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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, May 9, 2000 - Vol. 36 N° 104

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Alors, j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, heureux de vous retrouver en ce 9 mai de l'an 2000, au lendemain d'une journée importante – mes collègues le savent. M. le Président, je vous référerai immédiatement à l'article 1 du feuilleton de ce jour.


Débats sur les rapports de commissions


Prise en considération du rapport de la commission qui a procédé à des auditions sur la Société de développement des entreprises culturelles et le Conseil des arts et des lettres du Québec dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de la culture qui s'est réunie afin de tenir des consultations particulières dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes sur le Conseil des arts et des lettres du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles.

Ce rapport, qui a été déposé le 20 avril dernier, contient des recommandations. Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 96 du règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable. Suite à une réunion avec les leaders, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la durée de ce débat restreint: Cinq minutes sont allouées au député indépendant, les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes ou par le député indépendant pourra être redistribué entre les deux groupes parlementaires, et les interventions ne seront soumises à aucune limite. Enfin, je vous rappelle qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 95 ce débat n'entraîne aucune décision de l'Assemblée.

Je suis maintenant prêt à céder la parole à un premier intervenant. M. le député de Marguerite-D'Youville, je vous cède la parole.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Pendant deux semaines, j'ai participé, à titre de membre de la commission de la culture, aux audiences publiques où plusieurs groupes d'individus oeuvrant dans ce secteur nous ont lancé un cri d'alarme sur l'état précaire de la culture au Québec. Victimes de sous-financement chronique, parents pauvres des budgets gouvernementaux fédéral, provincial ou municipal, confrontés à un marché restreint, interpellés par la concurrence internationale et surtout américaine, nos gens de la culture font des miracles avec très peu.

Pourtant, notre culture, c'est notre âme, c'est ce qui motive nos luttes politiques pour la faire respecter et lui permettre de s'épanouir, c'est ce qui permet à nos entrepreneurs de projeter à l'étranger l'image d'un Québec pouvant faire le pont entre l'Europe et l'Amérique, c'est le rempart contre l'assimilation et la disparition dans le grand melting pot anglo-américain.

Saviez-vous, par exemple – et nous l'avons appris au cours des présentations qui nous ont été faites – que bon nombre de danseurs, de musiciens ou de comédiens doivent performer en dépit de blessures de travail, faute de quoi ils ne sont pas payés? Combien d'artistes vivent du bien-être social, de la charité d'amis ou d'un revenu en deçà du salaire minimum?

Avant d'entreprendre des commentaires plus poussés sur les recommandations que nous avons formulées, j'aimerais souligner le caractère de collaboration et l'attitude non partisane qui ont caractérisé nos travaux. Nous nous sommes sentis tous partie prenante des propos et des lacunes que les représentants des milieux de la culture sont venus nous exprimer. Et j'aimerais en profiter pour rendre hommage à mes collègues de l'opposition officielle qui, tout comme les collègues de ma propre formation, se sont départis de leurs oeillères de partisanerie pour apporter leur contribution la plus positive à ce débat de société qui, comme je viens de le dire, est le fondement de notre identité nationale.

Après deux semaines d'audiences publiques, la commission de la culture déposait, la veille de l'ajournement de Pâques, son rapport qui contient 35 recommandations. Ce rapport contient des recommandations qui ont été adoptées, je le rappelle, à l'unanimité des membres. Il aborde trois éléments qui ont fait l'objet de consensus, à savoir le respect des prémisses de la politique culturelle du Québec, l'équilibre entre l'aide à la création et le soutien aux entreprises culturelles, l'importance de la démocratisation et de la régionalisation de la culture.

Parmi les principales recommandations reconnues, signalons, entre autres, la proposition visant à créer un fonds d'assurance indemnisation pour les artistes et les travailleurs du milieu culturel, l'augmentation substantielle et récurrente des crédits et budgets accordés au Conseil des arts et des lettres, l'évaluation de l'impact réel de crédits d'impôt en matière de développement des industries culturelles, la création d'un observatoire de la culture pour tenir à jour les données sur la vie culturelle du Québec.

Les collègues qui interviendront au cours des deux prochaines heures auront l'occasion de s'exprimer plus particulièrement et de manière plus ciblée sur les recommandations de notre rapport qui leur sont plus familières ou qui leur tiennent davantage à coeur. Pour ma part, je profiterai du temps qui m'est alloué pour commenter certaines de ces recommandations.

D'abord, la recommandation visant la création d'un fonds d'assurance indemnisation ou de tout autre mécanisme pour les artistes et les travailleurs du milieu culturel qui ne sont pas couverts par le régime de protection de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cette recommandation, M. le Président, ne résulte pas d'une présentation formelle par les groupes qui se sont manifestés devant la commission, mais elle résulte d'un sentiment qui se dégage des propos qu'ont exprimés de manière très précise en particulier les représentants du secteur musical et du secteur de la danse.

Nous avons été particulièrement touchés par le fait qu'on vienne nous exposer, un peu comme je l'ai dit en préambule tout à l'heure, que bon nombre d'interprètes dans le domaine des disciplines en particulier de la danse et de la musique doivent parfois s'exécuter en dépit du fait qu'ils sont blessés, qu'ils sont malades ou qu'ils se sentent en deçà de la dimension normale de performance qu'ils souhaiteraient avoir. C'est assez pénible, et ça a été assez triste de voir jusqu'à quel point ces travailleurs de la culture, ces interprètes devaient, malgré les moments pénibles parfois qu'ils vivaient, s'exécuter, faute de quoi ils n'étaient pas payés. Et, comme vous le savez très bien, compte tenu de la vulnérabilité de la situation financière et sociale des artistes et des interprètes, cette dimension nous a particulièrement touchés.

(10 h 10)

C'est la raison pour laquelle, en réaction à ces commentaires, à ces descriptions de l'environnement de travail que vivaient certains artistes et certains interprètes, nous avons cru bon inclure dans nos recommandations et parmi les recommandations prioritaires la création de ce fonds d'assurance indemnisation qui vise à doter le milieu culturel et en particulier les interprètes d'une sorte de filet de sécurité et d'une sorte de protection, d'une protection semblable à celle dont jouissent et dont bénéficient les travailleurs d'autres secteurs d'activité de la société québécoise.

Nous avons également recommandé que le gouvernement, de concert avec le Conseil des arts et des lettres ainsi que la Société de développement des entreprises culturelles, la SODEC, et le milieu culturel, travaille à la mise sur pied d'un observatoire de la culture. L'observatoire de la culture, pour résumer brièvement le concept, c'est un lieu où on pourrait suivre, évaluer, diagnostiquer l'évolution du milieu culturel du Québec. Cet observatoire, dans notre esprit, viserait non seulement, dans un premier temps, à compiler des statistiques sur la vie culturelle au Québec, mais, bien au-delà de ça, à doter le gouvernement du Québec et l'ensemble des intervenants concernés du Québec de ce que j'appellerais des statistiques vivantes, c'est-à-dire d'un moyen d'évaluer et d'apporter des correctifs nécessaires aux politiques gouvernementales, des bonifications à ces politiques et même des innovations.

Donc, la création de cet observatoire nous apparaît fort importante, puisque, avant de formuler des politiques, avant surtout de les traduire en législation, il importe d'établir un diagnostic aussi précis qu'il puisse être de la réalité que vit le milieu culturel du Québec. C'est ce que vise la recommandation de la création d'un observatoire de la culture, et nous souhaiterions que cet observatoire ne se limite pas exclusivement à la compilation de données, de statistiques sur la vie culturelle au Québec, mais qu'il puisse contribuer à l'analyse, à l'évaluation des flux en matière de culture au Québec.

Une troisième recommandation, qui me tient particulièrement à coeur, c'est celle qui veut que le ministère des Finances évalue l'impact réel des crédits d'impôt en matière de développement des industries culturelles. Un des principaux outils dont dispose la Société de développement des entreprises culturelles, la SODEC, pour mettre de l'avant ses programmes, c'est l'administration, au nom du ministère du Revenu, d'un programme de crédits d'impôt à l'intention des entreprises culturelles. En réalité, c'est essentiellement l'outil dont elle dispose.

En principe, nous n'avons rien contre cet outil de base de la SODEC, mais nous souhaiterions que l'évaluation soit faite de son impact réel en matière de création d'entreprises et de soutien d'entreprises culturelles. Pourquoi? Parce que nous avons fait un peu le parallèle avec ce qui se passait dans le domaine de la recherche et du développement.

Vous vous souviendrez que l'incitation à la recherche et au développement était essentiellement fondée sur l'octroi de crédits à cet effet, autant de la part du gouvernement du Québec que de la part du gouvernement fédéral. Il y a quelques années, le Conseil canadien de la science et de la technologie avait émis certaines réserves quant à l'efficacité de ces crédits d'impôt pour générer la recherche et le développement anticipés. Nous nous interrogeons de la même façon sur l'efficacité de ces crédits d'impôt comme méthode privilégiée pour doter nos entreprises culturelles des reins financiers et des muscles nécessaires pour faire face non seulement à la concurrence internationale, mais surtout rayonner à travers le monde et, entre autres, en Amérique du Nord particulièrement, face à la concurrence féroce des entreprises culturelles américaines.

C'est une recommandation qui nous tient à coeur, et qui me tient à coeur particulièrement comme ancien banquier, puisque, avant de cimenter un programme comme celui-là, il nous apparaît pertinent d'en évaluer l'impact. À l'heure actuelle et suite aux échanges que nous avons eus avec les représentants de la SODEC, il nous a été impossible d'évaluer cet impact. Je dirais même que les représentants de la SODEC, tout à fait légitimement d'ailleurs et tout à fait candidement, nous ont avoué que ce n'était pas là leur mandat que d'évaluer l'impact de ces crédits d'impôt; ils avaient le mandat d'appliquer cette formule au nom du ministère du Revenu. Alors, nous, comme commission de la culture, qui souhaitons l'épanouissement, le rayonnement de nos entreprises culturelles, demandons qu'une évaluation soit faite de l'impact réel de ces crédits d'impôt, au même titre que, il y a quelques années, le Conseil canadien de la science et de la technologie a demandé que soit faite une évaluation de l'impact des crédits d'impôt comme manière de financer et de soutenir la recherche et le développement au Québec et au Canada.

Nous recommandons également que l'affectation de nouveaux fonds tende vers un meilleur équilibre entre l'aide à la création et l'appui aux entreprises culturelles. Nos échanges avec les intervenants du milieu de la culture nous ont permis de constater qu'il existait un déséquilibre entre l'aide à la création, d'une part, et l'appui aux entreprises culturelles. Bien sûr, il est important d'avoir des entreprises qui aient les reins suffisamment solides pour véhiculer la création, mais encore faut-il que la création elle-même existe avant de la véhiculer et que les moyens qui soient mis à sa disposition soient à la hauteur de nos attentes et surtout à la hauteur des besoins qui nous ont été exprimés par le Mouvement des arts et des lettres ainsi que d'autres intervenants à la commission. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons qu'un équilibre soit mieux respecté entre ce qui nous apparaît à l'heure actuelle comme un accent qui porte davantage sur le soutien aux entreprises culturelles plutôt qu'à la création, et ce, en termes de sous, en termes de dollars, en termes de soutien financier.

J'ajouterais même, et c'est un domaine que nous avons peu exploré puisque peu d'intervenants sont venus se prononcer sur cette dimension-là, sur l'aspect distribution de la culture et de la production québécoise, beaucoup d'intervenants sont venus nous demander et plaider pour l'augmentation des crédits à la création, d'autres ont soutenu l'importance des crédits à la production, aux entreprises culturelles, mais bien peu sont venus élaborer sur le volet distribution, alors que vous savez très bien qu'une politique culturelle bien articulée doit s'appuyer sur trois piliers de base: la création, la production et la distribution. Peut-être aurons-nous l'occasion éventuellement d'examiner de manière plus poussée l'aspect distribution, mais, pour le moment, c'est surtout le volet production et le volet création qui ont été explicités devant la commission.

Par contre, en formulant cette recommandation, nous tenons à préciser qu'il ne s'agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, dans le sens où nous ne souhaitons pas et nous ne recommandons pas que les crédits à la production soient réduits pour augmenter ceux à la création. Au contraire, nous souhaitons qu'à mesure les fonds qui seront mis à la disposition du milieu culturel visent, par étapes, à rétablir cet équilibre qui à notre avis doit exister entre les trois volets d'une politique culturelle bien articulée.

Vous me permettrez également de faire quelques commentaires sur une autre recommandation que nous avons mise de l'avant à l'effet que le Conseil des arts et des lettres ainsi que la Société de développement des entreprises culturelles accentuent le soutien aux projets de développement culturel qui s'inscrivent dans une démarche de démocratisation et d'accessibilité à la culture. En termes décodés, cela veut dire que nous souhaitons un impact de l'aide à la culture beaucoup plus important en région, dans les régions du Québec.

(10 h 20)

C'est probablement un des domaines et un des volets qui a été le plus soulevé par les divers intervenants, vous comprendrez, bien sûr, de la part des intervenants qui sont venus des différentes régions du Québec. Nous avons été très réceptifs à ces doléances, puisque nous pensons que la culture est la propriété de toute la population du Québec, qu'elle est le reflet de notre personnalité propre, de notre caractère distinctif et qu'à ce titre elle n'est pas l'apanage uniquement et principalement des grandes agglomérations urbaines que sont Québec ou Montréal.

Avant d'être consacré à la Place des Arts ou au Grand Théâtre de Québec, il faut avoir fait ses premiers pas en quelque part. Et, bien souvent, les artistes qui sont éventuellement consacrés à la Place des Arts ou au Grand Théâtre proviennent de nos régions, grâce à des festivals locaux, grâce à des manifestations culturelles de moindre envergure mais qui permettent de détecter des talents qui par la suite seront consacrés comme vedettes québécoises. C'est la raison pour laquelle nous mettons beaucoup l'accent sur ces efforts de régionalisation et de démocratisation de la culture.

Je n'entrerai pas ici dans les détails des diverses recommandations beaucoup plus pointues qui se greffent à ce principe général. Possiblement, mes collègues voudront élaborer. Mais je tiens à souligner que, pour nous, membres de la commission, la régionalisation et la démocratisation de la culture étaient des préoccupations fondamentales.

J'ajouterai également quelques commentaires sur une autre de nos recommandations qui veut que le Conseil des arts et des lettres ainsi que la SODEC assurent une présence régulière auprès des créateurs, des organismes artistiques et des industries culturelles en région. Cette recommandation découle un peu, vous l'imaginerez, vous vous en rendrez compte, de la prémisse que nous avons exprimée tout à l'heure à l'effet que nous souhaitons une plus grande régionalisation et démocratisation de la culture. Encore faut-il que les voeux pieux, que les grands principes et que les souhaits soient articulés de manière pratico-pratique par des programmes ciblés, par une présence sur le terrain des grands organismes qui soutiennent la culture au Québec. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que le CALQ et la SODEC, sans préciser les modalités de cette présence, trouvent le moyen d'être plus accessibles aux intervenants de la culture dans nos régions.

Nous ne sommes pas entrés dans des modalités pointues, parce que, d'abord, nous ne pensons pas qu'il nous appartient de déterminer ces modalités, mais également parce que nous souhaitons que cette présence ne se traduise pas nécessairement par une augmentation de la bureaucratie culturelle mais plutôt par une aide directe et une accessibilité aux intervenants de la culture dans les régions du Québec.

Nous recommandons également que le Conseil des arts et des lettres définisse un code de déontologie plus étoffé pour les membres des jurys de pairs et des comités consultatifs. En réalité, cette dimension a été présente à travers tous nos échanges avec les représentants du milieu de la culture, et en particulier ceux du Conseil des arts et des lettres.

Plusieurs d'entre nous, comme députés, avons eu à répondre à des citoyens qui avaient fait des demandes de bourse de soutien financier au Conseil des arts et des lettres, qui s'étaient vu refuser ce soutien financier sans pouvoir savoir pourquoi. Et il m'est arrivé, à moi personnellement comme député, d'entreprendre des démarches auprès du Conseil des arts et des lettres pour savoir pourquoi certains de mes citoyens s'étaient vu refuser des demandes d'aide financière. Je dois dire que j'avais essuyé à ce moment-là des réponses plutôt cavalières de la part du Conseil des arts et des lettres, ce qui m'a porté à appuyer l'initiative de la commission de la culture de tenir un mandat de surveillance sur le Conseil des arts et des lettres ainsi que la Société de développement des entreprises culturelles.

Plusieurs représentants du milieu sont venus nous dire que la meilleure manière de distribuer les fonds publics dans le domaine de la culture, c'était par l'entremise de jurys composés de pairs. L'évaluation par les pairs. Nous souscrivons entièrement à cette démarche, mais encore faut-il que les jurys qui attribuent les bourses, qui attribuent cette aide financière, vivent avec un code d'éthique qui évite les conflits d'intérêts et qui évite les abonnés au système, c'est-à-dire la répartition des fonds toujours entre les mêmes, au détriment des artistes de la relève ou de ceux qui oeuvrent dans des disciplines artistiques soit plus traditionnelles, soit un peu plus à l'avant-garde de ce qui se fait de manière contemporaine. Alors, cette recommandation à l'effet que les jurys doivent être dotés d'un code d'éthique qui leur permette d'évaluer les demandes qui leur sont faites de la manière la plus objective et la plus équitable possible demeure un des fondements de nos recommandations.

Au-delà des principales recommandations prioritaires qui ont fait l'objet de notre rapport, nous avons tenu à inclure certaines recommandations à caractère particulier qui, à notre avis, sans être priorisées à l'intérieur de nos recommandations, représentent néanmoins un volet important de la vie culturelle du Québec et que nous souhaitons prises en considération. D'abord, que le gouvernement assure une pérennité financière au Festival des films du monde; ensuite, que le ministère de la Culture et des Communications étudie le statut de la mission de l'Académie des lettres du Québec; et enfin, que des efforts soient effectués en vue de présenter un plus haut pourcentage de compositions québécoises dans le programme de nos orchestres symphoniques, notamment l'Orchestre symphonique de Montréal, et en particulier lorsque ces orchestres circulent à l'étranger.

M. le Président, je m'arrêterai ici pour permettre à mes collègues d'élaborer sur les recommandations de la commission qui leur semblent les plus pertinentes, qui les touchent le plus. Et je terminerai en remerciant encore une fois l'ensemble de mes collègues ainsi que le président de la commission de la culture, le député de Matane, d'avoir piloté avec doigté, avec impartialité et surtout avec beaucoup d'enthousiasme nos échanges avec les représentants du milieu culturel. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marguerite-D'Youville. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Matane et président de la commission de la culture.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. Quelques remarques seulement pour vous dire que le rapport qui a été déposé devant l'Assemblée nationale il y a quelques jours, c'est un rapport qui a été réalisé dans un esprit de concertation et qui se veut le reflet le plus fidèle possible de ce que les gens sont venus témoigner devant nous. La commission a voulu faire siennes les grandes préoccupations des créateurs, des organismes artistiques et des entreprises culturelles.

Sans pouvoir répondre à toutes les demandes qui nous ont été formulées, nous jugeons toutefois que ce rapport saura contribuer à l'amélioration des conditions des créateurs de même qu'à améliorer le fonctionnement des entreprises qui produisent et qui diffusent les produits culturels québécois. Je ne voudrais pas passer sous silence le fait que notre mandat, lorsque nous l'avons entrepris, s'est déroulé dans une sorte de carrefour d'événements qui ont changé un peu la trajectoire de nos travaux. La crise vécue dans le milieu de l'audiovisuel et la mobilisation des créateurs autour du Mouvement des arts et des lettres nous ont interpellés forcément. On ne pouvait pas ne pas tenir compte de ce qui se passait dans la société. Alors, on a évalué tout ce qui se passait autour de nous, et ça se traduit forcément dans les recommandations qui sont formulées dans ce rapport.

(10 h 30)

Donc, on était très heureux, les membres de la commission, de déposer ce rapport parce que ça nous permettait d'affirmer ou de réaffirmer un certain nombre de choses qui nous tiennent à coeur, tout le monde, pas seulement les membres de la commission de la culture, mais l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale. Au premier chef, ce qui a attiré notre attention – et je suis sûr que la députée de Sauvé va en témoigner tout à l'heure aussi – c'est le respect des prémisses de la politique culturelle du Québec, c'est-à-dire le respect du principe du guichet unique aux artistes et aux entreprises culturelles. Nous avons largement souligné que nous étions préoccupés par la multiplication des lieux de soutien et par la prolifération des fonds qui sont consentis au développement des arts et des lettres et de la production culturelle au Québec.

Nous faisons donc appel, dans le rapport, à la cohérence gouvernementale pour dire: Ce qui est affirmé dans la politique culturelle, il faudrait bien que ça se traduise dans la vie de tous les jours. On a constaté aussi que la multiplication des fonds est beaucoup plus un problème qu'une solution. Ce n'est pas en multipliant les fonds à l'intervention que nous améliorons la cohérence et que nous assumons la cohérence de la politique culturelle. On recommande donc qu'il y ait de l'ordre de mis là-dedans.

Il y a une chose qui nous a frappés, puis on a été tous d'accord, et ça a été unanime, c'est le besoin de réinvestir dans la création et d'une distribution équitable des ressources entre les partenaires du milieu culturel. Nous avons été interpellés par la triste condition d'une majorité des créateurs du Québec. M. le Président, on a constaté, avec des documents à l'appui, que les créateurs québécois, dans une large majorité, vivent dans un état de pauvreté ou de pauvreté extrême. C'est anormal, dans une société industrielle avancée comme la nôtre, que les créateurs québécois, ceux qui pensent l'âme québécoise, soient confrontés à vivre des situations de la sorte. Nous formulons donc une recommandation visant à créer un fonds d'assurance indemnisation pour les artistes et les travailleurs du milieu culturel afin de permettre à ceux-ci d'évoluer dans un environnement protégé par un minimum de sécurité.

Nous recommandons aussi la mise sur pied d'un observatoire de la culture. Ça nous a été demandé et nous croyons que c'est justifié de le recommander au gouvernement. Un observatoire de la culture qui non seulement va examiner la réalité du milieu culturel, mais donner à cet instrument une dimension prospective qui nous permette de mieux développer, de mieux investir et de mieux aussi favoriser la création.

Il y a un troisième point qui nous a tous ralliés également, qui consiste à réitérer l'importance de la démocratisation et de la régionalisation de la culture. Le député de Marguerite-D'Youville l'a évoqué tout à l'heure, nous croyons, M. le Président, que, que nous soyons des citoyens de Montréal, de Québec, de la Gaspésie ou du Lac-Saint-Jean, nous avons droit à une parité de chances quant à l'accès à la culture, quant à l'accès à la diffusion de la culture. Et c'est ainsi que les députés, à l'unanimité, disent au gouvernement du Québec: Il faut assurer cette parité de chances, cet équilibre entre les régions densément peuplées et celles qui le sont moins.

Je voudrais dire un mot du Conseil des arts et des lettres. Je voudrais tout d'abord dire que personne n'est venu contester l'existence du Conseil des arts et des lettres, mais beaucoup sont venus témoigner de la nécessité d'améliorer un peu son fonctionnement. Et je vous donne deux, trois exemples qui me viennent à l'esprit spontanément.

Par exemple, les jurys. Vous savez que les organismes de culture, les organismes qui soutiennent la création et la production culturelle au Québec, M. le Président, c'est des instruments qui ont été voulus par le milieu, qui ont été voulus par les créateurs, qui ont été voulus par les artistes, qui ont été voulus par les industriels de la culture. Donc, personne n'est venu en contester l'existence, c'est ce qu'ils voulaient. Mais on a constaté, autant le CALQ que la SODEC, que, dans ces instruments-là que le gouvernement du Québec a mis en place pour assurer un minimum d'efficacité dans l'application de la loi, bien, il y a des petites carences, il y a des ajustements à faire.

J'en évoque trois devant vous et j'invoque peut-être le plus important. C'est qu'il y a des artistes, il y a des gens des arts de la scène, du spectacle, de la création qui sont venus nous dire: Il me semble qu'on n'a pas une parité de chances lorsqu'on se présente au CALQ pour demander de l'aide ou une subvention. On a l'impression parfois que nos demandes sont étudiées par des comités beaucoup trop restreints et peu représentatifs du milieu. Donc, notre possibilité d'être entendus de façon compétente et efficace, on la met en doute un peu. Donc, nous, on recommande une amélioration très nette du fonctionnement des jurys.

Je voudrais également souligner que certains sont venus nous dire: Il y aurait peut-être intérêt à ce que le conseil d'administration du Conseil des arts et des lettres soit élargi pour faire entrer du nouveau monde dans l'organisation, des gens en dehors du champ de la culture et des communications, faire entrer un peu d'oxygène, faire en sorte que le Conseil soit plus représentatif.

Puis il y a un troisième élément, celui-là est non négligeable, c'est la nécessité que le Conseil des arts et des lettres soit doté d'un budget beaucoup plus important que celui qu'il gère présentement. On pense qu'il y va de l'intérêt de l'État québécois, il y va de l'intérêt du monde de la culture et de la société québécoise en général que le Conseil des arts et des lettres soit mieux financé. Le Mouvement des arts et des lettres l'a dit haut et fort. Le gouvernement du Québec a entendu le message, en partie en tout cas, et le dernier budget du ministre des Finances a reflété cette préoccupation. Mais nous estimons que, même si cet effort-là a été consenti, il faut aller beaucoup plus loin. Et la présidente du Conseil des arts et des lettres nous l'a dit très clairement en commission: Passer le budget du simple au double serait la bonne solution.

En ce qui concerne la SODEC, je ne voudrais pas m'étendre là-dessus trop longtemps, mais c'est l'organisme qui a fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de la commission. Personne n'est venu nous dire de mettre de côté la SODEC, de faire disparaître la SODEC, pas du tout. Mais cependant on a précisé que... la commission en tout cas a bien pris le soin de prendre en compte les critiques qui ont été formulées à l'endroit de l'organisme. Loin de moi l'idée de dire qu'il s'est passé des choses incorrectes à la SODEC ou qu'il y a eu fraude ou malversation; ça serait hautement exagéré.

Mais cependant ce qu'on dit au gouvernement: La SODEC, dans son fonctionnement, doit être plus transparente, doit gérer les fonds publics avec beaucoup plus de transparence et de rigueur. La SODEC, moi, à mon avis, doit préciser sa mission, puisqu'il s'agit d'une banque d'affaires, M. le Président, et elle doit aussi définir

clairement ses champs d'intervention. Et elle doit, elle aussi, réfléchir à son double rôle qui consiste à offrir un appui au développement culturel tout en participant au développement économique du Québec.

On s'est demandé également ce que fait la SODEC dans la gestion immobilière. Vous savez que la SODEC gère un patrimoine immobilier. On s'est dit: Est-ce qu'il y aurait un autre organisme au Québec, tout aussi habilité, tout aussi compétent, qui pourrait faire ce travail? On pense que oui. Maintenant, on pense surtout que la SODEC a un examen de conscience à faire de ce côté-là. Et ce que nous voulons au plus haut point, c'est que la SODEC désormais, dans l'attribution de son aide à la production culturelle, commence à examiner attentivement toute la problématique des crédits d'impôt.

Vous savez, M. le Président, que ces crédits d'impôt ont un effet de levier extraordinaire, et les gens en ont profité abondamment. Et ce qu'on dit au gouvernement: Peut-être pourrions-nous, tous ensemble, avec le ministère du Revenu, jeter un coup d'oeil là-dessus. On croit qu'il est anormal que quelqu'un produise un film au Québec ou une télésérie et qu'il n'ait pas à investir un sou comme mise de fonds. En tout cas, c'est incompatible avec les politiques gouvernementales dans le domaine de l'industrie et du commerce. On aimerait, comme parlementaires et députés élus par la population, que le gouvernement du Québec jette un coup d'oeil très sérieux là-dessus. Et je voudrais vous dire que les membres de la commission souhaitent aussi que la SODEC lise et relise et commence à mettre en application les recommandations du rapport Lampron.

(10 h 40)

Un dernier mot pour remercier les collègues qui, dans ce travail, ont été exemplaires. Les députés ont bien travaillé, ils ont été studieux. L'opposition a collaboré, je leur rends hommage. La députée de Sauvé a eu un comportement de grande Québécoise dans ce dossier et je voudrais la féliciter et la remercier, et dire à mes collègues... et dire aussi à Étienne, au député d'Outremont, combien j'ai apprécié son comportement, sa démarche et la beauté de sa réflexion.

À tous mes collègues ministériels: Je pense que nous avons franchi ensemble une belle étape et j'estime que les travaux de parlementaires comme ceux que nous avons faits, ça permet au Parlement québécois de se réapproprier les grands débats qui animent notre société. Et la culture est au coeur du débat québécois, est au coeur aussi de notre existence comme collectivité et comme peuple. Alors, merci.

Je voudrais, en dernier, souhaiter que ce rapport soit scruté par l'ensemble des parlementaires de cette Assemblée et examiné aussi par le gouvernement du Québec et la ministre de la Culture, que nous aurons l'occasion de rencontrer très prochainement afin de faire le tour de la question avec elle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Matane. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Sauvé. Mme la députée.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. C'est avec grand plaisir qu'à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications je ferai mes commentaires dans le cadre de ce débat restreint sur le rapport qu'ont déposé unanimement les membres de la commission de la culture dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes qu'on s'était donné collectivement, c'est-à-dire le mandat de surveillance du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la Société de développement des entreprises culturelles.

Je pense qu'il est important effectivement de situer les travaux de notre commission. Premièrement, je pense que ce sont des travaux qui ont permis de réaffirmer et de se réapproprier une fois de plus, et ce ne sera jamais une fois de trop... entre parlementaires, qu'on réaffirme l'importance du secteur de la culture, non seulement l'importance des créateurs québécois et québécoises sur le territoire du Québec, mais aussi, bien sûr, l'importance de nos entreprises culturelles qui construisent le Québec d'aujourd'hui, qui construisent l'imaginaire des Québécois et des Québécoises d'aujourd'hui dans un contexte important qui nous interpelle tous. C'est un contexte de mondialisation où nous sommes de plus en plus interpellés sinon happés par une culture mondiale dominante qui est la culture américaine.

Or, la culture québécoise – et je prends le temps de le préciser – c'est non seulement la culture qui reflète, bien sûr, celle de la majorité francophone au Québec, mais c'est aussi celle de nos soeurs et frères de la communauté anglophone, qui ont aussi une culture bien propre, québécoise, à eux; c'est celles aussi de nos communautés autochtones sur le territoire québécois, qui, elles aussi, vivent avec beaucoup de difficultés mais aussi beaucoup d'acharnement l'expression, la délicate mais essentielle tâche de l'expression de leurs cultures et de leurs cultures spécifiques au Québec.

Nous nous sommes donnés ce mandat de surveillance. Nous étions à la toute première de la commission de la culture, tout juste après la dernière élection, nous sommes donc en janvier ou février 1999. Et je dois vous avouer qu'au moment où nous nous sommes donnés collectivement ce mandat de surveillance des deux organismes d'État je pense qu'on ne soupçonnait pas jusqu'à quel point les débats qu'on allait entreprendre allaient être vus comme étant cruciaux par le monde de la culture au Québec, car, au cours de l'année 1999, il s'est passé beaucoup de choses, et malheureusement beaucoup de choses douloureuses pour le monde de la culture.

Il y a eu la crise, par exemple, à Emploi-Québec. Et permettez-moi de vous expliquer bien concrètement qu'est-ce que ça a signifié pour le monde de la culture. Le milieu de la culture est composé d'entreprises culturelles mais aussi de beaucoup d'organismes sans but lucratif qui, d'ailleurs, relèvent principalement du Conseil des arts et des lettres du Québec. Ces organismes, pour assurer leur fonctionnement, doivent cogner à la porte de multiples guichets – et j'y reviendrai – mais dont principalement, entre autres, le guichet d'Emploi-Québec.

Les postes assumés ou créés par Emploi-Québec, la formation donnée servent au milieu de la culture beaucoup au niveau des postes d'administration reliés à la mise en marché des produits, reliés à la vente, à la billetterie. Or, si Emploi-Québec a coupé ces fonds au cours de l'année 1999, ça a signifié pour le milieu de la culture, et entre autres pour les organismes sans but lucratif, vraiment un manque de ressources qui étaient en plus directement reliées à ce que je pourrais appeler leur capacité d'autofinancement de leurs productions. Ça a été vécu avec beaucoup de souffrance, si je peux dire, au cours de l'année 1999, par un ensemble d'organismes sans but lucratif dans toutes les régions du Québec.

Il y a aussi eu – on s'en souviendra, bien sûr – la crise dans le cadre de la négociation entre le gouvernement du Québec et les enseignants du Québec, dont principalement du syndicat de la CEQ qui a choisi comme moyen de pression sur le gouvernement de boycotter les sorties culturelles pour nos enfants du Québec. Je pense qu'il faut dire que c'était un geste malheureux, puisque ça a mis sur la dèche encore une fois plusieurs organismes culturels.

Non seulement – je prends le temps de le souligner – l'impact économique pour le milieu culturel a été, dans bien des cas, catastrophique, mais, en plus, et je pense que c'est regrettable, durant une bonne partie de l'année 1999, on a privé des enfants du Québec de toutes les communautés de cette rencontre qui, je crois, est essentielle, qui doit faire partie de l'apprentissage de nos enfants québécois, de cette rencontre avec le milieu de la culture, le théâtre, les musées, théâtre pour enfants. Et ça aussi, ça a créé beaucoup, beaucoup de souffrance dans le milieu de la culture.

On doit peut-être ajouter à titre d'exemple la grève à la Place des Arts qui a vraiment mis en péril l'existence de compagnies résidentes. Et je prends juste le cas des Grands Ballets canadiens, qui avaient un manque à gagner d'au moins 500 000 $ à l'automne 1999 à cause de cette grève à la Place des Arts qui n'était pas résolue. Je pense qu'on peut s'entendre pour dire que, à l'automne 1999, le milieu de la culture lançait un cri de détresse et aussi surtout un cri d'épuisement parce que ces manques à gagner qui s'accumulaient signifiaient pour les créateurs et créatrices d'ici, pour les administrateurs et administratrices du milieu de la culture, qu'ils prenaient sur leurs épaules la survie, carrément la survie de leurs organismes ou de leurs compagnies. Donc, il y avait un sentiment d'épuisement. Et certains m'ont dit personnellement... employaient le mot un sentiment d'«écoeurement» assez profond, à l'automne 1999.

Malgré tout, malgré le contexte extrêmement difficile, des dizaines d'associations, d'organismes et de compagnies ont produit des mémoires pour le début de l'automne 1999, à notre demande, membres de la commission de la culture. Dans un cadre très difficile, les organismes et les associations ont produit leur mémoire pour le tout début du mois de septembre, pour le 4 septembre, et nos audiences devaient avoir lieu au mois d'octobre.

Or, par une décision du gouvernement, ces audiences de la commission de la culture ont été reportées. Je vous avoue que ça a créé un tollé dans le monde de la culture, et avec raison. Je vous rappelle que ces organismes, dans des conditions très précaires, très difficiles, avaient pris le temps de produire des mémoires, les avaient déposés, pour se faire dire qu'il n'y avait pas d'urgence et que ce n'était pas important de les entendre. Je pense que c'était à ce moment-là un très mauvais signal qu'a envoyé le gouvernement au milieu de la culture.

Mais, en même temps, peut-être que toute médaille a ses deux côtés. Donc, autant ça a été, je pense, un très mauvais message envoyé par le gouvernement au milieu de la culture, autant ça a amené le milieu de la culture à réagir, et ils ont pris le temps de se constituer en groupe plus organisé, qui est devenu clairement – et je pense qu'il faut l'indiquer, l'appeler par son nom – un groupe de pression qui a pris le nom du Mouvement pour les arts et les lettres.

Peut-être que les gens qui nous écoutent se souviendront qu'au tout début du mois de janvier, par exemple, ça a fait la une du Devoir . On a assisté à la création de ce qu'on a appelé par la suite le MAL. Il y en a qui diraient: Le MAL nécessaire. C'était donc le Mouvement pour les arts et les lettres qui s'est constitué et qui a planifié une série de rencontres publiques pour bien exprimer ses revendications et ses besoins. Et, comme je disais, peut-être que, dans le fond, le report de cette commission, bien que je considère toujours que le report des audiences à l'automne est un geste très regrettable, ça nous a permis et ça a permis au milieu de la culture d'être encore plus organisé pour faire entendre son point de vue.

(10 h 50)

Nous sommes donc maintenant en février de l'an 2000, et, lors des audiences, je pense qu'il faut souligner, en tout cas je tiens à prendre le temps de souligner la qualité des mémoires qui nous ont été présentés par le milieu de la culture. C'est 46 mémoires en tout qui ont été déposés dans le cadre de cette commission, et 36 individus, organismes ou compagnies ont été entendus par l'ensemble des parlementaires. Je crois que ces mémoires d'une très grande qualité ont amené les parlementaires membres de cette commission à vraiment saisir, à vraiment être interpellés et autant d'un point de vue intellectuel que je pense aussi que c'est venu nous chercher d'un point de vue émotif, donc, de se sentir vraiment interpellés par les propos tenus par le monde de la culture au Québec.

Comme mes collègues précédemment, comme le député de Marguerite-D'Youville et comme le président de la commission, le député de Matane, l'ont fait, je veux aussi souligner l'atmosphère qui a régné non seulement durant la commission, durant les audiences, mais aussi par la suite. Parce que la préparation et le dépôt unanime de ce rapport à l'Assemblée nationale, vous pouvez l'imaginer, ont fait l'objet de dizaines de rencontres entre parlementaires, qui, je pense, ont été placées sous le signe de l'écoute mutuelle, de l'honnêteté. Et je pense que les gens du milieu de la culture au Québec ont aussi senti ça et je pense que ça a contribué sûrement – je l'espère, je ne crois pas exagérer – à rétablir un lien de confiance entre des politiciens, entre une institution parlementaire et des représentants de la population.

Je tiens aussi à souligner que ce mandat de surveillance que s'est donné la commission de la culture a eu aussi un impact, je crois, très heureux. C'est le fait que le Conseil des arts et des lettres du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles, ayant depuis l'automne dernier accès aux mémoires déposés par les organismes, ont tenu des rencontres avec ces organismes et individus qui revendiquaient certaines choses.

J'ai eu la profonde conviction et la sensation que cette commission parlementaire avait fait bouger des choses préalablement même à ces travaux, puisqu'en cours de travaux on s'est fait dire à de nombreuses occasions que, quelques semaines avant ou quelques jours avant, le Conseil des arts et des lettres avait rencontré tel groupe, que la SODEC avait émis publiquement l'intention de poser tel geste. Et je pense aussi qu'il faut reconnaître qu'une telle commission, qu'un tel mandat de surveillance a des impacts non seulement par le dépôt d'un mémoire unanime signé par l'ensemble des parlementaires composant la commission de la culture, mais a aussi de multiples impacts. Ça a, j'ai envie de dire, un peu comme des tentacules, puisque, même en cours de travaux, on a pu voir que ça avait fait bouger les gens du Conseil des arts et des lettres du Québec et de la SODEC. Et c'est tout à leur honneur. Moi, pourvu que ça bouge... Je pense qu'on ne leur reprochera pas ça. Au contraire, pourvu que ça bouge, c'est très bon signe.

Comme le président de la commission l'a fait précédemment, je crois qu'il est extrêmement important de situer les travaux de cette commission dans le cadre de la politique culturelle dont s'est doté le Québec en 1992 à l'unanimité dans cette Chambre. Il faut se rappeler ce que dit la politique culturelle, premièrement, peut-être se rappeler... C'est le président de la SODEC, Pierre Lafleur, qui nous rappelait en commission parlementaire que cette politique culturelle a été, dans l'histoire de ce Parlement, de l'Assemblée nationale, la deuxième plus grande consultation dans l'histoire de l'Assemblée nationale.

Lorsque se sont tenues les consultations menant à bien la politique culturelle du Québec, il y a eu quelque chose comme 436 mémoires ou, enfin, plus de 400 mémoires déposés devant l'Assemblée nationale. Et je pense qu'il faut s'en rappeler parce que ça témoigne de l'importance cruciale qu'a le dossier de la culture dans la vie quotidienne des citoyens et citoyennes du Québec, qui clairement, à l'époque – on est en 1992 – se sont sentis interpellés par le fait que le gouvernement du Québec, alors mené par le Parti libéral du Québec, et on se souviendra que c'était Mme Liza Frulla qui était alors ministre de la Culture, a mené donc une consultation extrêmement large pour mener à bien la politique culturelle du Québec.

Et cette politique culturelle du Québec avait trois grands axes fondamentaux qui étaient: l'affirmation de l'identité culturelle des Québécois, le soutien aux créateurs et aux arts – et j'y reviendrai, c'est important – et l'accès et la participation des citoyens à la vie culturelle.

Puis il y avait aussi un autre axe fondamental à cette politique culturelle, non seulement donc ces axes qu'on peut plus lier à la notion de démocratisation de la culture au Québec, mais l'autre axe fondamental, c'était le principe qu'on devait faire confiance au milieu de la culture, qu'il fallait dépolitiser les décisions dans le milieu de la culture.

Et on s'est doté d'un modèle qui a pris forme sous le Conseil des arts et des lettres, qui s'est incarné dans le Conseil des arts et des lettres du Québec, où on a dit: Bien, tous les programmes qui existent au niveau du ministère de la Culture, ou enfin un très grand nombre d'entre eux, qui versaient des fonds directement à des artistes ou à des organismes, eh bien, dorénavant ces fonds on va les mettre à distance – l'expression «arm's length» – on va distancer ces fonds de prises de position purement politiques pour les confier à un organisme chapeauté par un conseil d'administration où siégeront des représentants du milieu de la culture, le milieu lui-même, et qui sera en mesure de prendre ses propres décisions au niveau de la distribution des argents.

Pour ça même, on a dit: Bien, il fonctionnera dans chacune des disciplines artistiques avec des comités de pairs, des jurys composés de pairs, qui, eux, décideront chaque année qui, quel artiste québécois, quel créateur mérite – pour employer cette expression – d'avoir une bourse ou de ne pas en avoir, quelle association aura des argents publics pour poursuivre ses travaux.

Je parle de cette notion de confiance qu'accordait la politique culturelle au milieu lui-même pour prendre ses décisions parce que ça m'amène à commenter la toute première recommandation de notre rapport adopté à l'unanimité. M. le Président, si vous le permettez, je vais vous la lire très rapidement. La première recommandation est:

«Que le principe de guichet unique – d'une part, aux artistes, là on parle du Conseil des arts et des lettres du Québec, et, d'autre part, aux entreprises, on parle da la Société de développement des entreprises culturelles, qui, elle, a été mise en place en 1994 – tel que prévu par la politique culturelle du Québec soit appliqué afin que cesse la multiplication des lieux de soutien qui alourdit inutilement la tâche des artistes et des organismes dans leur recherche de financement.»

C'est une recommandation qui, moi, me tient extrêmement à coeur parce que, là, on est au coeur d'une question fondamentale, c'est: Est-ce que nous avons l'intention ou pas de continuer à respecter l'esprit et la lettre de la politique culturelle du Québec? Et je m'explique. Le député de Matane, président de la commission, a précédemment fait allusion à cette multiplication de guichets qui semble plus compliquer la vie aux gens du milieu culturel que de les aider.

On fait bien sûr référence, par exemple, au fait que les gens du milieu de la culture doivent faire appel aux programmes d'Emploi-Québec, doivent aussi prendre le temps de s'impliquer au niveau des conseils locaux de développement ou des conseils régionaux de développement pour avoir accès aux enveloppes de développement régional. On pense aussi à d'autres formes d'intervention gouvernementale, d'autres décisions prises unilatéralement, par exemple par le ministre des Finances qui va dire: Bien, on verse tant de millions de dollars à des institutions majeures. C'est arrivé par le passé pour l'Orchestre symphonique de Montréal ou pour celui de Québec plus récemment.

(11 heures)

Là, je veux qu'on se fasse bien comprendre. On n'est pas en train de critiquer le fait qu'on soutienne de façon importante des institutions majeurs. Mais le milieu de la culture a tout d'un coup l'impression que, alors qu'il s'était fait dire par la politique culturelle qu'il pourrait décider lui-même des priorités, où doit aller l'argent pour assurer le développement de la création, du développement culturel du Québec, tout d'un coup, par-dessus la tête du Conseil des arts et des lettres du Québec, par-dessus la tête même du ministère de la Culture et des Communications, donc par-dessus la tête de la personne qui occupe le poste de ministre à ce moment-là, tout d'un coup il y a des sommes importantes qui sont versées en culture sans même que les artistes, les créateurs, le Conseil des arts et des lettres du Québec ou même le ministère de la Culture aient eu leur mot à dire.

Prenons aussi l'exemple d'interventions de plus en plus marquées dans le secteur de la culture. Prenons l'exemple de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui a annoncé le fait qu'elle mettait en place une filière ou une filiale qui allait s'intéresser et intervenir dans le secteur de la culture. Encore là, je pense qu'on peut avoir une réaction qui dit: Tant mieux. Si des partenaires économiques majeurs au Québec s'intéressent au secteur de la culture, c'est bon signe pour le secteur de la culture. Mais là où le débat doit se faire, c'est: Où est la place du milieu, des intervenants de la culture dans ces décisions qui seront prises dans l'allocation de fonds publics dans leur milieu, dans leurs entreprises, dans leurs organismes?

Mais je veux souligner, M. le Président, que, l'année dernière, il y a eu un geste de posé par la ministre de la Culture, qui a interpellé de plein fouet le milieu de la culture, c'est sa décision de créer un fonds qui s'appelle le Fonds de consolidation et de stabilisation du milieu culturel. C'est un nouveau fonds, complètement à côté des instances du Conseil des arts et des lettres du Québec qui, pourtant, par son conseil d'administration, avait pondu la même idée de créer une fondation des arts et des lettres du Québec pour soutenir la situation économique précaire de certains organismes, pour aider à éliminer des déficits et à consolider le développement de ces entreprises. Mais la ministre de la Culture a décidé de créer à côté totalement, sous la forme d'un organisme sans but lucratif et, je tiens à le souligner, loin du regard des parlementaires... Autant on a pu interpeller le Conseil des arts et des lettres par un mandat de surveillance, poser des questions et, je pourrais dire, exiger des comptes, autant, pour le nouveau fonds créé sous la forme d'un OSBL, on n'a plus rien à dire, plus de questions à poser parce qu'il ne relève plus de ce Parlement. On a confié à ce fonds des millions de dollars.

Je pense que le milieu de la culture est venu nous dire en très, très grande majorité, et c'est écrit en toutes lettres dans plusieurs mémoires, qu'il fallait se poser des questions sur l'intention réelle qu'avait la ministre actuelle de la Culture et des Communications de soutenir le Conseil des arts et des lettres du Québec et de soutenir... Donc, ultimement, ce dont on parle, c'est de soutenir les principes de la politique culturelle. Je pense qu'il est important non pas de juger le geste... Je comprends très bien, moi, la réponse de la ministre de la Culture, qui dit: Mais voyons! on met de l'argent en culture, vous devriez applaudir. On applaudit au fait qu'il y a de l'argent en culture, mais je pense que le milieu de la culture a été directement interpellé par le fait... On devait se poser la question si la politique culturelle était bel et bien respectée. Donc, cette première recommandation, réaffirmer le principe d'un guichet unique, non seulement c'est faciliter la vie aux artistes, aux créateurs, aux organismes, mais c'est respecter la politique culturelle du Québec.

Un dernier mot sur ce principe de guichet unique. Hier, on a vécu une journée importante aussi dans cette Assemblée, puisque la commission de la culture a réalisé une première partie – j'ai cru comprendre que ce serait une première étape – d'un mandat d'initiative qu'on s'est donné, encore là, unanimement sur la question de la mondialisation et de la diversité culturelle. Ça nous a permis d'échanger avec plusieurs membres, représentants du milieu de la culture.

Et certains, déjà, nous mentionnaient des difficultés qu'ils avaient avec ce Fonds de consolidation. Parce qu'une des justifications, c'était de dire: Dans le Fonds de consolidation, on va pouvoir financer des organismes qui ne relèvent pas du Conseil des arts et des lettres, mais bien du ministère de la Culture. Or, on a appris – et je pense qu'on a été, plusieurs députés qui ont appris ça, assez étonnés – que, par exemple, les cinémas parallèles, qui, je crois, sont un exemple, font partie intrinsèque de la vie, de la démocratisation de la culture dans plusieurs régions du Québec, eh bien, parce qu'il relèvent, au niveau du ministère, des loisirs récréatifs, des loisirs culturels, s'étaient fait répondre par le Fonds de consolidation qu'ils ne pourraient pas toucher un sou pour les aider au niveau de leur consolidation financière. Je pense que ça, c'est un exemple que la multiplication des fonds fait perdre de vue l'essentiel, qui est de soutenir la démocratisation de la culture dans chacune des régions du Québec.

M. le Président, je voudrais aussi vous faire part d'une autre recommandation qui est extrêmement importante pour la poursuite du développement de la culture au Québec, mais surtout pour assurer que la culture, le monde culturel aura toujours le poids qu'il mérite au niveau des débats de notre société puis au niveau des prises de décision gouvernementales, c'est l'importance d'avoir un observatoire de la culture.

Même lorsqu'il a été question de la crise dans le milieu audiovisuel, une des réponses qu'on nous a faites, c'est: Si on avait un observatoire de la culture, on serait beaucoup plus en mesure d'évaluer qu'est-ce qui se passe vraiment dans le milieu audiovisuel au Québec. Plusieurs autres intervenants, le Conseil des arts et des lettres lui-même, la SODEC, la Société de développement des entreprises culturelles elle-même, ont dit: Nous avons besoin d'un observatoire de la culture. Et je pense qu'unanimement on est très heureux d'insister, et que cette recommandation-là soit aussi au coeur de notre rapport.

Maintenant, lors de l'étude des crédits tout dernièrement – parce que la vie continue, donc on a pu faire l'étude des crédits tout dernièrement – la ministre de la Culture nous a dit assez rapidement – on n'a pas pu aller en profondeur – qu'elle annoncerait très bientôt un observatoire mais sous le chapeau, sous l'égide du Bureau de la statistique du Québec. Je pense que ça mérite ici qu'on explique vraiment encore plus concrètement l'intention des membres de la commission de la culture lorsqu'ils ont recommandé au gouvernement la mise en place d'un observatoire de la culture. L'intention, et je pense que c'est important de le dire, n'était pas de créer un nouvel organisme avec le lot de frais administratifs et autres que ça pouvait entraîner. Je pense que les Québécois et Québécoises ne sont pas très chauds et favorables à l'idée qu'on multiplie des organismes. Et nous étions favorables au fait qu'il fallait trouver la bonne niche à cet observatoire de la culture. Peut-être est-ce le Bureau de la statistique du Québec, mais je crois qu'on peut témoigner du fait que, là, le milieu de la culture, des industries culturelles, les créateurs ont une certaine inquiétude, c'est: Qui va passer les commandes au Bureau de la statistique du Québec?

Je m'explique. C'est que le ministère de la Culture a déjà en ce moment son lot de fonctionnaires émérites, capables de mener à bien des études commandées par la ministre et son cabinet. Et c'est tant mieux et c'est normal. Le Conseil des arts et des lettres du Québec, même avec un maigre budget, a déjà peut-être moins de moyens et se sent plus coincé à mener son lot d'études, puisque je pense que le Conseil des arts et des lettres du Québec, son conseil d'administration et les créateurs souhaitent que l'argent aille avant tout dans les poches des créateurs, et on les comprend. La SODEC aussi, c'est un peu la même chose. Mais, tout de même, ils peuvent jeter un regard sur leur milieu à même les données et les statistiques qu'ils possèdent dans leurs propres organismes.

Je pense ici qu'il est important de redire que l'intention derrière notre recommandation était le fait qu'il fallait qu'il y ait l'ensemble des partenaires autour d'une table, qui allaient passer leur commande à un Bureau de la statistique qui allait mettre en place un observatoire de la culture. Je pense que nos attentes, c'est que le ministère soit là bien sûr, que le Conseil des arts et des lettres soit là bien sûr, que la SODEC soit là bien sûr, mais qu'aussi les gens du milieu, les gens du milieu de la culture, des organismes, des OSBL, les créateurs, nos industries culturelles soient là pour qu'ensemble ils décident des commandes qu'ils vont passer au Bureau de la statistique du Québec, pour qu'on ne se retrouve pas devant des statistiques menées d'une façon un peu automatique sans avoir vraiment réalisé quels sont les enjeux dans un contexte de mondialisation, dans un contexte où les choses bougent très vite et dans un contexte où la culture, au Québec, elle sera de plus en plus importante, puisqu'on rentre dans un monde de l'économie du savoir où la créativité québécoise sera très à l'honneur. Il va falloir passer les bonnes commandes, et je pense que nos attentes, c'est que l'ensemble des partenaires soient autour de la table.

J'ai oublié de mentionner le milieu universitaire. Je crois que le milieu universitaire doit aussi être autour de cette table pour qu'on ne dédouble pas des efforts qui sont faits ailleurs en termes de recherche et d'étude de statistiques.

(11 h 10)

M. le Président, je tiens aussi à mentionner bien sûr qu'une recommandation importante est le fait qu'on demande au gouvernement d'augmenter substantiellement et de façon récurrente – c'est là important – le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec afin que cet organisme voué principalement au soutien à la création dispose de moyens à la mesure des responsabilités qui lui ont été confiées. Je tiens tout de suite à dire que cette recommandation est suivie d'autres recommandations où on demande une meilleure composition des jurys et même un élargissement des jurys, une meilleure présence du Conseil des arts et des lettres du Québec dans l'ensemble des régions du Québec.

Mais, pour moi, si on veut être réaliste et terre-à-terre, le Conseil des arts et des lettres du Québec pourra réaliser l'ensemble des recommandations que lui fait cette commission de la culture uniquement et uniquement si le gouvernement augmente son budget. Parce que je pense qu'on a eu des chiffres éloquents sur le fait que le Conseil des arts et des lettres du Québec avait un budget qui ne correspondait même pas, et je le mentionne, aux sommes évaluées lors de la mise en place du Conseil des arts et des lettres du Québec en 1994. On parlait, à ce moment-là, d'une somme de 60 millions. Le Conseil des arts et des lettres du Québec n'a jamais atteint ce montant, et même on en est loin.

Et il faut remettre cette recommandation dans la perspective du dernier budget. Effectivement, il y a des sommes qui ont été mises en culture. Mais je vous rappelle le fait que la première annonce de la ministre, c'était que 20 millions de dollars allaient sous le Fonds de stabilisation et de consolidation dont je vous ai parlé tantôt. Et je peux vous dire que très rapidement, dans les heures qui ont suivi le budget, le milieu de la culture a vraiment très mal réagi et a exigé une rencontre avec la ministre de la Culture, puisque ça allait à l'encontre de tous les propos qu'il avait tenus durant cette commission, ces audiences où on demandait, où la principale demande était d'augmenter le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec. Finalement, il y a 12 millions de dollars qui ont été mis sous le chapeau du Conseil des arts et des lettres du Québec, mais il faut mentionner que cette somme n'est pas récurrente.

Et je pense qu'unanimement les membres de cette commission ont reconnu les démonstrations faites par les organismes culturels au moyen d'études détaillées sur l'importance, non seulement pour que les créateurs et créatrices aient plus d'argent dans leurs poches pour que la culture soit en santé au Québec, mais aussi pour que le Conseil des arts et des lettres du Québec puisse augmenter son impartialité, son bon fonctionnement, d'augmenter le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec.

M. le Président, je veux profiter de cette tribune pour aussi clarifier réellement l'intention des membres de la commission derrière cette recommandation. Je pense me faire le porte-parole de l'ensemble des membres de la commission en disant que, lorsque nous demandons que le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec soit augmenté, l'objectif, c'est qu'il y ait plus d'argent dans les poches des créateurs et des créatrices du Québec, des individus, ceux qui sont à la base de la culture au Québec. C'est eux, c'est leur imaginaire qui alimente le nôtre. C'est les personnes les plus importantes. Si on fait vivre dans la famine des créateurs et des créatrices du Québec, c'est le Québec qu'on est en train d'affamer du point de vue de sa culture.

Or, j'ai aussi entendu dire, et je veux le dire ici, qu'avec les sommes enfin dévolues au Conseil des arts et des lettres du Québec cette année, dans le 12 millions supplémentaire, le Conseil des arts et des lettres du Québec allait en verser environ 55 % vers les organismes, 45 % vers les individus. Disons que c'est correct. Mais là je vous avoue que je prends mon courage pour envoyer le message vers le milieu de la culture, vers les organismes. On m'a dit que, compte tenu que ce n'étaient pas des sommes récurrentes, certains organismes étaient tentés de faire en sorte que ces sommes ne soient pas vraiment utilisées pour améliorer les conditions salariales, les conditions contractuelles, les conditions de vie des créateurs et des créatrices dans leur milieu, mais qu'ils allaient peut-être plutôt choisir d'investir dans le béton, comme on dit familièrement, plutôt tenter d'améliorer leur équipement technique. Je comprends très bien que la tentation est forte, je comprends cela, puisque la somme n'est pas récurrente, et on peut le déplorer. Mais je pense que le gouvernement, que le Conseil des arts et des lettres du Québec doit avec vigilance s'assurer qu'autant que faire se peut les argents qu'on met en culture aillent principalement et prioritairement dans les poches des créateurs et des créatrices du Québec.

Maintenant, M. le Président, il y a plusieurs recommandations, mais je vais prendre quelques instants pour parler également de la SODEC. La SODEC aussi, on a accueilli cette entreprise gouvernementale dans un cadre bien particulier, puisqu'une crise secouait le monde de l'audiovisuel. Je pense qu'il faut dire et réaffirmer, un, qu'il n'y a eu aucun témoignage ou enveloppe brune, témoignage dans le micro ou hors micro nous laissant sous-entendre qu'il y avait fraude, malversation dans le milieu de l'audiovisuel, entre autres par les fonds utilisés par la SODEC. Je pense que c'est un premier point à faire. Deuxième point à faire, la satisfaction des entreprises culturelles qui sont dans plusieurs commissions consultatives autour de la SODEC, leur satisfaction à travailler avec la SODEC. Je pense que c'est important de le réaffirmer.

Mais, malgré tout, comme parlementaires, nous avons eu l'impression qu'il fallait peut-être rappeler un peu la SODEC à l'ordre, malgré toutes ces félicitations qu'elle a reçues, puisque, dans sa mission de banque d'affaires, on a eu des réponses un peu dérangeantes. Lorsqu'on se fait dire qu'on ne demande pas des états financiers à des entreprises culturelles, qu'on ne leur demande pas des états financiers avant d'évaluer leur proposition d'affaires et de leur accorder des argents publics, et que la réponse, c'est: On ne leur demande pas parce qu'on les connaît, là la marge, elle est plutôt mince entre la relation d'affaires qu'entretient une banque avec son client, qui fait que la banque connaît son client – ça, on est capable de le comprendre – et la notion de copinage qui, malheureusement, circule aussi dans le milieu de la culture.

Et je pense que plus que jamais, quand on utilise des fonds publics pour soutenir la culture, il faut faire preuve de transparence mais aussi de rigueur. Parce que l'argument qui dit: Ah! mais, vous savez, c'est la culture, c'est différent, c'est un argument qui, de nos jours, ne peut plus tenir. Le milieu de la culture est un milieu structuré, est un milieu d'affaires, est un milieu qui peut brasser de bonnes affaires, de grosses affaires. Bien, c'est un milieu qui doit répondre aux mêmes exigences de rigueur que tout autre milieu industriel ou commercial. Et je pense qu'il était important de rappeler à la SODEC qu'elle devait faire preuve de rigueur et de transparence dans sa mission de banque d'affaires.

Mais je profite aussi de l'occasion pour mentionner – et je pense que c'est une des retombées positives de notre commission – que la SODEC a réagi, qu'elle nous a mentionné, lorsqu'elle est revenue se faire entendre devant nous – puisque nous avons demandé à l'entendre une deuxième fois – qu'elle allait corriger certaines situations, que, par exemple, les états financiers des entreprises allaient dorénavant être demandés systématiquement et aussi qu'ils publieraient un bulletin mensuel, si je ne me trompe pas, où seraient, de façon transparente, rendus publics les différents gestes posés par la SODEC dans l'attribution des fonds publics.

Tout comme mes collègues de Matane et de Marguerite-D'Youville, je tiens à mentionner l'importance qu'on procède en toute objectivité à l'étude de l'impact des crédits d'impôt, puisque nous avons eu un son de cloche différent entre l'ancien président de la SODEC, qui a quitté son poste à l'automne, Pierre Lampron, qui a signé un rapport maintenant bien connu, appelé le rapport Lampron, qui, dans son rapport, disait qu'il était convaincu de l'impact des crédits d'impôt sur la structuration du milieu de l'audiovisuel, et le nouveau président de la SODEC, qui, lors de sa première parution devant la commission, a laissé sous-entendre qu'en termes de capitalisation, en tout cas des entreprises québécoises, ce n'était pas si évident que les crédits d'impôt avaient eu tout l'impact espéré.

Et je pense que la conclusion, c'est qu'on doit mener une étude, une saine évaluation de l'impact des crédits d'impôt, surtout qu'on est tenté de les multiplier. Il y a maintenant un crédit d'impôt pour les éditeurs, et c'est bien accueilli, sûrement que c'est une bonne chose. Mais, si on prenait le temps de vraiment voir si c'est l'outil, en tout cas, le plus efficace pour vraiment construire des entreprises culturelles fortes au Québec, je pense que ça m'apparaît être une recommandation très sensible et très valable.

Il y a une recommandation que je veux aussi ici mettre en lumière, c'est celle où on demande à la SODEC de se doter de mécanismes étanches afin d'éviter des situations de conflit d'intérêts et de concurrence déloyale qui sont susceptibles de se présenter lorsque la SODEC participe, à titre de partenaire financier, à des projets ou à des organisations.

Peut-être que les gens qui nous écoutent ne le savent pas, mais, comme Québécois et Québécoises, nous sommes maintenant actionnaires de librairies de grande surface, puisque la SODEC a décidé d'être actionnaire d'un consortium de librairies qu'on appelle Renaud-Bray–Champigny–Garneau. C'est un geste assez inédit, puisqu'on intervient dans un champ carrément commercial. Vous savez qu'habituellement les efforts gouvernementaux, les appuis gouvernementaux donnés dans le milieu des affaires vont plus vers le milieu industriel. Plusieurs programmes évitaient d'aller se mêler vraiment du secteur commercial en tant que tel. Or, là, la SODEC a posé ce geste.

(11 h 20)

Je ne suis pas ici pour discuter du bien-fondé du geste qui a été posé, mais bien pour souligner qu'en même temps la SODEC gère des programmes de soutien, de subventions aux petites librairies indépendantes. Ces petites librairies se retrouvent dans une situation, ma foi, à l'évidence même, un peu de conflit d'intérêts de la part de la SODEC, puisque la SODEC, qui est maintenant en affaires, propriétaire de librairies de grande surface, examine les chiffres et les plans d'affaires de petites librairies. Donc, je pense qu'il faut vraiment que la SODEC se dote de mécanismes étanches.

Et la même histoire avec une festival ici, à Québec. On sait que les gens du Festival des films du monde de Montréal produisent un festival de films ici, à Québec. Or, la SODEC, avec la ville de Québec, a décidé unilatéralement de faire un appel d'offres pour qu'il y ait un nouveau festival de films à Québec. Je pense que c'est des situations où la SODEC se place clairement en conflit, en concurrence en tout cas, avec un promoteur privé.

M. le Président, il y a de nombreuses autres recommandations dans ce texte. J'invite les gens, l'ensemble des parlementaires et la population du Québec à en prendre connaissance. Mais je terminerai mes commentaires en faisant part du fait que – et je l'ai mentionné auparavant – j'ai la nette impression et la grande satisfaction de croire que le travail mené par l'ensemble des parlementaires au sein de la commission de la culture a, je pense, amélioré et rétabli un niveau de confiance entre des citoyens et citoyennes du Québec, principalement issus du milieu de la culture, et des parlementaires et des politiciens. Les commentaires reçus jusqu'à maintenant – et je suis sûre que mes autres collègues ont entendu la même chose – c'est que ceux qui ont choisi de venir se faire entendre devant cette commission ont retrouvé dans le rapport le degré d'écoute et de sensibilité qu'il y a eu au sein de cette commission parlementaire.

Mais je pense que cette relation de confiance qui a été établie entre la commission de la culture et des citoyens et des citoyennes du Québec, maintenant elle doit se refléter aussi avec l'exécutif, c'est-à-dire que maintenant, c'est plus directement la ministre de la Culture et des Communications et l'ensemble du gouvernement du Québec qui sont interpellés pour qu'on entretienne ce rapport de confiance avec le milieu de la culture.

Et je crois qu'une autre recommandation importante qui a été adoptée unanimement par cette commission, c'est le fait qu'on invite la ministre de la Culture à venir se faire entendre et à venir discuter avec les membres de la commission de la question de la mise en oeuvre des grands principes de la politique culturelle du Québec, des moyens, des mécanismes mis en place pour atteindre les objectifs de cette même politique. Et, comme je vous disais, je pense que maintenant le défi repose entre les mains de l'exécutif, et, entre autres, de la ministre de la Culture et des Communications.

Je terminerai en remerciant très sincèrement – il a dû quitter, et j'aurais aimé le faire devant lui – le président de la commission de la culture, le député de Matane, pour avoir mené avec beaucoup de brio non seulement les audiences de la commission de la culture, mais aussi nos travaux. Je voudrais aussi remercier l'ensemble des collègues membres de la commission pour avoir fait des travaux de cette commission un exercice qui a finalement été teinté de beaucoup de confiance, de sincérité et d'honnêteté. Je les en remercie.

Je terminerai en remerciant également le personnel de la commission: Mme Christina Turcot qui a rédigé ce rapport et qui s'est débrouillée avec les nombreux commentaires et modifications que nous lui avons demandés; M. Robert Jolicoeur qui était à ce moment-là secrétaire de la commission, qui a aussi assuré en tout temps un support aux membres de la commission. Vous me permettrez de remercier également personnellement mon attaché politique en charge des dossiers de la culture et des communications, M. Pierre Milette, qui m'a également secondée en tout temps dans le cadre des travaux de cette commission. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Sauvé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai en main, M. le Président, le rapport de la commission de la culture et des communications sur le mandat de surveillance d'organismes, dont nous parlons ce matin. Il s'agit d'un rapport assez substantiel, 58 pages, bien qu'on ait fait des efforts presque inhumains pour condenser tous les propos qui ont été tenus à cette occasion.

Au début de mon intervention, je voudrais faire suite aux paroles que vient de prononcer Mme la députée de Sauvé et critique de l'opposition en matière de culture quant à l'atmosphère qui a existé à la commission durant tout le temps qu'on a étudié et qu'on a reçu les représentations des organismes du milieu. Ça a été vraiment une atmosphère d'écoute, d'écoute empathique, d'écoute où on voulait vraiment comprendre ce que les gens vivaient, comprendre les besoins du milieu de façon à pouvoir trouver dans leurs demandes des solutions réalistes aux situations qu'ils vivent. Donc, M. le Président, je veux remercier Mme la députée de Sauvé, M. le député d'Outremont, M. le député de Matane, notre président qui a conduit les débats avec beaucoup de brio, M. le député de Marguerite-D'Youville, M. le député d'Iberville aussi, tous mes collègues qui sont intervenus d'une façon ou de l'autre à la commission et qui nous ont permis de faire un travail extraordinaire, un travail exempt de partisanerie et un travail très efficace.

Vous savez, M. le Président, nous avons la chance d'avoir au Québec une politique culturelle qui fait l'unanimité des partis et qui fait, je pense, l'unanimité des représentants, des députés aussi. C'est une politique culturelle qui a été adoptée du temps du gouvernement libéral qui nous a précédés, quand Mme Liza Frulla-Hébert était ministre, à l'unanimité des partis. Et c'est à cette occasion-là qu'on avait établi un premier niveau de financement des organismes, d'aide aux artistes au niveau d'environ 60 millions pour un premier départ. À l'époque, le gouvernement avait consenti 40 millions d'argent pour permettre au CALQ, c'est-à-dire le Conseil des arts et des lettres du Québec, l'organisme qui donne des bourses aux artistes, de remplir sa mission dans la société. Donc, c'est 40 millions de dollars qui lui avaient été attribués. Ce montant-là a été maintenu depuis, pendant plusieurs années.

Et alors qu'au plus fort de l'époque où nous avions à nous serrer tout le monde la ceinture, que nous devions faire en sorte de rétablir une situation financière saine, des coupes importantes, vous le savez bien, M. le Président, ont été faites dans les transports – évidemment, M. le député d'Outremont acquiesce, opine du bonnet parce qu'il sait bien que c'est vrai – des coupes importantes ont été faites aussi dans l'éducation, même dans la santé, on a été obligé de couper pour rationaliser et reconfigurer le système de façon à s'assurer qu'on pourrait le sauver pour les générations qui viennent, mais aucune coupe n'a été faite dans la culture. C'est dire à quel point notre gouvernement était conscient de l'importance de financer adéquatement nos créateurs. C'est sûr que couper dans la culture, ç'aurait été couper dans le revenu des plus pauvres des travailleurs du Québec, ç'aurait été couper dans les revenus de ceux qui expriment notre culture et notre identité, ceux à qui nous devons tant et qui permettent au Québec de rayonner d'une façon brillante au niveau international.

Alors, M. le Président, nous nous sommes réunis pour étudier en particulier le fonctionnement des organismes qui aident les artistes: d'une part, le Conseil des arts et des lettres qui s'adresse directement à l'artiste pris individuellement, n'est-ce pas, en lui fournissant des bourses pour qu'il réalise ses projets de création artistique; mais aussi la SODEC, la Société de développement des entreprises culturelles, qui, elle, va plutôt intervenir au niveau des grands ensembles comme les producteurs de films, les producteurs de grands spectacles, de grands festivals, qui, par le biais de ces organismes-là et de ces événements-là, fait évidemment que nous pouvons atteindre aussi l'artiste créateur qui contribue à ces événements-là.

(11 h 30)

À l'occasion de la consultation, les artistes se sont réunis et ils ont fondé un organisme de concertation qu'on appelle le Mouvement pour les arts et les lettres. J'ai ici un document qui ramasse en quelques pages seulement l'ensemble des revendications qu'ils nous ont exposées. Et, vous savez, nous avons écouté, donc, l'opinion du MAL, nous avons écouté l'opinion du Conseil des arts et des lettres du Québec, l'opinion de la Société de développement des entreprises culturelles et de 36 autres organismes qui sont venus présenter des mémoires devant la commission. En plus de cela, d'autres organismes nous ont envoyé des mémoires par la poste, que nous avons étudiés aussi. Ce qui fait que près de 50 organismes différents ont été entendus ou lus par les membres de la commission. Alors, c'est donc une consultation très large, une consultation qui nous a permis de vraiment toucher la situation de très près et de la comprendre correctement.

Et j'aimerais ici, M. le Président, vous lire quelques mots de la présentation qui nous a été faite par le Mouvement des arts et des lettres. Même si j'ai seulement quelques minutes, je trouve très important de lire ces quelques mots parce qu'ils nous établissent en quelques lignes la situation réelle des arts et des lettres, la situation des artistes au Québec. Alors, regardez qu'est-ce qu'on y lit: «Pour leur travail essentiel et avec un niveau de scolarité très élevé, souvent baccalauréat, maîtrise, doctorat universitaires, les artistes ont un revenu souvent inférieur au seuil de la pauvreté – M. le Président. En 1996, toutes sources de revenus confondues, le revenu moyen d'un artisan des métiers d'art était de 15 698 $.» 15 000 $, M. le Président. C'est le salaire minimum. Et ça, M. le Président, c'est le revenu moyen. Ça tient compte de nos vedettes qui gagnent convenablement leur vie. Ça veut dire que les autres qui ne sont pas nos vedettes mais qui contribuent puissamment à la vie culturelle au Québec, qu'est-ce qu'ils gagnent, M. le Président? Le niveau de l'aide sociale, la grande pauvreté.

Alors, faut-il rappeler que près de 75 % d'entre eux, des artistes, sont des travailleurs autonomes qui n'ont ni accès au régime d'assurance emploi ni aucune forme d'avantages sociaux. Et ce sont des gens qui expriment notre culture, M. le Président, ce sont des gens qui nous amènent à voir des oeuvres merveilleuses de créateurs, des artistes qui créent des tableaux merveilleux qui font le tour du monde et que, nous, nous valorisons malheureusement très peu parfois. Alors, malgré leur pauvreté et l'absence de filet social, ils offrent annuellement plus de 10 000 représentations, expositions, publications et manifestations culturelles. On dit, un peu plus loin, que «le CALQ n'est jamais capable d'aider plus que 30 % des artistes qui lui font des demandes». Et on sait, M. le Président, que beaucoup d'artistes n'osent même pas faire de demande, parce qu'ils se découragent avant même d'avoir fait la demande, parce que le niveau d'aide n'est pas suffisant pour pouvoir aller jusqu'à eux. Et pourtant, et pourtant, nos artistes sont notre fierté.

Vous savez, M. le Président, moi, j'ai la chance d'avoir chez moi, à Saint-Hyacinthe, de grands artistes. Je pense, par exemple, à l'artiste, à Mme Gagnon, qui signe ses toiles du nom de Amael. C'est une grande artiste qui expose à New York, à Tokyo, qui est connue dans le monde entier. Je suis fier de voir les oeuvres de cette grande artiste: des tableaux non figuratifs dans lesquels la lumière vient toujours à bout de l'obscurité, et nous fait entrevoir l'espace, et nous fait entrevoir l'avenir, et nous fait entrevoir la réalité à travers un regard de confiance.

M. le Président, je suis fier quand on me parle des gens comme, par exemple, Luc Plamondon, qui crée probablement actuellement le spectacle le plus important qui se crée dans le monde entier et qui vient de chez nous. Pensons au Cirque du Soleil. Pensons à Broue , M. le Président, qui est une pièce de théâtre, un regard critique et humoristique sur notre société, qui représente probablement – probablement, M. le Président – la pièce qui a été la plus regardée au Québec. Alors, si on pense à nos chansonniers, si on pense à nos acteurs, à nos gens de lettres, on est fiers. Et cette fierté-là, elle s'exprime sur la scène mondiale, M. le Président.

Alors, nous avons un devoir d'aider les artistes. Et c'est ce qu'ils nous ont dit, c'est ce qu'ils nous ont expliqué. Et nous les avons compris. Nous les avons compris, nous les avons écoutés et nous avons compris qu'il était très important que, bien que déjà nous fassions beaucoup pour les artistes, nous puissions aller encore plus loin. Et, si on regarde la recommandation n° 13 de ce rapport, on dit qu'on recommande au gouvernement d'augmenter substantiellement et de façon récurrente le budget d'aide aux artistes. Évidemment, M. le Président, à quelle hauteur faut-il l'augmenter? Eh bien, nous avons demandé, dans une autre résolution, la création de l'observatoire, qui va nous permettre de chiffrer de façon plus précise les besoins des artistes, et dans quelle mesure on pourrait vraiment aller à la rencontre de leurs demandes.

Donc, M. le Président, je pense que ce qui caractérise cet exercice que nous avons fait, c'est que nous avons été à l'écoute des artistes, nous avons été à l'écoute des créateurs, et, quand nous avons rendu public ce rapport que nous avons devant nous, eh bien, ça a été l'unanimité dans le milieu des arts et des lettres pour dire: Vous nous avez écoutés; jamais comme aujourd'hui nous ne nous sommes sentis écoutés et compris. Alors, M. le Président, je pense qu'il y a encore beaucoup à faire, mais ce que nous allons faire maintenant pour aider les artistes, nous le ferons à partir de ce qu'ils nous ont dit. Ce rapport sera certainement très bien étudié et donnera lieu à des ajustements qui seront dans l'intérêt des créateurs et des artistes du Québec. Alors, je remercie donc mes collègues de la commission et je suis convaincu que les artistes en tireront un grand bénéfice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Si nous tenons compte du cinq minutes qui était réservé au député indépendant et que nous distribuons ce cinq minutes, il reste 18 minutes au parti de l'opposition et 11 minutes à l'aile parlementaire... au gouvernement. Alors, je vais céder la parole à M. le député d'Outremont. M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, l'État moderne est devenu une machine politique et administrative d'une complexité extrême. Quant à l'État culturel moderne, il n'échappe pas à cette complexité extrême, et, en ce qui me concerne – et je pense que c'est probablement vrai aussi de mes collègues de la commission de la culture – les audiences qu'on a tenues nous ont fait voir cette complexité de l'État culturel. Nous avons eu l'occasion d'examiner deux grands acteurs bureaucratiques que sont le Conseil des arts et la SODEC, et on a entendu de nombreux témoignages qui, je pense, nous ont fait comprendre que le réseau de la culture, de son financement, de sa gestion, des demandes qui en proviennent, c'est un réseau qui est complexe et très compliqué.

Pour des raisons qui tiennent à cette complexité extrême de l'État, le contrôle de l'exécutif sur les fonctions et les activités de l'État s'est accru d'une façon considérable. L'État est également devenu un appareil bureaucratique tentaculaire dont les ramifications sont en croissance continue, et cela, malgré les tentatives répétées visant à ralentir sinon arrêter cette croissance.

La concentration des fonctions, des activités directrices de l'État et sa bureaucratisation sont au coeur du problème du déficit démocratique, à propos duquel tant de choses ont été écrites depuis une quinzaine d'années. Face à la complexité extrême de l'État, l'expérience du citoyen ordinaire en est une de perplexité et d'impuissance, ce que des études réalisées dans toutes les démocraties modernes démontrent en abondance. Je voyais dernièrement une étude publiée dans la revue américaine Modern Democracy où, pour une dizaine de pays démocratiques occidentaux, ce qu'on observe, c'est une baisse à peu près continuelle depuis 15 ans de la confiance des citoyens dans les députés, dans les politiciens, du cynisme et de cette espèce de perplexité face à un État qui est tellement complexe et sur lequel on a tellement de difficultés à sentir qu'on puisse exercer un contrôle.

(11 h 40)

La revalorisation du rôle du député, la personne politique sans qualité, M. le Président, qui n'est ni ministre, ni haut fonctionnaire, ni titulaire d'une fonction parlementaire particulière, la revalorisation du rôle de député, dis-je, vise en partie à répondre au déficit démocratique mentionné plus haut et à l'expression d'impuissance vécue par tant de citoyens et de citoyennes.

Quant aux commissions parlementaires, elles ont été créées et sont devenues le moyen privilégié de revalorisation du rôle du député, de stimuler son intérêt, d'accroître son influence et surtout de mieux affirmer son rôle de porte-parole des citoyens ordinaires habités, comme je l'ai mentionné plus haut, par un sentiment de perplexité, d'impuissance diffuse, mais vécue avec particulièrement d'intensité par certains groupes sociaux.

Je relisais ce matin les documents fondateurs de la création des commissions politiques, de la révision du règlement de l'Assemblée nationale en 1984, et c'est ça, la mission des commissions politiques. Ça vise à revaloriser le rôle du député, à le stimuler, à le faire participer à des débats et, espérons-le, à augmenter son influence au sein de l'appareil de l'État, qui, comme je l'ai mentionné plus haut, est devenu d'une complexité extrême et face auquel le sentiment de contrôle qu'on peut avoir comme député ordinaire est loin d'être aussi important que ce qu'on peut s'imaginer. Moi qui ai été durant des années haut fonctionnaire et qui suis devenu un député, un politicien sans qualité, M. le Président, je dois convenir qu'évidemment, oui, le pouvoir qu'on peut exercer comme député sur les grandes décisions de l'État, que ce soit en matière de culture, ou en matière d'économie, ou de finances, et ainsi de suite, est tout de même un pouvoir relativement limité.

M. le Président, lors de la réalisation par la commission de la culture de son mandat de surveillance sur le Conseil des arts et des lettres et sur la Société de développement des entreprises culturelles, j'ai senti à maintes reprises le sentiment d'impuissance face à la complexité extrême de l'État, tel que vécu et exprimé par plusieurs des créateurs et créatrices culturels qui ont été invités à venir témoigner. L'expérience d'impuissance, loin d'être universelle, est néanmoins suffisamment répandue pour qu'on s'en inquiète et qu'on tente d'y remédier. Cette expérience n'est pas, évidemment, universelle, puisque nous avons eu le privilège d'assister à des témoignages de personnes et d'organismes qui sont particulièrement bien équipés, n'est-ce pas, pour contrôler leur destin dans l'espace de la politique culturelle.

Il y a des gens qui ont du pouvoir, qui ont de l'organisation, qui ont des ressources, mais il y en a d'autres et il y en avait plusieurs autres qui sont venus témoigner devant nous et qui, eux, sont dans une situation qui est beaucoup moins avantageuse du point de vue de la réalisation de leurs objectifs. Je pense, par exemple, à certains témoignages qui nous ont été – et c'est repris dans le document de la commission – livrés par les personnes qui consacrent leur vie à l'artisanat, aux arts du textile et qui sont venues nous dire: «Écoutez, nous, on est dans une situation de déficit de reconnaissance qui est à peu près total, au sein de l'espace de gestion culturelle dont vous parlez maintenant. Il y en a d'autres qui sont venus aussi se plaindre peut-être pas d'un sentiment d'exclusion, mais tout de même d'un sentiment d'impuissance relative. Je pense à beaucoup de gens des régions, par exemple, qui sont venus nous voir et qui nous ont dit: Dans notre région, la politique culturelle n'est pas appliquée comme nous souhaiterions qu'elle le soit, et qui nous ont fait des recommandations là-dessus. Et je ne suis pas en train de faire une critique, disons, partisane ni du gouvernement ni des appareils. Je trouve que la mise en application d'une politique culturelle comme celle-là pose des problèmes de complexité et que ces problèmes de complexité nous sont apparus d'une façon particulièrement aiguë, mais particulièrement en toute évidence à l'occasion de la commission.

M. le Président, je veux remercier de tout coeur les personnes qui sont venues témoigner. Je veux les remercier de leur candeur, de leur franchise et de leur courage. Certaines personnes sont venues nous dire des choses que nous avions non seulement intérêt à entendre, mais il fallait faire preuve d'un courage certain pour venir nous les dire avec autant de candeur et autant de franchise.

Je voudrais aussi également faire brièvement mention de quelques recommandations qui m'apparaissent particulièrement significatives. Je ne veux pas répéter ce qui a été dit plus tôt par mes collègues de la partie gouvernementale, non plus que ce qui a été dit par la députée de Sauvé, je voudrais simplement revenir sur quelques recommandations qui me paraissent importantes et sans vouloir trop faire de duplication avec ce qui a été dit antérieurement.

D'abord, il y a des recommandations qui portent sur ce qu'on pourrait appeler le besoin d'une transparence accrue de la part des deux organismes dont on a fait la surveillance. Cette transparence, évidemment, elle devrait s'accroître par différents moyens. L'un de ces moyens qui ont été mentionnés, c'est certainement la simplification des procédures administratives. On a mentionné, en ce qui concerne le Conseil des arts et des lettres et en ce qui concerne la SODEC, que les formulaires de demande de subvention qui sont exigés sont souvent d'une complexité qui fait que, dans certains cas, on nous l'a dit, avec des organismes qui possèdent des ressources limitées, on est assujetti à la nécessité de devoir employer quelqu'un ou quelqu'une à plein temps pour pouvoir gérer la paperasse. Donc, il serait peut-être opportun qu'on s'interroge sur le besoin de simplifier la paperasse et probablement de simplifier le langage de la paperasse, ce que les Américains appellent «simple language». Ça serait peut-être le temps qu'on s'interroge, dans nos organismes dont on parle, pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'améliorer les choses de ce point de vue, parce qu'il y a évidemment des grosses machines culturelles, des gros organismes culturels – on en a mentionné tantôt, ma collègue de Sauvé y a fait référence – qui, eux, n'ont pas, ou qui, elles, n'ont pas de problème à gérer le processus parce qu'elles ont les ressources pour le faire. Elles ont non seulement l'expérience du processus, elles ont, dans certains cas, contribué à sa construction, mais elles ont aussi du personnel, du staff, comme on dit, pour pouvoir le contrôler, le processus.

Mais il y a des organismes – je pense aux organismes régionaux qui sont venus témoigner devant nous – dans bon nombre de cas, qui n'ont pas ce niveau de ressources et qui se trouvent devant cette complexité extrême et qui sont dans un état, comme je le disais tantôt, de perplexité et d'impuissance, même s'ils arrivent néanmoins à se débrouiller, mais en y faisant des efforts qui ne sont pas nécessairement... qui devraient peut-être être consacrés ailleurs, c'est-à-dire au travail de création plutôt qu'au travail de gestion de l'interface bureaucratique.

Un autre aspect de la transparence, mais là, ici, M. le Président, on touche à un problème qui est au coeur de la culture, comment dirais-je, de l'organisation étatique québécoise – je me suis battu pour faire avancer un point de vue là-dessus lors du grand débat sur la Grande bibliothèque, je n'ai pas eu gain de cause, mais on l'a rementionné à l'occasion des débats qu'on a eus – c'est la question de la division des fonctions de contrôle à l'intérieur des organismes, entre un président de conseil qui est représentatif de la communauté et un directeur général, une directrice générale qui, elle, est une fonctionnaire. Au Québec, on travaille avec un modèle d'organisation publique où on privilégie le modèle français, à savoir où les fonctions de présidence et de direction générale sont habituellement fusionnées dans une même personne. Et, moi, je pense que ce n'est pas dans le meilleur intérêt de la communauté artistique que ce soit comme cela dans les grands organismes.

(11 h 50)

On a aussi mentionné le besoin de revoir, de réexaminer, pas d'une façon radicale mais tout de même d'une façon, disons, sérieuse le fonctionnement des jurys pour s'assurer que ces jurys-là soient... je pense qu'ils sont déjà représentatifs, mais que ces jurys n'oublient personne, que ces jurys ne soient pas étanches à des regards artistiques ou à des projets de création culturelle qui ne sont pas les projets standards, qui ne sont pas les projets les mieux connus. Ça, c'est des remarques qui nous ont été faites par plusieurs des personnes qui sont venues nous rencontrer.

Donc, il y a la transparence, d'une part, il y a le besoin d'une transparence accrue. Et cela devrait, je pense, se manifester par une volonté de remettre le client au coeur des organisations, de la gestion de la politique culturelle, le client, la personne qui est, on l'a mentionné tantôt, le créateur, la créatrice. Ce sont ces gens-là dont on doit servir à la fois les intérêts et les aspirations. Et la bureaucratie doit apprendre à s'incliner devant ce genre d'orientation et la faire sienne et toujours s'interroger sur sa capacité et sa volonté de le faire.

Un autre aspect des recommandations qui est très important, on y est revenu – je ne voudrais pas passer trop de temps – mon collègue de Marguerite-D'Youville l'a mentionné, ça a aussi été repris par ma collègue de Sauvé, c'est cette recommandation touchant le fonds d'assurance indemnisation. C'est très important, parce que – ça, c'est une découverte qu'on a faite, enfin, certains d'entre nous – il y a vraiment là un problème de misère d'une catégorie de la population, qui est assez flagrante, qui est assez blessante, pour ceux qui en deviennent conscients. Moi, je fais des relations avec ça, avec des situations que j'ai pu observer dans mon comté, où j'ai une partie du comté que j'appelle le Plateau, qui est une partie du comté où il y a beaucoup de ces jeunes créateurs et créatrices culturels qui y habitent. Et, lorsqu'on s'y promène, soit parce qu'on est un grand buveur de café puis un grand mangeur de gâteau, ou soit parce qu'on fait des campagnes électorales, ou soit parce qu'on s'intéresse simplement à savoir au juste quelle est l'humeur de son électorat ou de ses commettants, on voit qu'il y a beaucoup de gens qui vivent dans la précarité financière.

Le député de Saint-Hyacinthe mentionnait tantôt un revenu moyen de 15 000 $. Évidemment, on est un peu estomaqué, n'est-ce pas, parce que, comme il le mentionnait, M. le Président, c'est le salaire moyen. Alors, évidemment, il y a les grands nantis de l'entreprise, mais il y a ceux qui sont dans une situation beaucoup plus difficile. Moi, j'en ai vu, tout le monde d'entre nous en a vu, de ces gens-là, et c'est clair que, ça, prioritairement, il faut trouver une solution à ce manque, à cette carence, à ce déficit, et il y a des recommandations dans le rapport qui en font état.

Troisièmement, M. le Président – puis vous me dites qu'il faut que j'accélère – je pense qu'il faut aussi prioriser l'aide qu'on peut accorder à ce que j'appellerais les chaînons faibles de la mise en oeuvre de la politique culturelle. Évidemment, il y a nos régions, on en a mentionné. Les régions sont souvent des chaînons faibles, surtout lorsqu'on descend vers mon pays d'adoption, de Saint-André-de-Kamouraska, descendant vers l'Est, encore plus que ça, là. C'est loin de Montréal et de Québec, ce monde-là.

Il y a un autre chaînon faible, je le mentionne, certains vont peut-être trouver que j'exagère, mais c'est le Festival des films du monde. C'est une grande, grande, grande, une grande institution culturelle, ça, le Festival des films du monde, mais c'est toujours dans une situation d'incertitude face à l'avenir, compte tenu du financement de l'État, des habitudes bureaucratiques, de certaines attitudes, et ainsi de suite. Donc, sur ça, il y a une recommandation dans le rapport qui, à mon avis, est une recommandation très importante.

Il y a aussi, comme on l'a mentionné – le député de Marguerite-D'Youville, ma collègue de Sauvé – la création d'un observatoire. Je ne veux pas revenir là-dessus, parce que ça a été si bien justifié par mes deux collègues que je pense que ça serait inutile de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député d'Outremont. En conclusion, s'il vous plaît.

M. Laporte: En conclusion, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien.

M. Laporte: D'abord, je veux répéter ce qui a été dit. Alors, je veux remercier de tout coeur le président de la commission, M. Rioux, qui s'est donné comme mandat de faire de cette commission-là ce qu'elle devrait être, et je pense que c'est courageux. Enfin, il peut compter sur moi pour l'appuyer en tout temps.

Ensuite de ça, eh bien, je veux aussi terminer en mentionnant, comme l'ont fait mes collègues, l'ambiance de convivialité dans laquelle nous avons travaillé. Ce n'est pas à tous les jours qu'on travaille dans un contexte qui n'est pas partisan. Ce n'est pas nécessairement souhaitable qu'on le fasse à tous les jours, mais de temps en temps. Je dois dire que ça a été fort agréable et j'en remercie tout le monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. J'ai besoin d'un consentement pour que nous puissions dépasser un peu midi, il reste peut-être cinq minutes pour permettre de terminer la période de débat de deux heures. Alors, consentement. M. le député d'Iberville.


M. Jean-Paul Bergeron

M. Bergeron: Merci, M. le Président. J'étais pour dire que, lors des audiences, les gens qui sont venus, ça s'est passé sans flagornerie, sans fard, sans artifice, et ça a été un vrai cri du coeur. Personnellement, j'aimerais attirer votre attention sur la partie du rapport déposé qui concerne la démocratisation et la régionalisation de la culture. Les grandes salles, les institutions majeures sont majoritairement à Montréal, à Québec, mais il y a plus de 3 millions de Québécois qui vivent hors des zones métropolitaines. Donc, il faut penser à eux. En effet, nous devons apporter une importance particulière aux recommandations faites en ce sens dans le rapport, car elles traitent directement de la survie, de l'épanouissement mais surtout de la diffusion de la culture.

M. le Président, ces recommandations viennent créer un contrepoids au développement à un rythme accéléré d'une culture mondiale que je qualifierais de minimaliste. J'entends, par «minimaliste», le sens où, dû au fait du développement des moyens de communication, dû au fait de la facilité avec laquelle aujourd'hui nous pouvons entrer en contact avec les gens des quatre coins de la planète, le plus petit dénominateur commun devient la règle des échanges entre peuples. Des fois, quand on entend la musique, ça sonne fort, mais souvent, trop souvent, ça ne vole pas haut.

Dans le domaine de la culture, la mondialisation – puisqu'il faut l'appeler par son nom – n'amène pas à une meilleure connaissance des cultures des autres, à une meilleure diffusion de notre culture, mais crée de toutes pièces une culture nouvelle où chacun pourrait – et je dis bien «pourrait» – se reconnaître, pourrait comprendre. Cependant, cette culture ne reconnaît pas de spécificité, elle ne reconnaît pas de particularisme, puisqu'elle doit englober tout le monde. Elle se fait rassembleuse, mais je pense que le vrai terme devrait être «racoleuse».

En fait, nous assistons à une sorte de créolisation, si vous me permettez ce néologisme, des cultures où domine de plus en plus la culture de consommation de type américain. Déjà, certaines voix s'élèvent contre la mondialisation des cultures; qu'on cite des exemples en France, en Belgique ainsi que d'autres petits États qui demandent que la culture soit exclue des règles régissant les échanges internationaux... Le Québec le fait aussi sur ses tribunes qui lui sont disponibles, telle la francophonie, mais vous conviendrez, M. le Président, que, tant que nous demeurerons dans le giron fédéral, l'accès aux tribunes internationales est difficile. Et vous me permettrez un trait d'esprit: Ça n'a pas de chrétien de bon sens!

M. le Président, je fais allusion ici au concept déjà connu sous le nom d'«exclusion» ou encore d'«exception culturelle». Il est important, voire primordial, que la culture ne soit pas traitée sur le même pied que les échanges commerciaux dits réguliers, comme l'aéronautique, le multimédia ou l'automobile. Nous devons trouver – et j'appuie là-dessus – nous avons ce devoir-là de trouver les moyens de préserver ce qui nous définit, en tant que tel... des échanges commerciaux réguliers. Il y a urgence et, je dirais même, il y a péril en la demeure.

(12 heures)

Cependant, M. le Président, tout ce que je viens de dire, si c'est vrai, c'est surtout à une condition. Sans cette condition, tout ce que je viens de mettre en lumière n'a aucun sens. Cette condition est que nous devons absolument avoir une culture à défendre. Je ne veux pas dire que nous n'avons pas de culture. Mais, pour défendre une culture, nous devons la promouvoir, nous devons rendre notre culture accessible au peuple, à notre peuple, trouver les moyens de la diffuser, que tous puissent se l'approprier. Il faut que les créateurs aient les moyens de créer, que la population puisse y avoir accès facilement. En fait, M. le Président, nous devons démocratiser, mais surtout régionaliser notre culture. En effet, si notre peuple ne peut développer de nouveaux artistes, de nouveaux spectateurs de notre culture, de nouveaux consommateurs, cette culture finira par se confondre à cette culture mondiale, que j'ai appelée minimaliste, dont j'ai fait mention plus tôt.

Avant de donner le monde à nos enfants, par des connections Internet, par des moyens de conquérir les marchés internationaux, nous devons, et c'est notre devoir en tant que société, leur donner la Gaspésie, le Haut-Richelieu, les Laurentides, les régions du Québec, le Québec tout entier. En fait, et plus simplement, donnons à nos enfants les moyens de savoir qui ils sont, d'où ils viennent, ce qui leur permettra d'être plus aptes à savoir où ils vont et ce qu'ils feront. Pour ce faire, M. le Président, la commission a émis quelques recommandations suite aux audiences qu'elle a tenues. Une d'entre elles s'adresse au gouvernement et plus particulièrement à la ministre de la Culture et des Communications ainsi qu'au ministre de l'Éducation. Cette recommandation demande à ce que les liens entre ces deux ministères soient plus étroits et plus concertés afin de favoriser un meilleur accès de nos jeunes à la culture. Les consommateurs de la culture de demain sont sur les bancs de l'école d'aujourd'hui. En fait, ce que nous demandons, c'est que le protocole qui a été signé entre les deux ministères, en 1997, puisse réellement conduire à un partenariat véritable permettant, et je cite, «de susciter, stimuler et valoriser des interventions concertées, adaptées et novatrices en matière d'éducation et de culture».

M. le Président, il m'apparaît primordial que nous mettions véritablement en place des instruments capables de promouvoir notre politique culturelle. Nous devons permettre au plus grand nombre possible de nos concitoyens et de nos concitoyennes de connaître, d'apprécier et de participer à notre vie culturelle. En fait, M. le Président, nous devons démocratiser notre culture, nous devons la rendre la plus accessible possible au plus grand nombre possible. Pour ce faire, nous avons deux organismes, le CALQ et la SODEC – nous en avons abondamment parlé – qui jouent des rôles importants en ce domaine en permettant à la fois le financement, la création et la diffusion de la culture. Cependant, comme l'ont mentionné mes collègues de Saint-Hyacinthe et de Marguerite-D'Youville – et je ne m'attarderai pas plus longtemps – le manque de budget limite grandement les actions de ces organismes. Cependant et malgré cette donne, le CALQ et la SODEC doivent accentuer leur soutien aux projets permettant une diffusion et une accessibilité plus grande à la culture. Ils doivent le faire dans un esprit permettant la diversité régionale.

En effet, je faisais plus tôt un parallèle entre les cultures nationales et la culture mondiale, mais cette distinction peut aussi se faire entre notre culture nationale québécoise et nos cultures régionales. En effet, l'histoire, le peuplement et le développement de nos régions ont amené une diversification régionale très importante, porteuse de richesses et de spécificités propres. La Gaspésie, l'Outaouais, le Saguenay, le Haut-Richelieu, dont je suis originaire, n'ont pas connu les mêmes événements, les mêmes développements. Ces régions ont nécessairement développé des spécificités particulières qui doivent être connues, qui doivent être promues, dont le plus grand nombre doit s'approprier. Dans ce contexte, il est important que tous orientent leur action vers une plus grande diffusion mais surtout vers une plus grande régionalisation de la culture.

Je ne peux passer sous silence la nécessité de la création d'un observatoire de la culture. Ceux qui m'ont précédé l'ont tous noté, mais il est important de doter le milieu culturel d'un outil de travail important où ils pourront avoir accès et pourront y passer les bonnes commandes.

En conclusion, M. le Président, j'aimerais terminer mon intervention sur un parallèle qui, je l'espère, vous démontrera qu'une plus grande démocratisation et une plus grande régionalisation de notre culture ne peuvent être que bénéfiques pour notre société, pour notre peuple. Ce parallèle s'inscrit aussi à l'intérieur du débat concernant l'exclusion et l'exception culturelles dont je parlais plus tôt.

À la fin de la Première Guerre mondiale, le président américain, M. Wilson, avait mis sur pied la S.D.N., la Société des Nations. Il espérait que, par cette société d'État, combinée à l'effet de l'opinion publique internationale, il serait désormais impossible qu'un État en attaque un autre, fasse la guerre à un autre. L'histoire, qui est souvent garante de l'avenir, nous a indiqué, nous a démontré qu'il avait eu tort. La Société des Nations et l'opinion publique internationale n'ont pas empêché les événements qui ont conduit directement à la Deuxième Guerre, les invasions de l'Italie en Éthiopie, du Japon en Mandchourie, de l'Allemagne en Europe de l'Est.

Il ne faut pas laisser l'avenir de la culture à un organisme tel l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, ou encore aux lois du marché, c'est trop risqué. Nous avons le devoir en tant qu'État de protéger et de promouvoir notre culture sous toutes ses facettes, sous toutes ses formes. Nous devons investir, nous devons légiférer afin de protéger notre culture tout en permettant le plus de contacts possible avec les autres cultures, les autres peuples de notre planète.

Protéger sa culture ne veut pas dire s'exclure du monde. Protéger sa culture, c'est se consolider, s'identifier à nous-mêmes avant de nous ouvrir aux autres afin qu'ils nous connaissent et que nous les connaissions. Promouvoir, démocratiser, diversifier et s'ouvrir, voilà ce dont notre culture a besoin pour s'épanouir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Iberville. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 7)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous débutons la séance. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Avec le consentement des membres de cette Assemblée, M. le Président, simplement souligner le retour parmi nous de Mme la députée de Bourassa.


Affaires courantes


Déclarations ministérielles

Le Président: Bien. Alors, nous allons maintenant aborder les affaires courantes. Il y a une déclaration ministérielle. M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


Abolition de la contribution annuelle de 30 $ pour les automobilistes résidant dans les régions métropolitaines non desservies par le transport en commun


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, depuis 1992, les automobilistes résidant dans les régions métropolitaines de Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Hull et Chicoutimi doivent payer, en plus du droit d'immatriculation de base de leur véhicule, une contribution additionnelle de 30 $ par année. Ce montant a été instauré pour venir en aide aux organismes publics de transport en commun situés à l'intérieur de ces territoires. On m'a sensibilisé au fait que tous les automobilistes qui résident dans ces six régions doivent payer cette contribution, et ce, même lorsqu'ils ne bénéficient d'aucun service de transport en commun.

Il me fait donc plaisir de corriger la situation et d'annoncer, M. le Président, que les résidents des municipalités où il n'existe pas de service de transport en commun n'auront plus à payer la contribution de 30 $ par année.

Des voix: Bravo!

Le Président: Je comprends que les députés sont les représentants du peuple et qu'une partie, sans doute, du peuple est contente, mais néanmoins c'est au ministre maintenant de terminer sa déclaration.

M. Landry: Suivant notre usage, cette mesure s'appliquera rétroactivement au 1er janvier 2000. Parmi les automobilistes visés par cette réduction, ceux qui ont déjà payé leur immatriculation depuis le 1er janvier seront remboursés. Quant à ceux qui ont déjà en main leur avis de renouvellement, je les invite à payer tout simplement le montant indiqué sur cet avis, et ils seront eux aussi remboursés ultérieurement. Pour ce qui est des autres, ils recevront des avis de renouvellement basés sur le nouveau tarif. La réduction de 30 $ touche 39 municipalités situées dans les six grandes régions métropolitaines de recensement. La liste de ces municipalités est jointe à la présente déclaration ministérielle, en annexe.

Il ne faut pas oublier par ailleurs les motifs d'introduction de la contribution. Nous verrons à ce que la présente mesure, tout aussi justifiable qu'elle soit, n'entraîne pas une réduction des ressources allouées au transport en commun. Nous compenserons donc les organismes de transport en commun pour un montant de 2,1 millions de dollars par année, ce qui correspond aux revenus qui ne seront plus perçus auprès des automobilistes. Permettez-moi de vous signaler en terminant, M. le Président, que nous faisons en quelque sorte d'une pierre deux coups en répondant favorablement aux demandes qui nous ont été adressées, et ce, sans pénaliser les organismes publics de transport en commun.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, je cède maintenant la parole au député de l'Acadie pour sa réplique.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, nous prenons acte de cette déclaration ministérielle qui sera sûrement accueillie positivement par toutes les municipalités concernées.

Permettez-moi de vous rappeler qu'il y a six ans le gouvernement du Parti québécois, alors dans l'opposition, avait décrié avec force cette situation qu'il a cependant mis six ans à corriger. Cependant, durant toutes ces années, le gouvernement péquiste a continué à empocher des 30 $ de tous les automobilistes concernés. Soyez assuré que nous veillerons à ce que la compensation financière de 2,1 millions de dollars promise aux organismes de transport ne soit pas puisée à même le budget alloué à d'autres services essentiels, tel le transport adapté où les manques de financement sont flagrants.

En terminant, nous espérons que cette mesure ne s'inscrit pas dans la lignée des initiatives de ce gouvernement qui a malheureusement la fâcheuse habitude de donner d'une main pour reprendre de l'autre. Merci, M. le Président.

(14 h 10)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: C'est vrai que, pour des gens qui avaient imposé pour 10 milliards de taxes dans un seul mandat, aller en abolir pour 2,1 millions est une goutte d'eau dans la mer. Mais, pour les contribuables, ils voient les choses d'une autre façon.

Premièrement, 30 $, c'est 30 $. Deuxièmement, quand on n'a pas le service, ça crée une frustration véritable qui nous fut exprimée. Ça a pris quand même un certain temps pour étudier la faisabilité de la chose, parce que ce n'est pas si simple de faire le découpage des municipalités et des gens non desservis. Mais l'intervention du député, quand même, démontre parfois l'absurdité latente dans un système parlementaire, même si c'est un bon système.

Il nous reproche de défaire une mauvaise chose qu'ils ont faite puis il a le culot de dire qu'on le fait en retard alors qu'ils ont eu 10 ans pour le faire puis qu'on en a mis six. Mais ça fait partie de l'absurdité, des fois, forcée d'un système qui reste le meilleur du monde, la démocratie parlementaire.


Présentation de projets de loi

Le Président: Bien. Nous allons maintenant passer à l'étape de la présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Alors, on va commencer d'abord, M. le Président, par l'article c.


Projet de loi n° 125

Le Président: Alors, à cet article, M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances présente le projet de loi n° 125, Loi sur l'exercice des activités de bourse au Québec par Nasdaq.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de reconnaître The Nasdaq Stock Market, Inc., société constituée aux États-Unis d'Amérique, pour exercer l'activité de bourse au Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Landry: Il prévoit que les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières relatives aux organismes d'autoréglementation ne s'appliquent pas à cet organisme.

Ce projet de loi reconnaît également Nasdaq Canada Inc., société constituée au Canada, pour exercer l'activité de bourse au Québec. Il prévoit que les règles applicables sont celles de The Nasdaq Stock Market, Inc., avec les adaptations autorisées par le gouvernement.

Le projet de loi permet au gouvernement de déterminer la date de début des activités de Nasdaq Canada Inc. et lui accorde temporairement l'exercice des pouvoirs de la Commission des valeurs mobilières du Québec relatifs aux organismes d'autoréglementation, jusqu'à la date qu'il détermine.

Enfin, le projet de loi permet au gouvernement de déterminer que des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières ne s'appliquent pas aux courtiers et à leurs représentants en ce qui concerne les transactions effectuées auprès de Nadasq Canada Inc. et The Nadasq Stock Market, Inc., de déléguer les pouvoirs que la loi permet déjà de déléguer à un organisme d'autoréglementation, d'approuver la sous-délégation des pouvoirs à un organisme reconnu et de prendre, par règlement, toutes les dispositions pour assurer la mise en application des dispositions de la loi.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.

M. Brassard: Alors, M. le Président, vous verrez qu'à l'article d il y a aussi un autre bon projet de loi.


Projet de loi n° 119

Le Président: Alors, M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse présente, à cet article du feuilleton, le projet de loi n° 119, Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, ce projet de loi a pour objet l'institution du Fonds Jeunesse Québec, lequel est affecté au financement d'activités visant l'insertion sociale, communautaire, culturelle et professionnelle des jeunes Québécois.

Ce projet de loi précise les règles de fonctionnement du fonds, ainsi que les sommes qui y sont versées.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi. M. le leader.

M. Brassard: Je vous réfère maintenant à l'article e, M. le Président.


Projet de loi n° 109

Le Président: Alors, en rapport avec l'article e du feuilleton, Mme la ministre des Relations internationales présente le projet de loi n° 109, Loi sur l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui. M. le Président, ce projet de loi institue l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse. Cet Office a pour mission de développer les relations entre les jeunes du Québec et ceux des autres peuples des Amériques, par l'entremise notamment de programmes d'échanges et de coopération accessibles aux jeunes de tous les milieux, grâce à des mesures d'aide financière.

Ce projet de loi prévoit les modalités de fonctionnement de l'Office, détermine les règles relatives à la composition de son conseil d'administration et celles concernant son organisation.

L'Office institué en vertu de ce projet de loi succède à l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse, constitué en vertu des dispositions de la partie III de la Loi sur les compagnies, acquiert les droits et assume les obligations de cette personne morale, qui est dissoute.


Mise aux voix

Le Président: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Bien. Adopté.

M. Brassard: Alors, maintenant, l'article i, M. le Président.


Projet de loi n° 121

Le Président: À l'article i du feuilleton, M. le ministre du Revenu présente le projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi apporte diverses modifications à la Loi sur le ministère du Revenu.

Ces modifications ont trait d'abord à l'obligation de tenir et de conserver des registres et des pièces, quel que soit leur support, imposée à toute personne qui exploite une entreprise ou qui est tenue de déduire, de retenir ou de percevoir un montant en vertu d'une loi fiscale.

Le projet de loi vient aussi préciser certaines dispositions relatives aux pouvoirs de vérification, d'examen, de copie et de saisie de tout document ou autre chose se rapportant au montant de droits qui devraient être payés, déduits, retenus ou perçus en vertu d'une loi fiscale, particulièrement quant à l'utilisation de certaines fonctions d'un programme informatique ou d'un composant électronique qui ont pour objet notamment de modifier ou supprimer des données – M. le Président, on parle de zappers.

Le projet de loi précise également certains pouvoirs du ministre du Revenu et modifie certaines dispositions de la loi en matière pénale.

Le projet de loi modifie enfin d'autres dispositions législatives pour tenir compte de certaines modifications d'ordre terminologique apportées à la Loi sur le ministère du Revenu.


Mise aux voix

Le Président: Bien. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie? Adopté. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Je vous inviterais à appeler l'article m du feuilleton.


Projet de loi n° 192

Le Président: Alors, à cet article, M. le député de Rivière-du-Loup présente le projet de loi n° 192, Loi sur l'initiative populaire. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, ce projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur la consultation populaire pour permettre aux électeurs d'être consultés par référendum sur toute question d'intérêt public suite à une pétition ayant reçu l'appui d'au moins 250 000 électeurs. Toutefois, s'il s'agit d'une pétition portant sur un changement concernant le statut constitutionnel du Québec au sein du Canada, elle doit recevoir l'appui d'au moins 500 000 électeurs. Mille électeurs peuvent engager le processus pour obtenir la consultation des électeurs par référendum en adressant une pétition au Directeur général des élections.

Le projet de loi prévoit que le Directeur général des élections doit, après avoir vérifié la qualité d'électeur des 1 000 signataires, soumettre le texte énonçant l'objet de la consultation proposée à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour qu'on en étudie la conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne. Il doit également soumettre le texte au Conseil du référendum pour déterminer le nombre de signatures requises au regard du texte proposé.

Le projet de loi prévoit que, si la pétition reçoit l'appui d'au moins 250 000 ou 500 000 électeurs, selon le cas, dans les 180 jours de l'avis favorable de la Commission et de l'autorisation du Directeur général des élections, le gouvernement est tenu d'ordonner la tenue d'un référendum dans les 15 jours de la réception de la pétition sauf s'il y donne suite dans le délai et en la manière prévus par le projet de loi.

Enfin, le projet de loi prévoit qu'il ne peut y avoir, dans les 10 années suivant la tenue d'un référendum, un autre référendum sur le même objet ou sur un objet qui, de l'avis du Conseil du référendum, lui est substantiellement semblable.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Alors, maintenant nous allons passer au dépôt de documents, et je vais céder d'abord la parole au ministre des Transports.


Rapport d'activité de la Société de l'assurance automobile du Québec

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je dépose le rapport d'activité 1999 de la Société de l'assurance automobile du Québec, concernant le meilleur régime d'assurance automobile au monde.

Le Président: Le document est déposé. Mme la ministre de la Justice et responsable de l'application des lois professionnelles.


Rapport sur le fonctionnement des comités de révision 1994-1999

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je dépose le rapport sur le fonctionnement des comités de révision pour les années 1994-1999.

Le Président: Bien. Ce document est déposé. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Plan triennal 2000-2003 de Télé-Québec

Mme Maltais: ...je dépose le plan triennal 2000-2003 de Télé-Québec.

Le Président: Bien. Ce document est déposé. Et Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.

(14 h 20)


Rapport annuel du ministère de la Famille et de l'Enfance

Mme Léger: Alors, M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998-1999 du ministère de la Famille et de l'Enfance.

Le Président: Bien. Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions


Étude des crédits budgétaires pour l'année financière 2000-2001

Alors, au dépôt de rapports de commissions, j'ai l'honneur de déposer en bloc les rapports des commissions parlementaires qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 2000-2001, soit les rapports de la commission des institutions, de la commission des finances publiques, de la commission des affaires sociales, de la commission de l'économie et du travail, de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, de la commission de l'aménagement du territoire, de la commission des transports et de l'environnement, de la commission de l'éducation et enfin de la commission de la culture. Les crédits ont été adoptés par les commissions parlementaires.


Questions et réponses orales

Alors, puisqu'il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, nous allons immédiatement aborder maintenant la période de questions et de réponses orales, et je donne la parole au chef de l'opposition officielle.


Réduction de l'écart fiscal avec l'Ontario


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Suite au dépôt du budget du gouvernement de l'Ontario, nous continuons à avoir un écart très, très important sur le plan de la fiscalité avec notre principal compétiteur.

Ma question au premier ministre aujourd'hui, c'est de savoir si son gouvernement a l'intention de réagir, d'autant plus que les écarts sont très importants pour les citoyens du Québec. Pour un couple marié avec deux enfants, deux revenus, qui gagne 50 000 $, c'est près de 25 % d'écart, M. le Président. Pour un couple marié, toujours deux enfants, deux revenus, avec 70 000 $ de revenus, c'est plus de 30 % d'écart. Pour une famille monoparentale avec deux enfants qui gagne 40 000 $, c'est 25 % d'écart. Pour une famille monoparentale avec deux enfants, 50 000 $ de revenus, c'est près de 30 % d'écart, M. le Président.

Alors, j'aimerais savoir si le premier ministre a l'intention de réagir pour corriger cet écart entre les deux provinces. S'il n'a pas plutôt l'intention de poser un geste, on peut lui en suggérer un, M. le Président. Il pourrait annoncer dès aujourd'hui l'indexation des tables d'impôts pour l'année 2001.

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, s'il y a un point sur lequel les vues de l'opposition et les nôtres convergent, c'est que le fardeau fiscal québécois est trop lourd.

Une voix: Bon.

M. Landry: Non seulement comparé... Il y en a un qui dit: Bon, comme s'il venait de découvrir le monde. Ça fait à peu près 400 fois que je dis ça. Il dormait? Il dormait?

Des voix: ...

Le Président: Bien, on va laisser au vice-premier ministre le soin de répondre. M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Bon, je vais pouvoir répondre. Alors, nous sommes d'accord sur ce point. Parfois, nous divergeons sur les causes, la plupart du temps. L'écart fiscal entre le Québec et l'Ontario, aux personnes physiques, actuellement doit être autour de 5 milliards de dollars. Si nos prédécesseurs n'avaient pas monté l'impôt du Québec de 10 milliards, ça veut dire que l'écart serait en notre faveur de cinq, j'imagine, mathématiquement. Alors, il faut penser quand même aux dimensions historiques de la chose. Nous nous battons courageusement contre un héritage d'une lourdeur extrême.

Ceci dit, bien, la désescalade est commencée par rapport au reste du Canada. Avant le dernier budget, l'écart de 100 entre Québec et la moyenne canadienne a été ramené à 70. Alors, il y a 100 kilomètres à faire, on en a 30 de faits. C'est mieux que continuer à imposer des impôts et des taxes comme vous aviez la coutume de le faire. Au moins, là, on a mis la machine en marche arrière et on espère évidemment arriver au niveau ontarien.

Le chef de l'opposition fait plusieurs comparaisons pour 50 000 $ et autour, ce qui est rigoureusement vrai, mais je voudrais que, par honnêteté pour le Québec et sa solidarité sociale, il souligne aussi que les moins bien nantis paient beaucoup moins d'impôts au Québec qu'en Ontario, ce qui est notre fierté.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Le problème du gouvernement actuel, c'est que ses politiques font en sorte qu'il y a beaucoup plus de citoyens du Québec qui sont moins bien nantis, justement. Alors, c'est ça, le problème, M. le Président.

Comme le ministre reconnaît qu'on est rigoureusement exact dans ce que nous affirmons sur le plan de la fiscalité, il voudra également, j'en suis persuadé, éviter d'induire la Chambre en erreur et se rappeler que, au moment où son gouvernement a été élu, en 1994, le gouvernement libéral qui l'avait précédé avait ramené l'écart de 10 % qui existait en 1985, lorsqu'on remplaçait un gouvernement du Parti québécois, à près de 0,3 %, M. le Président, et que c'est depuis ce temps-là que l'écart a commencé à s'agrandir, à nouveau, entre le Québec et l'Ontario.

Le ministre, il y a quelques minutes, nous disait que 30 $, c'était important. Eh bien, M. le Président, je pose ma question au premier ministre au sujet des jeunes et des célibataires justement, parce que c'est là où il y a un écart très important qui a un effet pervers, un effet très important sur l'exode des jeunes, parce que l'écart pour les jeunes, pour les célibataires, est de 36 % si vous gagnez 40 000 $. C'est plus de 3 000 $ par année, ce n'est pas juste 30 $ – 3 000 $ par année.

Alors, j'aimerais demander au premier ministre pourquoi il continue avec des politiques qui, à toutes fins pratiques, invitent les jeunes à vouloir faire leur avenir ailleurs qu'au Québec?

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, j'imagine que c'est en parfaite bonne foi que le chef de l'opposition officielle s'est exprimé. Mais, disant des choses aussi graves et aussi fausses que celles qu'il a dites, il nuit à l'ensemble de l'économie du Québec et de la société. On dirait qu'il n'a pas de service de recherche.

Il vient dire devant nous qu'il y a de plus en plus de démunis au Québec, alors qu'il y a 200 000 ménages de moins à l'aide sociale depuis deux ou trois ans, au Québec. C'est ça qu'il faut dire. On est en train de la gagner, cette bataille. Tant qu'il y aura encore une personne pauvre, la bataille ne sera pas gagnée. Mais, au moins, on est dans la bonne direction.

Quel est le but de l'opposition officielle de vouloir décourager notre société dans ce qu'elle fait de mieux? Le nombre des assistés sociaux baisse, le chef de l'opposition dit que le nombre de démunis augmente. Ça n'a aucun sens. Et, à la fin de sa question, il dit encore une chose qui n'a aucun fondement. Ils en ont, un service de recherche, payé par les taxes du Québec.

Tout le monde sait que ce soi-disant exode est une fausseté pour les jeunes comme pour les vieux, sauf peut-être les vieux qui peuvent aller en Floride un certain nombre de mois par année. Ça traîne dans tous les journaux; il y a à peu près 50 analyses prouvant que cette histoire d'exode est fausse. Le chef de l'opposition, s'il ne lit pas de livres, pourrait-il lire les journaux?

Le Président: M. le chef de l'opposition.

Des voix: Les bloquistes de malheur!


M. Jean J. Charest

M. Charest: Oui. Le ministre aurait intérêt à parler à ses collègues du Bloc québécois à Ottawa, puisque les membres de leur personnel – certains d'entre eux – déménageaient en Ontario justement pour payer moins d'impôt, M. le Président. Alors, il va nous dire que ce n'est pas un exode des cerveaux? Peut-être que, là-dessus, on serait d'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Charest: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre parce que, si le premier ministre du Québec avait demandé à sa fonction publique de lui faire sur mesure un programme pour encourager les jeunes à quitter le Québec, il n'aurait pas fait mieux que la fiscalité qu'il leur présente actuellement.

Pour un célibataire, au Québec, qui gagne 40 000 $, c'est 25 % de plus d'impôts qu'il paie. S'il gagne 50 000 $, c'est près de 30 % de plus d'impôts. Or, les jeunes Québécois et Québécoises savent très bien compter, et, dans l'économie que nous vivons actuellement, cette économie du savoir, de compétition, cette grande ouverture sur le monde, sa fiscalité est, à toutes fins pratiques, une invitation d'aller voir ailleurs. Pourquoi pas corriger le tir? Pourquoi pas se lever, aujourd'hui, et annoncer, dès maintenant, un seul geste: l'indexation des tables d'impôts, M. le Président? Si le premier ministre est prêt à annoncer, à faire cette annonce-là aujourd'hui, on va se lever, on va l'applaudir, on va l'appuyer.

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: C'est vrai, M. le Président, que, quand des bloquistes quittent le Québec pour aller en Ontario, la moyenne intellectuelle du Québec s'en trouve affectée par la négative. Mais la moyenne ontarienne s'en trouve affectée par la positive. Alors, il y a une consolation là-dedans.

(14 h 30)

Et, pour rester...

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry: En plus, M. le Président, la blague que j'ai faite et que l'opposition a applaudie n'était même pas vraie. Je viens d'avoir l'information formelle. Les seules sources ne sont pas le National Post dans la vie. Il est faux de dire que les membres du Bloc québécois ou attachés politiques ont déménagé en Ontario. Il a, illustrant ce que je venais de dénoncer deux fois de suite, des faussetés sur les chiffres de l'économie du Québec, il en a rajouté sur les cadres du Bloc québécois.

Mais revenons au fond des choses. Dans l'Outaouais précisément...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Puis-je vous rappeler que parfois les concitoyens et concitoyennes qui nous écoutent, eux, ne comprennent pas ce qui se passe ici?

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Alors, ça me donne l'occasion de réitérer que le chef de l'opposition a dit une chose fausse quant au personnel du Bloc québécois. Mais, s'il voulait s'intéresser à ce qui se passe en Outaouais, il verrait que ça donne encore un démenti plus formel à ses dernières questions parce qu'il y a des dizaines de milliers de ménages qui quittent l'Ontario pour l'Outaouais québécois.

Des voix: ...

M. Landry: Informez-vous donc à vos députés qui viennent de ce coin-là. Des jeunes ménages qui viennent profiter de l'échelle des impôts sociale au Québec, beaucoup plus sociale qu'en Ontario, des jeunes ménages qui viennent profiter de notre système extraordinaire de garderies à 5 $ et des jeunes ménages...

Des voix: ...

Le Président: Bien. Peut-on revenir au calme et surtout en rester là? Alors, en terminant, M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Oui. J'aurais juste une chose à ajouter, qui n'est pas économique, celle-là: les jeunes ménages viennent, en plus, en Outaouais québécois bien sûr pour la fiscalité, le prix des maisons, les garderies à 5 $, et aussi parce que c'est une des plus belles régions du Québec.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil.


Budgets alloués aux CLSC pour les soins à domicile


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Tous les intervenants dans le secteur des CLSC ont dénoncé l'insuffisance des budgets alloués par la ministre pour les soins à domicile, et pour cause, car ces budgets, si on les compare à ce qui se fait ailleurs, sont dérisoires. Dans l'ensemble du Canada, on dépense 70 $ par habitant pour les soins à domicile, 97 $ par habitant en Ontario et 38 $ par habitant au Québec. En fin de semaine, la ministre nous a indiqué qu'elle allait régler le problème avec un comité de travail, un comité de travail qui redéfinirait le mandat des CLSC dans le cadre du virage ambulatoire et qui préciserait les balises d'action des CLSC.

M. le Président, est-ce que la ministre pourrait prendre conscience que ce n'est pas, encore une fois, avec un autre comité de travail qu'on va soigner les patients et que nous allons réduire les listes d'attente?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Sûrement que mon collègue de Vaudreuil va me permettre de saluer bien chaleureusement le retour de notre collègue de Bourassa en cette Assemblée, de lui souhaiter bonne continuation.

Sur la question soulevée par le député de Vaudreuil, d'abord, il faut bien dire que ce que j'ai proposé aux CLSC, c'est qu'au contraire nous travaillions ensemble à revoir la façon d'allouer les budgets aux CLSC. Mais je leur ai surtout rappelé que, depuis cinq ans, alors qu'année après année nous réduisions certains budgets, en particulier ceux versés aux centres hospitaliers, que nous gelions les budgets dans le secteur de la réadaptation, de la santé mentale, nous continuions d'investir année après année dans les CLSC pour leur permettre d'assumer leurs responsabilités à l'égard des soins à domicile, à l'égard du support et de l'aide aux personnes âgées.

Nous allouons maintenant de nouveaux fonds. Je rehausse donc le budget des CLSC et des CHSLD de l'ordre, cette année, de 58 millions pour ce qui a trait et à l'aide à domicile et à l'aide aux personnes âgées qui sont hébergées. D'autres budgets seront alloués évidemment concernant la santé mentale ou d'autres interventions. Cependant, ce que je leur ai proposé, c'est que nous travaillions ensemble sur la façon d'allouer éventuellement les crédits pour tenir compte des nouveaux besoins auxquels ont à répondre les CLSC du Québec. Ce n'est pas un nouveau comité de travail dans l'air quelque part, c'est un nouveau comité de travail opérationnel impliquant les gens du milieu, M. le Président.

Le Président: M. le député de Viau.

M. Maciocia: De Viger, M. le Président.

Le Président: De Viger. Je m'excuse, M. le député de Viger. En question principale?


Liste d'attente au CLSC de Saint-Léonard pour des soins à domicile


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Oui, M. le Président. En date d'hier, le 8 mai, le conseil d'administration du CLSC de Saint-Léonard portait à mon attention et à celle du député de Jeanne-Mance la situation difficile qui prévaut sur son territoire en regard des services médicaux. Et vous me permettrez que j'en lise un extrait, de cette lettre qui m'a été adressée hier. Il dit: «Bien que nos médecins desservent actuellement 150 personnes à domicile, convalescentes, posthospitalisées, postopérées ou en phase terminale, et des personnes handicapées, et malgré tous nos efforts, 65 personnes en lourde perte d'autonomie sont en liste d'attente pour un suivi médical à domicile, la durée d'attente étant de 390 jours en date du mois de mars 2000.» M. le Président, 390 jours.

Ma question est très simple: Qu'est-ce que la ministre entend faire pour soulager ces 65 personnes qui sont en liste d'attente depuis 390 jours?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je n'ai pas attendu les suggestions de l'opposition, parce qu'elles étaient bien minces. J'ai donc décidé d'intervenir, et, dans les faits, nous avons réinjecté des sommes considérables depuis trois ans dans le dossier de la santé et des services sociaux. En fait, on l'oublie trop facilement, mais c'est 4,4 milliards qui ont été réinvestis dans les secteurs de la santé et des services sociaux, dont plus de 100 millions à l'égard des soins et de l'aide à domicile, et je suis persuadée que, avec, entre autres, de nouvelles ententes auxquelles nous arriverons, j'espère, le plus rapidement possible avec la Fédération des médecins omnipraticiens de même qu'avec les fédérations des médecins spécialistes, nous pourrons offrir encore davantage de services de soins à domicile par du personnel, autant infirmier que médecin, compétent.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Viger.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: M. le Président, je parle d'une situation d'hier, je ne parle pas de trois ans, là. Est-ce que la ministre pourrait me dire au moins qu'est-ce qu'on peut répondre à ces 65 personnes qui sont en liste d'attente depuis 390 jours pour recevoir des services médicaux à domicile? C'est ça, la question. À ces personnes on répond quoi? Je ne veux pas répondre que ça fait trois ans qu'on essaie de mettre des montants d'argent là-dedans. Qu'est-ce qu'on répond à ces 65 personnes qui sont en attente? C'est ça, la vraie question. Les personnes, elles attendent une réponse vis-à-vis cette situation-là, M. le Président.

(14 h 40)

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis persuadée que ce CLSC comme d'autres à travers le Québec sont tout à fait capables d'établir l'ordre des priorités et donc de faire en sorte de pouvoir répondre aux besoins de ceux et de celles qui doivent en urgence pouvoir recevoir des services ou qui ont besoin de services pour lesquels seul le CLSC est disponible. Et je fais confiance à ceux et à celles qui dirigent ces services, qui président à leur destinée et qui surtout sont sur la ligne de front pour répondre aux besoins de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Généralement, ils le font bien et même très bien, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan, en question principale.


Programme d'indemnisation des victimes du sang contaminé


M. Russell Williams

M. Williams: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Dans le dossier de la compensation des victimes du sang contaminé avant 1986 et après 1990, le premier ministre s'est vanté que le programme québécois était le plus généreux de toutes les provinces. Aujourd'hui, le premier ministre de l'Ontario augmente son programme à 25 000 $ par victime, avec un versement d'un autre 15 000 $, et il s'engage à faire plus.

La question est fort simple, M. le Président: Pour rester le plus généreux au Canada, qu'est-ce que le premier ministre attend pour augmenter la compensation pour les victimes québécoises?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vais d'abord vérifier l'information de notre collègue, parce qu'à différentes reprises il a fait des affirmations qui étaient fausses. Alors, on va d'abord vérifier ça.

Des voix: ...

Mme Marois: Mais, ceci étant dit...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement rappeler à Mme la ministre les dispositions de l'article 35. Je suis certain que vous vous apprêtiez à le faire, M. le Président.

Le Président: Ce que je veux faire comme distinction, c'est que je crois que j'ai souvent laissé passer des affirmations, d'un côté ou de l'autre, qui prétendent que ce que les gens d'en face ont dit était faux. Il y a une différence entre dire qu'une chose est fausse et que quelqu'un ment. Alors, la ministre peut prétendre qu'une chose est fausse et vous pouvez avoir des informations faisant la démonstration du contraire, c'est une question d'appréciation et de débat. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ce que je peux affirmer à cette Assemblée, c'est que non seulement, oui, nous avons un programme généreux, mais, en plus d'être généreux, il est surtout efficace. Si nous avions attendu le fédéral, nous n'aurions rien fait, puisqu'il n'a même pas commencé à verser les allocations. Parce que, à chaque fois, on nous sert le programme fédéral comme étant celui qui devrait fonctionner. Il ne fonctionne pas, actuellement, là, il va fonctionner dans quelques semaines. Alors, nous avons déjà commencé à verser des allocations, nous offrons des services à ces personnes qui ont été contaminées, et je dois vous dire que, évidemment, c'est très malheureux qu'une telle chose soit arrivée, bien sûr, et, par souci de compassion, nous nous assurons que rapidement les sommes sont rendues disponibles.

Je peux vous dire qu'on fait une autre chose que d'autres provinces ont écartée comme approche, dont, entre autres, l'Ontario jusqu'à hier – à moins que ça n'ait changé – c'est que nous sommes très actifs dans la recherche de ceux et de celles qui auraient été contaminés pour ne pas que ce soit une série de voeux pieux que nous ayons faits mais qu'on puisse vraiment verser aux personnes contaminées les sommes auxquelles elles ont droit, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député d'Abitibi-Est.


Réorganisation de l'industrie du taxi


M. André Pelletier

M. Pelletier (Abitibi-Est): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. La semaine dernière, la FTQ annonçait avoir eu l'engagement du ministre des Transports qu'il y aurait une association représentant les chauffeurs de taxi. Cet engagement a été dénoncé par certains chauffeurs de taxi, dont un de leurs représentants, M. Farès Bou Malhab. M. Malhab dénonçait le fait que les chauffeurs de taxi ne veulent pas de syndicat.

Question: Est-ce que le ministre des Transports pourrait nous donner des explications sur cette association qu'il veut créer et aussi le problème que ça cause à M. Bou Malhab?

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Tout d'abord, M. le Président, il n'y avait pas grand nouvelle dans ce que j'ai annoncé la semaine dernière, puisque, à la suite de la commission parlementaire sur l'industrie du taxi, j'avais souligné, dans les conclusions – avec le député de l'Acadie, d'ailleurs... On avait carrément parlé de la nécessité d'une association professionnelle pour l'ensemble des chauffeurs de taxi. On n'a jamais défini le mode puis on n'a jamais dit que ce serait attitré à une entité, FTQ, CSN ou les ligues actuelles, on a dit qu'il y aurait un mécanisme pour définir qui seraient les leaders de cette nouvelle association. Mais il n'y a rien de décidé, il n'y a rien de fait, il n'y a pas de loi de déposée, sauf que, bien sûr, je m'aperçois qu'il y a des gens qui sont en recrutement déjà pour cette future entité représentative qui n'est pas un syndicat en soi, et ça, M. Bou Malhab devrait le savoir, que c'est une association professionnelle et qu'il ne dit pas la vérité lorsqu'il se promène devant les journalistes ou encore devant ses membres et qu'il affirme vouloir constituer une entité syndicale. Ce n'est pas une entité syndicale que l'on a discutée avec eux ou encore avec ma collègue du ministère du Travail, c'est une association professionnelle où ils peuvent se donner des services en commun.

Le Président: M. le député de l'Acadie, en complémentaire.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: M. le Président, est-ce que le ministre des Transports peut nous expliquer pourquoi cette nouvelle-là est devenue publique à la suite d'une rencontre entre le ministre et la FTQ? Et pourquoi cette nouvelle-là est sortie dans un communiqué de presse émis par la FTQ?

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je suis surpris que le député de l'Acadie ait appris ça par les journaux, il était à la commission parlementaire devant moi. Il a assisté à mes conclusions, et c'est exactement le sens des propos que j'ai tenus en conclusion à la commission parlementaire. Encore faut-il écouter pour comprendre.

Mais, M. le Président, la FTQ, je l'ai rencontrée, elle a tiré des conclusions qu'on était favorables à une association professionnelle. M. Farès a été rencontré. Il tire la conclusion que je lui ai dit que c'est un syndicat, alors que je lui ai dit le contraire. C'est donc deux entités qui veulent s'arracher des adhésions. Laissons-les faire sur le terrain, bâtissons une loi correcte, neutre qui donne aux conducteurs de taxi le choix de choisir en toute liberté, de poser un geste en toute liberté et d'avoir une association professionnelle qui améliorera l'industrie du taxi.

Le Président: En question principale?

M. Gobé: Non, en additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: M. le Président, le 10 juin 1999, il y a à peu près une année, la ministre du Travail a déposé le projet de loi n° 68, Loi sur la reconnaissance d'une association de chauffeurs locataires de taxi, dont un des articles dit qu'il y aura une seule association de chauffeurs de taxi reconnue pour l'ensemble du Québec.

À ce moment-là, est-ce que la ministre peut nous dire quel est le rapport entre son projet de loi n° 68 et ce que le ministre des Transports a annoncé? Est-ce que, oui, on va aller vers l'étude de ce projet de loi qui a été déposé et accepté par la Chambre ou est-ce que, oui ou non, on va aller vers les élucubrations du ministre des Transports? Quelle est la vraie position du gouvernement?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, effectivement, en juin dernier, il y a eu dépôt d'un projet de loi, comme le député de LaFontaine vient de l'indiquer. Maintenant, depuis, le ministre responsable de l'industrie du taxi a fait des consultations autour de l'organisation dans l'industrie du taxi. Jusqu'à maintenant, le projet de loi que j'ai déposé a toujours lieu d'être. Évidemment, si mon collègue a des propositions d'organisation différentes ou plus larges, eh bien, nous aurons des discussions – nous en avons déjà – pour voir à des propositions un peu plus larges. Mais, jusqu'à nouvel ordre, ce projet de loi est toujours au menu.

Le Président: En question principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Mesures visant la réussite scolaire des jeunes en milieux défavorisés


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. On sait qu'il y a seulement environ 60 % des jeunes qui terminent leurs études secondaires dans les temps prescrits. Divers spécialistes indiquent que, afin d'améliorer la réussite des jeunes, il faut agir très tôt. Une des mesures pour aider le développement des jeunes est la mise en place de maternelles à mi-temps pour les enfants de quatre ans dans les milieux défavorisés, identifiés, entre autres, par la nouvelle carte de la population scolaire publiée en mai 1999 par le ministère de l'Éducation.

(14 h 50)

Malgré cette nouvelle carte et malgré qu'il y ait dans cette nouvelle carte des besoins pour environ 311 classes et 5 000 jeunes défavorisés, le ministre de l'Éducation refuse de répondre à ces nouveaux besoins. D'ailleurs, le gouvernement péquiste refuse de répondre aux besoins des plus démunis, comme il refusait de répondre aux jeunes de son parti au congrès, en fin de semaine dernière, qui lui demandaient d'appuyer une résolution qui... Peut-être dans le doute, les jeunes voulaient se faire confirmer que le Parti québécois était toujours un parti social-démocrate et qu'il devait favoriser l'égalité des chances. Ils ont battu cette résolution.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire pourquoi il refuse de répondre à ces nouveaux besoins pour les plus démunis identifiés par son propre ministère, si ce n'est que pour confirmer que son parti ne favorise plus l'égalité des chances au Québec?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Effectivement, nous avons eu un beau congrès en fin de semaine, et notre chef a eu un appui de 91 % des militants de notre parti.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, il vous reste les deux tiers du temps qui vous était accordé, M. le ministre.

M. Legault: Oui, M. le Président. Je vais quand même prendre quelques secondes aussi pour souligner la présence, dans nos tribunes, de la nouvelle vice-présidente du parti, Mme Marie Malavoy.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, en question complémentaire, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

Des voix: ...

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de D'Arcy-McGee.


Décès d'un patient en attente d'une chirurgie cardiaque


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: M. le Président, pendant que les péquistes lisaient les unes des journaux, cette fin de semaine, moi, j'ai lu dans La Presse de dimanche, le 7 mai, une lettre de la semaine par Mme Nathalie Yelle, qui est une préposée aux bénéficiaires dans un centre de soins de longue durée, adressée à la ministre de la Santé. Mme Yelle nous fait part des fameuses listes d'attente, que son père était sur cette liste, et n'a pas eu son opération, et est mort. La conclusion de cette lettre dit: «Alors, Mme la ministre, ne venez pas me dire que notre système de santé est l'un des meilleurs au monde! Réalisez-vous que ce même système que vous défendez m'a arraché mon père? Car tous les médecins qui l'ont traité sont unanimes: s'il avait pu être opéré, il aurait eu la chance de continuer sa vie normalement. Si nous avions un des meilleurs systèmes de santé au monde, mon père serait encore en vie aujourd'hui.»

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut répondre aujourd'hui à Mme Yelle publiquement?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Bien sûr, j'ai lu avec attention cette lettre, comme je me préoccupe d'ailleurs du cas de toutes les personnes qui attendent ou qui vivent une situation difficile et qui, dans certaines situations difficiles ou dû à une maladie sérieuse, malheureusement décèdent. Cependant, ce que je peux dire – et je le réaffirme – c'est que nous avons l'un des meilleurs systèmes, parmi l'un des meilleurs réseaux au monde d'intervention, de soins et de santé, M. le Président.

Pour éviter que de telles situations ou que d'autres ne se produisent, j'ai déjà annoncé que nous investirions des sommes importantes pour permettre à nos cardiologues, pour permettre à nos responsables dans les hôpitaux d'offrir la possibilité d'un plus grand nombre d'interventions et qu'on puisse ainsi réduire les listes d'attente. Cependant, je réitère ce que j'ai déjà dit aussi devant cette Assemblée: quand les médecins, quand les professionnels de la santé, qu'il s'agisse d'un cas de cardiologie, qu'il s'agisse d'un cas de cancer, évaluent que la situation exige une intervention urgente, ces personnes sont traitées en urgence et, à ce moment-là, passent devant la liste. Et, quand on croit que les gens vivent un risque plus grand, présentent un risque plus grand, ces personnes sont généralement reçues à l'hôpital et suivies aux soins intensifs, ce que nous confirment les cardiologues, M. le Président.

Le Président: En question principale?

M. Bordeleau: Oui.

Le Président: En question principale, M. le député de l'Acadie, maintenant.


Mesures de sécurité visant les motocyclistes


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, le ministre des Transports s'apprête à réintroduire les cours de conduite obligatoires pour les motocyclistes du Québec. Il a déclaré ce matin, dans un article publié dans le journal La Presse , et je cite, qu'il trouvait «aberrant, ridicule le processus permettant actuellement aux motocyclistes de se procurer et de conduire une motocyclette avant d'avoir réussi un examen». Je vous rappelle que c'est le gouvernement du Parti québécois qui avait aboli l'obligation de suivre des cours de conduite lors de l'adoption du projet de loi n° 22 en 1996, et ce, malgré l'opposition de nombreux groupes de motocyclistes et du Parti libéral du Québec.

M. le Président, ma question: Quand le ministre va-t-il admettre que son gouvernement et plus particulièrement le ministre et député de Lac-Saint-Jean ont improvisé dans ce dossier et qu'ils sont entièrement responsables de l'hécatombe observée chez les motocyclistes? Et qu'a-t-il l'intention de faire dans l'immédiat?

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, j'ai dit que j'étais prêt à aller jusque-là s'il le fallait mais que j'attendais le rapport de l'Association ou de la table de concertation qui doit me remettre un rapport le 15 mai prochain. Mais il est évident, au rythme...

Si on compare les trois premiers mois de l'année à partir de 1998, 1999 et 2000, c'est vrai que c'est décourageant, puisque c'est trois fois plus, et c'est inadmissible, et c'est inacceptable. Je me suis fait décrire, effectivement, samedi soir par une jeune fille qui venait d'obtenir son permis que, dans l'espace de 10, 15 minutes, elle répond à 14 ou 15 questions et repart avec son permis temporaire accompagnée. Avec le nombre d'accidents qui ont lieu présentement et la force épouvantable qu'ont certaines de ces machines-là, il nous faut s'interroger sur le type de moyens. Et j'ai dit: S'il fallait revenir en arrière, on reviendrait en arrière. Il n'y a pas de honte de revenir en arrière quand c'est pour la sécurité publique, un objectif qui doit transcender nos petites divergences d'idées ici.

Le Président: M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Est-ce que le ministre des Transports peut certifier devant cette Chambre que l'abolition par son prédécesseur des cours de conduite obligatoires n'a eu aucun impact sur le bilan routier du Québec, notamment chez l'ensemble des jeunes conducteurs qui représentent plus du tiers des victimes d'accidents mortels au Québec?

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: C'est impossible d'affirmer de façon si catégorique ce que le député de l'Acadie avance, puisque le bilan routier s'est amélioré énormément sur la période de temps où mon prédécesseur a occupé le poste. Donc, il s'agit de regarder...

Des voix: ...

M. Chevrette: C'est vrai, oui. M. le Président, il s'agit de regarder certaines catégories, et nous avons amendé précisément la loi pour toucher du doigt maintenant certaines catégories parce que, antérieurement, on regardait ça toujours globalement. Mais la catégorie moto, à mon point de vue, constitue, effectivement, pour celles qui ont une force qui sort de l'ordinaire, un grave danger pour la personne et pour les autres personnes, et il ne faut pas hésiter à reconsidérer des décisions passées si c'est pour le mieux-être ou pour une plus grande sécurité de l'individu et de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, et je n'hésiterai pas à le faire s'il faut le faire. Mais je veux attendre le rapport de cette table de concertation qui me sera remis le 15 mai prochain.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Saint-Laurent.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Bien, en attendant que le ministre des Transports se branche et admette l'erreur qu'a commise son prédécesseur, est-ce que le ministre de la Sécurité publique, lui, ne pourrait pas apporter une mesure immédiate – immédiate – au problème et donner suite aux demandes du directeur de la Sûreté du Québec qui se plaignait, en mars de cette année, que les compressions budgétaires de ce gouvernement-là ont privé 800 policiers de la Sûreté du Québec sur nos routes, donne suite aux demandes du directeur de la Sûreté qui réclame l'embauche immédiate de 150 patrouilleurs supplémentaires pour patrouiller les routes du Québec?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Oui. Cette demande est faite d'ailleurs au Conseil du trésor, et j'attends toujours la...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Mais je dois dire que...

(15 heures)

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Pour cela, il faudrait avoir l'assurance que, s'ils étaient sur le terrain actuellement, pendant les négociations, ils en donneraient, des contraventions. Mais je dois dire cependant que les policiers qui sont là agissent quand même avec un certain sens des responsabilités, puisque les contraventions pour les choses dangereuses, conduite dangereuse, facultés affaiblies, ont effectivement augmenté cette année par rapport à l'an dernier. Mais, par contre, j'ai continuellement l'oeil sur les statistiques des accidents mortels et je peux vous dire que le bilan s'améliore légèrement par rapport à l'an dernier, de même que pour les blessés. Je peux vous dire par exemple que, pour les derniers mois où les statistiques sont disponibles, les mois de février et mars, les accidents mortels sont passés de 25 à 18; les accidents avec blessés sont passés de 735 à 581. Et, s'il y a eu une augmentation...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, en complémentaire?


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du trésor: C'est pour quand?

Des voix: ...

Le Président: Je présume que, puisqu'il y a eu une question, on souhaite avoir une réponse. Alors, peut-on avoir le calme nécessaire pour entendre la réponse? M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, je ne suis pas sûr, évidemment, que l'opposition veuille des réponses, parce que, si je comprends bien, pendant que l'opposition hurle, c'est pris sur mon temps de réponse. Mais, ici, la réponse est courte: Ce pourrait être pour la fin des moyens de pression de la Sûreté du Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, ma question est au premier ministre: Entre qui va-t-il choisir? Est-ce que c'est le président du Conseil du trésor ou son ministre de la Sécurité publique?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement s'émeut à bon droit, de même que l'opposition et la population certainement, de ces accidents qui surviennent de façon tout à fait accrue, quand il s'agit des jeunes motocyclistes en particulier, certainement, en tout cas, de façon générale dans le cas des motocyclistes. Et il est certain qu'il convient d'examiner plus précisément cette affaire pour déterminer s'il n'y a pas lieu d'adopter des mesures de sécurité spécifiques.

Le Président: En question principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Recours par Emploi-Québec à des services externes


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, le Syndicat de la fonction publique affirme que les organisations communautaires sont des sous-traitants à Emploi-Québec. De l'autre côté, Mme Nancy Neamtan, porte-parole de la Coalition des organismes communautaires, affirmait hier que ces organisations offrent un service essentiel dans la lutte contre le chômage et l'exclusion, et qu'ils existaient de toute façon avant l'arrivée d'Emploi-Québec. Enfin, le rapport sur les ressources externes, dénoncé par le Syndicat de la fonction publique, a reçu l'aval de la Commission des partenaires.

Ma question à la ministre: Qu'attend la ministre pour appliquer, de façon concrète et avec les ressources appropriées, la politique de recours aux services externes recommandée par la Commission des partenaires? Ou a-t-elle l'intention encore une fois de faire à sa tête et de passer outre la recommandation de la Commission des partenaires?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, l'intervention du député de Robert-Baldwin me cause un certain trouble parce que, s'il y a quelqu'un qui tient à ce que les services publics d'emploi soient bien organisés et qu'il y ait une coordination et une complémentarité intelligente entre Emploi-Québec et les ressources externes, c'est bien moi. Mais je pense que le député de Robert-Baldwin va comprendre qu'il y a eu des travaux très intenses justement pour clarifier les zones de responsabilités et les interventions qui doivent être faites du côté d'Emploi-Québec et aussi du côté des ressources externes en employabilité, qu'à ce moment-ci, une fois que nous avons clarifié ça, il est sage, il est respectueux de conclure les discussions avec le Syndicat de la fonction publique qui est interpellé, qui pose un certain nombre de questions sur ces ententes-là. Alors, c'est le processus actuellement que je suis en train de compléter. Nous voulons que les choses se fassent de manière harmonieuse, et ce n'est pas au détriment des uns et des autres.

Le Président: M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Si la ministre veut que les discussions soient de façon harmonieuse, pourquoi Mme Neamtan, hier, s'est sentie obligée de dénoncer en conférence de presse que les organisations communautaires ne sont pas des sous-traitants à Emploi-Québec et pourquoi, vous, Mme la ministre, vous prenez position dans ce dossier-là en faveur du Syndicat contre les organisations communautaires?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, c'est moi qui ai initié les travaux avec les ressources communautaires. J'ai convenu avec les ressources communautaires d'agencements, de clarifications des interventions, et actuellement on est en train de discuter avec le Syndicat pour s'assurer qu'on respecte bien l'ensemble des parties. L'opposition ne va quand même pas me reprocher de vouloir que ces ententes avec les ressources externes se passent bien et que les discussions se fassent correctement avec le Syndicat.

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.


Motions sans préavis

Nous allons aller immédiatement aux motions sans préavis. Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, d'abord.


Souligner le mois de la fibrose kystique

Mme Marois: Oui. Alors, merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne le mois de la fibrose kystique.»

Le Président: Bien. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Oui.

Le Président: Une intervention de chaque côté?

Mme Marois: Une intervention de chaque côté?

Le Président: Je pose la question, je ne donne pas d'indication. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Depuis une quarantaine d'années, le mois de mai est réservé à sensibiliser la population aux implications de cette terrible maladie qu'est la fibrose kystique, une maladie génétique chronique, dégénérative et malheureusement mortelle, qui est la plus fréquente maladie héréditaire à évolution grave chez l'enfant. En raison d'un mauvais fonctionnement des glandes muqueuses, la fibrose kystique affecte principalement le fonctionnement des poumons, très souvent aussi le système digestif.

On dénombre actuellement au Québec environ 1 000 personnes atteintes de fibrose kystique, dont 60 % sont des enfants. Notre première pensée, M. le Président, va à ces personnes et à leurs proches. Être atteint de fibrose kystique est très difficile pour tous ceux qui sont concernés: l'enfant, les parents et les autres membres de la famille.

Même si le degré d'atteinte de la maladie et son importance varient d'un enfant à un autre, seuls des soins constants et attentifs permettent à la plupart d'entre eux de mener une vie à peu près normale. Ces jeunes Québécoises et Québécois doivent accepter leur maladie, apprendre à vivre avec elle, alors qu'ils voudraient tant être comme tous leurs camarades. Et, malgré qu'ils soient atteints d'une maladie chronique qui les affecte de plus en plus avec l'âge, la très grande majorité des jeunes atteints de fibrose kystique fréquentent nos institutions d'enseignement aussi longtemps que cela leur est possible de le faire.

J'aimerais, M. le Président, au nom des membres de l'Assemblée nationale, saluer le courage et la grande détermination de ces jeunes en même temps que ceux de leurs parents. Si les conséquences de la fibrose kystique sont affligeantes, nous ne devons pas perdre espoir. Au cours des 40 dernières années, l'espérance de vie des personnes atteintes n'a cessé d'augmenter. L'âge moyen de survie est passé de quatre ans en 1960 à plus de 31 ans maintenant. La recherche permet de découvrir des médicaments de plus en plus efficaces qui prolongent la vie, mais assurent également une meilleure qualité de vie à ceux et celles qui ont cette maladie-là. Des pas de géant ont été accomplis. Les améliorations constantes des méthodes de traitement, les techniques de physiothérapie, les régimes alimentaires et les médicaments permettent maintenant à de plus en plus de jeunes d'atteindre l'âge adulte sans avoir subi beaucoup de dommages aux poumons et ainsi de mener une vie presque normale.

(15 h 10)

J'aimerais également souligner, M. le Président, que le Québec s'est développé une réputation de leader mondial dans le traitement de la fibrose kystique et dans la recherche fondamentale et appliquée sur cette maladie. Les personnes atteintes ont, au Canada, et au Québec en particulier, une survie nettement supérieure à la moyenne de tous les autres pays, des États-Unis y compris.

L'accessibilité financière aux médicaments que le Québec a depuis longtemps rendue possible aux personnes atteintes de cette maladie et l'existence de 13 cliniques spécialisées qui regroupent des professionnels de la santé de diverses disciplines expliquent cette performance. Malgré cela, M. le Président, nous sommes conscients qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Si les conditions de vie des personnes atteintes de fibrose kystique se sont nettement améliorées, ce n'est pas encore la guérison finale. Les progrès accomplis doivent cependant nous garder confiants dans l'avenir. J'encourage pour cela nos concitoyens, nos concitoyennes à participer aux nombreuses activités de financement qui ont et qui auront lieu au cours des prochaines semaines pour soutenir la recherche médicale sur la fibrose kystique.

Je remercie également les chercheurs, les professionnels du réseau, les bénévoles, particulièrement ceux et celles que regroupe l'Association québécoise de la fibrose kystique. Je veux féliciter l'Association québécoise d'ailleurs de la réussite de la levée de fonds qu'ils ont accomplie avec succès vendredi dernier – une somme assez considérable. Leur action et leur persévérance nous permettent de garder espoir.

Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan, sur la même motion.


M. Russell Williams

M. Williams: Oui, merci beaucoup, M. le Prési-dent. Certainement, l'opposition officielle va appuyer la ministre en soulignant le mois de la fibrose kystique, ici, aujourd'hui. La ministre a terminé son intervention avec l'événement de vendredi passé, Elle a eu quelques représentants dans son bureau, j'étais là aussi; c'était un franc succès, et je voudrais juste dire, pour ceux et celles qui font les levées de fonds, c'est exceptionnel qu'est-ce qu'ils ont fait. Net, ils ont ramassé 412 000 $ pour la recherche. Et on peut être tous fiers du travail des bénévoles de l'Association québécoise de la fibrose kystique.

Comme la ministre l'a déjà mentionné, il y a un Québécois sur 20 qui est porteur du gène de cette maladie. Il y a à peu près un sur 2 000 nouveau-nés qui a cette terrible maladie. C'est une maladie qui est pulmonaire, qui est aussi héréditaire. Jusqu'à date, M. le Président, malgré beaucoup de recherches, nous n'avons pas trouvé les moyens de guérir ni de maîtriser cette maladie, mais il y a progrès. Les chiffres parlent par eux-mêmes.

Dans le passé, le «life expectancy», l'espérance de vie était de plus ou moins quatre ans. Maintenant, c'est à peu près 30 ans, et j'ai été impressionné l'autre soirée, M. le Président, par l'engagement de toutes les personnes impliquées dans le dossier, particulièrement les parents qui disent qu'ils doivent faire beaucoup plus parce qu'ils veulent que leurs enfants aient tous l'espoir de la vie.

M. le Président, il y a beaucoup d'événements qu'on peut tous encourager, certainement ceux de la semaine passée. Il y a le marchethon, il y a un complot des artistes, je pense, dans le territoire de l'Estrie. Il y a beaucoup d'autres choses. On doit s'assurer qu'à chaque année on fait plus, plus dans la recherche, plus dans les cliniques. Comme la ministre l'a mentionné, il y a 13 cliniques qui font un excellent travail, on doit faire plus. On doit s'assurer que ceux et celles qui souffrent de cette maladie aient accès aux meilleurs soins possible et aux meilleurs médicaments possible.

Avec ça, M. le Président, ce mois-ci est une façon de rappeler à la population que nous n'avons pas gagné la bataille contre cette maladie. Oui, comme la ministre l'a mentionné, on a fait un progrès. On peut être fier de ce que le Québec est en train de faire. Comme la ministre l'a déjà dit, on doit faire plus, mais on peut être fier.

Comme nous l'avons mentionné, M. le Président, je voudrais féliciter les bénévoles mais je voudrais aussi féliciter les médecins, les chercheurs, tous ceux et celles qui sont impliqués dans ce dossier, et je voudrais faire un appel à la population pour que tout le monde participe dans les campagnes de financement parce que, par ça, on peut augmenter la recherche, et c'est juste par la recherche que nous allons gagner cette bataille.

Cystic fibrosis, Mr. Speaker, is an illness that has not been beaten, but we've been making remarkable progress. I would like to add my name and the name of the Official Opposition to the motion and congratulate everybody working in the field, congratulate the volunteers, congratulate those that are working for a resolution of this illness. I would also like to congratulate the Québec Association of Cystic Fibrosis which, I think, will celebrate next year its twentieth anniversary. I think we should encourage that work, and I hope that motions like these, year after year in the House, will help to advance the cause, and make sure that eventually, sooner rather than later, I hope that we'll win this battle.

Merci beaucoup, M. le Président. L'opposition officielle appuie la motion de la ministre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, je comprends donc que la motion est adoptée.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous allons maintenant aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, j'ai le plaisir d'aviser cette Assemblée que la commission des finances publiques va entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière, aujourd'hui, donc, après les affaires courantes jusqu'à 16 h 55, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions, quant à elle, poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police, aujourd'hui, après les affaires courantes et également jusqu'à 16 h 55, à la salle 1.38b de l'édifice Pamphile-Le May, ainsi que demain, le mercredi 10 mai 2000, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif; et finalement, M. le Président,

Que la commission des affaires sociales, quant à elle, poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 10 mai 2000, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Et je vous en donne copie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail demain, le mercredi 10 mai 2000, de 8 heures à 9 h 30, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de préparer l'audition du Vérificateur général du Québec sur son rapport d'activité 1998-1999.

Je vous avise également que la commission procédera à l'audition du Vérificateur général et à la vérification de ses engagements financiers contenus dans les listes d'avril 1999 à mars 2000 immédiatement après, soit de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous avise que demain il n'y aura pas de motion débattue, en vertu de l'article 97 de notre règlement, puisque le débat restreint sur les rapports des commissions ayant étudié les crédits budgétaires constitue une affaire prioritaire.

Alors, ceci met fin aux affaires courantes.


Affaires du jour

Nous allons donc passer aux affaires du jour. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 6 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 107


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 6 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend donc le débat ajourné le 6 avril 2000 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 107, Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux.

Alors, lors de la suspension du débat, il restait 10 minutes à M. le député de Verdun pour compléter son intervention. Alors, y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 107? Alors, Mme la députée de Beauce-Sud.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, j'interviens sur le projet de loi n° 107, Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux. Ce projet de loi édicte des mesures visant à maintenir l'équilibre budgétaire dans les établissements publics du réseau de la santé et des services sociaux. Il vient préciser qu'aucun établissement public ne devra encourir de déficit à la fin de l'année financière. Si tel est le cas, le déficit devra être comptabilisé comme dépense au budget de l'année financière subséquente, et, à partir de ce moment-là, M. le Président, c'est la tutelle ministérielle.

C'est ainsi que ce projet de loi précise qu'un établissement public ne peut contracter d'emprunt pour le paiement de ses dépenses de fonctionnement, sauf avec l'autorisation expresse de la ministre. De plus, il prévoit différents moyens pour que la ministre puisse intervenir auprès des établissements pour maintenir l'équilibre budgétaire. Ce projet de loi, M. le Président, nous précise donc les intentions de la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant les déficits dans les hôpitaux.

(15 h 20)

M. le Président, comment la ministre peut-elle imposer une loi anti-déficit quand le réseau est sous-financé, quand les hôpitaux et les CHSLD manquent de fonds et qu'ils prévoient faire encore des déficits cette année? Laissez-moi vous donner quelques exemples de ce qui se passe dans mon comté. La direction du centre hospitalier Beauce-Etchemin me mentionnait que, pour le dernier exercice financier, le déficit aurait été de 5,4 millions de dollars s'il n'avait pas reçu, en cours d'année, des argents supplémentaires du gouvernement. En cours d'année, le centre hospitalier a reçu 1 million de dollars pour les urgences, pour pallier à la sécurité d'emploi. Toutefois, cet argent n'est pas récurrent.

À l'étude des crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux, il y a deux semaines, la ministre a confirmé que le centre hospitalier Beauce-Etchemin va recevoir 3,1 millions de dollars afin de relever sa base budgétaire. Et, comme la dernière année financière au CHBE, centre hospitalier Beauce-Etchemin, était de 4,6 millions – donc, le budget réel l'année dernière était de 4,6 millions – et qu'on va rehausser seulement de 3,1 millions de dollars sa base budgétaire, il va donc manquer 1,5 million de dollars pour donner le même niveau de services que l'an passé.

Selon la direction du centre hospitalier, chez nous, il n'est pas possible de couper dans les ressources humaines car le centre réussit à peine à trouver tout le personnel pour combler les postes. De plus, c'est le gouvernement qui négocie les conventions collectives, donc les salaires, ce qui fait que le centre hospitalier n'a pas de marge de manoeuvre là-dessus. Que peut donc faire la direction du centre hospitalier? La seule alternative possible est de couper justement 1,5 million de dollars dans les services aux patients. Ça signifie des listes d'attente qui s'allongent, des opérations retardées, et j'en passe.

Si la loi anti-déficit est adoptée, M. le Président, ça va être difficile pour le centre hospitalier Beauce-Etchemin, comme dans bien d'autres centres au Québec. Notre hôpital sera dans l'obligation de demander au gouvernement de lui mentionner où les coupures doivent être faites. Est-ce que c'est ça qu'on souhaite pour nos citoyens? Est-ce qu'on est prêt à accepter les conséquences d'une longue attente chez un cancéreux, une personne avec un coeur malade ou chez les personnes qui ont besoin de soins dans des délais rapides? Moi, je ne veux pas que mes citoyens vivent ça. Voilà pourquoi je suis contre cette loi.

Je veux aussi vous parler des centres jeunesse dans la région Chaudière-Appalaches qui, soit dit en passant, font partie des centres qui sont les plus sous-financés au Québec: il manque 4 millions de dollars pour respecter la loi anti-déficit. Compte tenu que la région Chaudière-Appalaches connaît une croissance de sa population chez les jeunes et comme les crédits accordés sont à peu près les mêmes que l'an passé, les centres jeunesse s'attendent à avoir de la difficulté à atteindre l'équilibre budgétaire. M. le Président, le projet de loi n° 107 est un projet de loi à grand risque pour les jeunes, pour les personnes malades et pour tous les gens qui souffrent. Et, moi, en tant que députée et en tant que citoyenne, cela m'inquiète beaucoup.

Je voudrais aussi vous mentionner quelques chiffres qui proviennent de la Conférence régionale de l'Association des hôpitaux du Québec de Montréal-Centre. Selon le vice-président de la Conférence, M. Marc de Bellefeuille, le projet de loi anti-déficit ne réjouit pas les hôpitaux de Montréal. On demande à la ministre: Qu'est-ce qui est le plus important: les services à la population ou le déficit zéro? mentionne M. de Bellefeuille. Selon les responsables des hôpitaux, la nouvelle législation pourrait signifier de nouvelles restrictions dans l'accessibilité des services à la population et aux malades.

Marc de Bellefeuille estime que les prévisions budgétaires des hôpitaux de la région sont basées sur le maintien du volume actuel des activités. On sait que les besoins vont augmenter et que, même s'ils n'augmentent pas, ils coûteront plus cher. Comme les autres hôpitaux de la province, les centres hospitaliers de la région métro-politaine demandent donc une révision à la hausse de leur base budgétaire. «Sans ça, on ne pourra pas faire de miracle», conclut le vice-président.

En déposant une loi antidéficit, la ministre ne reconnaît pas l'augmentation des besoins et l'alourdissement des soins dus au vieillissement de la population. Elle ne tient pas compte également de l'augmentation des dépenses en raison du développement technologique. La ministre ne reconnaît pas non plus l'augmentation de la clientèle dans les urgences et les centres jeunesse.

En raison du sous-financement, les établissements de santé et de services sociaux appliquent continuellement du rationnement au niveau des services. Toutefois, pour des raisons évidentes, l'établissement ne peut appliquer de rationnement aux urgences. L'établissement qui anticipe un déficit devra-t-il refuser les patients à l'urgence ou encore devra-t-il couper davantage dans les autres services pour maintenir son équilibre budgétaire? Qui va répondre à cette question?

J'aimerais vous rappeler, M. le Président, que le Québec est la province qui investit le moins en santé per capita. La moyenne au Canada est de 80 $; au Québec, elle est de 46 $. De plus, le gouvernement a coupé dans le réseau de la santé, je vous le rappelle, 2,2 milliards de dollars, plus que n'importe quelle autre province du Canada, alors qu'au Québec nous avons une population plus vieillissante qu'ailleurs au Canada. Évidemment, on connaît le résultat malheureux: l'engorgement aux urgences perdure malgré toutes sortes de mesures et de tentatives qui ont été faites par le gouvernement.

La ministre soutient que les nouveaux investissements en santé serviront à résorber le déficit, à rehausser de façon récurrente la base de financement des établissements publics du réseau de la santé et des services sociaux de 400 millions de dollars et à couvrir les augmentations salariales et les dépenses de fonctionnement du réseau de la santé et des services sociaux.

Toutefois, soyons réalistes, M. le Président. Ces nouveaux investissements ne viennent pas combler les compressions budgétaires sans précédent qui ont été appliquées dans le réseau de la santé et des services sociaux depuis cinq ans. Ils ne viennent pas non plus régler le sous-financement chronique dont souffre le réseau. Les sommes investies sont loin de couvrir les besoins requis au niveau des soins à domicile, des ressources en centres d'hébergement et de soins de longue durée, de la déficience physique et intellectuelle, de la réadaptation, de la santé mentale, des traitements en radiothérapie, des chirurgies en cardiologie, en orthopédie ou en ophtalmologie, notamment les cataractes.

Alors, M. le Président, les investissements annoncés par la ministre ne suffiront pas à combler ces nouveaux besoins, et elle le sait très bien. Mais, pour démontrer qu'elle agit, qu'elle veut paraître comme étant une bonne gestionnaire, elle dépose un projet de loi antidéficit qui m'apparaît être improvisé, qui est incohérent d'ailleurs avec la loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux.

Parlons-en justement de cette loi. Ce qu'on retrouve dans ce projet de loi, c'est aussi ce qu'on retrouve dans l'actuelle Loi sur la santé et les services sociaux, concernant les déficits. Donc, était-ce bien nécessaire d'écrire un nouveau projet de loi? Voilà ce qu'en disait mon collègue, le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, à ce sujet, et je le cite: «La ministre annonce et dépose à la hâte un projet de loi antidéficit pour les établissements de santé et de services sociaux. Pourtant, la loi actuelle sur la santé et les services sociaux contient déjà toutes les dispositions nécessaires à l'obligation d'équilibre budgétaire.»

(15 h 30)

J'aimerais ajouter un autre point de vue sur la nécessité de ce projet de loi, point de vue qui vient cette fois-là de l'Association des hôpitaux du Québec, suite à un avis juridique préparé par Me Patrick Molinari pour l'Association des hôpitaux du Québec. Il est mentionné dans cet avis: «Le projet de loi n° 107 sur l'équilibre budgétaire ou l'imputabilité des administrateurs du réseau de la santé et des services sociaux, déposé par la ministre de la Santé, est superflu et ne représente autre chose qu'un geste politique pour se donner bonne conscience.

L'analyse signée par Me Molinari précise que la Loi sur les services de santé ne manque pas de mesures qui, tant sur le plan de l'équilibre budgétaire que sur celui des pouvoirs du ministre de déterminer les priorités et les obligations budgétaires qu'il souhaite, sont analogues à celles envisagées dans le projet de loi n° 107. Voici un exemple. Si nous examinons l'article 4 du projet de loi qui dit: «Aucun établissement public ne doit encourir de déficit à la fin d'une année financière», eh bien, pour leur part, les articles 284 et 285 de la Loi actuelle sur les services de santé reprennent exactement, M. le Président, sous des formes un petit peu différentes, les mêmes obligations. On y lit que les prévisions budgétaires des dépenses et des revenus doivent être en équilibre. Et, lorsqu'un plan d'équilibre budgétaire est requis pour qu'un établissement puisse se conformer à son budget, le conseil d'administration doit l'adopter. Tant et aussi longtemps que le réseau de la santé et des services sociaux sera sous-financé, la ministre ne réussira pas à imposer l'équilibre budgétaire dans les établissements publics du réseau, à moins que ces derniers ne coupent dans les services et les soins aux patients.

M. le Président, dans la loi, la ministre prescrit des obligations pour les établissements mais aucune obligation pour le gouvernement, aucune obligation de dire que, en contrepartie du fait qu'il ne devra plus faire de déficit, eh bien, le gouvernement s'engagerait, par exemple, à fournir aux établissements les sommes nécessaires pour donner les services qui sont requis pour les malades et pour les personnes âgées. Il me semble que c'est comme ça, une entente de partenariat. Or, il n'y a rien. Il n'y a rien dans cette loi à cet égard-là. Donc, ce qu'on doit conclure, c'est que la ministre ne touche pas aux vrais problèmes. Elle veut plutôt les camoufler et détourner l'attention par le dépôt de ce projet de loi n° 107.

Vous savez, M. le Président, je sais qu'il y a des problèmes de gestion dans certains centres hospitaliers et dans certains CHSLD, mais je sais aussi que certains établissements qui sont dans mon comté, entre autres, ont fait des efforts considérables pour compresser les dépenses, et ce, depuis trois ans. Ils ont tenté d'atteindre l'équilibre budgétaire à plusieurs reprises et ils n'y ont toujours pas réussi. Alors, pour eux, ce projet de loi constitue une épée de Damoclès qui pend au-dessus de leur tête. Il faut donc être très prudent avec ce projet de loi pour ne pas compromettre la distribution des services de santé.

M. le Président, j'aimerais terminer, j'aimerais conclure en citant une lettre qui est parue justement en fin de semaine, dimanche, dans La Presse de Montréal et qui s'intitule Chronique d'une mort prématurée , une lettre de Mme Nathalie Yelle. C'est une lettre qui est adressée à la ministre de la Santé. Elle conclut en disant: «Alors, Mme la ministre, ne venez pas me dire que notre système de santé est l'un des meilleurs au monde! Réalisez-vous que ce même système que vous défendez m'a arraché mon père? Car tous les médecins qui l'ont traité sont unanimes: s'il avait pu être opéré, il aurait eu la chance de continuer sa vie normalement. Si nous avions un des meilleurs systèmes de santé au monde, mon père serait encore en vie aujourd'hui.»

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Nous allons maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député, vous avez un temps de parole de 20 minutes.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Je suis ici aujourd'hui afin de vous entretenir du projet de loi n° 107. Je voudrais d'abord commencer par vous souligner le manque de pertinence et de cohérence de la démarche gouvernementale dans le cadre du projet de loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux.

Je voudrais commencer par vous citer un extrait d'un avis juridique commandé par l'Association des hôpitaux du Québec et qui dit que, et je vous cite, «le projet de loi n° 107 ne saurait être adopté par l'Assemblée nationale sans qu'il ne soit revu en profondeur. Il s'agit d'une exigence minimale sans aucun doute rendue nécessaire par le fait qu'il est manifeste qu'il n'a pas été conçu en tenant compte de l'ensemble environnemental juridique actuel. Une lecture attentive de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, de ses règlements d'application et des nombreuses normes contenues, par exemple, dans les règles budgétaires émises par la ministre ainsi que dans les normes d'orientation qui ont été adoptées démontre que la nécessité de recourir à la loi nouvelle n'est pas du tout établie. On peut convenir que certains choix politiques justifient que soient apportées des modifications aux règles juridiques actuelles, mais alors il est essentiel que ces modifications soient apportées avec le plus grand souci de cohérence et qu'à l'occasion d'une question particulière on ne perturbe pas un système juridique reposant sur des équilibres complexes.» Fin de la citation.

Allons voir d'un peu plus près sur quoi se base cet avis juridique, M. le Président. Les articles 3 et 4 du projet de loi viennent préciser qu'un établissement doit maintenir l'équilibre entre ses dépenses et ses revenus et qu'aucun établissement ne doit encourir de déficit à la fin de l'année financière. La Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit déjà cette obligation d'équilibre entre les dépenses et les revenus. En fait, l'article 284, deuxième alinéa de cette loi se lit comme suit – je cite: «Les prévisions budgétaires de fonctionnement établissent le montant requis par un établissement pour assurer les opérations relatives à la prestation des services qu'il est appelé à fournir et qui sont essentiels à la réalisation de la mission du centre qu'il exploite. Les prévisions budgétaires des dépenses et des revenus doivent être en équilibre.» Fin de la citation.

D'autre part, le libellé de l'article 3 du projet de loi n° 107 semble indiquer la même contrainte à peu de chose près. Je vous cite: «Un établissement public doit, en cours d'année financière, maintenir l'équilibre entre ses dépenses et ses revenus.» Fin de la citation. Si on regarde de plus près l'article 7 du projet de loi n° 107 qui se décrit comme ceci: «Dans les trois semaines de la date où la régie leur fait connaître les éléments prévus à l'article 6, les conseils d'administration des établissements publics adoptent les budgets de fonctionnement de ces établissements, dont les dépenses et les revenus doivent être en équilibre, et en informent la régie régionale et le ministre», et que l'on y appose l'article 285 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux – l'article 285 est très, très clair dans ce sujet – on s'aperçoit rapidement qu'il y a beaucoup de dédoublements juridiques, M. le Président. J'arrêterai ici la comparaison entre le projet de loi n° 107 et les mesures visant l'équilibre et la saine gestion budgétaires déjà prévus dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

M. le Président, il nous semble évident qu'il y aura beaucoup de problèmes quant à l'application et à l'interprétation de ce projet de loi. La grande question que les administrateurs du réseau de la santé doivent se poser aujourd'hui est à savoir quelle loi va s'appliquer, quels sont les paramètres financiers qu'ils devront respecter, ceux de la Loi sur les services de la santé et les services sociaux ou encore ceux du projet de loi n° 107.

(15 h 40)

Je conclurais simplement, M. le Président, en vous rappelant que les nouveaux investissements annoncés par la ministre ne viennent pas combler les compressions budgétaires sans précédent qui ont été appliquées dans le réseau de la santé et des services sociaux depuis cinq ans. Il ne viennent pas non plus régler le sous-financement chronique dont souffre le réseau. Les sommes investies sont loin de couvrir les besoins requis au niveau des soins à domicile, des ressources en centre d'hébergement de soins de longue durée, de la déficience physique et intellectuelle, de la réadaptation, de la santé mentale, des traitements en radiothérapie, des chirurgies en cardiologie, orthopédie et ophtalmologie. En raison du sous-financement, les établissements de la santé et des services sociaux appliquent continuellement le rationnement au niveau des services. Toutefois, pour des raisons qui sont évidentes, les établissements ne peuvent appliquer de rationnement aux urgences. Les établissements qui anticipent un déficit devraient-ils refuser les patients à l'urgence ou devraient-ils couper davantage dans les autres services pour maintenir leur équilibre budgétaire?

Comme l'a mentionné ma collègue, on a vu, cette fin de semaine, une lettre publiée dans La Presse de dimanche. Et, comme je l'ai dit en Chambre aujourd'hui, pendant que les péquistes lisaient la une des journaux de cette fin de semaine, nous, de l'opposition officielle, on a lu la page A-15 de La Presse de dimanche, le 7 mai, et on a lu une lettre de la semaine, une lettre par Mme Nathalie Yelle qui est une préposée aux bénéficiaires dans un centre de soins de longue durée. C'est une lettre qui est, en fait, M. le Président, très triste. Ça commence par «Bonjour, Mme Marois» – c'est notre ministre de la Santé – et elle nous parle des fameuses listes d'attente. Elle raconte l'histoire de son père qui, au contraire de ce que la ministre nous a dit en Chambre aujourd'hui, a été mis sur une liste d'attente de chirurgie urgente. Et, c'était très clair, c'est une liste d'attente à la Cité de la santé de Laval qui a indiqué qu'il devrait attendre pour qu'une place se libère sur cette liste. Mais c'était très clair que son père devait avoir une chirurgie dans un temps très court et c'était très clair dans la liste que c'était une chirurgie urgente. Le pauvre monsieur a attendu et, en fait, il est décédé pour la seule raison qu'il n'a pas eu l'intervention chirurgicale à temps.

Pour moi, je trouve ça très triste. La ministre peut dire que des choses comme ça arrivent dans une société et qu'il n'y a rien qu'on peut faire. Oui, M. le Président, il y avait beaucoup que ce gouvernement pouvait faire depuis longtemps pour faire les corrections dans notre service de santé. Maintenant, il va pratiquement obliger des hôpitaux à fermer leurs portes s'il y a une chance qu'ils fassent un déficit, et, moi, je pense que c'est inhumain qu'un gouvernement incite un hôpital à fermer ses portes à un moment où il peut subir un déficit, à un moment où des personnes subissent des moments très graves, ont besoin d'assistance médicale.

J'aimerais vous lire les deux derniers paragraphes de la lettre de cette madame qui se lit comme suit, et je vous cite: «Malheureusement, je n'aurai pas eu le temps de lui annoncer qu'il va être grand-père – elle parle de son père – pour une treizième fois. Jamais je ne pourrai prononcer ces mots à mon père. Cela fait presque trois semaines que je pleure mon père. Il me manque. Pourtant, son opération était jugée très urgente. Les derniers jours de mon père ont été pour lui une infernale attente. Il avait terriblement peur.» Et elle conclut la lettre comme suit: «Alors, Mme la ministre, ne venez pas me dire que notre système de santé est l'un des meilleurs au monde! Réalisez-vous que ce même système que vous défendez m'a arraché mon père? Car tous les médecins qui l'ont traité sont unanimes, s'il avait pu être opéré, il aurait eu la chance de continuer sa vie normalement. Si nous avions un des meilleurs systèmes de santé au monde, mon père serait encore en vie aujourd'hui.»

Mr. Speaker, this is really a very sad moment, when we live in a Western society, in a Western democracy, that here, in the Province of Québec, someone died for the sole reason that he was on a waiting list for surgical intervention and when it was marked very clearly, contrary to what the Minister told us in question period this afternoon, that it was urgent that he had a surgical intervention. And there was just an impossibility because of a waiting list in a hospital, in good faith. And the lady who writes the letter to La Presse , Mrs. Nathalie Yelle, is fully aware of our health system, being someone who works in a long-term care hospital, and she has taken the trouble, in her moment of grief, Mrs. Nathalie Yelle, to write to La Presse a letter which was published on Sunday, May 7th – it's the letter of the week – and Mrs. Yelle basically tells us the story of a good and decent family who lost a father for the sole reason of incompetence of this Government.

And she writes, and I will translate: Therefore, Mme la ministre, don't tell us that we have here the best health system in the world! Do you realize that this system that you are defending has basically led to the passing of my father? Because all doctors who treated him were unanimous that, if he would have had the operation, he would have had a chance to continue a normal life-style. And, if we had one of the best health systems in the world, my father would still be alive today.

I believe that the Minister is making a great error in presenting to us Bill 107, a bill which will give hospitals no choice either to follow the provisions of this bill or to close the doors to patients at a time when they are going to reach a death stage. And I would hope that the Minister will come to her senses and withdraw this project of law.

Mais, en fait, M. le Président, nous, de l'opposition officielle, nous allons voter contre ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Nous allons maintenant céder la parole au député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Chers collègues, je prends la parole sur le projet de loi n° 107 intitulé Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux. La première question qu'il faut se poser dans l'étude de ce projet de loi là, c'est: Pourquoi on dépose un projet de loi pour en fin de compte obliger l'équilibre budgétaire des hôpitaux? Il y a deux raisons. La première raison est bien simple, vous vous souviendrez que le vice-premier ministre a déclaré tout récemment que, s'il y avait des problèmes dans la santé, ce n'était pas la faute du gouvernement, c'était la faute des hôpitaux, c'est eux autres qui géraient mal. Donc, pour démontrer que c'est les hôpitaux qui ont tort, on leur propose, c'est-à-dire qu'on leur impose un projet de loi antidéficit, ou plutôt un projet de loi antiservices. On y reviendra plus tard, mais c'est une des premières causes pourquoi on dépose un tel projet de loi.

La deuxième raison, M. le Président, puis je pense que la plupart des gens qui nous écoutent vont en convenir, c'est à cause tout simplement de la mauvaise gestion du gouvernement péquiste, du gouvernement actuel. Depuis 1996, on a saccagé totalement le système de santé au Québec et on est rendu que, pour se couvrir, il faut déposer des projets de loi pour faire penser que c'est peut-être quelqu'un d'autre. Ce coup-là, c'est peut-être le fédéral, mais des fois c'est le fédéral, des fois c'est les directeurs d'hôpitaux, des fois c'est les infirmières, des fois c'est les avocats, des fois c'est quelqu'un d'autre. C'est la manie qu'a le gouvernement de rejeter ses responsabilités chez les autres intervenants, principalement dans le domaine de la santé.

M. le Président, les hôpitaux, on le sait tous, vous en avez sûrement dans votre comté, plusieurs de nos collègues en ont dans leur comté, le problème est évident: il y a un sous-financement chronique dans le domaine hospitalier. Ç'aurait dû être réglé avant tout. Avant seulement de penser à déposer un projet de loi antidéficit, on aurait dû penser en tout premier lieu à financer adéquatement le système hospitalier du Québec. Donc, on est devant une loi qui va devenir une loi antiservices, puisque maintenant les hôpitaux, les directeurs de centre hospitalier devront être excessivement prudents. On n'a pas pensé que l'augmentation des services est inévitable, là, dans les prochaines années.

(15 h 50)

M. le Président, en plus, il faut être conscient que la province de Québec est la province où, per capita, on dépense le moins d'argent dans la santé. Donc, c'est bien important de se rappeler que le Québec dépense le moins d'argent, et, encore là, on a un projet de loi qui peut affecter l'investissement des sommes nécessaires afin d'avoir les services auxquels les Québécois ont droit dans le domaine de la santé. Donc, comme je vous disais, il fallait penser en tout premier lieu à avoir un financement adéquat parce qu'on sait... Puis j'ai visité un hôpital pas plus tard qu'hier matin. Donc, j'ai visité hier matin le centre hospitalier qui est à Granby, un centre hospitalier dans une capitale régionale, un centre hospitalier qui a besoin de financement, un centre hospitalier qui est sous-financé. Tout simplement, on pouvait voir... Puis je discutais avec la présidente du centre hospitalier ainsi que le directeur général, et il est évident qu'il y a un alourdissement des soins dû au vieillissement de la population. Il y a une augmentation aussi des dépenses, c'est évident, parce qu'on sait que la technologie évolue toujours, elle est toujours plus dispendieuse. Donc, nous avons besoin d'investissements supplémentaires dans les centres hospitaliers, et, encore là, on me faisait remarquer qu'on ne peut gérer au même niveau la demande à la salle d'urgence. On ne peut se prémunir contre des entrées supérieures à ce qu'on avait prévu dans les salles d'urgence. Donc, c'est très difficile de faire ce qu'on fait là, de déposer une loi antidéficit alors qu'il y a des données qu'on n'a même pas.

Jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas fait ses devoirs, n'a pas jugé bon de calculer s'il avait assez d'argent pour financer l'augmentation de la fréquentation dans les hôpitaux, financer l'augmentation des frais inhérents à la technologie, et, si vous avez besoin de plus de personnes, de plus de médecins, de plus de spécialistes, c'est évident que ça va coûter plus cher. Donc, M. le Président, je pense qu'il est totalement inconscient de penser à rationner les centres hospitaliers. Il n'y a pas seulement l'opposition qui dit ça, sur le terrain... Puis je suis convaincu que vous vous promenez toute la fin de semaine, lorsque vous en avez l'occasion, dans votre comté, et les messages qu'on reçoit de la population, c'est qu'ils sont inquiets. Ils sont inquiets et ils perçoivent la loi comme une loi antiservices.

J'ai ici – dans mon comté, vous savez que j'ai la chance d'avoir un quotidien – un article du journal La Voix de l'Est qui est titré Des maux de tête pour boucler les budgets . Donc, M. le Président, je ne vous en lis qu'un simple passage pour illustrer l'inquiétude qui règne non seulement dans la population du Québec, mais aussi chez les administrateurs de centre hospitalier. Je vous en cite quelques extraits et je commence: «Réduire les services ou défier le gouvernement – point d'interrogation? Les administrateurs des établissements de santé de la région devront résoudre le dilemme d'ici le 12 mai – ça, c'est vendredi, je crois – date à laquelle ils devront déposer un budget équilibré à la régie régionale de la santé. L'exercice s'annonce extrêmement ardu partout dans la région, particulièrement au centre hospitalier Piedmont-Yamaska.» Ça, c'est le centre hospitalier qui est à Granby. «Son budget est relevé de 2,6 millions pour 2000-2001, une somme nettement insuffisante pour l'hôpital en déficit de 4 millions» en 1999-2000. Donc, ils sont doublement inquiets. «Ce n'est pas facile. Je me creuse la tête, actuellement. Entre les dépenses qu'on prévoit avec l'arrivée des nouveaux médecins et ce qu'on pense recevoir, il y a toute une marge, admet le directeur général de l'hôpital, René Giard.»

Donc, M. le Président, c'est quelqu'un de crédible qui le dit, c'est l'administrateur de l'hôpital, c'est le directeur général de l'hôpital, c'est M. René Giard. «J'espère bien qu'on ne se retrouvera pas dans une situation où l'on sera obligé de couper les services. J'avoue que c'est très inquiétant avec la loi n° 107 – entre parenthèses antidéficit – poursuit-il.» Donc, je pense que, de toute évidence, quand le directeur général d'un centre hospitalier est inquiet, imaginez-vous les gens qui ont besoin de recevoir les services. Ces gens-là sont très inquiets.

Comme je le disais, hier, j'ai visité ce centre hospitalier et j'ai senti de la part des intervenants un sentiment d'inquiétude face à cette loi antidéficit. Comme je vous disais tantôt, M. le Président – j'en citais des passages – à Granby, en 1999-2000, on a fait un déficit de 4 millions de dollars, donc un déficit assez important. La première chose qu'on aurait dû faire, ce qui était impératif, c'était de réviser la base budgétaire de l'hôpital, comme on devrait réviser la base budgétaire de tous les hôpitaux. On sait – vous avez sûrement un hôpital dans votre comté, je vois des députés ici qui ont des hôpitaux dans leur comté – qu'au Québec nous allons faire un déficit de 150 millions dans l'année 2000-2001 dans les hôpitaux. C'est ce qui est prévu, à moins d'un revirement exceptionnel. Et, notamment à Granby – parce que je prends l'exemple de mon comté – je pense qu'il est impératif qu'il y ait un virage à 180 degrés.

Puis l'histoire des trois ou quatre dernières années nous révèle des faits importants. J'ai d'ailleurs posé à plusieurs reprises des questions ici, à l'Assemblée nationale, sur le manque de médecins à Granby, le manque de spécialistes au Centre hospitalier de Granby. On a fermé des lits, faute d'argent, donc on a coupé dans les services. On se souviendra que j'ai posé plusieurs questions sur les anesthésistes, entre autres.

Je me souviendrai aussi que les maires de la région – le CLD – se sont sentis obligés d'intervenir pour attirer des spécialistes. Donc, ils ont pris le taureau par les cornes à la place du gouvernement, et ce sont eux qui ont fait les démarches pour obtenir des spécialistes. C'est le conseil d'administration, c'est le nouveau directeur du centre hospitalier qui a fait les démarches, puis j'irais jusqu'à dire sans l'aide nécessaire qu'aurait dû donner le gouvernement du Québec.

En 1997, M. le Président, le Centre hospitalier de Granby avait déposé un plan stratégique auprès de la Régie régionale de la Montérégie, et je peux vous dire que, en 1997, déjà on était sous-financé, il manquait de médecins, il fallait augmenter les services, les gens allaient ailleurs. Vous savez que, si on prend le centre hospitalier qui est situé à Granby, c'est un centre hospitalier qui est dans une capitale régionale, un centre régional important. Donc, à ce moment-là, vous savez comme moi qu'il y a des services reliés à la situation de l'hôpital que le gouvernement se doit de maintenir. On était en manque de médecins, et je peux vous dire – et j'ai des statistiques ici – qu'en 1997, pour un centre hospitalier de l'importance de celui de Granby qui dessert environ 100 000 personnes, on avait 79 médecins seulement. Nous avions besoin de renfort. Les gens du centre hospitalier ont travaillé, le conseil d'administration a mis l'épaule à la roue, je dirais, pour aller chercher 50 nouveaux médecins depuis, 20 omnipraticiens, 30 spécialistes, et, de tous ces gens-là, les derniers feront leur entrée au mois de juin.

Sauf qu'il arrive un problème frappant, M. le Président: on est devant une loi antidéficit. Nous étions déjà sous-financés, avec un manque flagrant de médecins. Imaginez-vous les besoins que le centre hospitalier va avoir avec 50 nouveaux médecins qui ont besoin d'infirmières, qui ont besoin d'équipement. Ces gens-là, naturellement, les patients qui allaient ailleurs parce que le centre hospitalier était incapable de les desservir adéquatement... Le centre qui a les médecins présentement se doit absolument d'augmenter substantiellement son budget pour seulement répondre aux besoins de la population, et, je vous dis, à cause du sous-financement, le centre hospitalier à Granby était dans l'incapacité auparavant de répondre à la demande qui serait normale dans une ville-centre comme celle de Granby. Historiquement, ce centre-là a toujours été sous-financé. Donc, il est impératif, M. le Président, impératif de changer les bases budgétaires du financement des hôpitaux.

(16 heures)

Dans la loi qui nous occupe, on n'a aucun signe, aucun signe que ces bases budgétaires là seront modifiées. Donc, double inquiétude. On sait que chez nous présentement on aura 129 médecins au centre hospitalier en l'an 2000. Ça, ce n'est pas beaucoup parce que c'est 1,29 médecin par 1 000 habitants. Donc, au centre hospitalier chez nous, dans une capitale régionale, on a 1,29 médecin par 1 000 habitants, alors qu'au Québec on en a 1,92. Donc, on peut tout de suite dire qu'on n'exagère pas. Je pense qu'il nous en manquerait encore, mais, si on compare à l'ensemble du Québec, je pense que, si on a du financement à rajouter, la première place où aller, c'est au centre hospitalier Piedmont-Yamaska, à Granby. Alors, M. le Président, je sais qu'il y a une équipe souvent qui sillonne la province pour aller voir les hôpitaux, voir si le financement qu'ils réclament est approprié à la demande de la clientèle. Hier, je visitais de fond en comble le centre hospitalier, et on en venait à la conclusion que ce n'est pas 2 millions dont on a besoin, c'est 7 millions. Donc, c'est des sommes importantes. On ne parle pas de petites choses, mais on parle de sommes qui sont nécessaires à donner des soins qui sont requis dans une capitale régionale.

Je vais vous donner un exemple bien frappant, M. le Président. J'étais au cinquième étage et j'arrivais devant le département de la psychiatrie avec la présidente du centre hospitalier et le directeur général de l'hôpital, et on sait que Granby dessert, au niveau psychiatrique, au niveau de la santé mentale, environ 125 000 personnes. Là, j'aimerais faire un petit concours, ici, dire: Comment il y avait de lits pour 125 000 personnes dans une capitale régionale comme Granby? J'ai posé la question. Tenez-vous bien: 18 lits pour 125 000 personnes. Le directeur général me disait: Bien, on est rendu que, quand arrive quelqu'un, on regarde s'il y en a. S'il n'y en a pas de pire ici, on est obligé de le... En fin de compte, s'il est pire que les gens qu'on a là, on le rentre et puis on tire au sort pour en sortir un autre parce qu'il n'y a pas de place. On ne finance même pas adéquatement le milieu communautaire qui, lui aussi, crie auprès de la régie régionale, et plusieurs ressources au niveau communautaire m'indiquent qu'elles vont fermer boutique. Donc, au Centre hospitalier de Granby, pour 125 000 personnes, je le répète, nous avons 18 lits. Granby couvre les comtés de Shefford – une partie du comté d'Orford – de Brome-Missisquoi, de Johnson, d'Iberville, même. Donc, on a un besoin flagrant, et puis c'est scandaleux, je dirais, d'avoir seulement 18 lits pour 125 000 personnes.

Je vous donne un exemple en chiffres: à Granby, on investit, pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale, 21,34 $ par personne, en Montérégie, qui est déjà la région la plus sous-financée, on investit 34,59 $ par personne et, au Québec, au total, 92,81 $ par personne. Imaginez-vous, chez nous, à 18 lits, 21,34 $, ça n'a aucun bon sens, aucun bon sens. M. le Président, lorsqu'on nous dépose comme ça une loi antidéficit, il faudrait se rendre compte qu'on a besoin d'investir sérieusement dans le centre hospitalier, là. On a besoin d'investir non seulement dans le domaine de la santé mentale, mais dans tous les autres domaines. C'est compressé de façon extraordinaire dans ce centre-là. Je salue et souligne le travail des dirigeants de l'hôpital, puisqu'ils font un travail, dans les circonstances, qui est extraordinaire, donc, dans un contexte où présentement on ne peut donner des services dont les citoyens ont besoin, dans le contexte où il manque des lits chez nous, par exemple, et dans le contexte aussi qu'un centre hospitalier doit donner des services qui sont requis par sa région.

Je représente une capitale régionale, et le centre hospitalier présentement a un besoin impératif de financement. Donc, M. le Président, en faisant le tour du centre hospitalier... Les besoins ne sont pas seulement de simples... Je ne dirais pas «de simples», là, mais le financement nécessaire est de 7 millions. Mais, quand vous avez un hôpital qui date des années quarante puis qui est agrandi de temps à autre, il y a aussi un besoin d'investissement dans le centre hospitalier. Donc, on faisait le tour, ils avaient besoin à peu près de 30 millions dans le centre hospitalier pour en faire un centre hospitalier administré de façon logique.

Juste pour vous donner un exemple, en médecine nucléaire, par exemple, au Centre hospitalier de Granby, lorsque vous vous présentez là ou lorsqu'un citoyen a besoin de traitements, ce qu'on fait, c'est qu'on appelle une ambulance, on le met dans l'ambulance, on envoie une infirmière avec lui, il s'en va au centre hospitalier du Haut-Richelieu, à Saint-Jean, il va passer ses tests et il revient. Et on fait ça systématiquement pour tous les patients. Pour le même argent, M. le Président, on pourrait avoir chez nous, dans notre région, notre propre centre de médecine nucléaire et, pour le même prix, on pourrait avoir l'équipe complète en médecine nucléaire. On se demande quelle est cette façon-là d'administrer. Lorsqu'on peut avoir les services qui sont nécessaires dans une capitale régionale, on prend les gens en ambulance, on paie des infirmières pour aller avec eux puis on les envoie dans un autre hôpital, alors que, pour le même prix, on peut avoir le service pour toute la région. Donc, M. le Président, ce sont les faits, et, pour la plupart des gens, je dirais pour la population au complet et même pour les dirigeants d'hôpitaux, pour les administrateurs d'hôpitaux, nous sommes devant une situation, là, qui est inacceptable et qui, de plus, en plus d'être inacceptable, va être aggravée par une loi antidéficit. Donc, imaginez-vous l'inquiétude, comme je le disais au point de départ, des administrateurs d'hôpitaux et surtout de la population qui reçoit ces services-là.

Donc, j'invite le gouvernement à faire un examen de conscience et, avant de déposer une loi qui empêche les hôpitaux de faire des déficits, à plutôt les financer adéquatement, parce que, là, ce qu'on retrouve si les hôpitaux ne sont pas financés adéquatement, c'est tout simplement une loi antiservices, et ça, on a tous compris ça, que c'est une loi antiservices. Donc, on se doit d'intervenir, de faire des études concrètes dans chacun des départements d'un hôpital, de faire des distinctions possiblement entre des hôpitaux en région, des hôpitaux dans le milieu de Montréal, dans le milieu de Québec. Chez moi, est-ce que je peux vous dire que déjà le domaine de la santé dans ma région est sous-financé et que l'on propose présentement un projet de loi qui a seulement pour effet de cristalliser le sous-financement dans le domaine hospitalier?

M. le Président, au nom de la population de chez nous, puis au nom de l'opposition, puis au nom des gens qui administrent les hôpitaux, nous allons voter contre ce projet de loi, et j'invite le gouvernement peut-être à faire un examen de conscience, comme je le disais tantôt, et possiblement à retirer ce projet de loi là. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Shefford. Avant de céder la parole à un autre intervenant sur ce dossier, permettez-moi de vous annoncer que ce soir nous aurons trois débats de fin de séance. Le premier aura lieu entre M. le chef de l'opposition officielle et député de Sherbrooke et M. le ministre des Finances concernant l'écart fiscal entre le Québec et l'Ontario. Le second débat de fin de séance aura lieu entre le député de Viger et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant les 65 personnes qui attendent sur la liste d'attente du CLSC de Saint-Léonard. Et enfin, le troisième débat de fin de séance aura lieu entre le député de l'Acadie et M. le ministre des Transports concernant l'incurie du gouvernement dans le dossier des cours de conduite pour les motocyclistes.

Alors, ces trois débats étant annoncés, je cède maintenant la parole au député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je prends la parole sur le projet de loi n° 107 qui se veut un projet de loi antidéficit. Lorsque j'écoutais le député de Shefford s'exprimer, expliquant aux membres de l'Assemblée la situation qui prévaut dans son comté, où on fait accompagner une infirmière avec des ambulanciers pour faire le transport des patients d'un hôpital à l'autre – j'ai cru comprendre que c'était dans la région de Saint-Jean – je pensais que le député de Shefford était en train de donner raison au ministre des Finances qui, lorsqu'il regarde le travail de sa collègue ministre de la Santé, dit: Il y a des problèmes de gestion dans le domaine de la santé.

Mais il faut s'interroger sur la raison d'être du projet de loi n° 107 qui est devant nous cet après-midi, qui est devant nous depuis un certain temps. Comment se fait-il que, après avoir apporté tant de dossiers, tant de cas de situations problématiques ici même, à l'Assemblée nationale du Québec, nous sommes devant un projet de loi qui laisse entendre que les dirigeants d'établissement, que ce soient des hôpitaux, que ce soient des CLSC, que ce soient des CHSLD, que ce soient des organismes du réseau des services sociaux, la ministre de la Santé, avec l'appui du premier ministre et du Conseil des ministres, laisse entendre que ces dirigeants-là, ces administrateurs-là, avec leurs conseils d'administration, ne sont pas capables d'administrer? C'est carrément ce qu'on veut laisser entendre.

(16 h 10)

Moi, je me souviens, M. le Président, de cette première page du Journal de Montréal où on voyait la photo de la ministre de la Santé, la députée de Taillon, qui se promenait dans les corridors d'un hôpital X – et c'était en première page – où la nouvelle ministre de la Santé, elle, allait maintenant et dorénavant régler une fois pour toutes les problèmes d'engorgement dans les urgences. Depuis ce temps-là, force est de constater que la ministre de la Santé n'a pas réussi à régler ces problèmes-là, et ce n'est pas surprenant. La ministre de la Santé n'a pas réussi parce qu'il y a actuellement un sous-financement de notre réseau de la santé et des services sociaux.

J'ai quelques données statistiques entre les mains, qui sont publiées par le gouvernement du Québec, intitulées Dans les comparaisons interprovinciales . Ça vient du gouvernement du Québec. On voit ici très bien: dépenses totales de la Santé per capita, provinces, territoires et Canada, de 1975 à 1999. Lorsqu'on compare uniquement les deux dernières colonnes de ces données statistiques là publiées par le gouvernement du Québec en 1999 – donc, les derniers chiffres disponibles – on constate facilement que le Québec est la province qui investit le moins d'argent per capita dans le domaine de la santé et des services sociaux. Le chiffre, je vous le donne pour le Québec: 2 486 $ par habitant. Si on compare, Terre-Neuve: 2 641 $; l'Île-du-Prince-Édouard: 2 536 $; Nouvelle-Écosse: 2 845 $; Nouveau-Brunswick: 2 700 $. Donc, jusqu'à date, de 200 $ jusqu'à 300 $ de plus par habitant. Lorsqu'on passe en Ontario, maintenant, il y a un différentiel de 500 $. En Ontario, c'est 2 989 $ par habitant. Au Manitoba, on est rendu à 3 025 $; Saskatchewan: 2 950 $; Alberta: 2 832 $; Colombie-Britannique: 2 872 $. Donc, un écart important qui varie de 300 $ jusqu'à 600 $ et même plus de différence par habitant du montant que financent les provinces. Pourtant, toutes les provinces ont subi la même médecine du gouvernement fédéral.

Le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, qui est présent avec nous cet après-midi, le constate lui-même, toutes les provinces ont été soumises à la même médecine du gouvernement fédéral qui, pour réduire son déficit, a baissé de façon importante les paiements de transfert aux provinces. Mais là ce qu'on constate – et ça, ça s'est fait au cours des trois, quatre dernières années – c'est que c'est toujours le discours que nous servent le premier ministre et la ministre de la Santé et des Services sociaux lorsqu'ils sont rendus à court d'arguments, ils disent que le gouvernement fédéral a coupé de façon importante dans ses paiements de transfert. C'est vrai, mais c'est vrai pour chacune des provinces. Pourtant, le Québec, lui, il est vraiment à la queue des autres provinces au niveau de son financement.

Pourquoi ce nouveau projet de loi là, comme je le disais, qui laisse entendre que les dirigeants des différents établissements, et les conseils d'administration, et tous les gestionnaires de cet immense réseau là ne savent pas administrer le réseau? C'est poser plusieurs questions, et mon collègue député de Vaudreuil, qui est critique en matière de santé et de services sociaux, a eu l'initiative de commander un avis juridique auprès d'une firme d'avocats montréalaise très bien connue, très réputée. Je pense que même un ancien premier ministre du Québec, M. Pierre Marc Johnson, si je ne me trompe, et du Canada également – ha, ha, ha! – travaille au sein de cette firme d'avocats là qui s'appelle Heenan, Blaikie.

On leur a donné un mandat de faire la comparaison entre la loi n° 107 qui nous a été déposée et la loi actuelle qui régit la santé et les services sociaux en leur posant la question: Quelles sont les différences? Je vais citer un passage de l'opinion juridique qui a été rendue par le bureau d'avocats Heenan, Blaikie qui conclut ce qui suit: «Vous savez, dès lors – et là je cite le passage – il faut peut-être conclure que le dépôt du projet de loi répond davantage à des impératifs de nature politique qu'à une véritable nécessité juridique. Si la Loi sur les services n'a pas, quels que soient les motifs, été appliquée, rien ne démontre qu'il faille une nouvelle loi qui énonce les mêmes principes pour que son application soit assurée.» Donc, la Loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux reprend exactement, sous différentes formes, les mêmes obligations qu'on retrouve au projet de loi n° 107. Alors, on comprend que la ministre de la Santé, qui s'est vue interpellée par son collègue le ministre des Finances qui disait: On a des problèmes de gestion dans le domaine de la santé et des services sociaux...

Il ne faisait pas référence à l'administration des différents conseils d'administration, des directeurs généraux et de leurs différentes équipes, il faisait plutôt référence aux capacités de gestion de sa collègue la ministre de la Santé et des Services sociaux qui, elle, se sentant interpellée, a décidé de faire porter le blâme sur les gestionnaires du réseau en disant: Bien, moi, je vais déposer une loi qui va empêcher les déficits. Mais pourtant, lorsqu'on y regarde de plus près, lorsqu'on regarde la façon avec laquelle l'actuel gouvernement a géré le réseau de la santé et des services sociaux au cours des dernières années, on se rend compte, M. le Président, de la catastrophe dans laquelle il a plongé notre réseau.

Je donne quelques chiffres. Au niveau de la pénurie de médecins, il y a 1 259 médecins, dont 700 spécialistes, 559 omnipraticiens, qui ont été incités à prendre leur retraite, c'est-à-dire qu'on les a payés pour qu'ils puissent prendre leur retraite plus tôt, et on a donné aux médecins entre 150 000 $ et 300 000 $ par médecin pour les inciter à prendre leur retraite. On va constater plus tard comment les établissements de santé ont été aux prises avec une pénurie de médecins et donc ont dû débourser des sommes d'argent beaucoup plus importantes que celles qui sont prévues dans leur budget pour pouvoir donner les soins. Souventefois, ils doivent faire appel à des médecins dépanneurs qui vont coûter plus cher pour toutes sortes de raisons qui sont propres aux règles du Conseil du trésor. Donc, M. le Président, il y a une pénurie de médecins dans toutes les régions du Québec.

Regardons du côté des infirmiers et des infirmières. Il y a eu, là aussi, un plan de mise à la retraite, et c'est pas moins de 4 000 infirmières qui ont quitté notre réseau de la santé et des services sociaux en l'espace de deux ou trois mois, et parmi celles qui avaient le plus d'expérience, celles qui travaillaient dans les unités de soins les plus névralgiques, que ce soient les soins intensifs, les blocs opératoires ou les urgences. Aujourd'hui, il en manque. Cet été, l'été 2000, on fait face à une pénurie d'infirmières jamais vue dans le réseau. On devra fermer, uniquement dans la région de Montréal, 1 500 lits, et près de 200 lits dans la région de Québec. Et, en même temps, c'est la même ministre de la Santé, qui autrefois était ministre de l'Éducation, qui, elle, avait décidé, dans le cadre de ce même programme de mise à la retraite volontaire, de contingenter l'accès au programme des techniques infirmières dans les cégeps, de sorte qu'au mois de juin de cette année, c'est-à-dire de l'an 2000, nous aurons la plus petite cohorte d'infirmières qui vont graduer des cégeps.

S'il y a des exemples d'improvisation dans le système de santé qui a été massacré par nos amis d'en face, M. le Président, en voilà deux qui sont extrêmement importants, assez importants pour faire dire au Vérificateur général de la province... Dans son rapport qu'il a déposé à l'Assemblée nationale il y a déjà de ça plusieurs mois, le Vérificateur général, qui a fait l'analyse du programme qui avait été mis sur pied par l'actuel gouvernement, concluait qu'il y a 2,3 milliards de dollars qui ont été dépensés en pure perte dans cette opération.

(16 h 20)

Je ne veux pas passer sous silence, M. le Président, la fermeture de sept hôpitaux dans la grande région de Montréal, dont l'Hôpital général de Lachine. Sept hôpitaux ont été fermés, et le député de Charlesbourg, qui est l'ex-ministre de la Santé, avait le discours suivant, il disait qu'on fermait des hôpitaux mais que c'était pour offrir plus de soins à la population. On voit comment il a eu tort dans son analyse, parce que, à chaque jour, il n'y a pas une seule journée qui passe ici même, à l'Assemblée nationale, où l'opposition ne démontre pas comment la population souffre de plus en plus d'un manque de soins de quelque niveau que ce soit.

Et le député de Charlesbourg disait qu'on agrandirait d'autres hôpitaux et également qu'on ferait un virage ambulatoire, et il reconnaissait qu'il décrétait plusieurs centres ambulatoires au niveau de plusieurs hôpitaux. Eh bien, les fameux centres ambulatoires qu'on avait promis à grand renfort de publicité, ils ne sont toujours pas là, quatre ou cinq années plus tard, M. le Président. Ce n'était qu'un exercice budgétaire. Le député de Charlesbourg n'a jamais voulu l'admettre, mais tout le monde savait que c'était un exercice purement budgétaire. Il ne s'agissait pas véritablement de réformer notre système de santé et de services sociaux.

Prêtons la parole maintenant à des spécialistes du domaine, dont le président du Collège des médecins, le Dr Yves Lamontagne, qui disait, pas plus tard que le 2 avril dernier, ceci dans Le Journal de Montréal , et je me permets de citer un long extrait de l'article. Le Dr Lamontagne disait ceci: «Mais j'ajoute d'emblée: même s'il fallait le faire pour réduire des coûts, c'est-à-dire assainir les finances publiques, et non pas dans la santé, je conteste fortement la manière dont on a coupé dans le réseau de la santé. Mettre à la retraite des milliers d'employés, de médecins, de techniciens, d'infirmières d'expérience fut la pire erreur, je dirais, jamais connue au Québec de toute l'histoire de notre province, une véritable catastrophe.» Je continue la citation: «Les politiciens ont toujours une vision courte de vue. Aujourd'hui et pendant plusieurs années, on en paiera le prix dans le réseau québécois de la santé.» Ça, M. le Président, c'est le Dr Yves Lamontagne, le président du Collège des médecins, qui s'exprimait de la sorte.

Et le Dr Langlois, quant à lui, un autre spécialiste, nous disait récemment: «Ce n'est pas un problème d'équipement ou de médecins, parce qu'il y a des salles d'opération présentement qui ne sont pas utilisées. Mais, voilà, les sous ne sont pas là. Il faut de l'argent pour payer le personnel et les blocs opératoires et il faut également avoir du personnel pour pouvoir effectuer les opérations.» Lorsqu'on regarde du côté de l'Association des CLSC, on disait ceci: Le virage ambulatoire, 40 000 Québécois qui sont privés de services à domicile, nous dit l'Association des CLSC et des CHSLD du Québec.

Je faisais état tantôt de toute la question du sous-financement. M. le Président, il faut tenir compte d'une chose, le problème des déficits des établissements n'existait pas sous un gouvernement libéral parce que le gouvernement libéral donnait des soins à la population. Cette situation financière, vous savez, elle existe depuis que le Parti québécois est au pouvoir. Quand la ministre parle de déficit dans les établissements, en 1993-1994, il n'y en avait pratiquement pas, des déficits. Mais les déficits se sont accentués avec les coupures budgétaires drastiques qui ont été imposées par le gouvernement du Québec.

Regardons dans les faits qu'est-ce qui se passe lorsque le gouvernement décide de couper le financement aux établissements qui ont besoin de sous pour pouvoir payer les services, qu'est-ce qui se passe dans ces situations-là. Le directeur général de l'hôpital de Maniwaki disait ceci dans le journal LeDroit , à Ottawa, récemment. Il disait: «Présentement, on doit compter sur des médecins dépanneurs. Cela implique des dépenses inhabituelles importantes. La pénurie d'infirmières oblige également la direction de l'hôpital à payer énormément d'heures supplémentaires. En janvier seulement, nous avons dû payer 140 quarts de travail en heures supplémentaires. Cette année, l'hôpital de Maniwaki a versé au moins 300 000 $ en heures supplémentaires, alors que la moyenne est habituellement de 75 000 $ par année. Les médecins dépanneurs occasionnent, de leur côté, une dépense de 60 000 $ par année à l'établissement hospitalier. Toutes ces dépenses, jumelées à un alourdissement de la clientèle, expliquent le déficit annuel de l'hôpital de Maniwaki.»

Même son de cloche au niveau du CLSC de La Presqu'île où la présidente a écrit au président de la régie régionale au mois de mars dernier en disant: «Les premières prévisions budgétaires pour l'an 2000-2001 font état d'un déficit de l'ordre d'un demi-million de dollars, et ça, c'est simplement pour répondre aux besoins de services ambulatoires et pour accompagner les gens qui sortent de l'hôpital et qui s'en vont à domicile.» Donc, M. le Président, pas question pour l'opposition libérale d'encourager les déficits. Ce que nous disons, c'est que la ministre aurait pu indiquer dans son projet de loi une obligation qui serait faite au gouvernement pour...

Une voix: Soigner le monde.

M. Ouimet: ...soigner le monde et puis pour financer adéquatement le réseau de la santé pour éviter qu'il fasse des déficits. Si c'était un véritable partenariat, l'opposition libérale appuierait de tels projets de loi. Mais on voit bien l'astuce de l'autre côté. On est en train d'interdire de faire des déficits, mais, par ailleurs, on ne leur donne pas les moyens financiers pour soigner la population. Et les établissements en ont l'obligation, soignent la population tant bien que mal, mais cependant doivent accumuler des déficits, faute du gouvernement, alors que c'est un faux débat qui est soulevé par la ministre de la Santé.

Raison de plus, M. le Président, selon l'avis qui nous a été fourni par Heenan, Blaikie, la loi actuelle prévoit déjà que les établissements ne peuvent pas faire de déficit. Alors, pourquoi le projet de loi n° 107, si ce n'est un faux-fuyant afin de répondre aux critiques de son collègue le ministre des Finances? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Marquette. Je vais céder maintenant la parole au député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition officielle. M. le leader adjoint.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 107, Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux, Bill 107, An Act to provide for balanced budgets in the public health and social services network. Le projet de loi n° 107 est un aveu d'échec. Le projet de loi n° 107 trahit la réalité dans un système de santé qui a jadis été un des meilleurs au monde. Jour après jour, cas après cas, les journaux, les nouvelles télévisées et des exemples donnés en Chambre nous expliquent à quel point le gouvernement du Parti québécois est singulièrement responsable pour le démantèlement, voire même la destruction de notre service de santé et nos services sociaux.

Moi, je me souviens, M. le Président, lorsque j'étais le président de l'Office des professions du Québec pendant six ans. J'ai eu l'occasion à maintes reprises de côtoyer la mentalité qui malheureusement semble présider à trop de décisions au sein même de la bureaucratie du ministère de la Santé et des Services sociaux. C'est une mentalité que connaît bien le député de Charlesbourg, l'actuel ministre des sciences et des technologies, car il était lui-même responsable d'un rapport qui porte son nom, le rapport Rochon, qui était soi-disant à la base de ce fameux virage ambulatoire. Dans ce rapport, ça vaut parfois la peine de lire ce que nos adversaires écrivent parce que ça nous donne un aperçu d'où ils viennent et où ils essaient de nous amener.

(16 h 30)

Dans ce rapport, on parle en termes glorieux du réseau de la santé en Roumanie. On explique que, si on met en place tout ce système de virage ambulatoire, avec un peu de chance, on va avoir un système de santé comme celui de la Roumanie. Mais, là-dessus et seulement là-dessus, on peut dire au député de Charlesbourg: Mission accomplie. Il a réussi ce qu'il voulait. Avec des idéologies, des dogmes, des théories qui ne valent pas de la chnoutte, le député de Charlesbourg est maintenant la châtelaine de L'Île Bizard. Ils sont en train de démanteler le système de santé dans la province de Québec. La preuve, mon collègue le député de Marquette l'a donnée tantôt. Aujourd'hui, la seule chose qui grandit dans le réseau de la santé et des services sociaux, c'est le nombre de fonctionnaires dans le ministère et dans les régies régionales.

Les fameuses régies régionales, laissez-moi vous en parler un peu, M. le Président. À Laval, où mon comté est situé, on a précisément un grand total d'un hôpital, la Cité de la santé de Laval, un excellent hôpital qui malheureusement défraie plus souvent qu'à son tour la manchette, car, dans les urgences, c'est une catastrophe. Ce n'est pas la faute des gestionnaires qui sont par ailleurs excellents, ce n'est pas la faute des médecins et des infirmières qui sont à bout de souffle et qui travaillent d'une manière extraordinaire pour tenter de rendre des services à la population, c'est la faute du gouvernement du Parti québécois.

M. le Président, j'ai eu l'occasion, au mois de février, de visiter la Cité de la santé avec mon collègue le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition en matière de santé. J'avais eu l'occasion de faire la même chose l'année d'avant avec ma collègue la députée de Bourassa, de visiter la Cité de la santé, d'aller constater de visu, sur place, qu'est-ce qui se passait avec les coupures, quelle était la réalité d'avoir des douzaines, et des douzaines, et des douzaines de patients alités dans des corridors. Vous savez ce qui est arrivé, cette année? On était avec les dirigeants de la Cité de la santé, on nous a refusé cette année le droit d'aller sur les étages, d'aller dans les corridors, d'aller voir où est-ce qu'ils étaient en train de parquer le monde malade, en cinquième et sixième personne dans une chambre pour quatre sur les étages. Et pourquoi? Parce qu'ils avaient reçu des appels du cabinet de la ministre de la Santé et des Services sociaux leur interdisant de laisser l'opposition faire son travail, de laisser les journalistes venir voir. C'est ça, la réalité de notre système de santé aujourd'hui. Plutôt que de mettre toutes ses énergies et ses efforts pour tenter de soigner le monde, la première chose qu'on fait, c'est qu'on met des ressources pour contrôler les journalistes et l'opposition. On met plus de temps à soigner l'image de la ministre de la Santé et des Services sociaux que l'on n'en met à soigner le monde au Québec, et c'est proprement scandaleux, d'où l'importance pour la population de bien saisir ce dont il s'agit lorsqu'on parle d'une loi soi-disant sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé, le projet de loi sous étude.

M. le Président, vous savez mieux que quiconque que, dans la loi actuelle, on prévoit déjà que les institutions, les établissements de santé doivent avoir des budgets équilibrés. Alors, à quoi ça sert, cette loi-ci? Ça sert seulement à répliquer à la critique, par ailleurs fort valable, du ministre des Finances lorsque le ministre des Finances dit: Ce n'est pas seulement un problème de ressources dans le domaine de la santé, il y a aussi des problèmes de gérance. En clair, ça veut dire quoi? Ce n'est pas nécessairement qu'il vous manque de l'argent, bien que maintenant, dans les urgences, il faille absolument en mettre, ce n'est pas seulement qu'il manque de l'argent, c'est que c'est tellement mal structuré, c'est tellement mal géré, il y a tellement de fonctionnaires qui ne donnent pas de soins à la population qu'il ne reste plus d'argent pour le monde qui a besoin de soins de santé et de services sociaux.

Je vous parlais tantôt de la Régie régionale de Laval. Personne ne va dire que ça ne prend pas un modicum, un minimum d'organisation et d'input local en matière d'organisation du réseau de la santé et des services sociaux. Mais a-t-on vraiment besoin, dans une seule ville avec un seul hôpital et quatre CLSC – ce qui est notre cas à Laval – d'au-delà de 80 fonctionnaires à la régie régionale de la santé et des services sociaux?

Au ministère de la Santé et des Services sociaux, ils ont parfois des trouvailles. Le ministère, grâce à des chercheurs universitaires qui parfois pondent des rapports en trois volumes, bien, ils découvrent, par exemple, que c'est les médecins qui coûtent cher. Ils découvrent, par exemple, que, dans le système de santé, les infirmières coûtent cher. Qu'est-ce qu'ils font? Ils mettent 1 300 médecins à la retraite, les payant jusqu'à 300 000 $ chacun, ils mettent 4 000 infirmières à la retraite, les payant des sommes importantes pour les inciter à prendre une retraite anticipée, à cause de cette grande découverte des fonctionnaires de la santé que les médecins puis les infirmières, ça coûte cher. Mais le problème, c'est qu'ils avaient oublié que les médecins puis les infirmières, ça soigne le monde. Ça prend des médecins spécialistes.

À part le fait qu'on connaît un exode de nos meilleurs spécialistes depuis plusieurs années parce qu'on fait tout pour les décourager ici, au Québec, ils ont mis des millions de dollars sur la table pour les inciter à partir, pour rendre ça plus facile pour les médecins de prendre leur retraite. Quelle découverte! Il manque de radio-oncologues, c'est-à-dire des médecins qui te traitent avec les nouveaux appareils quand tu as le cancer. Il en manque au Québec, on est obligé d'envoyer le monde à Plattsburgh pour se faire soigner. La réalité, c'est qu'ils ont mis les radio-oncologues à la retraite, une douzaine dans la province de Québec. Quelle surprise qu'il n'y a plus de médecins pour soigner le monde!

Autre découverte, c'était dans les journaux. Autre découverte des fonctionnaires du ministère de la Santé et des services sociaux, ils disent ça et puis la ministre le répète: Vous savez, on vient de découvrir que 85 % des dépenses en matière de santé, c'est dans les 18 derniers mois de la vie, quand les gens sont malades et qu'ils meurent. C'est toute une découverte, ça, hein, M. le Président? Et le sous-entendu, c'est: Il faudrait peut-être qu'on arrête de dépenser tout cet argent-là pour du monde qui est en train de mourir. Tu parles de compassion! Tu parles d'une société! C'est ça, la vision technocratique qu'on reprochait si souvent au député de Charlesbourg, de ne pas comprendre qu'il y a des familles, qu'il y a des êtres humains, qu'il y a des personnes jour après jour en Chambre, dans les journaux, à la télé, à la radio, des cas flagrants de non-assistance à des personnes en danger par ce gouvernement. Un geste grave.

De laisser, comme on a eu le cas aujourd'hui mentionné en Chambre, qui était dans La Presse ce week-end... La lettre de la semaine dans le journal La Presse , une madame, un cri du coeur de la fille d'un monsieur qui est mort sans raison. En fait, non, ce n'était pas nécessaire, mais il y a une raison. La raison, c'est que les péquistes ne mettent plus d'argent dans le système de santé, puis ils savent très bien aussi que, au fur et à mesure qu'il manque des ressources, au fur et à mesure que les listes d'attente s'allongent, ça prend des contacts, il faut être pistonné, il faut connaître un médecin, il faut avoir un ami qui travaille dans le système ou, avec un peu de chance, un politicien du côté gouvernemental. La ministre de la Santé, quand un cas bien connu d'un politicien a été soulevé cet été, elle a répondu: Bien, c'est bien correct, il a rendu des bons services. Ah oui? Puis le père de famille, trois enfants, qui est blessé, qui ne peut plus travailler? Pourquoi l'ex-politicien avant lui ou avant elle? Pourquoi le joueur de hockey fait soigner son genou immédiatement avec l'argent des payeurs de taxes? Est-ce qu'ils sont différents de nous autres, à part le fait qu'ils gagnent beaucoup plus d'argent? Est-ce qu'ils ont mis plus dans le système ou est-ce qu'on ne devrait pas avoir un système où tout le monde peut être traité à temps, où tout le monde peut avoir des services de santé et des services sociaux corrects, être opéré à temps, recevoir un traitement de cancer?

M. le Président, comme tout le monde, j'ai une amie qui était aux prises avec ça. Ça fait huit semaines qu'elle attend son premier traitement de radiothérapie pour un cancer. Huit semaines! Puis on lui dit: Bien, tu es sur les deux listes – c'est comme une sorte de prix de consolation – on t'a mise sur la liste du Québec puis sur la liste de Plattsburgh. Oui, mais imaginez l'angoisse. Elle sait qu'elle est atteinte d'une maladie qui peut être mortelle, elle sait qu'il y a un traitement qui existe, puis le gouvernement lui dit: On va te faire une faveur, on va te mettre sur les deux listes d'attente, comme si acheter deux billets de 6/49 changeait quelque chose de réel dans tes chances de gagner. C'est des faussetés, ce n'est pas vrai.

(16 h 40)

Et ce gouvernement est en train de se cacher maintenant derrière son projet de loi soi-disant sur l'équilibre budgétaire. Vous savez ce que ça va vouloir dire dans la réalité, ce projet de loi là? Ça va vouloir dire que les fonctionnaires du ministère, toujours contents de parler avec d'autres fonctionnaires, vont appeler leurs collègues dans les régies régionales et ils vont dire: Faites attention, l'établissement Untel est en train de défoncer son budget. L'établissement Untel risque d'être géré par des gens qui prennent à coeur leur obligation de soigner le monde. Mais les fonctionnaires du ministère vont parler avec les fonctionnaire de la régie régionale, qui vont envoyer des notes de service dans l'établissement disant: Voulez-vous, s'il vous plaît, vous rendre compte de votre obligation de rester à l'intérieur de votre enveloppe budgétaire, de vos paramètres?

On a fait des comités, on vous envoie des notes de service. Et, en arrière de tout ça, on oublie complètement que le système des soins de santé existe pour une chose et seulement une chose: donner des services de santé à la population. Comment il se fait, M. le Président, que ce soit dans le domaine de la santé, dans le domaine de la sécurité civile, peu importe le domaine, que, à chaque fois qu'il y a une coupure budgétaire à faire, le gouvernement du Parti québécois coupe d'abord et avant tout dans le service direct à la population? Comment ça se fait qu'on n'a pas «choppé» une couple d'étages dans l'édifice Joffre, le ministère de la Santé et des Services sociaux? Comment ça se fait qu'à Laval on a encore plus que 80 fonctionnaires dans une régie régionale avec un seul hôpital? Ah non! j'ai oublié. Pour essayer de faire oublier au monde le fait qu'ils n'ont pas tenu leur promesse de 1994 de construire un deuxième hôpital à Laval, on a eu droit à une nouvelle invention. C'est seulement à Laval que ça existe, ça. Les péquistes ont inventé ce qu'ils appellent le CHARL. Ils aiment bien ça, les acronymes, les abréviations. Ça, c'est le Centre hospitalier ambulatoire régional de Laval. Dans les journaux, on appelle ça toujours l'«hôpital virtuel». Je tiens à dire tout de suite que ce n'est pas un hôpital virtuel, c'est un hôpital imaginaire. Ça existe entre les deux oreilles de la ministre, cet hôpital-là. C'est deux étages dans un édifice à bureaux sur le boulevard Chomedey, avec un budget.

Je pratique encore le droit à Laval. À notre cabinet d'avocats, entre autres – tous les autres l'ont eu aussi – on avait été demandés afin de soumissionner pour être les avocats. Imaginez ça, M. le Président. L'hôpital n'existe pas, on loue deux étages dans une bâtisse à bureaux à Laval. Le CHARL va en appel d'offres pour déterminer qui va être le conseiller juridique. Ça veut dire que l'appareil reconnaît l'existence d'une institution du moment qu'il y a d'autres fonctionnaires. Les fonctionnaires du Québec, du moment qu'il y a quelqu'un qui peut recevoir leurs notes de service et répondre avec leur bureau d'avocats, pour eux autres, ils sont en train de faire leur job. Si c'est au ministère de la Santé, ce n'est pas grave si on ne donne pas de soins de santé. Et, surtout, pour ne plus se faire blaster par le ministre des Finances comme quoi il y a de la mauvaise gestion, on va faire le projet de loi n° 107, on va dire: T'as pas le droit de défoncer ton budget, puis, si tu le fais, on va prendre des mesures, on va te mettre en tutelle, et tout ça.

Ah oui? Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire: Si, rendu au mois de janvier, février, à la fin de l'exercice de l'année financière – la fin, c'est le 31 mars – il ne reste plus d'argent, pas grave, tant que les fonctionnaires peuvent envoyer leurs notes de service aux fonctionnaires de la régie régionale, qu'ils peuvent convoquer des réunions de la table de concertation pour faire des synthèses du rapport de l'autre comité, les fonctionnaires vont être heureux. Ils vont dire: Aïe! on a un beau système de santé! Mais arrête de soigner le monde, par exemple, parce que ça, ça coûte trop cher. Nous, on va continuer à envoyer des notes de service jour après jour.

Depuis qu'elle est ministre de la Santé et des Services sociaux, il n'y a pas une journée qui passe où, en réponse à des questions de vie et de mort – littéralement de vie et de mort – la ministre de la Santé et des Services sociaux se lève et elle nous explique cela, qu'elle va créer un comité, que le comité va faire un rapport. Et, avec tous les autres comités qu'elle a créés – parce qu'elle en crée à peu près un par jour – elle va faire une synthèse des rapports. Puis pas n'importe quelle synthèse de n'importe quel rapport, une belle synthèse d'un beau rapport d'un beau comité. Puis, pendant ce temps-là, le monde meurt. Pendant ce temps-là, les gens attendent de se faire soigner pour leur cancer. Pendant ce temps-là, la ministre de la Santé et des Services sociaux, qui est tellement débranchée de la réalité, se lève pour expliquer que cela est normal que quelqu'un qui se fait amputer neuf orteils – pas 10, parce que la norme des fonctionnaires, c'était 10 – un vrai cas d'un vrai être humain qui habite dans le comté de Chomedey, se soit fait refuser une chaise roulante par la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Moi, il y a une chose pour laquelle j'admire la ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le Président, ce sont ses capacités inouïes en communication. Elle est extraordinaire. Elle se lève jour après jour, puis elle nous parle de ses comités, puis de ses rapports, puis de ses synthèses de rapport, puis elle ne dit rien. C'est du verbiage. Mais ça finit toujours bien, ça finit toujours en engueulant l'opposition: Puis je ne supporte plus que l'opposition mette en doute la capacité de ces excellents médecins et infirmières de faire leur job, comme si, nous, là, quand on se lève pour lui dire: Aïe, madame, vous ne faites pas votre job, le monde n'est plus soigné, au Québec, on était en train d'attaquer les médecins et les infirmières.

Alors, je tiens à dire, M. le Président: Chapeau, parce que ce genre de démagogie et de désinformation connaît son apothéose avec elle. C'est extraordinaire! Quelles sont ses connaissances ou ses compétences en santé et services sociaux? Aucune. Ça doit être pour ça qu'elle fait tellement de comités, elle ne connaît rien là-dedans. Comment ça se fait que c'est un tel désastre dans notre système de santé et de services sociaux au Québec? Bien, parce qu'elle fait rien que faire des comités. Elle ne sait rien faire d'autre.

Alors, M. le Président, quand j'entends qu'une de leurs grandes réussites de l'année, c'est la création d'une nouvelle catégorie d'employés, les étudiantes de deuxième année de cégep en sciences infirmières qui vont avoir le droit de poser au-delà d'une vingtaine d'actes médicaux et infirmiers sans surveillance directe parce qu'il y a une telle pénurie appréhendée d'infirmières au cours de l'été, je me rends compte qu'on dépasse totalement les pires craintes qui pouvaient exister jusqu'alors. Le gouvernement du Parti québécois a démoli, détruit notre système de soins de santé et de services sociaux au Québec, et c'est extrêmement préoccupant parce que, avant de pouvoir reconstruire quelque chose qui marchait si bien, ça va prendre longtemps.

En arrière de verbiages comme virage ambulatoire, et de rapports Rochon, puis de comités, puis de synthèses, puis de rapports, il y a des êtres humains, des familles qui angoissent, qui souffrent, qui veulent avoir ce qui est leur droit. Un gouvernement, ça n'existe pas pour acheter des ordinateurs au monde; un gouvernement, ça existe pour rendre un certain nombre de services de base. Parmi ces services les plus importants, ce sont des services qui concernent notre vie, des services de santé, et le gouvernement du Parti québécois passera à l'histoire comme le gouvernement du Québec qui s'est le moins préoccupé de la santé des citoyens, qui a été d'une froideur incommensurable et qui maintenant arrive avec des calculs pour essayer d'expliquer et de justifier son manque de compassion. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chomedey, de votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Boulerice: M. le Président, suite à une entente intervenue avec l'opposition officielle, je vais vous demander de suspendre nos travaux jusqu'à 18 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous proposez d'ajourner le débat?

M. Boulerice: D'ajourner le débat et de suspendre les travaux.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Il y a proposition de M. le leader adjoint du gouvernement d'ajourner le débat sur le projet de loi n° 107. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Compte tenu de votre demande, M. le leader adjoint, je vais suspendre les travaux jusqu'à 18 heures, et nous entreprendrons les trois débats de fin de séance à compter de 18 heures.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 18 h 1)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. Merci, veuillez vous asseoir.


Débats de fin de séance


Réduction de l'écart fiscal avec l'Ontario

Nous en sommes maintenant aux débats de fin de séance. Il y aura trois débats de fin de séance. Le premier débat de fin de séance, à la demande du chef de l'opposition officielle suite à une question qu'il a posée aujourd'hui au ministre des Finances concernant l'écart fiscal inacceptable entre le Québec et l'Ontario.

Je rappelle les règles du jeu: cinq minutes au demandeur du débat de fin de séance, cinq minutes au ministre qui est interpellé et un deux minutes de réplique. Et ce sont des temps de période limites. Alors, M. le chef de l'opposition, je vous cède la parole.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Et c'est pour nous l'occasion de reprendre un débat qui a déjà fait l'objet de plusieurs interventions ici, à l'Assemblée, et aujourd'hui encore une fois, sur la question de l'écart fiscal entre le Québec et l'Ontario. Et, pour vous situer un petit peu, M. le Président, c'est important, je pense, de rappeler que le Québec, c'est l'endroit où on taxe le plus ses citoyens en Amérique du Nord. C'est un constat qui est très malheureux. On s'attendait à ce que ça change après le budget qu'a déposé ce gouvernement le 14 mars dernier. Or, ce n'est pas le cas.

La source de notre inquiétude, c'est que la fiscalité actuelle, la fiscalité du gouvernement du Parti québécois, fait en sorte que les citoyens du Québec sont désavantagés si on compare le fardeau fiscal qu'ils sont obligés de porter par rapport à leurs voisins de l'Ontario, et, M. le Président, ça a des impacts sur l'ensemble de l'économie, sur le développement du Québec. Ça veut donc dire qu'il y a beaucoup de citoyens, d'investisseurs, de chercheurs d'emploi qui, placés devant un choix aussi évident que celui-là, risquent de faire faux bond et de choisir d'aller vivre, d'aller travailler, d'investir à un endroit qui est à côté de chez nous et qui, sur le plan de la fiscalité, leur offre des avantages beaucoup plus importants.

La première chose que j'aimerais souligner, M. le Président, parce que c'est important de s'en tenir rigoureusement, je pense, aux faits, c'est que ça n'a pas toujours été le cas, c'est-à-dire qu'il y a eu des périodes, heureusement, où le Québec jouissait d'une situation qui était même plus avantageuse que l'Ontario. Je vais vous citer, entre autres, un exemple. Lorsqu'on fait une comparaison interprovinciale des taux marginaux maximums d'imposition des régimes entre les deux gouvernements, on constate qu'en 1985 le taux marginal maximum au Québec était de 62,1 %. Ça, c'était au moment où le gouvernement du Parti québécois était défait aux élections par un gouvernement libéral. En Ontario, c'était de 52 %, M. le Président. Donc, le Québec, à ce moment-là, l'écart était de 10 % en faveur de l'Ontario. Et ce qu'on constate, c'est qu'après le passage du gouvernement libéral le taux maximum était, en 1994, de 52,9 %; en Ontario, 53,2 %. Un avantage de 0,3 % à ce moment-là.

Ça, c'est les faits, M. le Président. C'est important de le souligner, parce que, au-delà de ce qu'on peut payer d'une année à l'autre, les faits disent clairement qu'au moment où un gouvernement libéral a été élu il a réduit l'écart, il a même fait en sorte que c'était à l'avantage du Québec, un avantage compétitif. Et, depuis ce temps-là, M. le Président, bien là l'écart s'agrandit entre les deux. Pourquoi? Bien, vous voyez un peu les faits puis la tendance: dans un cas, il y a un gouvernement libéral, dans un autre cas, il y a un gouvernement du Parti québécois. Et ça, c'est le problème qui se pose actuellement mais qui semble s'aggraver.

Mais voyons ce que ça veut dire dans les faits pour une famille québécoise ou des familles québécoises, parce que là on va parler de chiffres réels puis on va parler de ce que vivent les gens puis des décisions qu'ils ont à prendre. Je veux revenir à certains chiffres que j'ai cités plus tôt, M. le Président. Et commençons avec les familles monoparentales, hein? Pour les familles monoparentales qui ont deux enfants, qui gagnent 40 000 $, au Québec, l'écart est de 25 %. On ne parle pas de gens riches, là, on s'entend là-dessus? Une famille monoparentale avec deux enfants, ce n'est pas des gens qui ont un revenu disponible exagéré. Bien au contraire, ça, c'est des gens, c'est la classe... Ah! oserait-on dire la classe moyenne, à 40 000 $? Peut-être, en étirant un petit peu la définition. Même famille monoparentale à 50 000 $, c'est 30 %. Prenons un couple marié, deux enfants, deux revenus, 50 000 $, l'écart est de presque 25 %; à 70 000 $, c'est plus de 30 %, M. le Président. La classe moyenne québécoise paie un prix très élevé pour les politiques du gouvernement actuel. Ça veut dire, ça, que les jeunes... Et, entre autres, pour les célibataires, les écarts, ça monte jusqu'à 36 %, 33 % si vous êtes à 40 000 $, 50 000 $. C'est donc dire à quel point les gens souffrent des politiques du gouvernement actuel.

Et je reviens à la question que je posais aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Pour un célibataire – parce que, quand on parle de célibataire, c'est qui? un étudiant qui gradue en informatique, par exemple, puis qui a des offres d'emploi – bien, M. le Président, ça veut dire que cette personne-là est désavantagée. Et j'aimerais savoir aujourd'hui, de la part du ministre des Finances: À quel moment a-t-il l'intention de rectifier le tir? Va-t-il nous annoncer enfin l'indexation des tables d'impôts pour qu'on puisse commencer à réduire l'écart? Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le chef de l'opposition officielle. M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, je remercie le chef de l'opposition pour le formidable hommage qu'il a rendu à Jacques Parizeau et à Yves Duhaime en disant que, après 10 ans de notre gouvernement, de notre parti au pouvoir, l'écart avec l'Ontario était nul. C'est fabuleux. C'est après que ça s'est détérioré. Vous n'avez pas eu le temps, en trois mois, de combler quelque écart fiscal que ce soit. Ne venez pas nous conter d'histoires, là, ça s'est passé à l'automne 1985. Merci pour la sincérité.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Le chef de l'opposition a eu un temps de parole, maintenant, c'est au ministre des Finances. Vous pouvez poursuivre, M. le ministre. S'il vous plaît!

M. Landry: Deuxièmement, quand le chef de l'opposition dit des choses vraies, je suis d'accord avec lui et je me range à son avis. Il dit que la fiscalité québécoise est trop haute, je suis d'accord avec lui. Je l'ai dit, avant même qu'il ne soit dans cette Chambre, à son prédécesseur. Alors, on n'aura pas de querelle là-dessus.

Mais, quand le chef de l'opposition dit des choses fausses, là je m'insurge. Je n'ai pas de peine pour sa crédibilité, c'est son problème, mais il a un gros problème. Quand il a parlé d'exode – puis il vient d'en parler encore, il en a parlé après-midi – c'est faux, toutes les études démontrent que c'est faux. Je vais lui en citer une bonne, là, qui est la plus récente et qu'il pourrait peut-être faire consulter par ses recherchistes s'il n'a pas le temps de faire ses lectures.

OST, Observatoire science et technologie, mai 2000: «Nous avons établi qu'à chaque année l'immigration totale québécoise – totale – n'excède jamais 0,6 % de l'ensemble des personnes qui exercent, au Québec, l'une ou l'autre des professions habituellement incluses dans une définition élargie des cerveaux.» Encore une fois, on ne saurait parler d'exode. Puis, en plus, elle est compensée par un afflux qui vient de l'extérieur qui est supérieur à ceux qui sortent.

Alors, devant cette Chambre, cet après-midi, le chef de l'opposition a parlé de l'exode, il vient d'en parler encore, pour des raisons fiscales. Ça ne peut pas être pour des raisons fiscales ni pour aucune autre raison parce que cet exode est mythique, il n'existe pas, et ça traîne dans toute la presse. Si le chef de l'opposition n'a pas le temps de lire des ouvrages savants, au moins qu'il lise la presse. Il a dit dans cette Chambre, cet après-midi, que les gens du Bloc avaient été vivre en Ontario pour des raisons fiscales. Faux, encore une fois, archifaux: ni cadres, ni permanents, ni députés du Bloc ne vivent en Ontario. Ils vivent tous dans notre Québec et dans l'Outaouais, dans lequel ils sont très heureux d'ailleurs.

Le chef de l'opposition a parlé – et ça, ça fait mal au Québec parce que c'est faux; on peut faire le rôle de l'opposition officielle sans tirer dans le dos de sa patrie – il a dit que le nombre des...

Des voix: ...

M. Landry: Le mot «patrie» vous choque? Ah! bien, ça ne me surprend pas. Ça ne me surprend pas.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adressez-vous à la présidence.

M. Landry: M. le Président, vous qui êtes neutre, qui avez une bonne vue de la Chambre et qui entendez tout, est-ce que, quand le chef de l'opposition a parlé, je l'ai interrompu une fraction de seconde? J'ai respecté son poste et sa personne. Voudrait-il faire la même chose, et ses députés de même?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît! M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Landry: Alors, quand le chef de l'opposition dit que le nombre de démunis augmente au Québec, je regrette, mais il tire dans le dos de l'économie et du système social québécois. Il y a 200 000 ménages de moins sur l'aide sociale au cours des dernières années. C'est le Québec qui a créé le plus d'emplois au cours des dernières années. Depuis quatre ans, l'investissement...

(18 h 10)

Des voix: ...

M. Landry: ... – ça traîne dans tous les journaux – au Québec est en croissance supérieure à celle du Canada et celle de l'Ontario. Et ce qui fait qu'on est démuni ou pas ou que ça varie ou pas, c'est bien le revenu disponible. J'imagine que cette notion est bien comprise par les gens d'en face. Or, depuis 1994, depuis que nous sommes revenus au pouvoir, pour la croissance du revenu disponible, le Québec devance et le Canada et l'Ontario. Le Québec a 4,1 % de croissance, le Canada a 3,3 % et l'Ontario, 3,3 %. C'est vrai que l'Ontario est une économie puissante et forte avec près de 10 millions d'habitants puis avec près d'un demi-million de personnes qui travaillent dans l'automobile, c'est fantastique et nous aimerions les avoir, mais notre rattrapage est commencé – notre rattrapage est commencé. Il est commencé en terme économique, il est commencé en terme social. Et, malgré leur baisse d'impôts, ce qu'on a réussi cette année – on ne s'en vante pas particulièrement – c'est ce que dit Ernst & Young. On va prendre un comptable, tiens, pour arbitrer entre nous. Nous sommes revenus à la situation prévalant avant les deux budgets. En somme, l'écart fiscal reste essentiellement le même par rapport à l'an passé. Ce n'est pas notre idéal, mais on est sur la bonne voie.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Alors, en vertu de votre droit de réplique de deux minutes, M. le chef de l'opposition officielle, je vous cède la parole.


M. Jean J. Charest (réplique)

M. Charest: M. le Président, le ministre disait, cet après-midi: Il y a des dizaines de milliers de ménages qui quittent l'Ontario pour l'Outaouais québécois. Eh bien, permettez-moi de lui donner les faits. En 1997-1998, il y a une perte de 638 personnes de l'Outaouais vers l'Ontario; 1996-1997, 745 personnes sont parties de l'Outaouais vers l'Ontario, hein, M. le Président?

Il parlait des garderies à 5 $ dans sa réplique, cet après-midi. Or, le gouvernement ne comble que quatre besoins sur 10 actuellement dans l'Outaouais. Parlons des mises en chantier, hein? C'est là une mesure de comment l'économie performe. Eh bien, de mars 2000 à avril 2000, il y a une perte, pour Hull, de 13 % et, de février 2000 à mars 2000, dans la RMR de Hull, c'est plus 17 %, RMR d'Ottawa-Carleton, plus 230 %, M. le Président. S'il veut un exemple des effets de ses politiques, eh bien, en voilà.

Mais il pense, lui, qu'il n'y a pas d'exode, que c'est un mythe. Or, j'ai une triste nouvelle pour lui. On a perdu, dans l'Outaouais, 75 infirmières en un an, au profit de l'Ontario – ça, c'est l'équivalent, M. le Président, de tout le personnel infirmier de l'hôpital de Buckingham – à cause des politiques puis l'incompétence de son gouvernement. Comment peut-il expliquer que, le 14 mars dernier, la Chambre d'industrie et de commerce de l'Outaouais disait préparer un projet pour promouvoir l'Outaouais dans le but de freiner l'exode des particuliers vers l'Ontario? Ça, c'est une déclaration de la Chambre de commerce.

Mais je me permets, dans les secondes qu'il me reste, de lui lire un courriel que j'ai reçu cet après-midi. C'est par un certain Simon Lauzière qui disait: «Exode, ça n'existe pas.» Il dit: «J'ai suivi la période de questions. J'ai 23 ans, je viens tout juste de terminer mon baccalauréat en génie de la production automatisée de l'École de technologie supérieure. Il y a quelques mois, je me suis fait offrir un emploi en Ontario. Pour votre information et culture personnelles, la principale raison qui a rendu cette offre avantageuse, et d'ailleurs celle pour laquelle j'ai accepté l'emploi, est l'économie d'impôts que cela va me permettre de réaliser. En effet, à conditions de travail et expérience sur le terrain égales, je choisis celui qui m'en laisse le plus dans mes poches. Le Québec a beaucoup à faire pour devenir concurrentiel. Les études sur l'exode des cerveaux peuvent bien dire que le phénomène...»

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le chef de l'opposition officielle.


Liste d'attente au CLSC de Saint-Léonard pour des soins à domicile

Nous allons entreprendre maintenant un deuxième débat de fin de séance. S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Mes chers amis, soyons calmes. La journée n'est pas terminée. Je voudrais céder la parole maintenant à... Un deuxième débat de fin de séance à la demande du député de Viger, suite à une question qu'il a posée aujourd'hui à la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant les 65 personnes qui attendent depuis 390 jours sur la liste d'attente du CLSC de Saint-Léonard. M. le député de Viger, je vous cède la parole.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je pense justement que j'ai mentionné cet après-midi, dans ma question, que pas seulement moi, mais vous, personnellement, vous avez reçu aussi, comme moi, une lettre de la part du CLSC de Saint-Léonard où il nous mentionnait la situation difficile qu'il vivait, ce CLSC, vis-à-vis des budgets qui sont octroyés par le gouvernement du Québec aux CLSC à travers tout le Grand Montréal.

M. le Président, je lisais à Mme la ministre et je citais un paragraphe dans lequel le CLSC, le conseil d'administration du CLSC, il nous disait que, bien que des médecins desservent actuellement 150 personnes à domicile, il y avait quand même 65 personnes en lourde perte d'autonomie qui devaient attendre jusqu'à 390 jours pour avoir des soins. J'ai posé la question à la ministre. Et la raison pour laquelle on est en débat de fin de séance, c'est parce que la ministre n'a pas répondu pantoute à la question que j'ai posée. Parce que, moi, en tant que député, j'ai une responsabilité vis-à-vis de mes électeurs, et la responsabilité, c'est de donner des réponses précises, concrètes, puis de dire: Voilà qu'est-ce qui va vous arriver demain matin. Voilà qu'est-ce qu'on peut faire pour vous demain. Et, M. le Président, malheureusement, de la ministre, j'ai eu la réponse: Ça fait trois ans qu'on investit de l'argent, on a investi 4 milliards dans la santé. Mais, à la ministre, j'ai répondu encore: C'est depuis hier, ça. Ce n'est pas depuis trois ans ou depuis quatre ans, c'est hier. La date de la lettre du CLSC, c'est le 8 mai. Puis, pire encore, ils disent: Cette situation, ça dure, et c'est en date de mars 2000. Ce n'est pas depuis des années antécédentes, M. le Président.

La réalité, c'est qu'actuellement, dans le CLSC de Saint-Léonard, ils vivent des gros problèmes, et pas seulement au niveau, M. le Président, des soins de service à domicile, mais c'est aussi... Et, dans l'autre lettre qu'on avait reçue du CLSC, c'est qu'il y a au-delà de 400 personnes qui sont desservies par le même CLSC. Et vous savez quel est le montant qu'on a octroyé de plus, avec une population qui est en train, chaque année, quasiment d'augmenter de 15 %? Parce que vous savez que, dans Saint-Léonard, actuellement, on est probablement la partie où il y a plus de personnes âgées sur l'île de Montréal. On a octroyé seulement 91 000 $ de supplément. Imaginez-vous, 91 000 $ pour 400 personnes qui attendent des services à domicile.

Et, M. le Président, qu'est-ce qu'il nous dit, le CLSC de Saint-Léonard? Il nous dit à un certain moment, et je le cite: Avec cette situation-là, il y a deux choix: ou fermer et réduire l'accès de façon significative à toute nouvelle demande de services d'aide à domicile, puisque maintenir simplement à ce niveau actuel l'offre de services de 1999-2000 augmentera notre déficit, ou – M. le Président, qu'est-ce qu'il lui reste, au CLSC? – de couper radicalement dans des services directs trop peu financés actuellement et qui répondent de façon nettement insuffisante aux besoins.

M. le Président, moi, je veux savoir de la ministre... C'est ça, la raison de mon débat de ce soir. C'est que, moi, demain matin, il faut que j'appelle mon CLSC de Saint-Léonard, il faut que je lui dise: J'ai posé la question à la ministre, et voilà la réponse qu'elle m'a donnée, la ministre. M. le Président, vous le savez comme moi, vous vivez les mêmes problèmes, on vit la même, si je peux dire, population. Je pense qu'à ce moment-ci la ministre a une responsabilité, la responsabilité qui lui incombe de nous dire exactement qu'est-ce que, moi, je vais dire au CLSC demain matin et qu'est-ce que je dirai aux 65 personnes qui sont en liste d'attente depuis 390 jours pour recevoir des services à leur domicile.

Et n'oublions pas une chose, qu'à Saint-Léonard justement on essaie de faire sauver de l'argent au gouvernement, parce que spécialement la communauté italienne, elle garde ses personnes âgées chez elle puis elle ne les place pas dans les maisons. Ça coûte beaucoup moins cher au gouvernement. Mais, au moins, donnons à cette population la possibilité d'avoir des soins à domicile, M. le Président. C'est très important.

Des voix: Bravo!

(18 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Viger. Je cède la parole maintenant à Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux. Mme la ministre, la parole est à vous.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Évidemment, quand on est dans l'opposition, on doit critiquer, bien sûr, ça va de soi, faire des remarques sur des gestes que devrait poser le gouvernement et qu'il n'a pas posés, mais on n'a pas le droit de mentir, M. le Président. Or, c'est une fausseté que de dire qu'il y a 65 personnes qui attendent depuis plus de 390 jours. J'admets que le député s'est peut-être trompé. Il sait très bien...

J'ai eu la lettre du CLSC hier. C'était peut-être normal que ma réponse soit plus générale aujourd'hui. J'en ai pris connaissance aujourd'hui, de cette lettre, après la période de questions. C'est faux, il n'y a pas 65 personnes qui attendent depuis plus de 390 jours. Il y a des personnes qui, à ce CLSC, reçoivent des services infirmiers et il y a une personne qui attend depuis autant de temps pour avoir accès à certains services. Le CLSC offre des services infirmiers auprès de ces personnes, à domicile. Ce qu'il ne peut pas offrir, c'est, dans tous les cas, des services de visites de médecin à domicile. Ça ne veut pas dire cependant, M. le Président, que ces personnes – et ce n'est pas pour 390 jours, les 65 personnes – n'ont pas accès à l'ensemble des services normalement disponibles dans le réseau.

Ce réseau, il comprend, oui, un CLSC, des CLSC, il comprend aussi des établissements de santé dont les hôpitaux. D'ailleurs, le député était avec moi lorsque nous avons eu le plaisir d'annoncer un investissement significatif à Santa Cabrini. Donc, ces personnes ont accès à des médecins qui sont soit en cabinet privé soit à l'hôpital ou autrement. Donc, on ne peut pas dire que des personnes sont complètement laissées à elles-mêmes, qu'on ne leur offre pas de soins, loin de là. Il y a des soins infirmiers qui sont offerts.

Le problème que soulève le CLSC, c'est qu'il voudrait avoir un plus grand nombre de médecins pour être capable de procéder à des visites à domicile, et c'est justifié qu'il puisse le faire, puisque, si nous aidons davantage nos personnes âgées ou en perte d'autonomie – elles peuvent être moins âgées aussi – on va éviter des hospitalisations. Et je suis d'accord avec le député de Viger pour que l'on puisse respecter le choix des personnes qui souhaitent continuer de vivre à la maison. Je peux rassurer le député à cet égard que, dans les discussions que nous avons eues avec la Fédération des médecins omnipraticiens, nous avons particulièrement privilégié la pratique en CLSC, de telle sorte qu'on puisse compter sur un nombre plus grand de médecins dans nos institutions que sont nos centres locaux de services communautaires.

Et, pour rassurer par ailleurs le député de Viger, peut-être devrait-il savoir – il l'a peut-être oublié – que, depuis 1994-1995, dans ce CLSC en particulier, nous avons connu des hausses de budget de 122 %. Ça, ce n'est pas un gouvernement du Parti libéral qui a fait ça, là, c'est un gouvernement du Parti québécois. Des hausses de 122 %. Et, depuis 1998, des dernières années – oublions le passé, c'est simple, ça permet à l'opposition de se rassurer elle-même, mais prenons les dernières années – l'augmentation a été de 32 %.

Oui, nous avons reconnu qu'il y avait des besoins sérieux à l'égard de l'aide, des soins et des services à domicile, nous l'avons reconnu par des gestes concrets, par un bon soutien à nos établissements de santé et de services sociaux et particulièrement à nos centres locaux de services communautaires. Ceux-ci – et c'est ce que je répondais aujourd'hui – ont fait le choix, dans le cas des médecins, de privilégier l'intervention auprès des personnes en très lourde perte d'autonomie mais sachant par ailleurs que les personnes qui avaient des besoins de soins infirmiers recevraient de tels soins et de tels services par l'intermédiaire des infirmières qui vont à domicile aider et soutenir ces personnes. Alors, on ne peut pas dire ici n'importe quoi, comme si 300 personnes, 150 ou 60 n'avaient accès à aucun service. Faux, M. le Président, ils ont accès à certains services, des services de qualité, et l'ensemble du réseau offre les autres services utiles et nécessaires. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors, en vertu de votre droit de réplique, M. le député de Viger, je vous cède la parole pour deux minutes.


M. Cosmo Maciocia (réplique)

M. Maciocia: M. le Président, si, pour la ministre de la Santé, les visites des médecins à domicile, ce n'est pas grand-chose, pour moi, c'est grand-chose, parce que ces gens-là ont besoin de ces visites-là parce qu'ils ne sont pas autonomes, ils ne peuvent pas se déplacer.

Et, quand on parle de l'hôpital Santa Cabrini où on a fait un investissement, c'est vrai que vous avez fait un investissement à la salle d'urgence, mais, malheureusement, sur 450 lits, l'hôpital Santa Cabrini est obligé d'en fermer 50. En fermant 50 lits, il ne peut absolument pas suffire à la demande qu'il y a actuellement à Santa Cabrini. Vous êtes parfaitement au courant qu'il y a 50 lits qui sont fermés tout le temps à cause du manque de ressources, Mme la ministre. Alors, ces personnes-là, elles ne peuvent pas se déplacer puis aller à l'hôpital. Si le CLSC ne leur donne pas cette possibilité d'avoir une visite à domicile... Et j'en connais personnellement, parce qu'elles sont sur la liste d'attente, elles doivent attendre longtemps, même un an, pour avoir cette visite-là, et des fois ça dépasse un an.

Mme la ministre, je pense que vous devriez être beaucoup plus consciente, beaucoup plus responsable, c'est la santé des gens. Je comprends que ce sont des personnes âgées, je le comprends. Probablement que vous vous en foutez un peu, des personnes âgées, mais je ne pense pas que, moi, je vais le faire, ça, parce que j'ai une responsabilité de député, j'ai une responsabilité vis-à-vis de ces gens-là et je les défendrai jusqu'à la dernière goutte d'énergie que j'ai. Vous comprendrez que c'est très responsable de ma part. De la façon dont vous vous comportez actuellement, je considère que vous vous comportez d'une façon irresponsable.

Et, pour terminer, M. le Président, c'est clair que j'appellerai demain matin le CLSC de Saint-Léonard pour lui dire... Premièrement, je vais déposer la lettre qui nous a été envoyée, à moi personnellement et à vous aussi. Je dépose cette lettre-là. Je vais appeler demain matin le CLSC pour lui donner la réponse que la ministre nous a donnée. Et, à ces gens-là, c'est clair, M. le Président, que je vais passer le message. Merci.


Documents déposés

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt des deux lettres? Consentement. Alors, les deux lettres sont déposées.


Mesures de sécurité visant les motocyclistes

Alors, nous en sommes maintenant au troisième débat de fin de séance à la demande du député de l'Acadie suite à une question qu'il a posée au ministre des Transports concernant l'incurie du gouvernement péquiste dans le dossier des cours de conduite pour les motocyclistes. M. le député de l'Acadie, la parole est à vous.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, effectivement, cet après-midi, suite aux articles qu'on a vus dans les journaux en fin de semaine concernant les nombreux décès qui sont survenus sur les routes, qui ont impliqué des motocyclistes, j'ai posé une question au ministre, à savoir s'il n'admettait pas que son gouvernement avait fait une erreur, en 1997, en enlevant les cours obligatoires de conduite. Et je faisais référence, M. le Président, à un extrait qui est paru dans le journal en fin de semaine, où le ministre disait lui-même qu'il trouvait aberrant et ridicule le processus permettant actuellement aux motocyclistes de se procurer et de conduire une motocyclette avant d'avoir réussi un examen.

Alors, M. le Président, le ministre, dans sa réponse, nous a tout simplement dit qu'il était pour réviser cette question d'obligation des cours de conduite et n'a admis aucune erreur, et ça, malheureusement, dans ce cas-là en particulier, le gouvernement ne peut pas blâmer le gouvernement libéral antérieur. Toute cette décision, en 1997, de relever l'obligation des cours de conduite a été prise par le gouvernement actuel. Mais, loin de là, le ministre n'accepte pas que son gouvernement ait fait une erreur et n'accepte pas que son collègue qui était là à ce moment-là, le ministre et député de Lac-Saint-Jean, ait commis une erreur à ce moment-là.

(18 h 30)

Et je dois dire que je comprends un peu le ministre, parce que ce n'est sûrement pas une sinécure que de succéder au député de Lac-Saint-Jean dans certains ministères quand on se rappelle, par exemple, que, dans le cadre du projet de loi n° 24, le ministre du moment, député de Lac-Saint-Jean, avait promis une consultation sur la SAAQ et sur le régime d'assurance automobile du Québec, promesse qu'il n'a pas respectée. Et, par la suite, le ministre a été pris un peu avec cette promesse-là. On se souvient qu'au printemps dernier, dans le cadre du projet de loi n° 24, il s'est retrouvé avec ce problème-là et lui-même aussi ne l'a pas respectée à ce moment-là, malgré qu'il nous ait annoncé pour un peu plus tard, à l'automne, une consultation sur le sujet. Mais je pense que c'est difficile de succéder au député de Lac-Saint-Jean quand on est pris avec des décisions que lui a prises. Ça, je comprends très bien le ministre là-dessus. Je veux rappeler au ministre que, au moment où cette décision-là a été prise, le monde de la moto était contre le fait qu'on enlève les cours obligatoires. Le Parti libéral du Québec avait également, à ce moment-là, sensibilisé le gouvernement au risque que ça impliquait.

M. le Président, on a des statistiques qui sont très difficiles à accepter, et ça, je pense que c'est le gouvernement qui en est responsable au premier chef. On a une augmentation du nombre de décès en 1999 par rapport à 1997-1998. Et le ministre nous a dit que le bilan s'était amélioré. Oui, il s'est amélioré, jusque dans les dernières années. En 1999, on a une hausse des décès. Il faut se rappeler que c'est en 1997, en juin 1997, que le gouvernement a enlevé l'obligation des cours de conduite. Donc, c'est quelques mois après qu'on peut voir les répercussions, et tout ça, et, en 1999, on a effectivement une hausse de décès.

Dans le cas des motocyclettes plus particulièrement, il y a une augmentation très importante des motocyclettes sur les routes du Québec depuis 1993 – et juste pour vous citer les chiffres des trois dernières années: 71 000 motos, 76 000, et, en 1999, 81 000. Alors, on a de plus en plus de motos et on a des motos qui sont de plus en plus rapides.

Et, M. le Président, comment on peut admettre une situation où actuellement – c'est assez caricatural, mais c'est la vérité – une personne s'achète une moto après avoir obtenu un permis temporaire, va pour passer son examen pratique, on lui fait faire des tests avec sa moto, et, quand la personne a échoué, elle rembarque sur sa moto puis elle s'en va chez elle. Alors, si c'est un danger pour elle, c'est aussi un danger pour les autres citoyens du Québec qui sont sur les routes. Et c'est comme ça que ça se passe actuellement. Et on a, à ce moment-là, toute une série de motos avec des forces très grandes.

Alors, on a eu le cas récemment, un cas malheureux, d'une jeune fille, la semaine passée, qui est décédée après s'être acheté une moto qui faisait du 320 km/h. Elle était suivie, comme la loi l'oblige actuellement, par son père qui était sur une autre moto puis par son ami qui était sur une autre moto. Et la personne, par manque d'expérience, par manque de maîtrise, a eu un accident et s'est tuée.

Alors, ça fait longtemps que le gouvernement est au courant de cette situation-là. Le gouvernement, on l'a prévenu, à ce moment-là, au moment où toute la question a été discutée en 1996, et le gouvernement n'en a pas tenu compte. Alors, M. le Président, si le gouvernement... Aujourd'hui, on entend le ministre qui fait des grands ébats, mais je pense que le premier responsable de la situation, c'est lui, c'est le gouvernement qui l'a enlevé, et là ils ne peuvent pas blâmer le Parti libéral.

Alors, on demande au ministre de prendre ses responsabilités et de nous dire immédiatement quelles sont les mesures qu'il va mettre en place pour régler ce problème.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de l'Acadie. M. le ministre des Transports, je vous cède la parole.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais corriger quelque chose. Quand le député de l'Acadie dit que le député de Lac-Saint-Jean a pris une décision sans aucun éclairage, je vous dirai que, après la décision du député du Lac-Saint-Jean, les deux premières années ont donné les résultats suivants. Il y a eu 4,9 % moins de décès, même s'il n'y avait pas de cours, en 1997-1998. Il y avait 14 % moins de blessés dans les accidents impliquant un nouveau conducteur – autos, motos confondus – pour les jeunes. Donc, ce n'est pas nécessairement, exclusivement, la notion de cours. Puis je pense qu'il fallait sortir ces chiffres-là parce que c'est quand même révélateur de situations qui des fois s'expliquent difficilement.

Mais je vous dirai que, oui, ce n'est pas drôle, de 1997 à 1999, il y a eu 150 blessés, 18 en période d'apprentissage, soit à peu près 12 %, et que le nombre de motos a augmenté énormément, qu'ils versent 20 millions en primes alors qu'ils en coûtent 60 millions dans ce même secteur. C'est évident que j'ai été tenté, même au début de l'année, d'augmenter les primes puis très sensiblement. Je disais: Plutôt que de payer 276 $, on va les mettre, même s'ils nous coûtent 1 100 $ et quelques, à 500 $, pour que ce soit un ticket modérateur d'une certaine façon.

Les associations sont venues me rencontrer à peu près toutes et chacune. Elles ont même fait du lobby auprès de nos amis d'en face qui disaient: Bien, tu devrais peut-être prendre la chance pour certaines. Prends donc la chance des les écouter puis de travailler avec elles. J'ai choisi ce processus-là. J'ai décidé de faire une table de concertation, et le 15 mai prochain ils me remettront un rapport dans lequel il faut absolument en arriver à des solutions. J'ai dit, j'ai affirmé... Même si on titre dans les journaux Cours obligatoires , j'ai dit que j'étais prêt à me rendre jusque-là s'il le fallait.

Mais je pense qu'il y a d'autres choses qu'il faut gratter aussi. Il y a certains pays qui interdisent la vente de certains types de véhicules, il y a certains pays qui obligent tout simplement à des cours d'apprentissage pratique pendant de nombreuses semaines avant. Et je ne nierai pas... Quand le député de l'Acadie dit: C'est assez ridicule d'aller passer un examen de 14 ou 20 questions, ou 19 questions – je ne me rappelle plus du nombre – ils sortent de là puis ils ont échoué puis ils s'en vont chez eux. C'est vrai que c'est ridicule, c'est dérisoire, puis je ne me cache pas pour le dire. Quelque chose qui est clair pour moi, c'est clair. Je ne nierai pas l'évidence.

Mais je vous dirai, M. le Président, qu'on est mieux quand même de bâtir avec les gens impliqués si on est capable de les amener à bâtir quelque chose. Le même député de l'Acadie, durant la commission parlementaire, n'acceptait pas ma volonté d'en arriver à protéger les cyclistes. Pourtant, il y a 26 décès par année, puis c'est des tout jeunes les trois quarts du temps, puis il y a environ 380 blessés graves. Qu'est-ce qu'il disait? Non, non, allez-y par sensibilisation, M. le ministre. Ça dépend des clientèles. Moi, je n'ai pas un baromètre, là: ce n'est pas grave si c'est un vélo; c'est très grave si c'est une moto; c'est épouvantable si c'est un lourd. Toute vie humaine a une même valeur. Quel que soit le type de véhicule qui est emprunté, on doit chercher au maximum, dans toutes les catégories, à protéger l'individu et à protéger les autres personnes aussi qui circulent sur nos routes.

M. le Président, je serai très attentif au rapport qu'on me remettra, je vais faire appel énormément à la compréhension et je vais faire beaucoup de sensibilisation pour diminuer le nombre de décès sur nos routes. Mais je vais faire plus que ça: si l'incitatif et la sensibilisation ne fonctionnent pas, il faut allier le coercitif, et je n'hésiterai pas à le faire. Et je pense que ce n'est pas en blâmant le député de Lac-Saint-Jean qui, dans ses deux premières années, voyait même son bilan s'améliorer, malgré le fait qu'il n'y avait pas de cours... Je pense que c'est plutôt les changements de mentalité. Il y a de plus en plus de jeunes qui sautent sur des véhicules qui ont une force énorme. On me dit qu'il vient d'en apparaître un qui peut aller jusqu'à 320 km/h. Imaginez-vous, sur nos routes! On ne l'entend même pas venir. Puis il y a des accidents qui se produisent parce que l'autre, tout simplement, a une crainte passagère.

M. le Président, je pense qu'on va tout faire pour redonner le maximum de sécurité à la personne elle-même, malgré elle dans bien des cas, et surtout pour les autres aussi qui circulent sur nos routes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Je vais céder maintenant la parole à M. le vice-président de la commission des transports et de l'environnement, le député de l'Acadie, pour son droit de réplique. M. le député.


M. Yvan Bordeleau (réplique)

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Le ministre nous dit que le bilan routier s'est amélioré. Je veux juste lui rappeler certaines données. N'oubliez pas que l'obligation des cours de conduite a été mise en vigueur en juin 1997, et ce qu'on observe, les effets, ce n'est pas dans les mois suivants. Il nous dit que le bilan s'est amélioré du temps du ministre, député de Lac-Saint-Jean, mais regardons ce qu'on retrouve dans le bilan de 1999, le bilan routier que le ministre lui-même a présenté il y a quelques semaines à peine.

On dit: «Le nombre de victimes chez les motocyclistes a atteint un maximum en 1998 et 1999.» Ça, c'est après 1997, puis immédiatement après 1997, M. le Président. Au niveau des conducteurs, des jeunes qui ont été affectés par la décision que le gouvernement a prise d'enlever les cours de conduite: «Toutefois, même si la situation s'améliore dans leur groupe d'âge, les jeunes de 16 à 24 ans sont toujours surreprésentés.» Et là on parle du nombre de conducteurs impliqués dans des accidents. Au niveau du nombre de victimes décédées, dans le même bilan on retrouve l'extrait suivant: «Le groupe des 15-24 ans compte le plus grand nombre de décès. Leur représentation au chapitre des décès avait fortement diminué en 1997-1998 mais a augmenté en 1999. On remarque aussi une tendance semblable à la baisse pour le groupe des 25-34 ans, avec une remontée en 1999.»

Alors, M. le Président, c'est ça, les effets d'avoir enlevé les cours de conduite malgré tous les avertissements que les gens avaient eus: le monde de la moto de façon plus spécifique, comme je l'ai mentionné, le Parti libéral du Québec et les sondages qui avaient été faits à ce moment-là, M. le Président. Dans ce dossier-là, le gouvernement s'est comporté de façon incompétente. On a fait des changements, au fond, sur un coup de gueule, sans avoir aucune étude d'impact, et aujourd'hui on vit les conséquences. Et les conséquences, c'est 114 décès au cours des deux dernières années dans le monde des gens qui pratiquent la motocyclette. C'est ça, les conséquences. Et, si le gouvernement avait réfléchi à ce moment-là, il n'aurait pas pris la décision qu'il a prise, et on...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Ceci met fin à ce débat de fin de séance. En conséquence, j'ajourne les travaux de cette Assemblée à demain, le mercredi 10 mai, à 10 heures. Et bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 18 h 40)


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