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(Dix heures treize minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un
moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Présence du patriarche d'Antioche
J'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans
la tribune de Sa Béatitude Ignace-Antoine Hayek, patriarche d'Antioche
et de tout l'Orient pour les Syriens catholiques. M. le patriarche.
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président, si vous voulez bien
appeler l'article b du feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 242
Le Président: À l'article b du feuilleton, j'ai
reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de
loi 242, Loi concernant le Club des Portes de l'Estrie inc. Le directeur de la
législation a constaté que les avis n'ont pas été
publiés conformément à nos règlements. Est-ce qu'il
y a consentement pour procéder à la présentation de ce
projet de loi?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
À l'article b du feuilleton, ce matin, Mme la
députée de Johnson présente le projet de loi 242, Loi
concernant le Club des Portes de l'Estrie inc. Est-ce que l'Assemblée
accepte de se saisir de ce projet de loi?
M. Gratton: Oui. Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Gratton: M. le Président, je voudrais faire motion pour
que le projet de loi soit déféré à la commission du
budget et de l'administration et pour que le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation en soit
membre.
Le Président: Est-ce que cette motion de renvoi est
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Est-ce qu'il y a d'autres présentations de projets de lot, M. le
leader du gouvernement, ce matin?
M. Gratton: Non, M. le Président.
Le Président: Nous allons procéder au
dépôt de documents. Mme la ministre des Affaires culturelles et
vice-première ministre.
Classement du pont couvert Marchand à Mansfield
et Pontefract
Mme Bacon: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer l'avis de la Commission des biens culturels du Québec
concernant le classement de Mansfield et Pontefract, pont couvert Marchand.
Le Président: Mme la vice-première ministre, votre
document est maintenant déposé.
M. le Solliciteur général, toujours à
l'étape du dépôt de documents.
Rapport annuel du Bureau du coroner
M. Marx: Oui, M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1987 du Bureau du coroner.
Le Président: Votre document est déposé, M.
le Solliciteur général.
Dépôt de rapports de commissions, M. le président de
la commission...
M. Gratton: M. le Président.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
Horaire des consultations sur le projet de loi
34
M. Gratton: À l'étape du dépôt de
documents, à la suite d'une entente avec l'Opposition officielle et le
député de Gouin, je voudrais déposer l'horaire des
consultations particulières de la commission des affaires sociales
concernant le projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de
santé et les services sociaux et d'autres dispositions
législatives.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que c'est la liste des intervenants sur la
loi 34? Est-ce que le leader pourrait m'indiquer si le nouveau p.-d.g. est
toujours le dernier intervenant à 23 heures?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, au contraire, le jeudi 9
juin, M. Pierre Lamarche sera là le
premier, le matin.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Gratton: Vous voyez comme cela va bien?
Le Président: Adopté?
Dépôt de rapports de commissions. M. le président de
la commission du budget et de l'administration et député de
Vanier.
Consultation générale sur le document
intitulé "Décloisonnement des intermédiaires"
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé du 31 mai au 3 juin 1988 afin de procéder à
une consultation générale dans le cadre du document
intitulé "Décloisonnement des intermédiaires".
Le Président: Votre rapport de commission est
déposé, M. le député de Vanier.
M. le président de la commission de l'aménagement et des
équipements et député de Bertrand, à l'étape
de dépôt de rapports de commissions.
Consultations particulières sur le
document intitulé "Politique
d'utilisation
des pesticides en milieu forestier"
M. Parent (Bertrand): M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé les 1er, 2 et 3 juin 1988 afin de
procéder à des consultations particulières sur le document
intitulé "Politique d'utilisation des pesticides en milieu
forestier".
Le Président: Le rapport de commission est
déposé, M. le député de Bertrand.
Dépôt de pétitions, M. le député de
Shef-ford.
Parité de l'aide sociale et autres mesures
réclamées
M. Paré: Merci, M. le Président. Je demanderais le
consentement des membres du gouvernement pour déposer cette
pétition.
M. Gratton: D'accord.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader
du gouvernement?
M. Gratton: Oui, M. le Président.
Le Président: Alors procédez, M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée par 626
pétitionnaires de la région de Sherbrooke. Les faits
invoqués sont les suivants: "Que des coupures sont faites dans les
besoins spéciaux des assistés sociaux, sur la carte de
médicaments, dans l'indexation trimestrielle de leur chèque de
prestations; que la personne assistée sociale ne se sent pas
respectée vu les divers contrôles qui sont effectués."
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Qu'on
exige la parité de l'aide sociale; que les gains de travail soient au
moins ramenés au niveau du seuil de la pauvreté, que des vrais
programmes de retour au travail soient implantés, qu'il y ait une hausse
des prestations et que l'on cesse les contrôles abusifs auprès des
personnes bénéficiaires de l'aide sociale." Je certifie que cet
extrait est conforme à l'original de la pétition.
Le Président: M. le député de Shefford,
votre pétition est maintenant déposée. Y a-t-il d'autres
dépôts de pétitions?
Ce matin, il n'y aura pas d'intervention portant sur une violation de
droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
Avant de procéder à la période
régulière de questions, j'informe les membres de cette
Assemblée qu'il y aura un complément de réponse
apporté par M. le ministre de l'Énergie et des Ressources,
à M. le député de Verchères, à propos du
bilan environnemental effectué par Hydro-Québec concernant les
centrales au diesel sur la Basse-Côte-Nord, et plus
particulièrement sur fa région de La Tabatière. M. le
député doit-il être ici, ce matin? Parfait. (10 h 20)
Nous allons procéder maintenant à la période
régulière de questions et de réponses orales. Je vais
reconnaître, ce matin, en première principale, M. le whip de
l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Proposition de résolution demandant
au fédéral de retirer ou de
modifier le projet de loi C-72
M. Brassard: Oui, M. le Président. Hier, le ministre des
Affaires intergouvernementales canadiennes indiquait à cette Chambre que
le gouvernement entendait prendre des actions pour faire respecter ce qu'il
considère comme essentiel, c'est-à-dire le respect de nos
compétences sur la langue. On faisait référence, bien
sûr, vous vous le rappelez, au projet de loi fédéral sur
les langues officielles, le projet de loi C-72, qui s'ingérerait dans
des domaines de juridiction québécoise. Je signale
également que c'est le devoir du ministre, en vertu même de la
loi, de veiller à ce que soit respectée la compétence
constitutionnelle du Québec. Ma première question au ministre:
Comme première action, comme
premier geste, puisqu'il parle d'actions à poser, est la
suivante: le ministre peut-il nous indiquer si son gouvernement est maintenant
prêt - il ne l'était pas, il y a quelques semaines - à
s'associer à une résolution de l'Assemblée nationale
demandant au fédéral de retirer ou d'amender le projet de loi
C-72 pour que les compétences du Québec soient
respectées?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. M. le ministre.
M. Rémillard: J'ai mentionné, de fait, hier,
qu'à la suite d'un avis que nous avons reçu du ministère
de la Justice, il appert que ce projet de loi C-72 est difficilement
contestable dans ses principaux éléments, mais qu'il peut
soulever des inquiétudes quant à l'application que pourrait lui
donner le gouvernement fédéral. En ce sens, j'avais
mentionné hier que nous envisagions différentes
possibilités d'actions pour faire valoir ces inquiétudes du
côté du gouvernement fédéral. Je peux vous dire que
je vais expédier une lettre, dans les prochaines heures, au
secerétaire d'État, M. Bouchard, pour l'informer de notre
position, à savoir que le projet de loi C-72 doit demeurer
essentiellement dans les domaines de compétence fédérale,
c'est-à-dire se limiter aux institutions fédérales.
Quant à ce qui touche les aspects qui sont de juridiction
provinciale, il est essentiel que cette juridiction soit protégée
et il peut y avoir, bien sûr, discussion avec le gouvernement
fédéral à différents niveaux, mais il n'est
absolument pas question que nous puissions accepter que, par le biais de ce
projet de loi sur les langues officielles, le gouvernement
fédéral vienne s'introduire dans un champ de compétence
exclusivement provinciale, surtout lorsqu'il s'agit d'un champ aussi important
que celui de la langue. C'est dans ce contexte, M. le Président, que je
ferai parvenir dans les prochaines heures une lettre au secrétaire
d'État, M. Bouchard.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: M. le Président, je reviens à ma
question: En plus d'envoyer une missive au secrétaire d'État sur
le sujet - ma question était la suivante et il ne l'a pas touchée
- est-ce que le ministre est disposé maintenant à ce que
l'Assemblée nationale s'associe à l'action du gouvernement et
adopte une résolution demandant au gouvernement fédéral -
une résolution qui, cette fois, serait adoptée unanimement, je
suppose - de retirer les dispositions du projet de loi C-72 de façon que
les compétences linguistiques du Québec soient pleinement
respectées?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, il est difficile de
parler en ces termes. On peut difficilement demander de retirer des termes ou
des articles du projet de loi C-72, parce que, comme je le mentionnais tout
à l'heure, cela dépend de l'application que le gouvernement
fédéral va faire. Le député de Lac-Saint-Jean sait
très bien que le gouvernement fédéral a un pouvoir de
dépenser. Le gouvernement fédéral agit dans ces domaines
depuis déjà nombre d'années et, maintenant, il traduit
dans une forme législative ce pouvoir de dépenser dans un domaine
qui est la langue. Ce que nous lui disons, c'est que, présentement, dans
cette loi, il n'y a pas de cadre régulatoire; il n'y a pas de cadre
juridique qui nous permette de croire que ce serait vraiment une action du
gouvernement fédéral dans un domaine de compétence
provinciale, et qui serait donc inconstitutionnelle. Mais à partir de
là, je crois qu'il serait difficile de présumer des intentions du
gouvernement fédéral.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, toujours en
additionnelle.
M. Brassard: Le ministre ne convient-il pas que certaines
dispositions du projet de loi C-72, en particulier l'article 42, ne peuvent
conduire, si elles sont appliquées, qu'à des intrusions, des
ingérences du gouvernement fédéral dans les
compétences linguistiques? À moins qu'il n'admette ici, en cette
Chambre, ce matin, que l'article 42, par exemple, n'est que purement
décoratif et qu'une fioriture législative que le gouvernement a
placée là, dans son projet de loi, pour mieux le
décorer.
Le Président: M. le ministre des Affaires internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. M. le ministre.
M. Rémillard: Le député de Lac-Saint-Jean a
raison de souligner l'article 42. C'est l'article qui pose problème.
Cependant, je me permets de lui souligner que dans l'article 42, il est bien
mentionné que plusieurs pouvoirs qui seraient de la capacité du
gouvernement fédéral sont utilisés pour encourager les
gouvernements provinciaux. Donc, dans la mesure où on respecte la
compétence du gouvernement provincial, on ne voit pas de
difficultés, d'autant plus qu'il faut se souvenir de ces
déclarations, tant du premier ministre du Canada que de plusieurs de ses
ministres venus au Québec qui ont dit, à plusieurs reprises,
à quel point ils tenaient à ce que la loi 101 soit
respectée. Cela ne fait pas tellement longtemps que même le
premier ministre du Canada est venu nous affirmer cela ici. Donc, il y a une
volonté du côté du gouvernement fédéral de
respecter la loi 101. Dans ce
contexte, M. le Président, si on interprète dune
façon littérale et grammaticale ce texte de loi, on peut se poser
des questions sur une éventuelle capacité du gouvernement
fédéral d'utiliser...
Le Président: Conclusion.
M. Rémillard: ...ce projet de loi pour toucher des
compétences provinciales, mais le texte de loi, tel qu'il se
présente actuellement, se situe dans le champ de la juridiction
fédérale.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: M. le Président, si le gouvernement
fédéral, selon le ministre, a manifesté son intention
ferme de respecter la loi 101, où est le problème, à ce
moment-là, pour demander au gouvernement fédéral de
retirer une disposition, en particulier l'article 42, qui peut conduire, si
elle est appliquée, à des ingérences dans les
compétences linguistiques du Québec? Où se trouve le
problème? Est-ce que, à ce moment-là, le ministre, au
moins dans sa lettre au secrétaire d'État, lui demande de retirer
ou de corriger l'article 42 pour qu'aucun danger d'intrusion n'existe?
Le Président: M. le ministre des Affaires internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, dans cette lettre,
nous voulons préciser que nous entendons faire respecter la
compétence législative du Québec sur la langue. Nous
entendons faire respecter la loi 101. Dans le contexte actuel, la loi C-72 est
constitutionnelle, mais nous disons: Attention, si vous utilisez ce projet de
loi pour toucher, affecter des compétences provinciales en ce qui
regarde la loi 101, en ce qui regarde la la langue, nous n'hésiterons
pas à nous adresser aux tribunaux. Cependant, telle que la loi se
présente, elle nous apparaît constitutionnelle.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: Le ministre ne convient-il pas que, pour
éliminer tout danger potentiel, la meilleure chose à faire pour
le gouvernement fédéral et la meilleure chose à demander
pour le gouvernement du Québec, c'est que l'article 42 soit
retranché, purement et simplement, du projet de loi, de la même
façon que, dans l'accord du libre-échange...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: ...la meilleure façon, c'était de
retrancher l'article 6?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord
l'article 42, je l'ai mentionné, dans plusieurs de ses aspects, se
réfère aux gouvernements provinciaux. D'autre part, il faut
reconnaître à cette loi C-72 des aspects positifs, notamment la
possibilité d'offrir aux francophones hors Québec des services
dans leur langue, et en ce qui concerne le domaine de la justice, des services
qu'ils n'ont pas. Je me permets de rappeler à l'Opposition les
commentaires qu'ils nous ont farts il n'y a pas tellement longtemps, voulant
que nous abandonnions les francophones hors Québec. Il ne faudrait pas
tenir deux discours II faudrait tout de même être conscient que ce
projet de loi C-72 apporte des choses positives pour les francophones hors
Québec. Cependant, comme je l'ai mentionné hier, et je le
répète, la dualité canadienne ne doit pas se voir de la
même façon en ce qui regarde son application pour les provinces
anglophones et pour le Québec. Ce n'est pas la même chose Dans ce
contexte, je demande simplement au député de Lac-Saint-Jean de
prendre aussi en considération que ce projet de loi est très
intéressant pour les francophones hors Québec. Il s'agit, pour
nous, de dire: Protégeons notre compétence, protégeons la
loi 101 et ne venez pas toucher à notre compétence sur la langue.
(10 h 30)
Le Président: M. le whip de l'Opposition, toujours en
additionnelle.
M. Brassard: Est-ce que le ministre est maintenant en mesure,
aujourd'hui, de nous dire si le projet de loi C-72 est conforme à la
lettre et à l'esprit de l'accord du lac Meech? Est-ce qu'il est
maintenant prêt à nous indiquer que ce projet de loi est conforme
à l'esprit et à la lettre de l'accord du lac Meech?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, dans sa lettre, il
peut le respecter, reste à voir dans son application. C'est le but de la
lettre que j'envoie au secrétaire d'État. Ce que nous lui disons,
c'est justement que nous avons signé une entente et que le gouvernement
fédéral et le Québec ont adhéré à
l'entente du lac Meech avec cinq autres provinces. Maintenant, il faut bien
comprendre que, dans cette entente, on reconnaît la dualité
canadienne et on reconnaît la spécificité du Québec.
D'une part, il y a deux communautés linguistiques qui sont le fondement
même de ce pays et, d'autre part, il y a aussi le Québec qui est
une société distincte et qui a le pouvoir de protéger et
de promouvoir cette
distinction que représente évidemment, en premier lieu, la
langue française. C'est dans ce contexte que j'écris cette lettre
au secrétaire d'État.
Le Président: M. le whip de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Brassard: Est-ce que le ministre ne convient pas que la
dualité linguistique, caractéristique fondamentale du Canada
qu'on retrouve dans l'accord du lac Meech, inspire et constitue le fondement du
projet de loi C-72 et que, contrairement à l'interprétation qu'il
vient d'en donner, cela signifie, au Québec, la défense des
minorités et de la minorité anglaise, donc cela signifie au
Québec la défense et la promotion de l'anglais? C'est ce que cela
veut dire.
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, l'entente du lac
Meech, c'est la reconnaissance de la dualité canadienne. L'entente du
lac Meech, c'est la reconnaissance que le Québec forme une
société distincte, avec le pouvoir pour cette Assemblée de
protéger et de promouvoir cette distinction. Ce que j'ai
mentionné tout à l'heure - je me permets de le
répéter - c'est que ce projet de loi C-72 est très
intéressant pour les francophones hors Québec. Il faut le
comprendre. Je sais que le député de Lac-Saint-Jean m'a
déjà dit qu'il fallait avoir des programmes pour faire en sorte
que tous les francophones hors Québec puissent venir s'établir au
Québec, revenir au Québec. Ce n'est pas notre philosophie. Nous
croyons que les francophones ont leur place partout dans ce pays, et par
l'entente du lac Meech, nous avons les fondements, les principes qui vont leur
permettre, justement, d'avoir leur place dans ce pays. Par la loi C-72, dans la
mesure où le gouvernement fédéral respecte le partage des
compétences législatives, il pourra respecter ce principe de la
dualité, dualité qui ne doit pas être vue d'une
façon symétrique, mais en fonction de ce principe important qui
est en bonne place dans l'entente du lac Meech, à savoir que le
Québec est une société distincte et que cette
Assemblée a la compétence, le pouvoir et le devoir de
protéger et de promouvoir cette distinction.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, le ministre ne croit-il pas
que c'est trop peu et trop tard? Il veut se battre à coups de mouchoir.
Il vient de dire que cette Assemblée a le devoir de faire respecter ses
compétences. On lui offre précisément l'unanimité
de cette Chambre pour appuyer une revendication claire, précise, une
volonté politique du peuple québécois, par le biais de
cette Assemblée nationale. Ne croit-il pas que c'est une attitude de
mollesse que d'envoyer une lettre? Sera-t-elle comprise, oui ou non? Ne
croit-il pas que c'est de cette façon qu'on se fait ridiculiser à
la longue?
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, je déduis,
des questions de l'Opposition, que nous avons l'unanimité. Vous
êtes comme nous. Vous voulez, comme nous, faire respecter la juridiction
du Québec. Vous voulez protéger la loi 101. On veut faire la
même chose. Ce qu'on dit, concernant le projet de loi C-72, c'est que
c'est un projet qui, actuellement, relève de la compétence du
gouvernement fédéral. Cependant, attention! S'il y a une
application qui n'est pas conforme au partage des compétences, nous
allons aller devant les tribunaux. Nous allons les contester. C'est dans ce
contexte-là, M. le Président, qu'on va agir. Et la lettre est
très ferme. La lettre est très claire. Il s'agit de
protéger la juridiction du Québec sur la langue.
Le Président: M. le chef de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, le ministre ne
reconnaît-il pas qu'il laisse bâtir une assise juridique dans
laquelle le Québec sera entraîné et où le
fédéral pourra oeuvrer à sa guise, et que nous, les
dindons de la farce, nous devrons aller devant les tribunaux pour faire
respecter nos juridictions? Alors que, s'il veut des relations harmonieuses,
qu'il déclare, d'ores et déjà et au préalable, la
volonté du Québec de ne pas voir les lois fédérales
empiéter sur ses juridictions!
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre des Relations internationales
et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, c'est exactement ce
que nous allons faire. Je vais écrire au secrétaire d'État
et nous allons lui mentionner nos préoccupations et lui dire qu'il doit
se conformer à ce que le premier ministre du Canada, à ce que des
ministres sont venus nous dire ici. Vous vous souvenez comme moi, M. le chef de
l'Opposition - cela ne fait pas tellement longtemps - que le premier ministre
du Canada est venu nous dire ici que la loi 101 devait être intouchable.
C'est lui-même qui est venu le dire. Combien de ministres
fédéraux sont venus nous le dire ici? Eh bien, on va voir. Dans
ce projet de loi C-72, ce que nous voulons c'est qu'il y ait l'expression d'une
volonté ferme de la part
du gouvernement fédéral d'utiliser ce projet de loi pour
établir l'égalité des deux langues officielles, pour aider
les francophones hors Québec, pour faire en sorte que ces francophones
puissent avoir des services dans leur langue - et je sais que vous n'êtes
pas contre cela, je l'espère du moins - mais en ce qui regarde le
Québec, reconnaître que le Québec est une
société distincte, que la dualité ne doit pas s'appliquer
d'une façon symétrique et qu'en ce qui nous regarde, s'il y a
utilisation du projet de loi C-72 dans un domaine de compétence
provinciale touchant la langue, nous n'hésiterons pas à aller
devant les tribunaux. Et, aux dernières nouvelles, M. le
Président, il demeure que les tribunaux sont les gardiens ici de notre
société démocratique.
Le Président: Alors je vais reconnaître ce matin,
une deuxième principale à M. le député de
Taillon.
Divers documents publiés en anglais par
l'administration gouvernementale
M. Filion: Merci, M. le Président. Toujours dans la
même veine d'angélisme suicidaire, je voudrais dire quelques mots
sur l'usage de la langue française au sein de l'administration publique
gouvernementale. On sait que ce secteur est sujet à
détérioration et, sans contredit, cela tient au message de
laisser faire véhiculé par le gouvernement du Parti
libéral. Depuis le dernier cas que j'ai soulevé en Chambre, celui
de la Commission de formation professionnelle de Montréal qui publiait
son bulletin de présentation, le bilan s'alourdit. Le ministère
des Finances envoyait des dépliants unilingues anglais à plus de
1000 Québécois francophones. Le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu envoyait à sa
clientèle, bénéficiaire d'aide sociale - plusieurs
milliers d'assistés sociaux, je crois - des formulaires en anglais. Mais
comme si cette liste n'était pas suffisamment longue, voilà
qu'à Rawdon on est incapable, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche, de se procurer un livre de règlements de pêche
en français...
Le Président: Votre question.
M. Filion: ...parce que, dans ces endroits, il n'y en a plus.
Également, une citoyenne de Montréal, qui s'était fait
opérer, pour le remplacement d'une valve, à l'Institut de
cardiologie de Montréal, reçoit la correspondance du suivi de son
opération en anglais seulement.
Le Président: Votre question.
M. Filion: Voici ma question au ministre responsable de la loi
101. Est-ce que le ministre responsable de la loi 101 trouve normaux les cas
que je viens de citer? Est-ce qu'il trouve normal qu'au Musée des
beaux-arts de Montréal, lorsqu'on loue un appareil, un
magnétophone guide-cassette, on nous remette des reçus en anglais
seulement?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: M. le Président, le député de
Taillon fait allusion à toute une série de...
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivard: Le député de Taillon, disais-je, fait
allusion à toute une série d'incidents qui concernent la langue
utilisée par l'administration dans ses communications. Je dois avouer
carrément que, comme le député de Taillon, je ne suis pas
heureux du tout de la répétition de tels incidents.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivard: L'administration, M. le Président, en ce qui
concerne l'utilisation de la langue française, je l'ai
déjà dit en cette Chambre, devrait être impeccable. Elle
devrait être la première à donner l'exemple. De toute
évidence, très bientôt je vais m'asseoir avec mes
collègues et nous allons regarder ensemble de quelle façon nous
pouvons pallier cette situation. Vous savez, messieurs et mesdames de
l'Opposition, que le gouvernement précédent n'a pas mis dans la
loi 101, n'a pas créé de lien qui aurait permis, par exemple,
à l'Office de la langue française de regarder de quelle
façon l'administration se plie aux directives, aux articles de la loi
101. Je demande à l'Office de la langue française de regarder ce
problème-là et je lui demande aussi de publier, appelons cela un
guide des directives ou je ne sais trop, qui permettra que les articles de la
loi 101 deviennent limpides.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle. (10 h 40)
M. Filion: Est-ce que le ministre ne convient pas, pour que la
langue de l'administration gouvernementale au Québec demeure
française, que la meilleure façon de procéder, c'est la
suggestion avancée par l'Opposition depuis six mois, à savoir une
enquête complète sur les causes de la dégradation dans
l'usage du français et, également, sur les mesures
concrètes à appliquer dans les différentes régies,
organismes et ministères, pour faire que la langue de l'administration
au Québec soit le français?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: Vous savez, M. le Président, il existe 44QQ
ministères et organismes et il est évident que, relativement
parlant, même si les gestes ou les incidents se multiplient et même
s'ils sont tout à fait inacceptables, il n'en demeure pas moins que
chacun de ces incidents implique un nombre relativement restreint d'individus.
Cependant, j'aimerais attirer l'attention de cette Chambre sur le fait suivant:
La loi 101, telle qu'elle est rédigée actuellement, eu
égard à la langue de l'administration, comporte quelque chose qui
peut en rendre l'application difficile. L'article 15 dit: "L'administration
rédige et publie dans la langue officielle ses textes et documents",
mais l'article 89 a aussi été mis en place dans la loi par le
Parti québécois et il dit: "Dans les cas où la
présente loi n'exige pas l'usage exclusif de la langue officielle, on
peut continuer à employer à la fois la langue officielle et une
autre langue."
En insérant cet article dans la loi, le gouvernement
précédent a dilué, a diminué l'impact de l'article
15.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Est-ce que le ministre peut prétendre
sérieusement...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Filion: ...que, en vertu du texte légal actuel, il ne
fait absolument aucun doute que la langue de l'administration, c'est le
français et exclusivement le français?
Deuxièmement, M. le Président, est-ce que le ministre ne
se rendrait pas à notre requête d'instaurer une enquête
complète sur la détérioration de l'usage du
français depuis deux ans et demi dans l'administration gouvernementale,
attendu qu'à la Régie de l'assurance automobile du Québec,
le cadre informatique des programmes, évidemment sur ordinateur, est
exclusivement en anglais et que cette situation se retrouve dans d'autres
régies, organismes ou ministères?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: Je suis prêt, M. le Président, à
recevoir et à prendre connaissance de tous les exemples cités par
le député de Taillon et à m'attarder avec mes
collègues, qui sont tout à fait conscients de la
répétition de ces incidents, pour trouver des solutions.
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Qu'est-ce que le ministre et le gouvernement attendent
pour agir dans le secteur de l'informatique? Le ministre n'est-il pas conscient
que, lorsque le gouvernement du Québec utilise des cadres de programme
d'ordinateur en anglais, il donne un bien mauvais exemple à toutes les
entreprises privées du Québec, alors qu'il existe des programmes
français qui sont disponibles sur le marché et qui pourraient
être utilisés par tous les ministères, toutes les
régies et tous les organismes?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: Sans doute, M. le Président, le
député de Taillon voudrait-il transformer le mot "programme" par
le mot "logiciel", qui est le terme exact français. Je suis prêt
à regarder cela aussi, et je regarde cela, effectivement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Est-ce que je pourrais convaincre le ministre...
Le Président: M. le député de Taillon, en
additionnelle.
M. Filion: Le bilan linguistique du ministre, je vais
comparer...
Le Président: En additionnelle.
M. Filion: ...le mien aussi n'importe quand.
Est-ce que je pourrais convaincre le ministre, peut-être une fois
pour toutes, du bien-fondé de ma requête pour une enquête
complète sur la dégradation du français dans
l'administration gouvernementale si je lui disais que les Cambodgiens
francophones du Québec reçoivent de façon
systématique de la Régie des rentes du Québec leur
chèque d'allocation familiale accompagné de documents explicatifs
rédigés en anglais seulement?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Rivard: De toute évidence, M. le Président, la
multiplicité des anecdotes et des incidents mentionnés par le
député de Taillon...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivard: ...m'incite tout simplement à prendre avis de
cette question précise. Mais je répète que, lorsque le
député de Taillon regarde ce dossier en particulier - d'ailleurs
c'est vrai pour les autres éléments du dossier linguistique - il
emploie très souvent le terme détérioration, laissant
prétendre que le gouvernement du Québec actuel n'applique pas la
loi 101. Je
réaffirme que la loi 101 continue d'être
appliquée.
Le Président: Alors, la troisième principale
à M. le député de Duplessis.
Le refus d'Ottawa d'accorder
aux pêcheurs québécois
l'accès
à la zone de 200 milles
M. Perron: Merci. Vendredi dernier, la Société des
pêches de Newport débauchait 500 de ses 530 travailleurs et
travailleuses...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Duplessis, en principale. M. le
député de Duplessis, en principale.
M. Perron: Pour que les libéraux comprennent bien, mettait
à pied... Alors, vendredi dernier, la Société des
pêches de Newport mettait à pied 500 de ses 530 travailleurs et
travailleuses et, en mars dernier, le groupe Purdel annonçait, pour sa
part, le licenciement de 250 de ses employés à l'usine de
Rivière-au-Renard. On peut malheureusement prévoir une
accélération de ce triste processus de mises à pied dans
toutes les régions maritimes du Québec, essentiellement
attribuées, d'ailleurs, au refus d'Ottawa d'accorder aux pêcheurs
québécois l'accès à la zone économique de
200 milles. Résultat: 600 pêcheurs et 2500 travailleurs et
travailleuses d'usines se retrouvent sans travail deux mois plus tôt que
prévu. Le ministre délégué aux Pêcheries
est-il en mesure de fournir aux pêcheurs, aux travailleurs et aux
travailleuses d'usines une garantie qu'enfin, le Québec obtienne
satisfaction dans sa requête d'accès à la zone de 200
milles?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Pêcheries.
M. Picotte: Oui, merci, M. le Président. Je pense que je
dois vous mentionner que celui qui vous parle et le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ont fait des
démarches, depuis au moins un an, en aidant un consortium formé
de gens d'affaires pour que les gens des pêches aient accès
à la zone de 200 milles. Nous avons fait de nombreux efforts, et je dois
associer à ces efforts le député de Duplessis qui, lui
aussi, nous a épaulés. Le premier ministre du Québec a
lui-même, personnellement, écrit à l'honorable premier
ministre du Canada en ce qui concerne l'accès à la zone de 200
milles. Malheureusement, au moment où nous nous parlons, M. Siddon, le
ministre fédéral des Pêcheries, n'a pas daigné
accorder pour cette année l'accès à cette zone de 200
milles. Oui, le fédéral. Et j'entends le député de
Lévis parler du fédéral. Si, depuis 1978, alors que
d'autres provinces ont eu accès à la zone de 200 milles, le
député de Lévis avait mis sa partisanerie de
côté, et s'il avait fait des efforts pour avoir accès
à la zone de 200 milles, comme nous le faisons tous ensemble, y compris
le député de Duplessis, probablement qu'aujourd'hui on n'aurait
pas besoin de le demander, on l'aurait obtenu.
Mais parce que vous n'avez rien fait dans le temps que vous étiez
ministre des Pêcheries, M. le député de Lévis, nous
sommes obligés, encore une fois, de nous battre pour avoir accès
à la zone de 200 milles.
Le Président: M. le député de Duplessis, en
additionnelle.
M. Perron: M. le Président..
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Duplessis, en additionnelle. (10 h 50)
M. Perron: ...je répète la question puisque le
ministre n'y a pas répondu. Qu'est-ce que le ministre
délégué aux Pêcheries fait, actuellement pour aider
les pêcheurs et les travailleurs et travailleuses d'usines à
obtenir des garanties du gouvernement fédéral en rapport avec la
pêche dans la zone des 200 milles? Qu'a-t-il fait depuis qu'on voit qu'il
y a des problèmes dans les régions maritimes du
Québec?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Pêcheries.
M. Picotte: M. le Président, j'ai dit et je
répète au député de Duplessis que nous continuons
presque quotidiennement à parler avec les gens du fédéral.
Vous savez que le plan de pêche se détermine vers la fin de
décembre pour une année. Compte tenu du fait qu'au mois de
décembre le ministre fédéral n'a pas accepté, dans
son plan de pêche, que nous ayons accès à la zone des 200
milles, nous continuons nos efforts avec tous les gens du milieu, y compris
celui qui m'a interrogé et ceux du gouvernement pour faire en sorte que,
dans le prochain plan de pêche, nous ne soyons pas ignorés. Compte
tenu des problèmes que nous vivons, je pense qu'il sera assez facile
à M. Siddon de se rendre compte, une fois pour toutes, que nous devons
avoir accès à la zone des 200 milles.
Le Président: M. le député de Duplessis, en
additionnelle.
M. Perron: M. le Président, le ministre
délégué aux Pêcheries a-t-il appuyé
très fermement l'industrie québécoise de la pêche,
qui réclame de façon formelle une attribution immédiate de
nouveaux quotas pour au moins une période de trois semaines afin que ces
personnes, travailleurs et travailleuses, obtiennent gain de cause et, au
minimum, obtiennent des garanties d'assurance-chômage?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Pêcheries.
M. Picotte: M. le Président, nous avons appuyé et
nous appuyons toute demande en ce sens, d'autant plus que c'est nous qui avons
travaillé avec le groupe et le consortium. Nous avons même
participé financièrement pour présenter un plan d'action
qui pourrait convaincre le fédéral de nous donner accès
à la zone des 200 milles. Je dois ajouter que nous avons eu certaines
difficultés, l'an passé, entre autres, aux
Îles-de-la-Madeleine, en ce qui concerne la pêche. Celui qui vous
parle, avec son ministère, de concert avec le ministre responsable, mon
collègue le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation et député de Portneuf, avons fait en sorte
d'arriver avec un plan pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses
à la fois de se perfectionner et de pouvoir bénéficier de
ce que le député de Duplessis a évoqué
tantôt. Nous allons, nous sommes en train d'examiner cette situation
rapidement et, si nous devons intervenir, on le fera comme on l'a toujours fait
dans le passé.
Le Président: M. le député de Duplessis, en
additionnelle.
M. Perron: M. le Président, de quelle façon le
ministre délégué aux Pêcheries entend-il aider
financièrement les pêcheurs actuellement aux prises avec des
versements à la suite de la construction de bateaux allant
jusqu'à 55 000 $ par année et qui seront dans
l'impossibilité de respecter leurs obligations au cours de
l'année 1988?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Pêcheries.
M. Picotte: Bien que cette partie de la question me semble une
question principale, je dois dire que nous sommes présentement à
regarder, au ministère, quelle possibilité nous aurions d'aider
les gens qui ont effectivement des versements à faire parce qu'ils se
sont fait construire des bateaux pour la pêche et qui, pour l'instant, le
quota étant épuisé, peuvent avoir certaines
difficultés. Nous examinons cela avec les intervenants et, s'il y a lieu
d'apporter une aide quelconque, nous le ferons savoir en temps et lieu à
ceux qui sont concernés, M. le Président.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, pour
une quatrième question principale, ce matin.
Territoires soustraits à la zone verte par la
commission de protection
M. Jolivet: Merci, M. le Président, en espérant que
le ministre de l'Agriculture aura, ce matin, le temps d'y répondre. Cela
concerne la Loi sur le zonage agricole...
Le Président: J'ai toujours accordé le temps,
oui.
M. Jolivet: Alors, je recommence: Dans le cadre du processus
actuel d'adoption de schémas d'aménagement et de révision
du territoire agricole, on s'aperçoit que la Loi sur le zonage agricole
subit de plus en plus d'assauts. Dans la région de Lanaudière en
particulier, la Commission de protection du territoire agricole accorde
davantage que ce qui est demandé par les municipalités. Par
exemple, l'exclusion de 3588 hectares demandée s'est transformée
en une offre de la Commission de protection du territoire agricole de 7353
hectares. Un autre exemple dans la Mauricie qui a fait les mêmes
demandes, où, à Sainte-Marthe de Champlain, on demandait de
dézoner 9 hectares et on s'aperçoit que l'offre de la commission
est de 1888 hectares.
Le Président: Votre question.
M. Jolivet: Dans ce contexte, est-ce que le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation cautionne ce changement
de cap majeur de la Commission de protection du territoire agricole, à
savoir de proposer plus en dézonage que ne le demandent les
municipalités régionales de comté?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: Merci beaucoup, M. le Président. Je
remercie le député de Laviolette de sa question tout à
fait pertinente. Il faut bien avoir à l'esprit que la Commission de
protection du territoire agricole, à la suite d'une disposition
adoptée par l'Assemblée nationale le 1er juillet 1985, est
conviée à renégocier avec chacune des MRC du Québec
la zone verte et, par conséquent, la zone blanche sur son territoire.
C'est, en quelque sorte, le renouvellement d'une démarche qui a eu cours
en 1978, à la suite de la présentation du projet de loi et de son
adoption ici.
J'ai été informé par l'Union des producteurs
agricoles de la question à laquelle vous référez, à
savoir que la négociation entre la CPTA et certaines MRC, notamment
celles des région de Lanaudière et de la Mauricie, aurait eu
comme résultat une proposition de la Commission de protection du
territoire agricole de dézoner ou de décréter zone blanche
une superficie de sol plus grande que ce qui était demandé par
les MRC. Dans le cas de Lanaudière, on réfère, entre
autres, aux terres qui sont situées au sud de l'autoroute 40, entre le
fleuve Saint-Laurent et l'autoroute 40, qui, comme on le sait, à leur
face même, sont très peu propices à l'agriculture.
J'ai rencontré, jeudi dernier, le conseil général
de l'Union des producteurs agricoles et j'ai aussi demandé à la
Commission de protection du territoire agricole, par son président et
ses assistants, de discuter et de répondre à l'Union des
producteurs agricoles. C'est très clair, je veux établir
très clairement, ici, que le ministre de l'Agriculture, responsable de
l'application de cette loi, n'a pas à intervenir, n'a pas à
passer des commandes, à faire des commentaires ou quoi que ce soit. La
Commission de protection du territoire agricole est un organisme quasi
judiciaire. À la suite de cette rencontre, j'ai tous les motifs de
croire que l'Union des producteurs agricoles est satisfaite des discussions
qu'elfe a eues avec la Commission de protection du territoire agricole. Si
besoin en était, en dernier recours-Le Président:
Conclusion.
M. Pagé: ...les intervenants du milieu ont un droit de
recours au Conseil des ministres et au ministre de l'Agriculture, comme cela a
été le cas pour mon prédécesseur dans le cas de
l'autoroute 55 à Trois-Rivières et dans celui de Bell
Helicopter.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition, en
additionnelle.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre, dans le contexte...
Le Président: En additionnelle.
M. Jolivet: ...qui nous est présenté actuellement,
est prêt à demander aux gens de la Commission de protection du
territoire agricole de venir en commission parlementaire afin de permettre de
faire la lumière sur l'ensemble du dézonage qui se fait
actuellement à la suite de la directive qu'il a déposée
lui-même en septembre 1986?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: M. le Président, la demande de
l'Opposition ne me surprend pas. Ils sont très intéressés
à la tenue de commissions parlementaires. À la lumière de
la discussion entre l'Union des producteurs agricoles - par son conseil
général, c'est-à-dire ses 33 représentants et
représentantes - et la Commission de protection du territoire agricole,
dans le cadre d'une rencontre que j'ai provoquée la semaine
dernière, j'ai tous les motifs de croire que le règlement de ce
dossier passera davantage par de meilleures explications et, par
conséquent, de meilleures chances de compréhension entre la
Commission de protection du territoire agricole et ceux et celles qui font des
représentations, dont l'Union des producteurs agricoles, que par la
tenue d'une commission parlementaire, ici.
Le Président: M. le leader adjoint de l'Opposition. Cela
va. Alors, en principale, je vais reconnaître...
M. Chevrette: Non, M. le Président, en additionnelle.
Le Président: En additionnelle? En additionnelle, M. le
chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre ne croit pas... Il est quand
même un ministre de tutelle, il y a quand même une
imputabilité de la Commission de protection du territoire agricole
devant le Parlement. Est-ce que le ministre ne croit pas qu'il serait
intéressant pour l'ensemble des députés qui ont à
expliquer à leurs concitoyens les motifs pour lesquels la commission
rend de telles décisions... Est-ce qu'il ne croit pas avantageux pour
l'ensemble des parlementaires qui y seraient intéressés de
pouvoir discuter avec les représentants de la commission et de
connaître les vrais motifs pour mieux renseigner nos concitoyens par la
suite?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Pagé: M. le Président, la question du chef de
l'Opposition est intéressante. Trois éléments de
réponse: Le premier. Les organismes ou les groupes concernés dans
Lanaudière, la Mauricie et Saint-Maurice ont fait des
représentations. Ils ont eu l'occasion de discuter avec la Commission de
protection du territoire agricole, tel que je vous le confirmais il y a
quelques minutes. Il y a des choses qui ont été éclaircies
et qui ont sécurisé, je pense, les requérants, les
producteurs agricoles. Deuxième élément. Vous me dites: Ne
serait-il pas d'intérêt public qu'une commission parlementaire
puisse siéger? Bien, c'est le cas, la commission parlementaire de
l'agriculture a un mandat d'initiative. En tout temps, par le biais du mandat
d'initiative de la commission parlementaire - je réfère aux
règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale - vous pouvez
communiquer et convoquer la Commission de protection du territoire agricole.
(11 heures)
Troisième élément: c'est vrai que le ministre de
l'Agriculture est responsable de cette loi devant la Chambre. C'est dans ce
sens que je suis disposé, comme je le fais ce matin, à
répondre à vos questions, comme j'y ai répondu au moment
de l'étude des crédits, comme je suis prêt à
répondre à des motions. Il va de soi qu'en dernier recours, si
besoin en est, et si la preuve est à démontrer à la suite
d'une demande et d'une requête au ministre et au Conseil des ministres,
le ministre a le droit d'intervenir et de formuler une recommandation au
Conseil des ministres. C'est clair.
Le Président: Je vais reconnaître une principale
à M. le député de Richelieu, la cinquième
principale ce matin.
Comité de concertation sur le projet de
réforme de l'aide sociale
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Sachant que le projet
de réforme de l'aide sociale vise trois objectifs bien connus et non
contestés, considérant également que les programmes d'aide
sociale d'emploi actuels, tant provinciaux que fédéraux, ont pour
objectif d'améliorer le sort des citoyens et des citoyennes, tout en
manifestant mon appui indéfectible aux concitoyens et concitoyennes de
mon comté vivant ces conditions de dernier recours et tout en supportant
les revendications qui m'ont été exprimées en date du 30
mai dernier, ma question s'adresse au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu afin de savoir si son ministère serait
prêt à collaborer pour la mise en place d'un instrument de
concertation et d'évaluation de ces programmes...
Le Président: À l'ordre!
M. Khelfa: ...par un comité qui serait composé des
gouvernements provincial, fédéral et municipaux, de l'entreprise
privée, des groupes communautaires et des syndicats.
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu et du Travail.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je
remercie le député de Richelieu de sa question, de façon
à permettre à l'ensemble des parlementaires de manifester leur
approbation également. On connaît la détermination, la
ténacité et l'acharnement du député de Richelieu
dans tous les dossiers qui touchent son comté.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu évalue
constamment l'ensemble des mesures qu'il met à la disposition des
assistés sociaux. La suggestion qui est faite par le
député de Richelieu est d'associer, dans sa région, les
groupes socio-économiques, nos partenaires socio-économiques, et
d'autres niveaux de gouvernement à ces évaluations. Sur le plan
du principe, nous accueillons favorablement, au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, cette proposition du
député de Richelieu. Quant aux modalités d'application, il
faudra que l'ensemble des parties en convienne, le gouvernement
fédéral faisant également l'objet de votre requête,
les gouvernements municipaux et les groupes socio-économiques.
M. Khelfa: En additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de Richelieu, en
additionnelle.
M. Khelfa: Les résultats peuvent-ils influencer les
programmes à l'avenir pour avoir de meilleures retombées dans le
milieu?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je tiens à assurer le
député de Richelieu que, tout comme nous l'avons fait dans le
passé, à partir d'évaluations menées à
l'interne par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, nous avons déjà apporté
des modifications à certains programmes existants et que toute
évaluation qui suggère des améliorations au programme que
nous mettons à la disposition des assistés sociaux de
façon à faciliter leur réintégration au
marché du travail, toutes ces bonifications, lorsqu'elles
reçoivent l'aval du Conseil du trésor et du Conseil des
ministres, sont incorporées à la politique de la
sécurité du revenu.
Le Président: En additionnelle, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a l'intention
d'utiliser le mécanisme de la commission parlementaire pour consulter
les organismes du Québec sur l'évalutation qu'ils font de son
projet de loi 37?
Le Président: M. le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Je
remercie Mme la députée de Maisonneuve de sa question
additionnelle. Comme elle le sait sans doute déjà, nous avons eu
l'occasion de tenir, il y a quelques mois, une commission parlementaire
où tous les groupes qui ont souhaité se faire entendre ont pu
être entendus par l'ensemble des parlementaires. Nous avons, à la
suite de cette commission, annoncé des amendements. Le dossier poursuit
son cheminement, le conseil général du Parti libéral du
Québec de la fin de semaine passée a suggéré des
bonifications quant aux plus démunis qui pourraient devenir des
victimes. Les corrections appropriées seront annoncées en temps
opportun. Ce matin même, le Front commun des assistés sociaux
soulignait au ministre qu'il s'agissait là d'un pas dans la bonne
direction, et je sais que Mme la députée de Maisonneuve souscrit
à cette analyse du Front commun des assistés sociaux.
Le Président: Fin de la période
régulière de questions et de réponses.
Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de l'Énergie
et des Ressources, en complément de réponse à une question
posée par
M. le député de Verchères, vendredi dernier. M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources.
Contamination du sol par les BPC à La
Tabatière-Eau intacte
M. Ciaccia: M. le Président, sur la question de La
Tabatière, premièrement, je voudrais signaler au
député de Verchères que le bilan auquel il faisait
allusion ne datait pas de 1986, mais plutôt de 1987 et, pour être
plus précis, décembre 1987. Il s'agit d'une expertise
menée à la demande d'Hydro-Québec par le groupe APEL En ce
qui a trait à la contamination, il est essentiel de distinguer celle des
eaux et celle des sois. Concernant les eaux, l'étude démontre
qu'il n'y a pas de contamination par les BPC. L'eau n'est pas contaminée
par Hydro-Québec.
Concernant les sols, l'étude conclut qu'il y a eu des fuites
d'huile sur six des sept sites analysés, sur une superficie
approximative de 127 mètres carrés... Hydro-Québec a
envoyé des équipes de spécialistes sur place et
procédera rapidement à une décontamination des sols. Elle
a également établi un plan de redressement pour éviter que
de telles situations ne se produisent à nouveau.
Le Président: M. le député de
Verchères, en additionnelle.
M. Charbonneau: Je remercie le ministre de sa réponse qui
confirme, en partie, les inquiétudes de la population. Est-ce qu'il est
conscient, quelle que soit la date de production du bilan, que le bilan
environnemental dont on parle faisait état de la contamination des sols,
d'un niveau de perturbation maximal, c'est-à-dire très fortement
contaminé par les BPC, et que l'entrepôt en question est
situé près du lac qui sert d'alimentation en eau potable pour les
gens de cette communauté, c'est-à-dire le lac Saint-Charles?
D'autre part, est-il au courant qu'en ce qui concerne la contamination des eaux
qu'il nie ce matin, le même bilan environnemental parle d'une
contamination importante, c'est-à-dire des eaux fortement
contaminées?
Est-ce qu'il trouve normal, compte tenu de ce bilan qui a
été produit en décembre 1987, ou un an auparavant, que les
autorités municipales n'aient pas été saisies de ce
dossier, que le ministère de l'Environnement n'ait été
saisi du dossier qu'il y a deux semaines à peine, alors que c'est le
réseau anglais de Radio-Canada qui l'en a saisi, à la suite de
quoi on a envoyé des analystes faire des relevés? Est-ce qu'il
trouve normal un tel comportement?
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Ciaccia: M. le Président, je dois avouer qu'il y a des
inexactitudes dans les propos du député de Verchères. Le
tableau auquel H réfère, je l'ai moi aussi. Il y a des
inexactitudes. C'est un rapport de 75 pages et si le député le
désire, je suis prêt à le déposer. Le sommaire du
tableau n'est pas tout à fait exact. Il n'y a pas de contamination de
l'eau potable. C'est pourquoi le ministère des Affaires municipales
avait mis sur pied un programme pour l'eau potable parce que cela ne
dépendait pas d'Hydro-Québec, cela dépendait d'autre
chose. Hydro-Québec n'avait rien à voir avec cela. Maintenant, en
ce qui concerne le ministre de l'Environnement et ce dossier, je pourrais
plutôt lui laisser le soin de répondre sur les détails de
ce dossier en ce qui concerne son ministère.
Le Président: Je vais vous permettre quelques secondes
seulement, M. le ministre de l'Environnement. Nous étions en
additionnelle à la suite d'une réponse complémentaire.
M. Brassard: À la condition que le député de
Verchères ait droit à une additionnelle.
Le Président: II n'y a pas de condition...
M. Brassard: Dans ce cas, il n'y a pas de consentement.
Le Président:... M. le ministre n'avait pas employé
tout son temps. Je ne lui permets que quelques secondes seulement. Ce sont les
mêmes règles pour un complément de réponse que pour
une question additionnelle. Très brièvement, M. le ministre. (11
h 10)
M. Lincoln: Très brièvement, tout ce que je veux
dire au député de Verchères, je pourrais lui donner la
séquence des événements, depuis l'été 1986
jusqu'à présent. Qu'il me pose une question pendant que je suis
en Chambre, ou qu'il me pose une question demain, lors de la période de
questions, et je lui répondrai en détail. En fait, je lui
relaterai toute la chronologie des événements entre
Hydro-Québec, le ministère de l'Environnement, ce que nous avons
fait dans ce dossier. Je pense qu'il est ridicule de le faire maintenant. C'est
une longue séquence. Je pourrai lui donner toute la séquence de
l'été 1986 à 1988. Il n'aura qu'à me poser la
question je vais être ici demain.
Le Président: Question de règlement, M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, non pas sur le fond, sur
une question de règlement. Je ne pense pas, M. le Président, quen
vertu du règlement, le ministre puisse utiliser une partie du temps
consacré à une réponse pour finalement qualifier
l'attitude qu'on a de ce côté-ci, d'autant plus que le
problème ne s'adressait pas à
son comportement, mais à celui de son collègue qui est
responsable d'Hydro-Québec et c'est ce qui est en cause
actuellement.
Le Président: Je retiens que M. le ministre de
l'Environnement sera prêt à répondre à une de vos
questions, demain, si vous voulez et à donner les détails
supplémentaires et additionnels quant au problème soulevé,
ce matin, par le complément apporté par M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
Si vous me permettez, ceci met fin à la période
régulière de questions et de réponses orales.
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Ce matin, il n'y a pas de vote de reporté.
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Johnson: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes,
jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, de 20 heures
à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la
commission du budget et de l'administration procédera à
l'étude détaillée du projet de loi 6, Loi modifiant de
nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions
législatives d'ordre fiscal.
De 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures,
à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission de
l'économie et du travail procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 31, Loi modifiant la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur la formation et
la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre.
Après les affaires courantes et jusqu'à 13 heures et de 20
heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la
commission de l'aménagement et des équipements poursuivra
l'étude détaillée des projets de loi suivants et ce, dans
l'ordre ci-après mentionné: le projet de loi 7, Loi sur
l'organisation territoriale municipale, le projet de loi 28, Loi modifiant la
Loi sur la Communauté urbaine de Québec et d'autres dispositions
législatives en matière de promotion et de développement
industriel; le projet de loi 24, Loi sur le traitement des élus
municipaux.
Après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15
heures à 18 heures, à la salle 101 de l'édifice
Pamphile-Le May, la commission des institutions procédera à
l'étude détaillée des projets de loi suivants, et, ce,
dans l'ordre ci-après mentionné: le projet de loi 8, Loi sur
l'aide aux victimes d'actes criminels; le projet de loi 3, Loi modifiant le
Code civil en matière de copropriété et
d'emphytéose; le projet de loi 4, Loi modifiant le Code civil et le Code
de procédure civile en matière de séparation de corps; le
projet de loi 20, Loi portant abrogation de certaines dispositions
législatives.
J'avise également cette Assemblée que le mardi 14 juin
1988, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 21 heures
à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine, la commission
du budget et de l'administration entendra les intéressés et
procédera à l'étude détaillée des projets de
loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre
ci-après mentionné: le projet de loi 206, Loi concernant La
Laurentienne mutuelle d'Assurance; le projet de loi 205, Loi concernant la
conversion de la Fédération des caisses d'établissement du
Québec, des caisses d'épargne et de crédit qui lui sont
affiliées et de la Corporation de fonds de sécurité de la
Fédération des caisses d'établissement du Québec
ainsi que leur fusion avec Société d'entraide économique
du Québec inc.; et, finalement le projet de loi 221, Loi modifiant la
Loi fusionnant le Trust Général du Canada et la
Société d'Administration et de Fiducie.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce
et leader adjoint du gouvernement, est-ce que vous avez consentement pour
déroger à l'article 145, étant donné qu'il y a
quatre commissions qui vont siéger aujourd'hui?
M. Johnson: C'est ce qu'on m'indique, M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y
a consentement?
M. Gendron: Cela doit être cela.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, j'accepte votre...
M. Gendron: M. le Président, c'est qu'on ne m'a pas
indiqué... Mais je voudrais juste avoir une information de M. le leader
adjoint du gouvernement.
Le Président: Vous avez la parole, M. le leader de
l'Opposition.
M. Gendron: La dérogation porte spécifiquement sur
quel ajout? La quatrième commission pour cet avant-midi ou pour toute la
journée?
Le Président: Si vous me permettez, M. le leader du
gouvernement. Est-ce que vous me permettez M. le leader du gouvernement? C'est
pour la commission siégeant jusqu'à 13 heures et de 15 heures
à 18 heures, à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le ~
May. C'est la commission des institutions. C'est la quatrième commission
qui va siéger à ce moment-là.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: ...que je sache, il y a seulement trois commissions
qui siégeront...
M. Gendron: C'est ce que j'avais comme information; donc, il y a
un problème.
M. Gratton: ...et ce matin, et cet après-midi et ce soir.
Au préalable, on avait peut-être donné une indication qu'il
y en avait une quatrième, mais cela n'est pas le cas au moment où
les avis sont donnés ce matin.
Le Président: On indique bien ici, M. le leader du
gouvernement, selon le relevé, qu'il y aura quatre commissions qui vont
siéger. C'est ce qu'on me donne ici comme relevé.
M. Gendron: Non. Si on vous en donne quatre, M. le
Président, il y a un problème.
Le Président: Ce ne sera pas long, M. le leader de
l'Opposition. On est à vérifier...
M. Gendron: Oui, oui. Je ne suis pas malheureux.
Le Président: ...selon les notes qu'on m'a remises.
M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, la quatrième
commission dont il était question était celle qui portait sur le
projet de loi 31 et on n'a pas donné d'avis ce matin. Ce serait à
14 heures seulement.
Le Président: Si vous me le permettez, nous allons
procéder aux renseignements concernant les travaux de l'Assemblée
et on vérifie certaines choses. J'ai demandé à mes
greffiers de vérifier. On n'est pas certain actuellement.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Concernant les travaux de l'Assemblée, est-ce qu'il y a des
questions? Mme la députée de Marie-Victorin, vous avez la
parole.
Mme Vermette: Oui, M. le Président.
Le Président: M. le député de Lévis,
s'il vous plaît! M. le député de Lévis, j'ai
accordé la parole à Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, monsieur... M. Garon:
...libéraux.
Le Président: Excusez-moi. M. le député de
Lévis, vous étiez devant Mme la députée de
Marie-Victorin, tout simplement; ce n'est pas parce que vous dérangiez
les travaux de cette Assemblée. Vous étiez en plein devant Mme la
députée de Marie-Victorin. C'est simplement pour cela.
Mme la députée de Marie-Victorin.
M. Garon: M. le Président, pourriez-vous faire respecter
le règlement pour que les députés s'assoient à leur
siège?
Le Président: M. le député de Lévis,
sur une question de règlement.
M. Garon: Question de règlement justement. Voulez-vous
demander aux députés qu'ils soient assis à leur
siège?
Le Président: Je suis entièrement d'accord. M. le
leader du gouvernement.
M. Gratton: Oui, M. le Président. Je pense que c'est
normal, sauf que le député de Lévis était
immédiatement entre la députée de Marie-Victorin, qui
voulait me poser une question, et moi-même. C'est peut-être pour
cela qu'on a demandé au député de Lévis de
s'asseoir.
Une voix: II voulait la cacher. Une voix: II n'est pas
transparent.
Le Président: Excusez-moi si vous avez pu
interpréter différemment mon intervention, M. le
député de Lévis.
Des voix: Manque de transparence.
M. Gratton: Un manque de transparence.
Le Président: M. le député de Lévis,
excusez-moi si vous avez pu interpréter différemment mon
intervention. C'était simplement parce que j'avais reconnu Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme la députée de Marie-Victorin, toujours à
l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Il y a
déjà plusieurs jours, la ministre de la Santé et des
Services sociaux s'est engagée à me fournir une réponse
à une question que je lui posais concernant le financement des CALACS,
les centres qui s'occupent des agressions à caractère sexuel, et
je n'ai toujours pas ma réponse. Comme c'est important et vital pour ces
centres d'intervention, j'aurais aimé que la ministre puisse me fournir
ces détails; de mémoire, elle ne pouvait me dire le montant
alloué à ces centres, les CALACS.
M. Gratton: M. le Président, je vais vérifier et
faire rapport aussitôt que possible.
Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres questions
concernant les renseignements sur les
travaux de l'Assemblée?
M. le leader de l'Opposition. Mme la députée.
Avis de sanction d'un projet de loi
J'ai un avis à transmettre aux membres de cette Assemblée.
Je vous informe qu'il y aura sanction d'un projet de loi au bureau du
lieutenant-gouverneur à 13 heures cet après-midi.
Nous allons maintenant procéder aux affaires du jour. Je vais
reconnaître M. le leader du gouvernement. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson: Oui, M. le Président. Je vous demanderais
d'appeler l'article 36 du feuilleton.
Projet de loi 110 Adoption
Le Président: À l'article 36 du feuilleton, il
s'agit de l'adoption du projet de loi 110, Loi sur la Régie des
télécommunications, présenté par M. le ministre des
Communications. Je suis prêt à reconnaître M. le ministre
des Communications.
M. Richard French
M. French: M. le Président, je comprends que l'Opposition,
en l'absence du critique du dossier des communications, a néanmoins
quelques commentaires à faire sur ce projet de loi. Je voudrais donc
vous signaler que j'aimerais conserver l'ensemble de mes commentaires pour ma
réplique à ceux de l'Opposition.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement, M. le leader
de l'Opposition, à la demande de M. le ministre des Communications? (11
h 20)
M. François Gendron
M. Gendron: M. le Président, ce sera plus simple que cela
compte tenu d'une série de circonstances. Comme je n'avais que des
remarques par lesquelles on aurait aimé reprendre certains
éléments qu'on a omis de discuter - en tout cas selon les
informations que j'ai - je ne ferai pas d'autres commentaires sur le projet de
loi 110, sauf le très court commentaire suivant: Nous sommes convaincus,
M. le Président, qu'il s'agit d'un projet de loi qui, en soi, est
valable parce qu'il restructure la Régie des services publics dans le
domaine des communications. Par contre, nous avions indiqué au ministre
concernant les réponses qu'il aurait dû être en mesure de
nous fournir en ce qui a trait aux négociations
fédérales-provinciales, pour s'assurer que le Québec soit
davantage maître d'oeuvre dans toute la question de la
téléphonie, à tout le moins en ce qui concerne les
communications intraprovin- ciales incluant la fixation des tarifs, que cela
aurait dû être réservé exclusivement aux provinces.
Les communications internationales, les compétences
fédérales, il n'y a pas de problème à vivre avec
cela, et les communications interprovinciales seraient de compétence
fédérale avec exercice partagé avec les provinces.
Or, la conférence qui a eu lieu a pris fin avec des
résultats tout autres: on y a adopté six principes
généraux devant servir de fondement à l'élaboration
d'une politique nationale, à la réalisation conjointe pour mars
1988 d'une étude de faisabilité et d'un examen des implications
au sujet de la concurrence des services interurbains. Le ministre des
Communications établissait alors la position du Québec par la
formule: La concurrence si nécessaire, mais pas nécessairement la
concurrence. Il y a eu la tenue d'une nouvelle conférence en septembre
1987 pour l'approbation d'un protocole d'entente sur l'interconnexion,
établissant les règles de base permettant de connecter, partout
au Canada, les services et le matériel de
télécommunication aux installations des réseaux locaux et
interurbains des entreprises de télécommunications.
Cette rencontre de septembre 1987 n'a pas eu lieu et, à la
période de questions à l'Assemblée nationale, le 8
décembre dernier, le ministre des Communications disait que cette
troisième conférence devait se tenir au cours de l'hiver ou au
printemps. Le ministre poursuivait en précisant que le Québec
avait fait de nouvelles propositions à ses partenaires provinciaux et au
gouvernement fédéral et qu'il tentait de décrire un
terrain d'entente. Toutefois, devait-il aussi déclarer: "Je mentirais...
si je disais que ce terrain d'entente est identifié." Autrement dit, il
devait y avoir une autre conférence où on devait identifier
très clairement le terrain d'entente, mais ils ont tous travaillé
à identifier ce terrain d'entente pour une rencontre qui n'a pas eu
lieu.
On est très heureux de la franchise du ministre. Mais sur le plan
concret, des résultats tangibles de nos juridictions, on n'est pas plus
avancés. Il n'y a strictement rien de changé. L'enjeu reste
exactement le même. Le gouvernement fédéral acceptera-t-il
de se départir d'une partie de ses responsabilités afin de
permettre au Québec d'assumer des pouvoirs similaires à ceux des
sept autres provinces et, par la même occasion, de contrôler la
plus grande compagnie de téléphone du Canada?
Les conséquences du statut quo pour le Québec, c'est qu'il
y a un déséquilibre sur la question tarifaire, sans partage
équitable des responsabilités, sans coordination et harmonisation
eu égard à la * responsabilité du CRTC dans les
activités de Bell Canada au Québec et à celles de la
Régie des services publics à l'endroit des 18 autres compagnies
de téléphone desservant le Québec, nombreuses sont ainsi
les inégalités régionales dans les tarifs de
téléphone. Là, je ne veux pas reprendre des exemples; le
ministre le
sait. Cependant, ce que je trouve un peu curieux, c'est que, concernant
les déficiences du service régional, il n'y a rien de
réglé. À moins de très mal comprendre le projet de
loi, je n'ai pas d'indication sérieuse que la nouvelle Régie des
services publics créée aura cette capacité
d'infléchir, de corriger et de modifier les nombreuses
déficiences du service régional.
À titre d'exemple, la Régie des services publics ordonnait
à Québec-Téléphone, après analyse des
besoins des abonnés concernés, de procéder avant la fin de
1986 à la réalisation de liens de service régional entre
certaines municipalités de la région de Québec, Pont-Rouge
par rapport à Saint-Apollinaire. Or, ces liens - parce que je ne veux
pas prendre une série d'exemples - de services régionaux n'ont pu
être rétablis, Bell ayant refusé de procéder aux
travaux nécessaires au raccordement de son réseau de la
région de Québec à celui de
Québec-Téléphone en alléguant que la
décision de la Régie des services publics ne rencontrait pas les
critères de service régional auxquels le CRTC le tenait de se
conformer et craignait que ce raccordement ne constitue un
précédent dangereux pour d'autres cas semblables au
Québec. Dans son ordonnance, la Régie des services publics avait
estimé que les modifications exigées seraient avantageuses pour
les abonnés concernés et en aucune manière assumées
par les autres abonnés des deux compagnies.
Je veux juste conclure, Mme la Présidente, sur les services
régionaux. On peut ainsi conclure avec justesse que la double
juridiction en matière de service régional a fait des siennes
contre, d'abord, l'accessibilité à des services de
télécommunications adaptés aux réels besoins des
usagers sur l'ensemble du territoire et dans chacune des régions,
l'application des tarifs justes et raisonnables, l'équilibre
approprié entre l'intérêt des usagers et les exigences de
visibilité des sociétés exploitantes.
Dans sa loi, il y a également toute la question de
l'hypothèque, dans sa dimension recherche et développement, pour
laquelle on n'a pas eu les réponses qu'on souhaitait. Il y a
également tout le volet de la déréglementation. Je pense
que lorsque le ministre disait: Toutefois, nous constatons aussi que les
services qui pourraient faire l'objet d'une saine concurrence seront chaque
année plus nombreux, la nouvelle régie pourra tenir compte de ce
phénomène et ainsi alléger la réglementation selon
ce que commandera l'intérêt économique des promoteurs et ce
que permettra l'intérêt public. C'est le ministre qui citait cela,
le 15 octobre, lors du congrès de l'Association des compagnies de
téléphone du Québec.
Mais, l'article 34 de la loi 110 autorise, en effet, la RDT à
soustraire un service de télécommunications de l'intervention de
la même régie pour la fixation des prix au taux des services
offerts, si elle estime que ce service peut bénéficier d'un
niveau de concurrence suffisant pour garantir des prix à des taux justes
et raisonnables, auquel cas la régie doit convoquer une audience
publique en vertu de l'article 47.
Je conclus en espérant que le ministre réponde au moins
à ces quelques questions. Les questions restent nombreuses. On n'a pas
l'impression que cette nouvelle régie va répondre aux
problèmes soulevés par le critique au moment où il a eu
l'occasion de le faire. Les quelques questions qui demeurent sans
réponse, ce sont quels sont ces services qui pourraient ainsi être
exonérés de réglementation? Très
précisément, quels services pourraient être
délestés d'une certaine réglementation?
Qu'est-ce qu'un niveau de concurrence suffisant? Pas de réponse
à cela. Qu'est-ce que le ministre entendait, en octobre dernier, par
"selon - c'est lui qui parlait - ce que commandera l'intérêt
économique des promoteurs et ce que permettra l'intérêt
public? Ce qui est commandé l'emportera-t-il sur ce qui est permis?
Comment s'harmoniseront les principes de déréglementation et de
concurrence de la RDT et du gouvernement, ce dernier qui doit approuver la
décision de la régie, s'accordant ainsi un droit de veto? Le
législateur se targue ainsi, de nouveau, de belles intentions, mais il
n'y a pas l'ombre d'un énoncé de politique gouvernementale en
matière de télécommunications qui vient encadrer, baliser,
articuler un processus de déréglementation en la
matière.
Voilà, Mme la Présidente, les principaux
éléments sur lesquels on voulait revenir, en troisième
lecture, en espérant que le ministre apporte certaines clarifications.
Fondamentalement, c'est à peu près la même chose qu'on voit
partout avec ce gouvernement. Une loi qui, en soi, est très
légitime, très logique. Par contre, on ne retrouve pas, à
l'intérieur de la Régie des services publics, les
mécanismes requis, appropriés pour qu'elle agisse sur la
problématique soulevée par rapport aux intérêts
québécois. Une nouvelle régie, nous, on applaudit. Une
nouvelle régie qui a l'air d'une coquille vide, on a des
problèmes de conscience. On a des problèmes de
sécurité quant à sa capacité d'intervenir, quant
à sa capacité de régler les véritables
problèmes soulevés, en particulier - et je pense que c'est
surtout là-dessus que le ministre devrait nous faire une phrase - est-ce
que oui ou non, il a la même conviction que nous, que Québec,
comme État, Québec, comme gouvernement, devrait avoir la
capacité de contrôler un peu plus ce qui se fait en matière
de téléphonie? Dans le secteur de la téléphonie,
nous, on pense qu'on est assez grands garçons pour être en mesure
d'avoir nous-mêmes la capacité de déterminer et de
régir les règles sur lesquelles on veut que les services de
télécommunications soient assujettis, en particulier sur le volet
du réseau régional et de toutes les questions qui ont
été soulevées par le critique, lors du débat de
principe en deuxième lecture, par rapport à certaines
déficiences, certaines carences, en particulier, concernant les
écarts de tarifs lorsqu'on est à proximité de deux
petites régions.
Mme la Présidente, voilà les quelques
considérations sur lesquelles on veut attirer l'attention du ministre
des Communications, et je tiens à m'excuser, en conclusion,
auprès du ministre des Communications, je ne pourrai - je lirai sa
réplique - l'entendre considérant que j'ai une réunion
importante avec le Directeur général des élections
à la suite du bazooka de la semaine dernière. C'est
sûrement une question importante à discuter si on ne veut pas s'en
faire passer un autre.
La Vice-Présidente: Merci, M. le leader de l'Opposition et
député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre des Communications, en
réplique. (11 h 30)
M. Richard French (réplique)
M. French: Mme la Présidente, enfin le recherchiste du
Parti québécois a trouvé un porte-parole! Enfin, toutes
ces petites curiosités peuvent-elles être ventilées
à l'Assemblée nationale, pas au début du débat, pas
en commission parlementaire où on aurait pu discuter à loisir des
questions intéressantes soulevées, mais en troisième
lecture, en fin de session, au moment où le porte-parole doit
incessamment quitter l'Assemblée nationale et sera, donc,
complètement ignorant des réponses que je peux apporter à
ses questions. C'est fascinant d'apprendre que le Parti québécois
est d'accord avec une refonte de la Loi sur la Régie des services
publics qui va donc devenir la Régie des
télécommunications. Il est malheureux, cependant, pour les
abonnés du téléphone, dont ceux d'Abitibi-Ouest, que le
Parti québécois ait complètement négligé
durant neuf ans cette même régie. C'est pour cette raison qu'il
est maintenant nécessaire de la moderniser. Alors, que l'Opposition
officielle trouve que ce serait valable de réglementer davantage et
d'avoir plus de juridiction, j'en suis, mais il faut quand même dire que
nous avons fait plus pour moderniser et pour faire avancer l'état des
négociations avec le gouvernement fédéral dans le domaine
des télécommunications que nos prédécesseurs n'ont
pu le faire durant neuf ans.
Donc, il est un peu saugrenu, un peu surprenant d'apprendre, en
troisième lecture, qu'il reste un tas de questions ouvertes, que le
Parti québécois brûle de curiosité sur plusieurs
points hautement techniques, très intéressants et importants,
mais que le critique lui-même n'a pas cru bon de soulever durant
l'étude en commission parlementaire. Ce n'est pas parce que nous n'avons
pas collaboré avec les membres de l'Opposition officielle dans tout cela
puisque nous leur avons, entre autres, fourni nos comparaisons de lois
anciennes et nouvelles pour les aider à mieux comprendre ce qui se
passait.
Cela me surprend aussi d'entendre le critique de l'Opposition dire que
la Régie des services publics ou la Régie des
télécommunications est une coquille vide. Si c'est une coquille
vide, c'est un peu surprenant puisque cela réglemente 12 % à 14 %
des installations de télécommunications au Québec. Vous en
savez quelque chose, puisque vous seul parmi l'ensemble des parlementaires avez
eu le privilège de comparaître devant cette même
régie. Ce n'est pas une coquille vide, c'est un instrument
modernisé et efficace qui va prendre ses responsabilités pour la
réglementation de ces 12 % à 14 % de l'infrastructure
téléphonique du Québec et qui va être capable, nous
l'espérons, de le faire davantage à l'avenir après
conclusion des négociations avec le gouvernement fédéral
dans le domaine de la réglementation des
télécommunications.
Le porte-parole de l'Opposition, leader parlementaire de l'Opposition
nous interroge sur le progrès de cette négociation. Il nous pose
la question: Sommes-nous d'accord avec lui sur la nécessité
d'avoir davantage de juridiction? Bien sûr qu'on est d'accord, on est
tellement d'accord qu'on ne fait qu'essayer de faire avancer cette question
avec nos partenaires du fédéral et les neuf autres provinces,
plus les deux territoires. Il faudrait, cependant, souligner que ce n'est pas
faute d'efforts du gouvernement québécois actuel, ni des
gouvernements québécois précédents que nous n'avons
pas pu encore accoucher de cette entente fédérale-provinciale, de
cette refonte de la réglementation et de la juridiction dans le domaine
de la téléphonie. C'est le même problème qui
existait entre 1976 et 1985, c'est la même difficulté à
trouver, à l'intérieur de cette bouillabaisse de
réglementation télécommunica-tionnelle au pays, la formule
qui va commander l'appui des deux territoires, des dix provinces et du
gouvernement du Canada. Ce n'est pas plus facile en 1988 que ce ne
l'était entre 1976 et 1985.
Maintenant que le député d'Abitibi-Ouest a quitté
l'Assemblée nationale, vous me permettrez, Mme la Présidente,
d'indiquer, sur cette longue et remarquablement hétérogène
collection de questions et d'interrogations, que je n'ai pas l'intention,
aujourd'hui, de répondre systématiquement à toutes et
à chacune. Ce serait très facile et intéressant de le
faire dans un autre contexte, lors d'une commission parlementaire si
l'Opposition officielle le voulait, lors d'un débat d'urgence ou d'un
débat spécial. On est ouvert à tout cela; ce sont des
questions intéressantes et importantes. Cependant, étant
donné que l'Opposition officielle n'est représentée que
par une seule députée, qui, elle, n'a jamais participé au
débat - ce n'est pas une critique que je fais à son égard
- je n'ai pas l'intention de m'éterniser sur les questions hautement
techniques qui ont été soulevées.
Encore une fois, une Opposition qui se veut sérieuse, une
Opposition qui se veut fondée, qui suit une démarche logique
aurait soulevé ces questions de façon systématique
dès le début du
débat, pendant la commission parlementaire et non pas
tardivement, en troisième lecture. Je pense qu'il est clair - et on
pouvait le lire sur le visage du député d'Abitibi-Ouest - que le
leader parlementaire de l'Opposition se trouvait dans une situation difficile.
Je répète que je suis bien content que le recherchiste du Parti
québécois ait trouvé quelqu'un pour exprimer ses
préoccupations à ce moment-ci, mais je lui demanderais de
trouver, une occasion parlementaire propice à la discussion
systématique de l'ensemble des questions importantes, mais saugrenues
qu'il a posées aujourd'hui. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Cette réplique termine le
débat. Est-ce que le projet de loi 110, Loi sur la Régie des
télécommunications, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson: Oui, Mme la Présidente, je vous demanderais
d'appeler l'article 5 du feuilleton.
Projet de loi 27 Reprise du débat sur
l'adoption du principe
La Vice-Présidente: A l'article 5 de notre feuilleton, le
ministre de l'Industrie et du Commerce propose la reprise du débat sur
l'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur la Société de
promotion économique du Québec métropolitain et modifiant
la Loi sur la Société Inter-Port de Québec. M. le ministre
de l'Industrie et du Commerce, en réplique.
M. Daniel Johnson (réplique)
M. Johnson: Merci, Mme la Présidente. À cause des
horaires assez chargés d'un peu tout le monde au mois de juin, je n'ai
pas eu l'occasion de m'exprimer lors de la présentation du projet de loi
devant le critique officiel et député de Lévis, il
était en un autre lieu. J'avais présumé qu'il avait lu mon
intervention ou qu'il l'avait vue à la télévision.
Cependant, ses propos d'hier soir - pour ma part, je n'étais pas
présent, mais je les ai écoutés à la
télévision - laisseraient supposer que le député de
Lévis n'a pas lu le projet de loi, n'a pas écouté les
interventions faites de ce côté-ci de la Chambre par le
député de La Peltrie et moi-même, n'a pas daigné
communiquer avec les élus municipaux de sa région et n'a pas
suivi le dossier de quelque façon que ce soit.
En effet, Mme la Présidente, hier soir, dans son intervention, le
député de Lévis a parlé d'à peu près
tout, sauf du projet de loi. Lorsqu'il a mentionné le projet de loi, il
l'a fait afin de soulever des points qui le seront, très facilement,
à l'occasion de l'étude détaillée de ce projet de
loi. Le député de Lévis, dans un discours où la
confusion l'a disputé à l'incohérence, a parlé de
Provigo, des pêcheries des Îles-de-la-Madeleine, d'un corridor
technologique dans la région de Québec qui s'étendrait
jusqu'à Saint-Romuald, si j'ai bien compris, et de différentes
choses qui indiquent le très haut degré d'ignorance du
député de Lévis dans ce dossier. Il a surtout
chargé à fond de train, comme c'est son habitude, sur un
désengagement des différents paliers de gouvernement face au
développement économique de la région de
Québec.
Je rappellerai au député de Lévis que ce qui est en
cause, c'est une décision du 31 mars dernier - parce que les contrats,
les ententes fédérales-provinciales se terminaient - de mettre
fin à l'appui financier des gouvernements au développement
économique de la région de Québec par le biais de la
Société Inter-Port. Ce que nous avons obtenu de ce
côté-ci, ce que nous continuons à consentir comme effort et
ce que le gouvernement fédéral, d'ailleurs, continue à
consentir comme effort, c'est d'utiliser le solde de l'entente
fédérale-provinciale - non pas en le versant à nos fonds
consolidés du revenu respectifs - des sommes considérables, plus
de 2 000 000 $, à l'endroit ou au bénéfice d'institutions,
d'organismes de la région du Québec métropolitain afin de
les aider à faire la promotion économique de la région de
Québec et de s'assurer du développement encore plus pointu, plus
stable, plus solide de la région de Québec dans les cinq
prochaines années. (11 h 40)
Ce qui est en cause ici, très clairement, c'est un engagement
continu, pour cinq années de plus qu'on ne l'aurait cru, du gouvernement
du Québec, envers le développement économique de la
région de Québec. C'est un engagement qui repose sur des bases
beaucoup plus solides, car à la suite de consultations extrêmement
larges, toutes faites de collaboration et d'ouverture d'esprit des deux
côtés du fleuve Saint-Laurent, le consensus a été
réalisé, il a été établi et a permis
d'envisager le développement économique de la région du
Québec métropolitain à l'intérieur d'un organisme
véritablement voué, dont la vocation est consacrée au
soutien d'activités de promotion de la très grande région.
Parallèlement à cette vocation du nouvel organisme de promotion,
sera maintenue la vocation de ce qui était la Société
Inter-Port - dans une autre société succédant à
Inter-Port - à l'endroit du parc industriel à grand gabarit qui
est situé sur la rive sud du Saint-Laurent, en face de
Québec.
Il y a, donc, tellement d'espoirs qui sont logés dans ces
nouveaux organismes que je ne comprends toujours pas non pas les
hésitations du député de Lévis, mais les charges
à fond de train qu'il a livrées contre tous ceux qui
s'intéressent au développement économique de la
région de Québec. Il ignorait de toute évidence
que, depuis des mois, à l'occasion de ces consultations, s'est
établi un consensus souhaité de longue date qui fait en sorte
qu'on évite les chevauchements de responsabilités des
différents organismes, qu'on évite les chevauchements entre la
Communauté urbaine de Québec et les MRC de Desjardins et des
Chutes-de-la-Chaudière, entre les différentes
municipalités qui composent ces MRC et la Communauté urbaine de
Québec, et qu'il y a, finalement, grâce au cadre que nous
prévoyons dans ces projets de loi, des occasions d'agir sur le
développement économique de la région du Québec
métropolitain, de façon complémentaire, à
même des sommes considérables, plus de 2 000 000 $,
consacrées par les gouvernements de niveau supérieur durant les
cinq prochaines années, auxquels viendront s'adjoindre, toujours de
façon complémentaire, les ressources financières des
milieux concernés: la CUQ, les municipalités du côté
nord du Saint-Laurent et de la rive sud du Saint-Laurent, par
l'intermédaire des MRC.
Cela m'apparaissait extrêmement clair. C'est en réponse
à un souhait généralisé de la région du
Québec métropolitain, rive nord et rive sud, que nous avons
présenté ce projet de loi. Je désespère de jamais
faire comprendre au député de Lévis quels sont les
objectifs que recherche la région de Québec. Au cours de
consultations, à l'occasion des dépôts de mémoires
et des sessions de la commission Lapointe et des comités
ministériels composés de députés du gouvernement du
Québec, donc de l'Assemblée nationale, et de la Chambre des
communes, qui représentent la région de Québec, on a
découvert la façon de faire agir, comme elles le souhaitaient,
toute la région de Québec, toutes ses composantes, dans des
cadres unifiés, avec des cibles de développement bien
identifiés, avec des outils de développement qui sont à la
charge des gouvernements supérieurs et des municipalités en
cause. De toutes ces façons, nous avons réussi, après
plusieurs mois d'efforts, oui, à réaliser une belle
cohérence dans l'action de développement économique du
Québec métropolitain, grâce au cadre et aux pouvoirs que
nous confions aux différents organismes qui seront, à partir de
très bientôt, chargés de s'occuper, en première
ligne, du développement économique de la région, car ce
sont les gens de la région qui le souhaitaient et ce sont les gens de la
région qui seront des parties prenantes à ces activités de
développement.
J'anticipe avec un plaisir mitigé, l'occasion que j'aurai de
rencontrer le député de Lévis en commission parlementaire
pour l'étude détaillée. J'ose croire - je parle au nom de
l'ensemble des députés membres de cette commission, de l'ensemble
des fonctionnaires qui nous accompagneront, de l'ensemble des attachés
politiques qui auront, de part et d'autre, à regarder ce projet de loi -
que le député de Lévis ne fera pas souffrir tout ce monde
pendant des heures avec des discours où, comme je l'ai indiqué,
l'état de son ignorance est étalé au grand jour.
La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de l'Industrie
et du Commerce. Cette réplique termine le débat. Est-ce que le
principe du projet de loi 27, Loi sur la Société de promotion
économique du Québec métropolitain et modifiant la Loi sur
la Société Inter-Port de Québec, est adopté?
Une voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté? Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Johnson: Oui, Mme la Présidente. Je fais maintenant
motion pour déférer ce projet de loi à la commission de
l'économie et du travail pour son étude
détaillée.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Johnson: Je vous demanderais, Mme la Présidente,
d'appeler l'article 6 du feuilleton.
Projet de loi 34 Adoption du principe
La Vice-Présidente: À l'article 6 de notre
feuilleton, le ministre délégué à la Famille,
à la Santé et aux Services sociaux propose l'adoption du principe
du projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et
les services sociaux et d'autres dispositions législatives. M. le
ministre délégué à la Famille, à la
Santé et aux Services sociaux.
M. Robert Dutil
M. Dutil: Mme la Présidente, le projet de loi 34, Loi
modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, aura
pour effet d'instaurer de nouvelles règles en matière de
transport ambulancier au Québec. Le transport ambulancier au
Québec a subi de profondes modifications au cours des 25
dernières années. Jusqu'à la fin des années
soixante, il n'existait aucune réglementation du transport ambulancier,
aucun contrôle de la qualité et le niveau de services variait
d'une région à l'autre. La qualité des services
ambulanciers était strictement dépendante de la
rentabilité des activités et de la conscience personnelle
qu'avait l'exploitant des besoins de la population à desservir.
N'importe
qui pouvait s'improviser ambulancier du jour au lendemain, à la
condition de se procurer un véhicule familial et de consentir à
le doter d'une sirène et d'une civière.
La situation était la même un peu partout au Canada et
même aux États-Unis. Il n'est, donc, pas étonnant que des
études majeures réalisées sur les services de santé
dans les années soixante, par exemple, celle de la Commission royale
d'enquête sur les services de santé, en 1964, aient conclu que
l'absence de législation encadrant les services rendus par le personnel
ambulancier semblait être une des principales failles dans l'ensemble des
services de santé en général.
De son côté, la commission Castonguay-Nepveu
dégageait, pour l'organisation des services de santé au
Québec, les grands principes directeurs, telles la qualité,
l'accessibilité géographique et financière et la
complémentarité des services. Ces principes directeurs, en plus
de faire mieux percevoir la place des services ambulanciers dans le grand
réseau des services de santé, ont servi de guides et de cadres de
référence aux démarches ultérieures visant
l'amélioration des services ambulanciers. Plusieurs années plus
tard, soit en 1972, était adoptée la première
législation à traiter des services d'ambulance au Québec.
Il s'agissait de la Loi sur la protection de la santé publique,
sanctionnée le 21 décembre 1972. Elle apportait un premier
encadrement aux services d'ambulance.
Au cours des années 1973 et 1974, les CRSSS étaient
mandatés par le ministère de la Santé et des Services
sociaux pour étudier les services d'urgence dans leur région
respective. L'étude comportait trois volets, soit les services d'urgence
hospitaliers, le transport ambulancier et les communications. Cette analyse
aboutissait à une série de rapports décrivant un concept
d'implantation d'un système de services d'urgence et les services
ambulanciers en constituaient un élément majeur qui devait
être bien intégré à l'ensemble de la
problématique des services d'urgence. À cause des coûts
apparemment élevés du système proposé, le
ministère des Affaires sociales opta plutôt pour la recherche de
solutions précises aux différents problèmes majeurs
identifiés. (11 h 50)
Les solutions retenues et mises en application par le ministère
en ce qui concernait le transport ambulancier ont été connues
dès janvier 1975. Elles avaient trait à la politique de transport
des malades, à la politique de subvention des services d'ambulance et
à la réglementation. Une politique de transport des malades
était effectivement acheminée aux établissements
concernés en avril 1975. Celle-ci déterminait les
modalités des transferts d'urgence par ambulance entre centres
hospitaliers, le transport pour diagnostic et traitement et le transport
aérien d'urgence.
Par ailleurs, le ministère annonçait en même temps
l'application d'une politique de subvention visant à garantir la
rentabilité des entreprises dans les zones ambulancières à
faible volume. L'application de cette politique devait être
subordonnée à celle du règlement afin de pouvoir
bénéficier des systèmes de contrôle
réglementaires et à une description précise des zones
ambulancières.
C'est le 1er février 1976 qu'était acceptée la
première réglementation touchant les services d'ambulance. Elle
fixait les conditions minimales pour l'obtention de permis de services
d'ambulance, les normes minimales des véhicules et des
équipements, les qualifications requises d'un exploitant, d'un
préposé et d'un conducteur d'ambulance, de même que
certaines règles de fonctionnement, notamment l'obligation de
compléter une déclaration de transport pour chaque personne
transportée.
Au cours de l'année 1977, le zonage des services d'ambulance
était révisé particulièrement pour les
régions à densité faible ou moyenne de population.
L'objectif était de découper l'ensemble du territoire du
Québec de manière telle qu'à partir d'un point de services
d'ambulance situé dans une zone toutes les parties du territoire
pouvaient être rejointes par un véhicule-ambulance dans un
délai maximum de 30 minutes à compter du moment de l'appel et
dans des conditions normales de circulation. C'est ainsi que le
ministère émettait en 1977, 328 permis d'exploitation
répartis dans 195 zones dont 131 étaient subventionnées.
Par ailleurs, de façon à rendre les différentes politiques
émises sur le transport des malades plus homogènes et plus
simples d'application, on reformulait une politique de transport des malades
qui entrait en application le 1er décembre 1977. Cette politique
prévoyait pour la première fois la gratuité du transport
des malades entre établissements.
C'est au cours de la même année que le ministère
confiait aux CRSSS le mandat d'assurer la responsabilité de
l'application des politiques d'accessibilité des services d'ambulance.
À cette fin, les conseils régionaux devaient effectuer toutes les
opérations tant administratives que d'information et d'animation
relatives au programme d'accessibilité des services d'ambulance, gestion
des politiques de subvention, liens contractuels avec les entreprises des zones
subventionnées, formation du personnel, recommandations sur
l'émission des permis, etc., et également assurer la coordination
régionale des activités.
En 1979, la politique de gratuité du transport pour les personnes
âgées de 65 ans et plus était acceptée. Un pas de
plus était ainsi fait dans l'accessibilité aux services. Par
ailleurs, par décret, le ministère décentralisait vers les
CRSSS de nouvelles responsabilités en matière de planification,
de programmation, de financement et d'évaluation.
En 1980, le ministère décidait de mettre de l'avant une
étude de prix de revient pour le
transport ambulancier. Cette étude débouchait sur une
tarification unique pour l'ensemble du Québec. Cette tarification
était le résultat de l'addition de tous les coûts
rencontrés par un détenteur de permis pour exploiter son
entreprise, le tout ramené par prise en charge et par kilomètre
parcouru avec le client.
En décembre 1981, le projet de loi 27 confiait au CRSSS du
Montréal métropolitain la mise sur pied d'une centrale de
coordination des urgences. Cette décision suivait le dépôt
d'une étude, le rapport Champoux-Dorval, qui portait sur
l'accessibilité aux services d'urgence dans la région
métropolitaine de Montréal.
En 1981, c'était aussi la mise sur pied par le gouvernement du
Québec du système d'évacuation aéromédicale
appelé EVAC. Le système était mis sur pied pour pallier
à l'éloignement et à l'isolement des gens habitant en
régions éloignées. Le système permet de fournir aux
malades des régions périphériques du Québec
l'accès aux soins d'urgence et aux soins spécialisés
nécessaires à leur état, tout en leur assurant, Mme la
Présidente, la continuité des soins au cours de leur
transport.
Le 8 mars 1984, un protocole d'entente était signé entre
la Corporation des services d'ambulance du Québec et le
ministère, établissant ainsi des paramètres financiers
devant permettre aux entreprises d'atteindre un seuil de rentabilité
minimale, d'assurer un meilleur revenu aux ambulanciers et, donc, une meilleure
stabilisation de l'emploi. Une prime de disponibilité pour les
ambulanciers travaillant sur les véhicules-ambulances dans les zones
subventionnées était établie.
En 1984, année particulière s'il en fut pour le
Québec dans le transport ambulancier, il y eut, d'abord, une longue
période de négociations suivie de moyens de pression de la part
des syndiqués du RETAQ, c'est-à-dire du Rassemblement des
employés et techniciens ambulanciers du Québec, pour obtenir leur
première convention collective. N'ayant abouti à aucune entente,
le gouvernement de l'époque, sous la recommandation de l'actuel chef de
l'Opposition et député de Joliette alors ministre de la
Santé et des Services sociaux, dut aller négocier la loi qu'il
venait de faire adopter - puisque les techniciens ambulanciers ne la
respectaient pas - et établir par décret les conditions de
travail afin de rétablir le service à Montréal. C'est
ainsi que l'on s'est retrouvé, au Québec, avec deux
systèmes ambulanciers distincts, celui de Montréal et un autre
pour la province. Je reviendrai, Mme la Présidente, un peu plus tard sur
ces deux aspects.
Comme vous pouvez le constater par la chronologie des
événements marquant le transport ambulancier au Québec, de
service humanitaire ou charitable offert par des entreprises funéraires,
des municipalités ou des organismes bénévoles, le
transport ambulancier est devenu, en 1987, une véritable industrie
où nous retrou- vons plus de 188 entreprises, dont 176 sont à but
lucratif, et pour lesquelles oeuvrent un peu plus de 2300 employés. Les
entreprises se répartissent dans 192 zones et 492 véhicules
répondent à l'ensemble des demandes de tout le Québec. Le
temps-réponse pour la prise en charge d'un bénéficiaire
varie selon que l'on se situe en milieu urbain, semi-urbain ou rural, ou encore
que le transport soit primaire ou secondaire. Par ailleurs, de service
entièrement financé par la clientèle jusqu'à la fin
des années soixante, le transport ambulancier puise aujourd'hui ses
sources de revenus à même les deniers publics dans une proportion
dépassant le cap des 90 %.
En ce qui a trait à la clientèle desservie par le
transport ambulancier, elle est légèrement à la baisse
depuis 1979. Sans doute les programmes de prévention
développés par l'État, l'application des mesures de
sécurité sur la route et la prise en charge des cas urgents en
régions par le système EVAC ont-ils contribué à
cette stabilisation de la demande. On peut aussi remarquer que la
clientèle s'est modifiée sensiblement avec le temps. Le transport
primaire occupe maintenant plus de 60 % du marché. Pour leur part, les
personnes âgées de 65 ans et plus représentent une partie
non proportionnelle à leur évolution en nombre avec une
augmentation de 32 % entre 1981 et 1985. Quant à la qualité des
services, nous avons constaté que l'on pouvait l'améliorer
considérant, entre autres, les nouvelles technologies tant pour ce qui
est des communications que des instruments et des appareils d'intervention
dont, entre autres, la reforme annoncée le 2 mars dernier et dont je
parlerai plus abondamment tout à l'heure.
Pour ce qui est de la clientèle, la population du Québec
utilise près de 400 000 fois le transport par ambulance en un an. 63 %
de ces transports sont du transport primaire et 37 % du transport
interétablissements. Les personnes âgées de 65 ans et plus
sont la clientèle majoritaire de ce service dans une proportion de 52 %.
Une analyse sommaire des statistiques des transports primaires à la
centrale de coordination des urgences du CRSSS de Québec
révèle ce qui suit: 25 % des transports sont dus à des
problèmes cardiaques et à des difficultés respiratoires,
25 % à des problèmes orthopédiques, fractures et accidents
de la route, 7 % à des problèmes de psychiatrie, 12 % à
des problèmes neurologiques et d'arrêts, d'accidents
cardio-vasculaires, et 31 % des transports sont dus à diverses autres
raisons, tels diabète, hémorragies, douleurs abdominales,
etc.
Une autre donnée intéressante. Nous avons constaté
dans la région de Québec, la région 03, que 18 % à
20 % des cas urgents arrivaient aux centres hospitaliers par ambulance, mais
que ces 18 % à 20 % d'arrivées contribuaient pour 75 % à
80 % des jours d'hospitalisation. On peut, donc, conclure que ces
données nous donnent un aperçu de la gravité des cas
transportés par ambulance, mais illustrent aussi la pertinence
d'une intervention rapide et compétente.
En ce qui concerne les maladies cardio-vasculaires, elles
sont, comme on le sait, une cause importante de morbidité et de
mortalité. L'évolution de la technologie, les connaissances plus
poussées et des traitements plus efficaces ont fait repousser de
façon radicale les échéances de la morbidité et de
la mortalité. Mais si efficaces que soient les soins que l'on peut
apporter dans un hôpital, ils sont, la plupart du temps,
dépendants de la qualité et de la rapidité de la
première intervention. (12 heures)
Le vieillissement de la population, pour sa part, n'est pas
sans rapport avec les besoins en services ambulanciers. On sait, en effet, que
si l'espérance de vie a augmenté de façon significative
depuis plusieurs années, l'espérance de vie en bonne
santé, quant à elle, est demeurée stationnaire. Par
ailleurs, les personnes âgées demeurent plus longtemps à
domicile. L'ambulance constitue souvent, pour un bénéficiaire
âgé arrivé à un certain niveau d'incapacité
fonctionnelle, le seul moyen d'accès à l'hôpital. Ceci
s'applique également pour les personnes âgées vivant dans
un centre d'accueil, d'hébergement ou en centre hospitalier de longue
durée, dont la moyenne d'âge augmente sans cesse et qui ont
fréquemment besoin de soins spécialisés.
Selon la RAAQ et certaines études américaines
également, les connaissances actuelles en traumatologie permettent de
conclure que la première heure est capitale quant au pronostic des
accidents de la route. Plus de 50 % à 60 % des décès
d'accidentés de la route ont lieu en-dedans de quelques heures
après une blessure causée en général par des
hémorragies internes, soit à la tête, à l'abdomen ou
au système respiratoire. La majorité de ces blessures sont
considérées comme guérissables selon les traitements
médicaux habituels. Cependant, l'intervalle entre la blessure et le
traitement définitif est critique.
Dans son analyse de la problématique
spécifique reliée aux victimes d'accidents de la route, la RAAQ
formule l'avis qu'une amélioration de la formation des policiers et des
ambulanciers pourrait apporter des bénéfices substantiels pour la
victime. À titre d'exemple, mentionnons les fractures de la colonne
cervicale qui peuvent causer une quadraplégie. On sait que ces fractures
se compliquent assez fréquemment soit pendant le transport ou à
l'arrivée à l'hôpital. S'il est difficile, comme nous
l'avons mentionné plus haut, de qualifier de façon précise
la clientèle des services ambulanciers, ces quelques exemples donnent,
néanmoins, un aperçu des besoins de la clientèle pour qui
un service rapide et compétent d'ambulanciers représente le moyen
d'accès à des services de plus en plus sophistiqués. Ils
illustrent aussi l'étroite relation qui existe entre l'intervention
première et l'intervention plus spécialisée.
Comme on le sait par les études américaines
et la littérature scientifique médicale canadienne, la mise sur
pied de politiques et de systèmes visant à améliorer,
entre autres, la rapidité des interventions pour le traitement des
grands traumatisés a permis de réduire de façon
considérable la mortalité, la morbidité, les pertes de
productivité, les coûts sociaux et les coûts de
réadaptation occasionnés par cette clientèle. Cette
analyse de la clientèle et de ses besoins a fait ressortir l'importance
du facteur temps, mais aussi du facteur qualité. Ce facteur
qualité est d'autant plus important que les distances sont parfois
grandes a parcourir. Au chapitre de la qualité des soins, il faut nous
assurer du bon état de fonctionnement, de la propreté et de
l'asepsie des véhicules, ainsi que du matériel, mais,
au-delà de cela, )es équipements doivent être
adéquats, la formation du personnel bonifiée et le
temps-réponse lors d'une intervention réduit le plus
possible.
C'est dans un souci de qualité et de meilleure efficience du
service que nous avons annoncé la réforme du 2 mars dernier.
Celle-ci prévoit la réorganisation du transport ambulancier dans
tout le Québec. Basée sur de nombreux rapports produits à
ce jour, citons les rapports Marois, Tremblay, Drouin et, le dernier en lice.
le rapport SECOR, la réorganisation vise l'amélioration du niveau
de services, la stabilisation de la main-d'oeuvre en régions,
l'amélioration des systèmes de contrôle et la
rationalisation des opérations et des coûts. Pour atteindre ces
objectifs, il faut rappeler les mesures que nous entendons appliquer: la
première, l'augmentation de la formation des techniciens ambulanciers
à 825 heures; la seconde, une rémunération
différente en régions afin de stabiliser l'emploi: la
troisième, la mise sur pied de centrales de coordination des appels
éventuellement sur l'ensemble du territoire; la quatrième, des
normes et standards plus élevés pour les équipements et
les véhicules. Je reviendrai au cas particulier de Montréal par
la suite, même si la plupart des points mentionnés plus haut vont
contribuer, là comme ailleurs, à une augmentation de la
qualité de services.
Parlons, dans un premier temps, de la formation. Actuellement, il est
important de savoir que celle-ci se situe aux environs de 150 heures en
province et de 280 heures à Montréal Pour saisir le
bien-fondé du rehaussement de la formation à 825 heures, autant
en regions qua Montréal, il suffit de constater que les ambulan ciers en
régions passent en moyenne 32 minutes seuls auprès du
bénéficiaire Ceux de Montréal font des trajets de beaucoup
plus courte durée et bénéficient, de plus, d'une
assistance médicale et logistique de haut niveau, mais, par contre, ils
font face à des cas lourds de façon plus régulière
qu'en régions. De là l'importance de reconnaître rapidement
les signes de traumatismes graves. Le rôle du technicien ambulancier a
évolué plus vite que les structures qui auraient pu favoriser un
meilleur développement et une
intégration plus rapide de ce dernier dans le secteur
préhospitalier. Un travail se rapprochant de celui de brancardier au
départ, le rôle de technicien ambulancier a évolué
avec les années pour prendre une place de plus en plus importante comme
intervenant de première ligne.
Souvent dans des conditions extrêmement difficiles, le technicien
ambulancier est amené à poser des gestes qui peuvent avoir
d'importantes répercussions. Par conséquent, nous croyons que la
qualité des services passera sans doute par une hausse du niveau de
formation et par l'accès des ambulanciers à des programmes
d'actualisation et de connaissances. Il est essentiel qu'ils puissent
reconnaître et distinguer les signes physiologiques et les
symptômes, qu'ils puissent en apprécier la gravité et
qu'ils sachent appliquer l'ensemble des techniques de stabilisation pour
répondre aux besoins immédiats de la personne en situation
d'urgence.
En ce qui concerne la stabilisation de la main-d'oeuvre, il est
important de souligner qu'il existe à ce jour, en régions, de
nombreux problèmes, que ce soit la pénurie de main-d'oeuvre, la
perte du personnel plus qualifié au profit des grands centres, ou encore
le peu d'intérêt que représente un emploi sur appel. Afin
de donner aux régions la qualité et le service auxquels elles ont
droit, nous devons les doter de moyens qui favoriseront la main-d'oeuvre
déjà sur place et les intéresser à faire
carrière en technique ambulancière chez eux. Pour ce faire,
l'établissement d'horaires précis garantissant un revenu
suffisant avec des conditions de travail intéressantes gardera notre
main-d'oeuvre plus spécialisée dans les régions
respectives. Par la mise sur pied de centrales de coordination, nous
diminuerons le temps de réponse en régions. Actuellement, en
effet, les zones n'étant pas perméables entre elles, il arrive
des situations où par exemple, à cause d'un transfert
interétablissements, une zone peut se retrouver momentanément
découverte.
Il est important de remédier à cela. Grâce aux
centrales de coordination, nous saurons où se trouvent les ambulances
et, en cas de besoin, nous pourrons les acheminer aux endroits appropries
beaucoup plus rapidement et beaucoup plus efficacement. De plus, la population
des régions pourra bénéficier de l'accès au
numéro unique, soit le 911. Il est facile de comprendre le
problème que pose la mémorisation de multiples numéros
d'urgence, que ce soit les numéros des policiers, des pompiers, des
ambulances, numéros qui, d'ailleurs, sont différents actuellement
dans les régions d'une municipalité à l'autre. Le
numéro unique est beaucoup plus sécuritaire et,
particulièrement, pour les clientèles du troisième
âge et pour les jeunes enfants.
À ces mesures s'ajoute à Montréal la dissociation
d'Urgences-santé du CRSSS, à la fois pour des raisons
administratives et des raisons opérationnelles. Pour ce faire, la
création d'un organisme sans but lucratif, qui intégrera, le cas
échéant, les techniciens ambulanciers, viendra, à toutes
fins utiles, confirmer la situation qui prévaut depuis 1984 et qui a
contribué depuis ce temps à la dégradation des relations
du travail. Comme on le sait, la problématique de l'organisation du
système ambulancier à Montréal diffère grandement
de celle des autres régions du Québec. En effet, le
fonctionnement d'Urgences-santé repose sur une grande
disponibilité des ressources à tous les niveaux. Techniciens
ambulanciers permanents, flottes de véhicules-ambulances suffisantes et
aide administrative requise pour assurer le fonctionnement des activités
prises en charge par Urgences-santé. Par contre, il existe un
problème aigu quant au partage des responsabilités entre les
différents intervenants impliqués, c'est-à-dire CSSMM,
CRSSS à Montréal, Urgences-santé, établissements,
entreprises et syndicats.
Ce problème de nature organisationnelle a atteint une dimension
critique qui génère un climat de méfiance et handicape
finalement l'efficacité du système ambulancier dans son ensemble.
Pour comprendre l'évolution de la situation, rappelons-nous qu'à
l'origine Urgences-santé a été créé pour
répondre à trois types de problèmes: le manque de
coordination dans le transport ambulancier, les difficultés de
fonctionnement des services hospitaliers et le développement
incohérent de services privés de visites médicales
à domicile fonctionnant en marge du réseau hospitalier. Depuis,
malgré le fait qu'Ur-gences-santé a été
créé pour des fins de coordination et de contrôle, cet
organisme est devenu, à la faveur des événements, un
intervenant direct dans les opérations des services de transport
ambulancier.
Cette implication opérationnelle s'est traduite par la gestion
d'une centrale de coordination, une implication dans les gestions des horaires
de travail, l'achat et la distribution de fournitures médicales, la
supervision sur le terrain, la facturation, le paiement et la prestation de
services de formation. Urgences-santé est donc devenu à toutes
fins utiles, au fil des ans, impliqué à tous les niveaux de
transport ambulancier, nous forçant ainsi à réviser son
rôle et celui des employeurs. (12 h 10)
Finalement, M. le Président, il nous faut établir une
modalité différente de rétribution des entreprises, que ce
soit à Montréal ou en province. À Montréal, un
contrat de location dissocié du fonds de salaire y veillera, tandis
qu'en province le contrat à budget viendra y pallier en assurant
l'entreprise de la marge de manoeuvre nécessaire. Les entreprises vont
cesser d'être payées à l'appel. Elles auront
dorénavant un budget global avec lequel elles pourront composer,
puisque, comme on le sait, les frais fixes ne sont pas nécessairement en
rapport direct avec le nombre d'appels, particulièrement en
régions. Enfin, le gouvernement du Québec se donne le pouvoir
d'aller en soumissions publiques
afin que cessent les trop grandes divergences quant aux tarifs.
M. le Président, le projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur
les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions
législatives, a été déposé à
l'Assemblée nationale afin de donner suite à la réforme
annoncée le 2 mars par le gouvernement. Je me suis attardé sur
l'historique pour démontrer qu'il était plus que temps d'avoir
une réforme en profondeur et sur tout le territoire. Le projet de loi se
veut l'outil nécessaire pour mettre cette réforme en place.
De façon sommaire, cette loi instaure de nouvelles règles
en matière de transport ambulancier au Québec et prévoit
à cette fin, pour la région de Montréal, la
création d'une corporation à but non lucratif qui aura pour
objet, en lieu et place du Conseil de la santé et des services sociaux
de la région métropolitaine de Montréal, d'organiser et de
coordonner sur son territoire le transport ambulancier. Pour la
réalisation de son objet, la corporation pourra, notamment, favoriser la
concertation entre les différents intervenants en matière de
transport ambulancier, recevoir les appels de demandes de services d'ambulance,
en faire la répartition et exploiter, le cas échéant, un
service d'ambulance ou un service d'intervention médicale d'urgence.
La loi prévoit les règles applicables à cette
corporation de même que la composition de son conseil d'administration
dont les membres sont nommés par le gouvernement. Cette corporation
pourra conclure avec tout propriétaire d'ambulances un contrat de
location de véhicules et, pour ce faire, procédera par
soumissions publiques. Des dispositions particulières sont toutefois
prévues pour l'ensemble des premiers contrats à être
signés que la corporation devra offrir en priorité aux titulaires
actuels de permis d'exploitation de services d'ambulance de la
région.
Pour les autres régions du Québec, la loi prévoit
que, sur demande du ministre, le conseil régional de la santé et
des services sociaux prépare un plan relatif à la coordination du
transport ambulancier dans sa région en indiquant à quel
organisme ou centre hospitalier est confiée la responsabilité
d'une telle coordination. L'organisme ou le centre hospitalier ainsi
désigné pourra conclure avec tout exploitant de services
d'ambulance qui oeuvre dans la région un contrat afin de disposer du
service d'ambulance de cet exploitant ou autoriser une municipalité
à faire un tel transport. Les règles prévues ci-haut pour
la corporation s'appliqueront alors en faisant les adaptations
nécessaires.
Cette loi modifie, compte tenu des changements apportés en
matière de transport ambulancier, la Loi sur la protection de la
santé publique pour y prévoir principalement la coexistence de
règles applicables aux titulaires de permis et aux signataires de
contrats en matière de transport ambulancier. Elle resserre en outre les
dispositions applicables en matière de suspension et de
révocation de permis et modifie la Loi sur la Commission des affaires
sociales.
Ce projet prévoit par ailleurs qu'aux fins du Code du travail
sont des services publics, tout comme le transport ambulancier, la nouvelle
corporation ainsi qu'un organisme qui se voit confier la responsabilité
de la coordination du transport ambulancier dans une région
donnée.
Enfin, diverses dispositions transitoires sont prévues concernant
le transfert à la nouvelle corporation des employés du Conseil
régional de la santé et des services sociaux de la région
métropolitaine de Montréal oeuvrant au Centre de coordination des
urgences de même que le transfert des techniciens ambulanciers à
l'emploi des titulaires actuels de permis d'exploitation de services
d'ambulance dans la région de Montréal. La protection des droits
respectifs de ces employés est aussi assurée et des modifications
sont notamment apportées à cette fin à la Loi sur le
régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes
publics pour les employés transférés du conseil à
la corporation.
Nous sommes conscients que ce projet de loi modifie des règles en
matière de transport ambulancier. Cependant, la population du
Québec peut être assurée que c'est dans un but de plus
grande qualité et de plus grande efficience du service, auxquelles elle
a droit. Je demande donc à cette Assemblée la collaboration de
tous et de toutes pour l'adoption du principe de ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président: Nous allons poursuivre le débat
avec l'intervention de M. le chef de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez,
d'abord, de dire qu'à la lecture même de ce projet de loi 34 je
constate carrément l'abdication des responsabilités d'un ministre
et que, à toutes fins utiles, c'est l'aboutissement d'une impuissance
ministérielle à faire dégager un consensus dans le
système de santé et auprès de tous ceux qui oeuvrent, de
près ou de loin, dans le domaine du transport ambulancier.
Ce projet de loi n'est, ni plus ni moins, qu'un seul changement de
structures, et je vais le démontrer au cours de mon exposé. Il y
a une absence totale dans ce projet de loi de préoccupation face
à la qualité des soins. On se préoccupe du transport, mais
on ne se préoccupe absolument pas de la qualité des soins qui se
donnent dans le transport ambulancier. On constate également que ce
projet de loi est tout à fait ou diamétralement opposé
à la philosophie libérale, qui est une philosophie de
privatisation. Dans le cas présent, on nous présente un projet de
loi qui procède à une étatisation, mais pas
complète, et je vais le démontrer.
Également, ce projet de loi vient instaurer
deux classes de travailleurs, des travailleurs fonctionnaires
d'État, du parapublic, et des travailleurs du privé, et,
automatiquement, deux classes de service, un service chromé en transport
ambulancier pour Laval et Montréal, mais un service ordinaire pour
Longueuil, sur la rive sud, Québec, Trois-Rivières et le reste du
Québec. C'est ce que fait le projet de loi. Je vais essayer de le
démontrer le plus précisément possible.
Tout d'abord, vous aurez remarqué que le ministre, sans
conviction, a lu un texte, sans doute préparé par le nouveau
p.-d.g., un texte extrêmement théorique, sans conviction,
expliquant ce qu'il voulait faire. Mais ce qu'on a à voter, c'est le
contenu d'une loi, ce ne sont pas des voeux pieux. La loi fait suite, est
l'aboutissement, à toutes fins utiles, de quatre rapports: le rapport
Marois, comme disait le ministre, le rapport Tremblay, le rapport SECOR et,
bien sûr, le rapport du RETAQ, qui a été remis au ministre.
Ce ministre n'a même pas su répondre en cette Chambre à des
questions précises sur la qualité des soins. Je prends l'exemple
du Sri Lankais. Le ministre n'a même pas eu en main les rapports concrets
sur la façon dont on pouvait contrôler la qualité des
services. Ce ministre n'a même pas su rendre publics ces rapports, et il
nous présente, bien sûr, sans conviction, un projet de loi qui
change des structures. D'où émane ce changement? D'où
vient ce changement de structures? Par qui ce changement de structures est-il
demandé?
Vous verrez, très concrètement, que le ministre ne s'est
même pas inspiré des rapports qui lui ont été remis.
Tout d'abord, prenons le rapport Forget. Le rapport Forget a amené une
kyrielle de suggestions, de recommandations qui ont été
carrément ignorées dans le projet de loi. Le rapport Forget s'est
intéressé aux coûts, coûts fortement contestés
par les propriétaires. Pourtant, on n'est pas allé voir les
propriétaires pour savoir ce qu'ils contestaient dans cela afin qu'ils
puissent présenter, formellement, leurs points de vue.
Bien sûr, on a le RETAQ qui, devant la commission Marois, disait
carrément - je vous le rappelle, cela remonte à 1986 - par son
porte-parole à l'époque, M. Pierre Lamarche, actuel p-d.g.: "Si
les techniciens et les techniciennes ambulanciers ont posé, comme
objectif, l'étatisation des services préhospitaliers, c'est
qu'ils voulaient briser la logique inhérente à la
propriété privée, le profit." (12 h 20)
Donc, le ministre se rend exactement à la plaidoirie que faisait
M. Pierre Lamarche, actuel p.-d.g. de cette corporation sans but lucratif,
devant la commission Marois. C'est une abdication complète de ses
responsabilités. Le ministre se devait au moins, je pense, non seulement
de consulter les techniciens ambulanciers, mais il y a aussi du personnel
professionnel, il y a des infirmiers, des infirmières, des
répartiteurs, des directeurs, il y a des propriétaires dans cet
ensemble. Quand on présente une loi on se doit au moins, M. le
Président, d'avoir permis à un ensemble, ou bien de
dégager des consensus, à tout au moins de faire valoir son point
de vue. Le ministre s'est carrément rangé derrière la
position du RETAQ. D'ailleurs, cette absence de consultation, il se le fera
dire... C'est à peine une heure qu'on a interrogé les deux
groupes de propriétaires ambulanciers de Montréal et la
Corporation des ambulanciers du Québec. Une heure! Imaginez-vous, une
heure seulement. Les infirmières ont été ignorées
dans leur rôle fondamental qu'elles ont à jouer.
Pour une première fois dans le domaine de la santé et des
services sociaux - c'est une première au Québec, vous regarderez
toutes les lois dans le domaine de la santé - nous avons un p.-d.g., un
président-directeur général. Partout dans le secteur de la
santé, que ce soit dans les CSS, les CLSC, les CRSSS, le directeur
général relève toujours d'un conseil d'administration
présidé par une autre personne. Cette fois-ci c'est un p.-d.g.,
celui qui devant la commission Marois disait que la seule façon de
tasser ou de casser l'entreprise privée - politique pourtant
libérale, politique du gouvernement libéral - c'était
l'étatisation. M. le Président, le jupon du ministre traîne
à terre. Il se démasque avec ce projet de loi.
Ce n'est pas surprenant que les rumeurs veulent que le 2 mars dernier il
était accompagné du sous-ministre de la santé dans une
cabane à sucre pour dire au RETAQ: Voici, vos problèmes sont
réglés. Les rumeurs veulent cela. Le sous-ministre de la
santé aurait dit: Vos problèmes sont réglés. Soyez
sans crainte, le ministre délégué à la Santé
va vous régler cela par des nominations, par une structure qui vous est
chère. Ce sont les paroles mêmes des gens du RETAQ qui nous
disent: Oui, le sous-ministre de la Santé nous a dit cela. Drôle
de façon de dégager des consensus. Regardons la composition
même de son projet de loi, de son conseil d'administration: un p.-d.g.
ex-négociateur en chef du RETAQ et trois membres des techniciens
ambulanciers au conseil d'administration - quatre sur neuf - après cela
un membre de la communauté urbaine. Où sont les médecins?
Où est le personnel professionnel? Ignoré, M. le
Président. Absolument ignoré. Où sont les usagers, dans la
composition de son conseil d'administration? Aucun. Y a-t-il un
propriétaire, au moins, au conseil d'administration? Aucun. C'est un
conseil d'administration taillé sur mesure pour répondre à
un objectif bien précis du RETAQ, du regroupement des techniciens.
Absence totale de standards de qualité de soins pour tout le
Québec. Le mutisme le plus complet. Ce n'est pas grave. Qui va
contrôler la qualité des soins? Trouvez-moi cela dans le projet de
loi. Pas un traître mot. Qui décide de l'intervention
médicale? Pas un traître mot. Où est la place du
"paramedic" dans la structure? On ne sait pas, on l'ignore. Qui a
autorité sur les
superviseurs? Sans doute le p. -d. g., M. le Président. Mais on
sait que le regroupement des techniciens veut abolir le tri qui se fait par des
infirmiers, des infirmières qui répondent aux appels. Où
sera la place de ces infirmiers et ces infirmières? On l'ignore
complètement. Le ministre dit: Nous allons assurer la
sécurité d'emploi. Faudrait-il qu'il ajoute que dans son projet
de loi il écrit: Seuls ceux qui figureront sur la liste de transfert
auront les droits acquis? C'est dans son projet de loi. Il ne faut quand
même pas induire en erreur ceux et celles qui oeuvrent là
présentement. Le projet de loi ne donne la sécurité des
droits acquis qu'à ceux qui paraîtront sur la liste de transfert.
Et cela, le ministre ne le dit pas. Qui fera le triage? Je l'ai dit
tantôt: On ne le sait pas. Mais on sait une chose, c'est que le
président du RETAQ ne veut plus de triage. Il veut que chaque appel qui
est acheminé à Urgences-santé se retrouve dans les
urgences. Quel sera le résultat, M. le Président, quand on sait
qu'à Urgences-santé on reçoit à peu près
1000 appels par jour et que seulement 250 personnes sont amenées dans
les salles d'urgence? S'il n'y a pas de tri, comment Mme la ministre de la
Santé et des Services sociaux va-t-elle se débrouiller avec les
salles d'urgence, elle qui a de la misère à aller chercher de
l'argent au Conseil du trésor pour régler le problème des
urgences? On se retrouvera avec 700 ou 800 personnes dans les urgences parce
qu'il n'y aura pas de tri.
D'ailleurs, Toronto vit ce phénomène, et ils sont en train
de le modifier parce que cela n'a pas de bon sens. Ici, comme d'habitude, on va
aller singer sur Toronto, mais on sait que c'est une formule déjà
dépassée et déphasée, qu'on s'interroge
énormément sur cette formule et qu'il faut un triage. Non, le
ministre se rend à l'argumentation du président des
techniciens.
M. le Président, qui donnera l'information? Combien
d'informations sont données chaque jour à des citoyens qui
appellent, qui ont un petit malaise, qui demandent de l'information? Ce sont
les infirmières qui rendent ce service à la population à
Montréal. On ne le sait pas d'après le projet de loi. C'est une
absence totale de contrôle de la qualité des soins. Où se
situera l'intervention médicale dans tout cela? On parle de soins
préhospitaliers. Qui aura l'autorité sur la qualité des
soins? Un p. -d. g. ou un médecin responsable qui va prendre les
décisions qui s'imposent, si on ne veut pas revivre des cas comme celui
du Sri Lankais? La qualité des soins était secondaire, ce qui
urgeait pour le ministre, c'étaient le chantage et la menace d'une
grève le 1er juillet. C'est cela qui comptait, et non pas la
qualité du transport ambulancier, la qualité des soins
donnés aux patients transportés par ambulance.
Est-ce que le ministre a pris la peine, par exemple, d'aller interroger
les spécialistes de l'Université de Sherbrooke qui peuvent
définir très clairement le nombre d'heures nécessaire pour
la formation d'un technicien ambulancier? N'a-t-il pas plutôt
accepté spontanément 825 heures, comme cela, en faisant fi du
fait qu'il y a des "paramedics" à qui on refuse même de poser des
gestes, alors qu'ils ont une formation à peu près
équivalente? Certains ont 2000 heures de formation et on leur refuse de
poser des gestes pour sauver des personnes. Il dit que la qualité sera
améliorée. Dans le cadre des possibilités qu'a un
technicien, est-ce qu'il n'aurait pas mieux valu laisser à des
spécialistes le soin de définir quel devrait être le
programme-cadre, le nombre d'heures de formation minimal pour un technicien,
sous la supervision de spécialistes? Il me semble que, quand on a le
souci de la qualité, c'est un peu ce qu'on regarde.
Le ministre n'a même pas d'évaluation de ce que cela va
coûter. Ma collègue et moi lui avons posé des questions en
commission parlementaire. Il n'a même pas d'évaluation de ce que
cela va coûter. Mais non, cela urgeait quand même, M. ne fallait
pas faire cela, ce qui urgeait, c'était d'éviter une grève
éventuelle. Et on se retrouvera dans le même cul-de-sac qu'avant
là-dessus. C'est une question administrative, il n'y a même pas eu
d'enquête pour améliorer la situation. On a
préféré se rendre à un voeu, à une condition
préalable posée aux négociations: Si tu ne nous donnes pas
cette loi, on ne négocie pas, surveille-nous bien, on part! Cela, c'est
de l'abdication la plus complète.
Le ministre pourrait-il nous dire aussi pourquoi, par exemple, les gens
de la rive sud, où il y a une forte agglomération, n'auraient pas
la même qualité de services que I'îIe de Laval? Pourquoi les
gens de la rive sud, à proximité de Montréal, n'ont-ils
pas la qualité de services qu'on retrouve sur l'île de
Montréal et sur I'îIe de Laval? Comment peut-il l'expliquer?
Comment le ministre peut-il se targuer d'améliorer les services
ambulanciers quand il ne touche pas à la ville de Québec, par
exemple, pour créer une centrale de coordination pour Québec?
Comment le ministre peut-il faire autrement que de dire: C'est absolument vrai,
j'ai dû plier, j'ai dû me rendre aux arguments qui étaient
pesants, en l'occurrence, à savoir qu'il y aurait peut-être une
grève, et je ne voulais pas avoir à y faire face? (12 h 30)
Que le ministre ne vienne pas nous dire qu'il a amélioré
la situation! Il crée deux classes de citoyens. La rive sud, on n'est
pas trop pressé pour vous, vieillissez tranquilles, on ira vous voir.
À Laval, vous l'aviez, on le conserve et on vous donne un
président-directeur général avec un conseil
d'administration dirigé par un seul groupement de travailleurs et non
pas par l'ensemble des catégories de personnel.
M. le Président, plus que cela. Le projet de loi du ministre va
permettre à des municipalités riches de se payer un
système parallèle. On aura, de par ce projet de loi, des
municipalités riches. Il sait bien ce que je veux dire à part
cela et de quel coin je veux parler. Il y aura des municipalités
qui se paieront des services chromés, comme on dit en bon
québécois, et nos citoyens des milieux moins favorisés,
des milieux pauvres, des milieux moins bien nantis auront un service de
qualité inférieure. Est-ce cela l'équité dans les
services de santé, M. le Président? Depuis l'enquête
Castonguay-Nepveu, on a toujours voulu une équité dans les
services de santé. C'est une brèche monumentale que le projet de
loi vient créer. Je voudrais bien que le ministre me dise comment il
pourrait l'empêcher puisque, de par sa loi, il permet à des
municipalités... Il ouvre la porte toute grande pour l'iniquité
dans les services de transport ambulancier.
Cette loi, également, est tout à fait contraire à
la philosophie du Parti libéral, diamétralement opposée
à la philosophie du Parti libéral qui est la privatisation.
Croyez-le ou non, ce ministre se donne un pouvoir d'étatiser. Il
transforme les propriétaires ambulanciers, à toutes fins utiles,
en locateurs de tôle, de véhicules, pas plus que cela. Le
propriétaire n'a aucun contrôle sur l'utilisation de sa propre
machinerie. Il s'arroge le pouvoir d'enlever le permis - donne une
préséance au départ bien sûr - quand il veut et sans
aucune indemnisation.
M. le Président, je référerai le ministre à
des lois qu'on a votées dans cette Chambre. Je pense, par exemple, aux
pourvoyeurs qui sont sous bail. Quand le ministre leur enlève le bail de
pourvoyeurs, il a l'obligation, de par la loi, de les indemniser d'une
façon juste et équitable. Si le gouvernement avait
été cohérent, il aurait étatisé au complet
ou il aurait laissé cela privé, mais il n'aurait pas fait une
étatisation pour plaire à un groupe, ni laissé une
privatisation tout à fait fausse dans ses fondements mêmes. On
n'étatise pas sans indemniser les gens de façon correcte,
à leur juste valeur. Il y a des évaluateurs professionnels qui
sont capables de juger ce que vaut une flotte d'ambulances. Il y a des
évaluateurs professionnels qui peuvent juger ce que vaut un fonds de
commerce. Il y a des évaluateurs professionnels qui peuvent
établir si le coût du permis, le rachat des permis, vaut quelque
chose. Les propriétaires vont venir nous dire: Étatise-nous au
complet ou laisse-nous comme nous sommes. Mais arrange-toi pas pour qu'on meure
à petit feu. Ils ont saprement raison! On ne peut pas exproprier des
gens de même sans leur offrir au moins une indemnité minimale. Je
ne parle pas de leur donner sept fois ce que cela vaut. Je parle de juste prix,
de coûts évalués professionnellement, de coûts
réels.
Il y a eu une absence de consultation flagrante des propriétaires
et c'est par centaines que j'ai reçu des copies conformes de
télégrammes adresses au premier ministre Robert Bouras-sa, M. le
Président et je n'en ai pas vu un, je n'en ai pas rencontré un
dans tout le Québec - et j'ai vérifié auprès de mes
collègues - il n'y a pas un propriétaire qui se dit satisfait
d'une telle loi qui fausse les règles du jeu. C'est la négation
même des règles les plus élémentaires quand on
exproprie des gens. On ne les indemnise même pas.
M. le Président, on sait les dommages qu'il y a eu sur certains
véhicules. Il y en a un, entre autres, six transmissions
brûlées dans une semaine et je pourrais faire venir ce
propriétaire pour témoigner. Quel avantage a-t-il à louer
seulement de la machinerie quand il ne saura même pas... Ce n'est plus
lui qui a le contrôle du gars qui va conduire le véhicule.
Où s'en va-t-on avec des systèmes du genre? Ou bien le
gouvernement étatise au complet, il indemnise correctement, justement,
mais il n'introduit pas un mécanisme où les contrôles
seront encore pires qu'ils étaient antérieurement. Cela n'a pas
de bon sens. Cela va devenir des coûts astronomiques, et je comprends le
ministre, quand je lui pose des questions, de ne pas être capable de me
répondre. Si on brûle autant de transmissions et si on fait autant
de folies sur les véhicules, c'est bien sûr que le coût
horaire va augmenter d'une façon vertigineuse. Qu'est-ce qu'on va avoir?
Tantôt, ce sera Tilden qui va louer? Ce sera qui? Qui sont les gens
intéressés à vivre dans ce secteur,
intéressés à ce secteur si ce ne sont des locateurs de
machinerie? On aura beau augmenter le standard des équipements, ce qui
fera un coût encore plus grand, ce avec quoi je suis d'accord d'ailleurs,
soit d'améliorer le standard des équipements, mais tout en
améliorant le standard des équipements, on devrait fixer dans
tout le Québec des standards minima de contrôle de soins et aussi
de contrôle de services, sinon c'est quoi? Les heures
étudiées? Quand un décret dit que, même si vous
échouez, vous restez quand même là et vous faites quand
même votre travail, cela ne fait pas sérieux comme réforme.
Cela ne fait pas du tout sérieux.
M. le Président, je reviens pour dire un mot sur
l'équité. Je suis surpris qu'on n'en ait pas profité au
moins, parce qu'on l'appelle la corporation sans but lucratif du
Montréal métropolitain. Le Montréal métropolitain,
que je sache, c'est grand. La rive sud n'échappe pas à cela.
Est-ce que les citoyens de la rive sud sont des citoyens de second ordre?
Là où le nombre l'exige, combien de fois retrouvons-nous ce bout
de phrase dans certaines lois? Québec est une grande ville, avec sa
banlieue. Comment se fait-il qu'on n'ait pas pensé à
améliorer la qualité des services ambulanciers dans la
région de Québec en lui donnant une centrale qui est
réclamée depuis un bon bout de temps? Non, M. le
Président, ce n'était pas Québec. Ça ne criait pas.
Les travailleurs vont demeurer des travailleurs ordinaires du privé.
C'était Montréal, travailleurs syndiqués qui deviendront
des fonctionnaires de l'État, qui criait, et c'est à eux qu'il
fallait répondre. Donc, l'objectif et les notes explicatives
d'amélioration de la qualité des soins, mon oeil! Le ministre a
eu peur. Le ministre est un
peureux, M. le Président. Il n'a pas voulu faire face à la
musique et prendre ses responsabilités.
On crée deux classes de travailleurs. Je suis même inquiet
de la position de la CSN, et je le dis comme je le pense. Je suis surpris que
la CSN accepte que le ministre délégué à la
Famille, à la Santé et aux Services sociaux crée deux
classes de travailleurs, qu'il convertisse les ambulanciers et les techniciens
ambulanciers de Montréal en fonctionnaires, et les autres,
débrouillez-vous dans vos petits secteurs privés. Je suis surpris
que la CSN accepte une telle position comme je suis surpris d'ailleurs que la
CSN accepte une étatisation à moitié, elle qui chiale
contre la qualité des véhicules depuis des années, elle
qui dit que les propriétaires sont quasiment des bandits. Comment se
fait-il qu'ils n'ont pas exigé du ministre, quant à être
partis, parce qu'il tenait ce discours-là très clairement devant
la commission Marois. Si les techniciens et techniciennes ambulanciers ont
posé comme objectif l'étatisation des services
préhospitaliers, c'est qu'ils voulaient briser la logique
inhérente à la propriété privée au profit.
C'était M. Lamarche qui s'exprimait ainsi. Donc, comment se fait-il que
le ministre n'ait pas senti le besoin d'être cohérent de a
à z et d'étatiser de a à z, d'indemniser correctement,
avec des évaluations professionnelles, l'ensemble des
propriétaires? C'eût été à ce
moment-là, M. le Président, une façon correcte d'agir.
Quant aux classes de travailleurs, est-ce que cela se transposera dans
des classes de services? Est-ce qu'on va instaurer au Québec deux
classes de services? Un service de qualité supérieure dans la
région métropolitaine de Montréal et des services de
second ordre dans le reste du Québec? Je ne suis pas d'accord avec une
telle formule, M. le Président. Si on juge opportun au Québec de
donner des services ambulanciers de qualité, on ne doit pas faire de
zones différentes. On ne doit pas créer des zones
différentes. On ne doit pas introduire la notion de disparité
même. C'est fondamental dans le domaine de la santé, ça.
(12 h 40)
On a toujours parlé d'équité. On a toujours
parlé de services adéquats pour tout le monde. On a toujours dit:
Où que tu sois au Québec, tu as le droit à des services
d'égale qualité. M. le Président, ce gouvernement semble
oublier qu'au Québec, on a le droit à ce genre de services. Mais,
que voulez-vous, quand on cède au chantage, il faut s'attendre à
de telles choses.
M. le Président, croyez-le ou non, le ministre... Pour bien
appuyer ma thèse que c'est un fait qu'il plie au chantage, que
c'était tout orchestré, je vous ai lu tantôt un extrait,
devant la commission Marois, où Pierre Lamarche, actuel p.-d.g.
engagé par contrat depuis le 21 mai, disait que les techniciens et les
techniciennes voulaient carrément briser la propriété
privée dans le domaine ambulancier. Deux jours après la signature
du contrat, contrat que le ministre a déposé la semaine
passée deux jours après, est-ce que M. Lamarche est à
l'ouvrage? Oui. Deux jours après, le 23, il était à une
assemblée générale du RETAQ, le Regroupement des
techniciens ambulanciers du Québec, et au point - 1, 2, 3, 4, 5 - 5,
invité spécial, le directeur de l'organisme sans but lucratif,
loi 34. Point suivant: période de questions au p.-d.g. Le 23 mai,
l'ordre du jour, le nouveau p.-d.g. qui demandait l'étatisation devant
la commission Marois, se présentait, comme premier geste officiel, non
pas devant les cadres du CRSSS et les cadres actuels d'Urgences-santé,
mais il se présentait à une assemblée
générale du Regoupe-ment des techniciens ambulanciers, M. le
Président, deux jours après. Et il répondait aux questions
des techniciens et des techniciennes ambulanciers.
La semaine dernière, je posais une question au ministre et il a
répondu non. J'ai hâte de voir si le président du RETAQ
aura la même réponse. Quand je lui demandais: N'est-ce pas
là un compromis que vous avez conclu en coulisses? Le ministre a dit:
Non. M. le Président, j'ai au moins deux témoins selon lesquels
le président a dit: Oui. Oui, et il me faut ma loi pour la fin juin,
sinon vous verrez quelque chose en juillet. C'est ce qu'on entend dire
présentement, M. le Président. On ne bloque pas une loi pour le
plaisir de la bloquer. Mais le ministre a besoin de répondre aux
questions. Il a besoin de nous indiquer clairement où il va avec
ça. Il a besoin de nous dire comment il veut traiter le monde et cela
comprend les professionnels, les cadres, les propriétaires, sinon,
l'Opposition va prendre tout le temps voulu pour interroger le ministre et
présenter les amendements qui s'imposent.
Je le vois déjà venir le 23 juin en disant: S'il y a des
mouvements en juillet, c'est la faute de l'Opposition parce qu'elle ne nous a
pas donné une loi. On l'attend déjà, M. le
Président. On le voit déjà venir. C'est déjà
le bruit qu'il fait courir. Déjà, des membres du RETAQ nous
disent ça. On n'est pas là pour un groupe seulement, on est
là pour l'adoption d'une loi en fonction de services de qualité
à la population. On va faire notre devoir jusqu'au bout, M. le
Président. Celui qui est à peine connaisseur vous dira que ce
n'est pas un projet de loi qui transforme les services ambulanciers du
Québec. On vous dira que c'est un projet loi qui rend, par
législation, qui officialise un comité de relations du travail.
C'est tout ce qu'est le projet de loi 34. C'est la nomination de personnes qui
vont convertir Urgences-santé en un comité de relations du
travail plutôt qu'en une corporation dont le souci premier n'est pas
exclusivement les relations du travail, mais la qualité des services
ambulanciers donnés à la population avec la participation de
toutes les catégories de personnel.
Le projet de loi, ce n'est pas un projet de loi sur la qualité
des services ambulanciers. C'est tout au plus une ratification légale
d'un comité
de relations du travail, un comité de relations professionnelles,
comme on dit dans le jargon des conventions collectives, le fruit d'un
compromis exécuté par des peureux qui ont peur de prendre leurs
responsabilités. Le fruit d'une abdication complète des
responsabilités ministérielles et, également, le fruit
d'un manque de conscience, d'un manque d'équité envers ceux et
celles qui travaillent dans le domaine de la santé, dans le domaine du
transport ambulancier. C'est ma perception du projet de loi. Si je n'avais pas
eu autant de documents pour m'appuyer, j'aurais compris que,
véritablement, le ministre tentait d'améliorer les choses. Mais
tout s'est fait en catimini. On a même appris la nomination du p.-d.g.,
M. le Président, par des gens de Montréal à
l'intérieur des structures.
D'habitude, l'honorable premier ministre Robert Bourassa, le vendredi
après-midi, à 16 h 30, envoie les nominations aux journalistes.
Mais là, cette fois-ci, on l'a appris un peu par la bande. Je comprends
pourquoi le ministre délégué à la Santé
n'osait pas trop s'afficher. Il se rend carrément à une demande
qui n'a pas été évaluée publiquement par l'ensemble
des catégories, une demande, cependant, que nous allons scruter à
la loupe. Nous allons faire un travail judicieux. Comme parlementaire, je
demanderais au ministre s'il tient à sa loi, s'il veut absolument la
faire adopter, qu'il s'empresse de répondre aux interrogations en
commission parlementaire. Qu'il n'essaie pas de faire de cachettes. Qu'il dise
la vérité, toute la vérité, qu'il n'essaie pas, le
23 juin, de faire porter à d'autres l'odieux d'un report de la loi.
Absolument pas, on ne le prendrait pas. On se défendra en
conséquence.
M. le Président, l'officialisation d'un comité de
relations du travail crée un monopole qui, à la longue, peut
être extrêmement nocif. Je me souviens, en 1974, quand j'ai
siégé à l'enquête Cliche, l'objectif
recherché, à ce moment-là, dans tous les problèmes
syndicaux qu'on connaissait à l'époque, c'était le
monopole. Moi je crains les monopoles. Je suis pour la liberté
d'accès syndical. Je crains les monopoles parce que les monopoles, quand
ils exercent leurs moyens de pression, il n'y a pas de choix. Dans le domaine
de la santé et des services sociaux, quand on est un tant soit peu
responsable, on se doit d'avoir toujours les portes ouvertes parce que, ce qui
compte d'abord et avant tout, c'est l'individu qu'on va chercher. C'est lui qui
doit primer. Vous vous targuez de bâtir des politiques où c'est la
personne avant toute chose. Mais si c'est la personne avant toute chose, je
regrette, mais cette loi fait fi de la personne.
Nous nous inscrirons en faux tant et aussi longtemps que des amendements
majeurs ne seront pas apportés. On révisera notre position si le
ministre apporte des amendements à l'étape de l'étude
article par article, mais, pour le moment, ce projet de loi ne sent pas bon et
ce qui ne sent pas bon n'est pas attirant pour nous, pas au point de nous faire
voter pour ce projet de loi en deuxième lecture. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Je vais maintenant reconnaître M.
le député de Gouin.
M. Rochefort: M. le Président, compte tenu de l'heure, de
deux choses l'une: ou on ajourne maintenant ou on accepte de me permettre de
faire mon intervention d'un seul trait, c'est-à-dire de prolonger
jusqu'à 13 h 10, au choix.
Le Vice-Président: Alors, dans les circonstances, ce n'est
pas un ajournement, mais nous allons suspendre nos travaux immédiatement
pour les reprendre à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 49)
(Reprise à 15 h 3)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez vous asseoir.
Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du
projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les
services sociaux et d'autres dispositions législatives.
Là-dessus, je suis prête à reconnaître le premier
intervenant, M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Quelle gentillesse, quelle politesse!
J'espère que j'aurai droit aux mêmes applaudissements après
mon intervention, Mme la Présidente.
Le projet de loi qui est devant nous, premièrement, comme c'est
souvent l'habitude, amène un débat à l'Assemblée
nationale. Visiblement, on nous demande, du côté gouvernemental,
de débattre le discours qu'a tenu le ministre et des intentions qui ont
été mises de l'avant. Dans les faits, celui-ci diffère
largement de ce que contient le projet de loi. Deuxièmement, nous nous
retrouvons avec un projet de loi qui, finalement, traite essentiellement de
deux choses: d'une part - je le reconnais - d'une certaine volonté,
d'une certaine capacité législative que conférera le
projet de loi 34 au ministre de la Santé et des Services sociaux pour
intervenir mieux et plus dans le domaine de l'accessibilité aux services
d'urgence pour l'ensemble des citoyens des régions du Québec;
d'autre part, une réorganisation, dont je cherche les motifs
réels, des services ambulanciers d'urgence dans la grande région
de Montréal.
Beaucoup de questions, notamment en ce qui a trait à cette
réorganisation à Montréal, sont soulevées par le
projet de loi. Il faudrait être en mesure de lire ce qu'il y a entre les
lignes pour peut-être mieux comprendre. Il faudrait être en mesure
de mieux décoder tous les signaux donnés par différents
partenaires au cours des derniers
mois dans ce dossier pour mieux comprendre les motivations du
gouvernement. Peut-être faudra-t-il, un jour, s'attendre que le ministre
responsable du dossier daigne, en toute transparence, en toute
sincérité, en toute honnêteté, nous donner les
raisons réelles qui justifient une intervention aussi radicale, aussi
massive, faite sans discernement dans ce dossier de l'organisation des services
d'urgence dans la grande région de Montréal?
Évidemment, beaucoup de questions sont reliées à
cette dimension: la question du directeur général, le
phénomène des problèmes reliés aux relations du
travail auxquelles on semble vouloir, essentiellement, apporter des
réponses par une réorganisation des services, non en fonction des
travailleurs, mais de la population, le retrait du mandat au Conseil
régional de la santé et des services sociaux, ce qui pourrait
laisser supposer qu'il y a peut-être là un jugement négatif
posé par le gouvernement sur la façon dont le CRSSS a
assumé ses responsabilités. Si tel devait être le cas, je
veux immédiatement dire au ministre que je suis en total
désaccord avec tout jugement qui pourrait aller dans ce sens. Je pense,
au contraire, que le Conseil régional de la santé et des services
sociaux du Montréal métropolitain s'est acquitté
admirablement bien de sa tâche comme responsable d'Urgences-santé
et aucun Montréalais, aucune Montréalaise ne souhaite
qu'Urgences-santé disparaisse ou voie son mandat modifié dans le
sens d'une réduction de la qualité et de la quantité des
services offerts par cet organisme.
J'ajoute aussi dans les éléments que soulève le
projet de loi, alors que le rapport de la commission Rochon, dont on peut
discuter certaines modalités, va dans le sens d'une orientation
fondamentale soit la régionalisation des budgets, l'organisation, la
coordination des ressources en santé et en services sociaux au
Québec, que, tout à coup, le gouvernement décide de
centraliser à Québec, au ministère de la Santé et
des Services sociaux, l'organisation des services ambulanciers d'urgence dans
la grande région de Montréal. Il le fait en même temps que,
pour l'ensemble des autres régions du Québec, on donne maintenant
de nouvelles responsabilités aux régions, aux conseils
régionaux. Par le projet de loi 34, on va leur demander d'assumer de
nouvelles responsabilités dans le domaine des services ambulanciers
d'urgence, alors qu'à Montréal, on dit: Non, non, on va faire
cela directement de Québec. Là aussi, on ne comprend pas trop les
raisons qui font, finalement, qu'on assiste presque à une mise en
tutelle par le ministère de la Santé et des Services sociaux
à Québec, des services ambulanciers d'urgence médicale
dans la grande région de Montréal.
D'autre part - c'est ce sur quoi j'ai l'intention d'intervenir plus
largement - ce projet de loi n'apporte aucune garantie de quelque nature que ce
soit quant aux services en termes de quantité, en termes de
qualité et quant à la façon de les offrir dans la grande
région de Montréal. Je m'explique. À l'heure où on
se parle, Urgences-santé est bien connu par l'ensemble des intervenants
et par la population de la région de Montréal qui, comme je le
disais tantôt, s'est bien acquittée de son mandat, a sauvé
des centaines et des centaines de vies, a permis à des gens d'avoir
accès à des services médicaux dans les minutes requises
pour être en mesure de se sortir d'une situation d'urgence
médicale. Et on se retrouve avec un projet de loi qui chambarde
radicalement l'organisation de ce service, Urgences-santé, je le
répète, pour des raisons totalement inconnues, en tout cas, non
avouées jusqu'à ce jour, et dans lequel on ne retrouve aucune
garantie quant au maintien minimal des services qui existent, à l'heure
où nous nous parlons, dans la grande région de
Montréal.
Et c'est d'ailleurs, Mme la Présidente, sur ce volet particulier
que j'ai l'intention d'intervenir plus largement quant à ce que
soulève le projet de loi 34. Je parle de services aux
bénéficiaires. Je parte de qualité. Je parle de
quantité de services. Je parle de professionnalisme. Je parle de
rapidité d'intervention. Le seul élément qui, non
seulement, ne vient apporter aucune garantie quant aux services existants mais
qui vient soulever des inquiétudes, c'est le ministre lui-même qui
l'a abordé ce matin dans son intervention de présentation de son
projet de loi quand, finalement, il nous a dit qu'il y a aussi, dans le projet
de loi 34, une volonté de rationalisation des services ambulanciers
à Montréal. Pour qui sait ce que rationaliser les services dans
un domaine ou dans un autre veut dire dans le langage d'un membre du Conseil du
trésor, pour qui sait ce que cela veut dire dans la bouche d'un ministre
de l'actuel gouvernement, il y a fort à parier que cela veuille dire
diminuer des budgets, réduire des ressources, couper dans le personnel,
dans les services, dans les équipements. (15 h 10)
Je vois le ministre sourire, Mme la Présidente. Je n'affirme pas
que c'est ce qui va se passer. Mais qu'on ne vienne pas nous annoncer qu'en
nous disant que la réorganisation se fait entre autres au nom de la
rationalisation, cela voudra dire plus de services, plus de personnel, plus
d'ambulances. Non. Au minimum, entendons-nous pour dire que cela signifie qu'il
y a quelqu'un qui va couper quelque chose quelque part et quelque part dans ce
qui touche aux citoyens et aux citoyennes qui, à un moment donné
ou un autre de leur vie, devront faire appel à un service d'urgence
médicale. Il faut bien comprendre que quand on parle de services
d'urgence médicale, on parle de quelqu'un qui est, plus souvent
qu'autrement, dans une situation où sa vie est en danger, non pas pour
les mois qui viennent, mais dans les minutes qui suivront
l'incident qui a provoqué sa demande, son appel à un
service d'urgence médicale.
Donc, en ce sens-là, Mme la Présidente, même si je
reconnais et je réaffirme que Urgences-santé s'est bien
acquittée de son mandat, même si je reconnais qu'il y a un certain
nombre de problèmes qui se sont posés et qu'il y a place pour
l'amélioration réelle, là comme ailleurs, il n'y a pas de
place pour rationaliser. Il n'y a pas de place pour réduire. Il n'y a
personne qui peut dire qu'à Montréal on est trop efficace quand
vient le temps d'intervenir dans les services d'urgence. Au contraire, on n'est
jamais trop efficace dans l'intervention quant aux services d'urgence
médicale, les services d'urgence ambulanciers.
Je pense, Mme la Présidente, qu'il y a là
inquiétude et qu'au minimum, cela demanderait de la part du ministre,
non pas des engagements dans des discours ou en paroles, mais qu'il y ait des
garanties dans la loi que les services actuels seront d'abord
protégés et que, deuxièmement, on s'engage à les
améliorer parce que, oui, il y a place pour amélioration. Si,
effectivement, on améliore, d'une certaine façon,
l'accessibilité, la qualité et la quantité des services
qui sont maintenant disponibles pour les citoyens de l'ensemble des
régions du Québec dans le domaine ambulancier - il était
essentiel que cela soit fait - il faudrait aussi qu'on puisse nous garantir, et
je le répète, pas par des discours, malheureusement, cela n'a pas
de valeur juridique, mais par des dispositions dans le projet de loi, qu'on va
au minimum maintenir ce qui existe et qu'on va aussi faire en sorte
d'améliorer les quelques éléments qui nécessitent
amélioration.
Cela dit, Mme la Présidente, puisqu'on parle des services et
puisqu'on parle des bénéficiaires, je pense qu'il est
décevant que nous débattions cette question de la
réorganisation des services ambulanciers au Québec et à
Montréal sans aborder toute la problématique des services
d'urgence médicale dans tout le Québec. On sait combien ces
services d'urgence ont posé et posent toujours des problèmes
majeurs à bon nombre de citoyens au Québec, combien
l'accessibilité, c'est-à-dire être en mesure d'avoir un
service rapide dans une salle d'urgence, c'est de plus en plus
compliqué, combien il y a encore de gens qui sont dans des corridors de
salles d'urgence pour des périodes inacceptables, inadmissibles sur le
plan humain et sur le plan médical pour le traitement de ces cas. Je
sais que la ministre de la Santé et des Services sociaux tente à
tout bout de champ de nous faire accroire le contraire. J'ai eu l'occasion
encore récemment de visiter deux salles d'urgence d'hôpitaux de la
grande région de Montréal, et je me disais: Si la ministre
pouvait être avec moi, on pourrait au moins compter ensemble le nombre de
personnes qu'il y a dans le corridor.
Il y a une seule personne au Québec qui pense que cela va bien
dans les salles d'urgence au Québec, et c'est l'actuelle ministre de
la
Santé et des Services sociaux. Je comprends qu'elle est
très occupée, mais j'aurais souhaité qu'elle participe au
débat soulevé par son ministre délégué pour
justement le situer dans toute la problématique des services d'urgence
médicale au Québec. On ne peut débattre la question des
services ambulanciers sans l'aborder dans son tout global qui est toute la
question des problèmes des salles d'urgence au Québec et des
services d'urgence. Donc, il y a des problèmes énormes qui ne
sont pas plus réglés par ce projet de loi qu'ils ne l'ont
été par le plan qui devait régler le problème des
salles d'urgence et qui a été présenté il y a
déjà deux ans par l'actuelle ministre de la Santé et des
Services sociaux.
Il y a un problème d'organisation générale. Il y a
aussi un problème de qualité des services dans toute cette
problématique des services d'urgence. Je reconnais que le ministre a
fait un premier pas et posé un premier geste concret et positif en
augmentant substantiellement la qualité et la quantité d'heures
de formation des techniciens ambulanciers au Québec. Toutefois, puis-je
ajouter, Mme la Présidente, pourquoi y aller à moitié?
Pourquoi faire seulement un bon pas en avant au lieu de régler, une fois
pour toutes, une question fondamentale? Une des raisons pour lesquelles les
services d'urgence au Québec sont dans l'état où ils sont,
malgré les efforts déployés à tout bout de champ,
à tout moment, par tout le monde pour les améliorer, je pense que
c'est surtout parce qu'on y est allé avec des demi-mesures, des
demi-réformes et des demi-pas en avant, tout comme le projet de loi 34,
eu égard à la formation des techniciens ambulanciers, le fait lui
aussi.
Il est temps, une fois pour toutes, que nous reconnaissions la
nécessité et que nous prenions la décision, comme
Assemblée nationale, qu'il faut au Québec, comme ailleurs en
Amérique du Nord, des techniciens, des paramédicaux avec tout ce
que cela implique en nombre d'heures de formation, de suivi de la formation, de
soutien à cette formation. Il faut qu'en tout temps, dans toute
ambulance qui circule sur les routes du Québec, il y ait quelqu'un qui
ait non pas la moitié, les deux tiers ou les trois quarts de la
formation que requerrait une intervention rapide sur la victime d'un
problème nécessitant une intervention d'urgence médicale,
mais toute la formation pour intervenir sur tous les éléments qui
font que cette personne voit sa vie momentanément en danger, qui
requiert une intervention non pas dans une heure, deux heures, quatre heures ou
cinq heures, mais immédiate, sur-le-champ, sur le lieu de l'accident.
Pourquoi, bon sang, ne pas accepter une fois pour toutes de créer ce
poste de "paramedic" dans la société québécoise
avec ce que cela implique? Pourquoi faire la moitié de la "job" au lieu
de la faire au complet une fois pour toutes?
Deuxièmement, pourquoi ne pas reconnaître aussi que le
métier d'urgentologue est une
spécialité médicale fort importante et bien
distincte de l'ensemble des autres spécialités? Pourquoi le
Québec ne reconnaîtrait-il pas lui aussi, comme bon nombre
d'autres sociétés, qu'il doit y avoir dans les salles d'urgence
du Québec, dans les services comme Urgences-santé et dans ceux
qu'on va créer dans les différentes autres régions du
Québec, des médecins dont c'est la spécialité
médicale non pas seulement au plan de la formation, mais, au plan de la
pratique médicale, d'être des spécialistes de l'urgence
médicale au Québec. Pourquoi, encore une fois, avoir des
médecins à moitié, aux deux tiers ou aux trois quarts
formés pour intervenir au moment le plus déterminant dans une
situation où on vivra ou on mourra en l'espace de quelques minutes?
Pourquoi n'aurions-nous pas, ici comme ailleurs, des médecins qui ont
reçu une formation complète et dont c'est essentiellement la
pratique d'être des spécialistes de l'urgence au
Québec?
Dans ce sens-là, pendant qu'on parle de médecins, Mme la
Présidente, j'ajoute aussi qu'il serait souhaitable que lorsqu'il y a
présence de médecins dans les services ambulanciers au
Québec on ait, là aussi, la présence de médecins
qui ont reçu une formation dans ce domaine. Je pense que c'est un plus
qu'il y ait des médecins qui interviennent à l'occasion dans les
services ambulanciers au Québec. Ce que je dis n'est pas négatif,
c'est une remarque positive et constructive. Quand on se retrouve avec un
médecin résident en dermatologie pour intervenir dans un cas de
traumatisme sérieux sur le lieu d'un accident d'automobile ou de
motocyclette, que voulez-vous, c'est plus utile que ma présence mais ce
n'est pas aussi utile que si on avait là un traumatologue qui
intervenait sur le lieu où il y a eu un accident qui met en danger la
vie de quelqu'un. Donc, sur ce point, je pense que là aussi il faut
qu'on complète les réformes et qu'on fasse en sorte de faire le
tour une fois pour toutes de cette problématique des services d'urgence.
(15 h 20)
J'ajoute aussi, Mme la Présidente: pourquoi, dans les 33
hôpitaux de IHe de Montréal et de ville Laval, faut-il qu'il y ait
une salle d'urgence dans tous ces établissements techniquement en mesure
de recevoir à peu près, parce qu'il y a un certain nombre de
spécialisations qui sont identifiées? Mais pourquoi y a-t-il
là obligation d'avoir, avec tout ce que cela représente en
personnel, en équipement, des salles d'urgence dans 33
établissements hospitaliers avec ce que cela implique comme pression
dans les corridors, sur les étages à cause de malades chroniques
qui occupent des lits, etc., pour la pratique médicale? Pourquoi ne pas
spécialiser un certain nombre de centres hospitaliers universitaires
dont les grandes spécialités médicales et les
superspécialités médicales qui feraient qu'ils auraient,
eux, une responsabilité particulière, prioritaire dans le domaine
du traitement des urgences médicales? Ce n'est pas vrai que tout le
monde au Québec peut être bon dans cela.
Je pense que ce raisonnement s'applique aussi dans la grande
région de Québec où il y a un grand nombre
d'établissements hospitaliers qui, eux aussi, ont tous des vocations,
des responsabilités, des obligations en matière d'urgences
médicales alors qu'on devrait peut-être mieux concentrer cela dans
certains établissements, libérant ainsi d'autres
établissements de cette responsabilité pour leur permettre de
mieux se consacrer à la médecine, à la chirurgie et
permettre ainsi en même temps d'avoir des lieux de grande
spécialisation en matière d'urgence.
Je termine en parlant de l'absence aussi d'un seul centre au
Québec de grande traumatologie. On le sait, il y en a quelques-uns aux
États-Unis. Il n'y en a pas au Québec. Quelqu'un qui se voit dans
une situation de très grande urgence médicale due à une
traumatologie majeure, on fait ce qu'on peut. On a des médecins
extrêmement compétents, des équipements assez
sophistiqués, mais on n'a pas un seul lieu au Québec où on
pourrait rapatrier cette personne d'où qu'elle soit au Québec
pour vraiment s'assurer qu'elle est là dans un milieu où le
personnel, où les équipements, où le cadre professionnel
fait en sorte qu'on est capable de donner 100 % de ce que requiert
l'état de traumatologie majeure de la personne qui se présente
à ce service d'établissement hospitalier d'urgence.
Voilà un certain nombre de suggestions que je voulais faire au
ministre, que je voulais lancer dans le débat puisque je refuse qu'on
aborde par un tout petit biais la question de la problématique des
salles d'urgence puisque cette problématique est toujours très
problématique - je m'excuse du pléonasme, mais c'est très
juste - pose toujours des problèmes et qu'on doit conclure aujourd'hui
que tous ces problèmes d'urgence médicale au Québec sont
beaucoup plus dus à des demi-réformes, à des demi-pas en
avant, qu'une fois pour toutes faire face à l'ensemble du
problème. Ce sont des questions pour lesquelles je souhaiterais, un
jour, avoir des réactions du gouvernement.
Évidemment, la commission parlementaire que nous aurons, comme
l'étude article par article du projet de loi 34, d'une part,
j'espère, feront place à un certain nombre de suggestions
auxquelles j'ai fait allusion dans mon intervention. Deuxièmement,
j'espère que nous y recevrons toutes les garanties requises quant
à la quantité et la qualité des services qui doivent
être maintenus et améliorés à Montréal, ce
que ne fait pas le projet de loi actuellement. Troisièmement, faire en
sorte qu'on apporte des réponses à des questions soulevées
par ce projet de loi qui semble très loin, mise à part la
formation du personnel ambulancier et mise à part cette nouvelle
obligation qu'on fera d'avoir des services un peu mieux organisés dans
l'ensemble des régions du Québec. Mme la Présidente, on
voit
loin, mises à part ces questions, la préoccupation des
services aux bénéficiaires, mais beaucoup plus une
préoccupation de régler au niveau de la gestion interne un
service.
Je vous remercie, Mme la Présidente. J'écouterai avec
attention les commentaires du ministre. Je verrai dans quelle mesure son
attitude a peut-être été - c'est peut-être
prétentieux de ma part - un peu influencée par l'intervention que
j'ai faite parce que je pense que, s'il veut poser un geste important et dont
il sera fier dans dix ans en matière de services ambulanciers, il
devrait peut-être faire le tour de l'ensemble de la problématique
des urgences, ce que personne n'a fait jusqu'à maintenant. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Gouin. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Oui, merci Mme la Présidente. À mon
tour, je dois continuer dans le même sens que ce que mon
prédécesseur vient de dire sur les services ambulanciers au
Québec, sur le nouveau projet de loi 34. On s'attendrait que la
population du Québec soit beaucoup mieux servie par ce gouvernement.
Malheureusement, on doit constater que nous devons faire face à un
gouvernement qui privilégie davantage les bénéfices
particuliers, qui privilégie davantage un gouvernement de patronage ou,
quand ce n'est pas du patronage, un gouvernement qui renifle dans quelle
direction doit aller le vent pour se maintenir au pouvoir.
C'est à peu près le genre de projets de loi qu'on nous
apporte à cette Assemblée nationale, qui nous permettent tout
simplement de dire: Tantôt nous allons faire l'affaire, nous allons
traiter avec les syndicats, parce que, eux, c'est ce qu'ils veulent,
tantôt nous allons voir les patrons, parce que c'est cela qu'ils veulent,
tantôt on veut autre chose, sans ligne de conduite, sans ligne de fond,
sans ligne directrice majeure. Ils sont sur toutes les notes à la fois,
et cela fait une véritable cacophonie. C'est ce camouflage que ce
gouvernement essaie actuellement de démontrer par des projets de loi en
disant: Écoutez, l'ensemble de la population est favorable à nos
nouvelles façons de faire, la situation sociale va très bien
actuellement, tout le monde est content et nous applaudit quand nous
présentons nos projets de loi et nous dit: Continuez dans ce sens.
C'est inacceptable autant d'inconscience de la part d'un gouvernement
à l'heure actuelle. Quand on connaît le nombre d'intervenants de
toutes les instances de différents milieux, de quelque niveau que ce
soit, à chaque projet de loi, qui dénoncent le manque de
responsabilité de ce gouvernement et cette façon de faire sans
consultation, sans l'exercice d'un consensus. C'est ce même ministre qui,
avec les politiques familiales a fait fi des consensus de l'ensemble des
organismes familiaux et qui a apporté exactement sa politique familiale
telle qu'il l'avait conçue préalablement. C'est ce même
ministre qui nous revient et dont la seule expérience qu'il avait dans
le milieu des affaires sociales était au sujet du réseau
ambulancier. Mme la Présidente, je me serais attendue à une
réforme majeure dans le service ambulancier au Québec, avec cette
expérience, cet acquis qu'il avait quand il est arrivé fort de
cette expérience, ici, à l'intérieur de ce gouvernement.
Quel homme de valeur! Avec autant d'expérience et de vécu, il
aurait pu nous apporter une réforme extraordinaire. Et c'est à
cela que je m'attendais et que s'attendaient probablement l'ensemble des gens
qui travaillent à la coordination des services ambulanciers du
Québec.
Effectivement, la réforme dans le milieu du transport ambulancier
est une urgence parce que c'est une question de souffle, une question de vie
pour l'ensemble des accidentés, l'ensemble des gens du Québec qui
doivent affronter un arrêt brusque d'une situation normale, qu'on appelle
un accident. Le ministre nous arrive avec un projet de loi fait en catimini
pour satisfaire les exigences d'un syndicat, purement et simplement, qui y
répond, qui est fait sur mesure pour la région de
Montréal. Et on dit aux autres régions: Voilà,
débrouillez-vous, organisez-vous tant bien que mal, comme vous pourrez;
pour nous, ce n'est pas ce qui est important. Pour nous, ce qui est important,
c'est de camoufler l'apparence de paix sociale au Québec en disant:
Écoutez, tout le monde, le climat social va très bien. Nous
n'avons pas de problème avec les syndicats. On est bien mieux que
l'ancien gouvernement qui nous a précédé. Nous, nous
voulons réparer la gaffe de 1976, qu'on a faite en 1974-1975, alors que
le gouvernement - le gouvernement libéral de l'époque en 1975 -
était prêt à signer toutes les conventions collectives et
à donner tout ce que les syndicats demandaient pour faire semblant qu'il
y avait une paix sociale au Québec. Le climat s'est
détérioré parce que, justement, on ne peut pas jouer avec
ce genre de fait.
La paix sociale, Mme la Présidente, on ne joue pas à
cache-cache avec cela, on ne fait pas semblant et, encore moins, avec un groupe
au détriment d'un autre groupe. Vous connaissez bien le proverbe qui
dit: "diviser pour régner". C'est à peu près cela qu'on
voit actuellement; c'est ce qui s'applique à l'heure actuelle. On met en
confrontation des groupes et on les laisse se batailler entre eux. Le
gouvernement est là et il regarde flotter les choses en disant: Mon doux
que nous sommes un bon gouvernement; on est donc bon! On sait faire les choses.
Il n'y a donc pas de problème quand on est là. Il faut savoir
à quel prix. À quel prix la population du Québec devra en
faire les frais? C'est une question de vie, une question d'instants, une
question de secondes qu'on demande aux Québécois de faire, de
laisser tomber pour favoriser un climat de
relations sociales du travail. (15 h 30)
Quand on parle de question de secondes, de question de souffle, de
question de vie, c'est parce que je suis toujours dans le contexte des
ambulances qui répondent à des situations d'urgence. Pour des
situations d'urgence, il faut avoir un réseau bien
intégré; il faut avoir aussi un service de qualité, qui
soit capable de répondre, au fur et à mesure, à la
diversité des urgences auxquelles on doit faire face sur ce plan. Il y a
de grands polytraumatisés, bien sûr, lors des accidents de la
route ou des accidents de moto. On peut voir qu'ici, au Québec, les
accidents de moto ont augmenté et cela touche, très souvent, une
catégorie de jeunes personnes. On sait qu'une intervention rapide, une
manipulation de premier ordre sont très importantes si on veut diminuer
les séquelles de ces accidents. Il faut une formation importante.
Je peux vous dire, Mme la Présidente, qu'on est en retard dans ce
domaine, au plan de l'organisation de la structure du système
ambulancier afin de répondre aux urgences. Si on regarde nos voisins du
sud, on constate à quel point ils sont avancés dans le domaine de
la prévention et surtout des interventions dans les cas d'urgence. On a
l'air de pratiquer la médecine de guerre que ce gouvernement
dénonçait. Il ne fait rien pour améliorer cette
médecine de guerre; c'est pire, on retourne de plus en plus dans une
situation scabreuse. Au lieu d'améliorer des faits, on change des
structures. C'est tout ce qu'on trouve comme réponse à nos maux:
changer des structures. Cela va loin, changer des structures, cela
répare le mal ou le tort causé à une population. Je vous
en donne un papier, moi! C'est tout simplement ce qu'on essaie de faire passer
à la population. C'est un bon gouvernement parce qu'il change des
structures. C'est un bon gouvernement parce qu'il favorise un groupe au
détriment d'un autre groupe, toujours en flairant de quel
côté cela va lui permettre de se maintenir au pouvoir.
C'est toujours la même attitude. Il n'a pas changé depuis
deux ans et demi qu'il est là. On peut prendre chaque projet de loi, un
après l'autre, pour s'apercevoir que c'est toujours cela qui se passe.
Ce sont des intérêts qui favorisent le maintien au pouvoir pour le
pouvoir et non pas pour la population québécoise en
général, pour favoriser le développement de notre
société ou, encore mieux, pour lui apporter les soins dont elle
est en droit de s'attendre, surtout un service essentiel auquel elle est en
droit de s'attendre parce que la vie n'a pas de prix. Quand on fait une
approche comme celle que le ministre a faite, je pense qu'il n'y a pas de
considération pour la vie. Ils sont bons pour la comptabilisation, ils
sont bons pour la gérance, ils sont bons pour la gestion, mais quand on
arrive à une façon de vivre, à une qualité,
là c'est autre chose. Pour eux, c'est assez difficile de qualifier et de
quantifier la qualité de vie.
Cela ne fait pas partie de leurs préoccupations. Leurs
préoccupations sont d'un autre ordre, à un point tel que,
finalement, ils ne sont même pas capables de se rendre compte que les
vraies attentes de la population ne sont pas celles qu'ils croient.
À titre d'exemple, je pourrais citer un editorial paru dans la
revue Les Affaires - Les Affaires, ce n'est certainement pas
l'Opposition - où Jean-Paul Gagné, le 28 mai - cela ne fait pas
si longtemps - disait: "Le transport ambulancier, étatisation
injustifiée." Étatisation, il faut s'entendre, partielle et pour
une région seulement. Dans la région de Montréal, on avait
le service Urgences-santé et on le remplace par une corporation qui a
été orientée par la partie syndicale. Je ne pense pas que
la population du Québec, quand elle a élu le gouvernement
libéral, pensait que la CSN ou un tout autre syndicat orienterait les
décisions du gouvernement et que ce serait eux qui diraient au
gouvernement: Écoutez, vous allez implanter un système de
services de santé qui va répondre à nos besoins, vous
allez mettre le p.-d.g. de notre côté parce que maintenant, pour
la première fois dans notre système de services de santé
au Québec, on a un p.-d.g. C'est une première. Il faut le faire!
En plus d'être directeur général, il est président
du conseil d'administration. Alors il se donne des ordres et il les
exécute par la suite. C'est fantastique, comme fonctionnement, comme
processus! La démocratie, c'est fantastique a toutes les garanties
absolues d'exercice de pouvoir de cette façon-là.
Cela ne me surprend pas de la part de ce gouvernement parce que, la
semaine dernière, concernant le recensement, ce même gouvernement,
qui avait adopté une loi qui faisait consensus entre les partis, est
revenu et a dit: Non, non, on ne respecte plus cela, on s'est aperçus
qu'on avait fait une mauvaise affaire, on revient sur notre décision et
on change la loi. C'est le même gouvernement qui nomme des gens en place
qui pourront être juge et partie. Cela semble être devenu la
nouvelle procédure depuis que ce gouvernement est au pouvoir, les gens
qui font leur affaire pourront être juge et partie en même temps.
Belle façon d'exercer la démocratie, Mme la
Présidente.
Comme je le disais, le syndicat a imposé son choix en ce qui
concerne le p.-d.g. De plus, la nouvelle façon de faire de ce
gouvernement veut qu'on nomme les gens avant même que la loi soit
adoptée. Il faut le faire! On appelle cela la transparence d'un
gouvernement. C'est fantastique. On nomme les gens avant même que les
lois soient adoptées. C'est un danger pour notre démocratie. Il
faut le dénoncer, il faut que la population soit au courant de cela.
L'apparence d'atmosphère sociale, de situation sociale où tout va
bien au Québec, où c'est fantastique et où tout le monde
est heureux, il faut le dénoncer, parce que ce n'est pas vrai que
ça va si bien que ça au Québec. Cela va bien parce que
ces
gens-là ont nommé des gens et leur ont cloué le bec
en les nommant et en leur donnant tout ce qui faisait leur affaire, mais pas
pour l'ensemble de la population québécoise.
C'est du camouflage éhonté qui n'arrête pas, Mme la
Présidente, et ça fait deux ans et demi que cela persiste. C'est
ce qu'on a aujourd'hui. Mais demain, qu'est-ce que cela va être? Il faut
se poser les véritables questions sur demain. Si, aujourd'hui, ils sont
capables de faire cela après seulement deux ans et demi de pouvoir,
imaginez-vous donc ce qu'ils vont faire après trois ou quatre ans de
pouvoir. On ne pourra plus les arrêter. Il n'y aura plus rien, parce que,
de plus, ils auront mis tous leurs petits amis à des postes
stratégiques. Cela veut dire qu'ils vont avoir le contrôle absolu.
Encore là, ce n'est pas trop pire. Cela ne paraît pas. C'est parce
que là ils commencent à faire les nominations. Mais quand tout le
monde va être bien en place, cela va être du plafond au plancher.
Il n'y aura plus rien à faire. Cela va être le contrôle le
plus total. Cela va être incroyable. Et c'est l'ensemble de la population
qui va être pratiquement prise en otage par l'exercice d'un pouvoir aussi
total.
Alors cela, Mme la Présidente, c'est une première. Le
syndicat oriente les décisions du ministre. Le syndicat choisit son
patron et de plus il dit: Je veux avoir d'autres garanties. Je veux être
sûr de maintenir le contrôle. Là, on va nommer trois
personnes à notre conseil d'administration et on n'a pas besoin des gens
qui pourraient être concernés et pourraient bien orienter les
décisions de la nouvelle corporation. Le syndicat sait absolument ce
dont il a besoin pour, lui aussi, se maintenir en place. Donc, deux
institutions qui veulent se maintenir en place. Le gouvernement et le syndicat
qui veulent garder tous les deux leur monopole et tout le monde est bien
heureux, tout le monde est bien content parce que, comme c'est de même,
chacun va avoir son champ de juridiction et va pouvoir siéger,
trôner et exercer son pouvoir.
Est-ce que c'est cela la démocratie, Mme la Présidente?
J'ai peur à entendre et j'ai peur à regarder de tels projets de
loi parce que je trouve que pour notre... Ici, on vit dans une civilisation
contemporaine et on est obligés de débattre des principes
fondamentaux de démocratie dans notre enceinte. Je me demande où
se trouve la terre de liberté, Mme la Présidente. Cela devient
dangereux. Il est grand temps que les gens commencent à se
réveiller. Mais je pense qu'il y en a plusieurs qui commencent à
se réveiller.
Pourtant, je regarde la Corporation des services ambulanciers du
Québec. Elle s'est réveillée. Ellle a même dit au
ministre: Écoutez, votre projet de loi 34 est inacceptable. On ne peut
pas l'accepter dans les formes dans lesquelles vous l'avez libellé. Ce
n'est pas possible parce qu'on ne sait pas où vous vous en allez. Votre
projet de loi est arbitraire. Il n'y a aucune garantie. Même dans les
régions, il n'y a aucune obligation des services de santé et des
services sociaux d'utiliser des ambulances qui sont déjà en
place. Il peut s'il veut. C'est simplement cela qui est écrit dans le
projet de loi. Quelle garantie pour ces gens-là qui ont des flottes
d'ambulances? Cela va même plus loin. Cela veut dire que, dans certaines
régions, si une municipalité n'est pas contente des services
ambulanciers offerts, elle peut lancer parallèlement son propre service
d'ambulance. Mais cela n'a plus d'allure. Où est-ce qu'on s'en va, Mme
la Présidente? Aucune façon. Cela veut dire que c'est de
l'arbitraire, du patronage qu'on vient d'institutionnaliser. (15 h 40)
Cela n'a plus d'allure. Cela veut dire que tout cela, le truc
d'ambulance, ça va devenir un nid à patronage, selon qu'on aime
ou pas les gens et je suis presque en train de dire, si on fournit ou pas
à la caisse électorale du Parti libéral. Mais ça,
je vais le laisser entre parenthèses parce que, tout de même, on
va laisser le bénéfice du doute. Il y en a tellement à
l'heure actuelle que je me dis que cela n'a plus d'allure. À un moment
donné, il faudra que cela arrête parce que ce sera une
hémorragie ou une orgie, en tout cas, de patronage. Cela n'a plus
d'allure.
Je ne peux pas concevoir, je ne peux pas accepter que des situations
fonctionnent de même. Montréal aura un système
extraordinaire. À Montréal, ce sera des employés de
l'État. Cela ne donne aucune garantie aux gens qui possèdent des
ambulances. Eux seront tout simplement des gens qui vont dire: Je vous
prête des ambulances et je n'ai plus rien à faire avec cela; tout
ce que je fais, c'est l'ambulance, et je n'ai pas de garantie; si, à un
moment donné, vous voulez me retirer mon permis parce que vous trouvez
que je ne fais pas assez l'affaire et que je ne vous reviens pas, etc.,
là, vous pourrez m'enlever mon permis, mais je n'aurai pas de
compensation. C'est incroyable. Savez-vous les sommes d'argent que cela
représente pour les gens qui ont des flottes d'ambulances? C'est
incroyable de traiter de la sorte des gens de l'entreprise privée. Et ce
gouvernement se disait un gouvernement qui favorisait l'entreprise
privée!
Mme la Présidente, est-ce qu'on peut faire confiance une autre
fois à un gouvernement qui se dédit continuellement, qui est
prêt à dire n'importe quoi, à renoncer à ses propres
engagements pour une chose, pour se maintenir au pouvoir? C'est
épouvantable, Mme la Présidente. Mais c'est ça ce
gouvernement-là. C'est ça le gouvernement libéral,
prêt à renoncer à tous ses engagements, à ses
propres engagements, du premier au dernier, pour autant que ceux qu'il retient
le favorisent et le gardent le plus longtemps au pouvoir,
indépendamment... Pas de ligne directrice, on ne sait pas où on
s'en va. Cela n'a pas d'importance. On favorise le patronage. On favorise
l'arbitraire. Et que les autres puissent se débrouiller comme ils
veulent!
Dans le domaine des services ambulanciers,
je trouve cela inacceptable parce que c'est la vie des gens qui est en
cause. Dans certaines autres situations, c'est aussi inacceptable, mais tout de
même c'est beaucoup plus abstrait. Là, on arrive et on joue avec
la vie des gens. Il aurait été urgent, M. le ministre, de vous
attarder davantage à faire en sorte que la province de Québec
puisse être fière de son service ambulancier et réponde
adéquatement aux besoins de la population québécoise qui
est en droit de s'attendre à un meilleur traitement de la part de ce
gouvernement à qui elle a fait confiance. À l'heure actuelle,
vous leur répondez du revers de la main d'une façon
inconséquente et vous leur laissez leur problème entier. Ils
devront se débrouiller avec les moyens du bord parce que,
malheureusement, ils n'appartiennent pas à la région
privilégiée. Et ça, c'est inacceptable. Les gens en
régions auront un certain service et les gens de la région de
Montréal auront un autre service. Et, plus particulièrement, la
région de la Monté-régie, la rive sud de Montréal,
qui a toujours demandé à avoir une certaine autonomie, à
pouvoir se prendre en main.
Celle-là non plus on ne sait pas comment elle pourra se
débrouiller parce que, selon le projet de loi, c'est aussi limitrophe,
Montréal et ses régions limitrophes. Quel sera le sens qu'on
donnera à cette interprétation de limitrophe et quelles seront
les conséquences pour la région de la rive sud de
Montréal? On ne le sait pas. On ne sait rien. On nous demande tout
simplement, d'une façon aveugle, d'emboîter le pas et de donner
notre aval à un projet de loi qui ne répond en rien aux attentes
des principaux intéressés, d'une part, et de l'ensemble des gens
qui ont toujours travaillé au mieux-être des
Québécois et des Québécoises afin de favoriser un
meilleur service pour leur répondre, en cas d'urgence, lorsque les gens
sont paniques, lorsqu'ils ont besoin d'un réconfort et qu'ils ont besoin
d'un service promptement. Eh bien, encore là, on aura failli à la
tâche parce qu'on aura préféré travailler pour des
intérêts particuliers plutôt que pour l'ensemble de la
collectivité et pour le bien-être de l'ensemble des
Québécois et des Québécoises.
Je regrette, M. le ministre, mais vous auriez eu avantage à
écouter davantage les principaux intéressés. Ils
étaient prêts à vous orienter. Ils étaient
prêts à vous aider dans votre tâche qui n'est
peut-être pas toujours la plus facile, mais lorsqu'on écoute les
gens, lorsqu'on écoute les conseils des gens qui ont un vécu une
expérience, je pense que vous auriez eu grandement avantage à
bonifier votre projet de loi. Tel que vous l'avez libellé, il est
inacceptable. Que ce soit l'ensemble des organismes, des propriétaires
d'ambulances, que ce soit dans des publications aussi prestigieuses que Les
Affaires qui vous dénonce et qui trouve que ce que vous avez fait
est inacceptable, M. le ministre, dorénavant, écoutez donc les
conseils des gens que vous consultez, si vous les consultez.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Mme la Présidente, quand on est devant un
projet de loi comme le projet de loi 34, une première question, la
question plus importante qu'un parlementaire doit toujours se poser face
à n'importe quel projet de loi, y compris celui-là, Loi modifiant
la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi que
d'autres dispositions, en fait concernant les services ambulanciers au
Québec, c'est: pourquoi un tel projet de loi? Quels motifs incitent le
gouvernement à déposer et à faire adopter tel projet de
loi par l'Assemblée nationale? Qu'est-ce qui inspire le ministre qui
parraine et qui pilote ce projet de loi à l'Assemblée nationale?
Ce sont là les questions qu'il faut se poser. À partir de
là, on peut porter un jugement sur le bien-fondé du projet de
loi, sur sa qualité et sur sa pertinence.
Or, le ministre tente de nous faire croire que ce projet de loi a
été déposé parce qu'il convient, qu'il est urgent
et nécessaire d'améliorer la qualité des services
ambulanciers au Québec, particulièrement dans la région
métropolitaine de Montréal. C'est là la raison, je dirais
officielle, invoquée et énoncée par le ministre. Il faut
reconnaître cependant, à l'analyse, qu'il s'agit là de ce
qu'on peut appeler de la poudre aux yeux puisque la réalité est
tout autre. On se rend compte, lorsqu'on scrute et qu'on analyse en profondeur
le projet de loi, que l'objectif visé n'est pas, selon les propos
mêmes du ministre, une amélioration de la qualité des
services. Au contraire, on se rend compte que le projet de loi 34 est en
quelque sorte, Mme la Présidente, ce que j'appellerais un acte de
capitulation du ministre délégué à fa Famille,
à la Santé et aux Services sociaux. C'est un acte de
reddition.
Le ministre, par le biais de ce projet de loi déposé
à l'Assemblée nationale, fait acte de soumission devant un groupe
de pression bien particulier, bien connu, qui s'appelle le Regroupement des
employés de transport ambulancier du Québec, mieux connu sous le
nom de RETAQ, syndicat affilié à la CSN et dirigé par un
président également bien connu qui s'appelle M. Cotton. C'est
ça, le projet de loi 34. Une fois qu'on l'a analysé,
étudié et scruté, on se rend compte que ce qui inspire ce
projet de loi, ce n'est pas l'amélioration des services, mais que ce
projet de loi est un acte de capitulation et un geste de reddition, de
soumission face à un groupe de pression.
Le ministre a décidé, purement et simplement, de courber
l'échiné, de baisser les bras et de s'avouer vaincu devant la
force, la puissance et les moyens de ce groupe de pression qui s'appelle RETAQ.
On sait que, depuis quelques
années, ce groupe de pression, Regroupement des employés
de transport ambulancier du Québec, fait la pluie et le beau temps dans
les services ambulanciers au Québec; particulièrement à
Montréal, c'est bien évident. Cela s'est traduit par des
arrêts de travail, des grèves illégales et par une
véritable pagaille à intervalles plus ou moins réguliers
dans les services ambulanciers de Montréal, mettant ainsi en cause,
forcément, la santé publique. C'est la réalité. Or,
ce groupe de pression a formulé, depuis un certain temps, des exigences
bien précises, sans équivoque, bien connues. Ce groupe de
pression souhaite, veut et revendique l'étatisation, la nationalisation
des services ambulanciers au Québec de façon, forcément,
que la rémunération, les avantages sociaux, les conditions de
travail de ses membres en soient ainsi améliorés puisque ces
derniers deviendraient en quelque sorte des employés de l'État et
bénéficieraient donc d'un meilleur niveau de salaire et de
meilleures conditions de travail. C'est cela, la réalité. (15 h
50)
Ce groupe de pression a formulé face au ministre un
véritable ultimatum qui pourrait se résumer ainsi: Ou vous
déposez un projet de loi faisant en sorte que le gouvernement va dans le
sens de l'étatisation et de la nationalisation des services
ambulanciers, ou alors, je vous le dis tout net - c'est ainsi que parle le
regroupement ou le syndicat - ce sera de nouveau la pagaille dans les services
ambulanciers, ce sera de nouveau des arrêts de travail et ce sera de
nouveau une perturbation sans précédent des services ambulanciers
à Montréal, mettant ainsi de nouveau en cause la santé
publique. C'est cela, la réalité.
Que s'est-il produit? Bien simplement, bien concrètement, c'est
que le ministre a plié, le ministre a cédé, le ministre a
capitulé sans même combattre. C'est cela qui est un peu
étonnant et humiliant de la part du gouvernement. Sans même
combattre, le ministre a cédé, le ministre a capitulé
devant les pressions et devant l'ultimatum du syndicat des employés de
transport ambulancier de Montréal.
Là-dessus, il est bon de rappeler à cette Chambre que tous
les observateurs sont d'accord. Si un consensus s'est dégagé
parmi tous les observateurs de ce dossier, qui ont analysé et
étudié ce dossier, c'est qu'effectivement le projet de loi 34
constitue un acte de capitulation de la part du ministre face à un
groupe de pression. Je pense que c'est important que je vous les rappelle, Mme
la Présidente, parce qu'un tel consensus unanime ne se voit pas souvent
parmi les observateurs de différents horizons.
Jean-Paul Gagné, dans le journal Les Affaires, est
très clair. Je vous cite un paragraphe qui se passe de commentaires: "II
est de plus en plus évident, écrit-il, que cette politique de
transport ambulancier ne vise qu'un but: acheter la paix syndicale. C'est une
reddition honteuse du gouvernement devant le RETAQ. On comprend pourquoi Mario
Cotton, le président du RETAQ, ne tarit pas d'éloges sur cette
nouvelle politique et le choix de Pierre Lamarche comme président du
conseil et directeur général de la nouvelle corporation."
Un autre exemple de propos d'observateurs dans ce dossier, Pierre
Vennat, La Presse, qui écrit: "Une étude attentive du
dossier des relations de travail à Urgences-santé en donne
l'explication" parce qu'il se demandait pourquoi un tel projet de loi se
retrouve devant l'Assemblée nationale. "Le 23 décembre dernier,
écrit-il, les techniciens ambulanciers du Québec affiliés
à la Fédération des affaires sociales ' de la CSN
annonçaient qu'ils suspendaient jusqu'en mars les moyens de pression
qu'ils envisageaient d'exercer pour faire avancer la négociation de
leurs conditions de travail." C'est l'ultimatum dont je parlais tantôt:
On va arrêter les moyens de pression mais à la condition que...
sinon cela va recommencer. Du même souffle, leur président, M.
Cotton, faisait savoir que le 29 février constituait pour eux un
rendez-vous. C'est le jour du dépôt du projet de loi 34. Le 2
mars, soit au lendemain de la date fatidique, le ministre Dutil déposait
son projet de loi et M. Cotton clamait alors qu'il s'agissait d'un jour
historique pour son mouvement, bref d'une grande victoire syndicale. Je
comprends. Le ministre a complètement cédé devant ces
revendications. La conclusion de M. Vennat, dans son commentaire du 21 mai:
"L'élaboration d'une politique de santé est trop importante pour
se faire sous le coup d'un ultimatum, soit-il patronal ou syndical. Ce n'est
malheureusement pas ce que pense le ministre délégué aux
Affaires sociales."
Un dernier exemple, celui de Jean Fran-coeur dans Le Devoir. Il
est on ne peut plus clair et on ne peut plus dur, on ne peut plus
sévère à l'endroit du ministre. Je vous en cite deux
paragraphes, Mme la Présidente. "Risquons une hypothèse - une
hypothèse très fondée. En rédigeant ce projet de
loi dans la fièvre de l'échéance de l'ultimatum
lancé par les syndicats de techniciens ambulanciers, le ministre ne
s'est pas posé la question. Comment pourrait-on améliorer le
transport ambulancier à Montréal? - c'est la question que je
posais au tout début -Comment améliorer la qualité des
services? Non, non, ce n'est pas la question qu'il s'est posée, mais
bien plutôt celle-ci: Que peut-on faire pour conjurer la menace que
brandit M. Mario Cotton de jeter la pagaille dans le service? Le projet de loi
34 n'est qu'une reddition sans honneur", dit M. Jean Francoeur; une reddition
sans honneur, une reddition honteuse, selon Jean-Paul Gagné.
De la part du ministre délégué à la Famille
et à la Santé et aux Services sociaux qui en est à sa
première initiative importante, c'est un geste humiliant dont la seule
rationalité tient dans le proverbe: Qui veut noyer son chien dit qu'il a
la rage. C'est exactement ce que fait le ministre. Mme la Présidente, il
est très clair, il est très évident que les motifs qu'on
retrouve
derrière ce projet de loi ne sont pas ceux d'améliorer la
santé publique, d'améliorer les services ambulanciers au
Québec et à Montréal, en particulier. C'est cela qui est
humiliant, c'est cela qui est honteux de la part d'un gouvernement, c'est
purement et simplement, sans même combattre, sans aucun combat, un acte
de capitulation.
Le ministre a cédé à la revendication majeure des
employés du transport ambulancier, c'est-à-dire d'étatiser
le transport ambulancier. Non seulement il cède à la
revendication des employés de transport ambulancier, mais en plus il
fait une mauvaise nationalisation. Si, au moins, il avait fait une
étatisation qui a du bon sens. Si, au moins, il avait fait une
nationalisation qui a de l'allure, qui se tient, qui est cohérente, qui
est juste, équitable pour tout le monde et tous les intervenants,
à tout le moins, on pourrait dire: C'est là une opération
de nationalisation qui se tient debout, qui est cohérente d'un bout
à l'autre. Mais ce n'est pas le cas. C'est une mauvaise nationalisation.
Une nationalisation injuste. Une nationalisation inéquitable à
l'égard, principalement, des entreprises privées de transport
ambulancier.
On aurait pu s'attendre qu'un tel gouvernement qui, depuis deux ans et
demi, s'est fait le chantre de l'entreprise privée, le défenseur
de l'entreprise privée, soit plus délicat, plus juste, plus
équitable à l'égard des entreprises privées du
secteur ambulancier. Mais non, ce n'est pas le cas. C'est surprenant de voir
que ce gouvernement, défenseur acharné, attitré de
l'entreprise privée au Québec soit si injuste, si
inéquitable à l'égard des entreprises privées du
secteur ambulancier en procédant ainsi à une aussi mauvaise
nationalisation du service ambulancier. Pourquoi? Parce que si le ministre
voulait étatiser le système, il aurait dû le faire au moins
complètement. D'abord, les propriétaires d'ambulances deviennent,
dans son système boiteux, dans le système bâtard qu'il met
en place via le projet de loi 34, des locateurs de tôle, Mme la
Présidente, sans contrôle sur l'utilisation des équipements
qui leur appartiennent. Aucun contrôle. Ils n'ont aucun contrôle
sur les employés puisque les employés deviennent des
employés de l'État. Les propriétaires ne sont
propriétaires que de la tôle, que des voitures. Ils n'ont
évidemment aucun contrôle sur ceux et celles qui vont utiliser ces
voitures et ces équipements. Cela n'a aucun sens.
Quant à nationaliser, il aurait dû nationaliser au complet.
Deuxièmement, le projet de loi stipule que la corporation peut conclure
des contrats de location avec tout propriétaire d'ambulance n'excluant
pas ainsi la possibilité pour le gouvernement ou pour d'autres
entreprises intéressées d'occuper le marché du transport
ambulancier. Cela veut dire que les entreprises qui sont actuellement
opérantes et qui ont des équipements et qui ont des
véhicules, ne sont pas sûres de pouvoir les louer . à la
nouvelle corporation qui est créée par le projet de loi 34. C'est
loin d'être sûr. De plus, le projet de loi prévoit que la
nouvelle corporation ne sera pas tenue à quelque soumission publique que
ce soit. C'est un peu étonnant, c'est le règne de l'arbitraire et
du discrétionnaire. (16 heures)
Troisièmement, je parle des entreprises privées du secteur
ambulancier. Elles sont totalement exclues de la composition du conseil
d'administration. Il n'y a pas un seul représentant au conseil
d'administration de la nouvelle corporation alors qu'il y a trois
salariés de la nouvelle corporation, qui vont pouvoir y siéger.
Comment peut-on sérieusement exclure les propriétaires
d'ambulances des centres de décision qui les concerneront directement,
puisqu'ils vont demeurer propriétaires des équipements? L'odieux
de la décision du ministre, c'est que tout cela sera fait sans aucune
forme de compensation ou d'indemnisation aux propriétaires d'ambulances,
ce qui risque évidemment de mettre en péril les entreprises
privées. C'est ce que le Conseil du patronat, un allié pourtant
naturel du gouvernement en place, a dénoncé de façon
très vigoureuse, et, forcément aussi, la Corporation des services
ambulanciers du Québec qui, dans un communiqué qu'elle rendait
public récemment, disait: Nationalisation, oui, mais, à un
détail près, il n'y a pas d'indemnisation. On voulait
régler un problème de main-d'oeuvre en régions et on
crée un problème d'instabilité d'entreprises au
Québec.
Au moins, nous, quand on a nationalisé ou étatisé
des entreprises, on les a indemnisées. On a accusé à
maintes reprises le gouvernement du Parti québécois d'avoir, de
façon exagérée, utilisé la procédure de la
nationalisation et de l'étatisation. Mais quand on l'a fait, on s'est
efforcé d'être juste et équitable à l'égard
des entreprises étatisées, et elles ont été
convenablement, raisonnablement et justement indemnisées,
compensées, ce qui n'est pas le cas présentement à
l'égard des entreprises privées du secteur des services
ambulanciers à Montréal. C'est absolument insensé,
absurde, incompréhensible d'un gouvernement, qui se dit le
défenseur des entreprises privées au Québec, le promoteur,
le champion des entreprises privées, c'est absolument
incompréhensible et inadmissible qu'il soit aussi injuste à
l'égard des entreprises privées du secteur ambulancier en les
nationalisant, à toutes fins utiles, sans leur donner ni compensation ni
indemnisation, en aucune façon.
Il y aurait bien d'autres points, dans ce projet de loi, que j'aurais
voulu aborder et, en particulier, puisqu'il me reste quelques minutes, la
dimension concernant les infirmières. Voilà un projet de loi
où il n'est aucunement question des infirmières qui sont à
Urgences-santé. Cela est aussi très étonnant. D'abord,
elles ne sont pas représentées au sein du conseil
d'administration, ce qui est tout à fait inadmissible, elles n'ont pas
été consultées sur le protocole de transfert
des employés et ne savent donc pas ce qui va advenir d'elles. Par
conséquent, elles craignent à juste titre d'ère
écartées de la nouvelle corporation. Pourtant, elles
accomplissent un travail tout à fait essentiel dans le système
d'intervention médicale d'urgence. À Urgences-santé,
présentement, elles assument deux tâches extêmement
importantes qui ont une incidence directe sur l'engorgement des urgences et sur
l'état de santé du patient, car on sait que les minutes qui
suivent l'appel de détresse sont des minutes déterminantes. Elles
font le triage des appels, ces infirmières. Elles analysent les appels
et, selon leur jugement et leur formation professionnelle, elles envoient une
ressource, une ambulance par exemple, ou elles orientent les
bénéficiaires vers des ressources autres que les hôpitaux.
Nulle part dans le projet de loi, il n'est question des infirmières ni
du rôle essentiel qu'elles jouent présentement à
Urgences-santé.
Cela nous paraît, par conséquent, un projet totalement
inacceptable, mal fait, mal foutu, une étatisation absurde, mal
engagée. Surtout, ce qui est humiliant pour un État, pour un
gouvernement, voilà un projet de loi qui est purement et simplement un
acte de capitulation devant un groupe de pression qui a lancé un
ultimatum au gouvernement et, sans même combattre, le gouvernement a
cédé, a plié et s'est écrasé. Pour toutes
ces raisons, Mme la Présidente, nous ne pouvons appuyer ce projet de
loi. Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Lac-Saint-Jean. Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, Mme la Présidente. À mon tour
d'intervenir sur le projet de loi 34 que nous discutons ici, à
l'Assemblée nationale, en ce 7 juin 1988. Le projet de loi 34 sur les
services ambulanciers, à notre point de vue, au point de vue de notre
formation politique, est un projet de loi inacceptable parce qu'il ne
correspond pas à ce qui aurait été souhaitable et
souhaité comme intervention dans le domaine ambulancier.
Inaccepté et inacceptable, parce que le ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux
n'a décidé de proposer ce projet de loi 34 que pour une chose:
éviter une grève prévue pour le début de juillet.
Est-ce un momentum? Est-ce un motif assez important? Est-ce un motif grave
à ce point qu'on change la tête ou le titre du service ambulancier
simplement pour éviter de se tenir debout devant une possible
grève qui devait se tenir au début de juillet?
Ce projet de loi "prévoit, en premier lieu, la création
d'une corporation qui aura pour objet d'organiser et de coordonner le transport
ambulancier sur le territoire du Conseil régional de la santé et
des services sociaux de la région de Montréal
métropolitain et sur tout territoire limitrophe que pourra
déterminer le ministre."
Mme la Présidente, non seulement ma formation politique croit que
le ministre n'a pas eu assez de colonne vertébrale pour affronter ce qui
était prévu, mais dans presque l'ensemble des médias
électroniques ou écrits, on parie de reddition. J'ai ici, devant
moi, un écrit de Jean Francoeur du Devoir. M. Francoeur titre:
"Reddition humiliante". Ce n'est pas seulement le Parti
québécois, l'Opposition officielle du Québec, qui dit que
le projet de loi 34 a été fait simplement parce que le ministre
n'a pas la colonne vertébrale pour affronter ce qu'il devait affronter.
Jean Francoeur dit: "Le projet de loi 34 n'est qu'une reddition sans honneur de
la part du ministre délégué à la Famille, à
la Santé et aux Services sociaux qui en est à sa première
initiative importante. C'est un geste humiliant dont la seule
rationalité tient dans le proverbe Qui veut noyer son chien dit qu'il a
la rage." Je ne pense pas que quelqu'un de ma formation politique aurait
utilisé un terme peut-être aussi sévère que Jean
Francoeur, mais nous convenons que ce que le ministre est en train de faire,
c'est qu'il est en train de nous démontrer qu'il n'est pas capable de se
tenir debout, ni lui, ni sa formation politique. C'est regrettable. Il ne
viendra rien régler avec la formation d'une corporation. Ce sont les
mêmes gens qui travaillent, ce sont les mêmes employés,
à peu de choses près. Tout à l'heure, plus tard dans mon
intervention, je vous dirai combien d'employés vont rester à la
suite de l'étatisation, de la formation de la corporation et combien
d'autres employés, eux, vont aller dans le système privé.
Comment croire qu'on va faire deux classes d'employés? Je vais vous en
parier tout à l'heure.
Par exemple, je voudrais aussi vous parier de la qualité des
services et des soins dans le service ambulancier. Est-ce que la formation
d'une corporation va changer quelque chose pour le malade, la personne
accidentée, pour celle ou pour celui qui a besoin de soins et qui
requiert un service ambulancier? Par le projet de loi 34, par la formation
d'une corporation, est-ce que les gens que j'ai en face de moi pourraient me
dire si cela va changer quelque chose en termes de services, pour la personne
qui fait un infarctus et qui doit avoir recours aux services ambulanciers?
Est-ce que cela va changer quelque chose dans le service, pour lui ou pour
elle? (16 h 10)
Je ne crois pas que simplement en formant une corporation, on va
modifier les services aux malades, et c'est ce à quoi on devrait songer
en premier lieu. C'est aux utilisateurs du système qu'on devrait penser
en tout premier lieu quand on fait des lois à l'Assemblée
nationale. Il ne faut pas camoufler les inquiétudes ou les
insécurités d'une personne qui s'occupe du dossier. On devrait,
au contraire, penser aux utilisateurs et peut-être réagir d'une
façon différente aujourd'hui, à l'Assemblée
nationale.
Mme la Présidente, quand une personne a besoin d'un service
ambulancier, elle n'a pas
besoin d'une corporation pour dicter des choses à
l'extérieur. Cela doit être fait avant, de façon telle que
l'utilisateur ne soit pas privé de quoi que ce soit. Nous nous
inquiétons fortement du service qui, à mon point de vue, n'aura
aucune espèce de changement. Je ne veux pas dire que les gens ne peuvent
pas, aujourd'hui, compter sur un service précieux. Je pense que le
service est bon, mais je pense qu'il y a toujours place à
l'amélioration, quel que soit le domaine où l'on est. Si le
ministre s'était assis à une table de concertation avec les
principaux intervenants du milieu, peut-être que nous ne serions pas en
train de discuter du projet de loi 34 aujourd'hui. Comme je l'ai dit tout
à l'heure, une menace de grève est-elle suffisante pour qu'on en
arrive à adopter une loi pour changer l'ensemble du système?
L'ensemble du système, comprenons-nous, au lieu de s'appeler
Urgences-santé, s'appellera corporation. Je ne sais pas si cela va
changer quelque chose, dans le fond.
Est-ce qu'on a aussi songé aux infirmières dans ce projet
de loi? J'ai lu et relu le projet de loi et je n'ai rien vu, pas un seul mot au
sujet des infirmières. J'ai eu beau relire l'ensemble, je n'ai rien vu
dans le projet de loi; il n'est pas question des infirmières
d'Urgences-santé dans le projet de loi. Elles ne sont ni
représentées au conseil d'administration de la nouvelle
corporation, ni consultées dans le protocole de transfert, elles sont
même très inquiètes à savoir si elles vont pouvoir y
rester. Je ne sais même pas si le ministre a songé aux services
que les infirmières d'Urgences-santé rendent lors des appels qui
parviennent à Urgences-santé. Elles craignent tout simplement -
et je crois qu'elles ont raison - d'être écartées de cette
nouvelle corporation. Pourtant, comme on le sait partout, à
Urgences-santé comme dans les hôpitaux, les infirmières
sont indispensables auprès des malades, non seulement pour les soins
physiques, car vous comprendrez que les infirmières sont là
chaque jour pour remonter le moral de leurs patients et de leurs patientes en
plus de les soigner physiquement.
Qu'a-t-on fait avec elles, Mme la Présidente? Il n'en est pas
question, pas un traître mot dans le projet de loi 34. Dans Le Devoir,
Renée Rowan parle de cette situation que nous considérons
comme une situation grave. Vous savez, les infirmières
d'Urgences-santé assument deux tâches importantes qui ont une
incidence directe sur l'état de santé des patients car les
minutes qui suivent un appel téléphonique à
Urgences-santé sont de très grande importance pour la personne
qui loge l'appel. Premièrement, une personne qui appelle à
Urgences-santé a des besoins, elle vit une situation insecure et elle a
des besoins très précis. Elle appelle à
Urgences-santé et c'est le travail des infirmières soit d'envoyer
l'ambulance nécessaire au transport de cette personne ou d'orienter les
bénéficiaires vers d'autres ressources que les hôpitaux.
Ceci est un volet du travail qu'effectuent les infir- mières
d'Urgences-santé.
Plusieurs appels placés à Urgences-santé ne sont
que pour demander des informations médicales. Si les infirmières
n'étaient pas là pour renseigner, pour faire le triage des
appels, qu'est-ce que vous croyez qu'on pourrait vivre, Mme la
Présidente? Chaque fois qu'il y aurait un appel à
Urgences-santé, il y aurait une ambulance qui partirait à fond de
train pour aller voir. Et ce ne serait peut-être pas un cas qui
nécessiterait un transport ambulancier. Qu'avez-vous fait, M. le
ministre délégué, de la partie fort importante des
infirmières dans Urgences-santé? J'espère que, dans les
jours qui vont suivre, vous saurez bonifier votre projet de loi en incluant
cette partie fort importante que sont les services que les infirmières
rendent à Urgences-santé.
Vous savez que ce projet de loi est loin de faire un consensus et si le
ministre délégué ne parvient pas à faire le bout de
chemin nécessaire, il est inutile de croire que les gens qui utilisent
le système ambulancier et ceux qui sont directement rattachés
à ce système ambulancier vont changer de cap. Si le ministre ne
fait pas des pas en avant, il est inutile de croire que notre formation
politique aussi va être d'accord avec ce qu'il nous présente
aujourd'hui. Je souhaite ardemment que les interventions que nous ferons ici
à l'Assemblée nationale pourront convaincre le ministre qu'il est
encore temps de faire des pas en avant pour être en mesure de bonifier
son projet de loi afin qu'il corresponde vraiment aux attentes et aux besoins
de la population qui requiert un service ambulancier.
Mme la Présidente, nous avons le regret aussi de remarquer que
dans le projet de loi 34, l'article 22 créera deux classes
d'employés. Il fera une classe d'employés qui seront des
fonctionnaires de l'État et il fera une autre classe d'employés
qui seront des employés de situation privée, si je peux
m'exprimer ainsi. Une classe de fonctionnaires avec des avantages sociaux et
une autre classe d'employés dans des entreprises privées comme je
vous le disais tout à l'heure.
Je trouve cela un peu exceptionnel quon ait un tel revirement de l'autre
côté. Vous savez que les employés de l'État de la
région de Montréal posent beaucoup de questions aussi
là-dessus. Il s'agit d'une étatisation alors que de l'autre
côté le gouvernement... Vous comprendrez que depuis son
élection, il parlait de privatiser l'ensemble du système,
l'ensemble des services qui relevaient de l'État. Aujourd'hui, on
revient à l'étatisation et, en plus de cela, on crée deux
classes d'employés.
Je me demande comment un syndicat peut accepter que ces employés
soient divisés en deux et qu'une partie peut-être plus chanceuse
où le nom sera tiré au hasard... Je ne sais pas comment on va
fonctionner pour dire que monsieur ou madame sera dans le service
étatisé et, de l'autre côté, son collègue de
travail ira dans le
système privé. J'aimerais bien que le ministre puisse
répondre à cela, de quelle façon il va procéder
pour séparer les employés, en faire deux classes tout à
fait différentes. Est-ce qu'on va se tirer aux cheveux? Est-ce qu'on va
tirer au hasard? Je ne sais pas comment le ministre... On n'en a pas entendu
parler. J'espère qu'il va nous expliquer cela et j'espère aussi
qu'il ne créera pas deux classes parmi ces
employés-là.
Mme la Présidente, c'est aussi une mise en péril des
entreprises privées. Comment, dans le domaine privé, allons-nous
pouvoir rivaliser avec un système étatisé quand on sait
qu'il n'y a pas d'inquiétude et que ce sont des fonctionnaires qui vont
recevoir leur paye à la fin de la semaine? Comment le système
privé va-t-il être en mesure de rencontrer les conventions telles
que décrétées pour les fonctionnaires? Je pense qu'on est
sur le point de créer deux classes de société et c'est
tout à fait inacceptable en 1988 qu'on revienne encore une fois avec un
système aussi aberrant que celui que je viens de décrire. (16 h
20)
De plus, Mme la Présidente, des propriétaires d'ambulances
sont totalement exclus de la composition du conseil d'administration. Comment
ces gens-là qui sont dans le milieu, pour certaines personnes, depuis
fort longtemps, depuis plusieurs années, vont-ils pouvoir faire entendre
leur voix alors qu'ils ne seront pas représentés au conseil
d'administration de la corporation? On ne peut pas franchement exclure des
centres de décisions les propriétaires que cela concerne
directement. Au moment où l'on se parle, je ne pense pas qu'il y ait
dans le projet de loi... J'ai vu le ministre prendre des notes. Je suis
contente qu'il prenne des notes. Je suis sûre qu'il sera capable de
répondre à ma question tout à l'heure. Si j'ai fait fausse
route, j'espère qu'il va m'éclairer. Mais ma lecture du projet de
loi ne m'a pas permis de déceler qu'il y aurait, au point de vue de la
représentation au conseil d'administration, des propriétaires
d'ambulances. Je pense que c'est un risque important que le ministre court de
mettre en péril des entreprises privées, et c'est, à mon
point de vue, inacceptable.
Ce que l'on souhaite, nous, notre formation politique, c'est d'avoir des
auditions publiques pour entendre les principaux intervenants du milieu du
service ambulancier. Il nous apparaît tout à fait important
d'avoir des éclairages nouveaux, non seulement pour aider l'Opposition
officielle à trouver un juste milieu, mais aussi pour aider le ministre
délégué et le gouvernement à trouver, entre deux
maux, je dirais, le moindre, pour la personne qui utilise le service
ambulancier, c'est-à-dire la personne qui a besoin de soins importants.
Vous comprendrez que, lorsqu'on demande une ambulance, c'est qu'on a vraiment
un problème de santé, à peu de choses près, fort
important. Si les services ne sont pas adéquats, on peut se retrouver
avec des coûts supplémentaires et au prix d'une vie - finalement
la vie de la personne, est-ce qu'il y a quelque chose de plus important? - si
on ne lui donne pas les soins nécessaires dès le premier
instant?
Mme la Présidente, si le ministre ne bonifie pas son projet de
loi et s'il refuse d'avancer, de faire quelques pas en avant, à la suite
des demandes, non seulement de l'Opposition officielle, mais de tous les
intervenants du milieu qui, par la voix des médias, ont fait
connaître leur dissidence par rapport à ce que le ministre veut
faire passer ici... Vous savez, nous, nous avons le privilège ou la
tribune nécessaire pour nous exprimer, pour dire ce que l'on croit d'un
projet de loi. Mais les intervenants dans le milieu, dans le monde, n'ont pas
toujours la possibilité ou la tribune nécessaire. Donc, ils
utilisent les journaux afin de pouvoir s'exprimer publiquement et faire
comprendre au ministre responsable et au gouvernement que nous avons en face de
nous l'importance de bonifier son projet de loi.
La cerise sur le gâteau, c'est que la corporation n'est pas
créée et, depuis le 20 mai, il y a un nouveau
président-directeur général, M. Pierre Lamarche, adjoint
à l'exécutif de la CSN et conseiller du RETAQ, qui siégera
à la tête du conseil d'administration où se retrouveront
trois employés de la nouvelle corporation en provenance des rangs du
RETAQ. C'est un peu spécial. On est en train de discuter de la
corporation. Le p.-d.g est déjà là. Il donne
déjà des ordres. Il est déjà en fonction,
même avant qu'on ait fini de discuter, même avant que le projet de
loi soit adopté. Essayez donc d'expliquer cela au monde ordinaire, aux
utilisateurs des services ambulanciers. Essayez donc d'expliquer comment il se
fait que, déjà, un p.-d.g. d'une corporation inexistante puisse
donner des ordres à une autre entité existante qui s'appelle
Urgences-santé. C'est un peu spécial. Je ne sais pas comment le
ministre va faire, dans son droit de réplique, pour expliquer à
la population en général ce que veut dire l'emploi de ce p.-d.g.
qui est entré là je ne sais pas de quelle façon. Je ne
sais pas pourquoi le ministre l'a choisi. J'espère qu'il pourra nous le
dire.
Mme la Présidente, c'est malheureux que mon temps soit
terminé; j'aurais voulu vous parler des soins aux malades...
Une voix: Consentement.
Mme Juneau: Consentement? Est-ce que je peux terminer, Mme la
Présidente? Mes vingt minutes sont terminées, je le sais.
La Vice-Présidente: Une courte conclusion.
Mme Juneau: Je dois conclure. Bon.
Ce qui m'inquiète, Mme la Présidente - je vais me
dépêcher pour terminer - c'est qu'il peut y avoir une
confrontation importante entre les propriétaires d'ambulances, les
techniciens ambulanciers et le gouvernement. Le ministre
recule devant une possibilité de grève au début de
juillet. Que va-t-il faire lorsqu'il aura mêlé toutes les cordes
et que tout le monde sera en train de se battre? Je me le demande. Je pense que
le système va coûter plus cher et que le ministre fait fausse
route en ce qui a trait au projet de loi 34 tel que rédigé au
moment où je vous parle. Je souhaite énormément, autant
pour moi-même que pour ma formation politique, qu'il y ait bonification
et audiences publiques. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée de
Johnson.
M. le député de Fabre.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, il
m'est agréable d'intervenir sur le projet de loi 34 concernant les
services de santé. Bien sûr, jusqu'à maintenant, on a eu
l'occasion d'écouter quelques intervenants, le député de
Gouin, la députée de Marie-Victorin, le député de
Lac-Saint-Jean, la députée de Johnson, pour n'en mentionner que
quelques-uns, et tous ont semblé manifester à leur façon,
à un moment donné dans leur discours, une certaine forme
d'appréhension. Mais, à les écouter tout au long de leur
discours, ils nous revenaient... Mis à part tel point ou mis à
part tel autre point, ils commençaient à démontrer qu'ils
étaient quelque peu d'accord sur certains points et devenaient un peu
moins véhéments.
On a écouté l'allocution du ministre Dutil qui a pris
passablement de temps parce qu'il se devait d'expliquer à la population
la situation qui prévaut aujourd'hui et ce quelle serait avec le nouveau
projet de loi. Je pense qu'il se devait de le faire en son âme et
conscience et qu'il se devait de prendre le temps nécessaire pour
l'expliquer à la population. Pourquoi l'expliquer à la
population? Je pense que c'est facile à comprendre, M. le
Président. C'est elle qui est concernée. Trois parties sont
impliquées: les propriétaires d'ambulances, les techniciens et le
gouvernement qui représente la population. Je suis convaincu que peu de
gens seront en désaccord avec le ministre parce qu'il a pris le temps
nécessaire pour expliquer ce qui devait être expliqué.
J'aimerais quand même vous faire remarquer que ce dossier ne date
pas d'hier. Ce dossier a pris ses origines en 1981 quand le rapport
Champoux-Dorval recommandait la création d'un centre de coordination des
urgences à Montréal. Depuis 1981, plusieurs autres rapports ont
été produits, dont le rapport Tremblay, le rapport SECOR et le
rapport Drouin. C'est fini, le temps des rapports, M. le Président. Il
faut passer à l'action. Le 2 mars dernier, le Conseil des ministres, sur
la recommandation du ministre Dutil, a décidé de s'inspirer des
recommandations contenues dans ces rapports et du vécu des gens du
milieu et le projet de loi a été déposé quelques
jours après, le 12 mai. Qu'est-ce qu'on suggérait dans les
rapports? On suggérait le statut quo. Il y avait quand même quatre
pistes, quatre orientations qui étaient soulevées et qui
suggéraient le statut quo. On suggérait la municipalisation, on
suggérait de référer aux organismes sans but lucratif et
on suggérait la nationalisation. (16 h 30)
Nécessairement, dans tout ceci il y avait aussi les pour et les
contre. On avait quand même le choix. Ce choix s'est orienté vers
la formation d'un organisme qui aurait un mandat assez particulier, assez
spécial. Pourquoi en est-on arrivé là? C'est bien certain
que si tout avait été parfait, s'il n'y avait pas eu de lacunes
dans le système, si on avait eu 100 % de réussite dans toutes les
demandes, on n'aurait sûrement pas pris position. Si on a pris position
c'est parce qu'il y avait une déficience du système.
Quels sont ceux qui savent ce qui se passe vraiment dans toute la
province? Dans certaines régions, cela peut fonctionner, dans d'autres,
cela fonctionne moins bien. Alors, on s'est dit: Est-ce que toute la population
du Québec a droit aux mêmes services? Est-ce que toute la
population du Québec a droit à la même qualité?
Est-ce que toute la population du Québec a le droit de se sentir secure,
de se sentir appuyée par un service qui, lorsque demandé, serait
efficace? Je pense que se poser la question c'est y répondre.
M. le Président, j'aimerais qu'on regarde un peu ce que la loi 34
va faire. Donc, on dit que la loi 34 déposée à
l'Assemblée nationale instaure de nouvelles règles en
matière de transport ambulancier au Québec et prévoit
à cette fin, pour la région de Montréal, la
création d'une corporation sans but lucratif permettant
l'intégration des techniciens ambulanciers à cet organisme qui
aura pour objet, aux lieu et place du Conseil de la santé et des
services sociaux de la région de Montréal métropolitain,
d'organiser et de coordonner dans son territoire le transport ambulancier.
Quel est le temps limite normal pour faire un transport ambulancier? Je
pense que le temps le plus court est le temps souhaité.
J'écoutais ce matin le chef de l'Opposition, le député de
Joliette, qui se servait d'une expression pour dire qu'à Laval il y
avait déjà un service ambulancier chromé. Je peux vous
dire que ce n'est peut-être pas tout à fait le cas. Pour la
période des fêtes qui s'en viennent, soit le 24 juin, on a
déjà planifié de couper des ambulances. Si à Laval
on veut avoir un service ambulancier, actuellement de la façon dont les
régions sont définies... Je vous donne juste un petit exemple
d'un fait qui est arrivé la semaine dernière. Pour avoir le
service ambulancier sur l'île de Laval on se doit de faire une demande
à Montréal. L'ambulance était stationnée à
l'angle des rues Chambord et Jarry et, dans Saint-François, la demande
était quand même assez urgente. Cela a pris 27
minutes. Si on parle de services de qualité, si on parle de
services fonctionnels, je ne pense pas qu'on puisse nous reprocher d'essayer de
faire une meilleure coordination et de donner un meilleur service à la
population.
Qu'est-ce qui se passe aussi en régions? Vous avez quand
même 185 propriétaires en régions. Quand je dis en
régions, je veux dire dans toute la province. Il y a 492
véhicules répartis un peu partout dans la province. En province,
la situation n'est peut-être pas tout à fait la même que
dans les grands centres. Vous avez des techniciens qui, tout en étant de
bonne foi et en ayant une formation très minime dans bien des cas,
agissent un peu selon les anciens systèmes qui étaient les
systèmes de pompiers volontaires. Ces gens-là sont en
disponibilité, ils attendent que la demande se fasse, que l'appel soit
logé, ils laissent leur emploi et vont sur les cas d'urgence. Avez-vous
imaginé, M. le Président, de quelle façon on peut
s'attendre à une efficacité et un résultat dans de tels
cas: quand on prend l'appel, on doit aller chercher le technicien à son
ouvrage et, de là, l'amener sur le lieu de l'appel?
Ce sont là des situations qui existent, ce sont des situations
qui vont être corrigées par 'e nouveau
système, parce qu'il va y avoir une meilleure dispersion des appels, il
va y avoir des gens qui vont savoir en tout temps où sont les
ambulances. On n'espérera pas que le cas soit livré, comme on
dit, à l'hôpital, pour ne pas dire "dumpé" dans bien des
cas, parce que c'est souvent l'expression qu'on entend. Il faut le "dumper" et
le "dumper" vite et il faut revenir sur place parce qu'il y a un autre appel
qui attend. Dans bien des cas, dans certaines régions, il y avait un
deuxième appel qui était logé, mais comme l'ambulance
était déjà engagée, on attendait le retour de
ladite ambulance pour aller chercher le malade, le blessé ou
l'accidenté.
Partant de là, je ne pense pas qu'on puisse reprocher à un
gouvernement de prendre ses responsabilités et d'aller de l'avant avec
le projet de loi. Si on regarde la quantité d'appels qu'il y a dans la
province, on nous parle d'environ 400 000 appels par année, dont 28 000
sont en relation directe avec les accidents d'automobile, avec la Régie
de l'assurance automobile et 160 000 sont en relation avec le transfert entre
les institutions hospitalières. À ce moment-là, ayant
très peu de coordination, inutile de vous dire que les
déficiences se faisaient sentir lorsque les urgences arrivaient! Ici,
dans la grande région, on parle de 1000 appels par jour pour 250
transports par jour. Il faut prendre nos responsabilités, il faut aller
de l'avant avec le projet de loi et faire en sorte qu'on ne contribue pas
à faire augmenter les statistiques parce qu'on dit qu'il y a quand
même plus de 50 % à 60 % des accidentés de la route
décèdent quelques heures après une blessure.
On parlait de traumatologie tantôt. J'écoutais le
député de Gouin qui ne semblait pas tout à fait
renseigné. En fin de semaine, soit le samedi 4 juin, La Presse
démontrait dans un article qu'on a un centre de traumatologie
à Montréal, qui est l'hôpital du Sacré-Coeur, et
c'est tout à l'honneur de l'hôpital du Sacré-Coeur qui, je
pense, sera retenu par l'organisation du Grand Prix de la formule I de
Montréal pour veiller à la santé des pilotes. Je sais,
parce que c'est quand même relativement près de ma région,
que l'hôpital du Sacré-Coeur a aussi un héliport. Un peu
plus loin dans la déclaration du ministre Côté, on est en
train d'envisager la possibilité aussi d'améliorer le service de
grands blessés par voie aérienne, par voie
d'hélicoptère.
On veut améliorer au sol, on veut améliorer dans les airs,
on veut améliorer un peu partout. Si c'est ça qu'on a à
nous reprocher, je ne me sens pas mal à l'aise du tout d'avoir à
voter sur le projet de loi qu'on nous présente ici. On parle d'aller
plus loin. C'est cela que certains des députés de l'Opposition
nous ont suggéré. On trouve qu'on ne va pas assez loin dans le
projet de loi. Qu'ont-ils fait depuis 1981 à part d'abdiquer et de se
mettre à genoux en 1984? On nous reproche de prendre les moyens
nécessaires pour éviter des problèmes majeurs en
réalisant l'importance de la situation et en trouvant des solutions qui,
peut-être aux yeux de tout le monde, ne sont pas parfaites.
Peut-être. Mais vous ne pouvez pas enlever la bonne volonté et les
acquis qui sont proposés. Si on parle, en ce moment, de donner une
qualité de réponse tant dans l'exécution que dans la
formation des techniciens ambulanciers, la population est-elle au courant que
la moyenne d'heures de formation de nos techniciens est en bas de 150 heures?
Cela veut dire l'équivalence d'un cours de trois semaines et demie.
Est-ce qu'on va nous reprocher d'aller de l'avant et de demander un minimum de
formation de 825 heures? On va demander 21 ou 22 semaines de cours, moyenne 40
heures par semaine. Est-ce que c'est exagéré que de souhaiter
d'avoir des techniciens plus chevronnés, mieux équipés,
qui, eux aussi, vont se sentir mieux appuyés, ayant les connaissances
leur permettant sûrement de développer l'assurance qui leur est
absolument nécessaire? (16 h 40)
Si on confie la vie de quelqu'un à ces techniciens, que ce soit
des hommes ou des femmes, il faut souhaiter aussi leur donner les outils
nécessaires, il faut faire en sorte que, lorsqu'ils seront en
régions éloignées et qu'ils auront les connaissances
nécessaires, que les régions éloignées puissent les
conserver, puissent avoir droit à la même garantie et à la
même sécurité. Est-ce que c'est exagéré que
de souhaiter avoir un numéro unique pour coordonner tous ces services?
Quand arrive le cas d'urgence, arrive aussi le cas de panique. Est-ce qu'on va
se rappeler du numéro de téléphone 848-4141 ou 842-5252 ou
ainsi de suite? Est-ce que ce n'est pas plus facile de penser avoir un centre
de coordination 911 qui dira tout simplement: dans
telle région, on a trois ambulances, il y en a une qui est
déjà partie, on va aller chercher le service ailleurs? Ce
n'était pas le cas avant. Combien y a-t-il de gens qui sont en
état de choc lorsque survient la maladie ou la blessure, et que cela
arrive de façon inopinée, de façon impromptue? Cela ne se
contrôle pas, la maladie. Si on savait quand c'est pour arriver, on
demanderait qu'ils viennent stationner devant la porte et on dirait "on
embarque". Mais ce n'est pas le cas, ce n'est pas comme cela que cela marche,
la maladie, M. le Président. Cela ne vient pas sur commande.
Alors, les gens d'en face - il y en a de moins en moins - ont toutes les
solutions aujourd'hui. Mais qu'ont-ils fait depuis 1981? Cela aussi, je veux le
dire à la population, parce que tantôt on a dit qu'il faut que la
population le sache. Oui, il faut que la population sache qu'ils n'ont rien
fait d'autre que de se mettre à genoux en 1984. C'est tout ce qu'ils ont
fait. Des solutions, ils n'en ont pas. Pour nous, il n'est pas question de
trouver des coupables, comme je l'ai déjà dit, mais des
solutions. Alors, on va vous laisser avec votre passé, vous avez
déjà été jugés sur cela. On n'y reviendra
pas, ce serait encore pire si on vous jugeait aujourd'hui.
Il y en a un autre qui essaie de revenir, qui est votre chef. Oui, il
essaie de revenir, mais il n'a pas l'air de faire l'unanimité. Quand il
est parti, il avait seulement 14 % de cote de popularité et il en a 17
%. Nous, des affaires à 14 % et à 17 %, on n'en veut pas, on veut
des choses qui vont fonctionner pas loin des 100 %. C'est pourquoi on a un
projet de loi, le projet de loi 34, qui est mis de l'avant et qui va
sûrement corriger un paquet de lacunes. Ce ne sont pas des lacunes qu'on
a identifiées tout seuls, mais qui ont été
identifiées par tous ceux qui sont dans le milieu, à l'exception
peut-être des propriétaires qui sont en train d'essayer de
sauvegarder une partie du gâteau. Je ne peux pas les blâmer, ce
sont des entrepreneurs privés, c'est normal. Mais si on établit,
à titre de gouvernement, des normes sur la qualité des
véhicules, si on permet à tout le monde dans toute la province de
jouer la même "game" - excusez l'anglicisme - et que, par le fait
même, tout le monde est sécurisé, tout le monde sait qu'on
a la même qualité de réponse, est-ce qu'on peut être
contre un projet de loi comme cela? Quand on parle de qualité,
d'urgence, c'est cela, on parle de coordination et on parle de contrôle,
et c'est cela qu'on est en train de mettre de l'avant.
On nous suggérait d'aller plus loin. Je pense qu'on est
déjà allé pas mal plus loin que tous ceux qui nous ont
précédés, parce qu'on a essayé tout simplement
d'étirer le temps, on a acheté un peu de paix. Mais, chez nous,
ce n'est pas cela. Vous le voyez très bien. Les syndicats auraient
peut-être demandé plus, les propriétaires demanderaient un
peu plus, mais, nous, on va vers les vrais besoins de la population. Et peut-
être que, d'un côté comme de l'autre, on peut dire que ce
n'est pas parfait, mais une chose qu'on peut dire, c'est qu'on va de l'avant,
on jette des bases solides. Il me semble que, pour toute la population qui va
se coucher le soir et qui va être au courant qu'il y a quelqu'un qui
veille, quelqu'un qui est là et qui va répondre, qui va
être en disponibilité, qu'il va y avoir du service, qu'il y aura
des véhicules qui vont fonctionner... Je ne pense pas qu'on puisse en
vouloir à un gouvernement qui prend ses responsabilités, qui
continue, en fait, de livrer ce pourquoi il a été élu.
C'était un vote qui était quand même sans équivoque
et qui continue, si vous voulez, d'après les sondages, de faire plus que
l'unanimité ou, du moins, à peu près, puisqu'on nous parle
de 66 % de satisfaction dans la population.
Si c'est cela que vous appelez un gouvernement qui ne fonctionne pas,
est-ce que vous êtes en train de nous dire que dans la population, ce
sont tous des imbéciles? Je ne pense pas que ce soit cela que vous
vouliez dire. Si jamais vous lavez pensé, arrêtez de le dire,
arrêtez de vous opposer à quelque chose qui est logique. Quand on
s'obstine contre quelque chose qui est logique, on devient, par le fait
même, absolument illogique.
C'est cela qu'on a entendu depuis le matin. C'est quand même
difficile, pour ceux qui sont en retrait, les parlementaires, de ne pas
réagir à cela. Parfois, la population ne sait pas, tout ce qu'on
entend ici, en Chambre, à l'Assemblée. C'est pour cela que, de
temps en temps, il y a un peu d'agressivité qui se manifeste. C'est pour
cela qu'à un moment donné, on se doit de dire la
vérité. La vérité, c'est qu'on va de l'avant avec
ce projet de loi qui est pour le bénéfice de toute la population.
Encore là, je suis drôlement convaincu que les gens vont
l'apprécier. Sûrement que les gens vont aller vous voir dans vos
comtés; ils vont vous poser des questions: Comment se fait-il que vous
vous soyez opposés à cela? Comment se fait-il que vous ne soyez
pas capables, vous aussi, de vous rallier au gros bon sens? Le gros bon sens,
c'est de donner la sécurité à toute la population. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, nous
sommes en train, encore une fois, à la suite de décisions
gouvernementales, de discuter d'un projet de loi qui modifie la Loi sur les
services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions
législatives.
Encore une fois, cela se fait en fin de session; cela se fait avec le
rouleau compresseur libéral et cela n'est pas tout à fait
nouveau. Je peux vous assurer que depuis le début du mandat
du gouvernement libéral, nous avons vécu, en fin de
session, plusieurs occasions où on nous amenait des projets de loi
préparés à la pièce et à la petite semaine.
Lorsque j'entends le député de Fabre, qui vient d'intervenir,
dire qu'on ne devrait pas reprocher au gouvernement libéral d'agir, je
pense qu'il faut s'expliquer et le faire clairement.
Le ministre délégué à la Famille se rappelle
très bien, lorsqu'il était ministre délégué
aux Pêcheries, qu'il est arrivé assez fréquemment qu'en
tant que critique en matière de pêcheries, j'étais d'accord
avec lui sur certaines positions qu'il prenait. On se parlait assez souvent
pour corriger certaines situations. Cela ne veut pas dire que, lorsque je
n'étais pas d'accord avec le ministre, je devais m'asseoir et laisser
passer le train sans lui dire exactement ce que je pensais de la situation.
Aujourd'hui, avec le projet de loi 34 que nous avons devant nous, je
pense qu'il est nécessaire d'intervenir pour dire deux choses: II y a,
bien sûr, dans le projet de loi qui nous est présenté
certains articles qui vont, dans l'ensemble, avec l'opinion que nous avons en
tant que membres de l'Opposition. Cependant, s'il y a, dans un projet de loi,
des articles avec lesquels nous ne sommes pas d'accord pour différentes
raisons, face à cette décision gouvernementale, on se doit, en
tant que membres de l'Opposition, en tant qu'individus, en tant que
résidents du Québec, de certaines régions du
Québec, de dire exactement l'heure juste, ce qu'on pense et de quelle
façon on devrait modifier ce projet de loi. (16 h 50)
Je comprends très bien le ministre délégué
à la Famille qui, actuellement, est un peu seul dans ce dossier. Je
considère, on le voit ici, en cette Chambre qu'il y a très peu
d'interventions des membres du Parti libéral. Dans certains cas, il est
pris avec une situation qui, à notre sens, lui a été
imposée par des gens qui sont plus hauts que lui au Conseil des
ministres et, bien sûr, il s'est plié; il a reculé. Il l'a
fait d'une façon directe face à des pressions faites par certains
milieux, et peut-être le député de Fabre. Je comprends que
c'est une situation difficile pour lui.
Ce que je n'aime pas, en tant que membre de l'Opposition et aussi en
tant qu'ancien syndicaliste, c'est de voir que ce gouvernement, lorsqu'il
était de ce côté-ci de la Chambre, c'est-à-dire dans
l'Opposition, se targuait d'avoir toutes les bonnes solutions et nous accusait
d'à peu près tous les torts parce que, dans certains dossiers,
nous n'allions pas en consultation générale, pour certains
projets de loi dont on avait discuté antérieurement avec les
parties.
Vous savez, M. le Président, lorsqu'on regarde un dossier aussi
important qu'une loi qui concerne des êtres humains, qui concerne des
groupes, on se doit, dans un premier temps, d'être bien
préparés et de consulter, de négocier même le
contenu du projet de loi avec les personnes concernées,
c'est-à-dire avec toutes les parties, à partir des
représentants et des représentantes des associations de
consommateurs jusqu'aux personnes mêlées au milieu des affaires
sociales, en passant par toutes les associations qui veulent bien se faire
entendre. Bien sûr, les propriétaires d'ambulances veulent
définitivement qu'on les entende. Vous avez les infirmiers et les
infirmières, où sont-ils dans l'ensemble de ce dossier? Vous avez
les syndicats, vous avez les préposés, vous avez tout le domaine
de la répartition. Que l'on sache, avant que le ministre dépose
ce projet de loi, il n'a discuté qu'avec un seul groupe,
c'est-à-dire des représentants de la CSN. Qu'a-t-il fait
auprès de l'ensemble des autres associations syndicales, auprès
de l'ensemble de toutes les associations qui représentent les
consommateurs? Rien, il a "déboulé" le projet de loi en mai
dernier, ici à l'Assemblée nationale, pour nous l'amener, en fin
de session, pour discuter de choses aussi importantes.
Je pense que c'est l'ensemble du Québec qui doit savoir que
depuis deux ans et demi, ce gouvernement agit exactement de la même
façon dans des dossiers importants pour la collectivité
québécoise. Qu'on se rappelle, M. le Président - vous le
savez très bien - toutes les promesses qui ont été faites
au cours de la campagne électorale de 1985 par ce gouvernement, à
partir de la parité de l'aide sociale pour les jeunes en passant, bien
sûr, par ce qu'ils appelaient dans le temps la médecine de guerre,
pour corriger la situation dans les salles d'urgence. Je peux vous dire
qu'actuellement, après deux ans et demi, rien n'est corrigé, cela
va de pis en pis dans les hôpitaux du Québec, et surtout dans les
grands centres comme Montréal et Québec.
On nous amène des lois où on devrait procéder
à des négociations avec les parties avant leur
dépôt, par la suite, dépôt à
l'Assemblée nationale et, par la suite, commission parlementaire ouverte
à tout le monde pour que les membres de l'Opposition et la population du
Québec sachent exactement ce qui se passe dans tel ou tel dossier. Par
la suite, bien sûr, comme c'est toujours le cas concernant les lois, on
s'occupera de la commission parlementaire lorsque arrivera le moment de
l'étude article par article.
Ce n'est certainement pas la démocratie qui étouffe ce
gouvernement. On l'a vu à plusieurs reprises dans le cadre de certaines
privatisations, comme Quebecair, Madelipêche, Dofor. Pour
Madelipêche, c'était un peu moins pire, c'est vrai, parce que les
parties étaient d'accord sur certains points. Mais qu'on se rappelle le
dossier de Quebecair et qu'on aille regarder certaines privatisations faites
par le gouvernement libéral, où on passe de 884 emplois à
environ 250. Cela commence à être grave. Ces gens se targuent de
créer des emplois au Québec, d'être les grands vendeurs de
la privatisation, et aujourd'hui, on nous arrive à l'Assemblée
nationale avec un
projet de loi qui privatise un secteur ambulancier, mais juste pour la
région de Montréal.
Que fait-on dans ce dossier pour l'ensemble du Québec? Comme
membres de l'Opposition, nous ne voulons pas dire que cela devrait être
étatisé ou nationalisé pour tout le Québec. Ce
n'est pas cela qu'on dit. Mais on dit que le ministre
délégué a la Famille n'agit pas correctement en nous
présentant un projet de loi à la pièce sans avoir
discuté avec toutes les parties concernées. Et, selon moi, il
fait absolument fi de toutes les régions du Québec et, en
particulier, de la région de la Côte-Nord.
Lorsqu'on parle de la qualité des soins, qu'est-ce que cela va
apporter de plus? Malgré ce que dit le député de Fabre,
malgré ce que dit le ministre délégué à la
Famille, malgré ce que certains libéraux et certaines
libérales ont dit en coulisses, qu'est-ce que cela va apporter de
nouveau dans la qualité des soins aux personnes victimes d'accidents ou
malades, lorsque ces personnes auront à se faire transporter par
ambulance?
Et, M. le Président, c'est un précédent aussi dans
le domaine des structures de la santé. Avant même que
l'Assemblée nationale ne se soit prononcée sur le projet de loi
qui vise à réorganiser le transport ambulancier à
Montréal et au Québec, le gouvernement libéral s'assure de
la présence d'un président-directeur général pour
siéger à la tête du conseil d'administration de la nouvelle
corporation. C'est un précédent dans le domaine des structures de
la santé. Or, comment peut-on désigner un responsable, un p. -d.
g. comme étant le nouveau président-directeur
général de la Corporation d'urgences-santé prévue
au projet de loi 34 alors qu'elle n'est même pas créée?
C'est la question que se posait le chef de l'Opposition officielle et c'est la
question que nous nous posons en tant que membres de l'Opposition officielle.
Parce que c'est complètement anormal, complètement illogique de
faire cela de cette façon-là. Payer quelqu'un, engager quelqu'un
avec des pouvoirs avant que le projet de loi soit sanctionné ici
à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire en cette enceinte,
M. le Président.
Et je voudrais rappeler au ministre que, dans l'ensemble des
régions du Québec... Il a reçu des
télégrammes qui lui ont souligné différents points
qui inquiétaient ces gens. Et, ici, je voudrais vous mentionner, par
exemple, les services ambulanciers Portier de Schefferville. Les
libéraux ne connaissent pas le dossier de Schefferville, mais je le
connais. Même le ministre des Affaires municipales ne connaît pas
le dossier de Schefferville. Mais il a un de ses propres amis qui vient
d'envoyer un télégramme au ministre qui dit: "Nous, les services
ambulanciers Portier de Schefferville, membre de la Corporation des services
ambulanciers du Québec, vous demandons de retirer le projet de loi 34 et
de convoquer une commission parlementaire pour que la Corporation des services
ambulanciers et tous les membres intervenants fassent connaître leur
position sur la réforme du transport ambulancier du Québec. " Pas
une réformette. On parle d'une réforme globale de tout le
système ambulancier du Québec. Parce que, comme je le mentionnais
tout à l'heure, le ministre et son gouvernement font cela à la
pièce.
Un autre télégramme qui est signé par Ambulance
à Sept-îles inc., M. Edgard Mallet: "Je, Edgard Mallet, membre de
la Corporation des services ambulanciers du Québec, vous demande de
retirer le projet de loi 34 et de convoquer une commission parlementaire pour
que la Corporation des services ambulanciers et tous les autres intervenants
fassent connaître leur position sur la réforme des transport
ambulanciers au Québec. "
Un autre télégramme de ma région, M. le
Président. "Je, Ambulance Boudreau de Havre-Saint-Pierre, membre de la
Corporation des services ambulanciers du Québec, vous demande de retirer
le projet de loi 34 et de convoquer une commission parlementaire pour que la
Corporation des services ambulanciers du Québec et tous les autres
intervenants fassent connaître leur position sur la réforme du
transport ambulancier du Québec. "
Et là, j'entends le député de Fabre qui vient de
nous dire qu'il y a pratiquement unanimité sur le dossier. Je regrette,
mais le député de Fabre n'a pas reçu les documents qu'on a
reçus. Il n'a pas regardé le dossier sur le fond II pense que la
réformette, proposée dans le projet de loi 34 devant nous, et qui
se produit dans la région de Montréal est pour l'ensemble du
Québec et que cela va régler tous les problèmes. Lorsqu'on
regarde les dossiers sur le fond, lorsqu'on se donne la peine d'étudier
l'ensemble des problèmes... Je pense que le député de
Fabre n'avait pas du tout raison de dire ce qu'il a dit II a passé son
temps à parler plutôt de l'ancien gouvernement. Mais je voudrais
aviser le député de Fabre et l'ensemble des libéraux en
cette Chambre que c'est vrai que le 2 décembre 1985, vous avez eu un
mandat. Votre mandat vous le faites c'est vrai. Mais vous n'avez pas à
blâmer régulièrement l'ancien gouvernement. Vous n'avez pas
à blâmer le gouvernement. C'est vous qui êtes là.
Alors gérez le Québec. Faites-le à votre façon et
un jour la population du Québec va vous dire que vous n'avez pas eu
raison de le mener de telle ou telle façon. Et c'est cela le
système démocratique. (17 heures)
Excusez-moi, M. le Président, mais si le député de
Fabre et l'ensemble des membres du gouvernement veulent que l'Opposition
s'assoie et ne dise pas un mot sur les affaires toutes croches qui sont faites
par ce gouvernement, ce n'est pas l'expression de la démocratie. On a le
droit de dire ce qu'on veut en cette Chambre On a le droit d'étudier nos
dossiers, et on a le droit de donner notre position et la position de
l'ensemble de nos associations dans tout le
Québec. Et c'est cela qu'on fait. On fait notre devoir de
citoyens. On fait notre devoir d'élus. Mais on ne le fait pas de la
même façon que le font les libéraux en étant
toujours d'accord avec tout le monde ou avec des "groupettes". On ne le fait
pas de la même façon. On le fait pour l'ensemble de la
collectivité du Québec, c'est-à-dire des hommes, des
femmes, des enfants et des familles. C'est pour eux qu'on le fait, M. le
Président.
Je reviens au projet de loi. Le projet de loi ne peut être
adopté avant que se tienne une consultation de toutes les parties
intéressées. C'est vrai qu'il va y avoir une commission
parlementaire où certaines des parties vont être consultées
à partir d'une liste qui a été présentée par
qui? Qui a été présentée par le gouvernement
libéral, qui a été pratiquement imposée à
l'Opposition pour entendre tel ou tel organisme. C'est entendu qu'il peut y
avoir, pour certains organismes, des négociations avec le leader de
l'Opposition. Cependant, il faut être très restreint dans les
présentations que nous faisons au ministre et à son gouvernement,
en particulier au leader du gouvernement, pour obtenir que toutes les
associations que nous voulons entendre devant cette commission soient
là. Parce que là, il y a une marge, et elle est restreinte. Le
ministre acceptera exactement et les membres de cette Chambre accepteront aussi
ce que je viens de dire parce que c'est la façon dont cela se fait en ce
parlement. C'est la façon dont cela se fait en ce parlement lorsqu'il y
a des consultations particulières. Mais cela ne veut pas dire qu'on est
d'accord avec la liste qui est proposée. On voudrait qu'elle soit
beaucoup plus longue. On a eu l'occasion d'ajouter trois ou quatre organismes,
c'est sûr. Mais qu'est-ce qu'on va faire avec tous les autres organismes
qui voudraient se faire entendre et qui ne seront pas entendus parce qu'on est
en fin de session et qu'on subit le rouleau compresseur libéral?
J'entendais le député de Fabre dire qu'il n'y avait pas
tellement d'opposition à ce projet de loi. Je voudrais lui rappeler que
la Corporation des services ambulanciers du Québec a dit ceci: "Le
projet de loi 34 sur les services ambulanciers, une nationalisation à
rabais." La même Corporation des services ambulanciers du Québec:
"Le projet de loi 34 sur les services ambulanciers, la paix syndicale à
tout prix." Donc, à n'importe quel prix! Là, on peut dire que
c'est proche du Parti libéral lorsqu'on pense que le Conseil du patronat
du Québec - que je sache, son p.-d.g. n'est pas un grand ami du Parti
québécois, il est plutôt un grand ami du gouvernement
libéral - a dit ceci: "Ce projet de loi est inacceptable, difficilement
justifiable de la part d'un gouvernement qui mise sur l'entreprise
privée, et constitue une reddition pure et simple devant les forces
syndicales qui obtiennent ce secteur depuis quelques années."
M. le Président, je peux vous dire que le projet de loi 34, Loi
modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et
d'autres dispositions législatives, qu'on est en train de discuter, ne
fait pas l'unanimité. Cela ne fait pas l'unanimité pour tout le
monde. Contrairement à ce que pensent le gouvernement et son ministre
délégué à la Famille, il va effectivement y avoir
dans l'ensemble du Québec, dans les prochaines semaines et dans les
prochains mois, des problèmes qui vont être créés
par l'adoption de cette loi ou d'une partie de cette loi à
l'Assemblée nationale, surtout dans le domaine ambulancier, parce qu'il
n'y a pas eu de consultation avant le dépôt du projet de loi.
C'est une réforme partielle malgré que quatre rapports
recommandaient une refonte globale de l'ensemble de la loi, en particulier du
domaine ambulancier. Cette réforme était qualifiée de
majeure par le ministre, et elle s'est traduite par six façons de
procéder, et ça, c'est la décision qu'il a prise. C'est
une réforme du système de transport ambulancier qui s'imposait,
bien sûr, mais pas de la façon dont elle est
présentée. Cependant, le ministre ne s'est pas montré
à la hauteur de la tâche. Ce qui caractérise cette
réforme, c'est avant tout le peu de consultations faites par le
ministère de la Santé et des Services sociaux sur ses
modalités et son application, sauf peut-être pour un seul groupe,
en l'occurrence le RETAQ.
M. le Président, je n'ai rien contre le RETAQ, mais j'en ai, par
exemple, contre le fait que ce gouvernement, qui se dit démocratique,
ouvert et transparent nous arrive, dans une période de fin de session,
avec un projet de loi ou avec d'autres projets de loi aussi importants que ceux
que nous avons, mais qui ne corrigent vraiment pas l'ensemble des situations
vécues au Québec. Bien sûr, le gouvernement libéral
qui dirige les destinées du Québec a vraiment quelquefois de
curieuses façons de procéder. D'un côté, le chef du
gouvernement déclare à la Chambre de commerce du Québec
qu'il ne dit pas non à des expériences pilotes de privatisation
en matière de santé; d'un autre côté, son ministre
délégué à la Famille et à la Santé et
aux Services sociaux présente un projet de loi qui institue, en
pratique, la nationalisation du transport ambulancier dans la région
métropolitaine de Montréal, sans débat public, sans un
vrai débat public et en cachette. Il le fait actuellement a la sauvette
et en cachette aussi. Qu'on décide de nationaliser une entreprise
privée ou de privatiser un service de l'État pour résoudre
un problème de relations du travail est totalement inacceptable.
Là-dessus, je suis parfaitement d'accord avec l'auteur de ('editorial de
La Presse, M. Pierre Vennat. "Il se peut que la solution
présentée par le ministre soit raisonnable, mais l'adoption de ce
projet de loi ne saurait se justifier avant que tous les intervenants au
dossier, c'est-à-dire les compagnies, les techniciens ambulanciers, mais
également les représentants et les représentantes du
public puissent intervenir pour étudier toutes les
facettes de ce projet de loi et apporter des recommandations au ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux pour qu'on ait quelque chose de plus potable devant
nous."
Pour le moment, M. le Président, je termine en vous disant qu'en
ce qui me concerne, en tant que député de Duplessis, en tant que
représentant du Parti québécois dans la grande
région de la Côte-Nord et en tant que député
québécois, je suis contre ce projet de loi tel que libellé
actuellement. Le ministre a de l'ouvrage à faire pour se conformer
à nos voeux et aux voeux de la population de nos régions du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: M. le Président, une réforme dans
n'importe quel domaine signifie des propositions d'interventions qui font en
sorte que les principaux problèmes qu'on a identifiés finissent
par trouver une solution. Or, on nous a présenté ce projet de loi
sur une base un peu fallacieuse. On nous l'a présenté comme
étant la réforme du transport ambulancier au Québec.
Quand on y regarde de près, M. le Président, on constate
que ce n'est pas une réforme du transport ambulancier, mais plutôt
une façon particulière et discutable de régler un
problème de relations du travail qui existe depuis des années et
qui pourrit depuis des années dans la région de Montréal.
Cette proposition ne règle en rien, par ailleurs, les situations
difficiles qu'on connaît au chapitre de l'efficacité et de la
coordination des services ambulanciers ailleurs que dans la région de
Montréal. (17 h 10)
Bien sûr, le projet de loi comporte des bonifications pour assurer
une meilleure formation des techniciens ambulanciers et des propositions pour,
espérons-le, améliorer la rapidité d'intervention et
l'efficacité du service ambulancier ailleurs qu'à
Montréal, quoique, à cet égard, M. le Président, il
n'est pas du tout certain que l'objectif visé par le projet de loi soit
atteint, surtout quand on regarde les cris d'alarme ou les revendications qui
nous sont faites d'un peu partout au Québec. Le collègue de
Duplessis a mentionné quelques entreprises de sa région qui l'ont
alerté. Je pourrais faire la même chose. J'en ai une ici, Les
Ambulances Demers, de Beloeil, qui couvrent une bonne partie de la
région de Beloeil et de la vallée du Richelieu, ont
également demandé au premier ministre de retirer le projet de loi
en question et de faire en sorte qu'il y ait une véritable commission
parlementaire qui nous permettrait de regarder l'ensemble du dossier et ferait
en sorte que la réforme, si on veut qu'il y ait une réforme,
réponde aux principaux besoins identifiés mais, aussi, s'appuie
sur un consensus.
M. le Président, dans le domaine des services de santé, et
en particulier dans les domaines de services de santé en urgence, il est
important de s'assurer qu'il y ait un consensus et que ce consensus permette
qu'on puisse retrouver le meilleur climat et qu'on puisse identifier les
meilleurs types d'interventions pour que la population sort bien servie. Nous,
de ce côté-ci de la Chambre, nous nous faisons l'écho de
beaucoup de gens qui, depuis le dépôt de ce projet de loi, disent
au gouvernement, disent au ministre, disent aux députés
libéraux: Écoutez, vous allez trop vite, vous essayez de
régler un problème d'une façon incorrecte et en voulant
régler le problème de Montréal, vous faites fi des besoins
des autres régions et d'une façon correcte de faire en sorte que
les situations soient bien évaluées.
C'est cela qui est dommage dans la façon dont le gouvernement se
comporte, d'autant plus que ce n'est pas vrai que le gouvernement est pris de
court. Le problème dont on parle existe depuis longtemps. Cela fait
également longtemps que le gouvernement est saisi de ce dossier. On ne
peut pas invoquer aujourd'hui le prétexte qu'ils sont pris de court et
qu'il faut qu'ils aillent d'urgence escamoter des solutions, et surtout les
imposer, même si ceux qui sont les principaux concernés par
l'organisation de ces services disent au gouvernement: Écoutez, cela ne
va pas votre affaire. Les solutions que vous nous présentez ne sont pas
adéquates.
Un gouvernement peut toujours faire fi des représentations et des
récriminations des gens concernés dans la mesure où il y a
une situation qui justifie cela. Il n'y en a pas, sauf peut-être une,
à Montréal particulièrement. Quelle est-elle, M. le
Président? C'est la menace d'un syndicat bien organisé qui a
averti le gouvernement que si les propositions ne faisaient pas son affaire, au
début de juillet il allait recommencer à faire le bordel,
à semer le trouble dans les services ambulanciers dans la région
de Montréal.
Dieu sait que ces tactiques et ce genre d'attitude ont prévalu au
cours des dernières années qui sont au cur du
problème. À cet égard, comment le gouvernement a-t-il
choisi d'intervenir? Est-ce que le gouvernement a décidé
d'organiser dune façon différente des services pour que les
employés et les employeurs ne se retrouvent plus dans l'obligation ou
dans la dynamique de s'affronter? Non. On a proposé des changements de
structures qui, dans les faits, ne donnent aucune garantie que le
fonctionnement qui sera adopté va éviter les problèmes
qu'on connaît.
Qu'est-ce qu'on a décidé de faire? On a
créé, il y a quelques années, sous l'autorité du
Conseil régional de la santé et des services sociaux à
Montréal, un organisme qui s'appelle Urgences-santé qui avait la
responsabilité de coordonner les services avec les entreprises
privées qui avaient la responsabilité de dispenser... La
situation, c'est que les employés de
ces différentes entreprises privées étaient
regroupés dans un même syndicat, très militant comme on l'a
vu. Donc, on a choisi de transformer la structure Urgences-santé pour en
faire une corporation sans but lucratif. Encore là, ce n'est pas la fin
du monde. On va plus loin. On dit: Maintenant, pour régler le
problème des relations du travail, dorénavant les employés
vont cesser d'être des employés des entreprises privées et
vont devenir des employés de l'État. Ils vont devenir des
fonctionnaires. Curieuse solution venant du Parti libéral qui, chaque
fois que, de ce côté-ci, on a eu le malheur de fonctionnariser tel
ou tel service, s'est élevé à cor et à cri, a fait
des drames nationaux. Aujourd'hui, ce n'est pas important.
La logique et la continuité des logiques, on nous arrive avec une
approche qui, non seulement fait en sorte que les employés des
compagnies d'ambulances vont relever de l'État, mais au niveau du
conseil d'administration de cette nouvelle entreprise, on va se retrouver avec
un certain nombre d'intervenants qui ne sont pas représentés, en
fait, les propriétaires des ambulances ou des véhicules ne sont
pas représentés, mais les salariés, les employés
eux, sont représentés. On va se retrouver avec un conseil
d'administration où des employés et d'autres types d'intervenants
vont avoir la responsabilité d'établir des normes et des
barèmes de rémunération et d'ensemble de conditions de
travail. On va se retrouver avec un conseil d'administration où des
employés vont avoir à décider au conseil d'administration
des propositions qui vont leur être faites à eux comme
syndiqués et à leur syndicat qui va les représenter.
On s'imagine que cela va régler les problèmes, que les
gens qu'on va avoir affectés au conseil d'administration vont faire de
si bonnes propositions qu'il n'y aura jamais plus de conflit de travail, ou
encore que le syndicat sera placé dans une si drôle de situation
d'aller à rencontre des propositions d'un conseil d'administration
où il est lui-même représenté, qu'il n'osera pas
perturber le service. C'est un peu naïf. Nous, de ce côté-ci,
qui sommes proches du monde syndical à bien des égards, je vais
vous dire ceci: II y a toujours des limites. Je n'ai pas la conviction que ce
genre de mécanisme va nous donner la garantie qu'après coup les
problèmes qu'on vit actuellement, depuis des années et pour
lesquels, dans le fond, on voudrait que des solutions efficaces soient
trouvées, on n'a vraiment aucune garantie que cela va être
suffisant.
On fait donc une espèce d'étatisation des services
ambulanciers en disant aux employés: Maintenant, vous allez relever de
l'État et en disant aux employeurs: Pour cela, on ne vous donne rien en
retour. Oubliez les dédommagements. En plus de cela, on vous dit que la
corporation qui pourra louer des véhicules, c'est-à-dire vos
véhicules, n'est pas obligée de le faire et qu'une fois qu'elle
l'aura fait, par ailleurs, vous allez perdre vos permis qui, à bien des
égards, se négociaient assez cher jusqu'à tout
récemment. Une drôle de mentalité. Une drôle
d'approche. Un drôle de précédent. Jamais le Parti
québécois n'a osé faire cela, proposer une
étatisation dans un secteur et ne pas dédommager les gens qui
sont concernés dans ce secteur. Pour des champions de l'entreprise
privée, c'est pas mal! Sauf qu'on se demande jusqu'où ce
précédent va pouvoir être appliqué et invoqué
dorénavant dans d'autres domaines.
Quelle sera l'attitude du gouvernement quand il aura à prendre
des décisions semblables dans d'autres secteurs et qu'il aura devant lui
des interlocuteurs qui lui diront: Regardez comment vous avez traité les
gens dans le secteur ambulancier. Est-ce que vous voulez nous traiter de la
même façon, c'est-à-dire sans dédommagement, sans
compensation, sans consultation, sans capacité, sans possibilité
de se faire entendre lors d'une commission parlementaire avant l'adoption de la
loi? (17 h 20)
Tout cela, M. le Président, parce que le syndicat a menacé
le ministre et a menacé le gouvernement de perturber la situation au
début de juillet. Finalement, d'une certaine façon, c'est le
syndicat qui fait la loi maintenant dans ce domaine. Et comme si on
n'était pas assuré qu'il le fasse, on est allé
jusqu'à choisir le conseiller syndical numéro un dans ce dossier,
que je ne connais pas personnellement, qui semble être une personne qui
connaît son affaire, mais qui, par ailleurs, a défendu des
intérêts bien particuliers depuis un certain nombre
d'années, c'est-à-dire les intérêts des
syndiqués, des salariés. Et là, ce type se retrouve non
seulement directeur général comme cela se fait dans le domaine de
la santé et des services sociaux, mais il se retrouve président
du conseil d'administration. Il devient donc président-directeur
général du nouvel organisme, du conseil d'administration
où siégeront des syndiqués qui, dorénavant, seront
tous employés de l'État.
On pourrait se dire dans ce contexte que, si c'est une réforme
des services ambulanciers au Québec, pourquoi ne pas appliquer le
même traitement à l'ensemble des autres techniciens ambulanciers
dans les autres régions du Québec? Pourquoi avoir arbitrairement
choisi que ce projet de loi, ce système, ne s'appliquerait qu'à
Montréal et à Laval, sur l'île Jésus et l'île
de Montréal? Qu'est-ce qui est si différent dans ma
région, dans la vallée du Richelieu, dans la
Montérégie? Qu'est-ce qui est si différent dans la
région de Saint-Jérôme ou près de Repentigny, dans
les régions Laurentides-Lanaudière, ou à Joliette?
Qu'est-ce qui fait qu'il va y avoir deux systèmes de fonctionnement?
Est-ce que c'est une raison structurelle, logique, qui ferait en sorte qu'il
faut un système particulier à Montréal?
Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir imposé le même genre de
structure dans d'autres milieux urbains importants comme Québec, par
exemple?
Si on nous dit que les milieux urbains nécessitent un type de
structure différent de celui des milieux ruraux, cela se comprend. Dans
ce cas, on est en droit de se demander si la structure urbaine s'applique dans
tous les milieux urbains et s'il y a une structure différente pour les
milieux ruraux? Le constat qu'on fait, c'est que non. Il y a une structure
particulière pour la région de Montréal, en fait, pour les
deux îles. C'est évident que ce sont les deux plus grandes villes
du Québec. Mais il y a d'autres milieux urbains densément
peuplés au Québec qui souhaiteraient peut-être avoir des
structures semblables. Ou encore, il y a peut-être d'autres
employés au Québec, d'autres techniciens qui souhaiteraient avoir
les mêmes conditions de travail, les mêmes avantages sociaux.
Comment le gouvernement va-t-il justifier par la suite, une fois que les
techniciens ambulanciers de la région de Montréal
bénéficieront des structures salariales et des avantages qu'il y
a dans la fonction publique... Comment va-t-on pouvoir éviter que les
employés dans les entreprises privées ailleurs au Québec
n'engagent pas, eux aussi, un combat syndical pour obtenir les mêmes
avantages? Comment va-t-on justifier qu'à Québec, on se contente
de moins qu'à Montréal? Comment va-t-on justifier qu'à
Beloeil, on se contente de moins qu'à Montréal? Comment va-t-on
justifier qu'au Lac-Saint-Jean, on va se contenter de moins qu'à
Montréal? Comment penser que ces revendications, un peu partout quand
elles vont naître, ne vont pas créer des problèmes
identiques à ceux de Montréal? Quelle va être la
réaction du gouvernement à ce moment-là? De nous apporter
une autre réforme partielle pour la région du Lac-Saint-Jean, une
autre réforme partielle pour la région de Québec, une
autre réforme partielle et globale pour la région de Beloeil ou
de la vallée du Richelieu, une autre pour la région de Sorel? Je
pourrais les nommer comme cela, un peu partout.
On va se retrouver avec une situation ridicule qui va faire en sorte que
le gouvernement va être appelé à intervenir d'urgence en
urgence pour régler le problème de fonctionnement des
Urgences-santé et des services ambulanciers. Pourquoi? Parce que le
gouvernement n'a pas eu le courage de mettre ses culottes et d'arriver avec une
véritable réforme qui s'applique à tout le monde. Il n'y a
pas deux classes de citoyens au Québec. Il y a une classe de citoyens,
des gens qui veulent tous, partout au Québec, quel que soit leur lieu de
résidence, avoir un service ambulancier efficace, rapide. Ce qui est
logique pour les usagers est aussi logique pour les employés, soit, pour
le même genre de travail au Québec, avoir le même genre de
conditions de travail. C'est pourquoi, M. le Président, on ne peut
comprendre la logique du gouvernement de nous arriver avec un projet de loi qui
crée deux classes d'usagers, deux classes d'employés, deux
classes de travailleurs et qui, au surplus, est fait en fonction d'une
reddition sans condition devant un comportement syndical inacceptable. Je
n'accepte pas que des syndicats utilisent dans le secteur de la santé
des méthodes comme celles utilisées à maintes reprises,
à Montréal, par les techniciens ambulanciers. C'est drôle,
c'était le genre de discours que vous teniez lorsque vous étiez
de ce côté-ci. Je suis convaincu que c'est le genre de discours
que, dans votre for intérieur, vous seriez encore capables de tenir; il
me semble qu'on doit être unanime à cet égard.
Comme récompense de ce genre d'attitude déplorable... Je
ne dis pas que le syndicat avait tort sur toute la ligne. Je dis qu'il avait
tort d'utiliser les méthodes qu'il a utilisées à plusieurs
reprises, y compris, encore une fois, de faire du chantage sur le gouvernement
et sur les élus pour obtenir ce qu'il voulait. Si le gouvernement,
après s'être rendu sans condition, avait, au moins,
appliqué le système à tout le monde. Là on aurait
compris qu'on essayait une nouvelle formule qui donne beaucoup d'avantages
à un syndicat, qui donne une certaine récompense à une
action militante qui n'était pas toujours des plus reluisantes ou des
plus morales, mais, au moins, on aurait compris la logique qui veut qu'on ait
un service qui mette sur un même pied les usagers et les dispensateurs de
services.
Là, M. le Président, ce qu'on a devant nous, c'est un
système bâtard qui va faire que, sur l'île de
Montréal et sur l'île Jésus, on va avoir un fonctionnement
et qu'ailleurs, au Québec, on en aura un autre. Ce qu'on prépare
surtout, c'est beaucoup de problèmes pour les mois et les années
qui viennent, partout ailleurs au Québec. Je ne peux pas comprendre
comment le gouvernement n'a pas vu cela et mes collègues ne comprennent
pas pourquoi, à cause de cela, le gouvernement s'obstine, s'entête
à refuser la commission parlementaire. Il vaudrait mieux attendre que
l'ensemble des intervenants qui veulent être conviés et
invités à cette commission parlementaire, puissent le faire.
Le ministre va nous dire: II va y avoir une commission parlementaire,
mais on n'entendra pas tout le monde. Ce que l'on souhaite, c'est d'entendre
tout le monde et, surtout, c'est que le gouvernement nous arrive avec un
système qui va être le même partout au Québec,
c'est-à-dire adapté aux différentes réalités
régionales ou sous-régionales, mais qui ne créera pas deux
types d'usagers et deux types de dispensateurs de services. Merci, M. le
Président
Le Vice-Président: Alors, je vais maintenant céder
la parole à M. le député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. Aussi ironique que cela
puisse paraître, un gouvernement qui se fait élire sous le signe
de la privatisation de certaines sociétés d'État, de
plusieurs sociétés d'État, nous arrive, après deux
ans et
demi, avec un projet de loi qui dit exactement le contraire de ce qui a
été prêché depuis deux ans. On a beaucoup
parlé d'efficacité, d'économie. Encore là, dans ce
projet de loi, si on se fie à certaines études qui ont
été rapportées, on arrive avec la solution la plus
coûteuse.
Je pense qu'il y a de quoi s'interroger. Il y a des raisons profondes de
discourir parce que c'est impensable qu'on laisse passer des
éléments ou une loi aussi importante qui s'applique à une
région particulière au Québec, qui s'appelle
Montréal. J'ai l'occasion de dire aujourd'hui: Vous savez, quand on
parle d'une maladie, d'une grippe à Montréal, c'est presque une
maladie mortelle pour l'ensemble du Québec; mais une maladie mortelle en
dehors de Montréal devient une grippe passagère pour la
région de Montréal. C'est comme cela que je perçois
certaines attitudes de ce gouvernement depuis deux ans. Je pourrais parler de
n'importe quel problème qui a été soulevé; lorsque
cela touche la région de Montréal, cela semble soulever beaucoup
plus d'intérêt et beaucoup plus d'action. (17 h 30)
Un autre phénomène aussi qu'on constate dans ce projet de
loi, c'est qu'on arrive avec des solutions qui ont déjà
été explorées ailleurs. Je me souviens, selon les
expériences passées, que dans certains groupes de
municipalités, il y a eu des problèmes policiers. On a
créé une communauté urbaine. Dans une autre
communauté, parce qu'il y avait des problèmes de transport, on a
créé une société nouvelle, une corporation qui
s'appelle une communauté urbaine, pour régler ces
problèmes. Cela a eu des effets sur l'ensemble de la population, il ne
faut pas se le cacher. Une compagnie de transport en commun de la ville de
Montréal a été étendue à l'ensemble du
Québec. Je souscris aux propos tenus par mes collègues qui
disaient, avec raison, que les coûts socio-économiques des actions
incluses dans ce projet de loi vont se transporter d'une région à
l'autre du Québec. Je mets qui que ce soit qui nous écoute au
défi de nous dire le contraire. Le transport en commun est un exemple
frappant.
Prenons le cas des policiers dans l'ensemble du Québec. Encore
là, lorsqu'on a créé des communautés urbaines parce
qu'on avait des problèmes policiers dans des régions l'effet
qu'on a eu c'est que, peu importe l'endroit au Québec, être
policier présente autant de danger, comporte autant de
responsabilités, donc on a droit au même salaire. Dieu sait que
les différents intervenants, dont les municipalités, ont eu
à faire face à ces demandes pressantes, à ces moyens de
pression et, en fin de compte, ont été obligés de payer
100 % de ce qui avait été demandé.
Donc, la corporation qu'on met sur pied... Je suis surpris parce que le
ministre qui parraine le projet de loi vient du même milieu que moi.
Peut-être n'avons-nous pas eu les mêmes expériences mais je
suis surpris de voir qu'il n'a pas constaté ces problèmes. Je me
souviens que dans des conseils d'administration où on a eu l'occasion de
travailler ensemble, on était sur la même longueur d'onde sur
beaucoup de sujets. Je suis convaincu qu'il ferait abstraction de par-tisanerie
politique et, encore là, il admettrait avec moi que ce qui va se passer
à Montréal se transportera d'une région à l'autre
au Québec et ce n'est pas la solution la moins coûteuse qu'on met
en place.
La Corporation d'urgences-santé qu'on met sur pied a
été précédée par d'autres corporations. Il
faut penser que Télé-Médic qui avait été
implanté à Montréal, a fait des petits, cela s'est aussi
transporté à Québec et il y a d'autres régions qui
en ont fait l'expérience. Je peux vous parler de l'expérience
qu'on a vécue à Jonquière, qui s'appelle
Jonquière-Média Là aussi, comme partout ailleurs, c'est un
groupe de médecins qui, conscients de leur rôle social -
peut-être pour d'autres raisons, mais j'aime mieux parler du rôle
social des médecins - avaient mis sur pied un certain nombre
d'éléments pour permettre de répondre à des
situations d'urgence dans la population. Malheureusement, cela a fait faillite
dans certains cas et cela a donné la Corporation urgences-santé
qui a eu pour fonction de mettre sur pied un service d'ambulance. Dans d'autres
régions, on a repris le sujet. Dans la région de
Jonquière, précisément, il existe une corporation qui a
pris la succession d'un Télé-Médic probablement semblable,
répondant aux mêmes critères que ceux de la région
de Montréal et de Québec, mais sans apport gouvernemental si ce
n'est la "castonguette", la carte d'assurance-maladie pour payer les
médecins quand ils vont dans les maisons.
Chez nous, le Télé-Médic qui avait
été mis sur pied par des médecins a disparu et la
municipalité, dont j'avais l'honneur d'être le premier magistrat,
a mis sur pied, avec la collaboration des groupes bénévoles, un
organisme qui s'appelle Jonquière-Média C'est une
expérience intéressante et je suis surpris que le gouvernement ne
fasse jamais appel à des expériences vécues en
régions. D'ailleurs, à la suite d'une tournée
d'étude dans les municipalités du Québec, le rapport
Parizeau mentionnait qu'il avait été impressionné par ce
qui était fait dans les régions. Je vous raconte exactement ce
qui s'est passé chez nous, avec la collaboration de la population et
d'un groupe de bénévoles qui s'appelle le club Lion, un club
très dynamique dans la région de Jonquière et dans le
comté, qui a fait du porte à porte pour aller chercher un certain
montant d'argent, pas un montant faramineux, on parle d'environ 30 000 $ par
année. La municipalité a fourni des locaux à cette
corporation, avec un système téléphonique. On a
négocié avec les médecins une entente par laquelle ils
s'engagent à répondre à des appels d'urgence de toute la
municipalité de Jonquière. Il n'y a aucun apport gouvernemental,
si ce
n'est ce que je viens de dire, tout à l'heure, les montants qui
sont payés par la carte.
Les médecins, en retour, puisqu'ils jouissent de certains
avantages fournis autant par la municipalité que par la corporation,
remettent à la corporation 20 % des revenus qu'ils reçoivent pour
leurs services aux malades. Cela se fait donc sans apport gouvernemental et
cela fonctionne, aussi curieusement que cela puisse paraître; c'est un
service excessivement apprécié de la population. Mais laissez-moi
vous dire que les conducteurs d'automobile ne font pas partie de la
corporation, contrairement à ce qu'on voit dans ce
système-là. Il y a donc une corporation de sept à huit
membres, complètement indépendante, qui est formée par des
représentants du club Lions, de la municipalité et des groupes
représentatifs du milieu et qui, à mes yeux, fait un travail
extraordinaire dans le milieu et qui n'est pas près de faire faillite en
tout cas. L'automobile est payée par les cotisations qui sont
ramassées dans les foyers. Et, normalement, cela se fait dans deux
heures. Le problème est de l'organiser, mais chaque personne est
heureuse de donner à cette... C'est un exemple de privatisation. Ce
n'est pas une corporation à but lucratif et cela fonctionne.
Mais nous, à Montréal, on trouve des façons
différentes de fonctionner. On décide d'une corporation
privée. Une corporation privée formée des CRSSS qui
prennent des ententes avec un ensemble de services ambulanciers pour donner des
services dans la région de Montréal. On dit: Cela ne marche pas.
Il y a des problèmes syndicaux. On l'a vu. Il n'y a pas personne qui n'a
pas vu à la télévision les réactions, les
contestations qui ont été occasionnées par les
employés de cette corporation qu'on appelle Urgences-santé,
à Montréal. Comment fait-on pour régler cela?
Malheureusement, ce n'est pas la première fois que la population
québécoise est prise en otage. On l'a vu à maintes et
maintes reprises. Comment va-t-on décider d'arrêter cela?
Il faut dire que le précédent gouvernement a mis sur pied
un organisme qui donne de bons résultats depuis quelques années.
On appelle cela le Conseil des services essentiels. Il me semble que c'est un
mécanisme civilisé qui permet autant aux municipalités
qu'à des groupes qui ont besoin de donner des services
nécessaires à une population. Cela permet de civiliser les
actions des gens par rapport aux autres. Et, depuis ce temps-là,
curieusement, il n'y a pratiquement plus de grève dans les
muncipalités. Pourquoi? Parce qu'il y a un certain nombre de services
qui sont reconnus comme étant des services d'urgence et essentiels.
À ce moment-là, quand toutes les mesures sont prises, cela permet
probablement aux syndiqués de réfléchir. Cela permet
à la municipalité de mieux regarder ce qui se passe. Et, par
rapport à cela, on vient de régler une partie d'un
problème qui existait dans ce domaine.
Le problème policier... Dieu sait si... Je ne pense pas qu'on
fasse de discrimination. Mais c'est arrivé de temps en temps qu'on
sentait la population prise en otage par certaines pressions syndicales. Est-ce
qu'on a pensé à l'étatiser? Cela l'était
déjà. Mais la force du nombre faisait que les problèmes
continuaient. Est-ce que par rapport à cette étatisation qu'on
fait du service ambulancier... Une mauvaise étatisation. Souvenons-nous
que lorsque le transport en commun a été mis sur pied en
régions, on a été obligé d'acheter les
véhicules. Personne n'a été dépossédé
de ce qu'il avait. Mais dans ce projet de loi, on dépossède les
gens qui sont propriétaires d'ambulances, qu'elles soient bonnes ou
qu'elles soient mauvaises, qu'elles soient en bonne condition ou pas. Ce n'est
pas la responsabilité. Je pense qu'il y a un principe de base qui dit
que des gens qui sont en affaires... Les propriétaires d'ambulances
étaient des gens en affaires, qui donnaient un service, qui
possédaient des contrats. Bien, pour aucune raison autre qu'un trouble
syndical... Ce n'est pas un trouble d'ambulance. (17 h 40)
Si le projet de loi disait qu'à l'avenir on devra mettre sur pied
ou qu'on devra avoir des ambulances de telle catégorie, de tel montant
d'argent, qui n'ont pas circulé plus de tant de kilomètres, je
pourrais peut-être comprendre cela. Ce n'est pas cela qu'on dit. On dit
que les employés à l'avenir vont devenir des employés de
l'État et, dans le même souffle, on dit que les
propriétaires d'ambulances pourront peut-être les louer si la
corporation décide de les louer.
De ce côté-là, le projet de loi pèche
gravement par rapport à ce qu'on est habitués dans une
société de concurrence et aussi dans une société
à caractère économique de libre entreprise. Ce n'est plus
vrai pour cela. Pourtant, c'est le gouvernement qui nous a habitués,
depuis trois ans, au langage de 'plus de sociétés d'Etat",
à moins qu'on ait mal compris. Peut-être que le gouvernement
voulait dire par "plus de sociétés d'État" - je pense
qu'il faut chercher un peu pour trouver cela - que les sociétés
d'État qui allaient bien, on pouvait les remettre à l'entreprise
privée et que les sociétés d'État qui allaient plus
ou moins bien ou les sociétés tout court qui allaient mal, qui
n'étaient pas des sociétés d'État, l'État
devrait les reprendre. Donc, les mauvaises, les choses qui vont mal, on les
reprend et les choses qui vont bien, on les remet à l'entreprise
privée. C'est de même qu'on fait une société juste,
équitable, raisonnable, sans discrimination. Je me demande où on
va avec cette logique, et où on va aller.
Admettons donc clairement que les problèmes de
négociations avec le syndicat, il y a peut-être moyen de les
civiliser... J'ai mentionné tout à l'heure le Conseil des
services essentiels, mais cela prend le gouvernement qui décide, qui
applique ses lois. Je me souviens, et vous l'avez dénoncé aussi,
dans le domaine de la santé, c'est
arrivé que des groupes de pression ont mis en danger, à un
certain moment, des malades dans les hôpitaux. Je me souviens que le
gouvernement précédent avait décidé, sûrement
pour de bonnes raisons, et pas du premier coup, pas au premier abord, mais
après mûre réflexion, de prendre action. Depuis ce temps,
il y a des situations d'urgence dans les hôpitaux, mais elfes ne sont pas
causées par les employés. Ces situations d'urgence sont
causées parce qu'il y a plus de malades, parce qu'il y a plus
d'urgences, parce qu'il y a moins d'argent à la disposition des
hôpitaux, mais elles ne sont pas causées par des réactions
syndicales. Cette loi que vous aviez dénoncée dans le temps...
Pour un gouvernement qui n'est pas reconnu pour ses affinités
prosyndicales, il était censé la mettre de côté
lorsqu'il prendrait le pouvoir. Après deux ans et demi, il y a un
certain président du Conseil du trésor qui a dit: On peut
s'accommoder de cette loi-là, ce n'est pas une loi parfaite, mais on
peut s'en accommoder parce qu'on peut organiser les rapports des uns envers les
autres, et on peut décider rapidement ce qui va se faire.
Je ne vois pas la logique d'un gouvernement qui, pour acheter la paix,
décide de succomber aux pressions d'un syndicat. J'ai toujours
pensé que la paix, ça se gagne. La paix, ça ne
s'achète pas. Si on l'achète, c'est une erreur fondamentale. Il
faut toujours se rendre compte qu'après l'achat ou après ce qu'on
a voulu acheter, on en paie durement le prix. Cela me rappelle une rencontre
que j'ai eue il y a deux ans avec quelqu'un qui connaît bien le
gouvernement ou les membres du gouvernement actuel. Après une
discussion, je lui rappelais qu'il y avait certains problèmes qui
pouvaient se poser à l'Assemblée nationale au point de vue
gouvernemental, mais c'était difficile parfois de saisir où
allait le gouvernement. Cette personne, croyez-le ou non, qui est de tendance,
non seulement de tendance, mais libérale, m'a dit: Vous savez, il n'y
pas de changement dans ce gouvernement. C'est un gouvernement de cas par cas.
Il n'a pas de politique globale de décision. C'est un gouvernement de
cas par cas, un gouvernement de pompiers, un gouvernement qui va au plus
pressé. Il a la "hose" à la main et il éteint les feux au
fur et à mesure qu'ils s'allument. C'est mauvais pour la population.
Pourquoi? Parce qu'on établit des règles qui ne s'étendent
pas à l'ensemble de la population. On peut voir l'émission de
télévision "Le Québec à la carte", mais on ne peut
pas avoir des services à la carte individualisés et
personnalisés comme l'actuel ministre délégué
à la Famille veut le faire. Je pense que, de ce
côté-là, on va avoir des problèmes. C'est
évident que, quand on veut régler trop vite, quand on veut que
les parties s'entendent, on n'arrive pas avec des solutions
nécessairement réfléchies qui vont assurer un meilleur
service à la population.
Est-ce que, dans les rapports précédents, on avait
décelé que la qualité des services ambulanciers
était mauvaise? Je pense que le projet de loi le prévoit et, si
c'est vrai, il y a toujours moyen de forcer les gens à suivre des cours
pour améliorer leur compétence. De ce
côté-là, il n'y a pas nécessairement de
problèmes. Il fut un temps où les ambulanciers ne
possédaient qu'un cours de premiers soins et cela fonctionnait quand
même. Cela ne fonctionnait pas bien; il fallait le refaire,
l'améliorer et on a prévu ces questions. On a voulu, par des
lois, perfectionner les individus pour qu'ils deviennent de meilleurs
ambulanciers et pour donner de meilleurs services à la population. Ce
projet de loi ne répond pas à ce critère
d'amélioration de services; il répond plutôt à un
critère de relations syndicales enployeur-employés et, à
ce moment-là, on pose des gestes ou on donne des remèdes qui vont
plus loin que les besoins qu'on avait devant nous.
Pour ces raisons-là, on doit affirmer que ce projet de loi est
inacceptable parce que, à la longue, le remède proposé va
causer des problèmes à l'ensemble de la population du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Je cède maintenant la parole
à M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'intervenir sur ce projet de loi pour plusieurs raisons. D'abord, je voudrais
rafraîchir un peu la mémoire du ministre. Urgences-santé ne
s'est pas bâtie du jour au lendemain. Le ministre, par son projet de foi,
traite un peu Urgences-santé comme une espèce de petit jeu Lego
qu'on pourrait débâtir, rebâtir, dont on peut changer la
direction ou enlever des pièces. Le ministre est en train, en quelque
sorte, dans le secteur de la santé et dans le secteur des services
essentiels, de jouer avec cela comme avec des structures, comme avec des pions.
Dans ce sens-là, je voudrais lui rappeler une expérience
particulière que j'ai vécue. Au moment où
Urgences-santé a été créée en 1981, si ma
mémoire est bonne, elle a reçu son premier appel vers le 22 ou le
23 décembre 1981. À ce moment-là, le ministre
n'était pas ministre délégué sur la question des
ambulances à Montréal. Je voudrais donc rappeler quelque chose
à sa mémoire.
D'abord, avant Urgences-santé, c'était à peu
près la pagaille sur le territoire montréalais. Il y avait
différentes compagnies privées qui desservaient des coins de
territoire, qui faisaient à peu près ce qu'elles voulaient. Il y
avait eu une faillite retentissante. Le ministre ne se souvient pas de cela.
Évidemment, il ne s'intéressait pas au dossier de la santé
à ce moment-là, ni au dossier de l'urgence.
Je voudrais rappeler au ministre que si Urgences-santé a pu,
quelques jours avant Noël 1981, ouvrir ses portes et recevoir son premier
appel, c'est parce qu'il y a beaucoup de gens qui avaient décidé
de travailler ensemble. Cela n'a
pas été facile. C'est encore le cas aujourd'hui, sept ans
plus tard. Au mois de juin 1988, Urgences-santé tient à la fois
à beaucoup de personnes et son succès dépend de beaucoup
de facteurs. Le ministre a carrément oublié cela. D'abord, qu'il
ait étatisé, qu'il ait nationalisé contrairement à
la philosophie de son parti, je pense que cela a été suffisamment
bien démontré par le chef de l'Opposition, par le
député de Jonquière qui prenait la parole juste avant moi.
(17 h 50)
Je voudrais peut-être lui rappeler que dans une organisation
"d'urgentologie" - d'ailleurs, c'est une science qui existe, je suis sûr
que le ministre la connaît maintenant - il y a plusieurs
intermédiaires. Il y a d'abord les techniciens ambulanciers
eux-mêmes, ceux qui font le travail. Je les mets toujours en premier. Ce
sont ceux qui vivent en première ligne, dans la rue, dans la maison, le
premier contact avec la personne qui a besoin de soins de façon urgente.
Donc, les techniciens ambulanciers. Les infirmières qui reçoivent
les appels, doivent les décoder rapidement, réagir rapidement,
donner un conseil médical au téléphone lorsqu'elles sont
en mesure de le faire, réagir rapidement sur le fond, sur le plan
médical. Les infirmières qui, encore une fois, agissent elles
aussi en première ligne. Les propriétaires. Les entreprises qui
sont propriétaires, qui sont regroupées, si ma mémoire est
bonne, à l'intérieur d'une sorte d'association, il y a quand
même quelques dizaines de propriétaires ou d'entreprises
propriétaires d'ambulances.
Une voix: 150.
M. Filion: 150. La population, les gens qui doivent d'abord
développer certaines habitudes, qui doivent collaborer avec le
système, ne pas utiliser le système pour rien, s'en servir
uniquement dans les cas d'urgence, uniquement dans les cas de besoin et non pas
parce qu'ils ont la grippe depuis trois jours et qu'ils appellent à
Urgences-santé pour savoir quoi faire. La population, c'est très
important. Il y a aussi les administrateurs, les cadres, ceux qui travaillent
dans cette boîte.
Dans les quelques minutes qui me restent, M. le Président,
voyons, pour ces six catégories de personnes vitales qui font
fonctionner Urgences-santé. Parce que le ministre, dans son bureau,
qu'on se comprenne, Urgences-santé, il joue avec cela comme avec un jeu
Lego, il bâtit des beaux "organigrouilles" - des organigrammes, j'appelle
cela des "organigrouilles" - il choisit un p.-d.g, le nomme avant même
que l'organisme existe, avant même que la loi soit adoptée,
contrairement à la décence la plus fondamentale d'ailleurs qui
voudrait au moins qu'on attende que la volonté de l'Assemblée
nationale s'exprime. Bref, il s'amuse avec cela en oubliant les blocs
fondamentaux. Qu'est-ce qu'il fait d'abord avec les techniciens ambulanciers?
Évidemment, ils ont crié victoire, c'est la gloire totale, pour
employer leur expression. Le ministre - et j'emploie peut-être
l'expression de Jean Francoeur dans Le Devoir qui dit sans que ce soit
nécessaire d'élaborer: "Reddition humiliante". C'est la fin de
son editorial du 19 mai, et je le cite: De la part du ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux, qui en est à sa première initiative
importante, c'est un geste humiliant dont la seule rationalité tient
dans le proverbe qui dit: Qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage." Je
pense que la démonstration du Devoir est éclatante. Je
n'ai pas l'intention d'y revenir en ce qui concerne les techniciens
ambulanciers.
Deuxième groupe, les infirmières. Qu'est-ce que le
ministre, à moins que, dans ses amendements, on apprenne des choses,
fait avec cette catégorie de personnes essentielles au fonctionnement
d'Urgences-santé qui sont les infirmières qui ont dû
recourir aux médias pour alerter l'opinion publique sur leur statut plus
ou moins alambiqué ou, je devrais dire, que veut éviter le
ministre. Les infirmières d'Urgences-santé ont peur de
disparaître avec la réorganisation du service. Comment un ministre
- qui n'a quand même pas la responsabilité de tout le gouvernement
- délégué à la Santé et aux Services sociaux
peut-il faire une réforme en oubliant de rassurer une partie aussi
importante de la main-d'oeuvre qui s'appelle les infirmières? C'est
carrément inadmissible.
Troisième catégorie, les propriétaires
d'entreprises. Là, on verra encore une fois, avec les amendements...
Là, on les exproprie sans les indemniser. Alors, messieurs, votre
ferraille... On les traite, d'ailleurs, comme s'ils étaient de la
ferraille. Messieurs, mesdames, merci beaucoup pour ce que vous avez fait dans
le passé, en oubliant la contribution de chacune de ces
catégories à la mise sur pied et au fonctionnement
d'Urgences-santé depuis sept ans, en particulier, des
propriétaires ambulanciers qui ont leurs torts, ils ont leurs
problèmes, lis ont tiré la couverte sur leur bord, bien
sûr. C'est normal. Ils l'admettent d'ailleurs, mais ils l'ont fait
démocratiquement. Là, le ministre les tasse du revers de la main:
Merci beaucoup pour tout ce que vous avez fait. Nous autres maintenant, on
nationalise, on étatise. Emmenez-nous ce que vous avez, ce que vous avez
bâti. On profite de votre expertise. Bonjour la visite. C'est le
troisième groupe.
L'autre groupe, les cadres, les administrateurs. On n'a pas besoin
d'avoir fait ce que j'ai fait, c'est-à-dire que j'ai eu la chance de
m'asseoir avec plusieurs d'entre eux récemment, pour connaître
leur état de frustration, d'anxiété, d'incertitude et leur
sentiment de profonde injustice que les cadres et les administrateurs
d'Urgences-santé éprouvent, alors que le ministre a
décidé envers et contre tous de nommer un p.-d.g. à
Urgences-santé sans les consulter, sans s'enquérir de ce qu'eux
voyaient... Parce que, quand même, ils font fonctionner la boîte
depuis
sept ans. Bien avant que le ministre ne s'intéresse même
aux questions de transport ambulancier dans la région de
Montréal, ces gens-là étaient là. Dans bien des
cas, ces cadres sont là depuis le premier appel, parce qu'ils
étaient présents au premier appel. Je parle de certains
médecins en particulier, je pense à certains cadres qui
étaient là lorsque le premier appel est entré à
Urgences-santé, bien avant que cette trente-troisième
Législature existe, bien avant que le ministre prête serment. On
ne peut pas écarter ce bagage de connaissances humaines du revers de la
main en disant que c'est secondaire.
Autre groupe, la population. À l'époque,
Urgences-santé avait été mise sur pied en mettant la
population dans le coup. Mais le ministre, d'abord, n'a pas senti le besoin de
la consulter. Cela aurait été simple, je pense, de consulter la
population. Dans le projet de loi, j'ai surveillé pour voir quelle
implication, quel était le degré de participation que le ministre
donnait à la population. Je pense qu'il aurait pu se forcer un peu pour
faire participer le monde à cet organisme vital que constitue
Urgences-santé.
Bref, puisqu'il ne me reste que trois ou quatre minutes, je dis au
ministre qu'on ne peut pas considérer dans un secteur aussi vital, dans
ce service essentiel que constitue le transport ambulancier - c'est un
transport d'urgence dans 90 % des cas - on ne peut pas considérer le
vrai monde comme des canards sauvages, ni comme des blocs, ni comme des
morceaux du jeu Lego. Le monde, dans ce secteur, est extrêmement
important. Entre 1981 et 1988, si le ministre avait jasé un peu plus
longtemps avec les gens, il aurait su qu'il y a eu des conflits, non seulement
les conflits de travail que le ministre veut chercher à éviter
dans les douze prochains mois, mais des conflits importants entre ces groupes,
qui se sont résorbés à force de communications et de
dialogues. Le rôle du ministre aurait été de faire en sorte
de garder ensemble tous ces intervenants du milieu ambulancier, du milieu de
l'urgence à Montréal.
Possiblement, d'ailleurs, que son rôle a été
d'ouvrir à cette nouvelle science que constituent les sciences d'urgence
ou l'urgentologie, mais non d'arriver et d'avoir le réflexe d'acheter la
paix pour les douze prochains mois. Il n'y a pas de pire chose à faire
dans ce secteur aussi essentiel que celui de la santé. Je ne souhaite
à personne d'avoir à supporter les conséquences d'un
travail aussi mal bâclé que celui que nous présente le
ministre dans son projet de loi 34, où la qualité des soins...
J'aurais aimé avoir plus de temps, mais on y reviendra. Je sais qu'on
aura d'autres occasions pour discourir sur le projet de loi 34, peut-être
en commission parlementaire ou ailleurs, peut-être à l'occasion de
motions ou autrement.
Je voudrais demander au ministre, en terminant, où, dans son
projet de loi, est la préoccupation pour la qualité des services
et des soins? Où est le service d'évaluation, de contrôle
de la qualité des soins? C'est là-dessus qu'on aurait aimé
que le ministre se penche avec un petit peu plus de vigueur et un peu moins de
complaisance à l'égard de certains groupes. En ce sens-là,
M. le Président, je n'ai pas repris l'ensemble, j'ai voulu insister sur
un point fondamental, qui est la nécessité de regrouper tous les
intervenants dans ce milieu et de faire les choses au grand jour, en pleine
collaboration et non pas d'agir à la sauvette par un projet de loi qui,
encore une fois, n'a été conçu que pour un des
groupes.
Le jeu de Lego du ministre est mal bâti et il ne tiendra pas
longtemps. Si la population ne doit pas en supporter les conséquences,
j'invite le ministre à remiser son jeu de Lego et à
considérer le transport ambulancier à Montréal comme
étant un secteur extrêmement fragile où on a besoin de
rassembler et non pas de régler cela comme des bebelles. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: Alors, M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, je demande qu'on suspende
jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président: Très bien. Puisque, en fait,
nous arrivons à 18 heures, l'Assemblée va maintenant suspendre
ses travaux qui reprendront à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1 ) (Reprise à 20 h
5)
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
Veuillez regagner vos sièges.
Vous pouvez vous asseoir.
Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du
projet de loi 34, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les
services sociaux et d'autres dispositions législatives.
Là-dessus, je suis prête à reconnaître le premier
intervenant, M. le député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Mme la Présidente, je suis content de parler
devant une Assemblée vraiment remplie de députés
ministériels et de péquistes, et je les salue. On parle du projet
de loi 34 qui a vraiment pour but de proposer de nouvelles règles. Il
existe déjà des règles, mais nous proposons de nouvelles
règles en matière de transport ambulancier au Québec. Je
n'ai pas besoin de vous dire qu'il n'y a pas un Québécois ou une
Québécoise qui n'est pas touché par ce qu'on appelle le
problème du transport ambulan-
cier.
Nous sommes ici depuis ce matin et nous allons demeurer ici jusque tard
ce soir, et quand le ministre a parlé, ce matin, j'ai pris rapidement
quelques notes. Le ministre, qui possède des statistiques que nous,
simples députés, n'avons pas toujours, nous a dit que 25 % des
transports en ambulance concernent des gens qui ont des problèmes
cardiaques et des difficultés respiratoires. Ce sont des gens
âgés en moyenne de 63 ans. Je n'en suis pas encore là, mais
j'approche. De plus, 25 % des transports ambulanciers concernent des cas de
fractures ou d'accidents de la route. C'est très important. Âge
moyen, 48 ans. En d'autres termes, 50 % de toutes les personnes
transportées par les ambulances se trouvent dans ces catégories:
problèmes cardiaques ou fractures et accidents de la route.
Mme la Présidente, j'ai été ici tout l'avant-midi
et tout l'après-midi, et j'ai écouté mes collègues
péquistes parler de ce projet de loi. Je me disais: Que cherchent-ils?
Veulent-ils bloquer le projet de loi, sont-ils là pour l'appuyer,
sont-ils contre? Finalement, j'en suis arrivé à la conclusion
qu'ils veulent dire: Vous faites un bon travail, mais nous ne sommes pas
totalement d'accord avec cela. Quant à nous, nous sommes d'accord avec
l'approche de notre ministre - il est ici, il est justement à ma gauche
- parce qu'il dit: On veut régler une fois pour toutes, partout dans la
province de Québec, le problème des ambulances, parce que nous
voulons donner un service. Nous pensons d'abord aux
bénéficiaires. La personne qui, à un moment donné,
aurait besoin de ce service d'ambulanciers va avoir un service, rapide,
compétent et efficace. Et, Mme la Présidente, ce n'est pas pour
rien que le ministre est arrivé avec ce projet de loi là. Hier
soir, dans mon petit appartement, j'ai fait un peu de recherche. Savez-vous
qu'on pense souvent qu'un député vit bien à Québec,
au mois de juin. On travaille. On prépare nos projets de loi. J'ai
regardé cela parce que je voulais intervenir. D'ailleurs, le
député de Lévis est venu ici juste pour m'écouter.
M. le député de Lévis, je vous remercie pour cette
attention. Et là, on dit: On a étudié cela, voici. J'ai
noté dans un article du journal Le Devoir du 8 avril. Voici ce
qu'ils disent: "Les ambulances risquent d'être introuvables après
le 24 avril." Donc, le 8 avril, Le Devoir dit qu'à partir du 24
avril, les ambulances risquent d'être introuvables. Mme la
Présidente, comment pensez-vous que vont réagir les personnes
âgées qui sont chez elles et qui, en lisant le journal, trouvent
cela? Elles vont évidemment s'inquiéter. Elles vont avoir peur.
C'est un peu comme une menace d'une grève dans un hôpital. C'est
bien beau de dire que cela ne veut rien dire mais il y a toute une
catégorie de personnes affectées qui disent: Je m'inquiète
de ce qui arrive.
Donc, c'était l'article dans Le Devoir. Mais Le Devoir
a dit de cet article, je vous cite: "Six des sept propriétaires...."
Parce que, Mme la Présidente, il faut bien comprendre que j'interviens
ce soir comme député de la région de Montréal. Je
comprends qu'il y a aussi le problème des services ambulanciers en
régions. Je ne suis pas spécialiste là-dedans. On a
d'autres députés qui sont intéressés.
Évidemment que le ministre connaît tout, parce qu'il ne
connaît pas seulement la région de Montréal mais le restant
de la province. Il couvre le tout. Je voulais juste parler de la région
de Montréal. Et quand j'ai lu cet article-là, qui dit que six des
sept propriétaires de compagnies d'ambulances menacent - ça ce
sont les compagnies qui font le transport des pauvres victimes - de priver la
population de leurs services à compter du 25 avril. Le 25 avril,
c'était il y a deux mois seulement.
Ensuite, on voit dans Le Devoir du 9 avril, quelques jours plus
tard: "Des ambulances qui tombent en panne." Malheureusement, Mme la
Présidente, je n'ai que 20 minutes. Le ministre a une heure. Le chef de
l'Opposition ou celui qui intervient pour l'Opposition a une heure, mais nous,
comme simples députés, nous avons 20 minutes et c'est comme cela
que la répartition du travail se fait. Mais savez-vous, j'ai lu cet
article-là. C'est une infirmière à l'urgence du centre
hospitalier du Sacré-Coeur. Elle a écrit un article dans Le
Devoir du 9 avril. Elle s'appelle Éliane Danis. Je
félicite Éliane Danis. Lisez l'article, Mme la Présidente.
Ce n'est pas possible, c'est un cauchemar, ce qui peut arriver avec un service
ambulancier qui ne fonctionne pas bien parce que l'équipement
n'était pas là comme on le voulait. Elle n'attaque jamais la
compétence du personnel. Elle parle plutôt du matériel.
Elle parle plutôt de l'ambulance elle-même. Elle a écrit un
article dans Le Devoir du 9 avril. C'est l'infirmière qui parle:
J'ai vu le système actuel en escortant du centre hospitalier du
Sacré-Coeur de Montréal. Elle est partie de Montréal. Elle
est embarquée dans une ambulance jusqu'au centre hospitalier
Saint-Sauveur de Val-d'Or.
Montréal-Val-d'Or, ce n'est pas la fin du monde en distance, mais
vous voyez le cauchemar, ce qui est arrivé. Une patiente
trachéoto-misée sur respirateur. Donc, il y avait des gens qui
accompagnaient cette victime. Elle était parmi ceux-là. En tout
cas, elle a expliqué l'histoire. L'ambulance ne fonctionnait pas.
À un moment donné, il n'y avait plus d'essence, le moteur ne
fonctionnait plus. En tout cas, réparation dans un garage. Savez-vous
quand ils sont arrivés au centre hospitalier de Saint-Sauveur? À
5 h 30 le matin. Ils sont partis l'après-midi à 15 h 30. Il faut
lire cet article pour comprendre qu'il y a des ambulances qui tombent en panne.
Quand le ministre nous donne une réponse en disant: J'exige et je
suggère d'avoir... on n'aurait plus ce problème. On n'aurait plus
ce problème du point de vue de l'efficacité, du point de vue du
matériel qui fonctionne bien. Vous voyez bien, quand vous lisez cet
article, qu'il est à peu près temps d'apporter une solution.
Mme la Présidente, je continue. On est maintenant le 24 avril. Il
y a un article dans La Presse. Je ne cite pas toujours Le Devoir.
Cette fois-ci, c'est La Presse, qui rapporte: "Montréal
menacée de perdre ses ambulances à minuit." C'est fort,
savez-vous? La population lit cela et je ne parle pas seulement des personnes
âgées, mais aussi des jeunes. Les personnes s'inquiètent
parce qu'on ne sait jamais comment cela frappe. C'est arrivé même
chez des députés. Il y a eu, à un moment donné, des
accidents ou des choses imprévues. Quelqu'un était bien heureux
et bien content d'avoir une ambulance et du personnel compétent pour
prendre soin de lui. Donc, le 24 avril, on dit: "Montréal menacée
de perdre ses ambulances à minuit." Je cite cet article de La Presse:
"Montréal risque d'être privée d'ambulances dès
minuit aujourd'hui - c'est le 24 avril 1988 - si une entente n'intervient pas
d'ici là entre le gouvernement et la compagnie de transport ambulancier.
Du côté syndical, le principal porte-parole, M. Mario Cotton a
soutenu que les 800 préposés offriront quand même le
service, même si cela a pour conséquence de ne pas retourner le
véhicule au propriétaire."
Donc les ambulanciers avaient un conflit de travail très grave et
ils ont dit: Nous autres, on va continuer à rendre service. Les
propriétaires ont demandé: Comment pourrez-vous faire cela? Les
ambulances nous appartiennent. Ils ont dit: On s'en fout; on veut bien servir
la population. Je cite l'article: Un de ces derniers, un propriétaire, a
fait savoir qu'il n'hésiterait pas à porter plainte pour vol
à la police. Pouvez-vous imaginer, Mme la Présidente, la relation
de travail entre, d'un côté, l'employeur et, de l'autre, les
employés, quand on voit cet article. Le ministre dit: II est à
peu près temps qu'on mette fin à cela et qu'on pense, non pas au
consommateur, parce qu'un service d'ambulances, savez-vous, ce n'est pas
destiné à un consommateur, mais à un
bénéficiaire. C'est un bénéficiaire, une personne
qui est à la maison ou qui subit un accident sur la route et il est
important qu'un personnel rapide, efficace et compétent en prenne soin.
C'est justement le but de ce projet de loi. Mme la Présidente, ce n'est
vraiment pas , mon domaine, je ne suis pas spécialisé
là-dedans, mais quand j'ai rencontré le ministre lors de la
préparation de ce projet de loi, je suis devenu vraiment enthousiaste
pour ce projet et je lui ai dit: Enfin, quelqu'un va régler ce
problème, pas juste à Montréal, mais dans toute la
province de Québec.
Mme la Présidente, à un moment donné on
reçoit les communiqués de presse - l'Opposition aussi, d'ailleurs
- et, dans ce communiqué de presse... À Montréal, nous
avons un organisme qui s'appelle Urgences-santé. Des gens me disent:
Maximilien, pourquoi est-ce nécessaire de changer Urgences-santé?
Cela va bien. On a des problèmes. On sait qu'il y a des problèmes
de conflits de travail entre employeur et employés, mais,
généralement, ce n'est pas trop pire. Toutefois, le ministre dit:
Savez-vous, on veut régler ce problème une fois pour toutes parce
qu'on a un très grand problème, un problème de transport
interétablissements. Vous savez très bien ce qui arrive, Mme la
Présidente. Une ambulance transporte un patient ou une patiente à
l'hôpital. L'hôpital dit: C'est rempli, il n'y a pas de place. La
pauvre victime... Que fait-on? Est-ce qu'on va la retourner à un autre
hôpital? On perd du temps à décider. De temps en temps, il
y a aussi des conflits juridictionnels entre les hôpitaux. Certains
hôpitaux disent: On a bien fait notre devoir, pas de problèmes; on
a tant de patients et on couvre tout. Il n'y a plus d'admission de patients,
mais on s'occupe de ceux qui sont entrés. L'autre hôpital dit:
Nous sommes ouverts pour en recevoir d'autres. Que va faire l'ambulancier
à ce moment-là? Je me rappelle très bien que j'ai
moi-même eu un cas dans mon comté, Mme la Présidente, au
mois de décembre où une femme a été
transportée dans un hôpital. À l'hôpital on a dit:
Voici, que voulez-vous? C'est juste avant Noël, il y a moins
d'infirmières, moins de médecins, etc., on n'a pas de place pour
cette dame. Nous ne sommes pas capables de la recevoir. Voulez-vous, s'il vous
plaît, la transporter ailleurs? Ils étaient obligés de la
transporter dans un autre centre hospitalier, beaucoup plus loin de l'endroit
où la victime se trouvait. Évidemment, cela crée des
problèmes parce que très souvent une perte de temps de dix,
quinze ou vingt minutes peut signifier beaucoup pour la vie d'une personne.
Donc, le ministre a dit: Nous allons trouver une solution en
présentant justement ce projet de loi 34 qui n'est pas du tout une
menace pour les propriétaires. Par ce projet de loi, on n'a pas
l'intention de dire aux propriétaires: On va vous enlever votre commerce
et nous allons étatiser cela. Pas du tout. On n'a pas du tout non plus
l'intention de dire aux syndicats: On va vous étatiser, vous êtes
maintenant employés de l'État. Ce que le ministre a fait, il a
trouvé ce qu'on appelle le chemin du juste milieu. Il a dit aux
employés qui étaient là, aux ambulanciers: Voici. Vous
voulez faire un bon travail, nous sommes prêts à vous appuyer.
Pourquoi? Parce que nous ne pensons pas aux bénéficiaires, on
pense à la personne qui a besoin de services et nous voulons le meilleur
service, le plus rapide et le plus efficace.
Par ce projet de loi, on a donc donné une occasion à ces
gens - je parle toujours de Montréal - d'Urgences-santé de
joindre le nouvel organisme qui sera créé sans perdre
d'ancienneté, de séniorité, de salaire, etc., et pour leur
donner plus de chance. Mme la Présidente, regardez donc la
réaction des syndicats. La réaction était très
favorable. Ils ont dit: M. le ministre, vous n'êtes pas allé assez
loin, vous auriez dû nous étatiser plus. Mais nous avons dit non.
Pour nous, ce n'est pas une question d'étatiser. Pour nous, c'est une
question de rendre un bon
service parce que nous ne pensons pas aux patrons, nous ne pensons pas
aux syndicats, nous pensons aux victimes. Nous pensons à ceux qui ont
besoin de ces services.
Mme la Présidente, dans la Gazette, très
récemment, après que le ministre ait déposé son
projet de loi, il y avait un article. C'est important, il faut que je parle
anglais aussi parce que je prends toujours la peine de dire... Dans mon
comté, les gens me disent: Savez-vous, Maxi-milien, quand il s'agit d'un
projet important, expliquez donc cela de temps en temps en anglais, dites
quelques mots, une couple d'expressions. C'est important pour nous de
comprendre de quoi il s'agit. Et il s'agit d'un projet important: les
ambulances, le transport ambulancier, questions de vie. Tout le monde est
d'accord avec cela. (20 h 20)
Qu'est-ce que la Gazette a dit? 'Two cheers for reform". M. le
ministre, on vous félicite. Pas une fois, deux fois. 'Two cheers for
reform". Ils disent: 'The public has reason to welcome the Bourassa
government's changes to Quebec's ambulance system". On dit: Le gouvernement
Bourassa, mais le ministre qui est ici s'appelle M. Dutil. Mme la
Présidente, ils disent dans la Gazette: "For example, improved
coordination and communications should reduce the tendency of ambulances in
Montreal to deliver too many patients to one hospital while the neighbour
hospital goes unused". En d'autres termes, au lieu d'envoyer tout le monde
à l'hôpital, nous, avec le nouveau projet de loi
présenté, on va diviser cela, on va être certain où
on va être maintenant. Tout le monde va être d'accord avec cela,
même nos amis péquistes.
J'ai entendu, cet après-midi, leurs critiques. C'est assez
raisonnable, parce qu'ils sont peut-être un peu mal pris. Il y en a qui
disent: Mais vous supportez trop. Peut-être que du point de vue du
syndicat, ce sont vos amis. Je dis qu'on a un projet de loi au-dessus du parti.
Oublions notre allégeance politique. Ce n'est pas la question qu'ils
sont avec le syndicat et que nous sommes avec le patronat. Pas du tout. Nous
sommes tous pour la population, pour ceux qui ont besoin de ce service.
J'étais content cet après-midi d'entendre quelques
députés péquistes parler parce que tout de même sur
ce point, ils sont très responsables. Ils ont dit: M. le ministre, nous
sommes, en principe, pas mal d'accord avec ce que vous dites, sauf que sur
quelques modalités, on aimerait avoir des amendements. Je ne sais pas
quel amendement sera apporté, mais je peux vous dire une chose, Mme la
Présidente, je pense que le ministre va faire de petits amendements ici
et là justement pour satisfaire tout le monde. Il s'agit d'un projet, -
il ne faut jamais oublier cela, - au-dessus de la partisanerie politique. S'il
vous plaît, arrêtons donc de faire de la politique partisane sur le
dos de ceux qui sont victimes d'un accident d'automobile dans la rue. Cela
n'est pas l'intention de personne.
Je continue de citer la Gazette qui dit: "Ambulances themselves
are to be upgraded. Le ministre dit: Les ambulances, cela va très bien,
sauf qu'il dit: Je veux améliorer le service. Je vais améliorer
la compétence du personnel. "The ambulance technicians union". Le
syndicat des techniciens dit: 'The vehicles "hygiene" mechanical fittness and
on-board equipment lack far behing North American norms." Donc, ce qu'on dit:
II y a du travail à faire au point de vue de la compétence, au
point de vue des normes. J'ai donné le cas tout à l'heure de
l'infirmière qui est allé à Val-d'Or de Montréal,
justement pour montrer qu'il y a du travail à faire. Mais il faut
être prudent tout de même concernant le travail déjà
fait parce que le ministre n'a jamais dit: Je ne suis pas content que le
personnel ne soit pas compétent. Ce n'est pas vrai.
Ce soir, à 18 heures, parce que je savais que je parlerais
à 20 heures, j'ai appelé à mon bureau de comté,
où il y a un monsieur avec qui je m'entends très bien, qui a un
certain âge, qui fait des petits messages pour moi. À un moment
donné, il est tombé par terre. C'était il y a à peu
près cinq semaines. Il était bleu, gris, rouge, de toutes les
couleurs politiques, non politiques, comme vous voulez. On ne savait pas quoi
faire. On a appelé tout de suite Urgences-santé. Mme la
Présidente, Urgences-santé est arrivée en deux ou trois
minutes. Ce monsieur m'a dit ce soir: Maximilien, quand tu parleras ce soir,
répète donc mon cas. J'ai dit: Alex - parce que je donne juste le
premier nom - je ne mentionnerai pas ton dernier nom parce que c'est une
affaire personnelle. Il m'a dit: Parlez donc de mon cas, parce que ce sont des
ambulanciers d'Urgences-santé qui m'ont sauvé la vie. Il
s'agissait d'une équipe très compétente. Ils sont venus
là, en tout cas, ils ont travaillé sur lui... J'avais très
peur de regarder cela, cela me faisait un peu peur. Quand il est sorti de
là, il a dit: J'avais commencé un peu à rire en entrant
à l'hôpital. Il est encore là maintenant, parce que, en
fait, Mme la Présidente, il m'écoute ce soir, parce que je lui ai
dit: Je te promets de parler de toi. Le ministre n'a jamais dit qu'il n'y a pas
de compétence générale, il a simplement dit: Je vais
hausser la compétence de ces gens-là, parce qu'il y en a de
très bons là-dedans et nous, on va très bien
là-dessus.
Mme la Présidente, vous me montrez déjà avec le
doigt... Oui, une minute, Mme la Présidente, je comprends très
bien. Rapidement, pour finir, j'étais impressionné quand le
ministre a dit: Nous, on va s'occuper de la formation des techniciens, parce
que cela va passer maintenant à 825 heures. Au lieu de donner 150 heures
en province et 280 à Montréal, nous - c'est le ministre qui parle
- on va s'occuper d'augmenter le degré de compétence, parce
que... Je pourrais citer, Mme la Présidente - j'ai de la documentation
devant moi - des accidentés d'automobile avec la colonne
vertébrale cassée... Savez-vous
que, si un gars compétent rencontre cette personne - le ministre
nous a expliqué cela avec statistiques - il peut sauver, non seulement
sa vie, mais il peut éviter qu'il devienne un qua-draplégique.
C'est vraiment une matière fascinante.
J'aurais bien aimé continuer, mais il faut que je laisse le
terrain à mes amis péquistes. J'espère une chose: qu'on
oublie la politique partisane et que, tous ensemble, on appuie ce projet pour
le bénéfice de la population du Québec. Merci
beaucoup.
Des voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Sainte-Anne. M. le député d'Abitibi-Ouest et leader de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: Merci, Mme la Présidente. Cela me fait
toujours plaisir de parler après l'éminent député
de Sainte-Anne, surtout lorsqu'il prend le ton qu'il a pris: Oublions la
politique, oublions nos points de vue partisans, occupons-nous de la
population, occupons-nous - autrement dit, même s'il n'en a jamais
parlé durant 20 minutes - du principe du projet de loi, parce que c'est
ce qu'on est censé faire. En deuxième lecture, on est
censé porter un jugement sur le principe d'un projet de loi.
Qu'en est-il, Mme la Présidente, du principe du projet de loi?
Très clairement, le principe de ce projet de loi, c'est la
création d'une nouvelle corporation qui n'est rien d'autre qu'une
étatisation, mais une étatisation qui n'est pas franche, une
étatisation un peu hypocrite, injustifiée. On n'a pas le courage
d'appeler les choses par leur nom et de dire: Dans le présent cas, nous,
comme gouvernement, avons décidé d'étatiser un service
ambulancier pour l'ensemble des contribuables québécois. En
particulier, ce que j'ai trouvé drôle dans l'intervention du
député de Sainte-Anne, c'est lorsqu'il a dit: D'abord, on a un
ministre qui sait tout - il a dit cela une fois. Il a dit: Le ministre sait
tout du Québec, il a une bonne vision du Québec. C'est rare qu'un
ministre peut tout savoir! Deuxièmement, il a trouvé, dit-il, un
juste milieu.
Une voix: Pas Dutil.
M. Gendron: Non, pas Dutil, il a trouvé, dit-il, un juste
milieu! Il faut le faire, Mme la Présidente. J'ai toujours pensé
- cela n'est pas de la partisanerie, M. le député de Sainte-Anne
- qu'un législateur, lorsqu'il fait un projet de loi, normalement, il le
fait pour des citoyens et des citoyennes et, également, en touchant des
gens qui vont vivre soit avec ses avantages, soit avec ses
inconvénients. Comment se fait-il que, dans ce projet-là, la
plupart des tiers un peu plus neutres et un peu plus objectifs que nous,
c'est-à-dire moins touchés par la partisanerie politique ou ce
débat de confrontation... Qu'ont-ils dit de ce projet de loi? Ils ont
dit exactement ce qu'il en est. Là, rapidement, je vais faire le tour
des titres: Reddition humiliante, étatisation injustifiée, projet
de loi qui n'a pas un brin de bon sens, qui n'a pas d'allure - cela n'a pas de
bon sens - devoir mal fait, élaboration d'une politique de santé
trop importante pour se faire sous le coup d'un ultimatum, soit-il patronal ou
syndical. C'était plein, c'était partout. Je m'excuse, ce ne sont
plus des partisans libéraux ou ceux du Parti québécois, ce
sont des tiers qui disent: où s'en vont-ils avec leurs skis? N'oubliez
pas que ces gens-là - c'est pour cela que je qualifiais, tantôt,
ce projet d'hypocrite - n'ont pas la franchise de débattre de vraies
questions de fond. Ce sont les "priva-tisateurs" par excellence; ce sont des
gens qui ont comme volonté de rapetisser le plus possible le rôle
de l'État. S'il y avait moyen, demain matin, que le Québec
ressemble au plus petit coffre d'outils imaginable-Ces gens-là ont
vanté partout les mérites de l'entreprise privée. En
passant, je n'ai rien contre cela, sauf que nous, nous avions au moins un
discours un peu plus "juste milieu". On dit que dans certains cas, dans
certaines situations, l'État québécois doit justement se
jumeler aux initiatives de l'entreprise privée pour être en mesure
de réaliser des choses que seule, parfois, l'entreprise privée
n'est pas en mesure de réaliser. Je ne veux pas changer de discours,
mais je donne seulement un exemple. Chez nous, il y a bien des gens qui sont
pour l'entreprise privée "à mort" et je les approuve, sauf qu'il
n'y a personne qui ne reconnaît pas qu'à un certain moment
donné, si on n'avait pas eu Rexfor, il y a certaines entreprises qui
n'auraient pas passé au travers. Cela est clair et logique. Rexfor, que
je sache, c'est une entreprise d'État. C'est ce qu'on appelle la
solution d'une économie plus mixte, moins pure, moins noble parce que
les principes de la noblesse sont toujours théoriques. (20 h 30)
Dans ce sens-là, si ces gens-là avaient voulu franchement
nous dire: Bien nous, on a viré capot; on a changé
complètement notre point de vue sur le service ambulancier dans la
région métropolitaine et nous pensons, en conscience, que c'est
bon, les privatisations étatiques - peu importent les noms - ou une
nationalisation... Dans ce cas-là, pourquoi je prétends que c'est
un projet de loi hypocrite? Parce que c'est une nationalisation, mais ils n'ont
pas le courage d'indemniser ceux qu'ils nationalisent. Des nationalisations, on
en a faites des heureuses et des malheureuses, mais on a au moins assumé
nos responsabilités en termes de coûts. On ne peut pas faire une
nationalisation sans avoir au moins assez de conscience collective, de
conscience tout court pour savoir qu'il y a des coûts. Quand on
décide d'étatiser ou de
nationaliser, il faut compenser les perdants, il faut compenser ceux qui
vont en éprouver des difficultés.
J'entendais également le député de Sainte-Anne: Ces
gens-là sont extraordinairement compétents. Je n'ai jamais
nié cela, je n'ai jamais pensé que les employés
d'Urgences-santé étaient des incompétents, et je n'ai
jamais entendu cela de la part d'aucun membre de ma formation politique. Ce
n'est pas cela, le problème. La meilleure façon de faire un
discours quand on n'a rien à dire sur le principe, c'est de parler
d'autre chose. Et c'est ce qui est arrivé avec le député
de Sainte-Anne, il ne nous a pas dit grand-chose sur le projet de loi. Il nous
a dit que, pour eux, c'était le bien commun, la population, la
santé et les personnes. On dit la même chose. Que je sache,
Urgences-santé, qui existait dans la région
métropolitaine, je ne dis pas qu'il n'y avait pas de lacune, je n'ai
jamais dit cela. C'est un service pour offrir le plus rapidement possible ce
qu'on doit nécessairement offrir à une société
responsable qui veut s'assurer que les citoyens et les citoyennes du
Québec qui, malheureusement, auront à un moment donné,
à utiliser certains services de cette nature, puissent avoir l'assurance
qu'ils ont, dans le monde moderne de 1988, les outils nécessaires pour
qu'on puisse rapidement leur offrir les services requis.
Dans ce projet de loi, je pense que le chef de l'Opposition officielle
avait raison, en tout cas dans une phrase - en ce qui me concerne,
malheureusement, je n'ai pas pu entendre l'ensemble de son discours - alors
qu'il disait ceci: "Encore une réforme fondée sur une
série de contradictions, n'accordant qu'un changement de structure, une
proposition qu'il nous est carrément impossible d'appuyer dans sa forme
actuelle." Or, même si je me fais dire par un autre membre de ce
gouvernement que le principe d'un projet de loi, cela n'a pas d'importance...
Juste une parenthèse, regardez ce qui se passe concernant la commission
qui va commencer ses travaux dans 20 ou 25 minutes. Tout le monde est venu dire
au ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que
son projet de loi 31 concernant la construction n'aurait pas les effets
souhaités pour contrer le travail au noir. C'est unanime, sauf un.
Pensez-vous qu'il a attendu d'avoir un retour des personnes concernées
sur la compréhension qu'ils ont de ses amendements? Bien non, dès
l'adoption du principe, il nous convoquait en commission pour étudier le
projet de loi article par article. Je peux vous le dire, Mme la
Présidente, je reconnais que le projet qu'on est en train de discuter en
commission parlementaire, ce n'est pas du tout le même dont on m'a
demandé de débattre le principe en Chambre. Que voulez-vous que
je fasse? Quand je fais un discours sur le principe du projet de loi, je suis
obligé de parler du projet de loi qu'on connaît, et non pas de
celui qu'ils ont en tête, s'il en reste quelque chose après des
changements majeurs.
Dans ce sens, le projet de loi que nous avons, c'est clair, est un
projet de loi plein de trous, qui nous oblige à nous interroger comme ce
n'est pas possible sur l'honnêteté de ces gens par rapport
à des choix de société et en particulier sur un virage
sans précédent, soit celui de leur discours politique, à
savoir qu'ils préfèrent que ce soit l'entreprise privée
qui assume la presque totalité de l'économie, des services.
Même le premier ministre du Québec... Je cite Pierre Vennat: "Le
gouvernement libéral, qui dirige les destinées du Québec,
a quelquefois de curieuses façons de procéder." Ce n'est pas moi
qui parle, même si je partage cela à 200 %. "D'un
côté, son chef, M. Bourassa, déclare à la Chambre de
commerce de Québec qu'il ne dit pas non à des expériences
pilotes de privatisation en matière de santé. De l'autre, son
ministre délégué à la Famille, à la
Santé et aux Services sociaux présente un projet de loi qui
consiste, en pratique, à nationaliser le transport ambulancier dans la
région métropolitaine de Montréal." Et il ajoutait, parce
que je ne veux pas le citer au complet, tout le monde l'a lu, j'espère:
"Qu'on décide de nationaliser une entreprise privée ou de
privatiser un service de l'État pour résoudre un problème
de relations du travail est totalement inacceptable, totalement
irréfléchi, totalement irresponsable. C'est de cela qu'on doit
parler lorsqu'on discute de ce projet-là. Et il ajoutait, en conclusion,
pour celui-là: "L'élaboration d'une politique de santé est
trop importante pour se faire sous le coup d'un ultimatum de qui que ce soit,
d'où qu'il provienne, soit-il patronal ou syndical." Ce n'est pas le
discours du député de Sainte-Anne. Ce n'est pas la belle
théorie: Nous, on aime les citoyens. On les trouve beaux, gentils et on
veut leur offrir des services. Ils avaient un service. Le fond, c'est qu'on
nationalise.
Vous conviendrez que je ne suis pas le plus touché par cela dans
la région métropolitaine. Je la connais la région
métropolitaine parce que nous, qui venons de loin, nous avons l'avantage
d'aller en ville de temps en temps. Ce n'est pas nécessairement le cas
de ceux de la ville. Nous, nous allons en ville. Nous sommes obligés.
Nous sommes habitués et cela ne nous dérange pas d'aller en
ville.
Une voix: C'est vrai.
M. Gendron: Mais ce n'est pas parce que je ne suis pas un
député de la région métropolitaine que je ne sais
pas exactement ce qu'est ce projet de loi. Comment se fait-il que, même
une fin de semaine, après une semaine chargée, je n'étais
pas aussitôt rendu dans la région, qu'une des premières
demandes, les gens qui offrent le service chez nous, Ambulance du Nord inc.,
Abitibi-Témiscamingue, un service qui, jusqu'à nouvel ordre,
n'est sûrement pas le paradis mais est un service de qualité...
C'est un service
intéressant. C'est un service professionnel. Et quand les
représentants de Ambulance du Nord ont voulu me rencontrer, j'ai dit:
Écoutez, c'est un projet de loi pour les gens de Montréal.
Là c'était pour les faire parler un peu évidemment. Ils
ont dit: Bien non. Écoute, il n'y a pas juste les gens de
Montréal là-dedans. Tout le monde passe au "cash". Tout le monde,
y compris nous; nous sommes touchés par ce projet de loi. Ce que nous
voulons que tu représentes comme député d'Abitibi-Ouest,
c'est le point de vue suivant: On s'oppose totalement. Ils ne demandent pas un
amendement mineur. On s'oppose totalement au projet de loi 34, M. le ministre.
Et on appuie notre corporation à 100 %. Évidemment, ils savaient
qu'envoyer cela au ministre ne changerait pas grand-chose. Ils se sont
essayés avec le premier ministre. Ils ont envoyé un message au
bureau du premier ministre: On ne vous demande, pas des ajustements, mais le
retrait du projet de loi 34 et de convoquer une commission parlementaire dans
les meilleurs délais pour qu'on ait l'occasion de discuter des trous,
des faiblesses, des failles du virage sur un dix cents de votre projet de loi.
Je suis honnête. J'ai aussi rencontré des employés. Or, les
employés ont dit: Nous espérons, M. Gendron, que vous allez
être d'accord avec ce projet de loi. Je leur ai demandé pourquoi
ils voulaient que je sois d'accord avec ce projet de loi. Ils ont dit: Ce sera
un mosus de bon projet de loi pour nous parce qu'on aura enfin des conditions
de travail qui seront valables, avec un salaire horaire qui respectera un peu
ce que nous sommes. Et remarquez que je n'ai rien contre cela. Je trouve que
les employés avaient des revendications justes et raisonnables à
certains égards. Mais je leur ai dit: Écoutez, ce n'est pas parce
que quelqu'un, se sentant incapable d'assumer ses responsabiltés
ministérielles, a fait un "deal" un peu douteux avec une corporation
syndicale, que nous sommes obligés de nous mettre un bandeau sur les
yeux et de dire: II n'y a aucun problème. Nous sommes pour cela sachant
très bien que c'est un virage sans précédent de ce
gouvernement-là, en termes de philosophie et en termes
d'orientation.
J'ai été obligé de leur expliquer qu'il
n'était pas question que je ne regarde pas cela de plus près. Et
j'ai dit: Écoutez, comme des gens normaux et intelligents, avant de nous
couler dans le béton, je suis pas mal sûr qu'on va permettre des
consultations particulières et nous verrons ce que l'ensemble de ceux
qui seront consultés viendront nous dire et nous allons nous faire une
opinion. Mais à tout le moins, avant d'entendre les gens qui viendront
s'exprimer, j'aurai des questions à poser et j'aurai des choses à
dire. Voici quelques-unes des questions que je pose. M. le ministre,
expliquez-nous ce virage de comportement, de philosophie et d'orientation entre
le sens de votre philosophie comme parti politique où l'État doit
se faire le plus petit possible avec le moins d'outils pos- sible - ce qu'on
appelle communément toute la place au secteur privé et nous ne
devons qu'assumer des services qui sont souvent déficitaires et
percevoir des impôts. C'est à peu près cela le rôle
de l'État selon vous. Et vous avez combattu les nationalisations dans
certains secteurs et là vous en faites une sans indemniser les victimes,
sans indemniser les gens concernés. (20 h 40)
Parce que, écoutez, cela ne prend pas, encore là, beaucoup
de compétence, d'expérience parlementaire pour comprendre que
quand tu es dans le commerce, quel qu'il soit, il y a toujours ce qu'on appelle
un valeur d'achalandage. Et là, je n'essaie pas de dire que le service
ambulancier est un service commercial. Mais je suis assez intelligent pour
savoir que le propriétaire d'ambulances qui s'est équipé
et qui offre le service veut à tout le moins... C'est cela que les gens
de l'Abitibi sont venus me dire: Moi, ma tôle, qu'elle soit verte ou
blanche sur l'ambulance, n'a pas la même valeur si je n'ai plus le permis
pour opérer. Je suis convaincu que le ministre comprend cela s'il est un
peu sérieux. À partir du moment où on dit dans le projet
de loi: Le permis, je ne suis pas sûr, c'est possible, cela va
dépendre, c'est la nouvelle corporation qui va décider si vous
pouvez avoir un permis d'opération ou non, ces gens-là sont
susceptibles d'être complètement écartés du
portrait, sans aucune garantie, sans savoir comment on va compenser cette perte
qu'on appelle communément, dans le jargon des affaires, la valeur de
l'achalandage qui dépasse l'estimation qu'on peut faire des
véhicules ambulanciers.
J'aime toujours regarder le point de vue d'autres personnes. Si
j'étais dans les patates... Je connais un peu Jean-Paul Gagné.
Quand Jean-Paul Gagné, dans Finance ou dans le journal Les
Affaires se permet de dire, dans ce cas-là, en ce qui me concerne,
avec énormément raison: 'Tout ce qui restera aux entreprises,
c'est la possibilité de pouvoir louer leurs véhicules à la
nouvelle corporation. Bref, il ne restera que la tôle." Et il commence.
Le ministre a sûrement lu cela. Ce projet, Mme la vice-première
ministre du gouvernement, ce projet est une aberration sur toute la ligne. Il
n'a pas dit "dans le premier paragraphe et dans l'article,
troisièmement". Il a dit: "Ce projet est une aberration sur toute la
ligne. La nationalisation du transport ambulancier n'est aucunement
justifiée. Le service actuel est efficace. En outre, plusieurs des
évaluations de coûts sur lesquelles s'est appuyé le
gouvernement pour justifier l'étatisation du transport ambulancier sont
sous-estimées, sinon erronées." Il continue: "Le projet de loi
est une saisie en règle de l'actif intangible des compagnies de
transport ambulancier. La nouvelle politique - toujours selon M. Jean-Paul
Gagné - accroîtra à coup sûr le coût des
transports ambulanciers." Où sont-ils ces supercomptables de ce
gouvernement-là? Où sont-ils dans ce dossier-là pour faire
une évaluation des colonnes comptables, les
colonnes étant leur seule préoccupation majeure et
importante, les colonnes comptables, le reste...
J'écoutais le député de Sainte-Anne. Il ne sait pas
de quoi il parle. La population, pensez-vous qu'il s'en occupe? Voyons donc! Ce
qui les intéresse, ce sont les colonnes comptables. On l'a vu dans
à peu près toutes les décisions prises par ce
gouvernement. Pourtant, quelqu'un qui était habitué de traiter de
ces questions dit: Comment se fait-il que vous ne vous en occupez pas des
colonnes comptables? Les coûts? On parle d'une reddition humiliante. Ce
n'est pas moi qui ai inventé le titre. C'est rare que j'écris
dans Le Devoir. Jean Francoeur: "Reddition humiliante. On peut reprocher
aux auteurs du projet d'avoir coiffé la nouvelle corporation d'un
conseil d'administration sur le modèle maintes fois
dénoncé d'une pseudo-participation." Parce qu'on a essayé
de trouver des poignées pour justifier l'affaire. Il concluait: "Le
projet de loi 34 n'est qu'une reddition sans honneur - M. le ministre - de la
part du ministre délégué à la Famille qui en est
à sa première initiative importante. C'est un geste
humiliant...
Une voix: Quelle famille!
M. Gendron: ...dont la seule rationalité tient dans le
proverbe: Qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage."
On pourrait continuer. On pourrait continuer à en citer une
partie de la soirée. Fondamentalement, qu'est-ce que la corporation, qui
vit avec le dossier, a dit? "Nationalisation, oui à un détail
près. Il n'y a pas d'indemnisation. On voulait régler un
problème de main-d'oeuvre en régions et on crée un
problème d'instabilité d'entreprise au Québec. L'affaire
est probablement sans précédent - c'est ma conclusion, Mme la
Présidente - affirme M. Antoine Fabi, président de la Corporation
des services ambulanciers du Québec qui représente, etc. Le
projet de loi 34, à l'article 22, enlève à des entreprises
responsables implantées depuis nombre d'années le pouvoir
d'exploiter un service d'ambulances à Montréal. D'un coup de
baguette, il transfère leurs employés à un nouvel
organisme et les transforme en agences de location de véhicules." Je
pense que l'Opposition a raison d'interroger le ministre. Je n'ai pas le temps
de le dire parce que mon temps achève, mais c'est écrit noir sur
blanc à trois ou quatre reprises.
M. le ministre, il arrive dans la vie parfois qu'il y a des devoirs qui
sont mal faits. C'en est un devoir très mal fait. En conséquence,
il me semble qu'un ministre responsable, normalement, membre d'un gouvernement
responsable, a une alternative. C'est de prendre la décision de refaire
ses devoirs et cela ne devrait pas être vexant pour le ministre
délégué à la Famille et aux Affaires sociales. Un
de ses collègues ne fait que cela, reprendre ses devoirs, et il a bien
plus d'expérience que lui. Cela fait deux ans que le ministre de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ne fait qu'une chose:
il s'arrange pour avoir le consensus contre lui. Il fait l'unanimité
contre lui et, après, il travaille ses affaires tellement qu'on va
encore parler d'aide sociale en 1989 et, pourtant, c'est un engagement de ce
gouvernement d'avoir, au lendemain de son élection, une réforme
majeure de l'aide sociale. Et, on en parle encore. Cela ne fait pas
sérieux.
En conclusion, Mme la Présidente, je pense que le ministre
devrait poser un geste responsable et nous indiquer qu'un tel projet de loi ne
mérite qu'une seule chose: être retiré du portrait.
Merci.
La Vice-Présidente: Merci, M. le député
d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition. M. le député de
Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, j'aurais
inévitablement préféré entendre le
député de Sainte-Marie parce qu'on considère une situation
à Montréal, mais je vois qu'il est de nouveau absent en Chambre,
peu préoccupé des problèmes montréalais...
Des voix: Wo! Wo!
Une voix: Où étiez-vous hier soir?
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Saint-Jacques, je vous rappelle que
certaines commissions siègent présentement et que certains
députés ne sont pas en Chambre, mais en train de faire leur
travail. Là-dessus, M. le député de Saint-Jacques, je vous
demanderais de ne pas soulever l'absence de certains députés,
qu'ils sont présentement en commission. Vous pouvez poursuivre.
M. Boulerice: Mme la Présidente, je m'excuse. J'ignorais
que les commissions siégeaient durant les périodes de
questions.
Des voix: Wo!
La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Boulerice: J'ai eu, à défaut du
député de Sainte-Marie, Mme la Présidente, l'ineffable
député de Sainte-Anne qui, aussi coloré que son
personnage, nous a invités à une espèce de
convivialité, de bonne entente. Soit, je suis peut-être partisan
d'une convivialité, d'une bonne entente, mais j'aimerais bien en
connaître les conséquences directes pour ce qui est des citoyens
et des citoyennes du Québec et de ceux de Montréal. Certes,
à l'exemple du député de Sainte-Anne, je suis un
député montréalais; je ne siège pas à
l'Assemblée nationale de Montréal, je
siège à l'Assemblée nationale du Québec. Je
me dois donc, Mme la Présidente, de regarder à la fois la
situation en région métropolitaine et de regarder
également la situation pour ce qui est de l'ensemble du Québec
comme tel.
Le ministre délégué à la Famille, à
la Santé et aux Services sociaux veut améliorer le système
du transport ambulancier à Montréal et en régions, ce
à quoi je n'aurai jamais d'objection. Je ne pense pas que l'on puisse
refuser d'améliorer un système essentiel chez nous et un
système essentiel pour notre population, sauf que s'il y a
amélioration, il y a amélioration bâclée. Il y a une
réforme globale où il y a des réformettes. Je pense que
c'est plutôt dans la foulée de la deuxième que le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux s'achemine, c'est-à-dire une espèce de
réformette rapide, bâclée, partielle sans aller
véritablement au fond du problème et sans apporter une solution
globale à l'ensemble de ce problème qu'est le transport
hospitalier. Je vois d'ailleurs la ministre des Affaires culturelles indiquer
son approbation aux interrogations que je pose.
À l'intérieur du projet de loi 34, que nous
présente le ministre, on voit... Je m'excuse, Mme la Présidente,
est-ce que vous m'avez donné le droit de parole? J'entends quelques
solos du Choeur de l'Armée rouge.
La Vice-Présidente: Vous pouvez poursuivre, M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je vous remercie, Mme la Présidente.
Une voix: De la pertinence.
M. Boulerice: L'alinéa 6 de l'article 149.5 stipule: "La
Corporation peut exploiter un service d'ambulances ou un service
d'interventions médicales d'urgence". Dans l'éventualité
où la nouvelle corporation maintiendrait un tel système, pourquoi
ne pas l'étendre à d'autres régions comme Québec,
par exemple? Le projet ne prévoit pas cette possibilité.
Effectivement, pour ce qui est de Québec et d'autres régions, je
pourrais penser à des amis, ici à Québec, M. et Mme
Côté, par exemple, comment bénéficieront-ils de ce
système? (20 h 50)
De plus, il n'y a aucune disposition qui prévoit les normes et
les standards de qualité des soins qui doivent être maintenus et
ceci, dans toutes les régions du Québec. Dans le système
de transport hospitalier, il y a des choses qui peuvent peut-être sembler
anodines pour l'ensemble des députés ici mais qui sont
très importantes et qui ne sont pas faites actuellement. La
réforme que le ministre veut apporter ne permettra pas d'aller aussi
loin que cela. Et cela, c'est une amélioration de la qualité des
choses? qui est un exemple... Le ministre pourrait-il répondre à
ma question: Combien de fois désinfecte-t-on les ambulances,
contrairement à ce qu'on fait dans une chambre où il y a un
patient contagieux? À quel rythme changeons-nous draps et couvertures
dans les ambulances? Ah! Bien, cela peut paraître anodin, Mme la
Présidente, mais absolument rien dans le projet de loi, nonobstant le
Choeur de l'Armée rouge qui continue son "chorus line" pour
m'empêcher de parler. Cela n'a pas d'importance. Je vais poursuivre.
Donc, il n'y a pas cela, Mme la Présidente. Il n'y a pas de profondeur
dans le projet de loi comme il n'y a pas de respect des parlementaires de
l'Opposition de la part des parlementaires du parti ministériel,
notamment le ministre du Tourisme, Mme la Présidente, que je vous
demande de rappeler à l'ordre.
La Vice-Présidente: Je vous demanderais, s'il vous
plaît, de respecter le... À l'ordre! J'ai reconnu le
député de Saint-Jacques. J'aimerais bien entendre son
intervention. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je suis un peu étonné, Mme la
Présidente, d'entendre de la part d'un membre du gouvernement, un
ministre, des propos... Enfin, heureusement que la transcription des
débats n'en fera pas état. Ce serait gênant. Mais, enfin!
Bon, le leader qui s'en mêle en plus. Que voulez-vous! De toute
façon, le Québec est témoin de cela depuis le 2
décembre. Mme la Présidente, je n'ai pas...
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à
l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! M. le député de
Saint-Jacques, vous pouvez poursuivre.
M. Boulerice: Heureusement, Mme la Présidente, encore
là, qu'il y a votre vigilance parce que, de nouveau, les droits des
parlementaires continueraient d'être bafoués.
Alors, si on continue dans ce fameux projet de loi que le ministre nous
présente, j'aimerais vous parler des infirmières. Nulle part,
dans le projet de loi, il n'est question des infirmières qui sont
à Urgences-santé. Elles ne sont pas représentées au
nouveau conseil d'administration de la nouvelle corporation dont le directeur
général a d'ailleurs été engagé avant
même que la corporation soit établie. Elles n'ont pas
été consultées sur le protocole de transfert. Bref, et je
pense que c'est une inquiétude tout à fait légitime de
leur part, elles craignent d'être écartées de la nouvelle
convention. Pourtant, leur travail est essentiel dans un système
d'interventions médicales d'urgence.
À Urgences-santé, elles assument deux tâches
importantes qui ont une incidence directe sur l'engorgement des urgences, qui
n'est toujours pas réglé d'ailleurs, même avec les plans de
la ministre titulaire de ce ministère, et sur l'état de
santé du patient, parce que, vous le savez comme moi, les minutes qui
suivent l'appel de détresse sont déterminantes. Le triage des
appels
comme tels où on envoie une ressource ou bien on oriente les
bénéficiaires vers des ressources autres que les hôpitaux.
Il y a aussi tout le conseil-nursing ou Info-Santé. Plusieurs appels qui
proviennent à Urgences-santé, que je connais bien, entre
parenthèses, parce qu'elle est située dans ma circonscription,
sur la rue Saint-Denis, sont des demandes d'informations médicales comme
telles. Donc, faire disparaître les infirmières ou les infirmiers,
cela veut dire faire arrêter le triage des appels, ce qui signifie en
définitive qu'à chaque appel, maintenant, on pourrait envoyer une
ambulance comme cela se fait actuellement à Toronto. On peut imaginer
les coûts d'un système comme celui-là.
Dans un autre ordre d'idées, Mme la Présidente, il y a un
certain irrespect des droits des travailleurs et des travailleuses. Certaines
dispositions du projet de loi risquent de faire perdre les emplois de plusieurs
travailleurs et travailleuses au Québec. L'article 14 du projet de loi
prévoit que le protocole de transfert identifie les employés
transférés avec avantages sociaux à la nouvelle
corporation. Ainsi, les salariés qui ne sont pas désignés
dans le protocole perdent leur sécurité d'emploi. De plus,
l'article 19, alinéa 2, stipule que les conventions collectives en
vigueur lors du transfert ne s'appliquent qu'à un salarié
transféré du CRSSS-MM, le Centre régional de la
santé et des services sociaux de Montréal métropolitain,
à la corporation. Comment un système peut-il cautionner qu'on
bafoue ainsi les droits d'autres salariés? Parce qu'on va établir
véritablement deux classes de salariés au Québec: ceux qui
ont été étatisés à Montréal et ceux
qui sont à l'extérieur de cette région et qui pourront
même y être, ne serait-ce que d'une seule foulée, l'espace
d'un pont, c'est-à-dire la rive sud de Montréal ou même la
rive nord de Montréal puisque le collègue député de
Fabre est intervenu.
Ceux-là vont vivre cette distorsion de traitement et d'origine
que le projet de loi 34 risque d'amener. Je pense que c'est un sujet dont on
devrait se préoccuper. Encore là, mon collègue
député d'Abitibi-Ouest et leader de l'Opposition a bien
cité l'article de M. Pierre Vennat, l'éditorial de M. Vennat dans
La Presse. M. Vennat, ce n'est quand même pas un deux de pique. Je
pense qu'il est capable d'une pensée très autonome et très
articulée sur des sujets d'importance. M. Vennat le disait bien et je
serai peut-être le troisième, le quatrième ou le
cinquième, mais cela mérite d'être
répété. L'élaboration d'une politique de
santé est trop importante pour se faire sous le coup de l'ultimatum,
sort-il patronal ou syndical. Au même titre d'ailleurs que d'autres
analyses ont été faites et qui, elles, demandent qu'il y ait une
vaste consultation au niveau de la population comme telle. Une consultation,
d'ailleurs, à laquelle ne se refusent pas les techniciens ambulanciers
puisque j'ai parlé avec les deux représentants des techniciens
ambulanciers, M. Cotton et son adjoint, et ceux-ci d'ailleurs n'avaient aucune
objection à la tenue d'une commission parlementaire qui permettrait, Mme
la Présidente, aux intervenants de venir faire connaître leur
point de vue. J'ai déjà donné un exemple tantôt
à savoir que les infirmières seront exclues, donc, leur mot
à dire.
D'une certaine façon aussi, les propriétaires. Je ne ferai
pas le discours de la tôlerie, mais il était très
pertinent. Il risque peut-être d'y avoir des pertes aussi pour des gens
qui ont investi. Ne sont pas représentés au sein du conseil
d'administration de la corporation, un paquet de gens qui sont liés
à tout cela et qui ne pourront pas se faire entendre. C'est vraiment
dommage et navrant qu'un vaste débat ne se fasse pas dans la population.
Je le répète, le transport ambulancier est un service essentiel.
Le transport ambulancier est une chose et la mise en place d'un système
de soins préhospitaliers d'urgence en est une autre également.
Faire des techniciens ambulanciers des employés de l'État n'est
pas une mauvaise chose en soi. Ce n'est pas là-dessus que mon
débat porte. Je ne pense pas que cela va régler
immédiatement les problèmes d'engorgement des urgences, ni le
manque de médecins et de spécialistes en régions
éloignées, notamment dans les urgences.
À ce moment-là, quand on veut refaire une réforme
comme l'indique le ministre, pourquoi ne pas reconnaître les
urgentologues, pourtant reconnus dans toute l'Amérique du Nord sauf au
Québec? Dieu seul sait que cette expérience est
intéressante. J'ai eu l'occasion de l'apprécier dans
l'État américain de la Floride. (21 heures)
Ce projet de loi doit faire l'objet d'un consensus entre toutes les
parties, si le Québec veut se donner un système de soins
préhospitaliers d'urgence qui soit efficace pour le bien-être de
la population, et ceci dans toutes les régions du Québec et non
pas uniquement IHe de Montréal. Je pense que les gens du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, les gens de la Gaspésie, les gens du
Bas-Saint-Laurent, les gens de l'Outaouais comme les gens près de la
région métropolitaine, enfin de IHe de Montréal, les gens
de la rive sud et de la rive nord, eux aussi, méritent cela. On a
déjà dans des éditoriaux... On a cité le journal
Les Affaires qui est pourtant un journal fort lu de la part de la partie
patronale. L'auteur de l'article ne se gênait pas pour inviter le
ministre à retourner faire ses devoirs et à refaire ce projet.
Oui, je sais qu'à cause des négociations, puisque les ententes
sont venues à échéance le 1er avril dernier... On me
corrigera si je ne cite pas la bonne date. On me dit que le climat était
quand même bon au début des négociations. Il y a
peut-être possibilité d'une grève que certains
évoquent. Je ne sais si c'est un terrorisme psychologique que l'on veut
faire, mais je suis persuadé que ce n'est pas le cas. Tant qu'à
réformer, réformons donc de façon que chacun va y trouver
son compte, que
chacune des parties ne se sentira pas lésée et qu'en
définitive, ce soit l'ensemble de tout ce système qui pourra
être amélioré, qui pourra être bonifié, qui ne
sera pas adopté à la vapeur, qui ne créera pas
d'insatisfaction, qui ne créera pas de classes et qui permettra au
gouvernement d'avoir justement un discours plus cohérent, même si,
en définitive, ce projet de loi est une espèce de tête
à queue, puisqu'on parle d'étatisation, alors que ce gouvernement
s'est toujours réclamé être le gouvernement de la
privatisation.
Enfin, il y a quand même certains éléments
idéologiques du Parti québécois qu'ils ont l'intention de
vouloir reprendre puisque cela a fait ses preuves. Mais il serait vraiment
navrant qu'un débat de cette importance, quand on sait que les grandes
réformes dans le domaine de la santé ont toujours fait l'objet
d'un consensus et qu'en plus, il y a sur la table des études relatives
aux soins de santé au Québec, qui sont en premier lieu - qu'on me
corrige également si je ne les cite pas par la bonne appellation - le
rapport Rochon, le rapport Harnois, je crois, comme il y a eu le rapport
Drouin, tout cela. Alors, on pourrait en reprenant ce débat... Je pense
que ce serait autant favorable aux techniciens ambulanciers qu'à
l'ensemble de la population, aux propriétaires et à l'État
d'être capables d'articuler une décision à partir
d'observations, de commentaires, de correctifs même, que nous proposent
les rapports que je viens de vous énumérer et qui permettraient
d'avoir cette vision entière du système de santé au
Québec, avec toutes ses composantes, ce qui nous permettrait
effectivement d'avoir une politique qui aurait, je suis obligé de le
répéter, plus de cohérence que celle qu'on nous a
présentée.
Celle qu'on nous présente est issue du rapport Forget qui avait
été produit par la firme SECOR en novembre 1987 qui, justement,
présentait la situation du transport hospitalier au Québec. La
même année, M. Tremblay remettait des études
commandées par le ministère de la Santé et des Services
sociaux en 1986, portant sur la tarification du transport. Donc, en
définitive, on a déjà deux autres études qui se
sont ajoutées à celles-ci. Il y a un système ambulancier
qui a vécu certaines perturbations depuis 1984: grèves
illégales, non-respect de décrets gouvernementaux, bris de
véhicules, etc. Arrangeons-nous donc pour avoir une population
satisfaite des soins qu'elle paie, qu'elle paie d'ailleurs chèrement.
Assurons-nous qu'il y ait une harmonie qui existe entre les différents
intervenants et que tout cela, Mme la Présidente, si je peux employer
l'expression, s'imbrique dans une politique... - Je vois que vous me faites
signe de conclure, quoique mon temps ait malheureusement été
rogné par des interventions venant de l'autre côté que je
ne qualifierai pas, mais vous connaissez le fond de ma pensée
là-dessus... Enfin, je respecterai, même si on m'a volé un
peu de mon temps, en fin de compte - donc qui nous permettront, Mme la
Prési- dente, comme je vous le dis, d'avoir une vision vraiment
embriquées les unes sur les autres, d'un système de santé
au Québec avec toutes ses composantes, donc un système qui risque
non pas de faire des mécontents, des mécontents locaux et
régionaux, mais de faire des contents nationaux. Donc, c'est une
politique qui va s'appliquer pour l'ensemble du Québec, avec une
certaine gradation s'il le faut, mais où tout sera très clair et
dont on pourra être capable de mesurer, immédiatement,
l'efficacité, les coûts comme tels et l'impact sur la population.
Je vous remercie, Mme la Présidente.
Une voix: Bravo!
La Vice-Présidente: Merci, M. le député de
Saint-Jacques. M. le député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente. Il me fait
plaisir, ce soir, d'intervenir sur ce projet de loi 34 puisque j'ai cru
comprendre que, par ce projet de loi, le gouvernement voulait poser des gestes
qu'il a pourtant ardemment défendus depuis deux ans et demi et aller
exactement à l'inverse de ce qu'il a prêché.
Le projet de loi 34, il faut s'en rendre compte se résume
à peu près à ceci: La création d'une corporation
pour diriger, si on veut, les destinées du service ambulancier dans la
région de Montréal. Deux questions se posent à mon point
de vue: Pourquoi agit-on de cette façon? Et surtout, en vertu de quel
principe le gouvernement actuel agit-il de cette façon?
Pourquoi? Je pense que la réponse est relativement simple. On se
rend compte que les conventions collectives sont rendues à
échéance et qu'il y a des ultimatums, si j'ai bien compris, de la
part du syndicat. Face à cela, le ministre a décidé - on
le verra un peu plus tard - de donner suite aux pressions qui étaient
faites. Cela me surprend un peu de la part d'un ministre qui, même s'il
n'a pas énormément d'expérience comme ministre, a aussi
fait de la politique au cours des années. Antérieurement, il a
fait de la politique municipale. De voir qu'un ministre succombe facilement
à des pressions.... La logique de cela, c'est que le ministre a
succombé à des pressions.
Je me demande comment un ministre délégué à
la Famille, à la Santé et aux Services sociaux, à la
tête de cette nouvelle direction à l'intérieur du
ministère des services de santé, dans son premier dossier
important, peut agir de cette façon? J'ai de la misère à
comprendre. J'espère - j'ai écouté le ministre, cet
après-midi - qu'il pourra nous fournir d'autres explications. La
façon dont il procède actuellement est nulle. Il n'y a pas
d'autre conclusion. C'est non seulement la conclusion que je tire, que le
député de Bertrand peut tirer, puisque c'est un point de vue
parmi tant d'autres, mais c'est la
conclusion à laquelle plusieurs autres collègues dans
cette Chambre sont arrivés, de même que plusieurs analystes et
éditorialistes. On n'a qu'à penser à ce qui a pu se lire
dans les journaux depuis deux semaines, dans La Presse, dans Le
Devoir ou dans Le Soleil, peu importe; tous les
éditorialistes, tous ceux qui ont fait l'analyse un peu en profondeur du
principe du projet de loi 34 en viennent à une même conclusion. Il
me semble que le ministre doit certes comprendre qu'il y a là un
message. Je pense que le ministre devrait être capable de comprendre
qu'il y a peut-être lieu de retourner faire ses devoirs.
L'autre chose qui est encore plus fondamentale, plus importante, c'est
le geste posé par le gouvernement, à savoir: nous allons
intervenir, en tant que gouvernement, en tant qu'État, donc nous allons
étatiser et nous allons prendre le contrôle. La nationalisation a
souvent été décriée par le présent
gouvernement tout comme l'ensemble des gestes posés par le
précédent gouvernement, par le Parti québécois.
Cela me surprend quelque peu. Vous vous souviendrez que, d'une part, j'ai
été le critique en matière de privatisation, le critique
du ministre délégué à la Privatisation, le ministre
Fortier. Ce ministre s'est fait fort, pendant deux ans et demi, d'expliquer
à l'Assemblée nationale et à la population du
Québec qu'il était important pour ce gouvernement, dans ses
fonctions, dans sa vision, dans sa façon de voir les choses, que
l'État se retire et qu'on laisse la place à l'entreprise
privée. Je veux bien qu'on laisse de la place à l'entreprise
privée, je veux bien qu'on s'ingère le moins possible, mais je
pense que la position que nous avons toujours défendue de ce
côté-ci, c'est de dire: Attention, il y a sûrement des cas
où l'État doit continuer d'intervenir. (21 h 10)
II y a sûrement des endroits, des services essentiels qui doivent
être fournis, et là, on doit parler peut-être beaucoup plus
d'une formule mixte. C'est toujours ce qui a été défendu
de ce côté-ci. Mais de l'autre côté, le gouvernement,
le Parti libéral a été très clair, très
tranché là-dessus: Nous allons vers la privatisation. Plusieurs
gestes ont été posés depuis deux ans et demi, des gestes,
à mon avis, graves et importants, parmi lesquels des services à
la population... On n'a qu'à penser à des services aux citoyens,
de transport, par exemple, on n'a qu'à penser à Quebecair. On me
dira, bien sûr: C'était déficitaire. Mais allons donc voir
ce qui va se passer dans le service ambulancier. Ce qui est
incompréhensible, ce qui est inadmissible, ce qui est irrecevable, c'est
que tout d'un coup, nous sentons une volte-face. Peut-être qu'on devrait,
de ce côté-ci, se réjouir de voir que le gouvernement, du
moins le ministre délégué à la Santé et aux
Services sociaux a compris qu'il y avait des gestes à poser.
Je me demande comment son collègue, le président du
Conseil du trésor, réagit face au projet de loi 34. Je me demande
si quelques-uns des collègues du ministre ne lui ont pas passé
quelques messages puisque toute leur philosophie, toute la base de l'approche
qu'ils ont eue en tant que gouvernement, laquelle n'était pas en accord
parce que c'était une approche très rangée vers
l'entreprise privée, aujourd'hui, le ministre fait exactement l'inverse.
J'avais cru comprendre, au cours de la dernière année, qu'il y
avait eu une erreur de parcours, c'est-à-dire que le ministre de
l'Industrie et du Commerce avait procédé à une
nationalisation quand il a décidé lui-même de se porter
acquéreur des chantiers maritimes parce que c'était important,
disait-on, pour sauver des emplois de s'assurer que... On sait ce qui est
arrivé par la suite, cela a été une erreur monumentale
puisque le Québec a perdu tous ses contrats.
Mais un premier geste avait été posé et j'avais
dit, à ce moment-là: Je pense que ce gouvernement n'est pas
cohérent. D'une part, il agit en disant: Nous retournons ces services
à l'entreprise privée et, d'un autre côté, on avait
un gouvernement qui posait un geste exactement à l'inverse, et on l'a vu
une première fois dans le cas de l'étatisation des chantiers
maritimes.
Voici un deuxième geste, et c'est un geste important puisqu'il
s'agit des services ambulanciers et des services qui touchent la population. On
parle particulièrement, dans le projet de loi, de la grande
région de Montréal. Mais comment le ministre, porteur de ce
projet de loi 34, peut-il agir de cette façon? Il pourrait
peut-être, s'il étart placé dans une situation d'urgence -
c'est le cas de dire qu'on est à Urgences-santé - où il
n'aurait pas d'autre choix, pour assurer les services, que de faire intervenir
l'État. Je pourrais comprendre parce que, en soi, il y a peut-être
là un fond qui a du sens. Mais ce qui est inacceptable, c'est qu'on
n'est pas dans une situation d'urgence, on n'est pas dans une situation
où le ministre devrait agir de cette façon. C'est là qu'on
va exactement à l'inverse de tout ce qui a été dit par le
gouvernement depuis deux ans et demi.
C'est un bel exemple du fait qu'on administre avec une petite vision et
qu'on administre à la petite semaine. J'ai l'impression que si le
ministre délégué à la Santé et aux Services
sociaux, qui agit de cette façon, avait pris soin de regarder le
problème dans son ensemble, avait pris soin de regarder les
différentes solutions... Des alternatives lui ont été
soumises dans différents rapports. On n'a qu'à penser au rapport
Forget qui a été déposé en novembre 1987 et
à d'autres rapports qui pouvaient éclairer le ministre sur
d'autres solutions. Mais non, le ministre a décidé d'agir de
façon ponctuelle dans le cas du dossier des services ambulanciers dans
la région de Montréal. C'est une nouvelle approche, c'est un
gouvernement qui a décidé de venir jouer un rôle dans des
services essentiels Pourtant, c'est ce que le Parti québécois a
souvent prêché, qu'on se doit d'intervenir dans certains cas.
Alors, peut-être que, ce soir, je devrais me réjouir et
dire au ministre que, finalement, il a compris qu'il fallait intervenir dans
certains cas. Mais là, qu'il intervienne, qu'il fasse une
étatisation du service ambulancier - on pourrait être d'accord ou
en désaccord - cela va beaucoup plus loin que cela. Le projet de loi 34
va dans le sens qu'il crée un peu deux catégories de citoyens. Il
y aura ceux qui seront desservis pour la région de Montréal ou la
grande région de Montréal ou la périphérie et il y
aura le reste du Québec. Or, je ne pense pas que les citoyens du
Québec devraient être traités comme étant deux
catégories de citoyens.
Parce qu'il y a eu des pressions importantes de faites par le syndicat
quant au service des ambulances dans la région de Montréal, on
règle ce problème de façon ponctuelle en faisant
intervenir le gouvernement. On crée une corporation. On fait en sorte
que, dorénavant, non pas dans tout le Québec, mais dans la
région de Montréal, lorsque ce projet de loi sera adopté,
le service sera étatisé. Mais qu'est-ce qui arrive donc, Mme la
Présidente, du service ambulancier dans les autres régions du
Québec, ici même à Québec? Je pense que tout le
monde sera d'accord pour dire que, dans l'ensemble des régions du
Québec, le service est relativement pourri. Le service est relativement
mauvais parce que les gens ont à attendre et, parfois, dans ce
sens-là, cela cause de sérieux préjudices.
Dans la région de Montréal, justement dans cette
région où il y a un achalandage important, je pense
qu'Urgences-santé a reçu une cote - comme le disait un des
éditorialistes: Une cote A1. C'est-à-dire qu'on peut lui
décerner une très bonne cote pour les services. Bien sûr
qu'il y a eu des problèmes depuis 1984. Mais je pense qu'on
n'était pas rendu à la solution dite ultime: on n'a pas le choix,
on agit, on fait intervenir le gouvernement. Je pense que c'est un
sérieux précédent qu'on est en train de créer. Ce
que le ministre est en train de faire, c'est d'ouvrir la porte à quelque
chose d'excessivement dangereux. Lorsque, pour des raisons quelconques, afin
d'assurer des emplois, les syndicats feront des pressions dans d'autres
domaines, dans d'autres services dits essentiels, on donnera l'exemple de ce
qui s'est passé dans le service ambulancier. Et je pense que le ministre
devrait être conscient de l'ouverture qu'il est à créer, du
précédent qu'il est à créer, dans ce cas
particulier avec ce gouvernement particulier.
Perce que, jusqu'à maintenant, on est allé exactement
à l'inverse, y compris le premier ministre du Québec. Pas plus
tard qu'il y a quelques semaines, devant le conseil d'administration de la
Chambre de commerce du Québec, le premier ministre a parlé devant
ces gens d'affaires qui demandaient beaucoup de privatisation, qui demandaient,
le domaine des services de la santé, de remettre l'administration des
hôpitaux, de remettre plusieurs sociétés, organismes qui
oeuvrent dans ce domaine et qui sont gouvernementaux ou paragouvernementaux,
entre les mains de l'entreprise privée parce qu'ils voulaient jouer leur
rôle, disaient-ils. Et, qu'est-ce que le premier ministre a dit face
à cela? Écoutez, on fera quelques expériences pour
privatiser certains secteurs. Des expériences pilotes, disait-il. Et
là, je trouve cela dangereux, mais c'est ce que le premier ministre a
annoncé.
Quelques semaines plus tard, le 2 mars, le ministre
délégué à la Famille et aux Services sociaux
faisait exactement le contraire, non pas une expérience pilote de
privatisation de certains services dans le domaine de la santé, mais une
expérience pilote dans le sens contraire, une expérience pilote
de nationalisation. Comment peut-on être considéré comme
sérieux? Comment peut-on être cohérent? (21 h 20)
Mme la Présidente, certains éditorialistes comme Jean
Francoeur du journal Le Devoir titrait, le jeudi 19 mai, il y a à
peine deux ou trois semaines: "Reddition humiliante." Ce que Jean Francoeur
rapporte dans cet editorial, c'est qu'effectivement, le ministre a
succombé à des pressions, que le projet de loi 34 n'est qu'une
reddition sans honneur de la part du ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux.
"À sa première initiative importante, c'est un geste humiliant
dont la seule rationalité tient dans le proverbe: Qui veut noyer son
chien dit qu'il a la rage." On a pu lire d'autres éditoriaux. Entre
autres, le 21 mai, dans La Presse, Pierre Vennat dit les choses
exactement dans le même sens. Et pourtant, je pense que Pierre Vennat a
généralement le sens de donner les deux côtés de la
médaille, est capable de donner les deux poids et les deux mesures. Dans
ce sens-là, il ne comprend pas comment le premier ministre et ce
ministre porteur du projet de loi 34 peuvent agir actuellement en allant dans
un sens contraire à toute l'approche qu'ils ont défendue ces
dernières années.
Le ministre avait d'autres options qui auraient certainement pu
être abordées. Cela aurait été fort
compliqué, je le conçois, mais je pense que la moindre des
choses, surtout parce qu'on ouvre une porte importante, une nouvelle approche,
c'est qu'il y ait eu un débat public. L'important aurait
été et serait encore que le ministre, à moins qu'il ne se
soit commis absolument, puisse retirer son projet de loi et mener une
consultation très large des différents intervenants afin
d'envisager non pas une solution qui soit vraiment sporadique, une solution qui
touche une région donnée, même si c'est une région
importante, même si je fais partie de cette grande région de
Montréal... Je pense que le ministre aurait dû, et ce serait tout
à son honneur, envisager une solution globale. Cela me fait un peu
penser à des dossiers connexes où le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux a annoncé ou fait annoncer par le ministre des
Finances quelques mesures concernant la politique familiale, des mesures
dites incitatives, mais des mesures qui ne touchent que quelques
secteurs, que quelques morceaux, et il ne nous a pas encore
présenté toute cette politique familiale.
Je ne demande pas mieux qu'on nous annonce des choses à la
pièce pour autant qu'elles suivent l'énoncé d'une grande
politique globale afin qu'on sache exactement où on s'en va. Ce qui est
inconcevable, comme dans la politique familiale, où on n'a pas eu
l'énoncé global, on n'a pas su vers quoi l'ensemble du
gouvernement veut se diriger et ce qu'il veut favoriser, c'est qu'on ne l'a pas
plus actuellement dans le domaine des services de santé et de services
sociaux. Si le ministre avait été capable de faire ses devoirs,
on serait aujourd'hui devant une décision qui serait d'adopter un projet
de loi qui donnerait suite à un ensemble. Ce serait un morceau parmi
tant d'autres qui sont à venir, et, dans ce sens-là, on pourrait
comprendre où s'en va le ministre. Mais il s'en va en sens contraire du
trafic, c'est-à-dire cela va exactement dans le sens contraire de ce que
le gouvernement nous a prêché depuis deux ans et demi. Comment le
ministre qui a fait le rapport Gobeil et le ministre porteur du rapport sur la
privatisation, qui s'appelait le rapport Fortier, peuvent-ils aujourd'hui se
considérer capables d'aller exactement à l'inverse de ce qui a
été prêché il y a un an, il y a un an et demi, il y
a deux ans? Dans ce sens-là, M. le Président, je porterai aussi
à votre attention les propos de Jean-Paul Gagné dans le journal
Les Affaires du 28 mai dernier, soit la semaine dernière. Je me
souviens que M. Gagné, quand il a fait une analyse du discours sur le
budget du ministre des Finances, a été très
élogieux. Il a été très gentil envers le ministre
des Finances et le gouvernement en disant: Voilà un budget. Il avait mis
beaucoup d'encensement sans être capable peut-être d'aller un peu
plus dans les détails, en profondeur. Mais je pense que c'était
notre rôle à nous. Ce même M. Gagné, ce même
personnage qui a louange le gouvernement sur le fameux budget qui a
été prononcé le mois dernier, dit aujourd'hui: "Une
étatisation injustifiée." Cela ne doit pas être que tous
ces gens-là, que nous de ce côté-ci et sûrement
d'autres collègues de l'autre côté, on est tous à
côté de la "track", on est tous à côté avec
une mauvaise vision des choses et qu'il n'y a que le ministre qui a la bonne.
Dans le fond, M. Gagné conclut en disant que la raison pour laquelle on
en est arrivé là, c'est parce que le ministre a voulu acheter la
paix syndicale. Si c'est ça, M. le Président, je suis
drôlement inquiet.
Je ne comprends pas comment le Conseil des ministres - le ministre peut
avoir pris une tangente, il peut avoir subi des pressions et avoir voulu
régler rapidement un cas - je ne comprends pas comment ses autres
collègues du Conseil des ministres, et particulièrement le
premier ministre, peuvent actuellement appuyer le ministre dans son action.
Pourquoi le premier ministre ne le rappelle-t-il pas à l'ordre et ne lui
demande-t-il pas de refaire son devoir? Je pense que d'autres ministres l'ont
fait, particulièrement le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu qui a dû refaire ses devoirs à
quelques reprises; ses devoirs; il est encore en train de les refaire
actuellement. Ce ne serait pas honteux si le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux retirait son projet de loi - il n'est pas trop tard - s'il
se faisait entendre et négociait, pour juillet prochain, avec les gens
du syndicat pour être sûr que, lorsqu'il posera un geste, s'il a
à poser un geste, il ait pris tout en considération, y compris,
entre autres, une formule de dédommagement pour ceux qui seront
étatisés.
Dans ce sens-là, M. le Président, et je conclus
là-dessus, je pense que le ministre délégué
à la Famille, à la Santé et aux Services sociaux pourra en
sortir grandi. S'il s'entête dans la formule qu'il envisage actuellement,
je pense qu'il fait fausse route et, de ce côté-ci, on aura
beaucoup de difficulté à dire oui à ce projet de loi.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Nous allons maintenant poursuivre le
débat avec l'intervention de M. le député de
Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Merci, M. le Président. Nous nous trouvons
devant un drôle de gouvernement qui a liquidé et privatisé
les principaux instruments de développement économique du
Québec, qu'il s'agisse du domaine de l'alimentation, du domaine minier,
du domaine des forêts ou de la transformation du bois, etc. En retour,
nous avons vu la nationalisation d'un centre commercial à Charlesbourg,
l'Atrium, et, aujourd'hui, nous voyons la proposition de la nationalisation du
service d'ambulances de la région de Montréal.
J'ai la nette impression, M. le Président, que les grands
conseillers du gouvernement, ces bénévoles, ces banquiers qui
conseillaient le gouvernement, ou bien ne conseillent plus le gouvernement ou
bien le comité a perdu les pédales s'il a conseillé le
ministre. Ces grands banquiers qui disaient qu'il fallait, imaginez-vous, faire
disparaître le Comité de surveillance des étalons qui
coûtait 2000 $ par année, n'auraient sûrement pas
conseillé au gouvernement de nationaliser l'Atrium, un centre commercial
de Charlesbourg, au fort prix de 11 000 000 $, à moins que cela n'ait
réglé des problèmes des amis financiers,
propriétaires d'un centre commercial qui ne marchait pas. Aujourd'hui,
on se retrouve devant un projet de loi pour nationaliser un service
d'ambulances à Montréal. Je dois vous dire, M. le
Président, que je cherche la logique et j'ai l'impression qu'il s'agit
d'une nouvelle théorie économique. Évidemment, je n'ai
pas encore lu les propos d'Alain Dubuc concernant ce projet, mais il
s'agit sûrement d'une nouvelle théorie économique où
les deux principaux volets de la nationalisation du gouvernement sont un centre
commercial et un service d'ambulances. Je ne vois pas trop la perspective de
développement économique qu'entend suivre le gouvernement. (21 h
30)
J'ai vu, dans les journaux, des articles qui, habituellement, inspirent
les orateurs du Parti libéral. Mon collègue de Bertrand
référait au journal Les Affaires où un editorial de
M. Jean-Paul Gagné dit: 'Transport ambulancier, étatisation
injustifiée." M. le Président, c'est écrit ici.
Et le député de Beauce-Sud, champion de la privatisation,
ne comprenait pas que dans le secteur des pêches une entreprise puisse
avoir une participation du gouvernement. Maintenant, il veut nationaliser un
service d'ambulances à Montréal. Les commentaires, les propos du
journal Les Affaires, ne semblent plus l'inquiéter, lui qui
disait avec son autre collègue qu'il fallait diriger le gouvernement
comme une "business", comme une entreprise. Aujourd'hui, il veut nationaliser
un service d'ambulances. On ne le comprend plus.
On voit également, dans le journal Le Devoir un article du
mois de juin, sous la plume de Mme Rowan, qui dit: "Les infirmières
d'Ur-gences-santé ont peur de disparaître avec la
réorganisation du service." Vous comprendrez que les infirmières
dans un service d'ambulances ont un certain rôle à jouer. Elles
craignent la solution du ministre.
On voit l'éditorialiste du Devoir, M. Fran-coeur, qui dit
à l'égard du ministre: "Reddition humiliante", que le ministre a
paniqué. Le ministre n'est pas habitué à faire affaire
à Montréal. Là, il s'est trouvé devant un syndicat
militant un peu et il a dit: Ouf! La panique l'a pris et il a
décidé de proposer de nationaliser le service. C'est pourquoi
l'éditorialiste du Devoir parle d'une reddition humiliante parce
qu'il reste estomaqué de voir la solution qu'a adoptée le
ministre. Il dit même, et il ne mâche pas ses mots: "À
côté de ça, les Thermopyles n'étaient qu'un jeu
d'enfants. Et Léonidas peut aller se rhabiller." Pourquoi? Parce qu'il
se rend bien compte que cela n'a pas de bon sens.
Le journal La Presse. On voit l'éditorial de M. Vennat qui
dit: "Ambulances, s'il vous plaît." Lui aussi est estomaqué. Il
dit qu'il n'y a pas eu de débat public. Le débat public n'a pas
eu lieu. Le ministre, autrefois temporairement aux Pêcheries, qui aura
réussi à faire disparaître la moitié de son
budget... De 40 000 000 $, il est passé à 20 000 000 $ en
l'espace de deux ans. Il se demandait pourquoi on exigeait de l'asphalte ou du
gazon coupé autour des usines. Il n'est pas parvenu à comprendre
cela en l'espace de deux ans, ne sachant pas que dans les hautes herbes qui
entourent les usines se ramasse habituellement la vermine. Il n'a pas
réussi à comprendre ce que voulait dire l'hygiène
alimentaire. Maintenant, il est rendu dans les ambulances et la politique
familiale.
Encore là, il est incapable de faire des consultations
appropriées. L'éditorialiste de La Presse dit que toutes
ces acceptions auraient nécessité un débat public. On ne
décide pas de créer ainsi un nouveau service d'État en
catastrophe.
M. le Président, cela commence à faire du monde. On se
rend compte qu'il a tellement paniqué que l'ex-conseiller syndical des
ambulanciers a été engagé pour la nouvelle corporation
avant même que la loi soit votée. Imaginez-vous, M. le
Président! Normalement, avant l'adoption d'une loi, on n'a pas le droit
d'engager aucune dépense. Le ministre n'a même pas le droit de se
servir des fonctionnaires pour faire la loi, pour l'aider dans la vente de la
loi ou l'explication de celle-ci parce que la loi est devant le Parlement et
l'administration ne peut pas être saisie de la loi avant qu'elle soit
adoptée. Évidemment, le ministre qui administre comme une
"business", s'est pensé dans son commerce où il pouvait faire ce
qu'il voulait.
Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne dans l'administration
publique. Des règles doivent être respectées et on ne peut
pas se comporter comme si une loi avait été adoptée alors
qu'elle vient d'être déposée et qu'elle est encore en
débat devant l'Assemblée nationale et que le principe n'a
même pas été adopté. On ne peut pas engager de
dépenses. M. le Président, on est estomaqués.
On voit ici maintenant, encore dans Le Devoir, que les
propriétaires d'ambulances tentent de saisir la logique de leur nouveau
statut mais n'y comprennent rien. Comprenez-vous? Les infirmières ne
sont pas d'accord. Les propriétaires d'ambulances ne sont pas d'accord;
ils ne savent pas ce qui leur arrive. Tous les commentateurs se posent des
questions et ne comprennent pas ce qui arrive, ne comprennent pas le ministre.
Le ministre, lui, a l'air sur le pilote automatique. Je comprends un peu ce qui
est arrivé. Le ministre est allé aux Pêches où il a
fait une loi inutile sur la transformation des produits marins alors qu'il sait
qu'il n'a aucun contrôle sur la vente du poisson par les pêcheurs
qui ont pris le poisson parce qu'il n'a pas le contrôle sur les mers, il
n'a pas le contrôle sur les voyages des pêcheurs. Il a fait une loi
inutile et a continué malgré toutes les démonstrations qui
ont été faites à adopter son projet de loi qui ne sera
jamais appliqué.
Après cela, le ministre a été nommé à
la politique familiale. Et à la politique familiale, il a finalement
délivré une souris, un conseil, imaginez-vous! Alors que le
comité de privatisation des organismes avait fait en sorte d'essayer
d'abolir à peu près tous les conseils qui existaient au
gouvernement, que le Parti libéral a fait voter des projets de loi pour
abolir les conseils consultatifs, le ministre, comme seule
politique familiale, arrive avec un conseil consultatif.
Là, I comprend bien qu'il est en train de se peinturer, il est en train
de sentir que le monde ne le voit pas comme un ministre très efficace.
Devant le service ambulancier, il a paniqué: II a dit: Les gens vont
dire: Jamais deux sans trois. Ils ne comprendront pas si je ne bouge pas.
Devant la complexité du problème, devant son ignorance des
problèmes dans le domaine ambulancier à Montréal, il a
appliqué de lui-même une solution dans un projet de loi que
personne ne comprend.
M. le Président, il en arrivera à proposer
qu'il y ait deux services ambulanciers au Québec. Imaginez-vous! Un
service ambulancier à Montréal et un régime en dehors de
Montréal. Un service ambulancier nationalisé à
Montréal, connecté sur le fonds consolidé du revenu, avec
un syndicat très militant, et en dehors de Montréal, un service
privé, la privatisation va continuer, c'est-à-dire que les
services privés vont continuer. Peut-on imaginer une solution aussi
absurde? Le ministre ne s'est pas donné la peine de connaître ce
dossier, ne s'est pas donné la peine ou a eu peur de faire une
véritable concertation et de véritablement faire un bon
diagnostic. Il a paniqué et il propose aujourd'hui un projet de loi qui
n'a pas de sens.
On trouve d'ailleurs dans ce projet de loi toutes sortes
d'énoncés qui sont incompréhensibles. Je disais qu'on veut
créer deux services d'ambulances: un pour Montréal, un pour le
reste du Québec. C'est surprenant quand même pour un ministre qui
vient d'une région qui s'enorgueillit de ses entreprises privées,
un Beauceron, imaginez-vous, un Beauceron qui va proposer la nationalisation.
J'allais dire plus, mais le Président pourrait m'empêcher, mais je
vais oser: Un Dutil qui va être contre l'entreprise privée! M. le
Président, cela n'a pas de bon sens. Le ministre ne recommanderait pas
une telle solution pour ses propres entreprises. Je vois arriver le ministre de
la petite et de la moyenne entreprise qui pariait beaucoup plus quand il
était à la Chambre de commerce de Montréal que maintenant
qu'il est député en cette Chambre.
Il est entré, il était connu un peu. Dans le
Parlement, il n'était pas connu. Mais il ne parle pas. Le ministre va
sans doute dire qu'il va appuyer le service nationalisé d'ambulances
à Montréal, comme si l'entreprise privée n'était
pas capable d'être efficace à Montréal dans le domaine des
ambulances, comme si c'était seulement à la campagne qu'il
fallait avoir des entreprises privées dans le domaine ambulancier? Comme
s'il fallait créer deux régimes dans le service ambulancier. (21
h 40)
De plus, le ministre s'est donné des pouvoirs
incroyables. On voit que le ministre, qui n'est pas habitué à
fonctionner avec l'entreprise publique, essaie d'adopter des règles
d'entreprise privée. Il veut faire adopter une clause comme celle-ci:
Les contrats de location se font par soumissions publiques et la corporation
n'est pas obligée de retenir quelque soumission que ce soit. On comprend
que, dans un régime public, on n'est pas obligé de choisir la
soumission la plus basse. On n'établit pas dans le projet de loi qu'on
fait des soumissions, mais c'est comme s'il n'y en avait pas. Il y a une
différence entre le fait de dire qu'on fait faire des soumissions et
qu'on peut ne pas prendre la soumission la plus basse - c'est une chose - et
dire qu'on fait faire des soumissions et qu'après, on n'est lié
en aucune façon par les soumissions, on n'est pas obligé de
choisir la meilleure soumission ou quelque soumission que ce soit. Qu'est-ce
que c'est que cela? Un autre être hybride. Ou bien on adopte un
système d'entreprise privée ou bien on adopte un système
d'entreprise publique. Et dans un système d'entreprise publique, la
soumission, c'est la règle. Avec un régime de soumissions, il y a
un encadrement qui suit.
Le député de Beauce-Sud n'a pas fait ses devoirs.
Évidemment, avant de faire des devoirs, H faut acquérir la
formation. Lui qui s'est noyé dans la politique familiale est en train
de se noyer dans le service ambulancier maintenant. Cela n'a pas de bon sens
tout simplement. C'est pourquoi l'unanimité s'est faite contre le projet
de loi du ministre qui n'a pas de sens. C'est pourquoi ce projet de loi ne doit
pas être adopté. Le ministre doit réfléchir
là-dessus. Au contraire, il doit s'engager davantage à rencontrer
les gens qui sont touchés à Montréal pour régler le
problème, mais de façon efficace et ne pas prendre ce qu'il
appelait quand il faisait ses discours, des solutions de socialiste. Imaginez,
le député de Beauce-Sud, champion de l'entreprise privée,
héros de l'entreprise privée, qui, dans la première mesure
concrète qu'il veut adopter, veut nationaliser. Il est clair que le
ministre doit refaire ses devoirs, doit retravailler, doit aller consulter les
gens du milieu. Il ne peut pas arriver avec des régimes
complètement disparates d'un bout à l'autre du Québec et,
en même temps, se donner des pouvoirs considérables concernant ce
qu'il va accepter par la suite.
Dans son projet, le ministre se donne différents types de
pouvoirs en se donnant des marges de manoeuvre arbitraires en fonction de ce
qu'il pourra faire éventuellement. Cela n'est pas normal par rapport aux
zones limitrophes. On ne peut pas créer des régimes comme
celui-là sans créer de l'insatisfaction partout et, surtout,
créer de la dissension et de la chicane. Je pensais que le ministre
aurait été plus soucieux du consensus social, parce que le
transport ambulancier n'est pas un service comme un autre, c'est un service
essentiel. Comme tous les services essentiels, il ne doit pas être
traité à la légère comme le fait le ministre
actuellement. Les soins apportés au malade avant son admission à
l'hôpital sont aussi sinon plus importants que ceux qu'il recevra par la
suite, parce que tout le monde sait, par exemple, que, pour les crises
cardiaques, c'est dans la première demi-heure que
cela se joue, que si on n'a pas été capable d'offrir les
services adéquats dans la première demi-heure, un grand nombre de
patients n'iront pas plus loin et ne se rendront même pas à
l'hôpital. C'est pourquoi les services ambulanciers ne sont pas des
services qu'on peut traiter légèrement.
De plus, les propriétaires prétendent que la
réforme aura comme conséquence une augmentation des coûts
du système. Actuellement, on parle d'un coût du système de
24 000 000 $, à Montréal et il pourrait augmenter à plus
de 50 000 000 $. Il ne s'agit pas de choses incohérentes. J'ai un peu
été surpris, M. le Président, que le premier ministre
nomme le député de Beauce-Sud, qui a bien réussi comme
commerçant, mais...
Une voix: Dans le domaine des bicycles.
M. Garon: ...dans le domaine de la bicyclette; on dit même
qu'il aurait inventé un dérailleur automatique. Par ailleurs, je
me serais beaucoup plus attendu que le premier ministre nomme le ministre qu'il
a nommé, qu'il a "appointé" à la loi 101...
Une voix: "Appointé"!
M. Garon: ...ou qu'il a nommé à la 101, comme
responsable de la loi 101...
Une voix: Parce que lui déraille.
M. Garon: Je dis "appointé" pour que le nouveau ministre
comprenne mieux.
Une voix: C'est cela. Des voix: Ah!
M. Garon: Comprenez-vous. Je dirai que ce ministre, qui s'est
signalé sous l'ancien gouvernement, comme le sous-ministre responsable
des urgences dans les hôpitaux - on a vu avec quel succès!...
Une voix: II a fermé les urgences.
M. Garon: ...aurait peut-être été le ministre
qui aurait pu servir, si le premier ministre avait confiance en lui, la
politique sur les services ambulanciers. Mais non! C'est le ministre qui a
établi le chaos dans les services d'urgence. Le premier ministre n'a pas
jugé bon de le nommer aux ambulances, mais de nommer le
député de Beauce-Sud qui aurait été beaucoup mieux
dans un autre ministère, plus rapproché du domaine du commerce.
Les services ambulanciers, ce n'est pas un commerce; ce n'est pas le commerce
des malades. Au contraire, c'est un service essentiel qui doit être
traité comme un service essentiel. C'est pourquoi nous ne pouvons pas
laisser passer un projet de loi comme celui-là qui crée un
être hybride qui ne survivra pas, mais qui va créer des
dissensions, des chicanes au Québec et qui va faire créer un
service qui ne fonctionnera pas à Montréal.
Il faut que le gouvernement trouve des solutions plus adaptées.
C'est pourquoi ce n'est pas le temps, en fin de session, en catastrophe,
d'adopter un projet de loi qui n'est pas bon, qui a été mal fait
parce qu'il a été mal conçu. Je vous remercie, M. le
Président
Le Vice-Président: Je vais maintenant céder la
parole à M. le député de Dubuc.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci, M. le Président Le projet de loi 34,
que le ministre de la santé nous présente vise, comme c'est
normal, à régler une situation ou à apporter une
amélioration à une situation existante, au Québec.
Je pense qu'il est inutile de rappeler qu'il y a, effectivement, des
problèmes dans le système ambulancier au Québec, tout
particulièrement à Montréal. On se rappelle les situations
conflictuelles qui se sont révélées au fil des mois. La
présentation de ce projet de loi de la part du ministre devait donner
lieu à une toute nouvelle politique, à une nouvelle orientation
du système ambulancier du Québec. Elle s'avère, à
toutes fins utiles, un cataplasme sur une jambe de bois et un soi-disant bien
qui va empirer le mal ou, en tout cas, qui va créer au Québec au
moins deux catégories de citoyens dans le domaine du service
ambulancier. Chez nous, dans la région du Saguenay - Lac-Saint-Jean,
comme dans les autres régions du Québec, on attendait et on
espérait; les ambulanciers avaient aussi présenté au
ministre et au gouvernement des propositions en vue d'assurer ou
d'améliorer le service et de faire corriger un peu partout au
Québec la situation qui prévalait dans ce secteur. (21 h 50)
Une chose est importante. On constate vite, à la lecture du
projet de loi 34 que, finalement, ce projet de loi n'assurera en aucune
façon le maintien du système d'intervention médicale
d'urgence tel qu'il existe présentement à Urgences-santé.
On se rend compte que, finalement, ce projet de loi ne vient que
répondre ou, comme le soulignait M. Jean Francoeur, dans un article du
Devoir du 19 mai, ce projet de loi ne vient que démontrer que ce
gouvernement, en particulier le ministre responsable du service ambulancier,
fait une reddition humiliante, comme le titrait le Devoir du 19 mai,
devant une situation conflictuelle qui a été créée
par un organisme syndical. Pour éviter d'avoir à prendre le temps
de trouver, avec l'ensemble des usagers du secteur, des solutions
véritables aux problèmes qu'on vivait dans la région de
Montréal en particulier, il faut bien l'admettre, le ministre a
plutôt conclu très rapidement que la façon de régler
pour ne pas avoir à affronter les situations, pour
ne pas avoir à crever l'abcès et régler de
façon définitive et à l'avantage de la population la
situation du service ambulancier, comme le soulignait d'ailleurs un autre
journaliste, c'était d'agir comme si un syndicat avait
véritablement rédigé ce projet de loi.
Justement, on retrouve dans ce projet de loi la formation du conseil
d'administration, sur lequel on retrouve un p.-d.g. qui était un des
principaux membres du Regroupement des techniciens ambulanciers du
Québec, le RETAQ. Ce même monsieur se retrouve p.-d.g. - c'est la
première fois que cette situation existe dans des organismes de cette
nature - il a été embauché, il est déjà en
poste. Le chef parlementaire du Parti québécois l'a
soulevé ici même, à l'Assemblée nationale, lors de
la période de questions, et même si le ministre n'a pas voulu
répondre clairement à ses questions, tout le monde sait que ce
p.-d.g. est embauché, on peut pratiquement dire de façon
illégale puisqu'il occupe une fonction qui est prévue dans un
projet de loi - non pas dans une loi - dont nous sommes actuellement en train
d'étudier le principe. C'est donc un poste qui n'existe pas, en soi,
jusqu'à ce que la loi le créant soit adoptée à
l'Assemblée nationale. C'est là un autre accroc à notre
système parlementaire démocratique que le ministre
délégué à la Santé et aux Services sociaux
vient de faire.
Ce même p.-d.g. prétendait justement, lorsqu'il faisait de
l'action syndicale, que si les techniciennes et les techniciens ambulanciers
ont posé comme objectif l'étatisation des services hospitaliers,
c'est qu'ils voulaient justement briser la logique inhérente à la
propriété privée: le profit. Selon lui, ils aspiraient
à lui substituer une logique différente, mieux adaptée au
travail qu'ils sont appelés à accomplir et qui, somme toute,
demeure encore la préoccupation principale des services publics au
Québec: la quantité, la qualité et l'efficience. Ce
même p.-d.g. qui, deux ou trois jours après sa nomination, se
présentait à nouveau, comme syndiqué cette fois-ci, devant
l'assemblée générale spéciale qui avait
été convoquée par son syndicat. À l'ordre du jour
de l'assemblée générale spéciale ainsi
convoquée, on le retrouve très bien: Invité
spécial, le directeur de l'organisme sans but lucratif. Période
de questions au p.-d.g. Donc une situation tout à fait...
Une voix: Alarmante.
M. Desbiens: ...alarmante, oui c'est bien le mot, pour la
population, non seulement pour la population et les usagers, mais aussi, je
pense, pour les autres parties au service ambulancier. Parce qu'il y a aussi
d'autres personnes actives qui oeuvrent dans ce domaine-là. Pensons
seulement à ce qui peut arriver aux infirmiers et infirmières. On
sait que les infirmières font actuellement un travail de tri qui fait
que, par leurs connaissances médicales, elles peuvent, lorsque quelqu'un
en difficulté appelle, repérer s'il y a nécessité
ou pas, s'il y a un moyen autre que l'hospitalisation, s'il y a un moyen autre
que l'ambulance pour transporter un malade. Alors le système de tri par
des infirmières compétentes était une façon, en
soi, d'éliminer une partie des coûts qui sont
nécessairement reliés au transport ambulancier, par le fait
d'aller chercher les malades pour les conduire à un hôpital ou
à un autre. Mais aussi, je pense que cela permettait... C'est
peut-être plus grave en soi. Si les ambulanciers, dès qu'ils ont
un appel, se dirigent avec les ambulances pour répondre aux multiples
demandes qu'ils ont chaque jour, il pourrait se retrouver des situations aussi
critiques qu'un manque d'ambulances et de voitures. De sorte que, pendant que
toutes les voitures seraient parties pour des cas qui n'auraient
peut-être pas nécessité un transport ambulancier, des cas
véritablement critiques pourraient se produire et on se retrouverait
dans l'impossibilité de pouvoir leur rendre les services que leur
situation exige. Alors il y a toute cette partie-là aussi du projet de
loi qui est en cause ici.
De plus, on sait que ce gouvernement, depuis qu'il est en poste, a
prôné - on se souvient très bien des fameux rapports des
sages - la privatisation. Or, par ce projet de loi, le ministre se lance dans
une privatisation et une privatisation toute croche, une moitié de
privatisation, une privatisation qui va être bonne selon lui pour...
Excusez-moi. Nationalisation, c'est bien cela que j'avais à l'esprit.
Donc, il se lance dans la nationalisation et il le fait de façon toute
croche c'est-à-dire que dans une partie où encore il
considère... Et cela est pensable aussi puisque ce
gouvernement-là, depuis ses débuts, a démontré
très clairement dans une foule de secteurs que, pour lui, il y avait
deux sortes de Québec. Un Québec qui s'appelle Montréal,
la grande ville, la périphérie, la grande région et un
Québec qui s'appelle les régions périphériques et
qui, elles... Selon leurs actions surtout bien plus que leurs paroles ou
contrairement à leurs paroles parce qu'ils parlent des régions
périphériques comme étant une de leur priorité,
leurs actions et cela en est une supplémentaire, je pense que ce projet
de loi du ministre vient contredire leur langage. C'est-à-dire que
là, il essaie de cette façon tout à fait incongrue de
régler une situation à Montréal en agissant sous le
chantage d'un syndicat, par une nationalisation et une nationalisation
incomplète, parce que, encore là, les propriétaires
d'ambulances, de voitures, la tôle, vont rester avec leur tôle
entre les mains. Ils vont pouvoir, bien sûr, faire des soumissions pour
obtenir des contrats mais ils vont rester propriétaires. (22 heures)
C'est comme si, lorsqu'on a fait la nationalisation de
l'électricité, on avait laissé les poteaux et les lignes
téléphoniques à ia Shawini-gan Water and Power et on avait
dit: Soumissionnez à Hydro-Québec et on va vous louer ou
on va vous payer vos lignes et vos poteaux téléphoniques.
C'est une nationalisation incomplète en ce sens donc, qu'elle ne couvre
qu'une région et délaisse les autres régions du
Québec, l'ensemble des régions périphériques. C'est
aussi une nationalisation incomplète en ce sens qu'elle laisse la
tôle aux propriétaires d'ambulances qui n'ont aucun recours, qui
n'ont aucune compensation non plus puisqu'on les lèse
nécessairement en agissant de la sorte. Ils n'ont aucune compensation
pour l'entreprise qu'ils possédaient, qu'ils avaient
développée, qu'ils avaient mise au service de la population.
Donc, aucune compensation ne leur est assurée et, après quelque
temps, on sait que ces entrepreneurs ambulanciers privés devront se
retrouver avec leur tôle, Gros-Jean comme devant, mais sans n'avoir pu
retirer aucun bénéfice ni même pu être
compensés pour les pertes qu'ils devront subir.
Quand on parle de nationalisation, il y a un principe minimal
d'équité qui doit être respecté et qui ne semble pas
l'être par ce projet de loi 34. Encore une fois, ce qui est absolument
incroyable, c'est surtout, qu'on va se retrouver avec des gens qui vont
être des fonctionnaires du système ambulancier à
Montréal, payés sur une base de fonctionnaire et, dans nos
régions, ce seront des ambulanciers toujours au service d'entreprises,
de petites entreprises ambulancières et qui seront payés d'une
façon différente. Ce n'est certainement pas comme cela, lorsque
j'ai rencontré les ambulanciers dans mon comté, dans ma
région, qu'ils exprimaient leur volonté. Ce n'est pas du tout de
cette façon qu'ils entendaient que leur situation s'améliore.
Cela reviendrait à dire qu'un peu partout au Québec, dans ce
secteur-là en particulier, puisqu'on a le cas à l'étude,
c'est par des pressions, par des menaces, par du chantage, que les
gouvernements ou les membres élus de l'Assemblée nationale
doivent à l'avenir travailler, étudier, voter des projets de loi
et les mettre en application. L'administration publique au Québec, si on
se fie à ce projet de loi 34 sur les services ambulanciers, c'est
l'acceptation par ce gouvernement que n'importe qui au Québec, n'importe
quel groupe qui a le moindrement d'importance et de puissance ou qui a des
moyens de faire des pressions particulières, chantage ou autres, puisse
faire agir ce gouvernement-là de la façon dont ce groupe
particulier le voit pour son bien-être à lui, son petit groupe
à lui. Il peut forcer le gouvernement à agir dans le sens de ses
intérêts personnels, autrement dit, l'intérêt
corporatif ici au sens le plus restrictif possible du terme.
M. le Président, vous comprendrez que, dans ces conditions, le
Parti québécois ne va certainement pas voter pour un tel projet
de loi, d'autant plus que même la corporation sans but lucratif qui est
formée est constituée - c'est le dernier point que je voudrais
soulever - des employés mêmes du syndicat, mais que les
propriétaires n'ont pas de poste à ce conseil d'administration.
Les infirmières et infirmiers qui font partie du système
ambulancier n'ont aucun poste à ce conseil d'administration. C'est un
modèle tout à fait inédit. C'est un modèle tout
à fait nouveau que ce ministre vient de nous inventer. Il ne fait que
retarder par son projet de loi... Il ne pourra jamais fonctionner
véritablement pour donner un service que la population attend, mais un
service aussi, a ceux qui doivent le donner, à ceux qui doivent
l'exercer, c'est-à-dire aux employés touchés par ce type
de service, qui leur assure des moyens équitables de subsistance et de
fonctionnement dans le système pour qu'ils puissent dispenser à
la population les services ambulanciers auxquels elle s'attend au
Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président: Je vais céder la parole à
M. le député de Laviolette et leader adjoint de l'Opposition.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup
d'appréhension, quand la soirée a débuté à
20 heures, que j'attendais le discours du député de Sainte-Anne.
Je m'étais fait un scénario dans ma fête et je vais me
permettre de le refaire avec vous, puisque, comme moi, vous avez
été membre de la trente-deuxième législature.
J'étais à votre place comme vice-président et,
à notre place, c'étaient les membres du Parti libéral.
Vous les avez vus, comme moi, et si nous avions eu, comme gouvernement à
l'époque, à présenter un tel projet de loi, quel aurait
été le discours du député de Sainte-Anne, M. le
Président? Quel aurait été ce discours? Il serait venu ici
en cette Chambre en disant: à l'heure du souper, j'ai eu l'occasion de
discuter avec mon épouse et avec des gens de mon comté qui m'ont
appelé; je n'ai pas eu le temps de souper. Il fallait que je vienne dire
à cette Assemblée que ce projet de loi n'a pas de bon sens.
Je me mettais aussi dans cette ambiance en regardant le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche; quel discours il nous aurait fait!
Je me mettais à la place de l'actuel ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et député
de Brome-Missisquoi; quel discours il nous aurait fait! Quels
péchés d'Israël nous aurait-il mis sur le dos! Devant moi,
l'actuel ministre responsable de la Privatisation, alors que, de ce
côté-ci, il aurait été député; quel
discours il nous aurait fait! Il aurait déchiré sa chemise, il
nous aurait traités de tous les maux, m.o.t.s. et m.a.u.x., et là
je regarde l'actuel leader du gouvernement, député de Gatineau et
ministre du Tourisme. Ah! Il me fait signe que non, mais je sais, M. le
Président, et vous étiez aussi présent, quel discours il
aurait fait. Il nous aurait dit: Cela n'a pas de bon sens. Ce que vous avez
présenté devant l'Assemblée doit être rayé.
On doit faire disparaître ce
projet de loi qui n'aurait même jamais dû venir à
l'Assemblée nationale.
C'est le discours que ces gens nous auraient tenu. Là, ils nous
auraient demandé: Qu'êtes-vous en train de faire? Vous êtes
en train de nationaliser. Vous êtes en train de répondre à
vos amis, les syndiqués. Vous avez paniqué, nous auraient-ils
dit. Ah, je les entends.
J'ai eu l'occasion comme vous, M. le Président, de siéger
durant de nombreuses soirées et nuits, en période de fin de
session comme la nôtre, qu'on disait intensive dans le temps;
aujourd'hui, on pourrait, tout simplement, dire fin de session, parce que de
session intensive, il n'y en a pas. Ils n'ont pas de projets de loi. Ce qu'ils
nous proposent, ce sont des formules comme celles qu'on a connues la semaine
passée: des motions disant qu'il y a urgence de passer à autre
chose, d'appliquer d'autres règles et de nous bulldozer. Mais, sur le
reste, il n'y a pas grand-chose, mais sauf un projet de loi devant nous, qui
nous propose l'inverse de leur pensée.
Qu'est-ce qui s'est passé entre le moment - il y a peu de temps,
c'est-à-dire trois ans -où ils étaient dans l'Opposition
et le moment où ils sont arrivés au pouvoir? Avant ces
mêmes personnes nous ont dit: Privatisation, disparition des conseils
consultatifs, disparition des moyens pour permettre aux conseils consultatifs
qui demeureront d'agir. Jamais, au grand jamais de nationalisation. C'est ce
qu'ils nous ont dit durant la campagne électorale et, aujourd'hui, oh,
horreur! qu'est-ce qu'on entend? Ce sont eux qui viennent nous proposer la
nationalisation. Nationalisation toute croche, en plus, qui ne répond
pas aux besoins de l'ensemble des gens. Ils se font même, en termes
québécois, excusez l'expression, "blaster" par les gens qui sont
supposés représenter le Conseil du patronat, Ghislain Dufour en
particulier. Je n'en reviens pas. Je suis tout étonné. (22 h
10)
Et regardez le discours que le député de Sainte-Anne nous
a tenu tout à l'heure. Il n'a pas parlé de son épouse qui
l'avait appelé, il ne nous a pas parlé des gens qui l'ont
appelé à l'heure du souper. Il est simplement venu nous dire
qu'il avait un bon ministre, que le ministre connaissait tout et que ce bon
ministre avait décidé cela pour les besoins de la santé
publique. Il a commencé à larmoyer, à nous faire passer un
peu pour des gens qui ne pensaient pas à la santé publique. Puis,
H a essayé de nous dire que ce que le ministre présentait ce soir
s'appliquait à l'ensemble du Québec.
J'ai des petites nouvelles pour eux. On peut être en
désaccord. On n'a qu'à regarder ce qui s'est passé dans
l'histoire du Québec. Quand est arrivée la police, qu'on appelle
aujourd'hui la Sûreté du Québec, sinon à des moments
où des municipalités, devant des conflits, ne pouvaient plus
agir? Une décision a été prise et on a formé la
Sûreté du Québec qui est une police nationale.
Le transport en commun. À quel moment a-t-on commencé
à mettre en place le transport en commun? C'est quand il y a eu des
difficultés dans les grandes villes. À un moment donné, on
a essayé d'appliquer cela à tout le Québec. On
s'aperçoit que, dans certains cas, ce n'était peut-être pas
cela qui était nécessaire. Peut-être qu'une simple
régie aurait suffi plutôt qu'une Commission des transports. Et on
est arrivé avec des problèmes, des difficultés en cours de
route Et là, qu'est-ce qu'on voit? Un gouvernement qui décide,
dans ces circonstances, de couper les vivres et qui dit:
Débrouillez-vous maintenant.
Souvenez-vous, M. le Président - vous étiez jeune à
l'époque, oui, oui - que c'est Mme Claire Kirkland-Casgrain qui,
à un moment donné, sous le principe d'ouvrir la forêt au
Québec, avait décidé de créer ce que l'on a
appelé à l'époque des organisations sans but lucratif en
forêt. Je m'en souviens puisque ma région en est une où on
l'a fait. Qu'est-ce qu'on a fait? On a mis en marche des organismes qui n'ont
pas fonctionné. Quel a été le résultat? On ne
pouvait pas laisser libres des territoires pour des gens qui voulaient les
avoir. Alors, on a formé ce qu'on appelle des réserves. J'en ai
une chez moi, la réserve Saint-Maurice. Regardez l'histoire. Comment
sont arrivées les réserves? C'est parce qu'il y avait des
difficultés. On a paniqué, on a eu peur et on a fait des choses.
Encore aujourd'hui, on se pose des questions sur les besoins de ces
réserves. Le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche en
est responsable.
Qu'est-on en train de faire? On est en train de régler un
problème de relations du travail à Montréal en ne tenant
compte que d'une partie des gens concernés, c'est-à-dire les
techniciens ambulanciers au Québec. On oublie les infirmières, on
oublie les employeurs et on dit en fin de compte: Ce n'est pas grave, nous
avons décidé d'agir. Les gens disent qu'il faudrait que le
ministre comprenne. J'ai des nouvelles pour eux. Le ministre est un être
que j'ai connu en d'autres lieux, en commission parlementaire. Il est
têtu comme une mule. Ce qu'il a pensé, c'est fini. Il y a pas
autre chose après. Ce qu'on lui a donné comme ordre de la part du
bureau du premier ministre, c'est ce qu'il va faire. On va essayer de le
convaincre. Mais non, c'est quasiment peine perdue, M. le Président.
C'est une cause perdue d'avance. Le ministre sourit parce qu'il sait
très bien que j'ai raison. C'est un être têtu. Il a
décidé, pour répondre à des pressions, de faire
cela.
Quels sont les effets à long terme? C'est que dans ma propre
région les gens sont venus me voir. Certains m'ont dit, comme,
d'ailleurs, le député d'Abitibi-Ouest le dit, - et je pense que
je n'ai pas à cacher l'un ou l'autre - qu'ils seraient heureux, comme
syndiqués, de pouvoir profiter de ce qu'on appelle la locomotive de
Montréal. La locomotive de Montréal va donner des conditions de
travail, des conditions salariales telles que cela va se répercuter
ailleurs parce
que la pression va maintenant venir d'ailleurs. On dira: Ce que vous
avez fait à Montréal, faites-le chez nous.
En contre-partie, les employeurs vont dire: On n'est plus capables. Un
employeur est venu me voir, l'organisation Ambulance 12 12 chez nous, qui est
certainement allée voir le député de Saint-Maurice qui n'a
pas parlé ce soir de ces problèmes. Que nous disent ces gens? Ils
nous disent ceci: Je viens d'acheter une ambulance neuve. Cela vaut des
milliers et des milliers de dollars et je ne sais pas ce qui va m'arriver avec
la décision que le gouvernement vient de prendre parce que, dans ma
tête à moi, ce sont des gens qui étaient pour l'entreprise
privée. Aujourd'hui, je me retrouve devant un fait bien difficile
à accepter; après les avoir crus, je me sens dans la situation
où, en fin de compte, je vais peut-être perdre les sommes que j'ai
investies parce qu'on va non pas me nationaliser, mais louer ma tôle, mon
ambulance. On va me la louer, mais à quel prix, à quelles
conditions? Je ne le sais pas parce que ce n'est pas ce que le ministre va nous
dire dans le projet de loi. Il va nous dire: Écoutez, je règle un
problème à Montréal. Ce problème, il était
urgent qu'on le règle pour un système ambulancier qui
répond à des demandes pour l'ensemble des personnes en
difficulté et malades.
Mais quel remède de cheval est-on en train de nous faire avaler?
On veut régler un gros problème parce qu'on n'a pas le courage de
prendre les vraies décisions. On le règle comme cela et
après cela on verra. On verra quoi? On verra, donc, des pressions venir
de l'ensemble des régions. Et tout le monde le sait - M. le
Président, vous êtes certainement à même de le savoir
- à l'époque, des gens se plaignaient du système
ambulancier parce que cela se faisait dans bien des cas à partir de
salons funéraires. Les gens disaient: On n'a pas de services parce qu'il
y a un accident qui se produit ici et là et on attend finalement
quelqu'un qui va venir ramasser un mort plutôt qu'un blesse qui pourrait
être guéri à l'hôpital.
On a connu ces temps-là. C'est fini. Les systèmes dans le
Québec se sont perfectionnés. Les gens ont compris qu'il fallait
donner mieux et on a mis un système en place. J'ai des amis qui ont
travaillé pour des systèmes ambulanciers et qui sont allés
suivre les cours qui étaient prévus à l'époque. Et
parce qu'on est encore davantage allé vers du travail à temps
plein et du travail permanent, ils ont laissé la place à d'autres
personnes qui ont suivi d'autres cours et qui donnent aujourd'hui un service
convenable en régions. C'est sûr que ce n'est peut-être pas
parfait partout, mais c'est mieux que ce n'était. Qu'est-ce que le
ministre est en train de leur donner comme message? Nous, du temps de
l'Opposition et maintenant au pouvoir, nous avons toujours prôné
la privatisation. Parce que nous avons paniqué, parce que nous avons
cédé à des pressions, voilà que nous vous proposons
une étatisation qui n'est, malheureusement, pas complète;
étatisation d'un seul côté.
Dans ce sens, M. le Président, cela nous inquiète. Si
j'étais le seul à le dire, si j'étais, après tous
mes collègues, venu rajouter à ce qu'ils ont dit, sans nous baser
sur des écrits venant d'ailleurs, de gens qui, comme le disait le
député de Sainte-Anne, ne devraient pas faire de politique,
d'abord en parlant de nous, tout en en faisant lui, cependant... Je pense que
ces gens ont soumis des papiers nous indiquant qu'ils ne comprenaient pas le
geste du ministre délégué à la Famille, à la
Santé et aux Services sociaux. On en arrive, tout simplement, à
faire comme mes collègues l'ont dit à se faire l'écho de
gens qui disent que l'étatisation du transport ambulancier est
injustifiée; que les infirmières d'Urgen-ces-santé ont
peur de disparaître avec la réorganisation du service.
Le chef de l'Opposition a posé des questions précises au
ministre, mais on est dans un contexte où on sait que la majorité
va encore l'emporter avec la décision de fous qu'ils prennent.
Malgré tout cela, on va leur laisser la chance de prendre la
décision à un moment donné, parce que, faute de
combattants, la guerre arrête à un moment donné. Ou encore,
ce qui peut arriver dans le système qu'on connaît, c'est que le
leader du gouvernement, disant qu'il en a assez d'entendre parler de tout cela,
décide de faire une motion ici en cette Chambre pour suspendre les
règles, nous ramener en Chambre après discussion en commission
parlementaire et nous voir revenir ici maintenant avec des délais
à suivre prévus par la décision qu'il aura rendue et,
finalement, adopter, d'ici le 23 juin prochain, le projet de loi. (22 h 20)
Mais nous les mettons en garde. Nous leur disons que nous ne pouvons
souscrire à une formule telle que présentée et que nous
allons tout faire pour les amener à changer d'opinion. Mais, comme je
vous le disais, avec ce qu'on a connu la semaine passée - enfin, il y a
une semaine en termes de jours puisque c'était jeudi passé - des
motions d'urgence présentées par le leader sur des choses qui ne
le sont pas, on ne se surprend plus de rien. Ils se sentent tellement forts
qu'ils ont décidé de bulldozer le monde.
Dans ce dossier comme dans d'autres, après la décision que
le ministre aura prise, voilà qu'une fois le principe adopté il
est prêt à entendre du monde. Je dois vous dire que j'ai
vécu une commission parlementaire à peu près identique.
L'Opposition, une fois le principe adopté, avait demandé,
à la suite de discussions qu'on avait eues avec différents
groupes, de faire entendre ces groupes en commission parlementaire. Le
ministre, de peine et de misère, a finalement accepté d'en
entendre deux, parce que ces deux-là avaient eu le courage de venir en
commission parlementaire espérant être entendus. Finalement, on
s'est retrouvé avec des gens qui n'ont pas été entendus et
qui avaient des choses
à dire. La majorité l'a encore emporté en
commission parlementaire et le ministre n'a entendu que ceux-là.
Voilà qu'on s'est entendu sur les gens qui doivent être entendus
la prochaine journée, demain ou jeudi, à une commission
parlementaire où on entendra des groupes venir nous parler de ce projet
de loi.
Ce que j'espère, c'est que, d'abord, le ministre, au début
de la commission ou même dès maintenant dans son droit de
réplique, commence à donner des réponses aux questions
posées par le chef de l'Opposition; deuxièmement, qu'il
écoute, qu'il prenne note et qu'il décide après avoir fait
un consensus à partir de ce que les gens lui auront dit. Je vous le dis,
M. le Président, j'ai des doutes. Je mets les gens en garde, je leur dis
que, si on n'essaie pas tout, on ne peut jamais savoir si on aurait
réussi. Alors, essayez de le convaincre. Nous, de l'Opposition, nous
avons essayé, nous espérons qu'il a compris quelque chose,
même si on peut en douter parfois. On va demander aux gens qui vont venir
nous rencontrer en commission parlementaire d'essayer de le convaincre.
Peut-être que, vu que cela vient de vous, le ministre va changer
d'idée même si, encore une fois, on en doute.
Il reste que nous avons le devoir de tout essayer et nous allons le
faire. Nous allons interroger, nous allons apporter des amendements, nous
allons voir si le ministre est sérieux dans cette ligne qu'il s'est
tracée et qu'il entend suivre d'ici à la fin et s'il comprendra,
malgré tout, qu'il vaut mieux reculer sur certains points pour s'assurer
que le consensus est fait et rassurer les infirmiers et les infirmières,
les techniciens ambulanciers, les propriétaires, l'ensemble des gens qui
veulent savoir de la part du gouvernement quelle sorte de services nous aurons
désormais et de quelle façon nous allons les offrir à
l'ensemble de la collectivité québécoise, où
qu'elle se trouve au Québec, en particulier à Montréal
dans le contexte qui nous est présenté, mais aussi bien à
Québec, à Trois-Rivières ou ailleurs. Des services tels
que le ministre a l'intention de les présenter risquent de
détériorer la situation, ce que nous ne voulons pas.
Ce que nous désirons le plus, c'est que le ministre soit à
même de savoir que nous avons fait un travail constructrf. Malgré
ce que le député de Sainte-Anne a voulu insinuer tout à
l'heure en disant que nous faisons du travail partisan, je ne pense pas avoir
fait un travail partisan ici, ce soir. Je ne suis pas considéré
être de ce genre et je pense que je défends l'ensemble des
citoyens, d'abord, de mon comté et du Québec que j'ai à
représenter et qui font partie de ceux qui ont des choses à dire
au gouvernement et qui le disent franchement.
Nous sommes à la fin du débat, puisque le ministre
utilisera son droit de réplique. J'espère que, dans son droit de
réplique, il pourra donner déjà des indications, à
savoir qu'il a changé d'opinion sur certains points et qu'il a
l'intention d'apporter des amendements au projet de loi lorsque nous serons en
commission parlementaire pour l'étudier article par article. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président: Je reconnais maintenant M. le ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux pour l'exercice de son droit de réplique.
M. Robert Dutil (réplique)
M. Dutil: Merci, M. le Président. Je vais exercer mon
droit de réplique après une douzaine de députés de
l'Opposition qui sont intervenus sur le projet de loi. Si je ne l'ai pas
utilisé après chaque intervention, c'est que les interventions se
ressemblaient drôlement et que les mêmes arguments sont revenus
à tour de rôle.
En ce qui concerne ce projet de loi 34 sur le transport ambulancier dans
la province de Québec, je vais parler plus particulièrement des
remarques faites par le chef de l'Opposition puisque, règle
générale, en touchant celles qu'il a faites, je toucherai
l'ensemble des remarques qui ont été faites par les autres
parlementaires qui se sont prononcés sur ce projet.
Une première remarque, disait le chef de l'Opposition, c'est que
ce projet de loi ne s'occupe pas de la qualité. Des choses importantes
se retrouvent dans le projet de loi, pas l'ensemble de la réforme que
nous avons annoncée. On sait que nous avons annoncé, entre
autres, une formation améliorée, de 825 heures; cela ne se
retrouve, évidemment, pas ici et ce n'est pas le propos du projet de loi
de le faire.
Les points qui concernent l'amélioration de la qualité
dans le projet de loi sont, particulièrement, le contrat-budget et les
centrales de coordination. Je vais intervenir, également, sur le triage
ou le non-triage, puisqu'on a soulevé la problématique des
services infirmiers à Urgences-santé. Je vais parler, tout
à l'heure, à propos de la formation, même si ce n'est pas
dans le projet de loi, de la façon et dont nous avons fart la
consultation sur ce sujet pour en arriver à ce choix qui n'est pas
arbitraire, bien sûr, dune formation de 825 heures.
Des contrats-budgets. Pourquoi en arrivons-nous à cette solution?
Plus particulièrement en régions, on se retrouve avec certaines
difficultés de service parce que nous payons, en grande partie, nos
services en considérant le nombre de transports. On sait que dans le
service ambulancier, un des problèmes, c'est que le nombre des
transports n'est pas égal partout en province. Les régions
à plus faible densité de population ont, évidemment,
beaucoup moins de transports. Donc, dans un système qui paie au nombre
de transports, ils ont beaucoup plus de difficulté à rentabiliser
leur entreprise.
Nous passerons, donc, d'un système de paiement aux transports
à un système de contrat-budget qui tiendra compte de la
quantité
d'heures de disponibilité que nous exigeons des ambulances,
réparties d'une façon correcte sur l'ensemble du territoire, de
façon à être toujours en mesure d'accorder la
qualité de service que nous souhaitons obtenir et dans le délai
où nous souhaitons l'obtenir.
Quant aux centrales de coordination, qui sont prévues dans le
projet de loi et dont le processus se mettrait en branle d'une façon
progressive et non pas d'une façon uniforme et complète
dès maintenant, parce qu'on ne veut pas faire une réforme mur
à mur, on veut la faire dans un délai qui soit raisonnable et on
a prévu, pour ce faire - je l'ai déjà annoncé - un
délai d'environ trois ans, quant aux centrales de coordination, dis-je,
je pense que les députés qui viennent des régions et qui
sont en dehors de l'île de Montréal ou des zones qui
bénéficient du numéro unique d'urgence 911, se rendent
compte aujourd'hui du bénéfice considérable pour la
population qu'apportera l'établissement de centrales de coordination
dans l'ensemble du territoire du Québec, pour deux raisons.
La première, un numéro unique en régions, c'est
très important. Tous ceux qui vivent dans des municipalités plus
petites savent la difficulté de mémoriser trois ou quatre
numéros d'urgence pour leur propre municipalité, sans compter le
fait que, s'ils se déplacent d'une municipalité à une
autre, ils ont à réapprendre et à remémoriser
encore deux ou trois autres numéros de téléphone, ce qui
n'est pas le cas, actuellement, à Montréal. On sait qu'à
Montréal vous pouvez appeler le 911 de quelque endroit que ce soit;
même d'une cabine téléphonique sans mettre un seul jeton
à l'intérieur de l'appareil, vous pouvez rejoindre le 911 qui
peut vous donner le service dont vous avez besoin. Que ce soit les ambulances,
les pompiers, la police ou d'autres services d'urgence, ils peuvent vous
acheminer ces services dans un temps record. C'est, donc, beaucoup plus facile
pour la population du Québec de rejoindre des services d'urgence, une
amélioration considérable au plan de la qualité. (22 h
30)
Un autre facteur important des centrales de coordination en
régions, qui a été négligé et qu'on passe
sous silence dans les critiques qui sont faites par l'Opposition de la
réforme que nous faisons, concerne le fait que les centrales de
coordination vont permettre d'enlever l'imperméabilité des zones
que nous connaissons actuellement. Actuellement, chaque entreprise, dans sa
zone, peut offrir le service ambulancier et doit l'offrir de la meilleure
façon possible. Mais règle générale, puisqu'on ne
sait pas quels sont les transports faits dans cette zone ou s'il y a un
transport qui est en cours actuellement, il peut arriver, momentanément,
que la zone soit découverte. Advenant le cas d'un autre besoin dans
cette zone, le délai de réponse peut être beaucoup plus
considérable qu'il n'était prévu initialement pour la
simple et bonne raison qu'on n'a pas utilisé les ressources modernes des
technologies de communication qui permettraient de déplacer une
ambulance d'une autre zone vers le milieu de l'entre-deux zones et de couvrir
d'une façon à peu près adéquate le territoire
concerné en attendant que l'autre ambulance revienne de son transport.
Je pense que, là aussi, c'est un avantage considérable pour les
populations en dehors de Montréal.
Un troisième point qui est revenu souvent dans les critiques de
l'Opposition est le statut des infirmières. J'ai précisé,
à la suite d'une question posée par le chef de l'Opposition
à l'Assemblée nationale, que les infirmières, comme toutes
les autres personnes qui travaillaient à Urgences-santé, seraient
transférées dans la nouvelle corporation. C'est très clair
dans le projet de loi. La confusion vient de la façon de fonctionner
à Urgences-santé dans le cas des infirmières. Y aura-t-il
ou non triage à l'avenir? Le triage veut que les infirmières
répondent en première ligne et jugent s'il y a lieu ou non
d'envoyer un transport ambulancier. J'ai dit aux infirmières que j'ai
rencontrées à de multiples occasions et j'ai dit à tous
les gens que j'ai rencontrés à ce sujet qu'il n'est pas question
de diminuer la qualité du service à Urgences-santé. C'est
un point majeur, c'est un point important. On me dit, par ailleurs, que le fait
que l'on fasse un triage a comme conséquence de retarder le transport,
de retarder l'arrivée de l'ambulance d'environ trois minutes chez le
bénéficiaire. D'autre part, argument aussi impressionnant et
aussi valable, on me dit que le fait de faire du triage évite d'envoyer
des ambulances à des endroits où on n'en a pas besoin. Cela
évite que nous ne soyons à court d'ambulances à certains
moments et que nous ne risquions de retarder le transport ambulancier à
certains moments de pointe dans la journée.
Donc, vous voyez là deux arguments aussi valables l'un que
l'autre, à première vue, qui m'amènent à la
prudence et qui me font dire aux infirmières: Quant à votre
travail et quant à votre sécurité d'emploi, il n'y a pas
de problème. À la limite, s'il y avait diminution du nombre
d'infirmières à cause de la réorganisation du
système, cela peut se faire par attrition. Il y a un roulement assez
considérable parmi les infirmières à Montréal.
Cela étant dit, je ne suis pas certain que, pour la
qualité du service à Montréal et pour la qualité de
la réponse aux citoyens, la formule qu'on a adoptée actuellement
soit la bonne, pour les raisons que je viens de vous mentionner. Je
souhaiterais que la nouvelle corporation, lorsqu'elle sera sur pied, puisse
regarder la situation et trouver la meilleure solution. Évidemment, il
n'y a pas de solution idéale. On comprend que le tri peut être
très favorable pour minimiser les ressources que l'on envoie dans le
champ, particulièrement pour épargner des coûts
considérables. On ne peut pas avoir 200 ambulances à
Montréal. Il y en a 80 en temps de pointe. Il est important de faire ce
qu'on appelle le triage.
D'autre part, je vous ai donné l'autre argument. Le triage
retarde le temps de réponse et cela risque de causer des
préjudices à la clientèle. C'est la problématique a
laquelle nous sommes confrontés et pour laquelle, avant de prendre des
décisions, nous devons attendre d'avoir des études plus
approfondies.
Quant a la détermination des 825 heures de formation, le chef de
l'Opposition critiquait notre décision, ce matin, en laissant supposer
que nous avions sorti ce chiffre d'un chapeau. Je dois vous dire
qu'étant donné que le chef de l'Opposition avait lui-même
confié un mandat de planification et de coordination des services
ambulanciers aux CRSSS sur l'ensemble du territoire de la province, les CRSSS
ont eux-mêmes formé une table pour vérifier le besoin en
heures de formation et sont eux-mêmes arrivés à ce chiffre,
après une vaste consultation qui touchait les employeurs, les
médecins, les institutions d'enseignement professionnel, les services
préhospitaliers d'urgence, les instances syndicales et les
ministères concernés. Donc, tout le monde impliqué dans la
question de la formation des techniciens ambulanciers a été
consulté et ces gens-là sont arrivés à un consensus
pour nous dire que 825 heures constitueraient une formation adéquate.
Et, après vérification de leur méthodologie, après
vérification du travail qu'ils avaient fait et qui avait
été bien fait, M. le Président, nous avons
décidé, le 2 mars dernier, de bonifier la formation, qui
était de 150 heures en régions - je vous le rappelle - et de 280
heures à Montréal, à 825 heures partout sur le territoire.
Et j'insiste là-dessus, M. le Président, parce que...
Des voix: Bravo!
M. Dutil: ...depuis le début, l'Opposition nous dit qu'il
y aura dorénavant deux régimes dans la province de Québec
et que les régions seront moins bien traitées. On confond. Il y a
deux régimes, effectivement, dans la province de Québec, mais
c'est le cas actuellement. Et c'est le cas depuis le 24 décembre 1984,
soirée mémorable où le chef de l'Opposition lui-même
est allé négocier la loi spéciale qu'il avait
présentée à l'Assemblée nationale pour s'assurer
qu'il n'y aurait pas interruption des services. Voyant que sa loi
n'était pas respectée, le chef de l'Opposition lui-même est
allé négocier sa propre loi et a décrété des
conditions de travail à Montréal et des conditions de formation
à Montréal qui ont, justement, établi dans la province de
Québec deux poids, deux mesures. Montréal favorisée, les
régions oubliées parce que les pressions n'avaient pas
été là. C'est ce qui s'est passé. C'est la
vérité.
Et quant à l'aspect de l'étatisation dont on nous rebat
les oreilles depuis quelques heures, l'étatisation, si elle a
été faite, M. le Président, c'est le 24 décembre
1984. Pourquoi? Parce que, cette journée-là, le chef de
l'Opposition a décidé de négocier des conditions de
travail à la place des employeurs. Parce que, cette
journée-là, M. le Président, le chef de l'Opposition a
pris des mesures dans un décret qui a remplacé, à toutes
fins utiles, les employeurs sur de nombreux autres aspects. Cette
journée-là, il n'y avait plus d'employeurs. Il y avait le
gouvernement, et il y avait le syndicat, et il y avait une négociation
dans un hôtel de Montréal.
Là où l'Opposition confond - parce que nous sommes,
justement, en train de rétablir cette chose-là et d'asurer que
les régions auront le même service qu'à Montréal -
c'est sur des différences de structure, sur des différences de
mode de fonctionnement. Elle conclut que cela veut dire des différences
de qualité de services. Non, pas du tout, M. le Président. On
peut avoir à certains endroits des entreprises privées, à
d'autres endroits des entreprises à but non lucratif. J'en profite pour
dire que c'est le cas dans la Beauce. En 1976, j'ai eu l'occasion de participer
à cela. Et, quand le député de Lévis disait tout
à l'heure: Le député de Beauce-Sud ne connaît rien
à ce que peuvent être les organisations publiques, je voudrais,
tout simplement, mentionner qu'en 1976, étant conseiller municipal,
alors que dans notre région, lors de la réforme, les entreprises
privées ont décidé de cesser de donner le service, eh
bien, les municipalités ont repris, avec le centre hospitalier, le
service ambulancier, en formant une corporation à but non lucratif qui
s'appelle CAMBI, qui existe maintenant depuis une dizaine d'années et
qui fonctionne très bien. C'est un modèle qui n'est ni mieux ni
pire qu'ailleurs, mais qui est différent de celui qu'on retrouve
à Montréal ou dans d'autres régions où ce sont des
organismes à but lucratif qui fonctionnent. Et même actuellement,
depuis quelques mois, il existe sur la rive sud de Montréal, une
coopérative, propriété des employés, qui exploite
un service ambulancier.
Je dis, M. le Président, que plusieurs modèles peuvent
cohabiter. Cela ne veut pas dire que les conditions de travail de l'ensemble
des employés ne seront pas les mêmes, cela ne veut pas dire qu'ils
seront traités différemment. Cela veut dire qu'historiquement les
gens se sont débrouillés de façon différente un peu
partout dans la province pour s'assurer des services adéquats. Nous les
appuyons, quelles que soient leurs structures, sans dogmatisme, sans
idéologie, sans considérer qu'un modèle est meilleur que
l'autre. (22 h 40)
Quant à la fameuse question de l'indemnisation ou de la
compensation, je voudrais, sans parler du fond de la question, tout simplement
dire que nous sommes dans une situation tout à fait particulière
parce qu'une indemnisation concernant l'achalandage des entreprises en
particulier - ce qui a été soulevé cet après-midi
par un député - se fait s'il y a des profits dans l'entreprise.
C'est évident. Si on veut acheter une entreprise non profitable, il n'y
a pas
d'achalandage; donc, il n'y a pas de compensation. Si on achète
une entreprise qui a des profits, il peut y avoir achalandage et compensation.
Sauf que le seul client, ou à peu près, de ces entreprises, c'est
le gouvernement. Vous voyez la situation. Si le gouvernement a, dans le
passé, mal négocié et, donc, donné
extrêmement cher pour les services, par exemple, en faisant un mauvais
calcul, il a donné une plus-value à ces entreprises. On nous dit
qu'on devrait racheter ces entreprises en tenant compte de la plus-value que le
gouvernement lui-même dans ses négociations aurait donnée.
Vous voyez la difficulté, la spécificité de cette
question. D'ailleurs on n'a pas l'intention d'étatiser, mais je fais
l'hypothèse que soulevait l'Opposition; si on étatisait, ce n'est
pas de l'amiante qu'on étatise, M. le Président. On ne prend pas
une compagnie qui fonctionne complément en dehors du gouvernement pour
l'amener au gouvernement. Nous sommes les pourvoyeurs d'argent à quelque
90 % de ces entreprises. Dans la discussion qui pourrait éventuellement
concerner des compensations, je pense que c'est un point très important
à considérer.
On m'a parlé de la raison qui faisait que nous dissocions
l'organisme sans but lucratif du CRSSS. On nous a demandé pourquoi.
Est-ce là un jugement négatif? Non. Ce n'est pas un jugement
négatif concernant le CRSSS. Nous constatons que le service ambulancier
prend une ampleur considérable et que ce n'est pas la vocation d'un
CRSSS, qui est plutôt centré vers la planification et fa
coordination de l'ensemble des services de santé et des services sociaux
dans une région, d'assumer l'ampleur d'un tel dossier, surtout si nous
intégrons les techniciens ambulanciers. Je voulais dire publiquement que
toutes les remarques qui pourraient être faites dans le sens que ce geste
serait une critique à l'égard du CRSSS sont complètement
fausses. Le CRSSS a fait un excellent travail. Il l'a bien fait. Nous en sommes
aujourd'hui à une situation qui a évolué, qui a fait que
cette entreprise est beaucoup plus grande et qu'il n'y a plus lieu que ce
service demeure au CRSSS de Montréal.
On a parlé également de la composition du conseil
d'administration. On a fait toutes sortes de remarques. Je pense qu'il serait
important que les membres de l'Assemblée prennent note, aux pages 6 et
7, de la composition du conseil d'administration et ils se rendront compte
qu'évidemment il n'y a pas que des employés. Le directeur
général de la corporation est là, bien sûr. Il y a
un membre nommé de la communauté urbaine, un membre des groupes
socio-économiques, un membre parmi les directeurs généraux
des centres hospitaliers, un membre parmi les coordinateurs de salles d'urgence
des centres hospitaliers, un médecin nommé par les
médecins qui exercent dans le cadre du service d'intervention et trois
membres nommés par les salariés de la corporation. Je pense qu'on
avait, tout à l'heure, évité de nommer l'ensemble de ces
présences pour se concentrer sur seulement trois membres.
Quant aux consultations particulières, nous les faisons à
partir de demain. Seize groupes seront rencontrés, ce qui est plus que
nous ne le croyions nécessaire, mais, à la demande de
l'Opposition et en consultation avec elle, nous avons accepté de
recevoir seize groupes qui permettront de faire toute la lumière si
nécessaire.
Je termine mon allocution en disant que le chef de l'Opposition a, ce
matin, fait montre d'un caractère virulent, comme il le fait d'habitude
à l'Assemblée nationale. C'est un homme courtois et sympathique
en dehors de l'Assemblée nationale, je dois le dire, "Dr Jekyll and Mr
Hyde". Il faudrait sans doute que le chef de l'Opposition fasse un peu
attention à cette mauvaise habitude qu'il a d'être Mr Hyde
à l'Assemblée nationale, car il y a un risque qu'il ne devienne
Mr Hyde en dehors de l'Assemblée nationale. Je lui suggérerais la
lecture de Louis Stevenson, cette magnifique nouvelle où le Dr Jekyll,
de façon volontaire, devenait quelqu'un qui n'était pas
agréable du tout à entendre et à voir la nuit et qui, par
la suite, ne pouvait plus contrôler cet effet et se retrouvait dans la
situation d'être constamment Mr Hyde de façon involontaire.
Ce projet de loi règle les problèmes que le chef de
l'Opposition a lui-même créés le 24 décembre 1984
à Montréal. C'est ce que nous faisons en vérité.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président: Le débat étant
terminé, nous allons maintenant mettre aux voix la motion d'adoption du
principe du projet de loi 34. M. le leader du gouvernement.
M. Gratton: M. le Président, je suggère
plutôt que nous reportions le vote à demain, à la fin de la
période des affaires courantes.
Le Vice-Président: Très bien. Nous aurons donc un
vote par appel nominal à la période des affaires courantes de
notre prochaine séance. Très bien, M. le leader du
gouvernement.
M. Gratton: Cela étant, je ferais motion pour que nous
ajournions nos travaux à demain, 10 heures.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion d'ajournement
de nos travaux est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. En conséquence,
l'Assemblée ajourne ses travaux qui reprendront demain, le mercredi, 8
juin, à 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 44)