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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Thursday, February 10, 2011 - Vol. 41 N° 171

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Vice-Président (M. Gendron): Bon matin. Veuillez prendre vos places, veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Alors, nous en sommes à la rubrique Déclarations des députés. Et je cède la parole à Mme la députée de La Pinière pour la déclaration d'aujourd'hui. Mme la députée de La Pinière.

Féliciter les participants au Forum
étudiant de l'Assemblée nationale

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le 10 janvier dernier, j'ai eu le plaisir de procéder à l'ouverture officielle du Forum étudiant, qui a rassemblé dans cette enceinte 140 jeunes de 25 collèges de différentes régions du Québec.

Je félicite les participants à cette simulation parlementaire fort intéressante, animée par des jeunes qui ont le goût de débattre des enjeux de société et qui ont proposé trois projets de loi: un sur la gratuité scolaire pour les étudiants de niveau collégial et universitaire, le deuxième, sur un mode de scrutin plus représentatif et, le troisième, sur l'importance d'une représentation saine dans la publicité.

Pour avoir suivi leurs travaux en Chambre et en commission parlementaire, je peux vous assurer que la relève politique est prête. J'ai été impressionnée par leur rigueur intellectuelle, leur respect du décorum et les qualités de leurs interventions. Ils ont vraiment fait honneur au métier de député. Je tiens à leur rendre hommage et les invite à être des ambassadeurs de la démocratie dans toutes les régions du Québec.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée, de votre déclaration. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville pour sa déclaration d'aujourd'hui. Mme la députée, à vous.

Rendre hommage aux fondateurs de
l'organisme La Tablée des chefs

Mme Marie Bouillé

Mme Bouillé: M. le Président, je veux porter à votre attention l'initiative de deux chefs qui ont eu à coeur de récupérer les surplus des cuisines de professionnels en les remettant à des organismes communautaires.

M. Jean-François Archambault a fondé La Tablée des chefs en étant consterné de voir le surplus d'aliments de qualité prendre le chemin des poubelles. Il a donc décidé avec M. Gilles St-Hilaire de sensibiliser de nombreux traiteurs et des chefs des hôtels de plusieurs régions du Québec à leur donner leurs surplus de cuisine ou des repas préparés en trop afin de nourrir les plus démunis. La plupart des repas sont congelés en portions individuelles directement dans les cuisines des restaurants avant d'être remis à La Tablée. De plus, ils offrent des ateliers culinaires gratuits aux familles démunies et aux jeunes de milieux défavorisés.

Je tiens à leur rendre hommage pour leur grande générosité et leur créativité. Le jour où tous les hôtels et traiteurs donneront leurs surplus d'aliments, j'ose espérer que plus personne ne souffrira de la faim au Québec.

Le Vice-Président (M. Gendron): Merci. Merci, Mme la députée, pour votre déclaration. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la députée, à vous.

Souligner la Semaine des
enseignantes et des enseignants

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci beaucoup, M. le Président. Nous sommes au coeur d'une semaine très importante dans le monde de l'éducation. En effet, tout le Québec souligne, du 6 au 12 février, la Semaine des enseignantes et des enseignants. Cette année, le thème choisi est Enseigner, c'est ouvrir les yeux, le coeur et l'esprit.

Vous reconnaîtrez que c'est une tâche importante, et même certains pourraient dire... pourront dire que c'est une lourde tâche. Comme bien des parents du Québec, j'ai pleinement conscience de l'engagement des enseignantes et des enseignants, de leur volonté de bien préparer les jeunes à faire face aux exigences de la société contemporaine.

La Semaine des enseignantes et des enseignants est donc l'occasion de saluer leur détermination à transmettre aux jeunes le goût de se dépasser et de souligner à quel point nous sommes reconnaissants du rôle des enseignantes et des enseignants, de leur rôle dans la réussite de nos élèves et dans l'édification de notre société. Nous avons tous un proche, un voisin, un parent, un ami qui enseigne, c'est vraiment le bon moment de leur dire merci.

**(9 h 50)**

Le Vice-Président (M. Gendron): Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. À vous la parole, Mme la députée.

Féliciter M. Éric Chamberland,
athlète de la circonscription
d'Hochelaga-Maisonneuve, récipiendaire
de la Médaille de l'Assemblée nationale

Mme Carole Poirier

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Atteint depuis l'enfance d'une malformation cardiaque, Éric Chamberland a reçu un cadeau exceptionnel en mai 2005: un nouveau coeur. Depuis, sa vie a changé.

Participant pour la première fois aux Jeux canadiens des greffés, à Windsor, en 2008, il remporte trois médailles. Il répète ses exploits en 2009, cette fois-ci à Québec, en remportant le bronze au vélo 5 kilomètres, l'argent au vélo 20 kilomètres et l'or au saut en longueur. Il a comme objectif de participer aux jeux mondiaux des greffés qui auront lieu en Afrique du Sud à l'été 2013. Outre ces exploits sportifs, il vient de terminer un baccalauréat en sciences comptables à l'UQAM et compte obtenir le titre de comptable agréé en 2012.

Éric est la preuve que le don d'organes sauve des vies. C'est pourquoi je lui ai remis, le 6 novembre dernier, la Médaille de l'Assemblée nationale, soulignant son courage en lui offrant la meilleure des chances aux prochains jeux internationaux des greffés et dans toutes ses entreprises futures. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député de Beauce-Nord pour sa déclaration. À vous, M. le député.

Souligner la visite de l'hôtel du Parlement
par des élèves du Centre de formation
en entreprise et récupération de Beauce

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Aujourd'hui, je souhaite souligner la présence, dans nos tribunes -- ils ne sont pas arrivés, mais ils vont arriver un jour -- d'étudiants du Centre de formation en entreprise et en récupération de Beauce qui nous rendent visite.

Situé à Sainte-Marie, le CFER de Beauce offre, en collaboration avec la polyvalente Benoît-Vachon, un programme éducatif adapté à des jeunes de 15 à 18 ans, où l'on favorise le développement de personnes autonomes, de citoyens engagés et de travailleurs productifs. Depuis 11 ans maintenant, le CFER de Beauce a changé la vie de bien des jeunes en les éloignant du décrochage scolaire, en leur donnant de bons outils pour se préparer à une vie active.

Alors, je tiens à souligner le dévouement des enseignants du CFER de Beauce, qui encouragent la persévérance ainsi que la culture de l'effort et de la rigueur auprès de nos jeunes. Je profite de l'occasion pour souhaiter bonne chance à ces jeunes, dont certains participeront aux Olympiades Réussite Jeunesse 2011, au mois de juin prochain, à l'Université Laval. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Merci. Et, tout comme vous, le président salue la présence virtuelle de votre invité. Alors, je cède la parole maintenant à M. le député de Montmagny-L'Islet pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député.

Féliciter le Centre de santé et de services
sociaux de Montmagny-L'Islet, lauréat
du Prix de la sécurité Or de la firme
Becton, Dickinson and Company

M. Norbert Morin

M. Morin: M. le Président, je tiens à féliciter aujourd'hui la direction et les membres du personnel du Centre de santé et de services sociaux de Montmagny-L'Islet pour le prix mérite sécurité Or qu'ils ont reçu du chef de file mondial en technologie médiale BD.

Le CSSS de Montmagny-L'Islet est le premier établissement au Québec à recevoir la mention Or dans cette catégorie. Cette reconnaissance, à laquelle s'ajoute une bourse de 2 500 $, vise à souligner l'implication exemplaire du CSSS de Montmagny-L'Islet à offrir un environnement sécuritaire à sa clientèle et à son personnel. Il s'agit de la seconde fois que le CSSS de Montmagny-L'Islet reçoit un tel honneur, puisqu'en 2009 l'organisation a reçu le prix argent dans cette même catégorie.

Je lève donc mon chapeau à la direction et aux membres du personnel du CSSS de Montmagny-L'Islet pour leur volonté à mettre en oeuvre des techniques de travail afin d'évoluer dans un milieu sécuritaire. Mesdames messieurs, bravo!

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député, de votre déclaration. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-D'Youville pour sa déclaration d'aujourd'hui. À vous la parole, Mme la députée.

Souligner la Semaine des
enseignantes et des enseignants

Mme Monique Richard

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. C'est avec plaisir et fierté que je prends la parole aujourd'hui pour souligner la Semaine des enseignantes et des enseignants.

L'avancement de notre société est tributaire de la contribution de toutes les personnes qui y participent. Nos enseignantes et nos enseignants sont essentiels à la construction de notre avenir et contribuent, par leur engagement, à la formation de citoyennes et citoyens engagés et responsables. Ces jeunes, c'est à tous les jours qu'ils les accueillent pour leur permettre une formation des plus stimulantes, pour les motiver, les encadrer, les consoler dans leurs peines et les accompagner dans leurs joies.

Sachons leur être reconnaissants. Donnons-leur les moyens de répondre à tous les défis qui sont les leurs afin de permettre à chacun des jeunes du Québec, peu importe qu'il ait ou non des limitations, peu importe sa région ou son milieu, de développer son plein potentiel. Merci à nos enseignantes et nos enseignants qui sont... sans aucun chauvinisme, qui pratiquent le plus grand métier du monde. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le député de Gaspé pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous.

Rendre hommage aux habitants de
Val-d'Espoir, en Gaspésie, pour la tenue
de leur activité du jour de la Marmotte

M. Georges Mamelonet

M. Mamelonet: Merci, M. le Président. M. le Président, un des grands défis de notre temps est assurément l'occupation du territoire. Alors que, depuis 50 ans, les environnements urbains attirent par l'importante disponibilité d'emploi qu'ils procurent, les habitants des régions rurales luttent pour assurer la vitalité et le développement de leur milieu. Je tiens donc aujourd'hui à souligner la ténacité et la persévérance des habitants du village quasi gaulois de Val-d'Espoir, qui, le 2 février dernier, ont tenu leur deuxième activité du jour de la Marmotte.

Par un beau matin glacial, au lever du jour, un demi-millier de ruraux se sont réunis devant le perron de l'église pour écouter Fred, la marmotte du Québec, faire ses prédictions quant à la durée de l'hiver 2011. Retransmise sur plus de 40 médias puis sur les réseaux sociaux, cette activité a permis de démontrer à tous les joies et plaisirs de la vie rurale à travers la complicité et la cohésion qui régnaient, ce matin-là, autour de l'église de Val-d'Espoir et dans les assiettes de crêpes et de sirop préparées par tous et chacun à travers la MRC.

Le réveil de Fred, ce 2 février et pour tous les 2 février à venir, annonce non seulement le printemps, mais aussi le réveil des villages et des régions dans un Québec d'ouverture. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe pour sa déclaration d'aujourd'hui. M. le député, à vous la parole.

Souligner le 125e anniversaire
de l'enseignement vétérinaire
francophone en Amérique du Nord

M. Émilien Pelletier

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): M. le Président, l'année 2011 marque le 125e anniversaire de l'enseignement vétérinaire francophone au Québec. C'est aussi l'Année mondiale vétérinaire et le 250e anniversaire de l'enseignement de la médecine vétérinaire dans le monde.

C'est à Victor-Théodule Daubigny que l'on doit la fondation de la première école vétérinaire en Amérique du Nord, où l'enseignement se fera uniquement en français, l'École vétérinaire française de Montréal. Son fils, François-Théodule Daubigny, prendra ensuite la relève pour l'associer à l'Université de Montréal. C'est en 1947 que l'Université de Montréal vint établir son campus à Saint-Hyacinthe. Elle est aujourd'hui la seule Faculté d'enseignement vétérinaire francophone des Amériques.

La médecine vétérinaire croît de plus en plus en importance. Avec la recherche qui progresse continuellement, elle est étroitement liée à des enjeux de société comme l'atteinte d'une santé optimale pour les humains, les animaux, l'environnement, le concept d'un monde, une santé.

Je souhaite de belles festivités à tous les médecins vétérinaires, chercheurs, enseignants, étudiants, particulièrement au Dr Joël Bergeron, président de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec, et au Dr Michel Carrier, doyen de la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal à Saint-Hyacinthe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Merci, M. le député. Et cette dernière déclaration met fin à la rubrique Déclarations de députés.

Et je vais suspendre les travaux pour quelques instants. Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 9 h 58)

 

(Reprise à 10 h 10)

Le Président: Alors, bonne journée, chers collègues. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Alors, merci. Veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons aux affaires courantes. Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

Rapport annuel de l'Office de la sécurité
du revenu des chasseurs et piégeurs cris

Mme Boulet: Bonjour. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 2009-2010 de l'Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris.

Le Président: Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.

Réponses à des pétitions

M. Fournier: M. le Président, permettez-moi de déposer les réponses du gouvernement aux pétitions déposées le 21 octobre 2010 par les députés de Marguerite-D'Youville et de Johnson.

Le Président: Ces documents sont déposés. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, M. le député de Jonquière.

Créer une réserve de biodiversité
au Massif du Sud et y interdire
le développement éolien

M. Gaudreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 244 pétitionnaires, dont un représentant est d'ailleurs dans les tribunes. Désignation: citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les aires protégées représentent 1,9 % de la région Chaudière-Appalaches, que le territoire public du Massif du Sud offre une opportunité incomparable pour créer une réserve de biodiversité, qu'une proposition a été déposée au ministère du Développement durable et des Parcs, que cette proposition a reçu l'appui de nombreux groupes d'intérêts;

«Considérant que ce territoire d'une biodiversité exceptionnelle abrite une vingtaine d'espèces jugées vulnérables à l'échelle régionale, représente un des principaux habitats pour la grive de Bicknell à l'échelle provinciale et renferme une forte concentration de sapinière à oxalide qui n'est présente que dans les hautes altitudes des Appalaches dans le sud du Québec;

«Considérant que ce territoire est la principale source d'alimentation en eau d'une qualité exceptionnelle de trois des plus importants bassins versants de la région, soit Etchemins, du Sud et Daaquam;

«Considérant que ce territoire supporte déjà plus de 120 000 jours d'activités récréatives par année et est reconnu comme un des deux principaux potentiels touristiques de la région dus à ses attraits naturels;

«Considérant que le projet de développement de 75 éoliennes de Saint-Laurent Énergies inc. sur ce territoire public est incompatible avec la protection de ce patrimoine naturel;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Les soussignés demandent à l'Assemblée nationale d'interdire tout développement éolien sur le territoire public du Massif du Sud au-dessus des niveaux d'élévation de 700 mètres d'altitude et de soutenir la création d'une réserve de biodiversité au Massif du Sud pour assurer la conservation et la mise en valeur durable de ce patrimoine naturel.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. Toujours aux pétitions, Mme la députée de Vachon.

Décréter un moratoire sur les
projets d'exploration et
d'exploitation des gaz de schiste

Mme Ouellet: ...Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 250 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les travaux d'exploration visant à exploiter les gaz de schiste se déroulent au Québec et qu'ils présentent des risques environnementaux et sanitaires importants, notamment pour l'eau en raison des produits chimiques utilisés pour la fracturation ainsi que l'augmentation des gaz à effet de serre;

«Considérant que des conséquences environnementales de cette exploitation ont eu des effets dévastateurs aux États-Unis et en Alberta;

«Considérant que ces travaux soulèvent une inquiétude légitime chez les citoyens et les citoyennes, des communautés ainsi que des élus municipaux qui n'ont pas les pouvoirs d'arrêter ces travaux ou n'ont pas les ressources pour gérer les conséquences de tels travaux;

«Considérant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a reçu un mandat qui se limite à proposer très rapidement un cadre de développement de la filière des gaz de schiste;

«Considérant que le Québec est actuellement apte à entreprendre un virage vers l'exploitation des énergies durables qui contribuerait à la diminution des gaz à effet de serre tout en contribuant à l'emploi et à la richesse collective dans une optique nationale;

«Considérant qu'il est fondamental de décider collectivement de l'exploitation de nos ressources et que l'importance de cet enjeu nécessite une large consultation publique;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, citoyens québécois, demandons que le gouvernement du Québec décrète un moratoire complet et immédiat sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. Toujours aux pétitions, M. le député de Shefford.

M. Bonnardel: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 1 827 pétitionnaires. Désignation: citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que la sclérose en...»

Le Président: Est-ce que... M. le député, je constate que cette demande de pétition n'est pas conforme. Est-ce qu'il y a consentement pour sa présentation? Allez-y, M. le député de Shefford, vous avez le consentement.

Permettre l'opération au
Québec des personnes atteintes
de la sclérose en plaques

M. Bonnardel:«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que la sclérose en plaques fait des victimes depuis plus de 60 ans;

«Considérant que les médecins de notre province sont aussi, sinon plus compétents que ceux de la Pologne, de l'Italie, du Costa Rica, de l'Inde, etc.;

«Considérant que nous désirons donner l'espoir d'une meilleure qualité de vie aux Québécois et Québécoises atteints de cette maladie sournoise, et ce, dans le but qu'ils vivent dignement;

«Considérant que tous sont prêts à prendre le risque de voir une amélioration de leur santé, si mince puisse être cette amélioration;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Les soussignés demandent au gouvernement et au Collège des médecins que les individus atteints de la sclérose en plaques soient opérés ici au Québec.»

Et je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions qui portent sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Et nous en sommes donc maintenant à la période de questions et réponses orales des députés. Je cède la parole à Mme la chef de l'opposition officielle.

Conflit de travail avec les
procureurs et juristes de l'État

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Pour une troisième journée consécutive, les procureurs de la couronne et les juristes de l'État sont en grève. Des milliers de causes sont donc retardées dans les palais de justice, et parfois les remises sont dans six ou même neuf mois. D'ailleurs, après l'acquittement d'une personne accusée de menace de mort mardi, on apprenait hier qu'il y a eu trois autres cas d'acquittement de personnes accusées de vol, de voies de fait, de menaces ou encore d'être entrées par effraction. Tout ça, c'est le résultat de la négligence de ce gouvernement.

En effet, rappelons-nous, en 2005, alors que les procureurs étaient toujours sous contrat jusqu'en 2007, sans les prévenir, le gouvernement les a inclus dans une loi spéciale. Qu'est-ce que ça a eu pour effet? Ça a eu pour effet de repousser le problème à plus tard, à aujourd'hui. Alors que le gouvernement avait du temps pour régler le dossier, il a laissé littéralement pourrir la situation.

Maintenant, qu'est-ce qu'il fait aujourd'hui, le gouvernement? On est en droit de se demander si sa stratégie consiste à laisser la situation dégénérer pour ensuite justifier une loi spéciale. Si c'est ça, sa stratégie, c'est complètement déplorable pour les procureurs, pour les juristes de l'État, mais surtout pour les victimes.

Le gouvernement peut-il nous dire si, en ce moment même, les négociateurs du gouvernement sont à la table de négociation avec des offres sérieuses plutôt qu'avec des ultimatums, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, je veux d'abord vous rappeler que le gouvernement du Québec a négocié avec succès des ententes avec ses partenaires syndicaux représentant, je pense, bien au-delà de 475 000 personnes qui sont des serviteurs de l'État; qu'au mois de juin dernier, on a signé une entente qu'on peut qualifier, sans se tromper, d'historique, puisque c'est une entente sur une période de cinq ans, avec des clauses nouvelles qui sont fondées sur la croissance économique et qui créent une culture, je pense, où nous avons un partenariat solide pour qu'on puisse travailler ensemble pour augmenter la productivité et travailler ensemble pour augmenter la croissance économique du Québec. Par la suite, on a négocié une entente également avec les infirmières, M. le Président.

Alors, le gouvernement a fait la démonstration que, pour ce qui est des négociations, on est présents, on est à la table, on travaille avec respect, dans la perspective de conclure des ententes, et nous le faisons également avec les procureurs de la couronne. Alors, il y a aussi, évidemment, toute la question de la capacité de payer. Et d'ailleurs, là-dessus, je serais curieux d'entendre la chef de l'opposition officielle, parce qu'ils ne nous ont pas dit ce qu'eux défendent comme position sur la question de la capacité de payer, sur l'arbitrage. C'est quoi, la position de la chef de l'opposition officielle? Connais pas, M. le Président. Ce serait important que les procureurs de la couronne et les Québécois le sachent.

Cela étant dit, il y aura, demain, une rencontre entre les parties. Les conciliateurs ont convoqué les parties. Évidemment, nous y serons et nous y serons dans le but de conclure une entente avec les procureurs de la couronne, M. le Président.

**(10 h 20)**

Le Président: En question complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, je comprends qu'il n'y avait pas de négociation ni de discussion, puisque ça va se passer plus tard, M. le Président. Ce qu'il faut comprendre, c'est que cette situation, elle est très grave, elle fait très mal au système de justice. Ça prendra des années avant de s'en remettre. Et ce qu'on a compris du gouvernement, c'est qu'il fait plutôt des ultimatums, alors qu'il devrait s'asseoir, négocier sérieusement et intelligemment avec les procureurs. C'est ce qu'attend la population québécoise d'un gouvernement responsable, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Nos négociateurs n'ont jamais quitté la table, puis on est toujours présents, on est toujours là. Et nous y serons. Maintenant, je prends acte des commentaires faits par la chef de l'opposition officielle, qui dit que la situation est très grave et qu'il faut agir avec diligence. Nous en prenons note, nous en prenons acte, M. le Président. Et je tiens à redire aussi qu'il n'a jamais été question d'ultimatum du gouvernement, parce qu'on a toujours négocié.

Cela étant dit, puisqu'elle semble extrêmement préoccupée par cette question-là, et nous le sommes, nous aussi, maintenant ce serait à elle de nous dire ce qu'elle défend comme position.

Le Président: En terminant.

M. Charest: Elle ne peut pas toujours faire comme elle fait à chaque fois: se lever, se plaindre et ne jamais dire où elle se campe sur ces questions.

Le Président: En deuxième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, depuis 2007, depuis 2007, une loi s'applique aux procureurs, et le premier ministre sait très bien qu'ils auraient pu négocier depuis ce temps pour s'entendre sur un nouveau contrat qui aurait pris effet maintenant. Ce que l'on sait, M. le Président, c'est que le gouvernement a laissé traîner les choses et ne s'est pas assis à la table pour négocier des conditions salariales ou d'autres aspects tant que les juristes n'ont pas manifesté leur intention de faire la grève...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Il y a eu 21 rencontres, M. le Président, quatre rencontres avec les conciliateurs. On a toujours été à la table puis on a toujours négocié. Puis, si le passé est garant de l'avenir, on a quand même conclu une entente avec 475 000 fonctionnaires de l'État québécois, M. le Président, dans un temps record que jamais le PQ n'avait fait.

D'ailleurs, on sait comment le PQ négocie, parce que la chef de l'opposition officielle a déjà déclaré qu'en 1983 le gouvernement de René Lévesque, dont elle faisait partie, avait décrété une baisse des salaires des fonctionnaires. Ils ont fait...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, M. le premier ministre. Un instant! Un instant!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, votre question a été posée. M. le premier ministre, il vous reste quelque 12 secondes pour terminer la réponse.

M. Charest: En 2005, la chef de l'opposition officielle avouait qu'elle avait fait des erreurs. Ce n'est pas pour rien qu'elle ne veut pas dire un mot sur les négociations actuelles. Ce n'est pas pour rien qu'elle est silencieuse sur l'arbitrage puis les faits. C'est parce qu'on connaît les méthodes du PQ, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Vachon

Transport de générateurs de vapeur
radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet: Oui. M. le Président, un organisme fédéral a décidé que, dorénavant, le fleuve Saint-Laurent serait la voie d'évacuation des déchets radioactifs de l'Ontario. C'est un dangereux précédent. Cette décision a été prise, et le ministre de l'Environnement l'avoue, sans jamais consulter le Québec. Voir le ministre de l'Environnement affirmer, comme hier, que le gouvernement du Québec est confiné à déplorer, faire des représentations, essayer de communiquer, c'est insultant. Savoir que le ministre de l'Environnement avoue lui-même qu'il n'a rien fait dans ce dossier à part écrire une lettre il y a six mois, c'est inacceptable.

Pour se justifier, le ministre disait hier que ce projet n'est que de responsabilité fédérale. Il se déresponsabilise complètement de son rôle de protecteur de l'eau. La qualité de l'eau, la santé, est-ce de juridiction du Québec? Oui. Et c'est au gouvernement du Québec de s'en préoccuper.

Comment le ministre peut-il expliquer son inaction? Comment peut-il expliquer son incapacité à protéger l'eau potable et le fleuve Saint-Laurent, qui appartient au Québec?

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: J'aimerais, M. le Président, rappeler à la députée de Vachon, encore une fois, que, dans la lettre que j'ai écrite, justement, le 30 septembre, on a parlé de vives préoccupations. Il me semble que c'était assez clair, la façon dont on s'est exprimés le 30 septembre. Depuis ce temps-là, j'ai eu l'occasion de discuter avec le ministre des Ressources naturelles du Canada. Mon collègue a parlé à Mme Verner ce matin. Nous sommes donc en mode proactif. Nous avons eu l'occasion également de discuter avec le président de l'Alliance des villes et des Grands Lacs pour faire front commun sur cette question particulièrement importante, M. le Président.

Pas tellement de leçons à recevoir du Parti québécois qui, il n'y a pas si longtemps, prônait d'ailleurs le nucléaire comme source d'énergie pour le Québec, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: Mme la députée de Duplessis, j'attends à vous donner la parole que vos propres collègues nous permettent de le faire.

Des voix: ...

Le Président: Oui. À moi d'en juger. Mme la députée de Duplessis, vous avez la parole pour une complémentaire.

Mme Lorraine Richard

Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. Assez, c'est assez. Le Saint-Laurent, c'est notre autoroute bleue, et le gouvernement fédéral a décidé que maintenant c'était l'autoroute des déchets nucléaires de l'Ontario.

Qu'est-ce que vous avez fait, M. le ministre? Ça fait plus de six mois que ce dossier-là est dans l'actualité un peu partout, et vous n'avez envoyé qu'une lettre. Pouvez-vous défendre les intérêts des Québécois et des Québécoises? Est-ce que vous avez peur d'Ottawa? Est-ce que vous êtes capable, M. le ministre, de dire non à Ottawa une fois pour toutes?

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, j'aimerais encore une fois profiter de l'occasion pour réexpliquer à Mme la députée de quelle façon nous avons travaillé depuis plusieurs jours. Je pense que... Depuis quelques jours, il me semble que notre position est particulièrement claire: on n'est pas en faveur de cette décision-là. Nous l'avons fait et nous allons continuer à travailler, mais nous allons travailler, comme d'ailleurs le député de Kamouraska, le nouveau député, le dit, dans le respect des institutions canadiennes, parce qu'on fait partie du Canada. C'est ce que votre député a dit il n'y a pas tellement longtemps. Alors, on va continuer à travailler en ce sens-là, dans le sens des intérêts du Québec.

Le Président: En terminant.

Des voix: ...

Le Président: En complémentaire...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, derrière la salle! Mme la députée de Vachon a la parole, en deuxième complémentaire.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet: Merci, M. le Président. Parle, parle, jase, jase. Le fleuve Saint-Laurent est la source d'approvisionnement en eau potable, l'eau que l'on boit, d'une très grande partie de la population du Québec; c'est de notre santé dont il est question. Ce que le ministre doit faire aujourd'hui, c'est de demander un BAPE. Et, en attendant, aucun bateau de déchets radioactifs ne doit passer sur le fleuve Saint-Laurent sans l'accord des Québécois. Est-ce que le ministre va se tenir debout et agir dans ce dossier en confiant un mandat au BAPE?

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, nous sommes en mode action. Nous faisons en sorte que les gens du ministère puissent rencontrer la Commission canadienne de la sûreté nucléaire et aider à trouver d'autres solutions que celle de transporter les déchets sur le fleuve Saint-Laurent.

Maintenant, pour répondre à votre question, j'ai eu l'occasion de consulter tout le monde sur cette question à propos du BAPE, et j'aimerais vous rappeler que, premièrement, un rapport du BAPE n'aurait absolument pas pour effet de retarder l'émission d'un permis fédéral, et ça, c'est une opinion qui est partagée par tout le monde. Alors, je vous demande de faire une chose: j'aimerais que vous collaboriez à la motion que nous allons présenter...

Le Président: En terminant.

**(10 h 30)**

M. Arcand: ...à la fin de cette période de questions, si vous voulez faire oeuvre...

Le Président: En question principale, M. le leader de l'opposition officielle.

Transport de déchets radioactifs de
l'Ontario sur le fleuve Saint-Laurent

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: L'attitude du gouvernement en cette matière est gênante pour nous, M. le Président. On nous parle de discussions entre les fonctionnaires, alors que c'est un dossier que le premier ministre et le ministre devraient s'occuper personnellement. Le Québec... Je comprends que ce gouvernement et surtout le premier ministre sont allergiques au mot «souveraineté». Je pense que les Québécois, peu importent leurs convictions, sont certains d'être souverains sur leur territoire, que c'est à eux, que ça leur appartient, le fleuve Saint-Laurent, et ça n'appartient pas au Canada.

Ce qu'on demande au ministre, c'est d'indiquer clairement au Canada que jamais, sans le consentement des Québécois, il n'y aura un seul bateau provenant de l'Ontario avec des déchets nucléaires qui va passer sur notre fleuve. Le temps, c'est de se tenir debout et de ne pas avoir peur d'affirmer les valeurs et les volontés des Québécois, M. le Président.

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, notre priorité, et je le répète, c'est la protection de l'environnement et la sécurité de la population du Québec. Je pense que c'est très clair en ce qui nous concerne. Et, encore une fois, contrairement au Parti québécois qui veut générer des chicanes, qui demeure radical dans ses positions, qui est au service de la souveraineté, nous, on travaille d'arrache-pied, nous sommes en mode solution pour faire en sorte de défendre les intérêts du Québec.

Et ma question: Allez-vous, encore une fois et de façon très claire, appuyer, oui ou non, la motion que nous allons expédier au gouvernement fédéral?

Le Président: En question complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Affirmer la souveraineté sur son territoire, ce n'est pas de la chicane, M. le Président. À mon sens à moi puis au sens d'à peu près tous les Québécois, à part quelques membres de ce gouvernement, c'est s'affirmer puis avoir des principes.

Je pense que, vous tout comme moi, nous sommes gênés actuellement de constater que le gouvernement considère ça comme une question de... qui relève d'une agence. Ce que nous proposons au gouvernement, c'est de condamner cette décision et de dire que jamais, jamais il n'y aura un seul bateau contenant des déchets nucléaires de l'Ontario qui va passer sur le territoire du Québec sans son consentement.

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, je répète encore une fois que, nous, on travaille à essayer de trouver des solutions dans le respect des Québécois et ne pas essayer de faire de la petite politique, M. le Président. J'aimerais... j'aimerais, M. le Président, vous dire encore une fois...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous demande votre calme et aussi d'éviter de s'imputer des motifs. On peut poser et répondre à des questions sans s'imputer de motifs en cette Chambre. M. le ministre.

M. Arcand: Merci, M. le Président. Alors, ce que je disais, entre autres choses, c'est que nous sommes en mode action avec les maires, avec les gens qui sont préoccupés par cette situation-là. Il y a un comité fédéral des ressources naturelles, et c'est l'intention du Québec d'y être. Et, encore une fois...

Le Président: En terminant.

M. Arcand: ...j'espère que, pour mettre un peu de pression sur le fédéral, vous allez appuyer notre motion.

Le Président: En deuxième complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Le ministre dit: On travaille. Ça fait justement six mois qu'il dort au gaz, M. le Président. Rien n'a été fait. Le ministre, ce qu'il est en train de nous dire depuis trois jours, c'est que le territoire du Québec n'appartient plus aux Québécois, que le fédéral peut, avec ses prérogatives, imposer des déchets nucléaires sur notre territoire.

Est-ce que le ministre n'est-il pas en train de nous dire que finalement la seule solution qui s'impose pour empêcher le fédéral d'agir, c'est justement de demander au Québec de se prononcer sur sa souveraineté? C'est que, tant que le Québec ne sera pas souverain, il ne pourra pas empêcher le fédéral...

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: Je pense, M. le Président, qu'il est clair, les masques sont maintenant tombés, et ils voient, ils voient, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, vous avez la parole.

M. Arcand: Merci, M. le Président. Encore une fois, je tiens à répéter les actions que nous avons prises. Il est évident que nous allons continuer à travailler dans le sens des intérêts du Québec. Et vous pouvez être assuré que mon collègue aux affaires canadiennes et également moi-même, nous sommes à pied d'oeuvre sur ces questions.

M. le Président, on n'est pas là en train de faire un débat constitutionnel. Je sais que le Parti québécois aimerait utiliser cet... cet événement pour faire une crise, encore une fois, et se radicaliser...

Le Président: En terminant.

M. Arcand: ...et parler de souveraineté, M. le Président. Nous, on est en mode solution...

Le Président: En question principale, M. le député de L'Assomption.

Liste des produits utilisés pour
la fracturation du schiste

M. Scott McKay

M. McKay: M. le Président, la ministre des Ressources naturelles s'est engagée ici le 7 décembre dernier à déposer la liste des produits chimiques utilisés par l'industrie gazière pour fracturer le schiste. Mais, le 25 janvier, volte-face de la ministre qui refuse maintenant de les rendre publics. Le BAPE travaille actuellement sans ces informations pourtant essentielles, et même la Santé publique n'a pu les obtenir pour produire son rapport.

Dois-je encore rappeler que l'article 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement prévoit que tout citoyen a le droit de savoir quels contaminants sont émis dans son environnement et qui peuvent menacer sa santé? La ministre doit respecter la loi et déposer la liste de ces produits dès aujourd'hui. Qu'est-ce qui l'empêche de rendre publiques ces informations? Est-ce que ça va prendre encore une motion de l'Assemblée pour obtenir cette information?

Le Président: Mme la ministre des Ressources naturelles.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, la question de notre collègue me permet de réitérer ce que nous avons dit à maintes reprises sur la place publique concernant l'enjeu de la filière gazière au Québec.

Tout d'abord, M. le Président, rien ne sera fait dans la précipitation.

Des voix: ...

Mme Normandeau: J'insiste, M. le Président, j'insiste. Nous entendons très, très bien l'appel des citoyens qui sont inquiets, qui sont préoccupés. Et c'est précisément pour cette raison, M. le Président, que le Bureau d'audiences publiques en environnement a reçu un mandat extrêmement important qui nous permettra, M. le Président, si telle est la volonté de notre société, de mettre de l'avant une filière certainement prometteuse mais qui ne se fera pas à n'importe quel prix.

M. le Président, nous avons pris des engagements clairs. Nous allons construire sur le principe de l'acceptabilité sociale, s'assurer que toutes les questions, toutes les préoccupations des citoyens seront répondues. Nous avons pris l'engagement de moderniser la Loi sur les mines. Nous avons pris l'engagement de déposer une nouvelle loi, M. le Président. Les règlements également seront modernisés. Tout sera fait dans les règles de l'art.

Le Président: En première complémentaire, M. le député de L'Assomption.

M. Scott McKay

M. McKay: M. le Président, au mois de décembre, la ministre nous disait ici... elle répondait à ma question en disant qu'elle allait déposer toute l'information, que ça lui ferait plaisir. Ça, c'était son engagement. Ensuite, elle répond à ma lettre que... enfin, elle nous réfère à la Commission d'accès à l'information. Alors, c'est une volte-face de la ministre. Qu'elle respecte ses engagements et qu'elle dépose donc cette liste de contaminants dès aujourd'hui.

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, sur cette question-là, j'aimerais revenir, premièrement, sur le rapport du BAPE qui s'en vient, les activités du Bureau d'audiences publiques de l'environnement et sur les nombreux mémoires, M. le Président, qui ont été déposés. Et j'invite le député de L'Assomption à examiner, entre autres, le rapport de l'Institut national de la santé publique, qui a été déposé au BAPE et qui contient de façon très explicite toute la liste des contaminants qui sont utilisés...

**(10 h 40)**

Des voix: ...

Le Président: À une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: M. le Président, c'est la première question de règlement que nous faisons. La question, elle est très simple, et j'imagine que vous l'avez écoutée autant que moi. Ça porte sur l'engagement qu'avait fait la ministre de livrer les ingrédients qui sont injectés dans le sol. Elle s'est engagée devant vous. Alors, ça fait maintenant 1 min 40 s que j'entends des réponses alambiquées. Nous souhaitons un début de réponse à notre question: Quand... Pourquoi n'avez-vous pas respecté votre parole? Où est la liste de ce qui est injecté dans le sol, M. le Président?

Le Président: À la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Fournier: Vous étiez assis au moment où le ministre de l'Environnement était justement en train de parler de mémoires, était en train de parler de la liste des contaminants, était en train de répondre à la question qui était posée. Effectivement, depuis deux jours, il n'y avait pas de question de règlement. Je souhaiterais qu'on puisse permettre au ministre de répondre. Et il répondait à la question. Alors, il parlait des sujets mentionnés dans la question. On ne peut pas franchement faire plus que ça, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: Très bien. La question de règlement était à propos. Cependant, je veux vous indiquer qu'elle ne doit pas servir à reformuler la question. Et je demanderais à M. le ministre d'en venir à la question.

M. Arcand: Alors, M. le Président, encore une fois j'invite le député de L'Assomption à regarder en détail. Vous avez plusieurs pages qui expliquent toute la liste des contaminants qui sont utilisés dans le travail de fracturation...

Le Président: En terminant.

M. Arcand: ...au niveau du gaz de schiste, M. le Président.

Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de L'Assomption.

M. Scott McKay

M. McKay: ...ministre des Ressources naturelles s'était engagée, le 7 décembre dernier... elle nous a dit... elle disait: M. le Président, ça nous fera plaisir de déposer ces rapports. L'institut de santé publique a une liste de certains produits, mais sans... mais ils mentionnent dans le rapport que, sans les concentrations, ils ne peuvent établir le risque. Donc, c'est ce dont nous avons besoin, la liste des contaminants, avec les concentrations, pour chacun des forages, chacune des opérations de fracturation hydraulique qui ont...

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, j'aimerais rappeler au député de L'Assomption que, depuis le 4 octobre dernier, on parle d'environ 31 puits, actuellement, qui sont inspectés de façon constante par les gens du ministère de l'Environnement et du ministère... les inspecteurs du ministère des Ressources naturelles. Depuis, donc, le 4 octobre, c'est fait. Il n'est pas de notre intention de cacher des choses, M. le Président, nous voulons être absolument très clairs là-dessus. Et je tiens à vous dire que, moi, en tant que ministre de l'Environnement...

Le Président: En terminant.

M. Arcand: ...je n'ai aucun problème à dévoiler tout ce que nos inspecteurs ont trouvé, M. le Président.

Le Président: Alors, en question principale, Mme la députée de Rosemont.

Débat sur le projet de loi n° 391 visant
à affirmer les valeurs fondamentales
de la nation québécoise

Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin (Rosemont): Hier, M. le Président, volte-face des députés libéraux, qui ont dit non au port du kirpan à l'Assemblée nationale. Il était temps. Il faut désormais aller plus loin et affirmer clairement la séparation entre l'État et la religion.

Depuis novembre 2009, l'Assemblée nationale est saisie d'un projet de loi novateur présenté par la chef de l'opposition officielle, le projet de loi n° 391, qui propose justement d'amender la charte québécoise des droits et libertés de la personne en y affirmant le fait que la séparation entre l'État et la religion est une valeur fondamentale du Québec. Cette proposition inclut également l'affirmation de l'égalité entre les hommes et les femmes et la primauté du français.

Qu'attend le leader du gouvernement pour débattre du projet de loi n° 391, qui répond nettement mieux à cet égard aux attentes des Québécois que le projet de loi n° 94?

Le Président: Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil: Oui. M. le Président, on se rappellera, lorsqu'on a déposé le projet de loi n° 94, un sondage qui a indiqué que 95 % des Québécois et, je tiens à le souligner, 80 % des Canadiens étaient d'accord avec ce projet de loi. Parce que les gens ont le gros bon sens, ils ont vu là un signal intelligent et intéressant d'une société qui sait s'affirmer, qui sait qui elle est et qui donne les signaux d'intégration. Et c'est une intégration, et je l'ai dit hier, une intégration en respectant les valeurs de la société québécoise, une société qui respecte ses traditions, son histoire et sa charte de droits et libertés, une société qui respecte qu'on ait une forme de laïcité qui se dit ouverte, c'est-à-dire qu'on accepte des signes religieux dans l'espace gouvernemental.

Alors, la réponse du gouvernement, c'est le projet de loi n° 94. On a eu des débats, des discussions, lors de la commission parlementaire, des points de vue qui ont été exprimés, mais, depuis le mois de mars et bien avant, j'ai eu des centaines de discussions avec les citoyens et les citoyennes du Québec. Et nous l'avons affirmé à maintes reprises et nous avons intégré...

Le Président: En terminant.

Mme Weil: ...dans ce projet de loi que, l'égalité hommes-femmes, il n'y aura pas de...

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Rosemont.

Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin (Rosemont): Il y avait 75 % des mémoires qui se prononçaient contre ce projet de loi. Mais, hier, la ministre de l'Immigration a déclaré que l'on effacerait notre histoire au nom d'une supposée neutralité. Or, c'est justement au nom de notre histoire, dans la lignée de la déconfessionnalisation de notre système scolaire et de l'évolution d'une nation québécoise pluraliste et inclusive, qu'il faut affirmer la séparation de l'État et de la religion.

La ministre est-elle consciente que par sa déclaration elle accrédite le fait que l'État n'est pas neutre par rapport...

Le Président: Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil: La jurisprudence et l'interprétation des chartes de droits et libertés, de la charte québécoise des droits et libertés, c'est bien évident qu'on a... on vit dans une société où l'Église et l'État sont bien séparés. Tout le monde le sait, tous les juristes l'ont dit, le Barreau est venu le dire, la Commission des droits de la personne. Il n'y a personne qui ne comprend pas ça.

Mais une société, une société avec les valeurs de liberté, de démocratie, et je l'ai dit hier, ce n'est pas une société qui va aseptiser ses espaces, ni publics ni gouvernemental. Le fait de porter une croix ne vient pas enfreindre la neutralité religieuse de l'État. Moi, ce qui m'a étonnée avec le libellé de la motion, c'est à quel point il y a une incompréhension de ce que ça veut dire, la neutralité religieuse de l'État.

Le Président: En deuxième complémentaire, Mme la députée de Rosemont.

Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin (Rosemont): M. le Président, l'État n'est pas neutre aussi longtemps qu'on ne l'a pas déclaré neutre.

Pourquoi refuser de débattre des valeurs québécoises, dont la neutralité de l'État? Nous voulons en débattre, Mme la ministre.

Des voix: ...

Le Président: Alors, pour les gens qui nous écoutent et qui se demandent pourquoi le président est debout, c'est que j'attends qu'on puisse donner la parole au premier ministre dans le silence. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. La question est importante, et je veux réitérer que le gouvernement a pris des positions très claires sur la question de la neutralité de l'État, tout en respectant le fait que nous avons une histoire.

Cela étant dit, M. le Président, je veux rappeler aux Québécois à travers vous que le Parti québécois et son chef ont annoncé qu'ils voulaient, à la première occasion, faire un référendum sur la souveraineté du Québec. Aujourd'hui, le leader, en Chambre, nous a dit que, les questions sur le transport de matières radioactives, la solution, quant à eux, c'était l'indépendance du Québec. Et la députée de Rosemont a donné une entrevue au mois juillet 2009 où elle affirme ceci, elle dit...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Rousseau. M. le député de Rousseau. Alors, M. le premier ministre, il ne vous restera que quatre secondes pour conclure.

M. Charest: ...affirme qu'elle enlèverait les droits de vote à un certain nombre de citoyens du Québec. Est-ce qu'elle affirme la même chose aujourd'hui, M. le Président?

**(10 h 50)**

Le Président: En question principale...

Des voix: ...

Le Président: En question principale, M. le député de La Peltrie.

Grève des procureurs et juristes de l'État

M. Éric Caire

M. Caire: Merci, M. le Président. Depuis bientôt une semaine, 1 500 procureurs et juristes du gouvernement sont en grève. Les conséquences pour l'appareil judiciaire, on en a parlé, sont extrêmement graves, mais il faut aussi convenir, M. le Président, que les conséquences pour le pouvoir législatif sont tout aussi graves: nous avons besoin de nos juristes pour rédiger nos projets de loi, en assurer la concordance et la cohésion.

Donc, M. le Président, dans l'État de droit qu'est le Québec, le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif se retrouvent dans une situation où ils sont mutuellement pratiquement paralysés; c'est une situation aux conséquences extrêmement graves pour l'État, extrêmement graves pour les citoyens.

Ma question au gouvernement est: Quel est son échéancier pour régler cette situation définitivement?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, M. le Président. Je remercie le député de sa question. D'ailleurs, des questions allant dans le même sens ont été déjà posées par la députée de Joliette et le député de Chambly dans les deux journées précédentes, sur les complications, la période de paralysie. Le mot est peut-être un peu fort, mais néanmoins il y a des complications qui existent, évidemment, avec la période que nous traversons présentement.

Ceci étant, et il en a été question un peu plus tôt durant la période de questions, tout est mis en oeuvre. Et, du côté du gouvernement, nous souhaitons que les procureurs, les juristes de l'État puissent voir, prendre connaissance de ce qui est sur la table, qui sont des propositions qui, à notre sens, sont très bien fondées et devraient, lorsqu'on les regarde au mérite, lorsqu'on s'intéresse à la capacité de payer de l'État ou aux ententes qui ont déjà été faites avec d'autres employés qui travaillent pour l'État, qui devraient, croyons-nous, recevoir leur assentiment.

On souhaite qu'ils soient à la table; ils y seront d'ailleurs, les conciliateurs ont organisé la chose. Alors, on souhaite, le plus tôt possible, qu'il y ait une entente là-dessus. Mais, le député a raison, nous avons besoin de nos juristes, nous avons besoin de nos procureurs...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...et nous souhaitons qu'il y ait une entente, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire: Oui, M. le Président. Je ne partage pas l'opinion du ministre quant au fait que le mot «paralysie» est trop grave. Quand on regarde ce qui se passe devant nos tribunaux, quand on sait qu'ici, à l'Assemblée nationale, les services juridiques sont gravement hypothéqués, quand on sait que c'est la même chose du côté du gouvernement, avec un budget qui s'en vient, la nécessité du législateur à légiférer, des tribunaux à rendre des jugements, je ne pense pas que le mot soit trop grave.

Ceci étant dit, ma question n'est pas qu'est-ce que le gouvernement souhaite: Qu'est-ce que le gouvernement va faire, et quand va-t-il régler la situation?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Je peux assurer le député que tous les efforts sont mis pour que nous puissions arriver à une entente négociée le plus rapidement possible. Les juristes, qui font un travail effectivement très important dans nos organisations, et qui non seulement font un travail important, mais, depuis des décennies, se sont fait remarquer par la qualité de ce travail-là... Et nous sommes tout à fait conscients que les conditions de travail doivent être regardées au mérite de cet effort qu'ils nous fournissent, à nous tous comme parlementaires. Et, dans ce sens-là, je veux vous assurer que dès maintenant, et nous sommes toujours prêts à cette négociation, les procureurs se retrouveront...

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: ...à la même table avec nous demain, et nous souhaitons vivement que les juristes...

Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire: Oui, M. le Président. Pour avoir moi-même travaillé avec les juristes de l'Assemblée nationale, la présidente du Conseil du trésor n'a pas à me vanter leurs mérites, je les connais, tout le monde ici les connaît.

La question que tout le monde se pose, cette situation-là, et même le bâtonnier du Québec aujourd'hui le disait, si elle perdure, devient de plus en plus hypothécante, voire dangereuse pour la société québécoise. Donc, je veux connaître quel est le seuil de tolérance du gouvernement. Les négociations ne semblent pas avoir fonctionné jusqu'à date. Tant mieux si une solution négociée est trouvée, mais quel est l'échéancier pour régler le problème?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, nous souhaitons régler cette situation-là et en venir à une entente négociée évidemment le plus rapidement possible, évidemment le plus rapidement possible, et c'est dans cette Chambre que j'affirme que nous allons... et que nous déployons et que nous allons continuer de déployer tous les efforts requis pour y arriver. Il y a ce processus de négociation qui est en cours et, pour que nous puissions y arriver, il faut que nous soyons à la même table. Et c'est ce que nous souhaitons et nous demandons aux juristes, de revenir à la table et que nous amorcions et continuions nos pourparlers dans un esprit constructif, mais avec véritablement une entente possible, comme nous l'avons fait pour les 475 000 autres employés de l'État.

Le Président: En question principale, M. le député de Berthier.

Récupération de surplus budgétaires
de conférences régionales des élus

M. André Villeneuve

M. Villeneuve: Merci, M. le Président. À quelques jours de Noël, le gouvernement a offert aux régions un cadeau empoisonné: des coupures sans préavis de plus de 25 millions dans les fonds de développement régional. On reconnaît bien là la marque de commerce de ce gouvernement, à savoir l'improvisation et l'arbitraire. La ministre responsable de la Mauricie s'est d'ailleurs prononcée pour une analyse de la situation, et par le fait même elle vient corroborer ce que je disais: amateurisme et improvisation du ministre.

Est-ce que le ministre des Régions compte écouter sa collègue, corriger son erreur et annuler ces coupures aveugles?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et des régions.

M. Laurent Lessard

M. Lessard: Oui, M. le Président. Donc... On apporte donc, comme tout le monde sait, un soutien aux conférences régionales des élus, à hauteur de 60 millions par année. Dans l'effort du gouvernement de réduire donc des sommes sans couper des services à la population, le choix qui a été fait donc, c'est de s'approprier donc 25 millions de dollars en surplus non engagés par chacune des conférences régionales des élus. Chaque conférence régionale des élus se... on s'est assurés que le soutien, les services à la population... qu'il n'y a pas d'emplois de coupés, qu'il y ait le budget de fonctionnement, avec une garantie du retour aux 60 millions en fin d'année.

Pour les conférences régionales des élus dont les sommes étaient excédentaires des autres contributions, on va faire un cheminement particulier, conférence régionale des élus par conférence régionale des élus. Il y en a quatre, ils savent tous les montants... ils savent tous les montants que les autres ont été obligés de réduire. On l'a fait dans la transparence, puis on les accompagne région par région.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Berthier.

M. André Villeneuve

M. Villeneuve: M. le Président, le ministre confirme donc les coupures. Quoi de plus facile que de couper dans les régions? Est-ce que le ministre est conscient que les coupures ont des impacts directs au coeur même des régions du Québec, sur le plan social, économique, culturel et environnemental? Le ministre peut-il s'engager à corriger le tir rapidement, M. le Président?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et des Régions.

M. Laurent Lessard

M. Lessard: Dans le temps du Parti québécois, ils mettaient 31 millions pour les conférences régionales des élus, qui s'appelaient les CRCD. On en met 60. La population nous demande de faire des choix. C'est une belle illustration: couper des affaires qui ne coupent rien à la population, direct, en services, en santé, en éducation. On enlève 25 millions de dollars non engagés dans les surplus, ils se lèvent puis ils chialent. Je ne comprends plus rien!

Le Président: En deuxième complémentaire... En question principale, M. le député de Blainville.

Refus du maire de Laval de se
retirer de ses fonctions durant
l'enquête policière le concernant

M. Daniel Ratthé

M. Ratthé: M. le Président, depuis des mois les dénonciations, les scandales s'accumulent dans le monde municipal. Dernièrement, on a appris que le directeur adjoint de Saint-Jérôme a fait effectuer des travaux sur sa résidence par le même entrepreneur qui a rénové la maison du maire. Or, cette entreprise a obtenu des millions de dollars en contrats. À Mascouche, des amis du maire, après avoir profité d'informations privilégiées, auraient fait un profit de 13 millions de dollars en achetant et revendant des terrains financés par la ville. Et, à la lumière de cette révélation, le ministre a dit finalement que le maire devrait réfléchir à son avenir.

Alors qu'à Laval le maire Vaillancourt, sur qui pèsent des allégations au moins aussi importantes, lui demeure en poste. Malgré que la ministre responsable de Laval lui ait aussi demandé de réfléchir, rien n'a changé, la ville continue de donner des contrats à deux compagnies de M. Accurso, reconnu coupable pour fraude fiscale.

Alors, pourquoi est-ce que le ministre ne réagit-il pas pour Laval? Pourquoi attend-il qu'une montagne d'affaires louches s'accumulent avant d'agir?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

Des voix: ...

**(11 heures)**

Le Président: M. le ministre, vous avez la parole.

M. Laurent Lessard

M. Lessard: Dans les derniers mois, donc, on a engagé des inspecteurs, des vérificateurs pour aller dans les municipalités faire des vérifications d'allégations par dénonciation ou de notre propre chef. C'est ce qu'on a fait dans les municipalités qui ont été citées. On a dit donc... on est allés recueillir les faits, donc vérifier les faits... de façon factuelle, vérifier chacun des contrats, des appels d'offres, etc. Ça, les faits, c'est bête, les faits, ça parle. C'est ce qu'on veut avoir. Parce qu'on l'a dit, les gens, on les veut... Donc, s'il y en a qui ont des choses à se reprocher, on ne les veut pas donc à la télévision mais en prison, si c'est le cas.

Mais curieusement je pensais qu'il y avait un vent de sagesse qui avait soufflé sur le Parti québécois récemment dans l'affaire du député de Groulx, hein, où est-ce que révélait récemment donc la chef de l'opposition, la chef de l'opposition...

Des voix: ...

Le Président: Un instant. S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Quelle est votre question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle?

M. Bédard: Si par hasard ce député qui répond à la question actuellement veut attaquer la conduite de mon collègue René, tout ce qu'il a à faire, c'est déposer une motion dans ce sens et d'en débattre, comme... M. le Président, comme le prévoit le règlement. En attendant, M. le Président, qu'il s'informe au député de Vimont de ce qui s'est passé à Laval, puis après ça il s'en prendra aux autres collègues ici...

Le Président: Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Fournier: ...soyons clairs, ce que mon collègue fait ici, c'est de rappeler les propos de la chef de l'opposition à l'égard de cette affaire lorsqu'elle disait qu'il fallait trouver de la preuve. Le seul dans cette Chambre qui a parlé de ce député, assez bassement, doit-on le dire, c'est la personne qui est directement en face de moi, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, vous en êtes sur une question de règlement? Laquelle?

M. Bédard: M. le Président, pour répondre au leader et à tout le monde en cette Chambre, oui, nous avons parlé de ce que vivait notre collègue parce que, pour nous, la santé mentale, ce n'est pas honteux. M. le Président, je termine...

Des voix: ...

Le Président: Attention, attention, attention! Un instant! Très bien. Alors, je vous demande d'aller à votre question de règlement... de règlement. Allez.

M. Bédard: Je ne défends rien de moins qu'un de mes collègues. M. le Président, pour nous, la santé mentale n'a rien de honteux. On peut être malade et pouvoir continuer à exercer nos fonctions. Je pense, M. le Président, qu'on aurait intérêt ici, comme pour les cas de gens qui sont victimes de d'autres maladies, du cancer... La dépression, M. le Président, les gens qui la subissent ont besoin de sortir de l'ombre. Et, lorsqu'on tente d'utiliser cette maladie...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Merci.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: Alors, j'ai plusieurs demandes d'intervention sur la question de règlement du leader de l'opposition officielle. M. le leader, j'ai compris que vous aviez terminé votre intervention.

Une voix: ...

Le Président: Immédiatement, et M. le député de La Peltrie par la suite. Très rapidement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: M. le Président, les motifs qu'on m'a imputés sont indignes de ce Parlement. Le seul qui a parlé à René Gauvreau, c'est moi. Encore ce matin, il m'a parlé, et je tiens à l'assurer pour lui dire qu'il m'a remercié de ce qu'on a fait. Et ce qu'on va souhaiter, c'est que l'épreuve qu'il vit va nous servir, va servir à tous les Québécois et...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je vous inviterais à terminer très, très rapidement sur le sujet. Très rapidement, très rapidement.

M. Bédard: J'invite, j'invite, comme nous avons fait à une certaine époque, de montrer de l'empathie et du soutien à notre collègue.

Le Président: À la question de règlement, tout en vous rappelant que nous sommes sur des sujets... un sujet qui est très... qui est très fragile, quand on parle de collègues en cette Assemblée. M. le député de La Peltrie.

M. Caire: M. le Président, au-delà de la sympathie qu'on peut avoir pour la cause dont il est question ici, il est clair que le leader de l'opposition officielle ne soulève pas une question de règlement. C'est une habitude chronique chez lui de se servir de pseudo-questions de règlement...

Des voix: ...

M. Caire: M. le Président, c'est une habitude chronique de se servir de pseudo-questions de règlement pour passer ses messages, et malheureusement ça ampute la qualité de nos travaux...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Très rapidement, M. le leader du gouvernement.

M. Fournier: Mon collègue et ceux de ce côté-ci n'ont jamais parlé du député de Groulx. Nous avons parlé de la chef de l'opposition, de la whip et de ce qu'ils ont fait de ce dossier. Le député de Groulx, c'est chez eux qu'ils en ont parlé, c'est le leader de l'opposition qui en a parlé. Je lui laisse ses propos. Pour ce qui est de nous, nous retenons que la chef de l'opposition a dit que ça prend de la preuve pour soutenir des allégations et que, pour le reste, de ce qu'ils en ont fait, de ce dossier-là, on le saura probablement plus tard.

Le Président: M. le ministre, en terminant, à la question qui a été posée, rapidement.

M. Lessard: Alors, la chef du Parti québécois disait donc dans cette affaire: «...on ne peut pas mettre quelqu'un au pilori et l'accuser sans avoir un certain nombre de preuves.» Repris par la whip de l'opposition: «Avant d'accuser, il faut des preuves, [ça prend] un certain temps. Ce n'est pas parce que...» Bon, etc. Alors donc, pourquoi ces deux... Vous avez oublié de vous parler? Vous avez oublié de... Non? Alors, peut-être à un prochain meeting, on pourrait éclaircir ça. C'est la façon dont on travaille, de façon...

Le Président: En terminant.

M. Lessard: ...prudente mais constante.

Le Président: Alors, ceci met fin à cette période de questions et de réponses orales des députés.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, s'il vous plaît, là, on voudrait poursuivre les travaux dans un climat...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je suspends les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 10)

Motions sans préavis

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, nous en sommes, dans nos travaux, à la rubrique Motions sans préavis. Et je suis prêt à entendre la motion que les membres de cette Assemblée veulent bien soumettre. Alors, je reconnais M. le ministre de l'Environnement et du Développement durable pour soumettre sa motion sans préavis. À vous la parole, M. le ministre.

M. Arcand: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante, conjointement avec le député de Beauce-Nord, le député de Mercier et le député des Chutes-de-la-Chaudière. Et la motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement fédéral de donner suite aux demandes du Québec et réviser la décision rendue publique le 4 février 2011, relativement au permis et au certificat de transport octroyé à Bruce Power inc. en vue du transport de 16 générateurs de vapeur déclassés à destination de la Suède, étant donné les préoccupations suscitées par le transport sur le fleuve Saint-Laurent de ce matériel contaminé aux produits radioactifs.»

Le Vice-Président (M. Gendron): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader de l'opposition.

M. Bédard: ...il a été fort difficile de s'entretenir sur cette motion. J'invite le ministre à relire sa motion. Elle pose un problème important. C'est qu'elle reconnaît une juridiction au gouvernement fédéral et fait en sorte que le Québec n'aurait... perdrait sa juridiction en matière d'environnement et en matière de protection de l'eau. J'invite le ministre à suspendre sa motion à ce moment-ci. Nous en discuterons de façon à arriver à un résultat qui est plus conforme au moins, au moins à...

Le Vice-Président (M. Gendron): Donc, il n'y a pas consentement.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant! Il n'y a pas consentement. Un instant!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, ce ne sera pas long.

M. Gautrin: ...que nous la représentions mardi prochain, ce serait peut-être plus facile, et un peu plus de temps d'arriver à avoir un consensus. Je pense qu'il est important, sur ces questions, d'avoir une position consensuelle. Et il n'y a pas d'objection de notre part. On avait quand même pensé de vous l'envoyer avant. S'il y a des difficultés, on est prêts à discuter évidemment sur cette question.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, il n'y a pas de consentement. Alors, nous en sommes toujours à la rubrique Motions sans préavis. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis qui sont présentées en cette Chambre?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, mais il y a d'autres que la vôtre. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gautrin: ...rendu à la session de lecture. Je fais motion, conformément à l'article 146 du règlement de l'Assemblée nationale, afin que la Commission des institutions, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 119, Loi concernant le processus électoral, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques le 17 février 2011, et qu'à cette fin elle entende les organismes suivants et dans l'ordre ci-indiqué... ci-après indiqué...

Le Vice-Président (M. Gendron): M. le leader adjoint, un instant. C'est parce que ça serait préférable, vous deviez le savoir, là... La whip de votre formation politique aujourd'hui devait présenter un autre type de motion. Ça serait préférable, compte tenu que ça serait la deuxième par votre formation politique...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, mais je pensais que vous la reprendriez pour dire ce que je viens de dire, c'est-à-dire de procéder à la première motion, à savoir que c'est votre whip qui a une motion à présenter aujourd'hui. Et, avant de le faire, comme c'est la deuxième de votre groupe parlementaire, il faut que je sollicite: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette deuxième motion par la même formation politique? La réponse universelle est toujours oui. Il n'y a pas d'objection. Il y a consentement. Mme la whip, si vous voulez présenter votre motion.

Modifier la composition de la
Commission spéciale sur la question
de mourir dans la dignité

Mme Charlebois: Alors, merci, M. le Président. Conformément à l'article 129 du règlement, je fais motion afin:

«Que la députée de Jeanne-Mance--Viger soit nommée membre [permanente] de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, en remplacement du député de Jacques-Cartier; et

«Que ce changement prenne effet immédiatement.»

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Gendron): Adopté. Veuillez poursuivre.

Mme Charlebois: Alors, merci, M. le Président. Je demande à nouveau le consentement de l'Assemblée pour déroger aux articles 134, 136 et 140 du règlement de l'Assemblée, afin de présenter la motion suivante...

Le Vice-Président (M. Gendron): Est-ce que... Y a-t-il consentement pour déroger? Il y a consentement. Alors, veuillez poursuivre.

Nommer la députée de Hull,
Mme Maryse Gaudreault, présidente
de la Commission spéciale sur la
question de mourir dans la dignité

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Alors:

«Que la députée de Hull soit élue présidente de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, en remplacement du député de Jacques-Cartier; et

«Que ce changement prenne effet immédiatement.»

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron): Est-ce que cette motion est adoptée? La motion est adoptée.

Alors, nous en sommes toujours aux motions sans préavis, et je retourne à M. le leader adjoint du gouvernement pour la présentation de sa motion.

Procéder à des consultations
particulières sur le projet de loi n° 119

M. Gautrin: Alors, je recommence au début, si vous me permettez, M. le Président, pour que tout soit cohérent et compréhensible.

Je fais motion conformément à l'article 146 du règlement de l'Assemblée nationale afin:

«Que la Commission des institutions, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 119, Loi concernant le processus électoral, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques le 17 février 2011 et qu'à cette fin elle entende les organismes suivants dans l'ordre [ci-indiqué];

«Que dès la fin des affaires courantes, et ce pour une durée de 15 minutes, la commission procède aux remarques préliminaires partagée également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés de l'opposition;

«Qu'au terme de ces remarques, la commission entende le Directeur général des élections du Québec et que la durée maximale de son exposé soit de 30 minutes et que l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 90 minutes partagées également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés de l'opposition;

«Que dès 15 heures, la commission entende les organismes suivants: la Fédération québécoise des municipalités et l'Union des municipalités du Québec;

«Que la durée maximale de l'exposé de chacun de ces organismes soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 45 minutes partagées également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés de l'opposition;

«Qu'une période de 15 minutes soit prévue pour les remarques finales partagée également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés de l'opposition; et enfin

«Que le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques et de l'Accès à l'information soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.» Tenez, chère mademoiselle.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Gendron): La motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Gendron): Adopté. Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

Pour ma part, je vous avise que la Commission de l'Assemblée nationale se réunira aujourd'hui, après les affaires courantes, à la salle des Premiers-Ministres de l'édifice Pamphile-Le May, afin de procéder à la formation des commissions parlementaires;

Je vous avise également que la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité poursuivra les auditions publiques dans le cadre de sa consultation générale aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 15, à la salle du Conseil législatif;

Cette même commission se réunira en séance de travail lundi le 14 février 2011, de 10 heures à midi, afin de procéder à la visite de la Maison des soins palliatifs de la Rivière-du-Nord. Elle poursuivra ensuite les auditions publiques dans le cadre de sa consultation générale sur la question de mourir dans la dignité à la salle Métropolitaine de l'hôtel Best Western de Saint-Jérôme, le lundi 14 février 2011, de 14 heures à 19 heures, ainsi que le mardi 15 février 2011, de 9 h 30 à midi et de 13 h 30 à 18 h 30.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux, tel que je viens de le spécifier? Il y a consentement.

Nous en sommes maintenant à la rubrique Renseignements sur les travaux. Est-ce qu'il y a des questions de renseignements sur les travaux? Il n'y en a pas?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, ça ne sera...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui. Donner un avis sur les travaux des commissions?

M. Gautrin: Oui. Alors, j'avise cette Assemblée que la Commission de la culture et de l'éducation poursuivra la consultation générale à l'égard du projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel, aujourd'hui, immédiatement après les élections des présidents et des vice-présidents des commissions parlementaires permanentes, et ce, pour une durée de 1 h 30 min et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, ainsi que mardi le 15 février 2011, de 10 heures à midi, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

Que la Commission des transports et de l'environnement entreprendra des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin d'en renforcer le respect, mardi le 15 février, de 10 heures à 12 h 15, à la salle du Conseil législatif. Et je vous donne une copie de cet avis.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, pour ma part, moi, je vous avise que l'interpellation prévue pour le vendredi 18 février 2011 portera sur le sujet suivant: Le projet de loi n° 490, Loi sur l'utilisation accrue du bois dans la construction. M. le député de Roberval, à ce moment-là, s'adressera à Mme la ministre des Ressources naturelles et de la Faune.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, on va maintenant passer aux affaires du jour. Et je cède à nouveau la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour qu'il nous indique nos travaux.

**(11 h 20)**

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 21 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 117

Prise en considération du
rapport de la commission
qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Gendron): À l'article 21 du feuilleton d'aujourd'hui, l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission des finances publiques sur le projet de loi n° 117, Loi donnant suite au discours sur le budget du 30 mars 2010 et à certains autres énoncés budgétaires.

Je suis prêt à entendre les premières interventions s'il y en a. Je reconnais maintenant M. le ministre des Finances pour son intervention sur le projet de loi n° 107. À vous, M. le ministre des Finances.

M. Raymond Bachand

M. Bachand (Outremont): Merci, M. le Président. Je soumets donc à cette Assemblée pour sa prise en considération le rapport de la Commission des finances publiques suite à l'étude détaillée du projet de loi n° 117, qui est une loi qui donne suite au discours du budget du 30 mars dernier, 2010, et à plusieurs autres énoncés budgétaires, projet de loi qui a été présenté en novembre, adopté en principe le 25 novembre, et nous en avons fait l'étude détaillée tout à l'heure.

C'est un projet de loi qui modifie... Toutes les lois, évidemment, mettant en oeuvre le budget et touchant la fiscalité sont complexes, M. le Président. Ce projet de loi modifie huit lois, dont la Loi des impôts et la Loi sur la taxe de vente du Québec, le Règlement d'aide aux personnes et aux familles, pour donner suite à plusieurs mesures du budget. C'est le deuxième projet de loi qui donne suite à des mesures du budget. J'en soulignerai quelques-unes, M. le Président, qui sont plus d'importance majeure parce qu'elles touchent tous les citoyens du Québec.

Premièrement, la mise en place du crédit d'impôt pour la solidarité, qui verra 500 millions de dollars additionnels en 2013-2014, versés pour aider les familles les moins fortunées du Québec et les compenser sur la taxe de vente, la taxe sur l'essence aussi, et donc d'aider vraiment ces gens-là dans l'effort de solidarité que nous faisons au niveau du gouvernement du Québec.

Deuxièmement, il y a la bonification du crédit d'impôt pour maintien à domicile d'une personne âgée. Nous avons simplifié plusieurs règles, entre autres sur l'entretien et sur le nombre d'heures des infirmières, pour le bénéfice des personnes âgées, M. le Président.

La fréquence accrue des versements anticipés du crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants et du crédit d'impôt sur la prime au travail, crédits qui sont maintenant mensuels au lieu d'être trimestriels, autre demande importante de tous les organismes sociaux, d'ailleurs, et des gens qui touchent ces crédits, qu'ils les aient sur une base mensuelle, c'est d'ailleurs en place depuis le 1er janvier.

Des ajustements aux crédits d'impôt dans le domaine de la culture, particulièrement pour soutenir le cinéma, M. le Président.

Le remplacement du régime des centres financiers internationaux par un crédit d'impôt remboursable, ce qui était demandé, après analyse, pour relancer et redynamiser ce régime de centres financiers internationaux.

La hausse temporaire des taux de la taxe compensatoire des institutions financières. M. le Président, il s'agit de l'effort qu'on demande aux banques essentiellement et aux institutions financières de contribuer au retour à l'équilibre budgétaire. Et c'est une surtaxe pour la période de quatre ans. Les institutions financières vont contribuer pour le retour à l'équilibre budgétaire.

Le projet de loi modifie également, M. le Président, la Loi sur la taxe de vente du Québec pour y introduire des mesures propres au Québec. Entre autres, nous avons bonifié le remboursement de la TVQ à l'égard d'une habitation résidentielle neuve. Nous avons touché des mesures pour la détaxation à l'aéroport de Gatineau. Nous avons modifié la structure de taxation du pari mutuel. On sait que l'État est sorti du domaine des courses, a arrêté de perdre des fonds considérables là-dedans et donc on a ajusté la structure du pari mutuel pour qu'il ressemble un peu plus à ce qui existe dans les autres provinces.

Nous avons aussi de nombreuses mesures qui sont des mesures d'harmonisation avec le gouvernement fédéral en matière de taxes et de fiscalité. Bien sûr, il y a aussi des mesures du revenu du budget, entre autres cette hausse graduelle de la taxe sur les carburants, ce 0,01 $ par année qui supporte, soutient, au fond, le Fonds d'infrastructures routières et de transport en commun pour soutenir les investissements massifs que nous faisons dans le transport en commun au Québec.

La hausse de la taxe sur les carburants sur le territoire de l'Agence métropolitaine de transport, demandée par les élus de la Communauté métropolitaine de Montréal, qui fait passer cette contribution de 0,015 $ à 0,03 $ pour soutenir les villes, à leur demande, l'ensemble des municipalités, les 80 quelques municipalités du territoire de la CMM dans leurs efforts de transport en commun aussi, M. le Président. Et enfin de nombreuses autres dispositions d'harmonisation.

M. le Président, il s'agit d'une loi technique d'un budget qui a déjà été voté et qui met en place un certain nombre d'éléments qui sont déjà, d'ailleurs, en vigueur au Québec. Dans ce budget, on le sait, que tous les analystes ont qualifié de remarquable, même les anciens dirigeants du Parti québécois, qui ne sont plus maintenant dans la partisanerie quotidienne, ont qualifié ce budget de mars 2010 de budget historique, d'un budget qui remettait le Québec sur les rails de la responsabilité financière, du retour à l'équilibre budgétaire, du contrôle de la dette, de nombreuses... Et bien sûr ça a été salué aussi par les agences de crédit, M. le Président.

Alors, nous avons, dans ce projet de loi, mis les techniques législatives pour mettre en place de nombreuses mesures du budget. C'est le deuxième projet de loi. Il en reste quelques-unes à faire. Les redevances minières, entre autres, par exemple, qui sont maintenant haussées, depuis un an, de façon importante, doivent être traduites dans un projet de loi. Mais c'est maintenant en place et ça complétera le travail de mise en oeuvre de ce budget qui, selon d'autres, est passé... passera à l'histoire comme le budget... un budget responsable, M. le Président.

D'ailleurs, j'étais très heureux de voir, cette semaine, que l'opposition officielle semble avoir changé de cap et clarifié le fait qu'ils appuient maintenant le retour à l'équilibre budgétaire pour 2013-2014 comme étant, cette année... projet de loi qu'ils ont combattu, qu'on a été obligés de passer sous le bâillon. Mais maintenant le député de Rousseau, qui peut peut-être s'exprimer un peu plus librement qu'il le pouvait au début, enfin a gagné peut-être son point, sa vision, et maintenant, donc, on est unanimes, dans cette Assemblée nationale, qu'il faut revenir à l'équilibre budgétaire en 2013-2014. Ce projet de loi, M. le Président, met plusieurs mesures qui nous permettent de revenir à l'équilibre budgétaire, mais aussi, dans la solidarité qu'il faut avoir avec tous nos citoyens, par le crédit d'impôt solidarité, et je...

Je remercie l'opposition de sa collaboration, y compris le député de Rimouski, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, mes collègues de l'Assemblée. Nous avons eu des discussions fructueuses. Des éléments qui ont été soulevés par le député de Rimouski et qui seront étudiés par le ministère du Revenu au cours des prochaines semaines... Comme le député de Rimouski le souligne souvent, on a au moins deux, sinon trois ou quatre occasions dans l'année d'adopter des projets de loi du ministère du Revenu. Donc, ces questions qu'il a soulevées seront étudiées avec beaucoup d'attention par nous au cours des prochaines semaines, de même que celles soulevées par la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour trouver une solution sur sa préoccupation et notre préoccupation sur les garderies illégales mais sans pénaliser 400 000 parents du Québec. Alors, nous travaillons à trouver cette solution; nous en avons pris l'engagement, nous le ferons. Elle n'est pas encore trouvée, mais des équipes sont à pied d'oeuvre pour essayer de la trouver. Merci, M. le Président. Et je demande donc à cette Assemblée d'approuver le rapport de la commission.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le ministre du Revenu. Pour ce qui est du travail qu'on a à faire aujourd'hui, je reconnais maintenant le porte-parole de l'opposition en ces matières, M. le député de Rimouski. Pour votre intervention sur le rapport de la Commission des finances publiques, M. le député de Rimouski.

M. Irvin Pelletier

M. Pelletier (Rimouski): Merci, M. le Président. J'ai écouté avec attention évidemment la présentation de M. le ministre sur le projet de loi n° 117. Effectivement, il a énuméré plusieurs points qui... Il y a des points que je qualifierais de positifs au niveau... pour nos citoyens, nos Québécoises et nos Québécois. Puis effectivement le projet de loi n° 117, qui reprend quelques mesures, une certaine quantité de mesures du budget du printemps dernier, budget que nous n'avons pas appuyé, nous, de ce côté-ci, pour diverses raisons... Mais les diverses raisons, je pourrais vous dire, M. le Président, ne se retrouvent pas tellement dans le projet de loi n° 117 parce que, le projet de loi n° 117, les mesures qui sont là, on peut quasiment dire que c'est un peu un genre de plat de bonbons, là, extrait de l'ensemble du budget.

Et puis les mesures qui y sont, on ne peut pas... on ne peut pas être... on ne peut pas les critiquer. Par contre, je ne répéterai pas ce que le ministre a dit pour les appuyer, mais il y a quand même une certaine prudence devant ces mesures-là, une certaine prudence où on doit avertir nos citoyens, les Québécois et les Québécoises, parce que les mesures qui sont là, elles ne seront favorables que lorsque les citoyens pourront s'en prémunir. Puis, si on ne peut pas s'en prémunir, bien, ça ne donne pas grand-chose aux citoyens.

Voyez l'exemple du supplément de revenu garanti pour les personnes âgées, qui vient du fédéral. On s'est rendu compte, à un moment donné, qu'il y a beaucoup de nos concitoyens et citoyennes, personnes âgées, qui ne le recevaient pas, pourtant qui étaient admissibles à le recevoir, mais ils ne l'avaient pas demandé ou encore ils ne pouvaient pas le demander. Alors, il faut aussi que... On peut parler de ces mesures-là, mais on peut parler aussi de l'accès à ces mesures.

**(11 h 30)**

Lorsqu'on parle du crédit d'impôt pour la solidarité, par exemple, le 1er juillet va être une date butoir, le 1er juillet 2011, et puis les gens qui sont admissibles au crédit d'impôt à la solidarité, ce sont les moins fortunés de notre société. Puis il y en a plusieurs qui sont... qui reçoivent actuellement de l'aide de dernier recours, et il va y avoir un grand changement, le 1er juillet, et ces gens-là devront se conformer à la nouvelle... à ce nouveau crédit d'impôt. Puis plusieurs de ces gens-là, M. le Président, ne sont pas capables par eux-mêmes de remplir les formules très compliquées qui sont mises à la disposition des citoyens pour appliquer à ce nouveau crédit. Alors, j'espère que le ministère du Revenu prévoira des façons de faciliter la tâche à nos citoyens qui pourront adhérer à ces programmes-là.

Alors, dans le crédit d'impôt à la solidarité, il arrive un autre point aussi, une autre situation assez importante. C'est que désormais, pour recevoir ces crédits d'impôt, les citoyens devront avoir un compte de banque et s'inscrire au dépôt direct du ministère du Revenu du Québec. Ça, c'est plein d'avantages, M. le Président, et pour les citoyens et pour le gouvernement. Pour le gouvernement, c'est beaucoup moins de manutention, de paperasse, et il y a une économie. Lorsque le ministre nous dit qu'il y a une économie estimée d'environ 10 millions de dollars par année, moi, je le crois. Il y a des avantages pour les citoyens aussi, en termes de sécurité, sécurité des montants qu'ils reçoivent, aussi la rapidité des montants qu'ils reçoivent.

Mais, M. le Président, il y a des citoyens qui n'ont pas de compte de banque et qui ne veulent pas avoir un compte de banque et qui ne peuvent pas... ou qui ne peuvent pas avoir un compte de banque. Moi, ce que je demande au ministre, puis je lui ai demandé en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, c'est de protéger ces citoyens-là... pour ces citoyens-là qui ne peuvent pas avoir un compte de banque pour toutes sortes de raisons, qu'ils reçoivent quand même leurs chèques. Je pense que le ministre, dans un court bout de phrase, je pense qu'il nous... il a répondu positivement à cette demande, mais ce sera à suivre. Parce que ce qui est important, c'est que nos citoyens reçoivent les montants auxquels ils ont droit, peu importe la façon. Et puis, si on continue par la suite à inciter les gens à s'ouvrir un compte de banque, c'est possible, avec la collaboration des banquiers, collaboration des caisses populaires, je pense que nos citoyens en seront gagnants. Mais, en attendant, c'est une question d'équité: il faut que les citoyens puissent profiter de leur argent, même s'ils n'ont pas les possibilités de s'ouvrir un compte de banque, comme je vous disais, pour toutes sortes de raisons.

Un autre crédit qui est intéressant, c'est le crédit d'impôt à la recherche scientifique et le développement expérimental. Ici, je pense qu'on vient bonifier un peu ce qui existait déjà. Puis, quand je regarde, M. le Président, les choses que l'on change ou que l'on additionne à ce niveau-là, je me rends compte que, souventefois, le ministère va mettre en place des mesures, des mesures pour faciliter, par exemple, le développement de certains domaines, développement de l'emploi, développement de certains produits, mais on se rend compte des fois à l'application... puis ça, je l'ai vu un peu dans ma vie antérieure, je me rends compte à l'application que, quand on vient pour s'en servir, il y a peut-être une fois... une personne sur 10, une entreprise sur 10 qui peut s'en servir, parce qu'il y a toujours... il y a un paquet de petites conditions qui fait qu'on n'y satisfait pas. Ici, je pense qu'on a relevé justement certaines positions, certaines règles qui faisaient que les entreprises ne pouvaient pas se qualifier à ce crédit-là. Alors, je pense que c'est une mesure qui va profiter beaucoup à nos entreprises qui font de la recherche et du développement scientifiques.

Dans un autre ordre d'idées, dans les mesures qu'on a, c'est... aussi, on parle de... je traiterai ensemble du versement pour... versement anticipé d'impôt attribué aux primes de travail et frais de garde d'enfants, ainsi que pour le maintien à domicile d'une personne âgée. Ça, c'est des bonnes... des mesures qui existent, de toute façon. La seule chose que l'on fait, c'est qu'on va verser de façon mensuelle et plus par anticipation. Mais, encore ici, M. le Président, c'est toujours la difficulté, souventefois, à nos gens d'appliquer puis de demander ces crédits-là.

Puis je pense, par exemple, au crédit d'impôt pour maintien à domicile. Bon, le crédit d'impôt maintien à domicile, ça s'applique à des personnes de plus de 70 ans qui demeurent à domicile. Puis, dans ces gens-là, je dirais peut-être sans me tromper, mais je n'ai pas de statistique officielle, là, mais je dirais que 80 %, 85 % de ces gens-là sont très autonomes puis qu'ils fonctionnent dans notre société comme quand ils avaient 40 ans, 50 ans, et ainsi de suite.

Mais il y a quand même une certaine partie de ces gens-là qui sont plus démunis, qui ont moins de revenus et puis qui sont admissibles à ce crédit d'impôt de maintien à domicile. Mais, pour eux, c'est extrêmement compliqué, souventefois, de demander ce crédit-là parce qu'on leur demande des... Sur des formules prescrites, on leur demande toutes sortes de renseignements qui... souventefois, ça ne donne pas grand-chose.

Vous savez, M. le Président, une personne qui a 72 ans, par exemple, qui... pas en perte d'autonomie, mais il a un peu de misère à remplir sa paperasse, puis il veut appliquer à ce crédit-là... Si c'est une personne, par exemple, qui, au début de l'année, a 1 000 $ dans son compte de banque, durant l'année reçoit des revenus, Régime de rentes du Québec, par exemple, puis sécurité de la vieillesse, pour 17 000 $, 18 000 $, puis, à la fin de l'année, bien, il a encore 1 000 $ dans son compte de banque, on peut supposer que, durant l'année, là, pour vivre, là, il a dépensé 17 000 $, 18 000 $. Pourquoi lui demander, preuves à l'appui, à la cenne près, combien ça lui a coûté pour se nourrir? Je pense qu'on a des statistiques au niveau du ministère du Revenu qui démontrent, qui nous disent à peu près comment ça coûte, une personne de cet âge-là, pour se nourrir chez lui durant l'année, pour s'habiller, les assurances de la résidence, les taxes, puis ainsi de suite.

Alors, actuellement, on fait remplir à ces gens-là une espèce de formule très détaillée, qui est très compliquée pour ces gens-là, puis ces gens-là, pour obtenir leurs crédits, doivent produire leurs demandes, doivent produire une déclaration d'impôt, et, souventefois, ces gens-là n'ont pas les moyens de se payer une consultante ou un consultant pour leur aider à produire ces déclarations d'impôt là. Alors, il faudrait... Moi, j'ai demandé au ministre hier... Il faut prévoir des mécanismes où il faut simplifier le plus possible ce genre de formule à remplir pour les personnes âgées. Parce que j'ai beaucoup de gens, de Québécois et Québécoises de cet âge-là qui nous interpellent pour nous dire que c'est très compliqué de participer à ces crédits d'impôt là. Puis, souventefois, M. le Président, les gens qui ont droit à ces crédits-là, c'est, souventefois, les gens qui ont le plus de misère justement à remplir leurs formulaires.

Alors, en terminant, M. le Président, je voudrais... J'avais un autre sujet que... Comme le ministre, justement, là, parlait tout à l'heure, là, ça m'arrive de poser des questions sur d'autres sujets lors de nos rencontres. Effectivement, lors de rencontres, je lui avais mis... exposé la situation de l'équité... l'iniquité qu'il y avait entre les Québécois et les gens des... ailleurs au Canada sur le crédit d'impôt, la TVQ sur les résidences, les maisons neuves. Dans ce budget-là, ici, justement, on a haussé la valeur marchande des maisons neuves, la valeur marchande admissible. On l'a fait passer de 225 000 $ à 300 000 $. C'est une avancée, c'est un pas en avant. Par contre, pour les autres Canadiens, c'est 350 000 $, la valeur marchande. M. le ministre nous dit qu'une maison à Toronto coûte plus cher qu'à Montréal ou à Québec, mais, quand je parle des autres Canadiens, est-ce qu'une maison à l'Île-du-Prince-Édouard coûte plus cher qu'une maison à Rimouski? Ça, ce serait à voir. Alors, il y a encore... Il y a quand même encore un petit bout à faire de 300 000 $ à 350 000 $.

Mais ici, sur ce point-là, je voudrais parler encore de la complexité des rapports à fournir, avec le ministère du Revenu, au niveau du crédit d'impôt, de taxe sur les maisons neuves. Il y a un volet aussi qui s'appelle Crédit d'impôt sur les rénovations majeures. Et là j'ai eu plusieurs cas, des cas de gens qui m'ont interpellé, puis, souventefois, ces cas-là, c'est des... je reçois, c'est une copie conforme d'une lettre qui est envoyée au ministre. Alors, M. le ministre, souventefois, est au courant de ça. Mais, au niveau des rénovations majeures, il n'y a quasiment personne qui peut être accepté, qui peut être admissible dans ce programme-là. Autrement dit, d'après la définition qui est donnée dans le... par le ministère du Revenu, c'est... il faut quasiment défaire complètement l'intérieur de la maison, changer les murs de place. Il faut tout faire ça.

**(11 h 40)**

J'ai vu un cas, à un moment donné, un individu qui s'est construit une annexe à la maison, un nouveau solage après la maison, une nouvelle pièce, si vous voulez, une nouvelle construction, une construction neuve mais attachée après la maison. Évidemment, ce n'est pas une résidence neuve puis ce n'était pas une rénovation majeure non plus. Alors, on arrive dans des cas où c'est bien le fun, là, où on donne un crédit d'impôt sur la TVQ, sur la rénovation majeure d'une maison, mais, dans la pratique, là, quand on vient pour réclamer cette taxe-là, il n'y a pratiquement personne qui se qualifie pour recevoir ces montants-là. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, là, mais il y a beaucoup de gens qui ne se qualifient pas pour recevoir ces montants-là. Alors, quand on met une mesure, il faudrait quasiment que les gens puissent en profiter. S'ils ne peuvent pas en profiter, bien, ça ne donne rien de la mettre, là. Il faut être pratique dans la vie.

En terminant, M. le Président, je peux vous dire que le ministère du Revenu, vous le savez, le ministère du Revenu deviendra, le 1er avril, l'Agence du revenu du Québec. Pour moi, l'Agence du revenu du Québec, c'est un organisme, c'est une société au service des autres ministères du gouvernement du Québec. Puis je pense que son rôle sera mieux défini peut-être dans une agence autonome. Mais il faudra que cette agence-là joue bien son rôle, c'est-à-dire être au service du gouvernement du Québec et de ses ministères pour récupérer l'argent qui doit être récupéré pour investir, c'est-à-dire pour remettre au ministère des Finances pour financer les programmes de l'État... et aussi devra appliquer, à la demande des différents ministères, les mesures qui sont mises en place pour avantager des personnes, des entreprises, des individus, des produits, que ce soit par des crédits d'impôt, des exemptions fiscales. Alors, je pense que l'agence devra vraiment remplir son rôle.

Et puis, lorsqu'on demande, par exemple, à l'Agence du revenu de... Je vais vous donner un exemple ici, puis ma collègue va sûrement vous en parler. Lorsqu'on demande au ministère du Revenu de ne pas donner de... qu'un service de garde devrait avoir un permis du ministère de la Famille, par exemple, pour émettre un reçu fiscal, le ministère du Revenu a tout simplement à ne pas permettre un reçu fiscal à une entreprise qui n'a pas de permis. Comment on va appliquer ça? La question ne se pose même pas à ce moment-ci. Ça, cette question-là, on la posera plus tard.

Puis je vous donne un exemple. Lorsque le ministère des Transports met une limite de vitesse à 70 kilomètres à l'entrée d'un village, bien, il met la limite de vitesse à 70 kilomètres. Comment on va contrôler ça? Ça, on verra ça plus tard. Est-ce qu'on va mettre un photoradar? Est-ce qu'on va installer un policier en permanence là? Ça, le ministère du Revenu n'a même pas à se poser ces questions-là, comment on va le contrôler. Si on lui demande de mettre telle règle, bien, il met telle règle, puis le contrôle, bien, on verra ça plus tard.

Alors, M. le Président, je termine là-dessus et je vous remercie de votre attention.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Rimouski, pour votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce projet de loi? Je reconnais maintenant... Oui.

M. Gautrin: ...parler sur... J'aurais quelques interventions... une intervention à faire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, allez. Alors, M. le député de Verdun pour son intervention sur ce rapport...

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie et... Non, mais... parce que c'est un... Le collègue de Rimouski a soulevé un problème qui est absolument sérieux, qui est le problème de déclaration d'impôt, et particulièrement pour les personnes âgées. Moi, ça fait au moins cinq ans ou six ans que je fais l'avocat, l'avocat du principe... et on peut le faire à l'aide des technologies, des déclarations d'impôt préremplies. C'est-à-dire que pour... Le ministère du Revenu possède l'information en général, et ça se fait dans d'autres pays, la Norvège par exemple, où, pour les déclarations d'impôt, M. le Président, qui sont des déclarations d'impôt simples, c'est-à-dire où les gens ont des revenus de salaire ou des revenus de pension avec quelques déductions, à ce moment-là, ils puissent recevoir du ministère du Revenu -- la technologie le permet aujourd'hui -- une déclaration d'impôt préremplie, et il ne reste seulement qu'à dire: Oui, ça correspond bien à ma déclaration d'impôt. Évidemment, pour les déclarations plus complexes, il faudrait qu'ils passent évidemment par un comptable, s'ils ont des revenus de placement complexe, etc.

Mais, moi, je me fais l'avocat, M. le Président, et je ne pouvais pas manquer, dans l'intervention du collègue de Rimouski, ici, de rappeler l'importance -- et on peut le faire actuellement avec les technologies -- d'aller vers la déclaration d'impôt préremplie tel que ça se fait dans l'ensemble de certains pays, disons, de la ceinture de la mer Baltique. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Verdun. Avant de passer la parole à la prochaine collègue, j'informe les membres de cette Assemblée qu'il y aura un débat de fin de séance qui se tiendra aujourd'hui sur une question adressée par Mme la députée de Vachon au ministre de l'Environnement concernant le transport des déchets nucléaires sur le fleuve Saint-Laurent.

Et je suis prêt à entendre la prochaine intervenante et je reconnais Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour son point de vue sur le rapport de la Commission des finances publiques, en indiquant que vous avez 10 minutes maximum.

Mme Carole Poirier

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir à ce moment-ci de l'étude du projet de loi n° 117 qui donne suite au discours sur le budget, mais tout particulièrement au niveau de la mesure en lien avec le crédit d'impôt pour services de garde pour les enfants.

Alors, M. le Président, j'ai été faire les représentations auprès du ministre lors de l'étude qui a eu lieu en commission parlementaire. On avait fait aussi ces représentations-là précédemment, lors de l'étude du projet de loi n° 126, loi qui est venue modifier les services de garde au Québec, de la ministre de la Famille, à l'effet que les reçus d'impôt -- et c'est de ça qu'il s'agit, M. le Président -- les reçus d'impôt que le gouvernement a mis en place et qui actuellement et, selon les données du ministère de la Famille, répondent à environ 400 000 parents en 2008, alors, ces reçus d'impôt là ne sont pas contrôlés au ministère du Revenu, et je vous explique.

Dans un premier temps, la dépense fiscale anticipée 2008 représentait 175 millions. En fait, elle a été de 198 millions en 2008 et -- une explosion des coûts en 2009 -- elle se situe dorénavant à 280 millions. Alors, c'est une dépense fiscale importante, c'est une dépense qui vient faire en sorte effectivement de rendre service aux parents, parce que les parents qui n'ont pas accès à une garderie à 7 $... On le sait, qu'on manque de place à 7 $. Eh bien, le gouvernement, faute de créer des places à 7 $, a permis l'explosion de places en garderies privées, ce qui fait que des personnes à la maison peuvent garder... Et la loi le précise, et il n'y a rien de mal là-dedans, mais la loi dit: C'est six enfants... moins de six enfants que l'on peut garder à la maison sans nécessairement avoir un permis mais pour lequel on peut remettre des reçus d'impôt.

Cependant, et on l'a vu dans les derniers mois, l'émission Enquête a fait la lumière sur environ 15 000 à 20 000 places de garderie qui sont non surveillées, non accréditées. Et ces 15 000, 20 000 places là dans des garderies dites illégales, parce qu'elles ont plus de six enfants, émettent des reçus d'impôt. Alors, la mesure gouvernementale que l'on a devant nous cautionne ces garderies illégales là puisque -- et le ministre nous l'a dit tout à l'heure -- il n'y en a pas, de solution, pour venir les contrôler.

Alors, nous, nous avons interrogé le gouvernement sur le fait de dire: Comment vous pouvez venir encadrer les reçus d'impôt qui sont émis par ces garderies illégales puisque ces garderies-là n'ont pas le droit d'exister, en tant que telles, parce qu'elles défient la Loi du ministère de la Famille qui dit que, lorsqu'il y a plus que six enfants, bien, on doit avoir un permis du ministère, mais on doit aussi avoir des éducatrices formées, ce qui n'est pas le cas dans ces garderies-là? Alors, on se retrouve dans, en plus, un milieu de travail illégal, une entreprise illégale, et le gouvernement, par le reçu d'impôt, vient cautionner ce milieu-là dit illégal.

Le ministre n'a pas aimé le fait qu'on lui dise qu'il cautionnait une entreprise illégale, mais c'est de cela qu'il s'agit, M. le Président. Et le gouvernement, en ne voulant pas... et, bien qu'on a fait la lumière depuis plus d'un an sur cette problématique-là, n'a toujours pas trouvé de solution. Le ministre est venu nous le confirmer encore ce matin: il n'y a pas de solution pour lui. Est-ce qu'il en cherche? On ne le sait pas. Il nous a promis un groupe de travail, on lui a demandé des échéanciers, il ne veut pas se prononcer. Alors, est-ce qu'il y a une véritable volonté au gouvernement pour faire de cette fraude fiscale... parce qu'il s'agit de fraude fiscale, M. le Président, et notre but n'est pas de pénaliser les parents.

**(11 h 50)**

Le parent, lorsqu'il reçoit le crédit... le reçu d'impôt, pour lui, cette garderie-là, elle est légale puisqu'elle lui remet un document qui lui permet d'aller chercher un crédit d'impôt. Ce n'est pas le parent qui reçoit le reçu d'impôt, c'est l'émetteur qu'il faut prendre au jeu. Ce n'est pas en ajoutant des inspecteurs au ministère de la Famille qu'on va prendre au jeu ceux qui émettent de faux reçus d'impôt. C'est le ministère du Revenu qui doit faire son travail et qui doit mettre en place des mesures pour s'assurer que les reçus d'impôt qui sont émis, reçus d'impôt -- et je vous explique aussi le cheminement, M. le Président -- reçus d'impôt pour lesquels celui qui les émet les déclare comme revenus... Est-ce qu'on s'assure que ces gens-là les déclarent vraiment comme revenus?

Et, dans un deuxième temps, ceux qui les déclarent comme revenus ont droit à des déductions fiscales là-dessus. Parce que, lorsque je suis un milieu de garde, j'ai le droit de déduire une partie de mon hypothèque, mon... l'Hydro-Québec, j'ai le droit de déduire aussi ma commande d'épicerie parce que ça sert à mon industrie, à mon entreprise et ça me sert à faire fonctionner... C'est des dépenses admissibles, mais comment peut-on rendre une dépense admissible à une entreprise illégale?

Alors, il y a là tout un jeu, M. le Président. Le ministre nous dit qu'il n'y a pas de solution. Je n'ai pas senti de réelle volonté d'en trouver, je vous l'avoue. Je ne mets pas en doute sa bonne volonté, mais on n'en a pas senti. Et, moi, je veux juste m'assurer qu'il y aura des résultats à cela.

La mesure qui est dans le projet de loi est une mesure excellente. Elle va permettre aux parents d'avoir moins d'argent à investir en service de garde, parce que vous savez que le crédit d'impôt, pour des gens qui sont dans une certaine strate de revenus, fait en sorte de revenir à des garderies à 7 $. Alors, ce que ça veut dire, c'est que le parent n'a pas à investir plus que 7 $ par jour. Mais est-ce qu'il est normal de faire en sorte que des entreprises illégales créent des garderies illégales et que le gouvernement vienne reconnaître ces entreprises-là par le reçu d'impôt comme étant légales? Il y a quelque chose là d'un peu pervers.

Et, moi, M. le Président, ce qui m'intéresse, c'est la santé et la sécurité de nos enfants. Et, lorsque l'émission Enquête a fait son reportage, on se rappellera des cas pathétiques, pathétiques, M. le Président, des enfants enfermés sur leur siège d'auto dans un sous-sol de maison à la journée longue, des gens qui transportaient les enfants en Hummer pour les déplacer d'un endroit à l'autre pour ne pas se faire prendre par le ministère de la Famille, des enfants en surnombre dans des lieux... et tous ces gens-là émettaient des reçus d'impôt, reçus d'impôt reçus par le ministère du Revenu sans que personne ne fasse rien pour les arrêter.

M. le Président, il faut absolument mettre fin à cette façon de faire là. Et, moi, je réclame du gouvernement qu'il y ait des mesures prises pour arrêter cette hémorragie de garderies illégales. Selon les données, tant du ministère, tant de l'ensemble des garderies, on parle d'environ 15 000 à 20 000 places en garderies illégales. Ce n'est pas peu dire, M. le Président, 15 000 à 20 000 places. C'est important, là. C'est de nos enfants dont il s'agit, c'est de nos petits-enfants... qu'on met dans des situations qui sont inacceptables.

Alors, M. le Président, moi, je veux vous dire qu'il faut tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que ces reçus d'impôt là émis par des entreprises illégales, et je le répète, là, ce sont des entreprises illégales... Et je vous rappellerais l'émission Enquête, M. le Président. L'émission Enquête, ce qu'elle est venue dire, eh bien, elle est venue dire que ces gens-là se foutaient totalement du gouvernement. Un des protagonistes de ces entreprises-là a même dit à la caméra cachée, sans le savoir, naturellement, que c'était trop compliqué, le ministère du Revenu, il ne voulait rien savoir de ça, et que, lui, là, il n'était pas question de s'embarrasser avec les règles. Il émettait par contre des reçus d'impôt. Imaginez-vous les revenus, là. Il faut regarder de quoi on parle en termes de revenus: quelqu'un qui a une garderie à 25 $ par jour, admettons qu'il n'en a seulement que 20 -- dans les reportages, c'était 30 à 40 enfants -- mais 20 enfants à 25 $ par jour, cinq jours par semaine, 52 semaines par année, ça commence à faire de l'argent. Le parent, lui, il le paie, son 25 $, il reçoit son crédit d'impôt, et là il va le recevoir de façon mensuelle, et ça, ce n'est pas de ça qu'on parle...

Le Vice-Président (M. Gendron): ...

Mme Poirier: M. le Président, c'est qu'on me dit qu'il me reste 10 minutes; vous, vous me dites une. Là, je voudrais juste qu'on s'ajuste, là.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, moi, je suis bien ajusté. C'est un rapport: vous avez 10 minutes, il vous reste une minute de votre 10. C'est juste ça que je vous indique...

Mme Poirier: Parfait.

Le Vice-Président (M. Gendron): ...pour vous permettre de conclure en douceur.

Mme Poirier: Non, c'est parce qu'on me donnait une autre indication. Alors, merci, M. le Président. Alors, M. le Président, il s'agit ici de faire en sorte que... Il s'agit de faire en sorte ici d'arrêter, d'arrêter l'hémorragie de ces garderies illégales; il s'agit de la santé et sécurité de nos enfants.

Et, en terminant, M. le Président, juste un petit mot pour appuyer ce que mon collègue a dit, pour lequel j'ai posé beaucoup de questions au ministre: le crédit de solidarité, il faut s'assurer qu'au 1er juillet les gens qui sont à l'aide sociale ne soient pas pénalisés. Je suis très inquiète, très inquiète de la mise en application. Ce crédit-là est inclus dans le chèque d'aide sociale présentement. Les gens vont recevoir un deuxième chèque. Les gens qui n'ont pas de compte de banque devront en avoir un, et ce n'est pas simple d'avoir un compte de banque quand on est à l'aide sociale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, pour votre intervention. Je ne vois pas d'autre intervenant.

Mise aux voix du rapport

Alors, est-ce à dire que le rapport de la Commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 117, Loi donnant suite au discours sur le budget du 30 mars 2010 et à certains autres énoncés budgétaires, est adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Gendron): Adopté sur division. Alors, pour la poursuite des travaux, je cède à nouveau la parole à M. le leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint, à vous.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 94

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Gendron): À l'article 7 du feuilleton de ce jour, c'est l'Assemblée qui reprend le débat ajourné le 9 février 2011 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 94, loi établissant les deux balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. Et je suis prêt à reconnaître les prochains intervenants. Et je reconnais M. le député de Deux-Montagnes. M. le député de Deux-Montagnes, à vous la parole.

M. Benoit Charette

M. Charette: Merci, M. le Président. C'est un plaisir de vous retrouver ce matin. Un simple mot, d'emblée, pour vous dire que je voterai, en mon âme et conscience, contre l'adoption de principe de ce projet de loi, pour différentes raisons que je tenterai d'exposer au cours des prochaines minutes.

Au cours de l'automne 2009, j'étais de la commission qui a étudié le projet de loi n° 16, qui est en quelque sorte le précurseur de l'actuel projet de loi n° 94. Nous avions, à ce moment-là, reçu plusieurs intervenants, allant de différentes organisations publiques, que ce soit la Régie de l'assurance maladie du Québec... Je me souviens qu'on avait également entendu le Conseil du statut de la femme, la Commission des droits de la personne, bref plusieurs organisations qui sont venues nous exposer leurs perceptions du projet de loi n° 16, qui était alors présenté et défendu par le gouvernement du Québec.

Très, très rapidement, l'opposition à ce projet de loi s'est fait sentir, et cette opposition ne provenait pas essentiellement ou uniquement de l'opposition officielle, mais de la part des différents groupes qui ont interagi, là, avec les médias notamment et certains de ceux... et plusieurs de ceux qui se sont présentés devant nous en commission parlementaire.

Quelques semaines plus tard, ce projet de loi a été rappelé, et par la suite nous n'en avons plus entendu parler, ce qui fait qu'aujourd'hui, si nous posons la question au gouvernement: Qu'en est-il de ce projet de loi n° 16?, on nous répond qu'il est toujours bien vivant mais qu'on attend le bon moment pour le ramener. Mais, dans les faits, ça fait plus d'une année que nous l'attendons, et, dans l'intervalle, il y a eu cet autre projet de loi qui a été déposé, soit le projet de loi n° 94, qui se veut une suite, à notre avis, bien, bien, bien diluée du projet de loi n° 16.

Et tout ceci illustre foncièrement le malaise du gouvernement par rapport aux questions qui touchent l'identité. Le projet de loi n° 16 se voulait une réponse pour l'administration publique. Le projet de loi n° 94 se veut une réponse plus globale des accommodements raisonnables. Mais, dans les deux cas, on se refuse d'aborder directement la question de front. Et certainement un bel exemple pour l'illustrer: le débat qui s'est tenu hier ici même, en cette Chambre, sur la question du kirpan. On se souvient, l'essence de la motion présentée par ma collègue de Rosemont visait à reconnaître l'interdit de porter le kirpan dans cette Assemblée, et le libellé de la motion précisait que c'était notamment pour des principes de neutralité de l'État. À ma grande surprise -- bien honnêtement, j'étais ravi du résultat -- c'est une motion qui a été adoptée à l'unanimité. En toute franchise, je ne m'y attendais pas, mais déjà le résultat me ravit.

**(12 heures)**

Mais, lorsque les deux groupes ont eu à expliquer leurs positions, on a pu voir très facilement les divergences de points de vue. Du côté de l'opposition officielle, on a évoqué notamment l'argument de la sécurité mais surtout le principe de la neutralité de l'État. Or, du côté gouvernemental, on n'a invoqué qu'un seul argument, celui de la sécurité. Et là ça me fait rappeler d'anciens cours par le passé, ou sinon les propos tenus au niveau des différentes commissions parlementaires. Dans les différentes chartes, qu'elles soient québécoise ou canadienne, des droits de la personne et des droits et libertés, le droit à la pratique religieuse ou à la liberté de conscience est évoqué beaucoup plus souvent que le droit à la liberté ou à la sécurité. Étonnamment, ces chartes, ces textes fondateurs protègent a priori, ou en apparence à tout le moins, de façon plus spécifique le droit de culte versus le droit à la sécurité, du moins les références sont plus nombreuses.

Donc, la décision d'hier, si elle me ravit, me laisse entendre ceci: très, très rapidement, on aura sans doute des contestations par rapport à cette décision qui fut prise ou par rapport à l'origine de la motion. Il faut se souvenir, le 18 janvier dernier, la commission parlementaire visant à étudier le projet de loi n° 94 était justement à sa dernière journée de consultations, et c'est à ce moment qu'un groupe sikh qui était attendu, qui devait présenter son mémoire, s'est vu refuser l'accès à l'Assemblée nationale pour les raisons que nous connaissons, groupe qui a refusé de retirer leurs kirpans à leur entrée. Donc, la contestation juridique nous viendra vraisemblablement de ce refus ou ultimement de cette motion adoptée hier.

Bref, tout ça pour dire qu'il y a un conflit réel ou un choc réel de valeurs. On a ici deux droits qui s'entrechoquent: la sécurité versus la liberté de religion. Au cours des prochains mois, on verra si effectivement cette notion arrive ou se retrouve devant les tribunaux, un résultat ultimement qui pourrait nous surprendre. Et d'autres chocs... un autre choc de droits, celui de l'égalité entre les hommes et les femmes versus le droit à la liberté de culte, le droit de liberté de conscience. Et ça, malheureusement, au cours des dernières années, il y a plusieurs jugements qui ont démontré de façon notable qu'il n'y avait pas de prépondérance des droits, ce sont deux droits qui, dans bien des causes, ont eu à s'affronter.

Bref, ce sont ces débats, qui reviennent dans l'actualité, qui sont encore bien présents dans la conscience et dans la perception populaire, qui ont amené l'opposition officielle à mûrir sa position, et sa position nous amène justement à voter contre le projet de loi n° 94. D'abord, il en dit très peu. C'est un projet de loi excessivement court, quelques articles surtout. Mais ce dont je retiens des critiques que nous avons faites nôtres, c'est un projet de loi qui cible essentiellement un cas d'accommodement en le ciblant et en le décrivant de façon très précise, celui du port de la burqa ou du niqab, tout dépendant de l'appellation que nous souhaitons lui donner. Donc, dans tout ce projet de loi, on ne fait que cibler cette pratique encore marginale au Québec mais tout de même présente.

Or, je me souviens fort bien, lorsque le gouvernement a présenté ce projet de loi, j'ai encore en tête la conférence de presse qui avait réuni plusieurs ministres et le premier ministre lui-même. Je me souviens que la ministre responsable de la Condition féminine était présente, la ministre de la Justice de l'époque était présente, la ministre responsable de l'Immigration et des Communautés culturelles était également présente, et toutes ces personnes, d'une seule voix, ont dit clairement au micro, et le premier ministre en particulier, ont dit clairement au micro que ce projet de loi allait régler de façon définitive le débat des dernières années sur les accommodements raisonnables.

Donc, à l'annonce de ces propos, je dois vous avouer, le petit groupe de députés de l'opposition officielle qui travaillent sur cette question se sont rapidement rivés devant leurs écrans, anxieux qu'ils étaient de voir quel était le fameux contenu du projet de loi. On s'est dit: Si enfin nos représentations des derniers mois ont porté fruit, ce sera bien tant mieux et on sera les premiers à le reconnaître. Sauf que rapidement, dans la présentation même de cette conférence de presse, on s'est rendu compte que le projet de loi, tel que présenté, n'avait aucune portée réelle par rapport aux débats des dernières années. On s'est rendu compte rapidement, et ça, ça a été confirmé à maintes reprises en commission parlementaire, on s'est rendu compte qu'il ne faisait que codifier en quelque sorte les différents jugements qui ont eu cours au cours des dernières années sur les différentes notions d'accommodement raisonnable.

Bref, c'est un projet de loi qui ne permettait pas de clore un débat qui de façon récurrente, je le mentionnais, revient dans les médias année après année, et ce, depuis quelques années maintenant. Et, phénomène que je ne m'explique pas, c'est un débat qui a tendance à revenir à l'automne, et encore une fois cette année, ou à tout le moins en début d'année, ce débat a repris de la place dans les médias à travers cet épisode, là, de cette organisation sikhe qui a souhaité déposer un mémoire.

Mais je reviens au projet de loi lui-même. Donc, on vise à interdire le port de la burqa ou du niqab dans les services publics. On parle du projet de loi du visage à découvert. L'objectif est certainement noble, mais, déjà après avoir écrit cet article, dans les explications qui le sous-tendent, on peut lire que, même cette restriction, elle est soumise ou est potentiellement soumise à un certain nombre d'exceptions. Donc, déjà, on en dit très peu, mais, dans le même projet de loi, on précise que cette interdiction-là pourrait être contestée en vertu d'un certain nombre d'exceptions.

Donc, encore une fois, de façon évidente on s'éloigne de l'objectif. Mais ce qui, moi personnellement, m'a interpellé davantage à la lecture et à l'analyse du projet de loi, c'est la chose suivante: on cible un groupe. Qui porte le voile ou le niqab? Ce ne sont que des femmes, du moins je n'ai pas eu connaissance d'hommes qui le portaient. Donc, on parle spécifiquement des femmes. Et une seule religion a retenu cette pratique, soit la religion musulmane. Or, dans un projet de loi, ne cibler qu'un seul groupe, à mon sens, ne peut être que contreproductif, d'une part, et amener un certain nombre de conséquences.

On sait fort bien, et je ne vous ferai pas un étalage des différentes statistiques, mais on sait fort bien qu'au Québec la communauté musulmane, au niveau notamment de la recherche d'emploi, éprouve des difficultés supplémentaires, et ce, malgré -- et ça aussi, les statistiques sont très éloquentes à ce niveau-là -- malgré un niveau d'éducation souvent plus élevé. Malgré une formation qui n'est pas uniquement acquise à l'extérieur, là, malgré une formation qui est souvent bien québécoise, c'est un groupe qui éprouve des difficultés supplémentaires au niveau de l'emploi, et dans des proportions assez importantes, là. C'est deux ou trois fois plus important que la moyenne québécoise, au niveau, par exemple, des taux de chômage.

Donc, on vise un groupe qui est déjà passablement marginalisé ou mal perçu. On le cible spécifiquement en disant qu'avec ce projet de loi là on va régler la question des accommodements raisonnables.

Donc, M. le Président, il est fort simple d'imaginer la perception populaire que ça crée. On vient dire indirectement que les problèmes liés aux accommodements raisonnables, que personnellement j'aime mieux appeler accommodements religieux, sont liés à la présence musulmane au Québec, ce qui est un non-sens. Ça nous a été dit à plusieurs, plusieurs reprises en commission parlementaire, par des groupes musulmans comme par des groupes de défense, tout simplement, des droits de la personne. Donc, c'est définitivement une erreur que de cibler un groupe en particulier. Et, je vous le disais, ce groupe est perçu déjà de façon difficile. Et ultimement, si le gouvernement parvenait à régler de façon définitive la question des accommodements religieux, on viendrait... plutôt que de rendre encore plus difficile, on rendrait plus facile l'intégration de ces gens de confessions différentes ou qui nous arrivent d'ailleurs. Donc, on est contreproductif dans l'approche qui est retenue par le gouvernement.

Ultimement, ce qu'il faut noter aussi du projet de loi, c'est qu'il a été foncièrement mal reçu. 75 %, sinon davantage, des groupes qui ont déposé un mémoire se sont opposés. Et, là aussi, c'est intéressant. Lorsqu'on fait la part des choses, tous se sont refusés pas pour les mêmes raisons. Un groupe important se sont refusés de le voir adopté dans sa forme actuelle parce qu'ils le disaient contraire justement à l'esprit d'intégration, contraire également à cette volonté du mieux vivre ensemble. Mais d'autres se sont... Et plusieurs de ces opposants, naturellement, invoquaient des principes qui nous sont chers, au niveau de l'opposition officielle, c'est-à-dire une distinction claire au niveau de la neutralité de l'État québécois.

D'autre groupes, par contre, et c'est là où c'est intéressant, d'autres groupes se sont opposés. Ils étaient également nombreux pour protéger le multiculturalisme canadien. Ma collègue de Rosemont a longuement abordé la question hier, mais j'y reviendrai quelques instants tout de même. Ce sont des valeurs qui, oui, sont protégées à travers un ensemble de lois proprement et essentiellement canadiennes. Mais qu'est-ce que le multiculturalisme? C'est de permettre à différents groupes d'évoluer, oui, au sein d'un ensemble, mais évoluer de façon distincte à travers des communautés qui souvent interagissent difficilement les unes avec les autres. Et la question qu'on doit se poser maintenant: Est-ce que ce sont les principes que nous souhaitons défendre au Québec? Est-ce que ce sont des valeurs que nous souhaitons défendre au Québec? Et, à mon sens, la réponse nous apparaît bien, bien évidente.

**(12 h 10)**

Donc, non seulement -- et là je répète, j'en suis conscient -- non seulement le projet de loi n'atteint pas ses objectifs, de surcroît il vise une communauté, ce qui rend encore plus difficile les problèmes d'intégration. Bref, on recule à tous, mais à tous les points de vue.

Quoi vous dire aussi des échanges qui nous ont marqués tout au long de la commission parlementaire? C'est cet épisode, survenu la même journée que celle de la communauté sikhe qui s'est présentée ici, et ça a fait l'écho de... l'état de certains articles, justement. Un groupe islamiste, qui se présente comme tel, qui s'est présenté à nous, qui était composé d'hommes et de femmes. Et une des femmes qui s'est présentée devant les commissaires a refusé notamment de tendre la main à un des députés masculins présents, en l'occurrence moi. Et, en toute franchise, je me suis présenté à elle avant même qu'elle ne prenne la parole, comme je le fais à toutes les personnes qui se présentent et qui ont la gentillesse de venir nous exposer leurs points de vue. Et j'ai tendu la main, comme j'aime bien le faire, en guise de politesse et pour me présenter, et la dame immédiatement s'est braquée, a refusé de me donner la main. J'ai compris le pourquoi, sans insister je suis passé à son voisin de gauche, qui est un homme, qui a gentiment accepté de me poser la main... me tendre la main.

Mais, pendant tout le temps de leur présentation, je me suis questionné. C'est un épisode qui m'a troublé. Et, pendant tout le temps de leur présentation, on s'est dit... on les écoutait dire qu'il y a de graves problèmes d'intégration en emploi dans la communauté musulmane... statistiques qui le démontrent, et ce à quoi j'ai fait allusion il y a quelques instants. Et le jugement à l'égard du gouvernement était très, très sévère. Ce même groupe disait que le gouvernement québécois n'en faisait pas assez pour intégrer la communauté musulmane. Et je me suis surpris, M. le Président, et je m'en confesse aujourd'hui devant mes collègues... je me suis porté moi-même à la défense du gouvernement, disant que le gouvernement du Québec avait certainement une responsabilité au niveau de l'intégration du Québec. Je crois aussi qu'il pourrait en faire plus. Je crois également qu'il devrait en faire plus. Mais j'ai aussi dit: Ce n'est pas uniquement au gouvernement du Québec à mettre les outils en place pour favoriser cette intégration, les différents groupes sont également responsables de leur intégration.

Et je me suis permis, bien poliment, de poser la question à la dame: Est-ce que vous pensez qu'en me refusant de... en refusant de me donner la main vous envoyez un signal d'intégration? Et je lui ai exposé l'exemple d'un bureau de circonscription. J'ai dit à cette chère dame: Si, moi, comme employeur, je dois combler un poste et que, parmi les candidates ou les candidats, je reçois une femme qui à son arrivée me refuse la main, je lui ai dit: En toute franchise, je ne pourrai pas vous embaucher, compte tenu de la nature du poste. C'est un poste qui va vous amener au quotidien en contact avec les gens, et, si vous vous refusez de les saluer parce qu'ils sont des hommes, par exemple, du coup le contact sera impossible, et ce ne sera pas possible pour vous de faire l'emploi qui vous reviendrait autrement. Et je lui ai dit: Et ce, indépendamment de vos qualités, de vos compétences professionnelles.

Sa réponse fut d'autant plus surprenante. Ella a dit: Non, c'est à la société d'accueil, en l'occurrence le Québec, à reconnaître cette différence et à m'accepter telle que je suis. Ce fut... Et quelques collègues du gouvernement peuvent le confirmer. Donc, c'est une réponse qui, selon moi, démontre quelque chose. Il y a au Québec des groupes, peu importe la confession religieuse, qui défendent un intégrisme religieux qui est, autrement dit, militant, un intégrisme religieux qui menace, justement, ce vivre-ensemble et qui en demandera encore davantage.

Et là je reviens à la notion du kirpan. Je m'attends... Je ne suis pas prophète, encore moins en lien avec ces gens-là, mais je ne serais nullement surpris qu'au cours des prochaines semaines on voie un avocat accepter, par exemple, de les représenter et alléguer ou soutenir qu'ils ont été victimes d'une injustice en vertu de la charte des droits et libertés canadienne, notamment.

Donc, ce militantisme religieux, il existe. Donc, à partir du moment où nous en sommes conscients, il faut réagir. Et la réaction du gouvernement pourrait être intéressante, mais actuellement, à travers le projet de loi n° 94, elle est plutôt décevante. Elle ne réglera en rien ce militantisme religieux, d'où cette référence que ma collègue de Rosemont a faite encore ce matin au projet de loi n° 391 qui a été déposé par le Parti québécois il y a maintenant un petit peu plus d'une année. Et je vous lis les notes explicatives. C'est un petit paragraphe bien, bien bref: «Ce projet de loi affirme, en les introduisant à la Charte des droits et libertés de la personne, les valeurs fondamentales de la nation québécoise, soit: l'égalité entre les femmes et les hommes, la primauté du français et la séparation entre l'État et la religion. De plus, le projet de loi modifie la charte afin d'y ajouter une disposition indiquant que la charte doit être interprétée en fonction du patrimoine historique du Québec et des valeurs fondamentales de la nation québécoise.»

Bref, la solution de l'opposition officielle, c'est une modification à la charte québécoise des droits et libertés, et la solution de l'opposition officielle est également l'adoption d'une véritable charte de la laïcité. Avec ces modifications législatives, on pourra prétendre avoir réglé le dossier des accommodements raisonnables et aussi facilité une meilleure intégration à la société québécoise.

Le temps presse, malheureusement. Je conclurai, M. le Président, en disant ceci: Le laisser-faire divise, mais la laïcité au niveau de l'espace civique, elle unifie. C'est pourquoi, je le mentionnais d'emblée, je voterai contre le projet de loi n° 94, et j'invite le gouvernement à le retirer pour mieux le présenter ultimement dans une version qui reprendra davantage nos préoccupations. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Deux-Montagnes, de votre intervention sur ce projet de loi. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant Mme la députée de Taillon. Mme la députée de Taillon, à vous la parole.

Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. C'est à mon tour donc de prendre la parole pour l'adoption de principe du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Comme plusieurs de mes collègues, je serai assez sceptique par rapport à ce projet de loi, mais j'aimerais commencer par parler un peu du contexte. D'abord par rappeler que, on le sait bien, on touche là à une question qui est extrêmement sensible dans la société québécoise. C'est une question qui est sensible chez nous, mais c'est une question qui est sensible aussi, je dirais, pour le monde entier. Pour toutes les sociétés, cette question de vivre à la fois avec les valeurs de la société d'accueil et en étant capables d'intégrer des gens qui viennent d'ailleurs, elle est préoccupante, elle n'est pas simple à régler.

Chaque société fait le difficile apprentissage de cette question des exigences de vivre ensemble. Et, en préparant mon intervention, il m'est revenu à l'esprit -- puis je suis allée vérifier le titre -- il m'est revenu à l'esprit le titre d'un livre d'Alain Touraine, qui est un éminent sociologue français et qui, en 1997, donc il y a déjà un petit peu plus de 10 ans, a vraiment écrit un livre qui s'appelle Pourrons-nous vivre ensemble? Égaux et différents. Et, dans son texte, il utilise même, on pourrait dire, un mot d'esprit en disant: Cette question-là, pourrons-nous vivre ensemble égaux et différents, c'est la quadrature du siècle! Il en fait donc un enjeu majeur pour notre siècle. Et, puisque depuis nous avons commencé un nouveau millénaire, on pourrait dire, ma foi, pour notre millénaire, bien que nous n'en voyions pas le terme, bien évidemment.

Dans d'autres pays aussi, donc on se questionne. Je pense que mes collègues y ont fait référence, mais je tiens, moi aussi, à joindre ma voix à celles et ceux qui ont fait référence, par exemple, à des législations comme la législation française, qui interdit le port du voile intégral, carrément. Dans d'autres pays, on remet en question le modèle multiculturel. On craint que ce modèle-là ait été trop permissif, trop ouvert, que finalement, à force de vouloir respecter les gens dans leurs différences, on ait plutôt eu comme résultat une mosaïque avec des cultures qui se côtoient mais qui ne s'intègrent pas. Et des pays, par exemple, comme l'Allemagne, on l'a entendu récemment, comme la Grande-Bretagne, comme la Suède, sont aux prises avec de réels difficultés de ce modèle de multiculturalisme et se questionnent en se demandant: Comment pourrait-on donc corriger le tir?

**(12 h 20)**

Alors, pour le Québec, c'est sûr que la réflexion est intense. On a franchi des étapes en matière de laïcisation de l'État québécois. Vous savez comme moi, M. le Président, parce que nous sommes, disons, de générations comparables, on pourrait dire, on a connu... on a connu le Québec quand nous étions enfants, à une autre époque, et où la proximité de l'Église et de l'État était très, très grande. Et on a vécu, vous et moi, comme des milliers et des millions de Québécoises et de Québécois, la difficile, je dirais, marche vers la liberté complète de religion, le respect de toutes les religions, mais aussi la difficile démarcation entre ce qui appartient à l'Église et ce qui appartient à l'État.

On le sait, on n'a pas fini de faire le travail. Récemment, et là je m'en souviens parfaitement parce que c'est beaucoup plus près de nous dans le temps, mais récemment notre collègue qui est maintenant la chef de l'opposition officielle, Mme la députée de Charlevoix, a travaillé très fort pour arriver à la déconfessionnalisation des commissions scolaires, qui étaient jusque-là des commissions scolaires qui étaient basées sur une appartenance religieuse. Et donc c'est récent, c'est encore dans notre histoire extrêmement récente.

Autre exemple de nos efforts actuels mais qui n'ont pas réussi encore, je dirais, à s'implanter totalement, le cours d'éthique et de culture religieuse, qui fait encore couler beaucoup d'encre, qui crée encore du mouvement, qui fait encore qu'il y a des gens qui se demandent: Est-ce que c'est un bon choix ou pas? Moi, je pense que oui. Je pense que l'école n'est pas un lieu où on doit enseigner des religions, mais c'est un lieu où on doit ouvrir les enfants et les jeunes à l'idée qu'il y a dans le monde des religions et que ces religions inspirent un certain nombre de valeurs, que les enfants s'approprieront ou non selon leurs convictions propres ou selon celles de leurs parents. Mais tout au moins on les expose à ce qui existe dans le monde, et particulièrement dans notre propre histoire, puisque, on le sait, le Québec a une histoire très riche, marquée par les valeurs de la religion catholique chrétienne.

Mais voilà, où en sommes-nous aujourd'hui? Devant ce tableau de la situation, devant ces évolutions manifestes de notre capacité de nous acheminer, petit à petit, vers une société vraiment laïque, où en sommes-nous? Et là je vais faire référence à des événements plus récents qui sont, je dirais, les éléments probablement déclencheurs de ce dont on parle aujourd'hui.

Depuis 2006, il y a des débats très animés entre nous mais aussi à l'extérieur de la société. Et je prends des exemples très réels, parce que, qu'on se comprenne bien, parler des accommodements au sens du projet de loi, c'est essayer de trouver sur quelles bases on va décider quotidiennement des attitudes à avoir, des décisions à prendre, des règles du jeu de ce vivre-ensemble d'Alain Touraine que j'évoquais tout à l'heure.

Je donne des exemples que vous connaissez. Quand une école, par exemple, a fourni un hidjab aux effigies de l'école, ça a créé du remous. Quand on a su que la Régie de l'assurance maladie du Québec de même que la Société de l'assurance automobile du Québec faisaient des accommodements auprès de certaines femmes qui ne voulaient pas avoir affaire à un homme dans l'exercice, donc, de leurs fonctions et qui voulaient être servies par une femme, ça a créé des remous. Pourquoi? Parce que ça nous a renvoyé à l'esprit que, ma foi, il y a des gens pour qui ce qui nous semble à nous évident, c'est-à-dire le fait que les hommes et les femmes peuvent partager les mêmes fonctions et offrir les mêmes services à la population, pour certaines personnes, ce n'était pas acceptable. Et on a un peu, je dirais, testé les limites de notre ouverture d'esprit. Et, dans les réactions qu'il y a eu dans la population, on a bien vu qu'il y a des limites que nous ne voulions pas franchir. Plus récemment, une élève qui est expulsée d'un cours de français parce qu'elle refuse d'ôter son niqab, ça a créé, là encore, des remous. Et loin de moi l'idée de vouloir faire porter à ces personnes précisément le poids de toutes ces questions, mais simplement pour dire qu'elles ont été des déclencheurs ou des accélérateurs, on pourrait dire, de la réflexion que nous menons aujourd'hui.

Je tiens à préciser toutefois que ce débat n'est pas un débat qui doit mettre en scène des Québécois issus de l'immigration par rapport à des Québécois dits de souche. Je m'amuse toujours d'ailleurs beaucoup de dire «de souche», parce que, moi-même, je n'en suis pas, de souche, alors je le mets entre guillemets. Ce n'est pas un débat donc entre les vrais de vrais d'il y a plusieurs siècles et puis les gens qui sont des immigrants, mais c'est un débat entre les gens qui sont des tenants d'un État neutre, laïque, et les gens qui sont du côté beaucoup plus des ultrareligieux ou d'un intégrisme religieux qui veut colorer les actions de l'État.

Devant ça, le gouvernement libéral a posé un geste qui était honorable quand il l'a posé: il a demandé à deux éminents intellectuels du Québec, MM. Bouchard et Taylor, de faire une commission d'enquête et de tâter le pouls de la population. Ça a été un exercice difficile, ça a été un exercice exigeant. C'est un exercice dans lequel on a vu s'exprimer, ma foi, toutes sortes d'opinions, et le résultat, toutefois, n'a pas calmé les inquiétudes.

La commission Bouchard-Taylor a remis son rapport, mais ce qu'elle demandait de façon très claire, c'était d'avoir un livre blanc sur la laïcité. C'est ça dont on avait besoin. Puis toute l'histoire récente, que je viens de vous faire avec quelques cas, concluait à la nécessité pour le Québec d'un livre blanc sur la laïcité, pour qu'on n'en fasse pas une question d'émotion, pour qu'on n'en fasse pas une question d'exemple de telle ou telle personne, mais qu'on en fasse vraiment un enjeu collectif qu'on soit capables de s'approprier.

On n'a pas eu un livre blanc sur la laïcité. Ce qu'on a eu en lieu et place, c'est ce que le premier ministre est venu nous annoncer de façon très, très magistrale, entouré de plusieurs ministres, il est venu nous annoncer, le 24 mars 2010, un projet de loi, ce projet de loi n° 94. Et là je cite ce qui a été dit à ce moment-là... C'était vu comme «un geste déterminant pour clarifier la question des accommodements raisonnables et affirmer les valeurs québécoises». C'était l'intention du premier ministre il y a un an. Et ce qu'il s'agit de savoir, c'est si ce que nous avons en main répond à cette intention et répond aux préoccupations de toute la société québécoise que je viens d'évoquer à grands traits.

Alors, qu'est-ce que nous avons en main? Ce qu'il nous aurait fallu... Je vais commencer par ça pour fixer la barre peut-être un peu haute, mais je pense que, dans la foulée de tout ce qui a précédé, ce qu'il nous aurait fallu bel et bien, c'est d'avoir quelque chose qui définisse... Dans ce livre blanc sur la laïcité, ou un autre instrument si le gouvernement avait préféré, il aurait fallu d'abord définir clairement c'est quoi, la nature d'un accommodement raisonnable, pas prendre pour acquis que le sens de cela est implicite.

Quand on dit ici, dans le projet de loi: «Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement», de quoi parle-t-on? Est-ce qu'on est capables vraiment de faire une réflexion sérieuse pour définir la nature de l'accommodement raisonnable? Ce n'est pas évident, même les mots eux-mêmes ont quelque chose parfois qui fait sourire. Il y en a même qui nous ont dit: Écoutez, un accommodement raisonnable, c'est un pléonasme, parce qu'un accommodement, c'est déjà, entre deux parties, une façon raisonnable de s'entendre. Alors, un accommodement raisonnable, c'est la ceinture et les bretelles, pour prendre l'image.

Sauf, une fois qu'on a dit ça, il faut savoir qu'est-ce qu'il y a dedans. On aurait eu besoin de ça, on ne l'a pas. On aurait eu besoin... et là vraiment, avec absolument... vigueur, de savoir c'est quoi, la neutralité religieuse de l'État. On a une histoire récente, je l'ai évoquée, qui nous a marqués. On en arrive à un point où on a posé des gestes: déconfessionnalisation des commissions scolaires, cours d'éthique et culture religieuse, au nom de la neutralité religieuse de l'État. Oui, mais de quoi parle-t-on? C'est quoi, les grands principes qui vont guider et qui vont encadrer et définir la neutralité religieuse de l'État? On ne le sait pas vraiment avec ce projet de loi là.

On aurait eu besoin encore de définir ce que nous appelons une laïcité inclusive. Qu'est-ce que ça veut dire? Une laïcité donc qui ne soit pas fermée, qui ne soit pas une exclusion en disant: Il n'y a que notre modèle à nous qui soit bon, et puis les autres restent en dehors. Non. Une laïcité, oui, l'État étant neutre, mais qui soit capable d'inclure, entre autres -- d'inclure et de respecter, il va sans dire -- les libertés de religion, de culte, de croyance. Ça, c'est ce qu'il aurait fallu. Puis, il me semble que les points de repère sont assez clairs.

**(12 h 30)**

Au lieu de ça, au lieu de ça, dans ce petit projet de loi... enfin, je dis petit, je veux dire court, il est court, il est mince. Il est mince en nombre d'articles, mais il est mince aussi, je dirais, en profondeur parce qu'il ne s'attaque pas aux vraies questions. Ce qu'on a, c'est des dispositions législatives qui ne vont pas s'attaquer au vrai problème mais qui vont plutôt essayer de dire: Bon, mettons dans un texte ce que déjà on a réussi à faire par la jurisprudence. Je n'ai rien contre la jurisprudence. Je sais que nous avons un droit qui est teinté de cette forme de reconnaissance d'une jurisprudence qui, d'une fois à l'autre, nous donne des indications par rapport à ce qui est acceptable ou ce qui n'est pas acceptable, mais ce n'est pas suffisant. Dans ce cas-ci, simplement codifier la jurisprudence, ça n'est pas suffisant, on aurait eu besoin aussi de quelque chose qui... -- mes collègues l'ont évoqué, et mon collègue de Deux-Montagnes en a parlé aussi tout à l'heure, je l'ai bien entendu  -- quelque chose qui aille au-delà de la prohibition d'un aspect du problème.

Je vais vous lire l'article 4, M. le Président, qui est un article qui, de façon... l'article 6 plutôt, qui est un article qui, de façon extrêmement claire, vise une catégorie de personnes, et franchement un projet de loi devrait être capable d'éviter ça, un projet de loi qui dit qu'on veut valoriser, on veut rendre obligatoire la pratique voulant qu'«un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement et une personne à qui des services sont fournis [...] aient le visage découvert lors de la prestation des services».

Je ne dis pas que je suis contre ce qui est là, mais vous conviendrez comme moi que, d'avoir un article de projet de loi qui cible cela plutôt que d'avoir des principes plus étoffés qui englobent tout le monde, ça, là, c'est vraiment viser de façon très claire une catégorie de personnes. Nous savons tous et toutes qu'il s'agit de femmes, hein? Il ne s'agit pas de gens qui ont une cagoule, là, à qui on demande d'enlever une cagoule, il s'agit de femmes qui portent un voile intégral et auxquelles on demande d'avoir le visage découvert. Je suis d'accord qu'on leur demande ça, mais je trouve qu'utiliser un projet de loi pour viser spécifiquement ce problème-là, c'est essayer de codifier dans une loi une jurisprudence.

Bien sûr, dans ce cas-là, on a demandé à une personne d'enlever son voile, sinon elle était, entre autres, expulsée d'un cours de francisation. Ce n'est pas la bonne façon de faire. La bonne façon de faire, ce serait vraiment de consacrer la neutralité de l'État, et, consacrer la neutralité de l'État, ça veut dire essentiellement favoriser justement la liberté de religion. Au lieu de viser des cas comme ça, spécifiques, dans un projet de loi, ce qui nous semble important, c'est de bien reconnaître que, l'État étant neutre, disant qu'il ne doit pas y avoir de signes ostensibles ou ostensoirs... ostentatoires, pardon, de port d'un signe religieux, qu'on ne doit pas les montrer de façon visible de sorte qu'on puisse tenter d'influencer de quelque manière que ce soit nos interlocuteurs quand on est un représentant de l'État, ça, c'est normal. Et, au lieu de s'imaginer que ça vient brimer l'expression des religions, au contraire, à partir du moment où on a signe de neutralité pour tout le monde, qu'on ne veut rien d'ostensible ou ostentatoire...

En mots dits plus simples, ça veut dire «exagéré», hein? On comprend bien qu'on peut avoir un bijou ou quelque chose qui représente éventuellement un signe religieux. Moi-même, j'ai, en ce moment, M. le Président, un bijou qui représente une danse rituelle très ancienne, c'est une copie d'un bijou d'un musée crétois. Bon. Ce n'est pas très dérangeant par rapport à mes convictions, quelles qu'elles soient. Mais ce que ça permet, si on a vraiment une neutralité religieuse, c'est justement que tous les gens qui ont une foi qu'ils veulent exprimer puissent le faire sans qu'il y ait domination d'un groupe par rapport à un autre, sans qu'il y ait une religion qui prenne le devant de la scène. C'est ça essentiellement que nous voulons protéger.

Alors, la laïcité, donc, elle est beaucoup plus un facteur d'inclusion qu'un facteur d'exclusion. La laïcité, elle dit: Tous les citoyens et les citoyennes sont égaux, chacun peut exprimer sa foi comme il le veut, mais l'État va demeurer au-dessus des signes d'appartenance religieuse et s'assurer que tout le monde soit traité de la même façon.

Je terminerais, M. le Président, en utilisant une réflexion qui a été faite à l'intérieur de la commission, entre autres une réflexion par Les Intellectuels la souveraineté, qui se sont prononcés sur le projet de loi et qui faisaient, je trouve, des réflexions intéressantes. Juste pour bien comprendre de quoi on parle, ils nous invitaient à distinguer la laïcité factuelle de la laïcité officielle. Puis les mots sont intéressants. La laïcité factuelle, ça veut dire: Au cas par cas, on va juger que telle situation est conforme ou non à la laïcité. La laïcité officielle, ça veut dire avoir au Québec une charte de la laïcité, que l'on sache de quoi on parle, qu'on ne laisse pas aux individus le soin de se débrouiller tout seuls et de se défendre, ou de se protéger, ou de revendiquer leurs droits les uns derrières les autres. Non. Une laïcité officielle, ça veut dire que l'État doit prendre cela en main.

Et je termine pour de vrai, cette fois-ci, M. le Président. Je vois bien que le temps passe. Mais je termine -- j'aurais pu commencer par ça -- juste par dire que l'étymologie de «laïcité», d'où ça vient, ça vient d'un mot grec, et «laikos» signifie «qui appartient au peuple». Et je pense qu'il appartient au peuple du Québec de définir ce qu'il aimerait voir dans une charte de la laïcité. Si nous n'avons pas cela, si nous n'avons que le projet de loi n° 94, malheureusement, M. le Président, je dois voter contre son principe.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je vous remercie, Mme la députée de Taillon, de votre intervention. Et je suis prêt à entendre le prochain intervenant, et je reconnais M. le député de Bourget pour son intervention, toujours sur le principe du projet de loi. M. le député de Bourget, à vous la parole.

M. Maka Kotto

M. Kotto: Merci, M. le Président. Force est d'admettre que les commentaires de la majorité des gens, des groupes, des individus qui ont généreusement commenté en commission parlementaire rejoignent ceux de notre formation politique, à savoir: un projet inutile, insuffisant, incomplet, ambigu, qui ne règle rien et, pis encore, discriminatoire à certains égards.

Bien que les propos de la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Christiane Pelchat, puissent indisposer les membres du gouvernement, il est instructif de citer un passage de son témoignage le 19 mai 2010, au moment des consultations générales, et je cite:

«Nous avons l'impression que nous assistons à un détournement de l'objet et de l'effet du projet de loi n° 94 et nous en sommes profondément choqués. [...]Le Conseil du statut de la femme est à l'origine de ce projet de loi. [...]Il ne s'agit pas d'un projet de loi pour permettre ou interdire des signes religieux. Il ne s'agit pas d'un projet de loi pour permettre ou interdire... [...]Il est donc, encore une fois, erroné de prétendre que ce projet de loi statue sur la laïcité au Québec et fait le choix d'une laïcité dite ouverte. Ce projet de loi ne peut prétendre être la réponse à la relation entre le religieux et l'État. [...]De toute façon, le conseil ne donnerait pas son aval à un projet de loi qui aurait pour effet d'interdire un seul signe religieux, c'est-à-dire le niqab, celui porté par des femmes, et permettre tous les autres portés par ces messieurs. Cela discriminerait doublement les femmes.» Fin de la citation.

Ce dernier commentaire, M. le Président, rappelons-le, rappelons-le, dis-je, fait référence à l'article 6 du projet de loi quant à permettre aux employés de l'État de porter des signes religieux visibles, à l'exception du voile intégral. M. le Président, en visant indirectement une seule catégorie de la population, à savoir les femmes musulmanes qui portent le voile intégral, l'article 6 est le parfait exemple de la volonté du gouvernement de mettre en place une laïcité dite ouverte.

Pour reprendre la question d'un de mes commettants, question pleine d'humour malgré le sérieux du sujet: Une laïcité ouverte, oui, mais jusqu'à quelle heure? Ce mot d'humour un peu absurde vient cependant démontrer, à l'instar de plusieurs groupes et individus entendus en commission parlementaire, la nécessité de tenir un débat plus large sur la forme de laïcité que nous voulons au Québec, ni ouverte ni fermée mais porteuse d'une valeur fondamentale inscrite dans le parcours du Québec.

**(12 h 40)**

Or, M. le Président, cette valeur fondamentale ne se retrouve proclamée dans aucun texte juridique d'importance de façon constitutionnelle ou autrement prépondérante, n'étant reconnue que de façon jurisprudentielle, d'où notre proposition, au Parti québécois, d'une charte de la laïcité qui permettrait aux tribunaux de pouvoir interpréter le droit en fonction d'un texte de référence et non en fonction d'une jurisprudence au cas par cas de demandes d'accommodement raisonnable.

Il est plus que temps d'ouvrir courageusement et généreusement le débat sur la laïcité, comme le demandent d'ailleurs de nombreux groupes entendus sur le projet de loi n° 94, notamment les grandes centrales syndicales, qui représentent des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens, dont bon nombre oeuvrent dans la sphère publique. Il est grand temps d'adopter une charte qui définisse les balises qui nous permettent de vivre ensemble harmonieusement et de construire, au-delà de nos différences, une société égalitaire et inclusive.

Ce n'est pas avec ce projet de loi n° 94 que nous éviterons que le débat sur les accommodements raisonnables resurgisse périodiquement dans la société et dans les médias. À cet effet, on ne peut que rappeler, particulièrement au chapitre des recommandations relatives à la laïcité, la vitesse à laquelle le gouvernement a enterré le rapport Bouchard-Taylor. Comme le Collectif citoyen pour l'égalité et la laïcité l'a bien dit lors des consultations générales le printemps dernier, il est étonnant que le gouvernement ait mis autant de temps, depuis la commission Bouchard-Taylor, pour accoucher d'une mesure aussi minimale qui n'apporte rien de nouveau quant à l'affirmation de la laïcité de l'État.

Très justement, le Collectif citoyen pour l'égalité et la laïcité souligne par ailleurs que ce projet de loi n° 94 doit s'inscrire dans un contexte international, précisant que «le Québec, comme le reste du monde, n'échappe pas à la montée des intégrismes religieux, particulièrement celui de l'islamisme». Je cite le passage de leur mémoire intitulé Pour une gestion laïque des services publics: «L'une des façons pour les islamistes de se rendre "visibles" dans l'espace public est d'instrumentaliser le corps des femmes en marquant leur sexe par le hidjab, le niqab ou la burqa qui n'ont rien d'un simple vêtement puisqu'ils sont l'étendard de l'islam politique[...]. Le récent épisode de la dame [...] qui a refusé d'enlever son niqab en classe et qui fut par la suite exclue de son cours de francisation au cégep Saint-Laurent n'est que l'expression de cette montée de l'intégrisme islamiste qui ici comme ailleurs conteste de plus en plus le caractère laïc de nos institutions et services publics et remet en question le principe d'égalité entre les femmes et les hommes.» Fin de la citation.

La séparation de la religion et de l'État, M. le Président, est l'une des valeurs fondamentales du Québec, comme l'égalité entre les femmes et les hommes, comme la primauté de la langue française, comme la langue commune de convergence, la recherche d'une meilleure justice sociale, où la culture québécoise est partie intégrante de cette volonté d'affirmer notre modernité. L'introduction d'une charte de la laïcité viendrait indubitablement réaffirmer les valeurs fondamentales du Québec. Aussi, notre souci, en introduisant la laïcité dans l'espace civique, est de maintenir la paix sociale, voire la cohésion sociale, qui nous permettraient, entre autres choses, d'anticiper les dérapages sectaires ou idéologiques.

M. le Président, je ne saurais trop insister à réfuter le concept de laïcité ouverte, qui, selon les tenants de cette notion, accolé au multiculturalisme, favoriserait l'intégration des immigrants. Les exemples sont pourtant nombreux, qui réfutent cette thèse, notamment aux Pays-Bas, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Dans ces trois cas, non seulement l'intégration a échoué, mais la politique du multiculturalisme a favorisé le communautarisme et ouvert la porte à l'extrémisme religieux, comme nous l'apprenait cette semaine le journal Le Devoir, du lundi 7 février 2011, par la voix de son correspondant à Paris, M. Christian Rioux, dans un article intitulé À son tour, David Cameron condamne le multiculturalisme.

Le journaliste cite le premier ministre britannique -- j'ouvre les guillemets: «"Avec la doctrine du multiculturalisme d'État, nous avons encouragé les différentes cultures à vivre des vies séparées, séparées les unes des autres et coupées de celle de la majorité. Nous avons échoué en ne proposant pas une vision de la société à laquelle ces communautés auraient pu se sentir appartenir. Nous avons toléré les communautés pratiquant la ségrégation et se comportant de manière totalement opposée [à] nos valeurs".» Je ferme les guillemets.

Christian Rioux nous rappelait que le premier ministre Cameron «marchait ainsi dans les pas de nombreux représentants politiques européens pour qui le multiculturalisme apparaît de moins en moins comme un objectif souhaitable», citant notamment la chancelière Angela Merkel, qui constate, elle aussi, «que le rêve d'une société multiculturelle a "complètement échoué"» dans son pays. Même au Canada, en avril dernier, le député libéral fédéral de foi Sikh, M. Ujjal Dosanjh, imputait l'expansion de l'extrémisme religieux dans sa communauté au multiculturalisme canadien.

Dans la perspective des défis de l'intégration des immigrants au Québec, j'ai eu moi-même l'occasion de m'exprimer sur le sujet dans Le Devoir du 26 janvier dernier. Je dénonçais alors l'approche du multiculturalisme à la canadienne, qui nous mène tout droit à la ghettoïsation, à un communautarisme de repli où les cultures, plutôt que de se mélanger pour contribuer à l'édification d'une nation québécoise viable et durable, se cloisonnent dans leur coin. «Vivement, disais-je, une approche citoyenne qui définisse clairement chaque personne ayant fait le choix du Québec comme citoyen à part entière de la communauté québécoise!»

M. le Président, il est très intéressant d'apprendre que le Conseil du statut de la femme fera connaître sous peu son point de vue sur la laïcité de l'État québécois. Déjà, dans le numéro de La Gazette des femmes qui vient de paraître, la présidente du conseil, Mme Christiane Pelchat, expose quelques idées fortes sur la question. Je la cite: «Pour nous, la neutralité de l'État est essentielle à la liberté de conscience. Et les fonctionnaires en sont l'incarnation directe. Les lois de l'État sont des lois civiles et non religieuses. Lorsqu'une décision est prise au gouvernement du Québec, elle ne l'est pas en vertu de la Bible, du Coran ou de la Torah.» Fin de la citation. Nous attendons donc avec impatience cet avis, M. le Président, cet avis du Conseil du statut de la femme.

C'est donc forts de la réflexion et des recommandations des 68 groupes et personnes qui ont présenté un mémoire en commission parlementaire que nous poursuivrons notre travail lors de l'étude de ce projet de loi article par article, confiants que nos amendements pourront bonifier considérablement ce projet de loi qui, très manifestement, s'avère, sous sa forme actuelle que nous rejetons, incomplet et insignifiant, compte tenu de la complexité en cause.

**(12 h 50)**

M. le Président, je veux rappeler que mes souliers ont beaucoup voyagé. Il y a longtemps de cela, ils ont foulé d'un pas ferme le calvaire de l'exil et de l'immigration. Et, hier encore, ils foulaient le territoire complexe de l'intégration. Vous comprendrez donc que mon point de vue soit celui d'un observateur extérieur et intérieur. Aussi, je rapporte ici le regard de l'étranger, doublé d'une dimension néo-québécoise, disons-le ainsi, avec une expérience directe et active du Québec dans les divers aspects de sa réalité. Et ce que je dis, néanmoins, en toute humilité, n'a pas la moindre prétention de rivaliser avec qui que ce soit, encore moins de fournir le sens général d'approches qui sont diverses.

Cela dit, nous faisons face aujourd'hui, au Québec, à un devenir de notre nation, avec ses mutations sociales, démographiques, politiques, religieuses et culturelles. Nous faisons face aujourd'hui à un Québec plongé dans une réflexion collective sur ses valeurs et son devenir. Aussi, il me vient et revient une profonde conviction relative à l'intégration des néo-Québécois et de leur descendance. Il est de notre responsabilité, à nous, membres de cette Assemblée, d'assurer à nos concitoyennes et concitoyens, à nos jeunes, à nos enfants un avenir sûr, un avenir pluraliste, avec un souci de cohésion sans cesse renouvelé. Pour nos concitoyennes et concitoyens, pour nos jeunes, pour nos enfants, notre avenir, il nous appartient d'instaurer un droit à la différence et non une différence des droits. De plus, il nous appartient d'assurer une égalité des chances de fait et non seulement de forme.

Un débat démocratique s'est engagé, au Québec, depuis bientôt quatre ans sur ce sujet, un débat délicat et fragile. C'est un débat qui reste néanmoins pertinent et incontournable quand on s'attarde un tant soit peu en profondeur, notamment sur la question des accommodements raisonnables, et quand on mesure la volonté exprimée des Québécoises et des Québécois de voir ces pratiques rigoureusement balisées. De ma perspective, j'ai malheureusement l'impression que ce débat se retrouvera dans l'impasse tant et aussi longtemps que le Québec restera subordonné à la Constitution canadienne. Ce débat se retrouvera dans l'impasse tant et aussi longtemps que le Québec sera subordonné à la charte et à l'idéologie du multiculturalisme. Je rappelle au passage que la Constitution canadienne a été imposée au Québec. Le Québec ne l'a pas signée, le Québec subit cette constitution depuis des années.

Force est de constater que le Canada est peut-être un beau pays, mais il est aussi un port de plaisance pour une poignée d'intégristes religieux au coeur sectaire, qui divisent, qui fragilisent leurs propres communautés d'origine et empoisonnent la cohésion sociale. Les intégristes, nous le savons, ils sont minoritaires au sein de leurs communautés, mais ils leur nuisent beaucoup, car ils les tiennent en otages et en font des cibles idéales de stigmatisation.

Il nous appartient aujourd'hui, M. le Président, de débattre de ces questions. À défaut, un gouvernement souverainiste y verra avec efficience. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Bourget, de votre intervention. Et, à ce moment-ci, compte tenu de l'heure et de ce que j'ai entendu parler, il faut que je vérifie s'il y a consentement entre les parlementaires pour envisager pour le moment, là, de tenir le débat de fin de séance que j'ai annoncé tantôt. Et là, s'il y avait consentement, bien on va le valider, ça veut dire qu'ou bien on le suspend ou on le commence tout de suite. On regardera ça tantôt.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 20 et que le débat de fin de séance se tienne en dépassant les limites horaires prévues? Il y a consentement? À ce moment-ci, est-ce qu'on peut envisager de l'entreprendre ou si on doit suspendre quelques minutes?

M. Gautrin: ...aux parlementaires d'arriver. Ils sont en route, l'un et l'autre. Ils devraient être ici sous peu. Et, M. le Président, dans un instant ou un autre, les deux parlementaires...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, les travaux sont suspendus pour quelques minutes, en convenant que, dès que les concernés seront présents, nous allons procéder au débat de fin de séance que j'ai eu l'occasion d'annoncer. Les travaux sont suspendus pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

 

(Reprise à 13 h 1)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, comme nous l'avons indiqué précédemment, il s'agit d'un débat de fin de séance. Alors, j'invite les gens à ne pas être surpris. La règle veut que c'est les deux concernés, celle qui a interpellé et le ministre responsable. Donc, ce sera dans un premier temps la députée qui va, conformément à l'article de notre règlement, prendre la parole pour cinq minutes -- parce qu'on connaît les règles -- le ministre a cinq minutes, et après ça il y a un droit de réplique protégé de deux minutes.

Débats de fin de séance

Transport de générateurs de vapeur
radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent

Et nous sommes prêts à débuter le débat de fin de séance. Alors, à vous, Mme la députée, pour commencer ce débat de fin de séance. À vous la parole.

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet: Merci, M. le Président. Le fleuve Saint-Laurent ne doit pas devenir la voie d'évacuation des déchets nucléaires de l'Ontario. Le transport d'équipements et de déchets radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent représente un risque réel d'accidents. Le fleuve Saint-Laurent est une voie navigable difficile. S'il y avait accident, quelles en seraient les répercussions?

Le réseau des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent forme la plus grande étendue d'eau douce à l'échelle de la planète. Cet immense réservoir d'eau est la source d'approvisionnement en eau potable, l'eau que l'on boit, de plus de 40 millions de personnes aux États-Unis, au Canada et au Québec. Pensons seulement aux gens de Montréal, Laval, de la rive sud, de la rive nord et toutes ces municipalités qui ont leurs prises d'eau dans le fleuve Saint-Laurent.

Les groupes environnementaux dénoncent cette décision. Plus d'une centaine de municipalités sont inquiètes. Montréal, Québec s'opposent au transport sur le fleuve Saint-Laurent des déchets radioactifs. La fédération des municipalités du Québec et l'Union des municipalités du Québec vont prendre position dans les prochains jours. Qu'est-ce que le gouvernement du Québec attend? Aux États-Unis, ils s'activent déjà, des sénateurs demandent déjà une évaluation environnementale complète.

D'ailleurs, à cet effet, un article dans le journal La Presse, de Charles Côté, Cargaison radioactive: le débat se transporte aux États-Unis: «Six sénateurs américains continuent d'exiger un examen serré du projet de transport par bateau de 16 chaudières contenant de faibles quantités de matières radioactives sur le Saint-Laurent, malgré son autorisation vendredi par les autorités nucléaires canadiennes.

«Ces sénateurs démocrates demandent une évaluation environnementale complète du projet de la société ontarienne Bruce Power, gestionnaire de la plus grande centrale nucléaire du continent, à 200 kilomètres au nord-ouest de Toronto.»

L'UMQ, dans un article du Soleil, s'inquiète de la situation. Le président du comité d'environnement de l'UMQ dit: «Le fleuve Saint-Laurent ne doit pas devenir la voie d'entrée et de sortie des déchets nucléaires.» Un communiqué du maire des grands... de l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent dit: «Les maires de l'alliance demeurent préoccupés par le fait que le transport proposé de 1 600 tonnes d'équipement et de déchets radioactif sur un seul navire à travers les Grands Lacs et le Saint-Laurent surpasse -- ça surpasse -- la limite internationale admise par l'Agence internationale de l'énergie atomique», affirme le maire Denis Lapointe, maire de Salaberry-de-Valleyfield, qui est aussi président de l'alliance.

Donc, il est très clair qu'il y a des inquiétudes, des inquiétudes légitimes. Le Québec doit agir. Ce n'est pas vrai qu'on doit se contenter de dire que c'est de compétence fédérale. L'eau, la santé, les prises d'eau potable sont de compétence du Québec, et c'est important qu'on s'en occupe, qu'on s'en occupe pour la santé de nos populations. Et, dans toute cette question-là, aussi c'est le précédent qui va être créé qui est très dangereux. On va-tu accepter que le fleuve Saint-Laurent devienne la voie d'évacuation des déchets nucléaires, avec tous les risques que ça comporte? Ce n'est pas pour rien que les déchets nucléaires doivent être gérés sur le site et non pas être transportés à droite et à gauche, c'est parce qu'il y a des risques importants.

Et, nous, on demande qu'il y ait un BAPE, un BAPE pour évaluer les risques. Le ministre le disait lui-même dans sa lettre à Ottawa, qu'il avouait ne pas connaître les risques relatifs au transport des déchets radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent. Bien, le BAPE va servir justement à ça, va servir à avoir de l'information. Et, quand le ministre affirme, ce matin, que le BAPE n'aurait absolument pas... qu'il ne se positionne pas trop s'il va faire un BAPE ou pas, mais ça ne semble pas clair, puis ils disent: Le BAPE n'aurait absolument pas pour effet de retarder l'émission d'un permis fédéral, bien, ce qu'on veut d'un BAPE, c'est d'avoir de l'information, d'avoir des arguments. C'est important. Si on veut pouvoir plaider notre cause et avoir un rapport de force, il faut avoir de l'information. Il l'a dit lui-même, qu'il n'en a pas, d'information.

Donc, c'est important que le gouvernement du Québec affirme clairement qu'il n'y aura pas de transport par bateau des déchets radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent sans le consentement des Québécois. Est-ce que le ministre de l'Environnement est capable de nous garantir que ce bateau-là ne passera pas? Parce que, là, le permis a été émis pour un an. Et est-ce que le ministre de l'Environnement peut nous indiquer s'il a l'intention aussi de donner un mandat au BAPE pour faire l'évaluation des risques reliés au transport des déchets radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent? Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Vachon. Et je cède maintenant la parole à M. le ministre du Développement durable et de l'Environnement pour son cinq minutes maximum. M. le ministre, à vous la parole.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: Merci beaucoup, M. le Président. Vous savez, le 30 septembre dernier, j'ai fait part à mon homologue fédéral -- et je le cite au mot, je cite cette lettre-là au mot, au texte -- des «vives préoccupations au sein du gouvernement du Québec» au sujet de cette demande de Bruce Power qui avait été faite à la Commission canadienne de sûreté nucléaire afin d'obtenir un permis et un certificat d'homologation pour le transport par bateau de ces fameux 16 générateurs. Et ces générateurs étaient à destination de Suède, et le transport serait effectué, M. le Président, à partir des Grands Lacs et à travers le fleuve Saint-Laurent.

Le gouvernement fédéral, par la voix de son ministre des Ressources naturelles, a répété hier, encore une fois, que les conclusions de la commission canadienne indiquaient que les risques étaient minimes. Le passage, cependant, de ce bateau sur le fleuve Saint-Laurent préoccupe non seulement le gouvernement, mais -- nous en sommes tout à fait conscients -- les municipalités riveraines, la population du Québec et aussi les États américains qui bordent les Grands Lacs et le Saint-Laurent.

Lors de ces échanges, j'ai demandé à mon homologue fédéral que des consultations en bonne et due forme soient initiées dans les meilleurs délais par les autorités fédérales compétentes et auprès des instances gouvernementales québécoises concernées, et en particulier à cause des préoccupations que ce transport, bien sûr, suscite sur le plan environnemental. Les échanges qui auraient pu en découler devaient nous permettre de mieux apprécier, d'une part, les risques inhérents à cette opération, mais aussi parce qu'au ministère de l'Environnement du Québec, au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, on croit que le gouvernement fédéral et que la commission canadienne auraient pu également examiner d'autres solutions que le transport comme tel.

La commission canadienne donc a annoncé le 4 février sa décision de délivrer le permis. Et je rappelle que c'est un permis qui est valide pour une période de un an, du 4 février 2011 au 3 février 2012.

Je désire rappeler également que c'est au gouvernement du Québec que sont dévolues la propriété et la gestion du domaine public du Québec. C'est ce territoire ainsi que celui des municipalités riveraines du fleuve Saint-Laurent que ce transport de cargaison va traverser pour atteindre sa destination suédoise. En ce sens, et si jamais un jour il y avait un incident, il est très clair que ses effets seraient d'abord ressentis par la population et sur le territoire du Québec.

J'aimerais vous dire que je suis, moi, préoccupé. Parce que je veux bien croire le fédéral qui nous dit que le risque est minime, mais ce qui me préoccupe davantage, c'est le fait que cela constitue un précédent. C'est un précédent qui est créé par l'octroi de ce permis et de ce certificat de transport, et ce, sans que le gouvernement du Québec n'ait été consulté ou encore n'ait donné son aval à la traversée envisagée de son territoire. Je dois donc vous dire que j'ai réitéré davantage auprès du gouvernement fédéral nos vives préoccupations. J'ai parlé à M. Paradis, le ministre fédéral des Ressources naturelles. J'ai envoyé une lettre à M. Kent. Les gens de mon cabinet et les gens du gouvernement ont parlé avec M. Lapointe, le président de l'Alliance des villes, et une coalition, M. le Président, s'organise. J'ai de plus mandaté les gens de mon ministère à présenter un mémoire et de participer aux consultations que le gouvernement fédéral a accepté de faire au Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes, qui aura lieu les 8 et 10 mars prochain, afin bien sûr que les intérêts du Québec soient entendus.

M. le Président, c'est un dossier sérieux, nous allons être en action et nous allons faire le maximum pour protéger les intérêts de la population. Ce dossier ne devrait pas, M. le Président, être une occasion de se faire du crédit politique pour mousser l'option souverainiste mais plutôt, et j'invite ma collègue à le faire, une opportunité de s'unir et parler d'une seule voix, M. le Président.

**(13 h 10)**

Le Vice-Président (M. Gendron): Je vous remercie, M. le ministre, pour votre cinq minutes de réplique. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Vachon pour son deux minutes protégé. À vous, Mme la députée.

Mme Martine Ouellet (réplique)

Mme Ouellet: Oui. Merci, M. le Président. J'ai bien entendu M. le ministre qui réitère ses préoccupations mais qui avait déjà envoyé par lettre à M. Kent il y a six mois, sans réel résultat, parlé à M. Paradis, parlé avec les gens de l'alliance, mais c'est bien beau, parler, mais ça prend des actions et ça prend des résultats. Le permis, actuellement, il est émis, il est émis pour une période de un an, jusqu'en 2012.

Est-ce que le ministre peut nous garantir qu'il n'y aura pas de transport de déchets radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent sans le consentement des Québécois? Est-ce que le ministre peut aussi nous dire qu'il va déclencher une enquête du BAPE pour qu'on soit bien documentés? Parce que... Quand ils disent que c'est des impacts minimes, est-ce que les études environnementales ont été faites? Ce n'est pas clair. Sur les prises d'eau, les risques, est-ce qu'ils ont été analysés de façon exhaustive? On n'a pas l'information. Et ce qu'on a comme information, c'est que les risques auraient été analysés par l'industrie elle-même, ce qui n'est vraiment pas suffisant.

Donc, moi, je constate qu'aujourd'hui comme hier, comme ce matin et comme cet après-midi, on n'a toujours pas de réponses claires à ce dossier-là qui est un dossier extrêmement préoccupant pour l'environnement et la santé des populations. Moi, j'aimerais, très clairement... et j'offre toute ma collaboration pour que le gouvernement se positionne très clairement pour dire qu'il n'y aura pas de transport des déchets radioactifs sur le fleuve Saint-Laurent sans le consentement du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée de Vachon. Et cette dernière réplique met fin au débat de fin de séance.

Est-ce que vous vous déguisez en leader adjoint pour annoncer... ou si c'est moi qui fais la motion? Alors, compte tenu effectivement de l'entente de tenir le débat de fin de séance, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux... Je ne fais pas motion, j'indique que nos travaux sont ajournés jusqu'au mardi 15 février...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Ah! Excusez. Là, vous avez raison. Vous avez raison. Je reprends. Oui, parce que le débat de fin de séance... Ce n'est pas parce que le débat de fin de séance a eu lieu que ça arrête nos travaux. Alors, nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

 

(Reprise à 15 h 5)

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, bon après-midi. Mmes et MM. les députés. Veuillez vous asseoir.

Projet de loi n° 94

Reprise du débat sur l'adoption du principe

L'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Y a-t-il des interventions? Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Monique Richard

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Mme la Présidente, au cours d'une conférence de presse organisée le 24 mars 2010, le premier ministre, accompagné de la ministre de la Justice de l'époque, de la ministre responsable de la Condition féminine et de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles d'alors, présentait le projet de loi n° 94, voulu comme un geste, disait-il, déterminant pour clarifier la question des accommodements raisonnables et affirmer les valeurs québécoises. Depuis 2006, les accommodements dits raisonnables ont occupé à plusieurs reprises le devant de la scène médiatique et ont fait l'objet de débats souvent animés, parfois houleux au sein de la population québécoise.

Alors, que la notion d'accommodement raisonnable concerne un nombre important de situations dans le milieu du travail quant au sexe, à un handicap, à une grossesse ou à une pratique religieuse, ce sont exclusivement les accommodements pour motifs religieux qui ont retenu l'attention des médias. Il serait dangereux de résumer les problèmes d'accommodement raisonnable à la seule responsabilité des communautés culturelles en la matière. Cette façon de faire ne pourrait que déboucher sur des situations intolérables de rejet, de discrimination et d'intolérance extrême préjudiciables à notre vivre-ensemble collectif. Le législateur a donc une immense responsabilité en la matière et il doit assumer cette responsabilité.

La commission Bouchard-Taylor n'a pas calmé les inquiétudes de la population à l'égard des accommodements religieux. S'il ne faut surtout pas associer le débat sur les accommodements religieux à la présence toujours plus grande d'immigrants et d'immigrantes dans l'État québécois, l'État québécois a le devoir de leur donner l'heure juste sur les valeurs qui régissent le Québec et définissent le mieux-vivre-ensemble. En refusant d'agir, le gouvernement ne rend que plus difficile l'intégration des immigrants et des immigrantes à la société d'accueil et alimente certains préjugés à leur endroit.

Il importe donc au gouvernement du Québec de définir clairement la nature de l'accommodement raisonnable, la nature de la neutralité religieuse de l'État et d'une forme de laïcité inclusive qui évitera le règlement au cas par cas et la discrimination de telle ou telle catégorie de la population. En cela, le projet de loi n° 94 est mal ficelé et vague sur de nombreux points et il ne répond absolument pas aux objectifs et aux volontés de la population du Québec.

Avec ce projet de loi, le gouvernement a clairement fait le choix de la laïcité ouverte et du statu quo, puisque les dispositions législatives proposées pour répondre au débat sur les accommodements raisonnables pour motifs religieux ne font que codifier dans une loi l'ensemble de la jurisprudence actuelle. Fallait-il une loi pour cela, Mme la Présidente?

**(15 h 10)**

On retient surtout de ce projet de loi que la prestation de services par l'État devra se faire à visage découvert. Par ailleurs, un accommodement souvent demandé pour satisfaire à des pratiques religieuses ou culturelles ne pourrait être accordé que s'il est raisonnable, c'est-à-dire s'il n'impose pas une contrainte excessive quant au coût, à ses effets sur le bon fonctionnement d'un organisme gouvernemental ou sur les droits d'autrui. En cela, le gouvernement reprend les termes définis par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en ce qui a trait à la notion de contrainte excessive et n'apporte absolument rien de nouveau à ce débat.

Le projet de loi n° 94, dans les faits, ne fait que prohiber le voile intégral pour les fonctionnaires et les bénéficiaires des services de l'État québécois, et ce, pour des raisons de sécurité et d'identification. En effet, l'article 6 du projet de loi n° 94, qui vise indirectement une seule catégorie de la population, à savoir les femmes musulmanes qui portent le voile intégral, est le parfait exemple de la volonté de mise en place d'une laïcité dite ouverte. Toutefois, cet article est en totale contradiction avec l'article 4 qui prétend sacrifier, par une loi... sanctifier, par une loi, la neutralité religieuse de l'État.

L'État ne peut pas à la fois affirmer sa neutralité religieuse et en même temps discriminer une catégorie de sa population, même de façon indirecte, par une disposition législative qui vise implicitement un signe religieux en particulier. En cela, le projet de loi n° 94 présente un réel danger d'effet discriminatoire a posteriori, puisqu'il n'y a que dans la religion musulmane que les femmes portent parfois un voile intégral qui masque leur visage. Elles seules seront donc concernées par ces mesures d'identification et qui, en conséquence, entraînent des questions liées à la sécurité et à la communication. Pour être neutre, l'État doit donc se proclamer réellement neutre et ne faire aucune différence dans ses rapports envers les différentes religions.

La question primordiale: la mise en place d'une charte de la laïcité. L'idée selon laquelle la neutralité de l'État et la laïcité ne concernent que l'institution et pas ses représentants est une ineptie propre à renforcer la négation même du concept de laïcité. L'État n'est pas désincarné. L'État est incarné par ses représentants et ses représentantes, donc par les individus qui travaillent à son service. L'État n'a pas à distinguer, parmi ses représentants et ses représentantes, qui a le droit de porter des signes religieux ostensibles et qui n'en a pas le droit. Les signes religieux expriment l'appartenance religieuse au-delà de toute équivoque possible. De même, il est impossible de nier que certains signes religieux représentent une acceptation du rejet de l'égalité entre les hommes et les femmes, pourtant garantie dans la Charte des droits et libertés de la personne. L'affirmation de croyances religieuses dans un contexte étatique est donc inconcevable, car permettre le port de signes ostensibles ou ostentatoires aurait pour conséquence d'affaiblir la nécessaire neutralité des institutions de l'État vis-à-vis de ses représentants et de ses citoyens. Le respect de la liberté de croire ou de ne pas croire nécessite une neutralité totale de l'État envers les différentes religions mais également envers la non-croyance et l'athéisme.

La laïcité de l'État représente un facteur d'inclusion pour tous les citoyens et citoyennes du Québec. Cette laïcité, elle doit s'appuyer sur le strict respect de la liberté de conscience mais aussi sur l'égalité entre toutes les religions sans que l'État ne reconnaisse la prépondérance d'une d'entre elles par rapport aux autres. Ce qui amène à la nécessaire et indispensable neutralité de l'État dans l'espace civique. De là l'importance de la mise en place d'une charte de la laïcité qui permettrait aux tribunaux de pouvoir interpréter le droit en fonction d'un texte de référence et non pas en fonction d'une jurisprudence établie au cas par cas de demandes d'accommodement raisonnable. L'État a en effet la responsabilité législative et sociétale d'aider les tribunaux à se prononcer en vertu des lois et des chartes.

Il est plus que temps d'ouvrir courageusement, Mme la Présidente, le débat sur la laïcité, comme le demandent d'ailleurs de nombreux groupes entendus sur le projet de loi n° 94, et d'adopter conséquemment une charte qui définisse les balises qui nous permettront de vivre ensemble harmonieusement et de construire, au-delà de nos différences, une société égalitaire et inclusive.

Si on revient à différentes présentations qui ont été faites lors des auditions en commission parlementaire, afin de se rappeler un peu qu'est-ce qu'on a entendu, le collectif des citoyens pour l'égalité et la laïcité nous a dit être étonné «que le gouvernement ait mis autant de temps, depuis la commission Bouchard-Taylor, pour accoucher d'une mesure aussi minimale, qui -- à son avis -- n'apporte absolument rien de nouveau quant à l'affirmation de la laïcité de l'État». «D'entendre dire, ajoute-t-il, que ce projet de loi prend position en faveur de la laïcité ouverte, alors qu'il n'y a rien dans ce projet qui définit ou clarifie quoi que ce soit concernant la place du religieux dans les institutions publiques, a de quoi susciter bien des interrogations», soulève-t-il.

Entendons maintenant l'Association des retraitées et retraités de l'éducation et des autres services publics. L'AREQ nous dit être contre le projet de loi et en demande le retrait, affirmant qu'il faut un débat public sur la laïcité pour élargir le débat actuel. Elle affirme également que la société est assez mûre pour avoir un véritable débat sur nos valeurs fondamentales. Elle ajoute: Actuellement, par ce projet de loi, «on maintient le statu quo. Les demandes [sont] encore traitées au cas par cas. Ce projet de loi ne nous met pas à l'abri de décisions judiciaires ou administratives qui semblent ne considérer que les droits des individus et oublier les droits collectifs.»

Maintenant, si on se réfère au point de vue des organisations syndicales, la Centrale des syndicats du Québec nous dit ceci: «Ayant refusé de procéder à un vrai débat sur la laïcité, le gouvernement en est réduit à gérer à la pièce chaque crise et à inventer des réponses ponctuelles à des demandes particulières.» Il ajoute: «...ce gouvernement n'a pas donné suite à l'invitation de produire un livre blanc sur la laïcité[...]. [...]il est incapable de faire respecter les avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse concernant la pratique de certaines municipalités qui continuent de réciter la prière durant les séances publiques.» Et, bien sûr, la CSQ ajoute: La centrale «veut démontrer que le projet de loi n° 94 s'inscrit dans cette pratique de la gestion à la pièce et risque de nous conduire dans une impasse qui pourrait bien être le prélude à une "désintégration sociale" liée à une incapacité d'affronter courageusement les problèmes de fond. D'autre part, ce projet de loi, disent-ils, s'ajoute aux décisions gouvernementales antérieures sur la gestion de la diversité culturelle et religieuse sans qu'il y ait eu un débat social large pour dégager des consensus sur ces décisions. D'autre part, ajoutent-ils, ce projet de loi répète l'état du droit, respecte la jurisprudence et n'apporte donc rien de nouveau au débat sur les accommodements raisonnables. Par contre, tel qu'il a été rédigé, il ouvre la porte à un débat sans fin quant aux interprétations à donner à ce projet.»

Alors, bon nombre de groupes se... ont intervenu. Je mentionnerais également la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui «s'interroge sur le choix de recourir à une loi d'application générale dans l'administration gouvernementale pour prévoir que les obligations découlant du droit à l'égalité reconnu dans la charte s'appliquent à cette Administration, ce qui est déjà le cas -- selon elle -- depuis l'entrée en vigueur de la charte». La commission craint, de plus, «que le projet de loi n° 94 n'ait pour effet d'exacerber l'exclusion et la stigmatisation que vivent déjà les femmes musulmanes portant le niqab».

Les grandes centrales, bien sûr, je vous en ai parlé tout à l'heure, veulent donc la tenue d'un vrai débat, d'un véritable débat sur toute la question de la laïcité. Pour nous, il est impératif de mettre en place la charte de la laïcité, qui vise à réaffirmer des valeurs fondamentales du Québec à travers une modification de la Charte québécoise des droits et libertés, de sorte que le principe d'égalité entre les hommes et les femmes, la primauté du français et le principe de la laïcité de l'État soient dûment affirmés avec une valeur interprétative. Ce n'est que de cette façon que nous éviterons que le débat sur les accommodements raisonnables ressurgisse périodiquement dans les médias et la société.

Le gouvernement doit donc retirer ce projet de loi qui ne fait qu'inscrire dans une loi une jurisprudence existante et confirmer l'étude au cas par cas de chaque demande. Il faut proposer aux Québécoises et aux Québécois une charte de la laïcité. Pour notre part, nous soumettrons aux Québécoises et aux Québécois un projet de charte de laïcité afin de répondre à cet enjeu fondamental. Merci, Mme la Présidente.

**(15 h 20)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-D'Youville. Je reconnais maintenant Mme la députée de Mirabel.

Mme Denise Beaudoin

Mme Beaudoin (Mirabel): Merci, Mme la Présidente. Alors, c'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. C'est avec plaisir que j'interviens comme députée évidemment, comme femme, comme avocate, comme mère, et je suis interpellée parce que j'ai vécu pendant un an dans des pays où le voile intégral était de mise, c'est-à-dire en Asie.

Je vais d'abord vous parler de l'état de la situation concernant ce fameux projet de loi et, dans l'état de la situation, je vais vous expliquer quand le gouvernement a présenté ce projet de loi, et je vais vous parler également de la notion d'accommodement raisonnable, la définition et le sens juridique d'«accommodement raisonnable» et aussi la notion d'accommodement raisonnable dans le projet de loi n° 94.

Puis je vais vous parler des enjeux. Les enjeux sont importants, Mme la Présidente, parce qu'en expliquant ce qui se passe dans d'autres pays on comprend un peu plus qu'est-ce qu'il se passe chez nous et pourquoi ça suscite des débats qui sont souvent houleux. Dans les enjeux, on parle de qu'est-ce qu'il se passe dans les législations de d'autres pays, et je vais vous parler en particulier des pays -- évidemment -- musulmans et d'autres pays européens.

Puis je vais vous parler des réactions de certains organismes qui ont présenté des mémoires, des individus qui ont présenté des mémoires, des associations qui ont présenté des mémoires. Et je voudrais surtout vous parler d'une dame qui a écrit un livre -- et je dis à la population que je les invite à le lire -- et cette dame est arrivée au Québec en 1997, elle a écrit Ma vie à contre-Coran et elle s'appelle Djemila Benhabib, et je suis certaine que Mme la Présidente la connaît. Alors, c'est important de connaître ses commentaires puisqu'ils sont très intéressants.

Et, finalement, je vais vous parler pourquoi notre formation politique est contre ce projet de loi.

Alors, parlons de l'état de la situation. D'abord, quand a-t-on présenté ce projet de loi là? On a présenté ça lors d'une conférence de presse organisée le 24 mars 2010, et le premier ministre était présent, la ministre de la Justice de l'époque, la ministre responsable de la Condition féminine et la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, et on présentait le fameux projet de loi n° 94 voulu «comme un geste déterminant pour clarifier la question des accommodements raisonnables et affirmer les valeurs québécoises».

Vous savez que, depuis 2006, les accommodements raisonnables... dits raisonnables ont occupé à plusieurs reprises, devant la télévision, devant plusieurs... plusieurs journalistes, et même à la maison, des débats houleux. Ce n'est pas réglé, au Québec, et ce n'est pas ce projet de loi n° 94 qui va le régler.

On parle souvent que c'est un débat qui concerne Montréal, mais c'est faux. Je suis la députée de Mirabel et je peux vous dire que, dans la circonscription de Mirabel, on parle des accommodements raisonnables. Dernièrement, j'ai même entendu une acéricultrice chez nous qui me disait: Je suis embêtée, je ne sais pas quoi faire parce que, lorsque je reçois des gens dans ma cabane à sucre, on me demande des menus, des menus adaptés à certaines communautés, on me demande des gestes qui sont particuliers, et il n'y a pas de balise. Et ce n'est pas ce projet de loi n° 94 qui va tout régler.

Alors, on a connu d'autres dérapements, je peux dire de la dérive, parce qu'alors que la notion d'accommodement raisonnable concerne un nombre important de situations dans le milieu de travail quant au sexe, à un handicap, à une grossesse ou à une pratique religieuse ce sont exclusivement les accommodements pour motif religieux qui ont retenu l'attention des médias. On ne parle que de ça, alors que ce n'est pas le débat. C'est un débat de société qu'on veut dans son ensemble. On a entendu parler des cas dans des écoles, dans des CPE, dans des classes de francisation, à l'aéroport et, comme je le disais tantôt, même dans ma circonscription, dans le milieu agricole. Alors, il faut éclaircir tout ça.

Puis le débat sur les accommodements religieux n'est pas un débat mettant en scène les Québécois et Québécoises dits de souche versus les immigrants. Ça, il faudrait spécifier que c'est un faux débat. Le gouvernement actuel, dans le dossier, a cependant entraîné une certaine dérive. Ce débat met plutôt en scène les tenants de la laïcité et les ultrareligieux. Alors, dans plusieurs des tenants de la laïcité qui ont fait entendre leurs voix au Québec au cours des dernières années, ils sont issus de l'immigration. Ils sont parfois bien plus revendicateurs sur les principes d'une stricte neutralité religieuse de l'État que les Québécois et Québécoises de souche. Il importe donc de cesser de se référer spécifiquement aux immigrants lorsqu'on aborde le sujet des accommodements religieux, qui sont souvent des concessions faites aux ultrareligieux. Le propre de l'extrémisme religieux est de transcender les frontières, les cultures et les langues.

Alors, concernant les enjeux, j'aimerais quand même vous donner une définition de ce qu'est un accommodement raisonnable dans la notion d'accommodement raisonnable dans ce fameux projet de loi n° 94. Pour la première fois, cette notion d'accommodement raisonnable est définie dans une loi à l'article 1 du projet de loi n° 94. L'article 1 dit, et je cite: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement.

«Constitue un accommodement l'aménagement, dicté par le droit à l'égalité, d'une norme ou d'une pratique d'application générale fait en vue d'accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l'application de cette norme ou de cette pratique.»

Nous avons retenu plusieurs des commentaires faits sur cet article. Alors, dans son mémoire sur le projet de loi n° 94, la CDPDJ tient à rappeler également que «le concept d'accommodement raisonnable est inhérent au droit à l'égalité reconnu par la Charte des droits». Et: «C'est au milieu des années 1980 que l'obligation d'accommodement raisonnable fait son apparition en droit québécois et canadien. Dans une décision marquante, la Cour suprême du Canada reconnaît alors qu'une norme d'apparence neutre -- ici, un horaire de travail -- peut avoir un impact discriminatoire sur une employée s'il est incompatible avec la pratique religieuse de celle-ci. La cour souligne qu'une "conséquence naturelle" de la reconnaissance d'un droit -- ici, le droit à l'égalité -- doit être "l'acceptation sociale de l'obligation générale de le respecter et de prendre des mesures raisonnables afin de le protéger".»

**(15 h 30)**

Alors, il y a des limites juridiques à l'accommodement raisonnable. Et ceci m'amène, Mme la Présidente, à vous parler des enjeux. En quoi consistent les enjeux? Bien, d'abord, il faut aller voir qu'est-ce qui se passe dans d'autres pays, et j'ai fait une petite recherche, et je pense que les gens qui m'écoutent vont être surpris de voir qu'est-ce qui se passe dans d'autres pays.

D'abord, j'aimerais dire que les deux phénomènes sont parfois liés, là, quand on parle de tout cela. Il serait dangereux de résumer les problèmes d'accommodement raisonnable à la seule responsabilité des communautés culturelles. Je l'ai dit tantôt, mais, quand je vais parler de la question historique et des législations dans d'autres pays, c'est important de se rappeler ça. Cette façon de faire entraînerait une grave stigmatisation qui ne pourrait que déboucher sur des situations intolérables de rejet, de discrimination et d'intolérance extrêmement préjudiciables à notre façon de vivre-ensemble collectif. Le législateur a donc une immense responsabilité en la matière. Alors, les Québécois ne veulent pas de discrimination, ils ne veulent pas de rejet. Et le peuple québécois n'est pas raciste.

Alors, je vais vous mentionner qu'est-ce qui se passe dans différents pays et quelles sont les législations. D'abord, c'est un sujet d'actualité, on va parler de l'Égypte. J'ai fait une recherche et j'ai trouvé un article, qui date du 13 janvier 2010, et c'est un débat autour du voile intégral en Égypte. Je vais vous citer simplement certains extraits. Ici, on dit: «Nombreux sont les exemples montrant cette interrogation, sinon agitation, de ces sociétés moyen-orientales en ce qui concerne la question hautement sensible qui relève du code vestimentaire des femmes musulmanes.» Et l'on parle ici: «Mais le cas de l'Égypte est encore plus démonstratif du débat que suscite la question du voile intégral. D'abord, il serait intéressant de noter l'avis de certains dignitaires religieux égyptiens qui affirment que le niqab, voile où seuls les yeux de la femme sont visibles, n'est pas une prescription religieuse et que le port du voile intégral est un choix personnel, ne relevant pas d'une obligation imposée par la religion musulmane. En effet, la montée du port du niqab en Égypte inquiète certains responsables religieux car ils y voient là une montée d'un islam plus fondamentaliste.» Et je continue: «C'est le cas du recteur de la mosquée d'Al-Azhar, une des principales références théologiques dans le monde musulman. Il déclare que le niqab n'est qu'une tradition emportée des pays du Golfe, là où des milliers de travailleurs égyptiens sont installés. Il y a quelques mois, il est allé jusqu'à appeler à interdire le niqab dans les lycées non mixtes. Ce qui a renforcé la position du gouvernement égyptien d'interdire l'accès aux cités et campus universitaires aux étudiantes portant le niqab, et une décision ministérielle a été élaborée dans ce sens.» Alors: «Ainsi, et depuis quelques mois, le pays est le théâtre d'ardents débats enflammés.» On parle d'Égypte.

Maintenant, je vais vous parler d'autres législations. J'ai ici un article, qui date de février 2011, qui est très, très récent, puis c'est un article du Figaro, et le titre est L'interdiction de la burqa se répand en Allemagne. Et je cite: «La décision de l'État régional de la Hesse d'interdire le port de la burqa dans les services publics n'aura pas tardé à faire des émules. Au lendemain de cette interdiction, la Basse-Saxe a annoncé, ce jeudi, son intention d'en faire autant. Et la très catholique Bavière étudie aussi cette possibilité. Mercredi, le ministre régional de l'Intérieur de Hesse avait décrété l'interdiction de porter le voile islamique intégral dans la fonction publique de son land, après qu'une employée municipale eût annoncé son intention de se présenter à son travail entièrement voilée.»

On va parler de d'autres pays, de l'Espagne, de la Suisse. J'ai ici un article, qui date de décembre 2010, SaphirNews.com, et le titre est Le voile intégral interdit en Espagne, condamné en Suisse. Et je cite: «Après la France et la Belgique, l'Espagne et la Suisse s'apprêtent à prendre des mesures contre le voile intégral dans l'espace public.

«Une ville au nord de l'Espagne, Lleida, est la première du pays à appliquer la loi interdisant le port du voile intégral dans les bâtiments municipaux.»

Alors, vous voyez qu'on n'est pas les seuls à se poser des questions concernant le port du voile intégral. Il faut se rappeler que c'est la Belgique qui a été la première -- on dit la première -- européenne à interdire le port du voile intégral. J'ai un article ici, de Libération, c'est écrit: La Belgique, premier pays à interdire le port du voile intégral dans tout l'espace public. Et, dans d'autres pays... Je vais le citer brièvement, on parle de la Tunisie, qui parle de l'«interdiction du port du voile dans les écoles et dans l'administration en général». On parle de la Turquie, qui dit: «L'interdiction du voile islamique est strictement appliquée par l'armée -- les officiers dont les femmes sont voilées sont exclus de toute promotion et souvent renvoyés.» On parle également... Et là on parle, là, des pays où la religion musulmane est... ils l'ont. On parle également de la Suisse, j'en ai parlé tantôt. Le Kosovo, le pays a adopté une loi interdisant le port des symboles religieux dans les établissements publics.

Alors, tout ceci, Mme la Présidente, m'amène à dire que les Québécois, ils veulent un débat, un débat sur l'ensemble de tout ça. Parce que ce n'est pas ce projet de loi n° 94 qui va régler quoi que ce soit. D'ailleurs, 75 % des gens qui sont venus en commission sont contre, peut-être pour différentes raisons, mais ils sont contre. Puis, quand vous parlez aux Québécois et Québécoises sur ce sujet-là, bien, comme je vous dis, c'est un débat houleux, les gens ne savent pas quoi faire, on ne les écoute pas. Alors, il faut vraiment qu'on fasse ce débat-là.

Il y a plusieurs acteurs qui ont parlé, il y a plusieurs organismes qui ont parlé, mais, moi, je vous ai dit tantôt que j'aimerais vous citer des commentaires de Djemila Benhabib, auteure de Ma vie à contre-courant. Elle a...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Mirabel): Excusez, à contre-Coran. Alors, c'est une... Elle est intervenue, mais sans mémoire. Le projet de loi n° 94, selon elle, ne nous dit pas comment notre société va protéger ces filles qui refusent de porter le voile. L'État québécois a le devoir de protéger ces femmes. Elle dit également: «...le projet de loi n° 94 est nettement en deçà des enjeux auxquels le monde fait face...» Elle dit également: Le ghetto vient des accommodements religieux.

Et j'aimerais vous citer un petit peu d'abord l'historique de cette femme qui est arrivée au Québec en 1997. Elle est née en Ukraine d'une mère chypriote grecque et d'un père algérien. Elle a grandi à Oran. Elle a été condamnée à mort par les islamistes. Sa famille se réfugie par la suite en France en 1994, et elle s'installe au Québec en 1997, et travaille actuellement pour le gouvernement.

Je vous cite certains passages de son livre, tout en vous invitant à le lire. Elle dit, à la page 11: «La terreur islamique, je l'ai subie. Il n'y a pas de mots pour la décrire.»

À la page 31, et je cite: «Il n'y a rien dans ma culture qui me prédestine à être éclipsée sous un linceul, emblème ostentatoire de différence. Rien qui me prédétermine à accepter le triomphe de l'idiot, du sot et du lâche, surtout si on érige le médiocre en juge. Rien qui prépare mon sexe à être charcuté sans que ma chair n'en suffoque. Rien qui me prédestine à apprivoiser le fouet ou l'aiguillon. Rien qui me voue à répudier la beauté et le plaisir. Rien qui me prédestine à recevoir la froideur de la lame rouillée sous ma gorge.»

Et, à la page 64, elle dit: «Le voile est devenu le pilier central de l'Islam, faisant de l'ombre à ses cinq véritables piliers.»

Et, pour terminer, elle dit, à la page 9: «J'ai porté 10 ans le voile. C'est le voile ou la mort, je sais de quoi je parle.»

Alors, Mme la Présidente, je pense que ça porte à réflexion. Dans quel genre de société on veut vivre ici, au Québec? Et je pense que les Québécois et les Québécoises, qui ne sont pas racistes, mais, parce qu'on ne règle pas ce débat-là, qui doit être vu dans son ensemble... Parce que, quand on parle d'une charte de la laïcité, ça vise à réaffirmer les valeurs fondamentales du Québec à travers une modification de la charte québécoise des droits et libertés, de sorte que le principe d'égalité entre les hommes et les femmes soit appliqué, la primauté du français et le principe de la laïcité. Tout ça, là, c'est avec un débat. Et actuellement on ne l'a pas, on ne l'a pas. Parce que ce n'est pas réglé, c'est loin d'être réglé.

Alors, je peux dire que le gouvernement se trompe s'il croit faire l'économie d'un véritable débat à l'Assemblée nationale sur la laïcité. Notre formation politique va voter contre ce projet de loi parce que, nous, on assume nos responsabilités. Au-delà des critiques exprimées sur le projet de loi en tant que tel, l'exercice des consultations générales a quand même démontré avec force la nécessité de tenir ce fameux débat plus large sur la forme de laïcité que nous voulons au Québec.

Ce gouvernement doit donc reculer, Mme la Présidente, retirer ce projet de loi qui ne fait qu'inscrire dans une loi une jurisprudence existante et confirmer l'étude au cas par cas à chaque demande. Il faut proposer aux Québécois et Québécoises cette charte. Pour notre part, nous croyons que ce projet de loi sur la laïcité, qu'il va falloir qu'on l'élargisse.

Alors, Mme la Présidente, c'est un sujet qui est important, et je voulais exprimer le fait que, si on est contre, c'est parce qu'on n'a rien réglé avec ce projet de loi n° 94. Il va falloir que tous les Québécois et les Québécoises soient concernés et puis qu'on arrête de débattre ça dans nos chaumières et de ne pas savoir qu'est-ce qu'on fait avec tout ça. Merci.

**(15 h 40)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Mirabel. Je reconnais maintenant M. le député de Verchères.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: Mme la Présidente, cet après-midi, les Québécoises et Québécois nous observent, ils ont le regard posé sur nous. Bien, je sais que, comme vous, ils ne sont peut-être pas des masses à suivre présentement nos travaux parlementaires; il y a peu de gens; je les salue d'ailleurs, les quelques courageux et courageuses qui suivent en direct nos travaux parlementaires. Il n'en demeure pas moins, Mme la Présidente, que l'ensemble des Québécoises, l'ensemble des Québécois va s'intéresser à ce que leurs représentantes et représentants ici, en cette Assemblée, vont poser comme gestes au cours des prochaines heures, au cours des prochains jours. Les attentes sont grandes, Mme la Présidente. Le débat a fait rage depuis déjà un certain nombre de mois, sinon d'années, et la population s'attend de notre part à ce que nous posions des gestes.

Alors, qu'est-ce que nous avons sous les yeux, Mme la Présidente? C'est ce dont nous discuterons au cours des prochains instants. Mme la Présidente, vous mieux que quiconque, je n'ai pas à vous... je n'ai pas à expliquer que le Québec, que l'Amérique d'une façon générale, est une terre d'accueil. L'ensemble des habitants de cette terre sont à l'origine issus de l'immigration: les premiers habitants de cette terre, ils sont arrivés via l'Asie il y a de cela à peu près 10 000 ans, ils ont occupé ce territoire pendant des siècles, des millénaires avant que n'arrivent les premiers Européens, Français, Anglais, Hollandais, Espagnols, Portugais, qui se sont installés avec les premiers occupants du territoire, les peuples autochtones. Par la suite, par vagues successives d'immigration se sont joints à nous des gens provenant de tous les horizons: au XIXe siècle, des Irlandais fuyant la famine sont venus s'établir sur le territoire; avant cela, avec la Conquête, des Anglais, des Écossais, des Irlandais également, des Gallois sont venus joindre la population de ce qui allait devenir le Québec; après la Seconde Guerre mondiale, des Italiens, des Grecs; après les troubles en Hongrie, des Hongrois; des gens d'Afrique du Nord par la suite sont venus s'établir sur notre territoire, et des gens de partout continuent, de l'Amérique latine, l'Asie du Sud-Est, de venir se joindre à nous pour prendre part à notre aventure collective et enrichir notre nation de leur apport respectif. Prétendre, Mme la Présidente, que le peuple québécois est un peuple qui cherche à se replier sur soi-même, c'est mal connaître notre histoire. Le peuple québécois est un peuple des plus accueillants. Cette terre est une terre d'accueil, et depuis des siècles c'est le cas.

Maintenant, cette histoire qui nous caractérise, cette histoire qui s'est enrichie de l'apport de gens provenant de partout à travers le monde, cette histoire nous a légué également un certain nombre d'attributs distinctifs: une langue, une culture, une littérature -- n'en déplaise à Lord Durham. Mais, Mme la Présidente, elle nous a également légué des valeurs, des valeurs communes qui nous caractérisent et qui font en sorte justement, Mme la Présidente, que plusieurs personnes à travers le monde veulent venir se joindre à notre aventure collective. Parce qu'ils veulent embrasser ces valeurs, parce qu'ils veulent vivre dans cette culture française, qu'ils veulent vivre dans cette culture particulière qui est la nôtre, ils font le choix de venir s'établir au Québec, Mme la Présidente.

Ce qui nous distingue nous rend attrayants pour des gens provenant de partout à travers le monde, et c'est, je crois, Mme la Présidente, ce qui doit être au coeur de notre réflexion quant à ce que nous devons faire collectivement par rapport à ce qu'on a appelé, d'un point de vue juridique, les «accommodements raisonnables». Or, il faut bien comprendre, Mme la Présidente, que les accommodements raisonnables, qu'on a voulu, bien sûr pour toute une série de raisons, faire principalement porter sur des questions religieuses, des questions culturelles, bien ça touche évidemment de nombreux autres secteurs de notre réalité, Mme la Présidente. Qu'on pense au sexe, aux handicaps, au fait d'avoir une grossesse, ça nécessite, dans plusieurs cas, des accommodements raisonnables. Donc, il est faux de prétendre que tout ce débat entourant les accommodements raisonnables ne doit uniquement se porter que sur des préoccupations religieuses ou culturelles.

Mais évidemment l'arrivée d'un grand nombre de néo-Québécois, de néo-Québécoises d'origines diverses, avec des cultures diverses, des religions diverses nous amène évidemment à nous positionner quant à la façon d'accueillir tous ces gens qui se joignent à nous. Comment doit-on intégrer ces gens, ces nouvelles citoyennes, ces nouveaux citoyens du Québec? Doit-on accommoder ou doit-on, au contraire, chercher à les intégrer? C'est tout le débat, au fond, de ce qui fait l'objet de ce projet de loi qui est à l'étude présentement.

J'ai vu ma collègue lever les yeux lorsque j'ai parlé d'intégration. Je veux qu'on me comprenne bien, Mme la Présidente, je ne parle pas d'assimilation. Je pense que nous nous enrichissons... oui, nous nous enrichissons de la diversité des gens qui se joignent à la nation québécoise.

**(15 h 50)**

Alors, Mme la Présidente, qu'est-ce qui a donné lieu à ce débat public? Qu'est-ce qui a occasionné le fait que nous soyons aujourd'hui à nous pencher sur ce projet de loi? Bien, il y a toute une série de cas qui ont fait la... qui ont défrayé la manchette, qui ont retenu l'attention des Québécoises et des Québécois, qui ont créé une espèce de débat public et qui nous ont amenés, à la suite de la commission Bouchard-Taylor, à nous pencher sur un premier projet de législation et maintenant celui que vous avons sous les yeux. Il y a eu ces cas, par exemple, de l'école Marguerite-De Lajemmerais qui offrait, parmi les items vestimentaires destinés aux étudiantes et aux étudiants, le foulard arborant les armoiries de l'école, alors qu'il n'y avait pas vraiment de demande en ce sens. C'était un accommodement préventif, si je puis dire. Il y a eu tous ces cas de citoyens, de citoyennes qui demandaient à être servis, que ce soit à la SAAQ ou avec des médecins, des infirmières, par une personne de leur sexe, toutes ces demandes de faire en sorte que dans les écoles, par exemple, lorsque des jeunes filles allaient à la piscine, de demander aux garçons de sortir de la piscine, cette idée selon laquelle il fallait rendre opaques les fenêtres d'un centre de conditionnement physique parce que ça dérangeait, toutes ces demandes pour faire en sorte de modifier le menu d'une cabane à sucre pour que celui-ci soit halal ou casher.

Mme la Présidente, je suis profondément convaincu que l'immense majorité des Québécoises et des Québécois d'origines diverses ne demandent pas ce genre d'accommodement, souhaitent s'intégrer à notre société, à vivre les valeurs qui sont les nôtres, ces valeurs qui nous animent, ces valeurs qui nous caractérisent. Mais nous avons effectivement ces cas très isolés qui ont défrayé la manchette, qui ont occasionné ce grand débat public et qui nous amènent aujourd'hui à devoir légiférer.

Qu'est-ce qui se passe ailleurs à travers le monde, Mme la Présidente? Bien, on a des pays, comme la Belgique et la France, qui ont déjà interdit le voile intégral. Il y a des pays, comme la Suisse et l'Espagne, qui s'interrogent présentement sur cette problématique. Il y a d'autres pays qui ont remis en question ouvertement, ce qui n'est pas encore le cas au Canada, qui ont remis en cause ouvertement la pertinence, l'utilité, le bien-fondé du multiculturalisme. On pense aux Pays-Bas, à l'Allemagne, à la Suède, au Royaume-Uni.

Mais vous me direz, Mme la Présidente: Ce sont là des pays occidentaux. Ce n'est pas anormal qu'on se pose ce genre de question, qu'on fasse ces genres de remise en question. Mais, Mme la Présidente, il y a des pays musulmans qui depuis des décennies... Dans le cas de la Turquie, par exemple, c'est depuis les années vingt qu'on a interdit dans l'espace public le port du voile. Ma collègue faisait référence à la Tunisie. Alors, Mme la Présidente, ce n'est pas qu'un débat qui concerne uniquement les sociétés occidentales que celui sur les accommodements, dans ce cas précis, qui ont un caractère religieux, mais les accommodements en général.

Mme la Présidente, dans une société ouverte, il faut se poser les bonnes questions, ne pas tomber dans la démagogie ou les raccourcis faciles. C'est ce qu'on se serait attendus à retrouver dans le projet de loi n° 94. Or, malheureusement, force est de reconnaître que le projet de loi lui-même tombe un peu dans la démagogie, tombe un peu dans les raccourcis faciles.

Mme la Présidente, qu'est-ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 94? Bien, ce projet de loi, s'appuyant sur le principe généreux de la laïcité ouverte, hein -- il faut voir ce que ça signifie -- en fait ne propose essentiellement que le statu quo. Ça vise simplement à codifier dans une législation les pratiques existantes, la jurisprudence existante.

Or, nous savons, Mme la Présidente, et c'est là le coeur même, c'est à l'origine même du problème, nous savons que les pratiques existantes, que la jurisprudence existante, elle est vague, elle est laxiste à certains égards. Il aurait fallu que l'État définisse clairement les paramètres régissant les accommodements raisonnables, ce que projet de loi ne fait pas.

Mme la Présidente, en fait, oui, on le fait. On ne fait que cibler un signe, un seul signe. Ce seul signe qu'on cible dans le projet de loi n° 94 vise des femmes, vise des femmes musulmanes. Ce n'est pas la conception que j'ai, Mme la Présidente, d'une laïcité ouverte. Ce n'est pas la conception que j'ai, Mme la Présidente, d'un État généreux, d'un État neutre, d'une séparation de la religion et de l'État, lorsque l'État cible particulièrement une catégorie de la population, à savoir les femmes musulmanes. Nous ne visons, dans ce projet de loi, que les employés de l'État, qui ne pourraient porter le niqab ou la burqa. Vous me direz: Ça tombe sous le sens, Mme la Présidente. Mais ce qui tomberait sous le sens, c'est qu'on ne puisse porter un signe religieux ostentatoire, ce qui s'appliquerait, à ce moment-là, à l'ensemble de la population pour l'ensemble des religions et non pas simplement que les femmes musulmanes.

Les lois, Mme la Présidente, doivent être les mêmes pour toutes et tous. À l'article 4, Mme la Présidente, nous définissons que... le projet de loi prévoit que tout accommodement doit respecter la Charte des droits, notamment, et je cite, «notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière». Ça, c'est l'article 4.

L'article 6, qui vise à interdire le port du niqab ou de la burqa, va carrément, à mon sens, à l'encontre de ce principe établi dans l'article 4, du respect à l'égalité... du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes, le principe de la neutralité de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière. Or, nous ciblons les femmes et nous ciblons une croyance particulière.

Mme la Présidente, je ne suis pas seul à m'interroger sur cette disposition spécifique. Mme Christiane Pelchat, la présidente du Conseil du statut de la femme, au moment des consultations générales, déclarait: «Nous avons l'impression que nous assistons à un détournement de l'objet et de l'effet du projet de loi n° 94 [...] nous en sommes profondément choqués. [...]Le Conseil du statut de la femme est à l'origine de ce projet de loi. [...]Il ne s'agit pas d'un projet de loi pour permettre ou interdire des signes religieux. Il ne s'agit pas d'un projet de loi pour permettre ou interdire... permettre une laïcité ouverte... [...]Il est donc, encore une fois, erroné de prétendre que ce projet de loi statue sur la laïcité au Québec et fait le choix d'une laïcité dite ouverte. Ce projet de loi ne peut prétendre être la réponse [entre] la relation entre le religieux et l'État. [...]En ce qui a trait à l'article 6, le conseil est extrêmement surpris et perplexe au regard des commentaires qui ont été formulés par les autorités politiques à la suite du dépôt du projet de loi n° 94, selon lesquels on optait ainsi pour une laïcité ouverte et que le projet de loi avait pour effet d'autoriser les employés et les usagers de l'Administration à porter des symboles religieux dans le cadre de la prestation des services publics.

«Le conseil ne voit pas de quelle façon, juridiquement [...] le fait de décréter que les services publics se donnent à visage découvert pourrait avoir de tels effets. D'une part, le projet de loi ne statue nullement sur les limites de la laïcité au Québec et, d'autre part, il est silencieux quant à la possibilité de porter ou non tout autre signe religieux. Il propose seulement que la prestation des services publics se fasse à visage découvert.

«De toute façon, le conseil ne donnerait pas son aval à un projet de loi qui aurait pour effet [de n'interdire qu'un] seul signe religieux, c'est-à-dire le niqab, celui porté par des femmes, et [permettrait] tous les autres portés par ces messieurs. Cela discriminerait doublement les femmes», Mme la Présidente.

Alors, c'est dire que le projet de loi n° 94 ne répond pas, ne répond pas aux attentes des Québécoises et des Québécois, ne va même pas dans le sens des propositions de la commission Bouchard-Taylor. Mme la Présidente, c'est un projet timoré, un projet de loi timoré, un projet de loi qui ne vise simplement qu'à donner l'impression à la population qu'on a entendu ses préoccupations et qu'on s'en est préoccupé, qu'on y a donné suite. Or, tel n'est pas le cas, Mme la Présidente, on le voit bien.

Mme la Présidente, nous allons voter contre ce projet de loi parce qu'il ne répond pas à la population, il ne va pas suffisamment loin. Mme la Présidente, nous souhaitons un débat général sur la question de la laïcité de l'État. Nous souhaitons une charte de la laïcité qui permettra que ses dispositions soient interprétées et que les règles ne soient pas vagues et laxistes comme c'est le cas actuellement et comme ça demeurera le cas si tant est que ce projet de loi devait être adopté.

Alors, Mme la Présidente, j'appelle le gouvernement à faire preuve d'ouverture, à entendre les préoccupations des nombreux témoins qui ont comparu en commission et dont la très grande majorité s'opposait à ce projet de loi, de se montrer ouvert. On parle d'une laïcité ouverte, alors on s'attend à une ouverture de la part du gouvernement à l'égard des points de vue qui ont été exprimés, à l'égard de la volonté et des attentes de la population en général et des propositions qui seront formulées par l'opposition officielle et les autres formations politiques en cette Assemblée. Sinon, Mme la Présidente, ce projet de loi est voué à l'échec.

**(16 heures)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Verchères. Et je suis prête maintenant à reconnaître Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, Mme la Présidente. Depuis que je suis députée, en 2003, j'ai eu souvent à prendre la parole sur des enjeux semblables puisque, bien malheureusement, pendant deux mandats j'étais la seule femme du caucus. On m'a désignée d'une façon... d'une façon peut-être un peu sexiste au début, mais j'ai pris goût vraiment à ces enjeux. Et puis j'ai, grâce à vous, pour la première fois, débattu d'une question d'enjeu religieux versus le Parlement et les lois, lorsque nous avons pris ensemble une motion, à l'unanimité de la Chambre, pour dire que la charia n'était pas acceptable, et je vous en remercie, Mme la Présidente.

J'ai continué à réfléchir à ces sujets depuis puis j'ai remarqué que ce sujet revient de plus en plus souvent ici, sur le parquet de l'Assemblée nationale. Il me semble qu'il y a plusieurs aspects à ce genre de débat et qu'on ne peut pas faire du cas par cas puis régler une petite chose sans régler une autre chose. C'est un ensemble de facettes d'un même problème qui doit nous amener à réfléchir à une solution cohérente.

Le pire qu'on puisse faire dans ce genre de dossier, c'est de faire du cas par cas. Et puis le cas par cas, il se fait actuellement quand un directeur de CLSC, ou un directeur d'hôpital, ou un directeur d'école décide quel est l'accommodement qui est raisonnable ou pas, le cas par cas, il se fait quand on appelle à la Commission des droits de la personne. Mais maintenant c'est législativement que nous faisons le cas par cas en ne ciblant qu'une seule chose.

Et quel est cet accommodement dont on parle? Le projet de loi n° 94, c'est, pour le trois quarts du projet de loi... ça consiste à nous décrire et à définir les organismes et les ministères touchés par la loi. Un quart de ce projet de loi là porte sur l'encadrement des accommodements raisonnables, ce que fait concrètement la loi, définir ce qu'est un accommodement. Bien, c'est déjà fait amplement par nos tribunaux. Il dit que l'accommodement doit respecter la charte. Franchement, Mme la Présidente, on n'a pas besoin de faire une loi pour dire qu'on ne sera pas illégal, tout à fait inutile. On dit aussi que l'accommodement ne peut être accordé que s'il est raisonnable, donc s'il n'impose aucune contrainte déraisonnable à un organisme -- c'est encore la codification de la jurisprudence -- et puis que tout fonctionnaire qui offre ou tout citoyen qui reçoit un service public doit avoir le visage découvert. Je pense que c'est l'évidence même des choses, Mme la Présidente, ça fait consensus dans la société. Je ne vois pas, donc, en quoi nous fait avancer ce projet de loi là.

Il faudrait qu'on puisse discuter de... Parce que, là, on remet toujours notre pouvoir de décision, on le délègue aux tribunaux, Mme la Présidente. Puis là on en fait plus que de déléguer notre pouvoir décisionnel de savoir c'est quoi, l'identité québécoise, où se tranche la limite entre l'accommodement et la demande d'intégration, on le remet aux tribunaux, Mme la Présidente. On délègue ces débats-là dans les tribunaux, à la Cour suprême, plutôt que les régler ici, à l'Assemblée nationale.

Je reviens sur ce que j'ai déjà dit, je crois que ce doit être un enjeu de société et non un enjeu partisan. Beaucoup de pays ont eu le courage de faire ce débat-là, et, comme le disait mon collègue, souvent des pays musulmans et des pays où... Nous avons aussi eu le courage, lors de la Révolution tranquille, de faire ce débat-là quant à notre religion. Je ne verrais pas pourquoi on ne pourrait pas avoir un débat plus large maintenant qu'on rencontre plus d'immigration, plus de personnes venant de d'autres religions. Et puis je suis convaincue, Mme la Présidente, qu'on est capables d'avoir un débat honnête sans se traiter de racistes, sans se traiter de féministes, sans se traiter de machos aussi, on est capables d'avoir un débat honnête et faire avancer la population là-dedans.

C'est injuste que de laisser le champ aussi large, sans aucune directive, sans aucun énoncé de notre part à chacun des directeurs des établissements publics, Mme la Présidente. Puis je vous rappelle qu'en date du 20 mars... bien, 2010, sous la plume de Robert Dutrisac dans Le Devoir, M. le premier ministre s'engageait à régler le problème: «On veut poser des gestes qui seront des gestes fondateurs, des gestes qui pourront passer le test du temps.» Le premier ministre s'était engagé à régler pour longtemps l'enjeu des accommodements raisonnables et de la laïcité de l'État québécois. Je trouve que c'est une bien faible réponse, c'est une bien timide réponse à un engagement aussi fort. Et je vais le citer: «"On veut poser des gestes qui seront des gestes fondateurs, des gestes qui pourront passer le [...] temps[...]. C'est un enjeu dans tous les pays développés", a souligné Jean [...] [M. le premier ministre] -- excusez-moi -- "la France s'est tapé un débat qui a fini en queue de poisson" sur le port des signes religieux.»

Je ne suis pas d'accord, ils ont déjà fait la première partie du débat avec M. Stasi. Maintenant, ils sont rendus à... Ils ont fait le débat de la... le port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique. Puis, encore là, des fois, j'entends des personnes ici, en cette enceinte, ne pas comprendre la différence entre les signes religieux et les signes religieux ostentatoires. Je pense que, déjà, faire un débat, ça aurait une qualité pédagogique. Et puis ils sont rendus au port de signes religieux. Ils ont fait le débat à l'école, ils ont fait le débat dans la fonction publique, ils sont rendus dans l'espace public. Ça aussi, il faut faire la différence entre la fonction publique puis l'espace public. J'ai entendu des collègues ici mélanger ces concepts-là. Ça ne veut pas dire la même chose, l'espace public étant l'endroit où l'on se fréquente, contrairement à l'espace privé ou intime. Et puis la fonction publique, ce sont les employés de l'État, qui représentent l'État, qui sont l'image de l'État qui se dit laïc. Donc, les employés devraient, selon moi, exprimer cette laïcité-là parce que c'est la première image, c'est le contact du public avec la fonction publique.

Donc, pour être conséquent: minimalement, faire le débat des signes religieux ostentatoires dans la fonction publique, pour moi, je pense qu'ici, c'est notre fonction publique, le faire ici, minimalement, serait un début d'exercice. Et simplement définir ces concepts-là, ce serait déjà beaucoup. Et puis après il faut mener le débat dans la société.

La commission Bouchard-Taylor a permis de... un exutoire pour bien des personnes, a exacerbé, je pense, des tensions qui auraient pu être résorbées, plutôt qu'exacerbées, par un exercice utile et respectueux. Eh bien, c'était la... Et, bien qu'ils aient fait un travail de longue haleine, je pense qu'on ne peut pas évacuer nos responsabilités, en tant que parlementaires, en tant que représentants de nos citoyens, de faire ce débat-là ici puis de le mener aussi dans la société québécoise.

M. le premier ministre disait qu'«"au Québec, si on se compare à d'autres sociétés, tellement l'enjeu se présente de manière différente chez nous[...], notre perspective à nous est [toute] différente", a-t-il fait valoir. En "toile de fond" [...] l'enjeu des accommodements raisonnables et de la laïcité de l'État, selon lui, figure "l'avenir du peuple québécois, de notre langue et de notre culture" [...] "une histoire vieille de 400 ans..."»

Je pense qu'il vient de toucher au coeur du problème, c'est ce qui nous définit comme peuple: notre identité, notre histoire, notre langue. Et puis notre histoire aussi d'accueil et de tolérance nous définit. Et je pense que cette discussion-là comporte comme trame de fond l'identité québécoise. Mais, puisque notre histoire démontre que nous avons toujours été accueillants, ouverts à l'autre, eh bien, cette culture québécoise qui est celle d'une terre de bienvenue, bien, nous permettra de faire ce débat-là de façon sereine. Je vous remercie, Mme la Présidente.

**(16 h 10)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Lotbinière. Je suis prête maintenant à céder la parole à Mme la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureuse, aujourd'hui, de prendre la parole sur ce débat qui est fort important et qui monopolise, je pense, une partie du débat public depuis quelques années, depuis quatre à cinq ans, c'est-à-dire. Et c'est vraiment un débat de valeurs, c'est un débat fondamental dont on parle aujourd'hui. J'écoutais, hier et aujourd'hui, ma collègue la députée de Rosemont situer ce débat exactement là où il doit se situer. Nous sommes dans un débat de valeurs, nous sommes dans un débat fondamental. Qu'est-ce que cette société québécoise? Comment a-t-elle évolué? Jusqu'où ira-t-elle? Comment est-elle en train de se transformer et quelles sont les balises à partir de laquelle cette transformation doit-elle se faire? C'est là un débat essentiel.

S'il y a un rôle que doit avoir l'Assemblée nationale, c'est celui-là: essayer ensemble, grâce à la clarté des arguments, grâce au débat sur les valeurs, grâce à la parole des gens qui représentent les citoyens de toutes les couleurs, de toutes les tendances, de toutes les religions, de toutes les valeurs qui sont ici, essayer, de la somme de nos expériences, de tirer une juste limite et essayer de transmettre l'importance de cette société et la beauté de ce qu'elle est, et essayer de la transposer dans l'avenir, cette beauté, essayer de la conserver. Nous sommes fiers d'être Québécois et Québécoises. Ça nous rallie tous. Nous cherchons le meilleur chemin pour notre société.

Quand est arrivé ce débat sur les accommodements raisonnables, il est arrivé évidemment, soyons clairs, par un débat sur des accommodements religieux. Des accommodements raisonnables, là, ça existe à travers le Québec depuis très longtemps. Pour, par exemple, des personnes qui vivent avec un handicap, on va faire des accommodements dans les lieux de travail et on appelle ça des accommodements raisonnables. La société s'organise pour que quelqu'un se positionne, réussisse à vivre, à prendre sa place dans la société de façon égalitaire le plus possible. Ça existe à cause du... sur plein de points.

Or, nous, ce qui a soulevé un débat, c'est quand on fait un accommodement sur une base religieuse. Rappelons-nous des débats qui ont eu lieu, par exemple, quand une communauté hassidique a demandé que le Y ferme ou peinture les... ils ont mis des fenêtres opaques, là, sur une salle où s'entraînaient des femmes, en disant: On ne veut pas les voir en tee-shirt, et tout ça. Ça, c'était une des raisons exposées. Alors, c'est le Y qui s'est accommodé. Il y a eu quelqu'un qui est allé à un bureau de services gouvernemental et qui a dit: Je ne veux pas être servi par telle personne pour un motif religieux. Ça nous a questionnés.

Et il y a aussi... et là je pense que le débat a pris... s'est un peu enflammé, et c'est là qu'il a fallu... on a réalisé, au Québec, qu'il fallait prendre des positions plus sérieuses. Il y a une jeune femme qui croyait de son plein droit de suivre des cours de francisation en portant un niqab, c'est-à-dire le visage voilé. Et là tout de suite le gouvernement s'est senti obligé d'agir et à dire: Bon, c'est allé trop loin, on doit recevoir des cours à visage découvert.

Maintenant, tous ces épisodes, ces situations, ces événements ont eu aussi... ont donné lieu à un débat, qu'on a appelé le débat... une commission, une grande commission qui a fait le tour du Québec, la commission Bouchard-Taylor. Malheureusement, le rapport de la commission a vite pris les tablettes. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toutes les recommandations du rapport. Je suis d'accord avec la commission, il y a eu vraiment un travail profond de la société, qui s'est interrogée, il y a eu un grand débat. Et je pense que M. Bouchard et M. Taylor ont tenté de tirer une ligne. Malheureusement, on ne s'est pas inspiré de ce débat de la commission Bouchard-Taylor pour nous pondre ce projet de loi.

Ce que je sens, dans ce projet de loi, c'est qu'on essaie un peu de tirer une épine du pied du gouvernement. On n'est pas dans un débat de valeurs, dans ce projet de loi, on est dans un accommodement législatif. En fait, même, j'oserais dire, on légifère sur les accommodements et même on se trouve un peu à les rendre légaux.

Quand on accommode, maintenant, c'est permis d'accommoder selon des motifs religieux dans le projet de loi qui nous est présenté. Ce qu'on balise, c'est certains accommodements, mais l'accommodement devient légal. On peut, maintenant, sur la base de ce projet de loi, d'après moi -- le projet de loi n° 94 -- on peut, sur la base de ce projet de loi, demander un accommodement à l'État, et cet accommodement peut être sur une base religieuse.

Donc, la neutralité religieuse dont se réclame normalement ce projet de loi, elle n'est pas du tout garantie dans le texte du projet de loi n° 94, à mon sens, Mme la Présidente, mais pas du tout. Au contraire, elle est balisée, elle est interprétée, elle s'inspire de la jurisprudence. Mais en plus elle est... elle est maintenant légale. Et il y a des choses là-dedans qui, à mon sens, ne devraient pas exister dans notre société.

Il y a eu deux réactions face au débat sur les accommodements raisonnables, que j'appellerai les accommodements religieux. La réaction gouvernementale, du gouvernement du Québec, a été de présenter ce projet de loi qui, le titre le dit bien, établit les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'administration gouvernementale et dans certains établissements. Il les encadre, il les met dans une loi puis il dit: Voici les balises.

Nous avions, de notre côté, au Parti québécois, à l'opposition officielle, une autre proposition, et je pense que, dans le débat, il est important de la dire, il est important de la soumettre encore une fois. Elle a été déposée aussi dans un projet de loi à l'Assemblée nationale. Et ce projet de loi, le n° 391, c'est une loi... Regardez bien le changement de ton, là, regardez bien le sens: Loi visant à affirmer les valeurs fondamentales de la nation québécoise. La différence, elle est là.

Nous avons ici, du côté du gouvernement, une tentative d'accommodation, un projet qui a été décrié, refusé par la grande majorité qui sont... les personnes qui sont venues en commission parlementaire. Il n'y a personne qui est content, pas plus les gens des communautés plus religieuses ou des... pas plus par les féministes. Ils ne sont pas contents. Ce projet de loi là ne satisfait à peu près personne, mais à peu près personne. Ça a été... J'ai participé à la commission, j'ai participé aux travaux, aux débats. J'ai été effarée. C'est vraiment un refus global de la société, qui dit: Non, non, non, ce n'est pas intéressant, ce n'est pas ça, le chemin.

Ce que nous proposons, nous, comme chemin, et je tiens à en parler, Mme la Présidente, c'est de débattre des valeurs. C'est ça, le vrai débat. Sur quoi on se base quand on propose des accommodements? Sur quoi on se base? Ce que nous proposons, nous, c'est d'introduire dans la Charte des droits et des libertés de la personne les valeurs fondamentales de la nation québécoise, et on les dit.

L'égalité entre les hommes et les femmes, on veut la mettre prépondérante au droit d'exercer sa religion. L'égalité entre les hommes et les femmes, c'est fondamental au Québec. Ça ne saurait être débattu, ça ne saurait être discuté et ça ne saurait jamais être mis en contradiction, être mis même à égalité avec le droit d'une personne d'exercer sa religion. On ne peut pas accommoder l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle existe et elle ne doit jamais, mais jamais être soumise à quelque mouvement ou pensée religieuse que ce soit.

Et ce n'est pas anodin qu'on en parle, Mme la Présidente. Vous êtes justement une des personnes qui peut le plus entendre ce que je vous dis. Ce n'est pas anodin, ce débat sur l'égalité des hommes et des femmes versus la liberté de religion. Il existe, à travers le monde, un phénomène -- je vais le nommer -- qui est l'islam politique, qui veut que la religion soit à la place prépondérante. Ça s'est rendu jusqu'ici, au Canada. Ça s'est rendu en Ontario, où une juge a failli dire qu'il serait temps que la charia puisse s'exercer. C'est ici, là, c'est à nos portes. Ici même, l'Assemblée nationale du Québec a été obligée de faire une motion disant: La charia ne s'appliquera jamais sur le territoire québécois. Puis ils ont fini par se réveiller, en Ontario, dans le beau pays du multiculturalisme, et ils ont commencé à se dire que peut-être ils allaient trop loin. Mais c'est le Québec qui a donné le signal du départ. Et pourquoi, fièrement, l'Assemblée nationale s'est levée? Parce qu'ici l'égalité entre les hommes et les femmes, elle est fondamentale, et la neutralité de l'État, elle est fondamentale, c'est quelque chose de viscéral.

**(16 h 20)**

Cette société -- j'écoutais mon collègue le député de Verchères tout à l'heure -- cette société, bâtie depuis 400 ans par la force, la vaillance, le courage des gens qui sont venus ici, de toutes sortes de générations et de toutes sortes d'endroits du monde, cette société, elle est bâtie sur le principe de la liberté. On est fondamentalement Nord-Américains. La liberté, l'égalité, ça fait partie de nos valeurs... j'avais failli dire «républicaines», je pensais «liberté, égalité, fraternité»... sororité. Mais enfin ça fait partie de nos valeurs. Alors, nous, on veut l'affirmer comme étant une valeur fondamentale.

La primauté du français. J'écoutais un député conservateur récemment, Maxime Bernier, nous dire quasiment que ça va survivre tout seul, le français, on n'a pas besoin de loi pour ça. Hé! Hé! Nous, on veut le mettre en en-tête de la Charte des droits et des libertés, ce n'est pas pour rien. C'est parce que le français, régulièrement, si on ne s'en occupe pas, il est menacé. Et il faut affirmer sa primauté. C'est notre langue de communication, formidable et belle, magnifique. C'est précieux pour la société québécoise que de parler français, c'est... c'est un atout, même. C'est un atout. Le monde entier nous regarde et nous considère comme un miracle. Nous sommes un miracle, mais ce n'est pas un miracle inopiné, inattendu, c'est un miracle de vaillance et de courage qui fait que nous parlons encore français, Mme la Présidente .

Et la séparation entre l'État et la religion. Ce qu'on propose, nous, c'est d'en parler au bon endroit, d'inscrire ces valeurs au bon endroit, en tête de la Charte des droits et des libertés, et ensuite, quand l'administration gouvernementale, quand quelqu'un dans l'Administration aura à juger, il ou elle saurait à chaque fois qu'est-ce qui prédomine au Québec. Ce serait simple, ça éliminerait, éclaircirait tout le débat. Voilà une balise claire à partir de laquelle les gens pourraient travailler.

Que nous propose le gouvernement en lieu et place? Une loi bien décriée, bien mal accueillie. Je vais vous lire le premier article: «La présente loi a pour objet d'établir les conditions dans lesquelles un accommodement peut être accordé en faveur d'un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement ou en faveur d'une personne à qui des services sont fournis par cette administration ou cet établissement.»

Donc, la loi établit les conditions à partir de laquelle, dorénavant, quelqu'un pourra réclamer un accommodement. La réclamation, maintenant, de cet accommodement sera inscrite dans une loi. Donc, à partir... il y a des gens, là, qui, à partir de ça, de ce document, vont pouvoir se battre pour obtenir des accommodements, c'est légal, c'est écrit comme ça: Voici, voilà. Alors, voilà! Puis les membres de... autant le personnel de l'Administration que les personnes à qui les services sont fournis.

Nous, on considère que l'État doit être neutre, il doit être laïc. La laïcité de l'État, pour nous, c'est important. Ici, on nous dit que l'État n'est pas obligé d'être laïc, l'État n'est pas obligé d'être neutre, d'être laïc. La laïcité, c'est clair, une laïcité, quand on parle de laïcité, la laïcité, c'est une séparation stricte entre l'État et la religion. Quand on parle de laïcité ouverte, on mélange tout. Une laïcité ouverte, ça n'existe pas. On est soit laïc, soit on accepte la religion. L'entre-deux, là, moi, je ne connais pas ça.

Alors, moi, j'ai bien compris de ce projet de loi que ce n'était pas un projet de loi neutre, c'est un projet de loi qui inscrit que maintenant on peut faire des accommodements religieux. Sur quelles bases? Peu de choses. Le projet de loi décrit qui peut, où est-ce qu'il peut y avoir des accommodements, tels types de services, tels types de choses, les conditions. Les conditions, bon: «Tout accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés [...] notamment le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes et le principe de neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière.» Ah!

Donc, mais sauf que, comme, dans la charte, le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes et le principe de neutralité ne sont pas prépondérants à la liberté de religion. Ceci ne règle rien. Ça ne règle absolument rien. Ça nous dit juste qu'on doit respecter la Charte des droits et libertés au Québec. On le savait déjà. On le savait déjà qu'il fallait respecter la Charte des droits et libertés. Ce qu'on sait toutefois, c'est que la Charte des droits et libertés, elle n'accorde pas de prépondérance à l'égalité des hommes et des femmes sur la liberté de religion. C'est là où le bât blesse.

C'est pour ça que je dis que la solution, elle était dans le projet de loi n° 391. Il va falloir que le gouvernement écoute et entende, à un moment donné. Ça, ça dit... ce qu'on propose, c'est de dire que l'égalité entre les hommes et les femmes, ça, c'est prépondérant. Ça, ce que ce projet de loi là dit, il dit qu'on doit respecter le Charte des droits et libertés de la personne, ce que tout le monde savait, mais il n'accorde pas de prépondérance à l'égalité entre les hommes et les femmes sur la liberté de religion. Alors, ça ne règle pas le problème. Le projet de loi, il ne le règle pas, le problème.

Que peut faire un accommodement? L'autre article: «Un accommodement ne peut être accordé que s'il est raisonnable -- bien sûr -- c'est-à-dire s'il n'impose au ministère, à l'organisme ou à l'établissement aucune contrainte excessive -- "pas excessive", donc, comme je le dis, ça existe encore, l'accommodement, ça existe -- [entre autres] eu égard [...] aux coûts [...] le fonctionnement [...] de l'organisme ou de l'établissement ou sur les droits d'autrui.» Donc, il n'y a pas d'exclusion du droit religieux, là. Il n'y en a pas, là. Il est encore dedans. Il est encore dedans. Alors, c'est ça, le débat. Le débat, il est sur la valeur, sur la primauté des valeurs.

Enfin 6, le voilà, c'est... on parle de la politique à visage découvert dans la société québécoise. Donc, tout ça nous amène à une chose: le droit ou non de porter le niqab et la burqa dans la société québécoise, dans l'État québécois, pour recevoir service ou donner un service. C'est rien que ça. Tout ce projet de loi là, là, tout ce qu'il amène, c'est une décision sur: Est-ce qu'on a le droit ou non de porter le niqab ou la burqa? Ce n'est pas interdit. Le projet de loi ne l'interdit pas.

Lisez l'article 6: «Est d'application générale la pratique...» C'est d'application générale. En général, la pratique veut que les membres de l'administration gouvernementale ou les gens qui viennent se faire fournir des services aient le visage découvert. Ça, c'est le principe général. Arrive immédiatement l'exception: «Lorsqu'un accommodement implique un aménagement à cette pratique -- donc on l'accepte, on accepte -- il doit être refusé si des motifs liés à la sécurité, à la communication ou à l'identification le justifient.»

Donc, on accepte que le principe de la domination excessive religieuse sur les femmes existe et soit présent dans l'administration gouvernementale, pourvu que ce soit lié à la sécurité... que ce ne soit pas lié à la sécurité, à la communication ou à l'identification. Donc, une fonctionnaire qui porterait le niqab ou la burqa même, objet odieux, à mon sens, Mme la Présidente, une fonctionnaire qui porterait le niqab ou la burqa mais qui serait à l'arrière, dans l'État, dans une fonction où elle n'a pas à communiquer, mais elle pourrait être visible, bien elle a le droit. Ce projet de loi là permet de porter, n'interdit pas du tout qu'une fonctionnaire porte la burqa, à la limite. Ça dit: Si ça... On le légalise même, on le permet. On dit -- le voile est visé: «Lorsqu'un accommodement implique un aménagement à cette pratique -- donc l'accommodement peut être demandé -- il doit être refusé si...»«Si». Et là on nomme les moyens: sécurité, communication, identification. C'est ça. C'est ça qu'on dit.

Regardez les problèmes que suscite ce projet de loi. C'est ça, le problème de ce projet de loi. Il est insuffisant. Il est mal bâti. Il est mal bâti. Il ne correspond pas du tout, il n'est pas une réponse au débat que la société québécoise a tenu et sur lequel elle demande au gouvernement des gestes, des actions. Ce n'est pas du tout ce qu'on voulait. Ce n'est pas ça que les... tout l'immense débat de la commission Bouchard-Taylor a amené, les positions que les gens prenaient. Ça ne correspond à rien. C'est un aménagement de la réalité. C'est un... la politique du sauve-la-face. Ce n'est pas ça fondamentalement, ce n'est pas ça, le débat que la société québécoise a eu. Puis je comprends que le gouvernement a voulu fermer la porte à une partie du problème, mais c'est mal fait, malheureusement.

Ce n'est pas un blâme, c'est un appel. Ce n'est pas ça, la solution. Elle ne répond à personne. Tous les... les trois quarts des mémoires disaient: Mais ne votez pas ça, ce n'est pas une bonne réponse. Il n'y a personne à peu près qui en veut. Alors, s'il n'y a personne qui en veut, je ne vois pas pourquoi cette Assemblée nationale en voudrait. Nous ne voterons pas pour ce projet de loi là parce qu'il ne correspond ni à la réalité québécoise ni à la société que nous voulons bâtir ensemble. Ce n'est pas la bonne réponse.

Nous proposons une réponse. Souvent, on entend de l'autre côté: Avez-vous quelque chose à proposer? Depuis 2009, depuis 2009, nous avons une réponse qui est, je pense, extrêmement intéressante et qui pourrait régler le problème d'une belle façon. Je pense que le gouvernement devrait appeler le projet de loi n° 391. Merci, Mme la Présidente.

**(16 h 30)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, Mme la députée de Taschereau. Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. Prochain intervenant? Alors, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Weil: C'est pour ma réplique?

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien sûr.

Mme Weil: Merci, Mme la Présidente. On a entendu beaucoup, beaucoup de...

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, oui, M. le leader adjoint de l'opposition.

M. St-Arnaud: Je comprends, Mme la Présidente, que la ministre qui parraine ce projet de loi a fait son intervention au début de nos discussions à cette étape de l'adoption du principe. Pouvez-vous m'indiquer: Est-ce que la ministre a un droit de réplique à cette étape-ci de nos travaux?

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien entendu, elle a un droit de réplique, M. le leader adjoint. Alors donc, c'est son droit de réplique de 20 minutes, si elle veut le prendre. Mme la ministre.

M. St-Arnaud: Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça me fait plaisir.

Mme Kathleen Weil (réplique)

Mme Weil: Merci, Mme la Présidente. Alors, c'est... Mais, Mme la Présidente, c'est un sujet... Bien qu'il y a 10 articles dans ce projet de loi, c'est un sujet fort, fort complexe, c'est un sujet fort sensible, et je vais tenter, dans les minutes qui me sont données, d'essayer de simplifier le plus possible ces notions qui sous-tendent le projet de loi n° 94. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites, et je crains qu'il pourrait y avoir beaucoup de confusion dans la tête des gens qui nous écoutent, et je pense qu'il est important que je clarifie certaines notions.

On a beaucoup parlé d'un certain modèle d'intégration, modèle d'intégration canadien, mais je pense qu'il est important que je parle du modèle d'intégration du Québec, qu'on appelle l'interculturalisme, qui nous sert très, très bien ici, au Québec. L'approche de l'interculturalisme québécois reconnaît l'apport culturel des personnes de diverses origines au développement de la société et il favorise la pleine participation des citoyens en luttant contre l'exclusion, le racisme et la discrimination.

Au Québec, nous encourageons le rapprochement, le dialogue et la convergence culturelle afin de promouvoir une société moderne, pluraliste, de culture d'expression française, ayant une identité commune. Nous invitons les personnes des communautés culturelles à participer à la société d'accueil sur la base de nos valeurs communes.

Et d'ailleurs, au ministère de l'Immigration, des Communautés culturelles, lorsque les personnes sont admises au Québec, ils signent d'ailleurs une déclaration de valeurs communes. Il y a même une session de formation afin que les nouveaux arrivants puissent apprécier les valeurs qui sous-tendent la société, une société libre et démocratique. Et ces valeurs, qui sont incluses dans cet énoncé, sont: que le Québec est une société libre et démocratique; que les pouvoirs politiques et religieux au Québec sont séparés; que le Québec est une société pluraliste; c'est une société québécoise qui est basée sur la primauté du droit; que les femmes et les hommes ont les mêmes droits; l'exercice des droits et liberté de la personne doit se faire dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être général; que la société québécoise est aussi régie par la Charte de la langue française, qui fait du français la langue officielle du Québec, en conséquence, le français est la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.

En signant cette déclaration, les candidats à l'immigration au Québec, les catégories économique et du regroupement familial, attestent avoir pris connaissance des valeurs communes de la société québécoise et déclarent vouloir vivre dans le cadre et le respect de celles-ci et vouloir apprendre le français, s'ils ne le parlent pas déjà. À ce jour, tous les adultes qui ont déposé une demande ont signé cette déclaration. Finalement, toujours pour renforcer auprès des candidats à l'immigration et de l'ensemble des Québécois le message sur l'importance de ces valeurs communes, nous avons mis sur pied une session de formation qui s'appelle Vivre ensemble au Québec.

Il est important de souligner cette déclaration parce que, comme je vous le dis, il y a eu beaucoup de discussions sur un autre modèle d'intégration, un modèle d'intégration canadien. Je pense que, nous, au Québec, on a pris une autre approche qu'on appelle souvent l'interculturalisme. Et c'est un modèle qui nous permet de nous assurer que le Québec, alors qu'il reçoit des milliers d'immigrants, a la certitude d'une cohésion sociale, car les personnes qui se joignent à nous pour faire... pour avancer notre société vont partager nos valeurs.

Et, d'un point de vue très personnel, et je parle un peu au-delà du projet de loi n° 94, mais à titre de ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles... Parce qu'on a beaucoup parlé des immigrants et des inquiétudes. J'ai écouté les inquiétudes du critique de Deux-Montagnes sur ces personnes qui viennent se joindre ici. Il aurait une crainte qu'ils ne partagent pas les valeurs du Québec. Moi, je peux vous dire que c'est les premières personnes à déclarer vouloir s'intégrer. Lorsque les gens se déracinent de leur pays natal, ils viennent choisir un autre pays puis ils choisissent de s'installer dans un nouveau pays, et, dans notre cas, lorsqu'ils viennent s'installer ici, au Québec, c'est parce qu'ils ont choisi le Québec à cause de nos valeurs de liberté et de démocratie. C'est parce qu'ils vont pouvoir se forger une vie où ils auront la certitude qu'on vit dans une société de droit protégée par une charte de droits et libertés.

Et, vous savez, ces gens, ils ont beaucoup entendu parler de nous en Amérique du Nord. Ils ont choisi souvent parce que c'est une juridiction francophone, ils parlent français, mais par ailleurs ils partagent nos valeurs de liberté et de démocratie. Je pense que c'est important de le souligner. Et le projet de loi n° 94, dans un sens, vient ramener toutes ces valeurs dans un projet de loi.

On a dit: Pourquoi ce projet de loi n° 94? On semblait dire que c'est un projet de loi qui fait si peu. Eh bien, il a fait couler beaucoup d'encre, ce projet de loi n° 94, parce qu'il signale... c'est un signal que le gouvernement fait un choix. Après, oui, des années de discussions sur les accommodements raisonnables, il fait un choix, et ce choix, c'est le choix de notre histoire, c'est le choix de refléter la société, qui nous sommes, une société qui est ouverte, libre et démocratique, qui respecte les libertés des uns et de tous, et d'exprimer leur liberté de religion.

Et je veux expliquer aux gens dans cette Chambre -- parce que j'ai entendu beaucoup de confusion de l'autre côté de cette Chambre, une confusion qui m'a beaucoup étonnée, sur la neutralité religieuse de l'État: La neutralité religieuse de l'État, c'est l'État qui ne privilégie pas, qui ne fait pas de prosélytisme, qui est neutre vis-à-vis l'expression de la religion devant lui. Alors, il ne porte pas de jugement sur un vêtement religieux, sur l'expression d'une religion. Et on veut vivre dans une société comme ça.

Lorsque j'entends parler de cette société que voudrait créer le Parti québécois, on efface l'ardoise, on efface tous signes religieux, que ce soit la croix autour du cou ou autre, le kippa, la personne qui pourrait porter le kippa, qui viendrait demander un service, une personne qui pourrait porter... ça pourrait être une religieuse qui porterait son habit religieux...

Et, quand on parle du patrimoine du Québec, en partie ce patrimoine religieux, en quoi est-ce que l'expression de cette liberté de religion vient entacher la neutralité religieuse de l'État? Que la personne porte une croix ou que la personne porte un foulard, elle est bien capable de donner un service tout à fait neutre. Et, en fait... et on a eu beaucoup de discussions en commission parlementaire, et les experts en droit humain le savent très bien, si vous empêchez le hidjab ou quelqu'un qui porterait un kippa, c'est franchement un obstacle d'intégration à la fonction publique. On a eu beaucoup d'échanges. On a pu poser la question à la Commission des droits de la personne, au Barreau et d'autres experts en droit: il faut vraiment admettre que, si on allait vers cette vision de laïcité que beaucoup appellent pure et dure, une laïcité fermée, une laïcité qui ne ressemble pas à nous, qui ne ressemble à aucune société libre et démocratique que... auquel on voudrait aspirer... De ne pas pouvoir porter aucun signe lorsqu'on demande un service de l'État, ça irait très, très loin, et d'ailleurs ce serait franchement inconstitutionnel. Et, je l'ai dit aussi, le Québec est adhérent à des conventions internationales qui respectent la liberté d'expression et la liberté de religion.

**(16 h 40)**

Alors, la neutralité religieuse de l'État... Et je vais vous lire d'ailleurs le Conseil du statut de la femme lorsqu'il parlait... lorsqu'il est venu faire une présentation: «Il est donc tout à fait approprié, justifié et souhaitable que le législateur s'exprime sur cette question par le biais du projet de loi n° 94.

«Pour la première fois, l'accommodement raisonnable est défini dans une loi qui servira d'éclairage aux tribunaux. Éventuellement, dans l'hypothèse où une mesure découlant du projet de loi n° 94, une fois adopté, serait contestée, il sera possible pour le législateur de la justifier puisqu'elle aura été prise en vertu d'une règle de droit, ce qui peut permettre la restriction aux droits individuels au nom de l'intérêt public.

«L'accommodement raisonnable fait partie intégrante du droit à l'égalité et du droit à la liberté de religion et, à ce titre, il est obligatoire.»

Alors, l'accommodement raisonnable, il fallait amener des balises. Alors là, avec le projet de loi n° 94, on vient dire ce qui est raisonnable et ce qui n'est pas raisonnable. Et d'inclure dans le corpus législatif du gouvernement ce qui est raisonnable et pas raisonnable est un exercice très utile, et le Barreau l'a reconnu aussi. Les tribunaux pourront déterminer... et les décideurs qui ont à prendre ces décisions sur ce qui est raisonnable et pas raisonnable. On parle notamment de contraintes excessives de l'organisation de travail, des coûts excessifs.

Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, il y a eu beaucoup de débats sur les accommodements raisonnables, et ne pensez pas, avec ce mirage que vous fait miroiter le Parti québécois, que, soudainement, lorsqu'ils auront rédigé cette charte de la laïcité... qu'on vivrait dans une société de fin de non-recevoir: vous demandez un accommodement, et c'est une fin de non-recevoir.

Liberté de religion, on ne reconnaît pas ça dans cette nouvelle société, avec cette laïcité fermée pure et dure. Ça n'existe pas. Il n'y a pas de religion. On ne le voit pas. J'ai parlé d'une société aseptisée. Il n'y aurait aucune... On ne pourrait pas porter de signe religieux dans cet espace public. Cette laïcité ouverte que nous préconisons semble mettre en péril notre approche d'intégration.

Alors, nous avons toujours vécu... nous avons toujours réussi en intégration. Le Québec est d'ailleurs un modèle d'intégration parce qu'il a toujours respecté sa Charte des droits et libertés, il a toujours pu transmettre les valeurs d'égalité, d'égalité hommes-femmes, et il a toujours su mettre en relief... Et, à plusieurs reprises, on a amené des modifications à la Charte des droits et libertés pour reconnaître l'égalité hommes-femmes. Il est important de le noter, dans ce projet de loi, on souligne d'ailleurs qu'aucun accommodement ne pourrait brimer l'égalité entre les hommes et les femmes.

Alors, les membres de l'opposition ont fait grand état de cette question, et c'est pour ça que nous avons voulu le souligner spécifiquement. Nous avons même posé la question tant au Barreau qu'à la Commission des droits de la personne: l'utilité de signaler, dans notre projet de loi, qu'un accommodement serait déraisonnable s'il venait brimer l'égalité hommes-femmes. Donc, il a été mis là pour attirer l'attention sur l'importance de cette égalité, et que donc un accommodement serait déraisonnable s'il venait brimer l'égalité entre les hommes et les femmes.

Enfin, il y a l'article 6, l'article 6 qui est amené pour des raisons très pragmatiques, et, vous savez, en droit, on a toutes sortes d'expressions, mais, je l'ai dit d'entrée de... hier, lorsque je parle avec beaucoup de gens sur cette question, les gens le voient de façon très pragmatique, comme nous, que, pour des raisons de sécurité, de communication ou d'identification... Et d'ailleurs c'est souvent dans des instances de ce genre que les personnes doivent se dévoiler. C'est justement dans des instances de ce genre. Et la Commission des droits de la personne a déjà eu l'occasion de se prononcer là-dessus. Et c'est sur cette base-là que nous disons que nous transigeons avec l'État, de part et d'autre, à visage découvert. Et c'est une... Nous nous considérons très raisonnable. Et, dans une société raisonnable, on peut vivre évidemment avec cette notion. Et, là aussi, on a eu l'opinion du Barreau, qui est évidemment une opinion très importante, qui vient confirmer que c'est un article tout à fait conforme au droit.

Alors, je souhaite vraiment exprimer l'importance d'aller de l'avant avec ce projet de loi justement parce que les organismes du gouvernement, qui souvent font face à des demandes d'accommodement... d'une part, beaucoup de discussions, de débats sur cette question qui crée beaucoup de confusion: Est-ce qu'un accommodement, de demander un accommodement sur la base de la liberté de religion était légitime? Oui, c'est tout à fait légitime de demander un accommodement sur la base d'une liberté.

On le sait bien, en vertu du droit, ça a beaucoup commencé dans le domaine des personnes avec des handicaps, et toute la jurisprudence a commencé autour de cette notion-là. Actuellement, à la Commission des droits de la personne, c'est beaucoup des demandes basées sur la religion, et souvent... et la plupart des cas, c'est sur la base de la religion chrétienne, en fait, que les demandes d'accommodement se font.

Il y a un service, d'ailleurs, à la Commission des droits de la personne pour aider les employeurs à prendre des décisions, des décisions sur la base de la jurisprudence. Et ce qu'ils confirment, c'est que c'est un exercice qui se fait très facilement. Et donc, là, nous, on amène un cadre juridique pour aider les organismes dans leurs décisions, parce qu'ils se sentaient... Franchement, ils sentaient que la tâche, elle était souvent complexe et lourde, mais ils sont heureux de le faire parce qu'ils ont une notion d'équité. Il faut comprendre qu'il y a ici à la base, et d'ailleurs on a eu un prof, un prof d'université qui est venu parler de cette notion d'équité... À la base aussi, on parle beaucoup d'égalité, mais il y a aussi cette notion d'équité, de faire en sorte que tous et chacun puissent participer pleinement à la société québécoise.

Donc, moi, je plaide pour l'adoption de ce projet de loi. Je pense que c'est un geste important. C'est sûr que c'est évident que les accommodements et les demandes d'accommodement devront et vont... Dans toute société, les demandes d'accommodement, c'est une affaire quotidienne, dans toute société. Et je pense qu'il faut se rendre compte que c'est un exercice tout à fait raisonnable et légitime. Il n'y a pas à avoir... comment dire, à critiquer le processus d'accommodement. Le Barreau vient l'appuyer fortement aussi, et je voudrais citer le Barreau en la matière: «En droit, les mesures d'accommodement raisonnable constituent donc des mesures positives et inclusives, puisqu'elles sont associées à la mise en oeuvre du droit à l'égalité. Dans cette perspective, le titre actuel du projet de loi pourrait laisser entendre que les accommodements constituent eux-mêmes une contrainte ou une limite à l'exercice des droits et libertés[...]. Cette réalité serait reflétée [alors dans la] Loi sur les accommodements sans contraintes excessives dans l'Administration...»

Alors, il souligne que l'accommodement, c'est un exercice tout à fait légitime dans un État démocratique gouverné par le droit.

Quand on a parlé de charte de laïcité, lors de la commission, ce qui était intéressant, c'est qu'il y avait de part et d'autre des points de vue partagés. Il y avait ceux qui ne voulaient pas que la religion soit présente dans l'espace public et qu'on ne soit pas... qu'on ne voie pas de signes religieux. Il y en a évidemment qui parlent aussi du crucifix à l'Assemblée nationale. Il y en a d'autres, comme nous, qui préconisent cette laïcité ouverte. Et on parle...

**(16 h 50)**

Bon, le Parti québécois parle du patrimoine, le patrimoine religieux, mais le patrimoine religieux, il est porté par beaucoup de gens. Et on voit que, pour beaucoup de gens, la liberté de conscience, c'est une liberté fondamentale. Et de dire aux gens qu'ils ne peuvent pas s'exprimer ou porter cette religion serait carrément contre notre Charte des droits et libertés, contre le droit, contre... Et on est une société qui est gouvernée par la règle de droit. Et ça ne semble pas faire consensus du tout dans notre société, parce que ça ne nous ressemble pas. Il n'y a aucune... Ça ne vient pas... Le fait que les gens puissent exprimer leur religion ne vient pas brimer ou affecter le caractère neutre du service de l'État. Il est bien reconnu que la société québécoise est un État laïque. Et «un État laïque» ne veut pas dire que les gens ne peuvent pas exprimer leur religion de la façon qu'ils le veulent. L'État ne peut pas venir brimer la liberté de tous et chacun, aller rentrer dans la vie des gens. Et d'ailleurs l'article 6 est amené sur une base extrêmement pragmatique de communication, d'identification et de communication.

Donc, M. le Président, moi, je crois qu'il est important qu'on pose un geste. Il y a beaucoup, beaucoup de gens qui sont... J'ai eu des centaines de conversations... oui, il y a eu les mémoires, mais des centaines de conversations que j'ai eues à ce sujet, et les gens sentent qu'il est important que le Québec pose un geste. Ils trouvent que l'article 94... le projet de loi n° 94 est raisonnable, que c'est un projet de loi qui nous reflète, qui nous ressemble, qui réaffirme notre histoire, qui réaffirme nos valeurs et qui nous donne...

C'est un choix. C'est la première fois qu'on dit que, nous, on choisit la laïcité ouverte et non une laïcité fermée. Et c'est là que le projet de loi signale une volonté, une volonté très claire et nette d'aller de l'avant avec cette laïcité ouverte. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la ministre. Il ne me reste plus qu'à vous demander si le principe du projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements, est adopté.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui.

M. St-Arnaud: Alors, M. le Président, nous allons vous demander de tenir un vote par appel nominal.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui. Oui, je vous écoute.

Mme James: ...à ce qu'on puisse reporter le vote à la période des affaires courantes de mardi le 15 février 2011.

Le Vice-Président (M. Chagnon): En fonction de l'article 231.

Mme James: En fonction de l'article 131, bien sûr.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors donc, je vais faire en sorte de...

Une voix: De nous rendre heureux.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Chagnon): De vous rendre heureux, effectivement, et de faire en sorte que ce vote ait lieu après les affaires courantes, mardi. Et je le présiderai aussi, je vous l'annonce aussi. Alors, vous serez contents, vous serez contents, on sera tous ensemble. Et je vous écoute, Mme la leader.

Ajournement

Mme James: ...se revoir, M. le Président. Et, sur ce, je vous demanderais... Je fais motion pour ajourner nos travaux au mardi le 15 février 2011, à 13 h 45.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, nos travaux sont ajournés à: 15 février, 13 h 45.

(Fin de la séance à 16 h 53)