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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, April 10, 2019 - Vol. 45 N° 31

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Rendre hommage à Mme Monique Doyon-Villeneuve, récipiendaire de la Médaille de
l'Assemblée nationale

M. Sylvain Lévesque

Féliciter les joueurs de l'équipe cadette de basketball l'Express, champions provinciaux

Mme Marwah Rizqy

Souligner le 40e anniversaire du Centre d'action bénévole Drummond

M. Sébastien Schneeberger

Souligner le 20e anniversaire de l'organisme La Baratte

M. Sébastien Proulx

Souligner l'engagement de Madeleine, jeune bénévole de la circonscription d'Argenteuil

Mme Agnès Grondin

Exprimer de la solidarité envers les chauffeurs de taxi

M. Sol Zanetti

Souligner le Mois de la sensibilisation à la maladie de Parkinson

Mme Danielle McCann

Rendre hommage à l'auteur et historien Christian Blais

M. Sylvain Roy

Rendre hommage à M. Richard Mercier dans le cadre de la Semaine de l'action bénévole

M. Mathieu Lemay

Rendre hommage à Mme Raymonde Michaud, nommée Bénévole de l'année par Golf Canada

M. Denis Tardif

Souligner la Journée rose

Mme Francine Charbonneau

Présentation de projets de loi

Projet de loi n° 18 — Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le
curateur public et diverses dispositions en matière de protection
des personnes

M. Mathieu Lacombe

Mise aux voix

Dépôt de documents

Ententes sur la prestation des services policiers dans certaines communautés autochtones et
avenant à l'entente sur la prestation des services policiers dans la communauté de Listuguj

Entente de financement complémentaire pour la prestation de services policiers sur le
territoire de l'Administration régionale Kativik

Entente relative à la mise en oeuvre du Plan Nord à l'horizon 2035, plan d'action 2015-2020
entre la Société du Plan Nord et le ministre des Transports

Réponse à des pétitions

Dépôt de pétitions

Enseigner des compétences pratiques aux jeunes du secondaire

Questions et réponses orales

Stratégie de développement économique et de création d'emplois

M. Pierre Arcand

M. François Legault

M. Pierre Arcand

M. François Legault

M. Pierre Arcand

M. François Legault

M. Pierre Arcand

M. François Legault

Respect de l'égalité hommes-femmes et de la neutralité religieuse de l'État

Mme Hélène David

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Hélène David

M. Simon Jolin-Barrette

Compensation aux détenteurs de permis de taxi

M. Gaétan Barrette

M. François Bonnardel

M. Gaétan Barrette

M. François Bonnardel

M. Gaétan Barrette

M. François Bonnardel

Conséquences financières de l'implantation de la multinationale Uber au Québec

Mme Manon Massé

M. François Legault

Mme Manon Massé

M. François Legault

Mme Manon Massé

M. François Legault

Encadrement des frais scolaires

Mme Véronique Hivon

M. Jean-François Roberge

Mme Véronique Hivon

M. Jean-François Roberge

Mme Véronique Hivon

M. Jean-François Roberge

Financement des Initiatives de travail de milieu auprès des aînés en situation de vulnérabilité

Mme Monique Sauvé

Mme Marguerite Blais

Mme Monique Sauvé

Mme Marguerite Blais

Mme Monique Sauvé

Mme Marguerite Blais

Orientations gouvernementales en matière d'éducation

Mme Christine Labrie

M. Jean-François Roberge

Mme Christine Labrie

M. Jean-François Roberge

Mme Christine Labrie

M. Jean-François Roberge

Arrêt des procédures dans le dossier Amaya

M. Guy Ouellette

M. Eric Girard

M. Guy Ouellette

M. Eric Girard

M. Guy Ouellette

M. Eric Girard

Projet de loi sur le suremballage

Mme Marie Montpetit

M. Benoit Charette

Mme Marie Montpetit

M. Benoit Charette

Mme Marie Montpetit

M. Benoit Charette

Motions sans préavis

Réitérer l'importance des mécanismes de négociation, de conciliation et de médiation
des conflits de travail

Mise aux voix

Reconnaître l'apport du Dr Camille Laurin dans l'histoire du Québec moderne, rappeler
l'importance de la protection du français et réitérer le statut du français comme langue
d'usage au Québec

M. Richard Campeau

M. Frantz Benjamin

Mme Catherine Dorion

M. Pascal Bérubé

Mme Catherine Fournier

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Avis de sanction du projet de loi n° 10 — Loi modifiant la Loi sur l'équité salariale
afin principalement d'améliorer l'évaluation du maintien de l'équité salariale


Affaires du jour

Projet de loi n° 3 — Loi visant l'instauration d'un taux unique de taxation scolaire

Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui en a fait
l'étude détaillée et de l'amendement de la députée de Joliette

M. Jean Rousselle (suite)

M. Gregory Kelley

Mme Jennifer Maccarone

Mme Monique Sauvé

Mise aux voix de l'amendement

Mise aux voix du rapport

Projet de loi n° 6 — Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des
lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission
Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la
prise d'une poursuite pénale

Adoption du principe

Mme Sonia LeBel

Mme Émilise Lessard-Therrien

Mme Kathleen Weil

M. Harold LeBel

M. Marc Tanguay

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée nationale reconnaisse l'importance de la Charte des
droits et libertés de la personne et la nécessité d'étudier le projet de loi sur la laïcité de
l'État dans un délai raisonnable

Mme Hélène David

M. Simon Jolin-Barrette

M. Sol Zanetti

M. Pascal Bérubé

M. Louis-Charles Thouin

Mme Paule Robitaille

M. Alexandre Leduc

M. Vincent Caron

Mme Hélène David (réplique)

Vote reporté

Projet de loi n° 13 —     Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et
d'autres dispositions législatives

Adoption du principe

M. Eric Girard

M. Carlos J. Leitão

M. Vincent Marissal

M. Martin Ouellet

Mise aux voix

Renvoi à la Commission des finances publiques

Mise aux voix

Projet de loi n° 6 — Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des
lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission
Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la
prise d'une poursuite pénale

Reprise du débat sur l'adoption du principe

M. Marc Tanguay (suite)

Mise aux voix

Renvoi à la Commission des institutions

Mise aux voix

Projet de loi n° 2 — Loi resserrant l'encadrement du cannabis

Reprise du débat sur l'adoption du principe

M. David Birnbaum

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Bon mercredi à vous tous et toutes. Vous pouvez prendre place.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Et nous allons débuter notre séance avec la rubrique de déclarations de députés, qui sera ouverte par M. le député de Chauveau.

Rendre hommage à Mme Monique Doyon-Villeneuve, récipiendaire
de la Médaille de l'Assemblée nationale

M. Sylvain Lévesque

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Nous sommes dans la Semaine de l'action bénévole, l'occasion de souligner le dévouement et l'implication de citoyens engagés qui offrent leur temps et leur argent au bénéfice de notre collectivité. C'est donc dans cette optique que, lundi soir dernier, j'ai eu le grand plaisir de remettre le prix de Bénévole de l'année de Chauveau à Mme Monique Doyon-Villeneuve. Lors de cette soirée, je lui ai remis la Médaille de l'Assemblée nationale pour ses 23 ans de bénévolat.

Nous soulignons, bien sûr, son travail passé mais aussi son implication actuelle puisqu'à 75 ans elle est toujours active au sein de la Saint-Vincent-de-Paul et au Comptoir entraide de Notre-Dame-des-Laurentides pour faire ce qu'elle préfère : apporter aide et soutien aux familles moins favorisées. Compassion et empathie, voilà ce qui guide son engagement depuis toutes ces années.

Monique Doyon-Villeneuve, vous êtes une communicatrice et une rassembleuse qui aimez les gens et la vie. Vous n'avez d'égal que la grandeur de votre coeur. Merci pour tout.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député. Et nous vous souhaitons la bienvenue à l'Assemblée nationale.

Maintenant, pour la prochaine déclaration, je me tourne vers Mme la députée de Saint-Laurent.

Féliciter les joueurs de l'équipe cadette de basketball
l'Express, champions provinciaux

Mme Marwah Rizqy

Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. En fin de semaine dernière, c'était le tournoi de basketball provincial au séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, et je tiens à souligner les champions, les cadets de l'Express de Saint-Laurent, qui, devant l'adversité, ont su élever leur jeu pour encore triompher et être nos grands champions non seulement à Saint-Laurent, mais partout au Québec.

Et je m'en voudrais aussi de ne pas souligner l'équipe juvénile féminine, qui, savez-vous quoi, a remporté pour la 11e fois les grands honneurs. Alors, elles sont définitivement trop fortes pour la ligue, mais nous en sommes très fiers.

Et j'en profite pour dire un grand merci à tous les entraîneurs, qui vont bien au-delà que de tout simplement entraîner et encadrer nos jeunes. Ils les accompagnent dans leur parcours scolaire, ils les accompagnent dans leurs rêves et ambitions.

Et cet été ils vont prendre, évidemment, la route pour faire d'autres tournois, pour toujours élever leur jeu, et faire preuve de rigueur et de discipline, le tout avec le travail en équipe. Et, grâce à eux, nos jeunes persévèrent à l'école, et nous en sommes fiers.

Bravo à tous les jeunes de l'Express Saint-Laurent!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Laurent. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Drummond—Bois-Francs.

Souligner le 40e anniversaire du Centre d'action bénévole Drummond

M. Sébastien Schneeberger

M. Schneeberger : Merci, Mme la Présidente. Alors, aujourd'hui, je veux souligner le 40e anniversaire du Centre d'action bénévole Drummond, voué au bien-être et à la sécurité des personnes aînées et en perte d'autonomie.

Le centre compte sept permanents et plus de 250 bénévoles, qui, l'an dernier, ont posé 24 000 gestes et totalisé 34 000 heures. Le Centre d'action bénévole Drummond a emménagé dans de nouveaux locaux trois fois plus grands pour augmenter et répondre aux services. Il sert 20 000 repas par année. 80 bénévoles remplissent près de 10 000 rapports d'impôt.

Ce carrefour d'information aide les 55 ans et plus à s'y retrouver, notamment dans les boîtes vocales et sur Internet. Son travailleur du milieu fait le lien avec les autres organismes et services disponibles. Une cuisine collective et dîners communautaires sont en développement. D'autres services consistent en du gardiennage, visites d'amitié, des appels sécurisants, de l'accompagnement au transport.

Alors, aujourd'hui, je veux dire merci à sa directrice générale et toute son équipe, Mme Andrée Ouellet, pour ce que vous faites. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Drummond—Bois-Francs. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Jean-Talon.

Souligner le 20e anniversaire de l'organisme La Baratte

M. Sébastien Proulx

M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais féliciter un organisme de Jean-Talon qui célèbre cette année son 20e anniversaire. Il s'agit de La Baratte.

Fondé en 1999, cet organisme à but non lucratif qui est engagé dans la communauté offre à la grandeur de la Capitale-Nationale une réponse concrète aux besoins alimentaires et sociaux des personnes qui sont vulnérables.

Je désire aujourd'hui rendre hommage, bien sûr, aux bénévoles et aux membres du personnel de La Baratte, qui, au fil des ans, ont fait preuve d'un dévouement qui est remarquable afin d'aider des gens à se nourrir sainement et à maintenir leur autonomie. Grâce à leur implication, certains citoyens ont plus facilement accès à des repas sains et équilibrés. D'autres réussissent également grâce à un programme spécifique de réinsertion sociale.

Alors, j'aimerais exprimer à toutes les personnes engagées dans la réussite de La Baratte ma reconnaissance la plus vive et, bien sûr, toutes mes félicitations. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Jean-Talon. Maintenant, au tour de Mme la députée d'Argenteuil de nous faire sa déclaration d'aujourd'hui.

Souligner l'engagement de Madeleine, jeune
bénévole de la circonscription d'Argenteuil

Mme Agnès Grondin

Mme Grondin : Merci, Mme la Présidente. En cette Semaine de l'action bénévole, je choisis aujourd'hui de mettre en lumière le bénévolat généreux et enthousiaste de la belle Madeleine.

Depuis près de deux ans, elle offre son temps deux matins par semaine dans une école primaire de mon comté, où elle a participé à servir près de 9 300 déjeuners santé dans le cadre des Bons Déjeuners d'Argenteuil. Madeleine fait preuve d'une assiduité exemplaire, elle est toujours la première arrivée. Et le plus merveilleux, c'est que, pour elle, son implication bénévole est un privilège.

J'ai oublié de vous préciser, Mme la Présidente, Madeleine a six ans. Cette puce est la preuve que la relève bénévole est dynamique.

Madeleine, merci du fond du coeur de t'impliquer. Merci à ceux et à celles qui l'encouragent. Merci, Mme la députée.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, Mme la députée d'Argenteuil. Et maintenant je vais reconnaître M. le député de Jean-Lesage.

Exprimer de la solidarité envers les chauffeurs de taxi

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Ralph Hadad: 135 000 $. Mehdi Batani: 135 000 $. Moustafa Fahimi: 142 000 $. Pierrot Bagula : 138 000 $. Nizar Abbuh : 128 000 $. Ce sont le nom et le montant des hypothèques de cinq chauffeurs de la centrale de taxi du coin de la 4e Rue et 2e Avenue dans Jean-Lesage. Ils ont respecté les règles, ils ont toujours été bons joueurs, et là le gouvernement change les règles et leur envoie le message que leur investissement ne vaut plus rien, qu'ils vont devoir passer les cinq, 10, 15 prochaines années à travailler pour rembourser un prêt dans le vide.

Je voudrais exprimer ma sympathie et ma solidarité envers tous les propriétaires de taxi du Québec et inviter du même geste le gouvernement de la CAQ à revoir son projet de loi pour prendre en considération la réalité de Ralph, Mehdi, Moustafa, Pierrot, Nizar et tous les autres. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Jean-Lesage. Et maintenant je vais céder la parole à Mme la députée de Sanguinet.

Souligner le Mois de la sensibilisation
à la maladie de Parkinson

Mme Danielle McCann

Mme McCann : Merci, Mme la Présidente. Chaque année, le mois d'avril est consacré à la sensibilisation à la maladie de Parkinson. Il s'agit de la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente au Québec. Elle affecte la vie de plus de 25 000 personnes.

La maladie de Parkinson apparaît de façon progressive, de manière différente chez chaque personne et demeure chronique. Elle n'est pas mortelle mais peut avoir des conséquences notables sur la qualité de vie.

Les personnes atteintes de cette maladie nécessitent souvent l'utilisation d'aides techniques et de réadaptation fonctionnelle en raison des déficiences motrices et cognitives qui pourront s'installer graduellement au cours de la progression de la maladie. Heureusement, il existe des médicaments qui permettent de contrôler adéquatement les symptômes de la maladie et de conserver une bonne qualité de vie pendant plusieurs années. Une prise en charge précoce de la personne permet de mieux intervenir en ce sens.

Rappelons également que divers outils sont à leur disposition, dont de l'information, des services, du soutien et des activités, outils soutenus par des organismes tels que Parkinson Québec et L'Appui national. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Sanguinet. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Bonaventure.

Rendre hommage à l'auteur et historien Christian Blais

M. Sylvain Roy

M. Roy : Mme la Présidente, notre société est peuplée d'acteurs de l'ombre qui font l'histoire et qui font notre histoire. Ces gens ont pour mission de mettre en lumière les événements que nous avons vécus afin de guider ceux que nous vivrons.

Les historiens sont des êtres passionnés. Ils donnent une dimension à notre existence qui nous invite à dépasser le souci de notre destinée individuelle. Aujourd'hui, j'aimerais rendre hommage à l'un d'eux, et j'ai nommé M. Christian Blais.

Christian Blais est historien à l'Assemblée nationale. Je souligne qu'il fut le premier Gaspésien à être élu membre de la Société des Dix, une organisation renommée qui oeuvre depuis les années 30 à mettre en valeur notre histoire. Il est aussi, entre autres, coauteur de L'histoire du Québec à travers ses lieutenants-gouverneurs, paru en 2005, et de Québec, quatre siècles d'une capitale, paru en 2008. Il a aussi collaboré à la troisième édition de l'ouvrage La procédure parlementaire du Québec, publié en 2012.

M. Blais, en mon nom et en celui des Gaspésiennes et Gaspésiens, bravo et merci! Recevez nos hommages et notre reconnaissance et sachez que nous sommes extrêmement fiers de vous, qui êtes le gardien de notre mémoire.

Je partage avec vous cette idée que s'occuper du passé n'est pas une perte de temps, bien au contraire. Merci de faire rayonner la Gaspésie par votre contribution significative à l'histoire de notre société. Merci, Mme la Présidente.

• (9 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Bonaventure. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Masson.

Rendre hommage à M. Richard Mercier dans le
cadre de la Semaine de l'action bénévole

M. Mathieu Lemay

M. Lemay : Mme la Présidente, dans le cadre de la Semaine de l'action bénévole, sous le thème Le facteur bénévole pour élever les collectivités, célébrons les efforts collectifs des bénévoles et songeons aux innombrables actions prises localement dans le but d'aider des gens.

À Mascouche, nous avons la chance de côtoyer un grand bénévole qui consacre toute son énergie à venir en aide aux plus fragiles de notre société. Il a donc choisi d'épouser la cause des aînés et se dévoue maintenant pour leur bien-être.

M. Richard Mercier est un des membres fondateurs du club FADOQ de Mascouche et il en est le président depuis 2010. Grâce à sa vision positive, il a fait de la Journée internationale des aînés du 1er octobre la Semaine des aînés, pendant laquelle plusieurs activités sont mises à la disposition de nos aînés.

Au cours des huit dernières années, sous sa gouverne, le Cercle d'or de Mascouche a franchi le cap des 3 200 membres. Les heures de bénévolat données par M. Mercier et les membres de son équipe ne se comptent plus, Mme la Présidente. Je veux donc saluer chaleureusement le dévouement sans borne de M. Richard Mercier et lui dire un grand merci pour tout ce temps précieux donné à nos aînés. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Masson. Et maintenant, pour clore cette rubrique de déclarations de députés, je cède la parole à M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

Rendre hommage à Mme Raymonde Michaud, nommée
Bénévole de l'année par Golf Canada

M. Denis Tardif

M. Tardif : Mme la Présidente, merci. Dans le cadre de la semaine bénévole, je désire vous parler d'une citoyenne bien engagée dans son milieu depuis plus de 30 ans. Il s'agit de Mme Raymonde Michaud, de Rivière-du-Loup, qui a reçu le prix de Bénévole de l'année 2018 par Golf Canada.

Capitaine de la division féminine de son club avant de joindre le conseil d'administration, Mme Michaud est devenue également première femme à devenir membre du Club Optimiste de Rivière-du-Loup. Ainsi, elle a joué sans équivoque un rôle déterminant dans la création de nouveaux partenariats entre Golf Québec et l'ensemble des clubs Optimiste du Québec.

Par son engagement et son leadership, Mme Michaud a contribué activement au rayonnement de notre milieu. Les gens comme Mme Michaud, sont, à mon avis, dans notre milieu, un stimulant où il fait bon de vivre.

Merci beaucoup, Mme Michaud, de Rivière-du-Loup, pour votre implication et pour avoir tissé un meilleur tissu social.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député.

Maintenant, à ce point-ci, je me dois de vous demander le consentement pour permettre la présentation d'une 11e déclaration par notre collègue députée de Mille-Îles. Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Alors, Mme la députée, la parole est à vous.

Souligner la Journée rose

Mme Francine Charbonneau

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente, et merci aux membres de la Chambre. J'invite l'Assemblée à souligner avec moi la Journée rose comme c'est le cas à chaque deuxième mercredi du mois d'avril, une journée pour accroître la sensibilisation de la population à la discrimination, le harcèlement, l'homophobie, la transphobie, la transmisogynie à travers le monde. Voilà une occasion de rappeler que toute forme d'intimidation est inacceptable, qu'elle vise l'orientation sexuelle d'une personne, son identité de genre ou ses caractéristiques personnelles. Les Québécoises et les Québécois sont invités à célébrer la diversité en portant un vêtement rose, témoignant ainsi de leur participation à la construction d'une société toujours plus inclusive et respectueuse.

Je profite de l'occasion pour rendre hommage aux personnes et aux organismes qui contribuent à créer des milieux de vie sécuritaires, ouverts et égalitaires. Votre engagement est une source d'inspiration.

Je vous invite donc à prendre part à cette grande manifestation de solidarité en portant du rose, car ensemble on est plus forts que l'intimidation. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Mille-Îles. Et ceci met fin à la rubrique des déclarations de députés.

Et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 54)

(Reprise à 10 h 2)

Le Président : Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la rubrique Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je vous demande d'appeler l'article a, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 18

Le Président : À l'article a du feuilleton, M. le ministre de la Famille présente le projet de loi n° 18, Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes. M. le ministre.

M. Mathieu Lacombe

M. Lacombe : Merci, M. le Président. Ce projet de loi propose principalement une révision des dispositions législatives relatives à la protection des personnes inaptes.

Ainsi, le projet de loi propose de modifier la Loi sur le curateur public afin notamment de changer le nom du Curateur public pour celui de directeur de la protection des personnes vulnérables.

Le projet de loi propose de supprimer les régimes de protection du majeur que sont la curatelle au majeur et le conseiller au majeur.

Le projet de loi propose de modifier la tutelle au majeur afin de prévoir que le tribunal doit, dans tous les cas, déterminer si les règles relatives à l'exercice des droits civils qui s'appliquent généralement au majeur en tutelle doivent être modifiées ou précisées, compte tenu des facultés de celui-ci. Il prévoit la possibilité pour le tribunal de réduire le nombre de personnes à convoquer à l'assemblée de parents, d'alliés ou d'amis et il assouplit les règles relatives au remplacement d'un tuteur. Il prévoit, en outre, que les délais de réévaluation médicale et psychosociale du majeur doivent être déterminés compte tenu de la nature de l'inaptitude du majeur, de l'étendue de ses besoins et des autres circonstances de sa condition. Il ajoute, aux motifs de mainlevée d'une tutelle au majeur, la cessation du besoin de représentation.

Le projet de loi permet à un majeur qui, en raison d'une difficulté, souhaite être assisté pour prendre soin de lui-même, administrer son patrimoine et, en général, exercer ses droits civils de se faire reconnaître un assistant par le directeur de la protection des personnes vulnérables. Cet assistant au majeur, dont la reconnaissance est inscrite dans un registre public, peut agir comme intermédiaire entre le majeur et les tiers.

Le projet de loi propose d'instituer la représentation temporaire du majeur inapte, laquelle permet au tribunal d'autoriser une personne à accomplir un acte déterminé au nom d'un majeur s'il est établi, par une évaluation médicale, que l'inaptitude de celui-ci est telle qu'il a besoin d'être représenté temporairement pour l'accomplissement de cet acte. L'incapacité qui en résulte est alors temporaire et ne porte que sur l'acte pour lequel le représentant a été autorisé par le tribunal. Le tribunal fixe les modalités et conditions d'exercice des pouvoirs conférés au représentant temporaire.

Le projet de loi propose de modifier les règles relatives au mandat de protection. Il en précise certains effets. Il énumère certains éléments que peut contenir un tel mandat et impose de nouvelles obligations au mandataire. Il précise de plus les critères à considérer lors de l'homologation ou de l'exécution du mandat, les éléments qui doivent guider le mandataire pour assurer le bien-être moral et matériel du mandant ainsi que les recours possibles lorsque le mandataire n'exécute pas fidèlement le mandat.

Le projet de loi propose des modifications concernant la tutelle au mineur. Il introduit, pour les tutelles datives, une possibilité de dispense par le tribunal des obligations de constituer un conseil de tutelle et de rendre un compte de gestion annuel. Il prévoit également que le directeur de la protection des personnes vulnérables devra, au moins 20 jours avant la transmission de biens ou le paiement d'une indemnité au bénéfice d'un mineur, en être avisé. Il permet aussi au directeur de déterminer la nature et l'objet de la sûreté, s'ils n'ont pas été fixés dans les délais prescrits. Il précise également les règles applicables à la rémunération du tuteur datif. Enfin, il établit le droit du tuteur aux biens d'ester en justice.

Le projet de loi propose aussi des changements dans la constitution des conseils de tutelle en remplaçant le quorum de participation par une convocation minimale à l'assemblée de parents, d'alliés ou d'amis.

Enfin, le projet de loi prévoit des modifications de concordance et des mesures transitoires. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Proulx : Oui, M. le Président. On accepte, bien entendu, d'être saisis du projet. Est-ce que je peux compter sur la collaboration des collègues pour qu'on puisse tenir des consultations? On échangera les groupes avec vous le plus rapidement possible, bien entendu.

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ça sera avec plaisir.

Le Président : Adopté.

Dépôt de documents

Donc, à la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre de la Sécurité publique.

Ententes sur la prestation des services policiers dans certaines communautés
autochtones
et avenant à l'entente sur la prestation des services
policiers dans la communauté de Listuguj

Mme Guilbault : Merci, M. le Président. Permettez-moi de déposer les ententes sur la prestation des services policiers dans les communautés de Mashteuiatsh, d'Akwesasne, de Listuguj et pour la région Kativik.

Entente de financement complémentaire pour la prestation de services
policiers sur le territoire de l'Administration régionale Kativik

Je dépose également l'entente sur le financement complémentaire pour la prestation des services policiers 2018-2023 entre l'Administration régionale Kativik et le gouvernement du Québec. Merci.

Le Président : Ces documents sont déposés. M. le ministre des Transports.

Entente relative à la mise en oeuvre du Plan Nord à l'horizon 2035,
plan d'action 2015-2020 entre la Société du Plan Nord
et le ministre des Transports

M. Bonnardel : M. le Président, je dépose l'entente 2018-2019 relative à la mise en oeuvre du Plan Nord à l'horizon 2035, plan d'action 2015-2020 du gouvernement du Québec entre le ministère des Transports et la Société du Plan Nord.

Le Président : Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.

Réponse à des pétitions

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je dépose la réponse du gouvernement à la pétition présentée le 21 mars 2019 par le député de Bonaventure. Merci.

Le Président : Ce document est également déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, Mme la députée de Repentigny.

Enseigner des compétences pratiques aux jeunes du secondaire

Mme Lavallée : Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 96 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec :

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que le but de l'école secondaire québécoise est de préparer ses étudiants le mieux possible à la vie adulte qui les attend à leur graduation;

«Considérant qu'au fil des années, l'éducation donnée aux étudiants du secondaire est devenue de plus en plus abstraite et ne leur permet [pas] d'être préparés aux défis que le marché du travail moderne réserve;

«Considérant qu'avec l'omniprésence croissante de la technologie dans le monde, la capitalisation du par coeur a de moins en moins sa place dans les écoles;

«Considérant qu'il est crucial d'apprendre aux jeunes à développer leur créativité et de leur enseigner les compétences de base pour devenir des individus accomplis;

«Considérant qu'il est nécessaire d'ouvrir la discussion sur l'utilité réelle de ce qui est enseigné au secondaire et sur la meilleure façon de préparer les jeunes à ce qui les attend dans le monde de demain;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec de prendre les moyens nécessaires pour enseigner aux jeunes des compétences pratiques telles que la création et le maintien de relations harmonieuses, la motivation personnelle, les premiers soins et autres, par exemple sous la forme de capsules de 15 minutes par semaine.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

• (10 h 10) •

Le Président : Cet extrait de pétition est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole au chef de l'opposition officielle.

Stratégie de développement économique et de création d'emplois

M. Pierre Arcand

M. Arcand : M. le Président, le premier ministre peut bien essayer de définir la CAQ comme le parti de l'économie, mais plusieurs des mesures qu'il propose sont des mesures totalement antiéconomiques. M. le Président, avant de se vanter, le premier ministre devrait s'assurer d'avoir quelques réalisations à son actif.

Je vous rappelle que c'est nous qui avons redonné aux Québécois la capacité de rêver avec quatre budgets équilibrés. En fait, les seules ententes d'exportation d'électricité avec nos voisins ontariens, c'est nous. Également, lorsqu'on a parlé de la cible de 250 000 emplois sur cinq ans, en 2014, vous trouviez ça loufoque. Eh bien, nous avons rencontré notre engagement.

Mais, M. le Président, qu'est-ce que la CAQ fait depuis le début de son mandat? On entend seulement la cassette du leader du gouvernement, une cassette franchement antiéconomique, sans parler des vieilles chicanes du premier ministre avec le reste du Canada, ses projets de loi divisifs qui n'augurent rien de bon pour l'économie. M. le Président, ce manque de vision du premier ministre, particulièrement en matière de main-d'oeuvre, dirige clairement le Québec vers un recul économique.

Est-ce que c'est pour ça que son ministre des Finances prévoit une croissance aussi faible pour le Québec?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le chef de l'opposition officielle mélange finances publiques et économie. C'est vrai que le Québec, ça a commencé avec Lucien Bouchard puis ça s'est poursuivi avec les gouvernements qui se sont suivis, on a réussi à réduire la dette du Québec. On va bientôt être comparable avec l'Ontario en pourcentage du PIB. Donc, on peut dire qu'on est sur la bonne voie en matière de finances publiques.

Là où on a un immense problème, un immense défi, c'est du côté des revenus, la richesse des Québécois. Malheureusement, le Québec a toujours un écart de richesse de 17 % avec l'Ontario. Si on compare avec le reste du Canada, c'est plutôt 20 %, avec les États-Unis, c'est 40 %. D'ailleurs, c'est pourquoi le Québec reçoit actuellement 13 milliards de péréquation, parce que le Québec, malheureusement, est plus pauvre que le reste du Canada. Donc, on travaille actuellement avec le ministre de l'Économie, le ministre des Finances à mettre un plan économique pour attirer beaucoup plus d'investissements au Québec, attirer des emplois beaucoup mieux payés au Québec, parce que le problème au Québec comme à beaucoup d'endroits, ce n'est pas le nombre d'emplois, c'est la qualité des emplois. Donc, on va être capables d'améliorer la situation de la richesse du Québec, ce que n'a pas été capable de faire le gouvernement libéral.

Des voix : ...

Le Président : Première complémentaire. La parole appartient au chef de l'opposition officielle.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : Pour ça, ça prend des investissements privés, et les investisseurs regardent le climat politique avant d'investir. Pensez-vous vraiment qu'un gouvernement qui nie la pénurie de main-d'oeuvre les encourage? Pensez-vous vraiment qu'un premier ministre qui s'ingère dans les conflits de travail les investisseurs privés aiment ça? Pensez-vous vraiment qu'un gouvernement qui change une industrie en abandonnant tous ceux qui ont respecté les règles, ça les intéresse? C'est quoi, votre vision?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, au cours des cinq dernières années, les investissements des entreprises ont augmenté de 25 % aux États-Unis. Au cours des cinq dernières années, les investissements des entreprises ont augmenté de 30 % en Ontario. Au cours des cinq dernières années, les investissements des entreprises ont diminué de 10 % au Québec. C'est catastrophique, M. le Président. Il faut augmenter les investissements privés pour être capable d'augmenter la productivité, pour augmenter le salaire moyen. Le défi au Québec, là...

Le Président : En terminant.

M. Legault : ... c'est de faire passer le salaire moyen de 47 000 $ à 52 000 $. C'est là-dessus qu'on travaille, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : En tout cas, les Québécois savaient une chose, qu'avec nous l'économie allait beaucoup mieux.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Arcand : Le premier ministre ne comprend pas l'impact des actions idéologiques de son gouvernement. Même Gérard Bouchard a dit que votre projet de loi est trop radical et qu'il n'est pas à l'image des Québécois. Des grands journaux à travers le monde publient chaque semaine des articles incendiaires sur votre gouvernement.

Quand allez-vous comprendre que c'est votre responsabilité d'instaurer un climat propice au développement économique du Québec?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, au cours des cinq dernières années, la richesse par habitant a augmenté de 20 % aux États-Unis, 16 % en Ontario, seulement 15 % au Québec. Donc, non seulement on n'a pas réussi à réduire notre écart de richesse avec nos voisins, on l'a augmenté. L'approche économique du Parti libéral, ça a été un échec. M. le Président, on va mettre en place une politique pour créer des emplois payants au Québec. C'est ça qui est important. Il ne faut pas juste regarder le nombre d'emplois. Il faut regarder la qualité des emplois. C'est comme ça qu'on va garder nos jeunes au Québec.

Des voix : ...

Le Président : Troisième complémentaire. Je vous demanderais, s'il vous plaît, d'être attentifs à la question du chef de l'opposition officielle.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : Un tel échec avec des milliards et des milliards de surplus. Encore une fois, il peut répéter tous ces chiffres-là, mais comment, vraiment, il peut penser aider l'économie quand il fait tout pour amplifier la pénurie de main-d'oeuvre et limiter, pour des raisons idéologiques, le nombre de travailleurs dont nos entreprises ont besoin?

Pense-t-il vraiment que c'est comme ça qu'on va créer de la richesse?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, le chef de l'opposition officielle se vante d'avoir fait des gros surplus. Ce n'est pas de l'argent qui vient du Parti libéral. Ça vient de deux endroits : on a trop augmenté les revenus, donc trop augmenté les impôts, puis on a trop coupé dans les dépenses.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Legault : Le chef de l'opposition officielle puis l'ancien ministre des Finances trouvent ça drôle d'avoir trop augmenté les impôts puis trop coupé dans les services à la population. On va gérer, M. le Président, de façon responsable puis on va créer de la richesse au Québec, ce que n'a pas été capable de faire le Parti libéral.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Respect de l'égalité hommes-femmes et de la neutralité religieuse de l'État

Mme Hélène David

Mme David : Bonjour, M. le Président. Encore le même projet de loi. Évidemment, tout le monde le dit, il y a certainement un consensus là-dessus, ce projet de loi aura des impacts majeurs chez les femmes, particulièrement chez les enseignantes. Le rapport Bouchard-Taylor, que le premier ministre lui-même décrivait comme ayant été écrit par deux professeurs émérites qui ont fait un travail sérieux et documenté, recommandait textuellement de ne pas inclure les enseignants. Gérard Bouchard lui-même écrivait cette semaine : «Le premier ministre erre...» Il a insisté hier soir en qualifiant le projet de loi de radical, qui ne ressemble pas aux Québécois et qui aurait avantage à être redéfini.

Vous savez, M. le Président, une valeur chère aux Québécois est l'égalité d'accès en emploi. Depuis plus de 50 ans, les Québécoises se sont battues pour pouvoir occuper une juste place sur le marché du travail et dans la société. Ce projet de loi vient ébranler ces acquis.

Comment le ministre peut-il freiner la lutte acharnée des femmes depuis des décennies pour l'accès en emploi?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, plusieurs éléments dans la question de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys. Le premier, il est vrai que M. Bouchard et M. Taylor sont deux éminents universitaires, et le gouvernement libéral de l'époque les avait mandatés pour faire une commission de consultation relativement à la situation ambiante qui avait cours à l'époque. Ils ont produit un rapport qui a servi de large inspiration au projet de loi n° 21.

Parce que, quand vous regardez le rapport de la commission Bouchard-Taylor, pratiquement toutes les recommandations qui sont dans le rapport Bouchard-Taylor se retrouvent dans le projet de loi, notamment le fait d'interdire le port de signes religieux pour les personnes comme les juges, les policiers, les procureurs, les agents correctionnels. Ça, M. le Président, je pense que la députée de Marguerite-Bourgeoys va être en accord avec moi. Même, également, dans le projet... dans le rapport Bouchard-Taylor, on recommandait que le président et les vice-présidents de l'Assemblée nationale ne puissent pas porter de signes religieux, ce que j'ai fait également dans le projet de loi.

Notre position a toujours été claire, nous, à la CAQ. Depuis 2013, on a toujours dit que les enseignants ne pourraient pas porter de signes religieux parce qu'ils représentent une figure d'autorité. C'est ce qu'on a dit avant la campagne électorale...

Le Président : En terminant...

M. Jolin-Barrette : ...pendant la campagne électorale, et c'est ce qu'il y a dans le projet de loi.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Hélène David

Mme David : Quand on parle d'enseignants, on parle très, très majoritairement d'enseignantes. Être ministre de la Condition féminine, c'est porter la voix et assurer la pleine participation de toutes les femmes à la société.

Comment la ministre de la Condition féminine peut-elle concilier son rôle de porte-parole de toutes les femmes avec la position du projet de loi, qui cautionne des rêves brisés ou des promotions empêchées pour des femmes enseignantes?

• (10 h 20) •

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, c'est très clair que nous avons cette sensibilité pour s'assurer que tous puissent accéder à un emploi. Ce que nous faisons avec le projet de loi n° 21, c'est d'avoir un équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels. Et le gouvernement choisit de mettre en place une clause de droits acquis pour faire en sorte que toutes les personnes, femmes et hommes, qui portent un signe religieux et qui seraient des enseignants ou des enseignantes pourront conserver leurs emplois. Je vous l'ai dit tout à l'heure, M. le Président, c'est un équilibre entre les droits individuels et droits collectifs.

Relativement à l'accès en emploi, nous avons fixé une balise sur le fait qu'à partir du dépôt du projet de loi il ne sera plus possible...

Le Président : En terminant...

M. Jolin-Barrette : ...de porter un signe religieux. C'est le choix que le gouvernement a fait.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Hélène David

Mme David : Décourageant, M. le Président, vraiment décourageant. Laissez-moi exprimer ma grande déception de constater que, pour un sujet aussi important — on parle juste des femmes après tout — le leader du gouvernement ne juge même pas opportun de permettre à sa collègue la ministre de la Condition féminine de répondre à cette question.

Est-ce que la ministre de la Condition féminine peut se lever et regarder droit dans les yeux les femmes et les jeunes filles qui seront éventuellement touchées par ce projet de loi et leur dire, avec la même indifférence que son premier ministre, qu'il y a d'autres emplois de disponibles?

Le Président : M. le ministre de l'Immigration.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! La parole n'appartient qu'au ministre de l'Immigration. Je vous demande votre attention, tous, s'il vous plaît.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : M. le Président, il y a une grande différence des deux côtés de la Chambre. Nous, on souhaite rassembler, vous souhaitez diviser. Vous souhaitez encore une fois diviser la société québécoise sur un débat qui a eu cours...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : ...depuis plus de 11 ans, M. le Président. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il n'y aura pas de port de signes religieux pour toutes les personnes qui occupent la fonction d'enseignant. Ça vise autant les femmes que les hommes, c'est le port de signes religieux qui est interdit. Il y a un consensus au Québec pour aller de l'avant là-dessus. Ça fait depuis 2013 que la position de la CAQ, elle est connue. Elle a été validée lors des dernières élections. C'est un équilibre qui est légitime relativement aux droits de la nation québécoise et en rapport des droits individuels.

Le Président : En terminant.

M. Jolin-Barrette : Admettez que nous avons trouvé le juste équilibre, ralliez-vous à nous.

Le Président : Question principale, M. le député de La Pinière.

Compensation aux détenteurs de permis de taxi

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, je reviens sur le dossier du taxi. Je pense que les manifestations qu'on constate aujourd'hui et qui ne ralentissent pas sont vraiment le reflet du drame que ces gens-là vivent. Et, à date, on ne peut pas dire que les rencontres avec le ministre ont fait avancer quoi que ce soit.

M. le Président, ce matin, même l'Institut économique de Montréal, qui n'est pas exactement QS, qui est certainement pro-Uber, va proposer un modèle de compensation complète de la valeur des permis. Ça veut dire qu'il y a certainement des solutions. Je ne fais pas de leur proposition la mienne, mais clairement il y a des solutions.

Pourquoi le ministre ne se lève-t-il pas ce matin pour envoyer un vrai message d'espoir à ces gens-là et leur dire simplement ceci : On vous a compris, on va vous compenser entièrement, on va trouver une formule, on va le faire ensemble et, au bout de la ligne, on va vous compenser?

Le ministre va-t-il aujourd'hui saisir cette occasion?

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : M. le Président, vous savez, cette loi a été préparée, dans les derniers mois, pour l'usager, pour le client, autant pour les personnes démunies que les personnes handicapées.

Maintenant, cette industrie, qui n'a pas eu de modernisation en termes de loi depuis les 50 dernières années, oui, va vivre des changements. Quand il y a des changements, il y a des bouleversements nécessairement, il y a de l'insécurité, il y a de la peur. Dans ces conditions, vous comprendrez qu'on a gardé un canal ouvert avec l'industrie.

J'ai rencontré l'industrie, plusieurs d'entre eux dans les dernières semaines, encore une fois lundi dernier. On a un demi-milliard, M. le Président, sur la table, 250 millions additionnels que notre gouvernement a décidé de déposer. Je veux trouver un terrain d'entente avec eux pour nécessairement être capable de dévoiler les modalités de ce 250 millions. Il y a, oui, de l'autre côté, une redevance de 0,20 $ où on est capables d'aller chercher un montant entre 10 et 12 millions de dollars sur une période de trois ans. Avec, déjà, le fonds de modernisation, à hauteur de 44 millions, je prévois, sur trois ans, à peu près 80 millions de dollars additionnels.

Au-delà de la question du député, M. le Président, oui, je souhaite recevoir des propositions de la part de l'industrie du taxi. Ça prend un canal de communication ouvert. C'est ce que je souhaite, et je vais continuer de discuter avec eux.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de La Pinière.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Occasion ratée, M. le Président. En commission parlementaire sur le budget, le ministre des Finances nous a dit que le montant qui a été déterminé, le montant compensatoire inscrit au budget, avait été le résultat de l'utilisation de trois formules, deux formules qui étaient neutres et qui compensaient entièrement les permis et une formule qui les désavantageait. Je répète : deux formules, deux neutres, une qui les désavantage. Laquelle le ministre a choisie? Celle qui désavantage les propriétaires de taxi.

Est-ce que le ministre peut se lever aujourd'hui et nous dire...

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : M. le Président, le premier ministre l'a mentionné et je l'ai mentionné, on ne laissera personne faire faillite. Il y a un 250 millions sur la table, additionnel, qu'on doit verser. Nécessairement, il faut que l'industrie souhaite travailler avec moi. Présentement, on me dit : Bien, prépare le plan de match, les modalités, puis on acceptera peut-être ou, sinon, on ne veut même pas en parler. Bien, je vous dirais une chose, M. le Président : Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de propriétaires de taxi dans les régions du Québec qui m'interpellent, qui m'appellent, qui veulent participer puis qui veulent savoir comment cet argent va être versé. Ils ont reçu seulement 1 000 $ lors de la première compensation.

Donc, oui, on va préparer les modalités dans les prochains jours. Je vais rencontrer encore une fois l'industrie. Je souhaite que ce canal de communication reste courtois et serein. Puis on va continuer de travailler avec eux.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de La Pinière.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, les consultations sur le p.l. n° 17 commencent ce matin. Le ministre a sciemment choisi d'exclure les compensations de son projet de loi. Le ministre sépare deux dossiers qui ne peuvent pas être séparés, comme s'il voulait qu'on en oublie un, et ça ressemble à ça ce matin. C'est une belle manoeuvre. Mais là je le dis haut et fort : Pas de déréglementation sans entière compensation.

Le ministre s'engage-t-il aujourd'hui à mener les deux dossiers de front et qu'à la fin de la période de l'étude du projet de loi on aura légiféré et entièrement...

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : M. le Président, il y a un demi-milliard d'argent sur la table. C'est un montant qui respecte la capacité de payer des Québécois. Encore une fois, je veux bien discuter avec eux des modalités futures.

Maintenant, il y a plusieurs propriétaires de taxi qui ont reçu seulement 1 000 $ lors de la première compensation. Eux m'appellent, eux m'interpellent. Ils me disent : De quelle façon vous allez verser ce prochain montant, prochain montant qui, majoritairement, a été versé à Québec, Montréal et Gatineau? Dans les circonstances, je l'ai mentionné, on va prendre en considération ceux qui ont acheté un permis voilà trois, quatre, cinq ans, qui ont amorti le moindrement, vous comprendrez, l'achat de ce permis, comparativement à ceux qui l'ont acheté voilà 10, 15 ans. Je vais continuer de discuter avec eux. Il y a une redevance importante aussi qui peut être discutée avec l'industrie du taxi. J'attends leurs propositions.

Le Président : Question principale, Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition.

Conséquences financières de l'implantation
de la multinationale
Uber au Québec

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, M. le Président. En 2015, la CAQ proposait un nouveau projet nationaliste pour le Québec. Depuis qu'il est au pouvoir, le premier ministre le répète, le nationalisme, il l'a tatoué sur le coeur. Je ne veux pas casser le party, mais on va faire un petit bilan. Sur le rapport d'impôt unique, M. Trudeau a dit non. Sur les transferts en santé, M. Trudeau a dit non. Sur les contrats de la Davie, M. Trudeau a encore dit non.

Alors, le premier ministre n'arrive pas à se faire respecter par Ottawa puis il se laisse carrément marcher dessus par les multinationales. On l'a vu avec ABI dernièrement, 14 mois de lock-out, puis il n'est même pas gêné de prendre le bord du P.D.G. d'Alcoa à 13 millions. Puis maintenant il se met à genoux devant Uber puis son P.D.G. à 200 millions. Coudon, si Jeff Bezos se pointait le nez à Québec, il lui donnerait-u les clés du gouvernement?

Laisser le champ libre aux multinationales, M. le Président, puis faire plier les genoux au monde en bas de l'échelle, c'est-u ça, le nationalisme de notre premier ministre?

• (10 h 30) •

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Bon. Donc, je comprends que la cheffe de Québec solidaire n'aime pas les multinationales, même les multinationales qui créent des emplois à 90 000 $ par année. M. le Président, je veux revenir sur le conflit d'ABI. La cheffe de Québec solidaire, la cocheffe de Québec solidaire devrait savoir qu'actuellement les conditions de marché sont difficiles dans le domaine de l'aluminium. Il y a des alumineries chinoises qui inondent le marché. Il y a une surcapacité. Il y a un risque réel que l'aluminerie de Bécancour reste fermée pour longtemps. J'ai rencontré le syndicat. Ils m'ont dit que leurs deux plus importantes demandes, c'était d'avoir plus de libérations syndicales puis d'avoir plus que 60 % comme part de l'employeur sur le fonds de pension. J'ai dit tout simplement aux gens du Syndicat des métallos qu'il fallait être prudent dans le contexte de marché actuel. Il y a des gens en Mauricie, il y a des gens dans le Centre-du-Québec qui ont des contrats, des sous-contrats. Il y a des retombées : 500 millions de dollars pour les deux régions. Je pense que les syndiqués doivent faire des compromis. À 90 000 $ par année, ce sont des emplois payants, des emplois intéressants pour les Québécois.

Le Président : Première complémentaire, Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Je n'ai pas trop compris, là, mais ce n'est pas grave. Je vous parlais, entre autres, des chauffeurs de taxi, parce que, vous savez, quand on parle d'Uber, on ne parle pas d'ABI, puis on parle d'une multinationale où son P.D.G., lui, gagne 200 millions. Et pourtant les Québécois et Québécoises qui conduisent présentement des taxis ne se sentent pas réellement défendus par le gouvernement qui est en face de moi, ici.

Alors, est-ce que le premier ministre peut nous dire si son nationalisme inclut les chauffeurs de taxi?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, je comprends que la cheffe de Québec solidaire pense que les applications d'économie de partage, que ça soit avec des entreprises de l'extérieur ou des entreprises comme on a eu ici, comme Téo, ou des entreprises comme Eva, québécoises, qui offrent de l'économie de partage... Québec solidaire pense qu'on va reculer dans le temps puis il va seulement y avoir les anciennes façons de faire.

Maintenant, M. le Président, le gouvernement offre 500 millions de dollars, c'est en moyenne 70 000 $ par personne. Il y a beaucoup de chauffeurs de taxi qui ont payé moins que 70 000 $...

Le Président : En terminant.

M. Legault : ...il y en a qui ont payé plus. On veut s'asseoir puis négocier.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la cheffe du deuxième groupe d'opposition.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Alors, voyez-vous, quand on cherche des solutions du côté de la CAQ, on ne regarde jamais du côté des gagne-petit. L'exemple, le fameux 0,20 $ dont nous parlait le ministre tantôt, il n'est pas pris à Uber, il est pris dans les poches des clients et des clientes. Le 500 millions dont vous parlez tant n'est pas pris à Uber, il est pris dans les poches des contribuables. Alors, Uber, combien il met? Pas une cent, M. le Président. C'est de ça que je parle.

Est-ce que vous allez défendre les Québécois et Québécoises?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, si demain matin le gouvernement mettait une taxe de 5 $ ou 10 $ par course à Uber, qui vous pensez qui paierait en bout de ligne? Le consommateur québécois. Je sais que ça ne dérange pas la cocheffe de Québec solidaire de charger plus pour les Québécois, les consommateurs. Moi, je l'invite à parler avec des jeunes à Montréal puis de leur demander si ça serait une bonne idée de fermer Uber, de fermer l'économie de partage, de doubler les tarifs d'Uber. Je pense que la cheffe est un petit peu déconnectée.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Joliette.

Encadrement des frais scolaires

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : M. le Président, alors que le projet de loi n° 12 devait venir consacrer le droit à la gratuité dans le réseau public et baliser très, très strictement les exceptions pour lesquelles des frais pourraient être imposés aux parents, eh bien, c'est exactement l'inverse qui se passe.

Avec les éléments du projet de règlement déposé hier, on constate avec stupéfaction que c'est plutôt un véritable bar ouvert pour la facturation que le ministre est en train de mettre en place. Absolument tous les projets pédagogiques particuliers, sport-études, arts-études, programme international, tous les projets de concentration, profils, options développés par les écoles vont pouvoir faire l'objet de facturation auprès des parents, et ce, sans aucune balise, aucun plafond.

Comment le ministre peut-il prétendre vouloir l'égalité des chances? Et il est en train de consacrer noir sur blanc un régime public à deux vitesses pour les parents qui peuvent payer et les enfants dont les parents ne peuvent pas payer.

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, c'est quand même surprenant d'entendre des fois mes collègues de l'opposition dire des choses qu'ils n'ont jamais dites au fil des dernières années et même pendant la campagne électorale.

Écoutez, il y avait, depuis des années, une absence de clarté. La Loi sur l'instruction publique n'était pas claire, ce qui a amené des parents à déposer un recours collectif qui a mené à une entente qui nous a coûté 153 millions de dollars. Ça, là, c'est le coût du flou et de l'absence de clarté qui a été enduré depuis 2007 parce que la commission des droits de la personne et de la jeunesse avait déjà dit en 2007, alors que ces gens-là sont passés au pouvoir depuis ce temps-là, qu'il fallait clarifier la loi. Ils ne l'ont pas fait. Ça a coûté 153 millions de dollars.

Nous, on s'apprête à le faire, et, en plus, avec la modification qu'on fait, il n'y aura plus de recours collectif, il y aura une clarté. Les projets pédagogiques particuliers, qui sont appréciés des enseignants, des élèves, des parents, vont continuer d'exister, mais, plus que ça, il va y avoir plus de gratuité que jamais. On va permettre que le matériel d'art, qui était parfois chargé, ne soit plus chargé, même chose pour le matériel d'éducation physique, même chose pour le matériel de sciences.

Le Président : En terminant.

M. Roberge : Il y aura plus d'accessibilité, plus de clarté.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Tout est une question de choix, M. le Président. Plutôt que la véritable gratuité dans le réseau public, le gouvernement va nous faire voter aujourd'hui sur un projet de loi qui va coûter 800 millions pour uniformiser la taxe scolaire. Il aurait pu décider, plutôt que d'aller au taux le plus bas, de dire : On va mettre le taux moyen et d'avoir le 400 millions qui est estimé requis pour offrir à tous les enfants la véritable gratuité scolaire. Il aurait pu décider de ne pas mettre 1 milliard dans les maternelles quatre ans puis de mettre l'argent pour le réseau public.

Pourquoi, M. le ministre, faire le choix du deux vitesses et non pas de l'égalité des chances?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : Bien, M. le Président, quand ma collègue parle d'imposer le taux moyen de taxe scolaire, ça veut dire des hausses de taxe pour la moitié des Québécois. C'est ça que ça veut dire. Il faudrait qu'elle aille dans les comtés où elle propose de hausser les taxes, qu'elle aille demander aux contribuables si c'est une si bonne idée que ça.

Ensuite, d'aucune façon, d'aucune façon le budget qu'on a déposé ne comporte de baisse ou de coupure en éducation. On augmente le budget de 5,1 %. C'est un raccourci, c'est une tentative maladroite de faire croire qu'on coupe en éducation parce qu'on baisse les taxes. C'est juste faux.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : On s'attendait, M. le Président, minimalement que, dans cette consécration du droit de facturer dans la loi, le ministre, au moins, aurait mis des balises, des plafonds. C'est d'ailleurs ce qu'il avait laissé entendre. Or, hier en commission parlementaire, il a refusé de s'engager à mettre des plafonds pour tout projet particulier au Québec.

Comment peut-il demander un tel chèque en blanc aux oppositions mais surtout à tous les parents du Québec et à tous ceux qui croient dans le régime public et dans l'égalité des chances?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, le projet de loi qu'on amène vient régler des problèmes. On s'est fait poursuivre parce que la loi n'était pas claire. Les parents n'étaient pas satisfaits parce qu'ils se faisaient surfacturer. Des fois, on recevait des factures qui étaient floues; elles seront claires. Des fois sur la facture, les parents voyaient qu'il y avait «contribution volontaire», mais elle n'était pas tellement volontaire, elle était incluse dans la facture; ce sera interdit. Des fois, on facturait davantage que le coût; ce sera interdit. On vient améliorer la clarté, la prévisibilité, l'accessibilité, sincèrement, et l'ensemble des acteurs nous demandent d'adopter ce projet de loi rapidement...

Le Président : En terminant.

M. Roberge : ...pour planifier la prochaine rentrée scolaire. Je demande votre collaboration.

Le Président : Question principale, Mme la députée Fabre.

Financement des Initiatives de travail de milieu auprès
des aînés en situation de vulnérabilité

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, en janvier dernier, la ministre responsable des Aînés a dit : «On n'a pas le droit de négliger les personnes les plus vulnérables de notre société.» La devise du Québec est Je me souviens.

Je me souviens de la ministre des Aînés du gouvernement libéral, en 2009, aujourd'hui ministre des Aînés de la CAQ. Je me souviens de sa fierté à mettre en place le projet de recherches-actions pour la reconnaissance des ITMAV, qui sont des Initiatives de travail de milieu auprès des aînés en situation de vulnérabilité. 154 ITMAV dans les 17 régions du Québec qui n'ont aucune idée s'ils ont encore un emploi aujourd'hui. Leur financement se terminait le 31 mars. Trois demandes de rencontre avec la ministre, aucune nouvelle, même pas un simple accusé de réception.

Je me souviens de la ministre de 2009, si fière du travail extraordinaire des ITMAV pour les aînés les plus vulnérables de notre société. M. le Président, où est-elle passée?

Le Président : Mme la ministre responsable des Aînés.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, nous sommes toujours aussi fiers d'avoir mis en place des intervenants de milieu à la suite de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés, ces intervenants de milieu qui brisent l'isolement social des personnes aînées. Je voudrais justement réconforter la députée de Fabre, ainsi que la présidente du conseil d'administration de l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés, Mme Osborne, et le directeur général, M. Guérard, qui a fait parvenir une lettre, et leur dire et vous dire à toutes et à tous qu'actuellement nous avons terminé l'évaluation, parce que c'étaient deux ans pour évaluer le projet. Nous l'avons terminée. Les lettres sont pratiquement rendues sur mon bureau.

C'est 6,9 millions de dollars, dans ce programme, pour embaucher des intervenants de milieu qui reçoivent 45 000 $ par année. Il y en a 153. Et on ne doit pas s'inquiéter, M. le Président, parce que j'aurai un bonheur immense à signer toutes ces lettres-là pour aider nos aînés les plus vulnérables de la société.

• (10 h 40) •

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Fabre.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : Malheureusement, ils sont malgré tout inquiets. Le 20 mars dernier, j'ai rencontré le directeur général de l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés, qui représente les ITMAV du Québec et les 131 organismes qui les accueillent. Il était très inquiet. Il l'était encore, très inquiet hier et toujours sans nouvelle. Jamais, auparavant, il n'a vécu ce silence radio entre eux et le Secrétariat des aînés. Je rappelle l'échéance du 31 mars.

Est-ce que la ministre, au-delà de l'évaluation, s'engage aujourd'hui à confirmer leur financement?

Le Président : Mme la ministre responsable des Aînés.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : M. le Président, il y a eu des élections. Il y a peut-être des programmes qui ont été différés de quelques semaines, mais la reddition de comptes concernant les intervenants de milieu est terminée. Il y avait une entente faite par le précédent gouvernement pour un financement sur deux ans. C'est normal d'avoir une reddition de comptes pour des organismes. Cette reddition de comptes là a été faite au mois de janvier. Les lettres sont pratiquement arrivées sur mon bureau. C'est faux de prétendre que le canal de communication avec le Secrétariat des aînés est fermé. Bien au contraire, et je veux vous rassurer toutes et tous, chers députés, que...

Le Président : En terminant.

Mme Blais (Prévost) : ...6,9 millions de dollars, c'est signé pour 153...

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Fabre.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, la réponse de la ministre, ça s'appelle une rupture de service auprès des aînés vulnérables, zéro retour des nombreux appels, zéro retour sur les demandes écrites de rencontre avec la ministre, zéro communication tout court.

Pourquoi ce silence de la ministre auprès de l'Association québécoise des centres communautaires pour aînés? Pourquoi elle ne leur répond pas? Pourquoi elle ne les rencontre pas et ne respecte pas l'échéancier du financement?

Le Président : Mme la ministre responsable des Aînés.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais (Prévost) : J'ai beaucoup de difficultés, M. le Président, à réentendre la troisième question, qui est la même question, finalement, alors que je viens de dire que...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

Mme Blais (Prévost)  : ...le 6,9 millions de dollars pour soutenir les intervenants de milieu était là. Ça a passé au Conseil du trésor, les lettres sont pratiquement arrivées au bureau pour les signer. J'ai comme l'impression que M. Guérard et Mme Osbourne entendent très bien ce qui se passe ici, au salon bleu de l'Assemblée nationale.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

Mme Blais (Prévost) : Je vous le confirme, les lettres seront signées, et ça va me faire plaisir de vous rencontrer pour qu'on puisse continuer à améliorer ce programme, qui est un programme extraordinaire pour briser l'isolement social de nos aînés. J'étais contente auparavant...

Le Président : En terminant.

Mme Blais (Prévost)  : ...je suis toujours contente aujourd'hui.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Sherbrooke.

Des voix : ...

Le Président : C'est la seule à qui appartient la parole. Votre attention, s'il vous plaît!

Orientations gouvernementales en matière d'éducation

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Tout le monde était content quand le ministre de l'Éducation est arrivé en poste. On se disait : Enfin, un ministre qui vient du milieu de l'éducation, qui connaît la réalité du terrain. Enfin quelqu'un qui va comprendre la réalité des profs et des parents. Mais, après quelques mois, on commence déjà à déchanter. Le ministre a beau venir du milieu, il improvise, il impose des choses sans savoir si c'est réalisable.

En décembre, il s'engageait à maintenir le financement des écoles qui avaient perdu leur indice de défavorisation. Quelques mois plus tard, les écoles touchées n'ont toujours pas eu de nouvelles. En février, il décrétait qu'à partir de la prochaine rentrée il y aurait deux récréations obligatoires de 20 minutes par jour. Comme on s'en doutait, c'est beaucoup plus compliqué que prévu. En mars, il disait vouloir imposer un plafond aux frais pour les programmes particuliers. Cette semaine, bien, il change d'idée. On ne sait toujours pas comment il va appliquer sa mesure pour le parascolaire. Il lance une idée par mois sans réfléchir.

Est-ce que le ministre de l'Éducation sait qu'il n'est pas en train d'animer une séance de brainstorming, mais qu'il est à la tête du ministère de l'Éducation, et un des plus importants du Québec?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, c'est intéressant de se faire rappeler toutes les bonnes mesures qu'on a mises en place depuis notre arrivée. C'est formidable. Les deux récréations de 20 minutes au primaire, il faut se souvenir qu'il y avait à peu près... il y a encore, en ce moment, à peu près 15 % des écoles primaires qui n'ont pas de récré l'après-midi. C'est quand même incroyable, 15 % des écoles primaires, des élèves — laissons faire les écoles — qui n'ont pas de récré l'après-midi. Alors, on a tenu compte de l'avis des experts, on a déposé un projet de règlement, on est dans la période de consultation. On a reçu un avis intéressant du Conseil supérieur de l'éducation dont on va tenir compte, pas pour reculer, mais pour réussir l'implantation de cette bonne mesure. Parce que l'avis est intéressant, on va en tenir compte, on va réussir cette implantation. Je rassure ma collègue, il y aura deux récrés de 20 minutes dans toutes les écoles primaires. Surtout, je rassure les parents et les enseignants qui veulent être certains qu'on va aller de l'avant.

Par rapport au parascolaire, bien, je suis très content qu'elle ramène cette idée-là parce qu'il y aura, dès septembre prochain, à peu près 140 écoles secondaires qui verront leur offre vraiment s'améliorer pour améliorer le sentiment d'appartenance des élèves à l'école, pour améliorer leur motivation. Il y aura du parascolaire, donc des activités sportives, culturelles, scientifiques...

Le Président : En terminant.

M. Roberge : ...gratuites. C'est une belle amélioration dont je suis très fier.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci. Les programmes particuliers sont reconnus par tout le monde pour favoriser la réussite et la persévérance scolaire. Et, en commission parlementaire, tout le monde nous l'a dit, l'idéal à atteindre, c'est que ces programmes-là soient gratuits pour tout le monde pour les rendre accessibles à tous les élèves. En 2019, c'est un service de base pour permettre aux jeunes de développer leurs passions. La Fédération des commissions scolaires nous dit que ça coûterait maximum 400 millions pour offrir tous les programmes gratuitement à la grandeur du Québec. C'est deux fois moins cher que la réduction de la taxe scolaire.

L'éducation, c'est supposé d'être la priorité numéro un de la CAQ. Est-ce que vous pouvez envoyer le mémo au Conseil du trésor?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, l'éducation, c'est définitivement la priorité de notre gouvernement. Évidemment qu'on prend soin de plusieurs missions, l'environnement, les aînés, l'économie, pas seulement l'éducation, mais, oui, l'éducation, c'est une priorité.

Et ma collègue fait référence au projet de loi n° 12, et dont on a parlé tantôt avec mon autre collègue. C'est un projet dont il faut être très fiers — on est en train de faire l'étude article par article — qui va nous prémunir contre d'autres recours collectifs, qui va clarifier les choses, qui répond vraiment aux préoccupations du milieu, de la Fédération des comités de parents, qui veulent arrêter d'avoir des factures disparates d'une école, d'une commission scolaire à l'autre, arrêter d'être surfacturés, qui veulent de la clarté, de la prévisibilité et de l'accessibilité.

Le Président : En terminant.

M. Roberge : On va leur donner tout ça.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci. Hier, justement, en étude détaillée, le ministre a dit aux partis d'opposition que vouloir la gratuité scolaire, c'est vivre dans un monde de licornes. J'aimerais lui rappeler que la gratuité des programmes particuliers est réclamée notamment par le Conseil supérieur de l'éducation, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Fédération autonome de l'enseignement, l'Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec, la Centrale des syndicats du Québec, le mouvement Debout pour l'école! et d'autres. Il y a 68 % des Québécois qui appuient la gratuité scolaire.

Est-ce que le ministre pense que tout ce monde-là vit dans un monde de licornes?

Le Président : M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : M. le Président, la gratuité scolaire, elle existe pour la formation de base. Quand on va à l'école publique, on ne paie pas le salaire du professeur, on ne paie pas les ballons de basketball, on ne paie pas les frais de construction de l'école. On peut faire notre parcours pour se rendre jusqu'en secondaire V, en formation professionnelle, décrocher un diplôme. C'est ça.

Maintenant, est-ce qu'on peut rendre gratuit le sport au Québec partout? Vous savez, il y a bien des jeunes qui font, supposons, un sport-études, qui jouent au hockey, mais à l'école. S'ils ne jouaient pas à l'école, ils joueraient avec l'équipe municipale, et les parents paieraient des frais pour que leur enfant joue 40, 50 matchs par année. Excusez-moi, mais c'est juste normal.

Le Président : Question principale, M. le député de Chomedey.

Arrêt des procédures dans le dossier Amaya

M. Guy Ouellette

M. Ouellette : Merci, M. le Président. L'Autorité des marchés financiers fait souvent les manchettes et pas toujours pour les bonnes raisons. Récemment, c'est un jugement de la Cour du Québec qui critique sévèrement l'AMF. On parle de laxisme et d'un manque de rigueur évident et inacceptable, d'une répétition et une accumulation d'erreurs déraisonnables et, finalement, d'une insouciance qui nécessite une suspension de procédures. Le jugement officiel dit, et je cite : «Le protocole suivi par l'AMF afin de protéger les documents potentiellement privilégiés était inadéquat, incomplet, voire inexistant, et son application déficiente.»

Suite à ce dossier, l'AMF a fait le choix de ne pas aller en appel, et les conséquences sont importantes. L'AMF fait maintenant face à une énorme poursuite due à son incompétence.

M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire qui, selon lui, est imputable de ce fiasco et pourquoi l'AMF n'a pas les compétences et l'expertise pour respecter les règles en vigueur au Québec afin de mener à terme une enquête aussi importante que celle du dossier d'Amaya?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Eric Girard

M. Girard (Groulx) : M. le Président, la réglementation des marchés financiers, c'est extrêmement important pour la confiance des marchés financiers. L'AMF est une institution québécoise dont nous sommes fiers. Et, quant au dossier auquel le député de Chomedey réfère, je vais en prendre connaissance et je lui donnerai une réponse précise concernant celui-ci.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Chomedey.

M. Guy Ouellette

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Saviez-vous, M. le Président, que l'avocat du principal intéressé dans le dossier Amaya est l'ancien directeur des enquêtes de l'AMF, comme le cas du conseiller juridique de SNC-Lavalin qui est devenu directeur des enquêtes à l'AMF pendant que celle-ci enquêtait SNC-Lavalin? Ce qui m'amène à interroger M. le ministre quant aux pratiques de recrutement et de promotion de l'AMF.

Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer sur quelles bases les directeurs des enquêtes de l'AMF sont recrutés ou promus?

• (10 h 50)

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Eric Girard

M. Girard (Groulx) : Encore une fois, la réglementation des marchés financiers, c'est extrêmement important. Et, pour assurer la confiance, l'AMF est indépendante. Alors, c'est l'AMF qui prend les décisions d'embauche des directeurs.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Chomedey.

M. Guy Ouellette

M. Ouellette : M. le Président, l'organigramme de l'AMF démontre que l'organisation compte sur les services d'un département d'audit interne.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire quand et à quelle fréquence le département des enquêtes est audité? Et, afin d'améliorer la reddition de comptes, à quelle date remonte la dernière vérification interne, compte tenu des nombreuses anomalies citées dans le jugement? Et quelles mesures ont été prises pour corriger la situation? Pourrait-il déposer les rapports d'audit du département des enquêtes?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Eric Girard

M. Girard (Groulx) : M. le Président, l'audit interne, c'est un processus continu. Il s'agit d'une fonction interne de l'AMF. Alors, l'audit interne, c'est chaque jour. L'audit interne est une partie prenante de l'AMF, et il n'y a pas d'action spontanée. C'est un processus continu et c'est sous la responsabilité de l'AMF. Et je n'ai pas accès à ces documents internes là.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Maurice-Richard.

Projet de loi sur le suremballage

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Je vous remercie, M. le Président. Nous avons été nombreux à être déçus du budget de la CAQ, qui a obtenu, rappelons-le, la note de C moins en environnement. Pas de vision, pas de plan, pas de mesures concrètes pour la lutte aux changements climatiques, mais beaucoup de beaux discours, par contre. Et ce n'est pas juste de ce côté-ci de la Chambre qu'on le dit, M. le Président. Dans ce dossier-là, on peut affirmer qu'il y a un réel consensus. Le budget en matière d'environnement a déçu l'ensemble des groupes.

M. le Président, la semaine dernière, le ministre mentionnait qu'il souhaitait qu'on lui propose des idées. C'est sûr qu'on comprend que la CAQ, qui n'a jamais vraiment parlé d'environnement, a peut-être besoin d'un petit coup de pouce de ce côté-là, et on se sent très généreux, alors je le prends au mot puis je lui propose quelque chose. Je vais déposer aujourd'hui une motion afin que le Québec se dote d'une loi sur le suremballage. On le sait, M. le Président, ce sont des milliers de tonnes de déchets qui se retrouvent dans les sites d'enfouissement et dans nos océans.

Comme le meilleur déchet, c'est celui qu'on ne crée pas, est-ce que le ministre peut s'engager à faire une priorité de l'encadrement du suremballage et déposer un projet de loi rapidement?

Le Président : M. le ministre de l'Environnement.

M. Benoit Charette

M. Charette : Merci, M. le Président. La question me surprend, pour tout dire. Et, oui, j'ai pu lire le projet de motion qui sera présenté tout à l'heure, et la bonne foi, malheureusement, du Parti libéral est difficile à deviner dans ce dossier-là. On a fait une proposition d'amendement pour la motion, précisant que le dernier budget qui a été présenté par mon collègue offrait plus de 12 millions de dollars pour justement contrecarrer le suremballage, accompagner les entreprises à modifier leurs façons de faire, et ce projet d'amendement a été refusé. Donc, encore une fois, le Parti libéral, en matière de crédibilité environnementale, est plutôt mal placé pour faire la critique aux autres.

On a mis dans ce budget des mesures précises, on ne reconnaît pas cet effort-là du côté du Parti libéral et on essaie de nous coincer à travers une motion. Appuyez notre amendement, et on approuvera votre libellé de motion par la suite.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : ...l'amendement, enlevez le mot «loi sur [le] suremballage», qui est le propos même de la motion.

Alors, on le sait, que la CAQ aime beaucoup se fier aux sondages pour prendre des décisions. Bien, ça tombe bien, j'en ai un à porter à leur attention. La semaine dernière, un sondage Léger révélait que 86 % des Québécois sont en faveur de la mise en place d'une loi pour encadrer le suremballage. À 86 %, on parle clairement d'une forte majorité de Québécois.

Alors, est-ce que le ministre peut s'engager à écouter les Québécois et à légiférer sur le suremballage?

Le Président : M. le ministre de l'Environnement.

M. Benoit Charette

M. Charette : ...les Québécoises et Québécois souhaitent, c'est que le gouvernement agisse en matière de suremballage et ce n'est pas nécessaire de toujours passer par l'adoption d'une nouvelle loi. Nous avons des outils, nous en avons confié de nouveaux à travers le dernier budget, donc ce n'est pas une loi qui nous empêchait, par le passé, d'agir en la matière, mais bien l'absence de volonté politique du gouvernement précédent, qui avait toute la latitude nécessaire pour faire des avancées remarquables dans le sujet.

Donc, 12 millions de dollars supplémentaires autant pour éliminer, dans la mesure du possible, le suremballage et surtout accompagner les entreprises...

Le Président : En terminant.

M. Charette : ...afin qu'elles développent de nouvelles techniques de mise en marché de leurs produits.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Marie Montpetit

Mme Montpetit : Merci, M. le Président. Alors, je comprends que le ministre aura l'occasion, en sortant de cette Chambre, d'aller dire non aux Québécois qui vous demandent de légiférer sur le suremballage. On comprend bien la direction qui sera prise dans la motion.

En quelques mois, ça fait déjà plusieurs occasions que la CAQ rate de démontrer son engagement, son leadership en environnement. On leur donne une autre occasion, aujourd'hui, de démontrer un engagement ferme de faire de l'environnement une priorité, mais on comprend que ce n'est pas une priorité pour le gouvernement de la CAQ, une fois de plus.

Le Président : M. le ministre de l'Environnement.

M. Benoit Charette

M. Charette : ...ce qui est amusant, c'est qu'on n'a pas attendu la question, justement, posée aujourd'hui ou encore le dépôt, dans les prochains instants, d'un libellé de motion. Le budget, déposé il y a quelques jours maintenant, quelques semaines, en fait, prévoit plus de sommes que jamais en matière de lutte au suremballage et à l'usage de plastique unique, notamment.

Donc, ce n'est pas une question que nous attendions, ce n'est pas une motion que nous attendions pour bouger. Déjà, le budget déposé il y a quelques semaines donne des réponses précises et qui sauront satisfaire, j'en suis convaincu, les Québécois et Québécoises qui nous demandent d'agir en la matière et qui ont été déçus ces dernières années...

Le Président : En terminant.

M. Charette : ...par le manque d'action du gouvernement précédent.

Le Président : Cela met fin à la période de questions et de réponses orales. Merci de votre collaboration.

Motions sans préavis

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, puisqu'il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. Et, selon nos règles et l'ordre de présentation, je vais céder la parole à M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Je demande le consentement de l'Assemblée pour débattre de la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse que le hockey est le sport national du Québec et que les séries éliminatoires sont un élément important de la culture populaire québécoise;

«Qu'elle reconnaisse que le conflit commercial opposant actuellement Québecor et Bell prend en otages les consommateurs;

«Que l'Assemblée nationale invite les géants de la câblodistribution à assurer une offre de service permettant aux Québécoises et aux Québécois de profiter pleinement de cette tradition dans les prochaines semaines.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Gouin. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Schneeberger : Il n'y a pas de consentement.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, il n'y a pas de consentement.

Pour la prochaine motion, je vais reconnaître un membre du groupe formant la troisième opposition, et ce sera M. le chef du troisième groupe d'opposition.

Réitérer l'importance des mécanismes de négociation,
de conciliation et de médiation des conflits de travail

M. Bérubé : Mme la Présidente, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le député de Vimont, le député d'Hochelaga-Maisonneuve, le député de Chomedey et la députée de Marie-Victorin, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale réitère l'importance des mécanismes de négociation, de conciliation et de médiation des conflits de travail entre les employeurs privés et les syndicats;

«Qu'elle rappelle au gouvernement du Québec la nécessité de ne pas favoriser une des deux parties, mais plutôt de favoriser le dialogue entre celles-ci afin d'obtenir une entente négociée.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Schneeberger : Consentement, sans débat.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, M. le leader du troisième groupe d'opposition.

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, on demanderait de procéder au vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous avons une demande de vote par appel nominal. Est-ce que nous sommes prêts à procéder au vote? Alors, nous sommes prêts. Je ne relirai pas la motion et je vous demande que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

• (11 heures) •

Le Secrétaire adjoint : M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Ouellet (René-Lévesque), M. LeBel (Rimouski), Mme Richard (Duplessis), M. Roy (Bonaventure), Mme Hivon (Joliette), M. Gaudreault (Jonquière), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), Mme Perry Mélançon (Gaspé).

M. Jolin-Barrette (Borduas), Mme Guilbault (Louis-Hébert), M. Laframboise (Blainville), Mme Chassé (Châteauguay), M. Girard (Groulx), Mme McCann (Sanguinet), M. Fitzgibbon (Terrebonne), Mme Roy (Montarville), M. Lemay (Masson), M. Simard (Montmorency), Mme Lavallée (Repentigny), M. Martel (Nicolet-Bécancour), M. Roberge (Chambly), Mme LeBel (Champlain), M. Bonnardel (Granby), M. Lévesque (Chauveau), Mme Lachance (Bellechasse), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Lamontagne (Johnson), M. Carmant (Taillon), Mme Blais (Prévost), M. Caire (La Peltrie), M. Lefebvre (Arthabaska), M. Dubé (La Prairie), Mme Laforest (Chicoutimi), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), M. Skeete (Sainte-Rose), Mme Hébert (Saint-François), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Lacombe (Papineau), Mme Proulx (Berthier), Mme Charest (Brome-Missisquoi), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), Mme Girault (Bertrand), M. Boulet (Trois-Rivières), Mme Proulx (Côte-du-Sud), M. Lafrenière (Vachon), M. Poulin (Beauce-Sud), M. Émond (Richelieu), M. Bachand (Richmond), Mme IsaBelle (Huntingdon), M. Chassin (Saint-Jérôme), Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. Bélanger (Orford), Mme Picard (Soulanges), Mme Jeannotte (Labelle), M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Asselin (Vanier-Les Rivières), M. Reid (Beauharnois), Mme Dansereau (Verchères), M. Lévesque (Chapleau), M. Thouin (Rousseau), M. Tremblay (Dubuc), Mme Blais (Abitibi-Ouest), M. Campeau (Bourget), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice), M. Caron (Portneuf), Mme Grondin (Argenteuil), M. Girard (Lac-Saint-Jean), Mme Lecours (Les Plaines), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac), M. Allaire (Maskinongé), Mme Guillemette (Roberval), M. Provençal (Beauce-Nord), M. Jacques (Mégantic).

M. Arcand (Mont-Royal—Outremont), M. Proulx (Jean-Talon), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Barrette (La Pinière), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tanguay (LaFontaine), Mme David (Marguerite-Bourgeoys), M. Rousselle (Vimont), Mme Montpetit (Maurice-Richard), Mme Melançon (Verdun), Mme Ménard (Laporte), Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Fortin (Pontiac), Mme Nichols (Vaudreuil), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), M. Benjamin (Viau), M. Derraji (Nelligan), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Sauvé (Fabre), Mme Rizqy (Saint-Laurent), M. Ciccone (Marquette).

Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Nadeau-Dubois (Gouin), Mme Ghazal (Mercier), M. Marissal (Rosemont), Mme Labrie (Sherbrooke), M. Fontecilla (Laurier-Dorion), Mme Lessard-Therrien (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Dorion (Taschereau), M. Zanetti (Jean-Lesage).

M. Ouellette (Chomedey), Mme Fournier (Marie-Victorin).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Y a-t-il des députés contre cette motion ou des abstentions? Alors, M. le secrétaire général, pour le résultat du vote.

Le Secrétaire : Pour :  114

                     Contre :               0

                     Abstentions :       0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, la motion est adoptée. Nous en sommes toujours à la rubrique des motions sans préavis, et je vais maintenant reconnaître M. le député de Bourget.

Reconnaître l'apport du Dr Camille Laurin dans l'histoire du Québec moderne,
rappeler l'importance de la protection du français et réitérer
le statut du français comme langue d'usage au Québec

M. Campeau : Mme la Présidente, je demande le consentement de la Chambre pour déposer la motion suivante conjointement avec le député de Viau, la députée de Taschereau, le chef du troisième groupe d'opposition, la députée de Marie-Victorin et le député de Chomedey :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse l'apport du Dr Camille Laurin dans l'histoire du Québec moderne, particulièrement ses travaux dans le domaine de la psychiatrie et de la santé mentale, notamment son expertise dans la modernisation des établissements psychiatriques;

«Que l'Assemblée souligne le 20e anniversaire de la disparition de [M.] Laurin, qui a représenté les intérêts des électeurs [du comté] de Bourget pendant 4 mandats entre 1970 et 1998 et qui fut ministre dans le gouvernement Lévesque;

«Que l'Assemblée reconnaisse l'importance de la loi 101, qui établit et définit les droits linguistiques de tous les citoyens du Québec et qui confirme le français comme langue officielle du Québec;

«Qu'enfin l'Assemblée rappelle l'importance de la protection du français dans les médias, la culture, l'éducation et l'affichage et réitère le statut du français comme langue d'usage au Québec.» Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Bourget. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Schneeberger : Oui. Alors, il y a consentement pour un débat de deux minutes par intervenant, dans l'ordre suivant : le député de Bourget, le député de Viau, la députée de Taschereau, la cheffe du troisième groupe d'opposition... le chef, excusez, du troisième groupe d'opposition et la députée de Marie-Victorin.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. Alors, M. le député de Bourget, la parole est à vous.

M. Richard Campeau

M. Campeau : Merci, Mme la Présidente. Camille Laurin est un homme qui a joué un rôle important comme politicien et comme psychiatre au Québec. M. Laurin est né à Charlemagne le 6 mai 1922 et est décédé depuis déjà 20 ans, en mars 1999, mais nous nous rappelons encore de lui et de ce qu'il a fait pour le Québec. Il est reconnu, bien sûr, comme le père de la loi 101 ou le père de la Charte de la langue française. C'est lui qui a fait en sorte que le français obtienne le statut de la langue officielle au Québec. Ceci a contribué à créer de l'unité au Québec autour de la langue d'usage.

Pour nous mettre en contexte : en 1943, M. Laurin s'inscrit en médecine à l'Université de Montréal. C'est un homme doté d'une intelligence remarquable, et on dit même qu'il n'avait que des notes parfaites. Il s'est ensuite spécialisé en psychiatrie à Boston et à Paris dans les années 50, ce qui n'était vraiment pas traditionnel. Il a rapporté de ses études à l'étranger une conception innovatrice de la psychiatrie et de la santé mentale. Le Dr Laurin voyait dans la médecine et la psychiatrie de puissants instruments de transformation sociale. C'est ce qui l'a amené fort probablement à s'engager dans la politique québécoise. Il a été député de Bourget durant quatre mandats, soit entre 1970 et 1998. Il s'est joint à l'équipe de René Lévesque en 1968 pour fonder le Parti québécois. C'est en 1970 qu'il a été l'un de sept députés élus du Parti québécois à l'Assemblée nationale du Québec. En 1976, le Parti québécois a pris le pouvoir, et le Dr Laurin a été nommé ministre d'État au Développement culturel. Il a été chargé de créer une nouvelle loi linguistique au Québec qui remplacerait la loi, à ce moment, contestée du précédent gouvernement de Robert Bourassa. C'est donc en 1977 que Camille Laurin a déposé à l'Assemblée nationale son projet de loi que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de Charte de la langue française, ou loi 101.

Merci, M. Laurin, pour votre très grand apport à la société québécoise. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Bourget. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Viau.

M. Frantz Benjamin

M. Benjamin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, au nom de mes collègues de notre formation politique, je suis très heureux d'appuyer cette motion.

Vous savez, la connaissance du français est un indicateur important sur la vitalité du français au Québec. Et, au Québec, 94 % de la population a déclaré pouvoir soutenir une conversation en français en 2016, ce qui représente un peu plus de 7,6 millions de la population. Et, si je j'évoque ces chiffres, Mme la Présidente, justement, c'est en lien avec la contribution du travail du Dr Camille Laurin. Je vais laisser peut-être à ma collègue députée de Marguerite-Bourgeoys le soin de parler de la contribution du Dr Laurin en santé mentale. Quant à moi, je vais m'attarder davantage pour parler de sa contribution au niveau de la langue française.

Lorsqu'en 1977, précisément au mois d'août 1977, le gouvernement du Parti québécois adopte la Charte de la langue française, c'est le Dr Camille Laurin qui a eu à porter ce projet de loi et cette loi qui a été adoptée, et il devenait ainsi le père de la loi 101. Mais, si je dois faire l'histoire, si je dois remonter au fil du temps, il faudrait évidemment, Mme la Présidente, que je remonte jusqu'à 1974, là où le gouvernement libéral de Robert Bourassa fait adopter le projet de loi 22, projet de loi qui, pour la première fois, fit de la langue française la langue officielle du Québec.

Le Dr Camille Laurin a eu non seulement des enfants, mais il a eu aussi des petits-enfants. Et il est important pour nous aujourd'hui de maintenir le cap, de maintenir le cap vers l'objectif qui est celui fondamental de la Charte de la langue française, qui consiste à continuer à faire du français la langue de l'État et de la loi mais aussi que ce soit aussi la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires. Il appartient aujourd'hui aux héritiers, enfants et petits-enfants de M. Laurin de porter cette langue-là, d'en faire non seulement une langue de communication, mais aussi une langue qui doit passer par des actions concrètes pour assurer une juste présence du français dans l'ensemble de toutes les plateformes, aussi bien au Québec qu'à l'étranger. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Viau, et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Taschereau.

Mme Catherine Dorion

Mme Dorion : Merci, Mme la Présidente. Je voudrais inviter les députés à faire avec moi un exercice d'uchronie aujourd'hui et qu'on imagine qu'est-ce qui se serait passé si le Québec n'avait jamais adopté la loi 101. Imaginez le nombre de crises de Saint-Léonard qu'on aurait eu. Imaginez la ségrégation qu'on aurait si le Dr Laurin n'avait pas réussi à convaincre René Lévesque du bien-fondé de sa loi, parce qu'il a travaillé fort. 90 % des enfants issus de l'immigration iraient à l'école anglaise, adopteraient la langue anglaise. Et là je ne veux pas blâmer les nouveaux arrivants qui, avant la loi 101, envoyaient massivement leurs enfants à l'école anglaise, parce que, pour eux, à cette époque-là, ils immigraient avant tout au Canada et ils quittaient leur pays. Ça doit déjà être une cicatrice à l'âme. Alors là, loin de moi l'idée de les pointer du doigt, mais c'était l'état des choses avant la loi 101.

Donc, sans la loi 101, la face du Québec aurait été différente. Non seulement la langue française aurait écopé, mais ce que nous sommes aussi aurait écopé. Notre identité n'aurait pas pu s'enrichir des apports des Nguyen, des Tomeo, des Abdelmalek, des Velenosi. La loi 101 fait la quasi-unanimité aujourd'hui. Quand même Stéphane Dion dit que c'est une grande loi, ça veut dire que ça rassemble pas mal. Mais ce n'était pas le cas en 1977, pas du tout. En ce sens-là, Camille Laurin était vraiment un visionnaire. L'idée maîtresse de la loi 101 est pourtant simple : les enfants des personnes immigrantes vont à l'école en français. L'idée, c'est qu'on puisse vivre ensemble. Et aujourd'hui on s'éloigne de ça avec un projet de loi qui menace de faire en sorte que certaines personnes issues de l'immigration ne puissent pas travailler dans nos écoles. Bon.

• (11 h 10) •

Mais ce que voulait le plus M. Laurin, du fond de son coeur, c'était quoi? C'était un Québec indépendant, parce que Camille Laurin, c'est avant tout un indépendantiste radical, assumé. C'est l'homme qui a refusé le «beau risque» de René Lévesque, visionnaire, comme je disais plus tôt, et l'histoire lui aura donné raison plus d'une fois.

Maintenant, on pourrait imaginer ce que serait le Québec s'il était devenu indépendant en 1980, comme 40 autres États qui sont venus au monde depuis cette date-là. Le Québec n'aurait pas englouti des milliards dans les sables bitumineux. Le Québec n'aurait pas une menace de pipeline qui lui pend au-dessus de la tête à chaque changement de gouvernement au fédéral. Le Québec serait probablement un leader mondial dans la lutte aux changements climatiques. On ferait un seul rapport d'impôt. Il y a bien des travailleurs autonomes qui seraient contents. Tous nos traités de libre-échange auraient été négociés selon nos intérêts et non pas selon ceux des industriels de l'Ouest. On aurait depuis longtemps une équipe nationale au Championnat du monde de hockey. Peut-être que le député de Marquette aurait joué dedans. D'ailleurs, c'est sa fête aujourd'hui, alors bonne fête au député de Marquette. Et ça aurait été bon pour notre psychologie collective. Et ça, ce n'est pas moi qui le dis, c'est Camille Laurin qui le disait : Je suis indépendantiste parce que je suis un psychanalyste.

Alors, voilà, au nom de ma formation politique, je tiens, en ce 20e anniversaire de sa disparition, à saluer la mémoire du grand Camille Laurin. Merci, docteur.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Taschereau. Et maintenant je cède la parole à M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Mme la Présidente, ce n'est pas sans émotion que je participe à cet hommage aujourd'hui. Le nom du Dr Camille Laurin est l'un des plus importants de l'histoire moderne du Québec et de notre formation politique, le Parti québécois.

L'hommage qui lui est rendu aujourd'hui par l'ensemble des formations politiques démontre l'héritage de l'homme et la force de l'homme qu'il a été, la force de ses convictions. Il est profondément associé à l'affirmation de notre identité nationale. Il est indissociable de l'une des lois qui distinguent le Québec des autres États d'Amérique, la Charte de la langue française, la loi 101. Il en a fallu, du courage, pour faire adopter sa loi, qui a été largement contestée. M. Laurin en a souffert, mais il a tenu le cap, et le Parti québécois a su faire adopter cette loi-phare pour l'avenir du Québec, et c'est à ce titre d'ailleurs qu'on l'a honoré le plus souvent.

Pourtant, la contribution du Dr Laurin va bien au-delà de la sphère linguistique, faut-il le rappeler. C'est un éminent psychiatre. Il a considérablement fait progresser la réflexion entourant la façon de dispenser les soins en santé mentale au Québec. Professeur, conférencier, témoin expert, auteur respecté, même sans considérer sa carrière politique, le Dr Laurin demeure une figure importante de la communauté intellectuelle québécoise du XXe siècle, l'un de nos grands penseurs, de nos grands sages, de nos grands esprits. Il nous faut le souligner. Mais, pour lui, cela ne suffisait pas. Il a poussé encore plus loin son engagement social, participant activement à la fondation du Mouvement souveraineté-association. La suite est davantage connue. Il fut l'un des hommes les plus influents du gouvernement de René Lévesque. Il portera pour toujours le titre honorifique de père de la loi 101. Il en a fait d'ailleurs le plus grand combat de sa vie.

En sa mémoire, nous devons, en tant que parlementaires, nous assurer que l'esprit de cette grande loi soit respecté, qu'il cesse, à tout le moins, d'être dilué. Le Dr Laurin a déjà déclaré : «Je voulais faire une loi qui répare, qui redresse et qui redonne confiance, fierté et estime de soi à un peuple qui tenait à sa langue mais qui était devenu résigné et passif.» Je nous invite tous à réfléchir sérieusement à cette citation. Je la considère toujours, voire plus que jamais d'actualité. Le travail d'affirmation doit se poursuivre. Même que nous avons du rattrapage à faire. Et le plus bel hommage que le gouvernement pourrait lui rendre, c'est d'abord de reconnaître que le français recule, notamment à Montréal, et de renforcer la loi 101 pendant ce mandat. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Catherine Fournier

Mme Fournier : Mme la Présidente, peu d'hommes ont eu un effet aussi grand sur leurs pays que le Dr Camille Laurin, lui qui est probablement le Québécois à avoir réalisé la plus formidable odyssée à l'intérieur de notre psyché collective.

En plus d'avoir été une sommité pour ses travaux en psychiatrie, le Dr Laurin a marqué le Québec à jamais en donnant aux Québécois une loi qui protège nos droits linguistiques dans un contexte où notre situation minoritaire en Amérique menaçait la transmission de notre langue française. Un aspect méconnu mais fondamental est également la consécration des droits de la minorité historique anglophone dans cette même loi. En somme, la loi 101 a permis aux Québécois de se sentir chez eux. En effet, l'assurance de pouvoir vivre, s'éduquer et travailler dans sa langue est pour un peuple l'un des gages de son épanouissement. Pour preuve, regardons tout le chemin qui a été parcouru pour le français au Québec depuis l'adoption de la loi 101 et qui fait en sorte qu'aujourd'hui les jeunes Québécois n'ont plus aucun complexe par rapport à leur langue.

Grâce au Dr Laurin et à son travail, nous sommes fiers de parler français et n'avons pas peur pour son avenir. Cela n'empêche pas qu'il est toujours de notre devoir de travailler à promouvoir notre langue à travers nos médias, notre culture, le travail ou les études pour que l'héritage du Dr Laurin puisse continuer à traverser le temps.

En définitive, il faut également reconnaître que rien ne nous donnera autant d'assurance que de faire du Québec un pays, le seul pays francophone d'Amérique du Nord et le plus grand pays francophone du monde en termes de superficie.

Bref, en mon nom et en celui de mes concitoyens de Marie-Victorin, je vous dis merci, Dr Camille Laurin.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mise aux voix

Maintenant, je me dois de vous demander si cette motion est adoptée.

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté.

Pour la prochaine motion, je vais maintenant me tourner vers Mme la députée de Maurice-Richard.

Mme Montpetit : Mme la Présidente, je sollicite donc le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Mercier, le député de Jonquière, le député de Chomedey et la députée de Marie-Victorin :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse que l'utilisation d'emballage de plastique et de polystyrène est dommageable pour l'environnement;

«Qu'elle reconnaisse que l'accumulation de plastique sur nos terres et dans les océans crée une pression néfaste sur les écosystèmes et la biodiversité;

«Qu'elle prenne acte que plusieurs pays dans le monde ont déjà entamé ce virage;

«Qu'elle demande au gouvernement caquiste de faire preuve de leadership en déposant un projet de loi sur l'élimination du suremballage d'ici l'automne 2019.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Maurice-Richard. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Schneeberger : Pas de consentement.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, il n'y a pas de consentement.

Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autre motion sans préavis, je vais maintenant céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour les avis touchant les travaux des commissions.

M. Schneeberger : Merci, Mme la Présidente.

Alors, j'avise cette Assemblée que la Commission des transports et de l'environnement entreprendra les consultations particulières sur le projet de loi n° 17, Loi concernant le transport rémunéré des personnes par automobile, aujourd'hui, après les affaires courantes pour une durée de 1 h 15 min et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

La Commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 1, Loi modifiant les règles encadrant la nomination et la destitution du commissaire à la lutte contre la corruption, du directeur général de la Sûreté du Québec et du directeur des poursuites criminelles et pénales...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Un instant, M. le leader adjoint. S'il vous plaît, je vous demande de quitter l'enceinte du salon bleu en silence, puisque nos travaux se poursuivent. M. le leader adjoint.

M. Schneeberger : ... — merci — aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 15 et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

La Commission des relations avec les citoyens poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 h 45 à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

La Commission de la culture et de l'éducation poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 12, Loi visant à préciser la portée du droit à la gratuité scolaire et à permettre l'encadrement de certaines contributions financières pouvant être exigées, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle des Premiers-Ministres. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Avis de sanction du projet de loi n° 10

Maintenant, nous en sommes à la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Et, s'il n'y a pas de demande de renseignements, je vous informe qu'il y aura sanction du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur l'équité salariale afin principalement d'améliorer l'évaluation du maintien de l'équité salariale, aujourd'hui, à 14 heures, au bureau de Son Honneur le lieutenant-gouverneur.

Affaires du jour

Maintenant, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour, et je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

• (11 h 20) •

M. Caire : Merci, Mme la Présidente. Pouvez-vous appeler l'article 13, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 3

Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission
qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement de la députée de Joliette

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie. À l'article 13, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le mardi 9 avril 2019, sur la prise en considération du rapport de la Commission des finances publiques sur le projet de loi n° 3, Loi visant l'instauration d'un taux unique de taxation scolaire, ainsi que sur l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la députée de Joliette.

Et je suis prête à céder la parole au prochain intervenant, et ce sera M. le député de Vimont.

M. Jean Rousselle (suite)

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Comme j'avais commencé hier soir, écoutez, voilà un an, notre collègue le député de Jean-Talon et ancien ministre de l'Éducation déposait un projet de loi, la loi n° 166, Loi portant réforme au système de taxation scolaire. L'objectif était d'éliminer les inégalités régionales au niveau de la taxation scolaire, du même coup de diminuer la taxe scolaire pour tous les Québécois. On y allait avec une équité vraiment importante.

Vous savez, chaque région a sa particularité, chaque région a ses besoins, chaque région vit sa réalité. Juste, moi, à Vimont — je vais parler juste de Vimont, je ne parlerai même pas de Laval, je vais vous parler de Vimont — dans mes écoles — je vais prendre un exemple — l'école Terry Fox, de la commission scolaire anglophone, ou des autres écoles francophones que j'ai — j'en ai plusieurs — mais je vais en prendre une en particulier, l'école Père-Vimont — j'aime ça m'en servir, de l'école Père-Vimont, c'est mon ancienne école, à moi, au primaire — deux réalités différentes, parce qu'à l'école Père-Vimont tu peux te présenter à l'école à pied. Tu n'as pas besoin de transport scolaire. Donc, la commission scolaire n'a pas besoin de défrayer pour le transport scolaire. Par contre, l'école Terry Fox, le côté anglophone, ont un secteur vraiment plus grand, et ils n'ont pas le choix d'avoir du transport scolaire. Vraiment, quand vous allez à l'entrée des classes, vous avez juste à vous présenter à cette école-là, vous pouvez voir les autobus qui sont enlignés. Ils n'ont pas le choix, parce que les enfants ne sont pas... Bien, il y en a quelques-uns qui sont à proximité de cette école-là, mais c'est vraiment rare. Donc, la majorité sont plus éloignés. Donc, l'autobus n'a pas le choix. Donc, il y a une dépense supplémentaire.

Les écoles de chez nous... Actuellement, il y a une école qui est en construction dans le secteur Auteuil, parce que Vimont comprend Vimont et Auteuil, et, dans le secteur Auteuil, tu as une école qui est en construction actuellement. Elle devrait ouvrir ses portes bientôt. On a ajouté... puis ça, bien, ça va retarder l'ouverture à cause de ça, on a ajouté des classes, et ça, c'est pour les maternelles quatre ans. Où que je ne comprends pas, c'est qu'il nous manque des classes déjà. Il nous en manque, des classes. Ce que je ne comprends pas : pourquoi que ces maternelles quatre ans là arrivent?, parce qu'on a un besoin dans le secteur de ces classes-là. Donc, on devrait, oui, faire plus de classes, mais vraiment faire des classes qu'on a de besoin, donc, pour des gens, actuellement, des francophones qui, eux, de temps en temps, sont obligés de prendre l'autobus aussi. Puis, vous le savez comme moi, on le sait tous, on a besoin des professeurs, des spécialistes.

J'arrive avec ça, parce qu'on a eu la chance d'avoir un ministre, mon collègue de Robert-Baldwin, qui a fait un travail incroyable. Budget équilibré, vraiment notre... On disait que notre carte de crédit était pleine. Il a vidé notre carte de crédit. On a remis de l'argent sur notre dette. Et on s'est donné justement une marge de manoeuvre monétaire. Qu'est-ce que je trouve, puis là je suis inquiet, c'est que, de la manière qu'on se sert de ces surplus-là, Mme la Présidente, bien, on s'en sert d'une manière... Je ne suis pas sûr que c'est la bonne manière. Les surplus; je comprends que la CAQ a promis de remettre l'argent dans les poches des Québécois, mais je ne suis pas sûr que c'est la bonne manière, parce que, là, actuellement, qu'est-ce qu'on fait? On perd 800... Parce qu'à un moment donné on parlait de 800 millions, 900 millions, là, puis je ne sais pas si on n'est pas rendu à 1 milliard, là, mais, ces argents-là, qu'on va donner aux contribuables, bien, je pense qu'on aurait pu y aller d'une manière... avec une équité vraiment meilleure, parce que, là, actuellement, on crée une iniquité. On aurait dû y aller tout simplement sur les impôts, parce qu'actuellement tous les locataires ne recevront pas ces argents-là. Puis, bien souvent, les locataires, c'est eux qui ont moins de sous. Puis, je regardais, justement, il y a des gens... Puis il y a 40 % des Québécois qui sont locataires. Donc, imaginez-vous, il y a seulement 60 % de la population qui vont recevoir de l'argent. Il y a un gros complexe, là, Sagard, vous savez à qui ça appartient. Ils font des économies monstres vraiment incroyables. Une propriété qui vaut — puis là je me fie aux journaux — 59 millions. Écoutez, ils vont sauver 111 000 $ de taxe scolaire. C'est incroyable. C'est de ça qu'on parle, d'équité.

En plus, je vais aller plus loin, parce que, là, tous les commerçants, les commerces qui, eux, paient des taxes scolaires vont avoir des baisses. Donc, on va baisser, pour les...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : ...Mme la leader adjointe de l'opposition officielle.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, écoutez, on va vérifier.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Vous devez repartir? Alors, attendez un instant, on va faire le compte.

Moi, je fais partie du quorum. Je suis là. Alors, le quorum est atteint. Alors, vous pouvez poursuivre, M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, juste pour vous dire qu'effectivement, dans les choix qu'ils font, il y a une iniquité qui se fait par cette loi-là, parce que les plus riches vont sauver de l'argent et les plus pauvres n'en recevront pas, et je trouve ça incroyable. Puis là, vous savez, on sauve de l'argent, mais je sais qu'il y en a aussi... Puis là je ne commencerai pas à nommer les ministres qui vont sauver beaucoup d'argent de l'autre côté, je ne commencerai pas à jouer à ce jeu-là, mais bizarrement c'est toujours des gens qui ont beaucoup d'argent qui vont en sauver. Les investisseurs étrangers qui ont des bâtiments chez nous, au Québec, ils vont faire quoi? Bien oui, ils vont sauver des taxes. Donc, les gens de chez nous, ils ne sauveront pas de taxe.

Pendant ce temps-là, nous autres, on a besoin d'argent. Comme je vous disais tantôt, on a fait un travail incroyable sur les finances publiques, mais justement il faudrait s'en servir correctement, et je vous dirais que s'en servir correctement, ça serait de redonner aux gens cet argent-là. Actuellement, il y a un projet de loi qui est en train d'être discuté aussi dans une autre salle, je pense, la loi n° 12, sur justement la gratuité des activités scolaires, et ils sont en train de regarder ça. Bien, c'est là qu'on aurait dû mettre l'argent. On veut en donner aux gens. Moi, quand j'ai fait mon porte-à-porte pendant mes élections, les gens disaient : Bien, moi, je voudrais avoir plus de services. Bien, c'en est, ça, et ça, bien, les gens, actuellement, les parents, ils paient justement les sorties scolaires. Ça, c'en est, justement, des argents qui auraient pu être dépensés correctement et d'une manière plus correcte.

Donc, il ne me reste pas beaucoup de temps, hein, une minute. Bon. Juste pour vous dire que c'est sûr qu'on va voter contre, parce que ça n'a vraiment pas d'allure, ce projet de loi là. Et, malheureusement, que ça soit présenté par un ministre... pas par le ministre de l'Éducation lui-même, aussi, je trouve ça comme un peu ordinaire, je dirais. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Vimont. Et maintenant je vais céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier.

M. Gregory Kelley

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Alors, je veux juste commencer, parce que je pense que c'est toujours important pour les gens qui sont chez eux présentement, qui écoutent l'Assemblée nationale présentement... que, pendant nos débats en commission sur le projet de loi, c'est le rôle de l'opposition, pas juste d'opposer, mais de proposer certaines choses, et c'est toujours apprécié quand le gouvernement est à l'écoute.

Alors, je peux toujours souligner qu'on a eu certains éléments qui ont été ajustés par le ministre des Finances puis je pense, c'est important juste de mentionner ça, qu'il a consenti à ajouter à la somme de la subvention d'équilibre entre les commissions scolaires. Alors, c'est quelque chose qui est important pour Montréal. Ce changement de la taxe scolaire, c'est sûr que ça va avoir des impacts très différents sur la région de Montréal puis dans les autres régions, mais, quand même, que le ministre est à l'écoute des députés qui ont soulevé certains enjeux pour des commissions scolaires sur l'île de Montréal... Alors, c'est juste une place... On peut discuter au début que, oui, effectivement, on a eu des bons échanges puis une discussion là-dessus pour essayer d'améliorer des choses. Mais, en même temps, le gouvernement n'accepte pas tous les amendements et propositions de l'opposition. Alors, je sais que ma collègue la députée de Westmount a proposé d'autres éléments pour peut-être sauver des coûts pour les commissions scolaires concernant la construction de différents bâtiments, une façon de récupérer certaines sommes. Ça n'a pas marché, mais quand même, je comprends bien, ils ont eu une bonne discussion ensemble là-dessus. Alors, dans tout ce débat présentement, c'est dans les médias, on joue ce jeu politique, rien n'avance dans les commissions parlementaires, rien ne passe. Mais ce n'est pas vrai, on a des discussions. Tout le monde a un rôle à jouer dans ce processus d'avoir une discussion sur nos projets de loi pour s'assurer qu'ils respectent puis ils reflètent toutes les demandes des différents groupes puis des différents citoyens de notre province.

• (11 h 30) •

Mais il y a une chose, c'est sûr... puis je sais que plusieurs de mes collègues, pas juste dans notre formation politique, mais dans les autres formations politiques, ont parlé beaucoup du fait que cette réduction des taxes va vraiment, vraiment seulement aider des personnes qui sont des propriétaires d'une maison. Ça va toucher des gens qui sont plus riches. C'est eux autres qui vont recevoir plus d'argent dans leurs poches. Puis il y a environ 40 % de la population... que rien n'est changé pour eux autres.

So, when the past budget from the Finance Minister was released, the first thing all my friends questioned me was: Greg, am I going to see a difference in my paycheck, did you guys reduce my taxes? And I say: No, we didn't, your paycheck is going to be the same pre and post, there's no reduction in your taxes. So, for a lot of my friends who are young professionals starting up, who have families, for my friends who are still living in condos, or in apartments, or leasing, for them, there's not going to be much of a change for them. There was no tax cut for them.

Et, quand je pense aussi de certains citoyens, quand même, dans le comté de Jacques-Cartier, et beaucoup des aînés, beaucoup des personnes qui n'habitent pas dans leur résidence, elles habitent... elles sont des personnes qui louent un appartement ou un condo, rien ne va... il n'y a aucun... dans ce projet de loi, pour eux autres.

They're going to continue to have to stretch out that budget, stretch out that pension to continuing to pay for gas prices that, according to experts, will skyrocket this summer, which will have an impact on the price of foods and services. All that gets taxed on to the most vulnerable in our society, taxed on to those who are already trying to make ends meet. So, at a time when experts are predicting that things are going to get a lot harder for those who have the less means, they're going to continue to get squeezed. And this budget did not deliver on a promise that I have heard many, many, many times when the Government was in the opposition, many attacks that there's nothing in this for the middle class or for the working class. I cannot say that this tax cut over four years will necessarily go to affect those people in the middle class or in the working class. And it's something that, as a society, we're going to have to continue to discuss because, once again, there's going to be more and more pressure on the most vulnerable people in our society and the most vulnerable organizations to deliver services that the Government is not necessarily delivering on.

Alors, ce projet de loi, ce changement de taxe va coûter, le gouvernement du Québec, environ 800 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent. Puis, si on regarde, avec 800 millions de dollars, qu'est-ce qu'on peut faire sur quatre ans avec ça... Pour moi, j'ai eu le plaisir de participer à un échange entre les étudiants au cégep de John-Abbott sur la lutte contre les changements climatiques. Et c'est sûr que, pour la prochaine génération, il y a beaucoup d'inquiétudes. Moi, j'ai parlé avec une jeune madame qui a dit : Greg, je veux être une infirmière, mais, honnêtement, est-ce qu'on va avoir une planète qui est verte, qui... Est-ce qu'on va avoir la même nature qui existe présentement sur notre planète? Je vais habiter dans quel monde dans 20 ans?

Alors, elle a vraiment posé plusieurs questions sur : Le gouvernement du Québec fait quoi exactement sur la lutte contre les changements climatiques? Puis, c'est sûr, je viens juste de parler du prix de l'essence qui va augmenter. Ça va chuter encore cet été selon plusieurs experts. Alors, une chose que je peux parler, et c'est sûr, ici, au Québec, on aime nos chars. We love to drive, we love to take our cars. Il y a une réalité là pour plusieurs d'entre nous. Comme moi, de me rendre ici, à l'Assemblée nationale, ça prend environ 2 h 45 min de route. C'est une réalité. Je ne peux pas prendre l'autobus ni le train tout le temps. Alors, des fois, je vais prendre mon char. Et ça, c'est juste une réalité de notre société, des gens qui doivent aller à la garderie pour déposer leurs enfants avant le travail. C'est juste : Oui, on doit prendre les autos. C'est une réalité, mais, en même temps, avec cet argent-là, si je parle de 800 millions de dollars, si on peut faire un plus grand investissement dans des bornes électriques pour des chars électriques, peut-être que ça, c'est une chose, on peut faire de plus. Oui, je sais que c'est déjà là, il y a des éléments, mais il faut accélérer ça plus rapidement.

Because it's the greenhouse gas emissions that come from transport which is the biggest part, in Québec, right now, of our contribution to adding GHGs into our atmosphere. So, if we can transition over to cars which are more electric more quickly, invest in that infrastructure and accelerate that, accelerate the tax credit that you get for that and encourage more people to drive electric cars... It's all by leading by example, but also by consumer example. The more people see: Hey! That person has a car on the road that's electric, that person does... I noticed that there's a charging station two streets over. People rethink their investments when they go to buy a car. What can I do? I don't want to have to always pay $1.45 for a litre of gas if I can get something that's much more reasonable and affordable in a car. If I can drive my kids to the daycare and then to school in an electric car, why not? And, of course, these things take time, we can't just say we're going to change the world tomorrow and it's snap of a finger, it's going to be done, but I do believe that we are making progress, but we can continue to make more progress.

Aussi, pour cet argent-là, quand je parle quand même avec mes collègues dans des régions, le transport en commun reste toujours une priorité pour eux autres, ce n'est pas juste Montréal qui a besoin de transport en commun. Si on veut encore enlever plus les chars de nos routes et partout au Québec, ça prend d'autres options. On ne peut pas toujours marcher partout, ici, au Québec, alors, ça, c'est une autre chose, des transports en commun dans les régions, c'est quelque chose, on peut utiliser cet argent-là pour. Une autre chose que je pense, c'est très important, et un élément que j'ai toujours eu beaucoup de respect pour l'ancien premier ministre M. Couillard, et, quand même, l'ancien premier ministre Jean Charest, c'était le leadership mondial du Québec dans la lutte contre les changements climatiques. On était présents, on était fiers de qu'est-ce que nous avons fait.

And it's true that not every jurisdiction in this world has the blessings of hydroelectricity at the capacity that we have, but we were never afraid to go out there and start a carbon market with California. We were never afraid to go knock on the doors of our neighbours to try and sell what we had, to try to find ways to put a price on carbon before Canada and the United States was even having the conversation. That's extremely important.

Alors, ça, c'est juste une discussion parce que c'est une question, comment on veut dépenser 800 millions de dollars. Et, moi, quand je regarde ça, il y a plusieurs besoins, partout au Québec. Et c'est sûr qu'on veut réduire des impôts de tous les Québécois, mais ce projet de loi là est vraiment ciblé : environ 60 % de la population, ce n'est pas une réduction des impôts pour tout le monde.

Alors, pour ces raisons-là, moi, personnellement, je sais que je vais voter contre ce projet de loi. Je sais que notre formation politique va voter contre ce projet de loi. Alors, ça, c'est tout pour moi, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie de votre intervention, M. le député de Jacques-Cartier. Et, maintenant, je crois que, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, c'est à votre tour de prendre la parole.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. À mon tour d'intervenir sur le projet de loi n° 3. C'est sûr et certain, il n'y a personne qui est contre la vertu, Mme la Présidente, il n'y a personne qui est contre mettre plus d'argent dans les poches des contribuables, mais pas avec ce projet de loi, Mme la Présidente, un projet de loi qui met les services et notre réseau d'éducation en péril avec des coupures en éducation.

Alors, j'aimerais souligner mes inquiétudes par rapport au projet de loi n° 3, qui n'explique pas comment... où on va chercher l'argent qui serait privé de notre réseau avec la baisse de taxes scolaires, puis c'est sûr qu'il y aura un impact sur le réseau tranquillement, «little by little», on va voir des difficultés dans le réseau, je peux vous le confirmer. Des difficultés qu'eux vont avoir avec le manque de financement des taxes scolaires puis de la liberté que les commissions scolaires, eux, ont à débourser ces sommes pour supporter leurs réseaux.

En uniformisant les taxes scolaires, j'ai peur que c'est son seulement le fardeau fiscal qui va réduire, c'est vraiment la qualité de l'éducation pour nos enfants. On coupe dans les taxes scolaires pour rajouter des lourdeurs dans les impôts des contribuables ailleurs. Il n'y a rien qui est gratuit, Mme la Présidente, dans la vie, puis on sait qu'il y a des choses qui nous aiment, qui nous tiennent à coeur, entre autres, l'éducation. Il y a un coût associé à ça, alors, si on coupe quelque part pour alléger une taxe scolaire, c'est clair qu'on va créer une autre taxe, un autre impôt ailleurs pour supporter un réseau qui nous tient à coeur.

Pour moi, le p.l. n° 3 n'amène aucune assurance, aucun plan, et des promesses qui vont nous coûter cher, et surtout qu'il n'aura rien dedans qui va améliorer les services aux élèves, ni améliorer les besoins pour nos enseignants ni améliorer nos écoles. Puis c'est sûr et certain, on l'a entendu à plusieurs reprises, Mme la Présidente, que c'est la priorité numéro un de notre premier ministre, notre ministre de l'Éducation puis notre gouvernement. Alors, je tiens à leur faire rappeler qu'il faut vraiment soutenir ce réseau.

• (11 h 40) •

Je peux vous dire que, dans le comté de Westmount—Saint-Louis, nous avons des besoins criants en éducation où réduire dans la taxe scolaire ne va pas nous aider à avoir des écoles. Nous avons besoin de trois ou plus d'écoles. Nous avons le centre-ville de Montréal. On est en croissance pour des jeunes familles qui viennent, puis aucune école pour recevoir tous ces jeunes-là. Alors, on a besoin d'infrastructures, on a besoin de support dans notre réseau d'éducation, on a besoin de nos professionnels puis, avec une coupure dans les taxes scolaires, on aura beaucoup de difficultés à rejoindre ces besoins.

L'actuel projet de loi n° 3 sur la taxe scolaire à un taux unique du gouvernement caquiste est à l'avantage des entreprises, des industries et des grands propriétaires, au détriment des Montréalais, dont une forte population sont des locataires. Le projet de loi, dans le fond, est inéquitable. Les revenus de la taxe scolaire servent notamment à payer l'entretien des bâtiments, une partie de transport scolaire pour nos enfants, des services aux élèves, les salaires des directeurs et des secrétaires d'école. C'est des frais incontournables, que les commissions scolaires devront assumer maintenant, quoi qu'il arrive, au même budget de fonctionnement. Même si on leur amène un allègement, on n'a pas de plan, on n'a pas de financement qui est accordé pour les années qui suivent, avec des baisses continuelles des taxes scolaires.

La taxe scolaire aussi génère actuellement des millions de dollars de revenus d'intérêt qui sont ensuite redistribués dans nos écoles des milieux les plus pauvres, Mme la Présidente, et subventionnent des services pour nos enfants à risque. Ça, c'est quelque chose qui nous tient à coeur. Puis évidemment, parce qu'on n'a pas de pérennité, on sait que ces élèves-là sont à risque, et la communauté est à risque.

Et je rajoute aussi que la réalité que nous avons, les besoins dans les régions, comparés... urbaines, sont totalement différents. Alors, de dire qu'on aura une taxe unique quand ils ne reçoivent pas les mêmes services, ça aussi, ça représente une autre inéquité. Et ça me fait réfléchir que peut-être on devrait aller vers l'avant autrement pour s'assurer qu'on rejoint les besoins de tous et toutes dans une façon qui est équitable et une façon qui va supporter le réseau de l'éducation.

Les commissions scolaires doivent remettre au ministère la taxe supplémentaire perçue au cours de l'année sur les nouvelles constructions ou les augmentations de valeur non présentées au rôle d'évaluation lors du calcul de cette taxe. Cette façon de faire ne favorise pas l'autonomie locale car les commissions scolaires perçoivent de la taxe scolaire à leurs contribuables, mais doivent remettre cette taxe supplémentaire au ministère. À l'instar du Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal, le CGTSIM, ou maintenant le conseil de gestion de taxe de Montréal, qui peut conserver ses revenus additionnels de taxe pour les redistribuer aux milieux défavorisés...

Puis je trouve ça vraiment dommage que, même si nous avons déposé un amendement quand on discutait puis on se débattait pour ce projet de loi... que le gouvernement a refusé des ententes de même type pour les autres commissions scolaires, pour les autres régions, afin d'assurer une équité de services entre les élèves du Québec, quel que soit le territoire où ils se trouvent. Alors, ça veut dire que tout ce qui est perçu pour les nouvelles constructions, les taxes pour ces nouvelles constructions pour l'île de Montréal reviennent au CGTSIM. Mais, quand on parle de Laval, quand on parle de Québec, quand on parle des autres régions, eux, ils sont mis de côté, une inégalité. Quand on parle de mettre une équité dans le réseau, je trouve ça particulier.

Puis on sait que, par exemple, cette somme-là représente 27,6 millions de dollars pour l'année scolaire 2015‑2016, puis, seulement pour la commission scolaire de Laval, ça aurait représenté une somme de 2 millions de dollars, qu'ils pourraient utiliser pour aider ces enfants qui sont défavorisés, qui en ont vraiment un besoin réel. Pour les commissions scolaires anglophones de cette région-là, ça représente un 300 000 $, mais 300 000 $, pour eux, qui est surtout nécessaire pour aider des enfants, rester après l'école pour jouer au basket. Pour la persévérance scolaire, c'est vraiment un besoin réel.

Et je soumets que nous venons tout juste de faire une réforme sur la taxe scolaire, Mme la Présidente, avec le projet de loi n° 166, ceci qui a corrigé une inéquité dans le réseau, pour la taxe scolaire, dans toutes les régions, alors pour éviter que le monde faisait du magasinage de commission scolaire en commission scolaire quand leur enfant ne fréquentait pas une école. Ça veut dire que... puis que ce soit anglophone ou francophone. On sait que, dans la région de l'Outaouais, Mme la Présidente, les contribuables, eux, ils cherchaient à aller vers les commissions scolaires anglophones, parce que leur taux de taxe était beaucoup moindre, comparé aux commissions scolaires francophones de cette région-là, où, partout ailleurs au Québec, c'était vraiment l'inverse, au détriment d'une commission scolaire pour l'autre. Alors, je félicite le gouvernement, le Parti libéral du Québec qui avait corrigé cette iniquité.

Puis ce n'est pas les communautés qui sont venues ici pour dire : Nous avons besoin d'une autre réforme de la taxe scolaire. On sait que, même quand j'ai fait la campagne, quand j'étais présidente de la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier puis c'était ma première campagne, je faisais du porte-à-porte, puis c'est sur le sujet de taxes scolaires. Parce qu'on parle des poches de nos contribuables, on parle de leur compte de banque : Pourquoi il faut que je paie la taxe scolaire? Quand on explique : L'éducation nous appartient, l'éducation appartient à la communauté, ils comprenaient très rapidement. Ils savaient pourquoi qu'ils dépensaient leur argent, ils connaissaient où leur argent allait. Alors, c'était sécuritaire. Ils savaient que, si je débourse ces sommes-là pour les taxes scolaires, c'est clair que je suis en train de supporter mon réseau de l'éducation, je sais comment que vous allez dépenser cet argent-là. Ce n'est pas la communauté qui demandait d'avoir une uniformisation de notre taxe scolaire. C'est une idée qui a été proposée, puis, maintenant, vraiment, au déficit de notre réseau de l'éducation.

Puis, comme on dit souvent : Education is a priority, education belongs to everybody, education is part of the community. There is no issue when we are recovering our taxes. Our schoolboards have a 98% success rate in terms of tax recovery. There is not a problem. There was no reason to move forward with this because we're not correcting a problem. We're, in fact, going to be creating more problems later on for a group that, really, was doing very well. It's going to have an impact that will be substantial on who we are.

Et, si je parle aussi de la démocratie, Mme la Présidente, avec le une minute qu'il nous reste de parler de ce projet de loi, j'ai aussi une crainte : No taxation without representation. J'ai peur que ceci représente un pas vers l'avant pour l'abolition de la démocratie dans nos commissions scolaires, pour le réseau scolaire, une démocratie qui nous tient à coeur, la démocratie qui est la responsabilité de tous et toutes, la démocratie qui est bonne pour les anglophones, les francophones, pour tout le monde, où, partout dans le monde, on voit qu'il y a des gens qui sont en train de mourir pour avoir le droit de vote. Alors, j'ai une crainte que voici un pas vers l'avant pour abolir nos droits de vote, nos droits pour la représentation locale, qui est vraiment liée aussi avec les taxes scolaires.

Alors, j'aurais beaucoup plus à dire, Mme la Présidente, mais malheureusement j'ai seulement 10 minutes. Alors, merci pour votre belle écoute. Et, évidemment, avec tout ceci, puis en support de mon équipe, ma formation politique, je voterai contre le projet de loi n° 3. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Et, pour la prochaine intervention, je crois que ce sera Mme la députée de Fabre.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : Merci, Mme la Présidente. J'écoutais ma collègue de Westmount—Saint-Louis, avec toute son expertise, sa passion pour ce dossier, et je la remercie aussi d'avoir pris le temps d'expliquer la réalité qui me tient bien à coeur, celle de Laval. Alors, je l'en remercie.

Vous savez, à cette étape-ci du processus et devant l'adoption du projet de loi n° 3, je ne suis toujours pas plus enthousiaste que je l'étais au début. Alors, ça n'a pas changé. Alors, je veux vous rassurer là-dessus parce qu'évidemment il y a eu un grand travail qui s'est fait aux différentes étapes en commission parlementaire. Mais, en même temps, j'entends aussi que les collègues de la commission ont amené des amendements, ont voulu bonifier, ont voulu amener les impacts de cette loi, et, bien sûr, il n'y a pas eu toute l'écoute, bien évidemment. Tous mes collègues de l'opposition officielle ont été, au fil des étapes, excessivement éloquents à dénoncer l'improvisation du gouvernement qui, plus que toute autre chose, vise à donner suite à ses engagements, l'engagement du premier ministre, en campagne électorale.

Moi, aujourd'hui, je vais vous parler de la réalité régionale, de l'impact sur l'offre de services aux élèves, de la réalité lavalloise. Et, pour la députée de terrain que je suis, à chaque année, je fais la tournée de mes écoles, Mme la Présidente. Et, pas plus tard que lundi, j'ai rencontré la direction d'une école primaire, qui m'a parlé, bien sûr, des services offerts aux élèves, des choix de la commission scolaire de Laval et de l'impact, bien sûr, que pourrait avoir une telle initiative que le projet de loi n° 3 tel qu'adopté.

• (11 h 50) •

Alors, le projet de loi n° 3, tout le monde égal. Pourquoi? Un simple argument : l'allègement du fardeau fiscal de toutes les familles du Québec. Oui, mais encore. Alors, peu importe la région, peu importe la dynamique du territoire, peu importent les commissions scolaires en présence — et, nous, à Laval, on a deux commissions scolaires : la commission scolaire de Laval, la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier — peu importe aussi le profil des étudiants et peu importe l'indice de défavorisation socioéconomique.

Alors, on dit pourtant de ce gouvernement : Il s'attribue, bien sûr, ce souci de ces régions et c'est un gouvernement qui devrait comprendre la réalité de chacune des régions, cette géométrie variable, cette réalité bien distincte d'une région à l'autre. Alors, Lanaudière, Montréal, Bas-Saint-Laurent, Abitibi-Témiscamingue, du pareil au même, même réalité de territoire et mêmes prestations de services aux élèves? Je ne crois pas, Mme la Présidente. Et, certainement, pas question de véritablement écouter les commissions scolaires du Québec, puisque le gouvernement rêve, de toute façon, de les abolir.

J'ai devant moi, juste devant moi, l'excellent ex-ministre de l'Éducation. Et le précédent gouvernement avait, lui, dans son choix à lui, consulté pour la loi n° 166, consulté tous les acteurs de la société civile, les institutions et, bien sûr, les commissions scolaires sur la réforme du système de taxation scolaire. Il a été, nous avons été à l'écoute des régions et de ces commissions scolaires. Quand on y regarde de plus près, que ce soient pour les taxes municipales, les nombreux budgets des ministères octroyés aux régions, à chaque fois, il y a soit une réalité de marché ou une réalité de territoire.

Alors, je vais vous parler de la région de Laval et de ma fameuse visite de lundi, qui est, pour moi, excessivement importante. Il y a un aspect très unique à l'offre de services aux élèves en difficulté à Laval, et ça s'appelle l'approche d'intégration. C'est près de 14 millions par année, c'est un choix de la commission scolaire d'offrir des heures additionnelles aux enfants qui ont soit des troubles de la personnalité, des troubles d'apprentissage et qui se voient donc bénéficiaires d'une offre scolaire éducative avec des professionnels à l'extérieur des classes à chaque semaine. Ça a un tel impact sur la performance scolaire de l'élève que, bien sûr, je vous dirais que déjà que Laval est la région la plus attirante du Québec, mais, avec cette offre de services aux élèves, il y a, je vous dirais, même un exode des élèves des régions de la couronne nord. Alors, il y a une reconnaissance de la clientèle étudiante à Laval qui a amené ces choix très pertinents, très distinctifs et qui font une différence pour les jeunes, entre autres les jeunes du primaire.

Mais le projet de loi n° 3, c'est zéro équité d'une région à l'autre. Alors, l'élève, c'est le grand oublié de ce projet de loi, parce qu'avec un taux unique pour tout le Québec c'est, par exemple, ignorer la différence entre la commission scolaire des Phares avec ses 3 200 élèves au secondaire, la région du Bas-Saint-Laurent, et la réalité lavalloise des 14 300 élèves de la commission scolaire de Laval, et, je le dis, la réalité qui est bipartite avec la commission scolaire anglophone Sir-Wilfrid-Laurier.

Vous savez, dans mon ancienne vie et comme députée, j'ai été témoin privilégié de l'évolution de services aux élèves des deux commissions scolaires de ma région face aux différents et nouveaux défis des étudiants. À Laval, nous avons connu, il y a quelques années, l'arrivée des Syriens. Il y a aussi l'évolution du diagnostic lié à la santé mentale, l'ampleur des troubles d'apprentissage et l'augmentation de la jeune clientèle à l'éducation des adultes, une augmentation phénoménale. La clientèle a complètement changé.

Ce ne sont là, Mme la Présidente, que quelques exemples qui sont des exemples porteurs de défis. Avec ces nouvelles réalités des jeunes élèves arrive l'obligation pour les commissions scolaires d'adapter les services scolaires pour eux; très, très important, avec le taux unique, la géométrie variable du service de l'élève, non pas seulement la dynamique du territoire et de la région, et la réalité des commissions scolaires, et les choix qui sont en lien avec les besoins des élèves, mais cette géométrie variable qui est si essentielle pour le déploiement des services.

M. le Président... Mme la Présidente, pardon, en conclusion, vous aurez compris que, dans mon manque d'enthousiasme, bien sûr que je ne donnerai pas mon appui au projet de loi n° 3. Parce qu'il y a ce respect pour les services aux élèves adaptés à leurs besoins, le respect du dynamisme des régions, le respect des commissions scolaires qui, après tout, auront le gros boulot de la réforme alors qu'ils se feront bientôt montrer leur 4 %, Mme la Présidente, parce que, sur le terrain, les parents nous parlent, parce que, sur le terrain, les commissions scolaires, les écoles primaires, secondaires nous parlent, parce qu'il y avait ce grand travail qui avait déjà été fait par l'ancien gouvernement, parce qu'il y a cette réalité très importante d'une souplesse nécessaire et d'une reconnaissance de la personnalité unique des clientèles étudiantes dans chaque localité et chaque région du Québec, il ne faut absolument pas donner notre appui au projet de loi n° 3. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Fabre. Et maintenant je suis prête à reconnaître un prochain intervenant s'il y en a un. Je ne crois pas.

Mise aux voix de l'amendement

Alors, l'amendement proposé par Mme la députée de Joliette est-il adopté?

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté. Maintenant, le rapport...

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté ou non? Rejeté? Alors, il est rejeté.

Mise aux voix du rapport

Maintenant, le rapport de la Commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 3, Loi visant l'instauration d'un taux unique de taxation scolaire, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Adopté. Merci. Vous ne parliez pas fort. Parlez un peu plus fort.

Maintenant, pour la suite de nos travaux, je vais céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Schneeberger : Oui. Alors, Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 3 du feuilleton.

Projet de loi n° 6

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, à l'article 3 du feuilleton, Mme la ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 6, Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale. Et, Mme la ministre, je vous cède la parole.

Des voix : ...

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Merci, Mme la Présidente. Et merci de l'enthousiasme délirant que ma présence soulève. Et c'est surtout un enthousiasme que je partage parce que c'est ma première intervention sur un projet de loi que je porte. C'est mon premier projet de loi. D'ailleurs, c'était également ma séance de baptême et d'ouverture en commission parlementaire sur cette période de consultation.

Le projet de loi. Donc, avant toute chose, j'aimerais remercier effectivement tous les gens qui sont venus témoigner, tous les groupes qui sont venus présenter des mémoires et apporter leurs commentaires sur le projet de loi n° 6, et aussi remercier mes collègues députés autour de la table, à la Commission des institutions, que ce soit du côté gouvernemental ou du côté des oppositions. Nous avons eu droit à des échanges constructifs. C'était franchement fort agréable, et je dois vous dire que ça m'a réconciliée avec une certaine partie des travaux parlementaires.

Donc, avant toute chose, j'aimerais vous parler d'abord du projet de loi, effectivement. Le projet de loi n° 6, c'est un projet de loi technique, somme toute très simple, qui comporte deux éléments prioritaires ou essentiels, c'est-à-dire qu'on parle du transfert, d'abord et avant tout, au Commissaire au lobbyisme de la responsabilité du registre des lobbyismes et priorise également la modification qui veut que la spécification d'un délai de prescription pour la prise d'une poursuite pénale de trois ans à compter de la connaissance par le poursuivant de l'infraction, sans excéder sept ans... suivant... sept ans, pardon, suivant sa perpétration, tel que le recommande la Commission d'enquête, d'ailleurs, sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, communément plus connue sous le nom de la commission Charbonneau, à laquelle j'ai participé un petit peu.

Alors, ces deux modifications constituent, d'abord et avant tout, des demandes prioritaires, je vous dirais, du Commissaire au lobbyisme, Me Jean-François Routhier. Ce sont des modifications qui ont déjà fait partie d'un projet de loi précédent, qui était beaucoup plus vaste dans sa volonté de vouloir réformer le régime du lobbyisme au Québec, mais qui étaient prioritaires pour deux raisons : elles sont urgentes parce qu'elles vont permettre, d'ailleurs, un registre des lobbyistes plus efficace, plus performant, et des délais de prescription plus étendus qui permettront, donc, de poursuivre les contrevenants dans un délai meilleur.

• (12 heures) •

On doit comprendre, sur cet aspect-là particulier, que les enquêtes en matière de lobbyisme sont des enquêtes qui peuvent s'avérer parfois complexes pour en établir la preuve, et le délai d'un an, qui était le délai prévu au Code de procédure pénale, était clairement insuffisant pour permettre d'aller au bout des enquêtes.

Pour ce qui est du transfert de la responsabilité du registre, je pense qu'un petit peu d'histoire ici pour mettre les gens en contexte sur la raison de ce transfert-là est nécessaire. Au moment de l'adoption de la loi en 2002, la responsabilité de tenir le Registre des lobbyistes avait été confiée, à l'époque, à l'Officier de la publicité des droits personnels et réels mobiliers, qui agit encore aujourd'hui à titre de conservateur du Registre des lobbyistes. Le conservateur ayant, à l'époque, en 2002, une expérience sur la tenue de registres, il était fort approprié à l'époque, quand on a installé, là, le Registre des lobbyistes, de confier la gestion de ce registre-là, effectivement, au conservateur.

Par contre, je vous dirais que, depuis cette époque-là, le Québec fait pratiquement cavalier seul. En effet, partout au Canada, à l'exception de Terre-Neuve, l'ensemble des responsabilités qui concernent le lobbyisme est confié à une seule et même entité. Or, dès 2007, on avait déjà souligné... dans un rapport sur la mise en oeuvre de la loi, le ministre de la Justice de l'époque avait relevé ce problème et recommandait déjà de confier la tenue du registre au commissaire. Le commissaire avait également proposé que la responsabilité du registre lui soit confiée dès 2008. En plus, le commissaire mentionnait, dans son rapport de 2012, qu'une importante mise à niveau de l'actuel Registre des lobbyistes devait être réalisée en raison de sa désuétude technologique imminente. On parle de 2012.

De nombreux problèmes, d'ailleurs, ont été soulignés de par sa décision prise à l'époque. Elles ont été soulignées également, ces problématiques-là, par les différents groupes qui ont été entendus mardi dernier. En effet, à titre d'exemple, certaines personnes ne savent pas à qui s'adresser concernant les modalités d'application de la loi ou l'inscription au registre, car plusieurs personnes confondent le conservateur, qui est sous le ministère de la Justice, et le commissaire au lobbying. Au sein même des offices du bureau du conservateur, il s'avère parfois difficile de bien différencier les limites des pouvoirs respectifs de chacun, ce qui peut entraîner, pour les usagers du registre, un va-et-vient entre ces deux entités, ce qui complique grandement l'expérience et la... l'enregistrement — mon Dieu, mot simple. Finalement, le commissaire souligne que le conservateur et le commissaire assument des rôles et poursuivent des objectifs distincts. Cela peut entraîner des situations qui ne sont pas en parfaite cohérence.

Du même coup, le transfert au commissaire de la responsabilité du registre prévu dans le projet de loi comporte donc plusieurs avantages qui ont été également soulevés par plusieurs des groupes qui sont venus témoigner lors des consultations. Tout d'abord, ce transfert permet de régler les problèmes reliés au partage des responsabilités. Ensuite, il permet aux lobbyistes ainsi qu'aux titulaires d'une charge publique de simplifier le processus en désignant un seul interlocuteur qui serait responsable à la fois de l'application de la loi et du Registre des lobbyistes. Finalement et essentiellement, il permettra la mise en place d'une nouvelle plateforme technologique pour le registre, ce qui est une des raisons pour lesquelles le transfert se fait avant même que le commissaire puisse nous faire part de ses suggestions quant à la réforme de la loi sur le lobbyisme.

Je tiens d'ailleurs à rassurer l'Association québécoise des lobbyistes, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et la Fédération des chambres de commerce du Québec que le commissaire, dans ce transfert, n'obtient pas de plus grands pouvoirs. Il n'a pas le pouvoir de modifier les exigences de l'enregistrement. Il n'a qu'un pouvoir de gestion du registre et un pouvoir de mettre en place une plateforme technologique plus conviviale, si on veut.

D'ailleurs, concernant la mise en place de cette nouvelle plateforme pour le registre, c'est un élément central du transfert au commissaire de la responsabilité. En effet, aucune mise à niveau du registre actuel n'a été effectuée depuis sa mise en place en 2002. Et, malgré les époques subséquentes où on a souligné le fait que ce transfert serait approprié, aucune modernisation n'a été mise en place parce qu'on attendait toujours que le transfert soit fait pour donner au Commissaire au lobbyisme l'occasion de faire lui-même ses propres ajustements.

Selon le commissaire, une nouvelle plateforme pour le registre permettrait de simplifier le processus d'inscription, notamment en éliminant les nombreux va-et-vient que les projets d'inscription doivent actuellement effectuer entre les lobbyistes et le conservateur avant qu'une inscription ne soit effectivement portée au registre. Ce transfert de responsabilités ainsi que la création d'une nouvelle plateforme pour le registre contribuera à diminuer le fardeau administratif des lobbyistes. La procédure reliée à la déclaration au Registre des lobbyistes sera facilitée, plus accessible, plus rapide et gratuite. Vous savez, l'objectif est de faciliter l'inscription, de faciliter l'adhésion, de faciliter la consultation. L'objectif du registre aux lobbyistes est un registre qui se veut un outil de transparence pour être sûr que les relations entre les citoyens et les détenteurs de l'État, les détenteurs du pouvoir et les élus soient claires pour les citoyens, soient clarifiées. C'est l'objectif du registre et c'est l'objectif de vouloir mettre une plateforme beaucoup plus conviviale pour les usagers, entre autres.

Quant au délai de prescription, Mme la Présidente, j'en ai un peu établi la raison tantôt d'entrée de jeu. Actuellement, je dois vous dire que la loi prévoit un délai de prescription qui est le délai de prescription prévu au Code de procédure pénale dans les circonstances, qui est un délai d'un an. Ce délai est beaucoup trop court pour compléter les enquêtes, de façon générale, en matière de lobbyisme. Les enquêtes débutent parfois, souvent par le biais d'une dénonciation qui peuvent survenir plusieurs mois après la perpétration de l'infraction, ce qui pose déjà, d'entrée de jeu, un problème. À l'heure actuelle, je dois dire que — c'est important de le mentionner — 60 % des manquements indiqués au rapport d'enquête du Commissaire au lobbyisme n'ont pas pu être poursuivis parce que dépassaient le délai de prescription. Je pense qu'en matière d'accès à la justice ce n'est pas ce qu'on veut favoriser. D'ailleurs, lors de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics, la commission Charbonneau, le Commissaire au lobbyisme et plusieurs intervenants sont venus témoigner également pour expliquer que ça pourrait favoriser l'application de la loi, donc le contrôle du lobbyisme au Québec, bien que la coercition ne soit pas toujours l'instrument privilégié. Il s'agit d'une loi de nature pénale, donc il faut quand même lui donner les... quand elle a un outil d'application, tel que la possibilité de déposer des constats d'infraction, encore faut-il lui donner, au Commissaire au lobbyisme, la possibilité d'appliquer sa loi et de faire ses enquêtes de façon adéquate.

Donc, c'est dans ce contexte que la commission, duquel j'ai déjà fait partie à l'époque, le Commissaire au lobbyisme lui-même proposaient d'augmenter les délais de prescription. Je dois vous dire que cette demande a été faite également, en matière de délai, par le commissaire par une proposition, en 2012, qui était intitulée Proposition de modifications à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Il recommandait déjà, à l'époque, de prévoir un délai de trois ans. Alors, le délai actuel qui est prévu est un délai de trois ans de la connaissance par le poursuivant, donc, de la connaissance par le Commissaire au lobbyisme, et d'un délai maximum de sept ans de la perpétration de l'infraction. Ce qui fait en sorte que, si avant que quelqu'un dénonce l'infraction, il prenne un, deux ou trois ans, le commissaire, au moment où il prend connaissance de l'infraction, où on lui rapporte l'infraction, a quand même trois ans pour l'enquêter, mais ça ne peut pas dépasser sept ans du moment de la perpétration. Je dois vous dire que ça a fait l'objet de quelques commentaires en commission parlementaire lors des consultations, mais, de façon générale, je ne pense pas me tromper et induire l'Assemblée en erreur en disant que ça fait partie d'un large consensus et que ça tombe, je vous dirais, sous le sens.

Donc, dans les prochains jours, nous entamerons l'étude détaillée, et cela permettra de revoir dans son fond le projet de loi, projet de loi qui est une première étape à une refonte ou une réforme de la loi sur le Commissaire au lobbyisme. Plusieurs, d'ailleurs, des commentaires qui ont été soulevés en commission parlementaire lors des consultations étaient des commentaires, je vous dirais, de nature préventive et prospective nous mettant en garde ou nous donnant des indications en quoi la réforme pourrait avoir l'air. Mais, sur le projet de loi n° 6 lui-même, je dois dire que tout le monde était quand même assez satisfait et enthousiaste de pouvoir, dans un avenir de moins en moins lointain, bénéficier d'une plateforme plus conviviale et plus moderne — plus 2019, comme dirait ma fille — pour le registre du Commissaire au lobbyisme. Alors, merci de votre attention, Mme la Présidente.

• (12 h 10) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la ministre de la Justice. Et maintenant je vais céder la parole à Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

Mme Émilise Lessard-Therrien

Mme Lessard-Therrien : Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir d'intervenir au nom de mon groupe parlementaire sur le projet de loi n° 6. Nous en sommes donc à nous prononcer aujourd'hui quant à l'adoption du principe de ce projet de loi. Évidemment, cela pose la question de la définition dudit principe. Dans le cas présent, le principe du projet de loi n° 6 est, tel que le proclame son titre, de transférer la responsabilité du Registre des lobbyistes au Commissaire au lobbyisme et de suivre la recommandation de la commission Charbonneau en ce qui a trait à l'allongement du délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale. Notre formation politique est en accord avec ce principe et nous allons, conséquemment, voter en faveur à cette étape-ci du processus législatif.

Ceci dit, quoique nous soyons en accord avec ce principe, nous allons solliciter la collaboration du gouvernement afin de bonifier le projet de loi. En effet, si ce projet de loi concerne principalement un changement technique qui était demandé depuis longtemps par les utilisateurs du Registre des lobbyistes ainsi que le suivi d'une recommandation de la commission Charbonneau, il y a toujours place à la bonification.

Les différents groupes qui sont venus nous présenter leurs points de vue sur ce projet de loi en consultations particulières ont été assez unanimes sur la désuétude technologique de l'actuel registre. Il est grand temps, selon eux, d'en faire un outil facile à utiliser. Il y a un enjeu de transparence et de conformité aux exigences légales dans la réforme du registre. En effet, l'inscription est actuellement une opération si complexe et tortueuse que cela pourrait en décourager plus d'un et même occasionner des cas d'infraction pour les lobbyistes.

Il y a d'ailleurs un consensus sur le fait que le Commissaire au lobbyisme est l'instance la mieux placée pour administrer ce registre. Ce transfert de responsabilités permettra notamment de simplifier l'ensemble du processus d'inscription et également de n'avoir qu'un seul interlocuteur sur les questions en lien avec les activités de lobbyisme.

En ce qui a trait à l'allongement du délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale à sept ans, plusieurs groupes étaient en faveur d'une telle mesure. Nous partageons également cet avis. Cette prolongation permettra au commissaire d'avoir plus de temps pour ses enquêtes, et cela permettra également au Directeur des poursuites criminelles et pénales de pouvoir entreprendre les poursuites requises. Cela évitera des situations de rejet ou d'abandon de poursuite pour cause de prescription. Rappelons tout de même que le registre se veut un outil de transparence et non de surveillance. Nous considérons toutefois que l'objectif derrière ce changement dans le délai de prescription est louable et, rappelons-le, c'est également une recommandation de la commission Charbonneau.

Aussi, des représentants des groupes communautaires et des organismes sans but lucratif sont venus réitérer leur souhait que soit, une fois pour toutes, éliminée toute ambiguïté quant à l'application de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme aux OSBL, dont la majorité des membres sont également des OSBL ou des personnes qui ne représentent pas des entreprises à but lucratif. Ces représentants mènent un combat depuis de nombreuses années à cette fin et désirent ne pas avoir à recommencer perpétuellement. Quoique nous ne croyons pas que le projet de loi n° 6 soit le bon outil pour le faire, nous considérons qu'il serait donc à propos de réfléchir à inclure une disposition les excluant clairement des exigences de cette loi, éventuellement.

Nous comprenons que ce projet de loi est une première étape dans une éventuelle réforme de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. D'ailleurs, nous avons appris avec grande satisfaction que le Commissaire au lobbyisme allait déposer prochainement un document de réflexion à cet effet. Nous espérons que le cas des OSBL fasse partie de cette réflexion et d'une recommandation de la part du commissaire. Ainsi, à la lumière des problématiques et enjeux soulevés, il apparaît clairement qu'il y aura place à améliorer le projet de loi n° 6 et à clarifier certaines dispositions.

Ceci étant dit, tel qu'annoncé d'entrée de jeu, nous voterons en faveur du principe du projet de loi n° 6, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. Et la prochaine intervenante sera, oui, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir, à mon tour, de prendre la parole dans le cadre du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 6, Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale. Et je dois vous dire, Mme la Présidente, je suis très contente que la ministre de la Justice ait pu déposer ce projet de loi en début de mandat — essentiellement, on est encore en début de mandat — car, en effet, comme le confirme le commissaire, lors de la 41e législature, il avait sondé les différents partis politiques, qui se sont tous déclarés en faveur du transfert du registre au Commissaire au lobbyisme et qu'il y avait aussi urgence d'agir à ce sujet, la révision en profondeur de la loi pouvant se faire dans un deuxième temps. On a échangé sur cette question lors de la consultation.

Et je connais bien l'objet de ce projet de loi, puisque j'ai eu l'occasion, à deux moments distincts de mes fonctions gouvernementales, d'être sensibilisée à toute cette question de l'encadrement du lobbyisme : tout d'abord, lorsque j'ai occupé les fonctions de ministre de la Justice et Procureur général de 2008 à 2010, puisque le Registre des lobbyistes est présentement logé au sein du ministère de la Justice, mais aussi, plus récemment, à titre de ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des Institutions démocratiques, où j'ai eu l'occasion, dans la foulée de la nomination de M. Jean-François Routhier au poste de commissaire, d'échanger avec le commissaire et d'apporter ma contribution aux discussions qui ont précédé le projet de loi sous sa forme actuelle.

Nous avons eu l'occasion, lors des consultations, d'avoir des échanges très intéressants sur l'enjeu fondamental de la transparence, notamment en lien avec la légitimité des activités de lobbyisme, et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a voulu nous rappeler des principes. Et je pense que c'est important de les mentionner, même si ça ne fait pas nécessairement partie de ce projet de loi, ça fait partie du grand portrait quand on parle de lobbyisme, que les gens saisissent ces principes. Et c'est des principes qui sont enchâssés dans le préambule de la loi fédérale sur le lobbyisme. Évidemment, la fédération nous demande de réfléchir à inclure ces principes dans un éventuel projet de loi ici, et donc je pense que les principes peuvent nourrir nos réflexions, notamment quand viendra la réforme plus globale de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Donc, pour le bénéfice des citoyens, des collègues ici, à l'Assemblée nationale, ces grands principes sont les suivants : un, la liberté d'accès aux institutions de l'État est une importante question d'intérêt public; deux, le lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique est une activité légitime; trois, il est souhaitable que les titulaires d'une charge publique et le public puissent savoir qui se livre à des activités de lobbyisme; que le système d'enregistrement des lobbyistes rémunérés ne doit pas faire obstacle à la liberté d'accès aux institutions de l'État. Et c'est vraiment ce dernier principe dont on traite quand on parle de transférer le registre du registraire actuel, sous le ministère de la Justice, au commissaire. Ce sont donc, comme je le disais, des principes qui guideront sans doute les réflexions de la ministre et des parlementaires lorsque viendra le temps de revoir en profondeur la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Tel que mentionné par le commissaire, le projet de loi que nous débattons aujourd'hui ne constitue pas une réforme large de la loi sur la transparence et l'éthique sur le lobbyisme, il s'agit plutôt d'un projet de loi de nature technique visant essentiellement deux objets : d'une part, le transfert de la responsabilité du Registre des lobbyistes d'un responsable qui se nomme, et le titre vous en dit sur la complexité de la chose, l'Officier de la publicité et des droits personnels et réels mobiliers de la Direction des registres et de la certification du ministère de la Justice — ça, c'est le titre actuel — vers le Commissaire au lobbyisme — même le titre sera simplifié, Mme la Présidente; et, d'autre part, la ministre l'a bien mentionné, de donner suite à la recommandation de la commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale.

Le Registre des lobbyistes a été créé en 2002. La technologie qui le supporte a rendu de fiers services au fil des années, mais elle n'a pas beaucoup évolué en 17 ans, et c'est vraiment là le grand problème. Je pense que tous les citoyens qui nous écoutent sont à même de constater à quel point tout ce qui est technologique a bien changé autour de nous pendant cette période. D'ailleurs, un collègue de mon bureau m'a dit que... et puis, imaginez, Mme la Présidente, ça date de 2002, c'était cinq ans avant la sortie du tout premier iPhone. Alors, ça vous dit à quel point la technologie évolue et à quel point, donc, ce registre a besoin d'être modernisé. On comprend donc bien que la modernisation technologique du registre est plus que nécessaire.

• (12 h 20) •

Dans son mémoire, le Commissaire au lobbyisme mentionne d'ailleurs que le système est, je cite, «un système obsolète qui ne répond ni aux besoins des citoyens ou de la clientèle ni à ceux du commissaire dans l'accomplissement de son mandat de surveillance». Alors, les trois clientèles, si on veut, ne sont pas bien desservies par ce registre. Il est urgent d'agir. Alors, d'un côté, l'environnement technologique du registre rend difficile sa consultation par les citoyens, puisque la présentation d'informations n'est pas du tout conviviale. Cela nuit, comme le mentionnait le commissaire, au mandat premier du registre, soit d'informer la population. De l'autre côté, la désuétude du registre rend son utilisation ardue pour les lobbyistes, comme cela nous a été démontré par divers exemples dans le cadre des consultations. Le simple changement de nom d'un ministère, d'ailleurs, il y a plusieurs intervenants qui nous l'ont dit, et vous savez qu'on change de nom avec un changement de gouvernement, mais on change de nom s'il y a des changements même à l'intérieur d'un gouvernement, eh bien, ça cause beaucoup de maux de tête pour les lobbyistes parce qu'ils doivent changer toute l'inscription. Il y en a qui ont plusieurs mandats, toutes ces inscriptions qui doivent être changées. On pensait que ça pouvait être quelque chose de bien simple, mais imaginez-vous, juste un changement comme ça, à quel point ça crée des problèmes pour les lobbyistes. Donc, une modernisation technologique du Registre des lobbyistes est la bienvenue, surtout si elle donne vie aux principes mis de l'avant par le commissaire pour guider celle-ci, et je les nomme : la simplicité, la clarté, la pertinence et l'efficacité, le tout afin d'atteindre une transparence optimale.

Le transfert du Registre des lobbyistes viendra aussi régler un second irritant, cette fois-ci découlant d'un enjeu lié au partage des responsabilités administratives. Lors de sa création, du Registre des lobbyistes, dans la foulée de l'adoption de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, en 2002, il a été décidé que celui-ci serait placé sous la juridiction du ministère de la Justice afin de mettre sur pied rapidement le registre. C'était ça, l'objectif à l'époque, il fallait agir rapidement. Alors, ce faisant, le Commissaire au lobbyisme, qui est responsable de l'application de la loi, s'est retrouvé en quelque sorte éloigné de la gestion du registre, qui est l'outil principal de son travail de vérification et de contrôle. Le commissaire, dans son mémoire, fait d'ailleurs ressortir les problématiques découlant de cette confusion et partage de responsabilités, qu'il qualifie poliment de non optimales, et qui a entraîné beaucoup de confusion au fil des ans, car la clientèle ne sait pas à qui s'adresser lorsqu'ils ont des questions d'information et d'interprétation de la loi et des modalités de fonctionnement du registre.

D'ailleurs, j'aimerais souligner que le Québec, tout comme Terre-Neuve-et-Labrador, nous sommes les seuls endroits au Canada où le Registre des lobbyistes n'est pas sous la responsabilité directe du commissaire. C'est évident qu'il est bien temps de corriger cette situation et de moderniser notre approche.

Les consultations particulières ont aussi permis de confirmer qu'il n'est pas de l'intention de la ministre ni du commissaire que le pouvoir réglementaire relié à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme soit transféré du gouvernement vers le commissaire. D'ailleurs, la ministre de la Justice a bien voulu rassurer les intervenants qui sont venus en commission parlementaire : non, la réglementation sera toujours sous la gouverne et entre les mains du gouvernement.

Mme la Présidente, le projet de loi vient aussi donner suite à une recommandation de la commission Charbonneau qui touche le rehaussement du délai de prescription pour une infraction à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Actuellement, toute poursuite pénale envisageable à l'encontre d'un manquement aux dispositions de la loi se prescrit par un an à compter de la date où l'infraction est perpétrée. Il s'agit d'un délai que le commissaire qualifie de trop court, puisque les infractions ne sont souvent découvertes que plusieurs mois après avoir été commises. Les enquêtes ne pouvant être réalisées à si brève échéance, cela aurait pour effet de neutraliser le mécanisme de sanction pénale prévu à la loi. Et, de son propre aveu, le commissaire doit donc, malgré lui, renoncer à plusieurs poursuites pénales à l'encontre de lobbyistes ayant contrevenu à la loi chaque année, et ce, parce que le délai de prescription est écoulé. C'est donc pourquoi la commission Charbonneau a exprimé, dans sa recommandation 37, la nécessité de rehausser le délai de prescription de trois ans à partir de l'infraction, sans dépasser un délai total de plus de sept ans depuis la perpétration de l'infraction, et c'est exactement ce qui est repris dans le projet de loi.

Alors, en conclusion, Mme la Présidente, permettez-moi de rappeler que le transfert du Registre des lobbyistes du ministère de la Justice vers le commissaire est un changement qui est attendu et qui pave la voie à de nécessaires améliorations informatiques qui seront réalisées dans les prochaines années. De même, l'augmentation du délai de prescription pénale d'un an à trois ans est à même de permettre une meilleure application de la loi, ce qui est aussi bénéfique. C'est donc pourquoi, Mme la Présidente, nous voterons avec plaisir en faveur du principe de ce projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Et, pour la prochaine intervention, je vais céder la parole à M. le député de Rimouski.

M. Harold LeBel

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de problèmes avec ce projet de loi là. Je pense qu'il y a d'autres ministres qui seraient jaloux de l'autre côté, qui aimeraient que ça aille aussi bien pour leurs projets de loi. On parle, nécessairement, de la Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale. Nous comprenons que le projet de loi n° 6 n'est pas une copie du défunt projet de loi n° 56 de la législature précédente et qu'il est moins ambitieux, mais nous y voyons, dans l'équipe du Parti québécois, une modification urgente et attendue par le milieu et par le Commissaire à l'éthique pour répondre à une problématique très précise.

Le registre actuel remonte à un autre siècle. Il est manifeste qu'il devait être modernisé, compte tenu de l'évolution des technologies. Et les gens qui sont venus nous parler en commission parlementaire, c'était assez clair, là. Comme nous disait ma collègue, juste le changement d'un nom d'un ministère, il fallait tout recommencer l'inscription. Il y avait des problèmes assez majeurs pour entretenir ce registre-là. Mais j'ai eu quand même des questionnements, là. Ce qu'on nous disait, c'est... ça aurait été assez simple, là, que ceux qui sont déjà inscrits au registre puissent ne pas recommencer toute leur inscription avec un nouveau registre, avec des nouvelles technologies, et ce n'est pas clair que ça pourra se faire comme ça. Il y aura beaucoup... Il faudra probablement tout recommencer, et il me semble qu'on aurait pu trouver des solutions pour que ce transfert de nouvelle technologie puisse se faire avec le moins de problèmes possible pour les gens pour réinscrire. Il me semble qu'on est assez avancés dans les nouvelles technologies pour réussir ça, et c'est un questionnement que nous avions, en espérant que le nouveau registre vienne s'introduire d'une façon plus facile, sans trop en demander aux gens qui s'inscrivent.

Le projet de loi, aussi, permet une certaine flexibilité au Commissaire à l'éthique pour qu'il puisse définir les modalités du registre et les modifier si l'évolution des technologies et/ou des pratiques devait le justifier. Là-dessus aussi, les modalités présentées par le commissaire, certains auraient aimé qu'on puisse en discuter ensemble, que ces modalités-là soient plus déterminées par la ministre, par le gouvernement lui-même, qu'en laissant au commissaire, il était un peu juge et partie. Bon, est-ce qu'on peut faire autrement? Moi, ce que j'invite, c'est le commissaire à être très transparent quand il va nous déposer ses modalités pour qu'on puisse en discuter avec lui.

On a espoir aussi qu'il ne faudra pas encore 15 ans pour moderniser le registre à l'avenir, si de nouvelles modifications s'avéraient nécessaires. Et là-dessus, pour avoir participé aux réunions du Bureau de l'Assemblée nationale depuis longtemps, il faut comprendre que le Commissaire au lobbyisme vient présenter ses besoins au Bureau de l'Assemblée. Ce que j'espère, c'est que nous allons pouvoir répondre aux demandes du commissaire pour s'assurer qu'il puisse faire son travail, et moderniser ce registre, et moderniser ses façons de faire pour qu'on puisse... pour que ça soit plus utile puis plus facile pour tout le monde de s'inscrire au Registre des lobbyistes.

Nous croyons aussi que de placer la tenue du Registre des lobbyistes sous la responsabilité du Commissaire au lobbyisme permettra de s'assurer d'une plus grande adéquation entre les besoins des praticiens du lobbyisme et de l'équipe du commissaire. On a vu, là, qu'il y a beaucoup de... depuis une quinzaine d'années, ils ont appris à se connaître, il y a beaucoup d'échanges, mais qu'il y a encore beaucoup de choses à améliorer, et on espère que tout ça va faciliter les échanges entre ces gens-là pour s'assurer que le registre soit plus pratique, s'assurer qu'il y a un meilleur fonctionnement puis que la gestion du registre lui-même... pour en assurer une meilleure efficacité.

Nous saluons le passage du délai de prescription pour les poursuites pénales à trois ans, comme le recommandait le rapport de la commission Charbonneau. Ça, c'est très, très, très important. Nous gardons aussi à l'esprit que le commissaire et la ministre travaillent sur une réforme et une modernisation plus en profondeur de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière du lobbyisme. Nous attendons avec impatience le constat et les propositions du commissaire à cet effet, et que ça soit prochainement pour nous mettre au travail.

• (12 h 30) •

Il y a beaucoup d'éléments là-dedans qui, moi, m'interpellent. Vous connaissez mes dossiers comme porte-parole. Je suis le porte-parole dans le dossier de la pauvreté, l'habitation sociale, l'action communautaire, et il y a beaucoup d'inquiétudes dans les groupes communautaires sur une éventuelle obligation de s'inscrire au Registre des lobbyistes. Vous savez, le mouvement, c'est le mouvement populaire, le mouvement communautaire, c'est un mouvement qui s'organise pour améliorer les situations de vie, améliorer la qualité de vie des Québécois. Je pense, entre autres, à l'ensemble du mouvement qui travaille par rapport à l'environnement, à la protection de l'environnement. Tout ce que je veux, c'est que, dans une éventuelle discussion sur un registre des lobbyistes, il faudra s'assurer que cette mobilisation citoyenne ne soit pas trop encadrée. Il faut laisser la place à cette mobilisation citoyenne. Il faut laisser la place à la mobilisation des gens qui veulent changer leur milieu de vie sans les impliquer et sans les embarquer dans un cadre qui pourrait être étouffant. Moi, ça m'inquiète beaucoup. J'en rencontre beaucoup, des gens qui s'occupent d'environnement dans mon coin de pays, j'en rencontre régulièrement, et je ne pourrais pas comprendre que je dois les voir comme des lobbyistes, parce que je les vois comme des citoyens mobilisés qui veulent améliorer leurs conditions de vie. Je pense qu'il y aura des jugements à se donner ou des cadres à se donner là-dessus. C'est sûr que, si je parle de Greenpeace, là on parle d'un autre niveau, mais est-ce qu'on est capables... être plus prudents quand on va arriver dans ces discussions-là? Ça inquiète beaucoup les groupes communautaires, les groupes populaires, les mobilisations de citoyens et citoyennes. Ça les inquiète depuis des mois et des mois. Ce projet de loi là ne vient pas changer la situation, mais on sait que ça va venir un jour et on a hâte de voir les propositions pour pouvoir mieux... en tout cas, mieux encadrer puis faire porter le message de ces gens-là qui, sur le terrain, se mobilisent jour après jour pour améliorer les conditions de vie des personnes ou de leur environnement.

Ça fait que, bref, c'est un projet de loi qui s'est bien fait. On a vu, les gens qui sont venus nous rencontrer, la majorité... bien, la totalité sont plutôt favorables à l'adoption du projet de loi. On a entendu beaucoup de commentaires sur... des critiques par rapport au registre actuel. Ce qu'on voudrait, c'est que le nouveau registre va répondre à ces commentaires-là, que les gens vont pouvoir y travailler; entre autres, quand je parle des modalités que le commissaire va mettre en place, qu'on pourra, à travers ces modalités-là, simplifier tout le registre.

Et, bref, on va avancer rapidement dans l'adoption. Et on est, bien entendu, d'accord avec l'adoption du principe du projet de loi. Merci. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Rimouski. Et je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et je suis toujours heureux de constater que mon fan est présent aujourd'hui et fait en sorte de garder le cap, maintenir le fort. Puisse-t-il être seul, Mme la Présidente, mon collègue de Montmorency sera toujours là pour m'épauler, et je le salue et je le remercie très chaleureusement. Et c'est réciproque, Mme la Présidente, c'est tout à fait réciproque.

Alors, aujourd'hui, intervention sur le projet de loi n° 6. Quand même beaucoup de choses à dire sur un projet de loi qui a fait... Le projet de loi n° 6, là, Mme la Présidente, est le résultat d'un cheminement collectif de mise à niveau de notre loi sur le lobbyisme, de mise à niveau de notre façon de la faire vivre via le registre auquel doivent s'inscrire, évidemment, les trois types de lobbyistes, mais on y reviendra un peu plus tard, et faire en sorte que nous pouvons aujourd'hui, comme société... Et nous sommes... D'entrée de jeu, ça a été évoqué par ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce, nous allons être, de l'opposition officielle, en accord sur le projet de loi n° 6, on va voter pour, évidemment, le principe. Il y aura des amendements, il y aura une étape d'article par article, parce que nous avons fait le travail collectivement, là, les membres de la Commission des institutions, nous avons fait le travail et nous avons entendu en Chambre des représentants qui ont à vivre à tous les jours avec la loi, ses impératifs. Et comment faire en sorte, oui, de mieux faire, mais également d'assurer un encadrement qui soit quand même efficace, qui atteigne les objectifs de la loi, qui est de faire en sorte que cette activité soit encadrée, soit transparente? Mais également, et vous allez le voir dans mon intervention, il y a d'autres impératifs.

J'aurai l'occasion de revenir sur la notion, entre autres, de confidentialité, parce qu'il arrive des fois qu'un projet, un projet, peu importe sa nature, ça pourrait être un projet immobilier d'envergure, nécessite un changement de règlement — parce que la loi sur le lobbyisme, ce n'est pas uniquement au niveau provincial, mais c'est au niveau des municipalités — un changement au règlement d'urbanisme, un projet immobilier, Mme la Présidente. Et là c'est des gros investissements. Est-ce que le groupe va acheter ou pas le terrain? Est-ce qu'ils vont agrandir davantage le terrain? Est-ce qu'il y a un changement de zonage? Ils peuvent faire des représentations auprès de l'autorité municipale, mais ils ne voudront pas être... Parce que la loi fait en sorte que, dans les 30 jours d'une activité de lobbyisme, vous engagez un lobbyiste, qui fait les représentations, puis c'est tout à fait correct, transparent, vis-à-vis les élus municipaux, mais là vous avez l'obligation, 30 jours après, maximum, de vous inscrire puis de dire : Bien, nous avons été rencontrer tel élu municipal, nous voulons développer tel secteur, nous voulons acheter les terrains, puis tout ça. Donc, il y a une notion de confidentialité. La demande peut être faite au Commissaire au lobbyisme, il la juge au cas par cas, mais donc faire en sorte...

Et ça, c'était une application tangible, Mme la Présidente, lorsque l'on parle d'un équilibre de l'exercice, de la fonction. Le lobbyisme, l'expression du lobbyisme, ça vient, Mme la Présidente, de Washington, un hôtel qui est près de la Maison-Blanche, où, là, on disait «faire du lobbyisme» parce qu'ils rencontraient les élus américains dans le hall d'entrée, dans le «lobby», ils rencontraient les membres du congrès, les sénateurs, les représentants, c'était au XIXe siècle, et là on disait : Ils font du lobbyisme. Ils étaient dans le «lobby», et c'était l'endroit pour les rencontrer. Alors, Mme la Présidente, ça a été encadré par des législations, par des lois, par des réglementations, par des directives, donc, chez nos voisins américains. Et ici, au Québec, au Canada, nous avons eu l'occasion de faire cet encadrement. Mais c'est toujours intéressant de voir l'étymologie, l'origine du terme «lobbyisme». C'est de là que ça vient.

Et ce qui nous a été dit, et ça, elle l'a dit très fermement, Martine Hébert, qui représentait la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Martine Hébert est venue nous dire : N'oubliez pas une chose, là — puis elle voulait même qu'on modifie la loi sur le lobbyisme pour qu'on le mette dans le préambule puis dans l'article 1 — le lobbyisme est un droit. Le lobbyisme, là, ce n'est pas un mal nécessaire, qu'on donne une permission, puis, si c'est correct, vous allez le faire, mais on va vous surveiller, puis au départ on vous regarde croche un peu. Non, non, non, c'est un droit, Mme la Présidente. C'est un droit parce que l'on ne peut pas préjuger des représentations. On ne peut pas dire au départ : Bien, celles et ceux qui vont venir faire des représentations aux élus ou aux décideurs, provincial, municipal, dans le cas de la loi qui nous préoccupe, bien, eux autres, de facto, d'entrée de jeu, c'est suspect, c'est louche. Qu'est-ce qu'ils ont d'affaire à aller parler aux élus? Qu'est-ce qu'ils ont d'affaire à essayer de changer un règlement, changer une loi? Et là il y a toutes les définitions. Alors, ça, Mme la Présidente, c'est un droit fondamental, et on ne peut pas préjuger de cette activité en disant : Bien, c'est un mal nécessaire, on ne peut pas l'interdire, on va l'encadrer. Non, non, non, c'est un droit fondamental.

Et le plus bel exemple, c'est notre collègue de Rimouski qui est venu exprimer la préoccupation quant aux organismes sans but lucratif. Il y a eu, Mme la Présidente, un débat, j'aurai l'occasion d'y revenir, notamment lors du dépôt du ministre, à l'époque, responsable, le projet de loi n° 56, où, là, on disait : Bien, il y aurait peut-être lieu — puis, je veux dire, c'était de bonne foi, c'était un débat qui faisait suite à certaines études préalables — on devrait peut-être... Puis le projet de loi n° 56, qui n'a pas été adopté sous la 41e, disait : Bien, est-ce qu'on peut encadrer d'une certaine façon les organismes sans but lucratif? Et on a reçu ici, en commission parlementaire, Mme la Présidente... Le projet de loi ne vise pas à changer la clientèle, la définition, à qui s'applique la loi sur le lobbyisme. Est-ce que ça s'applique aux organismes sans but lucratif ou juste ceux qui sont visés présentement? La loi ne vise pas ça. Mais, à titre de frappe préventive, sans référer à la doctrine Bush, «Bush Doctrine», la frappe préventive, mais, à titre de frappe préventive... Puis ils ont bien raison parce que ce n'est pas anodin. Nous avons entendu la Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles, qui, eux, très clairement, puis dans leur langage très direct, franc, nous ont dit... deux représentantes nous ont dit carrément : Faites attention. Et nous avons en annexe de leur mémoire, Mme la Présidente, puis je fais écho de ce que vient de dire mon collègue de Rimouski... nous avons une liste de 1 105 signataires. En plus des 425 signataires individuels, les 139 organismes nationaux signataires. Et là on a la liste, ça passe du À coeur d'homme, Réseau d'aide aux hommes pour une société sans violence, à Association des gestionnaires des établissements de santé et services sociaux, à Coalition Solidarité Santé, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi. On parle ici de la Fédération des associations de familles du Québec. Alors, ces deux représentantes-là, dans le contexte du projet de loi n° 6, sont venues nous dire : Faites attention, faites attention de ne pas tomber... Parce que ça pourrait être un amendement. Dans le contexte du débat article par article, on peut déposer des amendements. Là, on n'ouvrira pas ici un débat éventuel qu'il pourrait y avoir sur la recevabilité d'un amendement qui viserait d'aller au-delà du principe du projet de loi n° 6, qui est essentiellement deux choses, qui est de modifier le délai de prescription, de un, et, de deux, qui est de transférer la responsabilité du registre du directeur du RDPRM, le registre des droits personnels mobiliers, RDPRM, qui est maintenant en charge, et qui gère, et qui a en ses lieux le registre des lobbyistes... bien, que ça, ce soit transféré au Commissaire au lobbyisme. Donc, la loi a deux objectifs : transférer ce registre-là du RDPRM au Commissaire au lobbyisme, sous sa responsabilité, qui est notre expert nommé aux deux tiers de l'Assemblée nationale — je pense que, ces jours-ci, Mme la Présidente, à moins que je me trompe, mais on parle beaucoup des nominations aux deux tiers, je referme la parenthèse — c'est un premier objectif, puis le deuxième objectif, c'est de modifier le délai de prescription. Alors, elles sont venues nous dire, ces deux représentantes, de ne pas tomber, à ce stade-ci, dans... et de ne pas ouvrir ce débat sur est-ce qu'on élargit ou pas et comment, le cas échéant, l'application de la loi sur le Commissaire au lobbyisme, la loi sur la transparence et le lobbyisme, au Québec, et elles sont venues nous dire : Ce n'est pas anodin.

• (12 h 40) •

Pourquoi je réfère à ça? Parce que je voulais faire écho aux propos de mon collègue de Rimouski. Ça a été le dernier groupe, le dernier mais non le moindre, Mme la Présidente. Et, encore une fois, 425 signatures individuelles, 139 organismes nationaux. Ils sont venus dire : N'allez pas jouer là-dedans.

À cette demande, nous avons entendu la ministre de la Justice, qui est responsable du projet de loi n° 6, dire que ce n'était pas son intention. Je la paraphrase, mais je pense qu'elle conviendra avec moi que je ne lui impute pas des propos qu'elle n'a pas prononcés. Ce ne sera pas l'intention du gouvernement d'ouvrir ce débat. Et, nous, de notre côté, Mme la Présidente, ce ne sera pas notre intention non plus de déposer un amendement qui ferait en sorte d'attaquer cette question-là.

Par contre, ce qui a été dit, par contre, ce qui a été dit, c'est que, dans un deuxième temps, la ministre de la Justice était en réflexion, et puis elle me corrigera si je la cite mal ou si je résume mal son propos, mais que c'était dans un moment ultérieur que, le cas échéant... et j'ai cru comprendre, puis elle pourra nous le confirmer, qu'il y avait une réflexion en cours à ce sujet-là, j'ai cru comprendre, donc, qu'il y aura lieu, sous la 42e, de se poser la question, comme le faisait de façon tout à fait justifiée le projet de loi n° 56, comme il le faisait, de se poser la question, est-ce qu'on élargit ou pas, et à qui, et comment, et quand, l'obligation de s'enregistrer, la définition de «lobbyisme», et de faire en sorte que les organismes sans but non lucratif soient assujettis à cette loi. Donc, je referme la parenthèse, Mme la Présidente. Mais ce n'est pas anodin.

Et ça, ça nécessitait, Mme la Présidente... cet exemple-là était nécessaire en ce qu'il vient illustrer les propos de Martine Hébert, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Quand Martine Hébert, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, vient nous dire, Mme la Présidente : Le lobbyisme, là, c'est un droit, c'est un droit, et on mériterait peut-être... Et là on pourrait l'ajouter comme amendement dans la loi. Ça sert à ça, les consultations. Elle dit : Vous pouvez amender le préambule, vous pouvez même le mettre dans l'article 1. Moi, je vous dirais, Mme la Présidente, si on peut, mettons-le dans l'article 1, parce que le préambule... Quant à l'interprétation des lois, les préambules, les tribunaux, ce n'est pas là qu'ils vont aller pour les... comme réflexe quant à interpréter et appliquer une loi. Le préambule, ça fait partie de la loi, certes, mais les règles impératives, quand le législateur parle, c'est dans les articles. Alors, moi, je lui dirais, on aura l'occasion de faire le débat avec Mme la ministre, mais que nous avons peut-être un amendement à l'article 1 qui viendrait enchâsser, qui viendrait déclarer que c'est un droit.

Et ça, Mme la Présidente, ça a été dit par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, mais ça a également été souligné par les autres intervenants : l'Association québécoise des lobbyistes, la Fédération des chambres de commerce du Québec, l'Alliance des cabinets de relations publiques du Québec, le Conseil du patronat du Québec, la table, évidemment, des organismes communautaires. Eux, j'en ai parlé. Mais ces organismes que je viens de nommer, en leurs mots, le message qui était lancé, c'est que c'est important de reconnaître ce principe-là, article 1, parce que, de tout le reste, quand on dit, nous, comme législateurs, dans le travail qu'on va faire, quand les acteurs, le Commissaire au lobbyisme, qui est mandaté par nous aux deux tiers pour gérer la loi et qui, si d'aventure le projet de loi n° 6, auquel nous allons ajouter notre voix pour le faire adopter, est adopté... bien, à ce moment-là, ce n'est pas anodin que tous ces acteurs-là aient comme prémisse de basse : C'est un droit, parce que du reste découlera l'application, la coopération, la collaboration du Commissaire au lobbyisme, des gestionnaires du Registre des lobbyistes et des lobbyistes, qui se retrouvent en trois catégories, Mme la Présidente, parce qu'ils ont un rôle à jouer, et le rôle qu'ils ont à jouer est fondamental.

Il y a trois types de lobbyistes, Mme la Présidente, et c'est défini dans la loi. Le premier titre... Il y a, au Québec, là, grosso modo 14 000 lobbyistes, au Québec. Ah! 14 000 lobbyistes. Il y en a trois types. Combien les trois types regroupent-ils de lobbyistes? La première catégorie, les lobbyistes d'entreprise, des gens salariés au sein des entreprises qui s'enregistrent au sein... qui s'enregistrent auprès du Commissaire au lobbyisme à titre de lobbyistes, des lobbyistes d'entreprise, sur les 14 000, au Québec — sans être trop précis, là, c'est 13 759, on arrondit à 14 000 — des 14 000 il y en a 9 309 qui sont lobbyistes d'entreprise. Donc, déjà là, ça nous donne un peu... C'est des entreprises. Ce sont des entreprises... il peut y avoir des entreprises d'économie sociale, il peut y avoir des multinationales, il y a tout type... des PME, des grosses entreprises, tout type d'entreprise. Il y en a près de 10 000. C'est 9 309 lobbyistes d'entreprise, qui, eux, s'inscrivent parce que légitimement ils disent : Bien, nous, nous, on participe de la réussite économique du Québec puis on est des corporations, nous sommes des personnes morales, nous représentons des personnes morales qui voulons agir en respectant la loi, on s'inscrit. Puis nous, bien, on a des projets de développement, on veut éveiller le gouvernement par rapport à tel, tel, tel aspect de l'application d'une loi ou d'un règlement ou on veut seulement connaître les informations quant à l'octroi d'une subvention, d'un permis, et ainsi de suite.

Ce sont, je vous dirais, Mme la Présidente, ce sont, pour le gouvernement, pour l'Assemblée nationale, qui nomme aux deux tiers le Commissaire au lobbyisme, mais, pour le gouvernement, ce sont... il faut les voir comme des partenaires, des partenaires, parce que le gouvernement n'agira jamais en vase clos et dire : Bien, ce qui se passe sur le terrain, moi, là, ne venez pas m'en parler, je ne veux pas le savoir. Le gouvernement se veut être pertinent. Et ce que je dis dans mon comté : La pertinence naît de la proximité. Vous ne pouvez pas être pertinent si vous n'êtes pas proche pas du monde. La proximité vous assure d'être pertinent. Et, en ce sens-là, ces lobbyistes, 9 309 sur les près de 14 000 qui représentent les entreprises, doivent pouvoir compter sur une loi qui reconnaît leurs droits et qui encadre, oui, efficacement leurs représentations, mais qui ne les voit pas comme étant des empêcheurs de danser en rond, ou des proposeurs de troubles, ou des gens qui pratiquent un aspect de la profession qui est peu enviable ou recommandable. Non, ils ont un rôle important à jouer. Donc, première catégorie, lobbyistes d'entreprise, 9 309.

Deuxième catégorie, lobbyisme d'organisation, lobbyisme d'organisation au compte d'associations, de certains regroupements à but non lucratif qui ont dit : Nous, on va s'inscrire au registre du lobbyisme et on va faire part de nos revendications, de nos idées, de nos propositions. De ça se nourrit les 125 élus de l'Assemblée nationale mais au premier titre, je vous dirais, le gouvernement provincial du Québec, le gouvernement du Québec, et également les élus municipaux, et la fonction publique, municipale et provinciale, qui gravite autour des élus. Ça, ces organismes-là, ont voix au chapitre.

Et ce que certains pourraient dire les lobbyistes lobbyistes, là, les professionnels du lobbyisme, les lobbyistes lobbyistes, c'est 6 %, c'est 6 % du 13 759, 6 % sont des lobbyistes-conseils, sont des lobbyistes-conseils. C'est un petit peu plus de... un peu moins de 800 personnes, 770 personnes. Alors, vous voyez, une fois qu'on a dit ça, là, Mme la Présidente, là, on touche aux entreprises, on touche aux organismes puis, oui, les lobbyistes-conseils, mais, sur le lot des 14 000, ils sont 6 %.

Alors, quand on dit : On va faire en sorte d'adopter un projet de loi, le projet de loi n° 6... Et nous en sommes, nous allons voter en faveur du projet de loi n° 6. Quand on dit, on vient dire... on vient faire deux choses. Puis, avant d'y aller, Mme la Présidente, c'est important de regarder l'historique, d'où on vient.

En mai 2012, le Commissaire au lobbyisme a déposé un rapport intitulé Propositions de modifications à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Ça, c'est en mai 2010. Ce rapport recommandait une révision complète de la loi et proposait un projet de loi visant à remplacer la loi actuelle. Donc, mai 2012, on commence déjà à en parler, Mme la Présidente, et on voulait une refonte complète de la loi sur le lobbyisme, d'où, évidemment, le gouvernement de l'époque, mai 2012, dépôt du rapport. On a eu les élections en septembre 2012, 18 mois du Parti québécois. C'est un fait, il n'y a pas de partisanerie. Après ça, 2014, de mémoire, c'est en avril, mars ou avril 2014, avril 2014... Et je remercie mon collègue qui a été ministre des Finances sous la 41e et qui se rappelle de ce grand jour pour le Québec, jour de l'élection d'un gouvernement...

Une voix : ...

• (12 h 50) •

M. Tanguay : Le 7 avril? 7 avril 2014. Mais fermons la parenthèse, parce que je ne suis pas sûr que l'on pourrait faire adopter une motion unanime saluant ce grand jour ici aujourd'hui. Mais, donc, le 12 juin 2015, le gouvernement, 41e législature, prend acte de ça, dépose le projet de loi n° 56, Loi sur la transparence en matière de lobbyisme.

Et là on s'est rendu compte, Mme la Présidente, puis je vais le dire comme ça, les gens à la maison vont comprendre, on s'est rendu compte que... Puis c'était à la suggestion, mai 2012, Commissaire au lobbyisme, il dit : Faites donc une refonte complète. On a embarqué là-dedans, on a pris le temps de consulter. Il y avait eu des préconsultations, et tout ça. On dépose un projet de loi qui était costaud. Et là on s'est rendu compte qu'entre autres on venait toucher à la définition, à l'application du lobbyisme, puis là on pouvait, oui, aller toucher les OSBL, les organismes sans but lucratif. Là, on s'est rendu compte que peut-être, socialement, dans une question comme ça, qui trop embrasse mal étreint. On s'est rendu compte que, oui, il fallait modifier la prescription, puis c'était prévu, oui, il fallait améliorer nos façons de faire quant à la tenue du registre, c'était prévu, mais pas juste ça, il y avait l'assujettissement, oui, j'en ai parlé, des OBNL — je dis encore les OSBL, mais c'est les OBNL, peut-être que je trahis mon âge, je ne sais pas — l'enregistrement des activités du lobbyisme avant la tenue de celles-ci, l'obligation de produire un bilan trimestriel, une obligation pour les titulaires d'une charge publique ainsi que le transfert du registre, et ainsi de suite.

Correction de ma part : On ne parlait pas, à ce moment-là, on me corrigera si j'ai tort, mais de délai de prescription. On ne parlait pas de délai de prescription pourquoi? Parce que ça, c'est juin 2015. Qu'est-ce qui s'est passé le 15 novembre 2015? Un rapport, un rapport qui a fait couler un peu d'encre, qui s'appelle le rapport de la commission Charbonneau, et qui demandait, et j'ai les extraits du rapport, que l'on vienne modifier le délai de prescription.

Là, je vous passe, Mme la Présidente, très rapidement ce qui a été fait par la suite parce que, là, dépôt du projet de loi n° 56, 12 juin 2015, à la suite du dépôt du projet de loi les OBNL étaient inquiets. Et beaucoup d'OBNL auraient été... pour ne pas dire tous les OBNL auraient été assimilés à des lobbyistes, alors qu'ils visaient à préserver et défendre des biens publics. Là, il y a eu tout un débat. Puis on n'a pas fait, à l'époque, comme gouvernement, Mme la Présidente, de dire : Nous, on passe le bulldozer puis on va là-dessus, parce qu'on fait écho de ce que le Commissaire au lobbyisme a dit, puis on avait beaucoup consulté, et puis là le projet de loi n° 56 est là, les oppositions, prenez-le, prenez-le pas. On a écouté et on a fait en sorte de mettre de côté le projet de loi n° 56, et il y a eu d'autres initiatives par la suite. Et je sais que ma collègue qui a pris la parole deux intervenants avant moi, de Notre-Dame-de-Grâce, avait également gravité autour de ces questions-là dans ses fonctions, qui sont fondamentales.

Bref, juin 2015 : dépôt du projet de loi n° 56. Novembre 2015 : commission Charbonneau. Que dit la commission Charbonneau? À la recommandation 37 de la commission Charbonneau, on vient dire : Ce serait important de modifier le délai de prescription. Pourquoi? La loi, telle que rédigée, dit que, lorsqu'il y a des infractions... Exemple, vous allez voir un élu pour un projet domiciliaire puis vous n'êtes pas enregistré au registre du lobbyisme, bien là, vous êtes en infraction en vertu de la loi. Vous devez soit faire affaire avec un lobbyiste-conseil ou vous, vous inscrire à titre de lobbyiste, si vous êtes au sein d'une entreprise ou d'une organisation. Vous devez entrer dans l'une des trois cases et vous inscrire en ce sens-là. Si vous ne le faites pas, puis que vous ne le faites pas dans les 30 jours de l'intervention que vous avez faite, vous êtes en infraction.

Puis, la Loi sur la transparence, bien, on s'est donné une loi avec des dents. C'est ça qu'on veut, nous, les élus, on veut que les lois aient des dents. Puis, dans d'autres contextes... On parle du projet de loi n° 21, on se demande quelle sorte de dents elle pourra avoir puis on est préoccupés par ça, mais c'est un autre débat, puis je vais m'arrêter là, parce que, Mme la Présidente, on parle des droits fondamentaux. Je ferme la parenthèse. Donc, cette loi-là crée des pénalités.

Le commissaire... La prescription n'est pas spécifiquement dite dans la loi, n'est pas spécifiquement précisée dans la loi. Qu'est-ce qui se passe? Bien, c'est le Code de procédure pénale et la règle du un an qui s'applique, la règle du un an qui dit que vous devez... le délai de prescription s'applique donc par défaut pour toutes les lois, c'est un an à partir de la date où est perpétrée une infraction, un an à partir de la date où est perpétrée l'infraction. Ce que la commission Charbonneau est venue nous dire puis ce que le Commissaire au lobbyisme est venu nous confirmer, c'est que ça, là, Mme la Présidente, changer ça, ce n'est pas un luxe. On est rendus là. Puis on va le faire puis on va appuyer le gouvernement. C'est l'un des deux objectifs du projet de loi n° 6. L'autre objectif du projet de loi n° 6, c'est de transférer la responsabilité du registre, la tenue du registre, du RDPRM, au Commissaire au lobbyisme. Deuxième objectif, on est d'accord, on va voter pour.

On va faire notre travail en article par article parce qu'il y a beaucoup, dans l'application, dans la loi, là, on dit que le diable est dans les détails... il y a beaucoup une notion de délai. Je vais vous en donner un, délai, j'y vais de mémoire. La dernière disposition du projet de loi n° 6 fait en sorte que le projet de loi entre en vigueur... Puis ça, je veux dire, il y a des semaines où on voit des projets de loi qui n'ont pas ce délai d'application là. Le projet de loi n° 6 entre en vigueur après 30 mois de son adoption, ça, ce n'est pas banal, comme certains disent dans certains autres dossiers aussi : La présente loi entre en vigueur le (indiquer ici la date qui suit de 30 mois celle de la sanction de la présente loi)... Là, il y a des lobbyistes, lobbyistes d'organisme, lobbyistes-conseils, lobbyistes d'entreprise qui sont venus nous dire : Nous, on trouve ça long, parce qu'eux vivent à tous les jours... Puis ils sont venus nous raconter... on ne dira que c'est des histoires d'horreur, là, il faut relativiser, mais ils sont venus nous raconter comment c'est difficile. Puis là on n'est pas en train de pointer personne du doigt, on n'est pas en train de pointer personne du doigt au RDPRM. Puis on a même parlé d'une certaine Mme Jean au RDPRM, on est venu dire : Bien, Mme Jean, là, on l'a à tout bout de champ au téléphone, puis elle essaie, puis elle essaie, puis c'est difficile parce que la structure, la technologie utilisée n'est pas adaptée, ce qui fait, puis je vais vous donner un exemple qui est parlant... ce qui fait qu'un lobbyiste, lobbyiste-conseil, peut avoir à inscrire aujourd'hui plus d'un mandat, il va aller dans le système, il va aller dans le réseau et faire en sorte d'inscrire son mandat, mais il y a un certain délai de traitement, puis, s'il y a des questions, le mandat est suspendu; bien, le système ne vous permet pas d'en ajouter une deuxième. Vous ne pouvez qu'en inscrire un et vous ne pouvez pas en inscrire un deuxième tant que le premier n'est pas reçu, confirmé comme étant inscrit validement et, si d'aventure il y avait des questions d'éclaircissement, que vous y ayez répondu. Alors là, il y a une question de délai. Arrangez-vous, donc, lobbyistes-conseils, pour inscrire... Même si la loi vous donne 30 jours, si vous le faites le 23e jour, ne comptez pas sur une garantie à l'effet que le système va vous permettre, après ça, d'enregistrer un deuxième, qui pourrait vous faire mettre hors délai, Mme la Présidente. Donc, ça, tout le monde le dit très clairement, il y a une nécessité de modifier et de transférer, transférer la responsabilité et la tenue du registre.

Et on a même ici... j'ai la Fédération des chambres de commerce du Québec qui a même mis en annexe Modifications proposées pour simplifier l'utilisation de la plateforme d'inscription, et là ils nous ont fait une liste... ce n'est pas une liste d'épicerie, c'est une liste très tangible : ajout de fonctionnalités pratiques, numérotation des mandats — il n'y a même pas de numérotation des mandats, alors, quand on veut référer à un mandat, on essaie d'y référer par le titre, une chatte y perdrait ses petits — changement au nom des ministères suivant une élection. Lorsqu'il y a un changement... Lorsqu'il y a une élection, puis c'est de la prérogative du Conseil exécutif du gouvernement, il peut changer les noms des ministères. Bien, si vous changez les noms des ministères, Mme la Présidente, là, vous venez d'affecter toutes les inscriptions qui avaient jadis, sous l'ancien nom, une référence auxdits ministères, et là, encore une fois, c'est compliqué. Bref, ce n'est pas un luxe de modifier et de transférer, donc, le registre.

Et on a posé la question au Commissaire au lobbyisme, on a posé la question. Lui, il est déjà à pied d'oeuvre. Il ne présume pas de l'adoption de la loi, mais il est déjà à pied d'oeuvre. Il a déjà des conversations et des discussions avec un organisme qui s'appelle l'expertise du secteur des registres de l'État et qui, eux... Je cite : «Dans le contexte du dépôt du projet de loi n° 6, le commissaire et le SRE ont repris les travaux en vue d'actualiser l'étude d'opportunité et de réaliser un dossier de conception de la future plateforme...» On lui a posé la question. Ça, ça pourrait coûter, en bout de piste, entre 1,4 et 2,8 millions. Ce sera, le cas échéant, de l'argent bien investi.

Au niveau de la prescription, je vous l'ai dit, à l'heure actuelle c'est un an. Du moment où vous faites une infraction, il faut que vous soyez poursuivi dans l'année, sinon si c'est prescrit, on ne pourra pas vous poursuivre. C'est bien trop court. Beaucoup d'autorités sont venues dire : On l'apprenait même un an après les faits, puis c'était déjà prescrit au moment où on l'apprenait. On apprenait deux choses : il a commis une infraction, puis c'est prescrit, tu ne peux pas poursuivre.

Ce qui est proposé, et nous en sommes, c'est que dans les trois ans de la connaissance vous devez poursuivre, et, si l'infraction a eu lieu il y a plus de sept ans, c'est prescrit. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Au fédéral, c'est cinq ans et 10 ans. Dans bien des provinces, c'est deux ans. Moi, je pense — on aura l'occasion de faire le débat, Mme la Présidente — je pense que nous sommes à un bon endroit. Et ça, c'est la recommandation 37 de la commissaire Charbonneau, du rapport Charbonneau, je ne devrais pas dire «la commissaire», c'est le rapport de la commission Charbonneau, c'est la recommandation 37, et nous en sommes. Donc, important, Mme la Présidente, de soulever que nous devons faire cette mise à niveau, mise à niveau de la loi.

Et il y a d'autres personnes qui sont venues, Mme la Présidente, nous informer d'écueils...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : M. le député de LaFontaine, à ce moment-ci, je me dois de vous demander, d'abord, si vous avez terminé votre intervention. Il n'a pas terminé.

Alors, compte tenu de l'heure et afin de permettre, cet après-midi, le débat sur une affaire inscrite par les députés de l'opposition, le présent débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 6 est ajourné.

Et je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 heures)

Le Vice-Président (M. Picard) : Bon après-midi. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée nationale reconnaisse l'importance de la
Charte des droits et libertés de la personne et la nécessité d'étudier
le projet de loi sur la laïcité de l'État dans un délai raisonnable

À l'article 21 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse l'importance de la Charte des droits et libertés de la personne, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975;

«Qu'elle reconnaisse qu'il a toujours été dans nos pratiques de modifier la charte québécoise des droits et libertés de la personne à l'unanimité ou à la suite d'un large consensus au sein de notre Assemblée;

«Qu'elle reconnaisse le caractère sensible du projet de loi n° 21, présenté le 28 mars dernier par le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, qui notamment restreint la liberté de religion de certaines personnes;

«Qu'elle reconnaisse que ce projet de loi nécessite que les parlementaires puissent entendre en commission parlementaire les différents points de vue exprimés dans la société et qu'ils puissent par la suite en faire l'étude et l'analyse dans un délai raisonnable;

«Qu'enfin, elle demande au gouvernement caquiste de permettre aux parlementaires de procéder à l'étude du projet de loi n° 21, sans imposer un bâillon législatif à la fin de la présente session parlementaire.»

 Je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur la motion inscrite par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys s'effectuera comme suit : 10 minutes sont réservées à l'auteure de la motion pour sa réplique, 53 min 30 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 32 min 19 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 11 min 9 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 10 min 2 s sont allouées au troisième groupe d'opposition. Chaque député indépendant dispose d'un temps de parole de 1 min 30 s. Toutefois, lorsqu'un seul député indépendant participe à un débat, il dispose d'un temps de parole de deux minutes.

Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle aux députés indépendants que, s'ils souhaitent intervenir au cours du débat, ils ont 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Hélène David

Mme David : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, les deux heures que nous avons à passer ensemble à débattre de ce sujet sont deux heures d'une grande importance, d'une grande importance parlementaire, d'une grande importance pour la société et d'une immense importance pour les individus qui seront touchés, particulièrement pour les femmes, comme je l'ai dit ce matin, en période de questions.

C'est probablement le sujet, oui, le plus sensible, le plus divisif, même si, et j'en suis — le ministre le sait, porteur de ce projet de loi, à quel point on essaie — on essaie de garder une grande sérénité dans le débat. On essaie de garder notre calme, on essaie de garder les esprits plutôt froids, mais on touche à des choses extrêmement chaudes. Alors, le contraste est dangereux, et on doit déplorer des excès de toutes sortes de côtés dans la société, et on ne veut pas ça, personne, moi la première. Alors, j'essaie de rester la plus rigoureuse, la plus calme, mais en même temps je veux être la plus convaincue possible, mais aussi la plus convaincante possible.

Je ne pense pas que je vais convaincre le ministre de certaines choses, mais je pense qu'on peut s'entendre aussi sur certaines autres choses. Je pense que le ministre est un homme responsable, je pense qu'il est certainement travaillant, parce qu'avec tout ce qu'il a dans les chaudrons en ce moment je pense que... Heureusement, il a l'énergie de la jeunesse, mais il a un dossier dont il... Je ne sais pas s'il est conscient, mais je pense que oui, de la responsabilité que nous partageons, lui, et moi, et nos formations politiques, pour construire un Québec qu'on aime, dont on sera tous fiers. Quand on dit «l'inclusion», l'inclusion, c'est tout le monde. Et le Québec est une grande nation, le Québec est une société enviée partout dans le monde, le Québec a fait ses preuves dans le milieu culturel, dans le milieu économique, dans le milieu de l'éducation. On n'a jamais eu autant d'étudiants internationaux, les gens veulent venir au Québec, et nous voulons tous et toutes qu'ils continuent à vouloir venir au Québec, que les nouveaux arrivants soient heureux ici, que les gens installés depuis plus longtemps les accueillent et soient heureux de les accueillir.

Et c'est de tout ça dont il est question à travers quelque 22, 23 petits articles de loi, où on dit, on dit beaucoup : Ça fait 12 ans que ça traîne. Excusez-moi, à chaque fois, mon coeur s'arrête quand j'entends ce mot-là : Ça «traîne». Il n'y a rien qui traîne dans un débat de société. Au contraire, ça va toujours être vivant. Puis je le dis au ministre et je le dis à tout le monde, et les gens le savent : C'est l'histoire de l'humanité, le vivre-ensemble, ce n'est pas l'histoire 2019 d'un hidjab, d'une kippa ou d'un turban, c'est l'histoire de l'humanité, cette question de vivre-ensemble, et c'est une histoire planétaire.

On a un astronaute extraordinaire en ce moment, qui s'appelle David Saint-Jacques — lui, on peut le nommer, ce n'est pas un élu — qui est très loin en haut, qui a fait une sortie fabuleuse, encore une fierté pour le Québec, qui a fait une sortie de six heures. Et les journalistes étaient là pour dire à quel point, à quel point c'était dangereux. Mais c'est un homme exceptionnel, formé dans nos universités québécoises, c'est un être d'une immense générosité aussi, qui est allé pratiquer au Nunavik. Enfin, on ne fera pas tout le pedigree de David Saint-Jacques. Mais il regarde la planète et il dit d'en haut : Regardez comme cette planète est petite vue d'en haut, et tout le monde doit vivre ensemble.

Alors, arrêtons de penser que c'est un problème québécois. La question du vivre-ensemble, c'est un enjeu qui fait qu'on est plusieurs milliards de personnes sur cette planète et que nous devons, surtout avec les méthodes de communication, les réseaux sociaux, les avions... On n'a jamais tant voyagé, la population n'a jamais été aussi mobile. Avec les changements climatiques, on n'a rien vu encore — la migration climatique. Alors, on est en train, dans notre Québec en ce moment, de parler de choses qui sont malheureusement sous le couvert de tout ce qui se traîne se salit, puis on va arrêter, puis on va régler ça vite. On est en train de diviser de façon, moi, qui m'attriste beaucoup.

En 2013, j'avais un emploi universitaire qui était formidable, formidable. Et j'écoutais tous ces débats déchirants pour la société et là je me disais : O.K., là, arrête de faire la gérante d'estrade, et peut-être que tu dois te décider à faire le saut pour dire : Qu'est-ce que je peux apporter?, mon petit moi de ce que je pouvais apporter. Mais au moins j'aurais la conscience de faire quelque chose pour redonner l'immense privilège que j'ai eu de naître dans une famille où tout a relativement très bien été, et très privilégiée par rapport à tellement d'autres. Et j'étais loin, loin, loin de penser qu'un jour je me retrouverais ici un mercredi, au mois d'avril, à faire une motion, à porter un dossier sur la laïcité, qui est le dossier qui m'a convaincue de faire le saut en politique. Donc, ce n'est pas un dossier comme les autres pour à peu près tout le monde, ce n'est pas une banalité, c'est comment on veut définir le Québec de demain.

• (15 h 10) •

Faisons un peu d'histoire. Les gens disent : La charte, c'est quoi, ça, la Charte des droits et libertés? Et je ne suis pas juriste, je le répète. Je parle avec le plus de rigueur possible, j'ai lu énormément, puis, si je dis des bêtises, je suis sûre que le ministre me rabrouera très rapidement, mais je vais essayer de ne pas en dire. La charte, parce que ce sont des faits, la charte québécoise... Arrêtons de parler du multiculturalisme canadien, on a une charte québécoise, qui a précédé la charte canadienne, qui elle-même s'est beaucoup inspirée de notre charte, parce que, savez-vous quoi, ils la trouvaient pas mal bonne.

Donc, nous sommes en 1975. La charte québécoise des droits et libertés est adoptée à l'Assemblée nationale, ici même. Par qui? Par quelqu'un qui était le député d'un comté dont j'étais députée jusqu'à tout récemment. C'était Jérôme Choquette, pour mémoire, qui était aussi ministre de la Justice, et qui a fait adopter la Charte des droits et libertés de la personne. Et je le cite : «L'adoption de la Charte des droits et libertés [...] constitue un moment historique dans la vie du Québec et signale, de sa part, une maturité certaine — une maturité. La charte permettra de définir avec précision un idéal de justice qui fera, j'en suis sûr, l'unité du Québec autour de valeurs démocratiques que nous voulons garantir contre toute violation.»

Ça, c'était il y a 44 ans. Jacques-Yvan Morin, qui n'est pas réputé être un grand libéral, il était... À ce moment-là, quel était son rôle? Je ne fais pas un quiz, il était chef de l'opposition officielle. Ce n'est quand même pas rien. Voilà, ici, ce qu'il dit : Ce projet de loi, «je dois dire qu'il sera fort utile, comme un rappel constant des droits et libertés que nous souhaitons conférer aux citoyens du Québec». La table était mise, M. le Président, pour que, tous ensemble, nous puissions protéger nos minorités.

Qu'est-ce qu'on a fait dans les années qui ont suivi? Bien, on l'a modifiée souvent. Mais savez-vous dans quel esprit nous l'avons modifiée? Et l'approbation a été unanime à peu près tout le temps, sauf une ou deux fois, où il y a eu un ou deux députés qui ont rompu l'unanimité à l'Assemblée nationale. Alors, depuis l'adoption de la charte, il y a eu beaucoup de modifications, mais ce n'était pas pour enlever des droits. Je pense que les gens doivent le savoir et être sensibles à ça. Ce n'était pas pour enlever des droits comme il se passe malheureusement en ce moment, et c'est grave. Disons-nous que c'est grave, d'enlever des droits. Comme disait une collègue tout à l'heure, un projet de loi qui enlève des droits n'est jamais modéré, n'est jamais modéré. Et de là la grande difficulté, je pense, que... Et mon collègue qui porte la loi et moi qui essaie de dialoguer avec lui, on est toujours en train de dire : Soyons sereins, soyons calmes. Mais comment être modéré quand on enlève des droits aux gens? C'est sûr que les gens vont réagir, et nous, dans notre for intérieur, aussi.

Donc, ça a toujours été pour ajouter des droits, alors pour renforcer, par exemple, la lutte contre la transphobie, pour... Vous le savez, là, la charte... Pour ceux qui ne savent pas trop à quoi ça sert, la charte québécoise des droits et libertés, c'est pour protéger les minorités. Parce que ce ne sont pas les majorités qui ont besoin d'être protégées, habituellement c'est les minorités, alors la protection de la transphobie, la protection des personnes handicapées, la protection des homosexuels. Donc, selon Pierre Bosset et Michel Coutu, bon, ce sont des experts, des juristes, elle a été modifiée pas moins de 27 fois. C'est vrai quand on dit : Elle a été modifiée souvent, mais — creusons — modifiée pour l'améliorer. Elle a été modifiée 27 fois, mais, chaque fois, hormis deux exceptions marginales, savez-vous quoi, l'approbation a été unanime. Unanime, ça, ça veut dire tout le monde ici qui se lève et qui dit : Oui, on veut faire la lutte à la transphobie, on veut protéger les personnes handicapées, on veut protéger les homosexuels.

Évidemment que la charte comporte aussi d'autres protections, dont celle qui nous occupe particulièrement aujourd'hui, la liberté religieuse. C'est une liberté au même rang que les autres libertés. On a fait des luttes incroyables pour l'égalité hommes-femmes. On a fait des luttes incroyables pour arrêter le racisme. On a fait des luttes vraiment pour qu'il n'y ait pas de ségrégation en fonction de la couleur de la peau, de l'orientation sexuelle et évidemment de l'orientation religieuse. Alors, ça, c'étaient des droits qui étaient à protéger. Ils ont été protégés et ajoutés au fil des ans.

Alors, à quoi ça sert, une charte, dans notre société? Et c'est quoi, les impacts que ça peut avoir de vouloir retirer des droits qu'on a chèrement acquis, chèrement parce qu'il y a eu des luttes derrière ça? Pensons à des grands, grands droits aux États-Unis, la ségrégation raciale par exemple, la lutte des femmes pour accéder au plein-emploi. On ne compte plus dans l'histoire les luttes qui ont dû être faites pour ajouter des droits. Alors là, on est en train de vouloir en enlever.

Alors, je cite Francine Pelletier, le 3 avril, ça ne fait pas longtemps. Le rôle des chartes... Elle dit : «C'est précisément pour permettre à la liberté de s'exercer, à l'encontre même de celle de la majorité, que les chartes des droits sont nécessaires.»

«...on met le paquet ici pour tenter de faire oublier la véritable cible — elle parle de ce projet-ci — les femmes voilées, seront traités comme des citoyens de seconde catégorie à cause de leurs croyances religieuses. Ce n'est ni respecter la liberté de religion ni traiter tout citoyen également, deux principes supposément garantis par le projet de loi.»

Le 27 mars, Francine Pelletier continue : «Alors que la définition du bien commun change selon l'époque et les gouvernements, les droits individuels sont au coeur même d'une existence qui vaut la peine d'être vécue.» Alors là, excusez-moi, mais je ne peux pas m'empêcher d'être la professeure de psychologie que j'ai longtemps été et celle qui a évidemment eu énormément de détresse psychologique à aider à accompagner, à soigner — je n'aime pas le mot — dans mon bureau de psychothérapeute, mais l'existence qui vaut la peine d'être vécue, là... Je ne veux pas en faire un grand débat ici, mais l'importance de la religion, personne ne peut nier, de la spiritualité, c'est une importance capitale pour des gens qui, entre autres, cherchent un sens à la vie, qui cherchent un sens à l'existence. Parce que, «tu seras poussière et tu retourneras en poussière», je pense qu'il y en a qui ont appris ça dans les catéchismes, et dans la Bible, et tout ça, puis c'est vrai, quand on se lève le matin puis on se dit : Tu es poussière, tu as été poussière, tu vas retourner en poussière, c'est passablement angoissant. Et savez-vous quoi? Il y a toutes sortes de réponses à la difficulté de vivre. Une des réponses, et ce n'est pas la seule, pour avoir des convictions religieuses, c'est aussi de donner un sens à sa vie.

Les valeurs, la CAQ aime beaucoup parler des valeurs, mais les valeurs de charité, on dit souvent les valeurs de charité chrétienne, par exemple, les valeurs de charité de telle ou telle religion, bien, les valeurs de charité, ça veut dire de penser à l'autre. Mais c'est des choses qui nous sont inculquées à travers nos parents, ou à travers l'école, ou à travers un enseignant, mais ça peut aussi être à travers une religion. Et ça veut dire quoi, «religion»? C'est «religare». «Religare», ça veut dire «relier», relier les gens. La religion, pour le meilleur et pour le pire, et pour le pire, a relié les gens.

Alors là, on essaie de dire : Ton existence s'exprime, ton sens de la vie, ton goût de vivre, ton goût d'être généreux, d'être charitable, de t'impliquer dans la société, bien, ça fait partie de ta religion. Ta religion vient avec ou pas, et c'est le choix et la liberté, et on revient à la charte des droits et libertés, le port ou non d'un signe religieux. Et ça s'adonne qu'au Québec c'est beaucoup la religion catholique. Puis on a des débats. Vous êtes en dessous d'un crucifix, et puis on n'y pense plus, on pense : c'est un objet patrimonial, mais ça a voulu dire quelque chose, là.

La religion catholique a voulu dire énormément, et, cette religion catholique, ça s'adonne que peut-être le signe religieux, et j'en parle beaucoup avec mon collègue qui porte le projet de loi, et non la kippa ou le turban, mais il porte le projet de loi... Alors, ça s'adonne qu'un signe religieux catholique est souvent plus discret. Ça s'adonne bien, dans le projet de loi, il est discret. Puis il y a d'autres signes religieux, est-ce que c'est mieux, est-ce que c'est pire? Ils sont moins discrets, pour dire la chose comme elle est. Alors, un turban sikh, un hidjab, n'importe quoi, une kippa ou d'autres signes sont des signes plus visibles. Ça ne veut pas dire que la croix catholique veut moins dire quelque chose. N'essayez pas de l'enlever à quelqu'un pour qui, et je suis beaucoup revenue là-dessus, ça a une valeur importante, et se défaire de ça... Il y en a d'autres qui ne se défont jamais de leurs bagues de mariage, par exemple. Il faudrait leur couper le doigt pour l'enlever, pas parce qu'ils ont grossi, parce qu'ils y croient beaucoup. Mais d'autres, ça peut être le crucifix, ça peut être de porter quelque chose.

• (15 h 20) •

Et cette idée, philosophiquement partant, parlant... Là, j'essaie de ramener le débat à quelque chose d'un peu plus fondamental de l'existence humaine, pas parce que j'aime ça, j'adore ça parler de ça, justement, mais c'est parce que le projet de loi nous amène directement là, cette philosophie qui dit, et ça a été dit presque textuellement : tu peux l'enlever avant d'entrer à l'école pour enseigner et tu le remets en sortant. Bien, malheureusement, la foi religieuse, l'expression de la foi religieuse ne fonctionne pas comme ça. Tu ne peux pas décider de porter tes convictions à temps partiel. Ça ne marche pas comme ça. Je ne veux pas faire de comparaison boiteuse, parce qu'il n'y a rien qui équivaudrait à ça, mais ça ne marche pas, entre 9 et 5, de porter ou de ne pas porter, puis de reporter, puis de déporter. Comme j'ai dit, tu le portes pendant que tu prends ta douche, que tu es dans ton salon. La foi religieuse est quelque chose, et j'aimerais qu'on en parle avec respect, de beaucoup plus profond que ça. Ce n'est pas pour rien que des gens qui ont des signes disent : Moi, j'aime mieux quitter mon emploi. Vous allez dire : Ils sont fanatiques. Ils ne sont pas fanatiques, ils croient à ce qu'ils portent parce que ce qu'ils portent veut dire quelque chose. Et c'est là qu'on revient, au sens de l'existence qui vaut la peine d'être vécue.

Parlons de quelqu'un qui, ma foi, a le respect unanime de l'ensemble des citoyens québécois, et, s'il y en a qui n'ont pas de respect pour cette personne-là, qu'ils lèvent la main, je pense qu'il n'y en a pas beaucoup. Elle s'appelle Louise Arbour et elle déclarait des choses importantes, entre autres le 7 février 2014, parce qu'on était aussi dans des enjeux comme ça : «...il faut garder à l'esprit à quel point il est facile...» «Il est facile», on va faire ça vite, le 14 juin, on va avoir un bâillon, ça va être réglé. «...il est facile — et je cite Louise Arbour — de restreindre la liberté des autres, surtout lorsque cette initiative ne coûte rien — ne coûte rien — à celles et ceux qui la préconisent». Ne coûte rien à la majorité, et c'est ça, la Charte des droits et libertés, c'est que ça coûte aux minorités, donc on veut les protéger, parce que c'est très, très, très facile de référer à une majorité.

Je répète, Louise Arbour : «Il faut garder à l'esprit à quel point il est facile — par un coup de 23 articles dans un projet de loi, 14 juin, on a tout réglé, ça traîne, on règle ça — de restreindre la liberté des autres, surtout lorsque cette initiative ne coûte rien à celles et ceux qui la préconisent. [...]Il est facile de dénoncer le pouvoir décisionnel des juges...» Elle fait référence évidemment à on va aller en clause dérogatoire. Donc, les juges, c'est facile de dénoncer leur pouvoir «ou de tourner en ridicule les méandres des analyses juridiques. Pourtant, le concept de droit fondamental est plutôt simple — elle aurait fait une bonne politicienne. Avoir des droits, c'est un peu comme avoir un parapluie. C'est surtout utile quand il pleut.» Eh bien, voilà, la charte est utile pour protéger les minorités quand elles se sentent en danger.

Et je poursuis ce qu'elle dit : «La liberté de religion ne veut rien dire si elle est complètement — puis c'est un mot que la CAQ aime — privatisée et donc à peu près jamais menacée.» C'est surtout utile quand il pleut, le parapluie. «La liberté de religion ne veut rien dire si elle est complètement privatisée et donc à peu près jamais menacée.» «Privatisée» dans le sens d'on ramène ça... la vie privée, on ramène ça en dehors du 9 à 5. «Privatisée», M. le ministre, ce n'est pas du tout «privatisée» au sens capitaliste du terme, c'est au sens... «Privatisée» veut aussi dire : de la vie privée. «Il en va de même de tous les autres droits fondamentaux. En fait, le plus difficile dans la reconnaissance des droits, c'est de leur donner effet quand cela dérange, et plus cela dérange, plus on doit être prudent avant de les écarter.» C'est difficile, c'est exigeant, là, ce que Louise Arbour nous dit, mais c'est essentiel. «Pour bien vivre en société, il faut faire preuve d'une certaine empathie politique — "empathie", "empathie politique" — qui nous amène à véritablement voir le monde du point de vue des autres. [...]Mais, pour certaines, comme pour moi, la protection de ces acquis ne rend pas pour autant acceptable que l'on poursuive la lutte vers l'égalité en exerçant une coercition sur celles que l'on souhaite voir s'émanciper.» «On veut leur bien», autre phrase qu'on est porté à entendre, «on veut leur bien».

Alors, que Louise Arbour parle comme ça et que nous, on parle, j'oserais dire, d'autorité, et j'y reviendrai parce que le temps passe vite, mais l'autorité... Je termine sur le fameux rapport Bouchard-Taylor, que j'ai lu en long et en large, et qui se lit vraiment de façon très, très, très intéressante et même, j'oserais dire, facile : «...pourquoi penser que la personne qui porte [...] un signe religieux [serait] moins susceptible de faire preuve d'impartialité, de professionnalisme [...] de loyauté envers l'institution que la personne qui n'en porte pas? [...]pourquoi [...] penser, a priori, que ceux qui affichent leur appartenance religieuse sont moins capables de faire la part des choses que ceux dont les convictions de conscience ne sont pas extériorisées ou le sont de façon moins visible...»

Ça, c'est un immense débat de philosophes et de... qu'est-ce que l'apparence a à voir avec ce qui a entre les deux oreilles. Et c'est une équation intellectuelle que fait la CAQ, dans son projet de loi, qui, pour moi, ne tient pas la route parce que l'autorité, ce n'est pas en rapport, d'une part, avec la neutralité religieuse et ce n'est certainement pas en rapport avec la façon dont on porte ou ne porte pas de signes religieux. On peut avoir entre les deux oreilles des pensées ou un construit psychologique et social extrêmement homophobes, ça va paraître bien moins que quelqu'un qui s'affiche avec une conviction religieuse, on le sait. Et tout le monde va surveiller si elle fait du prosélytisme, etc., et il n'y a — et je termine là-dessus — jamais eu aucune plainte par rapport à ça.

Donc, c'est un construit de l'esprit que la CAQ a fait, une rhétorique des droits des majorités pour être bien sûr des droits de la majorité au Québec, pour être bien sûr qu'ils ont des sondages avec eux. Mais ils n'ont certainement pas à coeur le respect de ceux qui ont fait tant de luttes et qui sont dans les minorités. Je vais m'arrêter ici, et on reviendra plus tard. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir sur la motion inscrite par la députée de Marguerite-Bourgeoys. Dans son allocution, tout à l'heure, elle disait : On n'est que poussière et on ne quittera le monde que poussière. Et elle faisait référence au caractère chrétien de ce terme-là. Je pourrais lui proposer quelque chose de plus laïque : «Rien ne se perd, rien ne se crée, mais tout se transforme», alors, de Lavoisier, un grand scientifique français. Alors, ça pourrait aussi être une formule qu'on pourrait employer et ça revient au même.

Alors, M. le Président, on est ici parce que le Parti libéral décide de déposer une motion en lien avec le projet de loi n° 21, que j'ai déposé et dont je suis très fier parce qu'on a réussi à faire l'équilibre, M. le Président, entre les droits collectifs et les droits individuels.

Et, si on résume le projet de loi, les trois éléments importants du projet de loi, dans un premier temps, on inscrit la laïcité dans nos lois pour la première fois. Et le titre de la loi, il est éloquent, c'est la Loi sur la laïcité de l'État. Le premier article du projet de loi, je vais vous en faire la lecture, M. le Président : «L'État du Québec est laïque.» Donc, on vient inscrire formellement que les religions et l'État, c'est séparé, c'est deux choses. Il y a 50 ans environ, on l'a fait dans les faits, maintenant on le fait concrètement dans nos lois.

Deuxièmement, on vient définir c'est quoi, la laïcité de l'État. Ça repose sur quels principes? Premier principe, l'État et les religions, c'est séparé. Deuxième principe, la neutralité religieuse de l'État. Je suis convaincu que mes collègues d'en face ne seront pas en désaccord avec ce principe-là parce qu'eux-mêmes, dans le cadre du projet de loi n° 62, ils ont déposé la Loi sur la neutralité religieuse de l'État. D'ailleurs, j'utilise certains passages de la loi pour la bonifier, la loi n° 62, et je l'insère dans la Loi sur la laïcité. Donc, sur ce passage-là, je pense que les collègues d'en face vont être d'accord avec nous. Troisième critère, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes devant la loi, notamment, un des critères qui étaient dans les recommandations du rapport Bouchard-Taylor. Et, quatrièmement, M. le Président, la liberté de conscience et la liberté de religion. Ça, c'est une composante de la laïcité de l'État. Qu'est-ce que ça signifie? C'est que toutes les religions au Québec sont sur un même pied d'égalité. Donc, l'État doit traiter tous les individus qui ont des confessions religieuses distinctes sur le même pied d'égalité. On ne peut pas défavoriser ou favoriser quelqu'un qui pratique une religion ou une autre. C'est ça, le concept de la laïcité de l'État, et c'est une séparation qui est formelle.

• (15 h 30) •

Deuxième élément important dans le projet de loi, M. le Président, c'est l'interdiction de port de signes religieux pour certaines personnes qui sont en situation d'autorité, qui exercent un pouvoir de l'État, qui représentent l'État, avec des pouvoirs très particuliers. On parle de juges, de policiers, d'agents correctionnels, des gardiens de prison, de procureurs, d'enseignants, de directeurs d'école, qui représentent une figure d'autorité. Dans le rapport Bouchard-Taylor, M. le Président, on recommandait d'interdire le port de signes religieux à l'ensemble de ces personnes-là, sauf les enseignants et les directeurs d'école, qui n'étaient pas visés. Nous, à la CAQ, on a pris le rapport, on s'en est inspiré, et le contenu de la loi fait état du consensus Bouchard-Taylor. On s'en inspire, on prend ce qu'il y a dedans. Également, président, vice-présidents de l'Assemblée nationale qui ne devraient pas porter de signes religieux, on le met dans notre loi. Et on rajoute les enseignants, directeurs d'école parce que, depuis 2013, on considère, et ça a été notre position, qu'il y a un lien particulier entre les enfants, et les enseignants, et les directeurs d'école. Et on a décidé que ces personnes-là, en raison de la relation privilégiée, la relation particulière et la figure d'autorité qu'ils représentent... de les insérer également dans les personnes qui sont visées par l'interdiction de port de signes religieux. Et, il faut le dire, on interdit le port de signes religieux durant la prestation de travail. Donc, ça, c'est très clair.

Troisièmement, et ça, les collègues d'en face, je pense qu'ils vont être d'accord avec moi parce que la précédente ministre de la Justice avait déposé un projet de loi, le projet de loi n° 62, sur la neutralité religieuse de l'État qui comprenait notamment le fait de donner des services à visage découvert pour l'ensemble des fonctionnaires de l'État québécois et le fait de recevoir des services à visage découvert, et, M. le Président, j'ai inséré ça dans le projet de loi n° 21, notamment pour des questions d'identification ou de sécurité.

Alors, j'ai un projet de loi qui est applicable, qui est modéré, qui est pondéré.

La députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Écoutez, la Charte des droits et libertés de la personne, la charte québécoise, a été adoptée à l'unanimité en 1975, effectivement, par Jérôme Choquette, un de ses prédécesseurs. On salue d'ailleurs sa mémoire. À l'époque, M. Choquette, lorsqu'il a présenté la loi, il faisait état des valeurs et des principes de la société québécoise. Il rassemblait tout ça dans la Charte des droits et libertés de la personne. Il disait : Ça, là, c'est la base de la société québécoise, c'est le ciment de la société québécoise. Ce qu'on met comme valeurs, comme principes, comme valeurs sociales dans la charte, ça représente la société québécoise, et j'en suis.

Et c'est pour ça que, lorsque la députée de Marguerite-Bourgeoys nous dit : On enlève des droits... Aucunement. Les modifications que nous apportons à la Charte des droits et libertés de la personne, c'est afin de bonifier les droits de tous les Québécois, notamment en insérant un considérant dans le préambule : «Considérant l'importance fondamentale que la nation québécoise accorde à la laïcité de l'État...» On vient inscrire que la laïcité de l'État, c'est une des valeurs importantes de la société québécoise. Je ne pense pas qu'il y a personne de l'autre côté qui va dire que la laïcité de l'État, ça ne doit pas être une valeur qui est inscrite dans la charte. Ça fait consensus, ça, que la laïcité... La séparation entre l'État et les religions, est-ce qu'on est contre? Je ne crois pas. Est-ce qu'on est contre le fait que l'État soit neutre religieusement? Je ne crois pas. Et je regarde le député de Robert-Baldwin pour tenter de comprendre son propos. Je pense qu'il est d'accord avec moi sur le fait que l'État doit être neutre religieusement. D'accord. Je crois comprendre aussi que...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Je crois comprendre...

Le Vice-Président (M. Picard) : Vous parlez à moi, M. le ministre. Une seule personne a le droit de parole, s'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je tente de convaincre l'ensemble des collègues pour qu'ils puissent voter avec le gouvernement sur cette motion-là et j'ai bon espoir de rallier le député de Robert-Baldwin à mon propos suite à mon intervention.

Ainsi, M. le Président, si nous continuons, je suis convaincu aussi qu'on souhaite, du côté du Parti libéral, que les citoyens soient égaux devant la loi. C'est une des composantes de la laïcité. Et je suis convaincu aussi qu'on souhaite qu'il y ait une séparation formelle entre l'État et les religions et aussi qu'on s'assure de faire en sorte que, lorsqu'il y a un traitement avec les agents de l'État, bien, on puisse garantir la liberté de conscience et la liberté de religion.

Alors, ces quatre éléments-là, M. le Président, je suis convaincu que le Parti libéral est en accord avec ça. Et ça, ces quatre composantes-là, M. le Président, ce sont les composantes de la laïcité de l'État. Alors, en disant ça, je constate une adhésion forte, de l'autre côté, à ces principes d'inscrire la laïcité de l'État.

Alors, on donne davantage de droits, M. le Président. Également, on insère à la Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 9.1, que «les [droits et libertés] fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques», on rajoute «de la laïcité de l'État, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens.

«La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice.»

M. le Président, on rajoute des droits à la charte. On s'assure que la laïcité de l'État, la valeur de la société québécoise, soit insérée à l'intérieur de la Charte des droits et libertés de la personne. Et d'ailleurs on dit dans la motion que la charte a toujours été modifiée à l'unanimité ou suite à un large consensus. Mais, écoutez, à l'époque, en 1975, oui, la charte a été adoptée à l'unanimité, mais elle a été souvent modifiée aussi, puis il n'y avait pas l'unanimité. Et, vous savez, la charte, bien que toutes les lois doivent être conformes, les lois québécoises ici votées doivent être conformes à la charte, eh bien, celle-ci peut être modifiée. Il n'y a pas de procédure complexe de modification à la charte, comme c'est le cas pour la Charte canadienne, hein? Puis vous voyez toutes les difficultés que ça amène, la modification de la Charte canadienne ou la Constitution canadienne. Même le Québec ne l'a même pas signée. Ce n'est pas le choix du législateur québécois. On peut modifier la charte ici. On ne veut pas mettre en place un carcan.

Et ce que ça signifie, M. le Président, si on mettait un carcan, comme le souhaite la députée de Marguerite-Bourgeoys, ça voudrait dire qu'on ne pourrait pas faire avancer les valeurs du Québec, les valeurs sociales du Québec, des valeurs sociales distinctes, parce que la Cour suprême s'est prononcée là-dessus, M. le Président, récemment, en 2013, je crois, en disant qu'il y a des spécificités aux valeurs québécoises dans un jugement de la Cour suprême. On avait cette discussion-là tout à l'heure au projet de loi n° 9 aussi et on a fait ce choix-là.

Alors, la loi a été modifiée à plusieurs reprises sans que ce soit à l'unanimité. Écoutez, en 1977, on a ajouté l'orientation sexuelle comme motif de discrimination interdit à l'article 10. Ça ne s'est pas fait unanimement. On a modifié, en 2000, la loi. L'opposition officielle, à l'époque, qui était le Parti libéral, a voté contre. En 2004, l'instauration d'un programme d'égalité en emploi, le Parti québécois a voté contre. Dans la charte encore une fois, en 2005, le Parti libéral remplace l'article 41 sur le droit des parents d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, il y a des députés qui ont voté contre. Et ça, c'est un précédent parce que le Parti libéral a retiré un droit en matière religieuse, M. le Président. Le droit d'exiger des parents, dans les écoles publiques, un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions a été remplacé par le droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions. Alors, je ne pense pas avoir besoin de recevoir les leçons du Parti libéral quand eux ont retiré un droit qui était prévu à la charte, alors que moi, j'en ajoute un au niveau de la laïcité de l'État.

M. le Président, entre autres, le projet de loi, ce qu'il prévoit, c'est de s'assurer qu'une des valeurs importantes de la société québécoise, qui a été établie il y a plusieurs années, la séparation entre l'État et les religions, s'y retrouve, dans la charte.

Il y a d'autres éléments dans la motion de la députée de Marguerite-Bourgeoys, notamment quant aux processus de consultation. On nous dit : «Qu'elle reconnaisse que [le] projet de loi nécessite que les parlementaires puissent entendre en commission parlementaire les différents points de vue exprimés dans la société et qu'ils puissent par la suite en faire l'étude et l'analyse dans un délai raisonnable.» Eh bien, c'est ce que nous faisons, M. le Président.

On a déposé le projet de loi le 28 mars et nous souhaitons avoir la collaboration de l'ensemble des formations politiques — je sais qu'elle est déjà acquise de la part du Parti québécois — pour faire en sorte de cheminer rondement, dans le cadre de l'étude du projet de loi, avec les consultations. D'ailleurs, on est toujours à l'étape d'échanger les groupes que nous souhaitons entendre, mais j'ai bon espoir qu'on va réussir à pouvoir déjà annoncer à cette Assemblée et aux différents groupes qui l'Assemblée invite en commission parlementaire à venir présenter leurs mémoires. Et je souhaite que ça se fasse rapidement pour que les gens aient le temps de se préparer.

Cela étant dit, on va tenir des consultations, on va avoir l'étude détaillée du projet de loi, et moi, je suis convaincu qu'on va réussir à adopter le projet de loi d'ici la fin de la session. Mais ça, M. le Président, ça nécessite la collaboration de l'ensemble des collègues parlementaires. Et, vous savez, la date limite pour déposer un projet de loi à l'Assemblée pour qu'il soit adopté à la présente session, c'est le 15 mai. Aujourd'hui, on est le 10 avril, et j'ai déposé le projet de loi sur la laïcité un mois et demi avant la date limite des dépôts et deux mois et demi avant la date finale pour adopter les projets de loi.

On a déjà beaucoup de discussions. La collègue de Marguerite-Bourgeoys me pose une question par jour, pratiquement à toutes les périodes des questions, et donc on en discute. On va en discuter davantage amplement, on va entendre les différents groupes. Je sais qu'elle a fait ses consultations de son côté, j'ai fait mes consultations également de mon côté. Mais là les prochaines consultations qu'on va faire, on va les faire ensemble.

• (15 h 40) •

Cela étant dit, M. le Président, le projet de loi que j'ai déposé, le projet de loi n° 21, vient répondre à une situation qui a cours depuis 2007, qui vient formellement séparer l'État et les religions. Et là-dessus je ne peux pas comprendre que le Parti libéral soit contre le fait d'inscrire la laïcité de l'État dans nos lois. Honnêtement, le Parti libéral a toujours été contre le fait d'interdire le port de signes religieux à certaines personnes en situation d'autorité. Mais, vous savez, M. le Président, il ne faut pas jeter le bébé et l'eau du bain, hein? Il ne faut pas mettre tout dans le même panier. Alors, j'apprécierais recevoir du Parti libéral des explications relativement au fait que pourquoi ils sont contre la laïcité de l'État parce que les principes répondent clairement à une volonté de leur part. Sur le visage à découvert, je ne les ai pas entendus, M. le Président, non plus. D'ailleurs, j'ai repris en partie leurs propres mots dans le projet de loi de la précédente ministre de la Justice. Je ne les ai pas entendus là-dessus.

Alors, M. le Président, je suis fier d'avoir déposé ce projet de loi là et je suis convaincu qu'on va pouvoir continuer de travailler ensemble, de se poser des questions... bien, en fait, de me faire poser des questions et que je puisse y répondre à la période des questions, que les travaux parlementaires vont se tenir le plus rapidement possible et le plus rondement possible pour qu'on puisse enfin inscrire formellement la séparation de l'État et des religions dans nos lois, le principe de laïcité d'État également dans la Charte des droits et libertés de la personne, et ce, je le souhaite, de façon consensuelle.

Cela étant dit, M. le Président, je dois dire que j'apprécie le ton des débats ici, à l'Assemblée, avec la collègue de Marguerite-Bourgeoys, surtout avec les événements qu'il y a eu cours au cours des derniers jours. Je pense que ça démontre très clairement qu'on peut débattre. On est en désaccord, manifestement. Je vais tenter de convaincre la collègue. On est en désaccord sur certains points, mais on est capables de se parler dans le respect puis d'échanger des points de vue opposés sur un sujet qui est fort important, et qui est vrai, et qui est sensible pour de nombreuses personnes.

Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant M. le député de Jean-Lesage.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Une des choses les plus difficiles à faire en ce moment au Québec, c'est probablement de débattre au sujet des signes religieux. Tout le monde a ses raisons pour trouver ça difficile. Les raisons diffèrent. Tout le monde ne comprend pas tout le monde. C'est correct, c'est normal, mais tout le monde voit qu'il y a beaucoup de colère. La majorité du monde ont la mèche courte. La discussion commence, le blogue ou la publication commence à s'écrire, puis, tout de suite, on en vient aux coups de gueule, tout de suite, on se juge les uns les autres. On se juge les uns les autres, et ensuite on se juge de se juger. Et ça part dans une boucle infinie et c'est la foire d'empoigne. Chaque fois, on creuse un peu plus des fossés tout autour de nous, alors qu'on devrait bâtir des ponts et s'aimer les uns les autres. C'est plus hippie que politique, dire ça, mais j'ai l'impression que ça manque. S'aimer les uns les autres comme Québécoises, comme Québécois, là, quelle que soit notre origine, ça ne veut pas nécessairement dire se trouver sympathiques puis avoir envie de passer toutes nos vacances ensemble. Ça veut juste dire se donner une chance puis être généreux entre nous, se donner le bénéfice du doute, s'écouter et respecter nos désaccords.

Mais là on n'en est pas là parce qu'il y a trop de colère dans l'air. Je comprends que les gens... Je comprends les gens qui sont en colère. Tout le monde est sur la défensive parce que tout le monde se sent menacé pour des raisons différentes. Parmi les choses qui nous maintiennent braqués les uns contre les autres en ce moment, il y a qu'on s'apprête à limiter nos droits et libertés de manière expéditive. Le gouvernement donne l'impression que, quoiqu'on dise et quoiqu'on fasse, ça ne changera rien, son idée est faite. Quand les paroles ne servent plus à rien, c'est quoi, l'alternative? Comment se surprendre que les débats deviennent violents? Tout le monde est dans les câbles. Il n'y a pas de négociation, il n'y a pas d'écoute, juste une grosse menace, une menace qui garde son calme, une menace qui parle sur un ton égal, mais une menace quand même.

Quoiqu'il arrive à la fin de ce débat sur l'interdiction des signes religieux, ça ne sera pas durable si c'est adopté dans un contexte de débats violents. Toute liberté a une limite quelque part. La vie en société est faite comme ça. Mais, quand on limite la liberté d'une personne, il me semble qu'il faut avoir une bonne raison. La raison pour limiter les droits, là, ça ne peut pas être juste la volonté de la majorité. Limiter les libertés des gens, ce n'est pas une politique gouvernementale comme les autres. C'est plus lourd de conséquences.

Si l'expression d'une liberté menace la sécurité publique ou rend nos institutions dysfonctionnelles, alors limitons-la. Mais est-ce que c'est le cas pour le port des signes religieux chez les policières et les policiers, chez les enseignantes et les enseignants et chez toutes les autres personnes visées par le projet de loi n° 21? Cette loi vient-elle résoudre un problème réel et avéré? Pour beaucoup trop de Québécoises et de Québécois, là, ce n'est pas clair du tout. Elles se sentent menacées pour rien, sans raison. Comment voulez-vous qu'elles ne soient pas en colère? Comment peut-on garder son calme dans un contexte pareil?

Vous savez c'est quoi, le grand drame quand on est une minorité? Bien, c'est qu'on n'est pas majoritaire. Et le caractère minoritaire d'une minorité a tendance à être chronique. Et c'est pour ça qu'il y a des chartes des droits. La charte québécoise des droits et libertés de la personne, que nous avons élaborée en 1975, bien avant celle du Canada, elle sert à protéger les minorités. Protéger les minorités, c'est quelque chose qui fait partie de l'identité québécoise depuis plus longtemps que l'identité canadienne. Quand on protège les minorités, on n'est pas en train de perdre notre identité, on est simplement fidèles à nous-mêmes.

Ce qui nous fait perdre notre identité, M. le Président, là, ce qui nous canadianise, mettons, c'est de demeurer une province au Canada. C'est financer les pipelines qu'Ottawa va finir par nous passer dessus qui nous canadianise, c'est de laisser le gouvernement canadien légiférer sur nos télécommunications, lui laisser contrôler notre fleuve, c'est d'aller aux Olympiques avec ses couleurs sur le dos, le laisser parler en notre nom à l'international. C'est ça, l'aliénation qui nous guette. S'il y a une chose qui menace l'identité québécoise, c'est de laisser les autres prendre nos décisions à notre place. Il n'y a pas un peuple sur la terre qui a avantage à faire ça. Les décisions que les autres prennent à notre place nous éloignent de nous-mêmes.

Alors, si on se sent menacés par le multiculturalisme canadien, qui tend à nier le caractère distinct de la nation québécoise et l'autodétermination de tous les peuples du Québec, il ne faut pas interdire les signes religieux. Il faut faire un pays pour vrai, tous ensemble, avec les autochtones, avec les Québécoises et les Québécois de toutes les origines, sans discrimination. C'est pourquoi nous appuyons aujourd'hui la motion de l'opposition officielle. Si son application pouvait permettre un débat plus serein au sein de notre propre peuple, je pense que ce serait bon pour tout le monde. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Jean-Lesage. Je cède maintenant la parole au chef du troisième groupe d'opposition.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. En ma qualité de chef parlementaire du Parti québécois mais aussi de porte-parole en matière de laïcité, je souhaite exprimer le fond de notre pensée, de façon générale, sur cet enjeu parce que c'est de ça qu'il s'agit.

Cette motion présentée par le Parti libéral vise essentiellement à commencer le débat dès maintenant en Chambre. Avant, la commission parlementaire indiquait une position formelle, une position forte qui ne changera pas. Le Parti libéral, tout comme Québec solidaire, ne sera pas convaincu par les interventions en commission parlementaire. C'est acquis. Le ton est déjà donné. Ils sont contre la capacité du gouvernement du Québec d'intervenir sur un certain nombre de choses. Les droits collectifs, c'est de ça qu'il est question ici.

Le Parti québécois a été le premier à vouloir légiférer sur la question de la laïcité lors du gouvernement de Pauline Marois, et j'en étais membre. J'étais d'accord avec ça. Je suis toujours solidaire, d'ailleurs. Et le gouvernement de la Coalition avenir Québec a annoncé ses couleurs en campagne électorale, une volonté de régler cette question, et elle propose un projet de loi, le projet de loi n° 21, qui vise à aborder la question des signes religieux. C'est une intention qui est légitime. C'est une intention qui est nécessaire. C'est un projet de loi qui a toutes ses raisons d'être. Et notre volonté, c'est d'y collaborer pour adopter la meilleure pièce législative possible, parce qu'elle sera adoptée, et nous souhaitons qu'elle soit adoptée durant cette session parlementaire.

Ceci étant dit, si notre collaboration est acquise, ce n'est pas le cas pour notre vote, et je vous explique pourquoi.

Dans la motion proposée par le Parti libéral, on oppose un certain nombre de choses, les droits individuels aux droits collectifs ou à la nécessité nationale d'intervenir pour le mieux être ensemble. Pour le Parti libéral, ça ne me surprend pas. De tout temps, ils ont un guide des valeurs, d'ailleurs qui est inscrit, là, dans le livre de Claude Ryan qu'on remet aux nouveaux adhérents du Parti libéral, où on parle des grandes valeurs libérales, comme, par exemple, les libertés individuelles. Alors, ça, ce n'est pas une surprise pour moi. Ça fait partie du credo libéral. Quant à Québec solidaire, on en apprend davantage maintenant.

Mais, en ce qui a trait à notre position, moi, je suis d'avis qu'au Québec, société distincte, État national mais pas complet, avec notre Parlement de l'Assemblée nationale, on peut adopter un certain nombre de législations qui sont nécessaires.

• (15 h 50) •

Par exemple, ce matin, on a rappelé le 20e anniversaire du décès de Camille Laurin, le grand Camille Laurin. Mais souvenons-nous qu'à l'époque, quand est venu le temps d'adopter la loi 101, ça ne s'est pas fait avec l'unanimité, mais c'était nécessaire. En 1977, le Parti libéral a voté contre la loi 101. Ça n'a pas été rappelé, ça, ce matin. Ils ont voté contre une loi qu'ils considèrent maintenant si essentielle. Il fallait le faire, là! Il fallait entendre les propos qui étaient tenus à l'égard de Camille Laurin à l'époque. C'était odieux, M. le Président. On l'accusait de tous les maux.

Et Camille Laurin a voulu pour son peuple une loi importante, une loi qui était nécessaire pour faire en sorte que le français soit la langue officielle du Québec, que les nouveaux arrivants puissent la parler et qu'ainsi de suite les générations qui suivent puissent faire de la langue française quelque chose d'important au Québec. Moi, je suis fier de ça. C'est l'héritage de ma formation politique et c'est maintenant un héritage qui est partagé. Je n'ai entendu ce matin que des bons mots sur la loi 101, de toutes les formations politiques. J'en suis heureux.

Aujourd'hui, un gouvernement avec lequel je partage énormément de différends, notamment leur volonté obstinée de demeurer des locataires à l'intérieur du Canada, bien que je sais qu'en privé bien des députés disent : Non, ce n'est pas vraiment ça, mais, vous savez quoi, ça me permettait de me faire élire... Ça, c'est une réalité. Ils se reconnaîtront. Certains sont là présentement, d'ailleurs.

Nous, on pense qu'en matière de laïcité c'est la même chose. Qu'est-ce qui est essentiel? La primauté du français, l'égalité des hommes et des femmes, la laïcité, c'est des valeurs québécoises. Mais on ne le fait pas pour des raisons identitaires, la laïcité. Là-dessus, j'ai une critique à faire au premier ministre. Quand il dit : Ça fait partie de notre identité, non, je pense que c'est une volonté qu'on se donne d'avoir un État qui est laïque. Puis l'État, il est incarné notamment par les personnes. Alors, là-dessus, on diffère. Ça ne fait pas partie de l'identité québécoise. C'est universel, ça, la laïcité. Il y a des pays qui ont fait ça bien avant nous. On les évoque rarement, d'ailleurs. Mais c'est une nécessité, puis on est d'accord avec ça.

Ensuite, bien, s'opposent les chartes versus le rôle des parlementaires. Les parlementaires, ils sont investis d'un pouvoir important, ils peuvent légiférer. Et, si des députés ici, à l'Assemblée nationale, se disent : Vaut mieux les tribunaux, vaut mieux la charte, même dans des aspects aussi fondamentaux pour notre société, on est mal barrés, M. le Président.

Moi, je crois au pouvoir politique, je crois au pouvoir des élus d'une Assemblée nationale qui peuvent faire la différence. Alors, là-dessus, il y a des moments où il est nécessaire de légiférer. C'était nécessaire de le faire pour la loi 101. Est-ce qu'on voudrait revenir en arrière? Je ne crois pas. Est-ce qu'il est nécessaire de légiférer pour la laïcité? Bien sûr. Comment on va le faire? Avec des débats civilisés, comme on est capables de les tenir, en commission parlementaire, en Chambre, sur toutes les tribunes. C'est pour ça que nous, on va collaborer. On sera une force de collaboration, on ne sera pas une force d'obstruction, puis ça va paraître.

Ceci étant dit, il y a un test pour le gouvernement. Ce n'est pas un test de surenchère pour savoir qui va le plus loin, mais qui est le plus cohérent. Puis, à la rigueur, pas quel groupe parlementaire. Est-ce qu'au bout de l'exercice on sera satisfaits de la loi qui aura été adoptée, qu'on soit en faveur ou pas, qu'on ait obtenu ce qu'on souhaitait ou pas? Le Parti québécois va faire des propositions d'amendement pour améliorer le projet de loi, notamment sur les personnes en autorité.

Et, quand le gouvernement dit : Les enseignants, enseignantes sont en autorité, pourquoi pas les éducatrices, éducateurs en CPE? C'est quoi, la différence? Les services de garde en milieu scolaire, le gouvernement dit : On va appliquer ça en milieu scolaire, mais pas les écoles privées. Pourquoi? Réponse : Les gens vont dans les écoles privées pour les valeurs religieuses. Sans rire, là. Ça, c'est du corporatisme pur. C'est une clientèle qu'ils aiment beaucoup, les écoles privées. On va découvrir ça pendant les quatre prochaines années. Je le connais assez bien, le premier ministre. Ils ont choisi d'épargner les écoles privées. Ça, c'est le genre d'entente qui se fait. Ça ne tient pas la route, d'accord? Alors, on va proposer un amendement, puis il y aura un test de cohérence là-dessus.

Le gouvernement dit également, et ça, je pense que c'est une erreur, en début de débat, il dit... il a lui-même, là, évoqué la question de bâillon. Écoutez, M. le Président, vous le savez, j'ai été leader parlementaire, je suis très attaché à nos pratiques. C'était une erreur, ça aussi. On ne peut pas évoquer un bâillon au début du débat. C'est une admission d'échec, c'est la dernière procédure possible, là, pour faire adopter une législation. Bien sûr, on a cinq semaines pour débattre, puis il y a un nombre de groupes qui vont passer puis d'individus. Ça va être serré, mais on est capables d'y arriver. Où résiderait l'intérêt à ce qu'on prolonge cet automne? Moi, je n'en vois pas. Nous, on va être prêts à légiférer puis on va être prêts à adopter sereinement ce projet de loi là. On espère qu'il sera modifié puis on réservera notre jugement pour la fin.

Donc, j'ai des critiques à faire sur l'action du gouvernement en matière de laïcité puis je considère également que, dans ce printemps de la laïcité québécois, bien, le cours d'éthique et culture religieuse, ce n'est pas inclus dans le projet de loi, il puisse y avoir des modifications importantes dans sa partie Enseignement des religions. Puis on pourrait allez plus loin que ça.

Alors, qu'est-ce que je dis? Je dis que l'intention du Parti libéral... il ne faut pas prêter d'intentions, mais c'est de commencer le débat dès maintenant en disqualifiant d'avance, en disant : Nous, on a un veto là-dessus parce que vous n'avez pas un grand consensus, le Parti libéral n'est pas là, puis Québec solidaire n'est pas là. D'ailleurs, c'est le même veto qu'ils veulent appliquer à la réforme du mode de scrutin en disant : Ah non! Vous n'avez pas l'unanimité. Nous, on n'est pas là. Bien, s'il avait fallu attendre après le Parti libéral, on n'aurait pas de loi 101, M. le Président. Puis, s'il aurait fallu attendre après le Parti libéral, là, on n'aurait pas eu de réforme des institutions démocratiques qui fait en sorte qu'on a assaini les moeurs électorales au Québec avec Robert Burns, un autre grand du Parti québécois.

Alors, je dis aujourd'hui et je le répète haut et fort, je suis de ce côté-ci de la Chambre, mais il y a une chose que je reconnais : un gouvernement légitimement élu qui amène un projet de loi qui n'est pas révolutionnaire, mais qui indique très clairement qu'au Québec on a le droit de faire des choix, c'est légitime, c'est un débat nécessaire. Nous allons collaborer à ce projet de loi, et je trouve que cette motion m'apparaît comme une mesure qui vise à disqualifier la démarche de la Coalition avenir Québec. Et moi, je ne participerai pas à ce genre de procès qui précède l'exercice qu'on va faire en commission parlementaire.

Alors, je suis heureux de pouvoir vous livrer ma position, celle de ma formation politique, mais je ne souhaite pas participer à ce genre d'échange. Le Parti québécois va collaborer pour adopter une bonne loi, la meilleure possible. Et retenez une chose, M. le Président, le Parti québécois, sous mon leadership par intérim ou pour le reste du mandat, sera une force de collaboration, pas une force d'obstruction parce que le Québec peut, le Québec est capable et le Québec fera ses choix, et c'est les députés de l'Assemblée nationale qui vont décider, pas les tribunaux, pas les groupes de pression. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à M. le député de Rousseau.

M. Louis-Charles Thouin

M. Thouin : M. le Président, comme parlementaires, on a parfois des dossiers délicats à traiter. C'est notre rôle en tant qu'élus de représenter les citoyennes et les citoyens du Québec et de collaborer le plus possible entre partis afin de prendre des décisions le plus près possible des valeurs des Québécois et de le faire avec sensibilité.

Le parlementarisme comme nous le pratiquons présentement est un élément essentiel à toute saine démocratie. La démocratie, on le sait, ce n'est pas seulement aller aux urnes aux quatre ans. La démocratie, elle s'exerce à chaque fois que des citoyens s'expriment publiquement sur un enjeu, à chaque fois que des élus prennent le temps de les écouter. La démocratie, nous l'exerçons chaque jour ici, à l'Assemblée nationale du Québec, quand on discute avec nos collègues respectifs en caucus, quand on se rencontre pour des séances de travail, quand on se met à discuter dans un corridor entre élus de différents partis pour tenter de trouver un terrain d'entente. La démocratie, nous l'exerçons en commission parlementaire quand on rencontre des citoyens et des groupes, lorsque nous travaillons tous ensemble en étude détaillée des projets de loi. Et, bien sûr, c'est probablement ce que la population connaît le plus de notre travail, la démocratie, nous l'exerçons à chaque fois que nous entrons ici, dans le salon bleu.

Ici même s'exerce la démocratie depuis le 27 avril 1886. Avant nous, 41 législatures ont siégé dans cette salle. M. le Président, depuis 133 ans, les élus du peuple du Québec se réunissent ici pour discuter et débattre des enjeux qui concernent les Québécois. Il y en a eu, dans ce salon, des désaccords, des sujets délicats débattus, des moments où la tension était palpable. Mais, dans ce salon, il y a surtout eu, je crois, des moments fort heureux, des lois qui ont été votées et qui ont profondément changé la société québécoise et amélioré la vie des gens. Il y a eu, M. le Président, des applaudissements, des accolades et de la franche camaraderie.

• (16 heures) •

En bref, M. le Président, depuis 133 ans, ce salon bleu est devenu, tout comme le reste du Parlement, le symbole de la démocratie. Et, je crois parler pour l'ensemble de mes collègues ici présents, c'est un privilège et un honneur d'y entrer à chaque jour pour y exercer notre devoir de parlementaires. C'est ce que nous faisons aujourd'hui en discutant de cette motion présentée par la députée de Marguerite-Bourgeoys.

M. le Président, j'ai fait un long préambule sur la démocratie et sur la façon dont nous l'exerçons. Une fois cela dit, il y a des évidences. Nous allons entendre différents groupes en commission. Nous allons faire l'étude et l'analyse du projet de loi ici, à l'Assemblée nationale. Nous le faisons toujours. J'ai pu constater, M. le Président, la bonne foi de mon gouvernement lors de ces exercices où il n'est pas rare qu'un amendement inspiré par des rencontres avec des groupes consultés se glisse dans un projet de loi à l'étude et il n'est pas rare que nous ajustons en fonction des réalités de ces groupes. Mon gouvernement est conscient de l'importance de traiter avec sensibilité les différents sujets qui composent nos projets de loi. M. le Président, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys parle, justement, dans sa motion du caractère sensible du projet de loi n° 21. Je lui réponds ici que tous les élus ont des responsabilités face à un projet de loi sensible. Oui, il revient aux élus du gouvernement d'assumer leurs responsabilités et d'écouter la population. Mais cette responsabilité d'être à l'écoute ne doit pas se limiter uniquement au gouvernement, elle doit aussi être partagée par nos collègues de l'opposition, eux aussi des élus, qui doivent donc être à l'écoute des Québécois.

Depuis plus de 10 ans, la population s'est prononcée en faveur de la laïcité à maintes reprises. Il y a plus de 10 ans, après — et j'insiste sur ce fait, M. le Président — 31 jours d'audiences publiques, la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, mieux connue sous le nom de la commission Bouchard-Taylor, déposait son rapport final de 310 pages ouvrant la voie à des pistes de solution pour le Québec. Cette commission a fait couler beaucoup d'encre depuis. On en parle encore aujourd'hui comme si c'était hier. On oublie que cette commission historique est désormais âgée de plus de 10 ans tellement elle est encore proche des Québécois dans l'imaginaire national. On ne parle pas ici d'un enjeu mort, on parle d'un enjeu qui suscite toujours des débats chauds. Pourtant, depuis Bouchard-Taylor, la volonté des Québécois d'en arriver à une solution sur le plan des accommodements religieux et de la laïcité de l'État est restée lettre morte. Plusieurs tentatives d'accomplir cette volonté ont été effectuées, mais toujours sans succès. Le Parti québécois a présenté, en novembre 2013, le projet de Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement. Le gouvernement péquiste de l'époque avait refusé la main tendue de la CAQ, qui proposait une position de compromis inspirée du rapport Bouchard-Taylor, en fait la même proposition qui fait l'objet du présent projet de loi. M. le Président, nos collègues libéraux ont, eux aussi, échoué à plusieurs reprises depuis 2008 à régler ce dossier. La loi n° 62 constitue le dernier échec en liste, une loi dont l'application est actuellement en partie suspendue par les tribunaux.

La CAQ a été élue pour réussir où les autres ont échoué. Nous défendons la même position de compromis depuis 2013. L'heure est venue de poser un geste d'affirmation en faveur de la laïcité de l'État et, enfin, de tourner la page. M. le Président, après nous être dotés d'un État résolument francophone en 1977, nous allons, 42 ans plus tard, nous doter d'un État résolument laïque. Il s'agit d'une autre affirmation de notre caractère distinct à l'échelle canadienne et nord-américaine.

Dans cette motion, M. le Président, la députée affirme que «ce projet de loi nécessite que les parlementaires puissent entendre en commission parlementaire les différents points de vue exprimés dans la société et qu'ils puissent par la suite en faire l'étude et l'analyse dans un délai raisonnable». Comme je l'ai mentionné au cours des dernières minutes, depuis plus de 10 ans les Québécois ont eu maintes occasions de s'exprimer sur le sujet, et l'Assemblée nationale et les précédentes législatures ont accordé beaucoup de temps à consulter la population. Je le répète encore une fois, en 2007, M. le Président, 31 jours d'audiences pour Bouchard-Taylor, un rapport de 310 pages, 310 pages. En 2010‑2011, 90 heures pour le projet de loi sur les accommodements. En 2014, 13 journées, 70 heures pour la charte des valeurs. En 2016‑2017, 75 heures de débat sur le projet de loi n° 62. Les Québécois se sont exprimés. Les Québécois sont en faveur de la laïcité et appuient massivement le projet de loi n° 21.

En ce qui concerne le caractère sensible de ce projet de loi, j'aimerais rappeler à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys que la laïcité n'est pas un droit en soi, mais plutôt un régime d'organisation des rapports entre les religions et l'État. La laïcité telle que définie dans le cadre du projet de loi repose sur quatre principes qui devront être considérés en concordance : d'abord, la séparation de l'État et des religions; deux, la neutralité religieuse de l'État; trois, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes; et quatre, la liberté de conscience et la liberté de religion. Le modèle québécois de laïcité qui est proposé tient compte de l'histoire, tient compte des valeurs sociales et de la spécificité du Québec, notamment en privilégiant un équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels. M. le Président, avec le projet de loi, la charte québécoise sera modifiée pour inclure l'importance fondamentale que la nation québécoise accorde à laïcité et pour clarifier que les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, dont la laïcité de l'État. Ces dispositions vont notamment aider les juges à revoir leurs interprétations de la jurisprudence relative à la liberté de conscience et de religion à la lumière de ces nouvelles considérations interprétatives.

Le projet de loi traduit, certes, dans la loi le caractère distinct de la société québécoise dans l'ensemble canadien. En aucun cas, cependant, il ne s'avère antireligieux ou ne brime les droits des minorités ethnoculturelles. Le projet de loi rappelle plutôt la nécessaire interaction, au Québec, entre la laïcité de l'État et la liberté de conscience et de religion. Il n'appelle pas à une hiérarchisation des droits, mais à une complémentarité fondée sur les quatre principes de la laïcité et impose ainsi la recherche d'un point d'équilibre entre les droits individuels et l'intérêt collectif. L'un de ces quatre principes est la liberté de conscience et de religion. Cette liberté est donc une partie intégrante du concept même de laïcité. L'affirmation de la laïcité dans la charte québécoise consacre une fois de plus le Québec comme société distincte à l'échelle canadienne et nord-américaine. L'affirmation de la laïcité dans la charte québécoise consacre en définitive le droit de chacun d'exprimer ses croyances ou non croyances dans le respect de celles des autres.

M. le Président, il est prévu dans le projet de loi de faire appel à la clause dérogatoire. Je sais que la simple mention de cette clause fait frémir les membres de l'opposition. Je sais qu'ils y voient une insensibilité de la part du gouvernement. J'aimerais prendre un moment pour faire un peu de pédagogie sur cette clause parce que l'incompréhension de ce qu'elle représente contribue à nourrir les contestations envers ce projet de loi. L'utilisation des clauses de dérogation assure la capacité du Parlement de légiférer au nom de l'intérêt collectif de la population qu'il représente sans subséquemment avoir à soumettre son projet de loi à celui des juges. Un choix aussi fondamental, spécifique au Québec et qui interpelle les questions de vivre-ensemble et de cohésion sociale ne pourrait pas être arrêté, en définitive, par neuf juges de la Cour suprême du Canada, dont seulement trois sont Québécois. Il est de juridiction québécoise d'encadrer le rapport entre l'État et la religion. Le Parlement est le forum le plus apte à forger un compromis social sur cette question. L'utilisation des clauses dérogatoires est perçue à tort comme une mesure exceptionnelle. Les dispositions dérogatoires ont été utilisées plus d'une centaine de fois dans plus de 40 lois distinctes. Si ces clauses ont été inscrites dans les chartes, c'est pour qu'on les utilise. L'objectif est de mettre autant que possible la loi à l'abri de contestations judiciaires.

• (16 h 10) •

En ce qui concerne la Charte canadienne, la dérogation est valide pour une durée maximale de cinq ans et doit conséquemment être réintroduite au bout de cette période, ce que nous n'hésiterons pas à faire dans un éventuel deuxième mandat. La clause dérogatoire est un outil légitime à notre disposition. Nous ne sommes pas gênés de marcher dans les traces des Lévesque, Bourassa et autres premiers ministres qui l'ont invoquée avant nous, d'autant plus, M. le Président, que la laïcité fait partie de l'histoire du Québec. L'idée de la séparation de l'État et des églises figurait dans les demandes des Patriotes dès 1838. Le principe a, par la suite, été défendu par l'Institut canadien avec des Papineau, Dessaulles, Doutre et Buies. Plus tard, le premier ministre Adélard Godbout, soutenu par son ministre Télesphore-Damien Bouchard, défendra l'indépendance de l'État, accordera le droit de vote aux femmes et adoptera une loi sur l'instruction obligatoire. La laïcité fut aussi un des combats de la Révolution tranquille. En 1975, le Québec adopte la Charte des droits et libertés, qui reconnaît la liberté de conscience et l'égalité des religions, deux notions essentiellement laïques, et récemment la déconfessionnalisation des structures scolaires a été complétée.

M. le Président, le projet de loi n° 21 s'inscrit dans la longue marche du peuple québécois vers la laïcité de l'État. Il respecte les valeurs du Québec, notamment la fondamentale égalité hommes-femmes. M. le Président, le Québec est un État laïque, c'est un fait, son parcours historique en témoigne. Le Québec est mûr pour affirmer cette valeur fondamentale dans ses lois, et c'est ce que nous faisons.

J'ai commencé mon allocution en parlant de l'importance de la démocratie, de l'importance du travail que l'on fait. M. le Président, j'aimerais aujourd'hui que l'opposition officielle écoute aussi la population du Québec. Ce n'est pas le temps de faire des déclarations sensationnalistes, c'est le temps de travailler ensemble dans le respect pour régler ce dossier cher, très cher aux Québécois.

M. le Président, je crois qu'effectivement la Charte des droits et libertés de la personne, telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale en 1975, est assez unanime et consensuelle au Québec, pas seulement au point de vue des libertés individuelles, mais bien sur tous les points de vue. Je tiens d'ailleurs à débuter en citant l'article 3 de la partie I de la charte, car je crois qu'il s'agit du sujet vers lequel la députée de Marguerite-Bourgeoys veut nous amener. Ça va comme suit, donc : «Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.»

Je me permets également de citer l'article 10, qui se trouve à être dans le même esprit : «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.» Bien honnêtement, absolument personne à l'Assemblée nationale ne peut sous-entendre que d'autres parlementaires ne seraient pas favorables aux articles qui viennent d'être évoqués. Nous sommes tous pour l'inclusion, nous sommes tous pour l'égalité, et la liberté des individus est une valeur fondamentale que nous devrons toujours défendre en tant que société. Nous savons, ce ne sont pas toutes les sociétés dans le monde qui ont la chance d'avoir les droits dont il est question. Nous nous devons, en fait, d'être reconnaissants et conscients des privilèges que nous avons.

Par ailleurs, le projet de loi n° 21 vient baliser certaines situations conflictuelles concernant le personnel de la fonction publique pouvant se trouver en position d'autorité. Selon nous, cette proposition est tout à fait raisonnable et respectable. Il n'y a pas lieu de remettre en question nos engagements envers la Charte des droits et libertés de la personne, car tout le monde vivant au Québec est et demeurera toujours libre d'exercer sa religion. C'est pourquoi j'invite nos adversaires à se méfier de quelque forme d'exagération à laquelle ils pourraient être tentés de s'adonner, étant donné que nous sommes de bonne foi et que les gens sauront faire la différence entre ceux qui tentent de faire le débat de manière constructive et les autres qui cherchent à faire de la politique qui divise. Il s'agit d'un débat qui s'étend sur la place publique depuis plusieurs années, et notre gouvernement est celui qui a enfin le courage politique de mettre ce projet de loi de l'avant.

Je suis d'accord avec le libellé de la motion à l'effet que nous devons effectivement, en tant que parlementaires, entendre les points de vue divergents de la société afin de se faire une tête et de prendre collectivement les bonnes décisions. Toutefois, si on remonte un peu dans l'histoire, on se rend compte que les consultations publiques de la commission Bouchard-Taylor remontent déjà à plus de 10 ans. Je ne suis pas du tout d'avis que cet exercice est à reproduire. Je crois sincèrement que nous sommes à un point dans le débat où plusieurs gouvernements se sont succédé sur la question avec différentes approches et chaque gouvernement a pris le temps d'entendre à sa manière les différents points de vue.

Le processus législatif qui s'amorce avec le dépôt du projet de loi n° 21 est la dernière étape donnant suite à près d'une décennie de débats concernant les questions relatives à la laïcité au Québec. Le débat que nous avons aujourd'hui et que nous allons continuer d'avoir jusqu'à l'adoption du projet de loi est final et sans appel.

Finalement, je suis fier d'appartenir à un pays qui défend et qui défendra toujours des valeurs aussi fondamentales que le droit d'avoir les croyances religieuses de son choix, de pouvoir pratiquer et exprimer celles-ci publiquement sans jamais avoir à craindre les critiques ou les représailles des autres, un pays où nous avons en fait le droit de pratiquer une religion ou non et surtout où l'État n'impose aucune religion à ses citoyens, car il est laïque, c'est-à-dire religieusement neutre. En effet, chaque personne est libre de ses convictions et de mener sa vie comme bon lui semble, selon ses propres principes, qu'ils soient philosophiques, spirituels ou religieux. Chaque personne a le droit de penser ce qu'elle veut et de l'exprimer, et ce, même si vous êtes en désaccord avec ses propos. Vous pouvez donc exprimer les mêmes opinions que d'autres personnes ou avoir des opinions contraires. De plus, les droits dont nous bénéficions garantissent les idées et les opinions que je suis en train d'émettre à l'heure actuelle, que ce soit de manière orale, écrite, artistique, sous forme de discours ou même sous forme de manifestation, comme parfois dans ce dossier-ci. Il est légitime de manifester et de critiquer un projet de loi, c'est pourquoi il est faux d'affirmer que notre gouvernement n'est pas à l'écoute. Nous entendons et étudions les propositions des divers intervenants, tout en donnant l'opportunité à ceux qui ont des idées ou des opinions à les faire entendre dans l'espace public. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Paule Robitaille

Mme Robitaille : Bonjour, M. le Président. La motion de ma collègue aujourd'hui est importante. Ce projet de loi n° 21 qui vise à interdire le port de signes religieux pour les personnes d'autorité aura des conséquences très, très sérieuses sur la société québécoise. Ce n'est pas un projet de loi modéré, c'est un projet de loi qui enlève des droits, qui sera très difficile à appliquer. Ce sera une loi antiéconomique qui va à l'encontre de la stabilité. C'est une loi qui divise, c'est une loi qui exclut puis c'est une loi qui, ultimement, va faire fuir, fuir les immigrants, qui vont vouloir aller... en tout cas, qui ne seront pas charmés, disons-le, par le Québec dans ce sens-là. Et donc ce n'est pas une loi qui sera très, très porteuse. C'est une loi, donc, qui restreindra des droits à une minorité, qui va aller à l'encontre de la liberté de religion, et qui va faire ça avec une clause dérogatoire, et qui sera probablement passée par un bâillon. Donc, c'est très, très important d'en parler et d'en parler autant qu'on peut.

Pour nous, il n'y a pas de menace, il n'y a pas d'urgence. Puis c'est très, très important de le comprendre puis de revenir sur terre, de voir ce qui se passe sur le plancher des vaches parce que, des fois, on part dans des théories, et puis là on est complètement théoriques, on imagine des choses, et je pense qu'il faut voir, sur le terrain, ce qui se passe. Moi, je suis la députée de Bourassa-Sauvé, c'est Montréal-Nord. Il y a une énorme population immigrante et il y a une population musulmane. Et, au sein de cette population musulmane, il y a des femmes, et il y a des jeunes femmes qui ont des rêves, qui veulent devenir policières, qui veulent devenir enseignantes. Il y a aussi plusieurs enseignantes qui sont musulmanes dans Bourassa-Sauvé, et ce projet de loi là aura des conséquences directes pour ces femmes-là. Et donc il faut en parler, il faut voir qu'est-ce que ça fait pour ces femmes-là, un projet de loi comme celui-là qui, à toutes fins pratiques, est, finalement, inutile parce qu'il n'y en a pas, de menace.

• (16 h 20) •

Je vais vous raconter l'anecdote d'une jeune fille dans Bourassa-Sauvé. J'étais dans un centre communautaire pour les jeunes, le centre communautaire L'Escale, et j'étais là, et puis il y a une jeune fille avec une chevelure volumineuse noire qui vient me voir, une jolie jeune fille, intelligente, et puis elle me dit : Oh! Mme Robitaille, merci d'être intervenue à la défense des femmes qui portent le voile. Parce que c'était suite à une déclaration de la ministre des Sports et de la Condition féminine, qui avait dit que le signe religieux est un signe d'oppression, et moi, j'avais pris la parole et j'avais essayé d'expliquer comment un signe religieux n'est pas un signe d'oppression. Et alors la jeune fille vient me voir puis elle me dit : Madame, merci, merci énormément. Merci parce que ça m'a fait chaud au coeur, ce que vous avez dit, et puis c'est rare que les gens prennent la parole pour nous. Et là je la regarde puis je lui dis : Mais toi, tu ne portes pas le voile. Puis elle a dit : Non, moi, je ne porte pas le voile, mais ma mère le porte, et puis, à chaque jour, ma mère, bien, elle reçoit des insultes, et puis c'est difficile pour elle. Vous ne pouvez pas imaginer comment c'est difficile pour elle, parce que les gens ne comprennent pas. Et vous, quand vous sortez puis vous expliquez, bien, ça fait toute la différence et puis ça nous touche énormément. Et donc ça m'a fait chaud au coeur puis ça m'a rendue tout émue parce que j'ai vu que, sur le terrain, on parle, on parle, nous, les politiciens, mais, dans la vraie vie, il y a des gens qui écopent, il y a des gens qui vivent les conséquences, des fois, des décisions qu'on prend, nous. Et donc, j'ai vu que c'est important, justement, que la réalité est autre que ce qu'on peut s'imaginer parfois.

Je vais vous amener un autre exemple, un exemple important, parce que cette femme-là m'a aidé à comprendre mieux ce qu'était l'importance de vivre sa foi en portant un voile, et c'est important de comprendre. Je passe du temps là-dessus parce que, justement, on ne peut pas enlever son voile comme ça puis décider d'aller travailler. Des fois, ça fait partie de l'individu, le signe religieux fait partie de l'individu. Moi, j'ai deux garçons, et, quand ils étaient petits, c'étaient des pestes, c'étaient des terreurs. Alors, toutes les gardiennes qui venaient chez nous étaient découragées et nous, on rentrait le soir, mon mari et moi, et la maison était toute à l'envers. Alors, j'ai décidé d'aller chercher l'artillerie lourde et j'ai demandé à la chef des surveillantes de l'école de mes fils si elle voulait venir garder chez nous. Et la surveillante a dit : Pas de problème, j'adore vos fils, je vais venir chez vous. Alors là, j'ai fait : Ouf! Ouf! Ouf! Enfin, il y a quelqu'un qui va me permettre de sortir, puis je vais revenir chez nous, puis la maison va être en ordre. Et cette femme-là, c'était une Algérienne — c'est toujours une Algérienne — qui porte le voile et qui est très pratiquante. C'est une femme qui est divorcée. Ses parents étaient agnostiques, ne pratiquaient pas vraiment, et elle, en venant au Québec, a redécouvert la foi et a commencé à porter le foulard. Et avec elle, on a eu des discussions incroyables. Et elle gardait les enfants, puis elle faisait la prière, tout ça, et les enfants ont vécu avec elle, elle a travaillé chez nous pendant huit ans. Et elle fait partie, maintenant, de la famille. C'est un peu la tante, c'est un peu ma soeur spirituelle. Et elle a vraiment déconstruit les préjugés qu'on avait de tout ce qui était musulman. Et cette femme-là, si cette femme-là ne pouvait pas enseigner, si cette femme-là ne peut enseigner, c'est une injustice flagrante. Une femme comme celle-là devrait pouvoir donner à la société québécoise.

Et donc je pense qu'il y a une incompréhension. Je pense qu'on aurait avantage à essayer de comprendre un peu plus et puis de voir que, finalement, ces femmes-là ne vont pas faire du prosélytisme, ne vont pas convertir les étudiants. Vous savez, moi, à l'école, c'est des soeurs qui m'ont enseigné, et puis, vous voyez, je ne suis pas devenue une bonne soeur du tout, du tout. Et donc c'est très, très important de se ramener à ça, de comprendre ça.

Et donc ce débat-là est fondamental, M. le Président. De là l'importance de garder les pieds sur terre, de garder en tête que ce projet de loi aura des répercussions directes sur des individus, des femmes musulmanes notamment, sur le droit fondamental à la liberté de vivre sa religion. Il faut garder en tête que ce projet de loi, M. le Président, changera l'image du Québec. Bien plus, la société québécoise est une société d'immigration, une société d'accueil. Avec ce projet de loi qui divise, qui est tout sauf inclusif, ce sont les bases mêmes de notre société qui sont en jeu, et donc c'est très, très important de faire un débat comme il se doit. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, en vous indiquant qu'il vous reste 5 min 30 s.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Merci, M. le Président. On lit des commentaires, ces jours-ci, en lien avec le projet de loi n° 21 qui cassent du sucre sur le dos des chartes des droits. Certaines personnes dans les milieux nationalistes et indépendantistes ont en effet une opinion très négative des chartes. Or, la Charte canadienne n'est pas la même chose que la charte québécoise. J'aimerais donc profiter des quelques minutes qui sont offertes pour expliquer la différence entre les deux chartes et en quoi la charte québécoise est plus intéressante, et plus généreuse, et qu'elle devrait être une source de fierté pour les nationalistes et indépendantistes du Québec.

La Charte canadienne existe depuis 1982, on le sait bien. Elle s'applique sur le territoire canadien et fait partie de la Constitution. Elle a été adoptée dans le cadre du rapatriement de cette Constitution, et donc de la fameuse et triste «nuit des longs couteaux». Même si le Québec n'a jamais ratifié la Constitution canadienne, la charte est maintenant enchâssée dans la Constitution et elle s'applique quand même ici, chez nous, au Québec.

La charte québécoise, elle, a été adoptée en 1975, donc plusieurs années avant la Charte canadienne. Elle n'est pas enchâssée dans la constitution québécoise parce qu'on n'en a pas ici, de constitution québécoise, principalement en raison du fait qu'on n'est pas encore un pays. La charte québécoise a quand même préséance sur les autres lois adoptées à l'Assemblée nationale, même si on n'a pas encore de constitution. J'insiste encore une fois sur le fait que la charte québécoise a été adoptée avant la Charte canadienne. Il faut donc célébrer, par exemple, le fait que le Québec a été la première région d'Amérique du Nord à avoir interdit, en 1978, la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Comme les juristes fédéraux se sont largement inspirés de la charte québécoise pour rédiger la nouvelle Charte canadienne, le contenu des deux chartes est assez semblable, mais il y a quand même des différences de fond et de forme entre les deux documents. Sur le fond, la charte québécoise couvre plus de personnes. Alors que la Charte canadienne ne couvre que les rapports entre l'État et les individus, la charte québécoise, elle, couvre, en plus, les rapports entre les individus. Ça fait en sorte, par exemple, que, si une personne en quête de logement est discriminée sur la base de son orientation sexuelle, de son sexe, de sa religion ou de sa condition sociale, par exemple, elle peut faire une plainte en fonction de la charte québécoise, mais elle ne pourrait pas faire une plainte en fonction de la Charte canadienne.

Sur la forme, maintenant, la plus importante différence concerne la manière de modifier la charte. La Charte canadienne est très difficile à modifier. Il faut en effet passer par la formule 7-50, c'est-à-dire avoir l'approbation de sept provinces comptant pour au moins 50 % de la population du Canada. C'est très complexe et, dans les faits, ça rend très difficile l'expression de la collectivité québécoise. À l'autre extrême, la charte québécoise est peut-être un peu trop facile à modifier. Un simple vote à majorité ici, au salon bleu, peut revenir jouer dans les droits fondamentaux des Québécois et Québécoises. Un maigre 63 députés suffit pour retirer des droits à l'entièreté du Québec. Ce n'est pas banal.

Alors qu'on s'apprête à voter une loi qui va faire en sorte de nommer le directeur de l'UPAC, de la SQ et du DPCP aux deux tiers des membres de l'Assemblée, c'est quand même ironique de voir que le gouvernement de la CAQ s'enligne pour modifier la charte québécoise à simple majorité et peut-être même sous bâillon. Même si QS est d'accord sur le fond avec la modification à la charte prévue par le projet de loi n° 21, nous croyons en effet que de le faire à la majorité simple de cette Assemblée est une avenue glissante qu'il faut à tout prix éviter. Lorsque le Québec sera un pays, on aura l'opportunité de réviser le contenu de la charte québécoise pour renforcer l'application de certains droits ou pour en ajouter des nouveaux. On pourra faire ça dans le cadre d'une nouvelle constitution de la république du Québec. Ce sera aussi l'occasion de prévoir un mécanisme de modification de la charte québécoise pour qu'on puisse la réviser plus facilement que la Charte canadienne, mais tout en ayant un cran de sûreté plus solide qu'un simple vote majoritaire ici, au salon bleu.

En conclusion, la protection des droits prévue dans la charte québécoise est et devrait être une source de fierté pour l'ensemble des Québécois et Québécoises, particulièrement les nationalistes et les indépendantistes. Et, dans le cadre du présent débat et des autres à venir, je nous invite, tout un chacun, à cesser de parler de la charte à Trudeau, la Charte canadienne, et à davantage chérir, défendre et mettre en valeur notre charte québécoise des droits et libertés de la personne. Merci, M. le Président.

• (16 h 30) •

Le Vice-Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Je cède la parole à M. le député de Portneuf.

M. Vincent Caron

M. Caron : Merci, M. le Président. M. le Président, la Loi sur la laïcité de l'État que notre gouvernement désire voir adoptée n'est pas l'aboutissement d'une consultation populaire, ses opposants ont bien raison là-dessus. Au lieu d'une démarche supplémentaire prétendant posséder la science infuse de ce qui compose le désir personnel des 8 millions d'habitants de cette province, il symbolise l'essence même des valeurs du Québec. Ces valeurs, nous les vivons, toutes et tous, au quotidien et nous voulons que chaque citoyen chasse... sache, pardon, qu'elles sont également codifiées. Pour y parvenir, nous choisissons la manière la plus simple, celle du mandat décisionnel qui nous est conféré par la population, que nous, députés, représentons.

M. le Président, nous ne sommes pas ici cet après-midi pour discuter en détail du contenu, du fond, des détails du projet de loi, nous sommes ici pour défendre son existence. Ce projet de loi constitue un enjeu de société dans son essence avant même qu'il soit question de débattre de ce qu'il contient. Ce projet de loi se discutera, se révisera, se défendra. Nous avons le temps de le faire. Ce dont nous parlons ici, M. le Président, c'est du fait que nous ne pouvons pas différer éternellement la date de son adoption.

Ce projet de loi, M. le Président, constitue un véritable enjeu de société. Le débat sur la laïcité est probablement l'un de ceux qui préoccupent le plus les Québécois et les Québécoises actuellement. Ce débat a lieu depuis des années. C'est à ce débat que la commission Bouchard-Taylor avait déjà tenté de répondre en 2008. Ça fait plus de 10 ans. Et, en 10 ans, qu'avons-nous fait, qu'ont fait nos opposants politiques? Rien de concret. Qu'ont fait les libéraux, les péquistes lorsque, tour à tour, ils étaient au pouvoir? Rien, M. le Président. Des tentatives avortées, des questions sans réponse, de grandes idées, de grandes intentions, mais aucune action. Les Québécois et les Québécoises attendent des réponses depuis trop longtemps. Or, personne n'a répondu à l'appel, n'a même daigné donner la moindre explication. Ce projet de loi, c'est enfin une réponse, c'est la réponse qu'attendent nos concitoyennes et concitoyens.

Le principe de la laïcité est un principe important du monde occidental, et personne ne peut contester ce point. Même nos adversaires politiques sont d'accord sur ce principe. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un simple principe, mais d'un véritable pilier. Le problème, M. le Président, ne réside pas dans la reconnaissance de ce principe de laïcité, mais bien dans son application pratique. Ce défi pratique, c'est à ça que tente de répondre notre nouveau gouvernement par l'adoption de ce projet de loi. Il s'agit aujourd'hui d'apporter des réponses concrètes, des solutions pratiques afin de trouver les moyens de faire respecter un principe qui rejoint toutes nos concitoyennes et tous nos concitoyens. M. le Président, la laïcité n'est pas un débat québécois, elle est un débat mondial, et particulièrement dans le monde occidental, en Europe, aux États-Unis.

Désormais, de très nombreux pays sont confrontés à la question du vivre-ensemble. Or, le vivre-ensemble, M. le Président, c'est l'assurance qu'on puisse être respecté dans ce que l'on est, mais aussi dans ce auquel on croit. Le Québec est désormais une province aux cultures plurielles, aux valeurs plurielles, aux enjeux pluriels. Or, quelle est la seule manière de s'assurer que tous les Québécois et les Québécoises puissent être respectés dans leurs valeurs et dans leurs croyances? C'est de leur permettre d'être considérés, toutes et tous, sans exception, peu importe qu'ils croient ou qu'ils ne croient pas, peu importe qu'ils pratiquent ou qu'ils ne pratiquent pas, peu importe qu'ils ont envie de s'exprimer ou pas, et pour cela, M. le Président, il faut leur garantir un État qui les protège, qui, en affirmant de telles valeurs, s'engage à les respecter, finalement un État juste, un État laïque.

Cependant, dans le domaine du vivre-ensemble, le Québec a toujours fait office de précurseur, il a toujours été un exemple pour les autres provinces, pour les autres pays. C'est le Québec qui, parmi les premiers, s'est prononcé pour défendre le droit au mariage libre pour toutes et tous, c'est le Québec qui, aux côtés du Manitoba, a été la première province canadienne à se préoccuper de l'indemnisation de ses victimes, cela, M. le Président, parce que le Québec défend depuis toujours les valeurs de la liberté mais aussi celles de l'égalité. Mais, M. le Président, la liberté et l'égalité ne vont jamais l'une sans l'autre, elles sont les deux piliers d'un même édifice social. À laisser s'exprimer les libertés, on touche en plein coeur le droit à l'égalité. À imposer à tous l'égalité, on restreint pour toujours la liberté. Ce projet de loi tient compte de l'équilibre délicat sur lequel doivent reposer ces deux principes, M. le Président. Il est la proposition qui permet, en considérant les nécessaires libertés, de garantir le respect de l'égalité au Québec.

Mme la Présidente, la motion présentée par la députée de Marguerite-Bourgeoys n'est pas conforme à la réalité, et c'est bien dommage. Certains propos relatés dans les médias déforment la portée, les modalités et même le principe intégral au texte du projet de loi n° 21. Le libellé de la motion dont nous débattons aujourd'hui forcerait le gouvernement à prétendre pouvoir prédire le futur. La volonté du peuple québécois se traduit par la légitimité que possèdent au Parlement les députés, qui représentent tous les citoyens. Je fais partie de ces gens, qui ont le devoir démocratique de se faire la voix du peuple. J'ai l'honneur de parler au nom des Portneuvois, qui me disent sans cesse : Ne lâchez pas. J'ai à coeur leurs intérêts politiques, qu'ils aient décidé de m'appuyer aux urnes ou non. Nous devons donc faire confiance au processus démocratique auquel nous avons tous choisi de nous conformer. Certes, certaines modifications au règlement de l'Assemblée nationale peuvent être effectuées de temps à autre afin de faciliter et d'accommoder le processus législatif à de nouvelles réalités. Ce que propose ici la députée de Marguerite-Bourgeoys, par contre, serait de faire fi d'un mécanisme dont nous nous sommes dotés, en tant que parlementaires, afin de bien transporter la volonté du peuple.

Nous croyons sincèrement en la qualité intrinsèque de notre projet de loi sur la laïcité de l'État, nous ne comptons pas reculer. Mme la Présidente, la motion d'aujourd'hui comprend le mot «bâillon». Spécifiquement, et je cite, «elle demande au gouvernement caquiste de permettre aux parlementaires de procéder à l'étude du projet de loi n° 21, sans imposer un bâillon législatif à la fin de la présente session parlementaire».

Premièrement, depuis le début de la 42e législature, l'opposition utilise le syntagme «gouvernement caquiste», encore et encore, lorsqu'il veut parler de notre gouvernement, le gouvernement de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Il n'y a rien de péjoratif à l'adjectif «caquiste», bien au contraire, mais il serait plus juste pour nos collègues des groupes parlementaires formant les oppositions de simplement désigner le gouvernement par ce mot. Qu'ils désirent y adjoindre une quelconque épithète, c'est leur choix. Un jour, prochainement, on l'espère, nos collègues réaliseront que le nouveau gouvernement est également le leur et que, s'ils perpétuent un discours de division partisane, ils ne font qu'encourager le morcellement de la confiance des citoyens envers leurs représentants élus et favorisent, malheureusement, l'apathie.

Cela dit, Mme la Présidente, bien que la forme de la motion pourrait être davantage critiquée, attardons-nous, un instant, sur son fond. Nous comprenons que la députée de Marguerite-Bourgeoys, au nom de sa formation politique, le Parti libéral du Québec, associe le concept de procédure d'exception à quelque chose de nécessairement négatif, puisqu'elle propose de ne pas y recourir. Il est évident que tous les groupes parlementaires privilégient l'harmonie et le consensus. Aucun gouvernement, par le passé, n'avait comme objectif initial une dérogation pour faire avancer efficacement l'agenda législatif. Tous préféraient l'approche, au départ, d'un dialogue aboutissant à un consentement unanime, et votre nouveau gouvernement n'y fait pas exception.

Dans un monde idéal, nous serions en mesure de dialoguer entre parlementaires et d'entendre les groupes invités à venir se prononcer sur les enjeux du projet de loi en commission parlementaire. C'est encore notre but. Les commissions parlementaires sont l'endroit tout désigné pour débattre, dans le fond, de chaque initiative législative article par article, et le Québec détient un fort historique de temps passé en commission. Ceci ne changera pas. Comme l'a déjà répété à maintes reprises le leader du gouvernement, toutes les parties prenantes agissent de bonne foi dans l'étude de chaque projet de loi.

Il est, par contre, particulier, Mme la Présidente, que l'on discute aujourd'hui d'une éventualité future, alors que les députés n'ont même pas encore eu l'occasion de s'asseoir en commission parlementaire pour échanger sur le projet de loi. Le libellé de la motion présume donc d'une situation qui, bien qu'envisageable au niveau de la procédure parlementaire, est très loin d'être une certitude.

• (16 h 40) •

En parlant des procédures prévues au règlement de l'Assemblée nationale, il faut prendre avec beaucoup de prudence cette mesure, car ce qu'il est convenu d'appeler un bâillon est une interpellation d'une démarche de l'Exécutif. Par exemple, la tenue d'une séance extraordinaire pour l'adoption d'un projet de loi en dehors du calendrier, en dehors des règles et procédures habituelles, mais d'un commun accord entre les partis ne pourrait pas être considérée comme un bâillon.

Mme la Présidente, je vous souligne à titre indicatif seulement que, depuis 1985, le Parti québécois a eu recours à cette mesure 70 fois. Le Parti libéral du Québec, quant à lui, a eu recours à cette procédure 85 fois.

L'estimée collègue de l'opposition auteure de la motion d'aujourd'hui est membre d'un parti qui a utilisé un bâillon 85 fois dans l'ère moderne de l'Assemblée nationale, depuis que nous avions apporté des changements au règlement au milieu des années 1980. Ceci, Mme la Présidente, ce sont les faits. Ces chiffres ont été vérifiés par le Service de recherche de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, qui a accès à toutes les sources officielles et les documents statistiques. Nous ne porterons pas de jugement de valeur sur le nombre de cas de procédure d'exception. Nous nous contentons de vous dire que nous privilégions les procédés habituels, qui recherchent le consensus. Les analystes politiques auront la chance de commander... de commenter, pardon, ce que l'ancien gouvernement a fait lorsqu'il fut confronté à l'adoption de projets de loi à la fin de l'échéancier, et c'est leur prérogative. Nous avons décidé, en avril 2019, il y a exactement 10 ans, de modifier le règlement afin d'empêcher qu'une multitude de projets de loi soient adoptés par procédure législative d'exception. Depuis ce temps, un seul projet de loi peut être lié par mesure. Peut-être que la députée de Marguerite-Bourgeoys sera amenée à se prononcer sur les raisons derrière les 85 fois où le bâillon fut exposé par les libéraux dans le passé récent, mais je ne saurais commander... commenter, pardon, le futur proche.

Nous avons choisi d'exclure l'influence de la religion des lois démocratiques dont nous nous prémunissons. Par exemple, le droit à l'avortement a subi et continue de subir des pressions de la part des détracteurs religieux, et auparavant c'était l'accès aux contraceptifs. Il serait désormais hors de question que nous revenions sur la loi autorisant, par exemple, l'interruption volontaire de grossesse. Cela en va du respect et de l'égalité de la femme et du principe de laïcité, qui est déjà en place dans l'aspect des soins de santé. Nous voulons l'étendre formellement à toutes les sphères du gouvernement.

Mme la Présidente, l'État a un devoir de neutralité. Tout le monde est bien d'accord, ce principe nous est hérité du siècle des Lumières, et personne n'oserait contredire son fondement. Et, les interdictions, tout le monde les connaît. On en vit à chaque jour, des interdictions. Pourquoi voudrions-nous en ajouter? Pourquoi le gouvernement voudrait-il enfreindre nos droits et libertés? Vous avez sûrement entendu ces arguments. L'opposition les ressasse ici, en Chambre, et ils sont distribués sur les médias sociaux. Certaines personnes s'imaginent donc à tort que nous n'avons rien de mieux à faire que d'entraver activement le loisir des gens. C'est faux, c'est complètement faux.

La mondialisation et le contexte actuel font qu'il est désormais essentiel que nous mettions à l'écrit ces principes. Nous voyons que des pays beaucoup plus populeux que le nôtre ont déjà légiféré en ce sens — la France, la Belgique et la Suisse, par exemple. Nous possédons des lois et des politiques publiques qui sont en place dans le but d'empêcher des discours haineux et toute forme de répression ou de persécution des minorités. Nous avons légiféré afin de nous prémunir contre la discrimination dans le monde du travail. Votre gouvernement vous défend ardemment et entendra toujours le faire. Pour y arriver, des balises sont en place pour que chacun et chacune sachent ce que la collectivité attend de l'individu.

Certes, les libertés individuelles demeureront à jamais au centre de nos préoccupations. Il a été démontré par des fins penseurs politiques modernes que ces libertés individuelles ne sont pas à l'opposé de notre pensée libérale, y compris au sens «multiculturalisme». Les droits individuels ne sont pas incompatibles avec les principes fondamentaux de notre société, Mme la Présidente. La laïcité de l'État en fait partie.

Je vous disais un peu plus tôt que le concept de neutralité, lorsque nous parlions de l'État, pouvait paraître flou pour certains. Le signifié de ce mot, pour reprendre la distinction sémantique qu'en fait Fernand de Saussure en linguistique, possède un sens pour tous les locuteurs du français. Ce concept de neutralité existe dans nos têtes, qu'il se retrouve ou non physiquement dans la réalité, et est déterminé en opposition avec les autres concepts. Nous pouvons ainsi déduire qu'au concept de neutralité, qui se veut, par définition, un effacement ou la non-promotion de quelque motif, nous pouvons y apposer un concept tel que la partialité ou encore l'ingérence, le parti pris.

Nous voulons prouver hors de tout doute que notre gouvernement s'efforce d'être au-delà de tout soupçon. Nous avons la responsabilité indéniable d'être impartiaux et de prendre les meilleures décisions au nom du peuple.

Voici un exemple probant pour bien situer le concept de neutralité. Imaginez un enfant, il peut être catholique, musulman, Juif, bouddhiste, hindou. Il peut être athée aussi, car la laïcité englobe aussi les athées. Elle se veut neutre, encore une fois. Elle ne fait pas la promotion d'une religion en particulier, mais elle ne l'interdit pas non plus dans la sphère privée. Alors, prenez cet enfant, qui est exposé, en grandissant, à une religion particulière. Lorsqu'il va à l'école publique, cet endroit représente pour l'enfant un lieu d'émancipation où aucun signe ne devrait lui faire croire que l'État supporte une religion en faveur d'une autre.

La neutralité, bien qu'elle soit en retrait, vu l'obligation qu'elle a à ne pas prendre part à la partisanerie, se doit d'agir concrètement pour être préservée. Mme la Présidente, le but n'est pas d'évacuer la personnalité propre des individus de la sphère publique. Nous ne voulons aucunement édulcorer la société pour créer un État robotique. Nous devons composer avec les identités multiples des membres qui composent nos communautés et qui prennent part à la fonction publique. Ce que nous désirons promouvoir se veut un compromis par lequel une distinction nette existe entre la responsabilité de neutralité religieuse de l'État québécois, et c'est l'individualité de ses représentants.

Le désir de la majorité des Québécois et des Québécoises est d'aller de l'avant dans ce dossier. Il serait contre leur volonté que d'éviter indéfiniment l'attente qui précéderait l'adoption, en Chambre, de ce projet, édifiant pour le collectif de la société du Québec. Loin de moi l'idée de présumer de l'intention de mes collègues ou de vouloir prédire le résultat d'un... le résultat, pardon, éventuel d'un vote sur ce projet de loi tel que nous le connaissons actuellement.

À l'opposé de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, donc, je ne prétends pas connaître le futur. J'espère uniquement que nous ne retournerons pas vers le passé. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Alors, je suis prête à reconnaître un autre intervenant. Pour votre information, il restait seulement quelques secondes.

Alors, je peux tout de suite passer maintenant au droit de réplique de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. La parole est à vous.

Mme Hélène David (réplique)

Mme David : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, malheureusement, je ne me souviens plus du nom de la circonscription du député qui vient de parler.

Une voix : ...

Mme David : Portneuf. Ah! oui, Portneuf, où il y a la maison de Mme Plamondon. J'étais allée à l'inauguration, avec Luc Plamondon, dont on célèbre évidemment Starmania... On va essayer d'avoir un peu de divertissement dans ce dossier quand même très sérieux, très lourd. J'ai pris tellement de notes et j'ai tellement été citée souvent comme députée de Marguerite-Bourgeoys par le député de Portneuf que je n'ai jamais aussi souvent entendu, effectivement, «la députée de Marguerite-Bourgeoys». Alors, ça m'a donné le goût de revenir à quelque chose.

Pensez-y deux secondes, Mme la Présidente. «La députée de Marguerite-Bourgeoys». Alors, qui est Marguerite Bourgeoys? Alors, j'ai seulement un petit 10 minutes puis je veux dire plein d'autres choses. Mais, comme par hasard, elle est née en 1620. Elle a immigré à ce qu'on appelait, à l'époque, Ville-Marie, qui est devenu Montréal. Elle est morte en 1700. Et savez-vous quoi, Mme la Présidente? Elle a été la première enseignante au Québec, la première enseignante. Il faut le faire! On parle d'enseignement, on parle d'enlever des droits. Et je vous supplie de faire le Google. Écoutez-moi, faites semblant de m'écouter, mais soyez sur vos appareils comme d'habitude — bien, on l'est tous — et puis allez faire «Marguerite Bourgeoys». Vous avez une photo, évidemment, d'une religieuse avec la cornette, avec l'énorme croix, mais ça a été la première religieuse tellement célébrée qu'on l'a béatifiée, d'une part, et que nous, au Québec, on en a fait le nom d'une circonscription dont je suis la députée. Ce n'est pas extraordinaire, ça? Je suis tellement fière. Et c'est le legs, soyons sérieux, c'est le legs religieux, qu'on le veuille ou pas, tout le monde est d'accord. Il y a un crucifix au-dessus de votre tête, Mme la Présidente, je l'ai dit. Mais, si les religieuses n'avaient pas été là, on n'aurait pas eu nécessairement de système d'éducation puis, savez-vous quoi?, on n'aurait pas eu de système de santé non plus.

• (16 h 50) •

Alors, je suis la fière, oui, M. le député, la fière députée de Marguerite-Bourgeoys, qui est une femme en plus. Et la première députée femme au Québec a été Claire Kirkland-Casgrain, en 1961. Elle était députée de quoi?, de la circonscription de Marguerite-Bourgeoys. Alors, je pense qu'on parle de femmes et je pense qu'on parle de femmes aussi dans ce projet de loi là, mais vraiment on parle très sérieusement de femmes.

Et le député de Portneuf... puis là ne croyez pas que je veux seulement parler de ce qu'il a dit, mais quand même, c'était tellement gros de parler du droit à l'avortement, qui était équivalent à un droit à la laïcité. Moi, je vais redire les choses de l'autre façon. Le droit à l'avortement a été tellement chaudement gagné par des luttes des femmes pour leurs propres corps... et décider elles-mêmes — et là on peut dire «sans la présence de l'Église, sans la présence du mari» : Mon corps, mon choix. C'est en ce moment, d'ailleurs, le thème de la Fédération des femmes du Québec, Mon corps, mon choix. Alors, d'oser faire une comparaison intellectuelle entre le droit à l'avortement et la perte de droits qu'on s'apprête à faire envers les femmes — le droit de s'habiller et de porter ce qu'elles veulent — c'est inimaginable intellectuellement. Alors, je demande un peu de rigueur intellectuelle, tout comme quand on dit : Non, non, non, on ne veut pas évacuer la personnalité des individus.

Je pense que j'ai passé beaucoup de temps, dans le premier 23 minutes où j'ai parlé, à dire : La religion fait partie de la personnalité de... La CAQ aime beaucoup le mot «identité». La religion fait partie de notre identité quand nous avons une religion particulière à laquelle nous adhérons, tout comme on a d'autres valeurs, d'autres croyances, d'autres spiritualités qui font partie de notre identité. Alors, oui, on évacue une partie de la personnalité de l'individu quand on lui demande, entre 9 heures et 5 heures, de devenir supposément laïque, parce que, là, on se retrouve avec un débat énorme, énorme. Et même la cheffe de la deuxième opposition, d'autres qui ont parlé de laïcité n'arrêtent pas parler de laïcité, de laïcité de l'État. On en est, pour la laïcité de l'État. Ce n'est pas ça dont il est question. C'est d'oser faire une équation entre la laïcité de l'État et la laïcité individuelle. Ce n'est pas la même chose du tout, du tout. Alors, quand on parle de chartes des droits et libertés, de droits des minorités, on parle de laïcité, ou non, individuelle. Ce n'est pas la même chose. Donc, le raisonnement qui prévaut est assez, je dirais, tordu.

«L'État laïque passe par les personnes», a dit un intervenant. Comment définit-on une personne laïque? C'est quoi, ça, une personne laïque? Ça n'existe pas. Un État laïque, ça existe, puis on pourrait prendre toutes les minutes qui restent pour dire c'est quoi, mais on ne les prendra pas. Mais on sait que ça existe, un État laïque. Mais est-ce qu'il y a un continuum d'une personne religieuse qui s'en va tranquillement vers une personne laïque? Et pire que ça : le ministre de l'Immigration a dit : On va les laisser cheminer. Il était à la TV, il a dit ça : On va les laisser cheminer. Savez-vous quoi? Dans les pires moments de l'oppression des femmes par les hommes, on disait — les hommes : Bon, elles vont finir par comprendre qu'elles doivent rester à la maison pour s'occuper de nous, pour l'éducation des enfants. Les hommes savaient quoi penser au nom des femmes. Alors, j'avais l'impression que le ministre, en tout respect, disait : Je vais leur permettre de prendre le temps de réaliser, de cheminer, que la laïcité, c'est d'être laïques elles-mêmes — ce qui ne veut rien dire, théoriquement — va être la lumière au bout du tunnel, et qu'elles verront je ne sais pas quoi à la fin, un Québec extraordinaire.

Ça ne tient pas, intellectuellement, la route et c'est ça qui me dérange. Comment peut-on créer une formule intellectuelle qui affirme que l'État laïque passe par la personne laïque? Ça ne tient pas la route, puis je ne suis pas la seule à le dire, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens qui écrivent ça. Pourquoi le marqueur social de la laïcité de l'État passerait par le port individuel d'un signe religieux? Le marqueur social de l'État ne passe pas par un marqueur individuel. Ça ne tient pas la route, ça aussi. Puis je vais pouvoir vous dire, dans les dernières minutes, quand même des gens qui sont bien plus connaissants que moi.

Et puis je vais continuer sur celui qui, depuis quelques jours, revient à la charge et donne sa position : je parle de Gérard Bouchard. Le 9 avril, il parlait d'un débat cadenassé — «cadenassé», c'est un cadenas — d'un débat fermé, une absence de compromis qui pourrait conduire «à une adoption du projet de loi sous le bâillon — là, ce n'est pas la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est Gérard Bouchard qui parle de ça, un projet de loi sous le bâillon — et à une relance du débat», alors que tout le monde pense que, le 15 juin, on aura tous cheminé, que la vie va être extraordinaire, que la laïcité va être partout, que la religion va rester dans nos salons, dans nos sous-sols puis dans notre douche. Ça ne sera pas le cas. Je ne veux pas décevoir personne. Et Gérard Bouchard dit : «...[la] relance du débat pour quelques années encore.» Pauvres vous, c'est bien dommage, mais c'est là pour rester.

Gérard Bouchard continue, il dit : Pour faire un projet de loi qui altère ou supprime des droits — hein, on parle d'ajouter des droits, on n'ajoute pas des droits, ce n'est pas vrai, on supprime des droits — il faut avoir un fondement plus solide. «Selon lui, le projet de loi du gouvernement Legault, qui invoquera des dispositions de dérogation pour le soustraire à des articles des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, ne s'appuie pas sur des "données rigoureuses".» Alors, on en parle, des données. Le premier ministre a été questionné pas plus tard que ce matin : Sur quelles données vous basez-vous pour dire des choses qui sont difficilement applicables ? Alors, «on entend, par exemple — et je continue M. Bouchard — que les femmes qui portent le hidjab pratiquent le prosélytisme auprès des élèves — voyons donc! qu'il y a un lien de cause à effet entre les deux, ça n'a aucun bon sens — que le seul fait de porter le hidjab est une forme d'endoctrinement, que ça peut traumatiser les élèves». Bon Dieu!, justement. Bon Dieu! Nos enfants, on les protège, supposément, de tout. Il y a une différence entre les protéger en leur demandant de mettre un casque de ski, quand ils font du ski, pour pas qu'ils se fassent des commotions cérébrales et l'ouverture à la diversité. Ce n'est pas du tout sur le même niveau. Alors, il dit : «Mais rien de [ça] n'a été prouvé — cet endoctrinement. Il n'y a jamais eu d'études pour appuyer ces assertions.» C'est quand même celui qui a écrit le rapport dit Bouchard-Taylor, qui était supposé être le consensus, mais, c'est drôle, là, on a juste ajouté, juste ajouté les enseignants et, oserons-nous dire, les enseignantes, parce que c'est de ça dont il est question.

Alors, Mme la Présidente, je suis très heureuse, avec mes collègues et même avec les collègues des autres partis, qu'on ait ce débat. Je sais qu'il y en a qui trouvent qu'on est un peu trop vite, qu'on en parle trop. On en parlera jamais trop, parce qu'aux yeux de ceux qui vont perdre ces droits-là c'est un très grave jour pour la société du Québec. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Je vais maintenant mettre aux voix la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse l'importance de la Charte des droits et libertés de la personne, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975;

«Qu'elle reconnaisse qu'il a toujours été dans nos pratiques de modifier la charte québécoise des droits et libertés de la personne à l'unanimité ou à la suite d'un large consensus au sein de notre Assemblée;

«Qu'elle reconnaisse le caractère sensible du projet de loi n° 21, présenté le 28 mars dernier par le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, qui notamment restreint la liberté de religion de certaines personnes;

«Qu'elle reconnaisse que ce projet de loi nécessite que les parlementaires puissent entendre en commission parlementaire les différents points de vue exprimés dans la société et qu'ils puissent par la suite en faire l'étude et l'analyse dans un délai raisonnable;

«Qu'enfin, elle demande au gouvernement caquiste de permettre aux parlementaires de procéder à l'étude du projet de loi n° 21, sans imposer un bâillon législatif à la fin de la présente session parlementaire.»

Cette motion est-elle adoptée ? Mme la députée de Verdun.

Mme Melançon : Je vous demanderais, s'il vous plaît, d'appeler un vote par appel nominal.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : M. le leader du gouvernement.

M. Schneeberger : Oui. Mme la Présidente, je vous demanderais de reporter le vote lors de notre prochaine période des affaires courantes, c'est-à-dire demain, jeudi.

Vote reporté

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le leader adjoint.

Alors, conformément à la demande du leader adjoint du gouvernement, le vote sur la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys sera tenu à la période des affaires courantes de demain.

Pour la suite des choses, M. le leader adjoint du gouvernement.

• (17 heures) •

M. Schneeberger : Alors, Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 5 du feuilleton.

Projet de loi n° 13

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, à l'article 5 du feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 13, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? M. le ministre des Finances, la parole est à vous.

M. Eric Girard

M. Girard (Groulx) : Merci, Mme la Présidente. Je soumets à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 13, intitulé Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives.

Ce projet de loi, Mme la Présidente, a été présenté le 26 février 2019. Il modifie 28 lois et six règlements, dont la Loi sur les impôts, la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec et la Loi sur la taxe de vente du Québec. Il donne suite principalement à des mesures fiscales annoncées lors des discours sur le budget du 27 mars 2018 et du 28 mars 2017, et donc du gouvernement précédent. Même s'il peut sembler singulier que nous présentions un projet de loi qui touche au budget d'un autre gouvernement, il est nécessaire de le faire pour que soient inscrites, dans les lois, les mesures annoncées et qui sont, dans les faits, déjà en vigueur. Il donne également suite à des mesures fiscales annoncées à l'occasion du point sur la situation économique et financière du Québec, présenté le 3 décembre 2018, ainsi que dans divers bulletins d'information.

Mme la Présidente, ce projet de loi modifie la Loi sur les impôts afin d'y modifier ou d'y introduire plusieurs mesures fiscales propres au Québec. Ces mesures sont regroupées en différents sujets. Je ne vous en ferai pas la présentation, de tous les sujets, aujourd'hui, à plus forte raison qu'elles ne sont pas toutes issues de nos actions, mais permettez-moi d'en souligner quelques-unes.

Il y a, notamment : dans le cadre du crédit d'impôt remboursable pour le soutien aux enfants, lequel devient le crédit d'impôt accordant une allocation aux familles, la bonification du montant maximal pour les deuxième et troisième enfants et l'assouplissement des critères d'admissibilité au supplément pour enfants handicapés nécessitant des soins exceptionnels;

2° l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable pour le soutien aux aînés;

3° la bonification de certains crédits d'impôt visant à améliorer la qualité de vie des aînés, tel que le crédit d'impôt pour les travailleurs d'expérience;

4° la bonification des crédits d'impôt remboursables pour les aidants naturels d'une personne majeure;

5° la bonification des crédits d'impôt remboursables visant l'incitation au travail, soit le bouclier fiscal, le crédit d'impôt attribuant une prime au travail et le crédit d'impôt pour frais de garde;

6° la bonification du crédit d'impôt remboursable pour stage en milieu de travail;

7° l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable pour encourager la formation des travailleurs en emploi dans les petites et moyennes entreprises.

Ce projet de loi modifie aussi la Loi sur les impôts, la Loi concernant les paramètres sectoriels de certaines mesures fiscales et la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec afin de bonifier les congés fiscaux pour la réalisation de grands projets d'investissement.

Ce projet de loi modifie aussi la Loi sur les impôts et la Loi sur l'administration fiscale afin de mettre en oeuvre certaines mesures du plan d'action pour assurer l'équité fiscale, notamment en matière de lutte aux planifications fiscales agressives.

Par ailleurs, ce projet de loi modifie la Loi sur les impôts et la Loi sur la taxe de vente du Québec afin d'y apporter des modifications semblables à celles qui ont été apportées à la législation fédérale.

Enfin, ce projet de loi apporte des modifications à caractère technique, de concordance ou de terminologie à diverses lois.

Je vais m'abstenir d'énumérer les autres mesures contenues dans le projet de loi n° 13, puisque ses notes explicatives en font état et que nous aurons l'occasion de l'examiner plus en détail en commission parlementaire.

J'invite donc, Mme la Présidente, les membres de cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 13.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le ministre. Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Carlos J. Leitão

M. Leitão : Très bien, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, nous voilà, oui, à l'adoption du principe du projet de loi n° 13, un projet de loi qui est volumineux, donc, que nous aurons le plaisir de discuter en commission parlementaire.

Alors, il s'agit d'un projet de loi fiscal, c'est-à-dire un projet de loi qui modifie les lois fiscales existantes conformément aux mesures fiscales contenues dans le budget ou dans les budgets. Et, dans ce cas-ci, comme M. le ministre l'a mentionné, ce sont des mesures fiscales comprises dans au moins deux budgets, deux excellents budgets, je dirais, du 27 mars 2018 et du 28 mars 2017, ainsi qu'aussi d'une bonne mise à jour économique de décembre 2018. Alors, bon, puisqu'un bon nombre de ces mesures proviennent de ces budgets-là, je vais quand même prendre un peu de temps pour parler un peu de ces mesures-là, pas toutes les mesures parce que ce serait beaucoup de temps. Parce que, un, juste ça, c'est juste... un de ces budgets était assez volumineux aussi. On ne va pas faire tout ça aujourd'hui. Mais, quand même, quelques mesures que je trouve qui sont dignes de mention.

D'abord, donc, le crédit d'impôt remboursable pour soutien aux enfants. C'est très intéressant, ce qui a été fait avec ce crédit d'impôt, parce que deux amendements ou deux changements ont été apportés. Un, c'est d'établir, bon, le montant maximal pour le deuxième et troisième enfant, très bien, mais aussi un supplément de 100 $ qui est déjà en vigueur, donc, les familles l'ont déjà reçu, de 100 $ par enfant pour l'achat de fournitures scolaires. Donc, c'était un enjeu qui nous a été mentionné plusieurs fois avant, oui, la hausse du coût des fournitures scolaires. Et un des moyens d'essayer d'amoindrir un peu le coût de cette facture, ça a été de mettre en place ce crédit d'impôt, ce supplément de 100 $ par enfant en âge scolaire. Et donc cela, je pense que ça a été très bien reçu. C'est déjà en vigueur, mais il s'agit maintenant de le codifier dans nos lois.

Aussi, pour ce crédit d'impôt, et je lui dis ça parce que c'est maintenant beaucoup dans les médias, dans les nouvelles, nous avions déjà, à l'époque, procédé à un certain assouplissement des critères d'admissibilité au supplément pour enfant handicapé nécessitant des soins exceptionnels. Donc, c'est un programme qui avait été mis en place. Évidemment, comme tout nouveau programme, il faut avoir des critères. Bon, on s'est rendu compte que ces critères n'étaient pas très souples et donc on avait déjà, en mars 2018, procédé à un certain nombre d'assouplissements de ces critères-là. Et j'ai l'impression que le gouvernement actuel a aussi l'intention d'aller encore plus loin dans ce processus. Parce qu'en effet c'est un programme qui était nécessaire, qui est nécessaire. Il a été mis en place, il était administré, donc, par Retraite Québec. Ce sont des spécialistes, des médecins qui établissent les critères, ce n'est pas le politique et c'est très bien comme ça. Donc, il faut le codifier, il faut tracer une ligne. Évidemment, quand on trace une ligne, il y a toujours des personnes qui peuvent rester juste à côté de la ligne, et il n'y avait pas beaucoup de capacité d'adapter, donc... procéder à un certain assouplissement, mais je comprends bien qu'il faut aller plus loin et j'ai l'impression que le gouvernement actuel veut aussi aller plus loin.

Un autre crédit d'impôt qui a été amélioré, qui a été bonifié, c'est le crédit d'impôt pour les travailleurs d'expérience, et ça, Mme la Présidente, c'est très important, parce qu'un des enjeux que nous avons au Québec, c'est justement un taux de participation au marché du travail des personnes de 60 ans et plus qui est nettement inférieur à celui de nos voisins, particulièrement en Ontario, mais ailleurs en Amérique du Nord. Et donc, si on peut trouver des moyens qui font en sorte qu'on a un plus grand nombre de personnes de ces groupes d'âge là qui restent ou qui reviennent sur le marché du travail, je pense que ce serait très utile qu'on le fasse.

Et, justement, dans le budget de mars 2018, c'est là où on avait mis cela en place, c'est très bien et donc c'est une bonification de ce crédit d'impôt. C'est quand même des montants importants, c'est 32 millions de dollars cette année, l'année passée, 2018‑2019, et puis 30 millions... à peu près 30 millions par année, et je pense que c'était quelque chose, quand même, d'important et significatif. Parce que là on parle... donc, ça peut arriver à 5 000 $ pour un travailleur âgé de 62 ans, même 7 000 $ pour un travailleur âgé de 63 ans, 9 000 $ pour un travailleur âgé de 64 ans et 11 000 $ pour un travailleur âgé de 65 ans. Donc, surtout pour les travailleurs plus âgés, c'est certainement... ce sont des montants intéressants. Ce sont des montants qui, à notre avis, peuvent constituer l'incitatif nécessaire à ce que ces personnes-là puissent revenir ou rester sur le marché du travail. Donc, c'était une mesure qui était très attendue et, je pense, aussi très efficace.

• (17 h 10) •

Dans ce même crédit d'impôt et dans ce même ordre d'idées aussi, on a bonifié un crédit d'impôt remboursable visant l'incitation au travail. C'est le fameux bouclier fiscal. Le bouclier fiscal qui avait été mis en place par le gouvernement précédent, par notre gouvernement, c'était une mesure fiscale qui faisait en sorte que... les travailleurs au bas de l'échelle, souvent, quand ils recevaient une augmentation salariale, cette augmentation salariale là était pratiquement totalement absorbée par une hausse du taux d'imposition, parce qu'ils passaient à un taux d'imposition plus élevé. Et ce qui était surtout pénalisant, c'est que des personnes, donc, au bas de l'échelle et qui avaient droit à certains transferts sociofiscaux, de l'aide gouvernementale, bon, perdaient cette aide aussi, ces avantages aussi. Alors, une augmentation de salaire, en fin de compte, se trouverait à être pénalisante, parce qu'au bout de la ligne, en termes de revenus disponibles, cette personne-là se trouvait soit à la même place ou alors même avec moins d'argent net. Alors, en mettant en place le bouclier fiscal, ce bouclier fiscal là protège une partie de cette hausse salariale pour que le revenu disponible augmente réellement. Et donc cela aussi, c'était mis en place déjà avant et puis ça a été bonifié, ça a été amélioré dans le budget de mars 2018, et donc c'est aussi une mesure que je pense qui était très bonne et qui a été maintenue, et donc cela est très bien.

D'autres choses, Mme la Présidente. Aussi, on a mis en place, dans ce budget, un crédit d'impôt non remboursable pour l'achat d'une première maison. Bon, c'est relativement modeste. On parle ici d'un maximum, je pense, de 750 $. Mais c'est quand même très utile parce que, souvent, quand on achète une première maison, il y a toujours des dépenses qu'on n'a pas tout à fait bien prévues, que ce soient les frais de notaire, que ce soient les frais d'évaluation de la propriété, etc. Et donc c'est ces dépenses-là qui peuvent constituer des surprises pour les acheteurs de maison. Et, alors là, avec ce crédit d'impôt, le montant est modeste. Bien sûr, 750 $, ce n'est pas énorme, mais cela... Il y a un programme fédéral équivalent. Donc là, on parle de 1 500 $ les deux ensemble. Bon, ça commence à être intéressant. Et c'est une mesure pour faciliter l'achat d'une première maison, pour faire face à ces dépenses qui souvent ne sont pas prises en considération.

Il y avait aussi des mesures dans le budget, qui sont dans le projet de loi, concernant le fonds Capital régional et coopératif Desjardins. Je pense, c'est important parce que ce fonds-là, c'est un fonds, donc, qui est investi et géré par le Mouvement Desjardins, et qui vise le développement économique régional, et qui a un très bon succès. Évidemment, ce fonds-là, il y a certains avantages de nature fiscale. C'est pour ça que les citoyens peuvent investir dans ce fonds-là. Et là il y avait plusieurs problèmes ou questions opérationnelles qui rendaient ce fonds moins attrayant, ce qui serait dommage, parce que le fonds a atteint une vitesse de croisière qui est très bonne et qui, donc, contribue vraiment au développement économique régional. Et c'était utile de procéder à ces ajustements pour qu'il puisse continuer à aller chercher de l'épargne des particuliers, et qui soit investie de façon très proactive et très efficace dans le développement économique régional. Une bonne façon pour l'État de participer aussi à cet effort.

Aussi, bon, on en a beaucoup parlé, on continue de parler encore de cela, un autre crédit d'impôt remboursable pour la transformation numérique de la presse écrite. Nous sommes tous au courant que la presse écrite, surtout la presse régionale mais la presse écrite en général, fait face à des défis importants, fait face à des enjeux vraiment de nature quasi existentielle. Et donc, si l'État peut apporter un certain soutien à la transformation numérique, cela pourra contribuer à les pérenniser. Et donc je pense que la mesure qui a été mise en place va dans cette direction et je pense qu'elle a été aussi bien accueillie par l'industrie.

On continue. Et on a, donc, aussi changé la Loi sur les impôts et la Régie de l'assurance maladie. Ce dont on parle ici, c'est tout simplement, tout simplement mais ce n'est pas si simple que ça, donc, la diminution du FSS. C'est quoi, le FSS, Mme la Présidente? Bon, c'est le fonds de santé et services sociaux. Donc, c'est une taxe. C'est une taxe sur la masse salariale des entreprises. Et nous savons tous qu'une taxe sur la masse salariale, c'est une taxe qui est très dommageable pour n'importe quelle entreprise, grande ou petite. Mais, pour les PME, c'est particulièrement dommageable parce que ce que cela veut dire, c'est que cette entreprise-là... C'est une taxe par tête de pipe, donc par personne, par employé, donc ça décourage l'emploi, et une taxe qui doit être payée avant même que l'entreprise puisse générer quelque profit que ce soit. Alors, c'est souhaitable de baisser cette taxe sur la masse salariale. D'ailleurs, c'est aussi une taxe où le Québec se distingue de ses voisins, malheureusement. C'est beaucoup plus élevé ici, au Québec, les taxes sur la masse salariale, que dans la province voisine de l'Ontario, par exemple, ou ailleurs au Canada.

Donc, c'est une taxe qui est mauvaise, qui ne donne pas les bons incitatifs à l'emploi et qui est plus élevée qu'ailleurs. Donc, si on peut la réduire, on doit le faire, et c'est ce que nous avons fait avec le budget de mars 2018. Et ce n'est quand même pas insignifiant, Mme la Présidente, parce que, donc, on avait déjà commencé la réduction et là on a continué, et c'est quand même 155 millions de dollars l'année passée. Cette année, 2019‑2020, on va atteindre presque 200 millions de dollars, et ça, c'est dans l'allégement fiscal direct pour les PME du Québec, et on cible cette réduction du FSS aux PME, pas aux grandes entreprises, 228 millions l'année prochaine, etc.

Donc, c'est quand même une mesure intéressante qui s'ajoute aussi à une réduction graduelle, qui continue, du taux d'imposition des PME. Donc, les PME québécoises, avec les mesures mises en place depuis les dernières années, font maintenant face à une charge fiscale qui commence à être assez compétitive avec ce qui se fait ailleurs au Canada et surtout avec ce qui se fait dans la province voisine. Et donc, là aussi, c'est un pas dans la bonne direction pour stimuler l'investissement et la création d'emplois partout au Québec.

Une petite mesure, mais qui était très importante, ça nous avait été mentionné par plusieurs personnes, et je pense qu'on l'a fait... On aurait dû le faire avant. Je pense que, oui, on aurait dû le faire avant, mais, bon, on l'a fait, donc, l'année passée, c'est l'admissibilité des allocations de sécurité du revenu de retraite versées aux vétérans des forces canadiennes, donc de rendre ça admissible au fractionnement du revenu de retraite entre conjoints et au crédit d'impôt pour revenu de retraite. C'est une mesure qui est déjà en vigueur ailleurs au Canada, mais qu'au Québec ce n'était pas le cas. Et là, bon, on le rend aussi... et je pense que les vétérans des forces canadiennes... les Québécois vétérans des forces canadiennes avaient aussi le droit de pouvoir bénéficier de ce même crédit d'impôt, de cette même facilité de fractionner le revenu que les vétérans ailleurs au Canada. Donc, on l'a fait. On aurait dû le faire avant, mais, bon, on l'a fait, et donc c'était très bien.

Donc, voilà, c'est un projet de loi fiscale qui comporte beaucoup plus de mesures que ça. J'ai juste mentionné celles qui, à mon avis, sont les plus intéressantes et les plus importantes. Bien sûr, comme un très grand nombre de ces mesures étaient contenues dans les deux derniers budgets, évidemment... et comme c'étaient majoritairement des mesures que nous avions mises en place, ça ne serait pas une surprise que je vous dise, Mme la Présidente, que nous sommes en faveur de ce projet de loi et que nous allons voter pour ce projet de loi. Merci beaucoup.

• (17 h 20) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je reconnais la parole au député de Rosemont.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Chers collègues, alors, on se lance aujourd'hui dans l'étude du p.l. n° 13, qu'on nomme p.l. n° 13 dans le jargon. On pourrait tout aussi bien renommer ce projet de loi XXL 13, étant donné la taille extra, extra large. Il y a quoi, 623 articles... 663 articles, pardon, là-dedans. Je sais que c'est une pratique à laquelle on nous a habitués et j'ai vu passer quelques-uns de ces projets de loi XXL dans mon ancienne vie de journaliste.

Je ne peux pas passer sous silence, par contre, mon étonnement face à de tels projets de loi omnibus qu'on nous demande d'adopter sans grande consultation. Il me semble que cette façon de faire devrait être revue. On appelle parfois ce type de projet de loi des projets de loi mammouth. Un mammouth, c'est comme un éléphant, ça se mange une bouchée à la fois. Dans ce cas-ci, on voudrait qu'on l'avale rapidement, d'un coup, ce qui est nécessairement indigeste.

Non pas que tout soit mauvais là-dedans, au contraire. Mais, au-delà des difficultés de traitement d'analyse, une telle brique de 663 articles, souvent cryptiques, on nous force à nous positionner en même temps sur un ensemble d'éléments disparates avec lesquels on peut être bien d'accord dans certains cas, fortement en désaccord dans d'autres.

Par exemple, je cite quelques bons éléments du projet de loi n° 13, notamment la bonification des crédits d'impôt remboursables pour les aidants naturels d'une personne majeure. Évidemment, lorsqu'une personne devient aidant naturel auprès d'une personne ayant des besoins d'assistance, cela a souvent une influence financière. On a vu tellement d'histoires dans les médias là-dessus. Il est donc juste qu'on lui donne ou qu'on lui donne à elle un coup de main pour compenser un peu.

Autre exemple, la bonification temporaire du crédit d'impôt remboursable pour les titulaires d'un permis de chauffeur de taxi. C'est dans l'actualité, ça aussi. Évidemment, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'après le coup de Jarnac que les chauffeurs de taxi et les propriétaires de... titulaires de permis sont en train de subir, c'est bien la moindre des choses que l'on pouvait faire pour eux.

Je poursuis sur les notes positives, la détaxation de la naloxone pour le traitement d'une surdose aux opioïdes. Malheureusement, Mme la Présidente, au Québec comme ailleurs dans le monde, la crise des opioïdes sévit et fait des ravages dans nos communautés. La naloxone, qui agit en quelque chose comme antidote, permet de sauver des vies. Il est donc juste d'en favoriser la diffusion et d'en diminuer le coût en ne taxant pas ce produit. On dit souvent à la blague que, dans la vie, il y a deux choses qu'on ne pourra pas éviter, c'est-à-dire les taxes et la mort. Taxer la survie dans ce contexte avait donc un côté un peu cynique.

Je poursuis sur la note positive, l'instauration d'un crédit d'impôt remboursable pour la transformation numérique de la presse écrite, un sujet, vous l'aurez compris, qui me tient à coeur un peu plus que les autres. On le sait, la presse écrite fait face à toutes sortes de bouleversements dans le cadre de la révolution numérique. On peut dire bien des choses des médias, et des journalistes, et même des chroniqueurs, mais je pense qu'on sera tous d'accord pour reconnaître le rôle indispensable qu'ils jouent en démocratie. On ne peut donc que souscrire à une telle aide permettant de maintenir un minimum de diversité de voix dans l'espace public. J'en fais une affaire personnelle, j'en ai déjà parlé au ministre et je ferai un suivi diligent. Le collègue de Robert-Baldwin parlait, tout à l'heure, d'une crise existentielle dans les médias du Québec. Je confirme que, dans toutes les salles de rédaction du Québec, mes anciens collègues se posent de lourdes questions existentielles et depuis déjà un bon moment.

Alors, comme nous le disions, tout n'est pas mauvais dans ce projet de loi. Cependant, ce dernier comporte, par ailleurs, certaines mesures avec lesquelles nous ne pouvons être d'accord.

Ce projet a notamment pour effet de modifier la Loi sur les impôts et la loi sur la Régie de la... maladie du Québec afin d'uniformiser les taux d'imposition des PME et de prévoir la réduction graduelle du taux de cotisation des employeurs au Fonds des services de santé pour l'ensemble des PME. Qu'on se comprenne bien, comme je l'ai dit hier, on considère que les PME sont le poumon économique du Québec, constituent le maillage de notre tissu économique. Elles doivent faire, donc, l'objet d'une fiscalité soutenable. Mais elle doit également être équitable, chacun au Québec doit faire sa part. Or, les recettes de l'impôt des sociétés devraient diminuer cette année de 5,8 %, alors que celles de l'impôt des particuliers va augmenter de 4 %. Ça, ça veut dire que la proportion des impôts des sociétés par rapport à celle des particuliers continue de diminuer. L'équité fiscale, Mme la Présidente, ça veut aussi dire qu'il faut être à même de moduler selon les secteurs et la taille des entreprises. Une entreprise de huit employés et une entreprise de 450 employés, ce n'est évidemment pas la même chose. Un taux uniforme n'en tient pas compte.

Ce projet de loi contient également la reconduction et la bonification de crédits d'impôt remboursables visant à encourager la création de nouvelles sociétés de services financiers. Bref, un nouveau cadeau corporatif dont la nécessité et le rapport coûts-bénéfices ne nous a pas été démontré, dans un secteur qui, on en conviendra, participe davantage du problème que de la solution et qui tire très bien son épingle du jeu tout seul. En effet, l'économie casino-capitaliste telle qu'on la connaît n'est pas sans lien avec la crise médiatique, sur laquelle on n'a de cesse d'interpeler le gouvernement. Il ne faut pas compter sur nous pour jouer passivement dans ce film-là.

Je signale au passage, Mme la Présidente, que l'expression économie casino ou climat casino n'est pas de moi. Elle vient notamment de l'économiste William Nordhaus, prix Nobel d'économie de 2018 et prof émérite à Yale, Yale, qui n'est pas exactement un centre de rééducation marxiste.

Cerise sur le sundae, Mme la Présidente, ce projet de loi prévoit également la réduction des taux de taxe compensatoires des institutions financières. Dans le cas du crédit d'impôt dont je viens de parler juste avant, il y avait au moins, bien que ça n'a pas été démontré, l'idée que ça puisse entraîner la création de nouvelles entreprises et, surtout, de nouveaux emplois. Dans le cas de cette baisse de taxes, il s'agit, encore là, d'un cadeau fait aux banques et aux compagnies d'assurance. À terme, ça pourra représenter des dizaines de millions de dollars à des institutions qui font déjà, on va s'entendre là-dessus, des profits mirobolants, plus de 40 milliards de dollars, juste pour les six grandes banques canadiennes.

Cette mesure avait été annoncée par un ministre libéral et elle est aujourd'hui reconduite par un ministre caquiste. Ça met bien en lumière une chose : au-delà des divergences de vues mises en évidence aujourd'hui, dans le cadre des débats identitaires, la CAQ et le PLQ, c'est souvent blanc bonnet, bonnet blanc devant la haute finance — vous comprendrez que nous ne sommes pas de cet avis — et ce, au détriment même des services publics, de l'environnement et, au final, de nos concitoyens, Mme la Présidente.

Ainsi, tant en considération des problèmes liés à la passation même d'un omnibus, dont j'ai parlé au début de mon intervention, qu'en considération de ce qui précède, nous voterons contre, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je reconnais la parole au député de René-Lévesque.

M. Martin Ouellet

M. Ouellet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, à mon tour de prendre la parole sur l'adoption de principe du p.l. n° 13. Dans ce projet de loi, Mme la Présidente, on retrouve des mesures relatives au budget de 2017 du gouvernement libéral, 2018 du gouvernement libéral et aussi de la mise à jour économique du gouvernement de la Coalition avenir Québec récemment élu.

Bref, Mme la Présidente, dans ce projet de loi là, il y a coexistence d'harmonie parfaite entre la CAQ et les libéraux. Alors, j'ai la preuve que ça peut fonctionner ici, au salon bleu, Mme la Présidente. Et j'espère qu'on le verra de plus en plus pour le bien-être de nos travaux.

Trêve de plaisanteries, Mme la Présidente, à l'intérieur de cette pièce législative, il y a, effectivement, plusieurs mesures, qui, si on les prend à la pièce, peuvent sembler intéressantes pour les Québécois, les Québécoises. Quand on les regarde une à une, si on les décortiquait, pour la plupart, on pourrait être pour, pour notre formation politique; dans certains cas, on pourrait contre. Mais, globalement, ce qu'il faut comprendre, Mme la Présidente, c'est que ces mesures-là viennent aussi... venaient, plutôt, à l'époque, avec un budget, avec une vision économique, avec une vision fiscale. Et ça, Mme la Présidente, les citoyens, citoyennes ne l'ont pas oubliée, cette vision-là de 2017, on surfait encore sur les mesures d'austérité, et le budget de 2018, le retour des plaines verdoyantes en vue de l'élection, et la mise à jour économique, les surplus accumulés, et les difficiles décisions de la Coalition avenir Québec de faire des choix qui allaient avoir un impact sur les services des Québécois, Québécoises.

Donc, Mme la Présidente, vous ne serez pas surprise si je vous dis que, lorsqu'on va faire l'étude article par article de ce projet de loi là, nous allons effectivement poser des questions judicieuses sur les impacts réels qu'auront ces modifications-là pour les contribuables du Québec, pour les familles du Québec, pour les entreprises du Québec, pour les différents secteurs d'activité qui seront touchés à l'intérieur de cette pièce législative.

Mais vous serez d'avis, Mme la Présidente, que nous allons garder en tête aussi dans quel contexte ces mesures-là sont apparues et quels sacrifices, dans certains cas, les citoyens et citoyennes du Québec ont dû faire pour voir apparaître ces différentes mesures, en 2017, en 2018 et lors de la mise à jour économique de décembre 2018.

• (17 h 30) •

Cela étant dit, Mme la Présidente, je ne m'attarderai pas très longtemps puisqu'on a beaucoup de travail à faire, beaucoup de questions à poser en commission parlementaire. On va le faire de façon judicieuse, nous allons travailler promptement. Parce que je suis convaincu que la plupart des Québécois, Québécoises qui trouvent intéressantes plusieurs mesures à l'intérieur veulent les voir appliquées le plus rapidement possible, donc ils vont s'attendre à ce que les législateurs puissent, effectivement, les mettre en pratique le plus rapidement possible.

Donc, pour toutes ces raisons, Mme la Présidente, nous avons hâte de se lancer en consultations particulières... pas en consultations particulières, pardon, mais en étude détaillée, pour aller dans les fins détails de chacune de ces mesures-là.

Mais vous comprendrez, Mme la Présidente, que, sur ce principe, et pour les raisons que ces mesures prises une par une relèvent de décisions fiscales et économiques des anciens gouvernements, nous allons sûrement être contre ce principe. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je suis prête à reconnaître un autre intervenant. M. le ministre... Non? Aucun autre intervenant?

Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 13, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Verdun.

Mme Melançon : J'aurais besoin d'une suspension, Mme la Présidente, pour quelques instants, on m'indique qu'on a besoin d'une suspension quelques instants, s'il vous plaît.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Bien, écoutez, est-ce qu'on peut terminer... On peut terminer, peut-être, là. J'ai demandé si le projet de loi n° 13 était adopté. Nous pouvons terminer ça. Après ça, on suspendra les travaux?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Parfait. Alors, cette motion est adoptée sur division.

Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 32)

(Reprise à 17 h 33)

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : ...pour la suite des choses.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui, exactement, M. le leader adjoint. Vous étiez rendu à la motion de renvoi à la commission. Alors, je vous laisse la parole.

M. Schneeberger : Oui, bien, je viens de la faire, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Refais-la.

Renvoi à la Commission des finances publiques

M. Schneeberger : Alors, Mme la Présidente, on reprend. Conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion afin que le projet de loi n° 13, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, soit déféré à la Commission des finances publiques pour son étude détaillée.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Motion adoptée. Maintenant, Mme la députée de Verdun, est-ce que vous avez toujours besoin de suspendre les travaux?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ça va?

Mme Melançon : ...le député est arrivé.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : M. le leader adjoint du gouvernement, pour la suite des travaux.

M. Schneeberger : Alors, Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 3 du feuilleton.

Projet de loi n° 6

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, pour l'article 3 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt, aujourd'hui, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 6, Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale. Y a-t-il des interventions? M. le leader.

M. Marc Tanguay (suite)

M. Tanguay : Le leader?

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Excusez-moi!

M. Tanguay : Le député de LaFontaine.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Excusez-moi. Je pourrais vous aider un peu.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Allez-y. La parole est à vous.

M. Tanguay : Oui. Ah! Mme la Présidente, heureux de savoir maintenant que mon collègue de Montmorency a fait un adepte de la banquette libérale. Alors, nous n'aurons pas de petites victoires, Mme la Présidente, et nous allons tout prendre.

Et, vous savez, ce matin, j'ai eu l'occasion d'entretenir mes collègues sur notre position quant au projet de loi n° 6, et est arrivé 13 heures, et nous avons dû suspendre. Mais il me restait des choses à dire. C'était important pour moi de les dire. Et je vous remercie beaucoup de me céder la parole sur le projet de loi n° 6 parce qu'il y a des éléments qui sont importants, que je voulais mentionner.

Juste pour celles et ceux qui n'étaient pas là ce matin, Mme la Présidente, nous sommes sur le principe du projet de loi n° 6. Le principe du projet de loi n° 6 vise la loi... Le titre est assez explicatif : Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale. C'est le titre du projet de loi n° 6.

Le projet de loi n° 6, j'en ai parlé abondamment ce matin, peut-être pas abondamment mais suffisamment ce matin, quant à l'importance d'améliorer le registre, la façon, la technicalité, le support technique, là où les lobbyistes, qu'ils soient d'organismes, qu'ils soient des lobbyistes-conseils ou des lobbyistes d'entreprise, ils doivent s'enregistrer, de un, de deux, doivent enregistrer leur mandat, et doivent le faire en respectant les impératifs de la loi, entre autres les délais d'enregistrement, les amendements qu'ils portent à leur mandat et les personnes additionnelles ou pas qu'elles auraient rencontrées. On sait tous qu'en vertu de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, c'est la loi qui est visée par le projet de loi n° 6, les lobbyistes, de quelque catégorie soient-ils, doivent s'inscrire dans les 30 jours qu'ils ont fait une démarche de lobbyisme.

Donc, le registre, il y aura un transfert, c'est au RDPRM, au Registre des droits personnels et réels mobiliers. Le RDPRM, Mme la Présidente, a été l'endroit où le premier... on pourra l'appeler premier, qui est là depuis le début des années 2000, 2002, 2003, si ma mémoire est fidèle, où là ont été inscrits et logés les premiers éléments du premier registre. Là, s'il n'y a pas unanimité, il y a un très, très large consensus, et il y a unanimité, je pourrais même le dire, Mme la Présidente, sur le fait qu'on doit faire mieux que le registre tel qu'il est, puis ce n'est pas la faute de personne, c'est les supports techniques et les impératifs de la loi... n'est pas suffisamment performant, ce n'est pas efficace.

Et, en ce sens-là, Mme la Présidente, c'est important de mentionner que nous aurons l'occasion de permettre au Commissaire au lobbyisme de recueillir... de reprendre contrôle de ces informations. Il y aura donc transfert d'information. Le Commissaire au lobbyisme va créer ni plus ni moins qu'un nouveau registre, plus efficace, plus convivial, plus performant pour celles et ceux qui doivent s'inscrire. Celles et ceux qui pratiquent quoi, Mme la Présidente? Qui pratiquent ce que Martine Hébert, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, disait, entre autres, lorsqu'elle est venue nous parler en consultations particulières, que le lobbyisme, c'est un droit. Donc, on propose même de le mettre dans l'article 1 de la loi, c'est un droit. Une fois qu'on a dit ça, bien, on s'organise pour que les gens puissent exercer ce droit de façon efficace et que l'on ne leur mette pas des bâtons dans les roues. Ça, c'est le premier des deux objectifs du projet de loi n° 6.

Le deuxième objectif, Mme la Présidente... et, c'est pour ça, j'ai annoncé, puis ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce a également eu l'occasion de se prononcer ce matin sur le principe, que nous allons voter en faveur du principe. Nous sommes confiants que nous aurons l'occasion de déposer, et de débattre, et de faire adopter des amendements, parce que nous sommes d'accord sur le principe, mais nous voulons voir le projet de loi bonifié quant, entre autres, aux délais.

Et ce qui frappe l'imaginaire, puis pour les collègues ici présents, Mme la Présidente, un article qui frappe l'imaginaire et qui n'est pas anodin... Tout le monde reconnaît que l'on doit améliorer le registre. Tout le monde est d'accord ou, sinon, l'énorme consensus vise à ce que la responsabilité du registre soit transmise au Commissaire au lobbyisme pour qu'il en crée un de toutes pièces, un nouveau. Il nous a dit, à la question que j'ai posée... J'ai dit : Combien que ça va coûter? Bien là, ils sont déjà en train de discuter avec les spécialistes de l'État quel type de registre, quel type de support informatique, et on veut que ce soit convivial, et là il y a un demi-million qui a été engagé là-dessus, tout près d'un demi-million, et qu'à terme ce serait entre 1,4 million et 2,8 millions, le coût du registre. On aura les crédits, on aura l'occasion peut-être... le projet de loi ne sera pas adopté, mais on aura l'occasion peut-être d'aller un peu plus en détail que nous n'avons pu le faire en consultations particulières. Mais là tout le monde s'entend pour dire que, oui, c'est une bonne chose, ce premier élément là, de créer un registre.

• (17 h 40) •

Et tout le monde s'y entend... Et là je voulais vous donner un exemple où, là, il y aura nécessairement une discussion. Je ne suis pas en train de vous annoncer un amendement formel. Mais imaginez, Mme la Présidente, je le disais de cette façon-ci ce matin, il y a des semaines qu'à l'Assemblée nationale il y a des projets de loi qui sont déposés et que l'on n'a pas un article similaire à celui du 28, où on y peut lire : «La présente loi entre en vigueur le — entre parenthèses — indiquer ici la date qui suit de 30 mois celle de la sanction de la présente loi». Fin de la citation.

Alors, on va avoir un nouveau registre. On comprend que ça prend du temps, il faut laisser le temps au temps. Et, dans les discussions avec la ministre, ce qui nous a été confirmé, parce qu'il y a déjà en amont des consultations qui ont été faites, qui ont été effectuées, le Commissaire au lobbyisme est déjà actif pour déjà imaginer ce à quoi ressembleraient le coût et le support technique additionnels, les ressources humaines qu'il devra engager. Il y a déjà beaucoup de travail fait en amont, et, jusqu'à maintenant, ce qui nous a été confirmé, c'est que je pense qu'il va falloir transférer les informations, si vous me permettez l'expression, à la mitaine, entre guillemets. À cette question-là, on a demandé au Commissaire au lobbyisme : Est-ce réellement le cas, on devra transférer manuellement? Il a dit : Pas tout. On est encore en train d'évaluer le type de données que nous pourrions verser de façon efficace, mais, pour beaucoup, ça se fera manuellement. Donc, un délai, un coût, nouvelle approche.

Mais là, dans la rédaction, puis c'est correct, dans la rédaction du projet de loi n° 6, de ce que j'ai compris, puis on me détrompera, mais le Commissaire au lobbyisme a été questionné, puis ce qui était proposé, c'est de faire en sorte que le nouveau registre soit en vigueur trois ans après l'adoption de la loi. Alors là, on disait : 36 mois, on n'aimait pas trop ça, alors on a mis 30 mois dans la loi. Bon, 30 mois, c'est déjà un pas dans la bonne direction. Et, juste pour vous dire comment le registre actuel... puis on ne vise personne, puis tout le monde est de bonne foi, puis on ne parle pas d'incompétence ici, on parle réellement de problèmes techniques.

Les gens de l'Association québécoise des lobbyistes, on a reçu également l'association... l'alliance des lobbyistes du Québec, ils sont venus nous dire... Parce que, là, je leur posais une question : Vous, là, attendre le nouveau registre, là, attendre 30 mois, deux ans et demi, est-ce que vous trouvez ça anormalement long? Il y a tellement, Mme la Présidente, un désir d'avoir un nouveau registre qui fonctionne puis qui soit convivial, qu'ils n'ont pas depuis 2002-2003, puis que ce n'est pas de la faute de personne ni d'un de nos gouvernements en particulier, qu'ils disent : Savez-vous quoi? Si le prochain registre fonctionne bien, là, on va l'attendre deux ans et demi, mais au moins dites-nous qu'on va voir la lumière dans un an et demi. Ceci dit, je pense qu'on aura l'occasion de peut-être diminuer un peu cette période de 30 mois et de nous appeler à des standards de livrable un peu plus serrés, un peu plus élevés, et ça, ce sera un des éléments.

L'autre élément sur lequel j'aimerais évidemment insister, il y a deux volets. Le deuxième, c'est qu'à l'heure actuelle, puis ça, là, tout le monde va comprendre ça, imaginez-vous — puis ça, on pourra peut-être refaire une réflexion — dans les lois où il y a des pénalités d'imposées... si la loi, que ce soit une loi sur l'environnement, une loi dans le domaine municipal — ici, c'est la loi sur la transparence, donc sur le Commissaire au lobbyisme — s'il y a des pénalités, mais qu'il n'y a pas de délai de prescription, c'est le délai de prescription usuel du Code pénal qui est utilisé.

Ah! Quel est ce délai de prescription là? Autrement dit, il y a une infraction qui est commise, nous pouvons être poursuivis dans quel délai? Passé ce délai-là, on ne peut plus faire l'objet de poursuite. On dit que c'est un an de l'infraction. Alors, c'est un an de l'infraction. Je commets aujourd'hui une infraction, Mme la Présidente, et, le 10 avril 2020, c'est prescrit. Il n'y a même pas la notion de connaissance. On aurait pu dire : Dans l'année de la connaissance de l'infraction, vous pouvez être poursuivi. Parce que, dans cette année-là, qu'est-ce qu'on va faire? Bien là, il y a une dénonciation, il y a une infraction potentielle. On va faire en sorte de faire enquête puis on va se donner une année... Non, non, c'est une année franche. Du moment où je fais mon infraction, si personne ne le sait puis qu'il s'écoule un délai de 12 mois, je passe go, et il n'y a pas de problème. Et ça, ça fait suite à la recommandation Charbonneau. Et le rapport de la commission Charbonneau faisait état de plusieurs lois, disait : Ça, ce délai-là, là, il faudrait l'uniformiser.

Pour ce qui est du Commissaire au lobbyisme et au lobbyiste qui ne respecte pas les impératifs de la loi, c'est important d'augmenter ça, plus «à un an de la commission de l'infraction», plus «à un an de l'infraction», c'est maintenant trois et sept ans. Les deux notions s'imbriquent. Trois ans pour quoi? Dans les trois ans de la connaissance que quelqu'un a commis une infraction, il peut y avoir une poursuite. Dans les trois ans de la connaissance qu'une infraction a été commise, il peut y avoir une poursuite. Et, si je ne poursuis pas dans les trois de la connaissance, c'est prescrit, ne peut plus poursuivre. On rajoute un autre élément, un autre volet. Si, d'aventure, dans les trois ans... du moment où j'ai connaissance de l'infraction, ça fait plus de sept ans — plus un an — ça fait plus de sept ans que l'infraction a été commise, c'est prescrit dans tous les cas d'espèce. Alors, le fameux trois ans, sept ans vient faire en sorte de donner beaucoup plus de dents, je vous dirais, tangibles.

Et il y a eu des témoignages à la commission Charbonneau... Parce que la commission Charbonneau demandait à ce que les critères, les délais de prescription soient modifiés dans plusieurs lois, et, ces critères-là, Mme la Présidente, on touchait quelles lois? On touchait la Loi sur les contrats des organismes publics, ça a été changé; la Loi électorale, en matière de financement politique, ça a été changé; Loi sur les relations de travail, formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, aussi, ça a été changé; Code des professions. Ce qu'il restait, ça a été partiellement appliqué, concernant la section des lois municipales traitant des contrats. Mais la seule qu'il reste à modifier, c'est la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

Et, juste pour nous donner un ordre de grandeur, certains vont dire : C'est trop peu. Certains vont dire : C'est trop court. Certains vont dire : C'est trop long. Au Canada, la loi canadienne sur le lobbyisme met une prescription. Ce n'est pas trois ans, sept ans. Ce n'est pas : Trois ans de la connaissance, si tu ne poursuis pas, c'est prescrit, mais il ne faut pas que l'infraction soit plus vieille de sept ans. Au Canada, c'est cinq ans, 10 ans. Ah! Donc, on est un petit peu plus généreux au Québec. Mais ça, c'est avec le fédéral. Mais, quand on se compare avec d'autres provinces, c'est deux ans. Alors, on est un petit peu plus sévères. Alors, je crois que nous sommes... Et c'est ce que recommandait la commission Charbonneau, qui, elle, avant d'en arriver à la recommandation 37, avait fait une analyse de ce qui se fait ailleurs au Canada et de ce qui se fait ailleurs aussi au Québec, dans d'autres lois, en termes de délais de prescription. Bien, ça, je pense, Mme la Présidente...

À prime abord, à prime abord, on aura des discussions. Ça tient la route, ce trois ans, sept ans, tout comme... Non seulement ça tient la route d'avoir un registre qui soit transféré sous la responsabilité du Commissaire au lobbyisme... Nous aurons l'occasion, donc, de peut-être étayer de quelle manière le Commissaire au lobbyisme, et surtout selon quels délais, va-t-il mettre en pratique, va-t-il mettre en marche ce registre qui est attendu par tout le monde, Mme la Présidente. On va travailler de façon très efficace avec la ministre de la Justice, qui est responsable du projet de loi n° 6. Nous sommes en faveur du principe, puis, je pense, sur ce projet de loi, on va faire avancer le Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député de LaFontaine. Maintenant, je suis prête à reconnaître un autre intervenant. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement?

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui.

Mise aux voix

Alors, comme il n'y a pas d'autre intervenant, est-ce que cette motion est adoptée? Le principe, excusez-moi. Alors, le principe du projet de loi n° 6, Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d'une poursuite pénale, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la Commission des institutions

M. Schneeberger : Oui. Alors, Mme la Présidente, alors, conformément à l'article 243 de notre règlement, je fais motion afin que le projet de loi n° 6, Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription... — voyons! — applicable à la prise d'une poursuite pénale, soit déféré à la Commission des institutions pour son étude détaillée. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le leader adjoint, c'est la fin de la journée.

Mise aux voix

Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

• (17 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Adopté. Alors, motion adoptée. M. le leader adjoint.

M. Schneeberger : Oui. Alors, Mme la Présidente, je vous demanderais d'appeler l'article 1 du feuilleton.

Projet de loi n° 2

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, à l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 19 mars 2019 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement du cannabis. Y a-t-il des interventions? M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

M. David Birnbaum

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir d'intervenir et poursuivre notre débat sur le projet de loi n° 2, Loi resserrant l'encadrement du cannabis. Bien, on se permet un petit résumé des points les plus saillants de ce projet de loi.

On parle, dans un premier temps, évidemment, de l'interdiction pour toute personne âgée de moins de 21 ans de posséder du cannabis, d'en donner, d'en acheter ou d'accéder aux points de vente; l'interdiction de fumer du cannabis sur la voie publique dans tous les lieux extérieurs qui accueillent le public et sur les terrains sur lesquels sont situés les lieux fermés assujettis à l'interdiction de fumer; troisièmement, l'interdiction, en sus de celle qui est déjà en vigueur, pour toute personne de posséder du cannabis sur les terrains, dans les locaux ou les bâtiments d'un établissement d'enseignement collégial et universitaire.

Je crois qu'il y a un consensus parmi les formations politiques, le public sur les enjeux, les préoccupations très importantes, préoccupations surtout partagées par ma formation, pour protéger les jeunes, minimiser la consommation, assurer la sécurité de la population, éliminer, au moins limiter autant que possible l'implication du marché noir, l'élément criminel et tous les dangers qui s'associent à ça, de miser sur l'éducation et la prévention, de mettre en place, en collaboration — très important — avec les forces policières, des mesures, des protocoles responsables pour cibler l'élément criminel et donc optimiser des ressources de ces forces policières pour faire d'autres choses.

Bon, dans le comment, comment les lois sont censées d'engendrer une efficacité, une cohérence avec les objectifs... et là-dessus, avec tout le respect au ministre délégué de la Santé et des Services sociaux, c'est là où le bât blesse. Les lois sont là solennellement pour s'adresser aux objectifs, qui sont partagés, et, comme je dis, les objectifs sont partagés, d'en arriver à la sécurité de nos jeunes, à notre santé collective, à l'utilisation, l'emploi, le déploiement de nos forces policières de façon responsable et réaliste, éduquer et miser sur la prévention, des objectifs qui sont louables et nécessaires. Mais comment on arrive, quand toutes les études, tous les experts... Les individus les plus concernés, ils ne vont pas comparaître devant la commission parlementaire, mais des jeunes de 18 à 21 ans, dont on estime, dans les études crédibles, qu'il y en a des milliers au Québec... Ce n'est pas en niant la réalité qu'on va trouver des solutions aux réels problèmes. Comme je dis, ces jeunes, à titre d'exemple, ne témoignent pas devant nos commissions parlementaires, mais vous savez comme moi qu'ils ne vont pas dire : Ah mon Dieu! Une loi vient d'être adoptée. Moi, j'ai 19 ans et demi, là, je m'abstiens. Voyons donc. Voyons donc! Le monde ne marche pas comme ça.

Une autre cible, vous allez convenir avec moi, ils ne vont pas être invités à la commission parlementaire, c'est, comme d'habitude, un monsieur avec des tatouages partout ou, je ne sais pas, des fois une madame, le pusher, la personne qui, malheureusement, continue à fournir, mais qui voit peut-être avec un oeil préoccupé la légalisation. Nous avons eu, tous, nos problèmes avec, on se rappelle, une loi fédérale imposée, en quelque part, sur les provinces, mais l'idée, et là je crois qu'on va s'entendre aussi, l'idée de la légalisation, c'était de régulariser une réalité et de protéger nos jeunes comme il faut. Bon, là, le monsieur, madame qui se tient au parc, au bar pour fournir les usagers n'aurait pas l'opportunité de témoigner devant nous, mais, quand il ou elle voit la proposition de passer l'âge légal de 19 à 21, j'ai peur... se frotter les mains puis là dit : Ah bon! Mon marché me revient. Je comprends que ce n'est nullement l'objectif du ministre ni du côté ministériel, mais c'est l'opinion de plusieurs experts.

Quand on parle d'un objectif très louable et partagé, c'est-à-dire la prévention et l'éducation, notre gouvernement misait beaucoup là-dessus dans son projet de loi qui a été adopté. Et je comprends la bonne foi du projet devant nous en ce qui a trait à la prévention et l'éducation. Nous sommes ensemble là-dessus. Les dangers, personne, personne ne va dire le contraire, quand on parle — et ce n'est pas moi, l'expert en santé, c'est plutôt le ministre — de la vulnérabilité des jeunes jusqu'à l'âge de 25, en train de se développer, de se préparer pour leur vie après, entendu, mais c'est quoi, les moyens réalistes et réalisables pour protéger ces jeunes-là? Voilà la question. Et, pour nous, la réponse n'est pas tout simplement d'ordonner un changement dans l'âge où on peut fumer.

Deuxième chose, une autre chose qui, pour moi, comme objectif, est intéressante, mais comment ça s'insère dans la réalité? Qu'on s'entende que nous sommes pris, peu importent les conditions qu'on va appliquer, nous sommes pris avec la légalisation du cannabis. Comment est-ce qu'on peut donc suggérer... Oui, c'est légal, mais je vous invite de trouver un endroit où vous pouvez exercer votre droit légal. L'espace public? Non. Votre logement? Non. Dans les lieux publics? Non. Chez vous, dans le sous-sol, si vous êtes propriétaire? Oui. Bon. Et là les enfants vont subir les impacts de la fumée secondaire, et tout ça. Une autre fois, c'est : Est-ce qu'on peut responsablement parler de la préoccupation partagée pour la sécurité de nos jeunes, pour qu'ils approchent cette problématique avec les yeux grand ouverts, mais, une autre fois, avec une approche réaliste et normale? Et, pour nous, c'est ça qui n'est pas du tout clair dans le projet de loi devant nous.

Troisième chose, qui est, en quelque part, un petit peu auxiliaire, mais je me permets de terminer là-dessus, parce que malheureusement c'est une tendance qui a l'air de se répéter avec le gouvernement actuel, c'est-à-dire l'idée que les consultations peuvent se faire vite, dans le calendrier qui convient dans les plans du gouvernement. Ce n'est pas ça qui devrait gouverner nos délibérations, c'est les besoins du public d'intervenir, c'est leurs intérêts. Et voilà, sur les consultations aussi, je crois que les plans du gouvernement actuel ne concordent pas avec les réalités.

Alors, pour ces raisons, entre autres, notre formation va continuer à opposer au projet de loi devant nous. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député.

Ajournement

Compte tenu de l'heure, les travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain, jeudi le 11 avril 2019, à 9 h 40.

(Fin de la séance à 17 h 59)