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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, May 10, 1977 - Vol. 19 N° 63

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Agriculture


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de l'Agriculture

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'agriculture est réunie pour étudier les crédits du ministère de l'Agriculture pour l'année financière se terminant le 31 mars 1978. Les membres de la commission pour ce matin sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beausé-jour (Iberville), M. Bordeleau (Abitibi-Est) qui remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garneau (Jean-Talon), M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford).

Il y aurait lieu de nommer un rapporteur; je suggérerais M. le député de Beauce-Nord, M. Ouellette, Adopté?

M. Giasson: Adopté.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, si vous voulez présenter votre personnel et faire vos remarques préliminaires.

Exposé général du ministre M. Jean Garon

M. Garon: J'aimerais, au début, présenter à la commission parlementaire M. Camille Julien, sous-ministre par intérim, M. Yvan Jacques, sous-ministre adjoint à la commercialisation, M. Jacques-Yves Therrien, à la recherche et à l'enseignement, M. André Guimond, directeur des services financiers, accompagné de M. Marcel-Miville-Dechêne et de M. Jean-Marc Bélanger, M. Gilles Dulude, M. le docteur Bertrand Forest qui est à l'enseignement à la recherche, et le directeur des services économiques, M. Gaston Grammond.

De l'autre côté, vous avez...

M. Giasson: Ce ne sont pas les moindres.

M. Garon: Dans le personnel de mon cabinet, vous avez Me Firmin Bematchez qui est chef de cabinet, M. Maurice Tremblay, dont on a parlé en Chambre récemment, M. Vital Bouchard, économiste agronome, et M. Simon Bégin qui est attaché de presse.

Le Président (M. Boucher): Vous pouvez faire des commentaires généraux.

M. Garon: Je voudrais indiquer tout d'abord que depuis ma nomination comme ministre de l'Agriculture, ce que j'ai essayé de faire le plus possible — remarquez qu'il en reste toujours quelque chose, j'imagine — c'est de ne pas politiser l'agriculture et de collaborer au maximum de mes possibilités avec tous les députés qui font leur travail qui est de représenter leur comté.

De là même façon, j'ai demandé à tout le personnel de mon cabinet et aux fonctionnaires d'être très réceptifs quand les députés ont besoin d'information ou veulent avoir des renseignements sur différents programmes, parce qu'au fond, souvent, ils constituent la chaîne de transmission entre le ministère de l'Agriculture et les citoyens agriculteurs de leur comté, qui ont des problèmes particuliers et qui, souvent, ont besoin d'explications.

Evidemment, les bureaux locaux souvent peuvent jouer ce rôle. J'espère qu'ils le jouent le plus possible, mais souvent les citoyens préfèrent aller voir les députés.

J'ai pensé qu'au fond, vu que c'est peut-être la classe sociale qui a été la plus charriée au cours des dernières années, les cultivateurs n'avaient pas besoin de politique partisane à ce moment-ci et qu'il était plus important de régler le plus possible les problèmes économiques auxquelles ils ont à faire face. C'est pour cela que, dans cette perspective, j'ai toujours manifesté une grande attention aux députés de l'Opposition, comme aux députés du Parti québécois. Souvent ceux qui sont les plus dures, ce sont les députés de notre propre parti. Ma porte est toujours ouverte aux suggestions et à la collaboration de tous, à ce point de vue.

Je vais faire un bref tour d'horizon de différents événements qui se sont produits depuis que j'ai été nommé au ministère de l'Agriculture. Je me rappelle que, quand je suis arrivé au ministère de l'Agriculture, le sous-ministre en titre était arrivé avec un cahier qui était à peu près trois fois gros comme celui-là; c'était le résumé des dossiers. Il y avait deux pages pour chacun. Il m'avait fait le résumé sommaire des problèmes, en passant par la grève des vétérinaires, des problèmes dans FEDCO, des problèmes dans les deux sortes de faits, etc. J'avais eu la réaction de lui demander: Y a-t-il des secteurs qui fonctionnent un peu? Il y a l'air d'avoir des problèmes un peu partout. Cela a été un peu mon attitude d'essayer de les régler un par un, tranquillement. J'ai constaté — les libéraux ont dû le constater quand ils étaient au pouvoir — qu'il y a beaucoup de monde quand les problèmes sont là, mais quand on règle un problème, il y a moins de monde pour en parler. Durant la grève des vétérinaires, par exemple, j'avais des appels téléphoniques presque à tous les jours pour commenter la grève. Le matin de la signature de la convention, j'avais invité tous les journalistes — c'est vrai que c'était peut-être un peu une heure agricole, à 8 h 30 du matin — et il y avait seulement deux journalistes qui étaient là pour connaître les clauses de la convention, au fond, et le règlement qui touchait les vétérinaires.

Cela m'a appris que c'est plus facile, souvent, de parler des problèmes que de parler des solutions.

Une deuxième chose. Je ne le fais pas par ordre chronologique, mais tout simplement comme j'en ai pris note. Au sujet de la raffinerie — ce qui avait été commencé dans les dernières années — j'ai voulu modifier le conseil d'administration de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. De 1944 à 1970 ou 1971, le conseil d'administration était formé exclusivement de politiciens; habituellement, le ministre de l'Agriculture, comme président, et quatre députés comme administrateurs. Cela avait été change en 1971 alors qu'il y avait deux hauts fonctionnaires, le député du comté et deux personnes qui venaient de l'entreprise. J'ai préféré, cette année, dépolitiser entièrement le conseil d'administration pour y nommer seulement des personnes dont les qualités d'administrateurs ne faisaient aucun doute. Vous avez actuellement comme président M. André Marier, qui est bien connu comme haut fonctionnaire, comme administrateurs vous avez M. Philippe Parizeau, qui est directeur général de Québec-Lait et qui était autrefois à la coopérative de Granby; M. Antoine Turmel, qui est directeur général de Provigo; M. Roger Néron, qui est vice-président et directeur général de Vachon, et, quatrièmement, M. Jean-Marc Kirouac, qui est secrétaire général de l'UPA.

C'était, en fait, une première manifestation qui va suivre dans d'autres choses également pour montrer que la façon de voir les choses, au fond, c'était de mettre aux bons endroits des administrateurs qualifiés. Dans le secteur de l'agriculture, je pense que ce sont essentiellement des problèmes économiques. Trop souvent, c'était vu comme des problèmes folkloriques.

En janvier, j'ai rencontré — ce qui était fait pour la première fois, à ce qu'on m'a dit — les représentants commerciaux, les attachés commerciaux des maisons du Québec à l'étranger pour les sensibiliser à la vente de produits agricoles du Québec qu'on a en surplus. Je pense, par exemple, au sirop d'érable, au porc, qu'on vend déjà, d'ailleurs, en 1976, pour au-dessus de $20 millions au Japon.

C'était pour sensibiliser les représentants des maisons du Québec à l'étranger à la vente de produits agricoles québécois. D'ailleurs, avant longtemps, il y aura quelqu'un de préposé plus spécialement à cela pour faire la promotion de produits agricoles québécois à l'étranger dans les secteurs où on a des surplus, plutôt que des secteurs où on est en déficit.

A la fin de mars, début d'avril, on a adopté à l'Assemblée nationale, avec la collaboration de tous les membres de l'Assemblée nationale, tant de l'Opposition officielle, de l'Union Nationale que des représentants des créditistes, l'assurance-récolte collective facultative, qui correspondait à ce que souhaitaient plusieurs personnes, je pense, des deux côtés de la Chambre, pour que les cultivateurs ne soient pas obligés d'adhérer à un plan d'assurance-récolte, mais puissent y adhérer librement. Mais encore là c'est une première manifestation d'une façon de voir les choses, c'est-à- dire que les cultivateurs seront assez adultes pour prendre des décisions, pas besoin d'être guidés comme des enfants par la main constamment.

Récemment, à la fin de mars, j'ai écrit à M. Whelan. A la troisième semaine d'avril, j'ai écrit une lettre à tous les représentants du Québec à Ottawa, pour demander le contrôle des importations de la volaille, suite à des représentations qui m'avaient été faites par la Fédération des producteurs de volaille du Québec. J'ai rendu publique cette lettre, sans tout le succès que j'en attendais, à la fin d'avril, au début de mai.

Il y a seulement un journal qui l'a reproduite, le Soleil de Québec, et j'ai déploré un peu cette situation; j'aurai l'occasion de revenir un peu plus tard sur l'information dans le domaine agricole qui, je trouve, n'est pas suffisante. Donc, c'était pour répondre au voeu des fédérations des producteurs de volaille, qui sont dans une situation difficile actuellement, puisqu'au cours de l'année 1976 il y eut 54 millions de livres de volaille importées au Canada. C'étaient 20 millions de livres l'année précédente. Si l'on suit la tendance, le chiffre d'importation pourra s'accroître jusqu'à 100 millions de livres en 1977, ce qui mettrait en péril la production, l'industrie avicole au Québec, puisqu'au Québec c'est un des secteurs où on produit plus que notre capacité de consommation.

Il pourrait s'en suivre des difficultés considérables pour l'industrie avicole si les importations de volaille en provenance des Etats-Unis n'étaient pas contrôlées par le gouvernement d'Ottawa.

Ce sont des domaines où, encore, le Québec n'a pas de pouvoir de contrôle sur les importations. Il y a eu aussi, il y a un peu plus de 15 jours, la lettre de directives du ministre de l'Agriculture à la Société québécoise d'initiatives agroalimentaires, qui a été approuvée par le Conseil des ministres et déposée en Chambre mercredi dernier. C'est une lettre de directives qui avait pris du temps à être adoptée. Les libéraux lorsqu'ils étaient au gouvernement avaient trouvé difficile de choisir la formule pour la lettre de directives. Nous avons travaillé là-dessus afin que cette société, qui est excellente et peut jouer un rôle important dans l'économie québécoise, puisse commencer à fonctionner selon des directives qu'elle aurait reçues plutôt que d'attendre indéfiniment ce que le gouvernement veut qu'elle fasse.

Il y a aussi des modifications dans certains programmes. Je dois vous dire que le mois de novembre n'est pas le meilleur mois pour changer de gouvernement puisque... On n'a pas beaucoup de temps pour améliorer les programmes, tel que nous l'avions indiqué dans le programme politique. En arrivant à la fin de novembre il y a les vacances des Fêtes, et pendant 15 jours il n'y a pas beaucoup de monde au gouvernement. C'est tellement vrai que j'ai été obligé de faire des démarches assez importantes pour avoir la lumière dans le bureau. Il n'y a pas de commutateur dans ces bâtisses. Les lumières se fermaient automatiquement avec la noirceur. Elle ne s'allumaient pas non plus.

La première journée des vacances où j'étais au bureau afin de travailler tranquille, je me suis

aperçu qu'il commençait à faire noir. J'ai eu de la difficulté et finalement j'ai eu de la lumière au 12e étage du 200 Chemin Ste-Fov où c'était allumé pour la période des vacances. J'ai donc pu travailler, approfondir les dossiers et prendre connaissance d'autres dossiers.

Alors, immédiatement, il faut arriver pour le début de mars avec les prévisions budgétaires, ce qui fait que la période pour modifier les programmes est plus courte qu'on ne le voudrait.

Disons qu'un programme a été modifié, le programme des travaux mécanisés. Encore là, cela a été pour donner aux cultivateurs le choix total. Les gens qui ont de la machinerie capable de faire des travaux sont qualifiés; ils vont recevoir leur certificat de qualification, qu'on appelait accréditation. Ainsi, il n'y aura pas d'heures attribuées aux entrepreneurs, mais ceux qui feront le choix, ce seront les cultivateurs. Je pense qu'ils sont assez adultes et assez intelligents pour prendre le meilleur entrepreneur. Je suis certain que les cultivateurs ne prendront pas le pire, mais le meilleur. A ce moment-là, c'est la loi du marché qui va s'établir, c'est-à-dire que ceux qui sont plus dynamiques, qui donnent un meilleur service normalement auront les travaux et les cultivateurs ne passeront pas après la voirie, ce qui était une lacune du système des heures, c'est-à-dire qu'on m'a dit que les entrepreneurs avaient tendance à travailler d'abord pour leurs contrats de la voirie et, quand ils avaient le temps, ils faisaient leurs heures pour les cultivateurs. Alors, cela a été une modification pour donner le choix entier aux cultivateurs.

Il y a aussi une autre modification dans ce programme, c'est qu'il y a eu, depuis le début du programme, depuis 1944, 18 millions d'heures attribuées ou subventionnées par le gouvernement du Québec. A ma grande surprise, quand j'ai demandé où cela en était au point de vue du suivie de ces heures, il n'y avait aucun suivi c'est-à-dire qu'on ne savait pas où ces heures avaient été faites exactement; il y avait des entrepreneurs qui avaient été subventionnés, point.

J'ai demandé qu'on passe un suivi et qu'il y ait une compilation dans les bureaux régionaux pour qu'on ne fasse pas le même travail deux fois, c'est-à-dire que, lorsqu'une terre est faite, elle est faite. Si la butte est enlevée, elle ne repoussera pas normalement, parce qu'il n'y a pas eu beaucoup d'éruptions volcaniques au Québec jusqu'à maintenant. Ceci pour ne pas recommencer le travail. Si, éventuellement, on a fait des travaux à certains endroits, cela devra s'appliquer sur d'autres programmes plutôt que de recommencer toujours les mêmes choses.

Pour 18 millions d'heures, si on calcule qu'il y a 60 000 fermes à peu près dans le Québec, en moyenne, cela veut dire qu'on arrive à 300 heures par ferme. C'est quasiment assez pour bouleverser chacune des fermes du Québec.

Dans quelques jours, j'aurai également l'occasion d'annoncer différentes modifications au programme de drainage souterrain pour empêcher le retard sur la confection des plans. C'était une des plaintes que j'avais le plus entendues lors de mes visites de régions agricoles.

Aussi, la semaine dernière, on a mis sur pied un programme de main-d'oeuvre agricole où, encore là, le cultivateur pourra choisir la main-d'oeuvre parmi les assistés sociaux et les chômeurs. Il y aura une subvention du gouvernement, dans les cas des assistés sociaux, à 75% du salaire payé jusqu'à un certain maximum, tandis que dans le cas des chômeurs, jusqu'à 50%.

J'ai aussi eu l'occasion de faire plusieurs interventions, la plupart publiques, dans le but d'essayer d'atténuer peut-être les divergences qu'il pouvait y avoir entre des groupes dans les plans conjoints, entre les dissidents, entre des groupes qui faisaient partie des plans conjoints pour essayer de...

M. Giasson: II paraît qu'il ne faut pas utiliser le terme "dissident".

M. Garon: Des gens qui divergeaient d'opinion.

M. Giasson: "Réfractaire" serait déjà suffisant.

M. Garon: ...les faire travailler davantage ensemble, dans le domaine du bois, des oeufs, du lait, etc., pour essayer de les initier le plus possible au secteur agricole. Il y a eu aussi, des rencontres avec des groupes nouveaux qui veulent se constituer, par exemple chez les producteurs de porc, de grain, etc. Enfin, il y a eu aussi, ce que j'avais annoncé au début, la visite des différentes régions agricoles du Québec. Il y a douze régions. Je pensais avoir terminé pour Pâques, mais je m'aperçois que cela va être beau si j'ai terminé au milieu de l'été, d'autant plus que je ne pourrai pas prendre autant de vendredis que je le voulais. A ce moment, les journées sont plus limitées. Quand même, six régions sur douze ont été visitées jusqu'à maintenant et, en fait, on voit que le point de vue des régions est différent. Dans la même semaine, j'ai eu l'occasion de rencontrer des producteurs de betteraves qui pensaient commencer leurs semences dans la fin de semaine qui suivait, c'était le jeudi que je les ai rencontrés, je pense. Ensuite, je suis descendu à Sainte-Anne-de-la-Pocatière où il y avait deux à trois pouces de neige, le lendemain. Après cela, à Rimouski, il y avait presque un pied de neige, et le samedi j'étais en Gaspésie où il y avait une tempête de neige.

C'est pour dire qu'au point de vue des régions agricoles du Québec, au fond, quand certains parlent de la régionalisation, que les programmes doivent être pensés plus en fonction des régions, il y a peut-être là un bon point à considérer parce qu'il y a vraiment des différences au point de vue climatique dans les régions du Québec, et le climat est peut-être le facteur qui influence le plus l'agriculture.

Enfin, ce que je voudrais dire, au fond, si on regarde la philosophie d'approche qui a été la mienne jusqu'à maintenant, cela a été d'abord, le

plus possible, que le cultivateur ait un choix entier face au programme du gouvernement, mais que le gouvernement soit le moins directif possible, qu'il y ait des mesures incitatives, mais le moins directeur possible. Qu'on marche plutôt par convictions plutôt qu'imposer des choix aux cultivateurs.

Deuxièmement, favoriser l'unité du monde agricole plutôt que la division, ne pas utiliser la division; au contraire, essayer de l'atténuer pour qu'il y ait la plus grande unité possible dans le monde agricole parce qu'il y a assez de problèmes sans qu'il y ait des divisions en surplus.

Troisièmement, l'écoute, le plus possible, des régions, c'est-à-dire des représentants régionaux parce que certaines régions ont des problèmes particuliers. J'ai constaté que dans l'agriculture ce sera toujours un combat constant; il y a des choses évidentes, mais qui ne sont peut-être pas aussi évidentes pour quelqu'un qui n'est pas là-dedans d'une façon régulière. Si vous parlez d'une usine de $5 millions, tout le monde est prêt à parler des heures. Mais, quand vous êtes dans l'agriculture, les gens ne voient jamais en termes d'industries de plusieurs millions, mais en termes de petites unités. C'est un secteur dans lequel il va falloir, pour un ministre ou ceux qui y travaillent, combattre plus fort pour se faire écouter. Pourtant, si on regarde le secteur primaire, l'agriculture représente un tiers de la valeur ajoutée de la production du secteur primaire, ce qui est considérable. Des investissements en construction dans le secteur primaire et en machinerie, en 1976, se sont élevés à $400 millions. La main-d'oeuvre agricole représente 78 000 travailleurs. La valeur moyenne des fermes est de $90 000, ce qui est considérable, au fond, comme secteur. Il faut dire que l'agriculture constitue la partie la plus importante du secteur primaire.

Deuxièmement, si on regarde le secteur secondaire, encore là les chiffres sont très élevés. Le chiffre d'affaires de l'industrie des aliments et boissons au Québec atteint $4,5 milliards, ce qui représente un cinquième ou 20% des expéditions totales du secteur manufacturier. 10% de la main-d'oeuvre du secteur manufacturier travaillent dans le secteur des aliments et boissons. Ce qui fait au fond que, dans le secteur secondaire, c'est le plus important. J'ai remarqué, souvent des gens, quand on leur mentionne ces chiffres, demeurent surpris. On parle parfois d'une usine de $4 millions, $5 millions, mais quand on parle seulement d'une usine du sirop d'érable, suivant les années, c'est une usine qui représente de $25 millions à $40 millions. On parle des oeufs, c'est une industrie qui représente plus de $60 millions. Si on parle de la volaille, c'est une industrie qui représente plus de $135 millions. Si on parle du porc, c'est une industrie qui représente plus de $250 millions. Si on parle du lait, c'est près de $700 millions. Cela veut dire que ce sont des chiffres considérables. C'est sans doute le secteur économique, pas sans doute, c'est le secteur économique le plus important.

C'est mal compris, je pense, encore et c'est une des tâches à laquelle j'ai l'intention de m'attaquer. C'est d'indiquer que l'agro-alimentaire peut être le secteur de développement économique à la pointe du développement économique au Québec. Si on regarde le secteur tertiaire, la valeur des ventes des magasins d'alimentation représente $4 milliards. Le consommateur dépense $1 sur $5 pour son alimentation. Si on regarde la répartition du dollar dépensé par les consommateurs, c'est 25,4% qui va en amont, le secteur amont.

L'agriculture, les produits agricoles eux-mêmes, 15,5% et en aval les produits alimentaires, les aliments et boissons, 59,1%. Ce sont des chiffres très considérables.

Au sujet du budget de cette année, nous avions dit que nous l'augmenterions. Le budget de 1976/77 était de $212,5 millions; en 1977/78 le budget va être de $239,8 millions, c'est-à-dire une augmentation de $27,3 millions. Si on le regarde par rapport à l'argent dépensé en 1976/77, qui était de $205 millions, cela représente une augmentation de $34 millions. Où va aller cet argent principalement? Il y a d'abord l'assurance-stabilisation, où deux nouveaux programmes sont prévus. Si on regarde les chiffres du programme qui couvre cet article, il semble y avoir une diminution à l'assurance-stabilisation, ce qui n'est pas le cas.

Une Voix: C'est une erreur.

M. Garon: Non, ce n'est pas une erreur, c'est...

Une Voix: Programme 7.

M. Garon: En 1976/77, c'était $9 279 000, et en 1977/78, c'est $8,5 millions. Cela semble une diminution, mais en réalité ce n'est pas une diminution puisqu'en 1976/77, il y a eu seulement $1 million de dépensé. C'est pour cela qu'au fond le programme 1976/77 a été de $1 million pour le programme des veaux et vaches, car il n'y avait pas eu d'autres programmes d'établis, tandis qu'avec $8,5 millions en 1977/78, on travaille actuellement sur l'établissement de deux programmes pour les pommes de terre, les producteurs de pommes de terre et les éleveurs de porcelets ou naisseurs de porcs. Pourquoi a-t-on pris ces deux programmes? Comme je l'ai expliqué antérieurement, on n'avait pas les crédits suffisants pour adopter tous les programmes en même temps. Cela aurait coûté des sommes fantastiques, sans doute, mais il s'agissait de prendre au fond — comme c'est une loi nouvelle, l'assurance-stabilisation, qui vise à éviter surtout les fluctuations dans les prix, pour faire une moyenne pour les cultivateurs — les deux programmes qui connaissaient les plus graves variations, c'est-à-dire où les prix aux producteurs fluctuaient le plus. D'après les renseignements que j'ai obtenus au ministère, pour les pommes de terre le prix varie considérablement, d'une année à l'autre, et pour les éleveurs de porcelets, également, il y avait des difficultés justement à cause des prix qui n'étaient pas stables. Il m'a semblé que c'était le meilleur endroit où appliquer le programme assurance-stabilisation et en même temps

roder la mécanique d'une loi nouvelle qui commence à s'appliquer, qui a commencé l'an dernier.

Le drainage souterrain est un point sur lequel il y a également une augmentation des crédits qui est de $11 millions. L'objectif, cette année, est de 80 millions de pieds de drain, par rapport à 57 millions l'an dernier. Il y avait 1100 milles de cours d'eau l'an dernier; on vise au-dessus de 1200 milles de cours d'eau cette année, en 1977/78. Pourquoi? Parce que le drainage représente une productivité accrue de 20% à 40%, ce qui est reconnu par tous les experts de la productivité du sol et veut dire, au fond, qu'une fois que le drainage est fait, le cultivateur, avec les mêmes dépenses, le même travail, voit sa productivité accrue de 20% à 40%.

Le lait à l'école est dans le programme: $2 millions. J'aurais aimé avoir plus, mais en tout cas, cela commence par $2 millions. J'ai demandé les études qu'il y avait au ministère là-dessus. Il y en avait une considérable qui avait été faite au cours des années soixante, dans le temps de M. Courcy, et qui faisait le résumé de toutes les études qu'il y avait eues au Québec et ailleurs sur la distribution de lait dans les écoles. Cela remontait avant 1880. Il y a eu des études considérables qui ont été faites là-dessus, mais peu de lait avait été distribué dans les écoles. C'est un commencement, au fond, pour roder le système dans mon esprit et accroître cette distribution à l'avenir. Actuellement, il y a un comité qui travaille là-dessus, et on voudrait commencer en septembre la distribution de lait dans les écoles. On aura sans doute l'occasion au cours de l'étude des crédits d'en parler davantage.

Il y a le programme de main-d'oeuvre agricole, dont j'ai parlé tout à l'heure, également, qui représente $4 200 000, mais qui est un programme dont les sommes pourront être accrues normalement.

La construction de serres, à Saint-Hyacinthe, $1,5 millions pour faire des recherches sur les céréales. Comme il y a de plus en plus de producteurs qui font de l'auto-approvisionnement et qu'il faut trouver de nouvelles variétés plus résistantes aux maladies et mieux adaptées à notre climat, parce qu'il faut changer les types de semences au cours des années pour qu'il n'y ait pas de contamination ou de maladie dans les récoltes, ces serres permettaient de tripler la rapidité des recherches faites à Saint-Hyacinthe à ce point de vue. C'est la raison pour laquelle nous avons accepté immédiatement de construire ces serres pour accroître les recherches sur les céréales.

Le crédit agricole. On a eu des questions en Chambre là-dessus. Il semble, quand on regarde les crédits, qu'il y a une diminution en comparaison des chiffres du discours du budget. Encore récemment, je demandais aux gens de l'Office du crédit agricole de procéder le plus rapidement possible là-dedans. En réalité, on voudrait que l'Office du crédit agricole fasse jouer aux institutions financières privées un rôle dans le financement à long terme des agriculteurs. C'est ce qui explique un peu la diminution apparente, mais qui n'est pas réelle, de l'argent qui sera prêté aux cultivateurs.

Un autre point. Je disais tantôt qu'il y avait eu un changement de gouvernement au mois de novembre. Evidemment, plusieurs des programmes que vous allez retrouver dans les crédits existaient avant et n'ont pas été modifiés vraiment. Je compte commencer, immédiatement après l'étude des crédits, dès le mois de mai ou le mois de juin, la révision en profondeur des programmes en tenant compte des régions pour savoir quel impact a chacun des programmes dans différentes régions du Québec. Il s'agira d'évaluer les objectifs de ces programmes quand ils ont été établis, les moyens qui ont été utilisés, les résultats obtenus et de voir si ces programmes sont encore adaptés à la réalité d'aujourd'hui. Evidemment, il y a une revue des programmes qui se fait chaque année, mais je voudrais qu'on fasse en profondeur cette revue pour possiblement établir de nouveaux programmes ou encore mieux adapter certains programmes à la réalité régionale et à un certain zonage des productions qui est commencé, mais qui devra suivre, encore de façon plus intensive, le zonage des terres agricoles.

Il y a quelque chose que je voulais souligner; j'y ai fait allusion tout à l'heure. Je souhaiterais qu'au Québec il y ait plus d'informations sur l'agriculture et sur le secteur agro-alimentaire. Je pense, par exemple, aux journaux de Montréal où il y a moins d'informations sur le secteur agroalimentaire. Je souhaiterais, d'une façon générale, qu'il y ait, tant dans les quotidiens du Québec que dans les hebdomadaires qui reproduisent les communiqués du ministère et qui informent les cultivateurs, de même qu'à la radio et à la télévision, beaucoup plus d'informations sur l'agriculture et sur le secteur agro-alimentaire. Avec l'industrie et le commerce traditionnels, c'est facile de faire des nouvelles, d'avoir des explications et des études, mais dans le secteur agro-alimentaire, il n'y a pas toute l'information, à mon avis, qu'il devrait y avoir. Je souhaiterais que ces organismes d'information engagent plus de personnel — je ne veux pas du tout critiquer le personnel en place, qui est peu nombreux, d'ailleurs;—le personnel spécialisé est peu nombreux — qualifié pour pouvoir renseigner davantage la population et surtout pour que la population connaisse davantage les possibilités de développement économique que représente le secteur agro-alimentaire.

Je voudrais vous présenter le ministère; il y en a qui le connaissent plus que d'autres. En fait, le ministère est divisé en douze régions administratives, les régions 1, 2, 3 jusqu'à 12.

Il y a cinq laboratoires régionaux et 84 bureaux locaux dont un certain nombre dépendent du bureau régional. Il y a une structure particulière pour le génie, l'hydraulique qui couvre les cours d'eau, le drainage souterrain, les travaux mécanisés. Cette direction générale est divisée en six régions administratives qui, parfois, sont les mêmes dans les régions périphériques, mais qui, dans le centre du Québec, sont différentes.

Un mot sur le budget lui-même. Il y a huit programmes, au fond, au budget. Recherche et enseignement, en fait il y a beaucoup de recherches qui se font dans le domaine agricole au Québec,

recherches dans le domaine animal, végétal, etc., des subventions aux universités. Et il y a aussi l'enseignement: l'enseignement agricole avec le ITA, l'Institut de technologie agricole, l'enseignement aussi qui se donne dans des facultés, comme la faculté d'agronomie, d'alimentation à l'Université Laval, également au Collège Macdonald, attaché à McGill, à l'Université de Montréal, à l'Université du Québec.

Le financement agricole, deuxième programme, c'est ce qui est couvert par le crédit agricole. C'est là qu'on retrouve cela. Quand les gens du crédit agricole viendront, ou quand on sera rendu à cette étape, je leur ai demandé de nous apporter un ensemble des programmes qui dépendent du crédit agricole, explicatifs, et aussi un tableau qui résume chacun des programmes. Cela pourrait constituer un instrument de travail pour l'avenir également, une bonne synthèse de ce que fait le crédit agricole au point de vue du financement des agriculteurs.

L'aide à la production agricole. On y retrouve différents programmes de subvention pour aider les cultivateurs, programme 3. Programme 4., la Régie d'assurance-récolte, c'est seulement l'assurance-récolte qui est couverte par cette article. Programme 5, la commercialisation agricole, différents services du ministère qui aident à la commercialisation des produits agricoles, à la mise en marché. Programme 6, la Régie des marchés agricoles du Québec, qui est le tribunal quasi judiciaire qui administre un certain nombre de lois, principalement la loi des marchés agricoles du Québec. Programme 7, l'assurance-stabilisation des revenus agricoles, qui est le secteur pour l'application de la Loi de l'assurance-stabilisation des revenus qui est administré par la Commission d'assurance-stabilisation des revenus. Et Programme 8, gestion interne et soutien du ministère.

Vous remarquerez aussi la page de gauche qui suit chaque programme. Chaque programme est divisé en trois grandes catégories. Premièrement, le fonctionnement, les dépenses de fonctionnement, les traitements des fonctionnaires, autres rémunérations qu'il peut y avoir, les communications, les services, l'entretien, les loyers. Ce sont les dépenses pour faire fonctionner le ministère.

Deuxièmement, les dépenses de capital, d'équipement, d'immobilisation, qui sont faites par le ministère. Troisièmement, les dépenses de transfert. On entend souvent une critique vis-à-vis du ministère de l'Agriculture, qui n'est pas exacte. Les gens pensent que tout l'argent est dépensé pour le salaire des fonctionnaires, que peu d'argent va aux cultivateurs.

Si on regarde l'ensemble des chiffres, il y a 25,8% du budget de l'Agriculture qui va à la rémunération des fonctionnaires, traitements des fonctionnaires. Les dépenses de transfert, c'est-à-dire l'argent qui est versé sous forme de subventions ou autres aux cultivateurs, représentent 48,8%. Cela veut dire que près de 50% du budget du mi- nistère sont distribués aux cultivateurs sous une forme ou sous une autre.

Les projets pour l'avenir, j'en dirai un mot brièvement. Le premier ministre a annoncé, dans le discours inaugural — j'allais dire le discours du Trône sans le Trône, ce n'est plus le discours du Trône — que la loi du zonage agricole, et je me reporte au texte, pour vous montrer à quel point cette loi peut être urgente, au texte de M. Drummond qui était le ministre de l'Agriculture l'an dernier à ce temps-ci.

Le 27 mai 1976 il terminait ainsi sa présentation des crédits: Je pense aussi au phénomène croissant de spéculation qui rend pratiquement inaccessible à l'agriculture une importante partie des sols à bon potentiel agricole. A l'appui de cet énoncé, dans la seule région des basses terres du Saint-Laurent et de l'Outaouais, un minimum de 839 105 acres de terre agricole, soit 17,5% de l'ensemble des basses terres, sont sous spéculation probable et sont la propriété de 27 687 non-producteurs agricoles.

Je pourrais ajouter que sur ces 839 105 acres il y en a 509 000 qui sont la propriété de non-résidents québécois. Ce sont des chiffres de 1975. M. Drummond continue: Loin de se résorber, ce mouvement spéculatif est à la hausse. En effet, depuis 1966 à 1970 la moyenne annuelle des superficies achetées par des spéculateurs fut de 27 078 acres alors que de 1970 à 1975 cette même moyenne passait à 52 353 acres.

Ce que M. Drummond disait en 1976 montre à quel point la loi du zonage agricole est importante et qu'elle doit être adoptée le plus rapidement possible. C'est un des projets auxquels le comité permanent ministériel de l'aménagement travaille. M. Tardif en a dit quelques mots récemment. Le ministère de l'Agriculture travaille à la loi de l'utilisation du territoire agricole actuellement, alors que le ministère des Affaires municipales travaille à la loi de l'urbanisme puisqu'au fond ces deux choses vont de pair. Le développement domiciliaire dans les villes, par exemple, vous avez remarqué, à ce point de vue, il n'y a aucune divergence entre les conceptions du ministre des Affaires municipales et moi-même puisque les politiques des Affaires municipales tendent à densifier les villes plutôt qu'à les étendre, avoir de politiques qui visent à utiliser davantage le territoire qui est à l'intérieur du périmètre des villes plutôt qu'à agrandir ce périmètre. Dans certaines municipalités il y a entre 30% et 50% du territoire intérieur des villes qui n'est pas utilisé.

Ainsi on ne gaspillera pas des terres qui au Québec sont en quantité très limitées. Les discussions au point de vue de ces projets de loi se font au comité permanent ministériel de l'aménagement et nous voudrions déposer cette loi le plus rapidement possible au début de l'automne.

J'ai annoncé à différentes reprises qu'il y aura d'ici un an les états généraux de l'agro-alimentaire. Je n'ai pas mis de date et je ne veux pas qu'on procède trop rapidement non plus, pour que les gens soient préparés à cette réunion qui

regrouperait toutes les personnes intéressées dans l'agro-alimentaire. Je pense aux producteurs agricoles d'abord, aux transformateurs de produits agricoles et aux distributeurs, les agents de distribution.

Je dois dire que dans mes rencontres je suis très satisfait de l'approche qu'ont eue jusqu'à maintenant les agents de distribution. Je pense aux chaînes de distribution qui peuvent donner un fier coup de main dans le développement de l'agro-alimentaire au Québec. A ce point de vue, jusqu'à maintenant, du moins verbalement, j'ai eu le sentiment que ces gens étaient prêts à collaborer au maximum.

Je voudrais éventuellement qu'on regroupe un comité des différents représentants de ces secteurs et qu'on fixe ensemble le programme, que ce ne soit pas le ministère qui le fixe seul mais que les producteurs des industries de transformation, qui représentent environ 1300 entreprises au Québec, et les distributeurs de produits alimentaires ensemble, dans un comité restreint, puissent élaborer un peu quelle formule, quels sont les points qui devraient être discutés au cours de ces états généraux de l'agro-alimentaire dans le but du développement agro-alimentaire au Québec.

L'objectif, comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, c'est qu'autant que possible les cultivateurs du Québec nourrissent la population du Québec, c'est-à-dire qu'on puisse produire tous les aliments dont on a besoin au Québec et même en exporter dans certains secteurs où on produira un pourcentage plus fort que notre capacité de consommation.

Il y a également la politique d'achat que nous avons mentionnée. J'ai obtenu qu'il y ait des représentants du ministère de l'Agriculture au sein des groupes qui s'occupent de la politique d'achat pour que le réseau institutionnel, c'est-à-dire les écoles, les hôpitaux, les prisons utilisent davantage les produits agricoles du Québec. Je sais que cela ne se fera pas en criant ciseau, surtout dans les écoles où il y a des concessionnaires, etc. Cela va prendre peut-être de la conviction au début. Cela ne sera peut-être pas facile mais en tout cas l'objectif, c'est que ces institutions utilisent les produits québécois, achètent les produits québécois, ce qui représenterait quand même des sommes assez considérables puisque les chiffres de 1975 étaient de $97 millions d'achat en aliments et produits agricoles dans ces institutions parapubli-ques au Québec.

En fait, je vais terminer là-dessus. J'ai déjà pris beaucoup plus de temps que je pensais et nous aurons l'occasion, au cours des heures ou des journées qui vont suivre, de voir dans le détail des éléments du budget et de répondre aux questions des membres de la commission concernant les politiques du gouvernement ou du ministère de l'Agriculture.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Je présume que le député de Montmagny-L'Islet a des commentaires lui aussi au nom de l'Opposition.

Commentaires de l'Opposition M. Julien Giasson

M. Giasson: Oui, M. le Président, quelques commentaires peut-être au moment de cette introduction. D'abord, il m'a fait plaisir de connaître le nouveau personnel dont est entouré le ministre. Je ne les connaissais pas tous. Il y avait des gens qui étaient déjà en fonction au ministère de l'Agriculture lors de son arrivée mais, par contre, de nouvelles figures sont venues s'y ajouter. Je suis assuré que ces gens sont animés de la meilleure volonté et vont vouloir et savoir guider le ministre, parfois, et le soutenir dans tous les nombreux programmes qu'il désire instaurer en agriculture au Québec, selon l'expression de volonté qu'il vient de manifester.

Je remarque tout de même une chose, une constante. J'ai eu l'occasion de voir arriver au poste plusieurs ministres de l'Agriculture au Québec. Tous étaient animés des meilleures intentions. Ils avaient ce désir véritable d'aider l'agriculteur, de lui permettre d'accroître, développer sa production et d'avoir une meilleure rentabilité dans l'exploitation des fermes qu'on a chez nous.

Le ministre nous a indiqué très sommairement, et je le comprends puisqu'il s'agit tout simplement d'une ouverture à l'étude des crédits, les cheminements qu'il entendait suivre dans différents secteurs de l'activité agricole et particulièrement en ce qui a trait à la conduite de son ministère. Cependant, je m'attendais peut-être à plus de commentaires au plan pratique, c'est-à-dire en fonction des besoins immédiats des agriculteurs du Québec dans chacune des spécialités qui sont pratiquées chez nous.

J'aurais aimé beaucoup, entre autres, que le ministre nous commente les politiques de soutien de revenu en agriculture. Qu'il les commente davantage. Peut-être aura-t-il l'occasion de le faire lorsque nous procéderons à l'étude des crédits programme par programme. J'étais impatient de savoir quelle serait sa position comme ministre de l'Agriculture du Québec à l'endroit des producteurs laitiers. Nous savons tous qu'au Québec la production laitière représente, et de loin, le grand secteur de production, tant par le nombre de personnes impliquées que par le volume des produits que nous avons dans cette activité agricole.

On se rappelle tous qu'au cours des récentes années nous avions subi au Québec ce qui a été appelé à l'époque la colère verte des cultivateurs. Qu'on se rappelle les événements de 1974 lorsque la chute des prix du boeuf avait provoqué des réactions en chaîne au Québec chez les producteurs laitiers qui étaient durement touchés par ces prix du boeuf soit dans la vente des veaux ou du bétail dont la production laitière était terminée et qu'il fallait mettre sur le marché.

A cette époque, nous avions vu les cultivateurs descendre dans la rue, c'est le cas de le dire, parcourir les chemins ruraux du Québec et venir protester avec vigueur.

M. Baril: Dans les villes aussi.

M. Giasson: Oui, mais plus particulièrement dans les campagnes. Quelques-uns ont retrouvé le chemin des villes, mais l'immense majorité se tenait dans les chemins de campagne. A ce que je sache, il n'y a pas eu de marche sur la ville de Montréal, ni sur la ville de Québec. On a distribué peut-être un petit peu de lait dans les petites villes du Québec, je le concède. Ces gens voulaient protester ainsi contre la diminution des prix du boeuf. Ce n'était pas tellement sur le prix des produits laitiers qu'on protestait; c'était sur les conséquences que cela apportait chez les cultivateurs qui avaient connu une situation de prix beaucoup plus forte lorsqu'ils avaient à vendre des bovins laitiers, que ce soient de jeunes veaux ou encore des vaches laitières dont la période de production était terminée.

On se rappelle également la réaction des cultivateurs au cours de 1976 lorsque, par une décision du gouvernement fédéral, les quotas de production ont été diminués.

C'est pourquoi je m'attendais à une réaction de notre ministre de l'Agriculture, qui depuis quelques mois a été très volubile à l'extérieur de l'Assemblée nationale: il s'agit de se rappeler les nombreuses déclarations qu'il a faites tant dans les régions qu'aux media d'information. Il a indiqué son point de vue sur une foule de sujets qui touchent l'agriculture, mais, ce matin, je pense que l'endroit aurait été privilégié pour entendre le ministre de l'Agriculture nous dire de quelle façon il entend compenser le manque à gagner des producteurs laitiers du Québec face aux décisions qui ont été prises par le gouvernement fédéral en cette matière, particulièrement par la Commission canadienne du lait. On se rappelle que, l'an dernier, le gouvernement, à la suite des mesures de la Commission canadienne du lait et du gouvernement fédéral, avait décidé d'intervenir à titre de compensation partielle pour aider les producteurs laitiers au Québec. Or, à ce que je sache, les modifications qui ont été apportées à ces politiques laitières en 1977 ne permettent pas aux producteurs laitiers du Québec de retrouver leur rythme de croisière au point de vue de la production. Si on a consenti de légères augmentations dans les volumes à être produits pour le lait industriel au Canada, cela ne rattrape pas vraiment les quotas, les contingentements que nous avions au cours de 1975. Je présume que le ministre de l'Agriculture, qui déplorait si amèrement la situation qui avait été faite aux producteurs laitiers du Québec au cours de 1976, a certainement de bonnes mesures à nous annoncer en matière de soutien du revenu des producteurs laitiers au Québec — je parle toujours des producteurs de lait industriel — puisque les politiques fédérales ne nous permettent pas un retour à la situation qui prévalait en 1974 comme en 1975. J'attends une bonne nouvelle pour les cultivateurs et les producteurs de lait de chez nous.

M. Garon: Vous trouvez que les politiques fédérales ne sont pas bonnes?

M. Giasson: Elles ne sont pas bonnes, c'est vous qui l'avez déclaré. C'est votre parti qui l'a déclaré au cours des dernières années. Je n'invente rien. Rappelez-vous les positions prises par votre collègue du comté de Saguenay au cours des récentes années. Il serait intéressant que le ministre actuel relise le journal des Débats et voie les positions soutenues par le député de Saguenay qui était le porte-parole du Parti québécois ou de l'Opposition officielle lors du mandat 1973-1976. J'ai assisté à toutes les commissions parlementaires de l'agriculture et je me souviens fort bien avec quelle véhémence et avec quelle force le critique du Parti québécois à l'époque s'était soulevé contre la faiblesse du ministre de l'Agriculture du Québec de ne pas savoir convaincre son collègue au ministère de l'Agriculture fédéral, M. Whelan, de rétablir la situation dans l'industrie laitière, surtout en ce qui a trait au lait industriel dont les grandes politiques relèvent du gouvernement fédéral. Pour ce qui est du lait nature, c'est le Québec qui oriente pas mal les décisions et les politiques qui s'appliquent au Québec au point de vue du lait de consommation.

Il s'agit de se rappeler les positions défendues. Ce n'est pas moi qui l'invente; c'était la position officielle du Parti québécois d'alors qui, aujourd'hui, a le pouvoir, a cette capacité de décider de changer cette agriculture. On se souvient très bien, au cours des dernières années, lorsqu'on écoutait les représentants du Parti québécois, que tout allait mal en agriculture.

J'ai entendu cela non seulement au niveau de la province, je l'ai entendu des gens de chez nous, de mon comté, qui se disaient les défenseurs de l'agriculture, à l'époque. De temps à autre, je me demandais moi-même: Est-ce que vraiment cela va si mal que cela? Est-ce que vraiment le ministre de l'Agriculture du Québec, au cours de ces années, n'a pas eu de programme particulier pour aider l'agriculture, pour soutenir, dans différentes productions, le prix des produits agricoles, ou soutenir une partie du manque à gagner que nous vivions dans certaines spécialités agricoles? C'est une réalité qu'on ne peut pas oublier. C'étaient des vérités fondamentales, à l'époque. Partant de ces vérités fondamentales, nous nous attendons que le ministre de l'agriculture va la transformer, cette agriculture, chez nous, lui redonner cette efficacité, lui redonner cette rentabilité dont les adeptes de son parti ont si amèrement déploré l'absence au cours des années 1970 à 1976.

C'étaient des grandes vérités, on les répétait avec force. Donc, il va falloir que cela change, qu'enfin l'agriculture au Québec trouve la place qui doit être sienne. Le ministre a indiqué tout à l'heure que, du côté de l'industrie primaire, l'agriculture continuait de tenir une place qui devait être privilégiée. C'est cela que nous allons vivre au cours des mois à venir et des années qui vont suivre.

Qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture pense, par exemple, des changements apportés à la politique laitière fédérale? De cela, il n'en a pas soufflé mot. Je présume qu'au cours de l'étude des crédits, on va savoir sa pensée de ce côté, et surtout, de quelle façon il entend compléter, par le

programme de soutien qu'il saura imaginer et mettre en place, le manque à gagner que les nouvelles politiques du fédéral n'apporteront pas aux producteurs laitiers chez nous.

J'aurais également aimé entendre le ministre de l'Agriculture sur les améliorations notoires ou les nouveaux programmes qu'il entend mettre immédiatement en place et en action à l'endroit des producteurs de bovins de boucherie chez nous. S'il y a un secteur de la production agricole, au Québec, qui a été malmené depuis trois ans, entre autres, c'est bien le secteur du boeuf de boucherie. Nous savons que nous avons au Québec des milliers de fermes qui s'adonnent à cette spécialité agricole, qui ont connu une situation que je qualifierais presque d'invivable au cours des récentes années en dépit de programmes que l'ancien gouvernement a voulu mettre sur pied, d'abord en tentant la première expérience en matière de stabilisation de prix aux agriculteurs dans le secteur de la production bovine, dans le boeuf de boucherie.

On sait que la structure des prix dans le marché libre, qui est le nôtre, ne s'est pas améliorée en dépit du programme de stabilisation qui a été instauré et qui a commencé à donner un meilleur équilibre dans les coûts d'opération des fermes d'élevage de bovins de boucherie. Il s'agit d'un secteur où le Québec est largement déficitaire, un secteur où on pourrait davantage combler des besoins entre les volumes totaux de boeufs consommés au Québec et la production que nos éleveurs de bovins font ici chez nous. Donc, c'est un secteur où nous n'avons pas à dépendre des marchés en dehors du Québec, loin de là, nous sommes insuffisants en matière de production, il y a de la place, il y a beaucoup de place, même, au Québec, dans cette production, pour ceux qui voudraient s'adonner à la production des bovins de boucherie.

Je sais que le ministre, au cours des prochaines heures, va nous indiquer les programmes nouveaux qu'il va amener de ce côté, en plus de l'amélioration qu'il va savoir apporter aux programmes existants. C'est du pratique! Ce ne sont pas des états généraux de l'agro-alimentaire qui vont contribuer dans l'avenir, dans quelques années à venir, à les modifier. Cela touchera immédiatement le gars qui est aux prises avec des problèmes qu'il vit ce matin, qu'il vivait il y a un mois, il y a cinq mois. C'est cela qui est important, c'est cela, au fond, que le cultivateur du Québec attend. C'est également ce que les associations, les différentes associations agricoles, à partir de l'UPA, attendent dans l'immédiat de l'action gouvernementale, de l'action du ministre de l'Agriculture: des correctifs immédiats, quittes à reconnaître le bien-fondé de programmes futurs de projection sur l'avenir, je le concède. Ce que nos cultivateurs recherchent dans l'immédiat, ce sont des changements, des programmes nouveaux, des politiques nouvelles qui vont leur permettre d'obtenir les solutions immédiates aux problèmes vécus à l'instant même.

J'avais pensé également que le ministre de l'Agriculture nous orienterait vers ce que sera son action vis-à-vis des problèmes vécus par les producteurs de porc. Je sais qu'il nous a indiqué une volonté vis-à-vis d'une des petites spécialités dans toute l'industrie porcine, soit celle qui touche les éleveurs de porcelets ou les naisseurs de porc. Il nous a indiqué, là encore, qu'un projet de stabilisation des prix, pour cette catégorie de producteurs de porc, devrait être instauré au cours de cette année financière. Nous aurons certainement des questions à lui poser sur la structure nouvelle de ce programme qui sera mis à la disposition des naisseurs de porc. Mais qu'en est-il pour ce qui est des producteurs de porc qui font l'engraissement, vis-à-vis des problèmes du coût des moulées, vis-à-vis du problème que pose l'achat des grains? Je ne parlerai pas de protéines, parce que, dans les ingrédients qui servent à nourrir le porc, il entre très peu de protéines. Nous parlerons de protéines à l'un des autres programmes agricoles au Québec, une autre des spécialités agricoles au Québec. Mais pour ce qui est des producteurs de porc, s'il est fondé présentement au Québec qu'on veut mettre sur pied un programme de stabilisation des prix aux naisseurs de porc, je ne conçois pas qu'on puisse reconnaître la nécessité et le bien-fondé de ce programme aux naisseurs, sans reconnaître qu'il est aussi essentiel de mettre le même programme à la disposition des engrais-seurs, de ceux qui font l'élevage pour la mise en marché. Le ministre sait fort bien que, depuis environ deux ans, le prix payé aux éleveurs de porcelets, aux naisseurs, est en fonction, et de façon directe, du prix de vente au marché du porc engraissé, du porc fini.

Si le prix du marché au porc engraissé vendu atteint tel niveau, immédiatement un équilibre se fait dans le prix qu'on va payer aux éleveurs de porcelet; c'est la structure qui s'est créée au Québec, depuis environ deux ans. A ce que je sache, cette structure n'a pas été modifiée. Au moment où on discute les crédits de l'agriculture, c'est encore la formule ou le système qui sert à déterminer le prix qui sera payé aux producteurs de porcelets. S'il y a des changements, j'aimerais qu'on m'en informe. Mais, récemment encore, j'ai discuté avec des producteurs de porc, des gros producteurs de mon milieu et on m'a indiqué qu'il n'y avait pas eu de modification dans l'établissement du prix à payer aux éleveurs de porcelets, que ce prix demeurait fonction du prix qu'on payait au marché d'abattage du porc engraissé. Donc, si le ministre juge qu'il est important, qu'il est urgent de mettre sur pied un programme de stabilisation pour les naisseurs de porc, il va reconnaître automatiquement qu'en fonction du système actuel il devra élargir ce programme de façon à en faire profiter ou bénéficier ceux qui font l'engraissement du porc.

Le ministre a fait allusion à la production de chair de volaille ou de poulet à griller chez nous, en indiquant que le marché américain, dans ses quantités d'exportations faites au Canada, cause des préjudices. A ce sujet, tout le monde est d'accord. Plus nous allons accepter ou subir l'entrée de poulet, que ce soit de poulet à griller ou de gros coqs, venant du pays voisin, plus il est sûr

que cela causera des problèmes. Mais au-delà de cela, présentement, l'un des grands problèmes vécus par les éleveurs de volaille ne réside pas uniquement dans l'entrée de poulet américain sur le marché canadien. Nous vivons, depuis quelques mois, depuis le mois de décembre entre autres, une augmentation radicale et effrénée du prix des protéines. Nous savons tous que, s'il est une moulée au Québec qui nécessite une quantité de protéines importante, c'est la moulée qui sert à l'alimentation des volailles. Cela va jusqu'à 20% de teneur dans les moulées qui servent à engraisser le poulet à griller, comme le gros coq. Quand on parle de production de dinde, le volume de protéines peut aller jusqu'à 30% dans la fabrication de ces moulées. Or, dans l'espace de quelques mois, le prix des protéines a doublé et a changé considérablement le coût de fabrication des moulées dans cette spécialité particulière. Comme cette protéine, au Québec, nous devons l'importer dans à peu près la totalité des besoins que nous avons, le soya, c'est bien dommage, le Québec en produit très peu, l'Ontario en produit très peu et le garde pour la consommation domestique.

Je dis qu'au-delà des problèmes que nous vivons par l'entrée du poulet venant des Etats-Unis, il va nous falloir, au Québec, un programme particulier qui va voir à neutraliser les conséquences de l'augmentation considérable du prix de la protéine, tout au moins jusqu'au jour où le marché de cette denrée qu'est la protéine sera rétabli à des niveaux convenables. Comme je le disais, cela affecte davantage les producteurs en aviculture à cause du volume de protéine qui entrent dans la fabrication de ces moulées. J'attendrai également plus que les réponses que le ministre m'a données en Chambre récemment, rejetant la faute entièrement sur l'entrée du poulet américain. Même si nous n'avions pas l'entrée de poulets américains, si nous étions limités au contingentement des produits en aviculture...

M. Garon: Des quotas.

M. Giasson: Des quotas, oui. C'est plus facile à dire et tout le monde comprend cela, du moins en production. Même si nous étions limités à cela, avec une entrée très minime de poulets venant du pays voisin, nous aurions à vivre les conséquences de l'augmentation radicale du coût de la protéine. Je crois que devant des situations sur lesquelles nous n'avons pas de contrôle, ici au Québec, parce que nous ne produisons pas cette protéine, il va falloir instaurer un programme, au ministère de l'Agriculture, pour combler les manques à gagner pour les années où nous devrons subir des modifications de prix très importantes.

Un autre secteur où nous sommes loin d'être autosuffisants, au Québec, est celui de la production maraîchère. Là encore je m'attendais que le ministre de l'Agriculture nous donne un aperçu sur les programmes nouveaux qu'il entend instaurer afin d'aider ceux qui s'adonnent à la production maraîchère chez nous de manière, d'abord, à convaincre davantage de gens à s'adonner à cette production. Je n'ai pas vu les chiffres, tout ré- cemment, mais je pense que si nous produisons, au Québec — selon les derniers chiffres que j'ai vus — 25% des produits maraîchers qui se consomment au Québec, c'est déjà beau. J'aurais également aimé entendre le ministre de l'Agriculture nous répéter, ce qu'il a dit à maintes occasions, que seule l'indépendance du Québec était la véritable solution à tous les problèmes vécus par les agriculteurs du Québec. J'ai remarqué que récemment il s'est gardé de répéter cette grande vérité que l'indépendance était la seule solution, la véritable solution à tous les problèmes vécus au Québec. Je sais qu'il ne le croit pas. Il le déclare, mais il ne le croit pas. Le ministre est trop intelligent, il voit trop ce qui se passe dans le monde. Lorsqu'il réalise qu'un pays aussi puissant que les Etats-Unis, qui a son indépendance depuis fort longtemps, est obligé encore de composer, est obligé de bâtir des programmes de soutien pour une foule de spécialités agricoles aux Etats-Unis, lorsqu'on sait que les Etats-Unis sont peut-être le pays qui consacre les sommes les plus volumineuses au soutien de l'agriculture, le ministre est assez sérieux pour savoir que l'indépendance n'est pas une panacée pour l'agriculture. Cela peut contribuer, je le concède.

Des Voix: Ah! Ah!

M. Giasson: Oui, cela peut contribuer. Je ne nie pas la vérité, cela peut contribuer dans des champs de production où nous n'avons pas atteint l'autosuffisance, mais l'indépendance ne viendra pas régler les problèmes du producteur laitier.

M. Baril: Une chance que vous vous...

M. Giasson: II ne faut pas se faire d'illusions! Quand nous sommes dans une production largement excédentaire, le Québec indépendant doit compter sur des marchés extérieurs pour écouler ses surplus. Mais quand on compte sur des marchés extérieurs, ce n'est pas l'indépendance.

M. Ouellette: Oh!

M. Giasson: Ou il va soutenir davantage par l'indépendance...

M. Ouellette: Politique.

M. Giasson: Politique? C'est politique, l'indépendance.

M. Ouellette: Oui, et cela peut être économique.

M. Giasson: II n'y a pas de gens qui ont parlé plus de ce thème que les gens qu'on retrouve de ce côté-là de la table. Quand cela fait son affaire, on en parle; quand on arrive dans la réalité et les conséquences directes, on dit: Politique? Il ne faut pas parler de cela.

M. Ouellette: Ce n'est pas ce qu'on dit. Les protéines que nous utilisons pour la fabrication de moulées en agriculture, nous allons les

chercher aux Etats-Unis. Les Etats-Unis sont un grand producteur de protéines dans le monde. Non seulement ils alimentent les besoins du pays chez eux, mais ils exportent beaucoup au Canada, ils exportent dans d'autres pays. Ils ont même été, en deux occasions au cours des récentes années, de gros exportateurs de protéines pour les pays derrière le rideau de fer. Le marché russe est venu acheter aux Etats-Unis, en deux années différentes, des quantités énormes de protéines, à un point tel que cela a déséquilibré toute la structure des prix de la protéine en Amérique du Nord.

M. Giasson: Je pense que, oui, c'est politique, vous êtes les premiers à le reconnaître, mais il faut replacer les choses dans leur véritable dimension. Dans l'hypothèse d'une indépendance, nous vivrons les mêmes problèmes que les pays qui doivent écouler des excédents de production en agriculture sur des marchés extérieurs. On devra payer un prix de soutien à l'endroit de produits qu'on doit exporter. Il ne faut pas se raconter d'histoires. Je pense qu'il faut voir les choses dans une dimension véritable. C'est pourquoi le ministre s'est gardé, au cours des récentes semaines, de trop mettre l'accent sur l'indépendance comme étant la véritable panacée; il commence à découvrir, à l'intérieur de son ministère — puis, il va découvrir encore beaucoup de choses — que des solutions faciles, des réponses à tous les problèmes, cela n'existe pas, on n'a pas cela dans le revers du veston. Rien n'est facile en agriculture. Quel que soit le statut politique qu'un pays ou qu'une province peut se donner, l'agriculture ne comporte rien de facile et ce sera toujours ainsi, parce que je ne connais pas de champ de production qui dépende autant de conditions sur lesquelles l'homme n'a pas de contrôle absolu.

Qu'on pense aux conditions climatiques. Il va toujours se produire, en agriculture, des conditions climatiques que l'homme n'a pas prévues et qu'il devra subir au fil des ans, au fur et à mesure que cela peut se produire. C'est pourquoi je dis qu'en agriculture tous les pays du monde, principalement les pays les plus industrialisés, auront à concevoir, au fil du temps, selon l'évolution dans chacune des productions, des programmes nouveaux pour tenter de compenser les changements qui peuvent arriver constamment sans qu'on le veuille.

Donc, du côté de la production maraîchère où nous sommes nettement insuffisants, quels sont les programmes que le ministre entend instaurer à brève échéance afin de rattraper graduellement — cela ne peut pas se faire dans un an, je le sais, nous avons tellement de retard dans ce secteur — notre capacité de nous autosuffire? Le ministre a fait allusion également à notre dépendance en matière de céréales. C'est vrai que le Québec traditionnellement a toujours dû compter sur l'importation de ses céréales. Je ne dis pas qu'on ne doit pas continuer à mener des recherches — c'est même nécessaire — pour tenter dans la mesure du possible de s'autosuffire, mais il reste qu'en dépit de tous ces efforts et en dépit des années consacrées de ce côté, nous devrons dépendre, si nous voulons maintenir et accroître nos productions, de marchés que nous ne contrôlons pas à l'intérieur du Québec. Il faudra avoir même des programmes pour assurer un meilleur approvisionnement aux cultivateurs du Québec. Tout à l'heure, lorsque le ministre a abordé le mandat, les rôles ou les pouvoirs qu'on voulait confier à SOQUIA, je m'attendais qu'il élabore davantage sur cela. Nous aurons l'occasion d'y revenir lorsqu'on examinera plus en profondeur les champs d'activité dont le ministre veut privilégier SOQUIA.

Il y a un autre phénomène qu'on vit au Québec, cette année. Le ministre a fait largement état, avec beaucoup de publicité, de la dépolitisation du conseil d'administration de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Face à toute cette publicité, on pouvait s'attendre que c'était un élan nouveau que la production de betteraves allait connaître chez nous. Donc, je m'attendais, devant ces changements si importants et la dépolitisation de l'administration, à découvrir que la production de betterave allait s'accroître, et de façon très importante au Québec. J'ai dit: Devant ce renouveau que connaît la raffinerie, les ensemencements au Québec vont augmenter et peut-être doubler.

Or, selon les nouvelles que nous avons — le ministre nous le dira si nous sommes mal informés — au lieu de s'accroître, la production de betterave va décroître pour l'année 1977. Cette production nous est propre et la province a investi beaucoup d'argent pour la soutenir pendant les années où la raffinerie a connu des déficits et on sait que ces années sont nombreuses depuis l'existence de la raffinerie. Or, nous découvrons, selon les nouvelles qui nous sont rapportées, que la production de betteraves au Québec, en dépit des changements, des nouvelles négociations qui se sont faites en 1977, au lieu de s'accroître, va décliner de façon considérable.

On parle d'une diminution de 50% des ensemencements, en superficie. Ce n'est peut-être pas vrai, le ministre va nous le dire au cours de l'étude des crédits. Il va rétablir la vérité et nous dire ce que seront les volumes ensemencés, l'acrage ensemencé cette année, et nous indiquer de quelle façon les changements qu'il a voulu apporter par un programme de dépolitisation a pu contribuer à cette situation qu'on vivra en matière de production.

Le ministre a indiqué également, au tout début de son intervention, qu'il fallait dépolitiser l'agriculture et que c'était très important. M. le Président, sincèrement je crois qu'il faut dépolitiser l'agriculture parce que, traditionnellement, elle a été trop politisée. C'est peut-être ce qu'on peut reprocher le plus à ceux qui ont dirigé les destinées du Québec, particulièrement ceux du ministère de l'Agriculture, d'apporter trop souvent des éléments politiques à l'intérieur. Chaque fois qu'il se posait des actions qui avaient comme fin de vouloir aider l'agriculteur, on a eu tendance à donner une dimension politique, à vouloir mettre en évidence les bienfaits de tel gouvernement qui se penchait sur le sort de l'agriculture.

Oui, j'admets qu'il faut dépolitiser dans la me-

sure du possible, mais tout en dépolitisant il ne faudrait pas nier des réalités. Lorsqu'on sent que le cultivateur, quelle que soit la spécialité dans laquelle il oeuvre, vit des problèmes aigus et qu'on réalise qu'il n'y a pas d'autres solutions que celles qui pourraient émarger ou venir d'une action gouvernementale, alors il va falloir en parler, sur le plan politique, au ministre de l'Agriculture comme au gouvernement qui dirigée les destinées de notre province. On ne peut pas les accuser de vouloir politiser l'agriculture quand on sent que l'action ne peut venir d'ailleurs que du niveau gouvernemental.

C'est une réalité que le ministre connaît aussi bien que moi. Mais le ministre des Finances est toujours à l'intérieur du gouvernement, du même gouvernement que celui dans lequel vous oeuvrez. C'est pour cela que j'ai dit au ministre de l'Agriculture que je n'avais pas aimé qu'il ne fasse pas appel au premier ministre pour retenir le bras du ministre des Finances qui, avec son couteau, est venu couper la bonne nouvelle que les cultivateurs avaient apprise par le dépôt des crédits en matière de crédits agricoles.

Le livre des crédits indiquait aux cultivateurs du Québec qu'on mettrait des sommes additionnelles à la disposition du crédit agricole par rapport à l'année précédente. Le ministre des Finances, dans un geste personnel, et devant l'incapacité du ministre de l'Agriculture de le convaincre de ne pas toucher aux crédits réservés à l'Office du crédit agricole, est venu amputer les crédits, annoncés dans le livre bleu, de $15 millions.

Je sais que le ministre va nous dire que ces $15 millions, il les affectera à un autre secteur de son ministère, je m'y attends, pour que les chiffres ne soient pas déséquilibrés. Les $15 millions qu'on enlève au crédit agricole, on les affectera à tel champ d'activités dans l'agriculture. On va demander — oui, mais cela regardait bien la nouvelle aux cultivateurs — aux institutions financières de venir combler le retrait des $15 millions qui étaient prévus dans le livre bleu. Cela fera l'objet de nos discussions au cours de l'étude des crédits.

On a dit également que les cultivateurs du Québec avaient été une classe charriée. Il y a là un élément de vérité encore. Je crois qu'une des grandes faiblesses de l'agriculture au Québec est le manque d'information et de compréhension de la part des autres milieux en dehors de l'agriculture. Je crois que les consommateurs au Québec n'ont jamais compris la dimension réelle des problèmes vécus à différentes époques par les cultivateurs du Québec. Il s'agit de discuter avec des gens qui ne sont pas en agriculture, d'entendre les propos et commentaires qu'ils tiennent à l'endroit des facilités ou du bonheur de l'homme des champs pour constater qu'en dehors de l'agriculture il y a très peu de monde qui connaisse la situation ou les problèmes vécus.

S'il y a eu charriage, il est venu des secteurs autres que l'agriculture qui ont toujours prétendu que l'agriculture au Québec bénéficiait d'avantages que les autres secteurs de l'économie n'avaient pas. Quand on a avancé ces prétentions, on ne connaissait pas vraiment ce qu'était l'agriculture au Québec.

Celui qui s'est tenu près du cultivateur, qui a mis un peu la main à ce secteur a pu à chaque année comprendre quels étaient les problèmes vécus par les cultivateurs, quel que soit le champ de production dans lequel il était.

Quand le ministre a parlé de donner l'information, oui il faut donner de l'information aux cultivateurs, davantage peut-être. Il faut mettre plus d'accent, quoique je trouve que le ministère de l'Agriculture, dans le passé, n'a pas fait défaut de fournir de l'information, non seulement l'information écrite qui doit être publiée mais il a donné également beaucoup d'informations par son équipe de fonctionnaires dans les régions.

Mais, s'il faut faire de l'information, il faut la faire également vis-à-vis des autres classes de la société québécoise. Il faut les amener à découvrir davantage ce qu'est l'agriculture québécoise et quels sont véritablement les problèmes que chaque spécialité agricole vit chez nous. C'est là qu'il va falloir faire porter notre information chez nous, peut-être davantage que du côté du cultivateur lui-même.

Je ne voudrais pas prendre trop de temps puisque nous aurons l'occasion de revenir et je voudrais laisser au représentant de l'Union Nationale la possibilité de faire ses propres commentaires.

Du côté des programmes possibles de stabilisation du prix des produits agricoles, après avoir entendu les propos ou les commentaires tenus par le Parti québécois depuis environ deux ans et particulièrement au cours de la dernière campagne, j'avais compris qu'une volonté très ferme irait dans le sens de la mise sur pied d'un programme de stabilisation dans toutes les productions, sauf peut-être la production du lait industriel, étant donné la présence très forte du gouvernement fédéral dans ce champ d'activité. Mais tel n'apparaît pas être le cas.

Comme je l'ai indiqué, les producteurs de chair de volaille ne bénéficieront pas, je crois, au cours de l'année 1977 d'un programme de stabilisation. Les producteurs de porc n'auront pas ces avantages, je parle des producteurs engraisseurs.

J'aimerais savoir du ministre les raisons pour lesquelles, devant les situations vécues par ces deux spécialités, il ne croit pas bon d'instaurer des programmes de stabilisation des prix. Je sais également que son parti a soutenu très fortement le grand principe mis de l'avant pas l'UPA, soit celui de structurer un programme de prix pour toutes les productions agricoles de façon à mettre à la disposition du cultivateur une parité de revenu avec celui de l'ouvrier spécialisé au Québec. Je m'attendais que dans ses propos d'ouverture le ministre nous donnerait de bonnes indications sur la façon dont il entend procéder pour atteindre ce niveau ou cette situation qui est recherchée par les cultivateurs et qui est fortement soutenue par les associations agricoles, principalement par l'UPA. Là encore, mystère. Le ministre n'a pas cru bon d'aborder cela. Sans doute nous indiquera-t-il

un peu plus tard de quelle façon il entend concevoir, bâtir et structurer un programme à l'endroit de chaque production, chaque spécialité agricole qui va permettre à ceux qui pratiquent ces spécialités d'atteindre cette parité de revenu avec l'ouvrier spécialisé.

Le ministre a touché également d'autres secteurs. Je ne ferai pas le tour d'horizon complet parce que nous pourrons, lorsque nous allons procéder à l'intérieur des programmes, revenir sur ces questions. Il a parlé de programmes de main-d'oeuvre agricole, de ramener l'assisté social travailler sur des fermes. Le ministre a dû sans doute examiner l'expérience que nous avons vécue dans ce secteur d'activité. Puisque l'expérience, le moins que l'on puisse dire, n'est pas concluante, il y a certainement des éléments nouveaux qui vont être instaurés à ce programme. Nous allons découvrir cela dans nos discussions.

Le ministre nous a dit qu'il a entrepris la visite des régions. Là encore, j'aurais cru, suite à ces examens de situations vécues dans chacune des régions agricoles du Québec, que le ministre nous indiquerait une orientation qu'il voudrait donner selon les régions. Compte tenu du climat qu'on retrouve dans chacune des régions, compte tenu du type de sol que nous avons dans ces régions, j'aurais pensé que le ministre nous indiquerait quelles sont les vocations particulières qu'il veut donner à chacune des régions en tenant compte des conditions du milieu. J'imagine que cela viendra dans un prochain temps.

Par contre, il faut reconnaître que la volonté du ministre de l'Agriculture d'instaurer un programme de stabilisation pour les producteurs de pommes de terre est une excellente nouvelle. Il ne s'agit peut-être pas d'une production aussi importante au Québec que d'autres que nous connaissons mais, par contre, c'est un secteur où nous sommes encore nettement insuffisants. Lorsqu'on regarde les volumes de consommation, il me paraît qu'un bon programme de stabilisation des prix dans le secteur de la pomme de terre est une innovation qui était nécessaire. Le ministre peut être assuré que là-dessus, nous allons l'appuyer avec force et vigueur puisque nous allons permettre à cette spécialité de se développer. Un programme de stabilisation bien conçu et qui serait nettement suffisant va permettre d'accroître la production de la pomme de terre au Québec et nous conduire graduellement, avec le temps, vers un programme d'autosuffisance.

Un autre secteur que le ministre n'a pas abordé, qui a fait couler beaucoup d'encre et provoqué beaucoup de commentaires au cours des dernières années est celui de l'inspection des viandes au Québec. L'inspection des viandes, problème des petits abattoirs, que de choses n'ont pas été dites à ce sujet! Or, à son arrivée au ministère, le ministre a créé beaucoup d'espoir. Il avait dans sa poche la solution définitive aux problèmes de la vie des petits abattoirs chez nous. La recherche particulière d'appliquer un programme d'inspection obligatoire des viandes, la volonté d'avoir une formule qui fasse qu'une viande "approuvée Québec" ait autant de mérite et de qualité qu'une viande "inspectée Canada", le ministre n'a pas abordé cela. C'étaient des mots d'ouverture mais, en cours de route, le ministre sait fort bien que nous allons pénétrer davantage ce champ d'activité.

Un autre secteur que le ministre a abordé sur lequel il n'a pas détaillé tellement est celui des problèmes que nous vivons malgré tout à l'intérieur de la Régie des marchés agricoles, peut-être pas dans toutes les productions de façon égale, mais dans certaines productions. Là encore il va falloir examiner cette situation plus en profondeur. Il y a également d'autres secteurs. Le programme du Parti québécois nous avait indiqué une volonté très ferme de mettre sur pied immédiatement un programme de commercialisation des grains de provende, de capacité d'entreposage pour assurer les approvisionnements de façon certaine, en tout temps, aux cultivateurs du Québec. Il ne nous a pas indiqué à quel moment il va instaurer ce nouveau système. Est-ce que ce sera le ministère qui va l'instaurer lui-même? Est-ce un champ d'activité qu'il va vouloir confier à SOQUIA? Là encore, lorsque nous allons examiner de plus près le rôle que devra assumer SOQUIA chez nous, nous allons voir de quelle façon ces programmes peuvent s'instaurer.

Enfin, M. le Président, je ne ferai pas le tour de tous les éléments sur lesquels le ministre a parlé quelque peu; nous y reviendrons au cours de l'étude des programmes. Je voudrais permettre à mon collègue de l'Union Nationale, porte-parole de son parti en matière agricole, de faire son exposé d'ouverture. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Merci, M. le Président. J'aurais aussi quelques remarques préliminaires et quelques suggestions à faire à M. le ministre. J'espère que vous trouverez mes suggestions constructives et que vous serez bien attentif à ces remarques.

Le ministère de l'Agriculture, et j'ajouterai immédiatement de l'alimentation — puisque dans le programme de l'Union Nationale on mentionne qu'on devrait appeler ce ministère celui de l'Agriculture et de l'Alimentation — a un rôle des plus importants à remplir et aussi un des plus complexes. Il n'y a pas de domaine dans notre économie qui soit aussi imprévisible et trompeur que la production agricole. Les experts les plus réputés perdent souvent leur latin devant les incertitudes de la nature et aussi devant les caprices et les contraintes de toutes sortes que connaissent nos agriculteurs. Il n'en reste pas moins qu'un équilibre doit être maintenu d'une façon aussi précise que possible entre la production d'une part et la consommation, ainsi que la demande extérieure d'autre part. Le ministère a cette responsabilité mais il a aussi, en parallèle, le devoir de respecter les individus ainsi que l'entrepreneur privé, base de toute motivation et de toute forme de productivité. Les interventions gouvernementales doivent

se faire d'une façon très respectueuse et compréhensive vis-à-vis des professionnels agricoles.

J'en profite, à ce moment-ci, pour suggérer au ministre que l'on veuille bien essayer de favoriser l'intégration dans les organismes de notre ministère de producteurs agricoles, de gens du milieu, des personnes ayant des connaissances pratiques. Présentement, les gens les plus intéressés dans ce domaine n'ont même pas voix au chapitre. Je trouve cette situation absolument inconcevable et même révoltante. La compétence en agriculture ne s'acquiert malheureusement pas entre quatre murs. A titre d'exemple frappant, je pourrais citer le cas de plusieurs grosses corporations américaines qui ont appris à leurs dépens et après des pertes financières exorbitantes que l'agriculture, ce n'est pas l'affaire de n'importe qui, que ce n'est pas de la production à la chaîne et que les prévisions de récoltes ne se calculent pas sur un "computer".

J'aimerais plutôt formuler un souhait et même demander au ministre de freiner l'établissement des plans conjoints, de ne pas sanctionner des plans qui ne reçoivent pas l'approbation de la majorité en acres et en volume de production. Je suggérerais aussi au ministre de bien vouloir reconnaître les fédérations, les associations, les offices et les syndicats de producteurs, tous à titre de corps représentatifs et autonomes ayant un droit individuel de représentation.

J'aimerais maintenant passer de l'agriculture à l'agro-alimentaire, un autre sujet des plus vitaux, sinon le plus vital puisque les horizons dans ce domaine vont aussi loin que la tablette du consommateur le plus éloigné du monde. La population mondiale, toujours croissante, les pressions économiques, l'envahissement des terres fertiles par la croissance des villes, la concurrence entre l'homme et l'animal pour les protéines disponibles et la pollution des eaux sont tous des facteurs sur lesquels il y a de quoi réfléchir. Incidemment, à titre de Canadiens, à titre de citoyens d'un pays hautement favorisé et techniquement très avancé, nous avons une responsabilité vis-à-vis des peuples défavorisés du globe, des peuples qui ont faim. Nous avons aussi à la portée de la main un immense potentiel, un marché sans borne et des opportunités comme peu de pays en ont. Les perspectives sont telles qu'il n'y a plus de marge pour des erreurs. Il nous faut immédiatement nous adapter et réagir aux caprices et aux tendances dans l'alimentation.

Il nous faut ajuster notre système agroalimentaire en marge des tendances à venir. Le choix des aliments par le consommateur sera certainement influencé par les diverses contraintes économiques. La capacité financière de chacun des consommateurs aura un effet déterminant. Il est prévu qu'en 1983 un repas sur deux sera pris à l'extérieur. On prévoit aussi qu'en 1990, 90% de tous les repas servis seront des mets de commodité. Ces indications nous laissent entrevoir des changements de mode de consommation auxquels le Québec devra s'adapter à temps s'il veut préserver son économie agricole et surtout l'améliorer.

En passant, j'aimerais mentionner que le

Québec accuse un retard important dans l'exploitation de l'agro-alimentaire. Nous n'avons aucune usine de déshydratation. Je voudrais faire remarquer que nous employons ici au Québec une très grande quantité d'oignons déshydratés, carottes et autres, enfin tout ce que l'on retrouve dans les soupes Lipton et dans plusieurs autres produits en conserve. Nous avons une toute petite usine de congélation, ici au Québec, qui ne suffit absolument pas aux besoins. Si je touche au secteur des tomates, la mise en conserve au Québec ne représente même pas 1% de notre besoin. Pourtant, nous avons de très belles terres drainées et propices à cette culture, surtout dans les régions au sud de Montréal.

J'en profite pour indiquer au ministre que toutes les conserveries de tomates ont disparu en 1959, exactement un an après que la régie sanctionnait le plan conjoint des producteurs de tomates mis sur pied par l'Union catholique des cultivateurs, que l'on connaît aujourd'hui comme l'UPA. En ce qui a trait aux choux-fleurs, brocolis, choux de Bruxelles, rhubarbe, nous n'avons rien de "made in Québec" en ce qui a trait à la congélation.

M. le ministre, pour faire suite aux voeux pieux du Parti québécois, lequel préconisait un bel effort d'autosuffisance, je crois que vous avez ici de quoi remplir quelques promesses. L'autosuffi-sance, M. le ministre, pourrait se pratiquer dans plusieurs autres domaines.

Remarquez bien que je ne vous dis pas qu'elle est toujours possible, mais tout de même, je pourrais citer la pomme de terre, où on a 52% seulement d'autosuffisance; les fraises, 30%; la framboise, 30%; les asperges, 10%; la laitue, 19% — c'est un légume qui est assez difficile quand même, hors saison — les épinards, 14%; les tomates fraîches et en conserves correspondent à 5,7% de notre besoin ici au Québec. Il y a aussi certains légumes de sources locales, seulement en saison, qui pourraient être cultivés en serres, durant les périodes hors saison. Je ne manquerai pas de revenir là-dessus, lors de l'étude des programmes.

Il y aurait de quoi vous entretenir longuement dans le domaine des viandes et des céréales, mais je vais seulement m'arrêter un instant sur les viandes rouges. Le ministère pourrait s'interroger sur des moyens incitatifs à prendre pour que l'élevage du boeuf progresse un peu plus rapidement ici au Québec. C'est peut-être une préoccupation de votre ministère, présentement, mais je veux seulement ajouter que nous avons importé, en 1975, plus de un demi-milliard de livres de boeuf, ce qui représente à peu près 80% de notre consommation.

Au sujet de la mise en marché, une fois de plus, nous tirons de l'arrière. Et toujours dans le cadre de l'autosuffisance, la production doit passer par cette étape. Le "merchandising" ce n'est pas pour nous autres, il n'y a que les pomiculteurs qui ont su s'adapter aux besoins du marché et de la concurrence. Je peux vous dire par expérience personnelle que les courtiers de Londres n'ont aucun désir d'acheter les oignons du Québec. Les

causes: mauvaise présentation du produit, qualité inconstante, mauvais classement et mauvaise conservation. Les mêmes qualificatifs s'appliquent à plusieurs de nos productions.

Ces lacunes dans notre service de mise en marché sont très directement liées à notre manque d'usines de transformation. Il n'existe présentement aucun débouché pour la production maraîchère de deuxième et troisième classes. Par conséquent, les producteurs n'ont d'autre choix que d'essayer de les écouler sur les marchés de légumes frais, ce qui participe automatiquement à créer une mauvaise réputation chez nos producteurs et aussi à pousser le consommateur vers l'achat de produits de meilleure qualité et de meilleure apparence. De là le résultat que l'on connaît aujourd'hui, c'est-à-dire la préférence qu'ils ont pour des produits ontariens et américains. En plus de régler un problème aigu ici, nous pourrions ouvrir un nouveau marché d'exportation si nous avions plus d'usines de transformation.

M. le ministre, la majorité des entreprises dynamiques en horticulture au Québec sont exploitées par des indépendants. Ces indépendants forment ce qu'on appelle la crème de nos producteurs. Ces gens doivent avoir les mêmes privilèges que les sociétés ou les groupements ou les coopératives. Ce sont ces agriculteurs qui paient les impôts, ce sont ceux-là qui participent le plus avantageusement à notre économie. Pour être plus précis, ils sont les plus rentables pour le fisc.

Je déplore fortement que plusieurs politiques socialistes du ministère de l'Agriculture soient préjudiciables au développement de ce que vous appelez, au ministère, les individualistes. Certaines subventions sur des équipements, l'entreposage, le séchage, l'emballage et la mise en marché de légumes ne sont pas disponibles pour eux. Une telle ségrégation n'est pas conciliable avec notre désir d'autosuffisance et notre démocratie.

M. le ministre, je n'ai que quelques remarques additionnelles que je crois utiles. Je voudrais dire qu'à mon sens il serait inutile de tenter d'augmenter la population active agricole au Québec, mais plutôt de s'efforcer constamment de conserver nos meilleurs éléments, en dirigeant nos politiques agricoles vers ces gens. Les agriculteurs doivent être sur le même palier que les industriels. Les qualités et la compétence n'en sont pas moindres. La colonisation, c'est chose du passé. La rentabilité, la productivité et l'efficacité font partie du vocabulaire de tous les jours. Le fermier est un gestionnaire indispensable.

Afin de s'assurer d'une relève mieux préparée et encore plus dynamique, il serait impératif que l'enseignement agricole soit repensé et qu'il soit en concordance avec la future technologie. Par respect pour eux et pour mieux les désigner, j'aimerais suggérer au ministre que, par définition, l'UPA puisse s'interpréter l'Union des professionnels agricoles. Etant donné que j'aurai, tout au long de l'examen des crédits, le loisir d'intervenir sur différents sujets, et entre autres, sur un qui représente 40% de nos revenus agricoles au Québec, je dois dire, l'industrie laitière, je conclus immédiatement.

M. le ministre, vous qui assumez la tutelle de l'agriculture dans notre belle province, située dans un Canada dont nous sommes tous orgueilleux d'en être les citoyens, il vous incombe le devoir d'adapter vos politiques ministérielles aux exigences de demain, d'être le promoteur dynamique auquel les producteurs sont en droit de s'attendre et de permettre aux professionnels agricoles de continuer à jouer le rôle prépondérant qui leur revient dans notre société. Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous avez droit de réplique.

Réplique du ministre

M. Garon: Je serai bref parce qu'on aura l'occasion, j'imagine, de voir en détail les points soulevés par les critiques agricoles tant du Parti libéral que de l'Union Nationale. J'aimerais peut-être commencer par les remarques qu'a faites le député de Huntingdon.

D'abord, il soulignait que le programme de l'Union Nationale parlait d'un ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Dans les faits, l'orientation que nous avons prise, et qui était déjà prise, d'ailleurs, par le ministère avant qu'on arrive, c'est que le ministère devienne, de plus en plus, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation sans que le nom soit mentionné formellement. Au fond, quand on parle du développement agroalimentaire, dans les faits, le ministère devient et deviendra de plus en plus rapidement le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Deuxièmement, vous avez parlé des gens du milieu qui n'ont pas leur mot à dire dans le ministère. Je ne voudrais pas porter de jugement sur le passé, mais je peux dire que d'une façon générale les fonctionnaires du ministère sont préoccupés du développement de l'agriculture. Ils sont aussi préoccupés des problèmes des cultivateurs. Je fais actuellement des visites régionales. D'ailleurs, à plusieurs reprises, à différents endroits où je suis allé, on m'a dit que j'étais le premier ministre de l'Agriculture qui allait visiter les différents secteurs du ministère de l'Agriculture. J'ai été, par exemple, au Centre d'insémination artificielle de Saint-Hyacinthe, où on m'a dit que j'étais le premier ministre de l'Agriculture qui allait là. Dans différentes régions, on m'a dit que cela faisait huit ans, dix ans ou douze ans qu'on n'avait pas vu un ministre de l'Agriculture dans la région visiter les gens du ministère de l'Agriculture.

Je pense avoir indiqué de façon très marquée ma préoccupation d'être le plus près possible des gens du milieu. J'ai aussi indiqué, d'une façon générale, que je souhaitais que les cultivateurs soient reçus, aux différents paliers du ministère de l'Agriculture, par les fonctionnaires de la même façon que s'ils recevaient leur propre père qui aurait des problèmes, c'est-à-dire avec le plus de cordialité possible, d'être les plus recevants possible pour les cultivateurs qui viennent demander des informations, chercher des formules ou se faire expliquer des programmes.

Vous avez également parlé des plans

conjoints. Le principe est clair, je l'ai mentionné à quelques reprises. Cela n'a peut-être pas eu la diffusion que j'aurais souhaitée, mais je pense que le principe des plans conjoints est inattaquable. Les producteurs ont le droit de se regrouper pour négocier leurs prix ou pour discuter la mise en marché de leurs produits. Les ouvriers ont le droit de se réunir pour négocier leurs conditions de travail avec les entreprises; de la même façon, les producteurs le peuvent, eux qui sont isolés, qui sont seuls, surtout quand on tient compte qu'un petit surplus de production peut faire s'écrouler les prix très facilement. 5% de surplus de production peuvent jeter les prix agricoles à terre. Les producteurs agricoles doivent avoir la possibilité de se grouper pour négocier leurs prix et négocier la mise en marché.

Quand j'ai vu les attaques faites à Ottawa quand on a discuté le bill C-42, j'ai été estomaqué. Les arguments qu'on a employés contre les plans conjoints ont été ceux qu'on employait en 1870, en 1880 et 1890 contre les syndicats ouvriers alors qu'on disait que former un syndicat dans le temps, à la fin du XIXe siècle c'était une entrave au_ commerce.

Et c'est là-dessus que les premiers syndicats ont été dissous, parce que les tribunaux considéraient à ce moment qu'ils constituaient une entrave au commerce. Je pense qu'aujourd'hui il n'y a plus personne qui met en doute le pouvoir ou le droit des ouvriers de se regrouper pour négocier leur salaire. Surtout dans des périodes où il y a le plus de chômage, on verrait des diminutions de salaire considérables et des crises de même nature que celle que je n'ai pas connues, mais que d'autres ont connues, dans les années trente, si les ouvriers n'avaient pas la possibilité de se grouper en syndicat.

De la même façon je pense que les producteurs ont le droit de se regrouper en plans conjoints. Je pense par ailleurs qu'il faut autant que possible qu'il y ait plus d'unité dans ces plans conjoints et que les modalités d'application des plans conjoints doivent varier d'un type de production à l'autre, puisque la mise en marché varie d'un produit à l'autre, n'est pas la même. Souvent des producteurs qui n'ont pas plusieurs clients — évidemment quand vous vendez vos produits agricoles sur le bord de la route il y a plusieurs clients, exemple le blé-d'Inde — qui d'une façon générale sont souvent en face d'un, deux ou trois acheteurs ont le droit de se regrouper pour pouvoir obtenir le meilleur prix possible, ce qui ne veut pas dire qu'un plan conjoint doit amener des rivalités entre des groupes de producteurs.

Il y a des ajustements à faire. Il faut dire que, dans toutes ces associations qui groupent des personnes, il y a toujours des divergences. Les plans conjoints ne sont pas différents des autres, il y a toujours des divergences, mais je pense qu'en soi le principe des plans conjoints est bon. Il s'agit d'adopter les modalités d'application les plus conformes à la mise en marché des différents types de production.

Vous avez parlé d'ajuster notre système agroalimentaire en fonction des tendances futures.

C'est exactement ce que nous voulons faire. Je suis très conscient de ce que vous disiez. Par exemple, de plus en plus de personnes prennent leurs repas à l'extérieur, de plus en plus de personnes vont acheter des repas préparés à l'avance, parce que de plus en plus aujourd'hui, les deux conjoints d'un ménage travaillent et ont tendance à moins préparer de repas à la maison qu'auparavant, achetant des mets préparés à l'avance. C'est un peu dans cette perspective que j'ai parlé d'états généraux de l'agro-alimentaire pour pouvoir, en fonction des besoins du marché, orienter les types de production, c'est-à-dire que les gens se rencontrent pour pouvoir faire la jonction entre eux. C'est un peu dans ce but que j'ai parlé d'états généraux de l'agro-alimentaire, parce que le marché est une réalité, ce n'est pas une vue de l'esprit. C'est une réalité. Le marché demande telle chose, pour telle et telle raison à un moment donné, alors il faut qu'à ce moment-là les entreprises de transformation et les producteurs agricoles tiennent compte de ces besoins du marché dans leur production.

Ce que vous disiez sur les soupes, les usines de déshydratation, nous sommes conscients de cela; il y a des études qui se font là-dessus au ministère. Quand vous parlez de manque de suffisance, d'autosuffisance qui est très limitée dans les productions maraîchères, je pense qu'une des façons de les développer va être justement de protéger les terres noires de votre région, de la région de Montréal, qui sont les meilleures terres pour la production maraîchère. La loi du zonage agricole va arriver à point pour protéger ces terres plutôt que de les empaqueter pour les exporter aux Etats-Unis pour remplir des pots de fleurs. Dans un programme vous avez parlé aussi de l'importation de boeuf au Québec, disant que 80% de notre consommation est importée.

Il y a des études qui se font actuellement pour des programmes de veau et de boeuf, pour développer ces productions. Plutôt que les cultivateurs vendent leur veau à 50, 60 ou 70 livres, il faut augmenter le poids du veau qui est vendu. D'ailleurs j'assistais, avec le sous-ministre M. Jacques, à l'inauguration, vendredi dernier, de Provi-Viande, qui est une division de Provigo.

Justement le ministère a fait se joindre des producteurs agricoles dans un programme qui commence pour élever des veaux jusqu'à 200 ou 250 livres pour fournir Provi-Viande. Je pense qu'il faut développer cette formule, alors qu'il y a des entreprises de transformation qui ont besoin d'un certain type de produits. Il faut avoir des programmes qui correspondent aux besoins du marché. L'entreprise qui se développe au Québec pourra, avec des programmes du ministère adaptés aux besoins, fournir davantage ces marchés.

Les pomiculteurs; on fait des travaux actuellement assez importants pour que cela soit mieux adapté, la culture de la pomme. Les variétés de pommiers qu'on a au Québec ne semblent pas être tout à fait adaptées aux besoins actuels du marché. Evidemment, la pomme Mclntosh est peut-être la meilleure pour faire du jus de pomme, mais pour vendre sur le marché à l'état nature comme une pomme fraîche, il y a des variétés aujourd'hui

qui sont plus en demande par le consommateur, qui se gardent mieux, qui ont une meilleure présentation et qui sont meilleures pour la conservation et qui ont moins de blessures durant la manutention.

Je suis convaincu également, comme vous le dites, que les produits doivent être mieux mis en marché. Nous voulons aussi travailler davantage dans le domaine de l'horticulture. C'est un des secteurs dans lesquels nous sommes le moins autosuffisants. Par ailleurs, j'ai été étonné quand vous avez dit que les politiques du ministère de l'Agriculture étaient des politiques socialistes. Je pense, comme le disait le député de Montmagny-L'Islet, qu'il y a de la place pour subventionner davantage l'agriculture. Une des choses que je voudrais qu'on étudie au ministère immédiatement, ce sont des points de comparaison entre différentes provinces et les Etats américains pour voir jusqu'à quel point ils soutiennent l'agriculture.

Mon impression, d'après des lectures que j'ai faites, c'est que les Etats-Unis, particulièrement, subventionnent beaucoup plus l'agriculture qu'on ne le fait ici. C'est une intuition basée sur des lectures, mais j'aimerais que l'on fasse plus systématiquement cette étude au ministère pour les raisons que mentionnait le député de Montmagny-L'Islet. Les gens pensent souvent que l'agriculteur est un gars qui reçoit constamment de l'argent du gouvernement. Dans le fond, dans tous les pays du monde, l'agriculture est subventionnée. On n'a pas le choix.

S'il y a un pays qui aide son agriculture, qui veut la développer et qui s'en sert comme d'une arme commerciale— c'est son arme la plus importante — c'est les Etats-Unis; l'Europe aussi, mais les Etats-Unis s'en servent. Je lisais dernièrement des articles là-dessus. On pense, par exemple, que les armements militaires sont un atout très important pour le commerce américain, mais il semble, au contraire, que l'alimentation est l'atout le plus important des Américains.

Plusieurs experts — je pense, par exemple à des travaux qui se font à Harvard actuellement — prévoient dans un certain nombre d'années une crise de l'alimentation et qu'on ne parlera plus de pétrodollars, mais d'agrodollars. On fait énormément de recherches aux Etat-Unis actuellement pour voir les types de viandes ayant le meilleur taux de conversion pour orienter le marché quand arrivera cette crise — ou encore on veut la prévenir — vers des types de viandes qui ont un taux de conversion supérieur. Quand on parle du lapin, par exemple, deux livres de nourriture font une livre de viande de lapin. Je pense que c'est deux livres et demie ou deux livres trois quarts pour un poulet.

M. Giasson: Vous n'avez pas la conversion des protéines végétales qu'il faut pour faire des protéines de chair.

M. Garon: Je ne le sais pas par coeur, mais je sais que le lapin, c'est le plus faible et, ensuite, le poulet, tandis que le boeuf, c'est beaucoup plus élevé. Tout le monde s'attend qu'à l'avenir, à cause de ce manque de nourriture qu'on pressent dans le monde, le boeuf deviendra de plus en plus un produit de luxe comme le homard, question de quantité et des exigences de ce produit sur la nature, le besoin en alimentation.

Au point de vue de l'enseignement, je pense que l'enseignement agricole doit être également repensé. D'autant plus que j'ai rencontré le ministre de l'Education à ce sujet et nous voulons former un comité conjoint, ministère de l'Education et ministère de l'Agriculture, pour réévaluer l'enseignement agricole, surtout au niveau des CEGEP et probablement au niveau secondaire également.

Je dois dire que c'est un secteur où il y a différentes opinions. Les opinions sont partagées, mais je pense qu'après les essais qui ont été faits jusqu'à maintenant, avec la réforme de l'Education dans les années 1960, il est temps de réévaluer tout le système actuel d'enseignement agricole pour l'adapter aux besoins actuels.

Je voudrais dire également un mot de ce que disait le député de Montmagny-L'Islet dans ses commentaires. Evidemment, on a parlé de beaucoup de choses, on a couvert la plupart des points. Il y en avait d'autres. Je n'ai pas la prétention évidemment et le gouvernement actuel non plus de régler tous les problèmes agricoles dans quelques mois. Je pense bien que si on avait cette prétention, on serait vraiment prétentieux. Il a parlé de subventions ou de prix dans le domaine du lait. On aura sûrement l'occasion d'en parler mais disons que c'est un secteur où je préfère attendre les débats qui se font actuellement sur l'unification des deux laits. Car il est possible que, dans cette perspective de l'unification des deux laits, il y ait de l'argent à mettre, par le gouvernement là-dedans, pour bonifier toute l'industrie laitière et la penser en termes d'industrie et la développer. Il sera toujours temps pour le gouvernement d'intervenir puisqu'à ce moment-ci il y a un développement qui se fait beaucoup plus rapidement vers une certaine unification des deux sortes de laits au Québec.

Quant à la politique fédérale, je ne sais pas si c'est dû à l'attitude du ministère et du ministre de l'Agriculture lors des récentes négociations au cours de la première période de l'année 1977, mais disons que la politique laitière, sans être parfaite, et elle est loin de l'être, s'est améliorée.

Ce que je trouve de plus déplorable dans la politique laitière fédérale qui touche le lait industriel, c'est que c'est une politique à trop court terme. C'est une politique sur un an. Cela n'a pas de bon sens d'avoir des politiques à si court terme dans des productions qui représentent des investissements si forts par les producteurs agricoles. Cette politique devrait être à plus long terme.

Je ne parlerai pas des différentes questions qui ont été touchées par tous les articles car nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'étude en particulier des crédits. Je voudrais dire un mot sur la volaille. Il est d'abord important qu'il y ait un contrôle des importations. Dans tout cela, il y a des questions de priorité. Je pense que la priorité, à l'heure actuelle, c'est vraiment le contrôle des importations.

M. Giasson: Le plan national de mise en marché.

M. Garon: Oui, le plan national de mise en marché. Je dois dire, d'ailleurs, que j'avais donné mon accord de principe, dès le 15 décembre, lors de la conférence des ministres de l'Agriculture, à Ottawa, où j'avais signifié à M. Whelan que nous étions, en principe, d'accord. Evidemment, il y avait certaines conditions.

M. Giasson: ...la thèse fédéraliste, cela a dû être dur.

M. Garon: Non, ce n'est pas que c'était difficile. La thèse fédéraliste a prouvé, encore une fois, qu'elle ne s'appliquait pas très bien, parce qu'au Québec il y a unanimité à peu près sur le contrôle des importations américaines. C'est le fédéral qui ne le fait pas.

M. Giasson: Sur la thèse fédéraliste?

M. Garon: Dans la situation actuelle, on n'a pas le choix. C'est pour cela, d'ailleurs, que je n'ai jamais dit que l'indépendance réglerait tous nos problèmes. Mais ce que j'ai dit, par exemple, c'est que l'indépendance nous donnerait les moyens de régler nos problèmes, c'est-à-dire qu'elle nous donnerait le pouvoir de contrôler nos importations.

M. Giasson: L'émission à Télé-4, le dimanche soir, à 11 heures.

M. Garon: Non et on mentionne que, au fond, sur le plan national, ce que nous voulons, c'est le contrôle des importations américaines. Maintenant, à cause de l'accord du GATT, il doit y avoir un plan de gestion interne au pays pour qu'on puisse faire le contrôle des importations. Ce qui est grave par exemple là-dedans, c'est que plus le gouvernement fédéral retarde à contrôler les importations, vu que dans les conditions du GATT on tient compte du niveau des importations des cinq dernières années, plus on retarde et plus le niveau des importations américaines est élevé, plus le quota des importations des Etats-Unis sera élevé. Plus le gouvernement fédéral retarde, plus il pénalise au fond les producteurs canadiens tant de l'Ontario que du Québec, qui sont les plus gros producteurs de volaille.

La raffinerie. Je dois dire que j'étais très fier du conseil d'administration. Je m'attendais à ce que les négociations se fassent d'une façon plus souple. J'ai été un peu déçu de la façon dont les négociations se sont faites parce qu'il était question et il est encore question de moderniser la raffinerie. Pour que le gouvernement songe à investir des sommes pour la modernisation de la raffinerie, il faut d'abord que les producteurs de la betterave à sucre se montrent intéressés par la production de la betterave. Je dois dire que j'ai obtenu que la raffinerie reste ouverte cette année puisque le Conseil du trésor avait recommandé la fermeture de la raffinerie, et j'ai obtenu qu'elle reste ouverte pour qu'on pense à des programmes de diversification de la raffinerie. Je pense qu'un des gros problèmes de la raffinerie c'est qu'elle fonctionne 100 jours par année alors que les salaires sont payés sur douze mois. Il y a un problème de rentabilité. C'est dans cette perspective que nous avons conçu un conseil d'administration de cette qualité pour qu'on puisse trouver des diversifications de production pour les 200 ou 250 jours qui restent. Il semble qu'il y ait différentes possibilités pour diversifier la production de la raffinerie et il est bon qu'on étudie les possibilités de diversification avant de faire un programme de modernisation de la raffinerie sans savoir quelle va être la diversification qui va survenir à la raffinerie. L'étendue de l'application, c'est vrai qu'on avait dans le programme une étendue d'application du programme de la stabilisation mais on n'avait pas dit qu'on appliquerait à toutes les productions l'assurance-stabilisation d'un coup sec. Je pense bien qu'il n'y a aucun gouvernement qui, dans le temps de le dire, dans une couple de mois, peut étendre l'application de l'assurance-stabilisation à toutes les productions. On a voulu prendre, au fond, deux types de production qui étaient les plus importantes à ce moment-ci par la fluctuation dans les prix et la vulnérabilité des producteurs à cause de ces fluctuations.

Evidemment, on va étudier immédiatement la possibilité d'étendre encore l'assurance-stabilisation à d'autres types de production pour l'an prochain. Dans le cadre des programmes, vous avez aussi parlé qu'il n'y aurait pas de programme nouveau dans bien des secteurs et c'est un fait. Je mentionnais dans le discours d'ouverture, au fond, que dans deux mois on ne peut pas réviser et implanter toutes sortes de programmes. Il y a des programmes que j'aurais voulu réviser plus rapidement mais à cause des délais d'implantation — je me suis aperçu, par exemple, qu'une machine gouvernementale fonctionne à un rythme plus lent parce qu'il y a un tas de dédales — j'ai été six ans dans l'entreprise privée et je n'étais pas habitué à tous ces dédales.

M. Garneau: C'est pour cela que je vous ai dit au début qu'il était plus facile de parler des problèmes que des solutions.

M. Giasson: C'est vrai. Il commence à les découvrir. C'est déjà beaucoup.

M. Caron: II y a beaucoup de programmes que nous voulons retoucher, refaire et penser mais c'est lourd une machine gouvernementale.

Dans deux mois, ce n'était pas possible de faire beaucoup plus que ce qu'on a fait. Même qu'il y a des programmes, à certains moments, pour lesquels les hauts fonctionnaires me disaient: Vous allez trop vite, vous allez briser vos objectifs si vous allez aussi vite que vous voulez y aller. J'ai modéré un peu pour ne pas changer les programmes trop rapidement. D'ailleurs, je me rappelle un gouvernement, dont on disait, au début des années 1960, qu'il avait changé beaucoup de choses rapidement et que la population ne

comprenait pas tous les changements. Je me suis rappelé cette expérience et je me suis dit: C'est peut-être mieux d'y aller plus lentement et d'expliquer davantage nos programmes pour qu'ils soient en plus adaptés aux besoins de la population. Consulter plus aussi les gens. Des programmes sur papier, on peut en faire pas mal dans une journée, mais pas des programmes qui sont axés sur les besoins de la population. Je pense, par exemple, au domaine de la pomme. On a un programme gouvernemental et les gens qui forment le comité consultent actuellement les producteurs justement pour ajuster leur programme avec les besoins des producteurs. Je préfère qu'on travaille de cette façon, en collaboration avec les producteurs, en les consultant pour avoir des programmes qui vont correspondre davantage à leurs besoins.

Vous parliez aussi des régions, des types de production privilégiés. Il y a du travail là-dessus qui s'est fait au ministère, qui se fait encore. Je pense qu'il faudrait commencer d'abord par le zonage des terres. Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas un certain type de production dont on ne sait pas qu'il devrait être privilégié dans un tel secteur, mais que le zonage des terres va permettre de savoir exactement les quantités d'acres dont on peut disposer pour adapter davantage, après cela, les types de production en fonction des disponibilités qu'on a au point de vue des terres.

Je vous remercie d'être d'accord pour l'assurance-stabilisation des pommes de terre.

Les petits abattoirs, disons qu'il y a... Je me suis aperçu que les gens qui veulent conserver les petits abattoirs, ne sont pas toujours ceux qui veulent les garder ouverts, mais là-dessus, quelle que soit la façon dont j'ai abordé le problème, quelle que soit la solution apportée, je vous assure que la solution va être critiquée. Ce que j'ai pensé, par ailleurs, c'est que dans un domaine on n'implante pas une industrie d'abattage par une loi, d'un coup sec, "bang". Je pense que là-dedans, il va falloir y aller progressivement, qu'il y aura des étapes et qu'il devrait y avoir aussi, plutôt qu'une loi uniquement ou des règlements qui vont dire: Vous fermez, puis vous ne fermez pas immédiatement, il devrait y avoir, dis-je, des étapes pour que les gens aient le temps de se regrouper, de se moderniser. Il y en a qui vont le faire plus vite que d'autres. Il y en a d'autres qui vont être appelés à le faire plus rapidement qu'ils ne le pensaient à cause de la compétition que va apporter ceux qui vont s'être modernisés immédiatement. Je pense qu'il faut faire une distinction là-dedans — c'est le mandat que j'ai eu du Conseil des ministres — entre le détail et le gros. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui sont proches de leur abatteur, qui sont des genres d'inspecteurs eux-mêmes quand ils achètent eux-mêmes, qui connaissent quasiment le nom de la vache, qui savent que si c'est Rita qui se fait tuer, c'est Rita qu'ils vont manger cet hiver. Par ailleurs, il faut protéger beaucoup plus, je pense, les gens qui mangent dans les restaurants, dans des hôtels, dans des hôpitaux, des écoles, qui ne savent pas d'où provient la viande exactement. Il va falloir distinguer maintenant...

M. Giasson: ...que la loi n'est pas aussi aveugle que la vache.

M. Garon: Je pense qu'il va falloir distinguer et je souhaite pouvoir déposer un projet d'amendement à la loi actuelle qui va couvrir tout le secteur, par exemple, le secteur des viandes impropres également, qui va permettre aussi l'inspection des viandes de façon rotative. Cela prend des amendements à la loi. Je souhaite également pouvoir déposer les règlements en même temps que la loi pour qu'on ait une vue générale du système.

Il y a également les incitatifs financiers d'indemnisation pour ceux qui se retireront ou de subventions à ceux qui se moderniseront. Je souhaite pouvoir déposer tout cela en même temps pour qu'on ait une vue globale comment on veut aborder la modernisation du secteur de l'abattage et de la préparation des viandes au Québec, de même que le secteur des viandes impropres.

C'est vrai qu'il y avait un article du programme du Parti québécois concernant les grains de provende. J'ai demandé à quelqu'un d'examiner cela et il m'a fait un premier rapport préliminaire là-dessus. Je veux former éventuellement, très rapidement, un comité qui va étudier ce secteur des grains de provende, pour, peut-être dans l'année 1978, en arriver à réaliser ce point de programme, à avoir ce qu'on appelait une régie des grains de provende au Québec. Je veux qu'on étudie ce secteur avec les gens concernés par la commercialisation des grains de provende. Est-ce que ce sera SOQUIA ou une régie? Je pense qu'il est trop tôt pour le mentionner actuellement. J'ai eu l'étude préliminaire, le comité va être formé et on va travailler là-dessus pour pouvoir procéder le plus rapidement possible là-dedans.

C'est un peu ce que je voulais dire en réponse aux discours des deux critiques agricoles tant de l'Opposition officielle que de l'Union Nationale.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jean-Talon.

Raffinerie de sucre du Québec

M. Garneau: M. le Président, juste trois petits points de nature assez générale qui toucheront la raffinerie, les changements aux programmes et le zonage des terres. Je ne veux pas entrer dans tous les détails, mais en parler d'une façon générale, quitte à y revenir plus en détail.

Dans le cas de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, il y a la recommandation du Conseil du trésor dont le ministre parlait suggérant la fermeture de la raffinerie, chose à laquelle je m'opposerais avec beaucoup de force. Je crois qu'il est bon de souligner que la raffinerie qui a été formée vers les années quarante...

M. Garon: En 1943.

M. Garneau: ... en 1943, avait pendant des années accumulé des déficits. Même un prêt qui avait été consenti dans le temps avait été perdu dans les dédales de la comptabilité et puis, à un moment donné, il a été retrouvé.

M. Garon: Cela avait été une avance.

M. Garneau: II s'agissait d'une avance qui avait été faite, mais ce qui est surprenant dans ce cas — et ceci m'inciterait à suggérer au ministre de se débattre pour ne pas en arriver à la fermeture de la raffinerie — c'est que, dans une ou deux années de ce qu'on pourrait appeler de vaches grasses, les profits ont été suffisants pour combler tous les déficits accumulés...

M. Garon: Des trente dernières années.

M. Garneau: ... des 30 dernières années et aussi dégager un "cash flow" qui, même, laissait prévoir des améliorations et une modernisation de l'équipement. Il y avait déjà eu, à la fin de 1975 ou au début de 1976, si ma mémoire m'est fidèle, un mémoire présenté par le conseil d'administration de la raffinerie de sucre, suggérant une modernisation des équipements pour améliorer la productivité et rendre, je crois, cette entreprise plus rentable. C'est évident que, si la raffinerie devait fermer ses portes, c'est toute une production qui risquerait de disparaître, avec les avantages que cela représente en termes d'approvisionnement pour le Québec dans au moins une ou deux catégories de sucre. Je ne crois pas que ce soit nécessaire d'aller dans tous les raffinages et tous les types de spécialisations, mais au moins d'avoir une production qui soit un débouché pour les producteurs agricoles et aussi pour l'approvisionnement des marchés québécois. Je trouve que ce serait dommage de vouloir fermer cette entreprise.

J'aurajs aimé entendre davantage le ministre parler sur le projet d'intéressement, si on peut me passer ce mot, des producteurs agricoles. Au cours des années où j'ai eu à discuter ce problème de la raffinerie, cela a toujours été la grande question de savoir, au début, quel genre de prix les producteurs auraient, compte tenu de la teneur en sucre de la betterave et qui varie d'année en année et du prix du sucre sur les marchés. Il me semble qu'une formule d'intéressement ou de participation des producteurs à la raffinerie, soit une formule de base coopérative ou de participation aux profits avec un prix-plancher, aurait peut-être permis de donner plus d'assurance à ces producteurs.

Il semble que les consultations n'ont pas donné ce qui était espéré de ce côté ou que les prix-plancher n'étaient pas suffisants. Je voudrais suggérer au ministre, avant d'acquiescer à la fermeture de cette raffinerie, de faire une bataille de tous les instants. Je pense que, de ce côté, il pourra compter sur l'appui de l'Opposition libérale et, j'imagine, des autres aussi, puisque je crois que c'est une industrie qu'il nous faut garder, quand on sait, par exemple, les efforts que certains autres pays ont dû faire pour se doter de ce genre de production qui, sous certains égards, constitue une denrée essentielle.

Pour ce qui est des changements rapides dans les programmes, même s'il y a beaucoup d'ambitions dans la tête d'un nouveau ministre de l'Agriculture, je suis content d'entendre qu'il veut procéder selon les recommandations de certains de ses fonctionnaires. Un des problèmes qu'on a constatés — moi, je l'ai constaté, comme membre d'un gouvernement, dans le passé, en causant avec les cultivateurs — a souvent été les changements qui se produisent trop rapidement. Une production agricole, cela ne se bâtit pas dans l'espace de cinq ou six mois; souvent, on lance les cultivateurs dans de nouveaux projets et, au bout de deux ou trois ans, on les leur retire d'une façon souvent trop subite, de telle sorte que les gens qui ont investi des sommes d'argent, comptant sur une aide gouvernementale pour stabiliser les prix ou encore les coûts de production, se retrouvent Gros-Jean comme devant, du jour au lendemain. Par la suite, il est toujours extrêmement difficile de convaincre ces cultivateurs de réembarquer et de collaborer avec le gouvernement dans de nouvelles productions.

Je pense, par exemple, aux efforts qui avaient été faits par des producteurs québécois dans la production du lin, un certain temps, où des investissements avaient été faits. En tout cas, je sais que dans la région d'où je viens il y avait eu des investissements de faits et, finalement, le programme a disparu. La reconversion de l'activité agricole est toujours extrêmement difficile. Là-dessus, je crois qu'il vaut mieux procéder par évolution et surtout s'assurer que les cultivateurs, qui se sont adonnés à un type de production qui a été, pendant un certain temps, encouragé par le gouvernement, les agronomes, etc., ne soient pas trop déçus par la rapidité de la coupure des programmes; sans cela, ils ne veulent plus rembarquer. Ils disent: Ils nous charrient comme si on était capable de produire une vache laitière en l'espace de six mois ou encore se lancer dans la production du boeuf de boucherie. Du jour au lendemain, tout cela tombe. Je pense que c'est important de procéder avec prudence et surtout d'avoir cette consultation avec les producteurs.

Finalement, c'est le zonage des terres agricoles que je voudrais aborder. Tout à l'heure, le ministre a mentionné que le prix moyen des fermes était de $90 000. Si on prend en considération le prix des fermes dans les basses terres et dans la région périphérique de l'Outaouais et de Montréal, de Saint-Hyacinthe, de Beloeil, en fait, les meilleures terres agricoles du Québec, je suis convaincu que la moyenne passe peut-être à $150 000, $200 000 et $300 000. Dans cette opération de zonage agricole, je suis bien d'accord avec le principe, l'ancien gouvernement l'était aussi, mais une des difficultés qu'il nous faut considérer est de procéder d'une façon telle qu'il ne soit pas une spoliation pure et simple des producteurs parce que, dans bien des cas, il s'agit de fermes de producteurs agricoles qui ont, au cours de leur vie, au cours d'une ou deux générations de producteurs sur la même ferme familiale, accumulé tous les avoirs; cela constitue, en quelque sorte, le capital gagné par deux ou trois générations de travailleurs agricoles. Cela constitue, dans bien des cas, le fonds de retraite de ces producteurs. Il ne faudrait pas que, par une loi qui arrive subito presto, sans mode de compensations, des producteurs

agricoles qui, de bonne foi, ont fonctionné dans cette industrie se voient enlever, du jour au lendemain, tous les avantages que pourrait constituer la vente à des fins non agricoles.

Si la société québécoise entend — et je crois qu'elle doit le faire — protéger les terres agricoles, il ne faudrait pas que cela se fasse sur le dos de 10 000 à 15 000 producteurs. Si on veut conserver les terres agricoles dans les basses terres du Saint-Laurent, dans la région de Montréal, en particulier, de l'Outaouais, si on veut les protéger pour satisfaire aux exigences de la population québécoise pour l'avenir, je crois que le coût doit être porté par l'ensemble de la population et non pas uniquement par les personnes dont le hasard des circonstances fait qu'elles sont propriétaires de tel ou tel espace agricole à un moment où le gouvernement décide d'intervenir.

J'aurais aimé aussi savoir du ministre si, dans la politique de zonage agricole que le gouvernement envisage, il procédera par la base de la fiscalité ou par la base du gel des terres contre une certaine compensation. Est-ce que ce zonage des terres agricoles va s'incorporer à un programme de zonage plus considérable qui serait relié à des fonctions municipales?

Je sais qu'un des débats qui ont eu lieu dans le passé a été l'approche qu'on pourrait qualifier du MAQ contre celle de la taxation et qui serait peut-être celle que caressaient certains fonctionnaires du ministère des Finances. Le ministre des Finances, lors de l'étude des crédits de son ministère, parlant des projets de son groupe de recherche économique et fiscale, a mentionné cet aspect comme étant un des projets auxquels le groupe travaillait. J'aimerais savoir si le ministre est en mesure de le faire; s'il ne l'est pas, peut-être pourra-t-il au cours des prochaines semaines le mentionner, si les crédits s'échelonnent sur une période un peu plus longue. J'aimerais connaître du ministre laquelle des orientations il favorise et comment il envisage cette question de compensation aux propriétaires fonciers agricoles qui seraient situés dans les zones de zonage, comment il envisage la compensation. Est-ce qu'il entend adopter les formules qui ont été suivies dans l'Etat de New York ou dans d'autres Etats américains, mais en particulier l'Etat de New York, où on a procédé à une forme de rachat, de socialisation si on peut dire, sans que ce soit la vraie signification du terme? La socialisation du sol agricole, en ce sens qu'il est maintenu pour des fonctions agricoles. Ce sont les trois points, M. le Président, que je voulais souligner à l'ouverture de l'étude de ces crédits.

M. Garon: Je voudrais dire un mot sur la raffinerie. Moi je n'ai pas l'intention d'accrocher mon nom à la fermeture de la raffinerie, j'aimerais mieux accrocher mon nom à sa modernisation. C'est dans cette perspective qu'on a voulu travailler pour plutôt la moderniser. Mais avant de la moderniser, il faut savoir dans quel domaine on veut la moderniser. Je pense à un exemple. La raffinerie de sucre, apparemment les séchoirs, en tout cas les gros barils qui tournent seront en acier doux. Mais on ne peut moderniser avant de savoir vers quoi on veut diversifier. Par exemple il est question du petit lait, faire des sous-produits avec le petit lait. Ce procédé pour sécher le petit lait exige des aciers inoxydables parce que cela attaque l'acier, cela pourrait attaquer l'acier. C'est pour cela qu'il est important de savoir dans quelle direction on veut la moderniser, avant de décider de quelle façon la moderniser.

M. Garneau: J'aurais une question d'information.

M. Garon: Oui.

M. Garneau: Pendant un certain temps, il y avait eu des études de faites sur la possibilité d'importer de la canne à sucre et de la transformer durant les périodes où il n'y a plus de betterave.

M. Garon: Oui.

M. Garneau: Est-ce qu'il s'agit là d'une étude qui n'a pas été concluante du tout et que...

M. Garon: Non c'est la localisation.

C'est la localisation, il aurait fallu la transporter. C'est parce que ce n'est pas un port en eau profonde. Sur le Richelieu cela a un tirant d'eau qui n'est pas suffisant. Pour faire monter les bateaux là, alors...

C'est cela. Je lisais des articles récemment dans Fortune, qui disaient que le prix du sucre d'ici 1980 ne sera peut-être pas très élevé. Mais, d'après les prévisions des experts, c'est qu'après 1980 le prix du sucre sera beaucoup plus élevé, en tout cas plus élevé. Si on regarde les pays sous-développés, les différents types de produits qui étaient très bon marché auparavant deviennent beaucoup plus cher. Parce que les pays sous-développés ne veulent plus laisser aller leurs produits à bon marché, on peut s'attendre que le sucre soit un des aliments qui vont augmenter de prix. D'après les lectures que j'ai faites très récemment sur le sucre, c'est un secteur où ce n'est qu'une partie de la production mondiale de sucre qui va sur le marché international.

On parle de 5%, 6%. Le marché libre est d'environ 14%, le reste ce sont toutes des ententes bilatérales entre les pays producteurs et les pays acheteurs.

C'est cette partie du sucre qui fait osciller le prix à la baisse ou à la hausse. D'après les prévisions que je voyais dans ces études qui étaient assez fouillées, on estimait que d'ici deux ou trois ans le prix du sucre augmenterait beaucoup plus sur le marché international.

Je pense qu'il ne faudrait pas laisser aller un secteur où on a le "know how". C'est ce qui est le plus long à acquérir, et nous l'avons. C'est là-dessus que travaille le conseil d'administration, pour voir les possibilités de diversification. On a commandé des études aux gens de la raffinerie pour voir les différentes possibilités. La décision c'est que la raffinerie continue et que l'on cherche les possibilités au cours de cette année, à savoir

comment la diversifier pour pouvoir, quand nous aurons déterminé les modalités de diversification, faire les investissements dans cette direction.

M. Giasson: Dans ce secteur vous avez fait allusion à l'attitude du Conseil du trésor. Est-ce que le conseil aurait posé des conditions? Par exemple: Si vous n'atteignez pas tel volume il faudra déboucher sur une décision de fermeture?

M. Garon: Non. Cela n'a pas été retenu.

M. Giasson: Avec la province, cela n'a pas été retenu.

M. Garon: II y en a plusieurs recommandations du Conseil du trésor qui sont modifiées en cours de route. M. Garneau doit le savoir.

M. Giasson: Vous avez fait allusion à une transformation possible, à une nouvelle utilisation de l'équipement en supposant qu'il aurait été de nature à répondre aux exigences du produit nouveau, à la transformation du petit lait. Présentement il s'agit d'un secteur qui est presque entièrement entre les mains de la coopération agricole. Vous auriez pu procéder par des ententes soit avec Granby, soit avec la Fédérée pour amener le petit lait à la raffinerie de Saint-Hilaire pour une nouvelle transformation.

M. Garon: C'est un des éléments étudiés par le conseil d'administration, l'utilisation du petit lait mais il n'y a pas seulement l'équipement, mais aussi la main-d'oeuvre, ses lots, ses approches, ses terrains.

M. Giasson: Dans le secteur laitier à l'heure actuelle au Québec c'est presque la coopération sous contrôle...

M. Garon: Dans le secteur du lait industriel c'est 85% coopératif. Déjà dans cette région, dans un rayon relativement restreint, on l'utilise pour faire d'autres produits vendus dans les pâtisseries ou ailleurs. En Europe c'est...

M. Giasson: Présentement, il n'y a aucune transformation du petit lait dans les usines laitières que nous avons au Québec?

M. Garon: C'est rejeté et cela crée des problèmes de production. On pourrait donc résoudre deux problèmes, soit donner une valeur ajoutée au produit et en plus éviter les problèmes d'environnement.

Le Président (M. Boucher): Sur le même sujet, M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: J'aimerais savoir si c'était possible actuellement pour le sucre d'identifier au niveau du détail le sucre produit ici au Québec, même si je sais qu'il y a un contrat qui lie notre production à des grandes firmes sucrières?

M. Garon: Le sucre produit actuellement est un sucre roux, c'est-à-dire qu'on ne fait pas le dernier raffinage. C'est donc un sucre brut qui est vendu à contrat à une compagnie qui se nomme Redpath qui fait le dernier raffinage. Pourquoi?

Quand cela a été changé en 1972, c'était moins coûteux de procéder comme cela. Deuxièmement, la partie la plus désuète de la raffinerie, c'était justement l'endroit où l'on devait faire la dernière partie du raffinage. Cela aurait été l'une des parties de la raffinerie qu'il aurait fallu vraiment moderniser.

M. Garneau: La question que posait le député de Saint-François, si je comprends bien: Quel est le pourcentage de la production de la raffinerie par rapport au marché québécois?

M. Garon: Trois ou quatre pour cent, quatre à cinq pour cent peut-être. Il y avait un contrat de cinq ans. Il reste deux ans à courir. Il y a trois ans courus sur le contrat avec Redpath et il reste deux ans à courir sur le contrat.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le ministre, au sujet toujours de la raffinerie, si elle fermait, je pense que ce serait dommageable pour bien d'autres producteurs dans certains milieux, parce que j'imagine que les fermes productrices de betterave, ce sont des fermes qui pourraient aussi produire des légumes. Alors, si ces gens s'en vont vers une production insuffisante, il y aura un problème majeur chez certains producteurs et cela pourrait nuire à la rentabilité de ceux-là. Je pense que, par ricochet, il y aurait une perte financière même au niveau des rentrées d'impôts qui pourrait être aussi importante que ce que vous perdez présentement avec la raffinerie.

Alors, je pense que cela devrait être aussi évalué, l'impact de la fermeture vis-à-vis des producteurs. Dans quelles productions vont-ils se lancer après? Parce que c'est une terre tout à fait spéciale pour la production de la betterave qui peut aussi être adaptée aux légumes.

M. Garon: Tous les efforts sont faits actuellement pour rentabiliser la raffinerie en diversifiant sa production. Il y a des betteraves pour cent jours. Il s'agit de trouver une utiliation pour la raffinerie pour 200 jours additionnels.

M. Dubois: II y a des pertes présentement. Même s'il y en avait un peu plus, ce n'est pas grave. Il y a beaucoup de compagnies d'Etat qui perdent présentement. Même s'il y en a une de plus, ce n'est pas grave.

M. Garon: II faut dire que l'équipement de la raffinerie est assez vieux. C'était de l'équipement usagé qui a été acheté en 1944 et, donc, de l'équipement qui a plus de 30 ans. Si la raffinerie doit continuer, il faut aussi penser à la moderniser,

c'est-à-dire qu'il y a de l'équipement qui a besoin d'être réparé souvent. A ce moment-là, il faut penser à avoir de l'équipement neuf pour la raffinerie. Doit-on en même temps l'agrandir, doit-on la diversifier? C'est ce qui est à l'étude actuellement pour essayer d'en faire une entreprise rentable.

M. Dubois: Si on ne peut pas produire plus de 200 000 tonnes annuellement, est-ce parce que les betteraves gèleraient à l'automne, à un moment donné?

M. Garon: C'est-à-dire qu'à ce moment-là cela va nécessiter des investissements beaucoup plus élevés. Actuellement, la capacité est de 1600 tonnes par jour. Si vous voulez monter la capacité à 3200, les investissements sont beaucoup plus lourds. Alors, si vous ne faites que remplacer l'équipement actuel, cela vous coûterait environ $10 millions. Si vous voulez doubler la capacité, vous tombez dans $25 millions ou $30 millions.

M. Dubois: Je me pose la question: Est-ce que la betterave se conserve plus que tant de mois?

M. Garon: Non, c'est-à-dire qu'il y a une certaine conservation à l'automne. On la fait en insufflant de l'air en dessous des tas de betterave de façon que la plante continue à respirer, de façon qu'il n'y ait pas de pourriture et que la plante se conserve. Il faut le plus possible abaisser la température. S'il y a danger qu'il y ait échauffement, on insuffle de l'air sous les tas de betterave. Maintenant, cela a quand même des limites, la conservation. L'idéal, c'est évidemment de passer la betterave dans le temps le plus restreint possible.

On parle d'une campagne de 100 jours, mais si on avait une usine qui avait une capacité de production additionnelle et qui pouvait faire une campagne de 70 jours, ce serait préférable parce que vous avez plus de chances de conserver, en termes de pourcentage de sucre. Alors, il y a des pertes qui sont encourues tout le temps que vous gardez votre betterave à l'entreposage.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: On dit qu'on fait une production de sucre d'environ 4% de notre besoin de consommation, si j'ai bien compris. Au commencement de cette usine de raffinerie, c'était un peu un laboratoire pour savoir si on pouvait produire du sucre au Québec et le produire économiquement. Est-ce qu'actuellement la conclusion est que 4% c'est à peu près le maximum qu'on peut obtenir, ou est-ce qu'il ne serait pas rentable d'augmenter cette production au Québec?

M. Garon: En fait, si on regarde cela sur le plan canadien, par exemple, vous avez environ 88% du sucre qui est importé et 12% du sucre qui est produit au Canada. Ici, il y avait environ 6000 à 7000 acres de betteraves, dans l'Ouest il y a environ 80 000 acres. Maintenant, eux sont dans un marché plus captif que le nôtre, alors ils ont un prix un peu supérieur à ce que nous pouvons obtenir.

Maintenant, pourquoi cela? Evidemment, si on importe 88%, c'est parce que cela a été rentable de le faire. Il y a eu des moments, et encore jusqu'à très récemment, où le sucre de canne des autres pays coûtait relativement moins aux consommateurs. Alors, cela a été strictement économique. Maintenant, il y a plus que cela aussi, lorsque vous vous assoyez autour d'une table avec d'autres pays, si vous voulez vendre de l'aluminium, des fois, il faut que vous achetiez d'autres choses. Alors, si tu veux vendre de l'aluminium, si tu veux vendre du papier, ils disent: Achetez notre sucre!

Quand la raffinerie a été créée, en 1943, c'est évident qu'on était en temps de guerre, puis c'était une protection, jusqu'à un certain point, mais c'était plus que cela. La betterave sucrière comme telle est une culture améliorante. S'il n'y avait pas eu la betterave sucrière dans la région de Montréal?... Cela a été la même chose dans le nord de la France. Si on va en France, cela a été la même chose. C'est une culture qui a énormément amélioré les sols, et si on fait du maïs aujourd'hui c'est peut-être parce qu'on a eu de la betterave sucrière. Je pense que la contribution économique de la betterave à sucre a été beaucoup plus en termes de retombées économiques de l'agronomie qu'en termes d'autosuffisance en sucre.

Maintenant, ce qui aurait peut-être pu être plus intéressant, par exemple, aurait été d'avoir une production suffisante pour un marché captif, c'est-à-dire qu'une entreprise quelconque — je ne voudrais pas en nommer — québécoise qui aurait voulu s'approvisionner en entier du produit sortant de la raffinerie aurait pu avoir un contrat à long terme et dire: On achète tout le sucre qui sort de là. Vachon, disons, en utilise 35 000 000 de livres par année, c'est à peu près la production de la raffinerie quand elle fait 6 a 7 milliards de livres.

M. Gagnon: Ce qui veut dire que ce n'est pas nécessairement la non-rentabilité comme les ententes qu'on peut avoir en ce qui concerne l'échange international.

M. Garon: A $15 les cent livres, au prix où il faut payer le producteur, quand même, parce que le producteur a des coûts et c'est vrai, ce sont des coûts réels, c'est évident qu'à $15, la raffinerie va faire des déficits. Ce n'est pas rentable.

M. Gagnon: Combien de producteurs, environ, retirent un salaire convenable de la production de la betterave ici, au Québec?

M. Garon: L'année passée, il y en avait 420. M. Gagnon: 420.

M. Garon: Autour de 420.

Quand la raffinerie a offert $2.50 aux producteurs, ils sont venus à mon bureau me rencontrer pour dire que c'était le prix que la raffinerie offrait, disant: Tenant compte du marché, tenant compte

des prévisions du prix, tout cela, il semble que $22.50 est un prix qui a du bon sens. Le syndicat des producteurs est venu me voir et j'ai voulu qu'on distingue entre les deux, la raffinerie et le ministère. Ils ont dit: Est-ce que le ministère peut faire quelque chose à ce sujet? Les économistes du ministère ont travaillé aux coûts de production. Si on avait eu la loi de l'assurance-stabilisation des revenus, qui est le programme le plus généreux, la loi la plus généreuse qui existe administrée par le ministère de l'Agriculture, les calculs qu'on a faits arrivaient à $22.06. Cela veut dire qu'à $22.50 c'était plus haut qu'un prix d'assurance-stabilisation. J'ai même offert au Syndicat des producteurs de betteraves que les économistes du ministère et les économistes de l'UPA, ensemble, regardent les coûts de production, s'ils doutaient des chiffres du ministère, et le Syndicat des producteurs de betteraves a refusé.

Au fond, ce qu'ils voyaient un peu, je pense, ils disaient: II y a un montant d'accumulé là, qui sont les profits de 1974. On aimerait bien toucher une part des profits de 1974. C'est un peu là-dessus que se faisait le débat. Il semble que le prix de $22.50 tenait compte de la réalité. Maintenant, on offrait plus, s'il y avait des profits à la raffinerie, parce qu'il y en a qui pensaient que le prix du sucre serait très élevé, dans l'année qui s'en vient. On offrait de diviser les profits, s'il y en avait, à 50/50. Ils ont préféré, à ce moment, discuter. J'ai dit: Discutez avec la raffinerie des modalités différentes. Ils ont discuté avec le conseil d'administration, le directeur général qui est en communication avec le conseil d'administration et ils ont décidé de fixer les prix différemment, tenant compte des variations dans le prix du sucre. C'est-à-dire que, si le prix du sucre l'an prochain était $15, ils retireraient moins de $22.50, selon leur choix, soit $21.06, à $15, et cela monte. Je pense que c'est à $18 qu'ils dépasseraient les $22.50. A $17, je pense que cela faisait $22.34 ou $22.36. Il y avait des producteurs qui anticipaient que le prix du sucre serait très élevé. Au conseil d'administration, il y a des gars qui connaissent cela pas mal le sucre. Quand on parle de Roger Néron, de Vachon, ils en achètent, du sucre, pas mal. Il y a des gens qui achètent pas mal de sucre, et d'après leur estimation le prix du sucre ne devrait pas dépasser vraiment $18 les 100 livres l'an prochain, d'après les estimations du marché international.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Puisque nous sommes sur le dossier de la raffinerie, on pourrait peut-être passer à travers, nous n'aurions pas à y revenir.

Il y a tout de même un phénomène qui est difficile à comprendre. J'aimerais indiquer que les producteurs dans leurs négociations ont tenté de décrocher le gros lot, comme on dit, en faisant valoir leur droit de toucher une partie des profits réalisés au cours de deux années d'exploitation.

Une Voix: Trois.

M. Giasson: Trois. Mais tout de même, cette année, il y a combien de producteurs qui ont ensemencé de la betterave? On est rendu au 10 mai, l'ensemencement est fini, la date limite pour ensemencer la betterave est passée déjà.

M. Garon: En 1976, mais cette année...

M. Giasson: En 1977, pour avoir un meilleur visage de l'exploitation.

M. Garon: Je sais que c'est moins.

M. Giasson: Vous n'avez pas le volume d'acres ensemencées?

M. Garon: Je n'ai pas les derniers chiffres, malheureusement. On peut vous les avoir. On pourrait les avoir.

C'est peut-être autour de 5000 acres. L'année passée c'était 6700, c'est peut-être moins de 5000 acres. C'est ce que je pense.

Ce qui est arrivé, c'est qu'il y a eu ces négociations jusqu'à la fin, puis les gars avaient des décisions à prendre, il y en a d'autres qui ont laissé tomber et...

M. Giasson: L'ensemencement, à un moment donné, est passé...

M. Garon: ...qui ont produit autre chose. Mais quand même, il faut admettre que l'offre qui avait été faite était de $22.50, plus le partage des profits à 50-50.

M. Giasson: Si vous comparez cela...

M. Garon: Puis $22.50 c'était plus que ce que l'assurance-statilisation aurait donné. L'assurance-stabilisation aurait donné $22.06; $22.06, c'était égal au coût en argent, plus la dépréciation, plus une rémunération de l'avoir net, plus 100% du revenu d'un ouvrier spécialisé, d'accord? C'était $22.06. Ce qui avait été offert, c'était $22.50, d'accord?

Maintenant, là où on ne s'entendait pas avec les producteurs c'est que l'assurance-stabilisation prenait comme moyenne vingt tonnes à l'acre, tandis que... Parce que les modèles économétriques qui sont utilisés par l'assurance-stabilisation sont des modèles où on prend une moyenne qui est un petit peu plus élevée que la petite moyenne. Autrement, l'assurance-stabilisation devient quoi? Cela devient un encouragement à la non-productivité. Ce n'est pas pour cela qu'elle a été créée. Elle a été créée quand même pour donner un revenu assuré aux producteurs mais également pour que ce soit un encouragement à la productivité. Parce qu'eux calculaient en fonction de 17,5 tonnes ou 17,7 tonnes à peu près. A ce moment, $22.50, d'après eux, ce n'était pas tout à fait suffisant. Il faut dire que 80% de la production, dans les années passées, venaient de gens qui faisaient 20 tonnes et plus. C'était réaliste notre affaire. C'était vraiment réaliste, plus une participation à 50-50 des profits.

Maintenant, il semble que la formule ne leur a peut-être pas plu. L'autre formule précédente, c'était une formule — je le sais, c'est moi qui l'ai implantée — croissante suivant le prix du sucre.

M. Giasson: Comparez, les conditions que vous avez proposées, $22.50 la tonne au départ, plus un partage à 50-50 s'il y a des excédents de prix...

M. Garon: 50-50 s'il y avait des profits, oui.

M. Giasson: ...aux conditions faites à ces mêmes producteurs l'an dernier. Donnez-nous la situation de l'an dernier.

M. Garon: L'année passée, ils ont eu $21.65.

M. Giasson: Et ils n'ont eu aucune participation dans des excédents possibles?

M. Garon: Non, parce qu'il y a eu...

M. Giasson: Le prix du sucre a été trop bas.

M. Garon: ...déficit l'année passée.

M. Giasson: Le prix du sucre a fait en sorte que la raffinerie n'a pas eu d'excédents?

M. Garon: Oui, il y a eu un déficit. Ce n'était vraiment pas un mauvais contrat.

M. Giasson: C'est ce que je m'explique difficilement. Si les producteurs, dans une spécialité donnée, sont en mesure d'aller chercher un rendement net, à l'acre, tout aussi bon que dans n'importe quelle autre production agricole, je ne m'explique pas que des gens raisonnables et intelligents disent non. Il y a un secteur où cela dépasse tout entendement. Tout d'abord, le rendement moyen de la culture de la betterave, en bénéfices nets, se compare avec toute autre production, maïs fourrager, maïs-grain.

M. Garon: Excepté que les producteurs de betterave, en général, ce sont les meilleurs producteurs de la province de Québec.

M. Giasson: Au point de vue du rendement...

M. Garon: Ce sont des gens qui sont bons en tout.

M. Giasson: ...à l'acre, cela se compare à toute autre culture?

M. Garon: Oui. La moyenne est à peu près à 17,5, 18. Aux Etats-Unis, elle est peut-être de 21, mais il faut tenir compte de la Californie où elle est de 27 et où les conditions climatiques sont complètement différentes des nôtres. Si on regarde les rendements au Québec présentement en betterave sucrière, ils sont plus élevés que ceux de l'Ouest. On est bon, nos gars sont bons!

M. Giasson: De toute façon, est-ce qu'on peut nous produire les chiffres, le nombre de producteurs qui ont ensemencé cette année, le volume d'acres par producteur? Cela pourrait être disponible à très brève échéance, parce que les ensemencements sont terminés.

M. Garon: Oui.

M. Giasson: En dépit des conditions que vous avez posées, qui sont supérieures à celles de l'an dernier, est-il possible de croire que, si vous aviez proposé un prix — faisons une hypothèse — de $24 la tonne, cela aurait été un facteur qui les aurait encouragés davantage ou si on aurait eu le même blocage, comme attitude, de la part des producteurs?

M. Garon: Ceux qui décident de produire le décident quasiment un an d'avance. Ils font les engraissements de terrain en conséquence.

Beaucoup de rumeurs ont circulé, parmi les producteurs, à un moment donné, à savoir que si la production de betterave à sucre n'était pas assez forte, par exemple, que la raffinerie ne l'achèterait pas, qu'ils feraient mieux de ne pas produire cette année. Moi je dis aux gens de la raffinerie de démentir cela. Mais il y a eu beaucoup de rumeurs qui ont circulé, de sorte que les gens étaient indécis. Ils se disaient: Tout à coup elle décide de ne pas acheter notre production? Il y en a qui ont décidé de diversifier immédiatement, d'après les renseignements qu'on a eus. Ils ont dit: Au lieu de mettre 100 acres, on va mettre 20 acres en blé, 80 en betteraves, etc.

Nous avons fait certains sondages auprès de producteurs qu'on connaissait. Un bel après-midi de sondages. Les gens qui, quand même, avaient un rendement de 20 tonnes ont dit: $22.50, c'est raisonnable. Cela reste encore une culture qui est rémunératrice pour nous.

Le Président (M. Boucher): C'est l'heure de l'ajournement. Il reste le député de Champlain et le député de Huntingdon qui ont demandé la parole, donc je retiens leurs noms pour la séance qui va suivre probablement cet après-midi. Nous devons ajourner sine die.

M. Giasson: Très bien, M. le Président. (Suspension de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 16 h 34

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et messieurs!

Reprise des travaux de la commission de l'agriculture sur les crédits de l'année financière se terminant le 31 mars 1978. Les membres de cette commission sont M. Baril (Arthabaska), M. Beauséjour (Iberville), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), remplacé par M. Bordeleau (Abitibi), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garneau (Jean-Talon), M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford). M. le député de Champlain.

M. Gagnon: La question que je voulais poser est toujours en rapport avec la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. On a dit que le coût de production était de $22.06 la tonne, c'est cela? Le coût de production négocié, n'est-ce pas ce que nous avons dit cet avant-midi?

Une Voix: Pouvez-vous répondre là-dessus? M. Garon: Pardon?

M. Gagnon: On n'a pas dit cet avant-midi que le coût de production était de $22.06?

M. Garon: C'est plus que le coût de production, cela.

M. Gagnon: ... et qu'on avait négocié...

M. Garon: 100% du revenu de l'ouvrier spécialisé.

M. Gagnon: Avec 100% du revenu de l'ouvrier spécialisé. Par contre, on considère que le rendement, pour atteindre ce coût de production, devrait être de... Est-ce 20 tonnes l'acre?

M. Garon: Oui.

M. Gagnon: On a dit aussi que le rendement moyen, actuellement, était de 17,5 tonnes et que nos producteurs de betteraves étaient parmi les meilleurs. Est-ce que le coût de production à $22.06 avec un rendement de 20 tonnes est réaliste à ce moment-là?

M. Garon: En fait, l'assurance-stabilisation peut être une bonne ou une mauvaise mesure. Si c'est une mesure qui a pour but de ne pas encourager la productivité, cela peut être mauvais, au fond, tandis que le taux moyen, d'après tous ceux qui travaillent là-dedans, devrait être un peu plus haut que la moyenne pour créer une incitation à l'augmentation de la productivité.

M. Gagnon: Vous permettrez, M. le ministre. parce que j'ai eu l'occasion déjà de négocier des coûts de production. Si sur 400 producteurs de betterave qu'on considère parmi les meilleurs, ce qu'on a dit cet avant-midi, on arrive avec une différence de 2,5 tonnes à l'acre, c'est-à-dire que l'idéal à atteindre serait de 20 tonnes pour le coût de production, à ce moment-là, est-ce assez réaliste? C'est entendu que la stabilisation du revenu ne doit pas encourager le producteur à être inefficace. Je suis d'accord mais il faut tout de même avoir des normes qu'on peut atteindre. Si on calcule le coût de production sur un rendement pratiquement impossible que seulement une minorité de producteurs peuvent atteindre, à ce moment c'est peut-être pour cela qu'on a perdu un certain nombre de producteurs cette année.

M. Garon: Les rapports que j'ai eus ne sont pas conformes à cette idée. Ce qu'ils disaient, c'est que, d'après les sondages qu'on a faits 70% à 75%, — j'ai passé un après-midi au téléphone avec M. Jacques du ministère et on a obtenu différents renseignements — des producteurs et ceux qui font au-dessus de 20 tonnes l'acre trouvaient cela très bien, ce qui est assez considérable quand même. Il y a un certain nombre de producteurs qui font, apparemment, onze, douze, treize, quatorze tonnes à l'acre. Evidemment, ce n'est pas payant, parce que les rendements ne sont pas assez élevés.

Maintenant, il y a des éléments qui font que certaines personnes, certains producteurs n'ont pu produire. Il y a d'autres éléments. Un des éléments, par exemple, cela a été — on ne l'a pas mentionné ce matin — la possibilité de grève des employés de l'usine. Il y a eu un climat d'incertitude concernant l'usine. Sera-t-elle modernisée, est-ce qu'elle ne le sera pas, est-ce qu'elle va être fermée, etc.? Un climat d'incertitude. Ce qui est arrivé, c'est que les gens me disaient: S'il n'y a pas assez de production, on pourrait fermer. Si des employés font une grève aussi dure que l'année dernière ou que l'année précédente au sujet des négociations, qu'arrivera-t-il? Ce climat d'incertitude a fait que les gens ont dit: Je vais en mettre moins en betteraves que j'ai l'habitude d'en mettre, et certains autres ont dit: Je n'en mettrai pas du tout.

Les négociations qui se font dans ce secteur, à mon avis, sont un modèle de négociations absurdes. Parce qu'on négocie la veille, sinon trois jours après le jour où on aurait dû semer. Cela n'a aucun bon sens. Ces questions devraient être réglées bien avant cela, parce qu'apparemment, ce qu'on m'a dit, c'est que cela fait 30 ans que c'est comme cela. On négocie les prix le jour où on devrait semer, ou deux ou trois jours après le jour où on aurait dû semer. Cela ne marche pas. J'ai constaté aussi en rencontrant les producteurs que parce que c'est une entreprise gouvernementale, on s'attend que cette entreprise ne se comporte pas comme une entreprise qui recherche une certaine rentabilité, mais qu'elle est là simplement pour distribuer de l'argent. J'ai eu nettement ce sentiment. Je pense que c'est un mauvais sentiment parce que si au fond on se comporte vis-à-vis de toutes les entreprises d'Etat comme vis-à-vis

d'entreprises qui n'ont aucun critère de rentabilité à observer, il n'y en aura pas une entreprise d'Etat.

M. Gagnon: Je voudrais attirer votre attention, M. le ministre, sur le fait qu'actuellement chaque secteur spécialisé en agriculture est assez bien structuré. A l'intérieur des spécialités agricoles on a des économistes, on a ce qu'il faut pour en arriver à déterminer nos coûts de production. Or, on voit que la moyenne d'âge du producteur agricole augmente. On sait aussi que la relève est difficile en agriculture.

J'aimerais qu'on en vienne dans l'avenir à pouvoir négocier des coûts de production à l'intérieur de chaque spécialité, qui répondraient à des normes un peu plus acceptables pour le producteur. Cela ne veut pas dire, évidemment, de ne pas favoriser un maximum de rendement, mais, si on exige, par exemple, des rendements tels que seulement une faible proportion des producteurs peuvent les atteindre, on n'encourage pas en fait la relève en agriculture. C'est sur cela que je voudrais attirer votre attention.

M. Garon: Dans certains cas, comme dans le boeuf, je pense que c'est 90% du revenu de l'ouvrier spécialisé, tandis qu'à $22.06, cela arrivait à 100% du revenu de l'ouvrier spécialisé. D'ailleurs, je n'ai pas eu l'impression que c'était un point contesté quand j'ai rencontré les producteurs. Je leur ai offert une discussion entre les économistes du ministère et les économistes de l'UPA pour voir si le coût de production était correct. Je voulais qu'il y ait une discussion là-dessus et cela a été refusé immédiatement. Il ne semble pas y avoir eu de discussion vraiment là-dessus.

Le Président (M. Laplante): Le député de Huntingdon.

M. Dubois: J'aurais plusieurs questions à poser au ministre.

Le Président (M. Laplante): Après, M. le député de Beauce.

M. Dubois: Premièrement, j'aimerais mentionner au ministre que l'entreprise privée n'aurait jamais investi dans une raffinerie. En tout cas, à mon sens, l'entreprise privée n'aurait pas investi dans la raffinerie de Saint-Hilaire. Je pense qu'au ministère on ne devrait pas chercher la rentabilité, puisque, si cela avait été intéressant au niveau de la rentabilité, l'industrie privée serait rentrée là-dedans. Je pense qu'on devrait l'oublier un peu, la rentabilité, et puis ouvrir des champs de production pour les jardiniers.

M. Garon: Si l'entreprise d'Etat ne cherche pas la rentabilité par ailleurs, après cela on va dire: Ce n'est bon à rien, les entreprises d'Etat, parce que ce n'est pas rentable; c'est mieux l'entreprise privée.

M. Dubois: II y a un commencement. Elle n'a jamais été bien loin encore; on est au même point qu'au début ou à peu près. Je pense qu'il faudrait lui donner la chance encore, quitte à changer...

M. Garon: Moi, je suis d'accord qu'on la rentabilise en la diversifiant. Un des problèmes, c'est de payer des salaires à l'année pour un travail qui dure 100 jours. Il s'agit de la diversifier en trouvant une autre utilisation pour compléter le reste de l'année.

M. Dubois: Le premier ministre a déjà mentionné que l'état de l'usine était lamentable. A ce moment, il a mentionné qu'il faudrait faire quelque chose pour l'améliorer. C'était tout de même dans les vues de votre parti de la laisser vivante.

M. Garon: C'est aussi dans mes vues.

M. Dubois: C'était dans vos vues, il n'y a pas tellement longtemps, de la fermer aussi.

M. Garon: Non, jamais.

M. Dubois: Bien, ce n'était pas loin, en tout cas.

M. Garon: Jamais cela n'a été dans mes vues de la fermer.

M. Dubois: Ce n'était pas loin de vos vues parce que vous avez dit: On la ferme ou on la laisse ouverte. Vous avez mentionné ces mots.

M. Garon: Non, j'ai dit, à un moment donné: Si les producteurs ne sont pas intéressés à produire de la betterave, cela ne donne rien de garder l'usine ouverte.

M. Dubois: Cela dépend pas mal du ministère de transiger un prix avant le jour des semences aussi.

M. Garon: Le conseil d'administration a été formé pour trouver une possibilité de diversifier la production de la raffinerie pour la rendre rentable. C'était cela, c'est là-dessus que j'ai travaillé constamment.

M. Dubois: Mais cela aurait été au conseil d'administration de s'asseoir avec l'Association des producteurs avant le jour des semences pour régler le problème du prix.

M. Garon: Ils l'ont fait par l'intermédiaire de leur directeur général.

M. Dubois: Ils l'ont fait, mais ils l'ont fait la journée des semences, quand sont commencées les semences.

M. Garon: Non, cela a commencé un mois avant cela.

M. Dubois: Bien, écoutez!

M. Garon: Non, non, c'était commencé.

M. Dubois: Ecoutez! La journée où vous avez eu une rencontre avec l'association, il y avait des gens qui hersaient dans les champs, à Saint-Hyacinthe.

M. Garon: Quand ils sont venus me voir, la raffinerie leur avait dit: Nous autres, le prix maximum qu'on peut offrir, sur une base rationnelle, c'est ce prix-là, $22.50 plus le partage des profits. Si le ministère veut, par un programme particulier, vous donner plus, c'est une autre affaire. Ils ont dit: Nous autres, au point de vue de l'entreprise, on ne peut pas vous donner plus que $22.50 parce qu'on a des critères dans l'administration d'une entreprise.

M. Dubois: Cela prend une vingtaine de tonnes à l'acre pour que ce soit rentable. Pour celui qui en a quinze, ce n'est pas rentable à ce prix-là.

M. Garon: C'est moins payant.

M. Dubois: Ce n'est pas moins payant, ce n'est pas rentable. Présentement, à quinze tonnes l'acre, ce n'est pas payant, alors personne n'en fait. Il faut viser vingt tonnes et ce ne sont pas toutes les terres qui vont avoir vingt tonnes. C'est selon le climat, la qualité du terrain et les engrais. En tout cas, un paquet de choses.

M. Garon: Oui, mais d'un autre côté, si la Loi de l'assurance-stabilisation travaille au-dessous ou même au niveau des moyennes de production, elle ne fonctionnera pas longtemps. Ce qui va arriver, c'est qu'à un moment donné cela va tellement démotiver les gens dans la production qu'au lieu d'être une incitation à la productivité...

M. Dubois: En dehors de la loi de la stabilisation, le cultivateur qui n'a pas d'assurance sur sa récolte, par exemple, et qui a seulement quinze tonnes, ce n'est pas intéressant. Il est mieux de ne pas en produire, de produire autre chose. Il ne fait pas de dollars nets au bout de l'année avec quinze tonnes, cela lui prend vingt tonnes. Ce sont les cinq dernières tonnes qui font son profit net.

M. Garon: Mais il me semble qu'une bonne partie des producteurs font au-delà de vingt tonnes. Entre vingt et trente tonnes. On dit qu'on va au moins jusqu'à trente tonnes.

M. Dubois: Mais quand vous prenez les moyennes annuelles, cela ne va pas à vingt tonnes, cela va à quinze tonnes, à peu près, la moyenne dans le Québec.

M. Garon: Non, non, ce n'est plus cela.

M. Dubois: En 1975 ou 1976, je ne sais pas quelle année, c'était quinze tonnes, en moyenne. Il y a des années plus basses.

M. Garon: Regardez la moyenne des sept ou huit dernières années, elle se situe autour de 17,5, 17,7.

M. Dubois: II y a des comtés qui sont à 11, d'autres comtés sont à 20.

M. Garon: Oui, mais si on fait une moyenne, il faut faire une moyenne.

M. Dubois: Oui, d'accord.

M. Garon: II peut y avoir des petits producteurs. Les 80% du volume qui rentre viennent de producteurs qui font vingt tonnes et plus à l'acre.

M. Dubois: D'accord, ce sont de gros producteurs spécialisés.

M. Garon: Exactement. Les petits...

M. Dubois: Oui, mais il faut qu'ils aient de la belle température, il faut qu'ils aient tout pour eux pour faire vingt tonnes en moyenne.

M. Garon: Non, un producteur qui a le moindrement de bon sens, vingt tonnes, il atteint cela assez facilement.

M. Dubois: Les chiffres qui ont été publiés, en tout cas, sont proches des vingt tonnes.

M. Garon: On pourra les sortir.

M. Dubois: J'aimerais qu'on les ait. J'aurais d'autres questions à poser au sujet de dépôts de documents, mais je peux attendre que monsieur ait posé sa question.

Le Président (M. Laplante): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'aimerais avoir une directive, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Roy: On m'informe qu'il y a eu une entente, ce matin, à l'effet qu'on discute de la question de la raffinerie de sucre avant de reprendre les débats généraux de l'agriculture. Il y a peut-être des représentants de la raffinerie qui, aussitôt que ce travail sera terminé, pourront être libérés.

D'un autre côté, j'aimerais, aussitôt que cette discussion sera terminée, revenir sur les commentaires généraux puisque je n'ai pas eu l'occasion de le faire ce matin, étant donné que j'étais en commission parlementaire des affaires municipales, qui a siégé pour la dernière fois.

Le Président (M. Laplante): Je vous comprends, M. le député de Beauce-Sud. Ce matin ce n'est pas moi qui présidais mais, après discussion avec le président qui m'a précédé, on parlait sur les généralités encore. Tant que le débat de fond ne sera pas fini, on ne commencera aucun programme. Cela vous permet de poser des questions générales et, après cela, on commencera un programme lorsque les membres seront prêts à

aborder les programmes. M. le député de Beauce-Sud c'est à vous la parole.

M. Roy: Est-ce que je peux faire mes commentaires généraux à ce moment-ci?

Le Président (M. Laplante): Faites vos commentaires, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je vous remercie, M. le Président, je ne voudrais pas brimer les droits de mes collègues de revenir sur cette question de raffinerie de sucre puisqu'il y a une couple de dossiers à ce sujet qui m'intéressent également. M. le Président, comme je viens de vous le dire, je n'ai pas pu assister ce matin à l'ouverture de l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture, parce que je devais assister à la dernière séance de la commission parlementaire des affaires municipales dont je suis également membre.

Quand même, j'en ai profité ce midi pour jeter un coup d'oeil sur les propos que le ministre de l'Agriculture a tenus ce matin. Je dois dire, M. le Président, à prime abord, que j'ai été passablement déçu. J'ai été passablement déçu de constater qu'il n'y a à peu près rien de nouveau au ministère de l'Agriculture, pas d'intention véritable d'apporter des solutions et des remèdes aux nombreux problèmes que connaît la classe agricole ou le monde rural à l'heure actuelle.

L'année dernière, au cours de cette même séance de commission parlementaire, j'avais été extrêmement sévère à l'endroit du ministre de l'Agriculture, étant donné que cela faisait six ans qu'on examinait ces crédits et que nous nous retrouvions à peu près toujours dans la même situation. Cette année nous avons un nouveau ministre. Evidemment, je ne peux pas le tenir responsable de la situation qu'il a retrouvée, lorsqu'il a pris la direction de son ministère, mais quand même il devrait y avoir à ce moment-ci une intention véritable, des indications véritables de redressement et de correctifs qui devraient être apportés dans ce secteur.

Le ministre a parlé de la convocation d'un sommet agricole à l'automne, les états généraux de l'agriculture...

M. Garon: L'agro-alimentaire.

M. Roy: L'agro-alimentaire, et j'ai vu cela dans la transcription du journal des Débats. C'est une mesure à laquelle je souscris, mais je pense qu'il y a une chose qu'il est essentiel, au préalable, de bien établir.

Attendre à l'automne et reporter tous les problèmes de l'agriculture à ce sommet agroalimentaire, des discussions et des orientations qui seront prises et adoptées, qui se continueront probablement pendant quelques semaines et qui arriveront peut-être trop tard pour orienter de façon sensible les politiques du ministère de l'Agriculture pour l'an prochain de façon qu'on se retrouvera toujours dans la même situation de tâtonnement, c'est le terme qu'il faut employer, et avec les mêmes problèmes.

Je pense qu'il y a un problème qui est préalable, M. le Président, un problème de base et de fond dans le secteur agricole. Il y aurait lieu de réunir les quatre principaux agents de l'activité agricole et de créer une chambre agricole le plus rapidement possible. Parmi les membres de cette chambre agricole il devrait évidemment y avoir une place pour le syndicalisme agricole et ses représentants, pour les représentants du monde de la coopération, les représentants des groupements et associations concernés et aussi les représentants du monde de l'industrie de transformation et de mise en marché.

Nous avons l'impression, lorsqu'on rencontre les agriculteurs, les différents groupements du monde agricole, qu'il y a une division à l'intérieur de ce monde qui cause des problèmes extrêmement sérieux, qui entraîne des pertes de temps et qui coûte des sommes fabuleuses aux agriculteurs. Qu'il suffise de regarder les problèmes qui sont suscités entre le syndicalisme et le coopératisme. Je pense qu'il faut appeler les choses par leur nom. Je ne mets pas de nom, je ne blâme personne parce que chacun de son côté essaie d'apporter des solutions et de véritables réponses au problème de l'agriculture.

Au niveau des groupements et associations c'est la même chose. On a l'impression que le syndicalisme, je dis bien, lutte contre la coopération, que la coopération a peur du syndicalisme, que les groupements et associations ont peur des deux, que les deux premiers ont peur des autres et que le monde de l'industrie de transformation et de mise en marché se sent un peu coincé dans tout cela, de sorte que personne ne s'y retrouve.

Cela prend peut-être un peu de courage, M. le Président, pour dire ces choses car il y en a qui n'aimeront peut-être pas les propos que je tiens. Je pense que si l'on veut corriger un problème, si l'on veut corriger un mal, il faut aller à la source du mal et regarder exactement où en sont les causes et quelles sont les causes.

Je pense que tout ce monde aurait intérêt, surtout pour la classe agricole, le milieu rural et la nation québécoise toute entière, de faire en sorte que ces gens puissent se retrouver à un moment donné assis autour d'une même table et qu'on se rende compte, et que l'on réalise qu'ils ont chacun leur place et leur rôle à jouer, un rôle bien déterminé.

Ils peuvent très bien se compléter les uns les autres, au lieu d'essayer de se supplanter les uns les autres. C'est tellement vrai, ce que je viens de dire, qu'il y a de plus en plus de groupements de producteurs qui s'inscrivent comme des producteurs dissidents. Dans tous les domaines: les oeufs, le porc, le bois et dans d'autres domaines, on se retrouve avec des groupes de producteurs dissidents. Quand il y a des groupes de producteurs dissidents, c'est parce qu'il y a des problèmes. Si des gens sont obligés de se former des associations nouvelles à côté des associations et des groupements existants, c'est parce que justement ils ne trouvent pas dans ces groupements et associations réponse à leurs problèmes. Ils ne voient pas de solution dans ces associations et

dans ces groupements, peut-être à tort, peut-être à raison; je ne veux pas porter d'accusation, mais je dis tout simplement que ce sont des faits qui existent, il va falloir que cette question se vide, à un moment donné. C'est pour cette raison que la création d'une chambre agricole pourrait permettre sûrement d'asseoir autour d'une même table des personnes pour qu'on cesse de se regarder de travers comme des concurrents de part et d'autre, mais qu'on se voie plutôt comme des collaborateurs désireux de travailler dans l'intérêt d'une classe qu'ils ont, chacun de leur côté, à représenter d'une façon bien précise. Je pense que cela devrait être le commencement d'une nouvelle orientation du ministère de l'Agriculture et des politiques agricoles au Québec.

Ceci dit, j'aimerais aborder le problème des agriculteurs eux-mêmes. Les agriculteurs ont de plus en plus de problèmes. Il semble que la devise qu'on leur a demandé d'adopter soit celle-ci: La prospérité par l'endettement. On se gargarise un peu partout des sommes fabuleuses qui sont consenties au niveau du crédit agricole. On dit: Cela va bien dans l'agriculture; on a prêté tant de capitaux. Par contre, lorsqu'on rencontre des agriculteurs individuellement, on se rend compte qu'ils sont "poignés" — on peut l'écrire entre guillemets pour les fins du journal des Débats— pour de bon parce qu'ils sont devenus en quelque sorte des esclaves.

Je vais prendre les propos qu'un agriculteur me livrait, il n'y a pas tellement longtemps. Il me dit: Avec l'organisation que je suis obligé de maintenir pour avoir une certaine rentabilité, je n'ai pas le droit d'avoir un jour de congé, je n'ai pas le droit d'avoir même la grippe, parce que je n'ai pas le droit d'être malade. C'est un peu vrai que les agriculteurs du Québec sont surchargés à l'heure actuelle et sont conditionnés par le système à un point tel qu'ils doivent travailler comme à peu près pas une autre classe de la société n'est prise pour le faire. Cela m'apparaît tout à fait anormal, parce que la santé est une chose, à un moment donné, qui quitte les individus.

Combien nombreux sont les agriculteurs qui vont rencontrer leur député, leur président de syndicat, qui vont aux bureaux de l'UPA ou lorsqu'on les rencontre à l'occasion de colloques ou à l'occasion de congrès, ils nous disent qu'après 50 ans, après 55 ans, ils ne sont plus capables de tenir. On assiste toujours au fameux phénomène des ventes à l'encan qui se multiplient dans tout le Québec. Le plus tragique dans tout cela, M. le Président, c'est qu'on constate qu'il était pratiquement devenu impossible pour un jeune de commencer dans l'agriculture.

Un secteur d'activité économique qui ne permet pas l'arrivée de nouveaux membres est un secteur qui est déjà sclérosé, qui est cancérisé et qui est voué à l'extinction complète. Une ferme rentable, au Québec, est une ferme dont la valeur se situe entre $60 000 et $75 000, voire même $100 000 pour être prétendument rentable. Il y a des jeunes qui finissent dans les écoles polyvalentes ou dans les instituts de technologie agricole et qui désirent se lancer dans l'agriculture, avec des dettes d'étude comme tous les autres jeunes qui sortent des études. Ils n'ont pas les garanties suffisantes pour offrir la marge de sécurité aux institutions financières qui doivent, en vertu de la sécurité et en vertu de leurs propres règlements, garantir les prêts qu'elles font. Ces sociétés disent à l'agriculteur: Ta mise de fonds n'est pas suffisante. Ou encore, si la mise de fonds est suffisante, on lui dit: Ton entreprise n'est pas rentable. J'ai eu des dizaines de cas de personnes qui sont venues, de mon comté, des comtés de ma région, me rencontrer à mon bureau de comté pour me soumettre des cas et leurs problèmes, et j'ai été en mesure de vérifier les faits que je viens de citer.

Alors, si on n'a pas de politique d'établissement agricole, et il ne semble pas y en avoir de véritable, au moins de réaliste, capable de comprendre la situation dans laquelle se trouvent nos futurs agriculteurs du Québec, M. le Président, on sera obligé d'ici à dix ans, au Québec, de faire ce que d'autres pays ont fait: une réforme agraire. Il va peut-être falloir y penser sérieusement. L'ancien ministre de l'Agriculture m'a déjà dit qu'il commençait à y penser. Alors, je pense qu'avant de procéder à une réforme agraire, on serait peut-être mieux de regarder quels sont les moyens à prendre pour faire en sorte que dans l'agriculture il puisse y avoir une relève, il puisse y avoir des débutants, de façon que la génération actuelle puisse trouver des remplaçants pour demain. Tantôt, ce n'est pas des dizaines et des dizaines de millions qu'il faudra investir dans le secteur, on sera aux prises avec les problèmes de l'environnement, ce seront des milliards qu'il faudra investir dans le secteur agro-alimentaire parce qu'il sera trop tard. Alors, je le dis à l'intention du ministre et de ses collaborateurs.

M. le Président, j'ai participé, en étroite collaboration avec mon collègue de l'Opposition dans le temps, l'honorable député de Saguenay, M. Lucien Lessard, à des débats pour tâcher de forcer le gouvernement à prendre certaines orientations en ce qui a trait à l'approvisionnement en protéines pour les agriculteurs. On sait que les grains de provende, actuellement, sont $2 les 100 livres de plus qu'ils étaient l'an dernier à pareille date. J'ai fait des vérifications. On parle de $9.25, de $9.50, de $9.75 les 100 livres, alors que l'an dernier on nous parlait de $7.50, de $7.75, donc $2 de plus. Je voudrais savoir si le nouveau ministre du gouvernement a l'intention de doter le Québec d'un office des grains de provende — on pourra peut-être lui donner un autre nom, le nom a peu d'importance — d'un organisme gouvernemental qui aurait le pouvoir de négocier les conditions d'achat, de prix et de livraison des grains de provende pour alimenter les agriculteurs québécois.

C'est le problème no 1, c'est un problème majeur. Qu'on soit demain dans un Québec indépendant, dans une constitution renouvelée, dans une souveraineté-association ou dans un statut d'Etat associé, cela a peu d'importance. On ne changera pas la réalité des choses, le Québec devra continuer à s'alimenter en grains de provende, que ce

soit des provinces de l'Ouest, que ce soit des autres pays exportateurs de grains de provende dans le monde. On n'est pas autosuffisant dans ce secteur, on ne sera pas autosuffisant l'an prochain et on ne sera pas autosuffisant non plus dans dix ans. Cela fait que le gouvernement du Québec devra, d'une manière ou d'une autre, même si c'est le statu quo qui prévaut sur le plan constitutionnel, ce que je n'approuverais pas, en venir effectivement à doter le Québec d'un organisme qui aurait les pouvoirs de négocier.

C'est sérieux, je le dis à l'intention de mes honorables collègues qui siègent peut-être à une commission parlementaire pour la première fois, les pays qui achètent des grains de provende de la Commission canadienne du blé du gouvernement fédéral achètent à meilleur marché que le Québec pour s'approvisionner. Ces choses ont été prouvées. Cela peut encore être prouvé. On sait très bien qu'il y a trois catégories de prix au niveau des grains de provende qui sont mis en marché par la Commission canadienne du blé. Vous avez le prix des provinces productrices. Vous avez le prix des marchés internationaux. Vous avez le prix de l'Est.

Le Québec est concerné et c'est décidé en vertu de la IIIe section des négociations qui concernent les provinces de l'Est. C'est un peu absurde, un peu ridicule. Je pourrais citer des chiffres qui l'ont été à cette commission parlementaire par mon collègue du Saguenay, collège, membre du Conseil des ministres, de l'actuel ministre de l'Agriculture. Il a cité des chiffres ici en commission parlementaire, l'an dernier, il y a deux ans. Ceci a également fait l'objet de motions spéciales, même de motions de blâme à l'Assemblée nationale à l'endroit de l'ancien gouvernement, parce qu'effectivement les agriculteurs du Québec avaient de la difficulté à s'approvisionner au niveau des grains de provende.

M. le Président, il y a bien d'autres articles que nous pourrions aborder lors de l'étude de ces crédits. Je pourrai revenir de façon beaucoup plus explicite lors de l'étude programme par programme, à chacun des éléments des différents programmes du ministère. J'aimerais peut-être revenir sur le sujet qui était en discussion au moment où vous m'avez donné la parole, M. le Président, soit la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. J'aurais deux questions à poser à l'honorable ministre là-dessus. Puisqu'il a parlé, tout à l'heure, du soutien des prix vis-à-vis des producteurs de betteraves à sucre par l'entremise de l'office de stabilisation des prix, j'aimerais savoir si c'est une décision qui est définitive, M. le Président, si c'est la commission de stabilisation des prix des produits agricoles qui va voir, à un moment donné, à garantir des prix minimums aux producteurs de betteraves. Deuxièmement, j'aimerais savoir si la raffinerie de Saint-Hilaire a raffiné quelques milliers de livres du sirop d'érable qui avait été entreposé à la suite du programme conjoint entre le fédéral et le provincial, qui avait permis de cueillir toute la récolte de sucre et de sirop d'érable qui était demeurée invendue chez les producteurs et dont certaines productions dataient de trois ans.

Est-ce que le ministre est en mesure de me donner des chiffres là-dessus?

M. Garon: Au sujet de la première question, ce n'est pas comme cela que le problème s'est posé. La raffinerie offrait $22.50 la tonne, plus un partage de 50-50 des bénéfices entre la raffinerie et les producteurs. Dans les négociations, la raffinerie avait dit au syndicat des producteurs que c'était le maximum où elle pouvait aller. Elle considérait cela raisonnable, tenant compte du marché, des prix du sucre anticipés, etc., $22.50 la tonne, plus 50-50 des bénéfices.

Maintenant, s'il y a autre chose, s'il doit y avoir un supplément, il faudrait peut-être aller voir au ministère de l'Agriculture. Tenant compte de l'état des négociations, j'ai demandé immédiatement aux gens du ministère de calculer les coûts de production, comme si on pensait en termes de stabilisation des revenus. Le calcul de ces coûts de production est arrivé à ce que je disais, ce matin, et dont on a parlé tout à l'heure, de $22.06 la tonne avec une moyenne de 20 tonnes à l'acre et avec 100% du revenu d'un ouvrier spécialisé. Il n'était pas question de plus que cela, comme la raffinerie offrait un prix plus élevé que ce qu'avait donné l'assurance-stabilisation des revenus. Moi, ce que j'ai offert au syndicat, à ce moment, c'est que les économistes de l'UPA et les économistes du ministère discutent ensemble à savoir s'il y avait des accords au point de vue des techniques — parce qu'il y a une formule assez complexe — pour un ajustement et s'il y avait des désaccords. Le syndicat a refusé. Il a dit qu'il n'était pas intéressé à discuter sur cette base. Il été surtout intéressé à parler des quelques millions qu'il avait dans le fonds de réserve de la raffinerie et qui résultaient d'un prix très élevé qu'il y avait eu au cours des années, principalement en 1974 et aussi en 1975.

Les producteurs disaient à ce moment: II y a tant de millions qui ont été faits en surplus, on aurait dû les avoir dans le temps, mais on a dit que certaines personnes avaient mentionné que ce serait là pour plus tard. En fait, ces fonds se trouvent à éponger les déficits qui arrivent depuis la date où les prix ont été aussi élevés, à cause de circonstances exceptionnelles dans le marché international du sucre.

M. Roy: Pour ce qui a trait aux 20 tonnes l'acre, évidemment, si on prend un tonnage qui est supérieur à la production moyenne pour fixer des prix de revient, je pense qu'on prend tout simplement une mauvaise formule. Cela a été cité tout à l'heure par mes collègues qui sont concernés directement par ce problème, puisqu'ils ont des producteurs dans leurs comtés respectifs. Il n'y a pas de mise en marché au niveau de la betterave, puisque la raffinerie de sucre s'occupe d'absorber toute cette récolte en vue de la transformation ici même au Québec, donc il n'y a aucun problème de mise en marché qui se pose. Pour quelle raison, au niveau du ministère de l'Agriculture, ne fait-on pas en sorte de garantir des prix — puisque c'est

un domaine où on est assuré d'avance de l'écoulement de toute la production — minimants pour s'assurer justement que le producteur puisse être assuré d'une rentabilité à partir d'une production moyenne? Il est évident que, s'il a une mauvaise récolte à cause de phénomènes surnaturels — cela fait l'objet de politiques ou de mesure particulières... Pardon?

M. Giasson: Des phénomènes surnaturels? M. Garon: Des phénomènes surnaturels!

M. Roy: Non, des phénomènes, autrement dit, qui échappent à leur contrôle. Je m'excuse du lapsus, M. le Président. Ce sont des phénomènes qui échappent au contrôle des producteurs eux-mêmes et des dirigeants de la betteraverie. C'est ce que j'ai voulu dire. Je m'excuse du lapsus. Dans le feu de la discussion, parfois, ce sont des choses qui arrivent.

Je m'étonne un peu puisque ce serait un secteur où le gouvernement pourrait agir de façon bien réaliste. D'un autre côté, étant donné, selon le rapport qui a été publié sur la raffinerie, que cette raffinerie ne serait pas en production à 100% de sa capacité, j'aimerais d'abord savoir si c'est exact. Si c'est exact, raison de plus pour inciter les producteurs à produire davantage. Effectivement, la baisse de production affecte directement la rentabilité de l'usine. L'argent qu'on veut économiser à un endroit, on est obligé de l'investir ailleurs. On est obligé d'investir des sommes d'argent presque identiques, alors qu'on n'a aucune production pour se reprendre. Autrement dit, ce sont des dépenses qui constituent de pures pertes.

J'aimerais savoir du ministre s'il est exact que l'usine ne peut produire à pleine capacité parce qu'il y a un manque d'approvisionnement.

M. Garon: II semble que les approvisionnements, cette année, seront plus faibles que l'année dernière. D'ailleurs, si vous regardez la courbe de production de la raffinerie d'une année à l'autre, les variations sont considérables. La plus grosse année, par exemple — c'est malheureux — c'était 80 millions de tonnes.

M. Giasson: Moins que cela.

M. Garon: Non, non. Le plus gros prix.

M. Giasson: Le prix?

M. Garon: L'année où le prix était le plus élevé, c'est ce qu'on a eu; il y a eu 81 000 tonnes, l'année où le prix a été le plus élevé.

M. Giasson: Pas 80 millions?

M. Garon: 81 000 tonnes. La production a varié, je pense, entre 60 000 tonnes et 200 000 tonnes. Il y a des variations considérables d'une année à l'autre. Je pense que c'est une lacune. Il devrait sans doute y avoir des formules différentes pensées pour qu'il y ait un approvisionnement plus stable. Cela n'a pas de bon sens, au fond. Vous savez, il y a des habitudes là-dedans. J'ai rencontré des producteurs et j'ai eu le sentiment très net que, du fait que c'était une entreprise d'Etat, le comportement n'était pas le même que si cela avait été une entreprise privée. On sentait qu'on pouvait demander plus à une entreprise d'Etat qu'on demanderait à une entreprise privée, sans tenir compte du marché, de la réalité économique, au fond. Cela a été très clair au cours des discussions. Moi, cela m'a paru très clair.

D'autres étaient présents; on a invité les députés des comtés concernés. Il y a trente ans d'habitudes où la politique intervenait. Moins au cours des dernières années, mais il y a des habitudes qui ne se déracinent pas d'un coup sec. Depuis 1944 — je le disais ce matin — jusqu'à 1971, c'était un conseil d'administration formé uniquement de politiciens. Depuis 1971, il y avait le député du comté, deux hauts fonctionnaires et deux personnes qui venaient du secteur de l'entreprise privée.

C'est déjà une amélioration. Les gens qui négocient dans ce secteur sont habitués à en parler bien plus en termes de politique. La réponse, on a l'impression un peu que le conseil d'administration c'est un pion par rapport au ministre de l'Agriculture. Moi, je dis que cela doit changer. C'est une entreprise qui doit marcher comme une entreprise, autrement il n'a pas besoin de conseil d'administration. Il n'a besoin que d'un directeur général qui dépend directement du ministre. Pourquoi un conseil d'administration s'il n'administre rien?

C'est ce que moi j'ai voulu changer, pour que ce soit un conseil d'administration qui administre réellement comme une entreprise, puis cherche à rentabiliser l'entreprise. Pas cette année d'un coup sec, mais en diversifiant la production et en trouvant de nouvelles formes. Il y a quelques années, je peux parler du sirop d'érable, cela s'est fait, M. Jacques vous étiez là à ce moment-là ou vers ce temps, il y avait des surplus de sirop d'érable au Québec qui ont été transformés en sucre, vous pouvez peut-être en dire un mot.

Il y en a une partie qui a été transformée en sucre, une autre grosse partie a été décolorée et a été vendue pour aller dans la crème glacée. En ce qui a trait à la transformation en sucre, on a eu des problèmes, pas parce qu'on ne pouvait pas le faire à l'usine, mais il y a des éléments étrangers, des corps chimiques étrangers qu'on retrouve dans le sirop d'étable et qu'on ne retrouve pas dans le sucre venant de la betterave sucrière et de la canne à sucre. La compagnie avec laquelle nous avions un contrat était assez réticente à ce qu'on mélange à un très haut niveau le sucre provenant du sirop d'érable.

Evidemment, cet année-là on ne l'a pas fait parce que c'était très rentable de faire du sucre avec le sirop d'érable, c'est parce qu'il y avait un surplus, puis on avait une étude de mise en marché qui était en marche et on ne voulait quand

même pas que les producteurs soient pénalisés. C'était surtout le C et le D qui restaient, alors on l'a retiré de la circulation, de façon que les transformateurs puissent payer les producteurs, de façon que les producteurs puissent entailler à nouveau l'année suivante. La preuve, c'est que l'année dernière, il n'est pas resté une livre de sirop d'érable. Tout a été vendu, et je ne crois pas qu'on ait de problème de vente cette année.

M. Roy: Cette année, en ce qui a trait au sirop d'érable, je ne pense pas, même si la récolte a été abondante, mais il y a...

M. Garon: ...la mise en marché qu'on a faite, la création de l'Institut international de l'érable, les promotions qui ont été faites et tous ces nouveaux marchés qui ont été ouverts ont bonifié passablement le marché. A cette période il y avait un problème, puis parce qu'il n'y avait pas d'organismes à ce moment-là gouvernementaux, un ministère comme tel ne pouvant pas intervenir, la raffinerie est intervenue pour faire l'opération.

M. Roy: Sur la question de la raffinerie de sucre, le ministre a abordé un sujet tout à l'heure, il dit que c'est une entreprise d'Etat. J'aimerais poser une question, faire une parenthèse en passant: Si on songe, au ministère de l'Agriculture, à modifier le statut de l'entreprise, est-ce que la formule coopérative ou une formule qui pourrait être mixte, société d'Etat, société coopérative, ne serait pas une réponse qui permettrait d'intéresser davantage les producteurs, de rentabiliser l'entreprise, de motiver tout le monde, en quelque sorte, pour qu'on développe davantage cette raffinerie que nous avons au Québec?

M. Garon: II nous dit que, je ne sais pas si vous avez entendu, mais un haut fonctionnaire du ministère dit qu'elle a déjà été offerte aux producteurs pour $1 et ils n'étaient pas intéressés.

M. Garon: Moi, quand ils sont venus au ministère, je leur ai dit: Etes-vous intéressés à l'acheter? On n'a pas parlé de prix, cela ne les intéresse pas, ils n'étaient pas vraiment intéressés à cela. En tout cas il y a différentes formules qui sont regardées actuellement et je pense à des formules dans la perspective de diversification.

On disait ce matin, en plus du sucre, dans les 200 jours qui restent où elle ne travaille pas, peut-être le petit lait. Il pourrait peut-être y avoir des associations avec d'autres entreprises.

Actuellement, je peux dire que toutes les formules sont ouvertes pour l'année qui vient afin de pouvoir la rentabiliser, diversifier la production et la formule de propriété aussi. Toutes les formules sont ouvertes à ce point de vue.

Le Président (M. Laplante): Le député de Verchères.

M. Picotte: ... des producteurs semblent pas mal brillants.

M. Charbonneau: Je suis assez impliqué par la raffinerie de sucre parce qu'elle est située dans mon comté et j'ai été un de ceux qui...

Le Président (M. Laplante): ... vocation agricole, c'est bien.

M. Charbonneau: ... à la différence près, je ne suis pas au conseil d'administration, je ne tenais pas à y être contrairement au député précédent. Mais en parlant de garanties que le député de Beauce-Sud mentionnait pour les producteurs, j'étais présent lors de l'acceptation, il faut bien le dire, à contre-coeur par les producteurs agricoles des dernières offres de la raffinerie, un samedi après-midi. A cette occasion plusieurs producteurs m'ont signalé qu'eux seraient intéressés, surtout pour les jeunes producteurs qui ont à investir beaucoup d'argent pour de la machinerie dispendieuse. Ils seraient intéressés à avoir des garanties à long terme, c'est-à-dire se voir offrir des contrats à long terme qui leur permettraient d'avoir des contrats pour les cinq prochaines années. Cela donnerait la chance aux jeunes producteurs agricoles d'investir suffisamment d'argent dans de la machinerie dispendieuse et avoir les garanties que ces investissements ne seront pas sujets à toutes sortes d'imprévus compte tenu de la fluctuation que connaît la raffinerie à chaque année.

C'était la première remarque que je voulais faire. Je ne sais pas si le ministre veut faire un commentaire à ce sujet.

M. Garon: Je dis une chose, on parle de diversifier tout cela, mais il va falloir que les producteurs nous disent aussi s'ils sont intéressés à produire du sucre de betterave. Je ne sais pas quels seront les niveaux de production cette année. Apparemment elle sera beaucoup plus faible. Il faudra que l'on sache d'une façon claire si c'est une production qu'ils sont intéressés de faire ou s'ils sont intéressés à faire autre chose et avoir une sécurité d'approvisionnement.

Je pense que cette raffinerie ne peut être un yo-yo au point de vue des courbes de production. Cela n'a pas de bon sens. Il va falloir s'aligner à un moment donné et dire: C'est cela ou ce n'est pas cela. Si ce n'est pas cela, parfait, on fera autre chose.

M. Charbonneau: Je pense que les producteurs sérieux sont intéressés, je vous le signale, à avoir suffisamment de garanties, d'une part, pour pouvoir en donner, d'autre part. Si vous voulez parler de yo-yo on pourrait vous en parler dans le comté de Verchères.

M. Picotte: II a un beau yo-yo entre les mains.

M. Charbonneau: Nous aussi.

M. Picotte: Je comprends.

M. Charbonneau: II y a un autre problème que

je signale pour les députés qui sont intéressés au problème de la raffinerie. A ce sujet, cela a été signalé plusieurs fois tantôt, par le ministre également, on n'a pas tenu compte d'une certaine réalité. Je pense qu'il y a eu des problèmes de mauvaise information.

M. Garon: II y a eu bien des rumeurs.

M. Charbonneau: Pas mal de rumeurs et je tiens à le dire, malheureusement l'ancien député, qui était au conseil d'administration, a fait croire aux producteurs que le fonds de réserve de $8 millions ou $10 millions était un pot dans lequel on pouvait piger facilement et qui était accessible aux producteurs n'importe quand. Ce qu'on n'a pas dit aux producteurs, c'est que sur ces $8 millions il y avait $2 millions, selon les informations qui ont été transmises par le nouveau conseil d'administration, qui étaient un prêt du gouvernement et $6 millions qui étaient un surplus accumulé pendant les deux années où il y a eu des profits. Ces surplus étaient diminués d'autant par le $1,2 million de perte des deux dernières années et on voulait se garder des portes de sortie si éventuellement des projets de modernisation étaient possibles.

Toute la question de la raffinerie, c'est pour les producteurs de garantir suffisamment une production importante; par ailleurs, qu'on ait au Québec une raffinerie qui soit capable d'usiner une production concurentielle. La raffinerie de sucre de Saint-Hilaire a une production maximale je crois de 150 000 tonnes par année ou à peu près, on me corrigera, alors qu'elle devrait être doublée. Pour qu'elle soit doublée il faut tout un plan de modernisation, mais, pour que la modernisation s'effectue, je pense qu'il va falloir que l'on donne des garanties et au gouvernement et un peu tout le monde d'impliqué dans l'opération.

Finalement si on met de l'argent, si l'ensemble des citoyens du Québec est prêt à investir des fonds dans un plan de modernisation, ce ne seraient pas des fonds qui vont nous amener à subir à chaque année encore une fois des déficits. Par ailleurs, je voudrais demander au ministre, parce que je n'étais pas ici malheureusement ce matin, s'il a été question du contrat signé avec le Red-path? A ce sujet, est-ce que des députés ont demandé des explications quant aux raisons qui ont motivé que le contrat soit renouvelé à la vapeur dans la semaine d'intérim qui a suivi le 15 novembre? Je voudrais savoir à quelle date exactement a été renouvelé le contrat. D'après mes informations cela s'est fait durant la période d'intérim?

M. Giasson: Un contrat de cinq ans.

M. Roy: Est-ce que le député serait d'accord pour que le contrat soit déposé?

M. Charbonneau: Oui, je serais d'accord, je ne demande pas mieux.

M. Giasson: Je pense qu'on peut obtenir la réponse immédiatement. Il s'agissait d'un contrat de cinq ans signé avec la compagnie Redpath?

M. Charbonneau: C'était un renouvellement, en tout cas.

M. Giasson: Oui, mais le contrat de cinq ans arrivait à échéance à quelle date?

M. Picotte: II y en a un qui l'a mentionné ce matin d'ailleurs.

M. Garon: Selon les informations que j'ai eues, c'est un contrat de cinq ans et il restait deux ans à courir. Maintenant, l'information verbale que j'ai eue quand je m'en suis informé...

M. Picotte: C'est ce que vous avez mentionné ce matin.

M. Garon: Ce sont les informations que j'ai demandées et que j'ai eues à ce moment.

M. Charbonneau: Selon les informations que j'ai eues, c'est qu'il y aurait eu intérêt pour le nouveau gouvernement, à condition qu'il ait eu la possibilité de le faire, de regarder de près le contrat et de voir si éventuellement il n'y aurait pas eu des clauses qui auraient eu avantage à être renégociées. On a passé beaucoup de temps avec les producteurs à négocier et à tirer "la cenne" d'un bord et de l'autre, mais on s'est peut-être dépêché un peu trop.

Le Président (M. Laplante): II pourrait être déposé. Le député de Verchères serait-il consentant à un dépôt pour qu'on ait la réponse?

M. Charbonneau: Oui. Le dépôt nous donnerait la date.

Le Président (M. Laplante): La date et les conditions du contrat.

M. Giasson: Quels sont les facteurs qui interviennent pour déterminer le prix du sucre à être payé par la raffinerie à la Redpath?

M. Roy: Dépôt.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous auriez d'autres questions à ce moment-ci?

M. Charbonneau: II y a une autre chose...

M. Garon: Le contrat dont vous parlez entre la raffinerie et Redpath?

M. Charbonneau: Exactement, c'est cela. Je voulais terminer en disant que c'est assez délicat de discuter, autant pour le député de Verchères, pour le député de Saint-Hyacinthe, avec lequel on a travaillé en étroite collaboration, que pour les autres députés. Du moment qu'il y a un nouveau conseil d'administration, on considère que les députés sont des représentants des citoyens, des producteurs et des employés, mais ne sont plus des agents privilégiés de négociation. Ce qui a rendu la tâche assez délicate pour certains députés

tant du gouvernement que de l'Opposition, surtout de l'Union Nationale, c'est que, comme le ministre l'a indiqué tout à l'heure, on a été embarqué dans un bateau où on avait affaire à des mentalités. On était habitué de traiter avec les députés et on aurait aimé, dans bien des cas, que ce soient les députés qui règlent les problèmes alors qu'il y avait un autre conseil d'administration dont le mandat était clair et qui ne permettait pas aux députés — je pense que c'est une bonne chose — d'intervenir indûment. Le député de Saint-Hyacinthe et moi-même avons un peu agi dans ce sens comme des négociateurs ou des médiateurs, mais c'était le maximum qu'on pouvait nous demander dans les circonstances actuelles.

Le Président (M. Laplante): On va procéder par...

M. Garon: Concernant le renouvellement du contrat, M. Jacques qui est ici a le contrat dans ses mains et nous donne l'information. "La présente convention aura une durée de cinq ans à compter du 1er octobre 1976. A son expiration elle se renouvellera automatiquement pour une durée supplémentaire de cinq ans sauf avis contraire donné au moins neuf jours avant le jour du renouvellement. Cependant, l'une ou l'autre partie pourra mettre fin prématurément à la convention après trois campagnes complètes de production pourvu qu'un préavis ou qu'un avis écrit à cet effet ait été donné à l'autre partie avant le 31 janvier précédant la troisième campagne. La présente convention annule et remplace celle signée en date du 6 juin 1973. Fait double à Montréal, le 26 novembre 1976".

M. Charbonneau: Le 26 novembre.

M. Garon: Mais là ce n'est pas tout à fait l'information que j'avais eue.

M. Roy: A quelle date le ministre a-t-il été assermenté?

M. Garon: Je pense que c'est cela le 26 novembre.

M. Cordeau: II faudrait connaître la convention de 1973 pour connaître les termes.

M. Roy: On parle du 26 novembre ici dans le document.

M. Cordeau: Cela, c'est un renouvellement de la convention qui a été signée en 1973.

M. Garon: Mais même dans l'ancienne convention, si je peux me souvenir, il y avait une clause similaire à celle-là et on pouvait, au bout de trois ans...

M. Charbonneau: C'est qui les signataires? Cela ne donne rien; cela donne les durées de la convention.

M. Giasson: L'administration de la raffinerie et les représentants...

M. Charbonneau: Quels sont les signataires de cette entente? On ne connaît pas les termes de l'entente.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Excusez-moi, M. le Président.

M. Charbonneau: La raffinerie de sucre de Québec; Comtrad Limited qui est l'acheteur et les Sucres Redpath Ltée, l'intervenant. Après cela, je crois qu'ils ont créé une autre corporation qui s'appelle Comtrad Limited en ce qui a trait au sucre.

M. Garon: C'est le directeur général qui a signé, mais, d'habitude, quand le directeur général signe, c'est parce qu'il y a eu un entérinement par le conseil.

M. Roy: II doit y avoir un arrêté en conseil.

M. Charbonneau: Le conseil d'administration n'était pas changé à ce moment-là.

Quels étaient les membres du conseil d'administration au moment où le directeur général était mandaté pour renouveler l'entente?

M. Garon: II y avait le sous-ministre en titre de l'Agriculture qui était président du conseil, M. Gaétan Lussier.

M. Charbonneau: Qui est parti à Ottawa.

M. Garon: II y avait Georges-Etienne Turcotte qui était le directeur général de la Coopérative fédérée.

M. Charbonneau: II n'était pas décédé?

M. Garon: Je ne sais pas s'il était décédé à ce moment-là, mais vous me demandez les gens qui étaient membres du conseil. Il y a M. Pietro Guerci qui est sous-ministre adjoint aux Finances; il y a M. Benoît Beauregard et il y avait le député de Verchères du temps. C'était le conseil d'administration.

M. Roy: La résolution qui autorisait les signataires devrait être jointe aux documents, si on se réfère aux habitudes que les notaires ont au moment où des contrats sont signés. J'aimerais avoir la lecture de la résolution, M. le Président.

M. Charbonneau: La question que je peux me poser, M. le Président, c'est quels sont les motifs qui étaient à ce point urgents pour qu'on renouvelle l'entente avec la Redpath avant que le nouveau ministre prenne le temps de prendre connaissance de ses dossiers et prenne au moins le temps de s'asseoir dans son fauteuil dans son

ministère? A première vue, j'ai l'impression qu'on a passé un sapin au nouveau ministre.

Le Président (M. Laplante): A ce moment-ci, je ne sais pas si le ministre peut faire des suggestions parce qu'il y a plusieurs questions que vous posez ici auxquelles il ne peut pas répondre. Je ne sais pas s'il y a une suggestion que vous pourriez faire pour apporter un éclaircissement nouveau à la commission dans les jours qui vont venir.

M. Garon: Les faits sont connus. Le député de Verchères a demandé le dépôt du contrat à Red-path et à la raffinerie de sucre. On voit que cela a été signé le 26 novembre 1976. Est-ce que la résolution est attachée au...

Le Président (M. Laplante): Si je comprends la question du député de Verchères, il voudrait savoir pourquoi ce contrat a été signé.

M. Charbonneau: Oui, je voulais savoir, d'abord, à quelle date. Je pense que la date nous donne des indications intéressantes. Maintenant, quelles sont les raisons qui motivaient qu'une signature hâtive se fasse à cette date? Le ministre pourrait peut-être nous informer. Est-ce qu'au moment de son assermentation on lui a annoncé — puisqu'il semble aussi surpris que nous — que le contrat venait juste d'être signé et qu'il n'avait plus rien à dire finalement?

M. Garon: Je ne sais pas si on peut tenter de répondre. Il y a ici une clause qui dit: "L'une ou l'autre partie pourra mettre fin prématurément à la convention après trois campagnes complètes de production, pourvu qu'un avis écrit à cet effet ait été donné". S'il y a eu un avis écrit donné comme quoi l'autre partie mettait fin au contrat, il fallait qu'il y ait une renégociation à ce moment-là.

M. Roy: II faudrait savoir qui a donné l'avis, si c'est le ministère qui l'a donné.

M. Garon: Je m'excuse. Nous tentons strictement, à la lumière des documents que nous avons, de répondre le mieux possible. Maintenant, si nous n'avons pas toutes les informations, nous tenterons de les avoir et nous tenterons de vous donner une réponse. Présentement, on tente de vous donner les réponses à la lumière des documents que nous avons.

M. Roy: Si c'est possible, M. le Président, qu'on nous remette d'abord une copie du contrat, tel que cela a été demandé par le député, la résolution qui doit l'accompagner et aussi la lettre de désistement, s'il y en a eu une, parce que le contrat original avait été signé en 1973 et c'était pour cinq ans avec une possibilité de désistement après trois ans.

M. Garon: Cinq ans avec une possibilité de désistement. Après trois ans, on fera ce qu'on voudra dans ce contrat. Cela veut dire qu'il a été renouvelé, mais pour cinq ans, pas pour deux ans.

M. Roy: Le contrat a été signé pour cinq ans, mais l'une ou l'autre des deux parties pouvait, autrement dit, amener une réouverture du contrat après trois ans. J'aimerais savoir si c'est la raffinerie qui a procédé ou si c'est la compagnie qui a été concernée. Je pense que cela peut faire beaucoup de lumière à cette table.

M. Charbonneau: On pourrait peut-être ajouter, si le député de Beauce-Sud est d'accord, à cette liste de questions, la copie d'une résolution du Conseil d'administration mandatant le directeur général de signer cette entente. Egalement la liste des membres du Conseil d'administration, la date de la signature. Il y en a certains qui vont dire qu'ils ont démissionné, mais il faudrait peut-être savoir à quelle date ils ont démissionné.

M. Roy: J'étais présent à la réunion. La date, les personnes qui étaient présentes à la réunion, les membres du conseil qui étaient présents à ce moment.

M. Charbonneau: Qui étaient en titre également.

M. Roy: On pourrait, peut-être, M. le Président, reporter les autres questions que nous pourrions avoir après le dépôt du document?

Le Président (M. Laplante): A votre guise. Je sais qu'il y a d'autres questions. Le député de L'Islet, auriez-vous une question sur le même sujet?

M. Giasson: Oui.

Le Président (M. Laplante): Allez-y.

M. Giasson: M. le Président, on a fait largement état de la générosité de la raffinerie de sucre envers les producteurs, leur suggérant un prix qui dépassait le coût de production. Coût de production calculé de manière à permettre aux producteurs de betteraves d'atteindre une situation de revenus comparable à celle de l'ouvrier spécialisé. J'accepte le principe tel que déclaré, mais j'aimerais connaître les critères en vertu desquels on a procédé au calcul de ces coûts de production et de rentabilité qui permettaient aux producteurs d'atteindre l'équivalent du revenu d'un ouvrier spécialisé. Tout à l'heure, le ministre a dit que c'était technique, mais cela ne peut pas être technique.

M. Garon: On l'a dite la formule ce matin. En fait, ce sont les mêmes critères qu'on a utilisés pour le calcul des coûts de toutes les autres productions qui ont fait l'objet de négociations, au comité technique, entre l'UPA et le ministère de l'Agriculture du Québec. Maintenant, si vous voulez des détails, nous apporterons les coûts de production, nous pourrons vous les donner en détail. Mais nous pourrions peut-être répéter ce qui a été dit, c'est qu'à 20 tonnes de rendement, à $22.06 ou $22.10, c'était équivalent au coût en ar-

gent, plus la dépréciation, plus une rémunération de l'avoir net, et 100% du revenu d'un ouvrier spécialisé. Il est évident que quand on parle de 100% du revenu d'un ouvrier spécialisé, c'est en tenant compte de la portion du temps qu'un producteur va rattacher à la betterave sucrière, parce que rares sont les producteurs qui ne font que cette culture. Souvent, ils en ont d'autres, cela peut même être des producteurs laitiers. Si vous voulez plus de détails, on peut même déposer, si vous le désirez, les coûts de production. On les a. ,

M. Giasson: Mais la grande vérité de base, tous les coûts se calculent à l'acrage.

M. Garon: Pardon? M. Giasson: A l'acrage.

M. Garon: C'est calculé globalement. Vous pouvez bien le mettre à l'acre, si vous le voulez, ou à la tonne après, mais on essaie de calculer les coûts.

M. Charbonneau: Est-ce que le député de Montmagny-L'Islet permettrait une question additionnelle qui pourrait compléter sa question à lui? Lors de la rencontre suivante, vous nous aviez expliqué des choses que je n'avais pas trop comprises à ce moment. Les producteurs, eux, calculaient que leur coût de production, compte tenu de leur rendement à l'acre moyen, pour les dernières années, c'était de 17 tonnes, je pense, ou 17 1/2, était de $23.95 et le ministère avait calculé $22.06. Vous disiez qu'il était impossible...

M. Garon: Cela ne donne rien de discuter beaucoup de cela. J'ai offert aux producteurs que les économistes de l'UPA et ceux du ministère discutent cela ensemble et cela a été refusé. Je pense bien qu'on s'obstinerait seulement sur des coûts de production, alors qu'ils n'ont pas voulu que leur expert discute avec l'expert du ministère, là-dessus, en économique. On ne s'en va nulle part en parlant de cela.

M. Charbonneau: Je suis d'accord qu'ils ont refusé, j'étais là quand ils ont refusé. A Saint-Hyacinthe aussi.

M. Giasson: Que les producteurs de betteraves aient refusé des calculs établis par les économistes de l'UPA ou des gens spécialisés à l'UPA, cela me surprend quelque peu.

J'ai déjà pris connaissance d'évaluations de coût de production telles qu'établies par les fonctionnaires du ministère, l'équipe de spécialistes du ministère, coûts qui étaient souvent contestés par l'équipe de l'UPA. Je pense au coût de production dans l'industrie du porc. Je pense au coût de production dans l'industrie laitière. Je pense au coût de production dans la chair de volaille et il y avait de longs débats soutenus par l'UPA mettant en doute la justesse des coûts de production et de véritable rentabilité établie, déterminée par le ministère de l'Agriculture.

M. Charbonneau: Je pense que le député de Saint-Hyacinthe pourrait témoigner, il était présent lors de cette réunion.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions?

M. Giasson: J'aimerais avoir des commentaires là-dessus.

M. Garon: C'est vrai que, quand vous amenez à la même table deux parties, au début cela peut arriver qu'il y ait eu des divergences. Mais, après négociation, dans l'ensemble de tous les coûts de production qui ont été négociés, je peux vous dire qu'on est venu à une entente. Ce qui a été fait à propos de la betterave sucrière, c'est qu'on a quand même revérifié avec l'économiste qui s'occupe plus particulièrement de cela à l'UPA. Puis on peut lui faire dire, il a convenu avec nous que les méthodes qui avaient été utilisées pour la betterave sucrière étaient exactement les mêmes qui ont été utilisées pour les autres productions. Maintenant, qu'il y ait une petite divergence, un moment donné, cela peut arriver, mais dans l'ensemble on peut dire qu'on est quand même venu à une entente sur tous les coûts de production. Il y a eu des divergences au début de la négociation, d'accord, mais après cela s'est pas mal aplani. Je pense qu'il y a une confiance mutuelle qui s'est établie entre les officiers du ministère et les gens de l'UPA. Nous pourrions vous le faire dire par les gens mêmes de l'UPA.

Le Président (M. Laplante): Le député de Champlain, sur le même sujet.

M. Gagnon: C'est juste pour me faire expliquer deux chiffres qu'on a donnés tantôt. On a dit que la plus basse production avait été de 80 000 tonnes et que la plus haute, 200 000 tonnes environ. Ce que je voudrais savoir...

M. Garon: C'est approximatif.

M. Gagnon: En fait, c'est juste pour me donner une idée; en acres annuellement, est-ce qu'il y a une aussi grosse variation en acres? Je veux dire, une année, par exemple, est-ce qu'on va semer 500 acres, puis l'année suivante 1000, puis l'année suivante, 200 acres? Est-ce qu'on montre un intérêt dans la quantité d'acres semées assez constant?

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez continuer, le député de Champlain.

M. Gagnon: Ma question était pour savoir si on démontrait un intérêt à peu près constant dans la production de la betterave. On nous donne des chiffres de récolte par année en milliers de tonnes, mais je voudrais savoir en acres semées par année, est-ce qu'on a un intérêt à peu près constant? Est-ce que les mêmes producteurs se retrouvent à peu près avec la même surface semée, par année? Est-ce qu'il y a une augmentation ou une diminution?

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): On pourrait passer un commanditaire.

M. Gagnon: A l'ordre, M. le Président!

M. Garon: Pour analyser d'une façon adéquate ce genre de chiffres, cela dépend si vous voulez regarder les chiffres sur trois, quatre ou cinq ans ou si vous voulez les regarder sur une période plus longue. Si vous les regardez sur une période plus longue, nous ne les avons pas tous sous la main ici. De mémoire, l'acrage était beaucoup plus... Je parle d'il y a dix ans.

M. Gagnon: Donnez-nous les trois ou quatre dernières années pour voir s'il y a une tendance, s'il y a un intérêt.

M. Garon: Parce que l'acrage, cela ne veut rien dire. L'acrage peut avoir diminué, mais les rendements ont tellement augmenté. La moyenne était d'environ douze à treize tonnes, avant; aujourd'hui, la moyenne est rendue à peu près de 18 000 tonnes.

M. Gagnon: Oui, je suis d'accord.

M. Garon: Ce qui est arrivé, c'est que le nombre de producteurs a beaucoup diminué; le nombre de producteurs était d'environ 950 ou 975 et il est tombé à peu près à 320. Maintenant, en termes d'acrage, la moyenne de 1969 à 1973 était de 7600 acres; en 1974, de 5700; en 1975, de 8027; en 1976, de 6800, et cette année, il semble que ce sera autour de 4500.

M. Gagnon: Vous avez parlé de coût de production. Le ministère finit toujours par s'entendre avec l'UPA pour déterminer les coûts de production. Ce qui me surprend un peu, c'est qu'en ce qui concerne le coût de production de la betterave, vous offrez même plus que le coût de production qui a été déterminé, mais dans les autres productions, quand on finissait par s'entendre avec le ministère et qu'on avait fait admettre les coûts de production de l'UPA, c'était assez rare qu'on était payé à 100%, je veux dire qu'on négociait sur 100%.

Sur le coût de production tel que déterminé actuellement, j'ai des doutes. C'est peut-être de cela que vient un certain manque d'intérêt pour la culture de la betterave, cette année.

M. Garon: Pour ce qui est des négociations, il faut dire et expliquer ce qui s'est passé concrètement. Il y avait une négociation entre le syndicat des producteurs de betteraves et la raffinerie de sucre représentée par son directeur général qui, lui, représentait le conseil d'administration. La raffinerie a offert $22.50 et le partage des bénéfices 50-50 en cours de négociation. A un moment donné, on a dit: C'est le maximum qu'on peut faire sur une base d'entreprise normale. Même normale, entendons-nous, il y avait des déficits de prévus à ce niveau et des déficits assez considérables selon la quantité produite.

On a dit, à ce moment-là: Nous autres, on ne va pas plus loin que cela. Cela n'a pas de bon sens d'aller plus loin que cela. S'il y a quelque chose à ajouter, ce sera au ministère en vertu de ses programmes ou quelque chose comme cela. Le syndicat des producteurs de betterave est venu au ministère de l'Agriculture. Là, on les a rencontrés. On a discuté, d'ailleurs, si ma mémoire est bonne, pendant cinq heures. C'est une des journées où j'ai manqué la période des questions. Cela a commencé à deux heures et a fini à sept heures et quart.

J'avais d'ailleurs les députés des comtés pour assister à la discussion, le député de Verchères, M. Charbonneau, et le député de Saint-Hyacinthe également, pour voir si c'était une entreprise qui se faisait de bonne foi. Ayant été informé qu'on devait se rencontrer, j'avais demandé peut-être dix jours ou quinze jours auparavant, non plus longtemps que cela auparavant, aux économistes du ministère de préparer des chiffres pour voir quel serait le taux qui serait payé si la betterave à sucre entrait dans un programme d'assurance-stabilisation des revenus des producteurs. Quand j'ai parlé avec les fonctionnaires qui ont fait des cours, ils m'ont dit qu'ils étaient arrivés à $22.06 pour un rendement de vingt tonnes à l'acre, qui était un peu supérieur à la moyenne, mais que, par ailleurs, l'assurance-stabilisation ne pouvait pas être toujours sous la moyenne. Autrement, ce serait démotiver les producteurs d'avoir des incitatifs, au fond, à la moyenne, plutôt qu'à l'amélioration du rendement.

D'ailleurs, dans le boeuf de boucherie, ce n'était pas à 100% du revenu de l'ouvrier spécialisé qu'on avait fait des points de comparaison, mais c'était à 90%. Evidemment, j'étais conscient que c'étaient des chiffres préparés par le ministère de l'Agriculture, seul. J'ai offert, à ce moment-là, aux gens — il y avait les représentants de l'UPA régionale et les représentants du syndicat des producteurs de betteraves à sucre — de discuter avec leurs économistes, les économistes de l'UPA, si les chiffres étaient mis en doute. Je voulais qu'on discute ensemble les coûts de production et les $22.06 auxquels les gens du ministère arrivaient. Cela a été rejeté immédiatement. Il n'y a pas eu vraiment de discussions là-dessus. Il était clair, je pense, que le syndicat n'était pas intéressé à cela. Moi, j'ai eu l'impression que ces chiffres, à ce moment-là, c'était peut-être proche de la réalité, en tout cas, s'ils ne couvraient pas la réalité entièrement. C'est le sentiment bien net que j'ai eu. Comme je le disais tantôt, au cours des discussions, le sentiment très net que j'ai eu également, c'est que le syndicat voulait toucher une partie des sommes qui étaient gardées comme fonds de réserve à la raffinerie, argent qui provenait des surplus de fonctionnement des années 1974 et 1975.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-François sur le même sujet.

M. Rancourt: M. le Président, sur le même sujet, oui. La plupart des questions ont été posées

par le député de Verchères, mais j'avais peut-être une suggestion à faire. En même temps que le dépôt des contrats, je demande si c'est possible que le directeur général de la raffinerie, M. Touchette, vienne ici à la rencontre.

Le Président (M. Laplante): Je crois, à ce moment-là, que cela prend... Etant nouveau venu dans ce genre de cadre, si je me fie à ce qui s'est fait avant dans les commissions parlementaires, il faut qu'une motion soit présentée pour demander à ce monsieur de venir se présenter à la commission parlementaire.

M. Roy: M. le Président, sur le point de règlement que vous avez soulevé, je pense qu'une tradition a été établie, sans formalisme et sans formalités, lors de l'étude des crédits. Lorsque c'est le désir des membres de la commission, sans qu'il soit nécessaire de faire une motion, puis de la débattre, de consentement unanime, on le demande justement.

Le Président (M. Laplante): Je serais très heureux que cela se passe comme cela, M. le député de Beauce-Sud.

M. Giasson: Effectivement, M. le Président, l'expérience nous révèle qu'au besoin, des représentants de différentes sociétés gouvernementales sont venus devant des commissions parlementaires qui étudiaient les crédits de ministères. J'ai à l'esprit les gens du crédit agricole, les gens de REXFOR. Même la Société d'habitation du Québec est venue, SOQUIP, SOQUEM, SOQUIA. Au besoin, je présume que l'on pourrait les avoir.

Le Président (M. Laplante): Avant d'en faire une discussion, est-ce que ce serait le consentement unanime de la commission de le demander?

M. Roy: Oui.

M. Garon: Quand un fonctionnaire parle, c'est comme si c'était le ministre qui parlait. C'est le nom du ministre qui est mis tout le temps.

M. Giasson: En présumant que le directeur de la raffinerie vienne devant la commission, au lieu de répondre lui-même au micro, il pourrait se produire qu'il souffle une réponse au ministre, ce qui arrive très souvent, et le ministre est maître de sa réponse.

M. Roy: On pourrait laisser au ministre toute latitude.

M. Giasson: Si on a le dépôt de tous les documents demandés, cela me satisferait. Par contre, si on veut aller plus loin, si on veut demander au directeur de la raffinerie si, lui-même, a subi des pressions de qui que ce soit, si on lui a forcé la main pour poser tel geste, cela pourrait aller plus loin que le dépôt de documents.

M. Charbonneau: Moi, j'avais compris que la demande du député de Saint-François visait un peu à faire comparaître le directeur général à son propre chef. On aurait pu lui poser des questions et il aurait répondu pour informer la commission. Cela n'aurait pas été le ministre qui aurait répondu par personne interposée. Sinon, je pense que l'objection du ministre est compréhensible. Je suis intéressé à poser des questions directement au directeur de la raffinerie et non pas au ministre par personne interposée. Je peux très bien le faire dans le corridor et le ministre aura tout simplement à faire des appels téléphoniques et s'informer des réponses.

Ce que nous voulons, c'est avoir des explications sur les raisons...

M. Giasson: Si vous me permettez, je pense que la réserve du ministre sur ce point est juste. Au journal des Débats, les réponses qui seront données par le directeur seront inscrites au nom du ministre et je crois que le ministre doit avoir le contrôle des réponses qu'il donne devant la commission. C'est un principe, pour moi, intouchable.

M. Charbonneau: D'accord, mais peut-être que le député de Montmagny-L'Islet ou le député de Beauce-Sud pourraient nous éclairer. Je faisais partie de la commission parlementaire de la justice. C'est vrai qu'on avait une motion en Chambre qui nous donnait un mandat spécial. Mais est-ce qu'une commission parlementaire comme la nôtre, qui étudie des crédits, a besoin d'une motion spéciale pour faire entendre des témoins sur des points particuliers et si ces témoins parlent pour eux-mêmes?

M. Roy: Sur un point de règlement.

Le Président (M. Laplante): Je voudrais agir en Salomon un peu. Il est 5 h 50. On va probablement suspendre jusqu'à 20 heures. Cela donnera le temps au ministre de réfléchir, de s'informer où il faut, si c'est bon de faire ces choses, pour ne pas prendre le ministre dans un piège. A 20 heures il pourrait peut-être nous donner une réponse.

M. Roy: ...

M. Giasson: C'est pas l'homme à se faire prendre, M. le Président.

M. Roy: M. le Président.

M. Garon: Je me sens mal à l'aise.

Le Président (M. Laplante): Je le sens mal à l'aise de répondre à des questions.

M. Garon: II n'est pas question d'entrer dans un piège. Ce n'est pas cela, l'affaire. Il y a des questions d'intention, des questions... Je vois un peu le genre de questions qui se posent, un peu comme à une commission d'enquête où c'est moi qui répondrais sur des sujets que je ne connais pas.

M. Charbonneau: C'est exactement ce qui se passe.

M. Garon: Je n'étais pas présent.

M. Roy: M. le Président, sur ce point, j'aimerais peut-être apporter un peu, je ne dirais pas de lumière, je n'ose pas employer le terme, mais lorsqu'on étudie les crédits du ministère de l'Agriculture, habituellement, on passe la loi du crédit agricole, les crédits affectés au crédit agricole, et le président de l'Office du crédit agricole se présente devant la commission.

C'est la même chose pour la Régie de l'assurance-récolte. C'est la même chose pour les différents organismes paragouvernementaux. Ces gens viennent devant la commission. Nous leur posons des questions, ils répondent au ministre et celui-ci transmet la réponse devant la commission ou le ministre les laisse répondre eux-mêmes, comme ce fut le cas tout à l'heure, et les propos qui sont tenus par les fonctionnaires sont enregistrés au nom du ministre.

C'est pour ce qui a trait à l'étude d'une commission qui étudie les crédits. Dans une commission parlementaire qui est mandatée pour recevoir les auditions publiques, c'est différent.

M. Garon: Mais là il y a une différence fondamentale quand même, c'est qu'il s'agit d'une corporation qui vit par elle-même, qui ne fait pas partie des crédits du ministère. Un directeur général qui dépend d'un conseil d'administration, les questions qu'on veut lui poser, dans bien des cas, relèvent plus d'une enquête que de l'information. Tandis que, quand l'Office du crédit agricole vient ici, évidemment ce sont des questions techniques. Le haut fonctionnaire va répondre sur des questions techniques et c'est le ministre qui va répondre le plus souvent aux questions politiques. Mais les questions qu'on veut poser dans ce cas-là ne sont pas de cette nature.

M. Roy: Je pense que cette année on est en face d'un fait. L'an dernier, lorsqu'on a interrogé la personne responsable de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, c'était justement le député qui faisait partie du conseil d'administration qui a fourni à la commission toutes les réponses. On ne les a pas toutes vérifiées, mais il a fourni toutes les réponses aux questions que les membres de la commission ont eu le loisir de poser. C'est peut-être la raison pour laquelle il y avait quelqu'un qui siégeait au conseil d'administration de façon que quelqu'un soit responsable devant le gouvernement, devant l'Assemblée nationale de cette société qui est quand même propriété de l'Etat.

M. Garon: Oui.

M. Giasson: M. le Président, je veux soulever un point de règlement. Je n'ai aucunement objection à entendre les membres du conseil d'administration de la raffinerie de Saint-Hilaire. Cependant, la tradition et l'usage aux commissions parlemen- taires sont de ne pas faire comparaître de témoins. Jamais, dans l'histoire des commissions parlementaires convoquées pour faire l'étude des crédits, on a accepté de faire comparaître des témoins. Si vraiment on veut questionner ou entendre les membres du conseil d'administration de la raffinerie, qu'on propose la tenue d'une commission parlementaire affectée à ces fins. Cela s'est déjà produit, je pense, pour la Régie de l'assurance-récolte, où les fonctionnaires attachés à la régie sont venus à la commission parlementaire de l'agriculture et ont tenu un long débat et répondu à toutes les questions des députés mais il ne s'agissait pas de l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture. C'était une commission parlementaire du ministère mais affectée à un domaine particulier qui était celui de la révision de la Loi de l'assurance-récolte ici au Québec.

M. Cordeau: M. le Président, je voudrais peut-être vous rappeler que c'est un peu prématuré étant donné que le nouveau conseil d'administration vient d'entrer en fonction avec un mandat bien précis. Il n'est pas tellement au courant des antécédents des autres conseils d'administration.

M. Garon: On parle plus du passé de la raffinerie à ce moment-là et le nouveau conseil d'administration ne peut pas répondre pour le passé.

Le nouveau conseil d'administration ne peut pas répondre pour le passé. Le nouveau conseil d'administration, je préfère qu'il garde ses énergies pour diversifier la production...

M. Charbonneau: On peut peut-être... M. Garon: ... et rentabiliser la raffinerie.

M. Charbonneau: Une fois qu'on aura eu les réponses avec les documents dont on a demandé la production, j'ai l'impression que le ministre sera le premier qui pourra prendre les mesures qui s'imposent s'il y a eu des choses qui ne devaient pas se produire de la façon dont elles se sont produites.

Le Président (M. Laplante): Vu qu'il n'y a pas de consensus actuellement, on va continuer le débat.

Le député de Saint-Hyacinthe, sur le même sujet.

M. Cordeau: M. le Président, tantôt le ministre nous a informés que les producteurs, lors de la rencontre, avaient refusé l'offre du coût à la tonne de $22.06 tel que proposé par le ministère. C'est vrai, j'étais là et ils ont refusé le calcul, peut-être pour certaines raisons parce que cette journée-là, aussi, ils voulaient absolument avoir une réponse du ministre concernant la production parce qu'ils croyaient pouvoir ensemencer le lendemain matin, mais ils ont définitivement refusé cette offre. Maintenant, pour mon information personnelle, étant donné qu'on a tellement parlé de cette raffinerie

aujourd'hui et qu'on parle d'un surplus accumulé, serait-il possible, M. le ministre, de faire connaître à la commission les déficits et surplus depuis le début de l'exploitation?

M. Garon: Certainement.

M. Cordeau: Alors, on aura des chiffres et si quelqu'un nous dit qu'il y a un surplus accumulé, s'il y a un déficit aussi, la commission sera au courant...

M. Garon: Oui.

M. Cordeau: ... de l'état financier de cette raffinerie depuis ses débuts.

M. Charbonneau: D'ailleurs, lorsqu'on a participé à la rencontre, le député de Saint-Hyacinthe et moi, le ministre nous a indiqué, avant et pendant la rencontre, qu'il était disposé à donner tout l'éclairage, et le nouveau conseil d'administration nous a indiqué que, pour que les producteurs comprennent la situation, il était bien conscient qu'il faut...

Le Président (M. Laplante): II faudrait pour le bon ordre, que les questions s'adressent au président et que le ministre réponde parce que actuellement, vous vous trouvez à prendre la place du ministre dans les réponses. J'aimerais bien que ce soit lui qui réponde parce que vous ne parlez pas en son nom. M. le ministre, avez-vous une réponse à donner au député de Saint-Hyacinthe?

M. Garon: Quelle était la question?

M. Cordeau: C'était au sujet des surplus et déficits de l'exploitation.

M. Garon: Ah oui! J'ai dit oui qu'on en avait pris note et qu'on aurait les données. J'ai répondu à cela.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Huntingdon sur le même sujet.

M. Dubois: J'abonderais dans le sens du député de Verchères en vue de sécuriser les producteurs, étant donné que l'outillage de la betterave à sucre coûte très cher et que l'outillage pour entretenir la betterave à sucre coûte aussi très cher. Je ne pense pas que nos jeunes producteurs puissent entrer dans cette ligne de production, s'ils ne sont pas sécurisés avec un contrat d'au moins cinq ans. Je crois que c'est impossible. Si on veut laisser cette industrie vivante, avoir des producteurs, je pense qu'il va falloir penser dans ce sens, absolument.

J'ai plusieurs autres questions. Je pense que dans cinq ou six minutes, je peux clarifier tout cela. Au niveau du nouveau bureau de direction, M. le ministre, il y a un monsieur Néron, de Va-chon, n'est-ce pas? M. Néron, enfin la compagnie Vachon achète son sucre de Redpath. Redpath achète le sucre de la raffinerie.

M. Garon: Etes-vous certain qu'il achète de Redpath?

M. Dubois: Bien...

M. Garon: J'ai plutôt l'impression qu'il achète sur le marché international.

M. Dubois: J'ai ouï-dire que du sucre en provenance de la raffinerie est acheté par la compagnie Vachon. Est-ce vrai ou non? Je ne le sais pas du tout.

M. Garon: Vous avez ouï-dire. Ce serait important de vérifier ces choses avant de les affirmer.

M. Dubois: Si c'est un fait, il peut y avoir des conflits d'intérêts.

M. Garon: Oui, mais ce serait peut-être bon de vérifier. Je pense que M. Néron occupe un poste important; il est au conseil d'administration de SOQUIA. C'est une personne que j'ai choisie personnellement pour deux raisons. Une des premières raisons, c'est qu'il est normalement dans une entreprise qui achète beaucoup de sucre; donc, il connaît ce marché. Deuxièmement, il est au conseil d'administration de SOQUIA, il peut faire le pont avec SOQUIA. Je n'aimerais pas que sur des ouï-dire...

M. Dubois: Mais, enfin, vous pouvez répondre à cette question, j'imagine.

Le Président (M. Laplante): Avant de suspendre, j'aimerais faire remarquer au député de Huntingdon qu'il n'est à peu près pas possible pour le ministre de répondre à une question administrative. Ils ont un conseil d'administration à l'intérieur et il n'y a aucun budget qui est attribué actuellement à la raffinerie de Saint-Hilaire. C'est assez difficile de trouver des réponses à l'intérieur de cela.

Sur cela, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 13

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux de la commission parlementaire de l'agriculture pour l'étude des crédits se terminant en mars 1978.

La parole était au député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, la formulation de ma dernière question, vous ne l'avez peut-être pas appréciée, je vais la formuler de nouveau à M. le ministre. J'aimerais lui demander s'il a fait faire par son ministère une vérification des conflits d'intérêts qui pourraient exister dans l'administration présente.

M. Garon: Non, parce que c'est un problème qui n'a jamais été soulevé. Je n'ai jamais eu l'impression qu'on achetait du sucre de la raffinerie. Au contraire, je dirais même que, quand le contrat a été négocié avec Redpath, il y a trois ans, ce que j'ai appris, c'est que quelques jours avant la signature du contrat, les gens qui avaient négocié, en dernier ressort, avaient demandé à Vachon, avec un délai de 24 heures ou de 48 heures, s'il était intéressé à acheter, de sorte que Vachon, dans un délai aussi court ne pouvait pas acheter le sucre. On peut vérifier, mais je n'ai pas l'impression...

J'ai l'impression que si on veut nommer à un conseil d'administration d'une raffinerie, des gens qui connaissent le sucre, il y a bien des chances qu'ils en achètent. Autrement, ils ne connaîtront pas cela.

M. Vaillancourt (Orford): Y en a-t-il qui ne connaissent pas le sucre?

Une Voix: Les diabétiques.

M. Garon: Maintenant, la production de la raffinerie n'est pas assez élevée pour...

M. Dubois: Quand on parle de millions, c'est quand même assez intéressant.

M. Garon: Pour fournir même ces entreprises.

M. Dubois: D'accord, mais il reste quand même que le volume est de plusieurs millions. Je pense que pour une entreprise gouvernementale, normalement, il est logique qu'au bureau d'administration on puisse vérifier s'il y aurait conflit d'intérêts. Je pense que cela va de soi. Ce n'est pas une question que je vous pose. Je ne vais pas plus loin.

M. Garon: Je peux prendre avis, oui.

M. Dubois: II ne me reste que trois petites notes, puis ce sera terminé, en ce qui me concerne.

J'aimerais que le nombre des employés permanents nous soit donné. Le nombre des employés permanents.

M. Garon: 90.

M. Dubois: 90. C'est réglé. M. Garon: Environ.

M. Dubois: Et puis j'aimerais aussi avoir la liste des producteurs de 1976.

M. Garon: Pardon?

M. Dubois: Le dépôt de la liste des producteurs pour 1976?

M. Garon: La liste des producteurs pour 1976. 310.

M. Dubois: Le dépôt de la liste, est-ce que je peux l'avoir?

M. Garon: Non, excusez, je vous donne le nombre.

M. Dubois: Oui, mais le dépôt de la liste des producteurs.

M. Garon: Pardon, oui, d'accord. M. Ouellet: ... envoyer une lettre.

M. Dubois: Non, je suis prêt à attendre une semaine, si vous voulez. J'aimerais savoir aussi s'il y a eu une étude, à ce jour, assez approfondie sur les investissements qui seraient nécessaires pour améliorer la production. Est-ce que cela a été fait à ce jour? Cela ne veut pas dire que c'est ce qui sera retenu, mais est-ce qu'il y a tout de même quelque chose de fait?

M. Garon: Des études ont été faites avec différentes hypothèses. Une raffinerie, par exemple, qui raffinerait telle quantité ou telle autre, qui serait située où elle l'est actuellement et qui ferait de la canne à sucre en même temps que de la betterave, différentes possibilités.

M. Dubois: Pouvez-vous nous donner une idée là-dessus? Pour doubler la production actuelle, cela coûterait tant d'investissement.

M. Garon: Non, c'est plus complexe que cela. Il y a des hypothèses multiples. Ce peut être doubler la production seulement avec de la betterave, ce peut être doubler la production par une partie de betterave et une partie de canne à sucre qui pourrait être importée. Il y a différentes hypothèses là-dessus.

M. Dubois: Basé sur les études actuellement faites, peut-être que vous pourriez nous donner plus tard, quand vous aurez les renseignements, les montants à investir pour améliorer la situation, doubler la production ou changer...

M. Garon: Oui, mais je pense qu'on entre dans des dossiers qui sont des rapports de travail, des dossiers de travail; ce ne sont pas vraiment des documents publics. Là, on parle de dossiers de

travail qui ont été faits selon différentes hypothèses.

M. Dubois: Ce que je veux dire, disons qu'on aurait le désir de doubler la production actuelle, la capacité de production actuelle, cela peut entrer dans une ligne d'investissement de X millions ou X centaines de milliers de dollars, je ne sais pas.

M. Garon: Doubler la production.

Le Président (M. Laplante): Le ministre dit qu'il n'y a pas de dossier de préparé actuellement sur les investissements, il y a seulement un document de travail.

M. Garon: Non, non, il y a un dossier qui analyse différentes hypothèses. Ce sont des études, des séries de chiffres avec différentes hypothèses de production, différents types de possibilités.

Moi, je n'ai pas l'impression que c'est d'ordre public de présenter cela, parce que cela pourrait prêter à confusion beaucoup plus que de donner des renseignements dans l'état actuel des études.

M. Duvois: Disons que sans demander plusieurs hypothèses, sur une hypothèse, l'hypothèse de doubler la production, s'il y a une étude de faite à ce jour?

M. Garon: Oui, oui...

M. Dubois: C'est seulement dans ce sens-là.

M. Garon: Doubler la production, encore là il y a différentes hypothèses.

M. Dubois: Est-ce que c'est rentable de la doubler, si cela améliore, si cela baisse le prix coûtant par tonne de sucre ou par livre?

M. Garon: Le problème n'est pas là. Le problème c'est le prix du marché.

M. Dubois: Si on double la production, peut-être que cela peut diminuer le prix, le coût de fabrication aussi? Possiblement, je ne le sais pas, je vous pose la question.

M. Garon: Non, non, cela peut baisser le coût de production possiblement, mais...

M. Cordeau: Là-dessus il y a une chose évidente, les employés ne seront pas payés à ne rien faire.

M. Garon: Non, non, le montant d'investissement peut être de $40 millions, ce n'est plus la même patente.

M. Dubois: Je trouve que le nombre de permanents est tout de même pas mal fabuleux pour une exploitation de 100 jours par année.

M. Garon: Ce n'est pas nous qui les avons engagés.

M. Dubois: Non, bien écoutez, c'est vous autres qui l'administrez présentement.

Une Voix: Les Syndicats... M. Caron: Non, non, ...

M. Dubois: Alors, cela complète mes questions.

Le Président (M. Laplante): Le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, vu le raffinement de l'Opposition, je suis heureux de passer aux questions d'ordre général dans d'autres domaines. Vous auriez en date du milieu d'avril...

M. Garon: On est aussi bien de vider la raffinerie. Le député de Champlain a dit de vider la question.

M. Picotte: M. le ministre vous pouvez la vider mais de grâce ne la liquidez pas.

Le Président (M. Laplante): Le député de Champlain.

M. Gagnon: Je pense que j'ai eu ma réponse, on a parlé beaucoup de possibilités d'agir.

Le Président (M. Laplante): Dans ce cas on va passer au député de Maskinongé.

M. Gagnon: Rien que vérifier, est-ce qu'on peut diversifier la production avec la raffinerie uniquement dans le sucre? On a parlé de lait, on a parlé de canne à sucre, mais est-ce qu'il y a d'autres sources d'étudiées, est-ce qu'il y aurait possibilité de faire autre chose que du sucre dans la période où elle ne travaille pas pour le sucre?

M. Gagnon: Oui, mais tout cela fait que l'équipement est différent selon les différentes solutions aussi.

M. Gagnon: Est-ce qu'il y a un comité d'étude, est-ce qu'il y a quelqu'un actuellement qui étudie les possibilités de cette raffinerie?

M. Garon: Oui, oui, c'est le conseil d'administration qui demande aux gens de la raffinerie de vérifier certaines hypothèses. Il y en a déjà eu de faites dans le passé également. C'est ce que répondait le député de Huntingdon tantôt. Il y a déjà eu différentes hypothèses, mais il s'agit de trouver à ce moment-ci les hypothèses opérationnelles pas seulement les hypothèses théoriques, pas dire: on pourrait diversifier là là ou là, mais, concrètement, dire: On s'oriente, mettons, dans tel domaine, cela signifie quoi?

Est-ce qu'on a des clients pour cela? Ce que vous demandez, c'est s'il est possible de diversifier la production de la raffinerie et de la rendre rentable pas dans 20 ans, mais tout de suite.

M. Gagnon: Oui.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Montmagny-L'Islet, sur le sucre?

M. Giasson: Oui, sur la raffinerie. M. le ministre, les membres de la commission, avant l'heure du repas, avaient manifesté le désir d'entendre tout au moins le directeur de la raffinerie de Saint-Hilaire. Est-ce que vous avez réfléchi à cette situation à l'heure du souper, de façon à convoquer une commission parlementaire de l'agriculture aux fins d'entendre de façon spécifique soit le directeur de la raffinerie ou les membres du conseil d'administration, de la compagnie?

M. Garon: Non, je pense qu'il n'y a pas d'utilité à cela, d'autant plus que le directeur général est redevable au conseil d'administration qui vient d'être nommé dans le but de diversifier la production, de rentabiliser, comme on le disait, la raffinerie. Ce sont des gens assez occupés. Je ne voudrais pas les faire parader ici pendant des jours, alors que je pense qu'ils ont autre chose à faire de plus important à ce moment-ci.

Je pense qu'on a actuellement les contrats; c'était le principal point. On va produire les contrats demandés. Partant de là, s'il y a d'autres questions posées d'ici à la fin de la commission parlementaire ou encore en Chambre... D'autres questions pourront être posées s'il y a d'autres éléments qui sont nécessaires.

M. Giasson: Donc, M. le Président, on peut compter sur le dépôt prochain des documents qui ont été requis au cours du débat touchant la raffinerie de sucre, soit le dépôt de la convention intervenue, celle présentement en vigueur, ainsi qu'une copie de celle qui a été remplacée, des extraits du livre des minutes du conseil d'administration pour voir de quelle façon s'est décidée cette renégociation d'un nouveau contrat après une période de trois ans. Enfin, on pourra avoir, je présume, le dépôt également du plan de base en vertu duquel on a établi les coûts de production, surtout qu'on a déterminé quel était le prix de revient de la production de betteraves, de façon à atteindre cet objectif recherché de donner à une des spécialités agricoles au Québec l'équivalent de revenu sur une base comparative avec l'ouvrier spécialisé.

Est-ce qu'on peut conclure que ces documents... On avait demandé également... Oui, M. le Président.

Même si cela n'a pas été déposé, j'ai bien l'impression qu'il s'agit d'un document public. C'est un document préparé par les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture. J'ai bien l'impression qu'une fois que ces documents sont complétés, le plan doit être connu des producteurs agricoles du Québec. Je ne verrais pas l'objection qu'on mettrait à déposer de tels documents. Cela ne nuit en rien à quiconque, maintenant que c'est connu de la part des producteurs concernés.

M. Garon: Bien, c'est connu, le chiffre est connu. Les composantes ne sont pas connues parce qu'on n'a pas voulu en discuter.

M. Giasson: Les composantes ne sont pas connues des producteurs, tout au moins par leur association? L'UPA doit au moins connaître les composantes.

M. Garon: Non, ce n'est pas cela que je veux dire. Je veux dire la façon interne dont on a calculé. Vous en avez discuté? On a eu un comité technique là-dessus.

M. Giasson: Je demanderais le dépôt, d'abord, du document qui nous fournit la statistique sur le nombre de producteurs cette année, l'acrage en ensemencement cette année, plus les documents qui nous donnent les critères sur lesquels les calculs ont été bâtis.

M. Garon: En ce qui a trait à l'acrage, nous pouvons répondre immédiatement. Cela va se situer autour de 4000 à 4500 acres.

M. Giasson: J'aimerais avoir des chiffres précis.

M. Garon: Nous n'aurons pas les chiffres précis. Il faut attendre que l'on mesure les champs pour vraiment avoir les chiffres précis. On y va par la vente des graines de semence. Ce sont des estimations et il y a souvent des inventaires qui peuvent ou ne peuvent pas rester au niveau de la ferme. Actuellement, avant le mois de juin, cela va être difficile de vous répondre d'une façon exacte.

M. Giasson: D'ailleurs, la base de la vente des graines de semence ne peut pas traduire exactement les ensemencements qui ont été faits. Il est possible que les cultivateurs aient changé leur programme de culture, se soient procuré des graines de semence et décident de la conserver et de ne pas ensemencer. C'est toujours possible.

M. Garon: C'est pour cela que je ne peux pas savoir les chiffres exacts à ce moment-ci.

M. Giasson: En tout cas, dès que cela sera possible d'avoir ces chiffres. Merci.

Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions sur la raffinerie? Le député de Verchères.

M. Charbonneau: L'autre question, peut-être la dernière. Il a été question, lors des négociations avec les producteurs, et cela a été l'un des éléments qui ont peut-être amené les producteurs à réfléchir un peu plus vers la fin, qu'il y avait d'autres projets de raffinerie dans une autre région du Québec. Ce projet est-il considéré sérieusement par le ministère de l'Agriculture? Si oui, est-ce qu'il pourrait éventuellement mettre en danger l'existence ou la survie de la raffinerie de sucre dans la région de Saint-Hilaire-Saint-Hyacinthe?

M. Garon: II y a un autre groupe qui veut me présenter un projet de raffinerie qui n'est pas dans la région de Montréal. Je ne l'ai pas encore reçu et, comme tout autre projet qui est présenté au ministère, il va être étudié sérieusement comme n'importe quel autre projet. Tous les projets présentés par les producteurs sont étudiés sérieusement.

M. Giasson: Est-ce qu'il s'agit d'un projet pour la région de Portneuf-Champlain?

M. Garon: Cela pourrait être dans ce coin. M. Giasson: D'accord.

M. Charbonneau: Est-ce qu'éventuellement ce serait le mandat du conseil d'administration de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire d'étudier tout l'ensemble du dossier ou simplement... En fait, c'est la Raffinerie de sucre du Québec, qui est située à Saint-Hilaire. Est-ce que le mandat du conseil actuel pourrait également englober l'étude d'autres projets de raffinerie qui pourraient être aussi des raffineries de sucre du Québec? Parce que ce n'est pas la raffinerie de Saint-Hilaire, c'est la Raffinerie de sucre du Québec.

M. Garon: On ne peut pas discuter des hypothèses à ce moment-ci mais, tout simplement, il y a des gens qui m'ont parlé qui voudraient me présenter un projet pour une raffinerie dans une autre région du Québec. C'est tout, il n'y a rien de plus. A partir de ce moment, je ne peux pas modifier...

M. Charbonneau: ... pour les agriculteurs de la région mont Saint-Hilaire, Saint-Hyacinthe, ce coin-là, doit se sentir particulièrement menacé.

M. Garon: II n'y a pas d'autre projet actuellement. Il y a des gens qui ont dit qu'ils voulaient en déposer un.

M. Charbonneau: II n'y en a pas encore.

M. Garon: II n'y en a pas encore, on n'en a pas reçu encore. Il y a des gens qui m'ont avisé qu'ils voulaient en déposer un.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Mais, s'il y en avait un de député, qui prendrait la décision à un moment donné de ce côté-là?

M. Garon: Non. On va étudier...

M. Picotte: Est-ce que ce serait le conseil d'administration, le ministère ou le ministre?

M. Garon: Non. Le conseil d'administration va faire un rapport sur les façons de diversifier la raffinerie et de la rentabiliser, et il va soumettre un rapport au ministre. C'est le mandat qu'il a d'ici la fin de l'année 1977. C'est le mandat que le conseil d'administation a et, si entre-temps, par exemple, on reçoit un autre groupe intéressé à la raffinerie, on va étudier également le rapport de ce groupe.

M. Picotte: La décision serait rendue par qui? Sûrement par le conseil d'administration parce que vous avez parlé, à un moment donné, de dépolitiser ses décisions.

M. Garon: C'est moi qui ai donné le mandat de faire...

M. Picotte: D'accord!

M. Garon: ... un rapport sur la diversification et la rentabilisation de la raffinerie. Alors, il va me soumettre ce rapport d'ici la fin de l'année.

M. Picotte: Oui, de celle qui existe présentement. Mais, s'il y avait d'autres propositions?

M. Garon: S'il y a d'autres projets, on va les étudier au ministère en tenant compte de tous les éléments.

M. Picotte: Et la décision appartiendra à qui?

M. Garon: J'ai l'impression qu'à ce moment je devrai acheminer cela à qui de droit.

M. Picotte: Cela répond à ma question.

Le Président (M. Laplante): C'est tout sur le sujet de la raffinerie?

M. Garon: Non, pas nécessairement. Ce pourrait être au comité ministériel permanent du développement économique, par exemple.

M. Cordeau: Peut-être qu'on pourrait y revenir lorsqu'on aura le dépôt des documents sur la raffinerie, plus tard.

M. Garon: Mais on n'a pas les documents.

Le Président (M. Laplante): Quand vous aurez les documents, d'accord, on verra. Si on est rendu à ce programme, on y reviendra. M. le député de Maskinongé, vous vouliez changer de sujet?

M. Picotte: Merci, M. le Président.

M. Garon: Je voudrais dire un mot avant de terminer.

M. Picotte: Vous ne voulez pas que je change de sujet?

M. Garon: Je voulais dire tout simplement que, par ailleurs, il ne faut pas partir de là pour susciter aussi des craintes inutiles. Vous savez, dans les tournées que je fais, parmi les gens que je rencontre, il y a plusieurs personnes qui me parlent des projets qu'ils veulent soumettre, etc.

Cela ne veut pas dire, parce qu'il y a des gens qui disent qu'ils veulent soumettre un projet, que les fondations sont en train de s'écrouler. On est loin de cela. Il ne faudrait pas, non plus, par bonne volonté, énerver le monde pour rien. Je pense qu'il faut laisser les choses où elles sont. Il est question, à ce moment-ci, de diversifier la production de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire et de rentabiliser la raffinerie. C'est de cela qu'il est question. Ne parlons pas d'hypothèses éventuelles.

M. Charbonneau: Pour ajouter à cela, M. le Président, pour les producteurs, malgré tout, j'ai l'impression que ces rumeurs qui circulent déjà depuis quelques années, parce que dans la région on m'a dit que cela faisait longtemps qu'on en entendait parler...

M. Garon: Même le député de Montmagny-L'Islet semble en avoir entendu parler. Alors, il était proche du ministère de l'Agriculture ou il était loin quand il en a entendu parler.

M. Giasson: Effectivement, M. le ministre, j'ai entendu parler de ce projet, non pas ici à Québec au ministère, mais dans mon comté. Il y avait une équipe de promoteurs.

M. Picotte: Là je vous déclare hors du sujet.

Le Président (M. Laplante): Voulez-vous continuer dans la betterave à sucre?

M. Giasson: M. le ministre est venu dans mon champ de privilège de député.

Une Voix: Son champ de betteraves.

M. Giasson: Des gens ont prétendu que la saison de végétation dans la région de Portneuf était nettement comparable à celle de la vallée du Richelieu et il croyait à cela dur comme fer. J'ai dit: Vous irez voir.

Le Président (M. Laplante): Le député de Maskinongé.

M. Charbonneau: Pour terminer l'explication que l'intervention du député de Montmagny-L'Islet — je ne veux pas le blâmer — a coupée, je voudrais dire par votre entremise au ministre que, si j'ai amené ce point sur la table, c'est pour indiquer que cela a été peut-être un des éléments qui a fait réfléchir plus sérieusement les producteurs dans notre région aux dernières offres de la raffinerie, parce qu'ils se sont dit: Si jamais il y avait des projets concurrentiels sérieux ailleurs... tant mieux s'ils ne sont pas encore concrétisés pour nous autres. On a notre région à défendre.

M. Picotte: On était dans les betteraves, M. le Président, pour autant qu'on n'était pas dans les patates.

Une Voix: II n'y a pas de problème. M. Picotte: Cela viendra bien.

Le Président (M. Laplante): Allez-y dans les patates.

M. Picotte: Cela viendra. Le député de Saint-Hyacinthe a des intentions spéciales pour ce soir.

M. Cordeau: C'est une culture aussi et cela relève du ministère de l'Agriculture.

M. Picotte: M. le Président concernant un autre domaine encore d'ordre général, je sais que le 23 avril, du moins si j'ai bien lu le Soleil de Québec, le ministre de l'Agriculture a déclaré qu'à la suite de sa nomination et après une réflexion bien précise du côté de l'agriculture, il s'était fait un modèle de l'agriculture québécoise en la basant sur le modèle suisse. Est-ce que je pourrais savoir quelles sont les idées ou quels sont les prérequis qui l'ont mené à cette idée de vouloir faire de l'agriculture québécoise un modèle, sinon parfait, du moins quasi parfait de la Suisse?

M. Garon: J'ai lu cet article. Ce que j'ai mentionné tout simplement... J'ai lu l'article de M. Wampach dans le Soleil. La citation est exacte, mais je pense que M. Wampach, qui, apparemment, enseigne l'économie, devrait suivre encore des cours.

M. Picotte: Vous enseignez à la même place que lui, je suppose, au même endroit, non?

M. Garon: Ou, au moins, il n'a pas compris ce que j'ai dit tout simplement. Ce n'est pas compliqué. Ce que j'ai dit, à ce moment, c'est qu'on pouvait considérer, par exemple, deux façons de produire dans le domaine agricole. Il y avait les Américains qui avaient des terres à perte de vue et pouvaient les exploiter d'une certaine façon. Avec la machinerie et en ayant des terres en grande quantité, ils peuvent se permettre même quasiment d'en dépenser. J'ai dit: Par ailleurs, il y a d'autres pays où les terres sont plus limitées, comme la Suisse où on utilise au maximum chaque parcelle. Dans cet esprit, au Québec, on n'est pas aux Etats-Unis; on est plutôt comme en Suisse, c'est-à-dire que nos terres sont rares et qu'il faut les utiliser au maximum. J'ai parlé aussi d'augmentation de la productivité ou de la production des sols, par exemple. En passant, la main-d'oeuvre va avoir une plus grande productivité quand le sol va être plus productif, parce que ce n'est pas en opposition; au contraire, l'un ne va pas sans l'autre. La main-d'oeuvre va être plus productive sur le sol quand le sol va être plus productif. Si le sol est drainé... C'est pour cela que je m'inscris en faux contre cet article.

M. Picotte: Etes-vous contre votre déclaration ou contre l'article?

Zonage agricole

M. Garon: Contre l'article. Je ne change pas un iota à ma déclaration. Si, à ce moment, parce que le sol est drainé, il donne un rendement de

40% plus élevé, l'an prochain le producteur agricole, avec le même travail, va être productif dans un bien plus grand pourcentage. Quand le monsieur dit, à un moment donné, qu'au Québec les terres ne sont pas rares — vous voyez cela dans l'avant-dernière colonne — je pense qu'il faudrait qu'il revoie ses statistiques. Les terres, au contraire, sont très rares au Québec et toutes les études qui ont été faites en vue du zonage ou de l'utilisation du territoire agricole démontrent que les terres sont en quantité très limitée au Québec. Il faut deux acres par personne pour nourrir la population, puis on en a 1,1.

M. Picotte: Est-ce que les terres sont rares parce qu'il n'y a pas de zonage agricole présentement?

M. Garon: De toute façon, elles sont rares.

M. Picotte: Elles sont rares, même s'il y a du zonage.

M. Garon: C'est-à-dire que, s'il y a du zonage, on va en garder plus pour la production agricole. La quantité de nos sols, actuellement, est très limitée; on a un territoire arable qui n'est pas considérable. La terre n'est pas rare, mais la bonne terre est rare.

M. Giasson: Surtout, elle n'est pas entièrement utilisée.

Le Président (M. Laplante): C'est un peu comme les députés!

M. Picotte: Vous voulez dire que les meilleurs ont été défaits.

Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas dit cela, j'ai dit que c'était un peu comme les députés.

M. Giasson: Vous violez le règlement, M. le Président. Effectivement, au Québec, on dit que la terre est rare. Le bon sol arable est assez rare au Québec; c'est une bande assez étroite en bordure du Saint-Laurent ou dans les bassins de rivières les plus au sud. Par contre, est-ce que le ministre est conscient que, même en dehors de la région de Montréal, nous avons un grand nombre de fermes, qui ont été acquises, ces dernières années, par des gens qui ne sont pas des professionnels de l'agriculture, qui sont sous-exploitées? Même des sols agricoles d'une très grande richesse pour la culture ont subi la plantation; des fermes entières ont été plantées, et cela pas tellement loin de Québec, des fermes dans la région où vivait, où vit encore le ministre de l'Agriculture. Je pourrais aller lui montrer des fermes d'un sol très riche, d'une très belle qualité de terre, des paroisses en bordure du Saint-Laurent où des gens de la ville ont fait l'acquisition de ces fermes pour les planter en résineux. Si le sol est rare, je pense qu'on ne l'utilise pas au maximum.

M. Garon: C'est exact.

M. Picotte: Compliments de la maison. Avec le commanditaire de tantôt, quand vous avez rencontré votre verre d'eau.

Le Président (M. Laplante): Vous avez fini,' monsieur?

M. Picotte: Oui.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Hyacinthe. Vous avez changé d'idée? Le député de Champlain.

M. Gagnon: Je n'ai pas levé la main.

Le Président (M. Laplante): Le député de Verchères.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce qu'on est encore sur la discussion générale?

Le Président (M. Laplante): Générale.

M. Vaillancourt (Orford): J'aurais une petite question à poser au ministre.

Le Président (M. Laplante): Le député de Verchères. Excusez, le député de Verchères. On reviendra après.

M. Vaillancourt (Orford): Toujours dans le général.

Le Président (M. Laplante): Toujours dans le général.

M. Charbonneau: Moi aussi. En fait, le général, tantôt, était assez particulier, c'était la raffinerie. Puisque le député de...

M. Picotte: Maskinongé.

M. Charbonneau: ... Maskinongé... Je m'excuse.

M. Picotte: Le plus beau poisson de la province, non pas le député!

M. Charbonneau: Ne m'ouvrez pas la porte!

M. Picotte: Je prendrai du Vita Grow, si vous m'ouvrez la porte.

M. Charbonneau: C'est ce qu'ils ont fait dans mon comté et cela les a payés.

M. Giasson: Parole de Charbonneau!

M. Charbonneau: C'est ce qu'il leur fallait. Vous aviez commencé à parler de l'utilisation des sols arables. Je voulais demander au ministre, finalement, quant aux intentions indiquées dans le message inaugural du premier ministre, dans quel délai il prévoit éventuellement pouvoir apporter à la discussion toute la question de la protection des sols arables et l'utilisation, d'une part? Deu-

xièmement, je voudrais profiter de l'occasion pour signaler au ministre que dans notre région, dans la vallée du Richelieu en particulier, il y a déjà des municipalités qui tentent, actuellement, de prendre leurs responsabilités dans plusieurs secteurs. Elles ont à faire face à des difficultés considérables.

Je pense qu'il y aurait avantage à ce que le ministère de l'Agriculture apporte un soutien logistique à ces municipalités qui, actuellement, prennent des mesures parfois énergiques pour protéger les sols arables; qu'on leur fournisse, au ministère, le soutien logistique, surtout si on connaît déjà un peu les grandes orientations avec lesquelles on veut arriver au niveau de l'ensemble du Québec.

Ces gens actuellement sont assez dépourvus et ont à faire face à des assauts considérables de spéculateurs. Dans bien des cas malheureusement, les premiers spéculateurs ce sont les agriculteurs eux-mêmes, les vieux agriculteurs qui, de bonne foi, ont toujours pensé que leur fonds de retraite ce serait leur fonds de terre. Aujourd'hui ils se rendent compte qu'on ne peut peut-être plus se permettre, au Québec, de bâtir et de développer nos centres urbains dans notre jardin. On l'a dit tantôt, notre jardin, il est limité, potentiellement limité. Je voulais savoir du ministre s'il y avait des indications un peu précises quant aux orientations qui étaient contenues dans le message inaugural et, deuxièmement, s'il y a des possibilités, déjà dans l'immédiat, de fournir certaines aides techniques rapidement, dans des municipalités comme la paroisse de Saint-Charles-sur-Richelieu, d'autres paroisses. Le comté de Verchères est peut-être un des comtés, je l'ai dit dans mon discours en Chambre, atteints par la fièvre spéculative puis actuellement c'est dramatique.

M. Garon: Je pense que le problème dans les cas de municipalités qui veulent faire un zonage, ce n'est pas un problème technique, c'est un problème de volonté de le faire ou non. Le problème vient de ce qu'on veut en faire ou on ne veut pas en faire. Je pense que c'est cela essentiellement. Deuxièmement, au point de vue de la loi du zonage agricole, actuellement on travaille de façon assez intensive là-dessus, depuis un certain temps, et on avait comme objectif, on l'a toujours, de la déposer au début de l'automne. Est-ce que ce sera en septembre ou en octobre? C'est assez difficile à dire, mais c'était l'objectif, et c'est toujours l'objectif.

M. Vaillancourt (Orford): Etes-vous à rebâtir la loi du zonage agricole qui était prête sous l'ancien gouvernement?

M. Garon: Oui, la même loi que l'ancien gouvernement n'a pas voulu adopter.

Le Président (M. Laplante): Sur le même sujet, allez-y.

M. Charbonneau: M. le Président, je n'avais pas terminé...

M. Garon: ... déposé.

M. Picotte: Etant donné que...

M. Garon: Je suis en train de le modifier, oui.

M. Picotte: Etant donné que le député de Verchères a ouvert la porte, j'aimerais savoir quels sont les grands principes qui vous animent concernant la loi du zonage agricole. Quels sont les principes de base auxquels vous voulez vous référer puis asseoir votre politique future?

M. Garon: Non, je ne veux pas parler de cela à ce moment-ci, parce que je suis en train de travailler à des projets de loi. A cause des implications au point de vue de la spéculation, je pense que ce serait irresponsable de ma part d'entrer dans les détails du projet de loi. Cela pourrait entraîner des mouvements de spéculation et je ne veux pas...

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que les agriculteurs qui vont faire partie du zonage agricole vont être dédommagés par le gouvernement, étant donné que cela va diminuer la valeur de leur ferme, qui ne pourra pas être mise en vente pour les développements domiciliaires ou autres?

M. Garon: Je ne peux pas répondre à cela immédiatement.

M. Vaillancourt (Orford): Vous n'êtes pas rendu là encore.

M. Garon: Oh oui! Ces éléments-là sont envisagés.

M. Picotte: Vous avez des idées nébuleuses à ce sujet.

M. Garon: Non, pas nébuleuse, très concrètes, mais c'est tout simplement que je ne voudrais pas en parler parce que ce serait contre l'intérêt public, je pense, d'en parler à ce moment-ci. De la même façon, un ministre des Finances ne commence pas à parler de son budget, la veille ou l'avant veille, même pas à ses amis, même pas à sa femme. Il pourrait y avoir des fuites et on a déjà parlé de fuites possibles, je me rappelle à Ottawa, il y a quelques années. Ce n'est pas possible de faire cela pour un ministre des Finances; de la même façon pour nous, dans un cas qui implique, qui pourrait impliquer des transactions financières, de la spéculation, des mouvements non pas de bourse, mais de valeurs immobilières. Je pense que je n'ai pas le choix, je ne peux pas parler de cette question.

M. Picotte: Oui, vous faites bien, n'en parlez pas à votre femme de zonage.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je ne voudrais pas amener le ministre à parler de ses intentions parce que je

suis d'accord avec lui, cela pourrait amener des mouvements, mais je voudrais simplement lui signaler, quant à sa volonté versus le soutien de la justice dont je parlais tantôt, que le problème actuel c'est que plusieurs municipalités arrivent avec des plans de zonage, notamment agricole, mais il n'y en a pas deux qui se ressemblent et dans bien des cas on peut se demander s'ils sont d'égale valeur. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu pour le ministère de l'Agriculture de fournir une espèce de soutien technique qui ferait que dans certains cas les municipalités ne commettraient pas des erreurs qui aggraveraient ou rendraient plus difficile éventuellement l'adoption ou le consensus nécessaire autour de ces projets?

Il ne s'agit pas de mettre en doute dans certains coins la volonté des gens de vouloir l'adopter, mais plutôt la difficulté... Dans mon comté, actuellement, je pense qu'il y a trois ou quatre municipalités qui ont adopté récemment, au cours des dernières semaines, des plans de protection des sols arables. Il n'y en a pas deux qui se ressemblent. Dans certains cas on va très loin, on se demande même si parfois on ne va pas trop loin, et, dans d'autres cas, ce sont peut-être des questions inverses qui pourraient se poser. C'est pour cela que je me demande si, compte tenu du fait que le ministère connaît un peu les orientations dans lesquelles il veut se diriger, il ne pourrait pas fournir à ces municipalités un certain soutien, sans nécessairement uniformiser parce qu'on laisse à chaque municipalité le soin d'aménager son milieu.

Malgré tout, il y aurait peut-être lieu d'éviter à des municipalités, de faire certaines erreurs qui pourraient éventuellement avoir des répercussions assez importantes sur le terrain et dans le milieu au plan du climat social que cela peut créer parce qu'on sait que ce genre de choses amène les gens à utiliser cela à des fins plus ou moins avouables.

M. Garon: D'abord, dans l'état actuel de la législation le zonage est une responsabilité du ministre des Affaires municipales. Le ministre de l'Agriculture n'a rien à voir au zonage à l'heure actuelle parce qu'il n'y a pas de loi qui lui permette d'intervenir dans ce secteur. Vous savez qu'en vertu du Code municipal et de la Loi des cités et villes les règlements de zonage dépendent de ces lois qui relèvent de l'administration des affaires municipales, pour une part.

Deuxièmement, il est évident, à l'heure actuelle, que la loi devient nécessaire. Souvent si une loi a pour objectif de représenter la morale ou la conception des choses, des citoyens à l'heure que l'on vit ou si elle doit devancer les citoyens de cinq, dix quinze ou vingt ans pour les éduquer. Ce que vous m'indiquez actuellement touche au fond certaines municipalités et il n'y a pas seulement celles-là. Celles-là sont couvertes par les journaux. Je ne sais pas si c'est parce que les relations du député de Verchères sont meilleures avec la presse ou bien s'il y a beaucoup de journalistes qui demeurent dans le coin.

M. Charbonneau: C'est parce que les problèmes dans la vallée du Richelieu sont criants.

M. Garon: II y a un règlement de zonage agricole qui a été adopté dans une municipalité de mon comté, Saint-Nicolas, et il n'y a eu aucune nouvelle dans les journaux.

M. Charbonneau: Oui, mais il n'y avait pas de danger d'assimilation comme dans le comté de Verchères, on est près de Montréal.

M. Garon: S'il y a quelque chose, cela se développe plus rapidement dans ce coin-là.

M. Charbonneau: Vous viendrez faire un tour par chez nous, vous allez voir que cela se développe vite.

M. Garon: Tout ce qui n'est pas couvert par l'aqueduc a été zoné à l'ouest comme territoire agricole. Je pense à plusieurs municipalités qui, actuellement, veulent garder leur caractère rural. Ce peut être aussi pour des fins agricoles. On peut le garder pour plusieurs raisons.

Pour nous, le but n'est pas de garder un caractère champêtre pour des citadins qui, une fois rendus, veulent empêcher les autres d'y venir pour garder une vue sur les vaches du voisin en attendant de lui faire cacher son tas de fumier ou de le faire parfumer parce que cela ennuie le nez délicat des citadins. Cela, par des règlements d'environnement. Je pense que les fins pour lesquelles le ministère de l'Agriculture travaille sur une législation du territoire agricole, c'est pour que les terres qui ont une vocation agricole, les sols arables du Québec, soient utilisés pour des fins agricoles.

M. Vaillancourt (Orford): L'environnement, cela relève aussi du ministère des Affaires municipales.

M. Garon: Non, du ministre de l'environnement.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Orford.

M. Charbonneau: M. le Président, juste pour terminer. En fait, je suis d'accord avec ce que le ministre indique, mais je voudrais lui signaler que c'est justement pour permettre à ces municipalités de faire, même si cela relève actuellement des Affaires municipales, des zonages dans le domaine agricole. Je ne parle pas du zonage des centres urbains, mais, lorsqu'on a des paroisses agricoles, c'est pour permettre qu'effectivement les zonages soient opérationnels sur le plan agricole, qu'on ait des résultats et qu'on protège vraiment non seulement l'agriculture, mais l'ensemble des consommateurs québécois. En effet, lorsqu'on parle de zonage pour l'ensemble du Québec ou n'importe où au Québec, on parle pour l'ensemble des Québécois. On a un jardin qui appartient à tout le monde. On vit avec ce jardin; ce ne sont pas seulement les agriculteurs qui vivent du jardin. Dans ce sens, je trouverais important que l'on évite que certaines municipalités ne fassent des erreurs, parce que l'on ne leur a pas donné un

support logistique qu'on pourrait leur donner même avant qu'une législation soit présentée. Même si cela relève en principe d'un autre ministère, l'Agriculture pourrait certainement fournir des conseillers à ces municipalités pour voir si effectivement, en rapport avec les objectifs de l'agriculture et avec la protection des sols arables c'est efficace, ce que l'on a présenté comme règlements. C'est dans ce sens que je voulais faire l'intervention.

M. Garon: Je pense que vous trouveriez cela incompréhensible si, à un moment donné, le ministre des Affaires municipales s'en allait dans une région et disait aux gens de cette région: Vous allez faire du boeuf au lieu du veau ou des carottes au lieu des oignons. On trouverait cela un peu curieux. De la même façon, à ce moment-ci de la législation, c'est un domaine qui regarde le ministre des Affaires municipales. Si les municipalités vont voir le ministre des Affaires municipales et veulent être conseillées sur ce plan-là, il peut y avoir... Les relations entre le ministre des Affaires municipales et moi sont excellentes. On se rencontre au comité ministériel permanent de l'aménagement et le travail que l'on fait à ce moment-ci va dans le même sens. Les deux ministères vont actuellement dans le même sens, c'est-à-dire qu'eux travaillent à densifier les villes, parce que c'est cela qui coûte meilleur marché, et nous on veut utiliser le maximum de territoire pour les fins de l'agriculture.

M. Charbonneau: Ce que vous dites en fait, c'est qu'actuellement vous conseillez aux municipalités qui ont l'intention de le faire dans les prochaines semaines ou qui sont déjà aux prises avec des problèmes de zonage de s'adresser au ministère des Affaires municipales pour obtenir des conseils techniques dans le domaine agricole.

M. Garon: Non, dans le domaine du zonage.

M. Charbonneau: Oui, dans le domaine du zonage, mais cela a des répercussions sur toute la question agricole. C'est dans ce sens que je pense qu'il aurait été intéressant que le ministère de l'Agriculture envisage de fournir un certain soutien logistique. En fait, le message étant passé, vous pourrez peut-être y réfléchir.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Orford.

M. Vaillancourt (Orford): Je suis arrivé un peu en retard. Je ne sais pas si le ministre dans son exposé général...

Le Président (M. Laplante): II a parlé de raffinerie surtout.

M. Vaillancourt (Orford): S'il a parlé de raffinerie, on va donc lui poser des questions dans un autre domaine.

M. Giasson: On est sur le zonage.

M. Vaillancourt (Orford): Dans la presse...

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Orford, est-ce que vous sortez du zonage?

M. Vaillancourt (Orford): Oui. Je reviens sur la politique générale.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet aurait une question. Je vous redonnerai la parole après cela.

M. Giasson: Sur le zonage des terres agricoles, je n'ai pas compris les motifs invoqués tout à l'heure par le ministre, nous disant qu'il ne pouvait pas élaborer davantage le grand plan de zonage agricole au Québec et de protection des terres arables chez nous, lorsqu'il a donné comme argumentation que cela pouvait déclencher un mouvement de spéculation. Or, à partir du moment où le ministre a indiqué une volonté ferme de procéder à un programme de zonage agricole, je ne peux concevoir que des spéculateurs se mettent à acheter du sol ou décident d'en acheter lorsqu'ils peuvent fort bien se douter que, dès la mise en application d'une telle politique, il y aura des gels de sols quelque part au Québec, selon les zones.

Je pense qu'on ne peut pas faire un zonage dans tout le territoire sans déterminer des zones qui ont une vocation plus particulière par rapport à d'autres. Il y aura sans doute des zones exclusives, des zones privilégiées, des zones polyvalentes, je ne sais pas, mais il serait bon d'entendre le ministre là-dessus.

Celui qui veut spéculer, à partir du moment où il connaît la volonté ferme d'un gouvernement d'arriver à un programme de zonage qui va geler certaines terres agricoles au Québec, qui va geler également le prix de ces terres, je ne peux pas voir de quelle façon un mouvement de spéculation peut partir vers la hausse. La seule possibilité de spéculation viendrait de gens qui ont acquis des terres agricoles au cours des récentes années à des prix fort intéressants pour le gars qui a vendu, et qui voudraient profiter de l'ignorance de certains citoyens québécois qui n'auraient pas entendu parler d'un zonage possible dans les terres agricoles et qui pourraient mordre à l'hameçon d'un spéculateur qui a acquis des sols depuis quelques années ou récemment. Mais, le Québécois le moindrement informé ne peut pas jouer dans un programme de spéculation parce qu'il sait bien que ce ne sera pas de l'expansion en matière de facilité de commercialisation des fermes, cela va être des restrictions qui vont découler d'une politique de zonage. Il me semble qu'on peut aborder ces questions. Le danger de spéculation est à peu près disparu à partir du moment où on connaît la décision ferme d'un gouvernement d'aller dans ce secteur.

M. Garon: Vous vous rappelez sûrement, M. le Président, qu'il y a quelques années, des promoteurs vendaient des terres en Floride qu'on pouvait voir juste à marée basse. Les gens achetaient.

Apparemment, on a déjà vendu le pont de Québec deux fois pour le fer. Il y a eu énormément de choses comme cela. Les lois de la protection des consommateurs sont là pour protéger les gens contre ceux qui se font un métier, au fond, de faire du commerce. Je pense que les gens qui ont souvent le plus la capacité de le faire sont justement des spéculateurs qui font miroiter les avantages sur la réalité. Je pense que dans cette affaire, il faut être très prudents. On n'est jamais assez prudent.

Vous dites qu'on en a parlé. C'est vrai qu'on parle du zonage depuis des années au Québec, à tel point que des journalistes, des fois, nous demandent si on est sérieux, cette fois-ci, quand on en parle. Ils disent: Cela fait plusieurs années que les ministres de l'Agriculture parlent de cela. Le problème, c'est que le Conseil des ministres n'est pas du même avis. Je pense que le discours inaugural du premier ministre l'a indiqué de façon claire. Il a indiqué également, à l'assemblée annuelle de la coopérative fédérée, que lorsque le ministre de l'Agriculture présentera une loi sur le zonage il pourra compter sur tout le cabinet derrière lui. Mais, malgré cela, je vois que lorsque vous avez des contacts avec les journalistes, par exemple, plusieurs disent...

M. Vaillancourt (Orford): II n'a pas eu encore tout le cabinet dernière lui.

M. Garon: Comment cela?

M. Vaillancourt (Orford): ... pour permettre de présenter. Il n'y a pas eu d'unanimité au cabinet encore, dans ce domaine?

M. Garon: C'est-à-dire que le projet de loi n'est pas rendu là.

M. Vaillancourt (Orford): Parce que le projet de loi n'est pas encore prêt, vous dites.

M. Picotte: II faut déterminer votre projet de loi avant de le présenter au cabinet.

M. Garon: II est en période de gestation.

M. Vaillancourt (Orford): Mais, ordinairement, après que le Conseil des ministres a pris une décision à l'unanimité, la préparation d'un projet de loi...

M. Garon: Ce n'est pas trop long. Les légistes le préparent et il est prêt à être déposé. C'est ce qu'ils font actuellement.

M. Vaillancourt (Orford): C'est parce qu'il n'y a pas eu l'unanimité encore.

M. Garon: Ah non! Il y a eu unanimité. M. Guy Tardif en a parlé, le ministre des Affaires municipales. J'en ai parlé également. Le ministre de l'Agriculture s'occupe de préparer un projet de loi sur le zonage agricole, de la même façon que le ministre des Affaires municipales s'occupe de préparer un projet de loi sur l'urbanisme et il y a unanimité sur les principes, il n'y a pas de problème. C'est actuellement en élaboration.

Le Président (M. Laplante): Le député de Huntingdon, sur le même sujet.

M. Dubois: M. le Président, je veux demander au ministre...

M. Garon: Vous voyez que c'est tellement vrai que les députés demandent à l'avoir au plus vite.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que M. le ministre...

M. Garon: Dans cette partie, les députés ne sont pas au courant.

M. Vaillancourt (Orford): Je connais cela.

M. Dubois: M. le ministre, est-ce que le zonage relève de votre ministère ou des Affaires municipales?

M. Garon: Le zonage actuellement... M. Dubois: Le zonage agricole. M. Garon: Actuellement?

M. Dubois: Si on veut conserver nos terres fertiles, cela relève de votre ministère ou du ministère des Affaires municipales?

M. Garon: A l'heure actuelle? M. Dubois: A l'heure actuelle.

M. Garon: Actuellement, les territoires municipaux, les municipalités dépendent, sont régies soit par la Loi des cités et villes, soit par le Code municipal et ce sont ces lois qui permettent aux municipalités d'adopter des règlements de zonage. C'est en vertu de ces lois, que des règlements de zonage peuvent être adoptés.

M. Dubois: S'il y a un règlement de zonage agricole, il va être effectué par le ministère des Affaires municipales et non par le ministère de l'Agriculture.

M. Garon: Non, par la municipalité.

M. Dubois: Oui, mais je veux dire les lois qui vont régir l'administration, en fait, il va y avoir quelqu'un qui va administrer et qui va décider quelles terres sont fertiles pour une région donnée, et quelles terres ne sont pas fertiles ou pas aptes à la culture. A ce moment, j'imagine que logiquement ce devrait être les conseils de comté qui seraient habilités à décider quelles terres sont fertiles pour l'agriculture, quelles terres ne le sont pas.

M. Garon: Plus tard ou actuellement?

M. Dubois: Plus tard, il faut que cela vienne un jour, parce que cela fait huit ans que vous en parlez.

M. Garon: Dans l'état actuel des lois, je vous dis actuellement qu'on travaille à une loi nouvelle sur le zonage agricole, l'utilisation du territoire agricole. Par ailleurs, si actuellement des municipalités veulent zoner leur territoire, elles ont des pouvoirs de zonage, actuellement.

M. Dubois: Cela existe.

M. Garon: Cela existe dans la législation actuelle.

M. Dubois: Elles ne peuvent tout de même pas arrêter des mutations, si on veut. Présentement, une municipalité ne peut pas arrêter des mutations, changements de propriétaire. Je peux aller acheter une ferme, n'importe où, même si je ne cultive pas cette ferme. Il n'y a personne qui m'empêche de l'acheter, présentement, il n'y a pas de loi.

M. Garon: Les municipalités, actuellement, les mutations, elles doivent tenir compte de ce qui existe. L'achat, ce n'est pas un problème.

M. Dubois: Une mutation, c'est un changement de propriétaire.

M. Garon: Les municipalités, actuellement, ont le pouvoir de dire: Zone résidentielle, zone commerciale, zone industrielle. Elles pourraient déclarer aussi que tel territoire est une zone agricole.

M. Dubois: D'accord mais cela change.

M. Vaillancourt (Orford): C'est une réglementation.

Une Voix: Pour l'enregistrement, on a de la misère.

Le Président (M. Laplante): Pour vous faire comprendre, vous allez vous identifier. Un par un.

M. Garon: II faudrait adopter un règlement à cet effet.

M. Dubois: Cela n'implique pas que l'acheteur éventuel doive cultiver la ferme. On protège une zone qui va demeurer agricole, d'accord, mais, si on veut que cette terre soit cultivée, la mutation peut se faire à n'importe quelle personne. Elle peut se faire à un avocat, à un professeur, à n'importe qui, qui va acheter la ferme pour s'en faire un camp d'été si on veut.

M. Garon: Même dans une perspective de zonage agricole, obliger quelqu'un à cultiver une terre? On peut peut-être mettre des incitations, des pénalités si la terre n'est pas cultivée, mais on n'est pas en Russie. Vous-même vous parliez de mesures socialistes, ce matin. On n'est pas rendu à les obliger à cultiver.

M. Dubois: Vous parlez de loi pour protéger... Vous parlez de loi. Ce n'est pas moi qui l'amène, c'est vous. Vous parlez de loi pour protéger les régions fertiles, il faut tout de même en faire quelque chose de ces régions. Si vous laissez des terres abandonnées pendant 20 ans, elles ne seront plus cultivables après. Alors, il nous faut tout de même arriver avec une politique qui tient.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Arthabaska, sur le même sujet.

M. Baril: Tout à l'heure, le député de Montmagny-L'Islet disait que si une personne connaissait la volonté ferme d'un gouvernement de déposer une loi de zonage, cela empêchait la spéculation foncière. L'ancien gouvernement, de fait, l'a dit à maintes reprises et je ne doute pas de la volonté que le ministre avait dans le temps, de la faire voter cette fameuse loi. Mais elle n'est pas votée encore, et la spéculation, il y en a toujours eu et il y en a encore dans le moment. Même si le gouvernement actuel a une très bonne intention de la présenter, il s'en fait encore de la spéculation.

L'ancien ministre Toupin avait pris la peine, il y a quelques années, d'aller devant la Chambre de commerce, je pense, de Montréal pour avertir les gens: La fameuse loi, on va la voter, en voulant dire: Dépêchez-vous, vous en avez des terres à acheter, achetez-les, parce que tout à l'heure il va être trop tard, je vais la voter. Ce n'est pas la place, selon moi, pour aller annoncer aux gens qu'on voterait une loi.

M. Picotte: C'est votre interprétation.

M. Baril: C'est mon interprétation, mais tout ceci pour dire que ce n'est pas seulement la volonté ferme d'un gouvernement qui va empêcher la spéculation.

Le Président (M. Laplante): Une réponse à l'intervention du député d'Arthabaska. Le député de Maskinongé, vous en avez, vous passez votre tour ou quoi.

M. Garon: Ce n'était pas une question, mais une constatation.

M. Picotte: Cela n'en mérite pas. M. le Président, à un moment donné le 14 février 1976, à une journée nationale du Parti québécois — il n'est pas interdit de parler de cela, j'espère? — à Sainte-Croix de Lotbinière, il y avait une proposition de faite par les militants disant que les terres propices à l'agriculture devraient être classées en zone d'utilisation soit comme des terres exclusives, soit comme des terres prioritaires, ou, en troisième lieu, comme polyvalentes.

Indépendamment du Conseil des ministres et indépendamment du ministre, j'aimerais savoir ce que l'actuel député de Lévis pense de cette suggestion. Quelles seraient, selon lui, ses priorités?

Je vous demande une réponse comme député.

Le Président (M. Laplante): Le député est libre de répondre.

M. Garon: Je pense que ce sont des propositions intéressantes.

M. Picotte: Mais vous n'avez pas de classement précis quant à vous, selon votre opinion? Vous n'avez aucune idée là-dessus.

M. Garon: J'ai des idées.

M. Picotte: Quelles sont-elles?

M. Garon: II est trop tôt pour les annoncer.

M. Giasson: La transparence!

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: On a indiqué, depuis quelques moments déjà...

M. Garon: Le ministre me dit de taire ce que le député aurait envie de dire.

M. Picotte: Vous êtes comme le boeuf qui était aveugle, il ne veut pas que l'autre soit sourd-muet.

M. Garon: Au point de vue de la qualité de la viande.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: On a fait état, il y a quelques moments, de la volonté d'une politique de zonage au temps de l'ancien gouvernement. C'est une réalité au Québec, je pense, dont personne ne peut mettre en doute les besoins. Cependant, j'aimerais savoir du ministre à quel moment cette fameuse loi de zonage — sur laquelle il est un peu cacho-tier présentement pour ce qui est de nous en faire connaître les modalités — il entend la déposer devant l'Assemblée nationale.

M. Garon: Cela a été annoncé dans le discours inaugural: au cours de la présente session. Normalement, cela veut dire d'ici au 31 mars. Nous espérons pouvoir être en mesure de le faire au cours de l'automne.

M. Picotte: L'automne 1977?

M. Garon: Evidemment, vous connaissez, dans le gouvernement...

Une Voix: ... une lenteur.

M. Garon: Non, c'est plus lent parce qu'il y a plus de consultations, il y a plus d'organismes.

M. Picotte: II y a plus de comités.

M. Garon: Pour une meilleure coordination. Si on regarde, par exemple, les comités ministériels permanents de l'aménagement et si on veut faire quelque chose qui se tient, au lieu d'avoir des rivalités entre les municipalités, le ministère des Affaires municipales et celui de l'Agriculture, si tout cela peut marcher de façon coordonnée avec l'aménagement, c'est pour le mieux. A ce moment, cela prend des consultations, cela prend des délais plus longs. Il y a des études considérables à faire là-dessus. On s'est fixé un objectif. Dans d'autres domaines, je me suis fixé des objectifs, puis des fois ce n'est pas aussi rapide qu'on pense que cela va être. Disons qu'on s'est fixé comme objectif l'automne.

Le Président (M. Laplante): Le député de Champlain, sur le même sujet.

M. Gagnon: Oui. Je pense que le député de Maskinongé tantôt voulait parler de la vocation des sols. Est-ce qu'actuellement, au ministère de l'Agriculture, on connaît — je sais qu'il y a des études qui ont été faites depuis longtemps — la vocation assez précise des différentes régions de la province, la vocation des sols? Puis est-ce qu'éventuellement, dans une loi de zonage, on pourrait faire en sorte que la vocation de chaque région agricole puisse être développée, c'est-à-dire qu'on pourrait spécialiser un peu les vocations des régions agricoles?

M. Garon: II y a actuellement une étude de la régionalisation des productions qui se fait au ministère. Vous savez, ce ne sont pas des blocs ou un jeu de Monopoly, on peut déplacer les blocs comme on veut, ou comme un général d'armée déplace ses bateaux à la veille de la guerre. Actuellement, ce sont des gens qui sont dans des productions données dans différentes régions, et même si on dit que dans certaines régions les productions idéales sont telle chose, telle chose, on ne transforme pas cela du jour au lendemain. Cela pouvait se faire en Russie quand Staline a décidé de tuer tous les koulaks qui lui résistaient, mais je pense qu'ici on ne pratique pas cette façon de penser. Quand on parle de régionalisation éventuellement quand les études du ministère seront terminées, il faudra procéder par conviction, par incitation.

Ce sont des choses qui se font lentement.

M. Gagnon: C'est ce que je voulais dire. A ce moment-là, cela veut dire qu'on peut procéder par incitation, dans certaines régions, pour essayer de favoriser certaines cultures ou un certain élevage. C'est dans ce sens. Ne pas obliger les gens à aller là-dedans, mais, par des programmes de financement ou des choses semblables, on peut avoir des incitations.

M. Garon: En consultation avec les producteurs. Il y a des choses qui sont faites dans ce domaine. L'autoapprovisionnement, par exemple, en maïs-grain dans la région de Saint-Hyacinthe ou autour de Montréal, cela ne date pas de 25 ans et de 50 ans; c'est assez récent. Au fond, cela fait cinq ans que cela se fait. Donc, c'est un zonage de production dans une région, parce qu'à un moment donné le ministère de l'Agriculture avait trouvé que c'était bon de le faire. Cela s'est fait graduellement et cela s'est fait quand même assez rapidement. Je pense que cela doit se faire en consultation entre le ministère, les organismes agricoles et les cultivateurs eux-mêmes par concertation, par conviction.

M. Gagnon: II reste qu'au départ il faut connaître un peu la vocation des régions pour savoir quelle production peut réussir le mieux dans les différentes régions.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-François, même sujet.

M. Rancourt: Sur le même sujet. Est-ce que les cartes pédologiques qui ont été faites par le ministère de l'Agriculture ont été transmises au ministre de l'aménagement du territoire et aux Affaires municipales?

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, avez-vous compris la question du député de Saint-François? Voulez-vous répéter votre question?

M. Rancourt: J'aimerais savoir si les cartes pédologiques, qui ont été faites par le ministère de l'Agriculture, ont été transmises au ministre de l'aménagement du territoire et aux Affaires municipales.

M. Garon: Non. Pédologiques? L'analyse des sols, vous voulez dire?

M. Rancourt: Non, la carte qui est faite au ministère de l'Agriculture, avec tout l'inventaire des sols au Québec.

M. Garon: On a la carte d'inventaire qui est publique. Vous pouvez en acheter.

M. Rancourt: Oui, d'accord.

M. Garon: Pas le ministère de l'aménagement comme tel, parce que c'est quelques fonctionnaires, mais l'OPDQ s'en est servi abondamment. Le ministère des Affaires municipales aussi peut s'en servir, s'il le veut. C'est public, c'est connu. Mais on parle de potentiel biophysique, à ce moment-là.

M. Rancourt: Bien sûr. Cela fait partie d'un inventaire des sols arables. Si on veut conserver nos sols arables, il faut utiliser ces cartes.

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions sur le zonage? Le député d'Orford.

Agriculture et indépendance

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, sur un autre sujet, un sujet plutôt général, parce que je pense qu'on n'est pas encore au premier programme. Cela fait suite un peu à une entrevue que le ministre avait donnée au début de janvier à un journaliste de la Presse, disant que la seule façon de rendre rentable l'agriculture au Québec, c'était la séparation du Québec...

M. Garon: Avez-vous le texte exact, là. Passez-moi donc le texte.

M. Vaillancourt (Orford): ... d'avec le reste du Canada. J'aimerais savoir du ministre de quelle façon il procéderait pour rendre plus rentable l'agriculture d'un Québec séparé que s'il est avec le reste du Canada.

M. Garon: Avez-vous le texte?

M. Vaillancourt (Orford): Je n'ai pas le texte.

M. Picotte: Vous pouvez le lire.

M. Garon: Non, non. Je ne l'ai jamais dit dans les termes que vous venez d'utiliser. J'ai dit que l'indépendance donnerait au Québec...

M. Picotte: M. le Président, question de règlement. Permettriez-vous à mon collègue de lire le texte? Même s'il ne peut pas le donner, il peut le lire.

Le Président (M. Laplante): Je pense que votre collègue est assez grand pour me le demander.

M. Vaillancourt (Orford): Vous avez dit: L'indépendance profiterait particulièrement aux agriculteurs.

M. Garon: Oui.

M. Vaillancourt (Orford): "S'il y a une catégorie de Québécois dont il est certain qu'ils tireraient des avantages considérables de l'indépendance du Québec, ce sont les agriculteurs." Ce que j'aimerais savoir du ministre, c'est de quelle manière il peut rendre l'agriculture plus rentable qu'elle ne l'est actuellement en séparant le Québec du reste du Canada.

M. Garon: Je vais vous dire quelque chose.

M. Charbonneau: Vous avez de la misère à comprendre.

Le Président (M. Laplante): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Verchères!

M. Picotte: J'espère qu'il n'y a qu'un ministre.

M. Vaillancourt (Orford): Je ne suis peut-être pas le seul qui ne comprend pas cela.

M. Garon: Les plus anciens indépendantistes l'admettaient. Gérard Filion l'admettait, qui a été longtemps dans l'UCC, qui a fait, d'ailleurs, sa thèse de maîtrise en administration sur le retour à la terre. Il affirmait, à Rimouski, dans une conférence, en 1962 ou 1963: Je dois admettre que les cultivateurs en profiteraient, de l'indépendance. Pourquoi au fond? C'est parce que l'indépendance donnerait le contrôle des importations et des exportations. Le malaise de l'agriculture au Québec, depuis des années, a été le dumping des produits, parce que, pour des raisons climatiques, on est quelques semaines en retard sur les autres. Le dumping, c'est ce dont on se plaint.

Depuis que je suis petit gars que j'entends parler des problèmes du dumping des produits étrangers. Actuellement, regardez de quoi on se plaint: de l'importation de volaille américaine, qu'on ne contrôle pas. Regardons dans les différents types de production...

M. Vaillancourt (Orford): Quelles sont les denrées où on est déficitaire?

M. Garon: Ce serait plus simple de nommer celles qu'on produit pour notre consommation. Dans ce cas il n'y en aurait pas beaucoup à nommer, il y aurait le lait qu'on produit en excédent, le poulet, actuellement le porc.

M. Vaillancourt (Orford): II y a le lait, le porc, le poulet.

M. Garon: Les oignons, les carottes et je pense que c'est à peu près terminé.

M. Vaillancourt (Orford): Cela en fait cinq. M. Garon: Cela n'en fait pas beaucoup.

M. Vaillancourt (Orford): Vous dites l'excédent de la production?

M. Garon: Non, le porc c'est à peu près équivalent. La volaille, c'est seulement à peu près...

M. Vaillancourt (Orford): Disons qu'il y a environ...

M. Garon: Les oignons, c'est à peu près 100% de notre consommation, c'est à peu près équivalent; les carottes, 30% d'excédent; le lait, 45% d'excédent.

M. Cordeau: ... avec le lait qu'on va faire faire du dumping à quelque part. Alors cela veut dire...

M. Garon: Vous savez que M. Whelan m'a posé la même question, le 15 décembre, quand je l'ai rencontré, la veille de la conférence des ministres de l'Agriculture. Il m'a demandé la même chose. Il m'a dit, avec l'air narquois, avec un sou- rire: Advenant la souveraineté du Québec, qu'est-ce que vous allez faire avec les surplus de lait, puisque vous produisez 145% de votre consommation au Québec? Alors, je me suis retourné vers M. Whelan et je lui ai dit: Vous savez, après la souveraineté du Québec, qu'est-ce que l'Ontario va faire avec ses usines d'automobiles? Il y a 17 ou 19 usines d'automobiles en Ontario, et dans le Québec il n'y en a qu'une, alors qu'est-ce que vous allez faire avec vos usines d'automobiles si le Québec n'achète pas d'automobiles de chez vous?

Je lui ai dit que dans une automobile il y avait pas mal de livres de beurre qui rentraient, qu'on pourrait peut-être bien faire un échange des automobiles contre des produits laitiers, mais que cela ne représenterait peut-être pas autant d'automobiles qu'il pensait, nos 45% d'excédent de produits laitiers. Il a replongé le nez dans sa soupe et n'a plus reparlé de cette question.

Le ministre d'Etat au développement économique, Bernard Landry, a déclaré à Toronto, que dans une perspective d'association économique — quand on parle d'association économique, il peut être question de libre échange, c'est un secteur protégé — il déclarait à Toronto — c'est un territoire de l'Ontario — s'il y a un secteur que le Québec voudrait protéger, dans la perspective d'association économique, ce serait l'agriculture, dans un Québec associé économiquement avec le Canada. Je pense que tout le monde va être d'accord avec cela.

Un des gros problèmes, notre problème, c'est qu'une grosse partie de l'agriculture, les lois agricoles sont dirigées à partir d'Ottawa. A Ottawa, l'agriculture a toujours été pensée plus en fonction de l'Ouest qu'en fonction du Québec. On a bien voulu nous laisser temporairement le lait, mais l'an passé, on n'était pas certain si on a voulu nous laisser le lait. A la veille des élections, on nous a donné un peu pour le lait. Le député de Montmagny-L'Islet sait, quand il parle d'un plan de stabilisation des revenus dans le domaine du lait industriel, que le fédéral, en fait, attend l'occasion, pour sortir du lait, que le Québec lui donne l'occasion de sortir, pour sortir lui-même de ses subventions. Evidemment, il a fait un petit effort, à la veille des élections. J'espère qu'il n'y aura pas d'élections fédérales avant le mois d'avril de l'an prochain, pour que les producteurs laitiers du Québec aient encore plus de pouvoir de marchandage au mois d'avril prochain.

M. Picotte: Où va-t-on prendre les grains de provende?

M. Garon: Justement, j'en ai parlé ce matin, parce qu'il y en a d'autres qui en ont parlé. Dans notre programme, il y avait la création d'une régie des grains de provende. Actuellement, j'ai demandé un rapport à quelqu'un et il y a un comité qui se formera avant longtemps, justement, dans le sens dont parlait le député de Beauce-Sud, pour penser en termes d'achat de nos grains de provende. Il y a différentes façons.

Le Canada en vend, les Etats-Unis en vendent, l'Argentine en vend. Il y a plusieurs vendeurs de grains de provende. On pourra peut-être obtenir des meilleurs prix que ceux que nous avons actuellement. C'est une chose à discuter. C'était dans notre programme. On travaillera là-dessus. J'aimerais que l'on puisse adopter quelque chose en 1978 ou 1979 là-dessus, le plus rapidement possible en tout cas, dans une perspective d'être le plus autonome possible sur le plan alimentaire et agricole au Québec. En faisant cela on fait exactement ce que tous les pays du monde occidental essaient de faire actuellement.

Tout le monde se rend compte, devant la pression démographique, l'extension des villes, la croissance de la population, que les villes ont tendance à gruger du territoire rural. Je regarde les études qui se font à Harvard, par exemple. J'ai reçu récemment des études sur les aspects alimentaires dans le monde et il y a à peu près unanimité des experts là-dessus pour prévoir une crise alimentaire dans un nombre X d'années. On pense que la population mondiale sera doublée dans les 30 prochaines années.

On voit des territoires où on est surexploité. En Haïti dernièrement, on a vu qu'on s'en va vers une érosion du sol parce qu'on a abattu trop de forêts. On voit des sécheresses un peu partout, dans des pays qui avant étaient des pays agricoles, parce qu'on a trop abattu d'arbres.

Selon les experts des grandes universités américaines il y aura une crise de l'alimentation avant longtemps. Quand on parle de protéger l'agriculture c'est un peu comme protéger les océans de la pollution. Quand les océans sont pollués c'est la fin. Protéger l'agriculture on n'a pas le choix. Quand on aura mis de l'asphalte sur toutes les terres arables du Québec, il poussera peut-être des fleurs de macadam. Cela ne nourrit pas beaucoup son homme.

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, je pense que le ministre ne répond pas tellement à ma question. Dans la province de Québec, on produit je ne sais combien de centaines de denrées, il y en a plusieurs. Vous nous dites qu'il y a cinq produits qui sont excédentaires pour la consommation du Québec. Pour rendre l'agriculture plus rentable avec un Québec séparé, si nous avons seulement cinq produits — Québec souverain, si vous voulez — qu'est-ce que cela peut apporter de plus à l'agriculteur si nous avons seulement un surplus de production sur cinq denrées? Il y a tout le reste de la gamme qui permet aux cultivateurs de produire et rendre l'agriculture rentable. Ce n'est pas l'option souveraine, mais plutôt de bonnes politiques de l'agriculture pour favoriser les agriculteurs à produire plus dans les denrées où on est déficitaire.

M. Garon: Non, je ne pense pas. Ce que l'on subit, c'est le dumping des produits étrangers. C'est aussi à cause du climat un peu en retard sur l'Ontario et les Etats-Unis...

M. Vaillancourt (Orford): Je suis d'accord.

M. Garon: On achète les primeurs importées au lieu de les avoir de la production locale...

M. Vaillancourt (Orford): Mais avec la souveraineté ou la séparation le climat sera le même.

M. Garon: Non, mais elle nous permet le contrôle des frontières. C'est cela que cela nous permet, le contrôle des importations.

M. Vaillancourt (Orford): C'est parce que j'aimerais avoir votre philosophie là-dessus. Vous en avez tellement parlé dans le passé et plusieurs cultivateurs croient un peu qu'avec un Québec souverain ou séparé leurs revenus augmenteraient. Je n'y crois pas, mais j'aimerais avoir votre opinion et celle des spécialistes de votre ministère. Eux sont au courant si un Québec souverain ou séparé pourrait donner des bénéfices additionnels à l'agriculture au Québec.

M. Garon: Le problème c'est le contrôle des importations.

M. Vaillancourt (Orford): II y a seulement cinq ou dix denrées excédentaires. Qu'est-ce que vient faire le contrôle des importations pour rendre rentable l'agriculture, pour la rendre plus florissante qu'en ce moment?

M. Garon: A cause du dumping des produits ou encore les primeurs qui arrivent avant le temps. Bloquez seulement l'entrée des primeurs de trois semaines au Québec, c'est un petit exemple, trois semaines...

M. Vaillancourt (Orford): C'est un exemple que je veux.

M. Garon: Un exemple concret: Bloquez l'entrée des primeurs de trois semaines au Québec, à ce moment-là c'est le cultivateur québécois qui les vendra au prix des primeurs. Actuellement vous les payez aux produits étrangers. Ce n'est qu'un exemple.

M. Giasson: C'est le consommateur qui le paiera.

M. Garon: Non, il ne le paiera pas. Il le paye actuellement, mais aux pays étrangers. Alors il le paiera aux producteurs locaux.

M. Giasson: M. le ministre, vous savez très bien le climat qui est le nôtre au Québec par rapport au climat de provinces et de pays voisins. Si vous laissez un libre marché, cet état de libre marché, si vous ne bloquez pas les frontières par des taxes spéciales, cela profite aux consommateurs québécois.

M. Garon: L'agriculture ne fonctionne nulle part dans un libre marché.

M. Giasson: Je vous dis cela en dehors des thèses que vous avez soutenues. Oui.

M. Garon: Non, parce que vous disiez vous-même ce matin que l'agriculture est plus subventionnée aux Etats-Unis.

M. Giasson: Elle est subventionnée aux Etats-Unis parce qu'il s'agit d'une activité économique et humaine qui dépend de facteurs qui sont hors du contrôle de l'homme.

M. Garon: Ce n'est plus un libre marché.

M. Giasson: C'est pour cela que les gouvernements des pays occidentaux doivent soutenir l'agriculture de façon variée ou différente d'une année à l'autre, mais cet état de dépendance de l'homme vis-à-vis de situations qu'il ne contrôle pas, c'est la raison pour laquelle les gouvernements doivent certaines années soutenir de façon plus marquée des productions agricoles données. Et on ne changera pas cela tant que l'homme n'aura pas ce pouvoir de contrôler les éléments.

Le Président (M. Laplante): Savez-vous, M. le député de Montmagny-L'Islet, que vous étiez le quatrième sur ma liste? Je vais passer au député de Huntingdon sur le même sujet.

Une Voix: Ah! je pensais que vous étiez en train de dire qu'il était en train de me convaincre.

M. Vaillancourt (Orford): M. le ministre, je vais finir là-dessus. Je veux dire au ministre que sa philosophie de souveraineté ou de séparation ne rendra pas beaucoup plus rentable l'agriculture, ne favorisera pas plus l'agriculture que cela ne la favorise actuellement. C'est par des politiques incitatives, par des budgets additionnels...

M. Charbonneau: Voulez-vous me dire ce que vous avez fait pendant six ans si vous étiez aussi bons que cela?

M. Vaillancourt (Orford): ... avec l'augmentation du drainage.

M. Picotte: Vous êtes donc bien ignorant. M. Vaillancourt (Orford): C'est surtout...

M. Charbonneau: Vous aviez le fédéralisme pendant six ans, qu'avez-vous fait?

Une Voix: Vous n'êtes pas sorti. Vous vous êtes occupé seulement des crimes crapuleux, d'après ce que je peux voir. Comme journaliste, vous n'êtes pas sorti tellement souvent.

Le Président (M. Laplante): J'ai votre nom sur la liste, vous parlerez tout à l'heure.

M. Picotte: Vous êtes donc bien ignorant, allez vous recycler. Cela presse.

M. Charbonneau: J'ai l'impression que c'est vous qui avez besoin de recyclage, cher monsieur et cher député.

M. Picotte: J'ai l'impression que vous avez besoin de Vita Grow et cela presse. Allez donc vous recycler. Vous viendrez à mon bureau, je vous renseignerai. Venez au 233 demain matin, je vais vous renseigner parce que vous manquez de renseignements.

M. Charbonneau: Vous êtes à peu près aussi stupide que vous l'êtes en Chambre.

M. Picotte: Venez à 233 demain matin, je vais vous renseigner parce que vous manquez de renseignements.

M. Charbonneau: Je n'en ai pas besoin. Je pense qu'on peut vous laisser avec vos "folleries", M. le député de Maskinongé. On va s'en passer.

M. Picotte: Je vais le laisser faire. Il est vidé déjà.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Orford.

M. Vaillancourt (Orford): Je vais terminer. Comme conclusion, disons que ce que je viens de dire termine un peu ce que je voulais savoir du ministre, à savoir que la séparation ou la souveraineté n'apportera rien d'additionnel aux cultivateurs du Québec.

M. Garon: Vous n'avez qu'à demander aux cultivateurs si le contrôle des importations par le Québec ne leur serait pas bénéfique. Depuis que je suis petit gars, j'entends parler du dumping des produits.

M. Vaillancourt (Orford): II y en a dans tous les pays.

M. Garon: Je comprends mais si on voulait le contrôler.

M. Vaillancourt (Orford): Même dans des petits pays comme la Suède, il y en a.

M. Garon: En Amérique du Nord, le pays qui en souffre le plus, c'est le Québec. Actuellement, je pense que dans n'importe quel parti politique on a toujours dit que l'agriculture, au ministère fédéral, a toujours été pensée en fonction de l'Ouest. D'ailleurs, j'aurai l'occasion de démontrer par des études économiques bientôt à quel point les politiques fédérales ont été pensées en fonction des fermiers de l'Ouest. Ce qu'on a donné, au fond, aux cultivateurs du Québec, à Ottawa, ce sont des grenailles, des miettes de la table comparativement à ce qu'on a donné aux fermiers de l'Ouest. Alors qu'on les pénalisait pour ne pas produire du lait — on parlait de $8.60 — on payait les producteurs de l'Ouest pour ne pas produire. Toutes les politiques à Ottawa ont été pensées en fonction des besoins de l'Ouest. Et cela les cultivateurs le savent, on n'a pas besoin de leur faire des dessins. Ils le vivent de père en fils depuis 150 ans.

M. Vaillancourt (Orford): Cela, c'était vrai avant que la politique laitière existe au Québec, c'est-à-dire au Canada.

M. Garon: L'an passé, c'était vrai.

M. Vaillancourt (Orford): Je ne parle pas de l'an passé. Je dis que c'était vrai ce que vous dites là en ce qui concerne la politique fédérale qui favorisait beaucoup plus l'Ouest avant qu'il y ait les plans conjoints ou le contrôle du lait industriel.

M. Garon: Ils ont fait un peu...

M. Vaillancourt (Orford): Aujourd'hui, cela a amélioré la situation.

M. Garon: ... pour l'agriculture du Québec ce qu'ils ont fait pour le textile du Québec au fédéral. C'était une monnaie d'échange pour la vente du blé de l'Ouest.

M. Picotte: A part Tricofil.

M. Garon: Tricofil est arrivé après.

Le Président (M. Laplante): Le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, toujours à l'intérieur d'une indépendance ou d'une souveraineté, ne trouvez-vous pas, M. le ministre, que des pressions économiques seraient plus fortes vers le Québec indépendant que vers l'ensemble du Canada? Chose certaine, le "lobbying" à Washington existerait quand même dans un Québec séparé, cela c'est sûr.

Comme on le fait aujourd'hui. Un Québec de 6 millions de personnes aurait plus de difficultés à combattre les pressions économiques que le Canada dans son entier, c'est mon opinion.

M. Garon: Mais, actuellement, par exemple, il y a des distorsions économiques créées par le gouvernement fédéral. Je vais vous donner un exemple: une poche de patates du Nouveau-Brunswick, à Montréal, coûte meilleur marché qu'une poche de patates venant de l'île d'Orléans à Montréal, avec les politiques des Maritimes Freight Tax du gouvernement d'Ottawa où on subventionne le transport des Maritimes. A ce moment, qui paie? Essayez, demain matin, de développer la culture des pommes de terre dans le Bas-du-Fleuve. A cause des coûts de transport établis de façon artificielle par le gouvernement fédéral qui souvent permet des coûts de transport en bas du coût de production, c'est le cultivateur québécois qui paie. C'est un des éléments. Quand aussi on a des surplus de production de maïs au Québec, à certaines périodes, il subventionne le transport du maïs de l'Ontario vers le Québec. Vous en avez des politiques de distorsion économique. A un moment donné, ce sera le temps du référendum et on va parler de ces affaires, mais vous allez voir la quantité de politiques néfastes qui ont été établies par le gouvernement fédéral.

M. Dubois: Vous amenez une culture, les patates du Nouveau-Brunswick vers le Québec. Remarquez bien qu'on vend beaucoup au Nouveau-Brunswick et dans les Maritimes. Il y a un libre échange qui se fait là. Il reste que vous avez mentionné le lait, tout à l'heure, à 145%; c'est arrivé une année, en 1975, à cause d'une récolte extraordinaire de foin et de nourriture pour animaux. En fait, cela a été la raison d'une autosuffisance très haute.

Une Voix: C'est une raison.

M. Dubois: C'est une raison ou la raison majeure. Quand vous parlez du plan conjoint canadien pour le poulet, l'Ontario et les autres provinces canadiennes sont dans le même pétrin que le Québec présentement. Ce n'est pas un problème particulier au Québec au niveau du poulet à griller; c'est celui de toutes les provinces canadiennes.

M. Garon: Oui, mais l'excès de production de toutes les provinces n'est pas le même, quand même.

M. Dubois: Non, mais il reste quand même que l'Ontario et le Québec sont les deux gros producteurs.

M. Garon: Les gros producteurs, c'est-à-dire que le Québec et l'Ontario produisent les mêmes quantités, excepté que l'Ontario est plus populeux. Donc, en fait, la capacité de production du Québec est plus forte en tenant compte de la population.

M. Dubois: J'ai bien l'impression que, si les pressions étaient beaucoup plus fortes des provinces productrices vers le ministre fédéral de l'Agriculture pour arriver à sanctionner un plan conjoint national, cela se ferait plus rapidement. D'un côté, vous avez les pressions des provinces et vous avez aussi les pressions des consommateurs, de l'autre côté, qui vont payer le poulet cinq ou six cents de plus, peut-être. Vis-à-vis de cela, le ministre est pris entre deux barrières. Il y a la pression des consommateurs et la pression des provinces. C'est une chose inévitable, je pense. Le ministre ne peut pas trancher la question lui-même; cela se fera à l'intérieur du cabinet des ministres. Vous avez deux sons de cloche.

M. Garon: Oui, mais je vais vous dire une affaire. Je pense que le consommateur serait prêt à payer à cinq cents de plus la livre pour le poulet.

M. Dubois: II s'agit de le lui faire comprendre, c'est tout.

M. Garon: Ils paient combien pour un frigidaire actuellement pour qu'on l'achète de l'Ontario? Le consommateur québécois paie de 20% à 25% de douane pour qu'on l'achète de l'Ontario. Cela veut peut-être dire $100 ou $125 de plus pour avoir l'avantage insigne d'acheter un réfrigérateur

ou une cuisinière électrique de l'Ontario, plutôt que de l'acheter directement des Etats-Unis. Regardez le nombre de produits sur lesquels on paie des douanes pour protéger l'industrie manufacturière de l'Ontario. Au fond, le consommateur paie. Personne ne dit un mot. Personne n'est scandalisé de cela. Quand c'est le cultivateur, cela devient une affaire épouvantable. Là-dessus, je vais me battre à mort pour que les cultivateurs aient le droit de négocier leurs prix en commun. Ils sont libres. S'ils veulent le faire, d'accord. S'ils ne veulent pas le faire, ils ont le droit, mais je pense qu'ils ont le droit de négocier leurs prix collectivement s'ils veulent le faire.

Une Voix: Par des plans conjoints.

M. Garon: Par des plans conjoints, oui, qui doivent avoir différentes modalités selon les types de productions. S'ils ne veulent pas le faire, libre à eux, mais je pense qu'ils ont le droit de le faire, de la même façon qu'un ouvrier a le droit de s'associer en syndicat pour négocier ses salaires. De la même façon que des parlementaires, par exemple, vont faire des revendications ensemble, n'importe quel groupe de la société va se rassembler pour faire des revendications. Je pense que les cultivateurs ont ce droit.

M. Dubois: M. le ministre, dans vos réponses, vous mentionnez souvent qu'il y a une partie minime des produits où on a des problèmes, mais, quand même, il faut toujours mentionner qu'on a aussi des produits où on n'a pas de problèmes.

M. Charbonneau: Lesquels?

M. Dubois: Dans l'agriculture au complet, je ne sais pas si tu connais cela, mais il y en a beaucoup. Je voudrais tout simplement mentionner, M. le ministre qu'il y a un outil dont le Québec ne se sert pas et dont l'Ontario se sert, c'est l'inspection rigide. Il y a des normes d'inspection plus sévères que fait le gouvernement fédéral et ils s'en servent. Le jardinier québécois qui voudrait aller sur le marché de Toronto ne pourrait pas vendre ses légumes, tandis que le contraire se fait ici. Enfin, cela n'a pas tellement été pratiqué par le Québec, une rigidité d'inspection aussi forte qu'en Ontario.

Vous avez des preuves, en tout cas, chez les jardiniers maraîchers qui essaient de vendre sur le marché de Toronto. S'ils en ont en abondance là-bas, il n'entre pas de produits du Québec, impossible, mais, le contraire, on le sent ici à Montréal lorsque nous avons des entrées de tomates quand nous en avons ici en pleine production. Cela entre à pleins camions sur le marché de Montréal. Cela se fait pour la laitue, cela se fait pour les oignons et cela se fait pour les carottes.

Essayez de faire le contraire sur les marchés de Toronto, vous allez voir que ce n'est pas tout à fait pareil.

Le Président (M. Laplante): Le député de Champlain, même sujet.

M. Gagnon: Pour ceux qui se posent des questions, à savoir si l'indépendance ou le contrôle des frontières aiderait l'agriculture québécoise, je pense qu'ils n'ont pas eu l'occasion de négocier. Lorsqu'on a eu l'occasion de négocier, sur le plan national, pour certains produits agricoles, on s'est rendu compte qu'il faut absolument, si on veut protéger l'agriculture de type familial au Québec, il faut absolument que le Québec ait le contrôle des frontières le plus vite possible. Quand vous avez une production qui est en difficulté, comme j'ai vécu personnellement des expériences, une production en difficulté qui amène la fin des producteurs à plus ou moins court terme, et qu'on essaie de faire relever les prix au moins au coût de production et qu'il vous arrive des chars de produits à prix de dumping sur le marché du Québec, là on s'aperçoit que le Québec a besoin du contrôle des frontières. Quand vous avez eu l'occasion de négocier des choses semblables, vous ne vous posez pas de question.

Quand on dit aussi que le libre échange profite au consommateur, c'est une autre fausseté qu'on répand, à mon point de vue. Le libre échange profite au consommateur un certain temps, tant qu'on favorise le dumping, et tant qu'il y a des producteurs ici qui continuent d'exister. Mais à la minute où, par le dumping, on fera mourir certaines spécialités agricoles du Québec, je pense qu'après cela c'est le consommateur qui va payer. Des exemples, on en a tous les jours. C'était cela que je voulais dire.

Le Président (M. Laplante): C'est votre réplique. Maintenant on va faire plaisir au ministre, programme 1, élément 1. Vous avez une question. Excusez, si vous voulez, le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, est-ce qu'on pourra, à l'intérieur des programmes, même si ce n'est pas directement dans le programme, si ce n'est pas couvert, si quelqu'un a des questions...

Le Président (M. Laplante): Je voudrais vous avertir tout de suite, M. le député de Saint-Hyacinthe. Là on commence programme par programme, il faudra s'en tenir au programme en s'en allant. D'accord?

M. Cordeau: C'est d'accord.

Le Président (M. Laplante): On commence les programmes. Si vous aviez des questions générales, allez-y.

M. Vaillancourt (Orford): Je pense qu'on les retrouve dans les programmes, les questions.

M. Giasson: M. le Président, il faudrait tout de même s'entendre. Je pense que lorsqu'on va aborder l'étude d'un programme et qu'à l'intérieur de ce programme on retrouve des secteurs où on voudrait faire préciser la pensée du ministre, on pourra revenir. Il faut se comprendre, ce ne seront

pas uniquement des discussions sur l'élément même à l'intérieur du programme, il y aura également une discussion générale au début d'un programme pour les secteurs que le programme touche.

Le Président (M. Laplante): Pleinement d'accord. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, je ne sais pas si cela touche le programme, mais de toute façon si je suis hors du sujet, vous me rappellerez à l'ordre. J'aimerais poser une question au ministre concernant l'assurance-santé des animaux via les producteurs et surtout via l'entente des médecins vétérinaires qui a eu lieu dernièrement?

M. Charbonneau: Question de règlement, M. le Président. Je pense qu'on a décidé de commencer programme par programme.

M. Picotte: Non, non.

Le Président (M. Laplante): C'est dans le programme 3. Dans le programme 3 vous allez le voir.

M. Picotte: C'est ce que je vous demandais.

Le Président (M. Laplante): Oui, vous allez pouvoir la poser. C'est votre droit sacré.

M. Picotte: Merci.

Recherche et enseignement agricoles

Le Président (M. Laplante): Programme 1, élément 1 sur la recherche et enseignement. M...

M. Giasson: Peut-être que M. le ministre aurait une entrée en matière.

Le Président (M. Lapiante): Est-ce que... il ne l'a pas fait...

M. Giasson: M. le Président, puisque nous abordons le programme 1...

M. Garon: Je peux vous en faire une si vous voulez. En voulez-vous une?

M. Picotte: A la demande générale, on en veut une. Peut-être qu'après ce que le ministre va dire, on n'aura plus de questions à poser.

M. Giasson: ... l'adoption du programme 1. M. le Président, j'aimerais entendre le ministre sur les programmes de recherches de son ministère, quels sont les secteurs privilégiés et, dans un deuxième temps, l'enseignement agricole, sa pensée sur le rapatriement de tous les secteurs de l'enseignement professionnel agricole au Québec. Le rapatriement de son ministère.

M. Garon: A cela, je vous ai dit ce matin qu'il y aurait un comité entre le ministère de l'Education et le ministère de l'Agriculture.

M. Giasson: La pensée du ministre, au-delà du comité. C'est cela qui est intéressant de connaître, ce soir.

M. Picotte: Là, je suppose que c'est le député qui défend au ministre de parler.

M. Garon: Non, j'ai des idées là-dessus. Nous sommes à la veille de former un comité avec le ministère de l'Education, alors que le ministère de l'Agriculture a étudié les différents aspects, évalué ce qui s'est fait dans les années passées. Je n'aimerais pas, alors que le comité conjoint des deux ministères étudierait ces questions, faire de grandes déclarations où j'indiquerais que j'ai pris position, avant de voir l'analyse qu'ils vont faire, l'étude qu'ils vont faire, du rendement que cela a donné, la situation actuelle. Je préfère, à ce moment, garder ma liberté plus complète en laissant l'étude se faire. Tout ce que je peux dire, à ce moment-ci, c'est que, s'il n'y avait pas eu énormément de critiques, je n'aurais pas demandé qu'une étude de l'enseignement agricole soit effectuée.

M. Giasson: M. le Président, je connais l'expérience vécue lors des échanges qui se sont produits dans le passé entre les deux ministères, le ministère de l'Education et le ministère de l'Agriculture. Il me paraît qu'il vaudrait mieux que le ministre de l'Agriculture prenne position immédiatement et défende cette position — parce que je crois un peu deviner laquelle serait de ce côté — de façon très vive et très forte. J'ai pu voir, au cours des récentes années, toute la question de l'enseignement agricole, la manière dont elle a été traitée par les approches des deux ministères. Nous avons senti que, plus des comités de travail duraient et fonctionnaient, moins nous avions la certitude que le ministère de l'Agriculture pourrait garder une primauté sur ce qui est l'enseignement agricole professionnel. J'invite le ministre à beaucoup de vigueur de ce côté, même s'il s'en remet à l'étude de ce fameux comité, parce qu'il pourra se faire passer un petit Québec par le ministère de l'Education. On connaît l'emprise que ce ministère a eu sur le dossier de l'enseignement agricole voulant, coûte que coûte, le récupérer entièrement sous la responsabilité du ministère de l'Education et l'intégrer, en dépit de tous les avis, de toutes les expériences passées. Il voulait absolument intégrer l'enseignement professionnel agricole au système des commissions scolaires polyvalentes avec l'équipement qu'il y a à l'intérieur de ces polyvalentes qui veulent donner l'option d'enseignement professionnel agricole. Je le vois tout le scénario qui s'est joué. Il ne s'agit pas pour le ministre de l'Agriculture de conserver cet enseignement à l'intérieur de son ministère pour le plaisir de le conserver. C'est parce qu'au plan pratique, logique c'est le ministère de l'Agriculture qui, à mon sens, devrait posséder entièrement le contrôle absolu de l'enseignement agricole au Québec.

M. Garon: Non, dans le sens que vous dites, je pense qu'il n'y a pas d'erreur là-dessus. Je ne

voudrais pas qu'on parle en termes, souvent comme les gens, de bâtisses ou d'équipement, des choses comme cela, mais en termes de contenu d'enseignement. Cela me paraît clair que tout cela doit être fait...

M. Giasson: L'équipe professorale aussi.

M. Garon: Oui, l'équipe professorale, qui devrait être familière avec nos climats et nos productions. Cela devrait être sous l'autorité du ministère de l'Agriculture. Cela me paraît clair. D'ailleurs, apparemment, d'après les renseignements que j'ai eus, il n'y a pas beaucoup de pays dans le monde où cela ne relève pas du ministère de l'Agriculture, l'enseignement agricole. Mais je pense qu'à ce point de vue il peut avoir différentes modalités. Ces modalités peuvent prendre plusieurs formes. Je ne voudrais pas préjuger de ce que va discuter le comité. Cela peut être le contenu des programmes qui va être déterminé au ministère de l'Agriculture, la responsabilité qui va être au MAQ. Cela peut être aussi un enseignement dans des sections à part, dans des écoles. Cela peut prendre plusieurs formes. Cela peut être aussi des cours d'agriculture qui sont pris à certains endroits alors que d'autres cours, qui sont, par exemple, le français, l'histoire, les mathématiques, sont pris en commun avec d'autres étudiants. Je pense que toutes les options doivent être envisagées.

Il me paraît clair actuellement qu'il y a une insatisfaction généralisée face à l'enseignement agricole au Québec. Je ne parle pas des instituts de technologie agricole; je parle au niveau des CEGEP ou au niveau secondaire. Je n'ai pas entendu beaucoup de commentaires favorables; tous les commentaires que j'ai entendus sur l'enseignement agricole tel qu'il existe actuellement au Québec ont été des commentaires défavorables.

M. Giasson: Si j'invite le ministre à beaucoup de vigilance, c'est qu'il est un peu coincé lui-même entre deux options. Lorsqu'on examine la volonté des militants du Parti québécois réunis en congrès à Sainte-Croix, qui ont pris des positions assez nettes sur ce que devrait être l'enseignement agricole au Québec et qu'on compare cela avec la position du parti dans son ensemble, telle qu'elle paraît dans le programme du parti, vous avez une discordance énorme.

M. Garon: Laquelle?

M. Giasson: Le programme du Parti québécois veut que l'enseignement agricole soit intégré au réseau d'enseignement public existant au Québec alors que les militants réunis à Sainte-Croix ont mis beaucoup d'emphase sur un rattachement, un rapprochement de l'enseignement professionnel à l'intérieur du ministère de l'Agriculture. Relisez cela et vous allez voir. Le ministre est pris entre ces deux options. Si l'option générale du parti est intégrée davantage au secteur des commissions scolaires et de l'enseignement public au Québec, cela nous indique que la pensée de gens venant de l'éducation a orienté le programme du parti de ce côté alors que, d'un autre côté, les militants, connaissant davantage le problème agricole et les questions de formation professionnelle, ont pris une autre position à Sainte-Croix. C'est pour cela que j'invite le ministre à beaucoup de vigilance.

M. Garon: Non. J'en ai tellement, de vigilance, que c'est un des points inscrits à la réunion du Parti québécois qui va avoir lieu d'ici à la fin de mai; l'enseignement agricole est un des points qui vont être traités en atelier, l'atelier de l'agriculture. Un des éléments majeurs qui font que la situation est telle quelle, c'est que l'Union des producteurs agricoles elle-même avait préconisé cette position, à savoir que ce soit intégré à l'enseignement public tel que c'est actuellement. Je pense que c'est un fait qui a influencé beaucoup les événements. C'est pour cela que je dis qu'il y a plusieurs formules possibles. La position de l'UPA était de ne pas faire de l'agriculteur un étudiant différent des autres, qu'il ait la même formation, etc.

Par ailleurs, je pense qu'il y a plusieurs formules possibles. Je pense important... C'est un peu comme les grandes écoles à 4000 étudiants, le monde n'aime pas cela. L'enseignement agricole tel qu'il est actuellement ne semble pas satisfaire grand-monde. Que l'ensemble de la population, en même temps, ait tort, c'est parce qu'il doit y avoir des lacunes quelque part. Il faut étudier cela. Il doit y avoir une plus grande coordination par le ministère de l'Agriculture, je pense que c'est évident, que ce soit au point de vue des stages, de la recherche, de l'expérience à acquérir. Il y a des fils de cultivateurs, mais il y a bien d'autres personnes que des fils de cultivateurs qui veulent devenir producteurs agricoles. Je pense qu'il doit y avoir une plus grande intégration entre les programmes du ministère et l'enseignement pour le meilleur développement de la relève agricole, relève qui ne peut plus être comme auparavant.

Aujourd'hui, quelqu'un qui s'établit sur une ferme doit être un peu comptable, capable de faire des investissements, être planificateur; il doit avoir une foule de qualités. Au fond, c'est un petit entrepreneur, c'est un petit homme d'affaires, un cultivateur, et, dans certains cas, un gros homme d'affaires quand on parle d'investissements de $200 000, $300 000 et $400 000. Il doit être préparé à cela tandis que les CEGEP, d'une façon générale, préparent bien plus des gens qui vont aller à l'université ou qui vont avoir un coffre à outils qui va peut-être coûter $150 ou $200. Il est évident que cela ne peut pas être exactement la même formation. Les techniques, dans le domaine agricole, aujourd'hui, ont évolué considérablement. A ce point de vue, je suis de votre avis. Il faut étudier cela dans l'ensemble, dans une perspective de modernisation de l'agriculture au Québec et de la relève de l'agriculture.

Pourquoi ne formerait-on pas tout de suite des cultivateurs modernes, des cultivateurs qui ont été entraînés à une agriculture moderne et qui sdnt préparés à s'établir sur une ferme immédia-

tement et à fonctionner, plutôt que d'avoir eu un tas de cours théoriques qui font partie de la culture générale? La culture, on dit que c'est ce qu'on se rappellequand on atout oublié. Un cultivateur, par ailleurs, a besoin de se rappeler un paquet de choses quand il rentre sur sa terre et qu'il commence à exploiter sa ferme. Alors, cela prend des cours qui vont être plus adaptés, je pense, aux producteurs agricoles, puis je pense que c'est de là que vient le mécontentement.

Il y a aussi un autre problème qu'on m'a mentionné à plusieurs reprises et cela me tracasse. On m'a dit souvent que les orienteurs dans les écoles décourageaient les étudiants en agriculture. On leur disait que c'était un métier de crève-faim, que ce n'était pas un domaine intéressant. J'ai entendu énormément de commentaires à ce sujet et je pense que cela aussi, c'est néfaste, si cela se pratique de façon aussi courante qu'on me l'a dit.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Hyacinthe, sur le même sujet.

M. Cordeau: Premièrement.

Le Président (M. Laplante): Non, sur le sujet des écoles, de l'enseignement.

M. Cordeau: Bien, c'est la recherche agricole.

Le Président (M. Laplante): On y reviendra. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Une question additionnelle, M. le Président. Le ministre a parlé tantôt de faire des agriculteurs modernes, concernant les options agricoles qui existent dans nos écoles. Il en existe dans la région no 4 et dans la région voisine, précisément à Joliette et à la polyvalente Des Cascades à Louiseville. Mais est-ce que le ministre est au courant que, dans tout le système d'éducation présentement, les vrais parents pauvres de toute la polyvalente, c'est l'option agricole présentement? C'est l'endroit où l'on ne peut avoir à peu près pas de matériaux pour utiliser son temps et c'est l'endroit où les étudiants peuvent aller un petit peu dépenser leur temps ou perdre du temps.

Alors, ce n'est pas étonnant, à un moment donné, que les conseillers pédagogiques ou d'autres personnes, les conseillers en orientation disent aux étudiants: Si tu t'en vas là, tu vas perdre du temps, parce que nos polyvalentes sont sous-alimentées et ne peuvent pas donner l'enseignement adéquat, parce qu'elles sont directement régies par le ministère de l'Education qui, avouons-le, peu importe l'époque, a quand même des programmes des plus restreints de ce côté. Il ne semble pas y avoir de collaboration entre le ministère de l'Agriculture, qui directement est capable de fournir l'information, de fournir les données nécessaires pour former des agriculteurs modernes, et le ministère de l'Education qui, trop souvent, renferme des rêveurs modernes.

Alors, est-ce que le ministre est au courant de cela? Justement, à Sainte-Croix de Lotbinière, la journée nationale de l'agriculture, entre autres un nommé Rioux a fait des propositions du côté du Parti québécois, à l'effet qu'il faudrait absolument que le ministre songe — même si cela demande une guerre épouvantable avec le ministre de l'Education, je sais qu'à l'intérieur vous pourrez quand même vous entendre facilement — à rapatrier complètement l'enseignement agricole au ministère de l'Agriculture, pour que cela soit adéquat. Comme cela on ne découragerait pas les étudiants et on pourrait espérer une meilleure agriculture dans l'avenir.

Je viens de renchérir sur ce que mon collègue, le député d'à côté, a mentionné tantôt et je pense que c'est important.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Sur le même sujet.

M. Giasson: ... au fond, cette différence fondamentale qu'on peut retrouver entre les deux types d'enseignement, soit ce qui est donné au niveau du secteur public de l'éducation et l'expérience vécue dans d'autres écoles beaucoup plus spécialisées qui se limitent à donner l'enseignement agricole, plus les éléments de formation générale, nous la retrouvons dans les témoignages que peuvent nous donner les étudiants qui ont pris leurs connaissances agricoles au niveau du secteur public de l'éducation, quand on les fait jaser et qu'on y va plus en profondeur, et les témoignages qu'on obtient des étudiants qui sont passés par des écoles plus spécialisées dans l'enseignement agricole.

Faites parler des jeunes qui viennent des deux réseaux et vous découvrirez, de l'aveu même de ces jeunes, que vous retrouvez véritablement une âme agricole, de la part de toute l'équipe qui travaille dans les écoles plus spécialisées qui étaient autrefois sous le contrôle du ministère de l'Agriculture. On ne retrouve pas cela dans ces grandes polyvalentes et même au niveau des CEGEP, ces grosses boîtes où tout est impersonnel, numéroté. Vous ne retrouvez pas cette pensée, ce comportement, cette âme agricole, surtout, compte tenu des commentaires que le ministre a tenus tout à l'heure à l'effet que l'agriculture de nos jours était devenue une industrie: Qu'on le veuille ou pas, c'est devenu une industrie. Un cultivateur moderne progressiste, c'est un homme d'affaires. Il doit posséder un bagage de connaissance dans bien des secteurs. Il doit posséder une expérience pratique prise au moment de ses études avec des gens qui l'ont, cette pratique, ce qui est difficile à trouver dans les polyvalentes ou dans les CEGEP.

Quand on semble mettre l'accent là-dessus, c'est une bataille qui n'apparaît pas aux yeux du public mais qui est là. On l'a sentie au cours des dernières années. C'est pourquoi je dis au ministre de l'Agriculture: si sa pensée est faite de ce côté-

là, il va falloir qu'il la défende. Quelle que soit l'emprise que le ministère de l'Education voudrait mettre pour contrôler totalement, dans le réseau public ou de l'Education, l'enseignement agricole, c'est un secteur où le ministre, pour utiliser un propos qu'il employait cet après-midi, un secteur où il ne devrait pas accrocher son nom s'il fallait perdre au ministère de l'Agriculture le contrôle de l'enseignement professionnel, pas plus que la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.

Le Président (M. Laplante): Le député de Verchères, même sujet.

M. Charbonneau: Oui, mais rapidement M. le Président. Je ne voudrais pas m'éterniser sur les commentaires qui ont été faits. Juste peut-être pour rappeler aux collègues d'en face qu'on essaie d'utiliser le programme du Parti québécois pour le mettre en contradiction alors qu'à mon sens on démontre simplement que des militants du Parti québécois sont capables d'évolution entre un programme qui a été conçu en 1974-1975 et un colloque organisé en 1976. Cela prouve que les gens ont réfléchi un peu. Je trouve cela un peu bassement partisan, à une commission parlementaire, où on tentait de faire du travail sérieux...

M. Giasson: Vous déclarez, M. le député de Verchères, que les positions nettes prises par les militants du Parti ont complètement changé aujourd'hui.

M. Charbonneau: Non, d'ailleurs si vous lisez ce qui est inscrit ici — si vous voulez prendre le programme, on le prendra clairement — c'est marqué "développer l'enseignement agricole dans le système d'enseignement public." Cela ne veut pas dire nécessairement dans le réseau public. C'est dans un système pas privé. C'est cela d'une part.

Deuxièmement, le colloque qui a été organisé montre très bien que les membres du Parti québécois sont capables d'évolution. Si vous voulez charrier sur cela, on va charrier longtemps.

M. Giasson: Ce n'est pas de vouloir charrier.

M. Charbonneau: C'est la seule remarque que je voulais faire.

M. Giasson: Ce n'est pas du charriage, M. le ministre, mais une réalité fondamentale que j'ai attaquée. Je regrette que le député de Verchères ait pris la mouche comme cela.

M. Charbonneau: Les remarques que vous avez faites, je pense, étaient fondées. La plupart des membres de cette commission sont d'accord sur les remarques que vous avez faites, le ministre le premier. Mais lorsque vous tentez d'utiliser le programme du Parti québécois pour essayer de...

M. Giasson: Vous avez mal interprété ma pensée quand vous évoquez la partisanerie. Je n'ai même pas cela à l'esprit.

M. Charbonneau: Tant mieux.

M. Picotte: II n'a même pas parlé de cela, il a dit que c'était de la basse partisanerie.

M. Garon: Non, le programme est correct, il s'agit d'établir les modalités d'application.

M. Picotte: C'est du réel et c'est écrit, d'ailleurs. Il n'y a pas de bassesse là-dedans.

M. Garon: C'est un principe, que ce soit dans les écoles publiques d'agriculture.

Le Président (M. Laplante): M. le député d'Arthabaska, même sujet.

M. Baril: En parlant d'enseignement agricole, il y a quand même, actuellement, dans nos CEGEP un secteur qu'on appelle la technologie agricole où se donne un enseignement adéquat, et les personnes qui sortent de là sont très bien formées. Cela coûte énormément cher au gouvernement de maintenir ce programme actuel. Dans mon comté, il y a le CEGEP de Victoriaville qui a un département d'enseignement agricole. En parlant avec les directeurs, on s'aperçoit que c'est un enseignement très dispendieux pour le gouvernement, même s'il y a une bonne collaboration de la part des agriculteurs qui acceptent, durant l'été, un stagiaire pour le perfectionner davantage.

C'est beau de parler d'enseignement, mais en agriculture comme dans bien d'autres choses, si on étudie uniquement dans des livres, quand on vient pour le mettre en application ce n'est pas la même chose. Quand on s'aperçoit de l'efficacité de l'enseignement du CEGEP de Victoriaville, en tout cas, je suis prêt à dire que c'est un bon départ. Cela vient tout de même de l'enseignement public.

Le Président (M. Laplante): Avec le consentement unanime des membres, nous ajournons nos travaux à demain, dix heures précises. Je vous remercie. Demain, vous allez avoir un nouveau président.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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