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Version finale

28th Legislature, 4th Session
(February 25, 1969 au December 23, 1969)

Wednesday, October 15, 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 10 - Régimes matrimoniaux


Journal des débats

 

Commission permanente de l'administration de la justice

Bill 10 — Régimes matrimoniaux

Séance du 15 octobre 1969

(Dix heures vingt)

M. BERGERON (président de la commission permanente de l'administration de la Justice): A l'ordre, messieurs! Nous allons commencer nos travaux. Etant donné que nous sommes très ponctuels, nous allons commencer à l'heure.

Me Crépeau nous a présenté deux mémoires sur les articles 1266p) et 1266r). Me Crépeau, vous pourriez peut-être nous donner un compte rendu. D'ailleurs, chacun des membres recevra une copie du mémoire préparé par Me Crépeau.

M. CREPEAU: M. le Président, il y a deux lettres qui ont pour objet de répondre au voeu qu'avait exprimé votre commission, lors de sa dernière réunion. L'une concerne les modifications de fond, concernant le problème de l'assurance — problème que vous aviez soulevé lors de votre dernière séance — et l'autre concerne le problème de la terminologie, pour assurer l'uniformité dans les textes concernant les moyens, les ressources du débiteur pour la détermination des pensions alimentaires.

Si vous me le permettez, en ce qui concerne les dispositions de fond dans la lettre du 14 octobre, nous suggérons que le second alinéa de l'article 1266p) soit modifié de façon à ajouter à la fin du deuxième alinéa les mots: "... si le conjoint ou les enfants de l'époux ou du conjoint sont bénéficiaires." Si bien que cet alinéa se lirait: "Le présent article ne limite pas le droit d'un époux de désigner un tiers bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie et aucune récompense n'est due en raison des sommes ou primes payées en l'exécution de tel contrat à même les acquêts, si le conjoint ou les enfants de l'époux ou du conjoint sont bénéficiaires."

Le but, vous vous rappelez, c'est que lors de la dernière réunion, lorsqu'on avait exposé la politique législative sous-jacente, les représentants des sociétés d'assurance avaient mentionné la possibilité — qui avait d'ailleurs été évoquée en discussion à l'office — qu'il puisse y avoir à un moment donné, je pense, si j'exprime la pensée des assureurs, la possibilité pour une personne de nommer un tiers bénéficiaire en vertu d'un contrat à prime unique, et dans ce cas-là, il pourrait y avoir une fraude éventuelle. Vous aviez décidé d'adopter une politique différente de faire en sorte qu'il n'y ait pas de récompense, si les bénéficiaires restaient en quelque sorte à l'intérieur du cercle familial.

C'est la raison pour laquelle nous suggérons, de concert d'ailleurs avec les représentants des assureurs unis, que le jeu des récompenses ne soit pas pris en considération si le conjoint ou les enfants de l'époux ou du conjoint sont bénéficiaires.

Pour ce qui est du conjoint, il n'y a pas de problème mais nous avons cru devoir ajouter "ou les enfants de l'époux ou du conjoint", pour viser la situation où chacun des conjoints aurait lui-même des enfants sans que ce soient nécessairement les enfants communs. Si bien que cette terminologie permet, je pense, de prévoir à la fois les enfants de chacun des époux et les enfants qui leur seraient communs.

Alors, une fois ce texte adopté pour la société d'acquêts, il y avait lieu de faire des concordances, les incidences de ce texte sur les autres dispositions. C'est la raison pour laquelle nous vous suggérons que l'article 35 du projet soit modifié, parce qu'il s'agit d'une disposition en matière de communauté, où le même texte avait été prévu. Nous y ajoutons la même réserve. L'article 85 également, parce qu'il s'agit des biens réservés. Le même texte avait été ajouté. Nous y ajoutons, conformément à votre décision, la même réserve, si bien qu'au chapitre de la société d'acquêts, au chapitre de la communauté et des biens réservés, il y aurait une même politique législative. C'est le sens de ce premier mémoire.

M. PLAMONDON: Alors, l'article 1266p), voudrait dire qu'une personne a le droit de désigner un tiers bénéficiaire. Les primes peuvent être payées en vertu des acquêts et une récompense doit être payée au conjoint si ce tiers-là n'est pas un conjoint ou un enfant.

M. CREPEAU: C'est cela. M. COMTOIS: Exactement.

M. CREPEAU: Parce qu'au tout début nous avions cru que, dans la grande majorité des cas, normalement, ces primes seraient payées annuellement ou semi-annuellement. Ce seraient des sommes modiques en général et pour ne pas alourdir la liquidation du régime on ne -voyait pas la nécessité de prévoir le jeu des récompenses pour ces sommes modiques. Mais, devant les exemples que nous fournissaient les experts d'assurance, dans un contrat d'assurance à prix unique, comme on nous l'a fait valoir, il se peut qu'il puisse y avoir une fraude. Alors, c'est ce que vous avez voulu corriger.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela nous satisfait, je pense bien.

M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 1266...

M. CLICHE: Juste une question. La fraude consisterait en un paiement de primes exagérées.

M. COMTOIS: Exagérées ou non, l'exemple que nous avons apporté à la dernière réunion...

M. CLICHE: Exagérées ou très fortes.

M. COMTOIS: Même si ce n'est pas très exagéré. L'exemple que nous avons apporté, je crois que c'est celui-là qui va nous permettre de saisir la difficulté. Disons qu'un mari commun en biens ou marié en société d'acquêts est à la veille de se séparer, de prendre une action en séparation. A ce moment-là, il fait émettre, moyennant une prime unique, — cela pourrait être $500, cela pourrait être $1,000, cela pourrait être $10,000, cela pourrait être $100,000 — une assurance dont il nomme disons sa concubine bénéficiaire, si les lois de l'assurance le permettent. C'est cela que nous avons voulu prohiber. Dans ce cas-là, s'il le faisait et si c'était légal, il devra récompense à la société d'acquêts des deniers qu'il y a pris pour constituer ce contrat d'assurance.

M. CHICHE: Parce que l'on prévoit que les montants peuvent être élevés dans certains cas, ou très élevés, par rapport à l'actif.

M. COMTOIS: Même si cela n'était pas exagéré, disons une prime unique — je ne sais pas si c'est possible — de $500 ou $1,000, cela ne serait pas exagéré pour quelqu'un qui est millionnaire. Mais même là, cela donnera lieu à une récompense.

M. CLICHE: Exagérée par rapport à l'actif, en rapport à la valeur.

M. PLAMONDON: Je pense qu'il est important de faire la distinction. C'est que l'on considère que l'épouse de cet individu-là pourrait être lésée du fait que l'argent ayant servi à payer la prime unique...

M. CLICHE: C'est ce que je dis.

M. PLAMONDON: ... proviendrait d'un bien commun à l'épouse et à l'époux.

M. COMTOIS: Mais l'époux aurait converti en propre en quelque sorte des biens communs, des acquêts.

M. LACROIX: C'est cela. Ils bénéficieraient à une tierce personne.

UNE VOIX: C'est parfait.

M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 1266b) tel qu'amendé, adopté.

M. CREPEAU: L'autre mémoire, M. le Président... Un petit détail, M. le Président. On vient de me faire remarquer que, dans le texte qui vous a été soumis, dans la quatrième ligne du bas de la première page, il y a une virgule qui a été inséré après le mot "acquêts". Il y aurait lieu pour éviter toute ambiguïté, d'enlever cette virgule pour faire en sorte que la phrase se lise: "Et aucune récompense n'est due en raison des sommes et des primes payées à cette fin à même les acquêts si le conjoint ou les enfants..."

Si bien que ce dernier membre de phrase s'appliquerait uniquement à la première partie: "Aucune récompense n'est due en raison des sommes ou primes payées à même les acquêts."

UNE VOIX: On enlève la virgule.

M. CREPEAU: On enlève la virgule en français et en anglais.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. Est-ce qu'on pourrait demander que cette lettre soit produite au journal des Débats. Je pense que, pour la bonne compréhension, ce serait important. Les deux lettres concernant l'article 1266p) et 1266r). Nous allons demander au journal des Débats de bien vouloir les faire entrer pour la compréhension de ces deux articles.

M. CREPEAU: L'autre problème, assez fréquent, a trait à la terminologie utilisée. Faisant suite également — si vous permettez, en lisant rapidement le contenu de cette lettre — au voeu que vous aviez exprimé lors de votre dernière séance, nous avons fait une petite analyse des expressions, des termes qui sont utilisés dans le code. Nous avons vu qu'en langue anglaise, il y en a deux: il y a le mot "means", et une seule fois le mot "fortune".

En langue française, par contre, ces mots sont traduits par "moyens, facultés, fortune". Et, pour être sûr qu'il y avait de la variété, le projet que nous vous soumettions en ajoutait un quatrième le mot "ressources". Si bien que, devant ce problème, nous avons constaté que, par exemple, trois dispositions du bill no 10 emploient le mot "facultés". Les articles 191 et 200 du code civil emploient le mot "moyens" et l'article 169 du code civil emploie le mot "fortune". Ce mot est d'ailleurs, l'équivalent du texte français qui emploie également le mot "fortune" dans le cas visé.

Pour assurer l'uniformisation dans la terminologie nous nous sommes demandé quelles étaient les diverses nuances entre ces termes, et nous avons cru devoir vous donner dans le mémoire, les sens précis qui sont tirés des dictionnaires, du Robert — je pense que c'est un dictionnaire qui peut faire autorité —. Si vous voulez, pour vous permettre de décider, peut-être en meilleure connaissance de cause, je lis à la page 3: Le mot "ressources" se dit des moyens pécuniaires d'existence mais il s'emploie généralement au pluriel, pour désigner des moyens assez importants tenus en réserve pour les mauvais jours ou constituant des revenus sûrs." Le sens donné au mot "ressources" est donc assez restreint.

Le mot "moyens" employé au plusiel signifie richesses, ressources, facultés pécuniaires. Il est synonyme de facultés au sens de biens en argent, dont une personne peut disposer.

Le mot "facultés" employé au pluriel signifie biens, ressources dont quelqu'un peut disposer. Dans le langage courant, il signifie encore l'aptitude, la capacité de faire quelque chose.

Le mot "fortune" signifie l'ensemble des biens, des richesses qui appartiennent à un individu, à une collectivité. Toutefois, il s'entend le plus souvent d'un ensemble de biens de valeur considérable ou du moins importante.

Après avoir discuté avec le juge Mayrand, président du Comité du droit des personnes et de la famille, qui est précisément en train de reviser cette partie du code, relative à la famille, de même qu'avec notre confrère Me Roger Comtois, et Me Denyse Fortin-Caron, du bureau d'études, il semble que le mot "facultés", qui est utilisé à plusieurs endroits dans le code, doive déjà être préféré.

Il aurait un sens plus étendu que les mots "moyens", "ressources" et "fortune", ce qui permettrait aux tribunaux, éventuellement de prendre en considération non seulement les revenus et la fortune de chacun des époux, mais aussi leurs possibilités de gain, compte tenu de leur état de santé, de leurs capacités intellectuelles et autres.

Enfin, les mots "fortune" et "facultés" sont utilisés dans le code civil français, si bien que nous vous recommanderions, si vous le désirez, d'utiliser le mot "facultés", et alors nous utiliserions ce mot partout où cette expression est employée, notamment dans les articles 1266r), 1438, 1447 de ce projet de loi, dans les articles 191 et 200 du code civil, et à l'article 169.

M. PLAMONDON: Et dans le texte anglais...

M. CREPEAU: Le mot "means" serait uniformisé. Nous changerions l'article 169 dans sa version anglaise qui emploie le mot "fortune", pour en venir au mot "means".

MME KIRKLAND-CASGRAIN: "Means". Parfait.

M. CREPEAU: II y aurait donc un seul mot partout.

M. PLAMONDON: Est-ce que les membres de l'Office de revision du code civil seraient d'avis de suivre cette même procédure lors des prochains amendements qui seront apportés dans le code?

M. CREPEAU: Oui. Ce que nous sommes en train de faire...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: On propose une uniformisation, en somme.

M. PLAMONDON: Non seulement dans le bill 10.

M. CREPEAU: C'est cela. Nous avons créé ce comité de rédaction, qui est en train de bâtir un petit fichier de vocabulaire pour être sûr que lorsque nous employons un mot dans un sens, si nous voulons exprimer la même réalité dans un autre chapitre, nous aurons là le mot à notre disposition, et dans sa version française, et dans sa version anglaise.

M. GARDNER: Le mot "means", en anglais, n'est-il pas plus restreint que le mot "facultés" en français?

M. CREPEAU: Vous voyez, c'est possible. Seulement, quand j'en ai parlé à mes collègues de langue anglaise qui ont travaillé à la rédaction, le mot "means" semble si employé et faire partie à ce point du vocabulaire juridique, qu'ils ne voyaient aucun inconvénient; au contraire, étant donné le nombre de fois où le terme était employé en langue anglaise, ils ne voyaient aucun inconvénient pour maintenir ce mot en langue anglaise.

M. PAUL: Est-ce qu'il n'y aurait pas seulement deux termes possibles: "means" ou "fortune" pour l'anglais?

M. CREPEAU: Ce sont les deux seuls auxquels nous nous sommes arrêtés, parce qu'il n'y a qu'une seule fois où nous avons rencontré une différence dans les textes anglais, et c'est l'article 169 qui a voulu traduire littéralement le mot "fortune" en français, par "fortune". Et dans tous les autres cas, "means" était employé couramment.

M. COMTOIS: J'ai l'impression que le mot "facultés" lui-même ne se traduit presque pas en anglais. Je crois que vous avez raison de dire que le mot "facultés" est plus que "means".

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est plus vaste.

M. GARDNER : C'est mon opinion.

M. COMTOIS: Mais il y a de ces situations où on ne peut pas arriver à une traduction aussi complète, c'est le génie de la langue.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est parce que "facultés", à mon sens, ce sont des possibilités de gain, possibilités de...

M. CLICHE: Le mot "moyens" rendrait encore plus l'idée générale. Le mot "moyens" plutôt que "facultés".

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est ce que j'avais allégué la dernière fois. Mais, je me suis

ralliée à l'opinion des juristes, je ne comprends pas...

M. COMTOIS: La différence... C'est à vous à décider entre les deux ternies. Si vous dites "moyens", c'est ce qu'on a, c'est ce qui est actuel. Tandis, que "facultés", cela peut même être la possibilité éventuelle de gains, de moyens futurs.

M. PAUL: Oui, c'est cela.

M. CREPEAU: L'aptitude. Par exemple, lors des discussions à l'office, on donnait le cas d'une femme mariée qui a une profession et qui, pour des raisons de famille, reste à la maison pour avoir soin des enfants. Pendant cette période, elle a une aptitude de gains qui est plus grande que, en fait, ce qu'elle peut réaliser comme bénéfices ou comme salaire. Elle a une aptitude plus grande, si bien qu'on pourrait parler de "facultés".

M. CLICHE : Cela veut dire plus que "moyens".

M. LE PRESIDENT: Alors adopté?

M.PAUL: Est-ce que cela couvre même les gains futurs ou la possibilité de gains futurs?

UNE VOIX: La capacité de gains.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: "Earning possibility" en anglais à mon sens.

M. GARDNER: With means? ...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: "Means" c'est présent, mais ce n'est pas "possibility of earnings" nécessairement.

M. GARDNER : Oui mais il reste à dire que le mot "means" a une signification plus restreinte que le mot "facultés".

M. COMTOIS: D'accord. C'est devant l'impuissance de trouver un mot aussi...

M. GARDNER: Ne serait-il pas possible d'ajouter un mot comme le soulignait Mme Cas-grain?

M. COMTOIS: Bien, celui-là, je ne l'aime pas beaucoup.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bien, "possibility of earnings" n'est sûrement pas légal, mais cela transmet un peu l'idée de "facultés" à mon sens. Ceci n'est pas transmis dans le mot "means".

M. PAUL: C'est parce que nous voulons introduire un nouveau terme dans la version anglaise de notre code.

M. COMTOIS: Si nous en introduisons un autre, j'aimerais que ce ne soit pas celui qui est suggéré par ça; il me semble que cela obligerait le juge ou les époux, dans le cas d'une pension alimentaire, parce qu'on en emploiera partout dans le Code, notamment en matière de pension alimentaire. Est-ce qu'on va déterminer la pension alimentaire non seulement sur les "means", mais également sur les... Quelle était votre traduction, madame?

MME KIRKLAND-CASGRAIN : Je voudrais qu'on ajoute "and earning possibilities" parce que "means", à mon sens...

M. COMTOIS: "Earning possibility" surtout pour une femme, c'est presque illimité.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que cela peut s'appliquer aujourd'hui.

M. COMTOIS: Tout de même ce serait plus généralement l'homme parce que c'est une minorité de femmes qui travaillent; il n'y en a pas 50 p.c. L'homme est censé avoir plus de "means" actuels et avoir épuisé ses "earning possibilities", tandis, que la femme a peut-être moins de "means", mais est remplie de "earning possibilities". Ce n'est pas une question féministe...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je n'en fais pas du tout une question féministe mais moi, je ne vois pas, là. Je trouve que "means"...

M. COMTOIS: Mais moi, j'aimerais trouver un mot un peu moins fort que celui que vous suggérez "earning possibilities".

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Moi, je ne m'attache pas au mot. Je cherche à trouver quelque chose qui rende l'idée.

M. COMTOIS: Dans la pratique judiciaire, nous nous attachons malheureusement aux mots.

M. CREPEAU: Je pense qu'il y a une chose à laquelle il faut faire attention: c'est que dans le vocabulaire juridique en langue anglaise, le mot "means" est entré dans les moeurs.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah, pour ça, il n'y a pas de doute.

M. CREPEAU: Chaque fois qu'il est question de pension alimentaire, on dit toujours: "According to the needs of one and the means of the other".

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Comme le terme français "moyens" d'ailleurs. A moins que je sois bien démodée. Mais j'ai exercé ma profession pendant neuf ans et c'était le mot qui revenait toujours...

M. PAUL: Les moyens de payer.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... les moyens et les besoins. Il fallait toujours déterminer les besoins de la requérante ou du requérant et les moyens de l'intimé.

M. CREPEAU: C'est cela. D'autant plus que ce n'est pas seulement un terme populaire, en français non plus. C'est un terme juridique qui est employé dans le code, à deux endroits. Vous pourriez retenir le mot "moyens" en français et le mot "means" en anglais, cela correspond à une utilisation courante des termes. Seulement, si vous considérez l'état actuel du droit, vous voyez qu'il y a six articles du code civil où l'on utilise plutôt le mot "facultés", et, également dans la loi fédérale sur le divorce, on emploie le mot "facultés", et cela aurait le sens un peu plus étendu de fixer l'indemnité suivant, non seulement ce que l'on possède, mais ce que l'on est apte à gagner, les aptitudes.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. CREPEAU: Maintenant, du côté anglais, étant donné qu'il n'y a qu'un mot qui a toujours été reconnu, qui a toujours été utilisé dans la langue juridique, nos collègues estimaient que c'était parfaitement clair qu'il n'y avait pas lieu de déranger pour le seul plaisir d'uniformiser. Il y avait seulement le mot "fortune", la seule dérogation, et il semble que là, pour l'uniformisation, on puisse utiliser "means" partout dans le code.

M. GARDNER: Est-ce qu'il ne serait pas bon d'ajouter dans les définitions des termes, au début du code, la signification exacte du mot?

M. PAUL: II faudrait dresser à ce moment-là tout un dictionnaire.

M. COMTOIS: Oui.

M. CREPEAU: Le but du code civil...

M. COMTOIS: Regardez l'index à la fin, il y a quantité de termes à définir.

M. CREPEAU: Vous savez qu'à l'article 17 de notre code, nous avons ce qu'on appelle la cédule, dans laquelle il y a un certain nombre de définitions. Nous voulons éliminer cela du code civil pour deux raisons. La première, c'est que nous voudrions que le code civil parle un français courant, et que les mots utilisés dans le code aient le sens que nous donne le dictionnaire. Sauf des cas très précis où l'on a cru bon d'avoir une définition juridique. Là, cela se trouverait dans le chapitre premier de l'interprétation, qui est une des premières lois de nos statuts refondus du Québec qui fait actuellement double emploi avec cette cédule du code civil. Si bien que dans les cas où il y aurait un sens technique propre, nous refoulerions ces définitions dans le chapitre général de l'interprétation, qui s'applique à toutes les lois de la province.

M.PAUL: M. Crépeau; lorsque vous parlez d'un français courant, vous faites sûrement exception pour le terme "acquêts"...

M. CREPEAU: Vous savez, c'est un peu comme hypothèque, emphythéose... On n'osera pas dire antichrèse. Mais, dans le langage courant, c'est-à-dire la langue juridique courante peut-être... pardon?

M. LACROIX: Des mots sur lesquels on passe vite. C'est pour cela qu'on les appelle courants.

M. CREPEAU: "Emphytéotique" au fond, on s'y habitue.

M. PAUL: Ce n'est pas pour référer à des discussions passées.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'aime beaucoup que cela vienne de vous.

M. LE PRESIDENT: Alors, est-ce qu'on accepte les suggestions de nos experts pour se situer dans nos facultés?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Moi, j'aurais une question à poser. Par exemple, nos juges sont bilingues pour la majorité. Alors, s'ils sont un peu embêtés pour interpréter "means" dans son sens le plus vaste, quand ils vont voir le mot "facultés", ils vont sûrement être influencés par ça, j'imagine.

M. CREPEAU: Sans aucun doute.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. CREPEAU: Suivant la règle normale d'interprétation, M. le Président, aucun texte n'a préséance.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Alors, en l'occurrence, moi, ça me satisfait. Je sais qu'il y a déjà ce terme utilisé en français.

M.PAUL: M. Crépeau, je me réfère de mémoire aux règles d'interprétation. Je crois que ce sont les articles 1013 et les suivants du code, à moins que je ne me trompe.

M. CREPEAU: Au sujet?

M. PAUL: Des règles de l'interprétation.

M. CREPEAU: Des contrats?

M. PAUL: Des contrats. L'interprétation des contrats. Ah, des contrats, très bien !

M. CREPEAU: L'article 1013 du code civil. M. PAUL: Excusez, très bien. M. GARDNER: Adopté.

M. PAUL: Monsieur le professeur nous donne une lumière verte.

M. LE PRESIDENT: Alors, adopté. Le 1266s). La société d'acquêts se dissout: 1. Par le décès de l'un des époux; 2. Par la dissolution du mariage pour une cause autre que le décès; 3. Par le changement conventionnel de régime selon les dispositions des articles 1265 et suivants; 4. Par le jugement qui prononce la séparation de corps ou la séparation de biens; 5. Par l'absence de l'un des époux dans les cas prévus aux articles 109 et 110 du code civil.

M. CREPEAU: II y aurait lieu, si vous permettez, d'ajouter un sixième cas: le divorce.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. CREPEAU: Maintenant, sur la terminologie elle-même, je pense qu'il y a une petite divergence d'opinions: dans le bill 8, le législateur québécois a parlé du divorce légalement prononcé. Nous estimons, nous, pour que, lorsqu'on dit divorce, nous présumons qu'un divorce a été légalement prononcé, et qu'il n'y aurait pas lieu de le dire. Quand on dit le divorce, ça nous parait suffisant, seulement, question de concordance, comme le législateur a récemment parlé du divorce légalement prononcé, la question se pose de savoir ce que vous pensez.

M. PAUL: M. Crépeau, est-ce qu'il n'y a pas possibilité de détourner votre argumentation? Je le dis, d'une façon bien objective, avec beaucoup de courtoisie. Si, à quatre, par exemple, on disait: Par le jugement qui prononce la séparation de biens ou le divorce, vous ne mettriez pas un sixième paragraphe. Et à ce moment là, vous donneriez l'interprétation qu'on a donnée dans la loi du divorce.

M. CREPEAU: D'accord. Maintenant, si, dans l'ordre décroissant, M. le ministre, vous disiez: Par le jugement qui prononce le divorce, la séparation de corps, la séparation de biens?

M. PAUL: Oui, c'est bien.

M. CREPEAU: Je pense que ce serait un rapport tout à fait préférable.

M. PAUL: Cela nous évite d'ajouter un sixième paragraphe.

M. CREPEAU: C'est ça!

M. PAUL: Et ça interprète exactement de la même façon ce que le législateur a voulu consacrer par le terme "divorce légalement prononcé".

M. CREPEAU: II faudrait, je pense, enlever alors le deuxième paragraphe de cet article, qui a été inséré au moment où cette cause existait, mais par un euphémisme, on n'osait trop le dire: Par la dissolution du mariage pour une cause autre que le décès.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui. Parce que le divorce n'était pas légalement prononcé dans la province de Québec.

M. CREPEAU: Mais, à ce moment-là, le mot était honni.

M. PAUL: II était indécent!

M. CREPEAU: Si bien qu'on pourrait dire: Par le jugement qui prononce le divorce, la séparation de corps ou la séparation de biens.

M. PAUL: Et faire disparaître le paragraphe 2.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, là dessus, j'aimerais bien avoir l'opinion des juristes que nous avons avec nous, qui eux, ont étudié, je pense, en France. Est-ce que ce n'est pas exact de dire que cet article va placer la Québécoise dans une situation plus avantageuse que la femme française à l'occasion de la dissolution soit par le divorce ou toute autre cause?

En d'autres termes, est-ce qu'il est exact de dire qu'en France la légitime n'est pas protégée au moment d'une séparation ou d'un divorce, alors que, par cet article, ici, la Québécoise sera protégée? C'est ma question. Est-ce que c'est précis?

M. COMTOIS: Je crois qu'en France, à la suite d'un divorce, là où il y avait communauté de biens ou communauté réduite aux acquêts, cela donne ouverture, c'est une dissolution de communauté. Quand vous dites "la légitime", voulez-vous dire la femme légitime ou la légitime en matière de succession?

M. CREPEAU: Par succession.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: D'accord, la femme légitime.

M. CREPEAU: Ni ici, ni là-bas, la dissolution de communauté ne donne lieu à des paiements

de nature successorale. C'est seulement la société d'acquêts, ici, qui est dissoute, et ce n'est que la part d'acquêts que le conjoint a le droit de réclamer, qui peut être réclamée.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, je comprends. Mais je me suis laissé dire —et je veux savoir si c'est exact — qu'en France, justement, la légitime n'était pas protégée de la même façon, n'avait pas cette protection.

M. COMTOIS: La légitime... C'est-à-dire la séparation, le divorce ne donnent pas ouverture à la légitime.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bon, c'est cela...

M. COMTOIS: C'est uniquement le décès. C'est la même chose ici. D'ailleurs, on n'a même pas de légitime ici encore.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais non... M. CREPEAU: C'est cela, la différence.

M. COMTOIS: A moins que vous ne disiez que la société d'acquêts est une espèce de légitime?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Mais l'épouse survivante, disons, de la société d'acquêts, se trouvera protégée par cet article.

M. COMTOIS: Comme la femme en France.

M. CREPEAU: Je pense que dans l'état actuel de notre droit, étant donné que nous, ici, dans la province de Québec, nous avons, encore pour un certain temps, le principe de la liberté illimitée de tester...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est cela.

M. CREPEAU: ... par ces dispositions, je pense que nous accordons une protection beaucoup plus grande à la femme. Parce que, dès le moment de la dissolution, que ce soit par divorce, par séparation de corps, ou même par une simple séparation de biens, elle obtient de droit la moitié des acquêts, ce qui lui est une protection efficace. D'autant plus efficace qu'au terme, par le décès, nous n'avons pas encore de quotité réservée à la femme.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est justement ce que je voulais vous entendre dire, M. le Président. Depuis le temps qu'on nous vante les lois françaises et qu'on nous dit que les Françaises mariées sont dans une situation beaucoup supérieure à la nôtre, je suis contente de cette mise au point et c'est ce que je tentais d'obtenir. Je vous remercie.

M. CREPEAU: Cependant, si vous me le permettez, lorsque le comité du droit des personnes et de la famille aura passé à la réforme du droit successoral, à ce moment-là, je pense que nous allons pouvoir vous proposer une modification de l'article 831, qui verra, d'une façon ou d'une autre — parce qu'il y a plusieurs façons de le faire — à restreindre les pouvoirs de tester.

M. LE PRESIDENT: Alors adopté, 1266...

M. PAUL: Un instant, M. le Président, il faut bien s'entendre, le deuxièmement de 1266s) disparaîtrait complètement...

M. LE PRESIDENT: C'est cela.

M. PAUL: ... et ensuite 3 devient 2 et ainsi de suite...

M. LE PRESIDENT: C'est cela. 3 devient 2, 4 devient 3, et au nouveau 3: "... qui prononce le divorce, la séparation de corps,...

M. PAUL: Très bien.

M. LE PRESIDENT: ... ou la séparation de biens." Et 5 devient 4...

UNE VOIX: Pas de virgule...

M. PAUL: Non. Le divorce, la séparation de corps ou la séparation de biens, il n'y a pas de virgule...

M. LE PRESIDENT: A l'article 1266t): "Après la dissolution du régime, chaque époux conserve ses biens propres. "Il a la faculté d'accepter le partage des acquêts de son conjoint ou d'y renoncer, nonobstant toute convention contraire".

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela me parait logique.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: De notre côté, adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 1266u): "L'acceptation peut être expresse ou tacite. L'acceptation tacite peut résulter notamment de l'immixtion de l'époux dans la gestion des acquêts de son conjoint, postérieurement à la dissolution du régime. Les actes conservatoires ou du pure administration n'emportent point immixtion".

M. PAUL: Est-ce que vous ne mettez pas un peu de côté les principes du code aux environs de l'article 940, à l'effet qu'on ait trois mois pour faire l'inventaire et 40 jours pour délibérer? C'est à l'article 1266u).

M. Crépeau, c'est la deuxième fois que Mme Kirkland-Casgrain me souffle, et moi-même cela m'avait un peu chatouillé: Est-ce que le mot "immixtion" n'est pas un terme nouveau dans notre langage juridique?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Dans le code civil, je ne me souviens pas d'avoir vu cela.

M. COMTOIS: S'immiscer, c'est dans le code civil.

M. CREPEAU: S'immiscer, par exemple, dans les acceptations.

M. COMTOIS: D'après moi, dans le code, le mot existe déjà. J'ai l'impression qu'il existe déjà.

Le mot "immixtion" est à l'article 1339 du code actuel, deuxième paragraphe. "Les actes purement administratifs ou conservatoires n'emportent pas immixtion."

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah! M. COMTOIS' A l'article 1339. M. PAUL: Je m'excuse.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Quel article avez-vous dit?

M.PAUL: L'article 1339, deuxième paragraphe. "Les actes purement administratifs ou conservatoires n'emportent pas immixtion."

Maintenant, j'ai soulevé un autre point. Cela a effleuré tout simplement mon intelligence. Est-ce qu'on ne met pas de côté le principe de droit acquis à l'effet qu'un héritier a le droit de faire inventaire durant trois mois et délibérer pendant 40 jours?

M. BERGERON: Ce n'est pas un cas d'héritage.

M. COMTOIS: En matière de succession, en matière de dissolution de communauté, ce sont à peu près les mêmes principes, pour l'acceptation, pour la renonciation et pour le bénéfice d'inventaire. Je crois que, nulle part dans le code actuel, on oblige quelqu'un à faire inventaire ou délibérer quand il est prêt à accepter tout de suite, disons bêtement. Par contre, si on donne un délai de trois mois pour faire inventaire et de 40 jours pour délibérer, cela est bien plus pour celui qui veut, soit renoncer, soit accepter ce bénéfice d'inventaire. On ne peut pas accepter ce bénéfice d'inventaire à moins de faire inventaire et pour faire inventaire on donne ce délai-là.

M. PAUL: D'un autre côté, au point de vue pratique, je pense bien que le conjoint va être assez bien au courant de ce dont peut se composer la société d'acquêts.

M. COMTOIS: Dans la pratique, s'il est sûr que l'affaire est bonne. Il va accepter tout de suite. S'il est sûr qu'elle est mauvaise, il va renoncer tout de suite. S'il a des doutes, il prendra ses trois mois pour faire inventaire et 40 jours pour délibérer. Cela lui est acquis actuellement et cela lui est reconnu de nouveau dans le bill 10.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela ne lui est pas enlevé ici.

M. COMTOIS: Il n'y a pas de nouveau là-dessus. Ce sont à peu près les mêmes méthodes d'option du conjoint survivant, ou du conjoint tout court, pour le cas d'un divorce ou d'une séparation.

M.PAUL: Ou dans le cas de succession. A l'article 1342 ici, dans le code, je crois que c'est le même principe.

M. CLICHE: L'immixtion, cela veut dire plus que pure administration.

M. PAUL: Pardon?

M. CLICHE: L'immixtion, quel sens doit-on lui donner?

M. COMTOIS: C'est se mêler, s'immiscer dans quelque chose.

M. PAUL: Gestion.

M. CLICHE: Cela veut dire plus qu'administration .

M. COMTOIS: Oui, parce qu'on peut administrer pour sauvegarder les intérêts, sans pour autant faire acte d'héritier. Par exemple quelqu'un va payer une dette de la succession ou de la communauté, ce n'est pas un acte d'immixtion. Mais celui qui prend les biens pour se les approprier, cela est un acte d'immixtion et là il a fait un acte d'héritier ou d'acceptant.

M. CLICHE: Immixtion, cela veut dire quoi?

M. COMTOIS: Cela veut dire s'immiscer, se comporter comme si c'était notre propriété.

M. CLICHE: Vous dites: 'Immixtion dans la gestion", et vous dites ensuite: "La pure administration n'emporte point immixtion."

M. COMTOIS: Oui. Les actes conservatoires ou de pure administration n'équivalent pas à immixtion, donc ne signifient pas acceptation. Mettre les deux mots ensemble, j'admets que c'est un petit peu choquant. Ces mots que vous mentionniez là. A quel article, monsieur?

M. PAUL: L'article 1266.

M. COMTOIS: L'immixtion de l'époux dans la gestion, cela se ressemble un peu.

M. PAUL: Non, mais c'est précisément pour cela, L'acceptation tacite peut résulter...

M COMTOIS: Là, il y a vraiment une immixtion. C'est précisément cela...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela peut donner nature à controverse, c'est une interprétation qui va être...

M. PAUL: Pour dire la vérité, c'est purement administré. Non pas immiscé.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Jusqu'où va aller l'acte de pure administration? Si c'étaient seulement: Les actes conservatoires ça n'emporte point immixtion" d'accord, mais les actes conservatoires ou de pure administration...

M. CREPEAU: II faut dire que les termes de l'administration et de pure administration, là, je vous avoue... Je me souviens des cours ou on nous donnait le sens de ces mots. Il est certain qu'il est assez difficile de savoir si, par exemple, si vous achetez un pot de peinture pour rénover une pièce, il s'agit d'un acte de pure administration ou d'un acte d'administration. Mais, je pense pouvoir dire que, dans un cas comme celui-là, ces mots "pure administration" sont des termes que nous utilisons couramment et que nous voulons distinguer de celui qui, en fait, se constitue le gérant des biens.

M. COMTOIS: Est-ce que cela vous satisfait d'enlever les mots "dans la gestion"? Pourriez-vous dire notamment "l'immixtion dans les acquêts de son conjoint"? Est-ce que cela vous paraîtrait plus clair?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Est-ce que nous pourrions le relire?

M.PAUL: L'acceptation tacite peut résulter notamment...

M. COMTOIS: En tout cas, si vous relisez l'article 1339, c'est le correspondant de l'article 1266u), à la différence que l'on a changé les termes. On dit dans l'article 1339: "La femme qui s'est immiscée dans les biens de la communauté ne peut y renoncer." Ensuite, les actes purement administratifs ou conservatoires n'emportent pas immixtion Alors, ici on ne dit pas: "La femme qui s'est immiscée dans la gestion des biens de la communauté" nous l'avons dit dans l'article 1266u), dans l'immixtion de l'époux, dans la gestion des acquêts. Je pense, pour ma part, pour le moment, que nous pourrions peut-être enlever les mots "dans la gestion" et dire "dans les acquêts", si vous croyez que c'est plus clair.

M. COMTOIS: L'immixtion dans la gestion est presque contradictoire s'il y a immixtion, ce n'est pas seulement de la gestion. C'est plus que cela.

M. GARDNER: Il n'y a pas d'immixtion sans la gestion.

M. COMTOIS: Mais il peut y avoir immixtion sans la gestion. C'est cela que je veux dire là. C'est ce que l'on dit dans la dernière partie de la phrase. "Les actes conservatoires ou de pure administration", c'est de la gestion mais primaire, élémentaire. Cela n'emporte pas immixtion, cela n'emporte pas acceptation.

M. PLAMONDON: C'est un article qui va donner du travail aux hommes de loi.

M. PAUL: A ce moment-là, vous rencontrez plus la phraséologie que l'on retrouve à l'article 1339.

M. COMTOIS: Peut-être.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: II me semble que cela paraîtrait mieux de dire le conjoint qui s'est immiscé...

M. PAUL: Dans les acquêts.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... dans les acquêts, oui. La formule qui existe là.

M. PAUL: Alors, la gestion disparaîtrait.

M. LUC PLAMONDON: Est-ce que le président me permettrait une intervention à titre personnel? Il y a trois endroits dans le code, où l'on a ce même genre de problèmes. L'héritier qui a un délai d'inventaire pour décider si oui ou non il doit se porter héritier et durant cette période, il a droit de poser certains gestes de pure administration. Il y a la question de la communauté et il y a la question aussi de la société d'acquêts. Est-ce que nous ne devrions pas avoir entre ces trois-là uniformité de terminologie, au moins pour décider des actes de pure administration — les actes conservatoires ne seront pas considérés comme des actes d'acceptation d'hérédité ou de communauté — et employer si possible dans ces trois endroits-là, les mêmes mots dans le même genre de phrase?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. LUC PLAMONDON: Pour l'hérédité, ce sont les articles 645 et 646 du code actuel.

M. PAUL: Est-ce qu'au point de vue pratique, nous ne pourrions pas, par simplification, modifier les termes de 645 et 646? Il faudrait un amendement, une loi spéciale pour amender le code civil?

M. LUC PLAMONDON: Non, je posais ma question, étant donné que Me Crépeau avait fait allusion au fait qu'il préparait une sorte d'uniformité dans certains termes. Il pourrait faire la même chose à l'intérieur de l'office sur ce point.

M. CLICHE: II me semble que 645 et 646 sont très précis et très clairs.

M. CREPEAU: M. le Président, une suggestion pourrait être faite qui pourrait avoir votre adhésion, pour se rapprocher le plus possible de 1339 et qui dit: "La femme qui s'est immiscée dans les biens de la communauté ne peut y renoncer." Alors, est-ce que vous accepteriez quelque chose à 1266u), comme " l'acceptation tacite peut résulter notamment du fait que l'époux s'est immiscé dans les acquêts de son conjoint."

M. COMTOIS: On pourrait avoir une phrase encore plus calquée sur 1339: L'époux qui s'est immiscé dans les acquêts ne peut plus y renoncer.

M. CREPEAU: Non, je ne crois pas que l'on puisse parce qu'il s'agit de parler ici d'un cas d'acceptation tacite. Quand y a-t-il acceptation tacite? C'est lorsqu'un époux s'est immiscé dans les acquêts de son conjoint.

M. COMTOIS: Oui, mais mon cher collègue, 1339 à propos de la communauté, le premier paragraphe donne un cas d'acceptation tacite, c'est bien clair. La femme qui s'est immiscée dans les biens ne peut plus y renoncer. C'est un cas d'acceptation tacite. Pourquoi n'aurions-nous pas le même raisonnement, pour la société d'acquêts?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pourquoi mentionner...

M. COMTOIS: Maintenant, dans les successions, c'est...

UNE VOIX: 645 et 646.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est cela.

M. CREPEAU: Si on avait: "L'acceptation tacite peut résulter notamment du fait que l'époux s'est immiscé dans les acquêts de son conjoint."

M. COMTOIS: Je crois que c'est du pareil au même. Sauf que, dans la formule que je propose, c'est plus calqué sur l'article 1339, mais l'autre définit en même temps et dit que c'est une acceptation tacite.

M. CREPEAU: C'est cela.

M. COMTOIS: Peut-être que c'est mieux comme cela, d'autant plus que ce n'est pas le seul cas.

M. CREPEAU: Ce n'est pas le seul cas, c'est cela. Est-ce que cela vous conviendrait? "L'acceptation peut être expresse ou tacite." Ensuite, on donne un cas d'acceptation tacite: "L'acceptation tacite peut résulter notamment du fait que l'époux s'est immiscé dans les acquêts de son conjoint, postérieurement à la dissolution du régime." Et on est tout à fait aussi près que possible de l'article 1339.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, moi, je préfère.

M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 1266u) adopté avec amendements?

Article 1266v): La renonciation doit être faite par acte notarié portant minutes, ou par déclaration judiciaire dont il est donné acte par le tribunal. Elle doit être enregistrée au bureau de la division d'enregistrement où se trouve le domicile conjugal.

L'époux qui n'a pas enregistré sa renonciation dans un délai d'un an, à compter du jour de la dissolution, est réputé acceptant.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que mon collègue, M. Cliche, a quelque chose à dire là-dessus.

M. CLICHE: En parlant de la profession légale je veux dire les avocats, j'ai des objections au texte tel que préparé parce qu'on imite la formule de la renonciation à un acte notarié.

M. PAUL: Voici, mon cher confrère, peut-être que par solidarité avec vous...

M. CLICHE: Ce n'est pas nouveau.

M.PAUL: Je dirais qu'on a peut-être le moyen de détourner le texte...

M.PLAMONDON: Ah, c'est bien un avocat!

M. CLICHE: C'est cela.

M. PAUL: ... par déclaration judiciaire ou par déclaration judiciaire dont il est donné acte par le tribunal. Alors, à ce moment-là, c'est l'avocat qui préparera la procédure.

M. CLICHE: C'est cela.

M. PAUL: Alors, nous sommes protégés, nous sommes couverts.

M. COMTOIS: J'aimerais préciser à M. Cliche qu'il n'y a rien de nouveau dans cette exigence. La forme notariée est exigée pour les renonciations en succession elle l'est également pour les renonciations en communauté. On a trouvé — ce n'est pas une réflexion de notaire —

tout naturel d'exiger la forme notariée pour la renonciation aux acquêts.

M.PAUL: Et pour la déclaration judiciaire, il faudra —c'est dans les us et coutumes —que cela soit préparé par l'avocat.

M. COMTOIS: C'est l'avocat qui préparera la requête.

M. PAUL: C'est cela.

M. COMTOIS: De toute façon, cela n'intéresse pas les avocats. C'est une petite matière.

M. PAUL C'est parce qu'on est en train de se faire dépouiller devant le tribunal du Travail.

M. LE PRESIDENT: Alors, article 1266v) adopté?

M. PLAMONDON: Excusez le profane que je suis: Est-ce que cela veut bien dire que cette renonciation doit être faite ou par un notaire, ou par un avocat, et non par les deux qui doivent y participer?

M. COMTOIS: II doit y avoir les deux.

M. PAUL: Si le type a assez de connaissances légales pour préparer une espèce de procédure qui peut être jugée acceptable et suffisante par le tribunal, il peut toujours le faire. C'est comme ceux qui, à un moment donné, se présentent seuls devant la cour pour défendre leurs intérêts, tant au civil qu'au criminel, s'ils en prennent le risque. C'est un peu la même chose. Tout ce qui pourrait arriver, c'est que le juge pourrait dire: Votre déclaration n'est pas suffisante ou n'est pas conforme aux règles générales de la procédure.

M. PLAMONDON: Est-ce à dire que l'individu est obligé d'avoir recours aux services et d'un notaire et d'un avocat?

M. PAUL: Professions l'une ou l'autre indispensables pour le bien commun de la société!

M. PLAMONDON: J'ai l'impression que je n'aurai pas le dernier mot.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'aime bien quand même l'expression de M. Plamondon.

C'est parce que dans les causes extrêmement complexes, lorsqu'un des époux est décédé avant l'autre souvent l'avocat est appelé même s'il y a un testament notarié à... Je comprends que déclaration judiciaire, est ce que cela ne va pas...

M. PAUL: C'est un jugement.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. PAUL: Même là, si c'est par acte notarié, rien n'empêchera l'avocat, un procédurier ou un autre, de trouver une faiblesse dans la procédure notariée et de l'attaquer quand même devant les tribunaux.

M. CLICHE: II devra même.

M. PAUL: C'est son devoir. Je me demande si on ne devrait pas...

M. LE PRESIDENT: Alors adopté? MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 1266w): "Si l'époux renonce, la part à laquelle il aurait eu droit dans les acquêts de son conjoint reste acquise à ce dernier. "Toutefois les créanciers de l'époux peuvent attaquer la renonciation faite par lui ou ses héritiers en fraude de leurs droits et accepter de leur chef. Dans ce cas, la renonciation n'est annulée qu'en faveur de ces créanciers et jusqu'à concurrence de leurs créances."

C'est le même principe.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que cela s'impose.

M. LE PRESIDENT: C'est le même principe qu'on retrouve dans la renonciation à la succession.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui. M. LE PRESIDENT: Adopté? M.PAUL: Adopté. MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 1266x): "L'é poux qui a diverti ou recelé des acquêts de son conjoint est déclaré acceptant, nonobstant toute renonciation; et il est de plus privé de sa part dans ces acquêts".

M. PAUL: Pourquoi cette partie de phrase: "II est de plus privé..."? Si à un moment donné il a décidé, lui, le conjoint, de dire: Eh bien oui, j'accepte. Par le fait qu'il ne déclare pas ou qu'il récèle, doit-il être dépouillé? Est-ce que cela n'est pas un peu dangereux tout ça, messieurs les juristes?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est un peu draconien au premier abord.

UNE VOIX: Est de plus privé de sa part qui a diverti ou recelé.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, eh bien, à ce moment-là. Pourquoi ne pas le dire?

M. PAUL: En cas de fraude ou preuve de fraude.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, il me semble, même qu'il y a redondance.

M. PAUL: Parce que là, il n'y a pas de justification si on n'ajoute rien, à mon point de vue. Vous ne trouvez pas, messieurs, qu'il y aurait lieu d'ajouter quelque chose pour donner un sens pratique, pour que ne soit pas interprétée comme trop draconienne cette dernière partie du 1266?

M. CREPEAU: Je vois très bien.

M. COMTOIS: "L'époux qui a diverti ou recelé est déclaré acceptant. Il est de plus privé de sa part dans ces acquêts". Je crois que c'est une disposition analogue à l'article 1348, à propos de la communauté: "La veuve qui a diverti ou recelé quelques effets de la communauté est déclarée commune, nonobstant sa renonciation." Non, ce n'est pas cela.

M. PAUL: Ils n'ont pas ce petit bout de phrase-là: "II est de plus privé de sa part dans ces acquêts." 659 aussi, on ne met pas de pénalité.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que c'est une règle générale qui est passablement draconienne. Je me demande si...

UNE VOIX: Est-ce que nous pouvons donner un exemple pratique?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: S'il y a preuve de fraude, il est de plus privé de sa part dans ces acquêts.

M. LE PRESIDENT: Nous avons la même chose à l'article 659: "Sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recelés."

M. BEAUDOIN: Oh oui, seulement dans les objets divertis mais pas dans...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pas dans sa part...

M. LE PRESIDENT: Dans ces acquêts — les acquêts divertis ou recelés —.

M. BEAUDOIN: Non.

M. CREPEAU: Ce ne sont pas les siens ces acquêts. Ce sont les acquêts de son conjoint.

M. BEAUDOIN: Ce sont des acquêts divertis et recelés.

M. CREPEAU: Ce ne sont pas "ses" acquêts. MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah!

M. BEAUDOIN: On ne l'a pas compris. M. LE PRESIDENT: C'est vrai, cela. M. CREPEAU: Bien oui, c'est exact.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Si on ne l'a pas compris, il y en a d'autres qui ne le comprendront pas.

M. BEAUDOIN: On pourrait dire: Dans les acquêts divertis et recelés.

M. LE PRESIDENT: On pourrait ajouter peut-être: Dans ces acquêts divertis ou recelés.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Divertis ou recelés, absolument.

M. CREPEAU: Ces acquêts, c'est ce que cela veut dire.

M. LE PRESIDENT: C'est parce que nous, nous l'avons lu.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.

M. COMTOIS: Je repasse l'article que nous cherchions tout à l'heure. C'était l'article 659: "Dans les cas de succession, celui qui a caché, en somme, des biens, qui les a dissimulés, demeure héritier, nonobstant sa renonciation sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recelés."

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui, c'est le même principe mais je me demande si on ne peut pas ajouter: Dans les acquêts divertis ou recelés.

M. LE PRESIDENT: Dans ces acquêts divertis ou recelés.

M. COMTOIS: Peut-être.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pas toujours...

M. PAUL: Plutôt: Dans ces acquêts divertis ou recelés. Je pense que vous avez raison.

M. COMTOIS: Dans les acquêts ainsi divertis ou recelés — quelque chose comme cela. C'est assez clair, même nous, à la première lecture, nous sommes perdus — comme tout le monde.

M. CREPEAU: Oui, mais c'est parce que c'est la différence. Quand on dit: Ces acquêts, si c'est "ses", il n'y a pas de problème; mais dès qu'on dit "ces", il me semble que c'est nécessairement ceux auxquels on vient de parler. Ce sont des acquêts divertis ou recelés.

M. COMTOIS: Mais si on est obligé de faire un raisonnement pour le comprendre...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.

M. COMTOIS: J'aimerais mieux comprendre, comme l'article 659 le dit: Dans les acquêts ainsi divertis ou recelés.

M. CREPEAU: Ainsi divertis ou recelés.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui — ce serait mieux.

M. PAUL: Ce serait peut-être plus facile pour l'interprétation à prime abord, si on répétait le mot "ainsi"...

M. COMTOIS: Nous ne serons pas tous là. Ça va être difficile à expliquer.

M. LE PRESIDENT: Pour la gouverne des professeurs, je pense que...

M. GARDNER: Faut laisser du travail aux avocats.

M. COMTOIS: Bon alors: Dans ces acquêts ainsi divertis ou recelés.

M. CREPEAU: Ainsi divertis ou recelés.

M. LE PRESIDENT: Très bien, alors on va adopter avec amendement...

M. CLICHE: La sanction demeure. MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah, oui! M. PAUL: Oui mais là, on précise.

M. CLICHE: ... comme on l'a dit tout à l'heure.

M. PAUL: C'est cela.

M. CLICHE: C'est un principe...

M. PAUL: Parce que là, ce qu'on condamne, c'est un acte de fraude. C'est un principe qui est déjà reconnu en droit de succession.

M. PLAMONDON: C'est une continuité, justement, avec ce qui existe ailleurs.

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 1266y), l'acceptation ou la renonciation une fois faite, est irrévocable.

M. PAUL: Excusez-donc M. le Président, me permettriez-vous de revenir encore une fois là-dessus? Où iront ces biens divertis ou recelés, s'il perd le droit.

M. COMTOIS: Ils vont aller à l'autre héritier...

M. LE PRESIDENT: On l'a vu tout à l'heure.

M. COMTOIS: Ils vont rester en somme... M. LE PRESIDENT: A l'autre sociétaire.

M. PAUL: C'est parce que là, je pensais, j'avais le concept de la succession, mais ce n'est pas cela. Très bien.

M. LE PRESIDENT: Le relevé nous dit: "Si l'époux renonce, la part à laquelle il aurait eu droit dans les acquêts de son conjoint reste acquise à ce dernier."

M. PAUL: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Alors, à l'article 1266y). L'acceptation ou la renonciation une fois faite est irrévocable.

M. PLAMONDON: II n'y a pas de période de temps de précisée, une fois faite. Avant l'acceptation ou la renonciation.

M. BEAUDOIN: Pourquoi "une fois faite? " Est-ce que cela ajoute quelque chose? Comme on ne peut pas la faire deux fois...

M. CREPEAU: Vous voulez dire l'expression: "L'acceptation ou la renonciation est irrévocable".

M. BEAUDOIN: Oui, c'est cela, je pense.

M. CLICHE: Parce que la formule française est la traduction du texte anglais.

M. COMTOIS: Là, on se mêle. On a fait l'anglais après le français là-dedans.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela montre l'influence qu'on a ici.

M. LE PRESIDENT: Cela prouve que l'uni-linguisme est impossible.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Si Jean-Noël était ici...

M. COMTOIS: Dans l'article 1340, on disait: "La femme qui a une fois pris la qualité de commune, ne peut plus y renoncer." Une fois faite, ou avoir pris une fois la qualité de commune...

M. CREPEAU: Mais j'avoue franchement que je pense qu'on pourrait l'enlever sans...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. COMTOIS: C'est l'acceptation ou la renonciation...

M. CREPEAU: ... est irrévocable.

UNE VOIX: ... Il faudrait l'enlever en anglais également.

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 1266z): "Lorsque le régime est dissous par le décès, les héritiers de l'époux décédé ont la faculté d'accepter le partage des acquêts du conjoint survivant ou d'y renoncer, et les dispositions des articles 1266s) à 1266w) leur sont applicables. Si, parmi les héritiers, l'un accepte et les autres renoncent, celui qui accepte ne peut prendre que la portion d'acquêts qu'il aurait eue si tous avaient accepté.

Lorsqu'un époux décède alors qu'il était encore en droit de renoncer, ses héritiers ont, à compter du décès, un nouveau délai d'un an pour enregistrer leur renonciation."

M. CLICHE: Oui, exactement. Dans le fond, l'héritier qui accepte, alors que ses co-héritiers renoncent, ne reçoit que sa part ou s'il reçoit le tout?

M. COMTOIS: Je crois qu'il reçoit tout.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Tout, tout. Alors, je ne comprends pas pourquoi les restrictions ici.

M. COMTOIS: Le cas qu'on a d'abord prévu avant 1266, c'est celui où la dissolution a lieu, disons à la suite d'un divorce. Le mari ou la femme sont là pour décider s'ils vont prendre les acquêts de leur conjoint ou s'ils vont y renoncer. Pour 1266, c'est le cas où la dissolution est causée par le décès. Alors, on a le cas, disons d'un homme qui décède, laissant une femme et laissant cinq enfants, d'accord? Le régime est dissous par le décès. Les héritiers de l'époux décédé, les héritiers du mari, ont la faculté d'accepter le partage ou d'y renoncer, cela va bien? Maintenant, si un des cinq enfants dit: Moi j'accepte, et si les autres disent: Nous renonçons, celui qui accepte ne prendra qu'un cinquième...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.

M. COMTOIS: ... des acquêts, ou la moitié des acquêts. Je pense que c'est la même chose dans une succession. S'il y avait deux successions qui s'ouvrent coup sur coup...

UNE VOIX: Sur la masse.

M. COMTOIS: Si vous avez une succession au sujet de laquelle les héritiers n'ont pas encore pris parti, et si un des héritiers décède, laissant lui-même cinq enfants — pour suivre un même exemple — les cinq enfants sont libres d'accepter. Mais s'ils acceptent, ils auront seulement la part, leur part virile, un cinquième. Je pense que c'est la même chose.

M. PAUL: Excusez, peut-être l'avez-vous mentionné, j'ai été un peu distrait. Supposons qu'il y en a quatre?

M. COMTOIS: Quatre enfants.

M. PAUL: Trois n'osent pas accepter pour le moment. Un, dit: Moi, j'accepte. Par conséquent il a un quart.

M. COMTOIS: II prend le quart.

M. PAUL: Et si les autres renoncent subsé-quemment, les 3 autres quarts vont aller à qui?

M. COMTOIS: Dans notre cas ici, il s'agit des acquêts de la femme, c'est le mari qui est mort.

M. PAUL: Oui.

M. COMTOIS: La femme va garder sa moitié d'acquêts plus les trois quarts des acquêts de son mari.

M. LE PRESIDENT: C'est ce que l'autre avait énoncé.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, disons...

M. GARDNER: Si la femme refuse?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Disons que le mari et la femme décèdent en même temps dans un accident d'automobile.

M. GARDNER: La femme n'a pas le choix de refuser.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: La femme est présumée être morte.

M. PAUL: C'est parce qu'on est trop souvent porté à mêler le chapitre des successions à ça, c'est là le problème.

M. COMTOIS: Mais, je pense que c'est quand même le même principe.

M. PAUL: Oui.

M. COMTOIS: Mais avec la différence que ça supposerait qu'il y ait deux successions qui s'ouvrent coup sur coup avant qu'on ait pris parti sur la première.

M.PAUL: C'est cela.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Merci.

M. PAUL: Très bien.

M. COMTOIS: Est-ce que ça répond à votre question, monsieur, au sujet de la femme?

M. GARDNER: Advenant le cas où la femme refuse?

M. COMTOIS: On reprend votre exemple. C'est le mari qui décide et laisse quatre enfants. Le mari, il n'est plus là. Ce sont ses quatre enfants qui lui succèdent. Eux ont droit de réclamer la moitié des acquêts de la femme. Comme la femme a le droit de prendre la moitié des acquêts du mari qui est maintenant remplacé par ses quatre enfants. Alors, les choix s'opèrent indépendamment les uns des autres. Tout ce que l'article dit ici: S'ils sont quatre à succéder, le droit que le mari avait de prendre la moitié des acquêts de sa femme est divisible. Si l'un accepte, il prendra une part virile du quart, un autre exemple. Les trois autres ne prennent pas leur part. Eh bien, il va rester là en attendant d'avoir la moitié d'acquêts plus les trois quarts de la moitié que les héritiers du mari auraient pu prendre.

M. GARDNER: Merci.

M. COMTOIS: Puis la femme, elle se retourne ensuite vers la succession de son mari. Il a $10,000 d'acquêts, elle a droit de prendre $5,000 dessus. Elle a le droit d'y renoncer, elle fera ce qui lui conviendra le mieux.

M. PAUL: Qu'adviendra-t-il d'un conjoint décédé ab intestat?

M. COMTOIS: Eh bien là, ça va être la même chose que dans la communauté. Les héritiers ne pourront pas, à moins qu'il y ait un testament évidemment...

M. PAUL: Mais, s'il n'y en a pas?

M. COMTOIS: S'il n'y a pas de testament, il faudra choisir entre la succession ou les acquêts.

M. PAUL: Là, ce n'est plus le même partage un tiers, deux tiers? C'est la moitié.

M. COMTOIS: A la suite d'une succession qui aurait amené la dissolution de la société d'acquêts, les héritiers légaux, comme vous dites ab intestat, devront exercer leur option, comme, actuellement, doivent le faire les époux, communs en biens. Ils ne peuvent pas prendre un tiers de la succession et prendre en plus la moitié de la communauté. Ou ils prendront le tiers de la succession, ou ils prendront la moitié des acquêts. Ils ne peuvent pas prendre les deux en même temps. Le seul cas où on pourrait le faire c'est quand celui qui est décédé a par testament, institué telle personne légataire universel. Là, sa succession va en entier à celui qui est désigné. Cette succession comprend non seulement ses biens propres, mais également ses acquêts ou son droit de prendre la moitié des acquêts du conjoint. Ce qui importe, c'est qu'en matière de succession, on ne peut pas être commun et héritier en même temps. On ne peut pas être héritier accepter les acquêts et accepter la succession en même temps. Ce qui est le même principe.

M. PAUL: Ce serait le partage d'abord la moitié...

M. COMTOIS: Les acquêts d'abord.

M. PAUL: Et les règles de la succession dans le cas de l'individu décédé ab intestat entrent en jeu?

M. COMTOIS: Oui.

M. CREPEAU: C'est vrai, parce que je pense que le principe fondamental, c'est qu'en matière de dissolution de la société d'acquêts, c'est un partage contractuel né du mariage...

M. PAUL: Mais, M. Crépeau...

M. CREPEAU: ... il doit donc se faire avant toute liquidation de la succession. Et la succession ne portera que sur la moitié des acquêts du conjoint.

M. PAUL: Mais la situation diffère quelque peu, parce que l'on est dans le cas du décès...

M. CREPEAU: Oui.

M.PAUL: ... et dans le cas de partage des acquêts dans le cas de décès, d'une succession.

M. CREPEAU: Si mon collègue veut me suivre là, je vais vous donner un cas. Vous me corrigerez si j'ai tort.

M. PAUL: J'aimerais mieux, M. Crépeau que ce soit plutôt vous qui corrigiez le notaire, mais qu'importe!

UNE VOIX: II s'agit de donner l'exemple.

M. CREPEAU: En matière d'expertise, en matière de droit matrimonial et successoral, je m'en réfère à mon collègue. Voici le cas qu'on peut prendre. Vous avez $10,000 d'acquêts qui appartiennent au mari et il décède ab intestat. Son conjoint doit faire le choix de 624c) appliqué à la société d'acquêts, ou bien elle accepte ou bien elle renonce. Elle ne peut pas cumuler les deux qualités.

M. COMTOIS: C'est ça.

M. CREPEAU: Supposons qu'elle accepte, alors elle partagera les $10,000. Elle prend ses $5,000 qui sont sa propriété, un droit contractuel. Une fois qu'elle a ça, une fois qu'elle a pris la moitié, les autres $5,000 se divisent...

M. COMTOIS: Les autres $5,000 appartiennent à la succession du mari.

M. PAUL: Et si c'est ab intestat, elle va en chercher le tiers?

M. COMTOIS: Je pense qu'on peut poursuivre l'exemple et démontrer l'utilité d'opter pour la succession, plutôt que pour les acquêts. On ne peut pas prendre les deux en même temps. Je continue l'exemple de mon collègue Me Crépeau. Le mari a $10,000, ce sont des acquêts. Mais, supposons qu'il y a $50,000 d'avoir propre. La femme ne peut pas prendre la moitié des $10,000, plus le tiers des $50,000. Il faut qu'elle fasse son lit. Il faut qu'elle se décide. Ici, elle est bien mieux de renoncer aux acquêts, aux $5,000 que ça lui donnerait et puis de prendre le tiers de $50,000. Ce serait la même chose en communauté.

M. PLAMONDON: Est-ce que les acquêts s'ajouteront à ce moment-là si elle a renoncé?

M. COMTOIS: Non.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non.

M. PLAMONDON: Elle n'aura pas un tiers des acquêts, alors qu'elle aurait pu avoir une demie avant?

M. COMTOIS: Je ne le pense pas.

M. CREPEAU: C'est-à-dire que si elle a renoncé aux acquêts, si le mari avait $10,000 et s'il meurt, si la femme renonce alors là les $10,000 deviennent une masse successorale...

M. COMTOIS: Vous avez raison.

M. CREPEAU: ... et s'il y a ab intestat, il y a un tiers pour la femme puisqu'elle a déjà renoncé à cette idée de sociétaire. Comme héritière, elle prend un tiers et les deux tiers vont aux héritiers du mari.

M. COMTOIS: A ce moment-là la succession va être de $60,000. S'il n'y a personne qui prend les acquêts, ça s'ajoute aux propres pour faire une masse successorale.

M. PLAMONDON: Elle perdra la différence entre un tiers et une demie des acquêts, pour gagner un tiers du propre.

M. COMTOIS: De l'ensemble, du propre et des acquêts, de tout l'ensemble.

M. PAUL: Dans un cas semblable il vaut mieux qu'elle fasse une espèce d'inventaire...

UNE VOIX: Qu'elle calcule.

M. PAUL: Qu'elle calcule beaucoup.

M. CREPEAU: II faut qu'elle calcule, c'est ça.

M. PAUL: Elle va prendre 50 p.c. plus le tiers si elle prend les acquêts?

M. COMTOIS: Non, non. Si elle prend le tiers des acquêts au début...

M. PLAMONDON: Elle ne peut pas. M. COMTOIS: Elle ne peut pas.

M. CREPEAU: Elle ne peut jamais prendre les acquêts...

M. COMTOIS: Elle peut prendre les acquêts c'est-à-dire la moitié.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: La moitié.

M. COMTOIS: C'est ça. Une fois qu'elle a pris ça, elle ne peut prendre le tiers de la succession.

M. CREPEAU: C'est ça, les autres $5,000 vont aux héritiers du mari, sauf la femme.

M. COMTOIS: Dans le fond, ça revient à dire ceci: Quand il n'y a que des acquêts, elle est mieux d'accepter les acquêts et de renoncer à la succession.

M. PAUL: C'est ça.

M. COMTOIS : Quand il y a moindrement de biens propres, elle est mieux de renoncer aux acquêts et de prendre le tiers de la succession, ça lui donnera plus.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Parce que les acquêts retournent à la masse successorale.

M. COMTOIS: A cela s'ajouteront les acquêts à ce moment-là.

M. PAUL: D'accord.

M. COMTOIS: Mais tout ça ne s'applique pas quand il y a un testament. Il faut bien comprendre ça.

M. PLAMONDON: Mais quelle est la raison fondamentale d'un ou l'autre? Est-ce que le contrat ne devrait pas s'appliquer de toute façon?

M. COMTOIS: On le pense, mais on n'a pas voulu remettre en question tout le droit successoral parce que tout ça, tous les embêtements que ça cause — voyez les discussions qu'on a à ce sujet et les exemples difficiles à trouver et à interpréter — mais tout ça, c'est dans l'article 624c actuellement.

MME KIRKLAND-CASGRAIN : II y a un comité qui siège à ce sujet.

M. COMTOIS: C'est mauvais ça devrait être changé. Mais on a cru que ce serait prématuré de proposer tout de suite un changement parce que là il y aurait un déséquilibre. On aurait eu un régime nouveau, et cela aurait compromis le travail du comité de la Famille. Ce dernier étudie justement cette question de sélection.

M. CREPEAU: Quand nous avons eu nos discussions sur ce sujet, et qu'il s'est agi de savoir si on devait transposer l'article 624c dans le domaine de la société d'acquêts, il nous a paru préférable de le faire, par souci de concordance.

Au comité de la famille, qui est présidé par le juge Mayrand, c'est une des questions que nous voulons examiner, précisément celle de savoir, si lorsque c'est un droit contractuel, cela ne devrait pas avoir lieu indépendamment des règles successorales. Cependant, la difficulté est que, si on acceptait une politique législative comme celle-là — du moins lorsque nous en avons discute — nous estimons que la femme mariée recevrait un avantage trop grand par rapport aux enfants. Parce que si elle reçoit d'abord la moitié des acquêts, et vient ensuite cumuler sa qualité de sociétaire avec celle d'héritière, cela lui donnerait la moitié, plus le tiers. Alors, nous nous disions qu'il y a un certain nombre de façons de procéder. On peut lui permettre de prendre ce à quoi elle a droit comme un droit contractuel, mais si elle le fait, on réduit alors sa portion d'héritière ou bien, une autre manière tout à fait différente, qui s'inspirerait alors des provinces de "common law" et qui apparaît intéressante, c'est que dans un cas comme celui-là, elle pourrait éventuellement s'adresser à un tribunal pour dire que sa part d'acquêts n'est pas suffisante et demander un supplément, soit comme usufruit, ou soit comme une créance alimentaire qui serait tirée sur l'autre part.

Nous n'avons pas voulu mettre en jeu les règles fondamentales de la succession ab intestat, parce que ce comité avait comme mandat de régler essentiellement les régimes matrimoniaux.

M. PAUL: Vous ne trouvez pas, M. Crépeau, qu'à ce moment-là cela va être assez difficile d'interpréter pour le commun, et des notaires et des avocats?

M. CREPEAU: Autant que l'article 624c) actuellement. Nous allons le transposer.

M. PAUL: C'est le même principe qui est sauvegardé.

M. CREPEAU: C'est cela.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est le même principe que la loi actuelle des gens qui sont mariés en séparation de biens et où la femme a le choix de prendre les avantages du contrat de mariage ou bien la succession, mais elle ne peut pas prendre tes deux. C'est le même principe que vous avez suivi.

M. COMTOIS: A mon avis, l'article 624c) et cette obligation d'opter dans un sens ou dans l'autre, c'est ce qu'il y a de plus compliqué et c'est ce qu'il y a de moins compris.

Encore dernièrement, j'écoutais à la télévision — je ne dirai pas si c'est un avocat ou un notaire — qui répondait à une question et qui disait justement que la femme avait droit à sa moitié de communauté, plus le tiers de la succession C'est absolument faux. Dans un bulletin des caisses populaires, l'an dernier, la même solution est proposée. Cela ne tient pas debout. C'est ce qu'il y a de plus difficile, c'est ce qui explique qu'à peu près personne ne comprend.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je l'ai appris à mes dépens; à un moment donné, j'ai été interrogée là-dessus et j'aurais fait la même erreur si je ne m'étais pas arrêtée à temps.

M. COMTOIS: Et même j'irai plus loin. Il y a un jugement que je pourrais citer où le juge a fait la même erreur dans une décision judiciaire.

M. CREPEAU: Seulement, nous n'avons pas voulu entrer là-dedans. Pour l'instant, nous avons voulu faire la concordance. Lorsque le comité du droit des personnes et de la famille vous proposera un projet de réforme, ce problème-là aura été étudié à fond.

M. PLAMONDON: Je viens de réaliser, qu'en plus d'un avocat, d'un notaire on aura sûrement besoin d'un comptable.

M. CREPEAU: Dans toute succession importante.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Même à l'heure actuelle, jusqu'à un certain point, si les gens sont mariés en séparation et que la femme travaille, etc.

M. PLAMONDON: Bien sûr.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Pour bien des choses, à un moment donné.

M. CREPEAU: L'argument que la séparation de biens est facile à liquider c'est facile dans les textes, mais en réalité, après 20 ou 30 ans de mariage, ce n'est plus facile.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non.

M. CREPEAU: Quand vous avez des comp-

tes conjoints, ou quand vous avez des objets qui ont été achetés avec des fonds communs... Nous avons eu un panel la semaine dernière où on nous a dit textuellement que la séparation de biens est facile, parce qu'il n'y a rien au code: chacun de son côté. C'est beau en théorie, mais en pratique ce n'est pas le cas.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ce n'est pas comme cela en pratique.

M. LE PRESIDENT: Alors, adopté. DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 1267. "Si l'époux ou ses ayant droit acceptent le partage des acquêts du conjoint, il doit d'abord être formé deux masses des biens du patrimoine de ce dernier l'une constituée des propres, l'autre des acquêts."

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Cela va de soi.

M. CREPEAU: C'est le début du partage.

M. LE PRESIDENT: Article 1267a). "Il est ensuite dressé un compte des récompenses dues par les deux masses ainsi formées, l'une à l'égard de l'autre, en raison de l'enrichissement dont l'une aurait bénéficié au détriment de l'autre. L'enrichissement est évalué au jour de la dissolution du régime mais, en aucun cas, la récompense à laquelle il donne lieu, ne peut excéder le montant de la dépense réellement effectuée."

M. LUC PLAMONDON: Vous me permettrez de poser une question à l'office de revision, au membre de phrase, au premier alinéa de l'article 1267a), "en raison de l'enrichissement dont l'une aurait bénéficié au détriment de l'autre", si vous avez le cas où des dons ont été faits par un des époux à un tiers à même des acquêts et où il n'a pas obtenu le consentement de son conjoint, il n'y a pas réellement, dans un tel cas un enrichissement des propres du conjoint qui a effectué le don. L'enrichissement a bénéficié à un tiers, mais...

M. COMTOIS: Mais la donation n'est même pas valide.

M. LUC PLAMONDON: La donation n'est pas valide, de nullité absolue ou...

M. COMTOIS: II n'y a pas de donation, il n'y a pas de disposition, ce n'est qu'une apparence.

M. CREPEAU: II y a une règle...

M. LUC PLAMONDON: ... de nullité absolue, comme je présume à ce moment-là.

M. COMTOIS: Inexistant.

M. PAUL: Cela prend le concours des deux conjoints.

M. CREPEAU: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: C'est cela, c'est une nullité absolue.

UNE VOIX: C'est une nullité relative.

M. PAUL: C'est une nullité absolue, pas sur les propres, sur les acquêts.

UNE VOIX: Nous avons vu cela antérieurement.

M. LE PRESIDENT: Il y a une prohibition.

M. CREPEAU: Cela ne peut pas se faire sans consentement.

C'est l'article 1266p.

M. LE PRESIDENT: II ne peut cependant, sans le concours de son conjoint, disposer de ses acquêts entre vifs à titre gratuit, si ce n'est de sommes modiques et de présents d'usage. L'article 1266p.

Adopté?

M. PAUL: Adopté.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: L'article 1267b: "Les dettes non acquittées, encourues au profit des propres, donnent lieu à récompense pour l'enrichissement qu'elles ont procuré, comme si elles avaient déjà été payées à même les acquêts. "Aucune récompense n'est due en raison d'impenses n'ayant servi qu'à l'entretien ou à la conservation des biens. "Le paiement, au dépens des acquêts, d'une amende encourue en vertu de quelque disposition pénale de la loi donne, dans tous les cas, lieu à récompense."

M. PAUL: C'est beau, le langage populaire.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous allons le dire en français.

M. PLAMONDON: Moi, je m'excuse mais je ne comprends pas.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'ai compris, M. Paul. Quand on a quitté la pratique du droit depuis un bout de temps, on se pose des questions aussi quand on arrive devant certains termes. Surtout quand on l'a étudié en anglais comme moi.

M. CREPEAU: Les impenses, c'est un terme...

M. COMTOIS: C'est ce qu'on appelle les améliorations, les augmentations. Supposons que nous avons une maison qui vaut $20,000 et que nous payons une ou deux pièces additionnelles et que cela coûte $10,000, c'est une impense.

M. PAUL: Cela veut dire remboursement.

M. COMTOIS: Cela veut dire que si on a appauvri la communauté en prenant dans les acquêts des biens pour les appliquer, les attribuer à un propre, il doit y avoir un règlement.

M. PAUL: Une récompense.

M. PLAMONDON: C'est une valeur correspondante à la dépense qui a été faite.

M. COMTOIS: L'exemple le plus clair d'impenses, c'est quand vous avez un terrain vacant, vous bâtissez une maison dessus, cela est une impense. Si la dette n'est pas payée, le premier paragraphe vous dit que l'on doit la déduire, cela donne lieu à une récompense.

M. PAUL: C'est cela.

M. COMTOIS: Parce que cela appartient en propre au conjoint. Dans le deuxième cas, lorsqu'il s'agit seulement de l'entretien, il n'y a pas de récompense, puisque les revenus des propres font partie des acquêts. Alors, les dépenses d'entretien sont la contre-proposition ou le contre poids des dépenses.

M. PLAMONDON: Je vous remercie, c'est un mot que je tenterai d'ajouter à mon vocabulaire

M. COMTOIS: Mais ça, c'était déjà dans le code civil.

M. CREPEAU: Oui, le mot "impenses" est un terme de droit.

M. LE PRESIDENT: Alors, adopté? Article 1267c: "Si le compte accuse un solde en faveur des acquêts, l'époux titulaire du patrimoine, ou ses ayants-droit, en font rapport à la masse partageable, soit en moins prenant, soit en valeur, soit à même les propres. Si le compte accuse au contraire un solde en faveur des propres, l'époux, ou ses ayants-droit, prélèvent parmi les acquêts des biens jusqu'à concurrence de la somme due."

Adopté?

M. COMTOIS: Ça prendrait un tableau pour faire des calculs et expliquer cela.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non.

M. PLAMONDON: C'est de la comptabilité.

UNE VOIX: On glissera là-dessus.

M. LE PRESIDENT: Article 1267d: "Le règlement des récompenses achevé, la masse des acquêts se partage par moitié entre les époux, ou leurs ayants-droit, suivant les règles prévues au titre Des Successions pour les partages entre cohéritiers, à moins que l'époux titulaire du patrimoine, ou ses ayants-droit, ne préfèrent désintéresser le conjoint, ou ses ayants-droit, pour la totalité ou pour une part de ce qui leur revient, en leur en payant la valeur. 'Toutefois, si la dissolution du régime résulte du décès ou de l'absence de l'époux titulaire du patrimoine, son conjoint peut exiger que l'on place dans son lot, moyennant paiement par lui au comptant d'une soulte s'il y a lieu, la maison d'habitation, les meubles de ménage, l'établissement industriel, agricole ou commercial de caractère familial, qui font partie de la masse partageable. "A défaut d'accord entre les parties, l'estimation des biens aux fins d'application des dispositions du présent article est faite par des experts que désignent les parties elles-mêmes ou à défaut, un juge de la cour Supérieure du district du domicile conjugal."

Oui?

M. CAPARROS: M. le Président, il y a ici un point que j'aimerais souligner à la commission. Au deuxième alinéa, on parle du décès ou de l'absence de l'époux; il me semble que celui — le survivant — celui qui est encore là peut demander la maison d'habitation, les meubles meublants, etc.

J'avais souligné à un moment donné, je trouvais cette décision bien intéressante, mais elle me semble n'être pas suffisante. Au fond, c'est qu'on essaie de protéger un peu la famille avec cela, et on ne protège la famille qu'en partie; il peut arriver un cas de séparation de corps où les enfants — en fait il y a un des deux qui garde les enfants — et même occasionnellement un divorce, et en fait l'idée est que le survivant, au point de vue des responsabilités dans la famille, avec les enfants, pourra garder la maison familiale et, éventuellement, les ressources pour la vie de la famille.

A mon avis, on devrait considérer cette décision lors de la dissolution non seulement lorsqu'il y a décès ou absence, mais aussi dans les autres cas; que l'époux qui a la garde des enfants puisse faire cette demande. En fait, je ne pensais pas qu'on arriverait à ce texte-là, j'avais proposé cela comme idée, je n'avais pas proposé une modification précise d'un texte, mais il me semble que si l'on veut protéger la famille, il faut essayer de la protéger complètement.

M. CREPEAU: A cette question-là, je me permets de rappeler le fait qu'il y a quelques séances, vous aviez demandé que cette question

de la protection du domicile conjugal soit examinée, et nous avons demandé à nos membres du bureau d'études, au comité du droit des personnes et de la famille, précisément, d'examiner le problème de la protection du domicile conjugal, dans son entier, indépendamment du régime matrimonial quel qu'il soit.

Et ces dispositions seraient placées non pas dans les régimes matrimoniaux, mais dans les articles du code, au début du code, qui traitent des effets du mariage.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président...

M. CREPEAU: Maintenant, ici on a voulu régler un cas...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, je soumets respectueusement... H me semble que les juristes auraient dû apporter cette protection suggérée, parce que sait-on jamais quand l'autre comité fera rapport, quand cela sera étudié? Il me semble que c'est l'endroit rêvé, en attendant, peut-être, qu'ils en arrivent à une conclusion et qu'il y ait des recommandations de présentées aux législateurs. Est-ce qu'il n'y aurait pas eu moyen ici, justement, d'apporter cette protection? Parce que ce qu'on reproche, et à juste titre, sans vouloir critiquer le bill 10, c'est de ne pas avoir apporté cette protection, même si on apporte un amendement qui pourra être changé éventuellement, lorsque l'autre comité fera son rapport.

M. COMTOIS: Le problème, d'après moi, est le suivant. Pour être bien concret, supposons un ménage marié en société d'acquêts. Le mari a la maison familiale à son nom. Arrive une séparation de corps. Tout ce qu'il y aurait à changer, dans le fond, c'est d'enlever les mots "si la dissolution du régime résulte du décès ou de l'absence de l'époux", de sorte que cette disposition s'appliquera dans tous les cas de dissolution qu'ils proviennent d'un divorce, d'une séparation, peu importe.

A ce moment-là, vous avez le mari qui est propriétaire de la maison, ce sont ces acquêts. Si on laisse l'article tel quel, il a le droit de garder la maison. La femme ne peut pas exiger que la maison soit mise dans son lot, en en payant la moitié de la valeur, à titre de soulte. Mais si on introduit là-dedans la question de garde d'enfants et de tort des époux, la séparation, est-ce qu'elle est due au tort du mari ou de la femme? Si elle est due au tort de la femme, je verrais mal qu'elle ait le droit de dire au mari: La maison, je la prends et je t'en paie la moitié!

Voyez-vous, c'est très délicat, surtout...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais... M. COMTOIS: ... que le bill 8 donnera une discrétion totale au juge dans l'appréciation des donations et des avantages matrimoniaux. C'est pour cela qu'on s'est aventuré légèrement là-dessus, mais pour des cas sûrs et certains, quand le conjoint est déjà mort.

UNE VOIX: C'est cela.

M. COMTOIS: Je ne dis pas que, dans certains cas, il ne serait pas juste que la femme, surtout si elle a la garde des enfants, puisse exiger la possession de la maison familiale...

M. CREPEAU: Quitte à payer, par exemple.

M. COMTOIS: ... quitte à payer, à titre de soulte, la moitié de ce que cela représente. Mais si on se met à introduire là-dedans des questions de garde d'enfants, de tort respectif des époux dans la séparation ou dans le divorce, je pense que la porte est grande ouverte et ce sera extrêmement difficile d'apprécier cela justement.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense que, justement, il y a peut-être une réponse.

M. CAPARROS: Si vous me permettez, en fait, je n'ai pas mentionné...

M. PAUL: Pourrions-nous vous demander de vous identifier?

M. CAPARROS: Oui. Ernest Caparros. Je ne l'ai pas fait au début parce qu'il me semblait que mon nom était dans le débat...

M. COMTOIS: Il se croyait connu! M. PAUL: Oui, je comprends.

M. CAPARROS: De toute façon, je n'ai pas mentionné la questions des torts, car je pense qu'elle ne doit pas entrer en ligne de compte...

M. COMTOIS: Voua avez parlé, cependant, de la garde des enfants.

M. CAPARROS: J'ai parlé de la garde des enfants parce que...

M. COMTOIS: Est-ce que c'était dans des lois déterminantes?

M. CAPARROS: A mon avis, votre idée, ici, dans ce paragraphe, c'est que c'est l'époux survivant qui a le poids de la famille sur les bras ou celui qui reste, alors que l'autre est absent.

Alors, ce même principe, j'essaie de voir si on peut l'appliquer dans les cas de divorce et les séparations. S'il y a un divorce entre deux époux et qu'ils n'ont pas d'enfant, pas de problème du tout. S'il y a des enfants il peut y avoir un cas très simple, il peut y avoir des cas très compliqués, et je suis tout à fait d'accord.

S'il y a un divorce et que la garde des enfants est confiée à l'un des époux, dans son ensemble, cet époux se trouve dans la même situation que l'époux survivant ou l'épouse dont le mari est absent.

Par contre, je suis tout à fait d'accord pour dire que, dans d'autres cas, la situation peut être beaucoup plus complexe. Quand on donne deux enfants à la mère et trois enfants au père, à ce moment, je pense qu'on ne peut pas l'appliquer. Mais —vous savez jouer, on peut dire que vous savez jouer avec ce paragraphe, simplement, avec les cas où il n'y a pas de problème...

M. PAUL: La dissolution...

M. CAPARROS: Les cas où il n'y a absolument pas de problèmes, je me demande si on ne peut pas jouer encore avec eux mais un peu plus loin.

M. COMTOIS: Avez-vous une proposition précise?

M. CAPARROS: Une proposition précise, je l'ai dit au début, je ne pensais pas qu'on en arriverait ici mais je vais la travailler et je peux vous envoyer une proposition précise, si vous l'acceptez.

Si vous ne l'acceptez pas, de toute façon, ce sont des choses qui vont être étudiées, mais il me semble quand même qu'on peut jouer sur cela un peu plus loin.

M. CREPEAU: Mais, je vous avoue, M. le Président, je comprends très bien que le problème existe. Vous l'avez soulevé et M. Capar-ros l'a lui même présenté. Bien sûr, vous pouvez dire: La solution ne viendra que dans quelques années. Mais je pense pouvoir vous dire que notre comité des personnes et de la famille est en train d'étudier les effets du mariage. Et un des effets du mariage, c'est le domicile conjugal, la protection du domicile. Et je vous avoue, personnellement, moi, que je n'oserais pas m'aventurer à vous suggérer, ce matin, un texte dont je ne connaisse pas les incidences. C'est cela le problème.

M. PAUL: Est-ce que vous mettriez une objection dans les circonstances, M. Crépeau et M. Comtois, à reconsidérer peut-être une nouvelle phraséologie du bill, de cet article-là? C'est parce que je crains, comme le disait tout à l'heure Mme Kirkland-Casgrain, peut- être que l'objection majeure au bill viendra de cet article-là.

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il y a un danger aussi, si on prend l'exemple de M. Caparros, dans les cas de séparation, la garde des enfants est un élément. En vertu de la loi, aujourd'hui c'est le mari, en premier lieu, qui a le droit de garder les enfants. En fait, cela arrive très peu souvent.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est le contraire.

M. LE PRESIDENT: Mais je pense que les gens vont insister pour obtenir la garde des enfants, pour avoir la possession de l'immeuble.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais seulement ce ne sera pas accordé à la légère, d'une façon arbitraire. Il faut que les faits qui donnent lieu à la garde soient prouvés.

M. LE PRESIDENT: H y a toujours la garde provisoire, aussi, qui entre en ligne de compte.

M. CREPEAU: Le problème c'est qu'à mon avis c'est un... je m'excuse. Vous voyez, la raison pour laquelle, personnellement, j'hésite énormément ce matin à vouloir entrer dans la... discussion, c'est que c'est un problème qui est indépendant de la société des acquêts. Si on accepte plus que cela, il faudra éventuellement faire des concordances en matière de dissolution de la communauté. En fait, c'est un problème qui est indépendant des régimes. Même si ça prend encore quelque temps, il me semble qu'il y a là quelque chose de certain, de précis. Sur le plan de la dissolution, autrement que par le décès, alors là, les incidences en ce qui concerne les torts, en ce qui concerne la garde des enfants, ce sera étudié et nous pourrions vous offrir quelque chose de plus mûri et qui, de toute façon, n'exigera pas un changement à ces textes, parce que ce sera dans la partie du code civil traitant généralement des effets du mariage.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Les membres du comité qui étudient justement ce droit de famille, cette question du domicile conjugal, si vous voulez, est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de les consulter pour voir si, justement, on ne pourrait pas nous faire des représentations sur ça? Est-ce que cela a une incidence telle que... Je comprends, il y a la question de la garde des enfants, etc. Il me semble qu'il y aurait encore une possibilité de trouver une formule. Je m'excuse d'insister.

M. CREPEAU: Ce que je peux dire, c'est que nous en sommes arrivés là. Nous allons étudier au comité de la famille les effets du mariage. C'est l'un des prochains sujets d'étude. Alors, on peut toujours proposer un texte. Je vous avoue franchement qu'à moins que cela ait fait l'objet d'une étude par un expert, pour voir le problème de la protection du domicile conjugal, question d'enregistrement... Vous vous souvenez, madame, lorsque nous étions allés à Toronto au printemps 1967, lorsque nous avons parlé de "the protection of a matrimonial home" une

des questions qui se posait était de savoir ce qu'est le domicile conjugal. Quand vous avez trois résidences, est-ce qu'il faut enregistrer chacune de ces résidences? Et qu'est-ce que l'on fait, quand on change de domicile matrimonial? Qu'est-ce qu'on fait lorsque l'on est propriétaire? Qu'est-ce que l'on fait quand on est seulement locataire? Il y a une foule de problèmes qui sont en train d'être étudiés, en ce moment, et je puis vous promettre que nous allons procéder avec toute diligence. Nous allons vous faire des recommendations. Mais moi, je n'ose pas vous en faire ce matin, parce que je les ferais sans connaissance de cause.

M. COMTOIS: J'aimerais d'ailleurs ajouter que, d'après moi, cette question-là rentre dans le régime primaire, si on peut dire.

S'il y a lieu de légiférer pour le domicile matrimonial, ce n'est pas seulement pour les époux mariés en société d'acquêts, ce sera pour tous les époux...

M. CREPEAU: Séparés...

M. COMTOIS: ... et d'un autre côté, je voulais vous dire qu'ici il y a tout de même une amélioration. Actuellement, en communauté, lorsque l'un des époux décède, la maison doit être vendue en justice. On a voulu améliorer un peu Si on n'avait rien mis, cela n'aurait soulevé aucune discussion probablement ici ce matin. C'est pour cela que lorsque mon ami M. Caparros dit qu'on ne s'est pas trop forcé pour éviter des difficultés, je tiens à lui dire qu'on a tout de même amélioré la législation actuelle. Aujourd'hui, arrive une dissolution de communauté et l'absence de testament, l'entreprise agricole familiale et la maison sont exposées à être vendues en justice, si les gens ne veulent pas faire un partage à l'amiable.

Là, au moins, le conjoint survivant doit dire: La maison, le commerce et la ferme, c'est moi qui les prend dans ma part et je vais payer en argent la différence que je dois à la communauté. C'est déjà une amélioration.

M. CAPARROS: Je dois vous faire remarquer, M. Comtois, que lorsque j'ai fait des critiques à ce texte, je commençais toujours en disant que c'était une excellente amélioration.

M. COMTOIS: C'est très diplomatique.

M. CAPARROS: Non, non, vous l'avez dans le rapport que je vous ai soumis.

M. COMTOIS: C'est très gentil. Je m'excuse de ne pas l'avoir...

M. CAPARROS: Parmi les éléments d'un régime de protection de la famille qui se trouvaient dans le bill 10, je signalais cela. Je sais que c'est très bien mais je disais que ce n'était pas suffisant et je me rappelle que lorsqu'on a eu un séminaire à McGill sous la direction de M. Carbonnier, la même question était soulevée. On m'a souligné qu'on voulait protéger la famille avec le bill 10. Je dis: Mais vous ne protégez la famille que lorsqu'il y a une absence, l'absence de l'un des époux, lorsque l'un des deux décède. Mais pas dans les autres cas. De toute façon, j'aimerais d'abord, en fait, la remarque de M. le Président à propos du désir qu'il aura pour garder les enfants. Il ne faut pas oublier, comme M. Comtois vient de le souligner, qu'il va falloir qu'il paye pour la maison, etc., alors qu'il n'aura pas tout cela gratuitement. Ceci va peut-être le faire réfléchir avant de demander la garde des enfants. En deuxième lieu, je voudrais, d'une façon très nette, souligner la remarque de M. Crépeau. J'aime mieux une loi qui sera moins bonne, mais mieux faite, qu'un amendement à la dernière minute qui démolit complètement le texte. Cela en fait, il y a quand même — je pense que nous avons eu des exemples un peu partout dans le monde. D y a eu des amendements faits ici et là qui n'ont pas été suffisamment réfléchis et qui viennent enlever une certaine importance à la loi. Mais il y a quand même une petite objection que je voudrais faire aussi. Vous dites que cela relève du régime primaire. Je suis tout à fait d'accord. Mais, si vous l'avez quand même inséré dans ce domaine c'est parce que lorsqu'on va régler la société d'acquêts, il y a cet incident de ce régime primaire que vous aviez quand même comme infrastructure dans votre esprit en le faisant, et que vous vous êtes attardés au partage du domicile même s'il y a quelque chose qui rentre dans le régime primaire. J'en conviens le régime primaire on peut le faire à part. Le régime primaire, on aurait pu le faire avec les régimes matrimoniaux de façon générale. On ne l'a pas fait. J'aime mieux qu'on ne le fasse pas tout de suite. Mais, on aurait pu faire l'ensemble. De toute façon, il y a tout de même une amélioration très nette que je tiens à souligner. La seule chose, c'est qu'en fait on n'est pas encore rendu à la fin. Toutefois, le comité du droit de la famille le fera probablement.

M. CREPEAU: Ce n'est pas seulement probable. Vous vous rappelez que nous, nous n'avions pas voulu protéger le domicile conjugal. Etant donné les directives que vous nous avez données, nous avons commis des adjoints de recherche à l'étude du problème, et le comité va les examiner très bientôt. Si bien, que nous pouvons vous promettre que vous aurez quelque chose sur cette question et, ce sera mûri en tout cas plus que...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Remarquez bien que nous sommes tous d'accord avec celui qui vous a précédé. Nous préférons que la loi soit le mieux rédigée possible, pour qu'elle soit

la plus parfaite possible. Cependant, c'est justement la question de délai qui nous inquète quelque peu. Moi, je me souviens que lorsque nous avions adopté le bill 16 en 1964 on avait bien dit que cela était la première étape de la législation, que c'était incomplet malgré que cela apportait une amélioration. Nous avons attendu quand même cinq ans pour nous trouver devant cette commission.

Je comprends, je n'en fais pas grief aux juristes qui ont travaillé sur ce comité, mais nous avons quand même attendu cinq ans, et la loi est encore à l'étude. On ne sait pas ce qui va arriver à l'assemblée nationale.

Moi, ce que j'aimerais, ce serait une assurance de vous du notaire Comtois, que ça peut venir d'ici un délai raisonnable, non pas une chose de quelques années, parce que je pense qu'on ne peut pas légiférer ici, sans penser à l'autre, et que ça vienne à brève échéance.

M. CREPE AU: Moi, je peux vous donner, en tout cas, l'assurance de l'Office de la revision du code civil qui, comme vous le savez, depuis quelques années, travaille à un rythme accéléré. Nous avons maintenant quinze comités qui sont sur pied. Nous pouvons vous promettre que vous aurez les recommandations du comité du droit des personnes et de la famille avant très longtemps. C'est exactement ce que nous allons aborder d'ici quelques semaines.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, j'aimerais savoir du professeur Crépeau quand a été constitué ce comité du droit des personnes et de la famille.

M. CREPEAU: J'ai été nommé président le 15 octobre 1965, il y a 4 ans exactement. J'ai pensé en quelque sorte développer la méthode utilisée par mon prédécesseur, Me André Na-deau. Une des premières choses que j'ai faites c'est d'aller rendre visite à Me Maximilien Caron, et lui demander d'accepter la présidence du comité du droit des personnes et de la famille. Malheureusement, vous savez peut-être que M. Caron, et lui demander d'accepter la présidence du comité du droit des personnes et de la famille. Malheureusement, vous savez peut-être que M. Caron a été très malade, à partir de janvier 1966. Il a été opéré. La question de son remplacement s'est posée, mais comme les médecins ont donné l'assurance — que peuvent donner les médecins — qu'il y aurait probablement un rétablissement, j'ai pensé attendre le retour de M. Caron, pour réentreprendre les travaux. ILs furent effectivement repris mais malheureusement, M. Caron est décédé subitement au mois de septembre 1967, et alors là, j'ai essayé de trouver quelqu'un qui pourrait reprendre les travaux, et après un an de, comment dirais-je? non.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... de consultations, de réflexion.

M. CREPEAU: ... de consultations, j'ai pu obtenir après un accord entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, que le juge Mayrand soit libéré complètement de ses fonctions judiciaires pour assumer la présidence du comité. Alors là, le comité fonctionne à plein. Nous avons une séance par semaine, et M. Mayrand est entouré d'un bureau d'étude. Si bien que ça marche; je pense que, dans l'état actuel des choses on ne peut pas demander plus sauf bien sur de multiplier le personnel du bureau d'étude. Je pense qu'en ce moment, le comité, se réunissant une fois par semaine, procède avec toute la diligence que vous pourriez espérer.

M. PLAMONDON: M. le Président, je pense que nous sommes tous sensibilisés au problème qu'a soulevé M. Caparros, et je pense que tous les membres du comité admettent le bien-fondé de cette présentation. Toutefois, compte tenu du fait que premièrement, je suis aussi d'avis que ça devrait s'appliquer, cette politique-là, d'une façon générale, au régime primaire et non seulement à la société d'acquêts, et compte tenu des assurances que nous donnent M. Crépeau et M. Comtois, je crois que nous devrions peut-être procéder avec le texte actuel.

M. LE PRESIDENT: Alors, adopté? MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Alors 1267e): "La dissolution du régime ne peut préjudicier, avant le partage des recours des créanciers antérieurs sur l'intégralité du patrimoine de leur débiteur. "Après le partage, les créanciers antérieurs peuvent poursuivre le paiement de leurs créances contre l'époux débiteur ou ses ayants-droit, et en outre mais seulement jusqu'à concurrence de son émolument contre le conjoint ou ses ayants-droit. Chaque époux ou ses ayants-droit conserve toutefois un recours contre l'autre ou ses ayants-droit, pour la moitié des sommes qu'il aura, en conséquence, été appelé à payer."

Adopté. A l'article 25: Les articles 1268 et 1260 du code sont remplacés par le suivant: "La communauté de meubles et acquêts prévue à la section I du présent chapitre s'établit par la simple déclaration faite au contrat de mariage que l'on entend qu'elle existe. "Cette communauté peut être modifiée par des clauses particulières dont les principales sont exposées dans la section II du présent chapitre. "Les dispositions régissant la communauté de meubles et acquêts sont applicables aux époux qui étaient, le (insérer ici la date de l'entrée en vigueur du bill 10), mariés sous le régime de la communauté légale."

M. CREPEAU: Un changement de politique législative ici, si vous le permettez, M. le Président. Nous abordons ici les régimes con-

ventionnels et la communauté de meubles et acquêts, qui est la communauté légale, deviendrait une communauté conventionnelle. Mais, au lieu d'obliger que ce soit fait par une déclaration notariée il y aurait simplement une déclaration faite au contrat de mariage. Ah oui, il faut qu'il y ait le contrat de mariage devant notaire quand même.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. CREPEAU: Mais on fait simplement une déclaration, selon laquelle on veut être régi par la communauté de meubles et acquêts du code.

M. PLAMONDON: Cela est pour les régimes matrimoniaux en vertu de la communauté de biens actuelle?

UNE VOIX: C'est ça.

M. PLAMONDON: Ils veulent transformer leur régime en vertu du nouveau système?

M. CREPEAU: Non, je pense que les époux, par exemple, une fois cette loi introduite, qui désirent, parce que ça leur convient, se marier en régime de communauté de meubles et acquêts, vont alors chez le notaire pour passer un contrat de mariage et font une déclaration à l'effet qu'ils sont mariés sous ce régime de communauté de meubles et acquêts, qui aujourd'hui est légale, mais qui, demain deviendrait un régime conventionnel.

M. PLAMONDON: Qu'est-ce qu'il arrrive vis-à-vis des créanciers, de la protection des tiers? Tout ça fait partie de la déclaration? Non?

M. CREPEAU: C'est-à-dire que c'est le régime tel qu'il est prévu dans le code, qui s'appliquerait à eux, le régime de communauté ordinaire.

M. COMTOIS: Une fois que la nouvelle loi, le bill 10, sera en vigueur, disons dans un an d'ici, je ne sais pas, disons qu'en 1972 deux époux veulent se marier sous un régime qu'on appelle communauté de meubles et d'acquêts, qui est exactement ce qu'on a actuellement en 1969, ils n'ont pas à faire un contrat de mariage de cinq pages. Ils disent' simplement: Nous voulons être mariés sous le régime de la communauté de meubles et d'acquêts.

UNE VOIX: C'est ça.

M. COMTOIS: Pour ce qui est des créanciers ils seront alors comme ils sont actuellement, vis-à-vis de ceux qui sont mariés en communauté légale.

M. PLAMONDON: Très bien, je comprends, ça va. Merci.

M. LE PRESIDENT: Adopté? UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: L'article 26: "Le titre de la section I qui précède l'article 1270, les articles 1270 et 1271, le titre du paragraphe 1 qui précède l'article 1272 ainsi que les articles 1272 et 1273 dudit code sont remplacés par ce qui suit: "Section 1."

M.PAUL: Ici, M. le Président, je me demande si on ne devrait pas ajourner nos délibérations. Il est déjà près de 12 h 15. Messieurs les experts, nous vous remercions une fois de plus, de même que tous ceux qui ont participé aux délibérations de ce matin. Je me demande si mercredi prochain pourrait vous convenir, MM. Crépeau et Comtois.

M. CREPEAU: Mercredi, je pense, nous avons à l'Office de revision du code civil, des séances d'études publiques sur les déménagements du premier mai.

M.PAUL: Nous irions à jeudi, M. Crépeau. M. CREPEAU: Oui. Jeudi matin.

M..LE PRESIDENT: Alors, jeudi prochain, le 23 octobre à 10 heures.

M. COMTOIS: J'ai une affaire. J'ai un comité à la Chambre des notaires ce jour-là. C'est le comité Maurice Savignac; ce n'est pas encore fini, cette affaire-là. Nous avons une dernière réunion.

M. PAUL: Le 23? M. COMTOIS: Le 23.

M. CREPEAU: En toute objectivité et en toute humilité, je suis tout à fait disposé à venir donner les explications que je pourrais donner, dans cette question mais je pense que la présence du notaire Comtois est indispensable.

M. COMTOIS: Je vous remercie de votre délicatesse, mais l'embêtement, c'est que j'ai accepté d'aller à cette réunion. On m'avait déjà prévenu il y a quinze jours, et j'ai accepté; c'est très délicat de dire maintenant...

M. PAUL: Maintenant, est-ce que le 29 vous conviendrait, le mercredi 29?

M. COMTOIS: Oui, je crois bien. Le vendredi, c'est une mauvaise journée?

M.PAUL: C'est parce que nous siégeons à 10 h 30.

M. COMTOIS: Mais dans l'autre semaine, cela me va.

M. CREPEAU: Le mercredi 29.

M. PAUL: Le mercredi 29. Et sans préjudice, peut-être qu'à ce moment-là, nous pourrions envisager la possibilité de continuer jeudi aussi, si cela convient.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je suis tout à fait d'accord.

M. PAUL: Alors, nous pourrions ajourner le 29, et là, le 29, nous pourrions voir s'il y a possibilité d'aller également en séance le 30. Mais, disons que pour le moment cela va pour le 29.

M. COMTOIS: M. le Ministre, je vous signale que pour ce qui reste, il y a très peu de changement avec le texte actuel.

M. PAUL: C'est cela.

M. COMTOIS: Le gros de l'étude, il est fait.

M. PAUL: C'est cela.

M. CREPEAU: Peut-être même pourriez-vous terminer l'étude à la prochaine réunion?

Nous allons nous permettre de vous présenter quelque chose sur la question des rentes. A la suite des discussions que nous avons eues et avec les représentants de l'assurance-vie, je pense qu'il y aurait peut-être lieu de clarifier certains faits, et nous vous les présenterons.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, pendant que j'y pense, je comprends que ce n'est pas la dernière séance, mais est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de prévoir — peut-être de demander un travail additionnel à vos juristes? — un texte qui condenserait les représentations déjà faites par les juristes et par les membres de la commission pour que ce soit remis aux députés lorsque le bill sera présenté en Chambre. Parce que je m'inquiète de ce que quelques-uns de nos collègues trouvent très aride de digérer tout cela, et de ce que des discussions reprennent à certains moments, des discussions au cours desquelles nous sommes entrés dans les détails et à la suite desquelles nous avons eu des réponses satisfaisantes. J'en ai dit un mot au notaire Comtois avant la séance, et je me demande si c'est trop vous demander, que de vous imposer ce genre de travail. Je ne sais pas ce que le ministre de la Justice en pense.

M. PAUL: Je pense bien que la suggestion de mon honorable collègue est tout à fait logique. Mais justement, si on s'en rapporte à l'expérience vécue, si c'est très aride, je crois que nous aurons une étude très déserte en Chambre.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah bon! A ce moment-là...

M. PAUL: Cela ne fait rien. Nous aurons au moins eu l'occasion d'examiner, ou de comprendre ou d'être informés.

M. CREPEAU: Ce serait un commentaire un peu plus détaillé que ce qui se trouve dans les...

M. COMTOIS: Non, plus court.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non, beaucoup plus concis.

M. PAUL: II faudrait deux ou trois pages.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: II y a des points qui reviennent le plus souvent dans l'esprit des gens.

M. PAUL: Ce seraient peut-être les notes explicatives du bill, si vous voulez, plus aérées, plus concises et peut-être plus simples.

M. COMTOIS: II faut laisser cela simple.

M.PAUL: En langage populaire, pour employer une expression devenue consacrée.

M. COMTOIS: Nous ne parlerons pas d'impenses.

M. PAUL: Non.

M. COMTOIS: II va falloir parler d'acquêts, par exemple.

M. PAUL: Alors, M. Crépeau et le notaire, est-ce que cela vous conviendrait?

M. LE PRESIDENT: Alors, le 29 octobre à 10 heures du matin.

(Fin de la séance: 12 h 20)

Office de revision du Code civil — Civil Code Revision Office 360, rue McGill, chambre 402 MONTRÉAL

Me Paul-André CRÉPEAU:-Tél.: 873-2375 Président: 873-4580

Le 14 octobre 1969

Monsieur le Président, Commission permanente de Justice, Assemblée nationale, Hôtel du Gouvernement, Québec, P.Q.

Monsieur le Président,

Faisant suite au voeu qu'exprimait, lors de sa dernière séance, la Commission permanente de Justice au sujet de l'utilisation, dans la version française de l'article 1266 r) du bill 10, du terme français: "ressources", comme équivalent du mot: "means" dans la version anglaise de l'article, j'ai l'honneur de recommander: 1) que le mot: "ressources", utilisé dans les articles 1266 r), 1438 et 1447 du projet de loi, soit remplacé par le mot: "facultés"; 2) que les articles 191 et 200 du Code civil soient modifiés en changeant, dans la version française le mot: "moyens" par le mot: "facultés", 3) que l'article 169 du Code civil soit modifié dans sa version française en substituant le mot: "facultés" au mot: "fortune" et, dans sa version anglaise, en substituant le mot: "means" au mot: "fortune". Commentaires:

Le but visé ici est d'assurer l'uniformité dans la terminologie. Un examen des textes montre que le mot: "means", généralement utilisé en langue anglaise, a comme équivalent en langue française les mots: "moyens" (1) ou "facultés" (2) et le bill 10 propose de donner un autre équivalent, soit: "ressources".

Il convient également de souligner qu'à l'article 169 du Code civil le Législateur emploie le mot: "fortune" qu'il traduit en anglais pas le mot: "fortune" (3).

Afin d'assurer l'uniformité, dans la terminologie, il convient de faire un choix entre ces diverses expressions qui sont en réalité utilisées dans le même sens.

Quelles sont les différentes nuances qu 'expriment ces mots?

(1) Articles 191, 200 du Code civil. Voir aussi la loi fédérale sur le divorce, 1967-68,16 El.II, chap. 24, art. 10 (a).

(2) Voir articles 176, 212, 213, 215, 1317 et 1423 du Code civil. Voir aussi la loi fédérale sur le divorce article 11, par. 1.

(3) Le mot: 'fortune" est celui qu'emploie le Législateur français à l'article 208 C.N., l'équivalent de notre article 169 c.c.

Le mot: "ressources" se dit des moyens pécuniaires d'existence, mais il s'emploie généralement au pluriel pour désigner des moyens assez importants tenus en réserve pour les mauvais jours ou constituant des revenus sûrs. Le sens donné au mot: "ressources" est donc assez restreint (4).

Le mot: "moyens" employé au pluriel signifie richesses, ressources, facultés pécuniaires. Il est synonyme de facultés au sens de biens en argent dont une personne peut disposer (5).

Le mot: "facultés" employé au pluriel signifie biens, ressources dont quelqu'un peut disposer. Dans le langage courant, il signifie encore l'aptitude, la capacité de faire quelque chose (6).

Le mot: "fortune" signifie l'ensemble des biens, des richesses qui appartiennent à un individu, à une collectivité. Toutefois, il s'entend le plus souvent d'un ensemble de biens de valeur considérable ou du moins importante (7).

Après en avoir discuté avec Monsieur le Juge Mayrand, président du Comité du droit des personnes et de la famille, de même qu'avec Me Roger Comtois, du Comité des régimes matrimoniaux et Me Denyse Fortin-Caron, du Bureau d'études du Comité du droit des personnes et de la famille, il semble que le mot: "facultés" doive être préféré. Il aurait un sens plus étendu que les mots: "moyens", "ressources" et "fortune", ce qui permettrait aux tribunaux de prendre en considération, non seulement les revenus et la fortune de chacun des époux, mais aussi leurs possibilités de gain, compte tenu de leur état de santé, de leurs capacités intellectuelles et autres.

Il convient enfin de souligner que dans le Code civil français, sauf à l'article 208, où le mot: "fortune" est utilisé, le Législateur emploie le mot: "facultés" (8).

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération.

(Signé) Paul-André Crépeau.

(4) Voir Ressource, Dictionnaire Paul Robert, Paris, 1965.

(5) Voir Moyens, Dictionnaire Paul Robert, op. cit. Dictionnaire Emile Littré.

(6) Voir Facultés, Dictionnaire Paul Robert, op. cit. Dictionnaire Emile Littré.

(7) Voir Fortune, Dictionnaire Paul Robert, op. cit.

(8) Voir les articles 208, 214, 303,1448 C.N.

Office de revision du Code civil — Civil Code Revision Office 360, rue McGill, chambre 402 MONTRÉAL

Me Paul-André CREPEAU:-Tél.: 873-2375 Président, 873-4580

Le 14 octobre 1969

Monsieur le Président, Commission permanente de Justice, Assemblée nationale du Québec, Hôtel du Gouvernement, Québec, P.Q.

Monsieur le Président,

Faisant suite au voeu qu'exprimait, lors de sa dernière réunion, la Commission permanente de Justice au sujet de l'article 1266 p) du bill 10 concernant les régimes matrimoniaux, j'ai l'honneur de suggérer les modifications suivantes: 1) le second alinéa de l'article 1266 p) serait modifié pour se lire de la manière suivante: "Le présent article ne limite pas le "This article does not limit the right of droit d'un époux de désigner un tiers a consort to name a third person beneficiary bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la of a contract of life insurance, and no vie, et aucune récompense n'est due en compensation is due by reason of the sums raison des sommes ou primes payées à cette or premiums paid for such purposes out of fin à même les acquêts si le conjoint ou les the acquests if the beneficiary be the spouse enfants de l'époux ou du conjoint sont or the children of either the consort or the bénéficiaires." spouse." 2) l'article 35 du projet modifiant l'article 1292 du Code civil serait modifié au paragraphe b en ajoutant, après les mots "les biens de la communauté", ce qui suit: "... si le conjoint ou les enfants du mari ou du conjoint sont bénéficiaires." 3) l'article 85 du projet modifiant l'article 1425 a du Code civil serait modifié en ajoutant au dernier alinéa, après les mots "les biens réservés", ce qui suit: "... si le conjoint ou les enfants de la femme ou du conjoint sont bénéficiaires."

Ces modifications ont pour but de répondre au désir de la Commission permanente de Justice qui voulait éviter les cas possibles de fraude comme ce pourrait être le cas, notamment ainsi que l'exemple en fut donné à la Commission d'un contrat d'assurance à prime unique.

Veuillez agréer Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération;

(Signé) Paul-A. Crépeau.

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