas réussi à faire quelque chose du genre dans le passé, il y a une raison bien simple, c'est qu'ils commençaient à faire peur à bien du monde. La preuve, c'est qu'on a subi un exode, une perte dans les industries au Québec. C'était attribuable au climat qui persistait en ce temps-là.

C'est bien certain que toutes ces industries qui sont parties, on peut les compter, mais toutes celles qui ne sont pas venues, c'est incalculable et cela veut dire un net recul pour nous du Québec. C'est aujourd'hui une situation différente. Onze premiers ministres se sont réunis, se sont assis et ont décidé de parler ensemble, de discuter ensemble et de chercher à s'entendre.

M. le Président, j'aimerais vous citer

ici ce qui était écrit dans le journal La Presse par Robert Décarie: "L'entente du lac Meech, un témoignage éloquent de la bonne volonté et de la capacité d'adaptation de nos dirigeants actuels. Le fait que le Québec réintègre les rangs aux conditions de son choix constitue en soi un accomplissement de taille." Il y a deux choses dans ces deux courts paragraphes qui me frappent. Quand on dit "de nos dirigeants actuels", cela veut dire que n'eût été le gouvernement libéral en place, sans aucun doute que cette entente du lac Meech n'aurait jamais été amorcée, n'aurait jamais été signée. C'est la première chose qui me frappe. Mais quand on dit aussi "réintègre les rangs aux conditions de son choix", cela veut dire que c'est nous qui avons décidé des règles du jeu. Parce que ce que nous demandions était juste et légitime, d'un commun accord, les onze premiers ministres se sont entendus.

C'est ce qui fait qu'encore dans La Presse, sous la plume de Michel Roy, en date du samedi 2 mai, on disait, sous le titre "Un accord capital": "Ce qui s'est passé jeudi dans les collines de la Gatineau tient du prodige. Personne en effet n'avait osé prédire que les onze premiers ministres réussiraient en dix heures à conclure une entente constitutionnelle convenant au gouvernement du Québec." (23 h 40)

Si ce n'est pas ce que l'on appelle un climat de confiance, je me demande jusqu'où on peut aller dans l'extrapolation et subir ce qu'on a eu à subir tant de la part du député de Verchères que de la part du député de Lac-Saint-Jean qui disaient qu'on n'a pas été exigeants, qu'on n'a été exigeants d'aucune façon, qu'on n'a rien demandé, qu'on aurait dû demander encore un peu plus, alors que nous demandions un peu plus qu'ils n'ont jamais demandé, parce qu'eux c'était toujours un peu moins. Alors, pendant qu'eux c'était un peu moins, nous, aujourd'hui, c'est un peu plus. Alors, qu'est-ce que le député de Lac-Saint-Jean voudrait avoir de plus, M. le Président?

Le député de Lac-Saint-Jean nous soulignait aussi qu'on devait prendre nos responsabilités. Nous les avons prises, nos responsabilités. La preuve que nous avons pris nos responsabilités, c'est que nous avons une entente qui est à la mesure du Québec, une entente que nous méritions depuis longtemps, une entente qui avait été altérée dans le passé, pas par le Parti libéral, mais bien par le Parti québécois. Je serais quasiment tenté de dire que ce n'est pas le Canada qui a rapatrié le Québec, mais plutôt le Québec qui a rapatrié le Canada. Quand on regarde ce qui nous est consenti, exactement ce qu'on a demandé, cela prouve seulement une chose, que le climat de confiance que nous, du Parti libéral, avons réussi à ramener ici dans cette province de Québec a fait que les onze premiers ministres ont réussi à s'asseoir ensemble et à négocier quelque chose qui leur tenait à coeur autant qu'à nous, parce que ce n'était pas le Parti libéral qui avait défait ce que nous avons eu à vivre pendant tant d'années.

Je conclus en disant que nous avons des négociateurs hors pair qui se sont déplacés avec une équipe, avec de grands spécialistes qui étaient là avec l'idée bien arrêtée de continuer à défendre les droits du Québec, les droits de ceux qui nous ont élus avec un programme qui était déjà connu, soit notre programme, le programme du Parti libéral. Nous ne faussons pas les cartes, nous ne changeons pas les règles du jeu. Nous exécutons tout simplement ce sur quoi nous avons été élus, nous n'exécutons qu'une autre tranche de notre programme, qu'une autre tranche de nos engagements. C'est ce que nous exécutons, tout comme le redressement économique. Il faut regarder tout ce qui s'est fait depuis un an et demi. On mentionnait qu'il y a eu 207 000 emplois de créés au Canada, d'avril 1986 à avril 1987; 105 000 ont été créés au Québec. Ce n'est pas simplement par la force des choses, c'est par un climat de confiance qui est revenu.

Alors, quand on voit les onze premiers ministres s'asseoir autour d'une même table, autour d'un même sujet, ce n'est pas simplement parce qu'il y a eu du tordage de bras, comme on l'a vu dans certains comtés, pour amener certains députés ou certains délégués à abonder dans un sens qui ne leur était pas vraiment personnel ou dont ils n'étaient pas entièrement convaincus. Ce sont onze individus responsables, représentant un Canada tout entier dont le Québec fait partie et, à la suite de ces discussions, nous vivons de grands moments aujourd'hui. C'est pourquoi je dis merci à de grands Canadiens, à de grands Québécois qui y ont cru, qui y croient encore. Nous les appuierons jusqu'à la fin dans le mandat qui leur a été confié et je vous dis que je suis entièrement fier d'être québécois, entièrement fier d'être canadien.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: Je cède la parole à M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Fabre et je sais jusqu'à quel point cela l'a forcé, à certains moments, pour ne pas sourire. Quand il prenait certaines envolées, on sentait que cela avait le goût de rider de chaque bord de la bouche, en particulier quand il parlait de ces grands négociateurs. Ne pas l'avoir connu, je lui

aurais demandé s'il aspirait à un poste de ministre à court terme, mais, à cette heure-ci, je vais sans doute éviter de parler de ses aspirations pour relever une phrase en particulier qu'il a dite et qui m'a marqué. Il a dit: Nous avons une entente à la mesure du Québec. Je vous avoue que je suis convaincu qu'il a fait un lapsus, que ce n'était pas le sens qu'il a voulu donner à sa phrase. Parce que, si on allait ausculter le coeur de chaque Québécois, on ne viendra pas me faire accroire qu'une entente qui ne donne pas les pouvoirs exclusifs sur le plan linguistique, est une entente à la mesure du Québec, surtout quand on dit qu'on est une société distincte, quand on dit qu'on veut vraiment avoir la maîtrise de ses propres éléments et de tous ses moyens au plan culturel, et ce, pour la survie d'une société distincte en Amérique du Nord. Une entente à la mesure du Québec est une entente qui donnerait à l'ensemble des Québécois l'ensemble des pouvoirs au plan linguistique et au plan culturel.

Il me semble qu'affirmer avec autant de force que c'est une excellente entente à la mesure du Québec, c'est exagéré, pour ne pas dire que c'est une hyperbole. Il me semble que cela ne cadre pas tellement avec le contenu qu'on peut y lire.

À ce stade-ci, M. le Président, je dirai ma surprise de voir qu'on est allé si peu loin dans les demandes. Pourquoi? Est-ce que les Québécois auraient été fâchés de voir leurs grands négociateurs - en grandeur physique, vous avez raison - leurs deux grands six pieds aller demander à Ottawa tous les pouvoirs sur le plan linguistique, tous les pouvoirs pour la maîtrise de leur culture? Est-ce que les Québécois auraient été insultés? Est-ce que les Québécois seraient tombés à bras raccourcis sur le premier ministre actuel pour lui dire: Mais vous faites donc mal, vous demandez tous les pouvoirs de législation pour vous assurer qu'on sera les seuls à décider, que ce ne seront pas les juges, mais que ce seront les politiciens, les hommes élus à l'Assemblée nationale qui auront à décider des politiques linguistiques au Québec et des politiques de développement culturel? Est-ce que les Québécois auraient été fâchés d'entendre leur premier ministre dire cela ou demander cela? D'abord, est-ce que les Québécois auraient été surpris que le premier ministre demande tous les pouvoirs sur les plans culturel et linguistique? Non.

Il faudrait que ceux qui essaient de bâtir l'histoire, au moment où on se parle, se souviennent un peu de l'histoire. Je suis persuadé, sans me tromper, qu'il y a plusieurs Québécois qui se rappellent que le premier ministre actuel, à la conférence de Victoria, a demandé la souveraineté culturelle. La. souveraineté culturelle, au cas où on l'oublierait, c'est quoi? Être souverain sur le plan culturel au Québec, c'est quoi? Est-ce qu'être souverain sur le plan culturel, ce n'est pas avoir tous les pouvoirs? Est-ce qu'on peut être souverain si on n'a pas tous les pouvoirs, d'abord? Là, il ne s'agit même pas de faire de l'histoire, mais de faire de la linguistique, d'analyser le sens des mots. Si le premier ministre actuel, à Victoria, a décidé de se retirer de cette conférence en disant au premier ministre du Canada, aux premiers ministres des provinces canadiennes: Je refuse de signer toute entente parce que vous ne m'assurez pas la souveraineté culturelle, c'est parce qu'il n'avait pas eu, à ce moment-là, l'ensemble des pouvoirs lui permettant d'assumer toutes ses responsabilités. C'était pour cela.

M. Bourassa, le premier ministre actuel, en 1972, s'était retiré précisément parce qu'il voulait avoir la maîtrise de tous les instruments de développement culturel, pour assurer la spécificité québécoise, justement. (23 h 50)

Pour les Québécois, pour ceux qui suivent l'actualité politique, pour ceux qui suivent la cohérence politique des hommes publics, la surprise, c'est de voir l'actuel premier ministre reculer dans ses demandes par rapport aux gestes qu'il a posés antérieurement. C'est cela, la plus grande surprise. Ce n'est pas le fait qu'il aurait demandé beaucoup ou qu'il aurait demandé plus qui aurait été une surprise; c'est le fait qu'il n'a même pas demandé ce qu'il a déjà demandé. Dans la continuité historique, pour ceux qui font un tant soit peu d'histoire, c'est la première fois qu'un premier ministre du Québec, durant son règne politique, recule, régresse dans ses demandes. Et ces demandes auraient été spécifiquement propres à cette fameuse société distincte dont on parlait.

Une société distincte, c'est une société différente, c'est une société qui a des choses particulières par rapport aux autres. On veut promouvoir une société distincte, je crie bravo, mais, pour promouvoir, maintenir, enrichir et accroître une société distincte, on le fait avec quoi? C'est avec les pouvoirs que l'on a. Quels sont les pouvoirs que nous avons de plus? Posez-vous la question, vous qui faites une analyse de l'entente du siècle, de l'entente à la mesure du Québec, comme le disait le député de Fabre. À partir des textes, quels sont les pouvoirs que nous avons de plus en matière linguistique? On est encore soumis aux articles de la charte canadienne. Ce sont encore les juges qui vont décider de l'interprétation de nos lois en regard de ces articles de la charte canadienne. Est-ce qu'on a plus de pouvoirs sur le plan linguistique qu'on n'en avait avant l'entente? Absolument pas, c'est le statu quo juridique de ce côté-là. C'est loin en "mosus", comme le diraient certains bons Québécois, de la souveraineté culturelle.

C'est très loin des ambitions des Québécois en ce qui regarde la maîtrise totale de leur langue. Que l'on ne vienne pas me faire accroire que cette entente du siècle, que cette entente supposément à la mesure des Québécois vient ajouter des pouvoirs! Comment voulez-vous que l'on maintienne nos acquis sans pouvoirs? Comment voulez-vous que l'on améliore nos acquis sans pouvoirs? Comment voulez-vous assurer hors de tout doute raisonnable la survie du fait français au Québec sans pouvoirs exclusifs, sans souveraineté culturelle, sans souveraineté dans ces domaines d'action, dans ces champs d'action? M. le Président, je ne crois pas qu'il y ait énormément de sérieux quand on vient m'affirmer que c'est une entente à la mesure des Québécois, que c'est l'entente du siècle. Je n'y crois pas.

J'écoutais les intervenants précédents parler de l'immigration. Ils disaient: Oui, mais en immigration, maintenant, on va pouvoir conserver notre poids politique. Lisez toute l'entente. Lisez l'annexe à la motion. Chaque province pourra défoncer son quota actuel d'immigrants. À ce moment-là, comment pouvez-vous affirmer que l'on sera les seuls à maintenir notre poids démographique? Lisez l'entente. L'Île-du-Prince-Édouard pourrait décider qu'elle a besoin de 5 %, elle aussi. Le Nouveau-Brunswick pourrait affirmer qu'il a besoin de ses 5 % de plus, lui aussi. La Nouvelle-Écosse peut faire pareil. Où est la différence à ce moment-là? Pourquoi venez-vous dire à l'ensemble des Québécois que c'est extraordinaire, alors que vous savez très bien que, sur le plan de l'immigration, le seul gain, c'est de confirmer dans la constitution l'entente Cullen-Couture? Tout le reste n'est pas dans la constitution, c'est à négocier. Il n'y a pas d'entente au moment où on se parle. Pourtant, on vous demande, à vous, parlementaires des deux côtés de la Chambre, de voter pour cela?

Sur le pouvoir de dépenser... M. le Président, pourriez-vous demander au ministre... Sur le pouvoir de dépenser, on dit: C'est mirobolant. On a toujours eu la possibilité, en vertu de notre rapport de force, de dire: On ne prend pas ton programme fédéral et tu vas nous compenser. On vient enchâsser dans une constitution une capacité de compensation, un pouvoir de compensation, mais pour autant que les critères nationaux soient respectés. C'est loin de la formule de l'"opting out", qui consiste en un retrait avec pleine compensation, indépendamment du cadre national ou pas; c'est très loin de cela. Ce n'est pas une formule de retrait avec compensation. On dit: Tu seras compensé à la condition que tu aies un programme un peu similaire.

Cela revient un peu à cela dans les mots. Il faudra au moins que les grandes lignes de ton programme provincial correspondent aux grandes lignes de notre programme national; sinon, tu ne seras pas compensé. Ce n'est pas un "opting out" ou une formule de compensation comme cela était prévu lors de la signature des sept premiers ministres avant la nuit des grands couteaux.

Ce n'est véritablement pas de la pleine compensation. C'est une compensation conditionnelle. Si le gouvernement fédéral décidait d'investir dans un champ qui n'est nullement prioritaire pour les Québécois, qu'arriverait-il? Si on voulait investir pour le développement des sites naturels pour développer notre industrie touristique et que le gouvernement central mettait de l'avant un programme pour faire les trottoirs, qu'arriverait-il? Cela ne respecte pas trop les grandes lignes. Qu'arriverait-il? Pas de compensation, parce qu'on ne respecterait pas un critère de programme national?

M. le Président, il y a des attrape-nigauds dans cette entente, dite "l'entente du siècle", dite "l'entente à la mesure des Québécois". Je pense que la véritable mesure des Québécois quant au pouvoir de dépenser était la formule de retrait avec pleine compensation, indépendamment des programmes. Le Québec a toujours été à l'avant-garde dans l'ensemble canadien, vous le savez, pour se doter de programmes tant dans le domaine social que dans le domaine de la santé. Le Québec n'a pas attendu le Canada là-dessus. Le Québec s'est doté de ces mesures, a été à l'avant-garde et même il fait l'envie de plusieurs provinces canadiennes. Et maintenant, parce que le Canada voudrait investir dans des programmes dans l'ensemble canadien qui a du retard, on serait pénalisés comme province et on accepterait, en vertu de la constitution, d'être pénalisés?

Je trouve cela extrêmement dangereux parce qu'on aurait signé nous-mêmes notre arrêt de mort et qu'on n'aurait plus de rapport de force, puisque le Canada nous répondra: Vous l'avez signé, vous saviez à quoi à vous vous attendiez. Si vous ne le saviez pas, ce n'est pas notre faute, vous aviez des conseillers juridiques. Si vous ne le saviez pas, c'était à vous de vous informer. Avant de signer, on s'informe et on prend les mesures pour savoir ce qu'on signe. De ce côté-là, qu'on ne vienne pas me dire que c'est quelque chose de mirobolant. Ce n'est sûrement pas l'entente du siècle. Ce n'est toujours pas une entente à la mesure des Québécois. Non, M. le Président, vous ne me ferez pas accroire cela.

Il y a des questions que je me pose. La première, c'est: Comment expliquer à l'ensemble des Québécois, à monsieur ou à madame Tout-le-Monde, ce que c'est, cette histoire, le lac Meech, l'entente, les droits, l'absence de droits sur le plan linguistique? Comment expliquer à cette dame ou à ce

monsieur qui nous écoute que, dans l'ensemble canadien, les Procureurs généraux des provinces, certains premiers ministres des provinces, certains sénateurs canadiens, certains politiciens dans plusieurs provinces canadiennes disent que le Québec n'a signé que le statu quo? Comment expliquer que, dans l'ensemble canadien, dans les journaux anglophones, dise que le Québec n'a rien gagné? (minuit)

Comment expliquer à ces gens qui nous écoutent que les gens des autres provinces considèrent que l'adhésion du Québec ne change rien, sauf qu'il y a une province de plus qui adhère à la constitution et qu'ici, au Québec, le parti au pouvoir leur dit avec beaucoup de répétitions que c'est une entente extraordinaire. Est-ce que c'est possible que neuf provinces canadiennes mentent effrontément à leurs électeurs? Est-ce que c'est possible que le Sénat canadien se trompe quand il dit que le Québec n'a rien obtenu de plus? Est-ce que les Procureurs qénéraux des provinces mentent effrontément à leur population quand ils disent aux électeurs de l'Ontario, par exemple, que le Québec n'a rien obtenu de plus? Est-ce que c'est possible que seul le Québec dise la vérité aux gens du Québec et que les autres provinces bernent leurs électeurs, bernent les citoyens canadiens? Je ne crois pas cela, M. le Président.

Il y a une question fondamentale qu'on doit se poser. Comment se fait-il, par exemple, qu'en Ontario on soit tellement heureux que le Québec n'ait rien obtenu de plus? Ils trouvent que le point sur le pouvoir de dépenser est même dangereux pour eux, imaginez-vous! Mais, sur la société distincte, ils s'expliquent et ils disent carrément que le Québec n'a rien obtenu de plus. Le Québec adhère, conformément à la Charte des droits et libertés, et c'est cela qui va primer toute loi québécoise. Nous applaudissons à cela. Pourtant, je me souviens d'avoir fait des discours sur le plan linguistique dans cette Chambre et d'avoir parlé à certains parlementaires, et ce n'est pas ce que certains parlementaires sentent, ce n'est pas vrai. On ne me fera pas accroire cela à moi, M. le Président. On ne me fera pas accroire qu'il y a des parlementaires libéraux - certains, oui, mais pas tous les parlementaires libéraux, on ne me fera pas accroire cela -qui pensent que le Québec n'aurait pas dû avoir tous les pouvoirs sur le plan linguistique. Ce n'est pas à moi que vous allez faire accroire cela. Absolument pas! Vous pouvez vous le faire accroire ici, entre vous, mais pas à moi.

On sait qu'il y a des gens qui viennent de certains comtés dont les militants sont allés leur dire que le Québec devrait avoir tous les pouvoirs sur le plan linguistique. Ces mêmes députés libéraux qui font des discours pour dire que c'est bon l'entente auraient été applaudis encore plus fort dans leur comté, et je pourrais en nommer ici. Ils auraient été encore plus fortement applaudis dans leur comté s'ils avaient obtenu tous les pouvoirs sur le plan linguistique. Je suis sûr de cela, M. le Président, j'en suis convaincu, mais qu'on ne vienne pas me dire qu'on a obtenu la souveraineté culturelle de 1972. C'est plusieurs crans au-dessous de cela. J'espère que vous êtes les seuls à vous conter des histoires là-dessus parce que cela n'a pas de bon sens, M. le Président. Cela n'a absolument pas de bon sens!

Vous qui disiez que le Québec avait tout perdu, je vous donne l'exemple de la nuit des longs couteaux, en 1981-1982, quand les sept premiers ministres des autres provinces ont signé une pleine compensation sans condition. Etes-vous capable de me dire très sérieusement, sans sourire, qui que ce soit d'entre vous, que cela n'était pas supérieur ou que cela était inférieur à cela? Venez donc me dire que c'était inférieur à ce que vous avez signé! Je vais vous le dire carrément, celui qui se lèverait pour me dire que c'était inférieur à cela, la pleine compensation sans condition, il ne faut pas être avocat pour comprendre ce paragraphe, que l'offre des sept provinces à l'époque qui avaient accepté la formule de pleine compensation, de l'"opting-out", était sacrement supérieure à ce que vous avez obtenu. Je défie n'importe quel procureur, qu'il soit de la couronne ou de la défense, de me prouver le contraire, textes à l'appui, de me prouver le contraire en disant que René Lévesque n'avait pas obtenu plus.

Bien sûr qu'il y a eu une nuit des longs couteaux et, là, vous avez dit que c'était la faute du Québec. Vous n'avez pas blâmé les sept qui avaient renié leur signature, vous avez blâmé le premier ministre du Québec, comme Opposition à l'époque, et, là -écoutez-moi bien, vous qui ricanez - par exemple, vous avez signé, tout le monde, et vous avez assez peur ce soir qu'ils déchirent leur signature. Vous avez assez peur qu'ils amendent l'entente que vous prenez les devants comme des petits chiens battus. Il faut signer vite vite, tout à coup qu'ils changeraient d'idée. C'est cela qui arrive. Vous qui reprochiez à M. Lévesque de s'être laissé berner, vous avez assez peur de vous faire berner, alors que les dix premiers ministres ont signé et que le premier ministre du Canada a signé, vous avez assez peur de vous faire berner que vous prenez les devants dans une fin de session, M. le Président, au moment où les gens s'apprêtent à fêter la fête nationale des Québécois.

Vous avez peur des autres, vous avez peur de vous faire faire le coup de 1981 et, cette fois-ci, cela va être tous des méchants. La fois qu'ils ont trahi leur signature, il n'y avait qu'un seul méchant et

c'était un Québécois. Vous avez eu le réflexe du Québécois, sauter sur le dos du Québécois qui essayait de vous défendre au lieu d'attaquer ceux qui reniaient leur signature. Aujourd'hui, devant eux, devant ces mêmes personnes qui ont renié leur signature, qu'est-ce que vous faites? Vous avez peur.

On va prendre les devants, on va les placer dans un carcan, peut-être qu'ils vont être mal pris pour amender... Pour amender quoi? Le statu quo. Ce n'est pas bien grave qu'ils amendent le statu quo. Il y en a pour qui les affaires indiennes, c'est très important. Il y en a pour qui le pouvoir de dépenser, c'est très important. Il y en pour qui l'immigration, il y aurait peut-être des choses à y ajouter, mais vous avez peur qu'ils changent un iota. Auriez-vous peur qu'ils l'amendent? Ce serait, entre vous et moi, la planche de salut du Québec parce que le premier ministre pourrait dire: Oui, je vais y retourner aux conférences fédérales-provinciales, mais, cette fois-ci, ce que j'ai prôné sur la souveraineté culturelle du Québec, je l'exige, ce que j'ai prôné sur le pouvoir de dépenser sans entrave, vous allez nous le compenser pleinement et sans condition. Je suis persuadé que le premier ministre du Québec serait applaudi à tout rompre.

Vous-même qui avez fait des discours depuis 30 heures environ, vous-même qui avez dit que c'était fantastique, vous-même qui avez dit que c'était l'entente du siècle, vous-même qui avez dit que c'était à la mesure des Québécois, le jour où trois, quatre provinces se désisteront de l'entente actuelle parce qu'elles ne la trouvent pas de leur goût, vous allez tomber non pas sur le Québécois parce que vous êtes en cause comme gouvernement, vous serez les premiers à les accuser de tous les maux de la terre. Vous allez dire que cette entente... Vous allez y retourner de vigueur et vous allez en mettre au lieu d'en avoir mis quand c'était le moment.

Le vrai rapport de force, c'est présentement. Le Canada anglais veut que le Québec entre dans la constitution. C'est le temps d'exiger des choses concrètes. C'est le temps d'exiger des pouvoirs qui correspondent aux objectifs. Qui est contre une société distincte au Québec? Personne. Tout le monde est d'accord avec cela, mais, par exemple, tout le monde veut qu'elle soit distincte. Et pour être distincte... Allez-vous me faire accroire que ce n'était qu'une phrase: Vous allez être distincts? Est-ce que c'est le fait de dire: Mon petit gars, je te reconnais un caractère distinct, dans l'équipe de balle, tu as un gilet blanc et tous les autres ont un gilet rouge, mais cependant, tu vas jouer sur le banc, tu ne joueras pas plus que les autres et tu n'auras pas plus de temps d'exercice que les autres. Il va me dire: En quoi suis-je distinct, à part mon chandail?

Avec quoi allez-vous vous distinguer? Avec quoi allez-vous être capables d'assurer, par exemple, la survie du français envers et contre tous, envers les tribunaux d'abord? Qu'il y en ait un qui se lève en Chambre pour me dire que c'est normal que ce soit un juge qui décide comment on va légiférer sur le français! Qui trouve cela normal? Certains avocats vont se lever et vont dire: Bien, c'est normal qu'on plaide. On sait bien, c'est payant! Ce n'est pas cela, un politicien élu. Un élu du peuple est là pour trancher les problèmes, pour les régler quand il sait qu'il peut y en avoir. Il est là pour les éviter. Un législateur ne parle pas pour rien dire. Il n'est pas là pour laisser cela à l'interprétation des avocats, des juristes et des juges. Il est là pour clarifier les choses, pour que ce soit le plus clair possible. Et quand il y a une ambiguïté, malgré l'effort de clarté, il est là pour clarifier, pour amender les lois en conséquence. C'est cela.

Donc, des gens braves, des gens qui ont semé un climat de confiance, des gens qui disent que tout va bien, des gens qui sont sûrs d'eux, des gens vraiment sûrs d'eux -vous savez, cela ne bronche pas... Ils agissent déjà en peureux, d'abord dans leurs demandes. S'ils n'avaient pas été peureux, ils auraient demandé plein pouvoir sur le plan liguistique - je le répète - plein pouvoir sur le plan du pouvoir de dépenser et de la pleine compensation, plein pouvoir dans l'immigration. Ils auraient demandé également, j'en suis sûr, la souveraineté culturelle du Québec; c'est sûr, cela a déjà fait partie de leurs demandes. Ils sont peureux donc au chapitre des demandes. Avoir peur de trop demander alors qu'ils étaient en position de force, disaient-ils, et qu'eux pouvaient se permettre de demander beaucoup et qu'il n'y aurait pas de problème, vu que c'étaient des bons négociateurs. Premier geste de peur. Stratégie de peureux. (0 h 10)

Si vous dites qu'ils sont de si bonne foi que cela, eux qui ont signé, M. le Président, devant les caméras de la télévision avec le premier ministre du Canada et tous les dix premiers ministres des provinces, pourquoi avoir peur? Vous avez peur de quoi? Ils ne vous trahiront pas, vous autres, voyons! Est-ce que vous commenceriez à trouver le geste qui a été posé en 1981 plutôt bas? Je suis heureux de vous entendre, parce que c'est un peu cela que vous dites d'une certaine façon. Par votre stratégie vous êtes en train de démontrer que vous n'avez pas confiance. Par votre stratégie vous êtes en train de démontrer que vous êtes peureux. Par votre stratégie vous êtes en train de démontrer que vous avez peur de perdre un tout petit peu, alors que vous n'avez même pas demandé quelque chose de valable.

M. le Président, c'est une entente de

peureux que vous avez sur la table, une stratégie utilisée par des peureux, des attitudes de peureux. Quand on n'a pas peur et qu'on dit qu'on fait confiance aux autres, on n'agit pas à la sauvette, on n'utilise pas les derniers jours de session pour, au moment où tous les gens s'apprêtent à entrer en vacances, leur en passer une "petite vite". On dit: Ils n'en discuteront pas. C'est la réforme Wilson, c'est le changement de camp de Michel Bergeron à Québec. Cela paraît bien. Pas de problème, ils n'en parleront pas, la presse est un peu fatiguée d'en parler, les citoyens ont hâte d'entrer en vacances, ils ne veulent pas en parler.

On leur passe cela, sans prendre au moins la précaution de penser que les Québécois ont le droit, tout autant que les citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard, tout autant que les citoyens du Nouveau-Brunswick, tout autant que les citoyens de Terre-Neuve, tout autant que les citoyens canadiens dans l'ensemble, de l'Ontario, etc., d'être consultés sur les textes définitifs et non pas sur un communiqué de presse. Les gens ont le droit d'être capables de dire publiquement... Parce qu'il y a des citoyens à qui on ne permet pas de s'exprimer.

À court terme, ce n'est pas trop grave; à moyen terme, il y a du monde qui se réveille, il y a du monde qui constate, il y a du monde qui réagit, et je trouve cela malsain. On appelle cela du "pelletage par en avant". Un gouvernement qui ne veut pas soulever de vagues, il garroche tout en avant et il attend. Un jour ou l'autre il faut qu'il la ramasse pareil, la neige, et le tas est tellement gros que cela crée des problèmes. Cela crée des problèmes, M. le Président. C'est ce que fait le gouvernement actuel.

En terminant, je dirai que je regrette énormément qu'on profite d'une situation de fin de session pour essayer d'en passer une "petite vite" aux Québécois. Les petits Québécois peuvent avoir l'air, à court terme, passablement tranquilles, mais ce sont des gens fiers, les Québécois. On peut les berner une fois de temps en temps, mais on ne peut pas les berner tout le temps. Merci.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le ministre des Communications.

M. Richard French

M. French: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir de participer à ce débat important, débat qui invite l'Assemblée nationale à entériner, à endosser l'entente constitutionnelle négociée depuis deux ou trois mois, qui est enfin la suite d'un long processus qui a impliqué le programme électoral du Parti libéral du Québec, l'endossement de ce programme par l'ensemble de la population, le 2 décembre 1985, les discussions qui ont suivi les discours publics du ministre responsable des Affaires canadiennes, une discussion entre les premiers ministres au lac Meech et subséquemment une longue négociation entre les premiers ministres dans l'immeuble Langevin, il y a deux ou trois semaines. C'est quand même fascinant d'écouter, d'assister à des discussions politiques sur des enjeux aussi importants, aussi historiques. Combien de débats comme cela les murs de l'Assemblée nationale ont-ils vus? Combien d'hommes et de femmes ont pu participer à cette définition, à cette éternelle redéfinition du Québec qui fait partie de l'essentiel de la politique québécoise depuis nos débuts. En entendant, avec le plus grand respect, l'Opposition officielle, ce soir, jeudi et vendredi derniers, M. le Président, on constate qu'entre les deux partis politiques, on assiste à une situation qui n'est pas tellement un débat sur les points et les virgules de l'entente constitutionnelle mais beaucoup plus à la confrontation de deux visions du Québec, de deux visions de l'avenir du Québec.

En écoutant nos amis d'en face, on a un peu l'impression d'écouter un chef qui, lorsque la soupe n'est pas bonne, dit que c'est la faute du client. Quelle est la vision péquiste finalement? Qu'est-ce qui anime ses objections si acharnées, ce travail combien difficile d'une poignée de personnes contre une entente qui reçoit l'approbation de la grande majorité des Canadiens comme des Québécois? Qu'est-ce qui amène l'Opposition officielle à opposer une fin de non-recevoir à l'entente constitutionnelle?

Quelle est la vision péquiste? Pour moi, la vision péquiste part d'une prémisse fort simple. Le Québec est profondément menacé. Les provinces anglophones, les Anglo-Québécois, les non-francophones et les non-Québécois sont essentiellement indifférents sinon activement hostiles au sort du Québec. Toujours d'après nos amis d'en face, le système fédéral est un carcan sans issue, un cul-de-sac, et, plus particulièrement, c'est un mécanisme gouvernemental à partir duquel cette hégémonie d'indifférence anglophone s'exerce sur le Québec. D'après les discours que nous avons entendus, non seulement ce soir, non seulement jeudi et vendredi, non seulement en 1980 et en 1982, cette prémisse revient, chaque fois que ces questions combien difficiles de langue, de constitution sont à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. C'est une attitude défensive.

C'est curieux, M. le Président, dans les années 1960, en pleine révolution tranquille, on n'avait pas cette attitude tout à fait défensive, parce qu'on se rendait compte qu'il y avait des défis qui se dessinaient pour l'avenir, qu'il y avait les grands défis de moderniser la société québécoise, qu'il y

avait une place à occuper, qu'il y avait des moyens publics, des lois, des règlements et des institutions à bâtir ou à créer. Tout cela ferait en sorte qu'avec le temps, les Québécoises et les Québécois de langue française plus particulièrement, auraient la possibilité d'occuper les lieux de décision, auraient la capacité de bien gérer leur société, une société moderne. C'est ce qui s'est fait. Mais, quelque part, pendant les années 1970, cette attitude d'affirmation, de création, de modernisation, s'est muée chez certains - parmi lesquels nos amis d'en face n'étaient pas les moindres, et certainement pas les moins articulés - cette attitude d'affirmation s'est muée en repli, s'est muée en crainte, s'est muée en besoin d'évoquer toujours le danger et de confondre systématiquement le danger réel et légitime d'une minorité francophone dans un continent de 250 000 000 d'anglophones avec la présence au Québec de quelques centaines de milliers d'anglophones, avec la présence au Canada d'une majorité anglophone, mais dans un pays, dans une société qui se reconnaît comme étant biculturelle et bilingue. Je parle au niveau national, M. le Président. Et la logique de la Révolution tranquille a été trahie par une logique indépendantiste, par une expression soutenue de peur et de crainte. Il y avait toujours nécessité de frapper le tambour ethnolinguistique afin de faire danser la tribu autour du feu sacré animé nécessairement par le Parti québécois. (0 h 20)

Mais, M. le Président, c'est un style politique qui a connu son temps. C'est un discours politique caduc. C'est une analyse politique vétuste. C'est anachronique dans le Québec des années quatre-vingt d'imaginer que ce genre d'évocation des difficultés et des menaces va faire monter une opinion publique significative dans le sens voulu par l'Opposition.

Le fait est que le Parti québécois a des difficultés de reconnaître et de se faire reconnaître par un Québec qui est maintenant un Québec post-nationaliste. Avis aux futurs dinosaures politiques: ou vous vous adaptez ou vous êtes une espèce en voie de disparition. Si vous écoutiez votre chef, il y aurait peut-être du progrès. Mais il n'y a pas une grande écoute pour le chef de ce parti politique, donc, il n'y a pas beaucoup de progrès, car on en entendrait parler de la part du député de Terrebonne qui, je l'espère, va me suivre. Mais, c'est l'adaptation ou l'extinction. Il faut absolument comprendre que les enjeux sont différents, que l'analyse et les discours doivent absolument évoluer. C'est cela, la frustration du leader parlementaire de l'Opposition. C'est cela, la frustration du député de Lac-Saint-Jean qui avoue que ces débats n'intéressent pas beaucoup les Québécois. Ils sont obligés d'évoquer le fait que l'été s'en vient. Je ne pense pas que ce soit cela, M. le Président. Je pense que c'est très clair; c'est tout simplement que nos amis d'en face chantent la même vieille rengaine et les Québécois ont fait leur deuil de tout cela. Ils ont rejeté le parti politique en question le 2 décembre 1985 et tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas une autre version, un autre diagnostic plus au fait des réalités de 1987, nos amis d'en face vont se trouver à parler beaucoup dans le vide. S'oppose à cette vision essentiellement défensive, cette vision nombriliste, cette vision de repli sur soi, une vision qu'on peut associer au gouvernement, au Parti libéral et aux tranches de la société qui gravitent autour de cette formation. C'est une vision optimiste, c'est une vision d'un Québec plein de potentiel, confiant dans ses moyens. C'est une attitude positive envers l'extérieur. C'est un désir de rayonnement vers les marchés hors Québec, que ce soit au Canada, aux États-Unis, en Europe ou en Asie. C'est une reconnaissance du système fédéral comme un actif pour la société québécoise, comme essentiel pour ce développement du Québec qui est l'objectif des gens qui sont confiants, qui voient le Québec de façon optimiste et plein de potentiel. Pour ces gens, l'affirmation d'une société distincte, cela comprend la langue, cela comprend la culture, mais cela comprend aussi une autre forme d'affirmation qui est aussi souhaitable, aussi défendable, aussi légitime, aussi favorable pour l'ensemble des Québécois qui est le défi de concurrencer les autres, qui est le défi de l'excellence, qui est la présence des Québécois francophones et anglophones dans tous les marchés et toutes les entreprises au Québec, au Canada, aux États-Unis et ailleurs.

Cette concurrence de l'Atlantique au Pacifique, c'est une forme d'affirmation de sa spécificité aussi légitime qu'une évocation des éternels éléments, aussi importants soient-ils, que constituent la langue et la culture québécoises.

II faut associer ces attitudes et plus particulièrement ce changement d'opinion publique au Québec, changement fondamental qui s'est produit depuis à peu près 1982, un changement de leadership social au Québec. Le parti politique en face de nous, le Parti québécois, s'est basé sur une certaine tranche de la société que je vais vous décrire. Maintenant, ils veulent souvent nous faire croire qu'ils sont un parti de masse, un mouvement de masse, un mouvement des travailleurs, un parti social-démocrate sur le modèle européen.

Mais, M. le Président, rien n'est plus loin de la vérité que cette autopublicité qu'aiment faire nos amis d'en face, puisque si on regarde les sondages et si on regarde les statistiques, la seule différence sociale entre les gens qui appuient habituellement le

Parti libéral et les gens qui appuient habituellement et plus spécifiquement le Parti québécois sont de la classe moyenne, ce ne sont pas ceux de la classe des moins nantis, et la masse des travailleurs québécois. C'est une classe moyenne, employés publics orientés vers l'opinion, qui appuie le Parti québécois, une classe moyenne employée par l'entreprise privée et, dans la pratique, les professions libérales associées à l'entreprise privée, une bourgeoisie du marché, une bourgeoisie orientée vers le marché.

Et ce qu'on a vu au Québec, depuis une dizaine d'années, c'est un changement de leadership social entre un groupe de Québécois employés du secteur public orientés vers l'opinion avec une sécurité d'emploi et une forte protection des conventions collectives vers un groupe d'entrepreneurs, d'employés du secteur privé orientés vers les marchés, désireux et optimistes face à l'avenir et face au rayonnement du Québec. C'est un peu naturel que les gens employés par le secteur public aient l'habitude d'évoquer le danger et de s'offrir humblement comme la solution ou la protection contre ce danger.

Mais la logique de l'optimisme, la logique de confiance, c'est une logique fédéraliste où le Québec a beaucoup à offrir au Canada, où le Québec n'a pas toujours à craindre le fédéralisme, la coopération, et la présence qui lui revient au niveau national au Canada.

C'est cela, une vision politique postnationaliste. Cela ne veut pas dire qu'il n'y pas d'impulsion nationaliste là-dedans. Cela veut dire que cette impulsion ne s'exprime plus par l'évocation de danger, de crainte et de peur, par le repli sur soi, par le nombrilisme. Ce nationalisme s'exprime via le succès des entrepreneurs québécois, de l'Atlantique au Pacifique.

Cette confiance ne nous amène pas dans les luttes stériles qu'aimait animer le gouvernement précédent. Cette confiance et cette logique fédéralistes ne nous amènent pas dans la confrontation que nous a offerte le gouvernement précédent, mais plutôt dans la confiance, la collaboration avec nos partenaires du fédéralisme canadien. Eh bien, pourquoi pas le leadership important? On en a vu un excellent exemple par le premier ministre du Québec depuis 18 mois. (0 h 30)

L'entente constitutionnelle et le débat là-dessus se situent dans cette confrontation de deux visions de l'avenir du Québec. Lorsqu'il s'agit de se poser la question de savoir comment évaluer l'entente constitutionnelle, il y a un fait qui prime tous les autres. C'est ce que nous ne devrons jamais, au grand jamais, perdre de vue. Ce fait est tout simplement que nous nous trouvons dans une conjoncture politique particulièrement favorable à une entente constitutionnelle et que cette rencontre de circonstances politiques s'établit, non pas en mois ni en années, mais en décennies.

De laisser entendre qu'il serait peut-être souhaitable d'un point de vue particulier, et Dieu sait si nos amis d'en face ont un point de vue particulier, que l'on ne puisse mener à terme l'entente du lac Meech, équivaut à envisager une impasse constitutionnelle ou encore une évolution constitutionnelle dont le Québec serait complètement absent. Là, je m'adresse à l'ensemble des Québécois qui doivent faire cette évaluation.

Mais pourquoi une entente est-elle si difficile? J'aimerais revenir un petit peu au contexte historique de la situation dans laquelle on se trouve. Il y a un facteur très important dont peu de gens parlent, c'est la différence de la culture politique entre les groupes linguistiques. Les cultures politiques des groupes linguistiques sont différentes. Une constitution pour ces deux groupes qui puisse embrasser un État binational, biculturel, c'est une constitution particulière qui amène une compréhension de ces différences fondamentales de culture politique.

Parmi les doctrines politiques les plus caractéristiques de la tradition anglo-saxonne est celle de l'individualisme libéral. Je veux dire libéral avec un petit "1". Cet individualisme libéral soutient qu'un citoyen doit considérer l'État comme un système de contraintes s'exerçant sur les activités de l'individu. Ce système de contraintes ne se justifie que dans la mesure où l'individu sent que ce système protège ses droits et ses libertés. La société est donc une association volontaire d'individus quasi atomistes à laquelle chacun peut renoncer de son propre gré. Pour des raisons historiques, des raisons tout à fait valables, les Québécois francophones, donc la majorité, n'ont jamais adhéré à l'individualisme libéral tel que je l'ai décrit. Parce que les Québécois francophones ont été obligés d'assurer leur survie, ils ont créé un régime collectif d'exigences et de contraintes applicables à l'individu. Ces exigences et ces contraintes ont dépassé les limites que pouvait tolérer un individualisme libéral pur et dur. Ces réflexes politiques et sociaux se sont enracinés profondément dans la mentalité et dans les institutions des Québécois francophones.

Ainsi, la communauté anglophone du Québec s'est sentie plus ou moins déphasée sur le plan politique, depuis la Révolution tranquille. Si les négociations avec les provinces majoritairement anglophones, dans le cadre du débat constitutionnel, se sont avérées quelque peu difficiles, c'est en partie du fait que cette tendance collectiviste qui caractérisait et caractérise encore, jusqu'à

un certain point, la vie publique québécoise et la culture politique francophone, a été difficile à saisir, à cerner pour les anglophones.

Au Québec même, avant la Révolution tranquille, l'Église avait pratiquement le monopole des biens et services liés à l'éducation et à la santé. La communauté anglophone se fournissait elle-même la plupart de ces services, sans que personne ait l'idée de s'y opposer. Les Anglo-Québécois étaient à l'aise dans leur individualisme, dans leur intégration politique et culturelle à l'ensemble du Canada, dans leur tradition de bénévolat. Ils ont donc endossé cet individualisme, mais après la Révolution tranquille qui a donné naissance à un État québécois activiste et collectiviste, tout a changé dans une société qui a emprunté la voie publique, les citoyens étaient tous à la disposition de l'État et l'État était présumément à la disposition de l'ensemble des citoyens. Mais ce dialogue s'établissait mal entre le collectivisme de l'élite politique francophone et l'individualisme de l'élite économique anglophone. C'est exactement ce genre d'incompréhension mutuelle qui a lieu chaque fois qu'il y a une négociation constitutionnelle.

Donc, une constitution est nécessairement et inévitablement une forme de compromis. D'ailleurs, M. le Président, je lisais récemment une étude sur la constitution américaine d'il y a presque deux cents ans et j'ai appris avec stupéfaction que la très grande majorité des signataires de la constitution américaine signait à contrecoeur, à reculons; parce que les signataires ne croyaient pas que c'était la meilleure constitution possible. Ils se sont bien rendu compte que ce n'était pas la recherche de l'idéal; c'était plutôt la reconnaissance et la nécessité d'avoir des moyens de vivre ensemble. Je peux vous dire qu'on n'a pas ces mêmes craintes de ce côté-ci de la Chambre face à l'entente constitutionnelle de 1987. Mais je peux vous dire que nos amis d'en face n'accepteraient, au grand jamais, quelque entente que ce soit négociée de ce côté-ci de la Chambre en fonction de notre vision du Canada, en fonction de notre vision du Québec et en fonction de notre vision de la compréhension qui doit régner entre les deux composantes majeures ethnolinguistiques du pays. Parce que, et c'est très légitime, ils ne sont pas prêts à donner leur adhésion au Canada, parce que fondamentalement, la logique de leur vision du Québec, c'est une logique indépendantiste. Ce qui est leur strict droit.

Mr. Speaker, I would like to say a few words at this point to 3ome members of the anglophone community who have been concerned about the constitutional discussions and debates. I have been obviously following their concerns in that regard. In considering where we ought to stand on the constitutional question, there is one primordial and overriding fact of which we must never ever lose sight: It is simply that we are at a political juncture which is uniquely favorable to a constitutional understanding and that this kind of coïncidence of political circumstances can be timed not in months or in years but in decades. And it is simply false to argue that there is no inherent danger in a situation in which Québec is not a party to the Constitution of Canada.

The absence of Québec from the Canadian Constitution is not a mere detail, it is a fundamental and intolerable anomaly in the juridical fabric of the country. And to suggest that a failure to bring the Meech Lake process to term would be desirable from the perspective of some particular series of interests or other is to write the formula either for constitutional stalemate, on the one hand, or for a constitutional evolution from which Québec is completely absent. And that would be an extremely dangerous phenomenon for all Quebeckers, and particularly for anglophone Quebeckers.

Many anglophone Quebeckers have been interested in the implications of the distinct society phrase for the rights of anglophones in Québec. You are also aware, I imagine, that the very same form of words has struck some francophone Quebeckers, including some distinguished constitutional experts, as offering insufficient protection for the French language.

Fundamentally, no one can tell exactly what construction the courts will put on the distinct society phrase as a form or a guide to the interpretation of constitutional provisions, because no one knows in exactly what context the courts will be seized of such a case.

I would like to say to my constituents and to the anglophones who are undoubtedly glued to their television sets this evening following this debate, Mr. Speaker, why I support the constitutional recognition of Québec as a distinct society. I think it is important. (0 h 40)

There are three fundamental reasons: The first reason is simply that Québec is a distinct society and no Québec government can be so unmindful of its historical responsibilities as a government issued from a Parliament, the only Parliament in North America which is elected by a majority of francophones, as to sign a constitutional document which does not recognize Quebec's status as a distinct society. In fact, Mr. Speaker, I choose to live in Québec because it is a distinct society. Whatever its disadvantages and whatever its imperfections, this distinct society is our society, it is my

society and I am very proud of it. When all the legal distinctions, all the political power strings, all the demagogy and all the rhetoric that pours out from all the various quarters that are commenting on the constitutional discussion are over, Québec will still be a distinct society and we will still have to live together, and this constitutional agreement provides the best possible vehicle for that to take place.

The second reason is that recognition of the distinct society is paired with a recognition of the Canadian duality which explicitly evokes the presence of English-speaking Quebeckers within this province and it is followed by an expression of the obligation of provincial Legislatures to recognize this duality. And this is the essence of the Canadian political contract. It is a fundamental component of the Meech Lake proposals.

The third reason why I think it is important to embrace the notion of a distinct society and to recognize it as a fundamentally positive aspect for all Quebeckers of the constitutional agreement is that the notion of a distinct society is a very capacious one. It embraces not only language and culture, but also a whole range of other things from the Civil Code to the Caisse de dépôt. And if and when it is evoked, it will be tested against the background of an enormous body of precedents and statutes. And amongst such hypothetical legal tests, the standards embodied in Charters of human rights will only be one possible test. If we examine the distinct society provision exclusively from the preoccupation of its relationship to freedom of expression provisions in a charter of rights, we are looking down the big end of the telescope. We should not be surprised if we cannot see anything at the other end.

I would like to suggest to my English-speaking fellow citizens of Québec that we have a fundamental decision to make. Do we wish to share the privilege of living in a pluralist, open-minded, tolerant coexistence with the majority of francophone Quebeckers who speak French and to embark with them on an adventure which is .going to lead us, I am very confident, to put behind us the kind of strains ans stresses which have occurred in the past and which have been very much the responsibility of both groups or do we want, like certain political parties in the Québec National Assembly, to take refuge in all our fears, to relive all our nightmares, to reevoke, to gain some rather cheap applause in the short term, all of the historical misunderstandings that we have been strugging so hard to overcome?

The Meech Lake Agreement provides us with an opportunity to move beyond that. I think that is what you want. I know that is what the Government wants and I believe that it provides us with an opportunity which will not come a second time, and I would ask you to remember that in evaluating your position on the constitutional accord.

M. le Président, combien ai-je de temps encore?

Le Vice-Président: Une minute, M. le ministre.

M. French: M. le Président, j'ai entendu dire par nos amis d'en face que personne de conséquence n'avait dit que l'entente constitutionnelle nous offrait un progrès important. Je ne prétends pas être une personne de conséquence, donc, je vais évoquer le ministre de l'Education qui, lui, dans Le Devoir, il y a à peu près trois semaines, a décrit l'accord du lac Meech comme comportant des gains importants et incontestables pour le Québec. Il a noté l'importance de huit points que j'aimerais récapituler brièvement: d'abord, la reconnaissance du caractère distinct du Québec comme règle d'interprétation judiciaire de la constitution; deuxièmement, la reconnaissance du rôle propre de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec dans la protection et la promotion du caractère distinct de la société québécoise; troisièmement, le droit de retrait assorti d'une juste compensation financière dans tous les cas d'amendement constitutionnel comportant le transfert d'un champ de compétence provinciale au pouvoir fédéral. Quatrièmement, droit de retrait assorti d'une juste compensation financière dans les programmes impliquant des paiements du gouvernement fédéral aux provinces dans des domaines relevant, d'après la constitution de 1867, de la compétence exclusive des provinces. Cinquièmement, droit de veto sur toute modification constitutionnelle concernant les matières suivantes: représentation des provinces à la Chambre des communes, pouvoir du Sénat et mode de nomination des sénateurs, nombre de sénateurs par province, la Cour suprême du Canada, le rattachement aux provinces en tout ou en partie des territoires, la création de nouvelles provinces, un rôle élargi pour le Québec en matière d'immigration, un pouvoir d'initiative du Québec concernant les nominations au Sénat, un pouvoir d'initiative du Québec concernant les nominations à la Cour suprême et, finalement, garantie de la présence perpétuelle de trois juges en provenance du Québec au sein de la Cour suprême.

M. le Président, je suis peut-être typique des Québécois en n'étant pas expert constitutionnel, je vous avoue que je trouve que les moyens de vivre ensemble, c'est, avant tout, les moyens que nous prenons dans la rue, dans les écoles, dans les institutions sociales, dans les entreprises les unes avec

les autres. Mais, en tant que reflet de cette réalité, réalité de plus en plus prometteuse, réalité de plus en plus intéressante, je pense que l'entente du lac Meech est tout à fait honorable, tout à fait acceptable et importante pour le Québec.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant, pour la poursuite du débat, M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, pour être dans la même veine que l'interlocuteur précédent, I would like to tell the audience not to adjust their television set, it was not "Twilight Zone", it was just the Honourable member of Westmount. Ce n'était pas, mesdames et messieurs, la énième présentation de la série américaine "Twilight Zone"; vous venez d'entendre le discours du député de Westmount et ministre des Communications. C'était un mélange de sociologie alambiquée, frelatée, joint avec un monument de littérature ésotérique qui va sans doute passer à l'histoire comme la plus grande contribution du député de Westmount à la littérature au Québec, sauf qu'il a été fort heureusement dépassé par bien de nos compatriotes anglophones dans l'art d'écrire, fort heureusement.

II y a une constante qui se dégage des interventions venant de l'autre côté: c'est toujours un texte écrit. C'est vrai que, quand on est au gouvernement, on a les traitements de texte et tout cela, cela facilite la tâche naturellement. Mais j'ai remarqué que tous disposent d'un discours écrit, que l'on lit, où on sent, de toute évidence, un manque de conviction, qu'il y a uniquement une ligne de parti qui est tenue par les individus qui composent cette majorité ministérielle disproportionnée à cause, justement, du régime parlementaire britannique que nous vivons qui est uninominal à un tour, mais on sent qu'il y a une ligne de parti qui tient. Elle se traduit effectivement dans ce scénario continu des lectures qu'on entend dans les salves d'applaudissements qui jaillissent immédiatement après le premier ou le deuxième ou le troisième credo énoncé par le député quand il s'agit de parler de l'accord du lac Meech.

Je vous le répète, absence totale de conviction, on le sent, aucun discours n'a été livré avec passion, avec vigueur, naturellement toujours aussi suivant un fond de terrorisme psychologique, comme si le Québec avait vécu jusqu'au 2 décembre 1985 le plus affreux des goulags. (0 h 50)

J'écoutais la seconde partie de ce qu'a dit le député de Westmount et avec tous les "ismes" qu'il a mentionnés, le collectivisme, l'individualisme, j'avais presque l'impression d'écouter une de ces tirades très spécialisées de Radio-Tirana, Albanie avec l'éloge du 24ème congrès qu'ils ont tenu dans la capitale. Je pense que le discours était manifestement - j'oserais employer le terme - une farce. Ce n'est pas, de toute façon, fortuit que j'aie employé "Twilight Zone" parce que je pense que le député de Westmount était malheureusement bien au delà du réel.

Mais je l'entendais s'adresser en tant que Québécois anglophone, ce qu'il est, ce que j'aime bien chez lui, d'ailleurs. J'ai vécu dans son petit coin de ville. Je vous dis que les premiers temps, je ne me sentais pas tellement chez moi, mais à partir de 1976, je ne sais pas, il s'est passé des choses et, après, en 1977, avec la loi 101, je commençais à me sentir un peu plus chez moi, sur Queen Mary Road. Remarquez, je suis retourné récemment et j'ai bien l'impression que c'est la "twilight zone" qui est revenue effectivement. Je m'aperçois qu'on n'est plus tellement chez soi. J'ai trouvé au député une certaine assurance. Il est bien entendu qu'on a de l'assurance quand on est député de Westmount et qu'on fait partie de la communauté anglophone. J'aurais, moi-même, cette assurance, c'est évident. Quand on est 40 contre un, quand on peut s'appuyer sur un continent entier, il est bien entendu qu'on n'a pas de crainte. Il est bien entendu que l'avenir est radieux. Gloire aux pionniers, cela va très bien. Mais quand on est minoritaire, encore une fois, sur un continent où, je le répète depuis je ne sais pas combien de fois, nous sommes 40 contre un, je ne vois pas en quoi exiger des garanties crée un sentiment de peur, que ce sentiment de peur ait quelque chose de psychologiquement dérangé. C'est tout simplement l'instinct de survie.

Je vous le disais cet après-midi... Malheureusement, M. le Président, on ne m'a pas laissé tout le temps, mais fort heureusement, je peux me reprendre ce soir, même si l'heure est un peu tardive. Je sais qu'il y a quand même de nombreux Québécois et Québécoises qui écoutent justement ces débats que nous avons et qui sont préoccupés par la question. Donc, je disais, M. le Président, qu'on accepte de protéger, qu'on fait des collectes publiques pour préserver les baleines bleues qui sont en voie de disparition et un peuple qui, lui, est minoritaire et concentré dans un endroit géographique, n'aurait pas le droit d'obtenir des textes juridiques qui lui garantissent sa survie.

Je pense que Pierre Vadeboncoeur n'était pas loin de la vérité quand il écrivait son volume Génocide en douce. Car c'est cela qui est en train de se produire au Québec. Les statistiques sont encore là. Il est très évident que l'assimilation, même avec la loi 101, n'a pas été stoppée. Si on

veut justement protéger ce caractère distinct, ce que je disais au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes cet après-midi, il faudrait bien le spécifier. Mais j'entendais, après être intervenu, le député des Îles-de-la-Madeleine qui disait: Mais si on avait spécifié distinct, on aurait pu en oublier et là, on n'aurait pas tout mis, donc il n'y aurait pas de garantie.

La question que je voulais lui poser: Est-ce que vous croyez qu'on peut mettre plus d'eau dans une chaudière s'il n'y a pas de fond? C'est à peu près le même type de logique qu'il tenait. Puis, on a entendu le scénario, photocopié à 99 exemplaires de l'autre côté, j'aimerais bien savoir qui dit vrai. Qui dit la vérité? On lisait dans La Presse: "La minorité anglophone du Québec est probablement en meilleure position maintenant qu'avant l'accord constitutionnel. Pour la première fois dans notre histoire, les onze gouvernements se sont engagés à protéger ce que j'appellerai la dualité linguistique de ce pays." C'est le sénateur Lowell Murray qui est ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales qui disait cela au Sénat, le 17 juin. Ian Scott, Procureur général de l'Ontario, disait, lui, dans le Toronto Star, le 20 mai 1987: L'entente du lac Meech donne, pour la première fois au gouvernement fédéral le droit constitutionnel de dépenser dans les domaines de juridiction provinciale.

Le Globe and Mail, prestigieux journal de Toronto, le 25 avril: Jamais, de mémoire récente - on va vous le servir encore - le Québec n'a-t-il demandé si peu en échange de sa signature de l'accord constitutionnel de 1982 et de son retour dans la confédération. Ce que j'ai dit à l'occasion de cette entrevue, à l'émission "Question Period", à l'antenne de CTV, c'est que cette disposition, la clause de la société distincte, ne va en rien modifier la répartition des pouvoirs qu'elle ne vise à le faire et que personne n'a prétendu qu'elle le ferait. Toujours notre bon vieux sénateur Lowell Murray, le 5 mai 1987.

Ian Scott, Procureur général de l'Ontario, dans le Toronto Star - ils étaient forts sur les déclarations - le 6 mai: L'accord du lac Meech renforcera les pouvoirs du gouvernement fédéral de mettre sur pied de nouveaux programmes sociaux. Le pouvoir de dépenser n'est pas mentionné dans la constitution; maintenant, il le sera. Dans ce sens, cette description formelle, une première, est à l'avantage d'Ottawa.

David Peterson, premier ministre de l'Ontario, Globe and Mail, 16 mai 1987: Ce sont les tribunaux qui définiront le concept de la société distincte du Québec. L'impact de cette reconnaissance dépendra largement des interprétations judiciaires et de l'évolution des circonstances. Et, après, on nous demande comment il se fait que l'on exige des garanties. Quand on voit ces déclarations, on peut être portés à employer ce vieil adage qui dit: À qui le crime profite-t-il? Quand on voit des déclarations de gens aussi chaleureux, aussi sympathiques, à la défense de la cause française en Amérique du Nord: À qui le crime sert-il?

Je vais avoir le plaisir de vous le reciter. Votre patron, le chef du Parti libéral fédéral, disait, durant la fin de semaine, à Toronto toujours, dans une longue supplique à ses militants hésitants sur l'accord du lac Meech: C'est bon, il faut signer, parce que, si on ne signe pas, le Québec pourrait demander un statut particulier ou la souveraineté-association. Déjà, au départ, ce n'est quand même pas si bête de sa part, il reconnaissait la souveraineté-association, ce qui est un changement de discours chez lui. Il invoquait le statut particulier. Encore là, dans sa candeur, sa naïveté ou l'état lamentable, d'ailleurs, dans lequel se trouve son parti actuellement, qui est peut-être un signe avant-coureur de ce qui pourrait arriver au niveau provincial, puisque c'est le terme qu'on affectionne de l'autre côté, dans sa grande naïveté, le chef du Parti libéral fédéral, c'est-à-dire votre grand patron à tous, avouait que c'était effectivement ce que nous disons depuis le début, que c'était un plancher. Quand on vise le plancher, on se ramasse dans le sous-sol. Ce n'est pas comme cela qu'on négocie. Justement, je suis d'accord avec les propos de mes collègues de l'Opposition qui sont intervenus: Où sont les grands négociateurs qu'on nous avait promis quand on regarde le maigre résultat auquel ils sont arrivés avec l'accord constitutionnel du lac Meech? (1 heure)

On a parlé de plancher, effectivement. Je n'ai pas plus de réponse cette nuit que j'en ai eu cet après-midi quand je demandais au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, le député de Jean-Talon: Est-ce que nous avons de nouveaux pouvoirs dans la culture? Est-ce que nous avons de nouveaux pouvoirs dans le domaine des communications, de façon à éviter de nous faire refaire le coup de CIBL-MF? Non. Et Radio McGill? Oui. Est-ce qu'on a de nouveaux pouvoirs? Ou est-ce qu'on limite les pouvoirs d'intervention du gouvernement fédéral dans des champs de juridiction provinciale que sont l'enseignement supérieur et l'enseiqnement universitaire?

Je vais continuer à répéter ma question: Le député de Verdun parlait de l'aube du libre-échange. L'aube se levait sur le libre-échange avec nos voisins américains. Pas d'objection à ce qu'on examine la question du libre-échange, mais, dans des domaines que nous avons identifiés au non, chez nous, l'agriculture et la culture, est-ce que le Québec a des pouvoirs dans l'entente constitutionnelle du lac Meech? Ou cela

appartient-il au gouvernement fédéral qui, lui, va répondre un oui ou un non pour le Québec? Osons espérer que ce sera un non; quand il s'agit des domaines de la culture et de l'agriculture, comme nous l'ont fait savoir les milieux culturels et les milieux agricoles, dont l'Union des producteurs agricoles.

Le député de Jean-Talon, également ministre des Relations internationales, dînait ce soir avec le ministre de la Culture du Sénégal et l'ambassadeur du Sénégal au Canada, dîner, d'ailleurs, auquel j'avais le plaisir de participer. Qu'est-ce que l'entente constitutionnelle du lac Meech donne au Québec pour raffermir, affermir même, dans certains cas, puisque cela n'existe pas, ses compétences internationales dans les domaines qui sont de sa juridiction? Sommes-nous capables, avec l'entente du lac Meech, d'ouvrir ce que nous souhaitons depuis des années, une délégation générale du Québec en Afrique noire? Je pense que Dakar était le choix retenu, c'est-à-dire la capitale du Sénégal. Est-ce que nous devrons aller mendier à Ottawa la permission d'ouvrir une délégation générale à Barcelone, en Catalogne? Quand on connaît l'intérêt que les Catalans portent au Québec et quand on connaît l'affinité qui peut exister entre les Catalans et les Québécois, est-ce qu'on devra encore aller mendier cela à Ottawa, pour affermir des champs de juridiction provinciale? On a des choses à partager avec eux dans le domaine de la culture, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine des communications, dans le domaine de l'immigration où, là aussi, on n'a pas répondu aux questions.

Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration y est allée elle aussi de la copie numéro 34 du texte photocopié ou polycopié qui a été distribué et dont on assiste à la lecture répétitive. Elle n'a pas répondu à la question. Est-ce que nous devrons continuer à mendier, à quêter les instruments qui nous sont nécessaires pour notre développement, sachant pertinemment que notre développement est différent des autres? Il est différent, d'abord et avant tout, à cause de la langue que nous parlons. La langue que nous parlons nous rattache à une culture et à une civilisation. Donc, elle entraîne chez nous des schèmes de référence, des attitudes, des comportements, un système de pensée et de valeurs différent des autres. Mais ce concept de "société distincte", en quoi se distingue-t-il, puisqu'on ne l'explicite pas? D'ailleurs, le député des Îles-de-la-Madeleine ne voulait pas, justement, donner de sens au mot "distinct". Il ne voulait pas que l'on distingue ce mot "distinct".

C'est quoi, l'accord du lac Meech? Il y a des groupes d'organismes impressionnants qui sont venus, des personnalités québécoises également et tous ont émis des réserves.

C'est vrai qu'il n'y a peut-être pas foule et bousculade dans les autobus et dans le métro à Montréal là-dessus, mais quand il s'agit d'engager l'avenir d'un peuple, est-ce que l'on a le droit de faire ce que vous faites, c'est-à-dire un débat de fin de session, un débat à 1 h 5, entre parenthèses. Et en ne vous appuyant que sur la majorité parlementaire que vous avez à cause d'un vice de notre système électoral, vous allez engager l'avenir d'un peuple pour X années juste avec le poids de cela? Vous avez eu beau faire référence à ces atroces années qui ont été vécues sous un gouvernement du Parti québécois, en démocratie, je regrette, mais je n'ai aucune leçon à prendre de vous, parce que nous, on savait ce que le mot "démocratie" signifiait et on l'a exercée, on l'a proposée et puis on est allés voir les Québécois. Ils ont exercé un choix.

Je le respecte parce que je sais qu'il n'était pas définitif. Mais on ne s'est pas servi d'une majorité parlementaire en Chambre pour voter. On a fait appel au peuple, ce que vous ne faites pas. Je vous le répète, vous utilisez abusivement l'étiquette libérale dans son véritable sens. Elle ne vous appartient plus; vous n'êtes pas un parti libéral dans le sens philosophique du terme.

L'entente du lac Meech, vous allez effectivement la voter. Et je conclurai là-dessus, M. le Président, puisque vous m'indiquez que le temps qui m'est alloué s'achève. Vous allez effectivement la voter avec votre majorité parlementaire, mais rappelez-vous que les majorités parlementaires, c'est temporaire. Dans votre cas, l'histoire nous enseigne que plus elles sont fortes, plus elles tombent vite, plus elles tombent rapidement. Pour employer une expression américaine que comprendrait fort bien le député de Westmount: Quand on tombe, ce n'est pas la chute qui est effrayante, mais l'arrêt soudain en bas. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans le cadre de ce débat sur la résolution qui fera entrer le Québec dans la Fédération canadienne. J'ai choisi ce soir de traiter, dans le coeur de mon intervention, de l'aspect surtout du pouvoir de dépenser. Mais vous ne pourrez m'empêcher - et je ne peux résister à la tentation - de répondre à mon collègue, le député de Saint-Jacques, qui tantôt, dans le cours de son discours, nous disait: La démocratie, c'est avant tout de laisser aux gens la liberté de penser, d'agir et d'exprimer tout haut ce qu'ils ressentent et ce qu'ils pensent.

Je lisais ce matin dans les journaux que le député péquiste de Dubuc avait quelques reproches assez vigoureux à faire à son collègue de Lac-Saint-Jean pour l'exercice de la démocratie qui s'est fait lors du dernier conseil national du Parti québécois quant à la thèse de l'affirmation nationale.

En matière de démocratie, M. le Président, bien entendu, il y a plusieurs conceptions qui peuvent s'affronter, mais je ne partage pas du tout la conception que se font certaines personnes de l'Opposition.

Tout au cours des deux semaines d'audition en commission parlementaire, on nous a dit et redit et surtout le chef de l'Opposition, le député de Lac-Saint-Jean et le député de Gouin: Mais où sont donc les textes? On ne peut pas discuter de l'entrée du Québec dans la Fédération canadienne si nous n'avons pas les textes définitifs. Tout au cours de ces deux semaines, j'avais toujours une explication à donner et je n'ai jamais pu la donner; ce soir je vais la donner. (1 h 10)

C'est évident que lorsque le chef de l'Opposition comparait les textes finaux en disant: Quand on achète une maison, si on n'a pas le contrat de vente, on ne sait pas dans quoi on s'engage, c'est compréhensible. Mais, M. le Président, lorsqu'on va faire une offre d'achat sur une maison, y a-t-il un seul promettant acheteur qui se présente à la porte avec un contrat notarié dans ses poches et avec toutes les conditions précises, stipulées à la ligne, comme si c'était prêt pour signature le soir même? Non, cela ne se passe pas comme cela dans la réalité vécue dans tout achat qu'un Québécois fait relativement à un bien immobilier, relativement à une maison d'habitation.

Il est bien évident que lorsque l'on demandait, au cours des deux semaines de commission parlementaire: Mais produisez-nous les textes finals, on veut voir la version finale des textes, il était normal que la version finale ne soit pas prête, mais ce qui est encore plus anormal, c'est que j'ai beau écouter, depuis quatorze, quinze heures discourir les députés de l'Opposition, il n'y en a pas un seul depuis quinze heures de discours qui a soulevé un mot qui était inapproprié dans la version finale qu'ils ont devant eux. Donc, c'était tout simplement une méthode de harcèlement pour essayer de rendre un peu confuse pour les Québécois la démarche du parti gouvernemental. Premier point.

Deuxième point. J'ai trouvé scandaleux et c'est le terme - les montants d'honoraires qui ont été payés par l'ancien gouvernement à des experts dans le domaine du droit constitutionnel, en 1981, qui avaient été chargés de préparer les opinions juridiques pour le compte de l'ancien gouvernement. La somme de tous ces honoraires s'élevait, M. le Président, à 860 000 $. Même pas le dixième des textes et des opinions juridiques, qui ont été rédigés à même ce montant et ce budget global de 860 000 $, ont été déposés en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale en 1981. Les Québécois jugeront et les générations futures jugeront s'il s'agit là d'une sorte de dilapidation du Trésor public. Quant à nous, M. le Président, nous avons engagé, oui certes, des experts constitutionnels mais la note n'atteint même pas le dixième du montant qui a été dépensé par l'ancien gouvernement du Parti québécois en 1981.

Quant au pouvoir fédéral de dépenser, il y a un article qui est dans le projet de résolution constitutionnelle, l'article 7: "Le gouvernement du Canada fournit une juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un programme national cofinancé qu'il établit après l'entrée en vigueur du présent article dans un secteur de compétence exclusive provinciale, si la province applique un programme ou une mesure compatible avec les objectifs nationaux". Je retiens un terme très important, c'est la date: "après l'entrée en vigueur du présent article". Donc, M. le Président, bien entendu, l'article 7 s'appliquant et qui devient l'article 106A, quand nous le regardons attentivement, cela signifie que tous les programmes passés, déjà existants, ne sont pas touchés par cette disposition. Ce que les provinces canadiennes et le gouvernement fédéral ont voulu signifier par là, c'est pour tout nouveau programme. On pourra donner comme exemple un programme concernant les sans-abri. Et on ajoute également le terme "objectifs nationaux", objectif national étant une grande norme que l'on pourrait appliquer à la grandeur du pays.

Faisons un peu l'historique, M. le Président, de ce pouvoir général de dépenser. Dans la constitution canadienne, celle de 1867, il y avait l'article 91. L'article 91 et son préambule stipulent le pouvoir résiduaire qui est dévolu par notre constitution au Parlement fédéral. C'est-à-dire qu'on a décidé que tout ce qui n'était pas attribué au gouvernement provincial dans l'article 92, l'article qui suit, demeurait par vote résiduaire dans le préambule de l'article 91 sous la juridiction du gouvernement fédéral. Je cite l'article 91: "II sera loisible à la Reine, sur l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets, par le présent acte, exclusivement assimilés aux Législatures des provinces."

C'est un article général. Le gouvernement fédéral, au cours des années, depuis

1867, s'en est prévalu à quelques reprises, M. le Président, et dans certains domaines de juridiction provinciale. Notamment, ce que l'on peut constater, c'est que dans la Loi constitutionnelle de 1982... Et le pouvoir résiduaire du fédéral s'est appliqué bon an, mal an, dans divers domaines, de 1867 en cheminant jusqu'en 1982, pour aboutir dans deux articles qui permettaient au gouvernement fédéral de répartir la richesse nationale à travers les provinces canadiennes et les différentes régions du Canada. L'article 36 du document constitutionnel de 1982 stipulait que le Parlement et les Législatures ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux s'engageaient à promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être, à favoriser le développement économique pour réduire l'inégalité des chances, à fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, des services publics essentiels. L'article 36.2, bien entendu, c'était le fameux article sur la péréquation, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral, lui, s'engageait, en vertu de cet article, à redistribuer la richesse nationale dans tout le pays et c'était une obligation qu'il assumait dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens.

Mon long préambule, M. le Président, c'est pour vous amener, ainsi que les gens qui nous regardent ce soir, à bien comprendre, quand on parle du pouvoir de dépenser, la nature de ce que l'on veut dire lorsqu'on parle des juridictions et que l'on distingue les juridictions, provinciales et fédérale. Exemple, le plus bel exemple: le domaine de la santé, les hôpitaux et l'administration hospitalière au Québec, c'est de juridiction provinciale. L'article 92.7 de la constitution de 1867 dit que sont de juridiction exclusivement provinciale: l'établissement, l'entretien et l'administration des hôpitaux, des asiles, des institutions, des hospices et le reste. C'est clair. Mais le gouvernement fédéral a décidé que, dans certaines provinces où des citoyens canadiens n'avaient pas accès à des services médicaux d'égale qualité, il mettrait de l'avant un programme pour aider ces Canadiens, qu'ils soient de Terre-Neuve, de la Colombie britannique ou de la Saskatchewan, à se faire soigner. C'est un objectif national. Je suis sûr que les Québécois - et ceux qui nous regardent ce soir - concourent à un tel objectif, qu'ils sont d'accord avec cette règle, cette règle fondamentale. Le gouvernement fédéral a mis des sous sur la table pour redistribuer les impôts fédéraux et la richesse nationale dans le secteur de la santé. C'est là que le bât blesse. Le chef de l'Opposition, M. le Président, en 1984, a fait la preuve irrévocable qu'il ne pensait pas ce qu'il a dit avec le projet de loi C-3. C-3, c'est un projet de loi qui a été sanctionné le 17 avril 1984 et qui modifiait la loi par laquelle le gouvernement fédéral mettait des sous sur la table pour aider les régimes dans les différentes provinces, les régimes qui étaient les régimes de santé au Québec, en Ontario, en Saskatchewan, à Terre-Neuve et ailleurs. Une très bonne loi, excellente loi. C-3 est apparue au début de février comme projet de loi. Deux mois se sont écoulés et, le 17 avril 1984, deux mois plus tard, c'est devenu une loi. Mais le chef de l'Opposition, qui était en 1984 ministre des Affaires sociales, qu'est-ce qu'il a fait à ce moment-là? Il a dit: Intervention du fédéral dans un domaine de juridiction exclusivement provinciale: 92.7. (1 h 20)

Crime contre le Québec, trahison, comme a dit tantôt le député de Lévis. Il a fait tout un boucan, tout un tapage, il a sorti le drapeau et a dit: On va aller se battre à Ottawa. Il a ramassé des institutions - je vous en cite quelques-unes, je ne peux pas vous les nommer toutes, cela me prendrait deux heures - le Foyer Villa Maria, le Centre d'accueil le Phare, le CLSC de Brandon, l'hôpital Notre-Dame de Saint-Croix, le CLSC Longueuil, le CLSC le Norois, l'hôpital Notre-Dame de Charny, etc., pour dire: C'est une invasion dans notre juridiction provinciale exclusive. Le fédéral n'a pas d'affaire à venir dans nos plates-bandes. Il a porté l'étendard bien haut, sauf qu'une fois que le projet de loi C-3 est devenu loi, le 17 avril 1984, Pierre Marc, le chef de l'Opposition, député d'Anjou et ex-ministre des Affaires sociales du gouvernement du Parti québécois, du 17 avril 1984 au 2 décembre 1985, qu'est-ce qu'il a fait? Il est allé se cacher. Il n'a rien contesté.

S'il voulait contester la loi du 17 avril 1984 parce qu'elle n'était pas conforme et que le gouvernement fédéral n'avait pas le droit d'intervenir dans ce domaine, il n'avait qu'une chose à faire: aller devant les tribunaux, aller devant la Cour d'appel, aller devant la Cour suprême du Canada et contester la loi. Mais il ne l'a pas fait. Quand est venu le temps de livrer la bataille, il est allé se cacher. Il a eu peur de livrer la bataille. Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela veut dire qu'il n'était pas convaincu, au départ, que ce qu'il disait dans le réseau des affaires sociales au Québec, avec communiqué de presse à l'appui, n'était pas vrai? Est-ce que le chef de l'Opposition savait très bien qu'il était en train d'induire en erreur le Québec et les Québécois ou est-ce que, tout simplement, il était sur le pilote automatique ou, comme dirait le député de Lévis, qu'il dormait "sur la switch"?

C'est soit l'un, soit l'autre. S'il est exact que le pouvoir fédéral de dépenser dans un domaine de juridiction exclusive provinciale est appliqué depuis X années, depuis 1867, dans certains cas d'inégalité

dans le pays - prenons le cas du régime de santé - je prétends qu'on ne peut pas dire que c'est incorrect et ne pas aller au bout de son opinion et de sa démarche et s'arrêter en cours de route. Il faut aller au bout de ses convictions, sinon les convictions valent le petit bout de route qu'on a fait, c'est-à-dire pas grand-chose.

Le pouvoir fédéral de dépenser, comment est-il limité dans l'accord constitutionnel du lac Meech? Moi, je le vois d'une façon différente parce que, maintenant, dans la constitution, ce qui m'importe, c'est qu'il y ait une obligation annuelle à l'article 8. Je vous le lis: "Le premier ministre du Canada convoque au moins une fois par an une conférence réunissant les premiers ministres provinciaux et lui-même et portant sur l'économie canadienne ainsi que sur toutes autres questions appropriées." Cela signifie que, dans un nouveau programme, dans un nouvel objectif national... Comment, dans les faits, cela va-t-il se dérouler? C'est tout simple, M. le Président. Le gouvernement fédéral et les provinces, une fois par année, sont obligés, en vertu de l'entente constitutionnelle du lac Meech, de se rencontrer et de discuter entre eux de ces nouveaux programmes. Vous savez très bien que tout ce que fait un gouvernement, dans quelque domaine que ce soit, c'est dépenser les sommes d'argent qu'il a perçues en impôts. Que ce soit dans le domaine de l'environnement, dans le domaine des municipalités, dans le domaine de la santé, chaque fois que le gouvernement pose un acte pour la population, il dépense. Mais on ne dépense pas en vase clos, on ne dépense pas seulement sur un bout de papier, ex cathedra. On dépense dans un contexte où les partenaires maintenant, en vertu de l'accord du lac Meech, sont obligés, M. le Président, de se parler, non de s'affronter, de se parler, de dialoguer, d'établir des lignes de consensus. Avant, cela n'existait pas. Cela n'existe pas, d'autant plus, à part cette conférence sur l'économie, qu'il y a également un autre article - il ne faut pas oublier - la conférence constitutionnelle, à l'article 13, où, encore une fois, une fois par année les premiers ministres provinciaux et le premier ministre fédéral vont se rencontrer pour discuter de constitution. C'est très différent, parce que ce que j'ai entre les mains, c'est un protocole d'entente signé à Regina les 14 et 15 février 1985, alors que l'ancien gouvernement du Parti québécois était au pouvoir. Ce n'était pas une obligation constitutionnelle. Maintenant, cela va l'être, les deux conférences. On mettait n'importe quoi au programme de ces conférences annuelles des premiers ministres. Par exemple: Ils examineront l'état des relations fédérales-provinciales. Ils se consulteront sur les grandes questions intéressant les deux ordres de gouvernement, et en particulier celle de l'économie. Alors, on mélangeait tout, on mettait tout ensemble dans une même salade, dans un même spaghetti, et cela donnait lieu à des séances de tiraillements.

Je suppose, ce que je pressens qui va se passer demain matin, c'est que les gens, les premiers ministres provinciaux, le premier ministre fédéral vont établir un programme chaque année. Il va y avoir un suivi. Ce ne sera pas tous les trois ou quatre ans. Ils vont parler dans un... Par exemple, si une période de récession importante pour le Québec comme celle de 1982 survient encore, il ne faudrait pas que l'Ontario, le Québec, la Saskatchewan et le gouvernement fédéral aient des programmes de stabilisation pour maintenir l'emploi à un haut niveau qui soient incompatibles. Alors, on va agencer les politiques, et qui vont être les plus grands gagnants de cet agencement de politiques, de cette coordination? Ce seront les Québécois, les Ontariens, les Canadiens en général. Selon moi, c'est peut-être le gain le plus important et le plus prometteur que tous les Canadiens, que les Québécois ont obtenu et vont obtenir avec la signature de l'entente constitutionnelle du lac Meech.

Lorsque la Chambre de commerce du Québec a témoigné à la commission des institutions sur la constitution, j'ai posé des questions à M. Létourneau qui était, je pense, vice-président de la Chambre de commerce du Québec. J'aimerais vous citer les galées sur ce que M. Létourneau nous a dit. Je vais commencer par le passage: Je comprends que votre approche était pratique, parce que vous venez du secteur des affaires et qu'en affaires on se parle, on échange constamment. On n'est pas toujours en position de conflit ou en position d'affrontement. C'est ce que je vois à l'intérieur de votre document. Mais vous qui comprenez cette limitation effective dans les faits du pouvoir de dépenser, quand les premiers ministres des provinces et le premier ministre fédéral vont se rencontrer une fois par année, ils vont se parler. Est-ce que, pour vous, on est en train de passer d'une sorte de fédéralisme d'affrontement à un fédéralisme qu'on peut qualifier de coopératif, d'exécutif, de concertation ou de collaboration?

Réponse de M. Létourneau: M. le Président, je dois tout d'abord signaler que notre compréhension de la clause du droit de dépenser ne s'applique pas qu'au moment où il y a des conférences. Je ne sais pas si M. le ministre peut m'aider là-dessus, mais notre compréhension, c'est que la clause sur le pouvoir de dépenser s'applique en tout temps, à n'importe quel moment où le fédéral veut prendre une initiative dans ce domaine. Donc, on pourra en parler à l'occasion des conférences, mais elle est omniprésente et sera présente en tout temps.

M. Létourneau continue: Parmi les

qualificatifs de fédéralisme que vous avez énumérés, si je me réfère à nos propos et à nos échanges préalables à la présentation de ce document, je dirais que c'est un fédéralisme de collaboration.

C'est très clair pour quelqu'un qui lit le petit texte qui est ici, pour quelqu'un qui veut imaginer et se fermer les yeux un court moment sur ce qui va se passer dans six mois, un an, deux ans, trois ans, quatre ans. Je considère, M. le Président, que c'est un gain important. (1 h 30)

Vous savez, nous, au Parti libéral du Québec, je pense que notre démarche relativement au dossier constitutionnel est irréprochable. D'abord, une longue réflexion amorcée en 1980, discussions ouvertes, à chacun de nos conseils généraux ou de nos congrès, sur la question constitutionnelle. Cinq conditions posées clairement lors de la dernière campagne électorale. Je pense qu'en vous citant un passage fort éloquent d'un éminent Canadien vous comprendrez que nous avons suivi à la lettre ce que ce grand Canadien écrivait. Je vous en cite un passage, M. le Président: "Nous déplorons l'absence de leadership au plan politique. Les hommes publics, tant fédéraux que provinciaux, ne fournissent aux citoyens aucune image indiquant dans quelle direction ils désirent conduire le pays. On les dirait à la remorque des moyens de communication et des scribes qui rédigent leurs discours. Le leadership implique le courage d'envisager tous les changements institutionnels qui s'imposent, la capacité de proposer aux citoyens, dans un ordre de priorités donné, des objectifs précis et intellectuellement acceptables et la force de gagner la libre adhésion de ces citoyens à ces objectifs." Qui peut être contre une telle démarche? Qui, dans cette Chambre, peut s'opposer à un tel cheminement? Ce passage est tiré d'un article de Cité libre, écrit en mai 1964 par Pierre Elliott Trudeau.

Avant de conclure, comme je l'ai fait à une autre reprise, je dirai au chef de l'Opposition, en lui citant son père, Daniel Johnson, dans un livre fort populaire qui s'intitulait Égalité ou indépendance, la courte phrase qui suit. Son père disait, et je pense qu'il avait raison: "Le progrès ne consiste pas à détruire le passé, mais à le parfaire et à le dépasser." Je pense que les membres de l'Opposition devraient s'imbiber de cette pensée, baigner dans cette pensée de feu Daniel Johnson père.

En guise de conclusion, M. le Président, et sans amertume aucune pour le chef de l'Opposition qui m'a traité, en commission parlementaire, de "bedeau du fédéralisme", je lui dirai tout simplement cette courte phrase: Je préfère être l'humble bedeau du fédéralisme renouvelé que le faux curé d'un nationalisme étroit et dépassé. Merci, M. le

Président.

Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Vous constatez comme moi qu'il est 1 h 35. Je vais essayer d'être très clair et très limpide à cause du grand nombre de téléspectateurs que nous avons à l'écoute à cette heure.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Blais: Nous avons devant nous une entente constitutionnelle éventuelle. De l'autre côté, j'ai entendu différents députés en parler avec ferveur, avec sincérité. J'espère que, de ce côté-ci, vous avez trouvé que tous mes confrères qui ont parlé de ce sujet le faisaient également avec ferveur et avec sincérité.

Il est toujours un peu odieux de relever des phrases dites par un adversaire, parce qu'on peut se faire dire souvent qu'on le cite hors contexte, mais je ne peux m'empêcher de tomber dans le piège, comme plusieurs d'entre vous l'ont fait, et de relever franchement des extraits, au moins l'esprit du discours du brillant député de Westmount. Un discours doucereux de pur paternalisme, de grande majoritaire sûr de lui, c'est toujours facile à tenir quel que soit l'endroit où nous le tenions. Quand on est la voix du groupe majoritaire et qu'on est au poste de commande, que la générosité est donc facile. C'est quand on est minoritaire, au poste subalterne, que le problème se pose. C'est facile de parler de justice distributive et d'aide aux personnes défavorisées quand on est archimillionnaire et qu'on n'a rien connu d'autre. On a le verbe généreux et, selon que l'on est le porte-parole de la minorité ou le porte-parole de la majorité, on peut réagir de deux façons. On trône, comme majoritaire, en possession tranquille de la vérité et distributeur d'oboles à la minorité suppliante mais, quand on est de la minorité suppliante, on ne peut pas avoir le même langage, c'est impossible, à moins d'accepter par défaitisme son état de soumis. L'état de soumission, il n'y a aucun peuple au monde qui l'accepte comme tel. L'accepter relève de l'aberration nationale. C'est de l'aberration nationale.

Supposons que moi je suis un Nord-Américain, bien sûr, de culture francophone avec quelques bribes de bilinguisme et avec cette fougue du Nord-Américain. Si j'immigre en Italie, c'est bien sûr que je suis en minorité et que le gouvernement italien ne se mettra pas à regarder et à essayer de me donner des droits. Mais, quand on est sur notre territoire et qu'on est les victimes

d'une soumission constante et qu'on a d'un côté à l'autre de la Chambre deux philosophies différentes pour définir qui nous sommes, c'est difficile de s'entendre, malgré toute la bonne volonté.

Quelle est la définition du Québécois que, de l'autre côté de la Chambre, on donne: un Québécois est un être d'une société distincte qui est minoritaire au Canada. C'est ce que je crois qui se dégage des discours que j'entends de l'autre côté. De ce côté-ci, nous disons: un Québécois, société distincte, est un majoritaire au Québec. Jamais, nous ne serons sur la même route. Jamais! Et les deux ont raison, c'est cela le problème. Les deux ont raison. C'est un pays artificiel et, tant et aussi longtemps qu'il y aura deux définitions des mêmes êtres qui habitent sur le même territoire, il y aura toujours des chocs de pensées, des chocs de discussions, tant que l'on n'acceptera pas l'inévitable. (1 h 40)

Je n'ai pas aimé me faire dire, dans un élan de générosité: Nous vous comprenons! Les droits de la collectivité l'emportent sur les droits des individus! Ce sont de beaux principes, quand on est de la collectivité majoritaire. Cela froisse un peu l'intérieur, surtout que je crois ne pas être ce que l'on appelle communément, de façon souvent péjorative - je n'aime pas cela, je ne le dis jamais de façon péjorative, bien qu'il y a certaines personnes qui peuvent l'entendre de cette façon - les ethnies, comme si c'était des minorités différentes. Mais on ne dira jamais dans une constitution, fût-elle québécoise, les Ukrainiens au Québec forment une société distincte, les Italiens forment une société distincte et les Allemands forment une société distincte, on n'en finirait plus. C'est impossible. Mais que le Canada dise que nous sommes une société distincte, c'est nous traiter un peu comme une ethnie qui n'est pas un des peuples fondateurs d'un grand pays. Je n'aime pas cette façon de traiter le majoritaire que je suis au Québec. Le texte, dans le contexte, ne contient pas dans son libellé ou dans son verbatim, comme on dit en langage législatif, des paroles très édifiantes.

Pourquoi veut-on que le Québec revienne comme province à part entière dans cette Confédération? Il y a certainement des raisons. La raison profonde c'est qu'actuellement il nous manque quelque chose. S'il ne nous manquait rien, on ne chercherait pas ou on ne nous demanderait pas d'y être dans cette constitution; ou ce que nous avons actuellement ne nous satisfait pas ou, si cela nous satisfait, nous sommes un peu gauches d'avoir ces discussions inutiles. Cela veut dire que les pouvoirs qu'on a actuellement au Québec ne satisfont ni l'un, ni l'autre des côtés de cette Chambre. Au moins, là-dessus, on pourrait certainement s'entendre, si on veut soit adhérer à la constitution ou qu'on veuille nous y amener. Vous savez, quant à un texte nouveau à être inséré dans une éventuelle constitution, je n'y crois pas. Cela ne sera jamais signé, c'est impossible, je n'y crois pas. Nous, on va, ici, en bons soumis, le signer mais il faut que les autres signent et ça, je n'y crois pas, je vous le dis. Et comme Québécois je suis très heureux. On dit, on va ajouter ce texte et il y a un paragraphe b - mon Dieu, que c'est beau, c'est un velours à l'oreille. Paragraphe b: "la reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une société distincte". Cela sonne bien, je suis certain que vous l'avez lu très souvent. A cause de ce paragraphe, on se glorifie et on dit aux gens, dans les discours de l'autre côté, qu'on va avoir enfin les pouvoirs que l'on désire sinon on n'adhérerait pas à cette constitution. Mais il ne faut pas se laisser tromper par ce paragraphe, parce qu'on prend la peine à l'article 4 de le préciser: le présent article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs que le Canada ou le Québec ont actuellement. Si cela ne change pas les pouvoirs qu'on a - et c'est écrit - où mettez-vous votre confiance dans ce paragraphe b, qui reconnaît une société distincte?

Nous sommes dans une Fédération canadienne et non dans une confédération, on s'en parlait vendredi. Et cette entente, vous nous la présentez comme une fée, une vraie fée avec des paroles magiques qui entrerait dans la constitution et qui viendrait enfin libérer le Québec de tous les problèmes qu'il a à vivre avec le reste du Canada. Mais la fée, la grande fée, je la connais bien. La grande fée, la fée des rations canadienne. Cette fée des rations canadienne, pourquoi? De mon côté, moi, je lui parle à votre grande fée qui est l'entente que vous nous présentez avec sa baguette magique. Cette grande fée des rations canadienne, ma ration comme Québécois, elle ne me l'a jamais donnée. C'est pour cela qu'on se bat. On ne trouve pas que dans cette constitution cette fée nous donne notre ration juste et équitable. La fée des rations canadienne, la fée, M. le président, quelle fée! c'est la fée-néante. Pour moi, c'est une fée-néante.

Qu'est-ce qu'elle nous donne, cette fée, avec cette entente éventuelle qui, j'en suis persuadé, ne sera jamais signée? Est-ce qu'elle nous donne, cette fée, dans son entente magique, quelque chose de plus du côté culturel? Où parle-t-elle, cette fée? Où étincelle-t-elle, la baguette magique de cette Fédération canadienne dans le texte pour donner des pouvoirs au Québec du côté culturel? Que nous donne-t-elle? Je ne le vois pas et je ne vous entends pas citer les textes qu'on va approuver pour dire qu'elle nous donne quelque chose.

Le grand écran que vous mettez devant nous, c'est le paragraphe b), la

reconnaissance qu'il y a une société distincte au Québec, et il y a un paragraphe tout de suite en dessous qui dit: "Le présent article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs..." C'est écrit en français. Il n'est pas nécessaire d'être un grand juriste ou un grand constitutionnaliste pour comprendre que cela ne veut tout simplement rien dire. On aurait pu ajouter aussi: Et au sein du Québec, il y a une société distincte italienne, il y a une société distincte ukrainienne, il y a une société distincte yougoslave. On pourrait toutes les nommer. S'il n'y a rien qui s'y rattache, s'il n'y a pas de pouvoirs qui s'attachent à cela, ne brandissons pas cela comme l'une des grandes rations de cette fée bienfaisante. Quand on lit à haute voix les paroles qui sont écrites, le tympan doit les comprendre et vibrer aux mêmes sons partout dans cette Chambre, mais il semblerait que non.

Du côté linguistique, où voyez-vous quelque chose? On n'a pas assez de pouvoirs linguistiques au Québec, on se le dit. Ne faites pas croire aux gens que cette fée nous donne une ration de pouvoirs linguistiques. Elle ne nous donne rien. C'est écrit: "Le présent article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs..." Cela veut dire que ça ne change rien du côté des pouvoirs. Pourquoi signe-t-on quelque chose qui ne donne rien? Encore là, juste les mots font peur à l'extérieur du Québec, même si cela ne donne rien et même si les chances que cela soit signé sont minimes.

Du côté de la protection de la minorité francophone à l'extérieur des frontières du Québec, où sont les paroles qui protègent? On dit qu'il y a des francophones à l'extérieur du Québec. On le dit, mais le fait de le dire, est-ce que cela leur donne plus de droits que ceux qu'ils ont? Non, parce que l'article 4 se rapporte à cela aussi. Aucun pouvoir supplémentaire. Donc, nos francophones à l'extérieur du Québec auront des services avec le beau petit paragraphe "où le nombre le justifie" et cela ne donne rien de plus à qui que ce soit. Où est ce phénomène qui peut être écrit dans ce texte? Où est-il ce phénomène de la grande béatitude? Où est-il?

Le pouvoir de dépenser. Où y a-t-il quelque chose dans cela qui donne des pouvoirs supplémentaires au Québec et aux autres provinces dans ce cas-là? Le gouvernement fédéral venait dépenser sur notre territoire de façon anticonstitutionnelle. Là, tout ce que cela fait, c'est que cela permet au gouvernement fédéral de venir dépenser sur notre territoire de façon constitutionnelle.

Mais, c'est cela. Je vois une députée, qui est l'une de mes grandes amies, rire. Il n'y a rien dans cela, rien, rien! Il faut lire le texte, non pas écouter ce qu'on met autour, il faut lire le texte. Le gouverne- ment fédéral venait sur notre territoire dépenser sans autorisation constitutionnelle. Si cela est signé, il va pouvoir faire la même chose, mais ce sera reconnu par la constitution. Où est la victoire de cette grande fée? Et on se bombe le torse, on se pète les bretelles: Victoire! Victoire! Une entente historique! Ce sera historique, parce que ce ne sera jamais signé. (1 h 50)

Avant de signer le pouvoir de dépenser, j'aurais aimé que quelqu'un se soit mis à y penser. Pour dépenser, il me semble qu'il faudrait d'abord qu'on pense. Il y a toujours cette possibilité des provinces qui ont l'oreille du gouvernement d'Ottawa. Il a toujours cette possibilité. Le Québec s'est fait jouer un vilain tour dans le domaine de l'assainissement des eaux, et vous le savez tous. Cela tombe justement bien, c'était le même premier ministre qui était là de 1970 à 1976. Un plan avait été institué pour aider les municipalités des provinces à faire l'assainissement de leurs eaux. C'est une juridiction exclusive des provinces. Constitu-tionnellement, le fédéral n'avait pas le droit d'y venir. Il avait un objectif national. Il fournissait 16 2/3 % des coûts aux provinces qui faisaient leurs plans. Le premier ministre, à l'époque, dans la phase I, n'était pas prêt. Donc, Québec n'a pas fait de travaux d'assainissement des eaux de 1970 à 1976, aussi peu que pas, 53 000 000 $.

On a pris le pouvoir le 15 novembre 1976. Donc, en 1977 et en 1978, on a dépensé 150 000 000 $. Quand il a vu qu'on amorçait notre participation à cet objectif national, Ottawa a coupé le plan. L'Ontario avait 94 % de son assainissement de faits, les provinces de l'Ouest, 90 %; le Québec n'avait que 10 % de faits et les provinces de l'Atlantique, 66 %.

Ce pouvoir de dépenser, s'il est institutionnalisé dans la constitution aujourd'hui, cela donnera quoi de plus? Le sourire des gens du West Island de plus, c'est tout. Cela les fera sourire parce qu'étant de la partie gagnante et commandante, il n'y aura pas de problème. Qu'est-ce que notre grande fée des rations canadienne nous donne de plus dans cette entente? Rien. Pourquoi vouloir à ce point signer? Au moins, si cela arrivait à Noël, ce serait d'époque, la fée. Mais non, en plein mois de juin! Et ce ne sont pas les idées qui déboulent. Il n'y a rien. On se fait passer un sapin en plein mois de juin.

En fait, avez-vous pensé à une chose? II y a peut-être un attrape-nigaud là-dedans. Laurier disait: II y a deux nationalismes dans ce grand pays, il y a un nationalisme de l'Ouest et un nationalisme au Québec; ailleurs, c'est le calme plat. Qu'est-ce qu'on pourrait regarder là-dedans qui est un attrape-nigaud? En indiquant dans la constitution que le Québec est une société

distincte, est-ce que, de ce fait, le Canada ne se fait pas donner par le Québec, sur papier, un grande distinction: il est seul dans tout le reste et le Québec, le faisant sans pouvoirs, refuserait automatiquement la sienne, sa distinction? J'ai l'impression que c'est à réfléchir.

En conclusion, nous avons mené, de ce côté-ci - probablement que cela se terminera demain, les temps de parole vont s'épuiser -une bataille verbale. C'était le moyen que nous avions. Cette bataille verbale a été faite de façon non partisane. Nous avons mené haut un bataille non partisane. De façon partisane, de grâce, signez! Signez! Comme péquiste, je vous demande de signer, et vite. Et demandez aux autres de signer, et vite. Parce que vous faites apparaître devant cette signature tellement d'espoirs redoutables que vous ne pourrez pas répondre de la moitié du tiers du commencement d'une de vos promesses dans ce texte qui ne dit rien et que, lorsque les Québécois se réveilleront, si jamais ça se signe, vous allez être éliminés de la carte de façon totale. Des fois, ça prend du temps à se réveiller et, quand on le fait à cette heure-ci, les gens ne se rendent peut-être pas compte des gestes que l'on pose. Mais, en tant que Québécois non partisan, en tant que Québécois, avec la définition que j'en ai, tout en respectant la vôtre qui n'est pas la même: Ne signez pas. Ce ne sera plus le carillon de la bonne entente, mais le bourdonnement d'une gang de cloches qui signent ensemble. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais comme intervenant suivant M. le député de Rousseau.

M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier aussi mes nombreux collègues qui vont écouter ce discours qui se situe dans une phase terminale et qui se situe aussi dans un phénomène historique. Ce ne sera peut-être pas le discours historique de ma carrière, mais, à 2 heures du matin, vous comprendrez qu'en dépit de l'heure et de la noirceur à l'extérieur, c'est important que j'y amène un peu de ma lumière.

Je suis aussi très content de parler après mon voisin de comté que, malheureusement, je trouve tout à fait pessimiste pour une rare fois. Tout le monde connaît ce personnage vivant et coloré qui, aujourd'hui, nous dit: Cela n'a aucune chance d'être signé. Tout compte fait, je reconnais que lui est sûrement convaincu de ce qu'il nous dit, parce que c'est peut-être le seul ou un des seuls députés du Parti québécois à avoir des convictions profondes. Ses convictions, il les a étalées, il les a dites. Bien entendu, son parti et son chef de l'ont pas écouté, mais je pense que le député de Terrebonne est très convaincu de ses convictions et nous l'a démontré à plusieurs reprises.

Je pense que ce débat est le débat de la dignité du Québec. Sur la constitution, le rapatriement, la signature, bien des choses se sont dites, beaucoup d'arguments ont été employés, mais une chose est certaine: le gouvernement libéral a réalisé un engagement, celui de signer une entente dans l'harmonie. Je prendrai comme exemple ce que le député de Joliette disait tantôt. Un exemple dans le domaine sportif parce que tous et chacun savent que c'est un domaine auquel je suis attaché. Le député de Joliette disait tantôt: II y a des chandails rouges - il avait choisi la bonne couleur - et il y a un chandail blanc. Je voudrais lui dire que: dans une équipe, ce qui est important, c'est que tout le monde ait le même chandail et que tout le monde ait le même objectif de travailler pour obtenir la victoire. Que le patineur soit plus ou moins habile, qu'il soit plus grand ou plus fort, je pense qu'il fait partie de la même équipe. L'important, c'est de participer et ce, dans l'harmonie.

Le Québec avait connu au préalable énormément d'échecs au niveau de la signature d'ententes sur le reste du Canada. Bien entendu, cette harmonie qu'a connue le gouvernement du Québec, c'est au grand désarroi du Parti québécois parce que l'intérêt du Parti québécois, c'est que ça ne fonctionne pas. Malheureusement, on est revenu d'Ottawa et ça fonctionnait. Cela a été le désenchantement du parti de l'Opposition.

M. le Président, je ne voudrais quand même pas me substituer aux constitutionna-listes, ce que je ne suis pas, aux juristes, ce que je ne suis pas. On a entendu un merveilleux discours tantôt du député de Mille-Iles qui nous a démontré l'importance du pouvoir de dépenser. (2 heures)

Je pense que, si les députés du Parti québécois n'ont pas compris, ils ne comprendront jamais. Bien entendu, s'ils étaient ici, ce serait préférable. Je remercie encore une fois le député de Terrebonne d'être ici parce que je suis convaincu qu'il est resté spécialement pour écouter son voisin.

Je ne voudrais pas oublier de me joindre au reste de l'équipe ministérielle pour adresser mes félicitations au premier ministre, un homme d'expérience, qui, en 1971, avait déjà fait sa marque au niveau des rapports constitutionnels et à notre ministre. Ces deux personnes ont formé un duo qu'on pourrait dire des plus compétents, des plus habiles pas pour déjouer les autres provinces, mais pour démontrer que le Québec a sa place dans le Canada. Ils ont été talentueux et surtout respectueux de la population qui en avait assez des chicanes

sous l'ancien gouvernement. On a exactement respecté ce à quoi on s'était engagé durant la campagne électorale.

M. le Président, je vais me contenter de vous livrer quelques réflexions personnelles, dans bien des cas inspirées par les citoyens du beau comté de Rousseau, que j'ai l'occasion de côtoyer très souvent. Un comté à moitié rural, à moitié touristique, très peu de constitutionnalistes à l'intérieur, beaucoup moins de juristes, mais des gens qui ont une opinion ferme et décidée sur la constitution. Je voudrais rassurer certains députés du Parti québécois qui semblent dire que la population est affolée, que la population est tout à fait contre. Je veux les rassurer parce que j'ai deux bureaux dans le comté. Ni l'un ni l'autre n'a été assailli de personnes venant me dire: Vous ne nous avez pas parlé, vous ne nous avez pas consultés. Je n'ai même pas eu, ou très peu d'appels téléphoniques de personnes qui voulaient des explications supplémentaires.

C'est donc dire que ce qui s'est fait en commission parlementaire, ce qui s'était fait l'année précédente par l'amorce de la discussion... Je tiens à souligner que l'amorce s'est faite dans mon comté, à l'auberge du Mont-Gabriel. C'est signe qu'il se passe sûrement de très bonnes choses dans Rousseau.

Vous, M. le député de Terrebonne, vous avez eu votre temps de parole. Vous aurez un droit de réplique, j'imagine. M. le Président, il y a une chose que j'aimerais vous livrer. Vous savez, je pense que le premier événement qu'il faut peut-être mentionner, c'est que les citoyens du Québec sont heureux de cette signature. Cela n'a pas de valeur au plan légal, cela n'a rien d'exceptionnel, mais les gens sont heureux qu'on ait signé cela. On l'a vu dans les nombreux sondages. Ces citoyens sont surtout heureux parce que cette entente comprend nos cinq points et elle est rationnelle. Je veux juste faire un parallèle: quand on nous accuse d'avoir brouillé toutes sortes de choses, rappelez-vous la question référendaire. Était-elle claire? Un chef-d'oeuvre, M. le Président, de méli-mélo. Un chef-d'oeuvre!

Les gens au référendum savaient-ils dans quoi ils auraient pu s'engager? Cela prenait presque un cours classique pour comprendre la question ou un cours de théâtre pour être capable de la jouer en improvisation. On nous reproche de ne pas avoir des textes assez limpides, assez clairs. Il s'agit juste de comparer ce qu'on a vécu en 1981. Je pense qu'on n'a pas de leçon à recevoir de ce parti qui nous dit d'en demander plus alors qu'il n'a jamais rien eu.

Je voudrais retenir les propos de trois députés différents, dont certains propos, que je qualifie de vicieux, du député de Lac-Saint-Jean, connu sous le nom de "tordeur de bras". Ce n'est pas nous qui le disons, ce n'est pas de la démagogie; c'est un membre de son parti qui ne vient plus en Chambre, fort probablement parce qu'il a trop mal au bras.

Le député de Lac-Saint-Jean essaie -vous voyez comme on a une équipe active, en formel - de nous montrer qu'il y a deux types de Québécois ici, les Anglais et les Français. Pour nous du Parti libéral, il n'y a qu'un seul Québécois, ce sont toutes ces personnes; c'est le respect total. Dans son discours d'une demi-heure, il a parlé presque exclusivement de la loi 101, en essayant de semer un peu plus de confusion.

Je voudrais répéter à toutes les classes de la population du Québec que nous ne tiendrons jamais ce discours. C'est dans le respect le plus total. Cette opposition entre les Anglais et les Français, malheureusement, le Québec y a trop vibré durant les années soixante-dix et heureusement jusqu'en 1985. Je veux quand même leur signaler que le respect que le gouvernement leur offre, il le leur a offert aussi dans la signature du rétablissement de l'harmonie au Canada.

Je voudrais reprendre quelques propos du député de Joliette, un autre de mes voisins. Vous voyez comme j'ai un voisinage quelque peu perturbateur.

Une voix: Tu n'as jamais pensé à déménager?

M. Thérien: Non, je n'ai pas pensé à déménager, mais ce sont les citoyens de Joliette et de Terrebonne qui pensent à déménager dans Rousseau. Comme je le mentionnais tantôt, le député de Joliette nous disait: Vous signez à rabais. Nous sommes tous deux d'anciens enseignants. Il faudrait qu'il revoie la définition du mot "rabais"; cela veut dire abaisser un prix sur quelque chose d'identifié. On n'avait rien. On ne pouvait pas être "à rabais" lorsqu'on n'avait rien, on n'avait pas de signature. On était isolé et on emploie le mot "rabais". On dit qu'on signe cela à rabais, lorsqu'on n'a jamais été capable de signer quelque chose.

D'ailleurs, si le député de Joliette était ici, je lui dirais: II nous a signé, par décret, à rabais, des conditions dans l'enseignement; ce n'était pas un rabais, mais une "écoeuranterie" qui, heureusement, a été rachetée par le Parti libéral dans les dernières négociations.

Bien entendu, je ne peux pas passer sous silence les propos du député de Saint-Jacques qui nous parle de passion. On le connaît comme un personnage passionné. Je ne sais pas à quelle chute il est de la Passion. On sait tous que, malheureusement, le Québec a vécu un certain temps de passion; on a oublié le côté rationnel et le côté économique. Il nous a parlé surtout de la majorité parlementaire. Son chef nous en parle aussi. Je lui rappelle la même chose

que j'aurais rappelée au député de Joliette: Où était-il? Qu'est-ce qu'on a fait de la majorité parlementaire quand on a voté la loi 111, la loi la plus répressive? C'est la majorité parlementaire, c'est le nombre, M. le député de Terrebonne, que vous pouvez compter sur vos doigts, en ajoutant...

Ce geste historique des onze premiers ministres, on a beau dire ce que l'on veut, mais, quand même, cela va s'inscrire dans l'histoire. Les plus pessimistes diront que cela ne se signera jamais; tout le monde sait que, dorénavant, le Parti libéral est un parti optimiste et rationnel. (2 h 10)

On essaie aussi de nous faire accroire que les cinq propositions, c'est quelque chose qui ne vaut à peu près rien. L'immigration, c'était important avant, cela ne l'est plus. On gagne quelque chose, mais les autres provinces aussi. C'est tout à fait nouveau. Le droit de veto, on n'en a vraiment jamais eu. Par contre, on était plus fort avant, donc, on avait sûrement quelque chose. Les autres provinces l'ont aussi. On n'a à peu près rien obtenu, selon eux.

Reconnaissance explicite du Québec comme société distincte. Ils en ont connu des échecs dans des négociations où on a voulu inscrire le Québec sous le nom de peuple, de nation ou sous toutes sortes d'autres identifications. Je pense, et je le signalais tantôt, que c'est au grand mérite de notre duo qui est allé à Ottawa et qui est revenu avec la reconnaissance de la société distincte. Comme je le disais tantôt, le pouvoir fédéral de dépenser, et mon collègue de Mille-Îles en a très bien parlé tantôt, c'est là aussi un avantage.

Ce que je trouve un peu bizarre, surtout de la part du député de Terrebonne tantôt qui l'évoquait, c'est qu'on essaie de voir tous les problèmes qui pourraient surgir de cette entente sans avoir vécu cela. Je pense que c'est chercher, comme on l'a cherché dans les années 1981 ou ailleurs, un peu le chaos ou la chicane, c'est chercher quelque chose qui ne fonctionnerait pas. Je l'aurais cru beaucoup plus optimiste que cela; sûrement qu'à 2 heures du matin il est un peu fatigué. Demain matin, je suis convaincu qu'il va reprendre son discours avec une autre attitude. Je suis convaincu de cela.

Il y a une chose qu'il faut signaler au parti de l'Opposition que nous, on est en mesure de constater et de respecter, c'est que la population a évolué. Penser que la population pense de la même façon que dans les années soixante-dix, penser que les seuls défenseurs du Québec, c'est le Parti québécois, je pense que c'est mal connaître la population du Québec. Penser aussi que la population n'est pas au courant de l'entente qui s'est signée, c'est, malheureusement, traiter la population d'ignorante, d'incapable de comprendre ce qui se passe. Médias, télévision et presse écrite ont très bien expliqué ce qu'était cette entente. Ce qui est plus déplorable, M. le Président, c'est que c'est choquant pour eux de voir que cela fonctionne. C'est cela qui est le plus choquant. Il ne faut pas que cela fonctionne. Les pouvoirs supplémentaires. Bien entendu, lorsqu'on s'entend avec quelqu'un... Je prenais comme exemple le sport tantôt. Dans une équipe sportive où il y a de la dissension - je ne parle pas d'une équipe politique, on l'a vu dernièrement dans les équipes politiques - il ne peut pas y avoir d'efforts supplémentaires, il ne peut pas y avoir de gains supplémentaires. C'est la question qu'il faut se poser. Bien entendu, l'entraîneur est fort important. Le nôtre était excellent, notre premier ministre du Québec.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Thérien: Bien entendu, je pense que cette signature va permettre au gouvernement, à tout le Québec de mettre le cap sur autre chose aussi, de ne pas négliger la continuité des pourparlers, mais de mettre le cap sur ce que la population souhaite le plus, des réalisations économiques. Je pourrais vous en nommer. Le premier ministre est expert pour vous nommer toutes les réalisations que notre gouvernement a faites depuis un certain temps.

Est-ce qu'on peut être contre le fait que le Québec a été le premier, le chef de file à indiquer à tout le Canada que ce sur quoi on s'est entendu, on y tient, sans amendement et sans rectification? On y tient. M. le député de Terrebonne, repensez à ceci. C'est tout le Québec qui vous implore, 77 % des Québécois, pas juste des anglophones, bien que M. le député de Lac-Saint-Jean essaie de nous faire croire que le Parti libéral, le gouvernement présentement, c'est le gouvernement des anglophones. Au contraire, c'est le gouvernement de tous les Québécois, il n'y a qu'une seule classe de Québécois. Pourquoi semer cette dissension et essayer de faire connaître un petit peu ce que le Québec a connu dans les années précédentes?

M. le Président, je voudrais conclure là-dessus en vous disant qu'on veut sauvegarder ce qui a été signé, - M. le député de Terrebonne, vous aurez votre temps - l'entente qui a été signée. Nous sommes les premiers et nous indiquons clairement notre message. Je suis fier de participer à ce débat, je suis fier de participer à ce gouvernement, je suis fier d'être Québécois après la signature de cette entente. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je demanderai la suspension du débat, M. le Président.

Le Vice-Président: L'ajournement du débat?

M. Blais: L'ajournement du débat.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, n'ayant pas de feuilleton à ma disposition, je ferai motion pour que nous ajournions nos travaux à demain ou plutôt à ce matin, 10 heures.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Donc, l'Assemblée nationale ajourne ses travaux. Ceux-ci reprendont ce matin, mardi 23 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 2 h 17)

Document(s) related to the sitting