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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Friday, July 2, 1999 - Séance extraordinaire

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Table des matières

Dépôt d'une lettre du premier ministre demandant que l'Assemblée se réunisse d'urgence

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Dépôt d'une lettre du premier ministre demandant que l'Assemblée se réunisse d'urgence

Alors, avant de procéder aux affaires courantes, je vous rappelle que nous sommes réunis ce matin à la suite de la lettre que m'a adressée hier M. le premier ministre me demandant, et je cite, «de prendre les dispositions pour que l'Assemblée nationale du Québec se réunisse d'urgence en séance extraordinaire à compter de 10 heures, le vendredi 2 juillet 1999, selon le calendrier et l'horaire qui seront déterminés par l'Assemblée, afin de procéder à la présentation et à l'adoption d'une loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques». Fin de la citation. Alors, je dépose donc cette lettre du premier ministre.


Affaires courantes

Nous allons aborder les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Au dépôt de documents, il n'y a pas de dépôt de documents, ni de dépôt de pétitions, ni de rapports de commissions parlementaires. Et, puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'on doit comprendre, à ce moment-ci, M. le Président, que, dans le cadre d'une séance extraordinaire de l'Assemblée nationale, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de la part du premier ministre ni de la part de la ministre de la Santé?

Le Président: Écoutez, moi, je prends acte comme vous qu'à cette étape-ci le gouvernement n'a pas choisi d'intervenir, tous les membres de l'Assemblée sont là pour le constater.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons aborder maintenant la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Tenue d'une commission parlementaire sur l'état du système de santé


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, «j'aimerais poser une question au premier ministre aujourd'hui qui lui permettrait de se joindre à nous pour que nous puissions agir. J'aimerais qu'il donne son consentement, son appui à ce que la commission des affaires sociales puisse entendre et écouter les porte-parole du réseau de la santé dans le but de faire des recommandations d'actions immédiates à poser, que la commission puisse recevoir un mandat très précis dans le temps, très serré, afin que les Québécois et les Québécoises puissent écouter ces porte-parole, poser les bons gestes et que nous puissions ensemble, au Québec, dès aujourd'hui, commencer à réparer les dommages causés à notre système [...] de santé.»

M. le Président, je viens de vous lire mot à mot la première question que j'ai posée à l'Assemblée nationale au premier ministre le 4 mars dernier. Cette question, qui était posée dans le but de faire agir le gouvernement actuel en concertation avec tous les députés de l'Assemblée nationale, avait pour objectif d'amener le gouvernement à se questionner sur une réforme de la santé qui avait connu des conséquences très graves pour la population du Québec. C'était le 4 mars dernier. Nous voilà, 4 mois plus tard, réunis en assemblée extraordinaire, en assemblée d'urgence parce qu'il y a une grève des infirmières, une grève illégale que l'opposition officielle, je tiens à le dire, M. le Président, n'appuie pas et ne peut pas appuyer, sauf que le problème demeure entier. La question que je posais au premier ministre du Québec le 4 mars dernier sur l'ensemble du système de soins de santé est encore plus percutante aujourd'hui qu'elle l'était à ce moment-là parce que ce n'est pas seulement les infirmières, c'est les pharmaciens, c'est les ambulanciers, c'est les urgentologues, c'est le personnel de soutien. Mais, en bout de ligne, c'est d'abord les malades, c'est les citoyens du Québec qui ont besoin non seulement de services de soins de santé, mais qui ont surtout le droit aussi à notre compassion.

M. le Président, je veux demander au premier ministre du Québec qui, le 4 mars dernier, me répondait ceci, et je cite: «...grâce au travail extraordinaire qui a été abattu par le ministre [...] – Rochon – nous sommes en train de réussir à transformer le réseau de la santé», la transformation du réseau de la santé, est-ce que c'est ce qu'il nous a livré aujourd'hui ou est-ce qu'il ne va pas plutôt répondre quatre mois plus tard, peut-être un peu tard, à l'appel qu'on lui a fait de remettre sur la table une réforme de la santé qui aura été désastreuse pour les citoyens du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, nous avons tous conscience que la séance d'aujourd'hui de notre Assemblée nationale se tient dans un contexte d'une gravité certaine. Nous voici en face d'une grève illégale qui est dans sa septième journée d'affilée dans le domaine de la santé, qui a été précédée de deux autres journées de grève illégale dans le même secteur, une grève illégale qui a été décidée par un groupe de femmes et d'hommes qui ont l'admiration et la sympathie de l'ensemble de notre société, qui jouent un rôle essentiel dans la gestion des soins de santé et dans la prestation des services de santé. Mais il se trouve qu'il y a actuellement, comme première question dont nous devons nous saisir et qui doit nous inspirer, le fait qu'il y a présentement des gens qui souffrent, ceux justement qui sont les bénéficiaires directs du système de santé que nous avons constitué d'un grand patrimoine qui est le nôtre, à grands frais, avec beaucoup de ressources humaines et financières qui sont investies.

(10 h 10)

Au moment où on se parle, M. le Président, à cause de la grève, il y a eu 11 500 chirurgies d'annulées, 873 lits fermés, 55 000 rendez-vous annulés aux CLSC, 13 000 rendez-vous annulés dans les CH, 13 000 dans les CLSC, 26 000 visites à domicile annulées, et puis les prévisions de rattrapage qui devront être nécessaires pour reprendre tout ça, c'est un autre six mois qui va s'ajouter aux tensions que nous vivons déjà dans le domaine de la santé. Nous sommes en face d'une grève qui concerne un problème de négociation, un problème de relations de travail. L'opposition la met sur le dos de la réforme; même Mme Skene, la présidente de la FIIQ, n'a pas voulu attribuer la grève à la réforme, en disant que ce n'est pas la réforme comme telle. Bien sûr, il y a des...

Des voix: ...

M. Bouchard: ...mais ce qui ne diminue pas la gravité de la situation et le fait que nous n'avons pu terminer les négociations qui ont été commencées. Une commission parlementaire, M. le Président, dans le contexte où nous nous trouvons, un contexte d'urgence, un contexte de grande tension sociale alors que nous avons un problème de négociation, ce n'est pas elle, la réponse à la question. La réponse à la question, c'est que nous retournions à la table des négociations. Nous sommes prêts à y retourner. J'ai dit hier à la présidente, Mme Skene, que j'étais prêt à m'asseoir moi-même à la table des négociations avec elle.

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je ne doute pas que, dans quelques séances de négociations bien conduites, avec la bonne foi des deux parties, nous pourrons régler tout ce qui reste des conditions de travail, parce que beaucoup a été fait, tout ce qui concernait le fardeau de la tâche. Les infirmières, nous le savons, ont porté lourdement et très largement les conséquences de ce changement important que la réforme a opéré. Nous le savons, nous leur en sommes reconnaissants. Mais, justement, dans les négociations qui ont eu lieu, nous avons réussi à régler les principaux problèmes qui concernent cette question. Par exemple, à leur satisfaction, elles ont signé une entente sur la création d'un mécanisme qui va leur permettre, le cas échéant, de diminuer et d'alléger leur fardeau de tâche s'il devient excessif. De même, M. le Président, nous avons convenu avec elles et nous avons signé un texte qui permet de redresser tous les problèmes de précarité d'emploi. Nous savons qu'il y a eu des infirmières qui ont dû travailler de nuit, à des heures impossibles, des fins de semaine, et ainsi de suite. Nous avons fait en sorte que tout cela va être transformé en des postes réguliers qui vont régulariser leur vie. Elles ont accepté et elles sont satisfaites de cela. Ce qui reste, on peut le régler rapidement.

À part de ça, il y a le salarial. Là, le salarial, M. le Président, nous avons fait des offres qui placent les infirmières en situation correcte et équitable par rapport au secteur privé, par rapport aux comparaisons qui ont été faites dans le passé. Elles disent qu'il faudrait refaire l'exercice pour elles. Nous sommes prêts à le faire, nous sommes prêts à réduire même les délais de cet exercice, nous sommes prêts à l'encadrer, le projet de loi le fait d'ailleurs actuellement, et nous sommes prêts à discuter également de la raison pour laquelle c'est 5 % qu'on offre. 5 %, on l'offre parce que c'est justement ça qu'on peut payer et c'est ça que réalise l'équité. Alors, je pense que nous avons un problème de négociation, et c'est à la table de négociation que nous le réglerons.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le problème qui se pose lorsque le premier ministre s'offre lui-même – le «moi-même», comme il aime dire – c'est qu'il est lui-même responsable de la crise que nous vivons actuellement dans l'ensemble du système de soins de santé. Et le premier ministre ne se rend pas crédible aux yeux de la population du Québec quand il persiste à dire que sa réforme à lui du système de soins de santé est une bonne réforme, que tout va bien, que ça a été réussi, alors que tous ceux et celles qui travaillent ou dans le système ou qui ont affaire avec le système de soins de santé disent le contraire. Même qu'il ne se rend surtout pas crédible aux yeux de la population quand il vient tordre les propos de Mme Skene pour essayer de lui faire dire que la réforme a été un succès.

Et, s'il a de la difficulté à croire Mme Skene ou l'opposition officielle, permettez-moi de vous citer le rapport du Collège des médecins qui date d'il y a moins d'un an et qui, à la page 7, disait exactement ceci, et je cite: «Mais l'intensité des compressions et leur chronicité ont perverti le processus de transformation. Le doute, sinon le découragement, s'est accru chez ceux qui produisent les services. Il leur est apparu impossible, à l'intérieur d'échéanciers aussi serrés, de réaliser les gains d'efficience et les économies escomptées. Le risque de compromettre la quantité ou la qualité des services a donc augmenté. En outre, personne n'est plus dupe à l'endroit d'un discours officiel fait de demi-vérités.» Il parlait de vous, M. le premier ministre.

Dans le même rapport, on disait ceci: «D'autres décisions ont été prises sans que l'on ait pu en évaluer correctement les conséquences prévisibles, ce qui leur confère un caractère d'improvisation. Sur le plan des services, l'organisation des soins médicaux en dehors du milieu hospitalier pour prendre la relève et soigner des malades jusque-là traités à l'hôpital présente des déficiences importantes. Sur le plan des ressources humaines, plutôt que de réaménager l'organisation du travail et de revoir les ententes collectives, l'approche a conduit à des mises à la retraite massives autant pour le personnel professionnel que médical. Depuis, à maintes occasions a-t-on pu observer les signes d'une remarquable improvisation, laquelle, aujourd'hui, oblige à réembaucher temporairement du personnel ou à surexploiter les heures supplémentaires chez le personnel régulier, à augmenter la charge de travail du personnel.»

M. le Président, dans le même rapport, à la page 9, on dit ceci: «Il est faux de dire que "tout va bien", il est démagogique – dit le Collège des médecins – de laisser entendre que "les médecins sont des générateurs de coûts", tout comme d'affirmer qu'"il y a suffisamment de médecins" frise la désinformation.»

M. le Président, dans ce rapport, qui date de moins d'un an, on parle de demi-vérités, improvisation, remarquable improvisation, démagogie, désinformation, manque de responsabilité et manque de respect. Quand le premier ministre va t-il prendre ses responsabilités et refaire une réforme de la santé qu'il a bâclée puis qu'il a faite sur le dos des malades du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le même rapport concluait cependant que la qualité des services n'avait pas été mise en cause par la réforme, je le signale. Et, qu'on regarde les taux de satisfaction des malades qui sortent de nos hôpitaux, ils considèrent tous qu'ils ont été extrêmement bien servis et que la qualité des soins leur a été octroyée.

Et je voudrais citer, entre autres, une phrase de Mme Skene. C'est vrai que Mme Skene reproche les coupures dans le domaine de la santé, mais elle a cette phrase-ci, et, je la cite, elle a été prononcée le 28 juin dernier, reproduite par Le Soleil : «La réforme, c'est bon en soi, mais elle a été gâchée parce qu'elle a été faite sur une période trop courte.» Fin de la citation. Pourquoi une période trop courte, M. le Président? Parce que, depuis 10 ans, cette réforme se faisait attendre...

(10 h 20)

Le Président: Je voudrais faire appel au sens du devoir de l'ensemble des membres de l'Assemblée. Je crois que le moment est important. Et le chef de l'opposition a pu s'exprimer correctement; le premier ministre a droit au même respect, au même silence pour ses réponses. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous n'avons jamais dit que la situation était parfaite. Mais les inconvénients qui ont résulté aux infirmières et aux infirmiers de la mise en place de la réforme, nous les réglons dans les clauses normatives et les conditions de travail qui ont été négociées et agréées avec elle. Cela est en arrière de nous, c'est réglé. Et je voudrais ajouter un passage d'un éditorial de M. Alain Dubuc dans La Presse du 29 juin, donc de mardi dernier, qui dit ceci: «Les libéraux – les libéraux, c'est vous autres – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: ...parce qu'ils sont largement responsables de la crise financière que le gouvernement péquiste a dû régler, parce qu'ils se sont opposés à tous les éléments de la réforme de la santé, y compris ceux qui étaient nécessaires, peuvent-ils sérieusement jouer les gérants d'estrade?» La question est posée.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, la population du Québec se rappellera effectivement qu'on s'est opposé à une réforme bâclée de la santé puis aux décisions qui n'avaient aucun sens. Je vais donner un exemple. C'est son gouvernement et sa ministre de l'Éducation, en 1996, à qui il a confié maintenant la responsabilité du portefeuille de la santé, qui ont décidé qu'il y avait trop d'infirmières et de couper les inscriptions en sciences infirmières de 50 % en 1996. C'est son gouvernement qui a fait une mise à la retraite massive des infirmières à peu près un an plus tard et, pour suivre le tout, a interdit aux infirmières de revenir au travail. Le tour du chapeau en termes d'incompétence! Ça, c'est son gouvernement qui a pris ces décisions-là.

Bien, il y a une semaine environ, on a proposé au moins un début de solution. L'opposition officielle a voulu proposer au gouvernement un dialogue en convoquant la commission des affaires sociales pour entendre au moins les infirmières, pour les entendre sur les clauses normatives, parce que le premier ministre donne une version, mais les infirmières nous disent le contraire, M. le Président. On aimerait bien avoir un peu de transparence pour faire changement, offrir l'occasion aux infirmières de dire tout haut à la population du Québec ce qu'elles aimeraient dire à ce gouvernement-là.

Alors, est-ce que le premier ministre aujourd'hui pourrait consentir à ce qu'on convoque la commission des affaires sociales dès aujourd'hui, s'il le faut, pour entendre les infirmières, la partie patronale, les parties intéressées, pour qu'on puisse enfin reprendre le dialogue et commencer à réparer notre système de soins de santé?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, le chef de l'opposition parle du contingentement du nombre d'infirmières. Actuellement, on a un contingentement pour le nombre d'infirmières qui s'élève à 6 810 au niveau collégial pour les trois années. Or, au cours des trois dernières années, on a eu, en 1996-1997, 6 114 inscriptions; en 1997-1998, 4 877 inscriptions; en 1998-1999, 4 672 inscriptions. Donc, il n'y a pas de problème de contingentement.

M. le Président...

Le Président: M. le ministre.

M. Legault: Oui, M. le Président. Je pense que ce qui est important, c'est de voir que le portrait a changé aujourd'hui suite aux mises à la retraite. Et, lorsqu'on regarde les inscriptions en première année pour les infirmières, l'année dernière, en septembre 1998, on a eu 1 864 inscriptions. Cette année, je viens tout juste d'apprendre qu'on a maintenant, pour septembre 1999, 4 488 inscriptions. Donc, on va pouvoir commencer à régler le problème qui est différent de ce qu'on avait en 1996.

C'est facile, M. le Président, de jouer au gérant d'estrade, de jouer au coach du lundi matin, le coach qui dit: On aurait dû changer notre lanceur. Je regardais la partie à la télévision dimanche après-midi et puis, moi, je pense que, si j'avais été coach, j'aurais changé mon lanceur. C'est facile de le faire par après.

M. le Président, avec les experts qu'on a actuellement, on est en train de régler la nouvelle situation pour le bien des malades.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, c'est bien le comble de l'insignifiance, ce qu'on vient d'entendre aujourd'hui en termes de réponse.

Des voix: Oui!

Une voix: Incroyable!

M. Charest: C'est le comble de l'insignifiance, le ministre, le gouvernement qui se lève, fidèle à ses habitudes, pour nous réciter des statistiques sur une situation de crise qu'on vit actuellement. Le premier ministre aime bien citer Mme Skene. Permettez-moi de lui citer Mme Skene dans une déclaration qu'elle a faite ce matin: «Si les infirmières avaient pris la parole au cours des trois dernières années pour dire ce qui se passait dans les hôpitaux, plus personne ne se présenterait dans les établissements.» Hein!

Des voix: Oh!

M. Charest: Alors, là, soudainement, la partie ministérielle n'aime pas les déclarations de Mme Skene. Ils ont changé d'idée. Eh bien, ça explique peut-être au ministre de l'Éducation, qui semble imbu de chiffres, pourquoi il y a moins d'inscriptions en sciences infirmières. Ça explique pourquoi le premier ministre a déclaré l'autre jour, sur les clauses normatives et la relativité, qu'il y avait eu un rattrapage il y a 10 ans. Ce qu'il a oublié de dire à la population du Québec, c'est que, dans la période qui a suivi, il y a eu sa réforme de la santé à lui-même, comme il aime s'appeler, sa réforme de la santé qui a changé radicalement les conditions de travail des infirmières, leur tâche a été alourdie. Et elles sont dans la rue aujourd'hui pas juste pour une question salariale, mais parce que leurs conditions de travail sont inacceptables. Leurs conditions habituelles de travail sont inacceptables pour leurs patients et leurs malades d'abord, pas pour elles, mais parce qu'elles ne se sentent pas capables de faire le travail qu'elles aimeraient faire, qu'elles veulent faire pour les citoyens du Québec.

Quand est-ce que le premier ministre va leur donner le droit de parole? De quoi a-t-il peur? Pourquoi ne pas les entendre à la commission des affaires sociales avec les autres intervenants, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, si le chef de l'opposition ne peut pas comprendre que, en ayant, pour septembre qui vient, 4 488 inscriptions en première année pour les infirmières comparativement à, l'année dernière, 1 864, s'il ne peut pas comprendre que c'est un geste dans la bonne direction puis toute une amélioration, je ne le sais pas, M. le Président, qui est le plus insignifiant.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.


Portée du projet de loi n° 72 quant aux services de soins infirmiers offerts


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je vais poser une question fort simple au premier ministre. Dans le projet de loi qu'il nous propose aujourd'hui, à l'article 3, il dit ceci: «Un établissement doit, à compter du même moment, prendre les moyens appropriés pour que soient dispensés les services de soins infirmiers habituels.»

Le problème, dans le contexte que nous vivons du système de soins de santé qu'ils ont eux-mêmes détruit, c'est que les services de soins infirmiers habituels sont inadéquats, et ça explique pourquoi les infirmières sont aujourd'hui dans la rue.

Une voix: C'est ça.

M. Charest: C'est ça, le problème de fond. Si je peux donner un autre exemple au premier ministre, à l'article 8, deuxième paragraphe, de son projet de loi, il dit ceci: «Le premier alinéa s'applique également lorsqu'un établissement constate que les infirmières ou les infirmiers que représente l'association des salariés ne se conforment pas à l'article 2 de cette loi en nombre suffisant pour assurer la prestation des services essentiels prévus à une entente ou à une liste ou, à défaut, ceux visés aux articles...»

M. le Président, à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, si on devait appliquer cet article de loi à son propre gouvernement, son propre gouvernement n'est pas capable de fournir des services essentiels à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme qu'il y ait une grève ou non. C'est ça, l'absurde de ce gouvernement-là.

Est-ce que le premier ministre peut nous dire pourquoi, dans son projet de loi, il parle de «services infirmiers habituels»? Pourquoi il n'a pas dit «services infirmiers adéquats», ce à quoi a droit la population du Québec? Sur-le-champ, est-ce qu'il n'est pas capable de nous garantir que la population du Québec a droit à des services infirmiers adéquats?

Des voix: Bravo!

(10 h 30)

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je crois que l'ensemble de la population québécoise a droit à des services de santé adéquats dans l'ensemble de nos institutions, parce que justement nous y avons du personnel compétent et du personnel consciencieux, qu'il s'agisse des infirmiers et des infirmières, qu'il s'agisse des préposés aux malades ou qu'il s'agisse des médecins qui y oeuvrent.

Dans les propos qu'a eus le chef de l'opposition sur les demandes des infirmières et des infirmiers du Québec, il a souligné le fait que leur tâche s'était modifiée, que leur tâche était lourde, qu'elle était exigeante et qu'elle l'était plus que ce qu'on avait peut-être déjà connu à un certain moment. Parce que nous reconnaissons justement que cette tâche, elle est exigeante, elle est lourde, ce fut le premier élément de discussion sur lequel nous avons mis toutes les énergies nécessaires pour arriver à une entente. La preuve en est que nous sommes arrivés à une entente paraphée avec les représentantes de la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, qui a été elle-même, cette entente, soumise aux représentants syndicaux lors de leur dernière rencontre comme les satisfaisant, c'est-à-dire que nous prévoyons comment on reconnaîtra, lorsque le fardeau de tâche d'une infirmière, d'un infirmier dans un établissement est trop lourd, on a une façon de le reconnaître et de le corriger. On reconnaîtra – et on n'était pas censé débattre de la loi à ce moment-ci puisqu'on le fera plus tard, mais, puisque le chef de l'opposition y a fait référence, et cela est dans la loi, M. le Président – nous respectons sans réserve notre parole et notre signature, cela sera dans la loi, nous respecterons le fait que les postes précaires, temporaires, sur appel seront transformés en postes réguliers, soit temps complet ou soit temps partiel.

Et, enfin, sur la question de ceux et celles qui resteront en situation de précarité, nous reconnaissons qu'il faut traiter autrement ces personnes qui vivent des problèmes. Donc, ils auront à l'avance les horaires, ils sauront à l'avance combien d'heures ils devront travailler, lorsqu'ils entreront au travail. Nous faisons en sorte que cette précarité soit gérée adéquatement et correctement, M. le Président. Ça, c'est reconnaître le fardeau de tâches des infirmiers et infirmières, et cela, c'est signé avec les représentantes des infirmiers et infirmières du Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, on comprend mieux aujourd'hui pourquoi le projet de loi est présenté par le ministre responsable du Conseil du trésor et pas présenté par la ministre de la Santé. Je vais donc reposer ma question très directement: Est-ce que le gouvernement, dans sa loi, va garantir à la population les services habituels que les infirmières dénoncent et que tout le monde dénonce aujourd'hui ou est-ce que ce sera des services adéquats?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Nous garantissons non seulement les services essentiels, mais les services adéquats, et ils sont, ceux-ci, de très grande qualité. Il faut voir, et cela se répercute tous les jours dans nos médias, cela se constate tous les jours aussi, lorsqu'on questionne la population québécoise qui utilise les services de santé, qui consulte son médecin, qui vit un séjour à l'hôpital, qui est soignée par une infirmière, par un infirmier, par un préposé aux malades, chaque fois que nous posons la question aux personnes qui ont vécu des problèmes de santé, qui ont fréquenté nos services, ils se disent hautement satisfaits de la qualité des services qu'ils reçoivent. Et je crois qu'effectivement cette qualité, elle est exceptionnelle, M. le Président.

Le Président: Sur la question principale, en complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.


Nomination de l'ex-présidente de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec à la présidence du Conseil du statut de la femme


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, en complémentaire sur la loi spéciale: Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer quelle crédibilité peut avoir l'action du gouvernement, la loi spéciale aujourd'hui, alors que la dernière présidente de la Fédération des infirmières, qui a défié le gouvernement et qui a défié le gouvernement par l'illégalité, est devenue par la suite une vedette du Parti québécois, candidate du Parti québécois, vient d'être nommée dans une des plus hautes fonctions de la fonction publique québécoise? Alors, comment le premier ministre peut penser que la population va croire au théâtre qu'il fait aujourd'hui en rappelant la Chambre, alors que la dernière personne qui a défié le gouvernement, qui a fait une grève illégale est devenue une héroïne dans son parti?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, dans le cas de la nomination de Mme Diane Lavallée comme présidente du Conseil du statut de la femme, il y a un processus de consultation qui a été fait. Dans ce processus de consultation là, plusieurs personnes ont recommandé la candidature de Mme Diane Lavallée. C'est une dame d'une grande qualité, c'est une dame qui est reconnue pour sa qualité, pour ses compétences, et, si elle a été recommandée par plusieurs groupes de femmes, c'est parce qu'elle avait les qualités nécessaires pour occuper cette fonction.

C'est dommage, M. le Président, parce que quelqu'un s'est affiché publiquement pour défendre des valeurs et des droits auxquels il croyait à cette époque-là, qu'il puisse être pénalisé aujourd'hui. C'est indigne qu'aujourd'hui, en cette Chambre, on veuille faire un parallèle entre une nomination au Conseil du statut de la femme et quelqu'un qui a occupé de façon honorable des fonctions à une certaine époque dans d'autres circonstances. Nous sommes très heureux de cette nomination, et elle a été reçue de façon très positive par l'ensemble des femmes, par les gens qui travaillent au Conseil du statut de la femme.

Le Président: En complémentaire, parce que l'autre question, c'était une question principale.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, en dernière complémentaire. Est-ce que le premier ministre, qui vient d'entendre sa ministre louanger le caractère honorable d'une grève illégale il y a quelques années, qui vient d'entendre sa ministre louanger les valeurs qu'il y avait derrière l'action de Mme Lavallée, le caractère honorable de la grève illégale à l'époque où c'étaient d'autres qui étaient au pouvoir, peut maintenant nous commenter la crédibilité qu'il reste du projet de loi qu'il nous présente aujourd'hui et le caractère mélodramatique de ses interventions?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, rappelons-nous qu'en 1989 le Parti québécois avait dénoncé la grève illégale et avait voté pour la loi de retour au travail présentée alors par le gouvernement libéral. Et je voudrais réitérer que le gouvernement, et le Parti québécois, et les députés ministériels réprouvent toute grève illégale dans quelque secteur que ce soit et, bien sûr, en particulier dans le domaine de la santé. Et, dans le cas de Mme Lavallée, c'est sa compétence qui a été reconnue et qui a fait en sorte que, à la suite des consultations, elle a été nommée.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bourassa, maintenant.


Effets d'une loi spéciale sur le climat de travail au sein du réseau de la santé


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Les infirmières ont donné leur confiance au gouvernement en place. Avec la réforme et depuis la réforme Bouchard, les infirmières ont littéralement tenu le réseau de la santé à bout de bras. Elles ont fait ça depuis plus de trois ans et elles le font encore. À titre de reconnaissance, en guise d'admiration, en guise de sympathie, le gouvernement actuellement les menace, il les discrédite. C'est la théorie qu'il a choisie. Les infirmières se sentent trahies, elles ont complètement perdu confiance dans ce gouvernement. La grève, c'était le résultat et c'est le résultat inévitable de l'incompétence du gouvernement qui est en place, un gouvernement qui a pris des décisions tout à fait irresponsables.

M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux croit sincèrement qu'avec une loi spéciale elle va venir adoucir le massacre et la destruction du réseau de la santé? Est-ce que la ministre de la Santé est prête à me dire aujourd'hui qu'avec sa loi spéciale elle va faire oublier les tensions insoutenables qui sont vécues au quotidien dans le réseau de la santé?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je ne crois pas que, ni par mes attitudes, ni par mes propos, ni ceux du premier ministre, ni ceux du gouvernement, nous n'ayons jamais discrédité ni les infirmiers, ni les infirmières, ni leur travail. J'aimerais d'ailleurs peut-être rappeler quelques souvenirs à notre collègue la députée de Bourassa qui a occupé à d'autres moments d'autres fonctions, comme un certain nombre d'entre nous. Comme directrice générale du Comité provincial des malades, elle disait, en 1989, en parlant des infirmières: «Nous ne les laisserons pas faire la grève. C'est une ahurissante aberration. C'est irresponsable et inacceptable parce que ce sont les plus faibles et les plus démunis qui en font les frais.» Fin de la citation.

Je crois, M. le Président...

(10 h 40)

Des voix: Ah!

Mme Marois: Je crois que la réforme à laquelle nous avons procédé a été difficile, personne ne le nie ici. Elle était essentielle. Et c'est vrai que nous l'avons faite en même temps que nous avons dû faire des efforts budgétaires considérables, que nous n'aurions pas souhaité mais que la situation dans laquelle le gouvernement précédent nous avait laissés nous a obligés à faire, M. le Président. Nous avons dû la faire donc, cette réforme, dans un temps relativement court. Et c'est vrai que ça a laissé des séquelles, c'est vrai que les infirmières, au coeur de cela, ont porté le système. Et elles continuent de le porter d'une façon quotidienne, d'ailleurs. Parce qu'il faut bien savoir qu'elles sont au coeur des soins de santé au Québec. Nonobstant le fait que, bien sûr, il y a des préposés aux malades, il y a d'autres spécialistes: ils sont travailleurs sociaux, ergothérapeutes, physiothérapeutes, ils sont médecins, auxiliaires, il reste qu'elles sont – et je l'ai dit souvent puis je vais le répéter, M. le Président – l'âme de ce réseau de santé. Donc, oui, cela a été difficile; oui, cela a laissé des séquelles, et c'est pour ça que le gouvernement en a fait sa première priorité dès le moment où il y a eu des fonds qui ont pu se dégager. Nous avons donc réinvesti 1 750 000 000 $ dans l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux.

La deuxième priorité, c'est vrai que c'étaient les conditions de travail de ceux et celles qui sont sur la ligne de front. C'est pour ça qu'on a eu, avec les négociateurs, avec la table patronale de négociation, ces ententes sur le fait qu'on allait laisser tomber les positions de principe sur la décentralisation pour aller au coeur de l'enjeu qu'était la négociation et qu'étaient les demandes des infirmiers et infirmières: le fardeau de tâche, la lourdeur de cette tâche, la précarité d'emploi, la sécurité d'emploi. Et cela, M. le Président, nous l'avons réglé.

Le Président: Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, la ministre de la Santé croit-elle sincèrement que c'est en mettant un fusil sur la tempe des infirmières qu'elle va créer un climat de travail harmonieux au sein du réseau de la santé et que c'est de cette façon qu'elle va assurer des soins de qualité aux malades? M. le Président, est-ce que c'est vraiment ça que le gouvernement croit?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: On verra, M. le Président, lorsque nous procéderons à l'étude du projet de loi, qu'il ne s'agit pas du fusil sur la tempe. C'est peut-être l'attitude qu'a déjà eue la députée de Bourassa lorsqu'elle a écrit au premier ministre du Québec au moment de la grève de 1989 en lui disant – au premier ministre, M. Bourassa, de l'époque – «d'adopter tous les décrets nécessaires pour empêcher, et je la cite toujours, cette folle situation dont les coûts humains sont exorbitants».

Nous n'avons jamais dit cela, M. le Président, ici. Nous ne le pensons pas non plus. Nous pensons cependant que la situation est difficile pour les malades du Québec et nous avons la responsabilité d'adopter des moyens raisonnables pour que cesse la grève; la grève, je le répète, illégale. Il ne faut pas l'oublier non plus, hein, parce que c'est important dans les débats qu'on a maintenant.

Nous avons donc au coeur de la loi des moyens que nous jugeons raisonnables pour que se termine cette grève illégale et pour que les malades puissent avoir accès aux soins auxquels ils ont droit dans nos services de santé, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, en question principale.


Conditions de travail dans le réseau de la santé


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. L'article 3 de la loi spéciale pour forcer les infirmières à retourner au travail prône la reprise des services, des soins habituels dans les établissements de santé. La ministre de la Santé, il y a quelques minutes, dans cette Chambre, a déclaré que ces soins habituels, et je la cite, «sont de très grande qualité».

M. le Président, quelle désolation d'entendre de tels propos et quelle inconscience de ce gouvernement qui nous démontre encore une fois qu'il n'a absolument rien compris. C'est justement en raison de ces soins habituels que les infirmières du Québec sont dans la rue. C'est justement en raison de ces soins habituels que notre système de santé craque de toutes parts, que les intervenants, les professionnels de la santé soit démissionnent soit sont sur le point de le faire ou tout simplement, par désespoir, découragement, quittent le Québec.

M. le Président, c'est quoi des «soins habituels de santé» au Québec présentement? Eh bien, c'est des pénuries de personnel infirmier, c'est des pénuries de médecins, c'est des listes d'attente inacceptables dans à peu près tous les secteurs, c'est un manque de temps pour soigner les malades, c'est des malades attachés à leur lit, c'est des personnes âgées que l'on gave à toute vitesse. C'est en raison du manque de temps et en raison du manque de personnel qu'on en est rendu au Québec à prendre des patients, à les envoyer aux soins intensifs pour leur donner des soins adéquats.

Le Président: Votre question, Mme la députée.

Mme Loiselle: Ma question, M. le Président, est au premier ministre du Québec: Le premier ministre pense-t-il vraiment que ces femmes, que ces infirmières, c'est par caprice qu'elles sont dans la rue? Et réalise-t-il que, si ces femmes lancent un cri du coeur au gouvernement du Parti québécois, lancent un cri du coeur à la population du Québec, c'est justement parce qu'elles sont des femmes responsables, des femmes profondément inquiètes, des femmes qui ont peur de pratiquer leur métier, craignant des erreurs médicales en raison du stress, en raison de la fatigue et en raison de l'épuisement créé par ce gouvernement, créé par la réforme, la destruction de notre système de santé du gouvernement du Parti québécois?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, nous savons que les infirmières ont des griefs. Nous savons qu'elles ont travaillé très fort pour rendre possible, dans une très grande contribution, la réforme nécessaire qui a été mise en oeuvre. Je ne veux pas me lancer dans un exercice académique pour supputer quels sont les motifs des réactions auxquelles on assiste présentement dans le milieu des infirmières et des infirmiers, sinon pour dire que, s'il y avait des motifs liés à la fatigue, liés au fait que le travail était organisé de façon très fragmenté, tout cela est terminé parce qu'elles ont eu gain de cause.

Les infirmières, elles ont réussi là-dessus, sur le point essentiel de leurs revendications des conditions de travail, elles ont réussi à soulager et à atténuer le fardeau de tâches, elles ont réussi à mettre en place des mécanismes qui vont faire en sorte qu'il n'y aura plus de précarité de leur travail. Il y a des heures innombrables faites dans des organisations fragmentées de travail; on va les convertir en des postes réguliers, après qu'on ait ajouté plus de 4 000 postes réguliers il y a quelques mois. Autrement dit, elles ont gagné, les infirmières, sur l'essentiel de leurs revendications: les conditions de travail. Et je voudrais dire aussi que le mot «habituel» a été choisi délibérément.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Et ça serait faire injure aux infirmières que de faire autrement. Les infirmières du Québec nous ont habitués à une très grande qualité de soins, nous voulons la retrouver, M. le Président, avec la fin de la grève illégale.

Et, quand je vois certains députés flirter avec la grève illégale – «c'est la matraque», «vous les forcez à rentrer» – je voudrais citer un propos qui a été tenu par M. Robert Bourassa, dans une circonstance où il devait, lui aussi, énoncer des vérités fondamentales de l'État. M. Bourassa, premier ministre du Québec, le 31 août 1989, il dit ceci: «Nous ne pouvons pas accepter des grèves illégales. Nous ne pouvons pas les tolérer dans des services aussi essentiels que les soins aux malades. Vous voyez les autres syndicats qui n'ont pas encore signé leur convention, ils vont dire: Si ça marche avec les infirmières, on va la déclencher, la grève, nous aussi.» Fin de la citation, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, que répond le premier ministre du Québec à la présidente de l'Ordre des infirmières qui a déclaré que «le gouvernement, avec ses 2 000 000 000 $ de coupes et ses listes d'attente, joue autrement plus avec la santé des Québécois que les infirmières du Québec grévistes»?

(10 h 50)

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Vous savez les efforts considérables que nous avons faits et que nous continuons de faire pour réduire ces listes d'attente. On a eu un bel exemple, encore dernièrement, d'un effort qui a été demandé à notre réseau et qui a amené des résultats concrets de telle sorte qu'en radio-oncologie, par exemple, on va soigner plus de malades que ce que normalement on fait dans le temps que nous avons.

Nous travaillons sur d'autres aspects de réduction des listes d'attente. C'est vrai en orthopédie, c'est vrai en ophtalmologie, en chirurgie cardiovasculaire. Mais il faut dire qu'actuellement par la grève illégale il se retarde un certain nombre d'opérations qu'on appelle «les opérations électives», dans le sens où elles ne sont pas urgentes. Elles peuvent, dans certaines circonstances, attendre, mais on ne peut pas attendre tout le temps, parce que cette chirurgie est nécessaire, si on doit y procéder. Et, actuellement, à cause de la grève, on doit allonger cette liste, et c'est pour ces raisons, entre autres, et celle, bien sûr, des services généraux de santé à la population québécoise, que nous croyons qu'il est inacceptable que cette grève illégale se poursuive. Ces listes d'attente là qu'on nous a reprochées, qu'on nous reproche encore ce matin, ce sont des listes d'attente qui, dans les faits, continuent de s'allonger, M. le Président, et je ne crois pas que ce soit acceptable en tout état de cause.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, on constate que le gouvernement n'a pas l'intention ou ne semble pas, en tout cas à venir jusqu'à maintenant, vouloir remettre en question cette réforme que le premier ministre du Québec a imposée aux Québécois, réforme bâclée.

On est aujourd'hui à l'Assemblée nationale pour une grève illégale des infirmières. Il faudrait se demander si l'Assemblée nationale ne siégera pas encore une fois cet été ou pour tout l'été, parce qu'une fois – et c'est ça, le problème de fond – que ce gouvernement-là pense avoir réglé le problème pour les infirmières, il y aura après ça les ambulanciers, puis, après les ambulanciers, il y aura les urgentologues, puis, après ça, ce sera, je suppose, des omnipraticiens, puis, après ça, ce sera les gens dans le réseau de la santé. Ça va arrêter quand? Est-ce que le premier ministre va continuer à nous dire qu'absolument tout le monde au Québec a tort, tout le monde, la population, tous les gens dans le réseau de la santé? Il n'y a que lui-même, comme il aime s'appeler, qui a raison. Quand ce gouvernement va t-il finalement avoir un moment de lucidité et réaliser que sa réforme de la santé est un désastre qui a détruit le système de santé, qui méprise les infirmières, qui méprise la population du Québec? Quand va t-il enfin se lever et dire qu'il est prêt à réparer le système de soins de santé des Québécois?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition vient de toucher à l'un des aspects les plus critiques de la situation, en parlant de l'illégalité de la situation et de la grève des infirmières. Et, sans le vouloir peut-être, il vient de nous faire une démonstration de la nécessité d'agir rapidement pour mettre fin à cette grève illégale. Il nous a parlé des ambulanciers, des pharmaciens, etc. Bien, justement, dans le sillage de cette grève illégale actuelle, il y a toutes sortes de groupes qui nous annoncent des votes de grève illégale. C'est le cas des ambulanciers, les pharmaciens qui vont démissionner en bloc, les urgentologues d'un autre hôpital qui ont dit qu'ils allaient démissionner. C'est très contagieux, ça, le désordre, très contagieux, l'illégalité des grèves.

Et je pense que le chef de l'opposition, s'il veut vraiment mettre fin à cette situation, contribuer à ce que l'ordre règne au Québec, et que les soins soient rendus partout, et que le processus civilisé de négociation reprenne sa place au coeur des rapports de négociation, je pense que la meilleure chose que le chef de l'opposition peut faire aujourd'hui, c'est de voter avec le gouvernement au soutien de cette loi spéciale.

Le Président: Cette dernière intervention du premier ministre met fin à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas, bien sûr, des réponses différées ni de votes reportés.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Le leader du gouvernement s'apprête à ce moment-ci à se lever pour faire une motion à l'occasion de cette séance extraordinaire pour suspendre les règles de fonctionnement démocratiques de l'Assemblée nationale du Québec. De nombreux articles de nos droits démocratiques du règlement et de la loi vont être suspendus, M. le Président. Il y a déjà quelques précédents – elles sont très rares, les séances extraordinaires – qui ont fait en sorte que, après des ententes entre les formations politiques, la journée a pu se dérouler sans débat de procédure, dans le calme et dans l'harmonie, permettant aux parlementaires de se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire le contenu de la législation qui est devant l'Assemblée nationale du Québec, et de tenter de bonifier une législation présentée par le gouvernement.

Dans ce contexte, M. le Président – le leader du gouvernement et vous-même connaissez bien nos règles de procédure – un délai de deux heures est prévu pour un débat restreint. Une heure ou 45 minutes sont généralement allouées par la présidence sur la recevabilité comme telle, ce qui exclut le plaidoyer, etc. Il y a un bloc de quatre heures qui est habituellement – sauf les exceptions auxquelles je vais référer, là – utilisé à de la procédure parlementaire. Si, à ce moment-ci, il y avait consentement de la part du gouvernement, nous pourrions utiliser ces quatre heures pour entendre les principales parties intéressées, c'est-à-dire la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, la partie patronale – le premier ministre pourra lui-même, s'il le désire, venir se faire entendre en commission parlementaire – les pharmaciens, qui sont pris de surprise ce matin par cette loi qui les inclut, et le président du Conseil des services essentiels, qui pourrait apporter un éclairage. M. le Président, cette commission, on en prend l'engagement, ne durerait pas plus de quatre heures et elle pourrait servir au législateur à avoir un éclairage meilleur avant de procéder avec ce qu'on a déjà qualifié, là, de l'arme ultime, la loi spéciale, la loi matraque du gouvernement.

Le Président: Sur cette intervention, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, quand vous serez aux motions sans préavis, j'aurai une motion à soumettre à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce qu'on doit comprendre que l'offre de l'opposition est incluse dans la motion du leader du gouvernement ou bien si, carrément... Vous ne voulez entendre personne, c'est ça qu'on comprend?


Motions sans préavis

Le Président: Alors, nous allons maintenant aborder, puisqu'il n'y a pas de réponse, l'étape des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Motion d'urgence proposant la suspension de certaines règles de l'Assemblée afin de permettre la présentation et l'adoption du projet de loi n° 72

M. Brassard: M. le Président, je voudrais présenter la motion suivante:

«Qu'en raison de l'urgence de la situation et en vue de permettre la présentation et l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques:

«Les articles 20 à 22, les mots "L'Assemblée procède aux affaires courantes à 14 heures" de l'article 52, les mots "ou sur un fait personnel" au quatrième paragraphe et le septième paragraphe de l'article 53, les premier, deuxième, troisième et cinquième paragraphes de l'article 54, les articles 71 à 73, les deuxième et troisième alinéas de l'article 84, les mots "ou à la demande d'un député" au premier alinéa de l'article 86 ainsi que le deuxième alinéa du même article, les deuxième, troisième et huitième paragraphes de l'article 87, les articles 88 à 94, 100 et 101, 105 à 108, 110 à 114, 157, 164 et 165, 175 et 176, les mots "et, le cas échéant, de ses observations, conclusions et recommandations" à l'article 177, les articles 194 et 195, 205 à 210, les articles 212, 213, 215, 216, 220, 222, 230, 232, les mots "à l'étape prévue des affaires courantes" de l'article 233, les articles 236 et 237, le deuxième alinéa de l'article 239, les articles 240 et 241, 243, le deuxième alinéa de l'article 244, les articles 245 à 247, les mots "et l'adoption du projet de loi est fixée à une séance subséquente" au deuxième alinéa de l'article 248, les articles 249 à 251, le premier alinéa de l'article 252 ainsi que les premier et troisième alinéas de l'article 253, l'article 254, les deuxième et troisième alinéas de l'article 256, l'article 257 et les articles 304 à 307 soient suspendus jusqu'à l'adoption dudit projet de loi; et

«Il soit permis, dès l'adoption de la présente motion, de terminer l'étape des affaires courantes pour ensuite procéder aux affaires du jour afin de procéder à l'étude du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, malgré l'article 54;

(11 heures)

«Il soit permis à un ministre de procéder à la présentation dudit projet de loi à l'étape des affaires du jour, malgré l'article 53;

«Par la suite, la durée du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, soit fixée à un maximum de 120 minutes, dont 50 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 50 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 10 minutes au député indépendant et une réplique d'une durée maximale de 10 minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du principe soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Après l'adoption du principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer de l'envoyer en commission plénière pour étude détaillée; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer que l'Assemblée se constitue en commission plénière; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée de l'étude détaillée du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, en commission plénière soit fixée à un maximum de 120 minutes après le début de ses travaux et que les articles étudiés ainsi que les amendements proposés en cours d'étude soient mis aux voix sans appel nominal;

«Le président de la commission plénière, à l'expiration de ce délai, mette aux voix immédiatement, sans débat et sans appel nominal, les articles et les amendements dont la commission n'aurait pas disposé, y compris les amendements que le ministre qui présente le projet de loi n'aurait pas pu proposer en cours d'étude mais dont il saisira le président de la commission à ce moment, le titre et autres intitulés du projet de loi et fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission ni l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse, plus d'une fois au cours d'une même séance, proposer de faire rapport à l'Assemblée que la commission plénière n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la permission de siéger à nouveau; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée du débat sur l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, soit fixée à un maximum de 30 minutes, dont 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cinq minutes pour le député indépendant et une réplique d'une durée maximale de cinq minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du projet de loi soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Au cours du débat sur l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse faire motion pour qu'il soit envoyé en commission plénière, en vue de l'étude des amendements qu'il indique; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal; en commission plénière, l'étude soit limitée aux amendements proposés; la durée du débat en commission plénière soit fixée à un maximum de 15 minutes, dont cinq minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, cinq minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, trois minutes pour le député indépendant et deux minutes de réplique au ministre qui présente le projet de loi, au terme de laquelle les amendements seraient mis aux voix immédiatement et sans appel nominal; après quoi le président de la commission plénière fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission ni l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix immédiatement sans débat et sans appel nominal;

«L'ajournement du débat puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«L'ajournement de l'Assemblée puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Le retrait d'une motion puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Outre les dispositions prévues à la présente motion, tous les votes soient faits à main levée à moins qu'un ministre ou leader adjoint du gouvernement n'exige un vote par appel nominal;

«L'Assemblée puisse siéger tous les jours, à compter de 10 heures, jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux;

«Sous réserve de ce qui précède, les dispositions du règlement particulières à la période de travaux intensifs soient appliquées;

«Les règles ci-dessus mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques.»

Le Président: Bien. Alors, cette motion est présentée. Est-ce qu'elle est adoptée? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. On en est, là, à la quatrième loi spéciale en très peu de temps de la part du gouvernement du Parti québécois. Dans les trois derniers cas, vous aviez accordé une suspension de 45 minutes pour permettre de vérifier la motion très complexe et compliquée, qui suspend les droits des parlementaires et qui contient habituellement certaines erreurs, que vient de nous lire très rapidement le leader du gouvernement.

Ce projet de loi est accompagné, comme le prévoit le règlement, du dépôt d'un projet de loi qui est majeur pour des gens qui sont très importants dans la société québécoise. Dans les circonstances, compte tenu qu'il y a à la fois la motion de suspension des droits des parlementaires et la loi qui suspend les droits des travailleurs et travailleuses du secteur de la santé, particulièrement les infirmiers et les infirmières, nous souhaiterions disposer d'une heure pour faire le tour de la question, M. le Président. À moins qu'à ce moment-ci le gouvernement revienne sur son refus de consacrer le temps, plutôt qu'à faire de la procédure et à suivre ce qu'on appelle un «processus d'opposition» comme tel, à un processus de consensus où on pourrait entendre, ici même, les parties intéressées. À ce moment-là, on renoncerait à cette heure, on renoncerait au débat restreint de deux heures et on pourrait procéder correctement, et les parlementaires pourraient avoir l'avantage d'un éclairage complet. On verrait qui dit la vérité, le premier ministre lui-même ou les infirmiers et infirmières du Québec.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Je fais juste rappeler au leader de l'opposition que l'objet d'étude de l'Assemblée nationale, tel qu'on le retrouve d'ailleurs dans la lettre que vous adressait le premier ministre, c'est d'étudier, d'examiner et d'adopter un projet de loi. Alors, c'est ça, l'objet de l'étude, et c'est ce qu'on va faire. Concernant le délibéré, je voudrais vous citer; vous me permettrez de vous citer. Le 16 juin dernier, vous avez dit, et je vous cite: «...la présidence disposait des précédents à l'égard du temps qui était alloué pour prendre connaissance, selon différents facteurs... et le temps va entre 13 minutes et 61 minutes, qui a été le plus long, et en conséquence je vais accorder 15 minutes à ce moment-ci.» Fin de la citation. C'est ce que vous avez déclaré le 16 juin. Je vous signale que le 9 décembre 1993 il y a eu suspension et que le délibéré a duré cinq minutes. Le 17 mai 1990, la suspension a duré 12 minutes. Et, le 18 avril 1991, la suspension a duré quatre minutes.

Ceci étant dit, je veux simplement vous signaler, puisque vous avez vu tout à l'heure au moins le chef de l'opposition et une députée invoquer des articles de la loi que nous aurons à examiner... Ce qui signifie que j'ai transmis au leader de l'opposition le projet de loi avant 9 heures, ce matin. Donc, ils ont entre les mains le projet de loi depuis deux heures, là. Ils ont entre les mains le projet de loi. Alors, il me semble que, oui, il peut y avoir suspension, sans doute, mais que cette suspension ne peut pas avoir une durée trop irraisonnable.

Le Président: Bien. J'ai effectivement à quelques reprises fait référence aux précédents et, avant le début de la séance d'aujourd'hui, j'ai consulté aussi les précédents à l'égard à la fois des suspensions accordées, de consentement, de toute façon, qui concernaient des motions de suspension des règles et, dans certains cas, motions qui étaient accompagnées d'un projet de loi. Et j'indique aux membres de l'Assemblée que, à cette étape-ci, 45 minutes seraient très raisonnables, compte tenu des précédents déjà cités.


Directive du président concernant l'horaire des travaux en séance extraordinaire

Je voudrais par ailleurs, dès maintenant, puisque nous sommes en séance extraordinaire, informer les membres de l'Assemblée, pour que personne ne soit pris par surprise éventuellement, que nous sommes donc en séance extraordinaire, nous sommes à l'étape des affaires courantes et que, comme l'article 23 le prévoit très clairement, «en dehors des périodes, jours ou heures prévus à la présente section, l'Assemblée, sur demande du premier ministre, se réunit en séances extraordinaires», alors, puisque ça a été le cas, les heures de suspension ne comptent pas. Donc, il n'y a pas de suspension à 13 heures, automatique, comme le règlement le prévoit. Ça veut dire qu'à partir du moment où il y a cette suspension, que nous reviendrons, qu'éventuellement les leaders pourront évoquer, eux ou d'autres membres de l'Assemblée, des questions de règlement sur la recevabilité, que cette étape-là sera franchie et que nous entamerons le débat sur le fond des choses, c'est-à-dire la motion de suspension des règles, cette étape-là se franchira sans qu'à 13 heures il y ait de suspension. Et ça, je vous le dis pour que personne ne soit pris par surprise à cette étape-ci.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je suis un petit peu surpris...

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 10)

M. Paradis: ...là. D'habitude, lorsque le président s'apprête à donner des directives, il demande d'entendre des représentants des formations politiques qui leur citent le président, et le président prend une décision suite à l'éclairage, une décision qui est neutre et qui fait suite aux représentations de part et d'autre.

Que le président se présente à l'Assemblée nationale et dise: J'ai déjà décidé, de mon trône, sans entendre personne, sans en avoir eu la demande – je dois penser que c'est le cas, M. le Président – sans que le premier ministre lui-même me l'ait demandé... Si le premier ministre vous l'a demandé, ça, c'est une autre affaire. Vous avez cité sa lettre, vous considérez peut-être sa lettre comme étant une demande à cet effet-là. Ça place la présidence dans une décision qu'il prend proprio motu, sans avoir avisé qui que ce soit, et vous le faites d'une façon très autoritaire, vos décisions sont finales, elles sont sans appel. Mais, si le premier ministre vous l'a demandé, on comprend.

Le Président: Non, je m'excuse, M. le leader de l'opposition officielle, je ne crois pas que vous serviez l'institution en laissant entendre à cette étape-ci et de la façon dont vous venez de le faire que le président suit des directives du premier ministre. La seule chose que le président a faite, c'est qu'il a, à la suite de la lettre très officielle qui lui a été transmise par le premier ministre, fait en sorte que l'Assemblée puisse siéger ce matin. C'est tout. Quant au reste, le président a la responsabilité, en vertu du règlement, d'organiser les travaux, et le président n'est pas une abstraction qui ne tient pas compte de la réalité, et des faits, et des précédents.

Ça fait assez longtemps que je suis dans cette Assemblée pour être capable de prendre un certain nombre d'initiatives, entre autres d'informer les membres qu'en séance extraordinaire il y a des règles différentes qui s'appliquent. Et je vous ai rappelé cela, aux uns et aux autres, pour que personne ne soit pris par surprise. Et, à cet égard, ce n'est pas une décision proprio motu du président, de son autorité sans qu'il n'y ait eu de précédents. Je vous indique à cet égard que j'ai fait des vérifications, et qu'il y a eu des précédents, et qu'il y a eu des décisions qui ont été prises pour clarifier justement, parce que notre règlement ne prévoit pas toutes les précisions quant à l'égard du fonctionnement des séances extraordinaires.

Il y a eu entre autres une décision très claire à cet égard, du président Saintonge, le 3 septembre 1992, qui indique très clairement que ce que je viens de vous donner comme directive, c'est la façon de faire à l'égard de la conduite des séances extraordinaires dont j'ai la responsabilité d'assumer la direction. M. le leader.

M. Paradis: Oui, M. le Président, justement, j'ai sous la main cette décision à laquelle vous venez de référer, du 3 septembre 1992, du président Saintonge, et le président Saintonge est très clair dans sa décision, que, tant que la motion pour suspendre les règles – qui a été proposée par mon bon ami le leader du gouvernement – n'est pas adoptée, on procède de façon normale. D'ailleurs, vous l'avez fait en tout début de séance, vous avez procédé aux affaires courantes comme telles, vous avez reconnu que les parlementaires avaient droit à une période de questions comme telle, et c'est comme ça que le président Saintonge a appliqué la jurisprudence.

Je ne vous dis pas que, au moment où, si c'est le cas, l'Assemblée adopte l'ordre ou la motion du leader du gouvernement, nos règlements ne seront pas suspendus, et que le président ne sera pas lié à ce moment-là par un ordre de la Chambre, et que les suspensions seront complètement abolies, s'il l'a prévu dans sa motion de suspension des règles comme telle. Mais, en attendant, ce sont nos règles usuelles qui doivent prévaloir, nous sommes régis par un règlement, à moins qu'il ne soit suspendu. Autrement, le leader du gouvernement n'aurait à suspendre aucune règle, on aurait la lettre du premier ministre, on se conformerait à la lettre du premier ministre et on se retrouverait dans un État où le premier ministre contrôle l'exécutif, se fout du législatif et contrôle l'Assemblée nationale lui-même, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Alors, selon sa bonne vieille habitude, le leader de l'opposition soulève des questions de règlement alors qu'il connaît très bien la réponse. Et, on l'a vu au cours de la dernière session, les motifs d'une pareille conduite, c'est pour gagner du temps, c'est pour que le temps s'écoule. Mais la réponse et la décision du président Saintonge sont on ne peut plus limpides. Je veux juste en citer un paragraphe: «Le débat restreint sur les motifs de convocation et, le cas échéant, sur la motion de suspension des règles de procédure – et il parlait évidemment d'une séance extraordinaire – se poursuit indépendamment des heures de suspension ou d'ajournement de l'Assemblée prévues au règlement. Ensuite, ce sont les règles prévues dans la motion de suspension des règles de procédure ou celles faisant l'objet d'une entente entre les parties qui s'appliquent.» Ça m'apparaît très clair qu'en séance extraordinaire les horaires réguliers ne tiennent pas et qu'une fois qu'on a commencé à siéger on poursuit jusqu'à ce que l'Assemblée ait disposé de l'objet pour lequel on l'a convoquée.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Vous voyez, M. le Président, le leader du gouvernement continue à refuser l'offre faite par l'opposition. Au lieu d'entendre les parties qui sont concernées par cette affaire, au lieu d'entendre les infirmiers, les infirmières, les pharmaciens, la partie patronale, au lieu d'entendre les gens qui auront à subir le projet de loi, il s'enfarge et il s'entête à refuser son consentement pour qu'on puisse procéder par entente de façon correcte, et il s'expose, comme il l'a fait en fin de session, à des questions de procédure qui sont tout à fait légitimes parce que, à chaque fois qu'il nous présente une motion, il commet des erreurs.

Le Président: Ceci étant dit, il n'y avait pas eu de question de règlement de soulevée, c'est moi qui ai pris l'initiative. Puisque la séance extraordinaire, ce n'est pas une habitude de fonctionnement de l'Assemblée nationale, alors je pense qu'il faut que tout le monde sache quelles sont les règles de fonctionnement. Entre-temps, la décision est rendue et j'ai donné la directive.

Par ailleurs, j'accorde, tel qu'on me le demande, une période de suspension, et cette période de suspension sera de 45 minutes. Alors, les travaux de l'Assemblée sont suspendus.

(Suspension de la séance à 11 h 17)

(Reprise à 12 h 2)

Le Président: Bien. Veuillez vous asseoir.

Nous reprenons donc notre séance. Nous l'avons interrompue pour permettre aux membres de l'Assemblée de prendre connaissance de la motion du leader du gouvernement sur la motion de suspension des règles. Alors, je repose la question: Après en avoir pris connaissance, est-ce que la motion est adoptée ou s'il y a des... M. le leader de l'opposition officielle.


Débat sur la recevabilité


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans le peu de temps qui a été mis à notre disposition, nous avons, à ce moment-ci, deux questions à adresser, une qui s'adresse au leader du gouvernement et une qui s'adresse à la présidence de l'Assemblée nationale.

La première traite des dispositions des articles 84 et 235 du règlement de l'Assemblée nationale. Dans la motion de suspension des droits des parlementaires, qui touche à peu près tous les droits des parlementaires des deux côtés de la Chambre, le leader du gouvernement suspend les deuxième et troisième alinéas de l'article 84 mais, pour une raison, là, qui ne nous apparaît pas claire à ce moment-ci, ne suspend pas le premier alinéa de l'article 84. Si on fait lecture de cet article – et nous sommes encore aux affaires courantes des travaux de l'Assemblée nationale: «Les motions touchant les travaux de l'Assemblée et ne requérant pas de préavis sont prévues par la loi et le présent règlement.»

Si on combine l'effet de cet article avec les dispositions de l'article 235 de notre règlement, M. le Président, l'article 235 ne serait pas suspendu par la motion présentée par le leader du gouvernement. «Le leader du gouvernement peut faire une motion sans préavis pour envoyer le projet à une commission, afin que celle-ci consulte les personnes et organismes qui désirent faire connaître leur opinion dans le cadre d'une consultation générale. Cette motion n'est pas débattue.»

La question est évidente, M. le Président, elle est claire: Est-ce que le gouvernement s'est finalement rendu aux demandes des divers intervenants dans le dossier, qu'il ne suspend pas les articles qui permettent d'entendre les infirmiers et infirmières, qui permettent d'entendre les pharmaciens, qui permettent d'entendre la partie patronale, les négociateurs du premier ministre ou peut-être, comme il l'a dit ce matin, le premier ministre lui-même, qui permettent d'entendre le président du Conseil des services essentiels? En ne suspendant pas ces articles, est-ce que le gouvernement fait, à ce moment-ci, preuve d'une certaine ouverture et qu'il est prêt à confronter la vérité du premier ministre lui-même avec la vérité des infirmiers et infirmières du Québec et des pharmaciens et pharmaciennes du Québec?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, il est vrai que nous ne suspendons pas cet article, mais ça ne doit pas être interprété comme signifiant que le gouvernement a l'intention de convoquer une commission parlementaire comme le réclame l'opposition. C'est une mauvaise interprétation.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: À ce moment-là, est-ce qu'il s'agit d'une omission ou d'une mauvaise interprétation? Parce que, lorsque le gouvernement suspend la presque totalité du règlement qui gouverne les travaux des parlementaires, les droits démocratiques des élus du peuple et qu'il ne suspend pas cette disposition, si on ne peut y lire un signal, que doit-on y lire?


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, c'est simplement que, comme, en vertu de cette disposition, il appartient au gouvernement de décider de convoquer ou non une commission parlementaire, donc cette initiative ne peut pas être enclenchée par un député de l'opposition, par exemple, ou leader de l'opposition. Alors donc, comme le gouvernement n'a pas l'intention d'appliquer cette disposition-là, il n'était pas utile de la suspendre.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, on doit conclure que c'est l'opposition qu'on souhaite bâillonner et non le gouvernement, par cette disposition.

Ma question suivante s'adresse à la présidence de l'Assemblée nationale. Nous avons soumis, conformément au règlement, un avis pour la tenue d'un débat de fin de séance. Le chef de l'opposition n'était pas satisfait – et on le comprend – comme ceux et celles qui nous ont écoutés, comme l'ensemble des députés, des réponses fournies par le premier ministre et il requiert, à ce moment-là, la tenue d'un débat de fin de séance pour que des éclaircissements soient apportés comme tels aux questions qu'il a posées ce matin et qui n'ont pas obtenu de réponses satisfaisantes.

L'article 308 qui gouverne les débats de fin de séance, M. le Président, n'a pas été suspendu comme tel. Vous avez fait référence plus tôt ce matin à une décision de la présidence, de M. Saintonge. Si vous vous référez au dialogue qui est intervenu à ce moment-là entre les parlementaires et la présidence à l'époque, la décision de M. Saintonge quant à la tenue de débats de séance dans le cadre d'une séance extraordinaire de l'Assemblée nationale était on ne peut plus claire. Je cite le président Saintonge, à la page 3063 du Journal des débats , M. le Président: «Maintenant, je voudrais quand même informer l'Assemblée, à ce moment-ci, que j'ai recu – dans le cas qui l'occupait – deux avis pour un débat de fin de séance: l'un signé par le chef de l'opposition[...]. Donc, j'informe l'Assemblée de ces avis. Nous en disposerons ultérieurement au cours des travaux.» Simplement m'assurer que la présidence maintient cette décision du président Saintonge et qu'elle informe l'Assemblée qu'elle a reçu à ce moment-ci les avis requis.

Le Président: C'est-à-dire que, effectivement, M. le leader de l'opposition officielle, j'ai reçu un avis du chef de l'opposition officielle qui souhaite engager un débat de fin de séance à la suite de la période de questions et de réponses orales de ce matin. Compte tenu que nous sommes en séance extraordinaire, j'ai demandé à ce qu'on puisse faire les vérifications pour voir dans quelle mesure une telle demande peut être reçue et considérée recevable en regard des dispositions du règlement et de la jurisprudence et, plus tard dans notre séance d'aujourd'hui, aussitôt que je serai en mesure de rendre ma décision, je la rendrai. Je n'ai pas encore eu l'avis que toutes les recherches en procédure étaient terminées à cet égard.

Sur la même question, M. le leader du gouvernement?


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Simplement une remarque à cet égard. Dans la motion que j'ai présentée – évidemment, si elle est adoptée par l'Assemblée nationale – l'avant-dernier paragraphe se lit comme suit: «Que, sous réserve de ce qui précède, les dispositions du règlement particulières à la période de travaux intensifs soient appliquées.»

Il y a des dispositions portant sur la session intensive qui sont suspendues, mais il y en a d'autres qui ne le sont pas, et je vous signale que, lorsque nous sommes en session intensive, les dispositions de notre règlement portant sur les débats de fin de séance ne s'appliquent pas.

Le Président: M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, ça pourrait être un excellent argument si c'était le cas. Ce n'est, malheureusement pour le leader du gouvernement, pas un argument qui puisse être retenu. Sa motion de suspension des règles est déjà suffisamment sévère à l'endroit des droits des parlementaires qu'elle ne peut être appliquée de façon rétroactive. Ça fait suite à la période de questions. Nous étions dans une période de questions normale, nous ne sommes pas dans une période de travaux intensifs de l'Assemblée nationale, et, au moment où l'événement se produira, le débat de fin de séance, M. le Président, on aura disposé de la motion de leader du gouvernement et nous retomberons dans ce qu'on appelle un fonctionnement normal, si on peut appeler ça normal dans le cadre d'une séance extraordinaire.

(12 h 10)

Maintenant, pour éclairer les légistes, il pourrait y avoir une complication sur le plan de l'agenda des députés de l'Assemblée nationale, et je vous le souligne immédiatement, M. le Président. Nous sommes un vendredi, non pas un jeudi ou un mardi. Mais, comme nous sommes dans le cadre d'une séance extraordinaire et que la décision de votre prédécesseur est très claire, nous serions prêts à offrir notre consentement, plutôt que de reprendre les travaux mardi avec débat de fin de séance, les reporter dans le temps, etc., que, immédiatement, lorsqu'on aura disposé et qu'on sera revenu aux affaires courantes, on puisse procéder au débat de fin de séance immédiatement après nos travaux, M. le Président.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, on verra, on verra, on verra. Pour le moment, le leader de l'opposition le savait, il l'a évoqué dans ses remarques, nous sommes effectivement vendredi. Même si on supposait que les règles présidant ou régissant les séances ordinaires de l'Assemblée s'appliquaient, étant vendredi, les débats de fin de séance ne sont possibles que les mardis et les jeudis.

Le Président: Alors, de toute façon, nous sommes en séance extraordinaire. J'ai indiqué que, après avoir reçu la demande du chef de l'opposition, j'avais demandé à ce qu'on fasse toutes les vérifications pour que je puisse éventuellement répondre à la demande du chef de l'opposition selon les règles en vigueur et selon également la tradition parlementaire et les précédents qui auraient pu intervenir dans ce type de cas.

Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions sur... M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais, par la même occasion, attirer votre attention sur un point qui nous semble important également. En effet, vous le savez mieux que quiconque, la législation au Québec, constitutionnellement, comme au Manitoba, comme au Nouveau-Brunswick, comme au fédéral, doit être adoptée dans les deux langues. Donc, comme il se doit, on a reçu ce qui normalement devait être la version anglaise du projet de loi déposé en langue française par le gouvernement. Mais je dis bien «version anglaise», parce qu'on sait tous qu'ici la rédaction se fait d'abord et avant tout en français. Mais ça n'empêche pas le fait que les deux versions sont également authentiques, les deux versions ont également force de loi et les deux versions doivent être, bien entendu, identiques.

Or, M. le Président, sur plusieurs chapitres et dans de très nombreux articles, la version anglaise déposée ce matin diffère complètement de la version française. Et je me permets, pour soutenir mon point, de ne souligner qu'une seule de ces différences-là, qui va vous permettre de comprendre aisément toute l'importance de notre intervention à cet égard.

Le Président: Je voudrais simplement, à ce moment-ci, comprendre où vous voulez en venir, parce que nous sommes à l'étape où le leader du gouvernement a présenté une motion de suspension des règles. On peut l'adopter ou on peut, avant de l'adopter, soulever des questions de recevabilité, comme c'est souvent le cas. Et, en l'occurrence, je comprends que vous vous levez pour soulever des questions de recevabilité. Si ce n'est pas le cas, je voudrais le savoir. Si c'est le cas, je voudrais que le débat porte sur la motion de suspension et sa recevabilité et non pas sur le projet de loi lui-même.

Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Bien, oui. Simplement pour vous dire... Je ne sais pas si le député de Chomedey, ou leader adjoint de l'opposition, va poursuivre dans le même sens que ses premières remarques, mais, formellement et officiellement, je veux signaler à l'Assemblée que le projet de loi dont il est question dans la lettre que vous adresse le premier ministre n'est pas encore déposé à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour rappeler à mon bon ami le leader du gouvernement les dispositions de l'article 184 que vous connaissez bien: «Si la motion tend à permettre l'étude d'un projet de loi – et c'est le cas – celui-ci doit être distribué au moment où la motion est présentée.» Donc, ça fait partie d'un tout. Le projet de loi est distribué aux membres de l'Assemblée nationale au moment même où la motion a été présentée. La motion a été présentée, le projet de loi a été distribué.

Le problème que nous avons à ce moment-ci, M. le Président, sur la recevabilité comme telle – et vous allez comprendre aisément des propos du député de Chomedey – c'est que c'est deux projets de loi contradictoires qui ont été déposés. Ce n'est pas la même chose. On n'en a pas un qui a été déposé, on en a deux. Il y en a un qui dit quelque chose en français puis il y en a un autre qui dit quelque chose en anglais. On voudrait savoir lequel est soumis à l'Assemblée nationale.

M. Brassard: M. le Président, simplement pour vous dire que, oui, le projet de loi a été distribué, mais, non, il n'a pas été présenté. Il le sera lorsque la motion que j'ai présentée sera adoptée. Là, en vertu de cette motion, il y aura présentation, par le président du Conseil du trésor, du projet de loi. Mais, au moment où on se parle, il n'est pas présenté.

Le Président: Ce qui me semble clair, c'est que le projet de loi a été distribué aux membres de l'Assemblée conformément à l'article 184. Mais ce qui m'apparaît aussi clair, c'est que les procédures d'adoption du projet de loi ont justement comme objectif de bonifier les textes législatifs. Et, à ce moment-ci, je crois que la recevabilité doit être invoquée sur la motion de suspension des règles et non pas sur le texte du projet de loi. Il pourrait se produire que des membres de l'Assemblée voient des erreurs de rédaction dans le texte du projet de loi, et le processus législatif a justement pour objectif de bonifier le texte pour éventuellement le rendre conforme avant son adoption.

Alors, je voudrais, à ce moment-ci, tout simplement indiquer au député de Chomedey que je voudrais que la question de recevabilité porte sur la motion de suspension. Alors, allons-y, puis on verra.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. La motion de suspension vise ostensiblement l'adoption d'un projet de loi. Un projet de loi, constitutionnellement, au Québec, comporte deux versions identiques, bien entendu. Nous sommes saisis, au contraire, d'un projet de loi en langue anglaise, d'un projet de loi en langue française. Ils prétendent nous convoquer pour débattre d'un projet de loi, mais on ne sait pas lequel des deux.

Je vais me permettre – j'ai tenté de le faire tantôt, de bon aloi, d'être correct avec le gouvernement – de leur donner un exemple, parmi de nombreux autres, qui montre que ce n'est pas une erreur de rédaction, que ce n'est pas une coquille de traduction dont il s'agit, c'est une version fondamentalement différente sur l'essentiel du projet de loi.

J'attire votre attention sur les versions anglaise et française de l'article 9 du projet de loi: «Le directeur général d'un établissement doit prendre les mesures nécessaires pour que les sanctions – on est dans le coeur du projet de loi – prévues par les articles 7 et 8 de la présente loi et par les articles 18 à 22 de la Loi assurant le maintien des services essentiels dans le secteur de la santé et des services sociaux soient appliquées au plus tard à compter de la deuxième période de paie qui suit celle au cours de laquelle les contraventions ont eu lieu – et là, la partie importante – et pour que les sanctions prévues par l'article 23 de cette loi soient appliquées avec diligence.»

Toute la dernière partie, que je viens de vous lire, «et pour que les sanctions prévues par l'article 23 de cette loi soient appliquées avec diligence», le coeur de leur projet de loi, n'apparaît pas dans le projet de loi en langue anglaise qui a été déposé ici. Je le cite: «The executive director of an institution shall take the necessary measures to ensure that the sanctions provided for in sections 7 and 8 of this Act and sections 18 to 22 of the Act to ensure that essential services are maintained in the health and social services sector are applied not later than from the second pay period after the pay period during which the contraventions occurred.» Aucune référence à l'article 23, aucune référence donc à cet élément qui est au coeur même de leur projet de loi.

Alors, la question sur la recevabilité – parce que c'est ce à propos de quoi vous nous avez interpellés, M. le Président – de la motion est la suivante: Comment est-ce qu'on peut prétendre saisir cette Assemblée d'un projet de loi qui doit exister dans deux versions, alors qu'on n'est pas capables, nous, de savoir laquelle de ces deux versions qu'on a devant nous va faire l'objet du débat? C'est un point extrêmement important qu'on vous soumet, M. le Président, et on soumet en terminant que ce n'est pas lors de la présentation, lors de l'analyse article par article ni à quelque autre étape qu'on va pouvoir remédier à cette faille fondamentale en nous présentant un projet de loi qui présente non pas une différence de ponctuation, non pas une différence terminologique légère qui peut faire l'objet d'une discussion ou d'un débat, mais d'une partie essentielle d'un des articles clés du projet de loi qui est complètement différente dans les deux versions qui ont été présentées ici, aujourd'hui.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, j'ai écouté le leader de l'opposition, mais je reste convaincu que toutes ces remarques n'ont rien à voir avec la recevabilité de la motion que j'ai présentée, absolument rien à voir, parce que ces remarques portent sur le projet de loi et sur un projet de loi qui n'est pas encore présenté, qui n'a pas franchi même la première étape nécessaire, première étape législative. Il ne l'a pas franchie encore, cette première étape là, il n'est pas présenté. Alors donc, ça n'a absolument rien à voir avec la recevabilité ou pas de la motion de suspension des règles que j'ai présentée. Toutes ces questions-là ne sont pas, je dirais, frivoles, mais ça doit se faire à une étape prévue à cette fin, qui est lorsque l'Assemblée va se transformer en commission plénière et qu'elle aura le mandat de faire l'étude détaillée du projet de loi. C'est à ce moment-là que des remarques de cette nature-là seront tout à fait, d'ailleurs, pertinentes, mais ce n'est pas au moment où vous avez à décider si la motion que j'ai présentée est recevable ou pas.

(12 h 20)

Le Président: Rapidement, M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Très brièvement, M. le Président, tenter de faire comprendre à mon bon ami le leader du gouvernement qu'il n'y aurait pas de motion s'il n'y avait pas de projet de loi, c'est aussi simple que ça. À ce moment-là, c'est une question de recevabilité. Si on n'avait pas de projet de loi, vous déclareriez automatiquement la motion irrecevable parce qu'il n'y a pas de projet de loi et que le règlement ne serait pas respecté.

Au moment où en discute, on n'a pas un projet de loi, on a deux projets de loi, M. le Président, qui disent des choses différentes, et la motion parle d'un projet de loi. Ça fait que ce n'est pas difficile à comprendre, là. La motion parle d'un projet de loi, et il en a distribué deux. La motion n'existerait pas s'il n'y avait pas de projet de loi. Est-ce que la motion peut exister quand il y a deux projets de loi qui ne disent pas la même chose qui sont présentés à l'Assemblée nationale du Québec?

Le Président: Bon, à l'évidence, je me suis rendu compte, comme plusieurs d'entre vous ce matin, qu'il y a des membres, en particulier de l'opposition officielle, et notamment le chef de l'opposition, qui faisaient référence à un texte de projet de loi ou d'avant-projet de loi, et, moi, en ce qui me concerne, au niveau de la présidence, je ne suis pas en mesure, à ce moment-ci, d'indiquer si vos remarques ou celles du député de Chomedey portent sur le texte auquel a fait référence le chef de l'opposition ou sur le texte du projet de loi, sur une des deux versions du document qui a été déposé en vertu de 184 et qui accompagne la motion de suspension des règles. Dans ce sens-là, ce que je vous ai indiqué et ce que je vous indique toujours, c'est que nous sommes à l'étape où je dois, comme président...

Une voix: ...

Le Président: Non, mais laissez-moi terminer, là. Je dois établir la recevabilité, puisque vous invoquez un problème de recevabilité. Parce que, à la limite, vous pourriez ne pas invoquer de problème de recevabilité, et on serait, à ce moment-ci, en mesure de procéder au débat restreint avant l'adoption de la motion du leader du gouvernement. Mais, s'il y a des questions de recevabilité, je veux qu'elles portent sur la question de la motion de suspension. Le président de l'Assemblée n'a pas à statuer sur le contenu avant que les membres de l'Assemblée aient eux-mêmes statué sur le contenu.

M. Paradis: Je m'excuse, M. le Président, là, ce que vous n'avez pas à savoir, ce que vous n'avez pas à connaître dans votre travail de président, c'est les versions qui ont pu être distribuées avant. Mais, à partir du moment où il y a un article du règlement qui impose une obligation stricte dans le cadre d'une suspension des règles fondamentales de l'Assemblée nationale, vous devez prendre connaissance, comme tous les autres députés de l'Assemblée nationale, des versions, des projets de loi différents qui ont été déposés par le leader du gouvernement. Ça, c'est une obligation qui est la vôtre, et vous vous devez, dans un cadre qui est la suspension des droits fondamentaux des parlementaires, de vous assurer que les parlementaires sont saisis de documents ou de pièces législatives qui sont conformes au règlement.

Ce que nous vous disons présentement sur la recevabilité, c'est que, le leader, sa motion n'existerait pas s'il n'y avait pas de projet de loi. Sa motion nous parle d'un projet de loi; nous avons reçu deux projets de loi différents. À ce moment-ci, ces projets de loi là sont entre les mains de la présidence comme entre les mains de tous les membres de l'Assemblée nationale, on en a une connaissance. Sur laquelle porte la motion du leader du gouvernement: sur la version française ou sur la version anglaise? Ça ne peut pas porter sur les deux, et, à ce moment-là, M. le Président, vous placez le législateur dans une situation qui est impossible, qui est intenable, le leader du gouvernement vous ayant placé, nous ayant placés dans cette situation faisant en sorte qu'on ne sait pas quel projet de loi. Parce que l'essentiel, c'est le projet de loi. Sans projet de loi, il n'y aurait pas de motion. On en a deux. Lequel doit-on discuter dans les deux projets de loi contradictoires? Ou que le leader recommence son travail, qu'il nous présente un projet de loi, version française, version anglaise, conformément aux dispositions de l'article 184.

Le Président: M. le leader de...


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, nous n'avons pas présenté de projet de loi. Ce n'est pas...

Une voix: ...

M. Brassard: Non! Non! Est-ce que le président du Conseil du trésor s'est levé pour présenter formellement un projet de loi en vertu des étapes et du cheminement législatif prévus par nos règlements? Pas du tout! Il n'y a pas eu de présentation de projet de loi. Ces remarques sont non pertinentes quant à la recevabilité de la motion et ne cherchent évidemment – ha, ha, ha! ça ne me surprend pas de la part du leader de l'opposition et du leader adjoint – qu'à gagner du temps, qu'à faire que le temps s'écoule, tout simplement.

Une voix: ...

M. Paradis: Oui. M. le Président, au lieu d'imputer des motifs, contrairement au règlement, le leader du gouvernement devrait reconsidérer, puisque...

Une voix: ...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît, là. Bon. On ne va pas faire des dialogues de sourds, d'une part. Deuxièmement, il y a des informations qui me sont communiquées par les officiers de la table. D'abord, M. le leader, sur l'intervention, puis par la suite M. le député de Rivière-du-Loup. Je vais aussi vérifier certaines choses qui me sont communiquées par les officiers de la table.

Mais, ce que je souhaiterais, c'est que, si vous avez d'autres questions qui concernent la recevabilité, on le fasse maintenant, c'est-à-dire que vous me posez un problème de recevabilité relié au texte du projet de loi qui a été déposé en même temps que la motion de suspension des règles. Est-ce que c'est votre seul argument sur l'irrecevabilité aujourd'hui? Si tel est le cas, je veux le savoir. Si vous avez d'autres arguments d'irrecevabilité, je voudrais également les entendre et je prendrai l'ensemble des questions en délibéré. M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Simplement pour répondre au leader du gouvernement, lui rappeler que nous avons offert d'éviter tous ces débats à l'Assemblée nationale aujourd'hui, nous avons offert de prendre les quatre heures qui sont mises à la disposition des parlementaires pour faire oeuvre utile, pour entendre les représentants de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, des pharmaciens, des négociateurs patronaux, du Conseil des services essentiels, M. le Président.

Et, si le leader du gouvernement, qui a gardé la porte ouverte – ce n'est pas suspendu dans la motion qu'il a présentée devant l'Assemblée nationale – se rend à la raison et accepte d'entendre ces gens, ça procédera par entente et ça procédera correctement. S'il n'est pas prêt à les entendre, M. le Président, il faut au moins qu'il respecte les droits fondamentaux des parlementaires.

Sur la recevabilité comme telle, le leader du gouvernement prétend que le président du Conseil du trésor, le ministre délégué à l'Administration – on constate que c'est lui et non la ministre de la Santé qui présente le projet de loi – ne s'est pas levé pour présenter le projet de loi. Il y a des dispositions impératives, à l'article 184 de notre règlement, qui n'existent pas dans le cadre normal des choses, M. le Président. Elles doivent donc être interprétées encore plus restrictivement.

Le projet de loi doit être distribué à l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale. On n'a pas reçu un projet de loi, comme nous l'indique la motion du leader, on en a reçus deux, projets de loi. Les deux ne sont pas pareils. Au contraire, les deux se contredisent et ont des effets différents sur les personnes qui sont visées.

À ce moment-ci, ce n'est pas tellement compliqué, là, tout ce que le leader a à faire, c'est de retourner à son bureau, reprendre sa procédure, déposer un projet de loi, comme le prévoit l'article 184, le faire circuler aux députés de l'Assemblée nationale, et là nous saurons sur quoi nous prononcer. Présentement, nous ne savons pas sur quoi nous prononcer.

Quant à votre invitation, M. le Président, j'aime autant à ce moment-ci, par mesure de prudence, et vous me comprendrez, m'en remettre aux précédents continus de vos prédécesseurs qui font en sorte que, si le leader du gouvernement a commis d'autres erreurs dans la présentation de sa motion, je ne saurais, au nom de ma formation politique, à ce moment-ci, renoncer à soulever à la présidence... D'ailleurs, vous connaissez la jurisprudence: jusqu'à l'adoption, c'est un droit qui appartient aux parlementaires, et je verrais mal – le leader n'a pas insisté pour l'enlever – que la présidence l'enlève aux députés de l'Assemblée nationale.

M. Mulcair: Très brièvement.

Le Président: Sur la même question?

M. Mulcair: Oui, tout à fait, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Je me permets, parce que vous y avez fait allusion tantôt, aux gens à la table, aux officiers qui aident les membres de part et d'autre de cette Assemblée, de donner un exemple très, très simple pour comprendre toute l'importance de ce qu'on est en train de faire. Et j'ai dit qu'il y en avait plusieurs autres, mais je pense que c'est celui-là qui va aider tout le monde à comprendre.

Dans la version française de l'article 12, à la fin de la version française de l'article 12, on dit que le rapport final du comité qui va être formé pour déterminer les conditions des infirmières, on dit: «Le rapport final du comité est remis aux parties au plus tard le 30 septembre 2000.»

La version anglaise dit: «The final report...» Sorry. I'm going to get the right version. «The final report of the committee shall be submitted to the parties not later than 31 December...» «September» in the French version, «December» in the English version.

M. le Président, je pense que c'est l'article 12 qui est le plus clair pour tout le monde. La référence précédente, on n'a même pas besoin d'en parler. Qu'est-ce qu'on peut avoir de plus?

On est convoqués ici aujourd'hui d'urgence, une situation extraordinaire, tout le monde en convient, pour débattre d'un projet de loi. Comme parlementaire, on me dit: Venez, on va distribuer maintenant le projet de loi. La distribution est nécessaire pour étayer, pour justifier, pour soutenir la motion de suspendre nos règles normales afin de pouvoir procéder à l'adoption dans le délai imparti.

(12 h 30)

Donc, même si techniquement le leader du gouvernement a raison lorsqu'il dit que le ministre responsable n'a pas encore fait la présentation formelle, c'est jouer à l'autruche de prétendre qu'il n'y a pas eu distribution d'un projet de loi parce qu'il n'aurait pas le droit de faire la motion, et c'est là le point de recevabilité de cette motion-là, M. le Président. N'eût été pour l'existence du projet de loi, il ne pourrait pas être en train de suspendre les règles, il veut les suspendre pour l'adopter.

Mais ce qu'on vous dit, en terminant là-dessus, M. le Président, c'est qu'on n'a vraiment pas besoin d'aller plus loin que ça. Comment voulez-vous que l'opposition prenne une décision informée, c'est-à-dire qui tient sa forme de la part de ce qui a été déposé comme justement documentation lorsqu'il y a deux choses complètement différentes? Alors, on se lève et on veut dire quoi? Nous, on est à l'étape de la recevabilité de sa motion et on dit avec égard qu'il s'est trompé. «Errare humanum est», dit le grand latiniste de leur côté; bien, ils se sont trompés. L'article 12 est l'exemple le plus clair. On nous demande de nous prononcer à cette étape-ci... Parce qu'une motion, là, ça sollicite notre consentement, ce n'est pas dit qu'on va voter contre sa motion. Si on était persuadé... S'il était en train de mettre en place un échéancier qui avait de l'allure, peut-être que ça pourrait avoir une influence sur la décision que l'on prendrait, mais comment peut-on prendre une décision alors qu'il nous dit deux choses différentes dans les versions anglaise et française? Et c'est pour ça que et le leader et moi-même insistons sur le fait que ce n'est pas une coquille de traduction, c'est deux versions différentes qui disent des choses différentes sur le fond, qui influencent notre capacité, justement, de répondre à sa motion, et c'est pour ça qu'on lui dit, avec tout le respect qu'on lui doit, que sa motion est irrecevable étant donné le fait qu'ils ont mis sur la table deux versions différentes. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de Rivière-du-Loup, sur la recevabilité toujours?


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, deux éléments. Le premier, c'est que tout à l'heure, quand vous avez décidé du temps de suspension, le leader de l'opposition vous a demandé davantage de temps. L'argument que le leader du gouvernement vous a soulevé pour vous convaincre que le temps était nécessaire, c'est la transmission à des membres de l'opposition officielle ou aux parlementaires de l'opposition officielle, je ne sais pas à quelle ampleur il l'a faite, mais la transmission du projet de loi dès 9 heures ce matin, donc conformément à ce qui semble être une tradition de transmettre le projet de loi. Or, je peux vous dire que, en ce qui me concerne, le projet de loi a été transmis vers la fin de la période des questions et des réponses orales. Donc, l'argument que vous a soumis le leader pour défendre sa position devant l'opposition officielle ne s'applique pas. Maintenant, vous êtes à recevoir des arguments qui touchent la recevabilité du projet de loi et qui incluent visiblement la nature, jusqu'à un certain point, du projet de loi, donc qui en demandent une certaine étude pour pouvoir plaider pleinement la recevabilité.

Le deuxième point que je veux vous souligner, qui ajoute à ce que mes collègues de l'opposition officielle viennent de présenter comme argumentation, c'est que ce qu'a lu – et je me fie à sa capacité de lire un texte – comme article 9 le député de Chomedey dans la version française, bien, moi, j'ai la version française qui m'a été distribuée tout à l'heure et je n'ai pas la même version que le député de Chomedey.

Le Président: Bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions sur la recevabilité à ce moment-ci, je vais à nouveau suspendre les travaux de l'Assemblée, le temps de prendre connaissance des arguments et des informations qui pourraient m'être communiqués. Alors, nous allons suspendre le temps qu'il faut.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 12 h 54)


Décision du président sur la recevabilité

Le Président: Bien. Veuillez vous asseoir. Alors, comme je l'avais sur le coup indiqué, après vérification et réflexion, je reste sur l'opinion que j'avais émise à ce moment-là, il y a quelques minutes, en séance, à l'effet que la présidence, sa responsabilité, ce n'est pas de s'immiscer dans des questions de contenu ni même de vérifier si les textes des projets de loi coïncident dans leur version anglaise ou française ou même dans des versions différentes qui pourraient survenir. La responsabilité de la présidence, c'est de veiller à l'application des procédures parlementaires, et c'est aux membres de l'Assemblée de faire en sorte que, avant qu'ils votent d'une façon définitive, les textes sur lesquels ils vont voter soient concordants et que toutes les bonifications qui pourraient intervenir soient faites, et il y a des procédures qui sont prévues à cet effet. Et, en l'occurrence, on ne peut pas considérer l'argument qui a été présenté par le leader adjoint de l'opposition officielle comme un argument concernant la recevabilité de la motion de suspension des règles.

Cependant, je voudrais indiquer, pour que les choses soient claires pour les membres de l'Assemblée, que néanmoins la présidence et ses conseillers, autant que les vice-présidents, ont bien pris note qu'au fil de l'avant-midi il y a eu un texte qui a été distribué d'une façon non officielle et qui n'a pas été distribué à l'Assemblée, sur lequel on a fait certaines références, et il y en a un second qui, lui, a été distribué par le leader du gouvernement en vertu de l'article 184. Et, encore une fois, l'Assemblée n'a qu'à considérer le texte qui a été distribué selon l'article 184. Les textes ultérieurs ne sont pas communiqués d'une façon formelle à l'Assemblée et ne font pas partie des questions sur lesquelles nous aurons à débattre. Alors, je pense qu'à cet égard-là les choses doivent être claires.

Il y a possiblement, et je n'ai même pas voulu, à partir du moment où la jurisprudence et la tradition parlementaire est très claire à cet égard, je n'ai même pas cherché à vérifier toutes les différences qu'il pouvait y avoir entre les versions. Je prends, parce que c'est ma responsabilité, autant que les autres membres de l'Assemblée, la parole du député de Chomedey à l'effet qu'il a, lui, noté certaines différences dans les versions française et anglaise du texte officiel qui est communiqué devant nous, enfin, du projet de loi qui est devant nous maintenant en vertu de l'article 184.

Pour le moment, ce qui importe, c'est de savoir si, oui ou non, cet argument intervient dans la recevabilité ou non de la motion de suspension des règles. Et j'ai indiqué que – c'est très clair – ça ne peut pas intervenir. Et le président n'a pas, lui, à se substituer aux membres de l'Assemblée et à faire les bonifications ou à constater qu'il peut y avoir des erreurs ou des coquilles, c'est aux membres de l'Assemblée de faire cet exercice-là. Et dans le passé, c'est arrivé constamment que des membres de l'Assemblée, à différentes étapes du processus législatif, on eu à bonifier, dans la forme autant que dans le fond, des textes qui ont été présentés à l'Assemblée. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.


Demande de directive concernant des versions différentes du projet de loi n° 72


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme les membres de l'Assemblée ne pourront pas corriger quelque version que ce soit avant l'adoption de la motion de suspension des droits des parlementaires qui est proposée par le leader du gouvernement, est-ce qu'on pourrait savoir, soit de la présidence, soit du leader du gouvernement, lequel des deux projets de loi est partie intégrante de sa motion, celui qui prévoit une date d'échéance pour le comité, qui est important dans le projet de loi, au 30 septembre de l'an 2000 ou au 31 décembre de l'an 2000, lequel des deux projets de loi? Parce que, là, on n'aura pas l'avantage de bonifier ou de corriger, on va avoir à se prononcer sur une motion. On veut savoir, nous autres, s'il va y avoir un délai additionnel ou s'il n'y aura pas de délai additionnel. Est-ce que soit la présidence peut nous éclairer ou le leader du gouvernement?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, vous avez eu raison de mentionner qu'il y avait eu au moins deux versions. Effectivement, par courtoisie, ce matin – par courtoisie – j'ai expédié au leader de l'opposition une version du projet de loi qui a été, par la suite, je dirais, bonifiée pour présentation, présentation qui aura lieu une fois que le débat restreint sera complété, de deux heures. Et c'est le projet de loi, tel qu'il sera présenté, qui sera évidemment l'objet du débat et qui va connaître le cheminement législatif qu'on connaît, les différentes étapes législatives. C'est ce projet de loi là qui sera débattu et adopté. Celui que j'ai expédié, par courtoisie, pour faire en sorte que l'opposition puisse prendre connaissance des intentions législatives du gouvernement, celui-là a été également corrigé par la suite, puisque le projet de loi que nous avons distribué en vertu de 184 comportait certaines modifications également par rapport à la version préliminaire que j'avais expédiée – par courtoisie, de nouveau, je le répète – au leader de l'opposition.

(13 heures)

Le Président: M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Ça ne répond absolument pas à la question. Quelle que soit la version dont il parle, on prend celle qui a été distribué aux membres de l'Assemblée nationale, c'est la seule dont l'Assemblée nationale est saisie officiellement, suivant les dispositions de l'article 184 de notre règlement. À ce moment-ci...

Une voix: ...

M. Paradis: ...je voudrais, là, que ça soit clair dans votre décision et clair également quant au vote que nous aurons à pendre sur la motion du leader du gouvernement sur quelle version on se prononce.

Je vous rappelle une situation que vous avez sans doute vérifiée pendant le délibéré où un de vos prédécesseurs, Pierre Bélanger, qui agissait à titre de président le 21 mars 1997, déclarait ce qui suit: «...je me vois dans l'obligation de demander au leader du gouvernement de reprendre la lecture et la présentation de sa motion, puisque, quand le dépôt a été fait – il parlait bien du dépôt – il y a d'abord eu un dépôt du projet, sauf que deux choses n'ont pas pu être faites à ce moment-là. D'abord, il n'a pu y avoir de distribution du texte qui était présenté à la table, premièrement. Et, deuxièmement, ce qui nous a été présenté était incomplet parce qu'il manquait la version anglaise.» À ce moment-là, la présidence avait choisi d'insister pour que les parlementaires sachent sur quoi ils se prononçaient. Il a demandé strictement au leader d'apporter des corrections.

Au moment où on se parle, moi, je ne parle pas de deux versions françaises contradictoires, etc.; il y a eu une version française distribuée à l'Assemblée nationale, une version anglaise qui a été distribuée à l'Assemblée nationale. Elles sont contradictoires. Tout ce que je veux savoir comme parlementaire... Lorsque la motion de suspension des règles sera adoptée, je n'aurai pas eu le temps de modifier quoi que ce soit. Est-ce que je vote pour une motion qui prévoit le dépôt d'un rapport le 30 septembre de l'an 2000 ou le 31 décembre de l'an 2000? À ce moment-là, si la présidence peut m'éclairer, le leader de l'opposition ne semblait pas capable de le faire. S'il me dit que c'est l'un ou l'autre, qu'il apporte les corrections nécessaires, on reprend le processus et c'est réglé.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, la date de dépôt du rapport final du comité, c'est le 30 septembre 2000. S'il y a un amendement à apporter à la version anglaise parce que ça ne concorde pas, ce sera fait au moment opportun.

Le Président: Dernière...


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. M. le Président, à ce moment-là, lorsque je voterai, je serai saisi de deux dates. Moi, je prends la parole du leader du gouvernement que, lorsque la motion sera adoptée, si elle est adoptée – et on peut présumer de son adoption – il y aura possibilité d'apporter des corrections à des coquilles. On offre maintenant au leader du gouvernement la possibilité d'apporter des corrections immédiatement de façon à ce que les parlementaires, dans ce qu'on appelle une séance extraordinaire, un régime d'exception où il leur reste peu de droits, sachent au moins sur quoi ils se prononcent, et il y a consentement pour procéder aux corrections.

Le Président: Écoutez, je comprends que vous demandez le consentement. Je vous indique que, sans ce consentement, le ministre qui présentera par la suite éventuellement, si on en arrive à cette étape, le projet de loi en question devra le faire selon les textes qui ont été déposés déjà à l'Assemblée.

M. Paradis: ...

Le Président: C'est ça que j'indique, M. le leader de l'opposition. C'est que, effectivement, on ne pourra pas présenter autre chose de différent de ce qui a déjà été présenté. Par la suite, on pourra modifier les textes. Ça, c'est une autre chose. Mais sachons que, en vertu de 184, l'Assemblée est déjà, d'une certaine façon, saisie d'un projet de loi en deux versions. Et ce que vous demandez, c'est qu'une de ces versions soit immédiatement corrigée pour les fins que vous avez expliquées. Je vous indique que, s'il n'y a pas consentement pour que cette correction apparaisse dès maintenant, il faudra attendre le processus législatif, c'est-à-dire les étapes ultérieures pour la correction, s'il y a lieu d'avoir une correction. C'est tout ce que je vous indique, et je veux que ce soit clair. C'est tout.

Alors, est-ce qu'il y a consentement pour cette demande du leader de l'opposition officielle afin de faire en sorte que les dates de présentation d'un rapport qui est prévu par le projet de loi coïncident dans les deux versions, française et anglaise? M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, il y aura une étape législative où des amendements, à la fois des amendements de concordance... pourront être faits, et ce sera fait à ce moment-là. Mais, d'ores et déjà, je l'indique et je le redis de nouveau, la date exacte, c'est le 30 septembre 2000. C'est donc la version anglaise qui sera corrigée lorsque nous serons en commission plénière.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer tantôt, il y a eu une erreur, mais une erreur de fond et pas de forme. Ce que vous avez souligné tantôt prévaut pour l'article 9. Vous avez raison, il y a effectivement deux versions: la version de courtoisie à laquelle fait référence le leader du gouvernement et la version qui a été «distribuée», c'est le terme employé en vertu de l'article 184. Donc, cette deuxième version revêt un caractère officiel. Même si on n'est pas à une des trois étapes reconnues pour l'adoption, ça a un caractère officiel, sinon on ne pourrait pas être ici en train de débattre de cette motion-là. Dans l'article 12 de la version officielle distribuée en vertu de l'article 184, il y a cette différence de fond. Donc, pour l'article 9, vous avez raison, il y a eu deux versions. Pour l'article 12, il y a une différence de fond entre les deux.

Au moment où on est ici, le leader du gouvernement est en train de demander à l'opposition de voter avec le gouvernement pour suspendre certaines règles étant donné la situation d'urgence qui nous retrouve ici le 2 juillet. Il dit: Votez avec nous là-dessus. On veut prendre une décision éclairée, on lui dit: Il y a deux versions là-dedans. Il vient de se lever pour nous dire: Fiez-vous à l'une plutôt qu'à l'autre. Ce que nous disons... Et, si le gouvernement est sérieux avec son projet de loi, il va comprendre une chose.

Mr. Speaker, it's very important for the Government to understand one thing. The most important constitutional decision other than those concerning Manitoba... The most important constitutional decision concerning the translation of statutes in Canada concerns – believe it or not – collective agreements imposed by decree by a previous Parti québécois Government where there was a failure with regard to the translation process. The Government is committing a serious blunder at this stage.

M. le Président, mon collègue le leader de l'opposition vient d'offrir au leader du gouvernement l'occasion, très amicalement, de faire le changement qui s'impose. Il a refusé, il a dit: C'est à d'autres étapes. C'est trop tard, à d'autres étapes, pour remédier au problème qui existe aujourd'hui. Comprenons-nous bien, la règle constitutionnelle qui prévaut au Québec, c'est l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, communément appelé aujourd'hui la loi constitutionnelle de 1867. M. le Président, en vertu de ça, il n'y a pas une version anglaise et une version française, il y a la loi. Il y a la loi qui parle effectivement, qui est édictée dans les deux langues simultanément, et ça doit dire la même chose.

Donc, regardez la position de tous les gens qui sont élus ici aujourd'hui. Mr. Speaker, we have a bill before us that says that that report of that committee – it's the linchpin of this whole legislative operation – the report is going to be tabled at the latest on December 31st in the year 2000. The French version says something completely different. It says that it's going to come in by September 30th of the year 2000. Très important pour nous comme législateurs de pouvoir savoir sur lequel des deux se baser.

Le leader du gouvernement se lève, il dit: Il faut vous fier à la version française. M. le Président, même si c'est un peu théorique, parce que c'est sûr que tous les gens qui sont ici aujourd'hui parlent les deux langues, c'est le droit le plus strict d'un unilingue francophone au Manitoba d'avoir son projet de loi qui renferme la loi, sa version française au Manitoba, tout comme c'est théoriquement le droit... Bien, réellement le droit, mais c'est théorique dans le sens que les gens sont bilingues une fois qu'ils se rendent ici, mais c'est son droit et c'est le droit de tout citoyen de connaître le contenu du projet de loi.

(13 h 10)

Alors, Mr. Speaker, the nurses who are reading this bill in its English version – its official English version distributed pursuant to section 184 of our regulations – are being told one thing, alors que les infirmières francophones sont en train de se faire dire d'autres choses. Autant les infirmières qui doivent prendre une décision au cours du week-end de poursuivre ou non leurs actions, nous aussi, comme législateurs, on est appelés à prendre une décision. Et je réitère que c'est dommage que le leader du gouvernement n'ait pas immédiatement profité de l'offre qui lui a été faite par mon collègue le leader de l'opposition, le député de Brome-Missisquoi. Ça aurait réglé le problème, mais, maintenant qu'il a refusé de régler le problème, qu'il nous renvoie à d'autres étapes, c'est juste vous qu'il nous reste comme gardien de nos droits, de notre droit constitutionnel d'avoir une loi.

Ça ne suffit pas de voir un député, même leader du gouvernement, se lever et dire: Regarde l'autre version. Ça veut donc dire que ça relègue aux oubliettes la version anglaise, ce qui est une faille constitutionnelle irrémédiable, il ne peut pas revenir là-dessus, M. le Président. Et le problème, c'est que, loin de régler la grève, loin de la régler, il est en train d'ouvrir une porte dans laquelle un camion Mack rempli d'avocats et de factums va pouvoir passer et déclarer cette loi inopérante et anticonstitutionnelle. Puis, quand je vois le refus du leader du gouvernement d'accepter une offre vraiment très simple, force nous est de constater que c'est probablement le résultat escompté et recherché.

Le Président: Bien. Alors, rapidement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Bien, très simplement, je répète en une phrase que le projet de loi qui sera déposé sera le même que celui qui a été distribué et, s'il y a lieu de l'amender, ce sera fait au moment opportun et à l'étape opportune, appropriée.


Décision du président

Le Président: Bien. Alors, je réitère la décision que j'ai prise. C'est que toute cette question, aussi importante soit-elle à la fin du processus – parce que, rappelons-nous que nous sommes devant un texte d'un projet de loi et non pas d'une loi – tout importante que cette question, encore une fois, puisse être, ça n'appartient pas au président de trancher. Le président n'a pas à interpréter, à cet égard, éventuellement, l'interprétation constitutionnelle que pourraient faire les tribunaux sur un texte de loi qui comporterait des incongruités ou des incohérences.

Alors, ce qui est clair, c'est que, en ce qui concerne la recevabilité de la motion de suspension des règles du leader du gouvernement, l'argument n'est pas valable. Par ailleurs, le reste, c'est entre les mains des membres de l'Assemblée. Je crois que, de part et d'autre, vous avez des opinions et vous les ferez valoir au moment opportun. Je voudrais qu'on en reste là sur cette question, qui, à mon avis, est claire et est tranchée, sans qu'on reprenne les décisions et qu'on conteste les décisions de la présidence.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Ce qui est clair, c'est que la jurisprudence vous appuie lorsque vous parlez que le président ne se prononce pas sur la constitutionnalité et qu'il s'en remet aux tribunaux. Ce qui est clair dans votre décision, M. le Président, c'est que l'Assemblée nationale peut modifier en commission parlementaire des projets de loi qui sont présentés et déposés à l'Assemblée nationale. Ce qui n'est absolument pas clair – et c'est ce sur quoi j'ai besoin d'éclairage, M. le Président, parce que, lorsque votre décision s'applique à ces deux étapes, je n'ai pas de difficulté avec les précédents de l'Assemblée nationale – quand j'aurai à voter tantôt sur une motion de suspension des règles, cette motion-là est l'accessoire d'un projet de loi, j'ai deux versions complètement différentes.

J'ai offert en toute bonne foi au leader du gouvernement, tantôt, de me dire sur laquelle des motions, il m'a indiqué que ça serait sur celle du 30 septembre. Est-ce qu'il peut, à ce moment-ci, apporter les corrections pour que l'ensemble des parlementaires sachent au moment de ce vote... Et, au moment de ce vote, nous n'aurons pas eu l'avantage d'une commission parlementaire, nous n'aurons eu aucune chance, aucune possibilité de modifier deux versions contradictoires. Les parlementaires seront dans la même situation où les parlementaires se retrouvaient le 21 mars 1997 et où la présidence de l'Assemblée nationale s'est portée à la défense de la clarté, de la transparence et des droits des parlementaires de savoir ce sur quoi ils votent. À cette époque, le député de Joliette était leader du gouvernement. Il a tout simplement retiré ses billes, il est retourné apporter les corrections, corriger la version anglaise, et on a procédé de façon correcte.

À ce moment-ci, pour éviter de reprendre tout le processus, M. le Président, j'insiste, j'offre encore une fois au leader du gouvernement d'apporter immédiatement les corrections qui s'imposent à la version anglaise pour qu'on sache ce sur quoi on vote lorsqu'il nous demande de voter pour ou contre sa motion de suspension des règles.

Le Président: Alors, puisque le leader du gouvernement ne souhaite pas intervenir à cette étape-ci, ce que, moi, je vous indique, c'est qu'il faut faire la distinction entre le vote que les membres de l'Assemblée auront à porter et à faire sur la suspension de leurs règles de procédure et les votes ultérieurs qu'ils auront à assumer et à faire sur le projet de loi.

Alors, le premier, vous aurez à faire un vote sur une motion de suspension des règles en sachant que vous avez un projet de loi qui comprend deux versions et pour lesquelles on a des problèmes de concordance. Et vous savez maintenant – parce que ça a été dit à l'Assemblée – qu'il y a une intention officiellement annoncée de la part du gouvernement de modifier. Pour le reste, ça n'appartient pas à la présidence de savoir comment les gens doivent voter. Vous voterez en votre âme et conscience chacun de votre côté avec ces informations que nous avons tous en notre possession. Mais ne confondons pas les choses. Le vote sur la suspension des règles, il se fera dans le contexte que l'on connaît et que je viens à nouveau d'indiquer.

Alors, s'il n'y a pas d'autres questions sur la recevabilité de la motion – je pense que je viens de trancher sur le fait que cette motion est recevable – alors, je pense que nous allons maintenant suspendre les travaux quelques instants, le temps de permettre aux leaders de se réunir avec moi pour organiser le débat restreint que nous allons devoir mener maintenant.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 13 h 25)


Débat sur la motion

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez-vous asseoir. Alors, nous avons convenu, les leaders et moi, que le débat restreint de 120 minutes, conformément aux dispositions des articles 28 et 210 du règlement, se déroulerait de la façon suivante: il y aura d'abord un cinq minutes qui a été alloué au député indépendant, les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat, et, dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes pourra être redistribué à l'autre groupe. Le temps qui pourrait être non utilisé par le député indépendant pourra être redistribué à parts égales aux groupes parlementaires officiels et reconnus. Et, finalement, les interventions de part et d'autre ne seront soumises à aucune limite de temps.

Alors, je vais maintenant reconnaître M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Je vous remercie, M. le Président. Le Québec en est aujourd'hui à sa neuvième journée de grève illégale dans le secteur de la santé et des services sociaux. Depuis neuf jours les infirmiers et les infirmières du Québec sont en débrayage illégal, ce qui prive des milliers de personnes des soins auxquels elles ont droit. Des milliers de visites à des patients à domicile dont l'état de santé requiert des soins infirmiers, des milliers de rendez-vous en établissement ont dû être annulés, reportés. Des milliers de chirurgies ont, pour la même raison, dû être reportées. Cette grève illégale perturbe profondément tout notre réseau de soins de santé.

Selon l'Association des hôpitaux du Québec, même si la grève se terminait aujourd'hui, nous en aurons pour de nombreux mois à résorber les retards accumulés. Les effets de cette grève se feront sentir durant l'automne, durant l'hiver et même durant l'an 2000. Revenir à une situation plus normale va exiger de très importantes ressources financières qui auraient pu être utilisées à bien meilleur escient. M. le Président, au-delà de tout cela, le prix le plus élevé et, je dirais, le plus inacceptable pour notre société est celui que doivent payer nos concitoyens aux prises avec des problèmes de santé. Ce prix-là n'est pas quantifiable. Il s'exprime en termes d'angoisse, en termes de détoriation de leur qualité de vie et d'aggravation de leur état de santé.

Ce prix heurte les valeurs les plus fondamentales auxquelles se sont attachés les Québécoises et les Québécois. Depuis longtemps, ils ont choisi d'élever au rang d'une des plus solides priorités sociales l'accès à des soins de santé pour tous, des soins de qualité, des soins dont les coûts sont assumés par l'ensemble de la société. Depuis longtemps aussi les Québécois ont décidé que les soins de santé étaient à ce point essentiels qu'il était intolérable de soumettre la fourniture de ces soins aux aléas des moyens de pression de la grève ou du lock-out.

Pendant 30 ans, le Québec, comme bien d'autres juridictions, a connu ses moments de tension dans la santé et des services sociaux. De la grève, même légale, au débrayage sauvage, les Québécois ont fini par conclure que les relations de travail dans ce secteur ne pouvaient être encadrées par le même régime que celui qui s'applique dans une usine ou dans une entreprise. Le Québec n'a pas choisi d'interdire la grève dans les hôpitaux et les autres établissements de santé. Il en a souvent été question, mais il a plutôt décidé de chercher à concilier le droit des malades à des soins de qualité et le droit des travailleurs à la négociation et à l'expression de leurs revendications. Ces choix se sont essentiellement traduits dans la Loi sur les services essentiels, une loi qui prévoit un régime particulier en ce qu'il assure, en cas de droit de grève légalement acquis, une couverture minimale des services essentiels. Le débrayage actuel des infirmières et des infirmiers se situe dans un contexte où le droit de grève n'est pas encore légalement acquis et où, pire encore, les services essentiels ne sont ni assurés ni rendus, du moins autant qu'on voudrait les voir rendus.

(13 h 30)

La ministre de la Santé et des Services sociaux décrira avec plus de précision les effets de la grève illégale. Je ne peux m'empêcher cependant de noter l'illogisme de certaines positions exprimées. Plusieurs font reposer les revendications syndicales sur le fardeau de tâche, la précarité des emplois, l'essoufflement des infirmières et infirmiers, ce qui fait en sorte de mettre en péril quotidiennement leur capacité de rendre des services de qualité. Depuis quelques jours, on entend que, malgré la grève illégale et le niveau de soins fournis par les infirmières et les infirmiers, parfois inférieur à 50 % des services normalement rendus, le fonctionnement des hôpitaux demeure ou demeurerait, somme toute, correct. Le niveau de services qui, en temps normal, est déjà à peine suffisant pour assurer un niveau de soins acceptable demeurerait acceptable lorsqu'il est sévèrement diminué en situation de grève illégale. Au-delà de constater une situation de grève illégale, on peut certainement aussi s'interroger sur les motifs invoqués pour justifier ce débrayage illégal.

Dès le début des négociations, la Fédération des infirmières et des infirmiers a mis l'accent sur les conditions de travail de ses membres et le fardeau de tâche, de même que la précarité d'emploi, c'est-à-dire l'emploi sur appel, sans horaire stable ou prédéterminé. Ces deux priorités, M. le Président, ont été réglées. Ces deux priorités ont été réglées. La séance de négociation du 18 juin a permis d'en arriver à une entente sur ces questions. Des textes ont été paraphés, c'est-à-dire signés par les parties. Ainsi, 1 500 postes réguliers nouveaux vont s'ajouter, permettant à autant d'infirmières et d'infirmiers d'accéder à des emplois plus stables, plus réguliers. Ces 1 500 postes réguliers s'ajouteront à quelque 4 200 postes réguliers affichés ce printemps. Au total, donc, 5 700 postes réguliers permettront d'améliorer et de solutionner la problématique réelle de la précarité d'emploi – 5 700 postes, M. le Président.

Du côté du fardeau de la tâche, les parties se sont entendues sur une procédure qui donne un recours rapide et efficace à toute infirmière ou infirmier qui considère que son fardeau de tâche est trop lourd. Ces deux éléments, quoique essentiels, ne règlent pas toutes les revendications concernant les conditions de travail autres que le salarial. Cependant, des discussions exploratoires, menées dans la journée du 25 juin et dans la nuit du 26, permettent de conclure que les autres aspects des conditions de travail sont tout à fait réglables, et cela, rapidement. Le gouvernement l'a dit et répété: Les conditions de travail, ce qu'en langage de relations de travail on appelle le «normatif», donc les conditions de travail, sont tout à fait réglables, voire à toutes fins pratiques réglées.

La ministre de la Santé et des Services sociaux, ma collègue, et le premier ministre l'ont indiqué, cette partie des revendications syndicales peut être réglée dans une bonne séance de négociations. Resterait donc le salarial. Deux aspects sont en cause, d'une part les augmentations générales qui peuvent être accordées à l'ensemble des employés de l'État, ce qu'on appelle les «paramètres salariaux», et d'autre part un rattrapage salarial fondé sur la comparaison du travail de l'infirmière par rapport au travail des autres employés rémunérés par l'État. Quant aux augmentations salariales générales, c'est-à-dire les paramètres salariaux, le gouvernement a déjà fait connaître ses offres, c'est-à-dire 5 % pour les trois prochaines années: 1 %, 2 %, 2 %. Ces offres sont basées sur la volonté du gouvernement de maintenir une parité entre la rémunération dans le secteur privé et dans les secteurs public et parapublic. Il faut noter que cet objectif ne tient pas compte, pour les secteurs public et parapublic, de la sécurité d'emploi qui, si elle est difficile à évaluer monétairement, constitue tout de même un avantage indéniable, extrêmement rare dans le secteur privé.

Ces offres reposent aussi sur la capacité de l'État et donc des contribuables québécois de payer de telles augmentations. On l'a dit et redit aussi, bien que le gouvernement ait réussi à éliminer un déficit budgétaire annuel de près de 6 000 000 000 $, le Québec demeure la province du Canada la plus endettée et dont les citoyens sont les plus taxés. Le rétablissement des finances publiques n'a jamais été un objectif comptable; il s'est agi et il s'agit encore d'une opération de salut public extrêmement difficile à mener. Il nous faut équilibrer les réinvestissements dans les services de santé et d'éducation, les augmentations de salaire des employés de l'État et les baisses d'impôts dont les Québécoises et les Québécois ont bien besoin, et cela s'appelle l'«équité».

La Fédération des infirmières et des infirmiers du Québec réclame un rattrapage salarial d'abord fixé à 15 %, puis ramené à 10 % de leur salaire actuel. Cette demande repose aussi sur l'équité salariale. Il y a 10 ans, le gouvernement a amorcé un exercice important de relativité salariale avec l'ensemble de ses employés. Effectivement, nous avons déboursé et nous déboursons sur une base récurrente, c'est-à-dire d'année en année, quelque 370 000 000 $ pour cette fin. Il s'agit, pour chaque type d'emploi, de le comparer avec les autres emplois des secteurs public et parapublic. Cette comparaison se fait dans le cadre d'une démarche technique, voire scientifique, sur la base d'enquêtes fouillées, à partir d'un nombre important de facteurs comme la complexité de la tâche, la scolarité nécessaire, la dextérité, le niveau de responsabilité, et j'en passe, etc., M. le Président. Il s'agit donc de fixer la valeur relative d'un emploi donné par rapport aux autres emplois. C'est une démarche d'équité entre les divers emplois et donc entre les divers employés de l'État.

Ce rattrapage ne peut être déterminé au gré du pur rapport de force et encore moins sous la pression d'une grève illégale dans le secteur de la santé et des services sociaux; cela serait inéquitable pour les autres employés de l'État et serait tout à fait contraire à la nature même d'un exercice de relativité salariale. Si la relativité salariale n'est fixée que sur la base du rapport de force, elle a nécessairement aussi un effet d'entraînement relativement aux autres types d'emplois, et le rattrapage doit donc être fixé plutôt dans le cadre d'un exercice respectueux de l'équité.

Un exercice de relativité salariale a déjà eu lieu en 1989 pour un groupe d'infirmières et d'infirmiers alors représenté par un autre syndicat. Il a donné lieu à un rattrapage de 9,2 % pour toutes les infirmières et les infirmiers, donc comprenant aussi ceux qui sont dans la Fédération des infirmiers et des infirmières du Québec. Le gouvernement est prêt à refaire l'exercice de relativité salariale, il est prêt à en déterminer les paramètres avec les représentants syndicaux. Nous sommes prêts, moi et ma collègue, à raccourcir les délais et à prévoir que les résultats seront mis en place rétroactivement à la date de signature de la convention. Ainsi, les conditions de travail sont réglées; pour ce qui concerne les priorités des infirmières et des infirmiers, la précarité d'emploi et le fardeau de tâches sont éminemment réglables pour ce qui n'est pas encore formellement réglé. De même, le gouvernement est prêt à discuter de rattrapage salarial dans le seul cadre qui soit possible, celui d'un exercice de relativité salariale assurant l'équité.

La présente grève, M. le Président, est non seulement illégale, mais nous pensons qu'elle n'est pas justifiée à ce moment-ci, qu'elle est même inutile. Elle provoque de durs effets pour ceux de nos concitoyens qui ont des problèmes de santé. Depuis plusieurs heures, des discussions sont menées pour tenter de ramener le dossier des infirmières et des infirmiers à la table de négociation. Hier soir encore, le premier ministre a offert à la présidente de la Fédération de repousser la convocation de cette Chambre si elle convoquait son instance syndicale pour assurer une pause dans la grève illégale, de façon à ce qu'elle et lui puissent se joindre aux négociations pour terminer les négociations sur les conditions de travail et fixer le cadre de l'exercice de relativité salariale qu'il nous faudra tenir le plus rapidement possible. La réponse a été négative, et résolument négative.

(13 h 40)

La Fédération des infirmières et infirmiers insiste pour que le gouvernement du Québec négocie avec des employés qui continuent une grève illégale. Le gouvernement ne peut pas négocier dans de telles conditions. Cela équivaudrait, dans les faits, à changer radicalement notre système de relations de travail. D'un système fondé sur le droit et la loi, on passerait à un système ou à un régime de relations de travail fondé sur la grève illégale, le coup de force et les pressions intolérables sur les malades.

Le précédent, malheureusement, ne serait pas long à être suivi. Déjà, les techniciens ambulanciers ont commencé à donner à leurs représentants syndicaux des mandats de grève illégale. Si la grève illégale est tolérée, si la grève illégale devient payante, le Québec replongera rapidement dans les situations inacceptables qu'il a connues dans le passé et qu'il a mis tant d'efforts à empêcher pour l'avenir.

Les infirmières et les infirmiers du Québec constituent un pilier de notre système de soins de santé. Elles accomplissent un travail difficile, elles le font avec compétence et dévouement dans un contexte qui n'a pas été facile, et nous le reconnaissons. Ce n'est pas de gaieté de coeur que je présente ce projet de loi aujourd'hui. L'urgence, la cohésion sociale, l'intégrité de notre régime de relations de travail et surtout les soins aux malades l'exigent. Au-delà de la loi que nous avons voulu pondérée et dont nous discuterons tout à l'heure, je souhaite ardemment que les infirmières et infirmiers du Québec mettent fin à cette grève illégale et reviennent à la table de négociation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le président du Conseil du trésor et ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique. Alors, je suis prêt maintenant à céder la parole à un autre intervenant.

M. Mulcair: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Étant donné l'importance du débat, est-ce que vous auriez l'obligeance de vérifier s'il y a quorum actuellement, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je compte 20, et nous avons besoin de 21. Alors, si ça ne se rétablit pas rapidement, on devra...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous avons donc quorum, et je vous inviterais, monsieur, enfin le prochain intervenant à se lever. M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. Maintenant que le gouvernement a réussi à rétablir le quorum pour son projet de loi spécial, d'abord, permettez-moi de dire d'emblée que, comme tous les Québécois, nous regrettons que nous soyons aujourd'hui, au Québec, dans une situation où les infirmières sont en situation de grève illégale. D'emblée, dès le début de ce conflit, l'opposition officielle a toujours dit très clairement que la grève illégale, pour nous, ce n'était pas une situation acceptable, que les infirmières devaient accepter, malgré l'injustice qu'elles ont subie dans les trois dernières années, le fait qu'une grève illégale n'était pas, pour nous en tout cas, un choix acceptable.

On a donc profité de chaque occasion, depuis les événements que nous vivons, pour le dire et le redire et aussi, M. le Président – et c'est ce qu'il me semble important de savoir – on a surtout voulu, du côté de l'opposition officielle, faire des efforts pour tenter de dénouer l'impasse pour permettre aux infirmières de réintégrer le travail, pour permettre une poursuite de la négociation, pour permettre éventuellement une résolution positive à cette grève illégale que nous vivons.

Notre première préoccupation, M. le Président, ça a toujours été les citoyens, nos concitoyens du Québec qui sont malades, leurs familles, ces gens qui ont droit à des services de santé et qui, à cause du gouvernement actuel, sont privés de services dont ils ont grandement besoin.

En même temps, M. le Président, on tient à dire à ce gouvernement qu'il est impossible pour lui d'éviter le fond du problème et que la grève que nous vivons actuellement dans le secteur de la santé, pour les infirmières, c'est un symptôme d'un problème beaucoup plus grave, beaucoup plus grand, un problème que ce gouvernement a créé de toutes pièces.

Ce gouvernement a insisté pour faire une réforme de la santé, une réforme pilotée par le premier ministre du Québec, une réforme qui a été faite aveuglément, une réforme qui a été faite sans aucune espèce de vision, de plan, qui a été exécutée très rapidement et qui a été exécutée sur le dos des malades.

M. le Président, il est intéressant de noter qu'on n'est pas les seuls à dire cela. Je vous cite un rapport de presse du mois d'octobre 1998, le 23 octobre 1998, où le titre était: Rochon se vide le coeur . «J'ai été – en citation – coincé par le déficit zéro.» Vous savez, quand l'opposition officielle rappelle au gouvernement que sa réforme de la santé, ce n'était pas une réforme de la santé, c'était une opération budgétaire, on n'était pas les seuls à le dire; celui qui était le ministre responsable de la réforme à ce moment-là l'a avoué lui-même.

Permettez-moi de citer ce qu'on disait dans cet article du journal La Presse du 23 octobre 1998, et je cite: «Déjà, au Sommet économique de mars 1996, au moment où la cible zéro a été adoptée, le ministre Rochon dit avoir eu d'immenses réticences quant au bien-fondé de l'objectif.» Et là c'est une citation: «Que ça devienne l'objectif envers et contre tout, je n'étais pas convaincu de ça du tout.» Fin de la citation. C'était le ministre de la Santé de l'époque qui parlait.

Dans le même article, on continue en disant ceci: «Mais, une fois l'objectif adopté, Jean Rochon a opté pour la manière "chirurgicale", dit-il: procéder à l'ablation de la tumeur financière d'un seul coup.» Hein, les mots pèsent lourd dans ce temps-là, M. le Président. Il allait faire ça «d'un seul coup».

Et là c'est entre guillemets: «Ça ne donnait rien d'étirer l'agonie. Le plus vite était le mieux. Plus vite on payait nos comptes, plus vite on était orienté sur notre véritable agenda: la réorganisation des services.» Fin de la citation. Hein, on devait se sentir fort, dans ce temps-là, au gouvernement. À la table du Conseil des ministres, là, ça devait être macho. On devait se dire: On va opérer. On va faire ça rapidement. On va couper. Vous allez voir, ça va passer à la caisse!

L'article continue en disant ceci, M. le Président: «Sauf que le ministre a découvert, au printemps 1997, après deux années de baisse de budgets dans le réseau de la santé, que la méthode du scalpel avait son revers.» Autre citation du ministre. Et ça, c'est M. Rochon qui parle: «On a eu un risque de grand dérapage. Parce que, là, il n'y avait plus deux opérations qui essayaient de se réconcilier, il y avait seulement une affaire de coupe et de déficit. On faisait ça seulement parce qu'on n'avait plus d'argent. On ne savait plus comment on réorganiserait, dit-il.» Fin de la citation. Ça, c'est le ministre de la Santé, qui nous a offert la réforme du gouvernement du Parti québécois, qui parlait, M. le Président.

Et l'article termine en disant ceci: «En rétrospective, le ministre pose également un jugement mitigé sur la deuxième grande opération budgétaire qui a mené au départ de 15 000 employés du réseau de la santé.» Entre guillemets: «Personne – c'est le ministre qui parle, M. le Président – n'avait prévu que les gens partiraient en deux fois plus grand nombre. On ne peut pas dire que c'était une erreur, c'était un choix qui a été fait.» Lui, il n'appelle pas ça une erreur, mais enfin, aujourd'hui, on vit avec les conséquences du choix qu'il a fait, je suppose.

Je continue sa citation à lui, parce que c'est lui qui parle: «Si on avait su à l'époque ce que l'on sait maintenant, est-ce qu'on aurait fait autrement? Peut-être que la décision serait différente, concède-t-il.»

Voilà, M. le Président, les mots, les paroles d'un ministre de la Santé qui est passé aux aveux au mois d'octobre 1998 pour dire à la population du Québec la vraie nature de la réforme de la santé que son gouvernement a imposée à la population du Québec.

(13 h 50)

Les résultats, bien, ça a été quoi? Parce qu'il n'a pas été le seul à constater les résultats désastreux du démantèlement, de la destruction du système de soins de santé. Le Collège des médecins, il y a moins d'un an, dans un rapport publié le 31 août 1998, choisissait de commenter également. Et les mots qu'ils ont utilisés sont révélateurs. Je ne vous lirai pas tout l'extrait, je l'ai fait aujourd'hui à la période de questions, mais ça vaut la peine quand même de faire l'inventaire, M. le Président, du vocabulaire choisi par le Collège des médecins. Ce n'est pas les derniers venus, c'est des gens qui choisissent leurs mots avec beaucoup d'attention, je présume. Bien, dans l'inventaire des mots, sur deux pages – j'invite les députés du côté ministériel à les lire, pages 7 et 9 – vous allez retrouver les expressions suivantes: demi-vérités, improvisation, remarquable improvisation, démagogique – en parlant du gouvernement – désinformation, manque de responsabilité et de respect. Voilà un mot clé, voilà une déclaration qui aujourd'hui vient hanter ce gouvernement qui nous présente une loi spéciale dans une situation où nous vivons une crise dans la santé, pas juste pour les infirmières, parce que, il faut le dire, il y a les ambulanciers qui attendent également qu'on conclue avec eux une négociation, puis il y a les urgentologues.

Bientôt, M. le Président, derrière votre fauteuil, il faudra installer des portes tournantes. Moi, à votre place, M. le Président... Je vous dis ça en toute amitié: Ne faites pas trop de plans pour des vacances cet été, ne prévoyez pas partir, quitter le Québec, parce qu'une fois que le gouvernement aura réglé à la vapeur puis dans l'improvisation le conflit qu'il tente de régler actuellement, ce sera les ambulanciers après ça, puis, après ça, bien, ce sera les urgentologues, puis, après ça, bien, on défilera d'institution... Peut-être qu'on fera ça région par région. Mais l'été risque d'être très long pour l'Assemblée nationale si, à chaque fois qu'il y a un conflit, l'Assemblée nationale est appelée au secours pas pour régler le conflit, pas pour faire un vrai débat de fond, mais pour des raisons tactiques, pour des raisons de stratégie.

Parce que la première question qu'il faut se poser est la suivante: Est-ce qu'il y avait une autre solution que celle que nous offre le gouvernement? Y avait-u une autre façon d'en venir à une conclusion dans cette négociation? Est-ce qu'il y avait d'autres choix? Puis on n'a pas la prétention, nous autres, d'avoir la vertu de toutes les solutions, on n'a pas le monopole, nous, des solutions, sauf que, dimanche dernier, humblement, modestement, on a proposé que le gouvernement rappelle l'Assemblée nationale. On a proposé une chose fort simple: que la commission des affaires sociales siège et que la commission des affaires sociales puisse entendre les infirmières, la Fédération, les syndicats, qu'elle puisse entendre la partie patronale, incluant ce gouvernement qui contredit à chaque jour les positions que défendent les infirmières, qu'on puisse entendre le président du Conseil des services essentiels, une institution qui joue un rôle névralgique justement dans la protection des droits des citoyens du Québec, qu'on puisse entendre au besoin aussi – on n'a pas fermé de portes – les gens qui représentent les malades, les gens qui représentent les familles des malades, enfin qu'on prenne quelques heures de notre temps, comme le gouvernement semble capable de le faire aujourd'hui pour une loi spéciale, pour qu'on puisse mettre sur la table les différents enjeux.

Il ne s'agit pas, M. le Président – je vais être très clair – de faire des longs débats. Ce n'est pas parce qu'on aime ça siéger l'été, c'est parce qu'on sent le besoin de mettre les cartes sur la table et de faire preuve de transparence. Pourquoi? Bien, parce que, de jour en jour, on a la présidente de la Fédération des infirmières qui nous dit que les clauses normatives ne sont pas réglées, suivie d'une déclaration du premier ministre qui dit que tout est réglé et que lui-même... On le sait, le premier ministre, quand il choisit de dire «lui-même», c'est un moment important dans sa vie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: ...c'est très senti, implicitement, il dit: Comment oseriez-vous? Moi-même, je suis prêt à m'impliquer. Quel privilège, quel grand privilège accordé à la population du Québec!

Et là que ce soit sur la charge de travail... Je vais vous donner un exemple, M. le Président, qu'il vaut la peine de relever. Le gouvernement, cette semaine, à la défense de sa position, dit: En 1989, il y a eu un rattrapage sur la relativité. Ça a été dit par la ministre de la Santé, ça a été dit par le premier ministre. C'était leur grande défense, sauf qu'ils ont oublié ce que M. Rochon vient de nous décrire ici, dans cette période, cet aveu qu'il a fait au mois d'octobre 1998. Entre 1989 et 1999, il y a eu une réforme de la santé, ce qu'on appelait «un virage ambulatoire», qui changeait substantiellement la pratique de la médecine, également la pratique pour les infirmières et les infirmiers. Comment ça a changé leurs pratiques? Bien, d'abord, parce que les hospitalisations sont plus courtes. Ça veut donc dire que les patients qui sont hospitalisés sont généralement des gens qui se trouvent dans des situations où ils sont plus malades, des cas plus lourds, des cas qui sont plus complexes, des cas qui exigent davantage d'attention venant de la part des professionnels du milieu de la santé. Ah, ça on a oublié de le mentionner. Ç'aurait été utile, M. le Président, que les infirmières puissent parler de cela dans le cadre de la négociation, ç'aurait été important que la population du Québec sache que, les femmes du Québec qui sont infirmières, à qui on demande de rendre des services de santé, bien, on leur impose ce contexte-là.

Autre élément nouveau, M. le Président, qui n'était pas là en 1989: il y a un contexte de pénurie d'infirmières au Québec, pénurie créée de toutes pièces par ce gouvernement. Et l'ironie, la très grande ironie, c'est que la ministre qui a contribué à créer la pénurie d'infirmières est aujourd'hui prise pour essayer de régler son propre problème, sauf que notre crainte, c'est qu'elle n'ait pas plus de talent puis de vision aujourd'hui qu'elle n'en avait en 1996 quand elle a décidé, comme ministre de l'Éducation, de couper les inscriptions en sciences infirmières. Puis là, bien, je regrette, on ne retourne pas aux calendes grecques, on ne demandait pas à la ministre, dans ce temps-là, de faire des prévisions sur une période de 20 ans, c'était en 1996. On est en 1999.

Une voix: L'année n'est pas finie.

M. Charest: Mon collègue me souligne que l'année n'est pas finie, en plus. Puis, en 1996, le gouvernement fait quoi? La ministre de l'Éducation de l'époque déclare qu'il y a surplus d'infirmières au Québec. On coupe les inscriptions de moitié. Puis, un an plus tard, bien, on se lance, comme M. le ministre de la Santé le disait à l'époque, aveuglément, sans savoir ce qu'on fait, dans une opération de mises à la retraite où il y a plus de 3 000 infirmières qui choisissent de quitter le réseau. D'ailleurs, vous leur parlerez, à ces infirmières-là, vous leur demanderez pourquoi elles ont quitté. Elles vous le diront, pourquoi: parce qu'elles n'avaient pas envie de goûter à la réforme que le gouvernement allait leur imposer. Elles en avaient assez. Elles ont décidé de quitter pour cette raison-là.

Et là, juste pour compléter le tout, dans les mises à la retraite, on interdit aux infirmières mises à la retraite, qu'on payait pour quitter le réseau, de revenir même si on en a besoin, malgré un appel, malgré un recours devant les tribunaux. Le gouvernement a dépensé des fonds publics, a payé des avocats pour aller combattre les infirmières qui voulaient revenir au travail parce qu'il y avait une pénurie. Bienvenue au monde de l'absurde!

Mais si au moins ça arrêtait dans le cas des infirmières. Mais non, ça a été transposé partout, l'improvisation. Ça a été vrai aussi pour les médecins. Rappelons-le, c'est triste, c'est même dramatique, ce gouvernement-là a payé des radio-oncologues pour les mettre à la retraite il y a deux ans sous prétexte qu'il y en avait trop. Encore là, c'est la grande planification, hein? Il y a trop de médecins omnipraticiens et spécialistes, on va payer pour les mettre à la retraite. Alors, on leur donne l'argent des contribuables pour leur dire: Arrêtez de pratiquer la médecine, arrêtez de soigner les gens qui souffrent de cancer, s'il vous plaît. On va même vous donner de l'argent, au Québec, pour que vous puissiez retourner chez vous et arrêter de soigner les hommes qui souffrent d'un cancer de la prostate et arrêter de soigner les femmes qui souffrent d'un cancer du sein.

Je dis ça, M. le Président, et j'ai l'impression... C'est gros, ce que je viens de vous dire là. C'est quand même incroyable. Je suis sûr que les gens qui nous écoutent en ce moment disent: Ce n'est pas possible, ça ne se peut pas, ce n'est pas vrai. Bien, c'est vrai. Puis le pire, c'est que vous avez payé pour, de votre poche. C'est avec votre argent qu'ils ont fait ça. Ils renvoient les médecins à la maison. Bien, nous voilà deux ans plus tard. J'ai une mauvaise nouvelle pour vous, je ne veux ruiner l'été de personne, mais, vous savez, l'argent qu'il y avait dans vos poches, j'espère qu'il en reste encore, hein, parce qu'ils veulent votre argent pour payer les mêmes médecins qu'ils ont envoyés à la maison pour revenir pratiquer. Mais ne vous en faites pas, ces médecins-là ne seront pas seuls parce qu'ils vont faire venir des collègues des États-Unis qu'ils vont payer également pour soigner les malades du Québec. Puis ceux qu'on ne pourra pas soigner, bien, on va prendre l'argent encore dans vos poches – j'espère que vous en avez plus qu'une, au rythme où ça va là – pour les envoyer, les patients, les gens qui sont malades au Québec, se faire soigner aux États-Unis.

Quand on prend un peu de recul, on se dit: Mais attends donc, là. Ça a été fait pour quoi, cette réforme-là? Les services devaient être améliorés, puis on devait sauver de l'argent à l'État. Le virage ambulatoire devait être un grand succès, mais ça a été planifié... Le gouvernement, permettez-moi de citer à nouveau ses mots: «Ça a été planifié dans les moindres détails.» Alors, voilà la réforme de la santé.

L'autre effet net, c'est qu'on a grossi la bureaucratie. Je vois le président du Conseil du trésor qui nous explique les contraintes du gouvernement sur le plan financier. Comment expliquer qu'il y avait des contraintes pour les services aux patients, mais qu'il n'y avait pas de contraintes pour augmenter le nombre de fonctionnaires dans les régies régionales de la santé? C'est drôle qu'il n'y en avait pas, de contraintes de ce côté-là. Il y en avait, de l'argent, quand venait le temps de trouver de l'argent pour grossir les régies régionales.

Des voix: Les référendums.

(14 heures)

M. Charest: Ah! puis pour les référendums, oui. D'ailleurs, personne n'est dupe là-dessus, hein, surtout pas les infirmières. On n'en a pas parlé aujourd'hui, mais hier, dans le journal La Tribune de Sherbrooke – excellent journal, en passant – page A3, un article qui était titré: Tous les cas urgents sont traités , les infirmières parlent de leur situation. Il y avait la citation suivante, moi, qui a retenu mon attention, parce que les gens sont un peu plus lucides qu'on le pense. C'est des infirmières qui sont sur leur ligne de piquetage. Je vais vous lire le paragraphe. On dit: «Même son de cloche de la part de Lise Desrosiers, Helen Crook, Danielle Raymond ou l'agente syndicale Debra Houde.» Et là c'est entre guillemets: «Le gouvernement Bouchard dit qu'il n'a pas d'argent pour ses infirmières. Mais il va en trouver de l'argent pour son prochain référendum.» Fin de la citation. Alors...

Des voix: Bravo!

M. Charest: ...elles sont bonnes, les infirmières, M. le Président. Elles ont un grand coeur, les infirmières. Elles sont généreuses puis elles sont sincères, mais elles ne sont pas naïves, contrairement à ce que ce gouvernement peut penser. Elles ne sont surtout pas dupes de ce qui se passe et du fait qu'un gouvernement fait des choix. On dit: Gouverner, c'est choisir. C'est très vrai. Et la dame, l'infirmière qui faisait ce commentaire-là hier savait exactement de quoi elle parlait lorsqu'elle disait que ce gouvernement a fait ce choix-là.

Le malheur, M. le Président, c'est que, depuis très longtemps, l'opposition officielle interpelle le gouvernement, puis on l'a fait de toutes les façons. On a choisi la méthode de collaboration, on a choisi de tendre la main. La première question que j'ai posée, moi, à l'Assemblée nationale, la première occasion, c'était une question posée sur le ton de la collaboration. C'était une occasion pour nous, pour moi. Je pensais que c'était franchement une occasion pour le premier ministre, une occasion pour le gouvernement de pouvoir faire un virage et de le faire honorablement. Je suis sensible au fait qu'ils perdent la face là-dedans. Mais, en même temps, on s'est dit: Voilà, première journée, première question, partons sur le bon pied, faisons table rase de la réforme puis remettons tout ça sur la table pour qu'on puisse le faire correctement. Bien, la réponse, ça a été non. Mais, quand ce gouvernement-là dit non, bien, on sait que sa réponse vient vite et que c'est une réponse qui vient fréquemment, parce que ce n'est pas un gouvernement qui écoute, c'est un gouvernement qui a arrêté d'écouter depuis très, très longtemps.

C'est un gouvernement qui a arrêté de négocier, puis ça marche à coups de décrets, ça marche à coups de lois spéciales. D'ailleurs, on est quoi? On est rendu à notre troisième loi spéciale...

Une voix: Quatrième.

M. Charest: ...quatrième loi spéciale? C'est beau, c'est devenu la norme. On procède davantage par loi spéciale que par loi ordinaire avec le gouvernement actuel. Bâillonner les droits des parlementaires, c'est devenu l'espèce de norme, puis utiliser l'Assemblée nationale pour des fins tactiques, c'est devenu la norme, sauf qu'à un moment donné on peut aller trop loin, aussi. Et, dans le projet de loi, on en a un autre exemple aujourd'hui. Si on se disait, au moins, à un moment donné, l'improvisation va arrêter, on va, du côté du gouvernement, se donner un bon coup, il y aura un sursaut de lucidité puis on va commencer à s'occuper de nos affaires. Mais non, on apprend aujourd'hui, en présentant le projet de loi, que l'improvisation est tellement devenue une seconde nature qu'ils ne sont pas capables d'inscrire la même date dans la version anglaise que dans la version française du projet de loi. Je vois le président du Conseil du trésor faire des gros yeux. Ah oui! C'est une question de détail, six mois de différence entre une date et l'autre, sauf que c'est votre responsabilité, comme législateur... Oui, peut-être auriez-vous eu besoin de quelques jours de plus pour retrouver une bonne date? Ça, je ne le sais pas. Demandez-le.

Mais, vous savez, il y a des indices qui ne mentent pas. Quand le gouvernement n'est seulement pas capable d'accorder les mêmes dates dans les versions anglaise puis française, ça nous dit à quel point l'improvisation, c'est devenu une seconde nature pour ce gouvernement. Et dans ce projet de loi, M. le Président, il y a des propositions, il y a des amendements qu'on va faire, mais il y a, moi, un article qui m'a frappé et que j'ai trouvé fascinant. C'est l'article 3, qui dit ceci: «3. Un établissement doit, à compter du même moment, prendre les moyens appropriés pour que soient dispensés les services de soins infirmiers habituels.» C'est intéressant, le choix du mot «habituels». On aurait pensé que le gouvernement aurait choisi plutôt le mot «adéquats», parce que «habituels», avec la réforme du gouvernement actuel, ça veut dire, ça, un système de soins de santé en pleine crise qui ne livre pas les services qu'il doit livrer. Et on verra aujourd'hui si le gouvernement aura un autre sursaut, s'il verra qu'il y a là une très grave lacune dans son projet de loi et s'il ne proposera pas de rectifier le tir pour qu'on puisse s'assurer que la loi qu'il nous propose aujourd'hui est également conforme aux autres lois de l'Assemblée nationale sur les services auxquels a droit la population du Québec. Encore faudrait-il qu'il y ait une concordance puis une compatibilité entre les mots choisis dans cette loi et les autres lois de l'Assemblée nationale.

Mais je veux revenir, M. le Président, au fait qu'on a voulu, nous, modestement – parce que nos moyens sont limités – essayer de faire avancer le débat. On a proposé cette commission qui aurait pu, dans l'espace de quelques heures, entendre les parties. Je répète, je réitère: ce n'est pas une affaire qui est très longue, là, on peut faire ça ce soir, dans l'espace de quatre heures, on peut faire ça demain. Moi, je pense que, du côté de l'opposition officielle, on est prêts à siéger demain, dès l'instant...

Des voix: Bravo!

M. Charest: Notre objectif est modeste, M. le Président, notre objectif est fort modeste, puis, encore une fois, on n'a aucune espèce de prétention, on sait très bien qu'on n'est pas le gouvernement, mais on peut ensemble chercher à faire avancer le débat, rétablir le dialogue, rétablir la négociation et surtout reprendre un discours qui nous permettrait de commencer à rebâtir notre système de soins de santé.

D'ailleurs, je ne suis pas le seul à le penser, hein, je ne suis pas le seul. Je vous rapporte à une déclaration faite par un certain Lucien Bouchard le 20 février 1995, où il disait ceci, et je cite: «Les gens qui parlent de coupures dans les hôpitaux ne vont pas trouver une oreille favorable chez moi.» Fin de la citation.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Ce qu'il ne savait pas, c'est que le M. Bouchard en question avait une autre oreille puis que malheureusement les paroles allaient passer par une oreille puis sortir par l'autre. Et qu'il avait deux mains qui allaient servir à faire des coupures comme on n'en a jamais vu dans le réseau de la santé, à un tel point où aujourd'hui on vit une situation de crise permanente, qu'il faut reconnaître, qu'il faut dire, qu'il faut commencer à solutionner, si on veut espérer se sortir de cette espèce de trame infernale de lois spéciales pour régler nos conflits de travail.

M. le Président, je veux aujourd'hui aussi parler de cette loi et faire une mise en garde au gouvernement. J'aimerais lui faire une mise en garde en lui disant ceci: qu'il n'y a rien de plus dangereux pour la paix sociale aussi bien que pour l'autorité des tribunaux que de trop s'en remettre aux sanctions pénales pour assurer le respect des lois du travail. Surtout dans les conflits d'une envergure provinciale qui paralysent simultanément plusieurs services publics fondamentaux, le danger de la désobéissance massive menace à tous instants. Dans ces conditions, le recours à des sanctions inconsidérées jette tout simplement de l'huile sur le feu, pour ne pas dire qu'il alimente et amplifie la contestation.

M. le Président, voilà, il me semble, des paroles qui sont empreintes d'une certaine sagesse. C'est une coïncidence, je suppose, que ce soient là des paroles qui ont été écrites par Lucien Bouchard, un certain Lucien Bouchard, dans un rapport qui s'appelle Martin-Bouchard, en 1978.

Une voix: Ah!

M. Charest: Voilà ce que le premier ministre avait à dire à ce moment-là sur les lois spéciales, sur l'utilité des lois spéciales et sur les dangers qui nous guettent quand le gouvernement n'en a que pour les sanctions et les punitions. Et c'est quand même – la population du Québec l'aura noté – fascinant que, dans la dernière semaine, le gouvernement n'en aura eu que pour sanctions, punitions pour tenter de ramener ces femmes infirmières à l'ordre, pour les mettre à leur place, pour faire en sorte qu'elles se taisent parce qu'on ne veut pas les entendre, mais qu'on n'a fait aucune ou à peu près aucune espèce d'effort à trouver une solution ou des solutions aux problèmes que vivent ces femmes-là qui ont porté le système de santé à bout de bras dans les trois dernières années, qui l'ont fait et qui aujourd'hui, en retour, n'ont que du mépris, qui ne reçoivent que du mépris venant de la part du gouvernement.

(14 h 10)

M. le Président, placée devant ce scénario où l'Assemblée nationale est convoquée dans le seul but de permettre au gouvernement de remettre les infirmières à leur place, d'essayer d'ignorer totalement tous les autres problèmes qu'il a lui-même causés dans le système de soins de santé, l'opposition officielle se voit placée dans la malheureuse situation où on doit, nous, en tout cas, protéger ce qu'il y a d'essentiel dans notre société, et ça, c'est un système de santé qu'on a bâti de nos mains, qu'on doit reconstruire et qui doit être là pour les citoyens du Québec qui sont les plus vulnérables. On ne peut pas accepter que le gouvernement utilise l'Assemblée nationale pour bonifier... pour se légitimer dans une démarche qui aura connu autant d'échecs, qui aura connu un résultat aussi désastreux que celui que nous présente aujourd'hui le gouvernement du Québec.

Et, nous entamons maintenant ce processus où on étudiera le projet de loi, j'espère... Je le souhaite, je n'ai pas beaucoup d'espoir, mais j'espère que le gouvernement va enfin écouter l'opposition sur les amendements qu'on aura à présenter pour qu'on puisse offrir un peu de justice non seulement aux infirmières du Québec, mais d'abord de la justice et des soins aux gens malades du Québec. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le chef de l'opposition. Alors, je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Il est évident que, si aujourd'hui nous proposons une loi spéciale, ce n'est pas pour blâmer qui que ce soit, mais c'est pour nous assurer cependant que les services essentiels, les services de base, les services habituels continuent d'être rendus aux malades du Québec. C'est essentiellement ce qui justifie que nous nous retrouvions devant vous aujourd'hui pour adopter le projet qui a été déposé. D'ailleurs, il est assez évident, à la lecture – et nous aurons l'occasion de le voir au moment de l'étude du principe du projet de loi – du projet de loi n° 72, que les sanctions que nous ajoutons sont des sanctions, évidemment, qui ont un impact pour le personnel qui est libéré pour fins de représentation syndicale, mais ce ne sont pas des sanctions qui viennent s'attaquer aux infirmiers ou infirmières.

Il y a des sanctions prévues dans d'autres lois, M. le Président, qui continueront de s'appliquer, bien sûr, soit la double perte de salaire lorsqu'on fait la grève en situation d'illégalité, soit le non-prélèvement des cotisations syndicales et, évidemment, leur non-versement, en l'occurrence, à l'association syndicale concernée, encore une fois, lorsqu'il n'y a pas respect de la loi – parce que c'est de ça dont il s'agit, M. le Président, c'est une grève illégale – et, par ailleurs, un autre ensemble de sanctions et de poursuites pénales qui sont prévues à l'égard des associations et qui sont comprises, ces sanctions, dans d'autres lois que la loi n° 72 que nous étudions aujourd'hui, parce que le seul objectif que nous avons à ce moment-ci, c'est de nous assurer que le personnel continue d'être disponible pour rendre les services aux malades du Québec.

C'est ce qui explique, M. le Président, que nous ayons convoqué à ce moment-ci, après, à toutes fins pratiques, neuf jours de grève illégale, deux jours dans un premier temps, sept qui se sont ajoutés depuis la semaine dernière, enfin qui vont constituer sept jours de plus à la fin de la journée d'aujourd'hui et, donc, neuf journées de grève illégale. Une, c'est déjà trop; neuf, c'est évidemment inadmissible, on en conviendra. Pourquoi c'est inadmissible? Parce que ce sont des milliers de personnes qui n'ont pas accès aux services. Concrètement, ça veut dire quoi? Ça veut dire, jusqu'à maintenant, 12 700 chirurgies qui ont été annulées.

Vous savez, j'ai entendu pendant des mois – je n'occupais pas le siège que j'occupe maintenant, j'occupais une autre responsabilité – les membres de l'opposition faire jour après jour état de situations, de cas difficiles vécus par nos concitoyens et concitoyennes – c'est vrai que c'étaient des cas difficiles – d'un citoyen qui n'avait pas pu avoir accès rapidement à une chirurgie, d'une autre personne qui avait besoin de soins et qui aurait préféré les avoir maintenant, alors qu'elle était sur une liste d'attente. Et là on ne parlait pas de liste générale, on ne parlait pas de 12 700 cas, on parlait d'un cas isolé, pris ici, pris là. On blâmait quotidiennement, régulièrement, à toutes les périodes de questions, le gouvernement de ne pas être sensible à ces situations, alors que mon collègue le député de Charlesbourg se débattait aussi quotidiennement pour s'assurer que partout les services soient rendus, que les listes d'attente soient réduites, qu'on accepte ou qu'on trouve les critères qui nous permettraient, oui, de faire la différence entre ce qui était urgent, ce qui était moins urgent et ce qui était des cas qui pouvaient un peu attendre. Mais, de l'autre côté, on ne pouvait pas attendre. Personne ne pouvait attendre. Et aujourd'hui il y en a 12 700 qui n'auront pas été opérés, qui n'auront pas eu l'intervention dont ils avaient besoin.

C'est vrai que c'est une intervention, puis je pense qu'il ne s'agit pas ici, M. le Président, non plus d'exagérer la situation. Prenons-la à sa face même, cela suffit. Ce sont des personnes qui ont besoin réellement de ces interventions. Pensez, là, réfléchissez juste une minute aux gens que vous connaissez. Je suis persuadée que vous en connaissez. Il n'y a personne ici qui ne connaît pas quelqu'un qui est en attente d'un prélèvement, peut-être, un prélèvement qui pourrait amener la personne à constater qu'elle a un problème plus grave. Le prélèvement en soi, ce n'est pas grave, c'est une opération, pour ne pas dire une intervention, très mineure. Mais le résultat, lui, peut avoir des conséquences. Et, dans le fond, c'est juste cela qu'on dit, mais c'est en même temps tout cela.

Alors, si l'opposition, à un moment de ses interventions il y a de ça quelques mois, nous disait que ça n'avait aucun sens, les cas pris cas à cas, comment soudain l'opposition accepterait-elle que 12 700 personnes qui voient leur chirurgie annulée est une normalité? Je pense que ça n'a pas de bon sens. C'est pour ça, M. le Président, qu'on fait une loi spéciale, en même temps qu'on peut comprendre la légitimité des demandes des infirmiers et infirmières du Québec, et cela, jamais nous ne l'avons nié. Je reviendrai plus tard pour vous dire même comment nous l'avons traitée, cette situation.

(14 h 20)

Oui, ce sont des demandes légitimes, mais il y a bien peu de chose, M. le Président, dans nos sociétés démocratiques qui justifie que des demandes légitimes, surtout lorsqu'une grande partie de celles-ci ont reçu une réponse positive du gouvernement, et qu'on s'en va vers des enjeux, et que nous sommes maintenant sur des enjeux plutôt d'ordre monétaire, d'ordre salarial... Il y a bien peu de chose dans une société qui justifie qu'on aille contre les principes fondamentaux d'une société démocratique et qu'on viole les lois. Oui, on peut être sensible, oui, on peut comprendre les demandes des infirmiers et infirmières, et on les comprend à ce point qu'on a trouvé un certain nombre de réponses à ces demandes, et je pense que ce sont les réponses qui conviennent, puisqu'on les a acceptées du côté syndical.

Mais ce dont on parle aujourd'hui, c'est le fait que, lorsque et pendant que des personnes se retrouvent en grève, en grève illégale, oui, des services essentiels, au sens d'urgents, sont assurés. Ça aussi, je ne le nie pas. Je connais suffisamment le sens des responsabilités des infirmiers et infirmières du Québec pour savoir cela, mais, par ailleurs, en même temps qu'on dit cela, il y a toujours ces 12 700 personnes qui ne seront pas opérées, qui ne connaîtront pas une intervention dont elles ont besoin. Et si, donc, l'opposition nous disait tous les jours que chaque cas était important, imaginez, 12 700, comment c'est important. 12 700 qu'on a remis à plus tard, ça veut dire aussi un fardeau qui s'alourdira pour la suite des choses, parce que ces personnes, l'intervention étant nécessaire et justifiée, devront vivre ces interventions. Il faudra donc les recevoir quelque part dans nos institutions, dans nos hôpitaux.

Et on a fait un drame, M. le Président, du côté de l'opposition, ce sont des lits fermés. On parle actuellement de 899 lits fermés, de 900 lits fermés. La période de l'été amène normalement une fermeture de lits. Tout le monde comprend ça, tout le monde accepte cela. Chacun doit prendre un temps de repos, puis c'est normalement, au Québec, pendant cette période-là qu'on prend ce temps de repos, à l'été. Donc, on ferme, normalement, un certain nombre de lits. Déjà, on trouve que c'est difficile d'accepter cette situation-là, mais on a travaillé plus fort avant, on accélère un peu le tempo à la rentrée, on en ferme un certain nombre. Mais, là, à cause de la grève, on en fermera 900 de plus, M. le Président. Déjà, de l'autre côté, on nous disait que ceux fermés à cause de l'été, c'était un drame, c'était inacceptable, c'était inadmissible, et là, aujourd'hui, on comprend qu'on aurait presque tendance à trouver que ça a du bon sens, que tout d'un coup ça devient normal.

Non, M. le Président, ce n'est pas normal. D'ailleurs, on va convenir, et il y a eu un consensus à cet égard depuis un long moment au Québec, pour ne pas dire unanimité, à l'effet qu'une grève illégale dans les services de santé ça ne s'acceptait pas, qu'une grève tout court ça ne s'acceptait pas... Et, pour être sûr qu'elle ne soit pas dommageable pour les citoyens et citoyennes du Québec, on a convenu, on a adopté une Loi sur les services essentiels qui fait que, avant qu'on aille en grève, d'abord on doit procéder, par un certain nombre de processus, à des discussions, à des échanges, à de la médiation. C'est ça qui est prévu dans nos lois générales qui concernent la prestation des services de santé et des services sociaux par les travailleurs et les travailleuses dans le cadre de l'organisation générale du travail. Alors, on a donc prévu des négociations, oui, lorsqu'on arrive à des impasses, de la médiation avant, bien sûr, de passer à des gestes de pression, dont la grève est, dans le fond, l'aspect ou l'approche ultime, le moyen ultime. Mais, encore là, parce que, dans le cas de la santé, c'est à ce point essentiel, c'est à ce point le bien le plus précieux, auquel on ne doit jamais s'attaquer, on a convenu de règles pour encadrer cette grève, et la Loi sur les services essentiels prévoit qu'on doit donner une liste de services à rendre, de prestations de services à rendre, de présence comme infirmiers et infirmières dans l'ensemble des institutions.

Mais là il ne s'agit même pas de ça, M. le Président, parce que ces étapes-là, elles n'ont pas été franchies. On a décidé que, parce qu'on jugeait ces demandes légitimes, on pouvait basculer dans l'illégalité, et, dans l'illégalité, cela veut dire, je le répète, 12 700 chirurgies qui s'annulent, 900 lits qui se ferment. Ça veut dire aussi des rendez-vous annulés. On parle de 55 000 rendez-vous annulés actuellement dans les établissements de santé, dans les hôpitaux, M. le Président. Encore là, c'est de l'inquiétude, c'est de l'angoisse aussi pour des gens qui ont un problème, qui doivent faire vérifier leur état de santé après une opération, après une intervention chirurgicale, après avoir subi des difficultés de santé et qui vont revoir leur médecin, qui vont reconsulter, qui vont pour une intervention, soit-elle mineure, et qui se voient retourner, qui ne peuvent avoir accès à ce service. On parle de 55 000 rendez-vous annulés dans les CLSC, les centres locaux de services communautaires, notre porte d'entrée, celle qu'on veut pouvoir consolider, celle qu'on veut pouvoir rendre accessible, là où une multitude de services s'offrent et où, c'est bien sûr, les infirmiers et infirmières sont au coeur de la prestation de services. Qu'est-ce que vous voulez, c'est normal. Pensez aux soins et services à domicile, pensez à des interventions auprès des personnes qui viennent de sortir de l'hôpital, qui retournent chez elles et qui comptent que l'infirmière va venir vérifier leur pression – vous le savez, on en a tous, des gens dans nos familles qui vivent ces situations-là – prendre une pression, vérifier une médication, s'assurer d'un pansement adéquat. Toutes ces situations-là, M. le Président, sont en cause. Et, dans le fond, si nous souhaitons que cette grève cesse, si nous demandons, nous voulons et nous devons nous assurer surtout que cette grève cesse, c'est essentiellement pour toutes ces raisons, et elles sont à leur face même justifiées. J'ai même, je vous dirai, un peu de difficulté à comprendre qu'on ait besoin d'essayer de convaincre l'opposition, qu'on doive procéder maintenant avec une telle description de la situation.

J'écoutais tout à l'heure le chef de l'opposition et je me disais: Comme c'est drôle que le discours puisse ainsi changer, alors que pendant des mois on a critiqué, remis en question les gestes que posait le gouvernement, qui voulait améliorer la situation et qui l'a, dans les faits, améliorée, pour éviter justement que des listes d'attente ne s'allongent, pour éviter que des gens n'attendent, et qui là semble comme un peu banaliser la situation actuelle, M. le Président. Ça, c'est inadmissible. On ne peut jamais banaliser une situation comme celle-ci – et encore une fois, je le redis – aussi légitimes soient les demandes des infirmiers et infirmières. Le chef de l'opposition mentionnait aussi que, si elles avaient dû arriver là, c'est parce qu'on avait procédé à une réforme qui n'était pas celle à laquelle on devait procéder. Et je n'utiliserai pas ses propos, je ne les reprendrai pas, mais je vais juste essayer de lui expliquer. Je pense qu'il devrait normalement les comprendre, ces explications-là, pourquoi on a procédé à une réforme, pourquoi c'était si important de le faire et dans quel contexte on l'a fait.

Il faut juste savoir que les moyens modernes dont dispose l'ensemble des professionnels de la santé et des services sociaux – c'est vrai du côté médical, c'est vrai du côté chirurgical, c'est vrai du côté pharmaceutique – font en sorte qu'il n'est plus nécessaire maintenant que des personnes passent de longs séjours dans les hôpitaux pour recevoir des services que maintenant ces mêmes personnes peuvent recevoir en quelques heures, leur permettant rapidement d'ailleurs de se remettre sur pied et de le faire dans des conditions beaucoup plus intéressantes, entre autres si elles le font dans leur maison, dans leur milieu naturel. Et l'essentiel de la réforme a consisté, s'est appuyé sur le fait de tenir compte de toute cette progression, de toute cette évolution extraordinaire qui d'ailleurs nous ébahit et nous étonne chaque fois, compte tenu de son rythme, donc de constater que tous ces progrès que nous avions faits, que nous avions connus, nous amenaient nécessairement à modifier nos façons de faire. Pas à économiser, pas à faire de la structurite, à changer nos façons de faire, nos façons d'offrir les services dans les hôpitaux, dans les centres locaux de services communautaires, dans les CLSC, dans les centres d'hébergement pour les personnes âgées, à aider d'abord et à intervenir d'abord auprès des gens qui ont besoin de services et qui peuvent les obtenir rapidement, sur une courte période, faire en sorte que ces personnes se retrouvent dans leur milieu naturel.

(14 h 30)

Par ailleurs, des personnes âgées, qui pendant des mois se retrouvaient dans des ailes de nos hôpitaux, dans des lits de soins de courte durée alors que leur état réclamait des soins continus d'un autre type, avec de l'aide en ergothérapie, en physiothérapie, offerts beaucoup plus adéquatement, beaucoup plus judicieusement dans un centre d'accueil, étaient à l'hôpital, à des coûts – oui, c'est vrai – beaucoup plus élevés à l'hôpital qu'ils ne le sont dans des centres d'hébergement, mais surtout plus adaptés dans le cas d'un centre d'hébergement parce que toute l'organisation, au sens de l'ensemble de l'institution et de son personnel, est orientée vers l'accompagnement de ces personnes âgées, vers leur qualité de vie, vers leur quotidien. Dans un hôpital, on traite, on soigne un malaise, un problème qui normalement ne devrait pas durer ou, s'il dure, avec les conséquences qu'on connaît, mais avec toute une panoplie d'interventions ultraspécialisées ou très techniques, très lourdes, alors que ce n'est pas le cas dans un centre d'hébergement pour des personnes âgées ou pour des personnes en lourde perte d'autonomie mais qui peuvent même être plus jeunes.

Je ne vous ai pas parlé de structures, hein, M. le Président, je ne vous ai pas parlé même de réforme, mais, c'est ça, la réforme, c'est de faire en sorte que les services qu'on offre aux gens, compte tenu de l'état actuel de la médecine et de ses progrès, soient les plus adéquats possible compte tenu des problèmes que vivent les gens. Et, pour faire ça, oui, on a transformé les institutions, on a défini leur rôle autrement, on a réorganisé autrement nos services pour répondre mieux aux besoins des personnes là où c'était pertinent de le faire. C'est sûr que ça a brassé pas mal de choses, c'est sûr que ça a remis en question des comportements, des façons de faire, des attitudes, ça a remis en cause des organisations, on a même fait en sorte que des établissements organisent leurs services d'une façon très intégrée, certains sont allés même jusqu'à fusionner. Oui.

Et, des chambardements, M. le Président, ça bouscule les gens. Ce n'est pas facile, ça crée de la résistance puis, pendant un moment, on est inconfortable, puis on est plus qu'incorfortable des fois. Oui, ça cause des perturbations assez majeures dans les services qu'on rend. Et, malgré tout, au coeur de tout cela, on a vu des gens sur la ligne de feu, oui, sur la ligne de front, continuer à offrir, jour après jour, des services d'une grande qualité: c'étaient les infirmiers et infirmières du Québec, c'étaient aussi les médecins, c'étaient aussi les préposés aux malades, c'étaient aussi les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, les travailleurs sociaux, les infirmiers et infirmières auxiliaires, auxiliaires familiales. C'est tout ce monde-là – les cadres, les gestionnaires – qui a contribué à ce qu'on transforme progressivement nos services pour les rendre plus adéquats, plus modernes, répondant aux besoins quotidiens des gens.

Et c'est vrai. Et c'est vrai que malheureusement – puis je dis malheureusement – on a dû le faire comme gouvernement, mon collègue le député de Charlesbourg comme ministre de la Santé et des Services sociaux, on a dû le faire dans un contexte budgétaire difficile; non seulement difficile, je vous dirais dans un contexte budgétaire inquiétant, inquiétant parce qu'on était dans une situation telle que les sommes qu'on pouvait emprunter comme gouvernement risquaient de nous coûter plus cher encore qu'elles ne nous avaient coûté dans le passé, si on ne modifiait pas un tant soit peu notre comportement budgétaire.

Et ça – et ce n'est pas nous qui l'avons dit, des éditorialistes l'ont dit encore dans les derniers jours – c'est une situation dont nous avons hérité comme gouvernement. Je vous dirai que nous avons malheureusement hérité, nous avons géré un héritage pourri, M. le Président, pourri au plan budgétaire, où on nous a mis dans une situation impossible, intenable, et où c'est nous, du gouvernement du Parti québécois, qui avons eu assez de sens des responsabilités, qui avons été assez conscients de ce que ça signifierait pour nos enfants et nos petits-enfants que de leur laisser une situation économique budgétaire saine. C'est nous qui avons eu le courage de nous attaquer à cette gangrène qu'était un déficit qui, année après année, s'accumulait, ajoutant d'autant à notre dette qui devenait jusqu'à un certain point intolérable, compte tenu de l'état de notre richesse collective. Nous l'avons eu, ce courage.

Mais, oui, ça a amené à demander des efforts, cela à tous les citoyens et à toutes les citoyennes du Québec comme payeurs de taxes, comme travailleurs et travailleuses, comme gestionnaires, comme propriétaires d'entreprise, comme municipalités, partout, hein? Personne, personne d'entre nous, personne dans la société québécoise n'a été épargné de cet effort. Nous l'avons fait. Nous avons collectivement réussi à relever ce défi, M. le Président, et nous nous retrouvons maintenant, à l'heure où je vous parle, suite au dernier budget du ministre d'État aux Finances et à l'Économie et vice-premier ministre, après ces efforts et ce courage dont nous avons été capables... Et ce n'est pas seulement l'effort et le courage d'un gouvernement, c'est l'effort et le courage de tout un peuple, hein, de toute une société qui a décidé de mettre l'épaule à la roue, parfois un petit peu contre son gré, puis on comprend ça, que ça se soit passé comme ça. Et nous nous retrouvons maintenant, oui, avec des finances publiques plus saines. Mais, pendant que nous avons fait cela, l'effort, on l'a demandé aussi aux services de santé et aux services sociaux et nous l'avons demandé aussi à ce personnel. C'est vrai, donc, qu'en même temps que nous avons procédé à une modernisation, à une réorganisation des services pour mieux répondre aux besoins de la population québécoise, oui, nous avons demandé des efforts budgétaires, et, oui, ça a été difficile, et, oui, ça a touché nos services sociaux, nos services de santé.

Nous aurions voulu le faire sur une plus longue période, mais est-ce qu'on pouvait prendre une chance, une quelconque chance de voir notre situation basculer à nouveau dans le déficit? Non. Oui, nous l'avons fait sur une période relativement courte. C'est la première fois depuis que l'on analyse et observe l'économie que les cycles de progression sont aussi constants, depuis aussi longtemps, sur une aussi longue période. Tant mieux, M. le Président, tant mieux parce que ça nous permettra et ça nous a déjà permis non seulement d'atteindre le déficit zéro, mais de recommencer à investir dans la santé et les services sociaux, en éducation, et éventuellement ça nous permettra de réduire le fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises. Tant mieux que cela ait été le fait de notre économie qui a été solide et qui a bien performé. Mais on ne pouvait pas prendre le risque que cette situation se passe. Ça ne se passait plus depuis des décennies; on ne pouvait pas présumer, donc, des résultats.

Oui, nous l'avons fait sur un temps court, et l'effort a été considérable. Ça a laissé des séquelles, ça a laissé des marques, ça n'a pas été facile, mais, à chaque fois – et ça aussi, c'est important, M. le Président – que nous avons eu à demander la contribution de nos employés dans le secteur public ou dans le secteur parapublic, toujours nous avons réussi à y arriver par les voies de la concertation et de la négociation. Et c'est un petit peu ce qui, moi, m'attriste profondément, à ce moment-ci, compte tenu de tout le respect que j'ai pour le travail qui s'accomplit dans nos services sociaux, dans nos services de santé, compte tenu de tout le respect que j'ai pour ces infirmiers et infirmières qui sont au coeur de ce réseau de services avec leur compétence, avec leur capacité de compassion, avec le grand sens du service qu'on leur connaît.

(14 h 40)

C'est évident qu'aujourd'hui, M. le Président, comme l'a dit mon collègue le président du Conseil du trésor, ce n'est pas de gaieté de coeur que nous proposons la loi qui est devant nous. Mais, si nous la proposons, c'est d'abord et avant tout pour les gens qui sont inquiets, qui sont angoissés, qui attendent et qui risquent d'attendre encore longtemps. Et non seulement nous avons fait cette loi d'abord et avant tout pour nous assurer que les personnes malades allaient avoir accès aux services de santé, à des rendez-vous, à des rencontres avec leur infirmière, avec leur professionnel, mais nous l'avons fait en étant raisonnables, respectueux de nos interlocuteurs, même si le geste posé, soit d'avoir décidé d'être en grève illégale, n'est pas acceptable dans la société démocratique dans laquelle nous vivons. Mais nous avons justement fait en sorte que les mesures s'appliquant, si les personnes ne souhaitaient pas, ou ne voulaient pas, ou n'acceptaient pas la loi, restent – ces mesures ou ces sanctions – raisonnables, parce que nous pensons, pour l'avoir vécu depuis maintenant quelques mois et, dans mon cas, depuis les derniers mois comme ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'il est toujours possible de continuer à négocier, à discuter des conditions de travail qui n'ont pas été réglées ou qui n'ont pas obtenu un assentiment quant à leur conclusion en termes de discussion par les infirmiers et infirmières du Québec, M. le Président.

Nous souhaitons reprendre la négociation, la discussion dans le cadre normal de nos lois du travail. Et, en ce sens, cette loi qui est devant nous a un seul objectif, et jamais je n'accepterai que le chef de l'opposition dise qu'on veuille soit être méprisant ou soit bafouer les droits des infirmiers et infirmières du Québec. Jamais, ni de la part du premier ministre, ni de la part d'aucun membre du gouvernement, ni de ma part comme ministre de la Santé et des Services sociaux, ni le ton, ni le langage, ni les propos ne permettent quelque interprétation en ce sens. Au contraire, à chaque fois que la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, par la voix de sa dirigeante, a communiqué avec nous, nous avons répondu: Présent. Nous avons eu des débats, nous avons eu des discussions. Nous ne sommes pas toujours d'accord. C'est normal, dans une société comme la nôtre, et heureusement d'ailleurs, M. le Président, mais jamais nous n'avons rompu les tables. Et, quand il y a eu un soupçon qui a pesé sur nous et que la présidente m'a signifié très correctement, elle m'a dit: Je crois et je comprends que vous avez rompu les tables, j'ai dit: Non, nous n'avons pas rompu les tables et nous ne voulons pas les rompre. Nous étions toujours, je le dis... Nous n'étions pas, à ce moment-là, bien sûr, en grève illégale. Et le lendemain matin, le signal a été clair, sans nuances: Nous sommes à la table, nous vous attendons, nous sommes prêts à continuer la discussion. Ce que nous avons fait. Et ça, je pense que cela marque le respect, cela marque la volonté que nous avons de trouver des solutions.

Mais, oui, dans le débat et dans les discussions qui nous opposent, il y a deux volets, trois volets, je vous dirais. Les questions de conditions du travail. On appelle ça, dans notre jargon, les clauses normatives. Nous en avons réglé les parties qui nous apparaissaient les plus importantes, les plus signifiantes pour le travail au quotidien des infirmiers et infirmières, le fardeau de tâche, la précarité et la sécurité d'emploi. Il reste d'autres clauses normatives, nous ne le nions pas. Mais, compte tenu des autres, de celles dont je viens de parler, les secondes sont peut-être un peu moins... ont un peu moins de conséquences. Mais, même pour celles-là, nous sommes toujours prêts à discuter, à débattre. Quand on discutera du principe, vous constaterez d'ailleurs que tout ce que nous avons discuté jusqu'à maintenant et que nous avons signé se retrouve dans la loi. En tout respect, justement, et pour preuve que nous tenons parole, nous l'avons inclus dans la loi, M. le Président, et ça s'appliquera dès que la loi sera adoptée, tout ce qui concerne les conditions de travail, sécurité d'emploi, donc précarité de la tâche et fardeau de tâche.

À chaque fois, M. le Président, nous avons donc souhaité négocier et nous souhaitons le faire. Il restait deux autres questions. L'une, plus générale, sur les salaires, à savoir la possibilité que l'on donne un pourcentage supplémentaire aux infirmières par rapport à la proposition générale que nous avons déposée concernant l'ensemble des employés des secteurs publics et parapublics, soit une proposition de l'ordre de 5 %. Est-ce qu'on comprendrait, est-ce que quelqu'un, quelque part, comprendrait que nous donnions davantage à un groupe qu'à un autre, à ce moment-ci? Nous pensons que cette discussion-là doit se faire avec l'ensemble des représentants des secteurs public et parapublic. Par ailleurs, nous savons qu'à 5 %, ce qui est proposé, c'est ce qui nous permet de comparer les emplois les mieux rémunérés, les mieux protégés du secteur privé, soit les emplois syndiqués des grandes entreprises, avec les emplois syndiqués des secteurs public et parapublic qui sont de même niveau de rémunération avec cette proposition de 5 %.

Ah! Vous allez me dire, et j'entends déjà l'opposition me dire: Mais les infirmières ne méritent-elles pas davantage que les autres groupes? Nous avons prévu un mécanisme pour évaluer si effectivement le salaire qui leur était versé, la rémunération qui leur était versée ne devrait pas être modifiée pour tenir compte de leur fardeau de tâche, de leurs tâches habituelles, et le salaire actuel est-il ou non suffisant par comparaison à ce que d'autres professionnels de la santé, des services sociaux, accomplissent dans le réseau? À cela, jamais nous n'avons dit non, M. le Président. Toujours, nous avons dit – et ça, on le retrouve dans le projet de loi, j'aurai l'occasion d'en reparler plus tard – oui: Oui au processus de discussion; oui à l'établissement d'un mécanisme de révision, s'il y a lieu, du salaire, compte tenu de la tâche accomplie des infirmiers et infirmières; oui, dans un contexte où nous nous entendrons sur des balises scientifiques et où nous procéderons à l'analyse.

D'ailleurs, nous souhaitons tellement que les représentants des infirmiers et infirmières soient associés à la démarche que, dans la loi, vous constaterez que nous proposons un comité conjoint pour faire cette démarche. On trouvait qu'elle était trop longue; nous proposons et nous adopterons dans la loi, si tel est le souhait de l'Assemblée nationale, une période plus courte pour arriver à une entente. Alors, à cela, nous n'avons jamais dit non. Au contraire, nous avons dit un oui très clair quant au processus d'évaluation, quant à l'établissement d'un mécanisme. Et si en bout de piste on constate qu'il est nécessaire de revoir le salaire d'un infirmier ou d'une infirmière, nous le reverrons et nous le reverrons rétroactivement, autrement dit nous l'appliquerons à partir du moment où le mécanisme est adopté. Nous avons été, à cet égard, d'une grande transparence, nous continuerons de l'être, et cela se retrouve dans la loi, M. le Président.

On nous a dit: On est d'accord avec un processus comme celui-là, mais on veut d'avance que vous nous versiez une somme assez importante, de l'ordre de plus de 9 %; entre 9,2 %, 9,5 %. Nous disons à cela: Si vous êtes convaincus que votre tâche mérite davantage, les résultats de l'analyse vont être clairs et nous verserons les sommes nécessaires.

(14 h 50)

Vous savez, depuis des années, au gouvernement du Québec, nous avons procédé à des exercices de relativité salariale. L'une des premières décisions que j'ai eu à prendre, lorsque j'ai occupé la fonction de présidente du Conseil du trésor, a été de rétroagir et de corriger le salaire du personnel de la fonction publique qui était du personnel de soutien, particulièrement du personnel de secrétariat, et majoritairement et très largement des femmes. Le gouvernement, à cet égard, depuis des années, procède de cette façon-là et verse les sommes nécessaires à corriger les situations constatées quant à la relativité salariale. Nous sommes toujours prêts à le faire, M. le Président, nous le proposons dans la loi, et nous proposons même dans la loi, comme quoi...

Et je pense qu'il faut être très clair: Jamais, jamais ne nous a effleuré l'idée d'une loi qui puisse être d'une quelconque façon revancharde. C'est une loi que nous croyons juste, que nous croyons adaptée à la situation avec laquelle nous avons à travailler, qui fait état de la nécessité d'offrir des services de qualité et tous les services de santé à tous les citoyens et toutes les citoyennes du Québec qui en ont besoin. C'est une loi qui comprend les ententes déjà paraphées, déjà signées – est-ce qu'on peut être de meilleur compte, M. le Président? – qui comprend même le processus d'évaluation du salaire pour le comparer avec ce que gagnent d'autres professionnels de la santé et des services sociaux et que, à la fin de ce processus, on puisse corriger, s'il y a lieu, le salaire du personnel infirmier, autant du personnel infirmier qui sont des bachelières que du personnel infirmier qui sont des diplômées de nos institutions d'enseignement. C'est une loi qui est essentiellement, uniquement une loi qui invite les infirmiers et infirmières du Québec à reprendre le travail, à le faire comme nous savons qu'elles peuvent le faire, en tout respect pour leurs concitoyens et leurs concitoyennes. C'est ainsi aussi qu'elles continueront de se mériter le respect que nous leur portons, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Alors, merci, M. le Président. L'Assemblée est convoquée d'urgence aujourd'hui pour une situation que plusieurs voyaient venir, qu'en tout cas ceux qui étaient en contact avec le milieu de la santé, avec le personnel et les personnes qui travaillent dans le milieu de la santé avaient pu sentir à l'avance, parce qu'il y a déjà plusieurs mois, il y a déjà une couple d'années que le lien de confiance entre le gouvernement et les gens qui travaillent dans le réseau de la santé est de plus en plus ténu. Dans le cas du personnel infirmier – et je pense que la ministre vient d'y faire référence – la ministre décrivait ces gens-là comme des gens qui font leur travail consciencieusement, comme des gens qui, règle générale, vont rentrer au travail sans se plaindre pour faire un boulot qui est difficile, pour faire un boulot qui a été certainement, dans les conditions de la réforme, rendu encore plus ardu, et on ne peut pas, aujourd'hui, regarder la situation qui est devant nous en faisant abstraction de l'état d'esprit exceptionnellement endurci qui est celui des infirmiers et infirmières du Québec. On ne peut pas faire abstraction du niveau de désabusement avec peu de comparable qu'on entend dans leur discours, qu'on entend dans leurs réactions, et ça traduit à quel point le modèle bureaucratique qui a présidé à la réforme a atténué le lien de confiance. Ça fait sentir aux gens qui travaillent dans le réseau de la santé que leur opinion était relativement de faible importance, qu'un plan d'ensemble avait été fait bien au-dessus de leur tête et que, ça, ça allait régler l'ensemble des problèmes.

Alors, les gens qui ont vécu sur le terrain – dans toutes les régions, ça a été semblable – ont trouvé ça dur, hein? Moi, j'ai vu, dans des centres d'hébergement pour personnes âgées, des infirmières des infirmiers, en début d'après-midi, qui n'avaient pas encore eu le temps de lever tous les malades parce que, sur un étage, ils sont une demi-poignée, puis, quand il y en a un ou deux dans l'avant-midi dont les cas se compliquent, que ce n'était pas prévu puis qu'ils sont plus malades que prévu, bien, ça, le temps qui est affecté à ces deux, trois personnes-là qui sont plus malades le matin, c'est le temps qu'ils n'ont plus pour aller sortir les autres du lit quand leur visite arrive. Alors, on est dans des situations qui sont quand même difficiles. Il y a des situations où le personnel, d'abord, reçoit les reproches. En Chambre, les reproches vont à la ministre de la Santé et des Services sociaux, mais, sur le terrain, les reproches vont aux personnes qui sont là et qui, elles, savent bien qu'elles ne peuvent pas faire mieux. Je veux dire, elles ont juste deux mains, elles ont juste deux jambes puis elles ont juste le même nombre d'heures que tout le monde dans une journée.

Le gouvernement, qui a travaillé seul dans ça, fait un peu la même chose maintenant, c'est-à-dire que, au moment où il y a une grève illégale, qui est éminemment déplorable – je pense qu'il n'y a personne qui va approuver une grève illégale – le gouvernement travaille encore seul. Sûrement que des gens auraient pu s'attendre à ce que, cette semaine, un appel soit fait à l'opposition officielle pour travailler à la recherche de solutions, essayer de développer un consensus qui puisse amener le Parlement, sans bâillon, si une loi spéciale était nécessaire, à la voter d'une façon unanime. Mais non. Le gouvernement a davantage utilisé le Parlement aujourd'hui à l'intérieur de sa stratégie de négociation.

Le gouvernement est pris évidemment dans une négociation très serrée où les gens arrivent avec des exigences salariales qui ne peuvent pas être prises d'une façon dissociée du ton de sa campagne électorale, parce que les gens du Parti québécois, qui aujourd'hui disent: On a encore des contraintes, on est sortis du déficit zéro, mais on ne peut pas se permettre de donner plus que 5 % d'augmentation, tiennent un discours qui est radicalement différent de ce qu'ils tenaient pendant la campagne électorale où, à chaque 24 heures, ils promettaient un 500 000 000 $ de plus, quand ce n'était pas 1 000 000 000 $. On ne doit pas se surprendre que ce gouvernement-là, d'abord qui a fait dans son propre parti une héroïne de la dernière personne qui y était allée d'une grève illégale, qui avait défié les lois au niveau infirmier, le même gouvernement qui a promis des milliards, aujourd'hui, au moment où il veut régler une situation, se retrouve avec un déficit de crédibilité, et c'est probablement ça qui est au coeur du problème.

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est de notre devoir aujourd'hui, quoi qu'il arrive de la loi spéciale à la fin de cette journée, de demander aux infirmières de ne pas faire ce qu'elles reprochent au gouvernement, soit d'avoir oublié les malades, et, quoi qu'il arrive avec la loi, non pas pour le gouvernement, non pas pour faire plaisir au gouvernement, pour lui donner raison, mais par souci pour les malades pour lesquels elles ont toujours travaillé, de rentrer au travail dans les plus brefs délais. Je pense qu'on doit tous le leur demander. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount– Saint-Louis et je vous rappelle qu'il reste 30 min 30 s au parti de l'opposition.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. On est le 2 juillet après-midi, on est face à un gâchis monumental. Devant quel gâchis sommes-nous? À ce moment-ci, lorsque des dizaines de milliers de femmes sont, à tour de rôle, devant des lignes de piquetage sur le coin des rues, dans nos villes, dans nos villages, là où on a des établissements de santé, ces femmes qui revendiquent non pas, comme on a bien voulu essayer de le spinner dans les dernières semaines puis particulièrement dans les derniers jours, pour une poignée de dollars, des femmes qui essaient de revendiquer pour avoir des conditions de travail qui soient correctes, des conditions de travail qui puissent leur permettre de s'épanouir dans leur milieu, ce qu'elles réclament, c'est la décence. Ces femmes-là, on est à la veille de leur dire: On ne veut rien savoir de vous. L'arrogance gouvernementale dépasse de loin la compréhension que non seulement les infirmières, mais que le grand public peut avoir du problème auquel nous faisons face.

(15 heures)

M. le Président, le député de Rivière-du-Loup, en d'autres termes, mentionnait le bris de confiance qui existe aujourd'hui entre les infirmières et l'État. C'est grave. C'est grave, mais ça peut se comprendre. L'État lui-même s'est mis dans des situations invraisemblables, rocambolesques au cours des derniers mois. L'État lui-même a annoncé que la loi n'était pas faite pour lui. Le gouvernement lui-même nous a dit il y a à peine quelques semaines qu'il avait le droit, lui, au-dessus de la loi de l'environnement, au-dessus des lois adoptées par l'Assemblée nationale, de faire ce qu'il voulait en matière, par exemple, d'organisation de notre réseau de transport hydroélectrique. Hertel–des Cantons, ça vous dit quelque chose? Hertel–des Cantons, loi spéciale. On a fait lever les procédures normales d'adoption d'une loi ici, en Chambre, pour faire en sorte, M. le Président, d'amnistier un gouvernement qui s'était placé dans la totale illégalité.

Trois fois, M. le Président, le cabinet actuel a pris des décisions à l'envers des lois du Québec, à l'encontre des lois du Québec. Trois fois, le cabinet a pris des décisions qui allaient à l'encontre des lois du Québec et, jugeant évidemment le problème, s'étant fait dire par la Cour supérieure que c'était illégal, après avoir rabroué de façon arrogante tout le monde, a été obligé, de façon consternée, de dire: Bien oui, la Cour supérieure nous a dit que nous étions dans l'illégalité. Tout le monde l'avait dit avant. Tous ceux qui étaient un peu conscients de l'approche légale l'avaient dit avant: Le gouvernement s'était lui-même placé dans l'illégalité.

Aujourd'hui, on reproche le bris de confiance des infirmières à l'endroit de ce gouvernement. Souvenez-vous, M. le Président, il y a à peine une semaine et demie, le ministre des Finances lui-même, ministre du Revenu, faut-il le dire, s'est auto-amnistié après que l'ancienne ministre du Revenu, la députée de Rosemont, eut été obligée de démissionner. Dans l'honneur, comme le disait le député de Verchères, pour faire en sorte de prendre la responsabilité, dans l'honneur, elle et Mme la sous-ministre du Revenu ont démissionné parce que, effectivement, le ministère du Revenu s'était placé dans l'illégalité. Le ministre du Revenu, au moment où il était – avant la ministre du Revenu, avant la députée de Rosemont – ministre du Revenu aussi, s'était placé dans une situation similaire.

Mais c'était la faute de quoi? Ce n'était pas la faute du député de Verchères. Nous l'avons entendu ici plaider, plaider, plaider combien de fois, de période de questions en période de questions: C'était la faute à la loi, disait-il. C'est la loi qui est mal faite. Ce n'est pas moi qui suis dans l'illégalité, même si ma collègue a dû démissionner pour les mêmes raisons, c'est la faute à la loi. Alors, changeons la loi. Le gouvernement, encore une fois, utilisant le rouleau compresseur, a changé la loi pour faire en sorte de réhabiliter les actions prises par le député de Verchères dans le passé et rendre légal ce qui était illégal.

Aujourd'hui, on a de la misère à comprendre le bris de confiance des infirmières envers l'État. Mais d'où sortez-vous? Comme membres de cette Assemblée, on pourrait dire: D'où sortons-nous? Mais, comme gouvernement, vous êtes les premiers interpellés. D'où sortez-vous? Comprenez que les infirmières... le geste, aussi dramatique et aussi illégal que ce soit, est certes à bannir, mais vous avez été les premiers à ouvrir grandes les vannes de l'illégalité par les décisions que vous avez prises vous-mêmes, comme membres du cabinet. Comme membres du cabinet, dans cette société de droit, vous vous êtes placés au-dessus des lois et aujourd'hui vous reprochez aux infirmières d'être dans une situation qui soit à peu près du même type que celle dans laquelle vous vous êtes vous-mêmes placés. Bon Dieu! Dans quel gâchis sommes-nous puis devant quel gâchis sommes-nous?

M. le Président, le chef de l'opposition, on lui a fait dire tout à l'heure... La ministre de la Santé et députée de Taillon disait: Le chef de l'opposition a un discours qui a changé. La première question que le chef de l'opposition a posée tout à l'heure, là... Nous sommes le 2 juillet. Nous avions une période de questions ce matin. La question que le chef de l'opposition a posée ce matin, c'est la première question que, comme chef de l'opposition, il a posée en cette Chambre, le 4 mars dernier, sur le sujet de la santé. Il a posé exactement la même question parce que la question du 4 mars dernier était tellement pertinente qu'elle anticipait des problèmes que nous pouvions voir venir depuis des années dans le secteur de la santé.

Devions-nous faire un virage ambulatoire dans le secteur de la santé, M. le Président? La réponse est oui. Seize hôpitaux dans mon comté; je peux vous dire que oui. Comment on devait le faire? Sûrement pas de la façon dont ce gouvernement-là l'a fait. L'application du virage ambulatoire a fait en sorte que notre système de santé a capoté, et, dans plusieurs régions, les gens ont beaucoup moins de services qu'ils en avaient il y a 15 ans, qu'ils en avaient il y a cinq ans.

Et aujourd'hui on se pose la question: Pourquoi les infirmières ont brisé leur confiance vis-à-vis de l'État? C'est parce que, depuis cinq ans, on leur dit que le meilleur ministre de la Santé que le Québec ait jamais eu dirige le Québec, que le meilleur premier ministre que nous ayons jamais eu dirige le Québec et est d'accord avec la réforme de la santé, la restructuration de la santé. Ce qui fait, M. le Président, que les infirmières, qui sont, pour reprendre l'expression de Jeffrey Simpson, les canaris dans nos régimes de santé – en faisant allusion à ces oiseaux, les canaris, que les mineurs anglais amenaient dans les mines pour s'assurer de la qualité de l'air – ces infirmières sont les premières à s'apercevoir des carences et des problèmes majeurs que la restructuration de la santé a fait peser non seulement sur elles, mais sur les patients, les femmes, les hommes, les enfants qu'elles soignent. Et ça, M. le Président, ça n'a pas de prix.

Nous connaissons tous des infirmières, certains d'entre nous en avons comme conjointe, nous en avons comme amies, nous en avons comme cousines, nous en connaissons tous et nous savons jusqu'à quel point elles sont dévouées. Nous savons jusqu'à quel point, comme société, nous pouvons compter sur elles. Aujourd'hui, le gouvernement vient dire: Nous ne vous comprenons pas. Ça fait sept jours que vous êtes sorties, puis ce n'est pas normal, c'est illégal. Et c'est vrai que ça n'a pas beaucoup de sens, mais il faut comprendre le problème de fond, M. le Président. Si c'étaient uniquement les infirmières dans notre réseau qui se plaignaient, on dirait: Bon, bien, peut-être qu'elles exagèrent. Mais là on a les médecins omnipraticiens, les médecins spécialistes, les médecins urgentologues.

On n'entend pas, le public n'entend pas, mais, il y a à peine quelques minutes, on avait les sirènes des ambulanciers qui tournaient autour du parlement. Les ambulanciers se plaignent, les pharmaciens menacent de démissionner. Cette loi-là prévoit, la loi qu'on nous dépose prévoit des sanctions à l'égard des pharmaciens. C'est un peu comme... Quelle sorte de gouvernement avons-nous, qui pense qu'il pourra, par la loi, faire en sorte d'empêcher éventuellement les pharmaciens de démissionner? Quel est le ratio qui permet à ce gouvernement de se penser au-dessus du raisonnement élémentaire des gens, qui fait en sorte qu'il pourra croire, qu'il pourra laisser croire qu'une loi comme ça peut empêcher les pharmaciens de démissionner? Il faudrait peut-être se pencher plutôt sur la question: Pourquoi les pharmaciens veulent-ils démissionner? Pourquoi les ambulanciers sont-ils dans la situation où ils sont? Pourquoi les urgentologues veulent tout lâcher, qu'ils soient à Royal Victoria, qu'ils soient à l'urgence de l'Hôpital général de Montréal, à l'urgence de Saint-Luc? Pourquoi ça fonctionne mal partout? Pourquoi?

(15 h 10)

On aurait peut-être des questions à se poser. Peut-être que ce cabinet-là aurait quelques questions à se poser. Pourquoi tout le monde serait à l'envers, sauf le cabinet? Pourquoi la vérité serait au cabinet et nulle part ailleurs? Comment se fait-il que les membres du cabinet peuvent réfléchir et penser, et avoir une vision et parler ex cathedra lorsque le restant des gens qui vivent dans leur milieu, eux, sont considérés comme innocents par les gens du cabinet? Le gouvernement du Parti québécois, M. le Président, ne veut pas écouter, n'a pas voulu entendre les parties.

Le chef de l'opposition, depuis dimanche dernier, essaie d'éviter le pire, essaie de faire en sorte de jouer un rôle positif comme opposition. Pas facile. Pas évident. Plusieurs feux rouges, quand ce ne sont pas des feux jaunes de la part, même, des membres de l'opposition en se disant: Ce n'est pas notre rôle, ce n'est pas nous autres qui avons mis le monde dans le trou. Le chef de l'opposition, positif, dit: Il faut faire quelque chose pour dénouer l'impasse. Que pouvons-nous faire pour dénouer l'impasse? Il suggère une commission parlementaire sinon une commission plénière de l'Assemblée pour entendre les parties: les infirmières, la partie patronale, le Conseil des services essentiels et les représentants des malades.

Vous avez entendu, M. le Président, dimanche dernier, ça fait cinq jours: fin de non-recevoir de la part du gouvernement. Les infirmières sont ouvertes, elles ont des choses à dire, elles veulent se faire entendre, mais personne, semble-t-il, du côté gouvernemental, du côté du Parti québécois, n'est intéressé à les entendre. Il me semble que la députation ministérielle a suffisamment entendu les parties. Nous sommes fort aises pour la députation ministérielle, mais, comme Parlement duquel nous faisons partie, nous considérons que, nous, nous n'avons pas entendu suffisamment les parties. Nous, nous considérons que les infirmières ont des choses à dire. Nous, nous pensons que les infirmières ne se laisseraient pas encercler comme elles l'ont été depuis deux, trois jours, en se faisant dire: Bien, nous avons réglé tout le normatif, il ne reste plus rien que du salarial. Et, pour une poignée de dollars, vous n'avez pas de raisons de faire la grève comme vous le faites actuellement.

Bien, quiconque suit un peu le dossier des négociations....

Une voix: ...

M. Chagnon: Quiconque suit un peu le dossier des négociations sait que, effectivement, on a paraphé deux objets dont l'un particulièrement important, je l'accorde, je l'admets, il en reste 47 autres dans le normatif à régler avec les infirmières, 47. Pas tous aussi importants, mais l'organisation du rappel des infirmières, s'il y a quelqu'un qui est allé un jour dans un hôpital et qui en a administré un, les temps de rappel, là, ce n'est pas rien pour une infirmière. Savoir comment on va organiser le rappel des infirmières en fonction de la demande dans les hôpitaux, ce n'est pas rien. Or, c'est en négociations, M. le Président.

Quand est-ce qu'on a vu le gouvernement faire en sorte de proposer quelque chose de positif depuis non seulement une semaine, depuis un mois? On attend. On attend. Le chef du PLQ a demandé une commission parlementaire, le gouvernement a dit, à la période de questions puis après la période de questions: Non, «Niet». Le premier ministre dit: «Niet». Il n'en est pas question, on en a assez entendu. Mon monde, il connaît ça. C'est clair, les députés ministériels, eux autres, ils en ont vu, des infirmières, sur les lignes de piquetage dans les dernières semaines. Alors, c'est clair, on connaît ça, nous autres, ce débat-là.

M. le Président, dans une situation où les parties sont cambrées comme celle devant laquelle nous nous trouvons, il n'y a qu'une chose qu'un gouvernement responsable a l'obligation de faire, c'est de trouver le moyen de déclencher une trêve chez le groupe de salariés qu'il a en avant de lui. Qu'est-ce qu'il a pour déclencher une trêve? Qu'est-ce qu'il a comme moyens? Bien, il y en a, des possibilités, s'il a un peu d'imagination. À défaut d'imagination, on se retrouve dans la situation où on est. Mais, s'il avait eu un peu d'imagination, qu'aurait-il pu suggérer? Il aurait pu suggérer...

On le sait, le commun des mortels comprend qu'une partie des problèmes reliés à la condition des infirmières découle du fait qu'elles ne veulent pas, justement parce qu'elles n'ont pas confiance, embarquer dans un processus de relativité salariale qui les amènerait, dans deux ans, à des choses dont elles n'ont aucune espèce d'idée. Elles ignorent aujourd'hui dans quoi et vers quoi le gouvernement veut les amener dans deux ans. Dans deux ans, M. le Président. Elles disent: Ça n'a pas d'allure. Je suis à même de penser qu'elles ont raison.

Si le gouvernement était sérieux, il devrait leur faire une proposition, il aurait dû leur faire une proposition pour justement aller chercher une trêve. Une trêve, ça veut dire que les infirmières rentrent au travail rapidement à la condition qu'on s'entende sur un engagement, puis un engagement qui aurait dû faire en sorte de dire, contrairement même à ce que la loi nous amène: La relativité salariale, pour nous, c'est important. Nous, comme gouvernement, nous vous offrons, infirmières, de régler non pas dans deux ans, mais d'ici Noël. D'ici Noël, on sera capable de faire l'état de la situation, de la lourdeur de votre tâche.

La dernière fois que cela a été fait, M. le Président, c'est en 1989. J'ai assisté à ça, j'étais au Conseil du trésor. Mais, depuis 1989, il y a pas mal d'eau qui a coulé en dessous des ponts dans le milieu des hôpitaux. Virage ambulatoire: la difficulté, la lourdeur de la tâche des infirmières s'est accrue. N'importe qui qui a un petit peu de jarnigoine le comprend. Si le gouvernement avait fait une offre de ce genre-là en disant: Rentrez au travail, nous nous engageons à faire en sorte qu'ensemble nous passerons à travers le dossier de la relativité salariale d'ici décembre...

Parce que malheureusement on ne l'a pas fait avant, hein? Le gouvernement devrait se poser la question pourquoi on ne l'a pas fait avant. On ne l'a pas fait avant. On pourrait accuser le gouvernement de négligence, mais il ne l'a pas fait avant. Mais aujourd'hui il peut toujours se reprendre. D'ici décembre, on fait l'étude sur la relativité salariale ou l'étude sur la lourdeur des tâches et, en même temps, on s'entend pour s'aligner, faire en sorte que le même comité de travail fasse une étude sur le réalignement des tâches. C'est un des problèmes majeurs chez les infirmières. Pas besoin d'être un sorcier, pas besoin d'être un gourou, pas besoin d'être un savant pour comprendre que, chez les infirmières, depuis 10 ans, il y a une évolution quant à l'organisation des tâches.

Des auxiliaires infirmières, ça existe. Elles sont d'ailleurs davantage syndiquées à la CSN. On a des infirmières qui sont de plus en plus spécialisées. Elles ont des D.E.C. et elles ont de plus en plus des bacs. Au-delà de 30 % des infirmières au Québec ont un bac, qu'on ne reconnaît pas, du côté ministériel, mais elles l'ont quand même. Et, lorsqu'elles nous disent, par la voix de leur syndicat, qu'elles gagnent 4 000 $ de moins par année qu'une travailleuse sociale, ce n'est pas rendre injustice à la travailleuse sociale, mais c'est plutôt rendre justice à l'infirmière qui elle aussi a un bac, de savoir et de faire en sorte que cette infirmière qui a un bac pourrait être considérée comme une professionnelle. C'est ça, le rôle du réalignement des tâches qu'un comité pourrait avoir.

M. le Président, devant quel gâchis sommes-nous? Nous avons vu ici, dans cette Chambre, il y a trois ans, la ministre actuelle de la Santé, qui était ministre de l'Éducation, contingenter, couper de moitié les ouvertures de postes en sciences infirmières au niveau collégial sous prétexte qu'on s'en allait vers un surplus en 1999-2000. Trois cents enseignants en sciences infirmières au niveau collégial ont perdu leur emploi ou devaient le perdre. En 1997, le même gouvernement, dont la main gauche ne sait pas ce que la main droite fait, a fait en sorte d'ouvrir les vannes de la préretraite pour 3 800 infirmières. Pas diminuer. 3 800 infirmières. Dans certains hôpitaux, entre autres, de mon comté, on a été obligé d'arrêter de faire fonctionner des blocs opératoires entiers parce qu'il n'y avait plus les infirmières nécessaires pour les faire fonctionner.

M. le Président, troisièmement, 1 200 médecins, il y a deux ans, ont été conviés à prendre leur retraite. On leur a donné 150 000 $ s'ils étaient des omnipraticiens ou 300 000 $ s'ils étaient des spécialistes. Mille deux cents d'entre eux ont pris une retraite avec soit 150 000 $ soit 300 000 $ de gains de la part du gouvernement du Québec pour partir prendre leur retraite.

(15 h 20)

M. le Président, c'est le tour du chapeau de l'incompétence, il y a trois ans, de ne pas avoir prévu qu'on serait en déficit d'infirmières dans notre système, de ne pas l'avoir prévu lorsqu'on les a mises à la retraite, de ne pas avoir prévu qu'on mettrait notre système de santé à mal en mettant 1 200 médecins à la retraite. Aujourd'hui, le gouvernement ne fait que cueillir ce qu'il a semé depuis les quatre dernières années en matière de santé, et le massacre qu'il a fait. Et ce que nous vivons aujourd'hui malheureusement va se répercuter pendant des semaines, des mois et des années dans le système de santé. Aujourd'hui, nous sommes avec une loi spéciale concernant les infirmières et les pharmaciens, mais demain ce sera la FAS; puis après-demain ce seront les enseignants.

M. le Président, le secteur de la santé en particulier a été affecté, et cela, du côté de l'opposition, nous l'avons dénoncé et nous sommes particulièrement troublés de voir jusqu'à quel point le gouvernement ne tient pas compte de cette réalité lorsqu'il nous amène et nous force à voter sur un projet de loi comme celui qu'il a déposé aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Il reste actuellement six minutes et demie au groupe de l'opposition, et, nous, nous avons une minute. Alors, si vous voulez l'utiliser, je m'en vais vous la céder. Alors, M. le député d'Abitibi-Ouest.


M. François Gendron

M. Gendron: Très simplement, M. le Président, les infirmiers et les infirmières du Québec bénéficient d'un juste et équitable capital de sympathie. Elles ont dû prendre les bouchées doubles, et plus même, pour mettre en application une réforme du secteur de la santé qui a nécessité une application plus rapide, compte tenu des circonstances que tout le monde sait. C'est pourquoi cette surcharge de travail a été reconnue à la table de négociation, et elle a été reconnue au chapitre de trois éléments essentiels, ce qu'on appelle: précarité d'emploi, surcharge de travail et postes temporaires.

Mais aujourd'hui ce n'est pas ce que j'entends depuis le début. Aujourd'hui, la Chambre est convoquée pour donner ordre de retour au travail de celles et ceux qui sont en grève illégale depuis cinq jours en continu et sept jours au total. Tout comme le disait – c'est ma phrase finale – l'opposition officielle aujourd'hui, c'est-à-dire la critique de l'opposition officielle aujourd'hui en santé, elle disait hier: «Nous ne laisserons pas faire les infirmières en grève illégale. C'est ahurissant, c'est une aberration, c'est irresponsable et inacceptable parce que ce sont les plus faibles et les plus démunis qui en font les frais.»

Très simplement, aujourd'hui, M. le Président – je conclus – c'est ça, l'objet: on ne veut pas que la grève illégale perdure. Mais on est très sensible et on est conscient de la juste cause des infirmières. Allons en débattre à la table de négociation.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Abitibi-Ouest et président du caucus. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey pour les six minutes et demie qu'il reste.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. C'est assez étonnant d'entendre le député d'Abitibi-Ouest se lever pour appuyer son gouvernement dans un dossier de la santé. C'est lui-même qui avait, avec beaucoup de courage, soulevé à plusieurs reprises la situation alarmante à l'hôpital de La Sarre, où il manque des infirmières et des médecins. Il n'y a pas de services. C'est suite aux coupures aveugles imposées par son propre gouvernement. Il doit attendre la démission imminente du ministre d'État aux Finances dans son portefeuille du Revenu. Ça doit être une nouvelle manière de réintégrer le giron. Parce qu'il y a une contradiction flagrante entre ce qu'il vient de dire ici aujourd'hui et ce qu'il soutient depuis des mois ici, en Chambre. Il a le courage de se lever et dire: Moi, comme député du gouvernement du Parti québécois, je me lève puis je dis que ça n'a pas de bon sens. Il l'a fait à plusieurs reprises. Ça n'a pas de bon sens, on n'a plus de médecins, on n'a plus de services, on n'a plus d'infirmières. Là, il se lève aujourd'hui puis il dit: Bien oui, mais le problème, c'est les infirmières.

Rouerie magnifique, M. le Président. Rouerie magnifique! Après avoir fait porter les aspects les plus odieux de la réforme sur les infirmières, maintenant ils sont en train d'essayer de blâmer les infirmières. Ils essaient de faire croire à la population que la faute, ce n'est pas la leur. Le problème, ce n'est pas le fait qu'il n'y a plus de médecins et plus d'infirmières à La Sarre. Non, non. Non, non. Aujourd'hui, le 2 juillet 1999, le député d'Abitibi-Ouest, il se lève et il dit: Le problème, c'est que les infirmières sont en grève, et donc la solution à toutes les difficultés imposées par le gouvernement du Parti québécois – toutes les difficultés dont il est l'auteur, le gâchis total qu'il a créé dans le système de la santé – c'est une loi spéciale. C'est ça qu'ils sont en train d'essayer de faire croire à la population aujourd'hui, que ce n'est pas de leur faute. C'est un adon, c'est arrivé comme ça qu'il n'y ait pas d'infirmières et pas de médecins à La Sarre. Faut le faire, M. le Président!

Le député d'Abitibi-Ouest vient de perdre toute crédibilité dans le dossier de la santé. Il a le courage, à quelques reprises, ici, en Chambre, de se lever et de poser des questions à son propre gouvernement, mais, quand vient le temps de constater les résultats néfastes d'une réforme bâclée, il se lève, il dit: Bien, la faute, en fait, à bien y penser, ça doit être la faute des infirmières; puis, si elles rentrent, les problèmes vont tous être réglés. M. le Président, les listes d'attente existaient bien avant la grève actuelle. On envoyait des patients aux États-Unis pour recevoir leurs traitements en oncologie bien avant la grève actuelle. Ça n'a strictement rien à voir avec la grève. Le gâchis, la destruction de notre système de santé bâti depuis 35 ans, c'est la faute de ce gouvernement et ce n'est pas la faute des infirmières. Les infirmières sont les gens qui travaillent le plus dans le système tous les jours et qui sont en contact avec les résultats imposés par le gouvernement du Parti québécois.

J'écoutais attentivement tout à l'heure quand la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux s'est levée et a commencé à essayer leur nouvelle stratégie, c'est-à-dire: Les listes d'attente, ça doit être la faute des infirmières. Fallait l'entendre, celle-là. Ça fait une semaine qu'elles sont en grève, ça fait trois ans et demi qu'il y a des coupures aveugles, il y avait des dizaines de milliers de personnes sur les listes d'attente avant le début de la grève. Pas grave, ça doit être la faute des infirmières. Moi, je les entends, là, glousser dans leurs réunions en disant: Écoutez, c'est magnifique, dorénavant, à chaque fois qu'ils se lèvent, on va pouvoir dire: C'est la faute des infirmières, puis vous n'avez pas voté avec notre loi spéciale. Donc, non seulement, après cinq ans au pouvoir, ils vont pouvoir dire que c'est les infirmières, mais ils vont se mettre, tant qu'à faire, à blâmer l'opposition aussi, hein? Pourquoi pas? Ce sont eux, c'est le gouvernement du Parti québécois qui a sabré dans les services de santé et les services sociaux.

Pour les jeunes à Montréal, on prend des jeunes qui ont des difficultés dans leur famille, on les met avec des prisonniers hautement dangereux dans des centres comme Batshaw dans les Basses-Laurentides parce qu'il n'y a plus de place pour eux autres. On a réussi à trouver 8 % pour les juges, 9 % pour les travailleurs du casino, plus que 30 % pour les travailleurs de garderie, mais tout d'un coup ça s'érige en dogme: c'est 5 %. C'est sacro-saint. On ne peut jamais, en aucun cas, aller au-dessus de 5 %. Ça sort d'où, cette affaire-là? C'est une pure invention, puis ils le savent très bien. Ils ont une marge de manoeuvre, mais ils veulent la dépenser pour une chose, le prochain référendum. C'est ça, leur agenda, c'est ça qu'ils ont en tête. Ils ont une marge de manoeuvre qu'ils sont soigneusement en train de mettre de côté et ils le savent pertinemment bien. Le président du Conseil du trésor est en train de nous donner raison puis...

Une voix: Il se cache dans son bureau.

(15 h 30)

M. Mulcair: Il se cache, oui, effectivement. Il ne peut pas le dire publiquement, mais il sait qu'on a raison. Il le sait, M. le Président, et il le sait parce que c'est une des commandes qu'il a reçues. Notre brillant et talentueux ministre d'État aux Finances, lui qui se dit le maître du déficit zéro... Compliqué, hein, faire déficit zéro? Bon! On détruit le système de santé, on détruit le système d'éducation, ça coûte maintenant des centaines de dollars par enfant par année pour aller à une école publique qui, jusqu'à l'arrivée de celui-ci, était gratuite. Maintenant, ça coûte des centaines de dollars. Mais la solution? Il va faire un comité. La solution dans la santé? On va faire un comité. Ça, c'est le gouvernement du Parti québécois, jamais capable d'appliquer... La première chose qu'il coupe toujours, c'est le service direct à la population.

Ils ont la témérité, le culot, par après, de venir essayer de porter le blâme de leurs décisions sur le dos de celles et de ceux, les infirmières et infirmiers, qui ont tout fait pour essayer de maintenir les services malgré les coupures aveugles. M. le Président, on n'est pas dupe, on voit à travers leur jeu. On n'est pas pour une grève illégale, c'est sûr, mais on ne laissera pas ce gouvernement prétendre que la solution aux difficultés et aux problèmes créés par eux, c'est d'imposer une loi aux infirmières. Les deux n'ont rien à voir. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition.

Alors, je vais mettre aux voix la motion présentée par M. le leader concernant la loi de suspension des règles. Cette...

Des voix: Appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Appel nominal? Alors, qu'on appelle les députés. Nous allons suspendre quelques minutes en attendant que tous les députés soient présents à l'Assemblée.

(15 h 31 – 15 h 43)


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît. Je mets donc aux voix la motion de M. le leader du gouvernement. Tenez-vous à ce que je vous en fasse la lecture?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion propose:

«Qu'en raison de l'urgence de la situation et en vue de permettre la présentation et l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques:

«Les articles 20 à 22, les mots "L'Assemblée procède aux affaires courantes à 14 heures" de l'article 52, les mots "ou sur un fait personnel" au quatrième paragraphe et le septième paragraphe de l'article 53, les premier, deuxième, troisième et cinquième paragraphes de l'article 54, les articles 71 à 73, les deuxième et troisième alinéas de l'article 84, les mots "ou à la demande d'un député" au premier alinéa de l'article 86 ainsi que le deuxième alinéa du même article, les deuxième, troisième et huitième paragraphes de l'article 87, les articles 88 à 94, 100 et 101, 105 à 108, 110 à 114, 157, 164 et 165, 175 et 176, les mots "et, le cas échéant, de ses observations, conclusions et recommandations" à l'article 177, les articles 194 et 195, 205 à 210, les articles 212, 213, 215, 216, 220, 222, 230, 232, les mots "à l'étape prévue des affaires courantes" de l'article 233, les articles 236 et 237, le deuxième alinéa de l'article 239, les articles 240 et 241, 243, le deuxième alinéa de l'article 244, les articles 245 à 247, les mots "et l'adoption du projet de loi est fixée à une séance subséquente" au deuxième alinéa de l'article 248, les articles 249 à 251, le premier alinéa de l'article 252 ainsi que les premier et troisième alinéas de l'article 253, l'article 254, les deuxième et troisième alinéas de l'article 256, l'article 257 et les articles 304 à 307 soient suspendus jusqu'à l'adoption dudit projet de loi et;

«Il soit permis, dès l'adoption de la présente motion, de terminer l'étape des affaires courantes pour ensuite procéder aux affaires du jour afin de procéder à l'étude du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, malgré l'article 54;

«Il soit permis à un ministre de procéder à la présentation dudit projet de loi à l'étape des affaires du jour, malgré l'article 53;

«Par la suite, la durée du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, soit fixée à un maximum de 120 minutes, dont 50 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 50 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 10 minutes au député indépendant et une réplique d'une durée maximale de 10 minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du principe soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Après l'adoption du principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer de l'envoyer en commission plénière pour étude détaillée; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse proposer que l'Assemblée se constitue en commission plénière; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée de l'étude détaillée du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, en commission plénière soit fixée à un maximum de 120 minutes après le début de ses travaux et que les articles étudiés ainsi que les amendements proposés en cours d'étude soient mis aux voix sans appel nominal;

«Le président de la commission plénière, à l'expiration de ce délai, mette aux voix immédiatement, sans débat et sans appel nominal, les articles et les amendements dont la commission n'aurait pas disposé, y compris les amendements que le ministre qui présente le projet de loi n'aurait pas pu proposer en cours d'étude mais dont il saisira le président de la commission à ce moment, le titre et autres intitulés du projet de loi et fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission ni l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix sans appel nominal;

«Un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse, plus d'une fois au cours d'une même séance, proposer de faire rapport à l'Assemblée que la commission plénière n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la permission de siéger à nouveau; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«La durée du débat sur l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, soit fixée à un maximum de 30 minutes, dont 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, cinq minutes pour le député indépendant et une réplique d'une durée maximale de cinq minutes au ministre qui présente le projet de loi; le vote sur l'adoption du projet de loi soit fait à main levée ou, si cinq députés l'exigent, par appel nominal;

«Au cours du débat sur l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, un ministre ou un leader adjoint du gouvernement puisse faire motion pour qu'il soit envoyé en commission plénière, en vue de l'étude des amendements qu'il indique; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal; en commission plénière, l'étude soit limitée aux amendements proposés; la durée du débat en commission plénière soit fixée à un maximum de 15 minutes, dont cinq minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, cinq minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, trois minutes pour le député indépendant et deux minutes de réplique au ministre qui présente le projet de loi, au terme de laquelle les amendements seraient mis aux voix immédiatement et sans appel nominal; après quoi le président de la commission plénière fasse rapport à l'Assemblée sans que soient consultées ni la commission ni l'Assemblée; ce rapport soit mis aux voix immédiatement sans débat et sans appel nominal;

(15 h 50)

«L'ajournement du débat puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«L'ajournement de l'Assemblée puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Le retrait d'une motion puisse être proposé à tout moment de la séance par un ministre ou un leader adjoint du gouvernement; une telle motion ne requière pas de préavis, ne puisse être amendée ni débattue et soit immédiatement mise aux voix sans appel nominal;

«Outre les dispositions prévues à la présente motion, tous les votes soient faits à main levée à moins qu'un ministre ou leader adjoint du gouvernement n'exige un vote par appel nominal;

«L'Assemblée puisse siéger tous les jours, à compter de 10 heures, jusqu'à ce qu'elle décide d'ajourner ses travaux;

«Sous réserve de ce qui précède, les dispositions du règlement particulières à la période de travaux intensifs soient appliquées;

«Les règles ci-dessus mentionnées puissent s'appliquer jusqu'à l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), M. Pinard (Saint-Maurice), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

La Secrétaire adjointe: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:63

Contre:40

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, la motion est adoptée.

Nous allons terminer maintenant, brièvement, les affaires courantes.

Y a-t-il des avis touchant les travaux des commissions? Je crois qu'il n'y en a pas.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, peut-être les deux étapes en même temps à ce moment-ci, et les avis touchant les travaux des commissions et les renseignements sur les travaux de la Chambre. Comme nous avons eu l'occasion de l'indiquer un peu plus tôt dans la motion qui vient d'être adoptée par le gouvernement, par la majorité ministérielle, on suspend plusieurs des droits fondamentaux des parlementaires à l'Assemblée nationale du Québec. Cependant, le leader du gouvernement a eu la prudence de ne pas suspendre le premier alinéa de l'article 84 de même que les dispositions de l'article 235 du règlement, ce qui l'autorise à ce moment-ci, si le gouvernement le souhaite, de convoquer en commission parlementaire, pour pouvoir les entendre, les représentants...

Des voix: ...

M. Paradis: De l'autre côté, on se moque. Vous êtes à la veille de suspendre les droits fondamentaux de ces gens-là aussi. Qu'on puisse entendre...

Des voix: ...

M. Paradis: Qu'on puisse entendre à ce moment-ci, M. le Président, les représentants de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, qui contredisent à peu près chacune des déclarations du premier ministre lui-même, qu'on puisse entendre les représentants des pharmaciens et pharmaciennes, qu'on puisse entendre les négociateurs patronaux, gouvernementaux, et possiblement, s'il y tient, le premier ministre lui-même à cette commission parlementaire, et le président du Conseil des services essentiels, ainsi que les représentants des comités de malades, avant d'entreprendre l'adoption du principe d'un projet de loi qui va priver des milliers de citoyens et de citoyennes de leurs droits fondamentaux.

Des voix: ...

M. Paradis: Si le premier ministre veut se faire entendre, il n'a qu'à consentir à cette commission parlementaire, il pourra se faire entendre et être confronté, dans ses demi-vérités, aux représentants de la Fédération...

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, pour le moment, là, il s'agit d'une question que le leader pose au leader concernant une activité éventuelle dans le cadre de nos affaires du jour, que nous allons entreprendre bientôt. Alors, je vous inviterais à terminer, s'il vous plaît, votre question et je laisserais au leader du gouvernement d'y répondre.

M. Paradis: Très bien. M. le Président, vous avez complètement raison, la motion du leader du gouvernement prévoit expressément qu'il soit permis, dès l'adoption de la présente motion, de terminer l'étape des affaires courantes, et votre décision est endossée par le leader du gouvernement et son honorable premier ministre lui-même.

Maintenant, M. le Président, à ce moment-ci, considérant que ces articles n'ont pas été suspendus par la motion, est-ce qu'il est de l'intention du leader du gouvernement ou de son premier ministre de profiter de l'occasion, avant que les parlementaires de l'Assemblée nationale soient appelés à se prononcer sur un principe d'un projet de loi d'exception qui vise à rendre illégale une situation qui l'est déjà – je reprends les propos du premier ministre – de permettre aux gens de se faire entendre? Je n'ai pas parlé de négociations, j'ai parlé de laisser ces gens s'exprimer librement, d'exprimer devant les membres de l'Assemblée nationale leur droit de parole.

(16 heures)

Si ce n'est pas l'intention du gouvernement, à ce moment-là, on aurait compris qu'il suspende ces articles. Comme le gouvernement n'a pas suspendu ces articles, est-ce qu'on peut déceler du côté du gouvernement une certaine ouverture, ou y a-t-il encore entêtement?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, c'est la deuxième fois que le chef de l'opposition – pardon, le leader de l'opposition, mais, en cette Chambre, je pense que c'est le chef de ce côté-là – c'est la deuxième fois qu'il me fait une requête semblable. Ces dispositions du règlement, effectivement, ne sont pas suspendues, mais il n'est pas dans l'intention du gouvernement d'y avoir recours.


Affaires du jour


Projet de loi n° 72


Présentation

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, ceci met fin, donc, aux affaires courantes.

Et, conformément à la motion de suspension des règles qui vient d'être adoptée, j'inviterais M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor à faire la présentation du projet de loi. Alors, nous sommes rendus à l'étape de la présentation du projet de loi. M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'assurer la reprise des services de soins infirmiers en ordonnant aux infirmières et infirmiers qui ont cessé d'exercer leurs fonctions de retourner au travail, selon leur horaire habituel, à compter de 16 heures, le 3 juillet 1999.

Le projet de loi prévoit certaines sanctions applicables en cas de poursuite de la grève en cours.

Le projet de loi apporte de plus, conformément à ce qui a été convenu entre les parties, des modifications à certaines conditions de travail des infirmières et des infirmiers et prévoit la constitution d'un comité conjoint sur la rémunération des infirmières et des infirmiers.

Le projet de loi prévoit enfin que le Conseil des services essentiels pourra intervenir à l'égard de toute action concertée impliquant un organisme représentatif des pharmaciens oeuvrant auprès des établissements.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

M. Paradis: M. le Président, strictement une question d'information.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que le projet de loi déposé à ce moment-ci, présenté par le président du Conseil du trésor, est le même projet de loi qui a été distribué aux membres de l'Assemblée nationale conformément aux dispositions de l'article 184, qui stipule en français que le comité de négociation devra faire rapport le 30 septembre 2000 et qui stipule en anglais que ça devra être le 31 décembre de l'an 2000? Est-ce que c'est le même projet de loi qui stipule deux choses différentes en anglais et en français?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, on revient sur une chose dont on a déjà discuté et parlé ici, en cette Chambre. Le président d'ailleurs a clairement indiqué que le projet de loi tel que distribué devrait être le même pour sa présentation. Alors, c'est le même. Il comporte une coquille qui sera corrigée au moment de la commission plénière.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie. Alors, l'Assemblée nationale accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Sur division.


Adoption du principe

Alors, conformément à la motion de suspension des règles, nous poursuivons. Nous allons maintenant procéder au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques.

Je vous rappelle que le débat est d'une durée de 120 minutes: 50 minutes seront allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 50 minutes seront allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 10 minutes seront allouées au député indépendant et le ministre aura un droit de réplique de 10 minutes.

Alors, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, je vous cède la parole.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Vous comprendrez sûrement sans peine que ce n'est pas à la légère que nous devons prendre les décisions qui s'imposent aujourd'hui pour restaurer les soins et permettre aux Québécoises et Québécois de reprendre confiance en notre réseau public. Malgré nos efforts à la table de négociation, malgré les appels et les offres de conciliation du premier ministre, il faut constater le blocage complet d'un processus qui doit par ailleurs trouver son terme.

Comme le disait si justement le premier ministre pour avoir côtoyé souvent les infirmières et infirmiers, je souscris comme lui à l'estime que nous leur portons et au travail remarquable qu'elles accomplissent. Nous ne pouvons cependant accepter que le pacte social qui nous lie, et qui nous lie tous, M. le Président, soit rompu et que les malades soient pris en otage pour régler un conflit portant sur une augmentation salariale.

Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout parce que la santé est menacée, et la situation nous apparaît maintenant intenable. De plus, elle s'alourdit de jour en jour. Dernièrement, l'Association des hôpitaux dressait un bilan des six derniers jours de débrayage des infirmières portant le total cumulatif des chirurgies annulées à 10 300 dans le réseau hospitalier et à près de 45 000 rendez-vous reportés, M. le Président. Gardons-nous de banaliser ces reports de chirurgie. Pour les personnes qui vivent ces situations, cela se traduit par des attentes, de l'insécurité et de l'angoisse. Des milliers de Québécoises et de Québécois sont privés de soins auxquels ils ont droit et ne reçoivent plus tous les services que leur état nécessite. Il faut penser aussi aux dizaines de milliers de personnes malades, de personnes âgées qui ne reçoivent plus la visite nécessaire à leur maintien à domicile.

Depuis le début du conflit, nous avons fait preuve d'ouverture, de patience et de compréhension. Mais, aujourd'hui, la situation que nous vivons dans le réseau de la santé est inacceptable, et nous ne pouvons plus tolérer qu'elle se dégrade encore davantage. Il en va de notre responsabilité. C'est la raison pour laquelle nous venons de déposer ce projet de loi.

La Fédération des infirmières et infirmiers du Québec reconnaît que l'arrêt de travail actuel n'est pas légal mais affirme que cette grève est juste. Tous reconnaissent l'illégalité de cette action. En effet, rappelons que la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec n'a pas acquis le droit de grève; elle a choisi de ne pas utiliser les dispositions du Code du travail qui prévoient une période de médiation. La Fédération n'a pas fait parvenir la liste des personnes chargées d'assurer les services essentiels. Dans cette négociation, nous avons toujours cru que la solution viendrait de la négociation et que les différends s'exprimeraient dans le cadre de nos lois. Malheureusement, la Fédération des infirmières et infirmiers a choisi l'illégalité. Pourtant, il aurait pu être utile d'avoir recours à tous les mécanismes offerts par la loi, notamment à un médiateur pour faciliter les échanges et, le cas échéant, exprimer objectivement, publiquement, la nature du désaccord entre les parties. En effet, suite à cette médiation, un rapport aurait été rendu public et le droit de grève aurait pu être acquis, et exercé, bien sûr, dans le respect des services essentiels.

Si la grève est illégale, la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec affirme cependant qu'elle est juste. Une grève illégale peut-elle être juste dans le secteur de la santé? Une grève peut-elle être juste lorsque ce sont les malades qui ont besoin de soins qui en paient le prix? Il peut arriver dans une société que la désobéissance civile apparaisse justifiée. Je pense, par exemple, aux luttes pour les droits civiques menées par Martin Luther King contre la discrimination raciale. Mais cette mesure extrême peut-elle être justifiée pour obtenir une augmentation de salaire? Parce que c'est bien de cela dont il s'agit. Poser la question, je crois que c'est y répondre. La grève des infirmières est illégale et elle est injuste pour ceux et celles qui en paient le prix: les malades, les personnes âgées, celles qui sont en attente de soins, de traitements.

(16 h 10)

Cette grève, elle est d'autant plus inacceptable que des problèmes extrêmement importants ont été réglés à la satisfaction des infirmières. Dans les circonstances, le gouvernement et ses partenaires ont fait preuve de beaucoup de souplesse. Je vous rappellerai, M. le Président, que c'est à la demande des représentants syndicaux que le gouvernement et les établissements ont abandonné le projet de décentralisation des négociations pour permettre de centrer ces dernières sur des enjeux au coeur des revendications syndicales. Lorsqu'une communication m'a été faite que cela apparaissait inacceptable, qu'on était prêt à débattre et à discuter de conditions et d'organisation du travail au plan national, au plan central, et que les partenaires patronaux ont accepté, par ailleurs, qu'il ne s'agissait pas de s'empêcher de discuter, de débattre au nom seulement d'un principe, mais qu'on était d'accord pour trouver des solutions aux problèmes réels, et il y en a, et nous ne les avons jamais niés, M. le Président, il était nécessaire de procéder à une négociation dont on allait exclure la question de la décentralisation, nous en avons convenu. Et, dans les négociations menées jusqu'ici, nous nous sommes réellement préoccupés d'améliorer les conditions de travail des infirmières pour leur assurer une meilleure qualité de pratique professionnelle et aussi, bien sûr, améliorer par là même la qualité et la continuité des soins qu'elles dispensent.

Nous étions conscients, je le répète, et nous n'avons jamais nié les exigences et la lourdeur de la tâche qui incombe aux infirmiers et infirmières. Nous avons voulu régler en priorité, rapidement, je le répète, à leur demande, ce qui constitue les conditions de pratique professionnelle, soit la précarité, la stabilité d'emploi, la création de nouveaux postes réguliers, les problèmes liés au fardeau de tâche qui amenaient de l'essoufflement chez le personnel infirmier. Pour y parvenir, chacun a mis l'épaule à la roue, la main à la pâte. C'était un pas majeur, et nous l'avons franchi à la satisfaction de tous.

Qu'est-ce que, concrètement, M. le Président, nous avons convenu? D'abord, trop d'heures de travail sont effectuées par les remplaçantes. Cela entraîne des inconvénients d'abord pour le malade, on en conviendra, mais bien sûr le personnel en poste aussi qui doit sans arrêt changer de collègues de travail, celles qui font du remplacement, elles-mêmes qui ne savent jamais où elles vont exercer et dans quelle équipe, leur profession, à quel département, dans quel service. D'où ma demande, pas il y a trois jours, il y a quelques mois, aux établissements d'afficher 4 200 postes pour que ces postes deviennent des postes réguliers, à sécurité d'emploi, à statut de sécurité d'emploi. Pour contrer la précarité, nous avons décidé d'inclure, dans la convention collective, le mécanisme de transformation de temps supplémentaire et des heures de remplacement en temps régulier et en postes sécuritaires, d'où la création de 1 500 postes réguliers additionnels pour les infirmières.

Les infirmières trouvent le fardeau de tâche trop lourd. En accord avec elles, nous avons convenu d'améliorer le mécanisme d'examen des fardeaux de tâche et de prévoir l'intervention d'un médiateur et d'un arbitre dont la décision devient exécutoire pour aider les parties locales à s'entendre. Nous nous sommes entendus sur cela aussi, M. le Président. Suite à cette entente intervenue le 20 juin, l'ensemble de ces mesures devrait avoir un impact significatif pour changer la situation de la stabilisation des équipes dans les hôpitaux, une meilleure utilisation des effectifs infirmiers et aussi moins d'assignations de dernière minute. Je tiens à souligner que l'ensemble de ces conditions qui ont été convenues sont aussi incluses dans le projet de loi.

À la veille du débrayage, nous aurions pu régler les autres questions des conditions normatives de travail, des questions qui peuvent être importantes, mais qui ne sont pas au coeur de la négociation actuelle, comme l'a été la question de la précarité d'emploi. Par exemple, la période de vacances estivales ou la notion d'invalidité dans le régime d'assurance-salaire, éléments importants, j'en conviens, nous étions prêts et nous sommes toujours prêts, M. le Président, à les négocier, à les discuter.

Ce qu'il faut comprendre, cependant, aujourd'hui, c'est que les négociations ont été interrompues sur la question des demandes salariales. Dernièrement, un journal publiait que les infirmières québécoises étaient parmi les moins payées au Canada. Qu'est-ce qu'il en est concrètement? À 30 340 $ par année ou 16,04 $ l'heure lorsqu'elles commencent à travailler, c'est vrai, nos infirmières ont en effet le salaire le plus bas. Par contre, le haut de l'échelle, à 44 072 $ ou 23,30 $ de l'heure, les classe au-dessus de leurs collègues des quatre Provinces maritimes, du Manitoba et, du moins jusqu'à tout récemment, de la Saskatchewan. Elles se situent donc dans la moyenne au niveau de la rémunération.

D'autre part, vis-à-vis des autres membres du secteur public, on a dit que l'exercice de relativité salariale n'a jamais été complété pour les infirmières. Permettez-moi de vous rappeler que, déjà en 1989, les infirmières ont obtenu le rattrapage le plus généreux des employés de l'État, soit 9,2 %. Et, par ailleurs, nous sommes encore disposés à discuter de nouveau de la relativité salariale et à refaire nos devoirs avec les infirmiers et infirmières. Mais qu'est-ce que ça veut dire que la relativité salariale? Essentiellement, je l'expliquais brièvement plus tôt, je le reprends, cela consiste à comparer le travail d'une infirmière, d'un infirmier à celui des autres travailleuses et travailleurs dans le réseau de la santé et des services sociaux et à réévaluer la valeur monétaire de leurs emplois. À la fin de l'exercice, on corrigera rétroactivement, s'il y a lieu, la rémunération sur la base des résultats scientifiquement obtenus.

J'ai un peu de difficulté, je le dis... Ce n'est pas la première fois que je le dis, mais j'ai un peu de difficulté à comprendre que les infirmières ne veulent pas s'engager dans ce processus qui a pourtant déjà prouvé sa valeur et que tous les autres groupes, généralement, acceptent. Certains ont évoqué les gains qui auraient été obtenus par les médecins. À cet égard, je veux être bien claire, M. le Président, nous n'avons pas augmenté le salaire des médecins, mais, cependant, pour diminuer les listes d'attente, nous leur avons permis de faire du temps supplémentaire, comme d'ailleurs nous l'avons permis aux infirmières, et c'est ce temps que nous transformons en postes réguliers. On nous objecte que le processus de relativité salariale est trop long. Pour qu'il soit fait en toute équité et dans le respect de la démarche acceptée par les autres groupes, il est évident qu'une démarche sérieuse demande un certain temps, mais nous ne sommes pas intéressés à l'éterniser. Et je dois vous dire que, à cet effet, une autre preuve de notre bonne foi, c'est ce fameux engagement rétroactif qui est prévu. En résumé, en comparaison avec leurs collègues des autres provinces et les autres travailleuses et travailleurs des secteurs public et privé, nos offres sont équitables, sont un gage de la responsabilité que nous avons vis-à-vis de la population.

(16 h 20)

Par ailleurs, en ce qui a trait aux salaires, l'augmentation générale proposée, elle est claire et elle est, à notre point de vue, incontournable, c'est 5 %. C'est ce qui s'applique, c'est ce qui s'appliquera à l'ensemble du personnel des secteurs public et parapublic de même qu'aux infirmiers et infirmières. Est-ce que cette offre est juste? Nous le croyons, car elle permet de donner suite à la politique salariale de l'État qui veut que la rémunération globale des travailleuses et travailleurs du secteur public soit comparable à celle offerte aux autres travailleurs et travailleuses, et, généralement, nos comparaisons se font avec les personnes qui sont, au secteur privé, parmi les mieux rémunérées et ayant les meilleures conditions de travail. En ajustant donc nos offres sur les augmentations qui sont versées dans le secteur privé et compte tenu du fait que la rémunération globale des employés de l'État est aujourd'hui équivalente à celle des autres salariés québécois, notre gouvernement, croyons-nous, se conduit de façon responsable, de façon raisonnable. Offrir 5 %, dans le contexte économique actuel, peut-il être qualifié de juste? Je réponds oui. Quand on regarde attentivement ce qui se passe dans notre société, personne ne peut penser que 5 %, dans ce contexte, justifie une grève illégale.

Dans le différend qui nous oppose à la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, nous n'avons jamais rompu les négociations, et je redis, M. le Président, que nous sommes toujours prêts à les reprendre. Nous avons d'ailleurs tenté de le faire jusqu'à la dernière minute, hier soir, par l'offre du premier ministre du Québec de reprendre les négociations. Nous avons fait preuve de souplesse, d'ouverture, tout en étant conscients qu'aucune grève dans le secteur de la santé ne peut s'éterniser. Le gouvernement et l'Assemblée nationale ont aujourd'hui une responsabilité à laquelle ils ne peuvent échapper: protéger l'intérêt des malades. Nous avons négocié de bonne foi jusqu'à la dernière minute en espérant que les parties en cause le comprendraient.

Aujourd'hui, il nous faut mettre fin à cette situation de crise. C'est difficile, mais c'est indispensable. En convoquant l'Assemblée nationale, en l'invitant à adopter la loi que nous proposons, nous sommes persuadés que cette dernière est une solution de moindre mal. Je suis convaincue que les infirmières comprendront cette décision et que, comme nous, elles se comporteront en personnes responsables envers la population. Par la suite, je voudrais que nous prenions ensemble un peu de recul et de réflexion, tout en réitérant mon désir de reprendre le dialogue avec le maximum de célérité et pour le bien de tous et de toutes.

En terminant, M. le Président, vous allez me permettre de m'adresser aux infirmières et aux infirmiers et de leur redire tout le respect, toute l'estime qu'ils m'inspirent. La position que je viens d'exposer ne relève pas d'un froid exercice de rhétorique, bien au contraire. J'ai fait appel, pour endosser cette décision d'appuyer l'adoption d'une loi spéciale, d'abord à ma conscience personnelle, tout comme je l'ai fait jusqu'à maintenant en orientant les négociations vers des solutions concrètes qui sont à votre avantage, à l'avantage de toute la population. Je sais, en tant que femme, en tant que mère qui a utilisé vos services, qui vous a côtoyés, en tant que ministre de la Santé, que, sans vous, sans votre dévouement, votre professionnalisme, la qualité de notre système ne se maintiendrait pas à un tel niveau. Cet appel à ma conscience m'a amenée à soupeser les considérations d'équité et d'humanité de ce conflit, à évaluer en toute justice les conditions nécessaires au fragile équilibre qu'une société démocratique doit maintenir.

Mon engagement passé et présent pour l'amélioration des conditions de vie et de travail des femmes a aussi guidé ma réflexion. Je sais le combat incessant que nous menons toutes et je suis toujours prête à être solidaire d'une revendication justifiée. Là encore, ma conscience de femme m'a conduite à tout tenter pour vous permettre de regagner votre fierté de travailleuses au service de la population. Et je suis convaincue que les conditions étaient réunies et le sont pour ce faire. Il est temps de revenir à la négociation.

Ce que nous traversons, ce n'est pas facile pour aucune d'entre nous, mais, vous comme moi, nous devons prendre nos responsabilités face à la population, à ceux et celles qui comptent sur nous. Ce qui vous est demandé aujourd'hui, c'est de faire cet effort de réflexion en toute conscience, en fonction de l'intérêt de nos concitoyennes et de nos concitoyens, en sachant que je serai à vos côtés à la recherche de solutions équitables. Il est temps de revenir à la table de négociation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa et critique officielle de l'opposition en matière de santé et de services sociaux. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, merci. Nous sommes rendus à l'adoption du principe du projet de loi n° 72, soit la Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques.

J'aimerais rappeler d'emblée, M. le Président, que la réforme Bouchard, la tristement célèbre réforme Bouchard, est devenue la panacée des problèmes budgétaires du gouvernement du Parti québécois, un gouvernement qui a toujours été et qui est toujours obsédé par l'atteinte du déficit zéro, un gouvernement qui n'a comme seule perspective... et, peu importe le prix que le réseau de la santé paie, il est toujours préoccupé par sa seule directoire, soit l'atteinte du déficit zéro, et ça, peu importe le prix que ça cause pour le réseau de la santé.

La réforme Bouchard, M. le Président, est devenue un prétexte à des coupures budgétaires sans précédent, des coupures qui se sont abattues de façon aveugle sur le réseau de la santé, des coupures qui ont été imposées par un gouvernement qui était peu soucieux et qui demeure peu soucieux de l'impact des décisions qu'il a prises. Un gouvernement qui, malgré la réalité, continue de maintenir... alors qu'il devrait faire le contraire, avouer pour pouvoir apporter des solutions. Donc, un gouvernement qui, contre tout bon sens, continue de maintenir que la réforme, c'est un succès, alors que le réseau de la santé témoigne actuellement d'un état de crise.

Les situations que nous vivons aujourd'hui illustrent éloquemment que le réseau de la santé en est arrivé à un point de rupture. Alors, c'est dommage que le gouvernement du Parti québécois, le gouvernement qui est responsable de la situation de crise, un gouvernement qui a causé par ses actions, par ses décisions, la crise que l'on connaît, persiste dans son attitude au lieu d'avouer effectivement: On a mal jaugé, analysé, et actuellement on comprend enfin, parce que c'est un éclatement majeur, qu'il faut qu'on retourne en arrière. Il faut revoir, essayer de comprendre quelles sont les situations qui sont vécues dans le réseau de la santé. Et, au lieu de choisir le dialogue, au lieu de choisir l'ouverture, encore une fois, le gouvernement favorise non pas des solutions, mais le recours à des punitions. Ce n'est pas un signe d'ouverture, ce n'est pas davantage, d'ailleurs, un signe de transparence.

Encore une fois, M. le Président, et c'est important qu'on comprenne bien, les situations que vit le réseau de la santé, c'est le gouvernement qui les a causées. Il est l'artisan de la crise et il est l'artisan, l'auteur, le responsable de l'impasse dans laquelle il se trouve aujourd'hui. Il n'a d'autres personnes que lui à blâmer. Ce ne sont pas les infirmières qui sont responsables de la crise que connaît le réseau de la santé. Les infirmières ont porté à bout de bras... C'est beau de l'avouer avec de la candeur, mais ça ne change rien à la réalité des faits. Moi, je trouve ça indécent qu'on vienne dire que les infirmières sont l'âme du réseau de la santé. On a reconnu que les infirmières étaient l'âme du réseau de la santé après que le gouvernement a pris la décision de mettre en place des programmes de départ à la retraite. On vient maintenant nous dire à quel point ces femmes sont importantes. Elles ont toujours été importantes dans le réseau de la santé. Elles étaient importantes dans le réseau au moment où le gouvernement a entrepris cette réforme. Elles étaient tout aussi importantes au moment où il a appliqué des coupures sans précédent sur le réseau de la santé. Il faut avoir un culot puis un aplomb certains pour venir dire aujourd'hui, quasi la main sur le coeur, que ces femmes, on les comprend.

M. le Président, je ne pense pas que le gouvernement en place comprend les infirmières et les infirmiers et les autres intervenants, mais principalement les infirmières et les infirmiers qui travaillent dans la réalité. Pour comprendre, il faut écouter. Pour écouter, il faut accepter de recevoir quelqu'un, hein, il faut prêter une oreille attentive à ce que les gens nous disent.

(16 h 30)

Or, l'opposition officielle de même que tous les intervenants du réseau de la santé dénoncent de façon systématique et constante depuis des années les impacts qu'ont causés pour le réseau de la santé les coupures aveugles qui ont été faites au même moment qu'une réforme, une réforme qui a été entreprise trop vite, qui est allée trop loin. C'était une réforme coûte que coûte. On est quasiment dans un temps où c'est: Suis, crève ou meurs. C'est comme s'il n'y avait pas d'autre alternative; c'est toujours l'attitude extrême.

Mme Marois disait tout à l'heure que c'était une solution de moindre mal. Ce n'est pas vrai que c'est une solution de moindre mal. Recourir à la loi, c'est une solution extrême. Pourquoi, encore une fois, venir tenter de nous faire comprendre ou tenter de nous faire accepter que ça soit une solution de moindre mal? Ça ne l'est pas et ça ne le sera pas. C'est une solution extrême. Encore une fois, j'ai vécu les impacts concrets sur le réseau de la santé. Ce n'est pas une loi spéciale, malheureusement, qui va permettre de récupérer, d'amoindrir le désastre qui règne dans le réseau de la santé à l'heure actuelle; ce n'est pas une loi spéciale qui va rétablir un climat serein; ce n'est pas cette loi-là qui va permettre que les infirmières rentrent, retournent au travail. Ces âmes du réseau de la santé, ces âmes qui ont été foulées, ignorées, à qui on a trop demandé, qui ont trop porté, elles ne retourneront pas au travail l'âme libérée. Ça va être infernal, infernal pour elles, pour les directions et surtout pour les malades. Ça ne créera pas un climat propice, pas du tout, pas du tout, pas du tout, et ça, il faudrait que le gouvernement en soit bien conscient. Ce n'est pas une loi spéciale qui va permettre de récupérer ou d'amoindrir le désastre qui prévaut actuellement dans le réseau de la santé.

M. le Président, il y a un collègue, là, je ne sais pas, du gouvernement en place qui a l'air d'agiter fébrilement un texte. Je ne sais pas si c'est une solution à l'impasse qui fait qu'on est tous ici ensemble.

M. Boulerice: M. le Président, je peux déposer le document si elle le souhaite; ce sont ses déclarations d'il y a 10 ans.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, monsieur... S'il vous plaît, s'il vous plaît, nous allons poursuivre le débat sereinement. Mme la députée de Bourassa, je vous convie à poursuivre.

Mme Lamquin-Éthier: Merci beaucoup, M. le Président. C'est donc l'attitude même de ce gouvernement, une attitude qui est arrogante, une attitude qui est carrément intransigeante, c'est le double langage que le gouvernement utilise toujours. Le gouvernement, encore une fois, est responsable de l'impasse dans laquelle il se trouve aujourd'hui, et il est regrettable qu'il persiste à maintenir la même attitude, à nier l'état de fait qu'il a créé, à nier qu'il est l'auteur de cette impasse et à refuser la solution que faisait valoir l'opposition officielle en toute bonne foi, une solution qui était parfaitement constructive et qui n'avait qu'un seul but, c'était de rétablir le dialogue pour sortir les parties de l'impasse, pour permettre qu'elles se rencontrent, qu'elles puissent reprendre le dialogue et pour permettre au gouvernement d'avoir un bon aperçu de ce qui se passe dans la réalité du réseau de la santé, donc d'écouter les infirmières, d'écouter la partie patronale et d'écouter également le Conseil des services essentiels pour pouvoir par la suite prendre les bonnes décisions.

Le public, pas plus que nous, M. le Président, n'est au courant des tenants et des aboutissants de ce conflit. Ça serait important pour tout le monde et pour nous que tous... Et surtout, nous, comme législateurs, on a un devoir important. Alors, avant d'être appelés à l'exercer, il aurait été préférable, et il serait préférable, et il est encore préférable pour le gouvernement non pas de choisir une voie qui est punitive, mais de choisir une voie qui favorise la reprise du dialogue, qui fait en sorte que les parties pourraient s'asseoir, reprendre le dialogue, donc reprendre les négociations, et des négociations pour changer une situation de fait qui est insoutenable dans le réseau de la santé. Encore une fois, ce n'est pas une loi spéciale qui concrètement va changer, malheureusement, la réalité du réseau de la santé. Les établissements n'auront pas plus de marge de manoeuvre; les infirmières vont être tout aussi épuisées. Elles vont avoir une organisation du travail qui va être tout aussi difficile. Les CLSC n'auront pas d'autres moyens pour répondre à des demandes accrues, ils vont continuer de faire du saupoudrage, ne pouvant pas répondre à l'ensemble des besoins d'une personne, ils vont continuer de saupoudrer. Pour un nombre x de personnes, une petite réponse qui est appréciable mais qui n'est pas adéquate en regard de l'état de cette personne-là.

Ce n'est pas ça qui va faire en sorte qu'on va régler le problème de l'engorgement des urgences. Ce n'est pas ça qui va faire que demain on n'aura plus de pénurie de médecins omnipraticiens. On a une pénurie importante d'infirmières. On va l'avoir après cette loi spéciale. On ne peut pas procéder par pensée magique. Ça serait trop commode, et le faire, c'est irrespectueux, c'est incorrect par rapport aux difficultés que vit le réseau de la santé. Encore une fois, ce n'est pas être attentif à ce qui se passe dans le réseau de la santé et c'est d'empêcher le réseau de la santé de remplir la mission qui est la sienne, c'est priver le réseau de la santé de la capacité d'assumer les responsabilités qui sont les siennes. Ce n'est pas correct. Ce n'est pas la bonne réponse aux situations qui se vivent dans le réseau de la santé et les situations qui vont continuer à se vivre dans le réseau de la santé.

Encore une fois, on connaîtra des engorgements malheureux dans les urgences du réseau de la santé. Encore une fois, des patients vont séjourner plus longtemps que requis. Encore une fois, leur dignité va en souffrir. Ils vont encore se retrouver dans des corridors qui sont impersonnels, couchés sur des civières avec des oreillers de plastique qui sont maintenant attachés avec des chaînes...

Des voix: Ah!

Une voix: C'est vrai.

Mme Lamquin-Éthier: ... – oui – me dit-on, à certains endroits. Oui. J'ai un ingénieur, un homme de 72 ans qui a eu des pontages, qui m'a appelée, qui était en chimiothérapie, dans la région de Québec, dans un établissement de santé, qui a demandé à plusieurs reprises d'avoir un oreiller, et un oreiller, ça ne se trouvait pas. Quand on a froid quand on reçoit des traitements de chimiothérapie, notre organisme est bouleversé, on demande une couverture. C'est quasi impossible d'avoir une couverture. C'est impensable, c'est vraiment impensable!

Comment le réseau de la santé a-t-il pu en arriver là et comment pouvons-nous, en notre âme et conscience, accepter qu'il en soit là? Comment peut-on accepter de banaliser, de sous-estimer ou d'écarter du revers de la main des situations qui sont moralement, physiquement et humainement inacceptables? Et c'est notre devoir...

Des voix: Bravo!

Mme Lamquin-Éthier: Il y a des pénuries de médecins, des omnis, dans le réseau de la santé. Encore récemment, on nous disait que tout était sous contrôle, qu'on avait pris les bonnes actions, qu'il n'y en avait pas, de problème. À Chicoutimi, les urgentologues ont démissionné en bloc; les seuls qui restaient à Chicoutimi – je n'ai pas besoin de vous rappeler l'impasse, la difficulté de ce dossier-là – là ils viennent tous de démissionner en bloc. Ah, ça va très bien, hein! Tout est sous contrôle, hein! On a pris les bonnes actions!

On perd de vue la population, on perd de vue les responsabilités qu'on doit assumer d'abord et avant tout comme député, comme législateur. C'est ça, la raison qui fait qu'on est tous ici, il n'y en a pas d'autre. D'abord, on se doit aux citoyens qu'on représente. On doit être guidé par des principes et des valeurs, des principes et des valeurs qui reposent sur le respect de la dignité et de la légitimité d'une personne, d'abord et avant tout. Ces principes-là m'ont toujours habitée puis ils vont continuer de m'habiter. Puis, quand j'aurai à répondre en haut, là – parce que ce n'est pas ici que je dois répondre – ne vous inquiétez pas, je vais savoir quoi dire.

Alors, il y a des pénuries en Abitibi, en Gaspésie, dans Lanaudière, en Montérégie, en Côte-Nord. À Lac-Mégantic, ma collègue de Mégantic-Compton me parlait de la situation qui prévaut actuellement. Bien non! ce n'est pas réglé. Ce n'est pas réglé. C'est loin d'être sous contrôle. Du double langage, toujours du double langage: donner cette fausse impression que tout va très bien quand tout va très mal.

(16 h 40)

Et comment voulez-vous qu'on prenne les bons gestes quand on n'admet pas qu'il y a un problème? Si on est incapable, comme gouvernement, d'admettre que la situation mérite une intervention rapide, une intervention axée sur la réalité puis la prise de moyens adaptés à ce qui se vit, on ne s'en sortira jamais. Et c'est ça, le problème. La seule responsabilité qu'on a, c'est envers la population du Québec, et c'est de leur assurer des soins et des services de santé qui soient décents. Encore une fois, actuellement, on banalise de plus en plus. L'inacceptable devient la norme. Encore une fois, recevoir un bain par semaine, c'est devenu une norme. On nivelle tout vers le bas et, de plus en plus, on accepte que ça soit correct. Bien, ce n'est pas si pire, hein, la personne pourrait ne pas recevoir de bain. Bien, c'est sûr, on... il y a des situations qui sont difficiles à évaluer.

Comment il se fait qu'on vive des pénuries importantes de radio-oncologues, d'anesthésistes, de médecins en médecine interne, de psychiatres, de pédiatres, de gynécologues, de rhumatologues? À Montréal, il y a des enfants qui sont obligés d'attendre... J'ai un dossier, la semaine dernière, qui m'a été confié, une grand-maman de 72 ans qui m'interpellait pour son petit-fils qui a 17 mois. Steven est sous les antibiotiques depuis huit mois. Il a besoin de se faire poser des tubes dans les oreilles. Il va devoir attendre, minimalement ou maximalement, selon la façon dont on regarde les choses, huit mois. Pourquoi? Parce que Montréal vit une critique, une sévère pénurie d'anesthésistes. Pourquoi est-ce qu'on nie les réalités du réseau? Est-ce que c'est la meilleure façon d'y apporter des solutions? Pourquoi cet enfant-là devrait attendre? Pourquoi est-ce qu'il devrait subir les décisions qui ont été prises de façon statistique, les petits calculs sur papier qui étaient loin de la réalité du réseau, sans consultation, sans référence? Pourquoi Steven devrait continuer d'attendre?

Il y a une pénurie d'infirmières. Elle vaut, cette pénurie-là, et c'est bien dommage... Est-ce qu'on a perdu de vue qu'en 1998-1999 il y a 35 000 000 $ qui ont été payés en temps supplémentaire, l'équivalent de 852 postes à temps plein? Avez-vous déjà parlé à des infirmières qui sont obligées de faire deux chiffres un à la suite de l'autre? Est-ce que vous savez comment se sentent ces femmes dont on parle si allègrement, si aisément? Est-ce que vous savez la peur qui les habite? Est-ce que vous connaissez leur angoisse: la peur de se tromper, la peur de ne pas poser le bon geste? Est-ce que vous savez à quel point elles sont épuisées, à bout? Est-ce que vous savez à quel point elles ont l'impression de manquer à leur devoir, à leurs responsabilités envers le malade? Est-ce que vous savez à quel point leur coeur est viré à l'envers, leur âme est torturée parce que, comme professionnelles, elles ne peuvent pas poser les bons gestes comme elles le souhaiteraient? Est-ce que vous savez qu'il y a 50 % des infirmières, ces femmes dont on parle allégrement, qui actuellement souffrent de détresse psychologique importante? Est-ce que vous savez qu'il n'est pas rare aujourd'hui qu'une même infirmière fasse deux burnout, une dépression nerveuse? C'est des situations qu'on ne connaissait pas préalablement dans le réseau de la santé. Ce sont des situations qu'on vit, et, encore une fois, ce n'est pas cette loi-là qui va faire en sorte que demain ces réalités-là vont être oubliées. Alors, il ne faut pas que les gens y pensent.

Mme la ministre parlait tout à l'heure d'affichage de postes. Les affichages, quand on en parle, ça va bien. Quand on les vit, dans la réalité, c'est un peu plus difficile. Malgré les affichages, il y a des directions d'établissement qui ne peuvent recruter des infirmières à l'heure actuelle. Et, s'ils ont la chance d'en recruter un certain nombre, mettons 30 sur 120, ils ne sont pas capables de toutes les retenir, parce que les conditions de travail qui sont vécues ne sont pas propices à la rétention. Encore une fois, la préoccupation, c'est de retenir. De recruter, oui, mais également de retenir des infirmières. Est-ce que la loi va changer cette réalité? Demain, est-ce que les établissements du réseau de la santé vont être mieux outillés et vont être plus capables? Qu'est-ce qui va être différent pour eux dans la réalité? Qu'est-ce qui va faire qu'ils vont être capables de retenir les infirmières? Qu'est-ce qui va avoir changé à ce niveau?

Les établissements qui ont de la difficulté à recruter des médecins, en quoi leur situation va être facilitée? En quoi ça va être plus facile pour eux de les retenir, ces médecins-là? En quoi les tensions qu'on connaît actuellement vont être allégées? Qu'est-ce qui va être différent? Pourquoi est-ce qu'on devrait penser que ça va être différent? On ne peut pas dire que ça va être différent.

En décembre 1998, on a oublié qu'il y avait 63 055 patients qui étaient en attente d'une chirurgie d'un jour. À ce moment-là aussi, on avait fait de belles promesses, hein. Le gouvernement du Parti québécois avait déterminé que ça serait une priorité, il mettrait toutes ses énergies à la solution, aux solutions à retenir pour faire en sorte que personne ou moins de personnes aient à attendre. Qu'est-ce qui est différent? Qu'est-ce qui va être différent demain? Est-ce qu'il va y en avoir moins? Il y avait 26 430 patients qui étaient en attente d'une chirurgie avec hospitalisation. Est-ce qu'il y en aura moins? Qu'est-ce qui va changer demain pour ces gens-là? Hein? En quoi leur réalité va-t-elle être différente?

Les patients qui sont peut-être en route, sinon déjà arrivés, pour recevoir des soins aux États-Unis, en quoi leur situation va être différente? Elle ne sera pas différente, leur situation. Ceux qui n'iront pas aux États-Unis, est-ce que leur situation va être différente? Est-ce qu'il va y avoir plus de radio-oncologues? Est-ce qu'on va les recevoir dans des délais plus courts? Est-ce qu'ils vont souffrir moins? Est-ce qu'on va continuer de leur dire: Bien, de toute façon, ce n'est pas grave; si on ne peut pas, bien, on vous enlèvera le sein, ou quelque chose comme ça? Est-ce que ça va être différent, le langage qu'on va tenir à l'égard de ces patients-là, cancer du sein ou cancer de la prostate? Est-ce que les listes d'attente au niveau du maintien à domicile, pour les personnes âgées en perte d'autonomie, vont être moins importantes? Est-ce que les CLSC, à qui on a confié d'autres responsabilités, les CLSC, qui ont toujours démontré de la volonté de les assumer, est-ce qu'ils vont avoir plus de moyens? Est-ce qu'ils vont être plus capables, demain, de répondre aux réalités des personnes âgées qui sont à domicile? Qu'est-ce qu'on va leur offrir de plus, à ces personnes âgées là?

Alors, M. le Président, depuis le début, donc depuis le mois de mars, le gouvernement avait bien campé sa position. Dès le mois de mars, c'était clair: 5 %, recette universelle pour tout le monde. Ce même gouvernement là tente – parce qu'il est habile au niveau de la communication, des effets – de nous faire comprendre ou de faire accepter aux infirmières ou à la population qu'il était ouvert à une négociation. Comment est-ce qu'il peut prétendre, en mars, c'est 5 %, «that's it and that's all» puis, d'autre part, venir dire qu'il est ouvert à une négociation, qu'il est prêt à faire un exercice au niveau de la relativité salariale?

Mme la ministre nous parlait de cette ouverture. Les pharmaciens, hein... Mme la ministre parlait tout à l'heure du désir du gouvernement en place de démontrer qu'il avait fait une démarche sérieuse. Vous savez, c'est une démarche sérieuse, l'étude de relativité, donc ça prend un certain temps. C'est quoi, ça, une démarche sérieuse? L'Association des pharmaciens d'établissements du réseau de la santé, ils ont fait trois fois l'exercice. Trois fois ils s'y sont prêtés de bonne foi. Eux aussi avaient investi leur confiance dans ce gouvernement. À trois reprises, en 1992, en 1995 et en 1999, ils l'ont entrepris, l'exercice sur la relativité. Est-ce que c'est ça, un certain temps? J'imagine. De 1992 à 1999, ça doit sûrement être un certain temps. Est-ce qu'on peut dire que sept ans, à tout le moins minimalement, ce n'est pas un certain temps? Pourtant, l'Association des pharmaciens d'établissements de santé, par la voix de Mme Lefebvre, déplorait cette semaine le silence complet du gouvernement depuis le 11 juin dernier. Donc, un silence complet, même s'ils se sont prêtés de bonne foi à plus d'une reprise, à trois reprises exactement, de 1992 à 1999, donc en 1992, en 1995 et en 1999, à un exercice sur la relativité.

(16 h 50)

Me Pierre Grenier – et vous me permettrez de lire, M. le Président – qui est le porte-parole du comité de négociation, a rappelé la futilité des exercices de relativité, un exercice auquel ont participé des pharmaciens trois fois en sept ans. Cette dernière tentative à laquelle les pharmaciens se sont prêtés de bonne foi au printemps dernier s'est soldée par une décision unilatérale du gouvernement de cesser ces travaux. On parle d'ouverture, on parle de respect. On décrète unilatéralement: C'est terminé. C'est respectueux des parties en présence, ça! Alors, le Conseil du trésor réalisait alors que les conclusions donnaient raison aux pharmaciens dans leur demande d'obtenir un rattrapage salarial. Or, le rapport n'a jamais été déposé. À l'heure actuelle, le gouvernement nous dit vouloir faire une démarche sérieuse. Si c'est vrai, pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de rapport de déposé? Comment se fait-il qu'il n'y ait encore rien sur la table? Comment le gouvernement peut-il s'étonner que les infirmières se sentent trahies, qu'elles prennent pour exemple la situation qui a été vécue par les pharmaciens du réseau de la santé pour ne pas accorder davantage de confiance au gouvernement qui est en place? Pourquoi? Parce qu'elles regardent ce qui se passe, ce qui s'est passé. Ce qui s'est passé et ce qui se passe, c'est la même chose. La situation des pharmaciens des établissements de santé et celle des infirmières, c'est la même chose, et ça serait dommage de vouloir prétendre le contraire. Encore une fois, ça ne donne rien et, encore une fois, ça ne donnera rien. C'est dommage de ne pas avoir une bonne lecture, de se prêter à des interprétations qui défavorisent les parties, qui sont non respectueuses des intérêts des pharmaciens et qui sont non respectueuses des intérêts des infirmières.

La charge des pharmaciens des établissements du réseau, avec la réforme, encore une fois, a changé radicalement, tout comme la réalité des infirmières, tout comme l'organisation des soins infirmiers. Pourquoi est-ce qu'on ne veut pas... le gouvernement en place, pourquoi ne veut-il pas comprendre ces réalités-là? Pourquoi maintenir un 5 %, recette universelle? Pourquoi, comme le rappelait la ministre de la Santé et des Services sociaux, c'est ça qui s'applique puis c'est ça qui va s'appliquer? Pourquoi avoir une telle attitude? Pourquoi ne pas favoriser, encore une fois, des solutions au lieu de favoriser l'adoption de punitions? Qu'est-ce que ça va changer, des punitions, demain, concrètement, pour le réseau de la santé? Qu'est-ce que ça va changer pour les ambulanciers?

Ce n'est pas vrai que c'est réglé. Et, si c'était si vrai que ça que la solution que vous avez choisie est la bonne, si c'était si vrai que ça... Les ambulanciers, à leur tour, les ambulanciers affiliés à la CSN déclencheront une grève générale vraisemblablement à compter du 14 juillet. Les ambulanciers affirment... C'est sûr que ce n'est pas l'option qu'ils souhaitent, mais ils veulent se prémunir contre la répression. Le terme n'est pas de l'opposition officielle. Le terme utilisé, c'est «répression». Le Syndicat des ambulanciers veut simplement se prémunir contre la répression. C'est un mot qui est assez important. Encore une fois, une attitude qui est non ouverte, une attitude de confrontation, une attitude qui favorise des punitions au lieu des solutions. M. le Président, je pense que le gouvernement en place a un problème de crédibilité, et je pense que c'est ça que la population du Québec a compris. Elle l'a compris, la population du Québec.

Il est important que l'opposition officielle répète qu'elle n'a jamais cautionné la grève qui est illégale. Et d'ailleurs, le chef de l'opposition officielle faisait parvenir à la présidente de la FIIQ une lettre dans laquelle il lui rappelait ces principes et il invitait les infirmières à un retour au travail.

Encore une fois, pourquoi ne pas favoriser la reprise du dialogue? Encore une fois, pourquoi refuser à l'opposition officielle la tenue d'une commission parlementaire qui permettrait de recevoir les parties, qui permettrait, en toute transparence pour tout le monde, de comprendre ce que vit le réseau de la santé, pour que enfin, après, le gouvernement puisse prendre les mesures appropriées?

Encore une fois, jamais la loi spéciale ne va changer quoi que ce soit à la réalité que vivent les personnes malades, au quotidien, et que vivent les intervenants et les établissements du réseau de la santé. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bourassa et critique officielle de l'opposition en matière de santé et de services sociaux.

Nous allons maintenant céder la parole à M. le premier ministre. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Nous sommes ici – et, à écouter les discours de l'opposition, on arrive presque à l'oublier – parce que sévit présentement au Québec, dans tout le réseau hospitalier de même que dans les CLSC, une grève illégale qui prive nos citoyens, nos concitoyens et concitoyennes des services infirmiers auxquels ils ont droit. Nous sommes ici parce que, au moment où on se parle, à cause de cette grève illégale qui vient de durer de façon continue pendant sept jours – c'est la septième journée aujourd'hui – précédée par deux autres journées de grève illégale auparavant, à cause de tout cela, 11 000 patients et patientes québécois qui devaient être opérés, qui devaient subir une intervention chirurgicale en sont privés et retardés de façon indéfinie. À cause de cette grève illégale, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici, plus de 800 lits ont été fermés. À cause de cette grève illégale, 55 000 rendez-vous ont été annulés avec les médecins en clinique externe et autrement, 55 000 personnes qui avaient besoin de voir leur médecin n'ont pu le voir à cause de cette grève illégale. À cause de cette grève illégale aussi, 26 000 personnes à domicile qui ont besoin de recevoir la visite d'infirmières en ont été privées, et ces personnes, ce sont en général des gens âgés, d'une moyenne de 75 ans, qui ont donc besoin que ces visites aient lieu.

Et ça continue, parce que tout ce nombre de personnes qui souffrent de la grève illégale, de patients qui ne reçoivent pas les soins auxquels ils ont droit, s'accroît chaque jour, de sorte que, au moment où on se parle – à supposer que ça se termine ce soir, cette grève; on sait que c'est demain que la loi prévoit la cessation de la grève, mais si ça s'arrêtait aujourd'hui, par exemple – déjà, ça va prendre six mois avant de rattraper le retard qui est en train de s'accumuler. Qui va payer pour ça? Bien sûr, M. le Président, les patients et aussi les infirmières, qui vont se retrouver avec un nombre de plus en plus considérable de patients à traiter dans ce rattrapage.

M. le Président, nous voici donc à nouveau à l'Assemblée nationale en train de discuter d'une loi spéciale pour ordonner le retour au travail de gens qui sont en grève illégale dans le domaine de la santé. Nous aurions pu penser que ce ne serait plus jamais le cas au Québec. Nous savons que les années soixante et soixante-dix ont été extrêmement bouleversées par rapport à cela, tumultueuses, je dirais. Nous avons appris des choses, au Québec, je le croyais à ce moment-là, nous avons appris qu'il y a un secteur où la grève n'est pas acceptable, qu'il y a un secteur où la grève n'est pas légitime, qu'il y a des citoyens et des citoyennes qui ne peuvent pas être pris en otages par les impacts négatifs d'une grève sur le secteur de la santé: ce sont les malades, les personnes les plus vulnérables de notre société. Nous en sommes même arrivés à considérer que même une grève légale doit être encadrée suffisamment pour s'assurer qu'il n'y ait pas trop de mal de causé aux patients et aux patientes, de sorte que le droit de grève dans les hôpitaux maintenant est extrêmement encadré, de deux façons.

Pour avoir le droit de grève dans les hôpitaux, il faut se soumettre à un processus qui s'échelonne dans le temps, il faut envoyer des avis, il faut passer par une médiation. Le droit de grève ne s'ouvre qu'à ces conditions, M. le Président. Et, deuxièmement, même lorsqu'il est ouvert ainsi légalement, en passant par ces modalités, il est assujetti à l'obligation préalable de s'astreindre à un niveau de services essentiels qui est défini par des tiers, pas par les personnes en cause, bien sûr, pas par le gouvernement, pas par les établissements, défini par un organisme qui s'appelle le Conseil des services essentiels, qui définit: Oui, la grève est légale, mais, comme c'est une grève dans les hôpitaux, vous devez fournir tel niveau de services essentiels en général dans les établissements.

(17 heures)

Alors, nous pourrions avoir pensé, M. le Président, que c'en était fini et que ce consensus qui s'était graduellement et au prix de combien de difficultés et de grandes leçons sociales établi au Québec allait maintenant se dégager, se cristalliser, se raffermir. Nous étions, il y a quelques mois, à l'aube de cette grande négociation de l'État du Québec avec tous ses employés des secteurs public et parapublic, quelque chose comme 415 000 personnes. C'est un système qui est le nôtre. Nous avons un système de relations de travail très centralisé. L'État du Québec, à tous les trois ans ou à peu près, doit s'asseoir avec ses 415 000 travailleurs, et employés, et les syndicats qui les représentent pour renouveler les conditions de travail. C'est toujours extrêmement complexe. C'est une force considérable dont disposent par le seul fait de leur synergie ces 415 000 personnes regroupées dans des syndicats qui travaillent en front commun en général, et c'est toujours extrêmement tendu, extrêmement délicat.

Nous savions, à l'aube de ces négociations, que, dans le cas des infirmières, ça ne serait pas facile. Pourquoi? Parce qu'il y avait un enjeu fondamental qu'on retrouve surtout là, c'est la question de la précarité de l'emploi, c'est-à-dire les arrangements de travail difficiles, les horaires brisés, les horaires compliqués, dans des moments... de nuit, de fin de semaine, etc., répartis, qui faisaient en sorte que les gens étaient au bout du téléphone – celles qui avaient le moins d'ancienneté – et, ensuite, le fait que, dans certains cas, des personnes se plaignaient d'un accroissement de leur tâche de travail, de leur tâche.

Alors, nous savions que c'était un enjeu extrêmement important des négociations. Nous savions que c'était un facteur de mobilisation, une grande préoccupation des infirmières et des infirmiers. Et, dès le discours du trône, on s'en souviendra, en mars, j'ai annoncé que, concernant cette question, le gouvernement et ses partenaires se montreraient très ouverts et que nous étions disposés à négocier avec une grande flexibilité pour régler ce problème. C'est ainsi que les négociations qui sont engagées avec les infirmières nous ont donné l'occasion, avec les partenaires, d'envisager des solutions. Et, dans les dernières semaines, avant les péripéties qu'on connaît, il a été possible, avec les infirmières, à leur satisfaction totale, de signer un accord qui règle les problèmes de précarité, qui règle les problèmes d'heures brisées, qui leur donne un mécanisme pour atténuer et les protéger contre les accroissements de tâche, et ça a été signé, M. le Président.

Je sais que beaucoup de gens ne le savent pas. On nous a souvent accusés, avec raison peut-être, de ne pas avoir réussi à communiquer cette information aux infirmières, à la population, M. le Président. Je veux le répéter avec force: Nous avons non seulement négocié cette question, nous avons non seulement fait des offres, mais ces offres ont été acceptées et ont été signées aux tables de négociation par les syndicats des infirmières à leur grande satisfaction. Alors, quand nous disons que l'essentiel du problème des conditions de travail a été réglé, c'est la vérité, il y a des textes qui le prouvent. Demandez aux infirmières qui étaient aux tables, demandez au syndicat des infirmières, ils vont vous le confirmer.

C'est vrai que nous n'avons pas tout réglé au chapitre des conditions de travail. Il y a d'autres choses de nature plutôt conventionnelle qui ne sont pas inimportantes mais qui n'ont pas pu être réglées. Je vais vous donner un exemple. Par exemple, une des revendications des infirmières, c'est de modifier le régime des vacances pour que la prise de vacances s'étale sur une période plus concentrée, en général, bien sûr, autour de l'été, et non pas sur une période trop longue, donc que l'amplitude de la période de prise des vacances soit raccourcie.

C'est une des revendications, il y en a d'autres. Et, comme nous avons consacré l'essentiel du temps de négociation, avant les grèves illégales, à régler le problème de la précarité et le problème du fardeau de tâche, on n'a pas pu s'engager à fond dans ces questions, sauf que, dans la dernière nuit qui a précédé la grève, M. le Président, il y a eu des discussions qui ont été faites, et nous avons... Nos porte-parole nous disent qu'ils ont très clairement aperçu quelles seraient les solutions pour ces problèmes-là qui restent. Malheureusement, la grève a été déclenchée, et il n'a pas été possible de formaliser à la table des discussions qui s'adresseraient de façon systématique, qui concerneraient de façon systématique ces questions.

Mais nous savons très bien, par exemple, M. le Président, que, si nous pouvions retourner à la table de négociation, il suffirait d'une couple de bonnes séances de négociations pour les régler, ces questions. Nous avons les solutions en main, nous savons quelles sont les priorités des infirmières et nous savons où est le point de convergence entre les parties. Qu'on nous donne le temps, qu'on nous donne l'occasion d'aller à la table de négociation, on va les régler, ces questions, M. le Président. Je suis convaincu que nous pouvons convaincre les infirmières des solutions qui s'imposent dans ces domaines.

Mais comment peut-on négocier actuellement, M. le Président? Il y a une grève illégale. J'ai entendu tout à l'heure la députée de Bourassa nous dire: Pas besoin de loi spéciale – enfin, ce n'était pas très clair, mais j'ai compris que ça voulait dire ça – il s'agit de reprendre le dialogue. Mais est-ce qu'il y a – je veux comprendre très clairement – y a-t-il de la part de l'opposition, formée par un parti qui a été au gouvernement pendant de nombreuses années, qui a été lui-même plongé dans ces négociations à plusieurs reprises, qui connaît bien ces mécaniques, ces dynamiques, qui connaît bien les règles d'éthique aussi... Est-ce que je dois voir dans ces propos une invitation de l'opposition à ce qu'un gouvernement aille s'asseoir avec un syndicat en grève illégale pour négocier des conditions de travail? Est-ce que c'est la position de l'opposition, M. le Président? J'aimerais qu'on nous le dise. À partir du moment où des gens se mettent en grève illégale, les négociations cessent, la porte est fermée. On nous met dans un coin, les deux parties se mettent dans un coin, parce que comment voulez-vous qu'un gouvernement puisse négocier?

Je me suis rendu compte, durant les journées qui viennent de se passer, que, si on pouvait retourner à la table des négociations, on pourrait régler le normatif, on pourrait engager un processus de relativité, j'en suis convaincu, et probablement qu'on pourrait remettre sur les rails normaux cette négociation. Le seul problème, c'est qu'on ne peut pas les rencontrer, M. le Président, tant qu'elles sont en grève illégale. Et c'est ce que l'opposition devrait dénoncer.

M. le Président, je dois dire que non seulement une grève légale pose de très graves problèmes, c'est pour ça qu'on l'a encadrée, mais la grève illégale, la décision de déclencher une grève illégale illimitée, prise par un groupe qui jouit de tant d'autorité et qui joue un rôle aussi important dans notre société, soulève une très grave question. Et je pense que, si on veut discuter de ce qui nous amène ici aujourd'hui, si on veut que l'Assemblée nationale joue son rôle véritable, c'est de cela qu'il faut parler.

La question est la suivante: Est-ce qu'on doit accepter, dans une démocratie comme la nôtre, dans une société de droit, qu'un groupe puisse décider de façon unilatérale de mettre de côté la loi et de fonder sur des moyens de pression illégaux, sur des coups de force, le règlement de ses conditions de travail et en particulier, en l'occurrence, le règlement des conditions salariales? C'est elle, la question qui se pose, M. le Président.

Parce que, dans ce cas-ci, la grève, elle est doublement illégale. Elle est illégale parce que le syndicat a délibérément choisi de ne pas mettre en marche les modalités qui ouvraient le droit à la grève. Il aurait pu le faire facilement. Il aurait pu envoyer les avis, passer par la médiation. Il a décidé de ne pas le faire, de court-circuiter toutes les exigences qui ont été posées. Deuxièmement, M. le Président, elle est illégale parce que le niveau des services essentiels fixé par le Conseil des services essentiels n'est pas respecté. Et la Fédération des infirmières et des infirmiers a pris sur elle non pas seulement de faire une grève illégale, mais de décider au jour le jour, selon ses humeurs, quels seront les niveaux de services essentiels qu'elle va rendre. Elle se substitue à l'État, se substitue au gouvernement, se substitue à la loi pour décider, cette Fédération, elle-même, qu'est-ce qu'elle ferait dans le domaine des soins.

M. le Président, il y a là quelque chose qui met en cause la stabilité même de notre société. Je pense que, si on admet et si on trouve sympathique, acceptable, juste qu'une fédération d'infirmières puisse faire une grève illégale comme elle le fait jour après jour, illimitée, ça veut dire qu'il faut l'admettre pour tous les autres groupes et que, si on l'admet dans le domaine des relations de travail, il faut l'admettre dans d'autres domaines aussi. Enfin, nous sommes une société de droit. Les premières paroles que devraient prononcer les députés de l'opposition, ce serait pour dire que ça n'a pas de bon sens, qu'ils vont voter pour le retour au travail, pour que cesse cette grève illégale.

Il y a un glissement dangereux, M. le Président, parce que, dans le sillage de ce groupe très sympathique qui fait la grève illégale, qui ébranle les colonnes du temple, il y en a d'autres qui veulent s'infiltrer, d'autres qui, ne jouissant pas du même capital de sympathie, tentent de profiter du désordre actuel pour aller chercher des concessions qu'ils n'auraient pas eues autrement. Puis comment expliquer, par exemple, que les ambulanciers aient pris un vote de grève illégale eux aussi? Comment expliquer que les pharmaciens aient décidé de démissionner en bloc? C'est parce qu'ils pensent que, si c'est permis pour les infirmières, c'est permis pour eux aussi. Et puis, après eux, quels seront ceux qui viendront, M. le Président?

Nous avons devant nous près de 400 000 autres personnes qui sont alignées à l'automne pour négocier avec l'État le renouvellement de leurs conventions puis de leurs conditions de travail. Si les groupes à qui on fait face aujourd'hui peuvent avec toute impunité, avec sympathie, avec sensiblerie, je dirais, faire la grève illégale, tout le monde pourra la faire. Est-ce que c'est ce que pense l'Assemblée nationale, M. le Président?

(17 h 10)

Est-ce qu'on peut accepter que la répartition des budgets de l'État, des ressources de l'État, que la fixation de salaires équitables doivent passer par des coups de force, par des prises en otage illégales de citoyens? Est-ce que ce n'est pas plutôt des négociations normales? Est-ce que ce n'est pas la façon normale, et correcte, et ordonnée de fixer les conditions de travail, M. le Président?

Quel est le rôle de l'Assemblée ici? C'est le rôle de législateur. Nous sommes tous des législateurs. Ce n'est pas parce qu'on est député de l'opposition qu'on n'est pas législateur. Et, comme législateurs, nous sommes non pas seulement les gens qui faisons la loi, mais nous sommes ceux qui devons la faire respecter. Et c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.

Quelle loi est violée présentement? La loi 160. Qui a adopté la loi 160? Le Parti libéral, le gouvernement libéral. Se pourrait-il que des représentants du gouvernement libéral à l'Assemblée nationale, face à une grève illégale qui dure depuis sept jours, ne votent pas pour faire appliquer leur loi 160, M. le Président? Cela se pourrait-il? Qui a voté pour la loi 160 à l'époque? L'opposition du Parti québécois, en 1986, a voté pour cette loi parce qu'il s'agissait de retourner au travail des gens qui étaient en grève illégale. Une opposition ne peut pas faire autrement que de voter pour faire cesser une grève illégale, à partir du moment où elle est formée de législateurs chargés de faire respecter la loi, l'ordre, l'harmonie sociale.

M. le Président, je le répète, l'essentiel des préoccupations des infirmières et des infirmiers, il est réglé. Et, qui plus est, les concessions qui ont été faites puis qui ont été avalisées par la signature des infirmières et du syndicat des infirmières et infirmiers, nous les avons mises dans la loi. On n'a pas attendu la fin des négociations. Elles ne sont pas finies, les négociations. Il y a tout le salarial qui n'est pas terminé. Il y a d'autres conditions normatives à régler. Normalement, on attend la fin des négociations pour mettre en vigueur les concessions qui ont été faites par l'employeur.

Dans ce cas-là, nous avons dit: Non, non, on va les mettre tout de suite dans la loi. Elles s'appliqueront dans les délais normaux de leur mise en oeuvre, de sorte que ce qui reste maintenant, c'est des conditions normatives usuelles, qui ne sont pas inimportantes, comme je l'ai dit, mais qui peuvent se régler. Ce qu'il faut, c'est retourner à la table des négociations. Il faut que nous puissions travailler dans une situation de légalité à régler les autres conditions qui restent en suspens.

L'autre enjeu, c'est le salarial. Salarial: double composante. Il y a la composante de ce qu'on appelle «la relativité», c'est-à-dire: Est-ce que les infirmières et les infirmiers ont droit à un rattrapage, une augmentation, un ajustement, si on peut dire, immédiat, un rehaussement de leur niveau de salaire, compte tenu d'une comparaison à faire avec d'autres emplois équivalents? Ça se peut, M. le Président. L'exercice a déjà été fait en 1989 avec un autre groupe d'infirmières, de la FTQ, un groupe d'infirmières moins nombreux, bien sûr, que celui que représente la FIIQ.

Eh bien, l'exercice qui a été fait avec ces infirmières, nous croyons, à partir de paramètres scientifiques, en 1989, a déterminé des hausses jusqu'à 9,6 %, qui ont été accordées également aux infirmières de la FIIQ en 1989. Et la même année le gouvernement, dans sa convention avec la FIIQ, a signé une lettre d'entente, lettre d'entente n° 5, qui oblige les parties à s'asseoir pour refaire l'exercice pour la FIIQ, pour voir si ça a été bien fait avec l'autre groupe, est-ce que 9,6 %, c'était assez, etc., le 9,6 %, était-ce assez ou non. Et le gouvernement était disposé, et l'accord a été signé. L'exercice, le gouvernement s'y est prêté. Il y a eu de très nombreuses tentatives, puis le gouvernement n'a jamais réussi à convaincre la FIIQ de faire l'exercice de la façon dont il fallait le faire.

Nous pensons encore, bien sûr, qu'il faut faire l'exercice parce que comment voulez-vous fixer un ajustement de salaire par rapport à d'autres emplois si vous ne procédez pas aux comparaisons qui sont requises? Alors, il faut les faire, ces comparaisons. C'est une démarche qui prend quelque temps. Ça peut prendre jusqu'à 15 mois normalement parce qu'il faut des experts, des spécialistes qui comparent une tâche par rapport à l'autre, le fardeau d'une tâche par rapport à l'autre, ces différents éléments. Et puis la conclusion, c'est que, oui ou non... Puis il y a des cotes qui font qu'on arrive à des pourcentages, le cas échéant.

Alors, dans le cas actuel, nous voulons faire cet exercice. Et, depuis le début des négociations, nous disons aux infirmières et aux infirmiers: Du rattrapage, peut-être que vous avez raison, qu'il vous en faut; peut-être que non. Nous pensons plutôt que c'est non, nous, ou relativement peu, dépendant de vos groupes. Ça peut être différent, par exemple, pour les bachelières, mais faisons l'exercice. Et elles nous disent non et elles ont décidé de faire une grève illégale. Elles ont décidé de faire une grève illégale, M. le Président, pour forcer le rattrapage sans même procéder par l'étude rationnelle et systématique d'une comparaison. Ce n'est pas correct, ça, d'abord parce que c'est illégal et deuxièmement parce que ce n'est pas la façon de faire un rattrapage par comparaison. Il faut qu'on passe par les processus normaux.

Alors, dans la loi qui est proposée aujourd'hui, M. le Président, nous incluons la formation d'un comité conjoint, nous fixons les paramètres de l'exercice, et même nous allons aussi loin que d'accélérer le processus, et nous fixons une date de rapport intérimaire qui est bien avant les 15 mois. Ce serait le 30 septembre 1999, donc le 30 septembre prochain, en plein coeur de la grande négociation avec tous les autres, sur le salaire, pour avoir un rapport intérimaire qui, je l'espère, normalement devrait nous donner les premières indications qui permettront de régler cette question en même temps. De toute façon, le rapport final, systématique, reviendra à la fin de l'année 2000. Peut-être qu'il y aura moyen de faire des rajustements à ce moment-là aussi, mais ça peut se parler aux tables, ces choses-là, ça se discute, ça, aux tables. Et je pense que, dès septembre, nous aurons l'occasion, nous aurons ce qu'il faut pour prendre des décisions.

L'autre composante salariale, c'est le paramètre d'augmentation statutaire, c'est-à-dire c'est combien, la hausse des salaires. Le gouvernement a analysé l'équité, a regardé les comparaisons sur qu'est-ce qui se paie dans le privé, qu'est-ce qui se paie actuellement comme hausse de salaire dans le privé au Québec – bon – et c'est 5 %. On a trouvé que, en versant 5 % à tous nos employés, les 415 000, sur trois ans, on les mettrait à parité de leurs collègues, de leurs contribuables, de leurs concitoyens qui travaillent dans le secteur privé, qui n'ont pas leur avantage d'avoir la sécurité d'emploi mais, en tout cas, qui ont ce niveau de salaire. Alors, 5 %, c'est ce que nous avons fixé.

Les infirmières, M. le Président, n'insistent pas pour qu'on discute tout de suite du 5 %. Elles préfèrent attendre – et je pense qu'elles ont raison – dans le cadre général des discussions qui auront lieu à la table centrale à l'automne avec les 415 000. Bon. Mais je voudrais répéter que, pour nous, le 5 %, il est parfaitement équitable.

J'ai lu dans les rapports de presse les déclarations de l'opposition qui disait que «5 %, ce n'est pas assez, ils ont donné 8 % pour les juges». D'abord, vous allez me permettre de m'étonner de voir que l'opposition trouve que 8 % pour les juges, c'est trop, après qu'ils nous ont encouragés à verser 17 % dès la première année, M. le Président. Et puis les juges, ce n'est pas 8 %; les juges, c'est 5 % à compter de cette année, sur trois ans, plus le 3 % d'augmentation dont ont bénéficié également les infirmières au cours des années dernières mais que les juges n'ont pas eu. Alors, il y a le 3 % pour les mettre à parité avec les autres pour les années qu'ils n'ont pas eu d'augmentation et où les infirmières en ont eu, plus le 5 % pour tout le monde.

J'ai également vu les garderies. On nous a dit: Les garderies, vous avez augmenté les salaires. Oui, c'est vrai, mais les garderies, il y avait tout un rattrapage à faire. C'est que c'étaient des garderies dans des corporations sans but lucratif, privées, un peu partout, qui avaient des salaires de crève-faim: une moyenne de 12 $ de l'heure et qui sera à 16 $ en 2002, alors que la moyenne des salaires chez les infirmières est présentement de près de 20 $, 23,30 $, déjà actuellement au maximum de l'échelle, les infirmières non bachelières.

Une voix: Les casinos.

M. Bouchard: Les casinos, M. le Président, 6 %, 2-2-2. Mais je voudrais vous faire remarquer qu'au casino les gens n'ont pas de sécurité d'emploi puis qu'ils ont été comparés au secteur privé. La même règle, M. le Président.

Alors, autrement dit, quelle est la situation, là? Si le gouvernement, parce qu'il a beaucoup de sympathie pour les infirmières – puis c'est vrai qu'il en a – parce qu'il reconnaît que les infirmières ont joué un rôle important dans la mise en place de la réforme, parce qu'il reconnaît que ce sont des femmes et des hommes extraordinaires qui jouent un rôle irremplaçable dans notre société, et, si, parce qu'ils ont l'appui de tout le monde, le gouvernement allait céder à la grève illégale, défoncer les paramètres de l'équité, défoncer les paramètres des comparaisons scientifiques uniquement parce qu'ils sont sympathiques, uniquement parce qu'ils ont de la force, uniquement parce que l'Ordre des infirmières les a appuyés... L'Ordre des infirmières, M. le Président, chargé de l'éthique de la profession d'infirmière, qui vient donner un appui à une grève illégale de sept jours. Où en sommes-nous? Il faut une Assemblée nationale, il faut que les élus prennent leurs responsabilités aujourd'hui, M. le Président, c'est le temps. C'est le temps.

(17 h 20)

Alors, M. le Président, la conclusion. Il faut que nous réitérions un appel aux infirmières et aux infirmiers. Il faut que nous réitérions un appel et que nous le fassions instamment, avec respect, oui, avec fermeté, avec insistance. Il faut que nous les adjurions de retourner auprès des malades. Il faut qu'elles cessent de gonfler cet inventaire épouvantable de retards, dans les opérations, 11 500; de visites à domicile, 25 000; de rencontres avec des médecins, 55 000, qui continue de s'accroître, qui va leur tomber dessus quand ils iront au travail une bonne journée, qui va tomber sur les patients, qui va engorger encore davantage le système, qui va provoquer 1 000 questions de l'opposition qui va nous citer les cas un par un, M. le Président. Il faut que ça cesse.

Et je lance un appel à ces infirmières, qui sont des femmes responsables, qui sont un pilier de notre société, qui sont des modèles pour beaucoup et qui seront imitées dans tout ce qu'elles feront, il faut donc que ce qu'elles fassent soit quelque chose de légal et quelque chose d'imitable, je leur demande de revenir à la table de négociation. Je leur dis que la population a besoin d'elles et d'eux et je leur dis que la cohésion sociale du Québec, que la qualité démocratique de notre société ont besoin d'eux. C'est un appel de la raison. C'est un appel du coeur. C'est un appel de la responsabilité. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le premier ministre. Nous allons maintenant céder la parole au chef de l'opposition et député de Sherbrooke. M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Charest: J'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours du premier ministre pour justifier son projet de loi spécial. Je pense pouvoir dire, parce que je le connais déjà depuis un bon moment, que je ne l'ai jamais vu dans un état de panique comme je l'ai vu aujourd'hui, nous livrer un discours, somme toute, assez pathétique pour défendre l'indéfendable, pour passer à côté des vrais enjeux, lui qui aujourd'hui, dans son discours, interpelle l'ensemble de la société québécoise à se questionner puis à se poser des questions. Il y en a pour tout le monde. Le premier ministre attaque même l'Ordre des infirmières du Québec, une attaque en règle, frontale, pour les blâmer. Il a attaqué les infirmières. Il a attaqué les médecins. Il attaque tous ceux dans le système. Il invite tout le monde à un questionnement.

Il est drôle, il est même symptomatique, M. le Président, que le seul qui semble ne pas se questionner, c'est celui qui a causé le problème, c'est le premier ministre du Québec. C'est le seul qui ne se questionne pas.

Des voix: Bravo!

M. Charest: M. le Président, le premier ministre se demande peut-être pourquoi on en est rendu là où on est aujourd'hui. J'ai peut-être quelques éléments de réponse. Il s'est dit, si j'ai bien compris, ébranlé, hein? Il a avoué être ébranlé. «Les piliers du temple sont ébranlés», pour le citer. Et, si les piliers du temple, de son temple à lui, sont ébranlés, c'est parce que le démantèlement du temple de la santé a été commencé justement alors qu'il était premier ministre du Québec.

Mais, si aujourd'hui on est rendu où on est, c'est directement attribuable à sa responsabilité. Il y a plusieurs raisons pour ça. Ça remonte à loin, M. le Président. Parce qu'on sent qu'aujourd'hui c'est un moment important pour lui, c'est un moment important pour son gouvernement. Dans le fond, à travers ce conflit, il recueille ce qu'il a semé sur plusieurs années. Et, quand les infirmières disent ne pas lui faire confiance, c'est peut-être parce que les infirmières du Québec se rappellent que le négociateur du gouvernement du Québec en 1982, qui avait réduit, coupé de 20 % les ententes qui avaient été signées avant le référendum, c'était justement Lucien Bouchard, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Charest: Elles n'ont pas oublié, M. le Président, la personne qui était responsable à ce moment-là du recul qu'ont connu tous les employés de l'État en 1982. Elles se rappellent peut-être qu'en 1978 le premier ministre actuel avec M. Martin avaient été mandatés de faire un rapport sur les négociations. Permettez-moi de lui lire ses propres paroles. À la page 145 du rapport, il dit ceci, et c'est les paroles du premier ministre, en parlant de loi spéciale: «Rien de plus dangereux pour la paix sociale aussi bien que pour l'autorité des tribunaux que de trop s'en remettre aux sanctions pénales pour assurer le respect des lois du travail, surtout dans les conflits d'une envergure provinciale qui paralysent simultanément plusieurs services publics fondamentaux. Le danger de la désobéissance massive menace à tous instants.» Il continue en disant ceci: «Dans ces conditions, le recours à des sanctions inconsidérées jette tout simplement de l'huile sur le feu, pour ne pas dire qu'il alimente et amplifie la contestation.» Voilà ce que vous avez dit en 1978. Les infirmières se rappellent que vous aviez une parole à ce moment-là, et vous dites autre chose aujourd'hui.

Mais il y a plus que ça, M. le Président. En 1995, le même premier ministre, qui vient de faire la morale à la population du Québec puis à tous les employés dans le secteur de la santé, disait ceci à Michel Vastel du journal Le Soleil . Le titre, c'était Ne touchez pas aux services de santé , et là je cite ses paroles à lui: «Les gens qui parlent de coupures dans les hôpitaux ne vont pas trouver une oreille favorable chez moi.» En 1995. Après ça, il est allé couper 2 100 000 000 $ dans les hôpitaux. Les infirmières se rappellent de vos paroles et se rappellent surtout que, depuis ce temps-là, vous avez fait autre chose.

Vous nous proposez un projet de loi aujourd'hui où, à l'article 3, vous demandez aux infirmières, aux infirmiers du Québec de retourner au travail pour donner des services habituels. Vous avez choisi ce mot-là. Vous avez peut-être oublié, M. le premier ministre, qu'à l'article 5 de la Loi sur la santé et services sociaux il est dit ceci: «Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité, de façon personnalisée.» Les infirmières, elles, le savent parce qu'elles sont obligées de respecter cette loi-là.

Vous reprochez aux infirmières, M. le premier ministre, d'avoir un capital de sympathie. Bien, elles savent aujourd'hui que, vous, vous avez un capital de pouvoir illimité, que vous avez utilisé ce capital de pouvoir en vertu d'une majorité que vous avez obtenue, une majorité à l'Assemblée nationale, pas une pluralité des voix, une majorité à l'Assemblée nationale, que vous avez utilisé cette pluralité pour écraser des citoyens quand ça faisait votre affaire dans le dossier de Hertel–des Cantons, que le Barreau du Québec vous a dénoncé, que le rapport Nicolet vous a dénoncé, que tous ceux et celles qui ont suivi ce débat-là savent que vous avez agi de manière illégale, que la Cour supérieure du Québec a dénoncé votre gouvernement. Puis aujourd'hui vous avez la témérité de faire la morale aux infirmières du Québec sur la règle de droit, de faire la leçon au Parti libéral du Québec.

Pendant tout ce temps-là, M. le Président, le même premier ministre continue à nous faire la morale sur une réforme de la santé qui lui appartient à lui. Ça fait deux ministres qui passent. Dans le fond, c'est sa réforme à lui. Et, quand on lui demande comment sa réforme a été faite, il nous dit: Le système de santé va bien.

Eh bien, peut-être que je pourrais lui rappeler aujourd'hui les paroles de son ministre de la Santé, celui qui était le meilleur selon lui, son député de Charlesbourg, qui, le 23 octobre 1998, disait dans une entrevue ceci, en parlant de l'objectif du déficit zéro: «Une fois l'objectif adopté, Jean Rochon a opté pour la manière chirurgicale, dit-il, procéder à l'ablation de la tumeur financière d'un seul coup.» Les mots sont bien choisis, hein? C'est les mots de son propre ministre. C'est ça qu'il a fait avec le système de santé: l'ablation de la tumeur financière d'un seul coup. Et là je cite: «Ça ne donnait rien d'étirer l'agonie. Le plus vite était le mieux. Plus vite on payait nos comptes, plus vite on était orienté sur notre véritable agenda, la réorganisation des services.» Fin de la citation.

Ça continue en disant ceci... Sauf que le ministre a découvert, au printemps 1997, après deux années de baisse de budget dans le réseau de la santé, que la méthode du scalpel avait son revers, et je cite: «On a eu un risque de grand dérapage, parce que, là, il n'y avait plus deux opérations qui essayaient de se réconcilier, il y avait seulement une affaire de coupe et de déficit. On faisait ça seulement parce qu'on n'avait plus d'argent, on ne savait plus comment on réorganiserait», dit-il. Ça, ça a été ça, sa réforme de la santé, M. le Président, c'est son propre ministre qui le disait.

(17 h 30)

Mais, malgré cela, malgré cette réalité, le premier ministre insistait – et ses ministres, son président du Conseil du trésor – pour dire: La réforme de la santé est un succès. C'est ça qu'il disait au mois de mai l'an dernier. Quelle a été la réaction? Son propre premier ministre venait le confirmer dans son jugement en disant que tout va bien. La réaction, à ce moment-là, des syndicats, ça a été quoi? Cette fois-ci, ce n'est pas la Fédération des infirmières, c'est la CSN qui publiait un communiqué de presse dans lequel on disait ceci, et je cite: «Continuer à dire que tout va bien ou que cette réforme est un succès équivaut à tromper la population et à lui cacher les lacunes existantes.» Ça aussi, les infirmières le savent, M. le Président.

Le Collège des médecins, le 31 août 1998, publiait un rapport où il parlait de demi-vérités, où il parlait d'improvisation, remarquable improvisation, où ils allaient plus loin que ça pour dire que le gouvernement était démagogique, faisait de la désinformation et qu'il avait un manque de responsabilité et de respect. Dans le fond, le problème, il est là, c'est dans le manque de responsabilité puis dans le manque de respect de ce premier ministre pour les gens qui travaillent dans le système de soins de santé, commençant par les infirmières.

Et le premier ministre et son gouvernement ont eu 14 mois pour négocier, 14 mois pour nous livrer quoi, aujourd'hui? Deux paragraphes de paraphés. Et, aujourd'hui, il dit aux infirmières: Il faut revenir à la table de négociation. Venez! Venez! Moi-même, je serai là. Celui qui les a coupées de 20 % en 1982, celui qui, en 1995, leur disait qu'il n'allait pas les couper, celui qui disait, dans le rapport Martin-Bouchard, qu'il ne fallait pas faire des lois spéciales, celui qui disait que sa réforme de la santé, c'était bon. Venez; moi-même, je vais m'asseoir avec vous. Bien, il y en a eu une, occasion, de s'asseoir avec eux, puis l'opposition officielle a fait son travail. On a offert, nous, une méthode simple, efficace: la commission des affaires sociales peut entendre ces gens-là. On est prêts à vous entendre, vous aussi, sur la place publique, en avant de tout le monde, pas dans les corridors.

Mais j'aimerais, moi, voir le premier ministre du Québec assis face à face avec la présidente de la Fédération des infirmières du Québec et dire à Mme Skene ce qu'il vient de dire à l'Assemblée nationale aujourd'hui, alors qu'il vient de déclarer à l'Assemblée nationale qu'elles sont parfaitement satisfaites. Je vous mets au défi – je vous mets au défi – si vous avez le courage de le faire, de vous asseoir en avant d'elle, dans la commission parlementaire, et de dire à Mme Skene, face à face, ce que vous venez de dire à l'Assemblée nationale aujourd'hui. Et je vous dis que l'opposition officielle est prête à siéger demain. On est prêts à siéger dimanche. On est prêts à siéger lundi, mardi, mercredi, jeudi, s'il le faut.

Des voix: Bravo!

M. Charest: Malheureusement, M. le Président, pour tout le capital de sympathie que peuvent avoir les infirmières, et que les infirmières méritent, en passant, parce qu'elles ont porté le système de soins de santé à bout de bras malgré l'incompétence du gouvernement actuel, malgré l'incompétence de ses ministres qui ont coupé les inscriptions en sciences infirmières, malgré l'incompétence de ses ministres qui disaient économiser de l'argent en mettant les médecins à la retraite puis qui ont privé les citoyens du Québec, justement, de soins, malgré cela – malgré cela – elles ont un capital de sympathie, elles le méritent... Et, là-dessus, je suis fier de dire que, moi aussi, je suis sympathique au travail qu'elles font. Mais, M. le Président, elles n'ont pas de capital de pouvoir, elles. Le capital de pouvoir, là, il est justement dans les mains de ce premier ministre. Et la question, la vraie question qui se pose aujourd'hui, c'est: À quel point a-t-il l'intention d'utiliser ce pouvoir pour réparer un système de soins de santé qu'il a détruit? À quel point a-t-il l'intention d'utiliser ce pouvoir pour réparer ses erreurs, ou est-ce qu'il va continuer de s'entêter, ou est-ce que son capital de pouvoir va servir plutôt à écraser tous ceux et celles autour de lui qui ne disent pas comme il pense, qui ne sont pas d'accord avec lui? Est-ce qu'il pense, lui, avoir tellement de pouvoir qu'il peut justement dire une chose ici et faire le contraire à l'extérieur? Dire une chose en 1995, faire le contraire? Dire une chose en 1998, faire le contraire, ne pas respecter ses propres lois? Dans le fond, c'est ça, l'enjeu réel. C'est ça, le choix qu'on a à faire aujourd'hui.

Est-ce que les parlementaires qui sont ici aujourd'hui, incluant ceux qui sont du côté ministériel, vont continuer à bonifier, appuyer un premier ministre qui abuse de son pouvoir, ou est-ce qu'ils vont se lever debout aujourd'hui pour dire: Assez! puis on va protéger les intérêts des Québécois, on va voter contre une loi qui abuse des infirmières, qui abuse du processus démocratique?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. Nous allons céder maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Au moment d'arriver à l'étude du principe du projet de loi n° 72, mes premiers mots sont pour revenir sur ce qui est, pour moi, fondamental, c'est cet appel aux infirmiers et aux infirmières du Québec, cet appel à leur bonne foi, cet appel à leur sens du devoir, qui a été reconnu, pour les inviter à retourner au travail, pour inviter ces gens à ne pas agir dans le sens de ce qu'ils reprochent au gouvernement. Et je comprends les infirmières et les infirmiers du Québec de reprocher au gouvernement... parce que eux ont été pris par le bulldozer de la réforme de la santé, eux ont senti que leur travail n'était pas considéré, que leur opinion de l'organisation du travail n'était pas considérée et reprochent au gouvernement du Parti québécois de ne pas s'être occupé des malades, reprochent au Parti québécois d'avoir mis les malades au deuxième, puis au troisième, puis au dernier rang de leurs priorités. Alors, mon appel aux infirmières va dans ce sens-là, c'est: Ne faites pas ce que vous reprochez au Parti québécois. Et non pas parce qu'il y a une loi qui va visiblement être adoptée, non pas pour faire plaisir, pour donner raison au gouvernement, mais pour cesser la grève illégale, pour cesser les reports d'opérations. Rentrer au travail, c'est l'appel que je lance aux infirmières.

Maintenant, cette loi qui arrive aujourd'hui, pour laquelle le premier ministre convoque l'Assemblée nationale, arrive pourquoi? D'abord, au moment où nous nous parlons, la grève est déjà illégale. Les lois du Québec prévoient déjà – entre autres, la loi 160 – des mécanismes en cas de grève illégale, et la grève ne sera pas, demain matin, si cette loi est adoptée, plus illégale, elle ne sera pas plus inacceptable, elle ne sera pas plus regrettable. Maintenant, quand on regarde le projet de loi qui nous est présenté par le gouvernement, il n'y a rien là-dedans pour améliorer véritablement les soins de santé, et je pense que le premier ministre, quand il dit que les ententes intervenues font entièrement l'affaire des infirmières, il n'est pas allé échanger avec les infirmiers et les infirmières sur les lignes de piquetage. Ces gens-là ne sentent pas – il faut le dire clairement – dans les ententes intervenues jusqu'à maintenant, un rétablissement de conditions de travail qui va leur permettre de rentrer au travail en étant sécurisés que leur travail va pouvoir se faire dans des conditions qu'ils souhaitent. Ces gens-là ne sentent pas qu'ils sont arrivés, jusqu'à maintenant, à des ententes qui vont améliorer suffisamment l'organisation de leur travail, parce que ces personnes-là ont été échaudées.

Le premier ministre disait dans son allocution: On savait que, en arrivant aux infirmières dans les négociations, ça ne serait pas facile. J'ai entendu cette phrase-là, j'avais hâte de voir la suite, puis il a fait la suite en disant que c'est parce qu'il y avait des complexités dans l'organisation du travail. Non. Je pense que, si son gouvernement, si lui-même, si probablement sa ministre de la Santé savaient que, en arrivant avec le cas des infirmières, ce ne serait pas facile, c'est parce qu'ils savaient très bien, comme l'ensemble des Québécois et des Québécoises le savent, comme l'ensemble des membres de l'Assemblée le savent, que les infirmières, on les avait mises à bout, que les infirmières, on les avait tordues jusqu'à temps qu'elles soient vidées complètement de leur énergie, de leur confiance, qu'elles soient désabusées, qu'elles sentent qu'elles ont été tellement peu écoutées dans l'organisation de la réforme qu'elles soient rendues, comme on dit, au bout du rouleau. Et c'est pour ça que le premier ministre craignait cette arrivée en négociation aux infirmières, parce qu'il le sentait.

Et je pense que ceux qui étaient conscients de ce qui se développait le sentaient, et on le voit dans toute la façon d'intervenir, qui est tout à fait non habituelle, non traditionnelle, des infirmières, leur façon de réagir quand on leur parle d'une loi spéciale, et j'y reviendrai tout à l'heure. Les infirmières, ce n'est pas les Hell's Angels, ce n'est pas leur quotidien de défier la loi, l'organisation de leur vie n'est pas basée sur le fait qu'il faut défier la loi. Qu'elles réagissent comme ça, c'est parce qu'elles en ont 100 pieds par-dessus la tête, et c'est ça, le coeur du problème où on est aujourd'hui, c'est cette rupture du lien de confiance qui existe au niveau du gouvernement.

(17 h 40)

On arrive où avec la loi spéciale? Ce que sont les deux grandes failles de la loi spéciale à l'heure actuelle, la première, c'est justement la rupture du lien de confiance que... Une association de travailleurs sentant que le gouvernement est poussé dans une loi spéciale, dans certains cas, les choses s'arrangent. Au bout de quelques semaines, les gens rentrent au travail, et les choses se réparent. Une des façons pour la plupart des gouvernements, et je pense que les prédécesseurs du premier ministre, il y ont référé aussi, dans des lois spéciales... Une des façons privilégiées du gouvernement de se donner une autorité morale quant à l'adoption d'une loi spéciale – c'est de cette façon-là que procédait toujours, entre autres, René Lévesque – c'est d'aller chercher au préalable un appui de l'ensemble des parlementaires, de faire à travers le Parlement, de faire à travers les partis de l'opposition, le travail de recherche de solutions, non pas de partir le train en espérant que les autres vont s'accrocher à la dernière minute devant un projet qui leur arrive à quelques minutes de la fin, mais en travaillant à la recherche de solutions a priori pour arriver à un processus parlementaire qui puisse donner un résultat.

Et ce n'est pas de cette façon-là que le premier ministre a procédé à l'intérieur de son processus de négociation. Il convoque aujourd'hui le Parlement comme un outil de la négociation qui est en cours. C'est de cette façon-là d'ailleurs que le gouvernement du Parti québécois, qui va détenir le record, à la fin de son mandat, de l'utilisation du bâillon, c'est de cette façon-là qu'il a souvent recours au Parlement. Donc, cette rupture du lien de confiance, c'est certainement quelque chose qui entache la crédibilité du gouvernement dans l'application d'une loi spéciale.

La deuxième chose qui l'entache, c'est l'écart entre le premier ministre qui, à ce moment-ci, est coincé dans une situation où il gonfle ce que représente l'illégalité, où il gonfle la gravité des gestes, et la façon dont lui-même va traiter, dans d'autres cas, l'illégalité, que ce soit quand son gouvernement agit de façon illégale... Dieu sait comment les gouvernements fonctionnent. On vote des lois a posteriori pour corriger les situations illégales une fois qu'elles sont finies. C'est de cette façon-là que le gouvernement agit.

Le gouvernement, d'ailleurs, en matière d'illégalité, quant à sa crédibilité, a fait la même chose. La dernière personne qui a placé un gouvernement dans la même position, c'est-à-dire qui a déclenché, au nom des infirmières, une grève illégale, le Parti québécois en a fait une vedette dans les années qui ont suivi. Alors, c'est difficile aujourd'hui pour les gens de reconnaître... Quand le premier ministre nous fait des discours sur l'ordre, sur la loi, sur la règle de droit, c'est difficile d'avoir la chair de poule aujourd'hui et de reconnaître dans son gouvernement toute la crédibilité qui serait nécessaire au moment de l'adoption d'une loi spéciale.

La dernière réflexion. L'Assemblée est réunie aujourd'hui pour cette loi spéciale. Je serais curieux d'entendre les membres du gouvernement d'ici la fin du débat, de savoir qu'est-ce qu'ils vont faire si les infirmières défient la loi spéciale comme elles ont annoncé qu'elles allaient le faire. Parce que, à partir du moment où le gouvernement se réfugie, à partir du moment où le gouvernement se range dans cette forme d'approche, une loi spéciale, il faut que le gouvernement procède avec une certitude que ça va fonctionner, que le résultat va être là et qu'il va y avoir un retour au travail. Je serais curieux d'entendre les membres du gouvernement nous dire, si les infirmières en fin de semaine défient la loi sur le retour au travail, quelle va être la prochaine étape pour ce gouvernement-là. C'est ce que je voulais dire, M. le Président.

Il y a aussi un nouveau volet. On parle de législations qui sont faites au fur et à mesure. Les pharmaciens qui sont engagés à la dernière minute dans la législation actuelle. On s'est dit: Tant qu'à réunir le Parlement, on va en mettre plus que moins. C'est quand même spectaculaire comme législation. Je sais que le gouvernement, contrairement à moi, est plus fort sur la sécurité d'emploi à vie, mais là ce que je crois comprendre dans le cas des pharmaciens, c'est qu'on va tellement avoir la sécurité d'emploi à vie qu'on n'aura même plus le droit de démissionner.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumont: Je ne sais pas si mon interprétation de la loi est juste, mais ce que je comprends, c'est que la liberté fondamentale de tout laisser ça là et de quitter sa job va être remise en cause. Je ne sais pas si c'est la façon dont il faut comprendre la loi, mais c'est quand même le cas des pharmaciens. Je fais cette boutade-là pour dire qu'il n'y a pas tellement de travail qui a été engagé avec eux. Il y a une annonce qui a été faite cette semaine et, tout à coup, on les voit arriver dans une loi spéciale comme celle-là. C'est pour le moins particulier.

Et c'est pour ces raisons-là, M. le Président, que je ne pourrai pas participer à ce qui apparaît, à ce moment-ci, comme un théâtre de début d'été, où le gouvernement veut montrer qu'il fait quelque chose, mais où il ne s'attaque pas au problème fondamental qui a été créé par le gouvernement et qui, de toute façon, va devoir un jour être réglé si on veut réorganiser des soins de santé dans le meilleur intérêt de la population du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Abitibi-Ouest, en vous rappelant, M. le député, qu'il vous reste un temps de parole de 3 min 15 s.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je veux tout simplement rappeler très simplement que ce n'est pas un projet de loi facile, parce qu'un retour au travail suite à une grève illégale, ce n'est jamais agréable pour quelque parlementaire que ce soit. Mais le projet de loi qui est le nôtre aujourd'hui, c'est d'assurer la reprise des services infirmiers en ordonnant aux infirmiers et infirmières de cesser leur grève illégale, compte tenu des conséquences que ça a sur la population, comme on dit, la plus fragile, la plus en difficulté, parce que, règle générale, quand on a besoin de services hospitaliers, c'est parce qu'on a des sérieux problèmes.

Je voudrais faire deux, trois commentaires, parce qu'en trois minutes et demie, c'est très court. Je voudrais rappeler également que c'est étonnant de voir nos amis d'en face – mais je l'expliquerai dans une phrase un peu plus longuement tantôt – lorsqu'on sait que la critique d'aujourd'hui dans le domaine de la santé disait, comme ça a été mentionné: On ne laissera pas faire les infirmières dans une grève illégale. C'est une ahurissante aberration, c'est irresponsable et inacceptable, parce que ce sont les plus faibles et les plus démunis qui en font les frais. Je ne crois pas que cette réalité-là a changé de quelque iota que ce soit. Pensez-vous que, de ce côté-ci, nous ne savons pas, nous aussi, que les infirmiers et les infirmières du Québec ont eu à souffrir? Je le dis comme ça s'est passé, difficilement. Cette réforme, je l'ai dit, on l'a dit, mon gouvernement l'a dit, le premier ministre l'a dit, on a dû procéder, dans cette réforme, beaucoup plus rapidement que souhaité pour des raisons qu'on a débattues largement, que tout être responsable en cette Chambre ne reprendrait pas d'une façon aussi démagogique que j'ai entendue tantôt par le chef de l'opposition.

Puis là je comprends un peu plus, je comprends un peu plus pourquoi il veut avoir encore un débat pendant trois, quatre jours, qui est un forum complètement inapproprié, celui qu'il a suggéré, que personne qui a un minimum d'expérience en cette Chambre n'oserait endosser une fraction de seconde, parce qu'il ne conduit nulle part. Mais avoir des propos aussi quart de vérité, même pas demi-vérité, M. le Président, quart de vérité en faisant des liens très ténus avec toutes sortes de circonstances qui n'ont rien à voir, pensez-vous que ce n'est pas malhonnête? Il n'y a pas d'autres termes: très malhonnête.

J'étais ici, moi, en 1982. Je l'ai vécu difficilement, 1982. Puis 1982, c'est une décision du gouvernement puis du conseil des députés. Après avoir donné 13 % d'augmentation, oui, on a été obligé de demander à ces gens-là, le 1er janvier, de faire un effort, parce qu'on n'avait pas les moyens. Pensez-vous qu'il ne le sait pas? Pensez-vous que ce n'est pas tricher, d'être malhonnête puis de faire plaisir, même si la situation est grave, de dire: Le premier ministre du Québec aujourd'hui a coupé de 20 % ces gens-là? C'est faux, c'est erroné, c'est mensonger. C'est tricher avec la vérité et c'est ce que j'entends depuis le début avec ces gens-là.

Des voix: Bravo!

M. Gendron: Ça ne me plaît pas, M. le Président, une loi spéciale, comme doyen de cette Assemblée. Ça ne me plaît pas pantoute! Mais la seule façon de finaliser correctement... Puis on l'a reconnu, que ces gens-là avaient travaillé comme ce n'est pas possible, ils se sont tués à la tâche. Oui, il y a eu surcharge, oui, il y a eu précarité. On le sait, on l'a reconnu à la table. Il y a eu une signature là-dessus de leur part.

Là, on est en grève illégale. On ne peut pas tolérer ça, comme parlementaires. Moi, je croyais qu'on aurait un peu de conscience, les uns et les autres, puis on se dirait à la fin, au-delà de la joute parlementaire que je connais autant que les autres, il me semble que notre premier rôle aujourd'hui, on doit le jouer, et notre premier rôle, c'est de légiférer pour empêcher...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. Nous cédons la parole maintenant au leader adjoint de l'opposition. M. le député de Chomedey, vous avez un temps de parole de 8 min 30 s.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, tricher, mensonger, puis après, ça fait des discours sur l'importance de respecter les institutions. On va faire un autre retour en arrière. Le député d'Abitibi-Ouest vient de citer ma collègue la députée de Bourassa lorsqu'elle était la présidente d'un organisme qui s'occupait de l'intérêt des patients, des malades au Québec. Il y a une constance chez ma collègue la députée de Bourassa: elle s'est toujours souciée de l'intérêt des malades au Québec.

Des voix: Bravo!

M. Mulcair: C'est pour ça qu'elle a dénoncé avec tellement de véhémence la destruction insensée de notre système de santé au Québec pour la seule raison, la seule raison d'arriver à une idéologie démagogique de la part du gouvernement, d'arriver à leur déficit zéro sur le dos des malades.

(17 h 50)

Mais, M. le Président, tant qu'à revenir en arrière sur des propos qui ont déjà été prononcés, regardons ce qu'a eu à dire le même député d'Abitibi-Ouest ici, à l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de la Loi assurant le maintien des services essentiels dans le secteur de la santé et des services sociaux, le même projet de loi 160 que le premier ministre lui-même a mentionné tantôt. Il est le président du caucus, le député d'Abitibi-Ouest. Pour les gens qui nous écoutent, qui ne comprennent pas nécessairement ce que ça veut dire, c'est lui le porte-voix, le porte-parole de l'ensemble des députés ministériels. C'est lui qui représente leur idéologie et leurs prises de position. C'est une importante fonction, d'être président de caucus, M. le Président. Et ce qui est d'autant plus intéressant, c'est de constater qu'il essaie non pas de se refaire une virginité, mais de se refaire une solidarité. Sans doute qu'il y a des nananes qui s'en viennent, M. le Président.

Regardons ce qu'il avait à dire, à l'époque. Ça, c'est M. le député d'Abitibi-Ouest qui parle, et je cite: «Mes premiers mots, Mme la Présidente, seront d'abord pour mentionner qu'il s'agit sûrement, dans l'histoire du Parlement, d'une triste journée encore une fois, puisque effectivement nous sommes en séance spéciale pour adopter un projet de loi afin de faire respecter une loi du Parlement. En termes de valeurs démocratiques, c'est toujours inquiétant et malheureux, et cela doit être dénoncé.

«Le deuxième point en vue que je voudrais signaler est le suivant: Pourquoi, fondamentalement, sommes-nous ici ce soir en train d'adopter une loi spéciale? Je vais prendre quelques minutes pour l'expliquer. Fondamentalement, c'est pour détourner l'attention du public du véritable problème. Le véritable problème, ce n'est pas du tout qu'il y a eu quelques gestes – j'y reviendrai tantôt – malheureux de grève illégale, c'est qu'il n'y a pas eu de véritables négociations – dixit le même député d'Abitibi-Ouest il y a quelques années. Quand il n'y a pas de véritables négociations, il n'y a pas 25 choix pour des syndiqués de faire valoir que, contrairement, encore là, au faux discours qu'on entend dans cette Chambre, les négociations n'ont pas véritablement progressé, n'ont pas avancé, et les questions majeures sur les questions importantes. En conséquence, il appartient au syndicat d'exposer le conflit sur la place publique.»

C'est drôle, hein, M. le Président. C'est quoi, l'expression, en français? Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Les discours se suivent mais ne se ressemblent pas. C'était ça, le discours du député d'Abitibi-Ouest lorsqu'il était dans l'opposition. Et le premier ministre, tantôt, de dire qu'ils avaient appuyé le projet de loi 160.

Mais il y a plus que ça, M. le Président. Il disait ceci. Il a parlé contre le gouvernement, il a dit que c'était de l'irresponsabilité de la part du gouvernement, l'irresponsabilité de vouloir, à l'époque, mettre fin à une grève illégale. Et voici ce qu'il disait: «Je voulais juste illustrer ce bout et dire que, quand on confie une négociation à des gens qui, dès le départ de la négociation, ont dit: Il n'y aura pas de véritable négociation, il ne faut pas se surprendre que quelques centrales syndicales aient voulu exprimer à la face du public que les négociations n'avaient pas avancé, qu'elles n'avaient pas progressé. C'est sûr qu'un geste de grève, même si je déplore l'illégalité... On l'a dit, mes collègues l'ont dit et notre position sera claire à ce sujet. On avait une loi qui empêchait l'illégalité, qui existe déjà, car on a voulu, dans le secteur social de la santé, compte tenu des conséquences, qu'il n'y ait pas de véritable grève, pour éviter des inconvénients majeurs. Mais, est-ce que cela prenait, Mme la Présidente, une loi matraque, une loi excessive, une loi provocatrice, une loi démesurée?»

Tantôt, ils parleront encore. Et d'avance je peux vous prévenir que le ministre va nous citer les pages de sa loi, M. le Président, contrairement à ma collègue la députée de Bourassa, qui, elle, a toujours été constante. Oui, oui, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, M. le Président, il peut bien nous montrer ses citations, on est très fier d'elle. On appuie ce qu'elle disait à l'époque. Il peut montrer le document. Et, s'il le veut, il peut même faire une photocopie et la donner au premier ministre lui-même, lui-même qui a offert d'être à la table de négociation, en geste spectaculaire de dernière minute, sachant fort bien le résultat; lui-même qui a la témérité d'arriver ici, en Chambre, aujourd'hui, la main sur le coeur comme d'habitude, et de dire: Oui, elles ont tout un capital de sympathie, les infirmières. On le sait, mais ce n'est pas parce qu'elles sont sympathiques qu'on peut permettre à tous les autres de venir faire la queue en arrière d'elles. C'est vraiment gênant d'entendre de tels propos de la part d'un premier ministre, le faux-fuyant, le pelletage toujours en avant, dire: Écoutez, on ne ferait pas face au vrai problème. On essaierait de faire croire à la population que ce n'est pas de notre faute d'avoir démoli le système de santé au Québec. On ferait semblant qu'on n'a pas perdu 14 mois à ne rien faire. On dirait que c'est la faute des infirmières.

M. le Président, les infirmières ont porté à bout de bras les aspects les plus odieux de cette réforme, de cette réforme bâclée du système de santé au Québec, imposée par le gouvernement du Parti québécois. Et, maintenant, ils ont le culot d'arriver ici, en Chambre, et de tenter maintenant de leur faire porter le blâme. Le vrai problème dans le système de santé au Québec, c'est que le gouvernement du Parti québécois a coupé, comme c'est son habitude, d'abord et avant tout dans les services directs à la population. Parce qu'il n'a jamais eu la volonté de couper là où on pouvait le faire sans faire mal à la population, c'est-à-dire dans l'appareil, dans l'administration, dans l'État. Toujours la coupure directe dans les services à la population, jamais les coupures dans l'appareil administratif. Voilà la priorité d'un gouvernement avec une vision technocratique. Voilà les résultats concrets.

Les milliers et les milliers de personnes sur les listes d'attente, ce n'est pas un phénomène qui date depuis six jours. Les gens qui se font mettre dans des autobus puis envoyer à Burlington, puis à Messina, puis à Malone, et à Plattsburgh, ce n'est pas la faute des infirmières, c'est l'incurie et l'incompétence du gouvernement du Parti québécois qui a dit, il y a deux ans et demi: On va réduire de 50 % le nombre d'infirmières formées, et qui découvre que ce n'était... Ah! C'était le propos de la ministre de la Santé, lundi: Oui, on a découvert que la décision n'était pas pertinente. Pertinente! Incapable d'admettre la moindre erreur, incapable de dire: Mea culpa, on a foiré, on a écouté un ministre technocratique qui a pondu un rapport, on n'aurait jamais dû le faire, on va remettre du vrai argent neuf dans le système et on va retourner aux gens ce qui leur appartient, c'est-à-dire leur droit de recevoir des soins de santé au Québec, ce pourquoi on a toujours payé depuis 30 ans. Une chose que le gouvernement du Parti québécois a négligé de faire, et c'est le résultat aujourd'hui. C'est la pointe de l'iceberg, ce qui se passe avec les infirmières, et la faute, c'est avec les gens d'en face et avec le premier ministre en premier, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint de l'opposition et député de Chomedey. Nous allons maintenant terminer en vous accordant, M. le président du Conseil du trésor, votre droit de réplique de 10 minutes. M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: Merci, M. le Président. Nous venons d'entendre l'opposition, avec quelques registres, ses gros mots, ses qualificatifs exagérés, ses procès d'un système qui est en train de se transformer et qui doit se transformer, disons ses propos démagogiques, en particulier provenant du chef de l'opposition. M. le Président, nous l'avons tous entendu demander une commission parlementaire pour probablement faire à peu près ce qu'il a fait ici, en Chambre, aujourd'hui, de différentes façons, mais le refaire en commission parlementaire sans faire avancer le débat. M. le Président, sans faire avancer le débat parce que, ce qu'il propose, à toutes fins pratiques, c'est de négocier, en public, en plus, avec un syndicat qui est en grève illégale. Je pense que, là, ça donne le sens de l'État qui l'habite. Et je pense que ses propos, d'ailleurs, frisent l'anarchie. Je ne sais pas où nous irions... Et il y a au moins une chose que je veux répéter ici, c'est que son collègue de Robert-Baldwin vient d'attaquer mon collègue d'Abitibi-Ouest, mais, lui, il a voté...

Des voix: Chomedey.

M. Léonard: ...de Chomedey, pardon – pour la loi 160.

Une voix: Pendant une grève illégale.

M. Léonard: Grève illégale. Il a voté pour, même s'il était dans l'opposition à l'époque.

Une voix: Lui, il a le sens de l'État.

M. Léonard: Il a plus le sens de l'État que le chef de l'opposition à l'heure actuelle, je pourrais vous dire ça.

M. le Président, je veux juste noter au passage une remarque du député de Rivière-du-Loup qui disait qu'il manquait des fonctionnaires, qui déplorait ce que le gouvernement avait fait, mais qui a proposé il n'y a pas tellement longtemps qu'on mette à la retraite 25 % des fonctionnaires. Je ne sais pas s'il y a une grande constance dans ses propos, mais...

M. le Président, je veux juste revenir sur la loi, en conclusion. Qu'est-ce qu'est la loi n° 72? Premièrement, une loi de retour au travail. Premièrement, la loi de retour au travail. Elle traite aussi des gens qui sont en libération syndicale; elle traite aussi des conditions de travail des infirmières, qui ont déjà été signées; et elle traite des pharmaciens. Les quatre points.

Alors, je les reprendrai très rapidement parce que, en termes de contenu, il est important que l'on sache qu'avant toute chose, dans sa première section, après les définitions, il s'agit d'appeler les syndiqués à revenir au travail – point à la ligne – demain à 16 heures, de demander aux associations syndicales, à 14 heures, de faire un appel pour les ramener au travail.

(18 heures)

Et, M. le Président, je veux simplement vous dire que cette loi ne comporte pas de sanctions additionnelles pour le syndiqué de la base. C'est simplement l'Assemblée nationale qui, par son autorité, demande aux syndiqués de la base, qui sont en grève illégale, de rentrer au travail. C'est l'essentiel de la loi. Il faut bien saisir ce que cela veut dire: Revenez au travail. Et ce n'est pas une loi revancharde. Au contraire, c'est juste pour attirer l'attention des syndiqués à l'effet qu'ils reviennent au travail, parce qu'il y a des tâches énormes qui les attendent.

La deuxième section traite des personnes qui ont bénéficié de libérations syndicales. Dans la loi 160, il y a des pénalités, des sanctions pour ceux qui sont en grève illégale, mais il n'y en avait pas pour les personnes qui organisaient les grèves illégales, ce qui est le cas. Il y a donc des sanctions qui sont imposées dans cette loi, et c'est l'objet des articles 7 et 8 dans la loi – on les verra tout à l'heure – mais il s'agit des seules sanctions qui sont imposées dans cette loi à l'heure actuelle, les seules. La loi qu'il y a ici ne modifie pas la loi 160, qui a été votée par l'opposition libérale du temps. Elle est premièrement une loi de retour au travail. Premièrement.

M. le Président, il y a un autre point, une autre partie très importante de la loi, très importante de la loi, parce que, depuis le début de ce conflit syndical, de ces négociations qui ont dégénéré en conflit, nous avons parlé des conditions de travail des infirmières et des infirmiers au Québec. Nous en avons parlé, et il s'est négocié beaucoup plus de clauses que ce qu'on dit généralement. Il s'est fait beaucoup plus de travail que ce dont on parle actuellement. Il s'en est fait du travail. Il y a eu des clauses paraphées, convenues et signées, mais il s'agit là d'un point très important, parce que, au fond, quelles étaient les principales revendications? Ça a parti sur la question de la précarité d'emploi. Il y a eu une entente là-dessus. C'est réglé. Vous avez en annexe du projet de loi, j'y reviens encore, l'annexe des conditions paraphées. Elles sont réglées, M. le Président.

Des voix: ...

M. Léonard: Elles sont réglées, et je veux simplement dire, lister tous les points qui ont été réglés. La question des mutations, ça a été réglé, paraphé. Les postes qui étaient temporairement dépourvus de titulaires, toutes les questions d'équipes volantes, des listes de disponibilité, des postes à temps partiel, des questions qui touchent aux agences de recrutement, c'est réglé, réglé. Des mécanismes de plaintes en cas de fardeau de tâche, c'est réglé. Des conversions des heures de remplacement, c'est réglé. C'est ce que vous avez dans l'annexe, M. le Président. C'est ce que vous avez dans l'annexe.

Alors, M. le Président, c'est très important. J'aurai l'occasion d'y revenir, j'espère, parce que je veux aussi vous parler d'une autre partie du projet de loi, qui concerne les pharmaciens.

Une voix: ...

M. Léonard: Les pharmaciens. Alors, les pharmaciens, M. le Président...

Une voix: ...

M. Léonard: ...oui, ont proposé leur démission.

Une voix: ...

M. Léonard: Je n'ai pas interrompu le chef de l'opposition, il me laissera parler, M. le Président.

Des voix: ...

M. Léonard: Alors, les pharmaciens ont mis leur démission sur la table pour négocier. Il n'y a pas de raison particulière. Le projet de loi les assujettit à la loi des services essentiels. Mais sait-on, quand même, que les pharmaciens ne sont pas les moins bien payés au Canada? Non, M. le Président. Ils sont au maximum de l'échelle, les deuxièmes mieux payés au Canada, c'est-à-dire immédiatement après la Colombie-Britannique, et plus payés que ceux de l'Ontario, qui jouissent cependant d'un niveau de vie très intéressant et supérieur au nôtre, de 23 %. Exemple, en Colombie-Britannique, au maximum de l'échelle: 58 830 $; au Québec, 57 613 $; en Ontario, 55 102 $; la moyenne au Canada, 54 280 $. C'est tiré du Journal canadien de la pharmacie hospitalière , 1997-1998, M. le Président.

Une voix: En haut de la moyenne.

M. Léonard: En haut de la moyenne canadienne. Alors, M. le Président...

Des voix: ...

M. Léonard: ...les pharmaciens seront assujettis à la loi des services essentiels, et le Conseil pourra intervenir.

Je voudrais, en terminant, puisqu'il me reste deux minutes, revenir sur cette question fondamentale du retour au travail. Il faut, un jour ou l'autre, qu'on revienne au travail. Quand? Je dirais le plus tôt possible. C'est une grève illégale. Ça doit être maintenant. Nous demandons de revenir demain, à 16 heures. Mais pourquoi? Parce que les malades ont besoin des services des infirmières et des infirmiers au Québec, en ont besoin, parce que, au cours des neuf jours de grève, au total, qu'il y a eu, sept jours cette semaine plus deux antérieurement, il y a eu 12 700 chirurgies annulées, il y a eu 899 lits fermés, 55 000 rendez-vous annulés aux centres hospitaliers, 13 000 rendez-vous annulés dans les CLSC, 26 000 visites à domicile annulées. Et là on pense que, pour rattraper, cela prendra quelque six mois.

Alors, la seule chose que nous demandons aux syndiqués, aux infirmières et aux infirmiers, c'est de revenir au travail le plus tôt possible parce qu'il y a des problèmes majeurs, nos malades ont besoin d'elles, nos malades ont besoin d'eux. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ceci met fin à notre débat sur le principe du projet de loi. Est-ce que le principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, est adopté?

Une voix: Vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vote par appel nominal. Alors, que l'on appelle les députés. Nous allons suspendre quelques instants.

(18 h 7 – 18 h 12)


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous mettons donc aux voix la motion de M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Côté (Dubuc).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des abstentions? Alors, M. le secrétaire général, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Pour:63

Contre:39

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, la motion est donc adoptée. Le principe du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, est adopté.

M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour soumettre en commission plénière le projet de loi n° 72 pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je voudrais maintenant proposer que l'Assemblée se constitue en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? En conséquence, je suspends donc les travaux quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise à 18 h 25)


Commission plénière

M. Bissonnet (président de la commission plénière): Conformément à l'ordre qui vient d'être adopté, nous sommes réunis en commission plénière pour étudier en détail le projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et les services pharmaceutiques.

Je vous rappelle que la durée de l'étude détaillée dudit projet de loi en commission plénière est fixée à un maximum de 120 minutes, soit deux heures.

Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, il n'y a pas de temps de fixé pour les remarques préliminaires en vertu de notre règlement. Alors, j'apprécierais que vous les fassiez les plus brèves possible pour pouvoir étudier le projet de loi, mais c'est vous autres qui fonctionnez. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Remarques préliminaires


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président, de nous rappeler effectivement les règles, puisque nous sommes en plénière pour étudier le projet de loi article par article, mais que par ailleurs nous pouvons prendre tout le temps nécessaire pour expliquer ce pour quoi nous proposons ce projet de loi, son contenu, et en dégager, si nous pouvons y arriver, un consensus pour que nous puissions adopter éventuellement ce projet de loi.

Vous allez me permettre d'ailleurs, M. le Président, d'être complètement estomaquée par le vote que nous venons de prendre pour nous permettre d'engager l'étude du projet de loi article par article, où nous avons vu l'opposition se lever, le chef de l'opposition en tête, pour à toutes fins pratiques cautionner, si je comprends bien, une grève illégale dans le secteur de la santé au Québec. Quand on vote contre le principe d'un projet de loi, j'imagine que c'est parce qu'on vote contre la loi, à moins que les heures qui viennent nous permettent de ramener à la raison le chef de l'opposition et sa formation politique. Est-ce qu'il est conscient des conséquences que cela peut avoir, M. le Président?

Il y a eu un chef de ce parti avant lui qui avait, malgré que nous lui ayons fait quelques reproches à l'occasion, un pas mal plus grand sens de l'État que celui que j'ai entendu cet après-midi et surtout, surtout, que j'ai vu se lever pour voter contre le projet de loi que nous avons déposé, qui est un projet de loi responsable, raisonnable et qui mérite d'être étudié à son mérite, à sa face même, article par article, en autant qu'on puisse croire qu'améliorant ce projet de loi nous allons l'adopter à l'unanimité. Est-ce que c'est pensable qu'un chef d'une formation politique comme celui qui est devant nous, avec toute la responsabilité que cela importe pour le présent et pour le futur, décide de cautionner une grève illégale?

Vous allez me permettre de rappeler que, dans la grande tradition qui anime généralement le Parti libéral, celui-ci, lorsque M. Robert Bourassa en était le chef, a à différentes reprises présenté des projets de loi de retour au travail, des projets de loi de retour au travail dans les cas de situation de grève illégale. Il a lui-même dénoncé de telles situations et n'a pas ménagé ses mots pour le faire. Je le cite. En 1989, le chef du gouvernement du Parti libéral à l'époque, M. Robert Bourassa, disait ceci: «Nous ne pouvons pas accepter des grèves illégales. Nous ne pouvons pas les tolérer dans des services aussi essentiels que les soins aux malades. Vous voyez les autres syndicats – ça, c'est M. Bourassa qui parle – qui n'ont pas encore signé leur convention? Ils vont dire: Si ça marche avec les infirmières, on va la déclencher, la grève, nous aussi. Le gouvernement ne fabrique pas d'argent, il est le mandataire de la population.» C'est ça que M. Bourassa disait en août 1989.

(18 h 30)

Remarquez que j'avoue que ça prenait un certain courage. Nous étions en période électorale, et, comme chef de l'État, il a assumé ses responsabilités. Et je peux vous dire que nous qui avons été dans l'opposition aussi, qui avons dû nous prononcer à l'occasion sur des lois contraignant des personnes ou enjoignant des personnes à entrer au travail, et qui avaient une teneur pas mal plus lourde de conséquences, M. le Président, que la loi qui est devant nous, qui n'est pas une loi revancharde, qui n'est pas une loi qui agresse les personnes concernées par une grève et qui sont par ailleurs en grève illégale, qui est au contraire une loi qui vient confirmer et permettre l'application des ententes que nous avons eues au moment où nous étions en situation de discussion, de négociation, M. le Président... Et donc, l'opposition, à l'époque, au moment où le gouvernement libéral était au pouvoir, a voté des lois pas mal plus dures, ayant pas mal plus de conséquences que la loi que nous proposons maintenant, qui, je le répète, est une loi responsable. Malgré cela, nous avons, comme formation politique, voté pour les lois de retour au travail et évité, en tout état de cause, de cautionner quelque grève illégale que ce soit, celle-ci soit-elle faite parce qu'on a une cause à laquelle on croit et que l'on défend.

Et ça, il m'apparaît, dans une société de droit, une société démocratique comme celle dans laquelle nous vivons, qu'un chef de l'opposition, qu'un chef d'une formation politique majeure au Québec qui prenne une telle décision, qui enjoigne ses troupes de voter contre une loi de retour au travail à l'égard d'une grève illégale, a une attitude complètement irresponsable, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors, remarques préliminaires. Est-ce qu'il y a des remarques? Je remarque que le côté ministériel a pris 6 min 30 s. Alors, si vous voulez avoir 6 min 30 s, il n'y a pas de problème.

M. Chagnon: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Je suis d'abord un peu surpris que le présentateur de la loi n'ait pas fait ses remarques préliminaires en premier, le premier, j'entends, puisque c'est lui, le présentateur, et, en principe, on doit étudier un projet de loi article par article. Puisque Mme la députée de Taillon a décidé de nous faire une leçon de morale, je voudrais lui signaler, puisqu'on veut descendre à ce niveau-là, que son propre gouvernement n'a pas de leçon de morale et d'éthique à donner à personne, puisque son propre gouvernement, elle-même faisant partie du gouvernement, s'est trouvé à s'assujettir à l'illégalité dans le dossier Hertel–des Cantons. Dans le dossier de la loi n° 63, elle a assumé avec le vice-premier ministre et ministre des Finances... elle a fait en sorte de voter pour la loi n° 63, auto-admistiant le ministre des Finances pour une situation illégale qui relevait du ministère du Revenu. Alors, Mme la ministre, les infirmières qui sont dans la rue et que vous qualifiez d'illégales, que vous qualifiez vous-même d'illégales, eh bien, elles ne font que suivre votre exemple, elles ne font que suivre l'exemple donné par votre gouvernement, elles ne font ni plus ni moins que respecter l'ordre des choses que vous avez vous-même placé.

Et, si le sujet vous en dit, nous, ici, nous considérons que votre projet de loi est un instrument futile qui fait en sorte, pour votre gouvernement, de se servir de l'Assemblée nationale comme d'un objet servile. Vos députés vont voter tout à l'heure n'importe quoi. N'importe quoi. D'ailleurs, M. le Président, c'est évident que votre gouvernement cherche à se servir de l'Assemblée nationale non pas pour faire rentrer des grévistes illégalement en grève, mais parce que vous n'avez même pas utilisé toutes les perspectives que la loi 160 pouvait vous donner.

Avez-vous entendu parler, en quelque part, de quelqu'un au gouvernement ou de quelqu'un dans un établissement qui a demandé une injonction? Une injonction, c'est comme ça que les choses se font. C'est un moyen de faire en sorte, justement, que la loi soit respectée. Or, vous vous êtes fait dire que votre loi ne serait pas respectée, vous vous êtes fait dire que l'Assemblée nationale pouvait voter n'importe quelle autre loi, elle ne serait pas respectée non plus, et vous assumez le risque... vous nous faites assumer le risque qu'une loi que l'Assemblée voterait aujourd'hui ne soit pas non plus respectée. Quelle mascarade êtes-vous en train de jouer? Quelle mascarade êtes-vous en train de faire?

Et, M. le Président, c'est bien entendu que, ni sur le plan moral, ni sur le plan éthique, ni autrement, nous ne pouvons accepter qu'une grève illégale puisse se faire, et ça, nous l'avons dit et répété à plusieurs reprises. Ça me fait de la peine que la ministre ne le réalise qu'actuellement. Sauf que le problème que nous avons à juger aujourd'hui, c'est un problème d'incompétence de son gouvernement depuis les quatre dernières années, d'incompétence même en ce qui concerne l'organisation des soins de santé depuis trois ans, l'incompétence à laquelle elle a elle-même participé en prenant des décisions il y a trois ans concernant la limitation du nombre d'étudiants qui devaient s'inscrire en sciences infirmières dans les cégeps du Québec, d'incompétence du gouvernement lorsqu'il a décidé d'aller n'importe comment, de faire n'importe comment en matière de diminution du nombre d'infirmières par le biais de retraites assistées.

On a accepté le fait que 3 800 infirmières sortent du système. Personne ne s'est posé la question dans ce gouvernement qu'est-ce que ça avait comme effet, on les a laissées sortir. Personne ne s'est posé la question qu'est-ce que ça avait comme effet de d'acheter, M. le Président, pour 150 000 $ la retraite de médecins omnipraticiens, d'acheter pour 300 000 $ la retraite de médecins spécialistes. Ce gouvernement-là a fait cela, a décidé de diminuer de moitié le nombre d'étudiants au niveau collégial, a mis des infirmiers et infirmières en préretraite au nombre de 3 800, a mis 1 200 médecins omnipraticiens et spécialistes à la retraite, et aujourd'hui on s'étonne que ça aille mal dans ce réseau-là.

Les infirmières n'en peuvent plus, elles assument déjà des services essentiels. Et la loi, nous le verrons si on peut commencer à l'étudier, fera en sorte de nous montrer qu'elle a elle-même ses failles, cette loi. La preuve, c'est que je pense qu'on va nous suggérer des amendements, et je vous annonce à l'avance, M. le Président, que, nous aussi, nous avons des amendements.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Remarques préliminaires, M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui, M. le Président, j'entendais le député de Westmount–Saint-Louis dire que nous étions dans l'illégalité, mais, dès que nous l'avons su, nous avons corrigé cette illégalité. Nous l'avons fait pour la ligne Hertel–des Cantons, nous avons annoncé nos intentions dans les jours qui ont suivi le jugement. La même chose aussi en ce qui concerne le ministère du Revenu. Mon collègue des Finances a agi en toute responsabilité pour corriger cette situation. Nous agissons. Alors que, maintenant, cette grève illégale... Elle est illégale, tout le monde le sait, et il faut poser des gestes. Il faut absolument que cette situation cesse.

Alors, M. le Président, j'entends le député qui dit que nous faisons un travail futile. Je regrette, nous faisons exactement ce que nous devons faire, parce que les lois ne sont pas respectées. On porte à mon attention la décision du Conseil des services essentiels qui a émis une ordonnance et qui n'a pas été respectée. Il faut que quelqu'un intervienne, et c'est à l'Assemblée nationale à le faire, ce qu'elle fait aujourd'hui par la loi n° 72. Et je peux la lire, cette ordonnance: «Le Conseil souhaite que les parties traitent différemment la présente négociation collective, puisque les résultats actuels ne semblent pas permettre d'obtenir une entente sans priver la population d'un service auquel elle a droit; ordonne à la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, à ses agents, représentants, officiers et employés de retirer le mot d'ordre enjoignant de tenir deux journées de grève les 15 et 17 juin 1999 et de s'assurer que les membres des syndicats affiliés à la FIIQ fournissent leur prestation normale de travail, et ce, jusqu'à ce que les syndicats aient acquis le droit d'exercer légalement la grève ou jusqu'au renouvellement des conventions collectives; ordonne à Mme Jennie Skene, à titre de présidente, Sylvie Boulanger – etc., et plusieurs autres – à tous les officiers de la FIIQ de prendre toutes les mesures nécessaires afin que le mot d'ordre enjoignant de tenir deux journées de grève les 15 et 17 juin soit retiré et de s'assurer que les membres fournissent leur prestation normale de travail les 15 et 17 juin 1999, ce, jusqu'à ce que les syndicats aient acquis le droit d'exercer légalement la grève ou jusqu'au renouvellement des conventions collectives.»

(18 h 40)

M. le Président, ça n'a pas été fait. Il y a eu cette grève illégale, les 15 et 17 juin, et cette grève a recommencé la semaine dernière, à partir de samedi dernier. Donc, nous avons derrière nous, en comptant aujourd'hui, neuf jours de grève illégale. Je pense que le gouvernement se devait d'intervenir, compte tenu des enjeux. Mais je vois en même temps que l'opposition a voté contre cette loi de retour au travail qui n'impose pas de sanctions additionnelles aux syndiqués de la base. C'est important. C'est une loi de retour au travail, point. Je pense qu'il faut constater que ce n'est pas une loi qu'on... même pas à la hauteur de 160, pour laquelle nous avions nous-mêmes voté à l'époque.

Et je voyais tout à l'heure un ancien président de l'Association des hôpitaux du Québec qui a voté contre la loi n° 72 qui est sous étude à l'heure actuelle. Je me demande comment il va pouvoir justifier ses positions parce que, au fond, les directions d'hôpital, à l'heure actuelle, appuient et nous demandent que les syndiqués retournent au travail.

M. le Président, il y a des incohérences absolument évidentes du côté de la Chambre. En même temps on se plaint qu'il y a des problèmes, et puis ces problèmes, M. le Président, il faut constater qu'ils vont s'accentuer avec le prolongement de la grève, ce qu'on n'ose pas imaginer. Il faut que les malades soient soignés. Et quand vous êtes malade, justement, vous êtes dans une situation d'incapacité qui fait que vous ne pouvez pas vous-même vous tirer d'affaire. Il faut justement qu'il y ait des gens, comme les infirmières et les infirmiers, comme les médecins, comme les pharmaciens, comme les ambulanciers qui s'occupent d'eux. Il ne faut pas tolérer dans la santé une grève illégale.

Je pense que c'était un débat de société que nous avons eu il y a plusieurs années, qui avait été réglé, qu'on ne pouvait tolérer de grèves dans les hôpitaux, qu'il fallait maintenir des services essentiels à une hauteur de l'ordre de 90 % des services. De cet ordre-là, 80 %, 90 %. Et pourtant, il y en a. Aujourd'hui, nous sommes devant une grève illégale, il faut absolument intervenir. Il faut protéger d'abord et avant tout les malades.

M. le Président, je pense que ce que nous avons devant nous, c'est plutôt l'incompétence et l'incurie de l'opposition dans le temps. C'est ce que nous avons.

Des voix: ...

M. Léonard: C'est ce que nous avons.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition officielle, je vous cède la parole.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je vais vous citer un discours donné dans cette Chambre voilà quelques années à peine: «Je considère aussi qu'effectivement la situation où nous sommes est intenable. Effectivement, elle est intenable. Mais nous en sommes là parce que le gouvernement nous a conduits à cette situation. Je ne peux pas accepter qu'on nous impose ici un projet de loi et qu'on nous demande de voter en invoquant qu'il y a cette situation que lui-même a causée. C'est sa propre turpitude qu'il invoque lorsqu'il agit comme cela.»

Vous savez qui parlait, M. le Président? Jacques Léonard, l'actuel président du Conseil du trésor, en votant contre un projet de loi qui visait à mettre fin à une grève illégale, et c'était en 1991.

La ministre d'État – parce qu'elle nous parle de l'État – de la Santé et des Services sociaux, elle était là aussi, dans l'opposition, à l'époque. Eh oui! elle était là. Ils ont voté contre ce projet de loi. Alors, qu'elle ne vienne pas nous faire des leçons de morale. Et je l'ai pris en note tantôt, la ministre d'État à la Santé, quand elle nous a dit: «Il ne faut pas cautionner quelque grève illégale que ce soit», elle l'a déjà fait.

Mais, M. le Président, je tiens à dire une chose, «on the record», et pour que tout le monde le comprenne – le premier ministre l'a compris, elle n'a pas l'air de l'avoir compris, on va le lui expliquer – la grève était illégale hier, avant-hier et le jour avant. Ce n'est pas ce projet de loi qui rend la grève illégale, pas en train de cautionner quoi que ce soit. Le gouvernement n'a pas utilisé tous les moyens à sa disposition pour y mettre fin. Avec un grand coup d'éclat, il tente de faire croire qu'il a trouvé une solution aux vrais problèmes en forçant le retour au travail des infirmières, alors que le vrai problème, c'est que ce gouvernement, sciemment, depuis trois ans, met la hache dans un système de santé qui était pourtant un des plus performants et un des meilleurs en Amérique du Nord. Ils ont le culot maintenant d'arriver ici, en Chambre, et nous faire des grands discours larmoyants sur notre rôle d'opposition. Si ça les tente autant que ça de revenir dans l'opposition, si leur nostalgie est à ce point-là forte, bien, qu'ils reviennent, qu'ils disent à la lieutenant-gouverneur qu'ils veulent une élection. Puis ce qui a déjà eu lieu le 30 novembre, c'est-à-dire une majorité de voix pour le Parti libéral du Québec, va certainement se traduire par une majorité de sièges, parce que le public n'en peut plus et les infirmières ne sont que la pointe de l'iceberg et celles et ceux qui portent le message ressenti à travers la population du Québec qui n'en peut plus de voir notre système de santé démoli par le gouvernement du Parti québécois.


Étude détaillée

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Alors, nous allons passer maintenant à l'article 1. Est-ce qu'il y a des interventions à l'article 1?

Une voix: Le ministre veut l'expliquer.

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, l'article 1, les explications.

M. Léonard: Bien, l'article 1, bon, il s'agit des définitions, M. le Président. Il s'agit de définir l'«association de salariés»: «une association qui est accréditée pour représenter des infirmières ou infirmiers à l'égard d'un établissement et qui, le – à la date de la présentation du projet de loi, qui est aujourd'hui – adhère, appartient, est affiliée ou est liée par contrat à la fédération». L'«établissement», c'est un établissement selon la Loi sur le régime de négociation. La «fédération», il s'agit de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Et les «infirmières» et «infirmiers», les salariés qui sont membres de l'Ordre des infirmières et infirmiers, qui sont représentés par une association de salariés.

Alors, M. le Président, c'est comme dans beaucoup de lois. Ces définitions précisent à qui la loi s'applique, et, essentiellement, elle s'applique à la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, aux syndicats accrédités qui lui sont affiliés et aux infirmières ou infirmiers qui sont représentés par ces syndicats. Par ailleurs, au cours de la loi, on va voir que les articles 13 et 14 s'appliquent à l'égard des pharmaciens oeuvrant en établissement. Mais voilà ce qui est dit dans cet article. C'est un article de définitions.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, comment se fait-il que, dans la présente loi, l'article 1, on n'a pas de définition de «pharmacien»?

Une voix: ...

M. Chagnon: Ce n'est pas une loi qui doit...

Une voix: ...

M. Léonard: ...à 13 et 14. Le sens est... Ils sont bien identifiés dans la loi.

M. Chagnon: ...infirmières dans les autres articles.

Le Président (M. Bissonnet): Un à la fois! Là, vous avez la parole pour le moment. M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Non, on pense que c'est clair, d'après le contexte et le texte des deux articles 13 et 14.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, mais, à 13 et 14, je fais remarquer tout à fait respectueusement au ministre qu'on parle des services pharmaceutiques dans les établissements. Or, c'est la deuxième section du projet de loi. La première section concerne les services de soins infirmiers. C'est normal que, lorsque l'on a écrit la sous-section I, à l'interprétation, nous n'ayons tenu compte... le gouvernement n'ait tenu compte que des services des soins infirmiers. Il a oublié les services de soins pharmaceutiques. Est-ce qu'il n'a pas l'intention d'ajouter, dans ces définitions, ce que sont les pharmaciens?

Le Président (M. Bissonnet): M. le président du Conseil...

M. Chagnon: ...un trou dans votre projet de loi.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, la parole est à vous.

Une voix: Il y a un trou.

(18 h 50)

Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Quand on s'en va à la section II, Services pharmaceutiques dans les établissements, à l'article 13, et ensuite l'article 14, et c'est peut-être intéressant de lire l'article, on va voir qu'effectivement il n'y a pas d'ambiguïté. «13. Le Conseil des services essentiels doit, à la demande de toute personne intéressée, faire enquête sur toute grève, tout ralentissement d'activités ou toute autre action concertée, appréhendé ou en cours, impliquant un organisme représentatif des pharmaciens oeuvrant auprès des établissements et relatif à la négociation en vue du renouvellement d'une entente visée à l'article 432.» On peut peut-être voir l'article 432, à quoi cela réfère. Mais il est bien clair à ce moment-ci qu'«un organisme représentatif des pharmaciens oeuvrant auprès des établissements» vient décrire exactement les personnes visées non pas par d'autres aspects de la loi que celui qu'on retrouve ensuite à l'article 14 qui dit qu'il s'agit du Conseil des services essentiels qui doit s'assurer qu'aucun préjudice ou action susceptible de porter préjudice n'est commis lorsque les pharmaciens sont en moyens de pression.

Et, à 432, la loi dit ceci – parce qu'on réfère à la loi de la santé et des services sociaux – on dit que: «Le ministre peut, avec l'approbation du gouvernement, conclure avec un organisme représentatif des pharmaciens oeuvrant dans les établissements une entente portant sur les conditions de travail de ces pharmaciens.

«Toute entente lie les établissements.

«Le ministre doit consulter chaque association regroupant la majorité des établissements exerçant des activités propres à la mission de centres de même nature.

«La rémunération et les autres conditions de travail convenues dans l'entente liant les pharmaciens en conformité avec le deuxième alinéa sont administrées par les établissements.»

Alors, il est très clair qu'on fait référence, ici, aux pharmaciens oeuvrant dans les établissements, et il ne s'agit pas de les assujettir à la loi de retour au travail, mais il s'agit d'assujettir la prestation de leurs services à la Loi sur les services essentiels. La Loi sur les services essentiels prévoit qu'on évalue si, oui ou non, il y a préjudice lorsqu'on utilise des moyens de pression aux fins d'accélérer une négociation ou de signifier un appui particulier à une demande particulière.

Alors, je ne crois pas que nous ayons à préciser davantage, M. le Président, en ce qui concerne les services pharmaceutiques dans les établissements. Si jamais il y avait des questions peut-être un petit peu plus techniques, nous avons avec nous des juristes qui pourraient évidemment aller peut-être encore plus finement que je ne peux le faire actuellement, répondre à la question ou la préoccupation de notre collègue de Westmount–Saint-Louis.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis, est-ce que ça vous va?

M. Chagnon: M. le Président, si jamais la loi est contestée par les pharmaciens, il ne sera pas dit que l'opposition n'aura pas sagement prévenu le gouvernement. Article 2.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 1 est adopté?

Des voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, l'article 1 est adopté sur division. Nous en sommes maintenant à l'article 2. M. le président du Conseil du trésor, sur l'article 2.

M. Léonard: Oui, M. le Président, un instant.

Alors, si je le lis: «Toute infirmière ou tout infirmier qui a cessé d'exercer ses fonctions en raison de la grève en cours doit, à compter de 16 heures le 3 juillet 1999, retourner au travail selon son horaire habituel.»

Il s'agit de demain, de samedi. Cette disposition comporte l'obligation, pour les infirmières et les infirmiers qui sont actuellement en grève, de retourner au travail. Le moment est fixé et clair, c'est demain, à 16 heures, quatre heures de l'après-midi. Alors, c'est pour cela que nous nous disons qu'il s'agit d'une loi de retour au travail: elle fixe un délai ou une heure précise où tout le monde doit revenir au travail. Normalement, on pourrait demander qu'ils reviennent avant, mais, en tout état de cause, compte tenu de la situation, c'est la date que nous avons fixée, c'est l'heure que nous avons fixée pour qu'ils reviennent au travail. Je souligne que, dans le reste du texte, il n'y a pas de sanctions dans cette loi qui sont liées à cette obligation actuellement.

M. Chagnon: Est-ce qu'il y a une raison particulière pour l'heure? Est-ce qu'il y a...

Mme Marois: C'est essentiellement le quart de travail. Si vous permettez, M. le Président, c'est essentiellement le quart de travail qui reprend à 16 heures, en fin d'après-midi. Nous ne voulions pas non plus, puisqu'il a été de notre intention depuis le début, nous l'avons dit... Nous ne voulions pas brusquer les gens sans qu'ils aient un préavis raisonnable. Nous croyons que le fait d'avoir déposé aujourd'hui cette loi, d'en débattre maintenant, de l'adopter, sans doute, d'ici quelques heures – sans présumer, quand même, de la fin de nos travaux – donne suffisamment de temps pour que les gens aient le temps de s'organiser, de répondre positivement à la loi et d'accepter ce que la loi propose. Et on pense que c'est raisonnable. On aurait pu, bien sûr, dire: À compter de minuit ce soir, les infirmières devraient entrer au travail.

Et par ailleurs nous voulions aussi... Je pense que ça va dans le sens de tout ce que nous avons fait depuis le début des échanges, des discussions, que nous avons eus avec la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, avec lesquels nous avons toujours tenté de garder les échanges au niveau le plus serein possible compte tenu des circonstances, et les plus respectueux possible aussi. Nous avons pensé qu'il était aussi pertinent de donner un espace dans le temps à la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec qui a aussi une période, parce qu'on voit – il faut lire peut-être cet article avec l'article 4 – qu'il y a de prévu, à l'article 4, un appel à la Fédération qui doit recommander aux associations de salariés de mettre fin à la grève en cours, mais, au plus tard, à 14 heures, le 3 juillet, soit la même journée.

Alors, c'est toujours dans une perspective où nous ne voulons pas d'une loi revancharde, où nous ne voulons pas d'une loi qui crée un effet de surprise et de déstabilisation sur lequel nous compterions ensuite pour appliquer des sanctions. Encore une fois, mon collègue le président du Conseil du trésor l'a bien dit, cette loi ne comporte qu'un élément de plus, en termes de sanctions, qui touche plutôt les activités de l'organisation syndicale. Parce que justement nous voulions que solennellement, comme il en est de notre devoir, l'Assemblée nationale, par un geste significatif qui est celui de l'adoption d'une loi redisant l'importance qu'ont à nos yeux les services essentiels que sont les services de santé du Québec... que les infirmiers et infirmières en grève illégale allaient acquiescer à cet appel, et à cette volonté, et à cette loi aussi, qui est une loi qui vient simplement confirmer ce que nous affirmons depuis, il me semble, un long moment au Québec, que nous croyons être capables de régler nos conflits, soient-ils dans la santé, soient-ils ailleurs, par la voie de la négociation, mais que, dans la santé en particulier, il est inacceptable qu'il y ait des grèves illégales.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres remarques, M. le député de Westmount–Saint-Louis?

M. Chagnon: Enfin, je ne veux pas essayer de contribuer à l'autofilibuster du gouvernement, mais, M. le Président, j'aimerais savoir du président du Conseil du trésor, compte tenu de ce qu'il nous disait sur les jugements rendus par la Commission des services essentiels, à quel endroit il a pris des injonctions ou encore à quel endroit les établissements ont pris des injonctions pour faire en sorte que l'ordre édicté par le Conseil des services essentiels puisse être validé d'abord puis ensuite être organisé par les tribunaux.

Le Président (M. Bissonnet): Voulez-vous répondre? M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Le Conseil des services essentiels pourrait en prendre. Il n'en a pas pris encore à ma connaissance.

Une voix: C'est les établissements...

M. Léonard: C'est les établissements qui pourraient les prendre? C'est les établissements qui doivent s'adresser à la Cour supérieure.

M. Chagnon: Et pourquoi les établissements n'en ont-ils pas pris, selon vous? Ce ne serait pas normal?

(Consultation)

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que...

M. Chagnon: Est-ce qu'on peut avoir une réponse cette année?

Le Président (M. Bissonnet): Oui, ça va, M. le député.

M. Léonard: M. le Président, les établissements n'ont pas encore entrepris, si je comprends, de procédure d'outrage au tribunal.

M. Chagnon: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Je vous ferais remarquer que l'article 111.20 de la loi sur les services essentiels stipule que le Conseil peut déposer une copie conforme d'une ordonnance rendue suivant l'article 111.17 au bureau du greffier de la Cour supérieure.

Mme Marois: Ça a été fait.

M. Léonard: Ça a été fait.

(19 heures)

M. Chagnon: Ça a été fait. Et personne n'a pris... Il n'y a aucun établissement qui a jugé à propos... Semble-t-il, ça n'était pas suffisamment important pour qu'un établissement juge à propos de demander une injonction.

Mme Marois: Je ne pense pas que... C'est ça. Je ne pense pas que...

M. Chagnon: Non. Alors, qu'est-ce qu'on fait ici, nous?

Mme Marois: Non, je ne pense pas que c'est comme ça qu'il faut analyser le tout. Ça a beaucoup de conséquences, on le sait, que ces poursuites, que ces injonctions, et le Procureur général du Québec a évalué, par ailleurs, l'état de situation et un certain nombre de dossiers et a décidé, lui, de poursuivre les associations syndicales par des poursuites importantes, c'est-à-dire par des peines qui peuvent se traduire de façon... qui sont très importantes et qui peuvent constituer des montants significatifs, si les associations étaient trouvées coupables, ou responsables de ces incitations à la grève. On parle de près d'une dizaine de millions de dollars actuellement. Donc, on ne peut pas dire que le gouvernement n'a pas agi ou que les gestes posés dans l'illégalité n'ont pas été poursuivis.

De la même façon, M. le Président, vous savez qu'il y a des mesures de prévues à la loi 160 qui s'appliquent actuellement par les établissements, soit la non-rémunération de chaque heure passée en grève illégale, mais du double du temps où la personne a été en grève illégale, et, par ailleurs, le prélèvement syndical, aussi, auquel on ne procède plus dans les établissements pour chaque jour de grève tenu, et pour une valeur de 12 semaines à chaque jour de grève, ce qui a des conséquences importantes sur les associations et organisations syndicales qui, évidemment, dans le cas présent, sont ceux et celles aussi qui doivent recommander le retour au travail, mais qui parfois incitent aussi, évidemment, à ce qu'il y ait grève.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors...

M. Léonard: M. le Président...

Mme Marois: M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): ...je vous rappelle qu'il faut que je partage le temps entre les deux côtés. Alors, je vous demanderais d'essayer que vos réponses soient les plus brèves possible et les plus concises pour permettre aux deux partis de pouvoir intervenir. Alors, M. le président du Conseil du trésor, vous voulez rajouter, là?

M. Léonard: Oui, bien, très rapidement. C'est que, dans la loi 160, il y a une gradation des sanctions: il y a des sanctions d'ordre personnel, en quelque sorte, les syndiqués qui font la grève illégalement ont des amendes; il y a l'association qui a des amendes; il y a ensuite toute cette question de perte d'ancienneté qui est un des volets importants de la loi 160; il y a, par la suite, des injonctions qui peuvent être prises; il y a aussi des poursuites qui pourraient être intentées au plan civil, même allant jusqu'au recours collectif.

M. Chagnon: M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: ...l'histoire de la loi 160, on la connaît. Vous nous parlez de sanctions, vous nous avez dit tout à l'heure que la nouvelle loi ne comportait pas de nouvelles sanctions, vous ne nous parlez rien que des sanctions. Moi, je voulais demander... parce que... Puis, dans le fond, c'est ça, le vrai problème, il faut que les gens rentrent pour s'assurer que les services soient donnés à l'ensemble des malades. Pour que les gens rentrent, l'injonction, c'est le moyen. Comment se fait-il que vous ne l'avez pas fait faire, que vous ne l'avez pas fait vous-même? C'est ça, la question. Est-ce que vous étiez plus intéressé par les sanctions que par le fait que les gens rentrent?

Une voix: Par le spectacle d'aujourd'hui.

M. Chagnon: Ou par le spectacle d'aujourd'hui?

Le Président (M. Bissonnet): M. le président du Conseil du trésor.

Mme Marois: C'est l'établissement qui...

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre.

Mme Marois: ...doit, généralement, prendre l'injonction. Les établissements ont été très fermes, les associations d'établissements ont été très fermes à l'égard de leurs membres. Je me permets d'ailleurs, M. le Président, de souligner justement ce qu'ont dit les quatre associations patronales, soit l'Association des hôpitaux du Québec, l'Association des CLSC et centres d'hébergement et de soins de longue durée, l'Association des centres jeunesse du Québec de même que l'Association des établissements privés conventionnés...

M. Chagnon: Mais pourquoi n'ont-ils pas pris d'injonction?

Mme Marois: ...qui ont dit ceci: «Nous appuyons la position de fermeté prise par le gouvernement à l'endroit de la grève illégale de la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, et l'ensemble des associations d'établissements se sont concertées pour enjoindre leurs membres respectifs, sans délai, de faire connaître aux infirmières l'application des sanctions de la loi 160. Il est dorénavant impossible de passer l'éponge ou de donner l'impression de passer l'éponge sur les gestes illégaux posés par la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.» Et on suggère aux établissements – et ce sont les associations qui font cela – de faire montre de fermeté et ainsi éviter une escalade désastreuse... Bon. On termine en disant que «n'importe quelle grève, et à plus forte raison une grève illégale des infirmières au début d'un été qui s'annonçait déjà difficile, est inacceptable dans les hôpitaux».

Alors, les institutions ont choisi d'appliquer les mesures prévues à la loi 160. Il y a eu des plaintes de déposées par le Procureur général, et aussi une demande...

M. Léonard: Les associations d'hôpitaux qui ont demandé une injonction, qui ont obtenu une injonction.

Mme Marois: ...et les associations suivantes: les associations d'hôpitaux... Bien, enfin, les mêmes associations que je viens de mentionner, mais comprenant l'ensemble des hôpitaux du Québec, pour l'essentiel, ont effectivement demandé une injonction. C'est bien cela?

M. Léonard: Oui.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, M. Brière, pour M. le président du Conseil du trésor.

M. Brière (Jules): Oui. Juste techniquement, il faut faire la distinction entre l'injonction et l'outrage au tribunal. Ce qui a été obtenu par les associations d'hôpitaux, c'est une injonction du Conseil des services essentiels qui a été déposée en Cour supérieure et qui a le même effet, donc, qu'un jugement de la Cour supérieure. Donc, il existe une injonction en ce moment, et ce qu'il resterait à faire, c'est d'obtenir sa sanction par une requête pour outrage au tribunal, ce qui ajouterait des amendes additionnelles simplement, ça n'aurait pas d'autre effet.

M. Chagnon: Alors, est-ce qu'on peut savoir, M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Je pose la question au président du Conseil du trésor, tout en vous demandant de bien garder le temps, de continuer à bien garder le temps...

Le Président (M. Bissonnet): Bien, j'essaie de garder le temps, M. le député.

M. Chagnon: M. le président du Conseil du trésor, pourquoi n'avez-vous pas procédé comme vient de vous le suggérer votre avocat, Me Brière?

Une voix: Bien oui, écoute ton avocat.

M. Chagnon: Franchement...

M. Léonard: ...injonction...

Mme Marois: C'est ça.

M. Léonard: ...ça a été obtenu.

Une voix: Mais oui, mais tu ne l'as pas appliquée.

M. Chagnon: Pourquoi vous ne l'avez pas appliquée? Pourquoi vous n'avez pas fait en sorte que cette injonction-là s'applique? Elle est là. Elle est là.

M. Gautrin: Ha, ha, ha! Ce n'est pas possible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Bien non! Pourquoi le carnaval, M. le Président? Pourquoi on est ici à faire un carnaval...

Mme Marois: Il faut quand même savoir de quoi on parle, là.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Chagnon: ...si le gouvernement n'est même pas capable de faire respecter la loi, premièrement...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, un à la fois.

M. Chagnon: Nous avons la parole, là.

Le Président (M. Bissonnet): Vous pouvez vous exprimer, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Je vous remercie. M. le Président, c'est un triste spectacle que nous avons devant nous, de voir le gouvernement qui n'a même pas fait ses devoirs préliminaires: faire en sorte de faire respecter l'ordonnance du Conseil des services essentiels, qui est en soi une injonction. Leur avocat vient de leur dire comment faire pour la faire respecter, puis ils sont tout étonnés de comprendre et d'apprendre qu'il fallait la faire respecter.

M. le président du Conseil du trésor, pourquoi n'avez-vous donc pas suivi le conseil de votre avocat?

Le Président (M. Bissonnet): Qui est-ce qui va répondre, là?

Mme Marois: M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Marois: ...ce qu'il faut savoir, c'est que le résultat de cette démarche permettrait que des amendes additionnelles soient imposées par les associations concernées. Il faut savoir que nous n'avons pas été très tendres jusqu'à maintenant, à ce que je sache, à cet égard, même que certains ont trouvé que c'était peut-être un peu lourd que les plaintes qui ont été déposées et qui sont de l'ordre de plus d'une dizaine de millions de dollars. Alors, je ne vois pas vraiment, là, exactement où l'opposition veut en venir, sinon d'essayer d'éviter les vraies discussions et de se défiler pour ne pas avoir à voter pour une loi qui condamne l'illégalité d'une grève dans les services de santé, M. le Président. Est-ce que quelqu'un a eu l'impression, depuis quelques jours, que le gouvernement n'était pas sérieux...

Une voix: Oui.

(19 h 10)

Mme Marois: ...que le gouvernement ne posait pas les gestes qu'il fallait poser, en sachant aussi que nous ne voulions pas mettre de l'huile sur le feu? Et nous pensons toujours...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: ...que ce n'est pas utile de le faire. Peut-être l'opposition a-t-elle, elle, cette attitude, qu'elle a déjà eue d'ailleurs pas mal et appliquée surtout par le passé. Ce n'est pas la nôtre, M. le Président. Nous sommes des gens responsables, nous assumons pleinement nos responsabilités. Les sanctions, les pénalités qui peuvent s'appliquer le sont. Les poursuites sont déposées. L'injonction, si je comprends, a été signifiée.

Le Président (M. Bissonnet): ...

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il me semble que, d'ores et déjà, c'est assez clair, les plaintes déjà déposées, avec ce qu'elles ont comme conséquences en termes d'infractions à payer, sont assez élevées, merci. Est-ce que, quelques autres poursuites s'ajoutant et faisant monter la facture, on changera le résultat? Je pense qu'à ce moment-ci il me semble que ce qui peut changer le résultat, c'est une attitude responsable des membres de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. M. le député de Westmount–Saint-Louis, je vous reconnais.

M. Chagnon: Alors, M. le Président, on est en train de faire la démonstration on ne peut plus clairement que le gouvernement a justement mal fait ses devoirs. Si on est rendu là, c'est parce qu'il n'a pas fait respecter l'injonction par le biais de ses établissements. Il n'a pas fait respecter l'injonction. Puis quel aurait été le respect de l'injonction? Qu'est-ce que ça aurait voulu dire? Le respect de l'injonction, selon Mme la ministre, ça aurait amené des amendes plus grosses. Bon, et voilà. Mais ça aurait aussi amené les personnes qui auraient été susceptibles d'être attaquées pour outrage au tribunal à retourner au travail. Or, c'est justement ce qu'ils ont empêché de faire en ne faisant rien, premièrement.

Une voix: C'est ça.

M. Chagnon: Deuxièmement, M. le président du Conseil du trésor – youhou! M. le président du Conseil du trésor, on est dans la même assemblée – l'article 9 de la loi des services essentiels, peut-être que je vous apprends qu'elle vous donne le droit de passer un décret, sans appeler l'Assemblée nationale, pour assurer les services, et particulièrement les services essentiels, l'article 9. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait? Je parle au président du Conseil du trésor, c'est lui qui présente la loi.

Mme Marois: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Marois: C'est intéressant, le débat que nous avons actuellement. Il y a un gouvernement avant nous qui s'est trouvé dans une telle situation de grève illégale. Nous avons voté d'ailleurs – nous étions dans l'opposition à l'époque – avec le gouvernement. Nous avons fait, oui, de nombreuses interventions parce que ça nous crevait un peu le coeur. Mais nous sommes responsables, et nous l'avons fait. Alors, le gouvernement a adopté une loi, entre autres, la loi 160. Il l'a appliquée. Il l'a appliquée dans toute sa rigueur. Il a appliqué, entre autres, certains articles suspendant ou enlevant l'ancienneté d'un certain nombre de personnes qui avaient violé la loi. Alors, il a fait ça. Il a évidemment fait des plaintes, déposé sans doute des injonctions, s'assurer que les établissements le font. Et il en a rajouté comme ça. Il en a tellement rajouté, M. le Président, qu'après ça il a décidé de revenir sur les gestes qu'il avait posés et d'annuler – d'annuler – les sanctions qu'il avait prises, incapable qu'il était de les appliquer. C'est ça qu'a fait le gouvernement qui nous a précédés.

Et là, aujourd'hui, devant nous, on a des gens qui voudraient essayer de nous faire la leçon et de nous dire comment on devait procéder, mais en même temps surtout s'en laver les mains, M. le Président, et dire: Nous ne voterons pas pour ce projet de loi et nous sanctionnerons ainsi la grève illégale. C'est ça qu'on est en train de nous dire. Nous avons agi d'une façon raisonnable et nous continuerons de le faire, parce que je pense que c'est comme ça qu'on maintient aussi dans notre société les rapports les plus sains, les plus harmonieux possible, même en cas de conflit, même en cas de difficultés comme ce que nous vivons maintenant. Mais c'est ce qu'avait fait le gouvernement qui nous a précédés, et, quand il a signé les protocoles de retour au travail, il a effacé tout un tas d'infractions qu'il avait signifiées ou ne les a tout simplement pas signifiées, M. le Président. Alors, je trouve que de nous faire la leçon aujourd'hui pour ensuite être capable de se laver les mains de ce conflit, c'est assez inadmissible. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Alors, M. le Président, nous avons un amendement sur l'article 2, et mon collègue va vous le lire, mais, en attendant, permettez-moi de vous dire ceci. Nous sommes à l'article 2 d'un projet de loi qui en compte plusieurs et nous savons déjà – il est pertinent de le dire – que le gouvernement non seulement n'a pas fait respecter l'injonction qu'il avait par le biais du Conseil des services essentiels, il n'a pas réussi à la faire respecter, ce qui a fait en sorte que les gens ne sont pas retournés au travail, le gouvernement n'a pas fait ses devoirs, ni par le respect de l'injonction dont nous parlons, l'injonction émise par le Conseil des services essentiels, ni non plus par l'application de l'article 9 – et non pas de l'article 23, comme nous parlait Mme la ministre – de la Loi sur les services essentiels qui aurait permis au gouvernement, justement, de décréter des services essentiels, comme il aurait été aisé de le faire sans faire tout le spectacle dans lequel nous sommes ni plus ni moins que les joueurs pour faire plaisir à ce gouvernement, un peu comme les autres députés qui sont appelés de façon servile à faire en sorte de suivre la parade commandée par le premier ministre et son cabinet.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun, vous avez un amendement?

M. Gautrin: Oui. M. le Président. Voici, la ministre a beaucoup parlé...

Mme Marois: ...il faudrait répondre à...

Le Président (M. Bissonnet): Oui.

Une voix: On peut-u, s'il vous plaît, prendre notre temps?

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît. S'il vous plaît. Je tiens à vous dire au départ que, au niveau du temps...

Alors, il y a 32 minutes de ce côté-ci puis 14 de l'autre côté. Alors, j'essaie...

Une voix: Pardon?

Le Président (M. Bissonnet): Vous avez pris 32 minutes dans vos réponses, dans vos remarques préliminaires, et l'opposition a pris 14 minutes. Alors, je vais vous permettre, mais très brièvement, M. le président du Conseil du trésor, pour une réponse à une remarque du député de Westmount–Saint-Louis...

M. Léonard: Non, bien, M. le Président, c'est parce qu'on fait...

Le Président (M. Bissonnet): Ou vous reviendrez tantôt, si vous voulez.

M. Léonard: Oui. Je reviendrai tout à l'heure.

Le Président (M. Bissonnet): Ça va? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Bien, M. le Président, voici. Donc, tout autour de ce débat, bien des fois, le gouvernement est intervenu pour prétendre que la grève était illégale, et nulle part dans la loi il n'est fait référence à l'illégalité de la grève en cours actuellement. Il me semble qu'il serait nécessaire à l'heure actuelle, dans le projet de loi, de faire référence au fait que cette grève est illégale. Alors, j'aimerais, M. le Président, déposer l'amendement suivant: Que le projet de loi n° 72 est modifié par le remplacement, à l'article 2, des mots «de la grève en cours» par les mots «d'une grève en cours qui aurait été déclarée illégale».

Et je peux vous en donner la version anglaise, si vous voulez: Bill 72 is amended by replacing, in article 2, the words «of the strike in progress» by the words «a strike in progress that had been claimed to be illegal». Je peux vous donner copie...

Une voix: ...on l'a déjà.

M. Gautrin: Vous l'avez déjà.

Le Président (M. Bissonnet): Avez-vous des copies pour...

M. Gautrin: Bien sûr, M. le Président. C'est avec plaisir que je donnerai copie, versions anglaise et française, à nos amis du gouvernement.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a des remarques sur l'amendement?

Mme Marois: M. le Président, avant qu'on ne procède aux remarques sur l'amendement, on faisait référence à l'article 9, tout à l'heure, de la Loi sur le maintien des services essentiels, et, à l'article 9, là, ça permet de modifier par décret une convention collective pour assurer les services essentiels, mais ça n'a rien à voir avec le retour au travail. Alors, je ne vois pas, là...

M. Gautrin: ...

Mme Marois: À un moment donné, il ne faut pas dire n'importe quoi, M. le Président. L'article 9...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Mme Marois: ...ne dit pas cela...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, Mme la ministre.

M. Mulcair: M. le Président...

Mme Marois: ...c'est un décret pour assurer les services.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.

M. Mulcair: ...question de règlement.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, question de règlement, M. le...

M. Mulcair: Oui, sur la pertinence, M. le Président, on a un amendement de déposé. La ministre a manqué le bateau tantôt, elle tente de revenir. Qu'elle utilise son temps à un autre moment donné. Ils ont déjà utilisé deux fois plus de temps que ce à quoi ils avaient droit, et c'est notre tour de débattre de notre amendement. Et ce n'est absolument pas pertinent vis-à-vis de l'amendement, ce qu'elle est en train de dire, comme c'est son habitude.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, j'ai reçu un amendement à l'article 2, je demande s'il y a des remarques sur l'amendement. Est-ce qu'il y a des remarques? Est-ce que l'amendement à l'article 2...

Mme Marois: Non.

Une voix: On va attendre des explications.

Mme Marois: On va attendre des explications, on veut comprendre ce qu'on veut nous proposer.

Le Président (M. Bissonnet): Des explications. Avez-vous des explications, M. le député de Verdun?

M. Gautrin: M. le Président, je l'ai dit en le présentant, si vous me permettez à l'heure actuelle...

Le Président (M. Bissonnet): Prenez votre temps, là, on vous demande des explications additionnelles.

(19 h 20)

M. Gautrin: Merci. Sans vouloir prendre trop de temps, parce que...

Mme Marois: Vous avez tout le temps.

M. Léonard: Vous avez 18 minutes.

M. Gautrin: Non, non. Vous permettez? Je pense qu'on a un projet de loi important avec de nombreux articles que nous devons amender. Donc, on ne perdra pas trop de temps sur l'article 2 actuellement. Je pense néanmoins qu'il est nécessaire de bien préciser, dans l'article 2, que, si on est ici pour débattre d'un projet de loi, non pas d'une grève en cours, mais d'une grève qui est notée comme étant illégale... Et c'est le sens de mieux préciser le projet de loi, de l'amendement que nous avons déposé ici. Alors, je ne prendrai pas tout le temps qui vous serait précieux. À moins que les ministériels considèrent que la grève n'est pas illégale. Dans ces conditions-là, ils pourront voter contre notre amendement et, à ce moment-là, on verra où on est rendu.

Mme Marois: M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, vous êtes deux. Vous parlez tous les deux en même temps.

Mme Marois: Ha, ha, ha! Ils sont quatre, l'autre côté.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, j'aimerais en reconnaître un à la fois. Alors, qui est-ce qui va parler, de vous deux?

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Marois: C'est ça. Vous avez remarqué cependant que nous sommes tout à fait cohérents d'une intervention à l'autre et très consistants en ce sens.

Le Président (M. Bissonnet): On ne peut pas être deux à la fois.

Mme Marois: Alors, M. le Président, c'est absolument inutile d'ajouter un amendement comme celui-là, puisque, à sa face, est-ce que quelqu'un doute quelque part que la grève que l'on connaît actuellement soit illégale? Il me semble qu'avec la batterie de gens de loi que nous retrouvons dans l'opposition, dont certains sont devant nous cet après-midi, ils devraient être capables d'évaluer ça très simplement. Qu'on pense au fait qu'on n'est même pas allé en médiation, qu'on n'a pas respecté la loi, justement la Loi sur les services essentiels, M. le Président.

Et donc, oui, c'est une grève illégale. On peut considérer que les causes qui l'ont amenée, que les propositions de changement ou d'amélioration des conditions de travail sont justifiées, et elles le sont en grande partie, puisque nous l'avons admis et même corrigé, mais il n'y a rien qui permet que, dans le secteur de la santé, on accepte qu'il y ait une grève illégale sans que, préalablement, on ne se soit entendu sur la liste des services essentiels, que le Conseil des services essentiels ne l'ait reconnue, qu'on ait procédé par voie de médiation lorsqu'il y a blocage dans le conflit.

Alors, en ce sens, je pense que ce serait superfétatoire que d'ajouter cet amendement, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'amendement présenté par M. le député de Verdun et modifiant l'article 2 est adopté?

M. Chagnon: Il y a un problème dans l'argumentation de Mme la ministre.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis, sur la même question.

M. Chagnon: Si je comprends bien, cette loi-là, elle n'est pas conjoncturelle. Elle va être inscrite à l'intérieur de nos statuts refondus. Si on l'adopte comme cela, eh bien, c'est que le gouvernement vient de décider qu'il n'y aura plus jamais de grève des infirmières. On vient d'abolir le droit de grève des infirmières, puisqu'il s'agit non pas d'une grève illégale, mais faire abstraction de l'illégalité de cette grève-ci pour éviter, dans l'avenir, toute espèce de grève où que ce soit, quand que ce soit.

Mme Marois: Alors, M. le Président, c'est très clair. On dit: «...en raison de la grève en cours – ce n'est pas de n'importe quelle grève dont il s'agit, alors donc, c'est la grève en cours – doit, à compter de 16 heures le 3 juillet 1999...» Ce n'est pas le 3 juillet 2000, 2001.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Très brièvement, il est bien important... Et comprenez-moi bien, on est en train de voter une loi, et c'est sérieux. Et toute la base de votre argumentation a été autour que cette grève était illégale. Donc, ce qu'on dit, si on est en train de faire une loi spéciale de retour au travail, c'est bien parce que vous dites que la grève est illégale. Donc, ce qu'on vous dit: Mettez donc dans la loi que la grève en cours, elle est reconnue comme étant illégale.

Ou bien vous me dites non. Alors, à ce moment-là, on ne saura plus pourquoi on se trouve ici. Vous prétendez partout que la grève est illégale. Nous, on vous dit: Mettez-le dans la loi. Maintenant, vous dites: On n'a pas besoin de le mettre dans la loi, parce que tout le monde le sait. Franchement, vous avez une manière de raisonner qui ne m'impressionne aucunement.

Mme Marois: M. le Président, moi, je ne cherche pas à impressionner notre collègue le député de Verdun; je cherche à expliquer ce qu'on fait, et pourquoi on le fait, et pourquoi il n'est pas utile de rajouter cela, ça n'a pas de conséquence, M. le Président, et il n'y a personne... Je pense que je serais très inquiète si mes collègues d'en face évaluaient que cette grève n'est pas, à leurs yeux, une grève illégale. Et on ne la fait pas, cette loi, essentiellement pour que les infirmiers et infirmières du Québec entrent au travail, on la fait pour que les services aux malades soient rendus.

Et, pour ce faire, c'est évident, oui, qu'on doit retourner au travail. Et on essaie de proposer une façon de faire qui soit raisonnable, je le répète, et non seulement cela, mais une loi qui convient que ce que nous avons retenu comme entente s'applique dès maintenant, qui convient donc d'un certain nombre de choses, et qui n'est pas une loi en soi punitive autrement que par certaines mesures touchant les personnes dégagées ou libérées pour activité syndicale, qui, lorsque la grève a lieu, sont aussi pénalisées au plan du salaire, M. le Président. Sinon, c'est un geste, je le répète, solennel, majeur, de l'Assemblée nationale du Québec pour rappeler que nous ne pouvons accepter une grève illégale dans les services de santé au Québec.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que l'amendement proposé par M. le député de Verdun amendant l'article 2 est adopté?

M. Gautrin: Adopté.

Mme Marois: Contre.

Le Président (M. Bissonnet): Rejeté. Sur division.

Mme Marois: Rejeté.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 2 est adopté?

Mme Marois: Adopté.

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): L'article 2 est adopté sur division. Je rappelle aux membres de la commission plénière qu'il reste une heure à nos débats. Alors, nous en sommes à l'article 3.

Mme Marois: Alors, l'article 3, M. le Président: «Un établissement doit, à compter du même moment, prendre les moyens appropriés pour que soient dispensés les services de soins infirmiers habituels.»

C'est évidemment le terme le mieux choisi dans le cas présent, «habituels», parce que, comme la reprise du travail se fait, on le comprend bien, un samedi après-midi, habituellement, les fins de semaine, il y a moins de services parce qu'il n'y a pas de chirurgies électives, il n'y a pas de rendez-vous chez le médecin, etc. Donc, c'est la raison qui explique pourquoi nous avons choisi «habituels». S'il s'agissait des services du lundi matin, ce seraient les services habituels du lundi matin. Et c'est en ce sens-là qu'on a voulu utiliser cette expression qui nous apparaît correspondre à l'intention que nous avons.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun, sur cette question.

M. Gautrin: M. le Président, il est clair que le terme «habituels» est vague, peu précis et ne réfère à peu près à rien. Il y a des termes, dans la tradition des lois qui sont devant nous, qui sont différents. Un des termes est le terme «adéquats».

Je me permets, M. le Président, de rappeler à la ministre, et il serait bon qu'elle le sache, l'article 5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. C'est important, quand même, M. le Président. «Toute personne a le droit – c'est la loi qu'elle est censée administrer – de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats – on utilise très spécifiquement, M. le Président, le terme "adéquats" – sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée.» On n'utilise pas le terme «habituels». On a réellement: les personnes ont le droit à des services adéquats.

Et ce qu'on demande actuellement, et je vais vous déposer un amendement dans ce sens-là, c'est que le mot «habituels», qui est assez vague, qui fait référence à une tradition, etc., soit remplacé, soit remplacé par quelque chose qui fait référence réellement à ce concept d'«adéquat», qui va un peu plus loin, d'ailleurs, qui fait référence – et c'est tout le débat, actuellement, qui est mis de l'avant par les infirmières – aussi à la qualité des soins et à l'accessibilité aux soins. Parce que tout le débat qu'on a devant nous dans le régime de la santé, M. le Président, c'est pour ça que les infirmières sont en grève aujourd'hui, c'est la question de la qualité des soins, c'est la question de l'accessibilité aux soins.

Alors, M. le Président, dans ce sens-là, je me permets de vouloir déposer un amendement qui va préciser réellement pourquoi les infirmières devraient rentrer. Je vais vous le dire, M. le Président, ce qui serait de remplacer le mot «habituels», qui est vague, non précis, sans sens réel, par les mots «adéquats et nécessaires à la qualité et à l'accessibilité des soins aux patients, de même qu'au respect de l'article 5 de la Loi sur la santé et les services sociaux (L.R.Q, c. S-4.2)».

Il me semble, M. le Président – et la version anglaise...

(19 h 30)

Le Président (M. Bissonnet): La version anglaise également.

M. Gautrin: ...que je pourrais vous déposer aussi, que je n'ai pas devant moi, mais qui est déposée aussi, si vous permettez, M. le Président – il me semble qu'il est important non pas de rester sur une question de tradition, mais de rappeler ici dans la loi que les patients, les malades ont droit à des services adéquats, que ces services adéquats, ce n'est pas uniquement les services habituels – parce que, justement, habituellement, ils n'ont pas toujours les services adéquats – mais que ça touche aussi les questions d'accessibilité, ça touche la qualité des services et ça fait référence, en particulier, à la loi qui est la loi que la ministre est censée appliquer, qui est la Loi sur la santé et les services sociaux.

M. le Président, c'est un amendement qui, à mon sens, est très clair, qui va essayer de qualifier, actuellement, si vous le recevez, la loi et mieux baser, à l'heure actuelle, tout le débat. Parce que rappelons-nous ici que, si on est en train de faire ce débat-là, nous, notre priorité ici, c'est en mesure de la qualité des services aux patients et aux malades, et il est important que, dans cette loi-là, on le rappelle.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Verdun. Donc, cet amendement est recevable. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, sur l'amendement à l'article 3.

Mme Marois: Alors, M. le Président, généralement, un législateur ne parle pas pour ne rien dire. Il a déjà parlé à cet égard. C'est déjà dans la Loi sur la santé et les services sociaux, qui est d'application générale, c'est celle-là qui s'applique en tout temps. Elle s'applique déjà.

Par ailleurs, comme le législateur est généralement ou essaie, du moins, d'être sage, il s'inspire des précédents, et le précédent que nous avons, c'est la loi 160, à l'article 3. C'est une loi qui a été proposée et adoptée par le gouvernement qui nous a... en 1986 et ensuite amendée en 1989, etc., et on fait référence à la notion de «services habituels» à l'article 3 de la loi 160, M. le Président.

Alors, je conviens avec notre collègue le député de Verdun que c'est tout à fait pertinent, ce qui se trouve dans la Loi sur la santé et les services sociaux, et c'est ce qui a cours, et c'est ce qui est appliqué. Donc, il n'est pas utile de retenir l'amendement qui nous est proposé, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Gautrin: M. le Président, très brièvement.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Il est clair, à l'heure actuelle, que ce projet de loi – et la ministre l'a rappelé tout à l'heure – c'est un projet de loi qui doit aussi avoir une vocation pédagogique pour inciter et expliquer. Et, si on n'explique pas, à l'heure actuelle, que les malades ont droit à des services adéquats, si on ne réaffirme pas – et je pense qu'il est important, des fois, de réaffirmer des choses – que les malades ont droit à des services adéquats, que l'accessibilité aux services de santé n'est pas toujours la même partout, que la qualité des services doit être quelque chose qu'on doit maintenir... Et c'est une des raisons pourquoi, à l'heure actuelle, on a besoin que les infirmières retournent au travail. Bon.

Alors, là, on va se cacher derrière le grand mot «habituels» parce qu'on ne veut pas préciser les choses dans la loi. S'il vous plaît, une loi n'est pas seulement un texte pour permettre aux juristes de... Bon Dieu! J'en ai fait assez, de projets de loi, avec chacun pour voir que bien souvent il y a des trous dans la manière dont les lois sont faites par vos juristes, et, à l'heure actuelle, on est en train de se dire: Ayons aussi une vocation pédagogique dans ce que l'on va faire.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que l'amendement proposé à l'article 3 par M. le député de Verdun est adopté?

Mme Marois: Rejeté.

M. Gautrin: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): Rejeté sur division. Exact? Est-ce que l'article 3 est adopté?

Mme Marois: Adopté.

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Nous en sommes maintenant à l'article 4.

Mme Marois: «La fédération doit, au plus tard à 14 heures le 3 juillet 1999, recommander aux associations de salariés de mettre fin à la grève en cours et faire connaître publiquement cette recommandation.»

Alors, je pense que ça se passe de commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre.

Mme Marois: Très brièvement, pour dire que la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec...

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bissonnet): Oui. Quelle est votre question de règlement, M. le député? S'il vous plaît, un instant, question de règlement.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. C'est toujours en rapport avec l'agencement de nos travaux. Maintenant, il reste moins d'une heure aux travaux de cette commission. Comment allez-vous faire pour faire respecter un partage équitable du temps, alors que la ministre continue... Verbomoteur comme on la connaît, elle ne laisse aucun temps à l'opposition pour faire valoir son point de vue, elle donne des historiques à n'en plus finir. Comment allez-vous faire pour faire un partage du temps, alors que, déjà, avec le temps qu'il reste, ça devrait presque être tout dévolu à l'opposition?

Le Président (M. Bissonnet): Je vais faire mon possible, M. le député. Mais je vous demanderais d'être très brève, pour permettre à l'opposition de faire son travail.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, on est passé rapidement à l'article 4, et je comprends qu'on pourrait refaire une renumérotation, mais l'opposition avait un amendement à présenter qui est un nouvel article, entre 3 et 4, qui s'appelle l'article 3.1. Je pense qu'il serait plus clair, avant de débattre de 4, d'écouter notre amendement 3.1, si vous me le permettez.

Le Président (M. Bissonnet): Vous proposez qu'on revienne à l'article 3.1...

M. Gautrin: Pour qu'on puisse avoir un article 3.1.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour revenir à l'article 3.1?

M. Gautrin: Sinon, je le ferai 4.1.

M. Léonard: On ne peut pas adopter 4 avant?

Le Président (M. Bissonnet): L'article 3 est adopté, mais M. le député de Verdun, à ce que je comprends, veut introduire un nouvel article, après l'article 3, qui deviendrait l'article 3.1. Alors, je vous demande le consentement. Je crois que vous devriez le donner.

M. Chagnon: Sinon, ça va devenir 4.1.

M. Gautrin: Sinon, ça devient...

Le Président (M. Bissonnet): Alors, vous avez la permission. Nous sommes à l'article 3.1. Quelle est votre proposition, M. le député?

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, voici, M. le Président, vous comprenez bien qu'à l'article 3, actuellement, on parle des services habituels. Tout le débat actuellement, c'est une question: Est-ce que les moyens sont dans le réseau de la santé pour assurer les services habituels?

Une voix: Adéquats.

M. Gautrin: Nous aimerions... Oui, adéquats, en principe, mais on a laissé «habituels», malheureusement. Alors, on voudrait présenter l'amendement suivant, M. le Président.

«3.1. En contre-partie, le gouvernement doit fournir aux établissements l'ensemble des moyens nécessaires à l'application de l'article 3.»

Le Président (M. Bissonnet): Alors, il est proposé par M. le député de Verdun de rajouter l'article 3.1 qui se lit comme ceci:

«3.1. En contre-partie, le gouvernement doit fournir aux établissements l'ensemble des moyens nécessaires à l'application de l'article 3.»

«Article 3.1. In return, the Government is obliged to provide the institutions with all of the necessary means required for the application of Section 3.»

Est-ce qu'il y a des remarques sur la proposition 3.1? Brièvement, Mme la ministre.

Mme Marois: Brièvement, M. le Président. Il est évident que, encore une fois, on est redondant par rapport à la loi générale de la santé et des services sociaux qui prévoit que les moyens soient disponibles pour offrir les services qu'on s'engage à offrir.

Le Président (M. Bissonnet): D'autres remarques sur 3.1? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que vous avez reçu l'amendement? C'est bien ce que je comprends?

Le Président (M. Bissonnet): Je l'ai reçu, l'amendement.

M. Gautrin: Merci. Comprenez bien, M. le Président, toute la base du débat, à l'heure actuelle – j'ai écouté, moi aussi, les infirmières, etc., et j'ai écouté les dirigeants du réseau – c'est que les établissements se plaignent de ne pas avoir nécessairement les moyens pour offrir les services habituels, les services adéquats, et je comprends bien que vous avez dit qu'«habituels» comprenaient les services adéquats.

Alors évidemment, actuellement, ce dont se plaignent les établissements du réseau, c'est qu'ils n'ont pas l'ensemble des moyens pour pouvoir offrir ces services adéquats qui sont habituels.

Alors, M. le Président, je pense qu'il n'est pas inutile, dans la loi, ici, de rappeler qu'il y a un équilibre nécessaire, bien sûr, entre, d'une part, les infirmières, à qui on demande de reprendre le travail, mais, d'autre part, nous, comme législateurs, qui disons au gouvernement: Vous devez fournir les moyens aux établissements pour pouvoir assurer la qualité des services, l'accessibilité aux services. Et je pense, M. le Président, que ça ajoute ici, à la loi, un équilibre entre, d'un côté, ce qu'on demande aux infirmières et, de l'autre côté, l'engagement que les législateurs demandent au gouvernement de faire, c'est-à-dire de fournir aux établissements l'ensemble des moyens pour atteindre ce qu'on demande à l'article 3.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que la motion, proposée par M. le député de Verdun, proposant l'article 3.1 est adoptée?

Des voix: Adopté.

Des voix: Rejeté.

Le Président (M. Bissonnet): Rejeté sur division. Article 4. Est-ce qu'il y a des remarques à l'article 4?

M. Chagnon: Ah oui, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: J'aimerais savoir, de la part du président du Conseil du trésor, s'il y a de la jurisprudence dans les faits où on retrouve une loi qui ordonne à une fédération d'employés d'annoncer à telle heure qu'elle va mettre fin à la grève, que ses employés devront mettre en application deux heures plus tard.

(Consultation)

M. Léonard: On ne dit que oui... Une association de salariés... On me dit que ça existe dans la Loi assurant la continuité des services d'électricité d'Hydro-Québec en 1990, mais, à cette occasion-là, c'était pour une association de salariés, non pas pour une fédération. C'est à l'article 8 de cette loi. C'est une loi que vous aviez proposée lorsque vous étiez de ce côté-ci de la Chambre.

Le Président (M. Bissonnet): D'autres remarques sur l'article 4? Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Gautrin: Sur division.

M. Léonard: On me donne une autre référence, 1987, enfin...

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): L'article 4 est adopté sur division. L'article 5, Mme la ministre.

Mme Marois: «Une association de salariés doit, au plus tard à 14 heures le 3 juillet 1999, faire connaître aux salariés qu'elle représente son intention de mettre fin à la grève en cours.»

(19 h 40)

C'est essentiellement du même ordre que l'article précédent et cela invite les associations de salariés, tel que décrit à l'article 1, à faire valoir auprès de leurs membres leur intention de cesser la grève illégale et donc de retourner, en conséquence, au travail.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des remarques? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Moi, j'ai une question. Vous avez utilisé bien sûr, ici, une rédaction différente à l'article 5 qu'à l'article 4. À l'article 4, c'est une question de «recommander aux associations de salariés»; là, «une association [...] faire connaître aux salariés qu'elle représente son intention de mettre fin à la grève». Est-ce qu'elle... Non. C'est l'association ici.

Une voix: Oui, c'est ça.

Mme Marois: Ça, c'est...

M. Gautrin: Attention. Vous dites: «son intention». Actuellement, tout ce que vous demandez, pour 14 heures le 3 juillet, à une association de salariés – on se comprend bien – vous lui demandez de faire savoir son intention de mettre fin à la grève. C'est seulement une intention que vous demandez aux associations de salariés pour mettre fin à la grève, et vous nous faites revenir ici pour faire voter un article dans lequel vous dites... Pour le retour au travail, vous allez demander simplement aux associations de signaler une intention éventuelle de mettre fin à la grève et vous demandez que, à 14 heures le 3 juillet, ils signalent leur intention de mettre fin à la grève.

Bon, si c'est ça, ça confirme ce que disait tout à l'heure mon collègue de Westmount–Saint-Louis, on est ici réellement dans un grand cirque pour vous permettre de faire un peu de médiatique, et vous auriez pu régler ce problème-là de beaucoup d'autres manières.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, je pense que le député de Verdun pourrait peut-être aller dire ça aux malades, qu'on est ici pour faire un grand cirque, hein.

Une voix: Bien sûr...

Mme Marois: Alors, peut-être que ce serait acceptable? Non. M. le Président, on a choisi les termes adéquats, puisque dire son intention de mettre fin à la grève signifie, a contrario, qu'on n'a pas l'intention de faire la grève. Alors, c'est simplement cela qui est dit ici, à savoir que, comme association, elle a l'intention de mettre fin à la grève et ainsi de faire connaître cette position aux salariés qu'elle représente. Et ici nous parlons évidemment de l'association locale, alors que dans l'article précédent nous parlions de l'association nationale, soit la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Est-ce que l'article 5...

M. Gautrin: Je peux me permettre de brièvement répondre, M. le Président?

Le Président (M. Bissonnet): Allez-y, M. le député, prenez tout votre temps.

M. Gautrin: C'est justement parce que, nous, on est conscients que tout ce que vous mettez de l'avant ne va pas justement dans l'intérêt des malades qu'on fait tout ce débat actuellement autour de la loi qui est de la pure frime du début jusqu'à la fin. Et c'est justement parce qu'on pense aux malades de ce côté-ci, contrairement à ce que vous faites, qu'on est en train justement de débattre de cette loi-là et d'essayer de la voter sur division, parce qu'elle ne règle aucun problème.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. M. le député de Chomedey, la parole est à vous.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. C'est important pour les gens qui suivent nos travaux de bien saisir l'importance du rejet de la part de la ministre. Parce que c'est elle qui parle, même si ce n'est pas elle qui est responsable du projet de loi. Normalement, ça devrait être le président du Conseil du trésor, mais qui se tient coi, qui reste tranquillement dans son coin. Il laisse à une ministre qui n'est même pas responsable de ce projet de loi le soin de tenter de répondre tant bien que mal, tantôt avec pertinence, tantôt sans aucune pertinence.

C'est important que les gens qui nous suivent, M. le Président, réalisent ce qui vient de se passer. Le gouvernement vient d'admettre qu'il n'a pas utilisé tous les moyens à sa disposition pour arrêter la situation existante. Ça, c'est un aveu extrêmement lourd de conséquences.

Quand mon collègue le député de Verdun parle de cirque, il a complètement raison. Il est en train de dire ce que nous avons tous compris: une autre belle tentative purement médiatique de diversion. On va dire que le problème, c'est les infirmières. Le problème, ça ne peut pas être le fait que la même ministre, lorsqu'elle s'occupait du ministère de l'Éducation, a coupé de 50 % les inscriptions en sciences infirmières. Non. Un péquiste, ça ne se trompe jamais. Donc, on va dire que c'est la faute de quelqu'un d'autre. Ça peut être qui, donc? Bien, ça va être la faute des infirmières.

On va convoquer d'urgence l'Assemblée nationale, et le premier ministre lui-même, la veille au soir, va dire: Moi, je vais y aller moi-même m'asseoir à la table des négociations. Who cares? Ça change quoi? Non, non. C'est un cirque, un show auquel on assiste aujourd'hui. Ils avaient les moyens déjà dans la loi, ils ont refusé de l'appliquer, ils ont préféré faire semblant d'agir.

M. le Président, on vient de leur faire des propositions: Dites clairement dans la loi qu'il s'agit d'une grève illégale. Non. CQFD. Pour les infirmières, que ce soit une grève légale ou illégale, la conséquence est la même. On vient de les mettre au défi de prévoir clairement dans la loi que les établissements, les institutions de la santé vont avoir les moyens pour appliquer ce qu'il y a là-dedans.

Il y a une annexe qui parle de clauses normatives. Où est l'argent pour l'appliquer? On leur dit: Faites une obligation pour vous autres mêmes, mettez un article 3.1, dites: On va mettre de l'argent. «We are going to put our money where our mouth is.» Pantoute. Encore une fois, des phrases creuses, des paroles en l'air. Ce n'est rien du tout, ça. C'est de la gnognotte.

Non, non, M. le Président, il n'y a personne de ce côté-ci qui est dupe. Il n'y a surtout personne du côté des infirmières qui n'est dupe. Ils ont tous compris le jeu auquel le gouvernement, et notamment la ministre d'État à la Santé, est en train de se livrer.

M. le Président, on n'a pas de leçons de morale à recevoir de la part de ce gouvernement sur la notion d'État, surtout pas de cette ministre-là qui a présidé à du grabuge comme on n'a jamais vu dans l'éducation en coupant les inscriptions en sciences infirmières, ce qui a été une des causa causans des difficultés que l'on connaît aujourd'hui dans le domaine de la santé.

Et maintenant avec son collègue, elle est en train de sourire. Il n'y a pas de problème. Médiatiquement, ça passe, tout ça. On va réussir à convaincre un certain nombre de personnes que nous, la main sur le foulard Hermès et le collier de perles, dans le gouvernement du Parti québécois...

Des voix: ...

M. Mulcair: ...on est là pour les gens qui ont besoin de soins, alors que ce n'est pas vrai.

Des voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.

M. Mulcair: Ce qu'ils ont fait depuis le début dans cette affaire-là, c'est de s'assurer que le système de santé était sacrifié sur l'autel de leur idéologie, de leur poursuite aveugle du déficit zéro et que la première chose qu'ils allaient couper, c'étaient les services directs à la population. Et on en a la preuve parce qu'ils rejettent même l'obligation de prévoir les moyens nécessaires pour appliquer ce qu'ils ont promis, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): À l'article 5, est-ce qu'il y a d'autres remarques? Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, simplement pour rappeler quelques faits. Peut-être cela sera-t-il utile à notre collègue le député de Chomedey. Cela fait plusieurs fois que, dans les arguments qui sont présentés, soit pour cet article-ci ou pour les articles précédents, il réfère – et son chef l'a fait aussi – à une décision prise en 1996 concernant la réduction des admissions dans les collèges.

Peut-être serait-il utile de rappeler qu'au moment où, comme ministre de l'Éducation, j'ai pris cette décision... Et c'est M. Jean-Robert Sansfaçon – j'imagine qu'on ne va pas l'accuser d'être malhonnête – qui le rappelle dans un éditorial du 27 mai 1999 et qui dit ceci: «La ministre de l'Éducation décidait d'imposer une réduction d'autant que 50 % des admissions dans les collèges, une décision bien accueillie par l'Ordre des infirmières qui publiait à la même époque une étude prévoyant un surplus extraordinaire de 15 000 infirmières pour l'an 2000.»

Alors, ce que j'expliquais au moment où j'ai eu la possibilité de répondre à cette question – mais je crois qu'on n'a pas entendu à ce moment-là la réponse, je me permets rapidement de le rappeler puisqu'on y a fait référence – c'est qu'effectivement...

Une voix: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Non, mais...

Mme Marois: ...cela a été fait dans un contexte où nous n'avions pas engagé les négociations pour nous permettre de corriger la situation financière difficile que nous connaissions due à l'incurie des gens qui nous avaient précédés...

Le Président (M. Bissonnet): En conclusion, Mme la ministre.

Mme Marois: ...et, lorsque donc nous avons engagé les négociations, le choix qu'ont fait les infirmières a été de quitter en plus grand nombre effectivement que ce qui était initialement prévu.

Et donc, je conclus, M. le Président, en disant que la décision, au moment où elle a été prise, était une décision pertinente, juste et adéquate, et qu'elle a dû par la suite être revue à cause d'une autre orientation qui a été retenue sur la base d'une entente avec nos travailleurs et nos travailleuses.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors, est-ce que l'article 5 est adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Rejeté.

Le Président (M. Bissonnet): Rejeté sur division. Article 6.

Des voix: Adopté sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

M. Léonard: Article 5, adopté sur division.

Le Président (M. Bissonnet): C'est une erreur. Ça arrive, des fois. Vous savez, quand on devient impatient, là, ça arrive.

Article 6. Est-ce qu'il y a des commentaires sur l'article 6?

Mme Marois: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a des commentaires?

Mme Marois: On peut peut-être lire l'article 6.

M. Gautrin: Non, non, on sait lire.

Mme Marois: «Si la fédération...»

M. Mulcair: On sait lire, ça va.

Mme Marois: Bien, j'avais cru comprendre, M. le Président, que cet après-midi on avait insisté pour que nous lisions toutes les motions de suspension et tout.

Le Président (M. Bissonnet): Non, mais là, écoutez...

(19 h 50)

Mme Marois: Alors, donc, moi, c'est pour, essentiellement, répondre aux besoins de l'opposition.

Le Président (M. Bissonnet): Non, non, j'ai juste... S'il vous plaît. J'ai reçu... Il y a deux amendements qui ont été déposés ici qui vont être proposés par le gouvernement. Je sais que, l'opposition, vous avez d'autres amendements à proposer. Je voudrais bien qu'on permette au moins qu'on discute de ces amendements-là, si vous le voulez.

Des voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): Non, non, vous avez trois amendements. Ça va, là.

M. Chagnon: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Chagnon: Est-ce que le président du Conseil du trésor pourrait nous dire quelles sont les peines passibles et prévues au paragraphe 3° de l'article 10...

Le Président (M. Bissonnet): 6 ou 10?

M. Chagnon: ...s'il y a contravention à l'article 4 de ce projet de loi?

Le Président (M. Bissonnet): Êtes-vous à l'article 10 ou à l'article 6?

M. Chagnon: Je suis à l'article 6.

Le Président (M. Bissonnet): À l'article 6. Est-ce que vous voulez qu'il répète la question?

M. Léonard: O.K. C'est l'article 10?

Mme Marois: C'est l'article 10.

M. Léonard: Au paragraphe 3° de l'article 10, il s'agit d'une amende de 24 300 $ à 121 400 $ s'il s'agit d'une association de salariés ou d'un groupement d'associations de salariés.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'à l'article 6 il y a d'autres remarques? Est-ce que l'article 6 est adopté?

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): L'article 6 est adopté sur division. Article 7.

Mme Marois: Alors, l'article 7, M. le Président, voulez-vous que nous lisions l'article?

Une voix: Non, on est capable de le lire.

Mme Marois: Ah bon.

Le Président (M. Bissonnet): Je pense que les députés ont reçu le projet de loi ce matin.

Une voix: ...

Mme Marois: Je souhaitais le lire parce que, comme on a reçu le projet de loi il y a peu de temps...

Une voix: Non, ça va, ça va.

Le Président (M. Bissonnet): Oui, je sais. Mais, écoutez, il reste juste 22 minutes, hein, vous comprenez. Alors, M. le député de Chomedey, sur l'article 7.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. le Président, la ministre y a fait allusion tantôt, il y a des grands experts en droit. Il y en a un, justement, qui n'arrête pas de citer sa propre jurisprudence, parce que c'est lui qui a écrit presque tous et chacun des projets de loi visant le retour au travail au cours des dernières années.

Mais je veux vous dire une chose, M. le Président. Comme avocat et comme membre de ce Parlement, je suis outré, choqué par la rédaction de l'article 7 du projet de loi. C'est scandaleux de présenter cet article-là ici, dans cette Chambre. Les règles de justice naturelle s'expriment souvent sous forme de maximes latines. Nemo judex in sua causa et audi alteram partem, ce sont les deux règles d'or en matière de justice naturelle. La première, la règle nemo judex, prévoit que nul ne peut être juge dans sa propre cause, et elle a toute une extension jurisprudentielle qui va avec et aussi une analyse en termes de la doctrine. Il en va de même pour l'autre, audi alteram partem, qui, traduite littéralement, veut tout simplement dire: Il faut entendre l'autre côté.

Si on se réfère seulement – parce que le temps presse, puis on n'a pas le temps de faire une analyse que cet article aurait méritée – si on se réfère strictement au troisième alinéa de l'article 7, on peut lire ceci: «Chaque établissement doit, s'il constate une contravention visée au premier alinéa» – qui, lui-même, réfère à l'article 4 d'une autre loi; donc, une série de renvois internes, dans la loi, qui rend extrêmement difficile sa compréhension, d'ailleurs... Alors, si l'établissement constate une contravention visée au premier alinéa, il a le droit de «faire les retenues découlant de l'application du deuxième alinéa jusqu'à concurrence de 20 % du traitement par période de paie et verser ces sommes à un organisme de bienfaisance». Ça, c'est une belle manière de se donner bonne conscience. On va remettre ça à des organismes de bienfaisance.

Mais regardez ce qu'on est en train de faire sur le plan juridique, M. le Président. Et c'est ça, la partie qui est proprement scandaleuse. On est en train de dire qu'un établissement – «établissement», c'est défini au début du projet de loi, hein, ce n'est pas compliqué; un établissement, c'est «un établissement auquel s'applique la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives», par exemple un hôpital – «doit, s'il constate une contravention». M. le Président, tu parles de l'exemple «textbook», là; ça va être dans les annales, celui-là, l'exemple où on est juge et partie: l'hôpital constate la contravention. Est-ce qu'il y a une procédure ici pour être entendu? Est-ce qu'il y a une procédure contradictoire?

Imaginez, M. le Président – juste pour que tout le monde nous suive là-dessus – aujourd'hui, quand on se fait arrêter pour vitesse, on reçoit ce qu'on appelle justement un constat d'infraction. Imaginez si le policier qui venait de vous arrêter était celui qui vous jugeait. C'est exactement ce qu'on est en train de faire ici: on dit que l'établissement, s'il constate une infraction... puis on précise tout de suite qu'il commence à sortir l'argent par période de paie. C'est ça, enfreindre la règle nemo judex, l'hôpital est juge et partie. Oh, je suis sûr que, dans les annales, dans les jurisprudences, dans les exemples antérieurs de celui qui a rédigé cet article-là, il va pouvoir peut-être nous dire que ça s'est déjà fait ou c'est une idée qui les a déjà frôlés. Mais je suis choqué, comme parlementaire et comme membre du Barreau, de voir que d'autres membres du Barreau oublient à ce point-là les règles de base de la justice naturelle, passent par-dessus.

Pour ce qui est de la règle audi alteram partem, c'est la même chose. Non seulement il n'y a pas de procédure permettant de se faire entendre, mais on n'a même pas besoin, on n'a même pas le droit de se faire entendre ici. Il n'y a rien. C'est autocratique. C'est autoritaire. C'est purement dictatorial comme approche. On énonce. On dit que c'est l'établissement qui va constater la contravention. Pas le droit d'être entendu. C'est celui qui constate l'infraction qui prononce la sentence et impose la peine. On est juge, on est jury, on est partie, toute la même chose. Par ailleurs, M. le Président, sans rentrer dans le détail qui relève plus des experts en santé qu'en droit, mais je mets au défi ceux et celles qui travaillent dans le domaine de la santé de nous expliquer comment un établissement de santé, qui n'a strictement aucun mandat à cet égard-là, va pouvoir faire en sorte d'appliquer ce troisième alinéa de l'article 7.

M. le Président, il y a plusieurs autres articles qu'il faut étudier. Le gouvernement a choisi d'utiliser sa majorité. Et le sourire déplacé de la ministre me fascine. Ça me met vraiment... Ça m'épate de voir que, face à une situation comme celle-là, où non seulement le gouvernement avec sa majorité a brimé le droit de parole de l'opposition en imposant un bâillon et en limitant à deux heures la discussion de ce projet de loi, mais qu'en plus elle sourit, elle trouve ça drôle ce qu'ils ont fait, M. le Président. C'est scandaleux.

Des voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.

Une voix: Ça devient personnel puis ce n'est pas pertinent du tout.

M. Mulcair: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Vous pouvez poursuivre, M. le député. Nous sommes à l'article 7.

M. Mulcair: En terminant sur l'article 7, M. le Président, je tiens à dire ceci au nom de l'opposition, que, hormis tous les autres exemples qui ont déjà été soulevés par mes collègues, juste celui-là aurait suffi à lui-même à faire en sorte que n'importe quel député qui réfléchit aux libertés fondamentales, à la justice naturelle... Et je vois certains des légistes qui ont travaillé sur ce projet de loi, et je les connais personnellement depuis plus de 20 ans. Et je sais que, eux, ils connaissent leur droit administratif. Je sais que, eux, ils connaissent les règles de justice naturelle. Et j'aurais bien voulu être là pour participer à ces débats-là lorsqu'ils étaient en train de se faire dicter, d'écrire une aberration pareille et de la soumettre à l'Assemblée nationale. C'est scandaleux. C'est absolument inacceptable, dans une société libre et démocratique, d'avoir proposé ça. Mais, évidemment, M. le Président, le temps file puis on a plusieurs autres articles à regarder. Mais on aurait manqué à notre devoir de parlementaire de ne pas soulever le caractère absolument inadmissible de l'article 7.

Le Président (M. Bissonnet): L'article 7, Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, certainement, M. le Président. Si vous le permettez, je pense que ce qui demeure inadmissible, c'est que l'opposition ait décidé de voter contre une loi qui est une loi de retour au travail dans le cas d'une grève illégale dans le secteur de la santé. L'article 7, M. le Président... Et je ne crois pas qu'il soit utile de procéder à des attaques personnelles, ça ne rehausse pas beaucoup l'image qu'ont les citoyens de nos travaux à l'Assemblée nationale. Mais c'est le choix du député de Chomedey. Évidemment, les gens jugeront. Ce n'est pas à nous de le faire à ce moment-ci.

(20 heures)

À l'article 7, M. le Président, on parle de sanctions administratives. Vous voyez qu'à la fin de l'article il est bien indiqué que «toute mésentente portant sur l'application du présent article doit être soumise à l'arbitrage comme s'il s'agissait d'un grief au sens des conditions de travail applicables». Il faut savoir que cet article-là est une copie, finalement, ou a été inspiré de l'article 20 de la loi 160 qui s'applique à tout salarié qui contrevient. Et cet article 20 de la loi 160 – qui n'est pas notre loi, mais qui est la loi qu'a proposée le gouvernement du Parti libéral et qui l'a adoptée ici – a été, cet article de loi, soumis en appel à la Cour d'appel qui a confirmé la justesse de l'article de loi et sa légalité. Alors, M. le Président, je suis un peu étonnée d'entendre quand même notre collègue le député de Chomedey faire une sortie de fond sur cet article qui a subi le test de la Cour d'appel. Alors, c'est pour cette raison que nous voterons pour l'article 7.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que l'article 7... M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Oui, M. le Président.

Mme Marois: Adopté?

Le Président (M. Bissonnet): Non, pas encore.

M. Chagnon: J'aimerais savoir de la part du présentateur du projet de loi, du président du Conseil du trésor, comment on fait pour appliquer l'article 7? C'est-à-dire... L'article 7, c'est un article qui vise particulièrement une infirmière ou un infirmier qui est l'objet d'une libération syndicale, donc une personne qui exerce une activité syndicale. Comment on fait pour en même temps lui créer une obligation, qui est celle qu'on retrouve à l'article 7, puis en même temps appliquer sa libération pour une participation aux travaux du comité paritaire, qu'on retrouve en page 8 du projet de loi, dans l'annexe...

M. Léonard: Je vais répondre très rapidement, M. le Président.

M. Chagnon: Oui.

M. Léonard: C'est l'un des amendements que nous allons déposer à l'article 8.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous pourriez faire parvenir une copie des amendements?

M. Chagnon: O.K. En fait votre amendement voudrait faire quoi? Vous pouvez éviter ce problème-là?

M. Léonard: Oui, oui. Exactement.

M. Chagnon: O.K. Merci.

Mme Marois: Est-ce qu'on peut maintenant adopter l'article 7, M. le Président?

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 7 est adopté?

M. Gautrin: Sur division.

Mme Marois: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. À l'article 8 maintenant.

M. Léonard: Il y a deux amendements.

Le Président (M. Bissonnet): Il y a deux amendements à l'article 8, qui ont été remis à l'opposition officielle, si ma parole est bonne. À l'article 8, premier amendement du projet, si vous voulez en faire la lecture, M. le ministre.

M. Léonard: Alors, le premier amendement que nous proposons à l'article 8 du projet:

1° retrancher, à la cinquième ligne du premier alinéa, les mots «tout traitement»;

2° ajouter, à la fin du premier alinéa, «, tout traitement pour le temps durant lequel il est libéré».

Ça, c'est le premier amendement.

Le Président (M. Bissonnet): L'amendement est recevable.

M. Léonard: Est-ce que je lis les deux amendements, M. le Président, tout de suite?

Le Président (M. Bissonnet): Vous avez terminé le premier, nous allons régler ce premier amendement là, on reviendra à l'autre amendement après.

M. Léonard: O.K.

M. Gautrin: Mais il y a, si je comprends bien...

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, j'ai cru comprendre qu'il y a une logique entre les deux.

Une voix: ...

M. Gautrin: C'est parce que les deux amendements ont une logique l'un avec l'autre.

Le Président (M. Bissonnet): Bon. Alors, ça se suit.

M. Gautrin: On comprend le premier amendement à cause du deuxième.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, ça va. On va les traiter en même temps, M. le député de Verdun. Avec votre diligence, ça va bien. Alors, M. le président du Conseil du trésor, si vous voulez proposer l'autre amendement également.

M. Léonard: Le deuxième amendement à l'article 8, il s'agit d'ajouter, à la fin de l'article 8 du projet, l'alinéa suivant:

«Toutefois, la cessation de paiement prescrite par le présent article ne s'applique pas à l'égard de la libération d'un salarié lorsqu'il participe aux travaux d'un comité auquel réfère la présente loi.»

M. Mulcair: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bissonnet): Question de règlement.


Question de règlement concernant le droit d'un député d'avoir la version anglaise d'un amendement à sa présentation


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Est-ce que c'est l'intention du président du Conseil du trésor d'avoir un peu comme ce avec quoi ils ont commencé aujourd'hui, c'est-à-dire une version française qui dit autre chose que la version anglaise, ou est-ce qu'il va nous déposer la version anglaise et ses modifications?

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que la version anglaise, vous l'avez?


M. Jacques Léonard

M. Léonard: On me dit que ça relève de l'Assemblée nationale et que c'est après coup que la version anglaise est disponible.

M. Mulcair: Bien, M. le Président, comme membre de l'Assemblée...

Mme Marois: Des amendements et du...

M. Léonard: Des amendements.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, comme membre de l'Assemblée nationale et en vertu de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, du jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba et dans Blaikie II, je réclame que le gouvernement, s'il veut que cette loi-là ne soit pas immédiatement déclarée invalide pour défaut de traduction, nous produise sur-le-champ la version anglaise, comme il doit le faire constitutionnellement, de cet amendement. À défaut de quoi, ils savent très bien que le résultat est inévitable et incontournable: dès que possible les associations d'infirmières en question vont pouvoir attaquer la validité en cour. À moins que ce ne soit le résultat qu'ils recherchent.


Décision du président

Le Président (M. Bissonnet): La procédure ici, en vertu d'une décision du vice-président député de Chauveau, le 11 décembre 1996: «En vertu de l'article 9 de la Loi sur l'Assemblée nationale, l'Assemblée établit les règles de sa procédure et est seule compétente pour les faire observer. Cette procédure, comme le précisent les articles 179 et 180 du règlement, est notamment déterminée en tenant compte des précédents et des usages de l'Assemblée. Selon l'usage suivi à l'Assemblée nationale, les amendements proposés à l'une des étapes du processus législatif sont présentés au choix de leur auteur, soit en français, soit en anglais. Puis, dès leur adoption en commission ou à l'Assemblée, ils sont traduits dans l'autre langue de façon à ce que les versions française et anglaise de chaque projet de loi ainsi modifié soient disponibles avant la sanction royale qui clôt le processus législatif.»

M. Mulcair: M. le Président, je tiens à vous soumettre...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Mais on devrait les avoir bientôt?

M. Léonard: Oui. On me dit que ça va être disponible pour la troisième lecture, avant la fin de...

M. Mulcair: Moi, je tiens à vous soumettre, M. le Président, que, malgré l'assurance du président du Conseil du trésor que ça devrait être disponible pour la troisième lecture, comme membre de cette Assemblée dûment élu... Et ceux qui conseillent le gouvernement savent très bien que j'ai raison là-dessus. Ils savent que constitutionnellement ils sont dans les patates s'ils ne produisent pas maintenant, à cette étape ici, où nous sommes rendus, s'ils ne produisent pas la version anglaise, tout le processus d'adoption est entaché d'illégalité. C'est incontournable.

Ce n'est pas le fait qu'il y ait de la jurisprudence qui change quoi que ce soit à ça, M. le Président, ni le fait que, dans d'autres cas, des gens ne l'ont pas demandée. C'est mon droit, comme c'est le droit de toutes les infirmières qui nous écoutent, de savoir... They're allowed to know what the English version of the following paragraph that's going to be added at the end of section 8 is, Mr. Chairman: «Toutefois, la cessation de paiement prescrite par le présent article ne s'applique pas à l'égard de la libération d'un salarié lorsqu'il participe aux travaux d'un comité auquel réfère la présente loi.»

M. le Président, c'est le droit des gens de prendre connaissance de nos travaux et c'est surtout le droit des parlementaires de prendre connaissance des deux versions. Les traducteurs, malgré leur très grande compétence, ne sont pas des législateurs. C'est notre droit, comme législateurs, de connaître le libellé exact à ce stade-ci de l'adoption du projet de loi, à défaut de quoi le projet de loi va aisément être déclaré invalide devant les tribunaux par les avocats. Ça va prendre un rien de temps pour le faire.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Chomedey, c'est une pratique qui est établie ici. Lorsqu'on propose un amendement, il peut y avoir un amendement qui peut être proposé sur-le-champ dont la traduction n'a pas été faite. C'est une tradition qui est établie ici, mais...

M. Mulcair: Mais, si un député le demande, M. le Président, si un député le demande, c'est son droit constitutionnel d'avoir l'article en question. Pour connaître personnellement la pratique au Manitoba, au gouvernement fédéral, je peux vous dire que c'est comme ça que ça se fait. Je crois aussi que c'est le cas au Nouveau-Brunswick; je le connais moins. En Ontario, ce n'est pas une obligation constitutionnelle, c'est une obligation législative que la Législature s'est donnée, en Ontario, mais ils le font aussi. Mais, dès qu'un amendement est proposé, il faut qu'à toute...

M. le Président, la Cour suprême a été très claire non seulement dans le renvoi sur le Manitoba, mais assez ironiquement la jurisprudence primordiale, la jurisprudence clé dans ce secteur, dans ce domaine, est une décision qui a été rendue dans une affaire concernant, croyez-le ou non, une loi de retour au travail proposée par le Parti québécois où ils ont fait défaut de traduire et tout a été déclaré illégal rétroactivement. C'est exactement ce qui les guette ici.

Ça aurait été rien de proposer les amendements dans les deux langues. Nous, on l'a fait tout le long. On a toutes les propositions et on a même eu droit à la version anglaise lue par mon collègue le député de Verdun, et ce n'est pas peu dire, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Chomedey, dans une autre décision du 20 novembre 1990, on parle de la même pratique qui est suivie puis on dit évidemment que, si un député souhaite remettre en question la pratique qui est suivie par les commissions relativement à l'étude détaillée des projets de loi, vous pouvez adresser une demande écrite au président de la Commission de l'Assemblée nationale afin que cette question soit inscrite à l'ordre du jour des travaux de cette commission. Mais on m'a indiqué tantôt que les amendements, il serait possible qu'ils soient déposés au niveau de l'adoption, mais c'est la pratique que nous suivons actuellement et dans la décision qui a été déclarée par M. Landry, Marcel, le 20 novembre 1996.

M. Chagnon: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Chagnon: Mon collègue soulève un problème qui est réel. On se souviendra de la cause de la loi 111 où il y a eu une poursuite émise par la CEQ sur la validité constitutionnelle de la loi et, finalement, la CEQ a gagné sa cause.

Maintenant, d'autres points à regarder malgré le temps qui court.

M. Léonard: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Léonard: S'il vous plaît, je soulève simplement le point. Vous avez rendu une décision selon les coutumes de l'Assemblée nationale, et je constate que les députés de l'opposition contestent votre décision.

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): Il faut souhaiter que, lorsqu'on présente un amendement, si on peut avoir la traduction... Et, dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas des textes volumineux, c'est des petits amendements. Alors, moi, c'est la décision que j'ai de mes collègues qui étaient ici avant et je la maintiens. Évidemment, je ne suis pas ici pour établir la constitutionnalité de...

(20 h 10)

M. Mulcair: M. le Président, excellent. Mais, pour que les gens qui vont être en cour la semaine prochaine en train de contester la validité de cette loi sur cette base-là... Je veux juste que votre décision soit très claire. Est-ce que vous pouvez confirmer que votre décision, c'est que la version française uniquement de ces amendements-là est recevable? C'est votre décision. C'est recevable de travailler... Même si un député demande de voir les deux versions, c'est recevable et c'est légal, en vertu de la Constitution, de procéder à l'analyse du projet de loi. C'est votre décision aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi n° 72?

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Chomedey, je ne me prononcerai pas sur la constitutionnalité parce que ce n'est pas mon rôle.

M. Mulcair: Non, mais vous dites que je n'ai pas... Ils peuvent procéder même s'ils n'ont pas les deux versions?

Le Président (M. Bissonnet): Non, ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit que ce n'était pas mon rôle, de voir à la constitutionnalité des amendements. Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a une pratique qui se suit ici que, si un député n'est pas satisfait de la pratique qui est établie dans les commissions parlementaires et les commissions plénières, il peut toujours s'adresser à la présidence de la commission de l'Assemblée nationale pour demander que cette pratique soit changée.

M. Mulcair: M. le Président, je veux juste m'assurer que les gens qui vont avoir à relire les transcriptions de cette commission devant un tribunal, la semaine prochaine, aient une information juste. L'effet de votre décision, c'est de faire en sorte qu'on va... Au moment où on se parle, on s'apprête à procéder à l'analyse des deux modifications, version française seulement, proposées par le président du Conseil du trésor. C'est votre décision: on procède. C'est ça?

Le Président (M. Bissonnet): Moi, je vous ai lu deux décisions, là, qui... Je suis lié par ces deux décisions-là. Dans une des décisions...

Une voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Dans l'une de ces deux décisions-là, on me dit que la personne qui propose un amendement peut le produire en français ou en anglais.

M. Mulcair: Oui. Est-ce que l'une de ces décisions s'adresse au cas où un député réclame son droit d'avoir les deux versions devant lui? C'est ça, la question que je vous pose. Elle est importante, elle va être en cour la semaine prochaine.

Le Président (M. Bissonnet): Je ne pourrais pas vous dire. Il faudrait que j'aille voir les... Il faudrait que je consulte les galées, à l'époque, qu'est-ce qu'on lui a demandé, au président. Je ne pourrais pas vous le dire à ce moment-ci.

M. Mulcair: Non, mais votre décision aujourd'hui, c'est que le président du Conseil du trésor peut procéder, et cette commission peut procéder à l'étude de ces deux modifications-là nonobstant une demande formelle d'un député voulant voir les deux versions. Si c'est ça, votre décision, elle va être claire, et on va procéder.

Le Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre pour quelques instants.

Une voix: Non. M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! C'est moi qui préside. Il est 20 h 12, il reste exactement 14 minutes; nous allons prendre les 14 minutes. Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 13)

(Reprise à 20 h 33)

Le Président (M. Bissonnet): Alors, la commission plénière reprend ses travaux. Il reste combien de temps, M. le secrétaire?

(Consultation)

Une voix: Est-ce que c'est terminé?

Le Président (M. Bissonnet): Non, non, ce n'est pas terminé. Alors, durant la suspension, je crois qu'on – il reste 13 minutes – a reçu les amendements en anglais, qui sont déposés.

Une voix: Qui ont été transmis.

Le Président (M. Bissonnet): Qui ont été transmis. C'est ça que j'ai dit.

Une voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): Qui ont été transmis, mais il y en a un qui était ici... Vu qu'il était ici, je pensais qu'il était déposé.

Une voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): Oui?

M. Brassard: M. le Président, pour savoir ce qui se passe vraiment. Si je comprends bien, le temps durant lequel vous avez suspendu n'est pas comptabilisé.

Le Président (M. Bissonnet): Je ne l'ai pas comptabilisé. Je l'ai dit avant de suspendre. Je trouvais que c'était une question importante. J'ai consulté le président et les deux autres vice-présidents ainsi que les responsables de la table, et nous avons discuté. Et je me devais, compte tenu que c'est un débat restreint de deux heures, d'accorder le 13 minutes. Et je me sens très, très légitime avec ça.

Alors, nous en sommes à l'article 8. L'amendement à l'article 8, de:

1° retrancher, à la cinquième ligne du premier alinéa, les mots «tout traitement»;

2° ajouter, à la fin du premier alinéa, «, tout traitement pour le temps durant lequel il est libéré»; et Ajouter, à la fin de l'article 8 du projet, l'alinéa suivant: «Toutefois, la cessation de paiement prescrite par le présent article ne s'applique pas à l'égard de la libération d'un salarié lorsqu'il participe aux travaux d'un comité auquel réfère la présente loi.»

Et j'ai copie de ces textes en anglais.

Est-ce qu'il y a des remarques sur l'amendement proposé par M. le ministre à l'article 8? Est-ce que l'amendement à l'article 8 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté. Les deux amendements à l'article 8 sont adoptés. Est-ce que l'article 8, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Article 9.

M. Chagnon: Une question, comme ça, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: «Le directeur général d'un établissement doit prendre les mesures nécessaires pour que les sanctions», etc., et, à la fin, on dit: «L'application de ces mesures ne peut être différée, annulée ou réduite par entente.»

Entente locale ou entente provinciale? À quoi on fait référence?

M. Léonard: Quelle qu'elle soit. Aucune entente. Aucune entente n'est possible, ni provinciale ni locale.

M. Chagnon: Une autre loi. On fera une autre loi pour empêcher, pour...

M. Gautrin: Est-ce qu'un décret pourrait annuler, un décret du gouvernement?

M. Chagnon: Est-ce qu'un décret peut amnistier?

Une voix: Tout à fait.

M. Chagnon: Alors, une autre loi que vous nous amènerez un jour pour amnistier...

M. Gautrin: Non, mais, M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun, vous avez la parole.

M. Gautrin: ...je voudrais simplement bien comprendre. Là, vous dites: Par entente. Un décret, ce n'est pas par entente. Ça ne nécessite pas une entente. C'est une volonté du gouvernement. Donc, vous dites: Ça ne peut pas être négocié par une entente, mais, dans sa générosité, le gouvernement peut, par décret, suspendre ou différer l'application de ces mesures. Est-ce que je comprends le sens de la loi?

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, un décret ne peut pas aller contre la loi. Alors, contre le sens même de l'article 9, il ne pourrait pas y avoir un décret.

M. Gautrin: Merci.

Le Président (M. Bissonnet): L'article 9 est adopté?

M. Chagnon: Sur division.

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): L'article 9 est adopté sur division. Article 10. Est-ce qu'il y a des remarques sur l'article 10? Est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Gautrin: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Article 11. Est-ce qu'il y a des remarques sur l'article 11?

M. Chagnon: Question, M. le Président.

M. Léonard: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): Question, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Pourquoi le président du Conseil du trésor n'a-t-il pas trouvé souhaitable que le président du Conseil des services essentiels puisse siéger sur ce comité?

Mme Marois: C'est la rémunération.

Le Président (M. Bissonnet): M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Il s'agit de la rémunération.

Une voix: ...

M. Léonard: Non, mais il s'agit de la rémunération des infirmières et des infirmiers. Ce n'est pas l'objet de son travail.

M. Chagnon: Je préviens le président du Conseil du trésor que l'article suivant établit le mandat du comité dont on parle qui va faire, entre autres, le rangement des emplois, l'évaluation et le rangement dans le système gouvernemental, et c'est des objets qui sont susceptibles d'intéresser le président du Conseil des services essentiels, puisque c'est une question qui peut être intéressante pour lui.

M. Léonard: Non, bien, à ce moment-là, le président du Conseil des services essentiels devrait être sur tous les comités où on traite d'exigences d'admission, de la reconnaissance d'emplois. Ce n'est pas son rôle. Il a pour rôle de surveiller que les services essentiels sont rendus.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 11 est adopté?

Mme Marois: Je pense, M. le Président, que...

M. Chagnon: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre.

Mme Marois: ...ça mériterait d'être sûrement souligné qu'à l'article 11 nous entendons constituer un comité conjoint sur la rémunération des infirmières et infirmiers et qu'en ce sens c'est très respectueux des propositions que nous avons faites jusqu'à maintenant, et cela inclut non seulement...

Le Président (M. Bissonnet): Question de règlement?

M. Mulcair: ...sur le partage du temps, M. le Président. Vous savez très bien qu'on tire beaucoup...

Le Président (M. Bissonnet): On s'améliore. On est 47-43.

M. Mulcair: Oui, mais, avec les quelques minutes qui restent, on aimerait bien présenter...

Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure rapidement, Mme la ministre.

Une voix: Ah!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...une modification. La ministre pourrait peut-être se passer de son éditorial.

Le Président (M. Bissonnet): Rapidement.

Mme Marois: Oui, mais j'allais conclure rapidement, M. le Président. Je ne vois pas qu'est-ce qu'a le député de...

Une voix: Chomedey.

Mme Marois: ...Chomedey, là...

Le Président (M. Bissonnet): Aidez-moi, là.

Mme Marois: Oui. Ha, ha, ha! Je vais vous aider, M. le Président. Vous savez que c'est plutôt mon attitude qu'autrement. Alors, voilà pour l'explication de l'article 11.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 11 est adopté?

Mme Marois: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

Mme Marois: Adopté.

M. Léonard: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): À l'article 12, il y a un amendement qui est proposé. M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président. Alors, l'amendement se lit comme suit: Dans le texte anglais du projet, remplacer, dans le dernier alinéa de l'article 12, ce qui suit: «31 December 2000», par ce qui suit: «le 30 septembre 2000», en anglais.

Le Président (M. Bissonnet): Replace «31 décembre 2000» in the last paragraph of section 12 of the English text by «30 septembre 2000».

Des voix: Ha, ha, ha!

(20 h 40)

Le Président (M. Bissonnet): Madame...

Mme Marois: «30 September».

Le Président (M. Bissonnet): «30 September 2000».

Mme Marois: C'est ça.

Le Président (M. Bissonnet): O.K. Alors, est-ce que l'amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté. Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: J'ai un amendement à proposer à cet article 12. Bon. On se rend bien compte que le comité a un mandat sur certaines questions, entre autres sur l'évaluation et le rangement dans le système gouvernemental de relativité salariale.

Étant donné, M. le Président, que je n'ai pas eu à discuter sur ce projet de loi, je profite de l'occasion pour vous dire que je suis un peu surprise de voir qu'on parle de relativité salariale, alors qu'au gouvernement on est déjà rendu avec une Loi sur l'équité salariale et que le gouvernement s'était engagé, lors de l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, à faire également la démarche d'une équité salariale, alors qu'on était encore à la relativité salariale.

Mais là n'est pas le but de mon amendement. Le gouvernement dit: «Le rapport final du comité est remis aux parties au plus tard le 30 septembre 2000.» Alors, M. le Président, je me fais la porte-parole des infirmières parce qu'on sait que le lien de confiance est rompu entre le gouvernement et les infirmières. Qu'arrivera-t-il du rapport final une fois qu'il aura été remis aux parties, quand on pense, par exemple, au rapport qui a été remis concernant les juges, sur le salaire des juges, et ainsi de suite? Alors, il m'apparaît très important qu'on sache exactement – et pour, peut-être, redonner confiance aux infirmières, si on oblige ce comité à examiner des questions aussi importantes, entre autres, que la relativité salariale – qu'est-ce qui va arriver du rapport.

Alors, dans les circonstances, M. le Président – parce qu'on peut très bien le mettre de côté puis finalement ne pas y donner suite; le gouvernement est maître, il est majoritaire et il peut très bien ne pas y donner suite ou, entre autres, le modifier – voici l'amendement que je voulais proposer, M. le Président. C'est: L'article 12 du projet de loi n° 72 est modifié par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant:

«Les recommandations de ce rapport sont soumises le jour même à un comité formé d'un représentant du gouvernement, d'un représentant de la Fédération et d'un juge. Ce comité doit rendre une décision finale et sans appel dans un délai de 30 jours.»

Alors donc, ça permettrait une certaine équité au moins entre la Fédération, le gouvernement et une tierce personne complètement neutre qui pourrait donner suite des recommandations du comité. Faute de quoi, M. le Président, si le gouvernement n'accepte pas cet amendement, on aura compris que c'est pour tout simplement retarder, naturellement, les décisions et qu'on n'a pas vraiment la volonté de régler le problème, entre autres, de la relativité salariale.

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que cet amendement est recevable? Est-ce qu'il y a des remarques sur l'amendement?

M. Léonard: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: Je vais faire une remarque. D'abord, il s'agit d'un comité conjoint, donc le gouvernement et les infirmières sont membres de ce comité. Et, à partir du moment où il y a un rapport intérimaire, on pourra en tenir compte dès le rapport intérimaire, totalement ou partiellement, mais, quand le rapport final sera déposé, le gouvernement prendra ses décisions.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Je fais remarquer au président du Conseil du trésor que, dans les négociations actuelles, les infirmières font également partie, avec le Conseil du trésor, des négociations et que, malgré tout, ça a achoppé et qu'on n'en est pas arrivé à une solution satisfaisante. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui on est ici.

Alors donc, pour s'assurer que ce comité, vraiment, fera suite des recommandations, il serait très important, M. le Président, qu'il y ait une tierce partie complètement neutre qui soit en mesure de juger et de faire des recommandations qui auraient pour effet d'être une décision finale et sans appel.

Le Président (M. Bissonnet): M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je m'étonne même de la teneur d'un tel amendement, parce qu'il s'agit de reformer un autre comité après celui qui aura siégé. Deuxièmement, dans le comité, ce qu'on voit, c'est qu'il y a un juge. Alors, là, maintenant, le judiciaire est mêlé à l'exécutif. Alors, ça va bien, là. Je pense que, dans le concept de la députée de Saint-François, je me demande où elle s'en va avec ça, là. Non, M. le Président. C'est un amendement que nous jugeons non recevable, quant à nous.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, madame, je l'ai déclaré recevable. Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: Si on avait confiance au gouvernement, M. le Président, on n'imposerait pas la possibilité d'avoir un juge sur ce comité. Et, j'oublie, le président du Conseil du trésor ne doit pas oublier, M. le Président, qu'il s'agit d'un comité qui aura pour mandat de faire des recommandations dans l'espace de 30 jours. Alors, ce n'est pas un comité qui va siéger pendant un an et plus, c'est tout simplement pour donner suite aux recommandations. Et on connaîtra vraiment la volonté du gouvernement de donner suite aux recommandations de ce comité s'il accepte, justement, qu'il y ait une tierce partie, en bout de ligne, pour faire appliquer ces recommandations, faute de quoi on aura compris qu'il n'y a pas de volonté de la part du gouvernement, M. le Président.

Des voix: C'est ça.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée.

M. Léonard: ...

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que la motion d'amendement proposée à l'article 12, de Mme la députée de Saint-François, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Des voix: Rejeté.

Le Président (M. Bissonnet): Rejeté sur division. Alors, il nous reste 1 min 30 s. L'article 13?

M. Gautrin: M. le Président, à l'article 13, nous avons un amendement à proposer, à l'article 13.

Le Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Gautrin: L'article 13 est essentiellement...

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que l'article 12, tel qu'amendé, est adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Article 13, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, nous avons un amendement à proposer, et je signale aux ministériels qu'ils devraient accepter notre amendement. L'article 13 a essentiellement pour but de soumettre les pharmaciens d'hôpitaux à la loi sur les services essentiels.

Mme Marois: On n'a pas l'amendement...

M. Gautrin: Je vais le déposer, Mme la...

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous pouvez le faire, l'amendement, pour que je puisse en remettre une copie?

M. Gautrin: Justement. Alors, je vais reprendre exactement le texte de la loi sur les services essentiels et suggérer qu'au lieu du «doit» on remplace le mot «doit» par le mot «peut» et qu'on biffe «ou toute autre action concertée, appréhendé ou en cours,».

Je me permettrai de vous lire actuellement l'article 111.16 de la loi sur les services essentiels, qui se lit: «Dans les services publics et les secteurs public et parapublic, le Conseil des services essentiels peut, – peut – de sa propre initiative ou à la demande d'une personne intéressée, faire enquête sur un lock-out, une grève ou un ralentissement d'activités qui contrevient à une disposition de la loi ou au cours duquel les services essentiels prévus à une liste ou une entente ne sont pas rendus.»

Il me semble, M. le Président, que l'on doit, à l'heure actuelle, et je comprends la logique qui est actuellement dans le projet de loi...

Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M. le député.

M. Gautrin: Pardon?

Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure rapidement, il reste...

M. Gautrin: Alors, très rapidement, ce que je voudrais, c'est que la rédaction, le verbatim du texte que l'on a dans la loi pour les pharmaciens soit identique au texte que l'on a dans la loi des services essentiels. Je ne vois pas de raison pourquoi il faut que le législateur du gouvernement invente une nouvelle loi.

Le Président (M. Bissonnet): Ceci met fin au débat de la commission plénière. Nous allons terminer.

Est-ce que l'amendement à l'article 13, proposé par le député de Verdun, est adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Rejeté.

Le Président (M. Bissonnet): L'amendement proposé par le député...

M. Chagnon: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Chagnon: C'est pour signaler une coquille dans le projet de loi. Le mot «appréhendé», dans la troisième phrase, devrait s'accorder avec «action concertée». Donc, il devrait avoir un e minuscule.

Mme Marois: Tout à fait.

M. Chagnon: Il y a une faute d'orthographe.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, ça va être corrigé.

Une voix: Il y a une faute d'orthographe.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît. Est-ce que l'amendement proposé par le député de Verdun est adopté?

M. Gautrin: Il est adopté.

Des voix: Rejeté.

Le Président (M. Bissonnet): Rejeté sur division. Est-ce que l'article 13 est adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Rejeté sur division. Adopté sur division. Je m'excuse. Est-ce que l'article 14 est adopté?

Une voix: Sur division.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Est-ce que l'article 15 est adopté?

Une voix: Sur division.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): L'article 15 est adopté sur division. Est-ce que l'article 16 est adopté?

Une voix: Sur division.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Est-ce que l'annexe du projet de loi est adoptée?

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Est-ce que les intitulés des sections et des sous-sections du projet de loi sont adoptés?

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. En conséquence, la commission plénière met fin à ses travaux.

Une voix: ...

Le Président (M. Bissonnet): J'ai rendu une décision dernièrement, M. le député. Je remercie celles et ceux qui ont participé. Et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je suspends les travaux quelques instants et je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire immédiatement. Je vous remercie de votre collaboration des deux côtés.

(Suspension de la séance à 20 h 49)

(Reprise à 20 h 51)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Merci. Veuillez vous asseoir. Alors, nous reprenons la séance. M. le président de la commission plénière.

M. Bissonnet (président de la commission plénière): Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, et qu'elle a adopté tous les articles et intitulés de sections et de sous-sections et le titre du projet de loi avec des amendements.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Président: Très bien, M. le vice-président. Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.


Décision du président sur la recevabilité de la demande de débat de fin de séance présentée par le chef de l'opposition officielle à la période des affaires courantes

Le Président: Adopté sur division, si j'ai bien compris.

Alors, avant de procéder à l'étape subséquente, c'est-à-dire l'adoption finale du projet de loi et le débat qui précède cette adoption finale, je voudrais rendre une décision relativement à la recevabilité d'une demande de débat de fin de séance, demande qui a été présentée par le chef de l'opposition officielle. Cette demande fait suite à une question qu'il a posée, M. le chef de l'opposition officielle, au premier ministre ce matin lors de la période des questions et des réponses orales. Cette demande de débat de fin de séance est irrecevable, et ce, pour les motifs que je vais maintenant exposer.

La présente séance extraordinaire a été convoquée à la demande du premier ministre pour régler une affaire particulière en vertu de l'article 23 de notre règlement. Compte tenu que l'urgence a été invoquée comme motif de convocation, cela engendre l'application de règles particulières, dont celle prévue à l'article 26. Cet article énonce que «les séances extraordinaires tenues pour raison d'urgence prennent fin lorsque l'Assemblée a réglé l'affaire pour laquelle elle a été convoquée». En l'espèce, la séance extraordinaire prendra fin immédiatement après que l'Assemblée se sera prononcée sur le projet de loi n° 72. Cela a donc pour effet d'exclure la tenue de tout autre débat, dont un débat de fin de séance.

Au surplus, la motion qui a été adoptée préalablement au cours de cette séance d'aujourd'hui prévoit que les dispositions du règlement à l'égard des dispositions particulières à la période des travaux intensifs sont appliquées. Or, l'article 312 écarte la tenue de débats de fin de séance lors de la période de travaux intensifs.Comme la séance prendra fin lorsque l'Assemblée aura disposé du projet de loi n° 72, il va de soi que nous ne pourrons revenir sous l'empire des règles prévues au règlement par la suite, puisque la séance extraordinaire aura pris fin.

Alors, voilà la décision. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, est-ce qu'on doit comprendre de la décision que vous venez de rendre que, après avoir renversé la décision de votre prédécesseur M. Bélanger sur une autre question dans le cadre de ce débat, vous choisissez également de renverser à ce moment-ci la décision qui avait été rendue par le président Saintonge? Je vous rappelle les extraits de cette décision dans un cadre identique – et c'est votre pouvoir de renverser, hein, M. le Président; je vous le rappelle, vous avez toute la latitude de décider en faveur du gouvernement tant que vous le voulez: «Maintenant, je voudrais quand même informer l'Assemblée à ce moment-ci que j'ai reçu deux avis pour un débat de fin de séance. Donc, j'informe l'Assemblée de ces avis. Nous en disposerons ultérieurement au cours des travaux.»

Donc, c'est une autre décision qui renverse la jurisprudence établie par vos prédécesseurs. Encore une fois, vous rendez service au gouvernement, M. le Président.

Le Président: Alors, je ne vois pas, M. le leader de l'opposition officielle, quel est votre intérêt de discréditer la présidence à quelques reprises au cours de la séance extraordinaire d'aujourd'hui, mais, de toute façon, je vais vous donner la précision quant à la décision du président Saintonge à l'époque. Vous avez, à ce moment-là, référé à cette décision. Et je vous informe que le président à l'époque avait indiqué à l'Assemblée qu'ils en disposeraient ultérieurement au cours des travaux. Et, après vérification au Journal des débats , il appert que la présidence n'a pas statué sur cette question et que l'Assemblée n'a pas disposé de ces débats.

Alors, vous ne pouvez pas aujourd'hui prétendre, comme vous venez de le faire, que le président Saintonge avait pris une décision et que, moi, je renverse cette décision, et à ce moment-là non seulement invoquer l'attitude que j'ai, mais en même temps confondre et prêter un doute à la présidence quant à ses intentions et la façon dont elle s'applique de son mandat.

M. Paradis: M. le Président, je vois que la partie ministérielle vous applaudit, et je comprends pourquoi. À ce moment-ci...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je n'entends pas accepter ce genre de comportement. Est-ce que c'est clair? Je pense que la présidence, comme institution, se doit d'être respectée. Les règles du jeu du parlementarisme qui nous régissent font en sorte que la présidence – et j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises – n'est pas une personne infaillible. Mais tout le monde vit avec le fait que le président, au fauteuil, rend des décisions au meilleur de sa connaissance. Et les règles du jeu font que parfois ça favorise le gouvernement, parfois ça favorise l'opposition officielle, parfois ça peut favoriser le député indépendant, en l'occurrence. Mais dans aucun cas, à moins de mettre en doute la conduite du président de l'Assemblée, je n'ai l'intention de faire en sorte que l'institution de la présidence de l'Assemblée ne soit contestée et dévaluée et prise à partie de cette façon-là.

M. Paradis: M. le Président, lorsque vous parlez de votre faillibilité – je vous l'ai fait remarquer privément cet après-midi – ça arrive surtout lorsque le besoin gouvernemental s'en fait sentir.

Le Président: Encore là, M. le leader de l'opposition officielle, c'est votre appréciation. Et je vous mets au défi de prendre l'ensemble des décisions que la présidence, et en l'occurrence le député de Borduas qui vous parle à ce moment-ci, a prises depuis trois ans et demi et je suis convaincu que votre prétention ne tiendrait pas la route.

M. Paradis: M. le Président, je le dis, dans les contextes où le gouvernement en a besoin, votre faillibilité se fait sentir davantage. Ceci étant dit, M. le Président...

Le Président: Non, je m'excuse. Vous mettez en cause l'impartialité de la présidence.

Des voix: ...

Le Président: Non.

Une voix: ...

Le Président: Non, vous ne mettez pas en cause la faillibilité de la présidence; vous indiquez que sa faillibilité joue toujours dans un sens plus que dans l'autre. C'est ce que vous venez de dire.

Une voix: Non.

M. Paradis: Pas toujours, parce que parfois vous nous avez avantagés. Mais, lorsque le gouvernement en a besoin, cette faillibilité-là s'est exprimée, M. le Président.

Le Président: Non, je m'excuse. Et, encore une fois, je vous mets au défi, de mon siège de président de l'Assemblée, de prendre l'ensemble des décisions et du comportement que j'ai eu depuis trois ans et demi, et vous allez vous rendre compte... Et je prends le public et les citoyens du Québec à témoin pour voir comment le président de l'Assemblée nationale s'est acquitté de son mandat. Et je ne vois pas quel est l'intérêt, en séance extraordinaire, qu'un membre de l'opposition officielle, et en l'occurrence le leader de l'opposition officielle, peut avoir, ni pour lui, ni pour sa formation politique, ni pour l'institution parlementaire, de mettre en cause l'institution qu'est la présidence de l'Assemblée nationale. Et je vous rappelle que les nouvelles règles du jeu qui ont fait en sorte que le président occupe le fauteuil ont fait en sorte d'augmenter la capacité du président de fonctionner d'une façon impartiale.

Une voix: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Brassard: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Sur la même question?

M. Paradis: Sur la même question.

Le Président: Sur la même question, d'abord, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Merci, M. le Président. Les dispositions de l'article 41 de notre règlement se lisent comme suit: «Le président se prononce sur les rappels au règlement au moment où il le juge opportun, en indiquant le motif de sa décision. Il peut aussi choisir de soumettre la question à l'Assemblée. La décision du président ou de l'Assemblée ne peut être discutée.» Je n'ai d'autre choix à ce moment-ci, M. le Président, que de me rendre à la décision que vous avez rendue en prenant comme témoins les membres de l'Assemblée nationale et la population qui nous a écoutés aujourd'hui des décisions que vous avez rendues.

(21 heures)

Ceci étant dit, M. le Président, je ne peux m'empêcher de vous rappeler à ce moment-ci, tout en respectant la décision que vous avez rendue, en ne vous demandant pas de la renverser, de vous questionner sur celle qui avait été rendue dans des circonstances encore plus difficiles par le président Saintonge à l'époque, qui avait accepté un débat de fin de séance. Vous venez de renverser cette décision, c'est votre droit, c'est votre privilège. Je n'ai pas le droit de la discuter, je n'ai pas le droit de la critiquer, M. le Président, j'ai simplement, parce que vous m'avez donné le droit de parole, l'occasion d'appeler l'attention des auditeurs à un renversement jurisprudentiel. Vous divergez d'opinion; ceux qui nous écoutent en jugeront.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Tout simplement, M. le Président, je souhaiterais que nous passions à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 72.

Le Président: Mais avant cela, M. le leader du gouvernement, je vais rappeler à nouveau au leader de l'opposition officielle ce que j'ai indiqué. C'est qu'après vérification au Journal des débats , il appert que la présidence, en l'occurrence le président Saintonge à l'époque, n'avait pas statué sur la question et que l'Assemblée n'avait pas disposé de ces débats. Alors, de deux choses l'une: l'interprétation que vous avez est exacte ou l'information que je vous donne est aussi exacte. Et, en l'occurrence, le président agit au meilleur de sa connaissance. Et, effectivement, finalement, ses pairs, c'est-à-dire les membres de l'Assemblée, et les citoyens jugeront, et je n'ai aucun problème avec le jugement des citoyens.


Projet de loi n° 72 (suite)


Adoption

Nous allons maintenant passer à l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques. Alors, conformément à la motion de suspension des règles adoptée précédemment, la durée de ce débat est limité à un maximum de 30 minutes: 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement; 10 minutes au groupe parlementaire formant l'opposition officielle; cinq minutes au député indépendant; une réplique d'une durée maximale de cinq minutes est réservée au ministre qui a présenté le projet de loi. Alors, je vais d'abord céder la parole au ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor. En fait... Mme la ministre? Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vais me permettre de répéter brièvement, avec le temps qui m'est imparti, ce qui explique que nous nous soyons réunis aujourd'hui, et vous comprendrez donc, bien sûr, que ce n'est pas à la légère que nous devons prendre les décisions qui s'imposent aujourd'hui pour restaurer les soins, permettre aux Québécoises et aux Québécois de reprendre confiance en notre réseau public de santé et de services sociaux. Il y a actuellement, depuis le début d'une grève illégale...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Sur une question de règlement. Oui. À ce moment-ci, M. le Président, auriez-vous l'obligation d'appliquer la motion de suspension des règles telle que dictée par le leader du gouvernement?

Le Président: Si je comprends bien l'intervention du leader de l'opposition officielle, le sens de cette intervention signifie que le présentateur du projet de loi doit intervenir. C'est ce que je comprends, et c'est pour ça que d'ailleurs j'avais voulu céder la parole au président du Conseil du trésor. Alors, à moins qu'il y ait consentement, et je comprends qu'il n'y a pas consentement, je demanderais au ministre qui a présenté le projet de loi de le faire.

M. Brassard: Mais, M. le Président, dans la motion de suspension des règles, ce qu'il y a de précis et de spécifique concernant le présentateur du projet de loi, c'est le droit de réplique. Pour ce qui est du débat, il est question d'un partage de temps entre la formation parlementaire formant le gouvernement et la formation parlementaire formant l'opposition, plus un cinq minutes pour un député indépendant, ce qui signifie par conséquent qu'il appartient au gouvernement de désigner son porte-parole.

Le Président: Alors, je viens de consulter le secrétaire général qui m'indique que certaines vérifications sont en cours pour vérifier quels ont été les articles qui ont été effectivement suspendus lorsque la motion que vous avez présentée a été adoptée. Alors, je vais suspendre quelques instants, le temps de faire cette vérification.

(Suspension de la séance à 21 h 5)

(Reprise à 21 h 8)

Le Président: Alors, nous allons reprendre la séance. La motion du leader du gouvernement pour suspendre les règles, certains articles du règlement, fait en sorte que l'article 256, paragraphes 2 et 3, a été suspendu. En fait, ces paragraphes se lisent comme suit:

«La durée des discours est de 10 minutes. Le ministre ou le député qui présente le projet de loi et les chefs de groupes parlementaires ou leurs représentants ont un temps de parole d'une heure.

«Le ministre ou le député qui présente le projet de loi a droit à une réplique de 20 minutes.»

Ces deux dispositions ont été suspendues. Par ailleurs, l'article 189, qui stipule que finalement un ministre peut toujours intervenir au nom d'un de ses collègues, se lit comme suit:

«La motion est présentée par le député qui en a donné préavis. Avec sa permission, un autre député peut la présenter à sa place. Un ministre peut toujours agir au nom d'un autre ministre.»

Cet article n'a pas été suspendu.

Troisièmement, le texte de la motion faisait état d'un 10 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement. Et je pense que c'est clair. Et, quatrièmement, cependant, la réplique devra être faite par l'auteur du projet de loi.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement, en respectant votre décision, compte tenu des dispositions de l'article 41 de notre règlement, nous nous interrogions sur le silence du parrain du projet de loi, qui n'est pas intervenu en commission plénière. Peut-être qu'il n'a pas beaucoup de choses à dire sur le projet de loi.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je crois qu'à cette étape-ci votre intervention additionnelle n'était pas une question de règlement, mais un point que vous vouliez marquer dans le cadre de notre tradition parlementaire.

Maintenant, je reconnais à nouveau Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

(21 h 10)

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je répète que ce n'est pas à la légère que nous prenons la décision qui s'impose aujourd'hui. Et, si nous la prenons, c'est essentiellement parce qu'il s'agit de milliers de nos concitoyens et de nos concitoyennes qui vivent des situations difficiles, qui sont inquiets, qui voient leur intervention chirurgicale retardée, qui n'ont pas le rendez-vous que ces mêmes personnes devaient avoir avec leur infirmière du CLSC ou un autre professionnel à l'hôpital parce qu'il y a grève, et grève illégale, M. le Président.

C'est pour ces raisons-là, donc, que nous proposons aujourd'hui l'adoption d'une loi spéciale que nous n'avons pas voulue revancharde, que nous avons voulue raisonnable. Nous ajoutons effectivement une seule possibilité de pénalité, soit une sanction qui concernerait les personnes qui sont libérées pour fins d'activités syndicales et qui, lorsque la grève illégale a cours, pourraient être aussi pénalisées quant à leur rémunération, M. le Président.

Nous l'avons voulue responsable, nous l'avons voulue raisonnable parce que nous sommes responsables, M. le Président, et que nous sommes conscients que les infirmiers et les infirmières, qui sont au coeur du réseau de la santé, qui sont parmi les piliers de ce même réseau, ont souhaité et demandé des améliorations à leurs conditions de travail qui sont tout à fait légitimes.

Ces conditions qu'on a souhaité modifier concernaient particulièrement l'organisation du travail. Ce qui, depuis des mois, fait l'objet de représentations par celles-ci, par leur Fédération, la précarité d'emploi, la sécurité d'emploi, le fardeau de tâches, le gouvernement, conscient des difficultés vécues par ces mêmes personnes au travail, a souhaité que ces questions soient abordées le plus rapidement possible et, je vous dirais même, dans un processus que nous avons souhaité de part et d'autre accéléré. Nous l'avons fait, M. le Président. Nous avons donc, pour l'essentiel, réglé ces questions. Et non seulement nous les avons réglées, nous avons convenu ensemble que cela nous agréait. Les deux parties ont donc signé une entente sur la précarité d'emploi, sur l'ajout de postes réguliers, soit plus de 1 500 dans l'ensemble du réseau de la santé, et bien sûr par un mécanisme nous permettant de reconnaître le fardeau de tâche et de le corriger.

Il reste bien sûr un certain nombre de conditions de travail, de conditions normatives dit-on dans le jargon, à régler. Et nous sommes prêts à continuer la négociation et la discussion, la meilleure preuve en étant sûrement que le premier ministre, encore hier, a fait un appel à la présidente de la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec pour lui demander, bien sûr, d'abord de suspendre la grève illégale, de faire une trêve dans cette grève illégale – parce qu'il n'est pas admissible que dans une société démocratique on bafoue nos lois, particulièrement dans le cas présent où cela se passe dans le secteur de la santé qui est un bien si essentiel pour l'ensemble de nos concitoyens et de nos concitoyennes et pour nous-mêmes, n'est-ce pas – donc suspendre cette grève, cesser cette grève pour que l'on puisse continuer de discuter des questions de conditions de travail et bien sûr aussi de cette question qui préoccupe, à juste titre, les infirmiers et les infirmières du Québec, soit une évaluation de leur rémunération en fonction de la tâche que ces mêmes personnes accomplissent pour les comparer, cette tâche et cette rémunération, avec la tâche et la rémunération d'autres professionnels dans le secteur de la santé et des services sociaux qui accomplissent ce même type de fonction et pour tirer, s'il y a lieu, des conclusions afin d'améliorer la rémunération en conséquence justement de ces conclusions.

Et à cela, M. le Président, nous avons dit, nous continuons de dire oui. Non seulement nous le disons, mais nous l'introduisons aussi à la loi. Comme toutes les conditions de travail discutées, entendues, comme cette proposition et cet exercice auquel nous sommes prêts à nous soumettre, nous l'introduisons dans la loi.

Que reste-t-il qui justifie une grève illégale, M. le Président? Essentiellement, donc, une question de salaire. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas important, cela ne veut pas dire que ça ne doit pas être discuté, et nous avons convenu d'en discuter, d'une part, sur la question, je viens de l'expliquer, de la relativité salariale, nous sommes prêts à faire l'exercice, et, d'autre part, sur la proposition que nous avons déposée, qui est une proposition de l'ordre de 5 %. Et cela, nous pensons qu'il est nécessaire de pouvoir le discuter avec l'ensemble des représentants des travailleurs et des travailleuses des secteurs public et parapublic, autant les enseignants et les enseignantes, autant les autres professionnels de la santé, et nous croyons que l'offre présentée est raisonnable et correspond à ce qui se fait de mieux de toute façon dans l'ensemble des secteurs privés avec lesquels nous nous comparons, M. le Président.

Nous sommes donc prêts à en débattre. Je crois que les infirmières sont prêtes à le faire aussi dans un second temps, à l'automne. Encore une fois, je ne crois pas que, les clauses essentielles ayant été réglées, en ce qui a trait aux conditions de travail, il soit justifié à ce moment-ci que les infirmiers et les infirmières soient en grève illégale.

Nous faisons un appel, un appel solennel. C'est celui de l'Assemblée nationale, de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Nous avons le plus grand respect pour ce qu'elles font, pour ce qu'elles accomplissent, pour la façon dont elles le font, M. le Président, et nous sommes prêts à continuer à cheminer avec elles pour corriger encore les conditions de travail qui mériteraient de l'être. Cela nous apparaît absolument essentiel donc que l'on puisse revenir aux tables de négociation. Nous faisons un appel. Nous espérons, nous souhaitons et nous croyons surtout qu'il sera entendu et que les infirmiers et les infirmières retourneront à leur tâche, accomplir le service le plus essentiel pour ce qui concerne la qualité de vie des Québécois et des Québécoises, leur santé. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Au nom de l'opposition officielle, M. le chef de l'opposition officielle, maintenant.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. On vient de vivre une journée difficile à l'Assemblée nationale, une journée où le gouvernement s'est senti obligé de rappeler d'urgence l'Assemblée dans un contexte de crise, contexte de crise qui dure depuis très longtemps, mais qui connaît aujourd'hui un sort très triste alors que ce sont les infirmières – il y en a presque 50 000 au Québec – qui ont choisi d'aller contre les lois du Québec, de contrevenir aux lois, de poser un geste en toute conscience, qui est exceptionnel, celui de faire une grève illégale.

Les députés aujourd'hui ont été durement mis à l'épreuve, M. le Président. Ce n'est pas une journée facile, parce que l'enjeu n'est pas facile. Mais, là-dessus, je veux bien qu'on se comprenne, l'objet du vote aujourd'hui, ce n'est pas juste l'histoire de régler une grève illégale pour des infirmières, il ne s'agit pas pour l'Assemblée nationale aujourd'hui de faire la morale à des femmes qui, à tous les jours, elles, ont connu des jours difficiles. Parce que c'est beau de reconnaître qu'aujourd'hui on vit une journée difficile comme parlementaires, on a commencé de bonne heure, les débats ont été intenses. Mais, si vous me permettez l'analogie, ça serait peut-être utile de rappeler au gouvernement que les femmes, en particulier – parce que la vaste majorité sont des femmes – qu'il vise aujourd'hui dans son projet de loi, qui sont la cible du projet de loi du gouvernement, elles, vivent des jours difficiles à tous les moments où elles sont appelées à travailler, qu'elles sont appelées, ces femmes-là, à porter sur leurs épaules une réforme de la santé qu'elles n'ont pas demandée, qui leur a été imposée, qui a été une opération budgétaire. Ça n'a pas été une réforme faite dans le but de rendre service aux malades, ça a été une réforme qui a été mise au service d'une cause, d'une obsession, celle de l'équilibre budgétaire de ce que le gouvernement appelle «le déficit zéro». Pourquoi? Pour faire ce que le premier ministre décrivait lui-même comme étant une condition gagnante pour un éventuel référendum.

(21 h 20)

Alors, malgré toute la sympathie que je peux avoir pour chacun des députés ici, aujourd'hui, pour qui ça a été une journée difficile, ça vaut la peine de leur rappeler que les femmes qui sont visées par le projet de loi, elles, vivent des journées encore plus difficiles à chaque fois qu'elles sont appelées à servir leurs concitoyens du Québec.

Est-ce que c'était nécessaire pour nous d'être ici, aujourd'hui, M. le Président? Depuis 14 mois qu'il est en négociations.... le gouvernement a eu 14 mois pour régler, pour venir à une solution, et on a quoi, aujourd'hui, comme résultat dans le projet de loi, après 14 mois de négociations? Ils ont réussi à parafer deux clauses normatives. C'est ça, le maigre résultat que nous présente aujourd'hui la partie ministérielle.

Une voix: Un grand négociateur.

M. Charest: Est-ce qu'il y avait d'autres options? Est-ce qu'il y avait des alternatives, M. le Président...

Une voix: Oui.

M. Charest: ...à ce projet de loi qu'on nous demande, aujourd'hui, de voter et d'imposer? L'opposition officielle en a présenté une, alternative – on n'a jamais prétendu que c'était la réponse – pour, au moins, reprendre le dialogue, pour offrir l'occasion aux Québécoises de se faire entendre, entre autres, sur la question des clauses normatives. Encore une fois, la ministre de la Santé vient de nous dire, puis dit à la population du Québec, que les problèmes sont réglés, alors que la présidente de la Fédération des infirmières du Québec dit le contraire.

Est-ce qu'on doit conclure qu'il y a un gouvernement puis un premier ministre qui ont raison puis qu'il y a 47 000 menteuses au Québec?

Des voix: C'est ça.

M. Charest: C'est ça, la conclusion, qu'elles ont tort?

On a offert au gouvernement un débat plus large sur l'ensemble du système de santé; ça a été refusé. On a appris ce soir, M. le Président, que l'injonction... je n'ai pas tous les détails, mais on m'apprend que l'injonction était déjà disponible au gouvernement via le Conseil des services essentiels qui ne l'a pas mise à exécution.

Le gouvernement a à sa disposition la loi 160, a déjà cet outil-là, et le gouvernement, aujourd'hui, nous a présenté un projet de loi plein de trous, que l'opposition officielle a voulu améliorer, M. le Président. On ne pourra pas nous dire, on ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir mis en oeuvre tous les efforts nécessaires, M. le Président, pour tenter d'aider à trouver une solution. On a présenté cinq amendements. Malgré tous nos efforts aujourd'hui, à chaque fois on s'est fait dire non, comme à chaque fois ce gouvernement a dit non. Ça a été un mur de briques. À chaque fois qu'un citoyen du Québec a le malheur – a le malheur – de ne pas penser comme lui-même...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: ...ou il a tort, ou il ne comprend pas, ou, ultimement, ce n'est pas un bon Québécois.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Charest: Eh bien, ce soir, le gouvernement du Parti québécois est en train de nous dire qu'il y a 47 000 citoyennes du Québec qui ne sont plus de bonnes Québécoises.

Malgré cela, on a présenté cinq amendements. Je me permets de vous les rappeler rapidement. À l'article 2, d'amender le projet de loi en modifiant les mots «de la grève en cours» par les mots «d'une grève en cours qui aurait été déclarée illégale».

À l'article 3, M. le Président, on a présenté un amendement qui nous semblait, au minimum, essentiel. C'était de demander qu'on rende des services non pas «habituels» parce que les services habituels, tels que définis par lui-même, c'est des services qui ne sont pas acceptables à la population du Québec, on a demandé un amendement très simple qui nous aurait permis de dire clairement dans le projet de loi que les services qui allaient être rendus allaient être les services tels qu'on les décrit dans l'article 5 de la Loi sur la santé et les services sociaux, c'est-à-dire, et je cite: «adéquats et nécessaires à la qualité et à l'accessibilité des soins aux patients, de même qu'au respect de l'article 5 de la Loi sur la santé et les services sociaux.» Le gouvernement a dit non.

On a proposé un nouvel article, un article qui aurait pu dire ceci... En contre-partie à cet article 3 où on exige de la part des donneurs de soins puis des infirmières de rendre des services, le gouvernement aurait pu dire: «En contre-partie, le gouvernement doit fournir aux établissements l'ensemble des moyens nécessaires à l'application de l'article 3.» Le gouvernement a dit non, comme il a dit non dans les trois dernières années.

Et j'aimerais bien qu'il nous explique ce qui justifie ce gouvernement, aujourd'hui, de dire non aux ressources minimums pour rendre les services qu'ils exigent aux infirmières. Eux, ils demandent, ils imposent des obligations aux autres, mais, quand vient le moment d'assumer ses propres responsabilités, la réponse, c'est non.

À l'article 12, M. le Président, on a voulu proposer un amendement qui s'adressait directement au noeud du problème que nous avons aujourd'hui avec les infirmières. C'est le bris du lien de confiance qu'elles ont avec le gouvernement actuel. Et pourquoi il y a un bris de lien de confiance, M. le Président? Je vais vous dire pourquoi: parce que le premier ministre actuel est celui qui, en 1982, a coupé les salaires de 20 %, et les infirmières s'en rappellent; parce qu'en 1978 il avait dit dans un rapport qu'une loi spéciale, ce n'était pas la solution; parce qu'en 1995 il avait dit à la population du Québec qu'il n'allait pas couper dans les services de soins de santé dans les hôpitaux; parce qu'il avait dit à la population du Québec que la réforme allait améliorer le système de soins de santé alors que c'est faux, alors que ça a été exactement le contraire; parce que son président du Conseil du trésor avait dit, au mois de mai 1998, que le virage ambulatoire était un grand succès alors que tout le monde savait que c'était exactement le contraire; parce que ce gouvernement-là a fait des promesses et a brisé ses promesses, a trahi cette confiance que la population du Québec lui avait faite; et parce que ce gouvernement s'est fait confier un système de santé que nos parents ont bâti de leurs mains et qu'il n'avait pas le droit de le démanteler, ce système de soins de santé, de le détruire au nom de leur obsession. C'est pour cette raison-là que les infirmières du Québec ont dit qu'elles n'ont plus confiance.

Eh bien, l'opposition a voulu offrir une piste de solution pour rebâtir les ponts de confiance. On ne pourra pas nous reprocher, M. le Président, de ne pas avoir fait le nécessaire. On a recommandé, à l'article 12, que les recommandations du rapport soient soumises le jour même à un comité formé d'un représentant du gouvernement, d'un représentant de la Fédération et d'un juge; ce comité doit rendre une décision finale et sans appel dans les 30 jours.

M. le Président, on a présenté un autre amendement. Et, comme mon temps est limité, je veux conclure en disant ceci à la population du Québec et aux infirmières, que, malgré tous nos efforts, malgré tous les efforts de l'opposition officielle, le gouvernement continue à faire la sourde oreille, continue de dire non, de dire que la réforme de la santé était bien pensée.

Malgré cela, M. le Président, les infirmières et tous ceux qui ont à coeur les intérêts du Québec savent que la seule vraie priorité, ce sont nos concitoyens qui sont malades et qui sont vulnérables. Pour cette raison-là, nous demandons aux infirmières, malgré l'injustice dont elles sont victimes, malgré le mépris de leur premier ministre et de ce gouvernement, de rentrer au travail, de rentrer au travail et de reprendre le combat, et de le faire avec ceux et celles, comme dans l'opposition officielle, qui se battront avec eux jusqu'à la fin, jusqu'à ce qu'on obtienne enfin justice et qu'on puisse refaire une réforme de la santé qui aura imposé tant de misère et de souffrance à la population du Québec.

Mais, malgré cela, M. le Président, je conclurai en vous disant que, devant autant d'injustice, l'opposition officielle ne se rendra pas complice de ce gouvernement. Et, pour toutes les fois où vous avez dit non à la population du Québec et à ceux qui sont malades, eh bien, ce soir, l'opposition officielle vous dit, pour ce projet de loi: Non, on ne sera pas complice, on ne se rangera pas avec vous, on dénonce cette injustice et on n'acceptera pas que vous présentiez un projet de loi qui symbolise l'arrogance d'un gouvernement débranché de la réalité.

Des voix: Bravo!

(Applaudissements)

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, vous avez maintenant cinq minutes.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Je vais être assez bref. On a passé la journée à discuter du même projet de loi. Si je peux me permettre, en conclusion, d'espérer que les événements des dernières semaines, que les propos des infirmières qu'on pourrait appeler le soulèvement des infirmières des dernières semaines vont servir pour le gouvernement de signal d'alarme.

On pourrait dire qu'il y a eu, depuis quelques mois, quelques années, beaucoup de signaux d'alarme qui auraient dû être perçus, qui auraient dû être captés par le gouvernement quant à l'atmosphère qui règne à l'intérieur des établissements de santé. Mais j'ose espérer que le gouvernement qui aujourd'hui est obligé de convoquer, au début juillet, l'Assemblée nationale, le gouvernement qui visiblement sent l'état de crise qui se développe dans le réseau, qui est inquiet de voir d'autres corps de travail, d'autres professions dans le secteur de la santé qui pourraient suivre... que ça va servir de signal d'alarme pour un gouvernement qui a mal perçu les signaux de son système de santé. Et j'ose espérer que les appuis nombreux que reçoivent les infirmières de la part d'autres membres du personnel du réseau de la santé vont agir dans le même sens et vont être entendus par le gouvernement.

(21 h 30)

Pour le reste, M. le Président, je vais me contenter d'appeler à nouveau – et je pense que le chef de l'opposition vient de le faire lui aussi, le gouvernement le fait à sa façon par son projet de loi – les infirmières à un retour auprès de leurs patients. Si l'Assemblée nationale aujourd'hui diverge quant aux moyens à prendre, si l'Assemblée nationale diverge quant à la pertinence du projet de loi qui est sur la table, le projet de loi n° 72, l'Assemblée nationale certainement converge sur le fait que la grève illégale actuelle est tout à fait malheureuse et l'Assemblée nationale, certainement unanimement, souhaite que les infirmiers et les infirmières du Québec retournent dans les plus brefs délais auprès de leurs patients. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Pour votre droit de réplique, M. le président du Conseil du trésor.

M. Paradis: M. le Président...

M. Léonard: Merci, M. le Président.

M. Paradis: ...question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, bien que la motion du leader du gouvernement qui a suspendu les droits des parlementaires aujourd'hui indique qu'il appartient au parrain du projet de loi, le président du Conseil du trésor – ce n'est pas à la ministre de la Santé; elle, elle a refusé de le présenter – il y aurait consentement, à ce moment-ci, à ce que le premier ministre réplique.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, au terme de l'adoption de ce projet de loi, je voudrais d'abord souligner l'incohérence de l'opposition officielle. L'opposition, les libéraux se sont servi de cette période pour faire un show politique...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: ...plutôt que de contribuer à régler le dossier d'une grève illégale. Aujourd'hui, en commission parlementaire, en commission plénière, ils ont essayé, tenté de camoufler leur incohérence en apportant des amendements mal ficelés, mal pensés et qui à leur face même n'étaient pas recevables ou ne contribuaient surtout pas à améliorer le projet de loi.

Des voix: ...

M. Léonard: M. le Président...

Le Président: Un instant, là.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, s'il vous plaît. Je vous ai bien vu. J'ai l'habitude de vous reconnaître. Je n'ai pas besoin de vos remarques insidieuses, M. le leader de l'opposition officielle. Je voudrais rappeler à tout le monde que le chef de l'opposition officielle a eu son droit de réplique, et je crois qu'il a pu l'exercer en toute quiétude. C'est le même droit qui doit être reconnu au président du Conseil du trésor qui parle au nom du gouvernement.

Sur une question de règlement. Et je vous rappelle que la dernière question de règlement n'en était pas une. Alors, sur une vraie question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Est-ce que le président du Conseil du trésor, parrain du projet de loi, a le droit d'indiquer que des amendements sont irrecevables alors que la présidence de l'Assemblée nationale les a déclarés recevables? Je pense que c'est une atteinte, M. le Président, à votre prestige.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je vais m'occuper de mon prestige moi-même, M. le leader de l'opposition officielle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Paradis: Je m'excuse, M. le Président. La question demeure: Est-ce que le président du Conseil du trésor, en vertu de notre règlement, a le droit de dire que des amendements sont irrecevables quand la présidence les a déclarés recevables?

Le Président: Je pense que, dans le cours des débats politiques et des expressions d'opinion, il arrive que, de part et d'autre – et j'en ai entendu des vertes et des pas mûres depuis 23 ans – chacun peut porter des qualificatifs. De toute façon, le vice-président qui était au fauteuil a fait ce qu'il jugeait à propos de faire, et le reste est inscrit au Journal des débats . M. le président.

M. Léonard: M. le Président, je voudrais être de bon compte. Je vais simplement remplacer «irrecevables» par «inacceptables», ou «pas acceptables», ou «peu acceptables». D'ailleurs, il a contribué à les faire battre.

Mais je m'étonne que le leader de l'opposition m'interrompe sans cesse. Tout à l'heure, il avait hâte de m'entendre. Il voulait m'entendre. Alors, il pourrait me laisser la parole, n'est-ce pas?

Alors, M. le Président, l'opposition officielle a voté contre le principe de ce projet de loi qui est un projet de loi raisonnable, équilibré, pour mettre fin à une grève illégale. Ils ont voté contre.

Aujourd'hui, ou maintenant, ils essaient d'expliquer par toutes sortes d'amendements... Et je pense aussi qu'ils auront beaucoup de travail à faire dans les jours qui vont venir et dans les mois qui vont venir, parce qu'ils auront à justifier leur décision, ils auront à la justifier. Parce que, les grèves illégales, non, ce n'est pas le fait d'un Parlement. Et ce n'est pas avoir le sens de l'État, pour le chef de l'opposition, que de faire ce qu'il a fait aujourd'hui et de tenir les discours qu'il a tenus aujourd'hui.

Des voix: Bravo!

M. Paradis: M. le Président. M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui. M. le Président, je pensais que vous étiez pour vous lever d'office et rappeler à l'ordre le président du Conseil du trésor, qui pense qu'avoir le sens de l'État c'est démanteler le système de santé.

Des voix: Bravo!

Le Président: Encore une fois, M. le leader de l'opposition officielle, ce n'était pas une question de règlement. C'est une façon détournée de donner une expression d'opinion. Et, à ce moment-ci, c'est au président du Conseil du trésor à exprimer son point de vue.

M. Paradis: Question de règlement. Question de règlement.

Est-ce que vous pouvez rappeler au président du Conseil du trésor...

Des voix: ...

Le Président: J'inviterais l'ensemble des membres de l'Assemblée, et des deux côtés... Je ne crois pas que certains propos entendus en parallèle sont de nature à faire en sorte que nos débats se terminent de façon sereine et de façon correcte. Et je vous rappelle tous que nous sommes convenus à une dignité dans la façon dont nous exerçons nos responsabilités parlementaires.

Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, les dispositions du quatrième paragraphe de l'article 35 et du sixième paragraphe de l'article 35 mériteraient à ce moment-ci d'être rappelées au président du Conseil du trésor par la présidence de l'Assemblée nationale, à moins que vous jugiez que ses propos sont acceptables.

Est-ce qu'on doit comprendre que vous jugez que les propos étaient acceptables et conformes au règlement?

Le Président: Je vous ai fait, M. le leader de l'opposition officielle, des commentaires sur votre intervention, et je crois qu'à cette étape-ci le droit de parole... Et je crois que le chef de l'opposition officielle a utilisé, et c'était son droit et son privilège... Et je crois que la présidence a permis la libre expression de l'opinion du chef de l'opposition, qui était, je pense, l'opinion de son groupe parlementaire, d'une façon très ferme et très vigoureuse. Et je crois que, du côté gouvernemental, on a aussi le droit au même type de traitement.

M. Paradis: M. le Président, en vous rappelant que le chef de l'opposition a toujours respecté les dispositions du quatrième paragraphe.

Des voix: ...

M. Paradis: Excusez, là. M. le Président, est-ce qu'on a le droit de s'adresser directement à un autre député sans passer par la présidence? La réponse est non. Est-ce que vous voulez rappeler le président du Conseil du trésor à l'ordre sur ce point, ou si, lui, il a le droit parce que la présidence lui accorde ce soir, parce que c'est une séance extraordinaire de l'Assemblée? Est-ce que le président du Conseil du trésor a le droit d'imputer des motifs indignes à un député de l'Assemblée nationale? S'il a le droit, parce que c'est le dernier qui a le droit de parole ce soir, le règlement de l'Assemblée nationale est modifié, et on l'appellera «la réforme Charbonneau». Merci, M. le Président.

Le Président: Je ne sais pas quelle est votre intention, M. le leader de l'opposition officielle. Toute la journée, vous avez voulu et tenté de discréditer la présidence de l'Assemblée. Et je ne crois pas qu'en séance extraordinaire vous ayez quelque point à marquer dans le débat qui concerne le Québec aujourd'hui, à l'Assemblée nationale.

(21 h 40)

Le président, aujourd'hui, a permis aux deux groupes parlementaires, parce que c'était exceptionnel, d'aller assez loin dans le langage. Et, si vous ne vous le rappelez pas, je vous réfère aux débats de ce matin. Non seulement le président a été large à l'égard du temps qu'il a accordé à chaque côté, mais à l'égard aussi du vocabulaire qui a été utilisé de part et d'autre. Et aujourd'hui, je n'ai pas besoin de leçons de qui que ce soit pour faire le travail que j'ai à faire. J'ai donné beaucoup de latitude au chef de l'opposition officielle et j'en donne autant au président du Conseil du trésor. Et, pour le reste, je ne crois pas que le parlementarisme, la société québécoise aient à être servis par une mise en cause constante de l'intégrité de la présidence de l'Assemblée nationale du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le président...

Une voix: ...

Le Président: Non, c'est fini.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, à ma connaissance, malgré la suspension des droits fondamentaux des parlementaires, l'article 35 n'a pas été suspendu. Le président du Conseil du trésor vient de s'adresser directement au chef de l'opposition officielle, sans passer par la présidence. Si vous cautionnez – et c'est votre droit de le faire à ce moment-ci, M. le Président – je n'ai que l'obligation de prendre note du fait que vous cautionnez cet état de fait.

Des voix: ...

M. Paradis: Je m'excuse, là. Ils vous ont applaudi très fort, je comprends, de l'autre côté. Le président du Conseil du trésor a imputé des motifs indignes au chef de l'opposition officielle. Si vous cautionnez, M. le Président, c'est votre liberté et votre choix de le faire. On n'a pas le choix, en vertu de l'article 41, que de se rendre à votre décision. Mais, dans un cas où on est en séance extraordinaire, dans un cas où les droits des parlementaires ont été suspendus, tous vos prédécesseurs ont défendu les droits des parlementaires dans des circonstances similaires et analogues.

À ce moment-ci, M. le Président, je vous demande simplement si le rappel au règlement vous permet d'intervenir et de demander au président du Conseil du trésor de respecter le règlement de l'Assemblée nationale. Si vous dites qu'il n'a pas à le respecter, j'aurai à me rendre à votre décision. Vous avez interprété le règlement largement au courant de la journée, de façon équilibrée au niveau de la période de questions. D'autres décisions sont discutables. Je n'ai pas le droit d'en discuter, le règlement me l'interdit.

À ce moment-ci, je vous demande de demander au président du Conseil du trésor de se conformer aux dispositions de l'article 35, ou au leader du gouvernement de suspendre les dispositions de l'article 35. À ce moment-là, M. le Président, vous retrouverez toute votre liberté d'action. Mais, tant que cet article n'est pas suspendu, vous avez l'obligation – je vous le soumets respectueusement, M. le Président – de l'appliquer correctement. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Très simplement et très sereinement, je pense qu'avec les remarques multiples que vient de faire le député de Brome-Missisquoi la démonstration est faite, alors il peut cesser ses efforts: Il apparaît et il est véritablement le chef de l'opposition officielle.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Président: À l'évidence, M. le leader du gouvernement, ce n'était pas une question de règlement. Je pense que vous en conviendrez. Alors, M. le président du Conseil du trésor, conformément au règlement.

M. Léonard: M. le Président, je ne crois pas avoir imputé des motifs indignes au chef de l'opposition, mais j'ai qualifié son attitude et son comportement politiques, ce qui est très différent. Et je pense que lui qui aspire légitimement à devenir un chef d'État va devoir vivre longtemps avec la décision qu'il a prise aujourd'hui et qu'il a fait prendre à toute son aile parlementaire, parce que...

Des voix: ...

M. Léonard: Ah oui, il l'a fait!

Des voix: Bravo!

M. Léonard: M. le Président, nous sommes aujourd'hui, après neuf jours de grève...

Des voix: Illégale.

M. Léonard: ...inacceptable dans le réseau de la santé, mais illégale par surcroît, ce qui la rend doublement inacceptable... Et il faut se rendre compte que nous devons demander aux infirmières et prendre les moyens dont nous disposons pour qu'elles reviennent au travail le plus tôt possible. Et ce n'est pas en faisant des discours comme celui du chef de l'opposition que, finalement, il va encourager les infirmières à rentrer. Au contraire, il a une attitude ambiguë, une attitude couleuvre vis-à-vis de la situation qu'il y a à l'heure actuelle.

Alors, M. le Président, la seule chose...

Le Président: M. le ministre.

M. Léonard: ...que je fais, en terminant, c'est de demander aux infirmières de rentrer. Nous avons déposé et nous voulons voter un projet de loi équilibré, raisonnable, qui n'implique pas de sanctions additionnelles pour les syndiqués de la base, qui n'implique pas de sanctions additionnelles. Nous leur demandons de venir au secours des malades qui les attendent.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, une nouvelle étape vient d'être franchie. À ce moment-ci, est-ce que le projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, est adopté? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Président: Alors, nous allons procéder maintenant par un vote par appel nominal. Alors, est-ce que, de part et d'autre, nous sommes prêts à voter?

Des voix: ...

Le Président: Bien, les whips m'indiquant que les députés qui pourraient voter sont présents, nous allons maintenant mettre aux voix l'adoption du projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques.


Mise aux voix

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Côté (Dubuc).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever maintenant.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Whissell (Argenteuil), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

(21 h 50)

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:63

Contre:37

Abstentions:0

Le Président: Alors, en conséquence, le projet de loi n° 72, Loi concernant la prestation des services de soins infirmiers et des services pharmaceutiques, est adopté.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à tout le monde de faire les choses dignement. Asseyez-vous. Ce n'est pas l'heure des caucus, s'il vous plaît.

Alors, étant donné que l'affaire pour laquelle l'Assemblée nationale a été convoquée aujourd'hui est réglée, j'ajourne les travaux jusqu'à mardi 19 octobre prochain, à 14 heures.

(Fin de la séance à 21 h 52)


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