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Version finale

28th Legislature, 4th Session
(February 25, 1969 au December 23, 1969)

Wednesday, November 12, 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 10 - Régimes matrimoniaux


Journal des débats

 

Commission permanente de l'administration de la Justice

Bill 10 — Régimes matrimoniaux

Séance du 12 novembre 1969

(Dix heures treize minutes)

M. PAUL: Mme Casgrain, est-ce qu'il me serait permis de proposer que M. Marcel Plamondon agisse comme président temporaire de notre commission en l'absence de M. Bergeron, qui arrivera probablement d'une minute à l'autre?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Tout à fait d'accord, M. le Ministre.

M. PLAMONDON (président de la commission permanente de l'administration de la Justice): Alors, nous allons débuter. Nous poumons peut-être prendre connaissance du texte que nous a soumis Me Crépeau et lui demander de le commenter...

M. CREPEAU: M. le Président, lors d'une réunion précédente de votre commission, et plus particulièrement à l'occasion de l'étude de l'article 1266e) du bill 10, votre commission avait estimé devoir changer la politique qui vous avait été suggérée par l'Office de révision du code civil, afin de réintroduire la notion de récompense, lorsque la personne, qui avait été désignée comme bénéficiaire d'un contrat d'assurance, se situait hors du cercle familial.

Vous estimiez, et je le pense à juste titre, qu'il y avait là une possibilité de fraude, possibilité qui avait été signalée par les assureurs, et, à la suite de vos discussions, vous avez demandé à l'Office de révision de bien vouloir préparer des textes pour mettre en oeuvre votre politique.

Seulement, en matière de codification, en matière de présentation d'un texte que l'on veut harmonieux et intégré, lorsqu'on change un texte, il arrive très souvent que cela comporte des incidences sur des textes voisins. Et alors, lorsqu'il a été question de changer la politique introduite à cet article 1266e), pour éviter des questions de fraude, et à la suite des discussions que nous avons eues au comité spécial des régimes matrimoniaux et avec les représentants des assureurs, — et je me permets ici, encore une fois, de souligner l'excellente collaboration que nous avons reçue des conseillers juridiques de l'Association canadienne des assureurs — je peux vous dire que nous avons travaillé. Je pense pouvoir le dire, de pied ferme. Nous avons essayé de présenter une politique en matière d'assurance. Non seulement en matière d'assurance, nous nous sommes demandé dans quelle mesure nous devions assurer un régime unique pour les assurances, pour le régime de rentes qu'est extrêmement important dans la province et aussi pour les pensions de retraite.

Alors, à la suite de l'examen, nous avons cru devoir vous proposer des politiques nouvelles fondées sur des considérations différentes de celles qui avaient présidé à la notion première qui était — je me permets de le rappeler — de considérer le régime de l'assurance comme une affaire très personnelle qui devait donc être, en principe, du côté des propres, et non du côté des acquêts. Le régime de base que nous avions prévu, c'était: Ce qui concerne l'assurance sera propre, à moins que des exceptions ne le rangent dans le secteur des acquêts. C'est ce changement de politique que nous vous présentons ce matin.

Mais, comme il vaut mieux que les choses vous soient expliquées par l'expert. Je prends la liberté, M. le Président, de vous prier de demander à mon collègue, Me Comtois, de vous expliquer la portée des changements qui vous sont suggérés.

M. LE PRESIDENT (Plamondon): C'est avec plaisir que nous entendrons Me Comtois.

M. COMTOIS: Je vous lirai le texte pour les fins d'enregistrement. J'imagine qu'il vaudrait mieux lire la lettre explicative, la lettre qui présente ces amendements; après quoi, peut-être que dans deux ou trois propositions plus simples, j'essaierai, en donnant des exemples, de vous expliquer la portée de ces changements.

C'est adressé à M. le Président, à la commission permanente de la justice: "M. le Président, "Suite aux discussions qui ont eu lieu au sein de votre commission, le comité spécial des régimes matrinomiaux de l'Office de revision du code civil s'est livré à un réexamen en profondeur des dispositions du bill 10 traitant de l'assurance sur la vie (article 1266e) et suivants). "Deux considérations ont présidé aux changements que nous vous proposons: "1 - L'introduction de la notion de récompense à l'article 1266p), faite à la demande de la commission permanente, a forcé une réévaluation des principes fondamentaux régissant l'assurance sur la vie dans les régimes matrimoniaux; "2 - La nécessité d'accorder un traitement substantiellement identique aux rentes, aux pensions de retraite et à l'assurance sur la vie a aussi provoqué une réévaluation en profondeur de ces articles de la société d'acquêts. "Les premiers textes soumis à la commission permanente s'inspiraient de deux idées: tout d'abord, le caractère extrêmement personnel de l'assurance sur la vie qui, à certains égards, a semblé devoir l'emporter sur le fait que les

primes relatives à l'assurance sont, dans la grande majorité des cas, payées à même les acquêts; ensuite, la popularité de l'assurance sur la vie au Québec rendait indispensable que cette institution soit régie par des règles simples. "Toutefois, l'expérience acquise au cours de nombreuses discussions avec les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie et les réflexions provoquées par les changements demandés par la commission permanente à l'article 1266p) et plus généralement par les débats au sein de cette commission, nous ont fait peu à peu aboutir à une série de conclusions. "Il est apparu, tout d'abord, que si la simplicité recherchée était obtenue à certains égards, elle provoquait par contre, dans d'autres secteurs, des complexités imprévues. D'autre part, la primauté donnée à l'aspect personnel de l'assurance sur la vie, sur son aspect sociétaire, entrait en conflit avec un autre des objectifs du régime, qui est d'accorder l'identité de traitement à l'assurance sur la vie, aux rentes et aux pensions de retraite. Chacune de ces trois formes de protection ont, en effet, un aspect personnel mais qui se manifeste de façons si différentes qu'il est difficile de prévoir, dans les trois cas, une solution identique en conservant la primauté de l'aspect personnel, si l'on veut éviter de faciliter certaines fraudes de la part d'un époux aux dépens de son conjoint. "Une telle solution présentait également un autre inconvénient qui, bien que moins important, ne devait pas être négligé. Etant donné le parallèle existant entre le régime de la société d'acquêts et celui de la communauté de biens, les règles que nous avions prévues privaient les juristes du recours à la longue jurisprudence et aux nombreux articles de doctrine touchant la communauté. "Finalement, plusieurs des arguments en faveur de l'aspect personnel de l'assurance sur la vie pouvaient en fait être appliqués dans une certaine mesure à beaucoup d'autres formes de contrats à long terme, comme par exemple l'achat par versements mensuels de fonds mutuels. Il est évident qu'une telle solution dénaturerait complètement le régime de la société d'acquêts, en permettant la transformation, éventuellement frauduleuse, d'acquêts en propres. "Les considérations qui précèdent nous permettent donc de suggérer les modifications suivantes."

Je crois que nous devrons prendre chacune de ces modifications séparément. Est-ce qu'on doit les lire tout de suite?

M CREPEAU: Je crois qu'on pourrait lire l'ensemble.

M. COMTOIS: Alors je poursuis avec votre permission. "Les produits, droits ou autres avantages qui lui échoient à titre de bénéficiaire désigné par le conjoint ou par un tiers, en vertu d'un contrat ou d'un régime de rentes, de pension de retraite ou d'assurance sur la vie."

Cela est un alinéa ajouté à l'article 1266e), pour dire que ces choses-là sont propres, les produits, droits et autres avantages découlant de ces contrats.

En commentaire, on dit que: "Cette rédaction nouvelle s'inspire du désir de soumettre l'assurance sur la vie, les rentes et les pensions de retraite aux grands principes généraux de la société d'acquêts. Ainsi, par exemple, une police d'assurance dont les primes sont payées à même les propres demeurerait propre; les règles de l'emploi et du remploi s'appliqueraient, etc.

L'article 1266h) se lirait dorénavant comme suit: "Le droit d'un époux à une pension alimentaire...

M. THEORET: Pardon, M. Comtois, nous ferons aussi bien d'étudier les articles au fur et à mesure que vous allez nous les lire, maintenant que nous sommes dans le texte du code.

M. COMTOIS: Pas d'objection.

M. THEORET: Parce que là, vous allez les lire tous, puis il va falloir les reprendre après.

M. COMTOIS: C'est peut-être mieux.

M. THEORET: Ce serait peut-être aussi bien de régler le cas de l'article 1266e), paragraphe 5?

M. COMTOIS: J'aimerais quand même, M. Théorêt — si vous le permettez, pour résumer tout ce qu'on vient de dire là, en deux ou trois compositions — vous dire l'essentiel des changements.

M. THEORET: Pour avoir une vue d'ensemble, c'est peut-être mieux qu'on lise le tout et on reviendra, vous avez peut-être raison. Je m'excuse, continuez. Si vous êtes pour en faire la continuation.

M. COMTOIS: Je ne me propose pas de relire. Si vous voulez qu'on continue.

M. THEORET: Pour avoir une vue d'ensemble des changements, ensuite, on se dira...

M. COMTOIS: Eh bien, si vous voulez, je pourrais peut-être très brièvement vous dire les changements; ensuite, on lirait les articles et on les comprendrait peut-être mieux.

M. THEORET: Bon, d'accord.

M. COMTOIS: Disons que, dans le projet du bill 10 tel qu'on l'a eu, tel qu'on l'a étudié, on avait créé un système nouveau pour l'assurance,

qui s'éloignait des conceptions traditionnelles. Parce qu'après tout, l'assurance, qu'est-ce que c'est? C'est un bien mobilier. Alors la règle veut que les biens mobiliers tombent en communauté et la règle en matière de société d'acquêts veut que les biens mobiliers acquis durant la société d'acquêts soient aussi des acquêts.

Or, notre option est différente maintenant. On veut se rapprocher du régime traditionnel et on ne veut pas, sauf les exceptions qu'on dira, traiter l'assurance comme étant un droit à part.

Alors, cela veut dire que si quelqu'un assure sa vie et qu'il paie les primes continuellement avec des biens propres, on n'exclut pas comme autrefois la possibilité de faire un propre de cette police d'assurance, si elle est entièrement constituée de propres; autrefois on enlevait cette possibilité. Là, si l'assurance est payée avec des acquêts comme cela sera le cas dans 99 situations sur 100, je pense bien — cela se paye à la semaine, au mois, par trimestre, peu importe — alors, ce seront en principe des acquêts, sans exclure pour autant la possibilité de constituer un capital d'assurance propre si les primes qui l'ont constitué étaient des propres.

Alors, nous retournons un peu à la communauté traditionnelle ou à la société d'acquêts comme nous l'avons toujours connue pour d'autres biens de même nature. Cependant, sur ceci, on a encore maintenu une petite différence: nommer quelqu'un bénéficiaire d'une police d'assurance, ce n'est pas une donation, mais cela ressemble beaucoup à une donation. Alors, pour éviter des difficultés, on a un article qui dit que lorsque quelqu'un est nommé bénéficiaire d'une police d'assurance, il reçoit le capital de l'assurance à titre de propre. C'est un peu comme "équipollent" à succession ou à donation ou à libéralité. Alors, vous recevez, comme époux, pendant le mariage, un bénéfice d'assurance, qu'il vous vienne de votre conjoint, d'un parent ou d'un étranger, peu importe, cela sera toujours considéré comme un propre. Voilà une caractéristique, une première proposition, et c'était déjà là, mais on le laisse tel quel.

Ce qu'il y a de nouveau, c'est qu'étant donné qu'aujourd'hui les régimes de rentes, de retraite ne sont pas tous publics ou...

M. PAUL: Excusez M. Comtois... M. COMTOIS: Oui, M. Paul.

M. PAUL: ... peut-être que je devance un peu vos explications; avec ce nouveau système, comment pourrait s'opérer le changement de bénéficiaire?

M. COMTOIS: On ne touche pas à cela, sauf pour un point de vue, nous disons qu'un époux marié en société d'acquêts a droit de désigner un bénéficiaire sans le concours ou le consente- ment de son conjoint; mais, pour le surplus, ce seront les mêmes principes qu'actuellement. Si cela tombe sous la loi de l'assurance sur la vie des maris et des parents, eh bien il faudra, pour changer un bénéficiaire, le choisir dans la classe privilégiée. Si c'est une assurance pour laquelle un bénéficiaire a été nommé, on ne pourra pas le changer sans le consentement de ce bénéficiaire. Est-ce bien cela, M. Plamondon?

M. PLAMONDON (Luc): Oui, je suis d'accord.

M. COMTOIS: Si ce n'est pas cela, c'est le temps de corriger.

M. PLAMONDON (Luc): Non, cela va.

M. COMTOIS: Par contre, s'il y a une assurance payable aux héritiers légaux, vous êtes bien libre de nommer un bénéficiaire. Il n'y a pas d'objection à cela. Est-ce bien cela?

UNE VOIX: II n'y a pas d'objections à ça. C'est exact.

M. COMTOIS: Est-ce que ça répond à votre question, monsieur le ministre?

M. PAUL: Oui, oui. Très bien.

M. COMTOIS: Alors, je disais que, aujourd'hui, les régimes de rentes se multiplient, à l'exemple probablement de l'institution de la Régie des rentes; c'est devenu très courant, les régimes de rentes, pour les employés. Certaines rentes sont constituées auprès de compagnies d'sssurance. Il est bien difficile de faire la démarcation, il y a tellement de souplesse dans les contrats d'assurance. Parfois, ça participe de l'assurance-vie, en ce sens qu'on prend un capital au décès, et nous combinons à ça un régime de rentes, si on survit à telle période, nous avons droit à une pension de tant. En d'autres mots, il est devenu extrêmement difficile de dissocier dans un contrat — dans certains contrats— l'élément retraite de l'élément assurance.

Pour trouver des solutions pratiques, réalistes, dans ce cas, et après beaucoup de réflexion, nous avons jugé à propos d'assimiler, à toutes fins pratiques, le contrat de rentes au contrat d'assurance. Maintenant, il reste que, si nous avons un contrat purement privé auprès d'une compagnie d'assurance, on est libre de racheter quand on veut, ce n'est pas comme un contrat où la rente versée aux députés, ou versée aux fonctionnaires, ou versée aux employés des grandes corporations, où le capital, on ne peut pas en faire ce que l'on veut.

Si j'ai un contrat de rentes avec la compagnie "L'Industrielle", ou peu importe, je peux bien, à ma propre discrétion, racheter ma rente à un moment donné, ce que je ne peux pas faire

vis-à-vis de l'Université de Montréal ou de mon employeur. Là, c'est réglementaire, c'est bien dit que la pension est payable à tel âge, et ça échappe à mon contrôle, il y a un élément réglementaire là-dedans qui est bien différent de l'élément contractuel, des contrats purement privés entre un individu et une compagnie d'assurance. C'est pour ça que nous traitons différemment ces deux contrats, lorsque, à l'article 1266h), on dit ceci, —là je lis l'article au complet —: Le droit d'un époux à une pension alimentaire, à une pension d'invalidité, ou à quelque autre avantage de même nature, lui reste propre; et aucune récompense n'est due, en raison des sommes ou primes payées à même les acquêts. Mais sont acquêts, les produits et revenus qui en proviennent, et qui sont échus ou perçus au cours du régime, ou qui sont payables à son décès, à ses héritiers et représentants légaux.

Alors, j'ai un contrat de rentes, je participe à un fonds de pension, les prestations sont les acquêts; maintenant, ce qui sera payé après le décès, ça, ça m'est propre, parce qu'il y a un élément personnel là-dedans. Par exemple, supposons que j'ai 64 ans, je suis à la veille de retirer ma pension et j'obtiens un divorce contre ma femme. Nous estimons qu'il ne serait pas juste qu'elle ait droit, immédiatement, à la moitié du capital accumulé là-dedans; il me semble que c'est personnel, c'est propre.

Cependant, on fait une exception pour les rentes et pensions de retraite que le titulaire pourrait racheter par anticipation.

On assimile au contrat de pension, les contrats de rentes que le titulaire ne peut pas racheter par anticipation, pour distinguer entre les contrats privés, dont je parlais tout à l'heure, et les contrats de rentes qui sont créés par une loi ou par un règlement, et où le membre du fonds de pension n'est pas libre, quand il le veut, de racheter sa pension, de capitaliser, de commuer immédiatement le capital qu'il a accumulé au cours des années.

J'ai l'impression à ce moment-ci, parce que c'est extrêmement subtil, de ne pas très bien me faire comprendre. Aux cours, je n'ai pas l'avantage d'avoir un collègue pour m'éclairer, mais là, je pense que M. Crépeau pourrait peut-être, ou M. Plamondon, clarifier davantage. M. Crépeau.

M. CREPEAU: Je pense qu'on pourrait peut-être donner un exemple, quitte à ce que notre collègue, représentant des assureurs, en donne une explication plus fournie. Je pense que ce deuxième alinéa de l'article 1266h), qui vient en quelque sorte apporter un élément nouveau, veut tout simplement, à mon sens, répondre à la même préoccupation que celle qui vous a porté à faire modifier l'article 1266p). Or, lors de la séance de votre commission, vous disiez, et à la suite de l'exemple qui avait été apporté par les assureurs, si moi, pressentant un divorce, je prends, par exemple, un contrat d'assurance-vie à prime unique, j'obtiens le capital...

M. PLAMONDON (Luc): Je m'excuse, je vais bâtir l'exemple tel que nous l'avions élaboré entre nous. Un mari possède $90,000 comptant, et sent que le divorce s'en vient. S'il ne fait rien, les $90,000 étant un acquêt, son épouse va avoir droit à $45,000 sur ces $90,000. Alors il se dit: Si avec ce $90,000 je me porte acquéreur d'un contrat d'assurance à prime unique, que va-t-il se produire? Alors, si on regarde le texte que nous avions avant celui que nous vous soumettons maintenant, au moment du divorce, les $90,000 ne sont plus de l'argent comptant, c'est un contrat d'assurance-vie. Il n'est ni échu, ni perçu à ce moment-là; donc, c'est un propre, et l'épouse n'a pas le droit d'obtenir quelque partie que ce soit de ce contrat d'assurance. Et le lendemain du divorce, il va demander la valeur de rachat de son contrat, il va perdre une partie de ses $90,000. Disons qu'il va en obtenir $78,000, mais il a tout de même fraudé son épouse de la différence entre $78,000 et $45,000. C'est une des préoccupations que nous avions, et que nous avons voulu bloquer, à ce moment-là.

M. CREPEAU: Alors, c'est la transposition de cette politique en matière d'assurance-vie, en matière de régime de pension de retraite et de rentes, parce que les assureurs nous donnaient des exemples. Si je prends un régime de rentes à prime unique, c'est encore la même possibilité, car si je le paie avec des acquêts, je peux ainsi frauduleusement transformer des acquêts en propres, et soustraire à mon conjoint, la moitié de ce qui serait acquêts.

Si bien que, pour répondre à cette préoccupation que vous aviez et ensuite, dans le but d'identifier le régime applicable à l'assurance-vie, au régime des rentes et aux pensions de retraite qui, nous disaient les assureurs, sont dans leur modalité presque identifiables, presque assimilables — parce que, comme le disait M. Comtois, il peut y avoir des versements en capital mais il peut y avoir des versements différés, il peut y avoir des primes uniques, il peut y avoir des primes versées mensuellement — alors deux choses, non seulement pour bloquer ce que vous aviez voulu bloquer sur le plan de l'assurance-vie, mais également pour assurer l'unité de régime dans un domaine où les distinctions ne sont pas faciles, il nous a semblé que, chaque fois qu'on pouvait prendre un contrat de rentes dont on pouvait obtenir, par anticipation, la valeur de rachat, alors là se posait la même possibilité de fraude. C'est ce que nous avons voulu bloquer.

M. COMTOIS: Je voudrais apporter un exemple encore plus pratique, si l'on peut dire. Supposons qu'arrive un divorce entre deux époux et que, disons, le notaire Théorêt est

nommé praticien pour liquider la communauté ou dans le temps la société d'acquêts. Il constate que le mari, qui est un fonctionnaire civil, a participé depuis plusieurs années à une caisse de retraite où il a versé des contributions et il a là un actif, disons de $50,000, $60,000 ou $75,000. D'après les dispositions que nous proposons, le praticien, le notaire chargé de préparer le projet de liquidation pour cet article particulier, n'a pas à le diviser en deux, c'est un bien qui est personnel au mari. Si, dans un cas à peu près semblable, le mari ne participait pas à un fonds de retraite comme celui de la Fonction publique, mais avait acquis auprès d'une compagnie d'assurance, moyennant une prime annuelle de $2,000, une retraite, mais que le contrat prévoit qu'il a droit, même avant l'âge de 65 ans ou de 60 ans, de racheter, de monnayer, eh bien, on dit qu'à ce moment-là, comme il s'agit d'un droit qu'il peut racheter par anticipation, ce n'est pas un propre, c'est un acquêt. Dans votre partage, comme praticien, vous devrez diviser la valeur monnayable actuelle en deux parts. Voilà l'exemple que j'ai essayé de mettre aussi clair que possible pour illustrer cette situation.

M. PAUL: Notaire...

M.THEORET: Au point de vue... Excusez.

M. PAUL: Après vous, notaire.

M. THEORET: Non, non. Au point de vue pratique...

M. PAUL: Voici, dans le sens pratique, dans l'application quotidienne — je dis quotidienne, pas dans chaque bureau, mais à travers la province — est-ce qu'à un moment donné il ne va pas s'élever un lot de conflits entre les époux pour essayer de faire déterminer tel aspect, telle rente ou telle police d'assurance comme un propre et d'un autre côté comme acquêts?

M. COMTOIS: Sans doute, mais nous estimons, pour notre part, que le critère est tout de même assez précis: ou c'est rachetable ou ce ne l'est pas. On constate que, dans les fonds de pension publics ou des grandes institutions, ce n'est jamais rachetable.

M. PAUL: II y a beaucoup de femmes, M. le notaire, qui travaillent ici au parlement, comme il y a beaucoup d'hommes. A un moment donné ils s'assurent, par exemple, à la Mutuelle des fonctionnaires. Ils vont payer leurs primes d'assurance pendant quinze ou vingt ans. A un moment donné, à l'approche de la retraite ou sentant un divorce qui s'amorce, ils vont décider de retirer la valeur de rachat que pouvait avoir éventuellement cette police d'assurance. Est-ce que cela ne froisse pas un peu de constater que cette police d'assurance rachetée va devenir un acquêt, alors que l'individu, l'employé civil, qu'il soit homme ou femme, aura contribué par ses propres exclusivement au paiement de cette police d'assurance?

M. CREPEAU: Mais, c'est cela, le problème, M. le Ministre. Dans le cas que vous donnez, il me semble que s'il s'agit d'un fonctionnaire, en général, je pense pouvoir dire que, dans la généralité des cas, il ne sera pas le titulaire d'une succession ou d'une libéralité qui lui viendrait de sa famille; dans la généralité des cas, cette prime va être payée à même son salaire, elle va même être déduite de son salaire. Alors c'est un acquêt. Vous avez là une preuve d'acquêt.

Comme c'est déduit du salaire, vous voyez, c'est nécessairement... Puisque l'article fondamental de la société d'acquêts prévoit que le produit du travail est un acquêt. Donc vous avez là une règle qui fait que, ces nouveaux articles étant à l'effet de faire rentrer l'assuran-ce-vie, les régimes de rentes, les pensions de retraite dans les principes généraux de la société d'acquêts, ce qui a été payé avec acquêts est acquêts, ce qui a été payé avec propres, est propres; ce qui est remployé avec acquêts devient acquêts. Si bien que, dans le cas que vous donnez, je crois, M. le Ministre, qu'il pourrait difficilement y avoir contestation parce qu'il y aurait preuve de l'acquêt.

Maintenant, il y a une petite règle additionnelle dans le bill 10. Lorsque les primes ont été payées à même des propres — c'est possible à l'occasion d'une donation, à l'occasion d'une succession — pour éviter alors les difficultés, nous avons prévu qu'il y a une présomption d'acquêts, chaque fois qu'une personne ne peut pas justifier d'un propre. Alors, avec cette règle que normalement la prime est payée avec des acquêts, à même le salaire — et c'est dans la très grande majorité des cas — il y a aussi l'autre règle qui veut que seront acquêts tous les biens à moins que la personne qui veut les faire sortir des acquêts fournisse une preuve satisfaisante.

M.PAUL: Voici, M. le Président, l'on pose ces questions-là parce que, dès qu'arrive l'opposition circonstancielle en haut dans le débat, là, cela va être complexe !

M. COMTOIS: J'aimerais bien aviser le ministre; pourriez-vous reprendre votre exemple pour être bien sûr, là?

M. PAUL: Non, non. Avec l'explication que m'a donnée, M. Crépeau...

M. COMTOIS: Parlez-vous d'une police d'assurance ou d'une pension?

M.PAUL: J'ai parlé d'une police d'assurance.

M. COMTOIS: Parce que M. Crépeau nous parlait un peu d'une pension.

M. CREPEAU: Le fonds de retraite du fonctionnaire.

M. COMTOIS: Non, non. Cela n'est pas la même chose, c'est pour cela qu'il faut se comprendre.

M. PAUL: Une police d'assurance. M. COMTOIS: Une police d'assurance.

M. PAUL: Quand cela est payé avec le produit du travail, par conséquent cela est un acquêt.

M. COMTOIS: C'est un acquêt. M. PAUL: C'est cela, très bien.

M. COMTOIS: Si le mari ou la femme fonctionnaire veut exercer la valeur de rachat, je ne pense pas qu 'il puisse le faire sans que cela tombe...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Sans que cela tombe dans les acquêts!

M. LE PRESIDENT: Je voudrais demander à mon homonyme qui nous a fourni un exemple tantôt, bien concret, et qui a tiré la conclusion à partir du texte non corrigé, j'aimerais qu'il reprenne le même exemple et tire les conclusions à partir du texte amendé. Qu'est-ce qui va se produire avec le texte que vous nous proposez dans le même exemple?

M. PLAMONDON (Luc): Alors, monsieur détient $90,000 juste avant l'instance en divorce. Nous avons tenu pour acquis dans notre exemple que c'était un acquêt, admettons que ses économies s'étaient accumulées au cours du régime, et qu'il décide de le transformer en un contrat d'assurance juste avant le divorce. Le divorce survient et le notaire doit se pencher sur les biens pour faire le partage des acquêts présupposant que l'épouse accepte les acquêts de son mari. Alors, on se demande, à ce moment-là, devant chacun des biens qui font partie de l'inventaire, si le bien est un propre ou si c'est un acquêt. Parce que, si c'est un propre, l'épouse n'y aura pas droit; si c'est un acquêt l'épouse y aura droit.

Voici un contrat souscrit par un conjoint pendant la durée du régime — en règle générale, cela tombe dans les acquêts — en plus de cela, c'est payé à même les acquêts: une autre raison pour laquelle c'est un acquêt. Donc, l'épouse aura droit à la moitié de cela, parce qu'il n'y a aucun texte qui nous permet de nous en écarter. Et ce sont les suggestions que nous avons faites, ce sont tous les principes généraux de la société d'acquêts, y compris la théorie du remploi et ces choses-là, qui s'appliquent, sauf si nous tombons dans des exceptions données, et aucune des exceptions ne s'appliquerait. Nous avons effectivement bloqué cette possibilité de fraude que nous avions soulevée la dernière fois.

J'aimerais signaler quelque chose ici, parce que je représente l'association des compagnies canadiennes d'assurance. Je dois faire une réserve. Quand nous avons soumis notre premier mémoire à la commission, qui a abouti aux rencontres que nous avons eues avec la commission, ce mémoire avait été précédé de nombreuses heures d'étude et de travail de la part d'un sous-comité chez nous et, par la suite, il y a eu d'autres réunions pour que mon mandat auprès de l'office puisse continuer, alors que nous discutions des amendements mineurs. Ce nouveau schème que nous élaborons, franchement, au niveau des assurances, nous n'avons pas eu le temps de nous y pencher avec le même souci et le même temps et la même qualité de travail qu'à l'origine. Je n'ai donc pas le droit, ce matin, de donner une caution sans réserve au texte. Je ne le désapprouve pas non plus mais je ne peux pas l'approuver. Je ne détiens pas de mandat valable, comme je l'avais relativement au mémoire original.

M. PAUL: M. Plamondon, je présume, cependant, que vous gardez le concept général de la discussion que vous aviez eue préalablement au texte, dont nous sommes en possession ce matin. Est-ce que cela semble être "l'animus" de la discussion que vous aviez eue?

M. PLAMONDON (Luc): Bien, j'aimerais m'expliquer. A l'origine, il y avait une règle nouvelle, spéciale, que le bill 10 mettait en vigueur. Nous avons soumis un mémoire pour démontrer qu'il y avait quelques failles et, dans cette optique-là, nous avions fait des accommodements entre l'Office de révision et les assureurs. Là, on a changé complètement le système et on en revient aux grands principes généraux. On en revient à ce qui se passe actuellement en communauté.

M. PAUL: Est-ce que cela devient contraire à ce que vous aviez préalablement proposé?

M. PLAMONDON (Luc): Cela devient contraire, non, cela devient complètement différent. Mais, à titre d'expert, auprès de l'Office de révision, si je peux me permettre le terme, il est de notre devoir, je pense, et c'est ce que nous avons fait jusqu'ici, d'expliquer à la commission toutes les ramifications qu'une nouvelle règle peut avoir. Tout ce que je dis, c'est ce que nous proposons ce matin, nous l'avons foncièrement élaboré au cours des trois dernières semaines seulement. Nous n'avons pas pu lui donner le même temps et la même qualité de travail que

nous avions pu faire à l'origine. Je suis obligé de le dire — mon président du sous-comité me demande d'exprimer cette réserve — nous avons une réunion demain matin de ce même sous-comité pour essayer encore une fois de trouver s'il y a d'autres failles. Je suis personnellement optimiste mais je suis officiellement obligé d'exprimer une... peut-être pas une réserve... Oui, madame?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. Plamondon, je comprends que vos juristes vont de nouveau se pencher sur cette nouvelle formule que nous étudions. Est-ce que vous avez une idée du temps que cela peut prendre avant que vous nous donniez une assurance qu'en fait, vous êtes satisfaits?

M. PLAMONDON (Luc): Combien de temps voudriez-vous nous accorder?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est parce que ce bill va...

M. PAUL: Je présume, M. le Président, en saisissant très bien la portée de la question de l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys que nous ne pourrons pas terminer ce matin. Alors, cela présumerait qu'à la prochaine séance, nous souhaiterions, si c'était possible, connaître l'opinion de l'association, par votre entremise.

M. PLAMONDON (Luc): Je pense, pour deux raisons principales, que nous n'avons pas à prendre le même temps, pour notre part, que nous avions pris pour le mémoire original. Les deux raisons sont les suivantes: Quand nous élaborons une solution nouvelle, comme c'était le cas à l'origine, cela prend beaucoup plus de temps pour voir toutes les ramifications.

Or, ici, on en revient, en fait, aux grands principes généraux et là où nous avons de l'expérience depuis maintenant 60 ans, dans un régime très semblable, très parallèle, celui de la communauté. Je pense que ça va nous prendre moins de temps, pour cette raison-là à en voir les ramifications.

Une deuxième chose, c'est que ça fait tout de même un an que, moi personnellement, et les autres membres du sous-comité, nous jouons avec ces concepts de société d'acquêts et nous ne sommes pas obligés de passer par les même processus de pensée et de recherche qu'à l'origine. Si vous mettez la prochaine réunion — je ne sais pas ce que vous avez en tête — à une semaine ou quinze jours, je peux vous garantir que nous ferons notre possible pour aboutir à une recommandation. Je pense que ça va en être une, mais je verrai ce que mes collègues diront sur ce point.

Ce qui se produit actuellement, c'est ce que j'ai demandé à plusieurs de mes collègues, d'être le plus négatifs possible vis-à-vis des nouvelles règles, pour essayer d'en trouver les failles. Mais cela date de quinze jours, et je reçois toutes sortes de commentaires et d'objections de mes collègues. Jusqu'ici, le texte tient, mais...

M. PAUL: M. Plamondon, vous avez parlé d'un délai de quinze jours. Nous ne voulons pas procéder à la vapeur avec ce bill-là, mais il semble unanime ou du moins presque unanime que l'Assemblée envisage une prorogation des Chambres vers, si possible, le 6 ou 8 décembre. Alors, reporter encore la prochaine séance à quinze jours, ça nous mettra automatiquement vers la fin de novembre.

Il nous faudra, nous, par après, tenir une séance in camera, ici, pour que nous adoptions une politique commune, si vous voulez, des deux côtés de la Chambre, pour faire un front commun dans les délibérations que nous aurons à soumettre en haut, à l'Assemblée nationale. Alors, nous vous demanderions, si ce n'était pas trop vous presser, de connaître l'opinion de votre association, si possible la semaine prochaine.

M. PLAMONDON (Luc): Nous ferons de notre mieux.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'approuve entièrement les propos qu'a tenus le ministre de la Justice.

M. PAUL: Nous voulons, si possible, à moins d'extraordinaires imprévus, faire passer cette loi-là à la présente session, et le 8, le 9 et le 10 décembre, le premier ministre M. Bertrand devra aller à la conférence des premiers ministres. Si nous n'avons pas fini, nous nous réunirons probablement après le 15, une autre semaine, ou dix jours avant Noël, mais nous voudrions, si possible, proroger avant Noël. Alors, c'est un peu dans ce décalage de temps qu'on vous inviterait, tout en nous excusant, à nous faire part au plus tôt de vos commentaires.

M. PLAMONDON (Luc): Très bien. Pour faciliter.

M. COMTOIS: Si, par hasard, comme je l'espère, votre comité est d'accord, il n'y aurait peut-être même pas lieu de faire une réunion. La réunion serait nécessaire, si on épuise tout le reste. Seulement, si l'Association des assureurs arrive avec un désaccord et avec de nouvelles propositions, et si c'était le cas, je doute qu'on puisse procéder d'ici quinze jours, s'ils remettent tout en question, ce que je n'espère pas.

M. CREPEAU: C'est le problème, M. le Président...

M. COMTOIS: C'est possible que...

M. CREPEAU: Je pense que le problème qui

est, à mon avis, essentiel, c'est que toute cette discussion que nous avons eue vient du fait, qu'il y a un certain nombre de semaines, lors d'une réunion antérieure, la Commission permanente de la Justice a décidé de faire bloquer une fraude éventuelle.

Alors, à partir de ce moment-là, en matière d'assurance, nous avons voulu prévoir un régime identique pour les rentes et les pensions de retraite. Alors, je pense que le problème serait, il me semble, de savoir dans quelle mesure, officiellement, l'Association canadienne des assureurs voit les conséquences, les ramifications, en matière d'assurance, d'une politique fondamentale qui est proposée ce matin.

M. PAUL: M. Plamondon, je pense que M. le Président, M. Crépeau, nous a fait part de la demande, de la crainte exprimée ici par les membres de la commission. Est-ce que vous êtes vous-même en mesure de dire que le projet qui nous est proposé, le projet amendé aurait pour effet de contourner toute fraude possible?

M. PLAMONDON (Luc): C'est justement la question essentielle. C'est là où, foncièrement, il y a un facteur de temps qui joue. D faut s'asseoir et essayer d'imaginer le plus possible...

M. PAUL: Non, mais peut-être, si le résultat est visé, ou du moins si vous pouvez penser que le résultat est atteint, nous aimerions, nous, être informés si par hasard, ce serait dans les mécanismes divers pour y arriver.

Il y aurait peut-être deux aspects au problème: le but atteint et le moyen de l'atteindre. Si, par ce texte, on atteint l'évitement de la fraude, il y aurait peut-être, de la part de votre association, quelque autre moyen pour arriver à la même fin. Alors, il y a peut-être deux aspects, là...

M. PLAMONDON (Luc): Possible. M. PAUL: ... de ce problème-là.

M. PLAMONDON (Luc): Bien, écoutez, nous allons nous y pencher, et si la commission le veut, je pourrais certainement, lorsque nous aurons abouti à une décision, accorder un délai d'une semaine, — nous ferons de notre mieux — écrire à la commission, et donner notre caution au texte. A ce moment-là, Me Crépeau pourrait vous en faire part, et si vous voulez avoir la réunion ou non à ce moment-là, je ne sais pas, cela serait certainement une procédure qui nous agréerait; si nous trouvons des objections majeures, eh bien, là, il serait peut-être temps de revoir la question, à ce moment-là.

M. THEORET: Parce qu'on revient au texte. Voici à l'article 1266h), premier paragraphe, dans le nouveau texte...

M. PLAMONDON (Luc): Oui.

M. THEORET: ... alors, la première partie dit: "Le droit d'un époux à une pension alimentaire lui reste propre". Dans la deuxième partie, après le point-virgule, on dit: "Mais sont acquêts tous les produits et revenus qui en proviennent, etc."

Au paragraphe suivant, on dit: "II en est de même des rentes et pensions de retraite". A quelle partie du paragraphe précédent ce paragraphe se réfère-t-il pour dire: II en est de même? A la dernière partie?

M. COMTOIS: A tout le paragraphe.

M. THEORET: Tout?

M. CREPEAU: II en est de même.

M. THEORET: Si c'est l'un ou l'autre...

UNE VOIX: C'est cela.

M. THEORET: D'accord.

M. MALTAIS (Limoilou): M. Plamondon, je voudrais quand même revenir sur l'exemple que vous avez donné, celui de $90,000. Ces $90,000 qui étaient accumulés avec des acquêts.

M. PLAMONDON (Luc): Oui.

M. MALTAIS (Limoilou): Et lorsqu'arrive le moment d'un divorce, pour se prémunir contre une perte d'un beau capital, le mari dit: Je vais convertir cela en police d'assurance.

Vous dites qu'à ce moment-là, cela deviendrait un propre.

M. PLAMONDON (Luc): En vertu des anciennes règles, cela le devenait; en vertu des nouvelles règles, cela reste un acquêt.

M. MALTAIS (Limoilou): C'est cela que je voulais savoir.

M. PAUL: Maintenant, voici, M. le Président, je pose tout simplement la question: Est-ce que ces nouvelles dispositions que nous adoptons ne constitueront pas une incitation aux gens à continuer à se marier en séparation de biens? Est-ce qu'il n'y a pas un danger, à ce moment-là, qu'avec ces amendements tout le principe même des avantages de la société des acquêts soit mis de nouveau en jeu?

M. PLAMONDON (Luc): A l'occasion de changements touchant seulement l'assurance?

M. PAUL: Oui, pas seulement pour cela, mais à cause de l'ensemble.

M. CREPEAU: M. le Président, sur cette question... Au fond, vous voyez, avec ces amendements qui vous sont proposés ce matin, on fait rentrer l'assurance-vie, les rentes, les

régimes de pension dans le régime de droit commun. Alors que, dans la première version que nous vous avions présentée, nous pensions qu'il y avait un élément tellement personnel qu'on doive en faire des propres, quoi que ce soit. Et cela, vous ne l'avez pas voulu.

Alors, il me semble que là, en faisant rentrer tout ce domaine dans le régime de droit commun, là, on en revient à la philosophie de base du régime de la société d'acquêts, ce que j'ai acquis du produit de mon travail personnel, ou ce qui en fait remploi, c'est un acquêt qui doit être partagé avec mon conjoint.

Et ceci serait un régime de droit commun, sous lequel les époux vivraient, à moins qu'ils ne choisissent un régime différent.

Maintenant, la question de savoir si, dans la pratique, les époux vont préférer un régime de séparation totale à un régime d'acquêts, je pense — et le notaire Comtois l'a déjà dit devant vous — que c'est une question à laquelle nous ne pouvons pas répondre.

Seulement — et c'est l'essentiel de ce que j'avais essayé de transmettre le 21 mai dernier — si le législateur veut proposer un régime de droit commun, il me semble qu'il doit proposer un régime qui essaie de répondre au mieux à l'idée que l'on se fait de la société conjugale, c'est-à-dire une société à deux où on partage et d'un côté et de l'autre.

Alors, si cette conception de la société d'acquêts répond à ce que le législateur estime être le cours normal des choses, la façon normale dont on doit envisager le mariage; si, à cause de leur situation pécuniaire particulière, à cause, par exemple, de successions, à cause de transmission de biens, il arrive que leur société n'est pas comme celle de tout le monde, alors, là, les conjoints pourront, par une convention matrimoniale, par un texte prévu à cet effet, déroger à ce qui a semblé être la philosophie normale du partage de ce que l'on a gagné ensemble. Mais alors, ils seront dans l'obligation de le faire expressément et les conjoints, notamment la femme, sauront ou devraient savoir ce à quoi ils renoncent.

A mon avis, c'est là l'essentiel du régime.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, si vous me permettez une remarque personnelle — évidemment, nous n'avons pas étudié tellement en détail toutes les modifications qui sont proposées — j'ai l'impression que le bill 10, et particulièrement ce qui touche aux assurances, sera beaucoup plus "vendable", si on peut utiliser ce terme, avec ce qui nous est proposé ici, justement à cause de la protection.

Moi, pour ma part, qui parle des associations féminines, je pense que...

M. PAUL: Là vous parlez de la vie courante.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. PAUL: "Vendable" dans la vie courante.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. PAUL: Mais mon problème était soulevé au regard de l'étude du principe du bill à l'Assemblée nationale. Il y aura peut-être là ce manque d'information de la part de nos collègues, qui ne pourront pas posséder, malheureusement, comme nous. Nous avons eu l'avantage d'être constamment éclairés par des experts.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Evidemment, il y a l'aléa d'un principe. Cela existe dans presque tous les bills.

M. PAUL: C'est cela.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Si on savait à l'avance, on pourrait faire la preuve avant, de ce que cela va donner. Cela faciliterait la tâche. Je comprends ce que vous voulez dire.

M. THEORET: Je comprends, M. le Président. M. le Ministre, je regrette, je ne partage pas votre opinion. Je crois que les explications de M. Crépeau, si on les fait nôtres, signifient que, par ce nouveau régime commun, on veut corriger une situation qui nous semble injuste. Alors là, avec le régime commun, le praticien aura quand même un devoir envers les jeunes époux qui viendront le voir.

M. PAUL: Au point de vue pratique, vous avez parfaitement raison.

M. THEORET: Alors là, on peut dire qu'il n'y aura plus de contrats de mariage. Je pense bien que le praticien dira: Mademoiselle, écoutez, regardez tout ce que vous allez perdre. Je pense que là, on atteindra le but qu'on s'est fixé en faisant l'acte. Et en mettant toutes ces assurances dans la communauté d'acquêts, il y a encore un avantage marqué. Je crois que ce n'est pas au point de vue du public, mais auprès, plutôt, des avocats et des notaires, qu'il faudra "vendre le produit" pour qu'eux puissent informer, d'une façon intelligente, leurs clients. Alors on a corrigé cette injustice...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Surtout les notaires.

M. THEORET: Oui. On a corrigé cette injustice avec le bill et je crois qu'on va plus loin aujourd'hui et on en fait un régime qui semble idéal pour les époux qui vivront ensemble, comme vous l'avez dit si bien...

M. PAUL: Quelqu'un de bien renseigné dans le milieu m'a dit que la plus grande réaction viendra probablement de la part des notaires au sujet du bill 10.

M. COMTOIS: Parce qu'ils sont réactionnaires?

M. PAUL: Pardon?

M. COMTOIS: Parce qu'ils sont réactionnaires?

M.PAUL: Non. Vous allez admettre que, comme M. Théoret le dit, le notaire le moins consciencieux devra prendre le temps de "vendre cette marchandise" aux futurs mariés.

M. COMTOIS: Oui.

M. PAUL: C'est là qu'il va y avoir un travail d'éducation et d'information de la part des notaires, de l'ensemble des notaires. Et malheureusement, cela pourrait se présenter dans d'autres professions. Reste à savoir, et on peut se poser la question: Est-ce que tous auront cette honnêteté que la majorité —je n'en ai aucun doute — aura?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Nous sommes peut-être privilégiés d'avoir avec nous, justement à cette commission, le notaire Comtois qui, étant président de la Chambre des notaires ou ex-président...

M. COMTOIS: Plutôt, oui.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: J'ai l'impression qu'il a bien l'intention de faire comprendre...

M. COMTOIS: Ne vous faites pas d'illusion là-dessus.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. COMTOIS: Je dois avoir beaucoup d'amis parmi les notaires, puisqu'ils m'ont élu président, tout cela... Et je sais que même des amis intimes ou de très près sont contre cela. Moi, je suis prêt à partir en croisade pendant deux ans; si vous m'assurez du résultat, je suis prêt à laisser tout de côté pour faire assimiler, pour faire admettre, faire accepter cela.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Notaire...

M. COMTOIS: Ce qui va nous faire vendre cela et le faire accepter, c'est l'équité, la justice qu'il y a là-dedans. Et à ce point de vue-là, pour répondre à la question du ministre de la Justice, ce qu'on a corrigé ce matin, c'était justement une petite injustice. On l'a vue dans l'exemple qu'on citait. On l'a fait disparaître. Cela, ne peut que prouver davantage que c'est un régime équitable et juste qu'on veut. Cela peut être embêtant.

J'ai une expérience toute récente: c'était une femme de ménage, et la femme me raconte son problème. Le mari a une blonde, quoi... Alors, son mariage n'était pas en société d'acquêts mais en communauté, c'est tout comme. Je vois cette femme; je sais qu'elle est extrêmement honnête, qu'elle a gagné le peu d'économies qu'ils ont, et je me dis: Dieu merci, ils sont mariés en communauté. C'est la seule justice immanente qu'il reste. Il y a certaines gens qui ont dit: Cela ne se peut pas qu'un des époux ait une maîtresse ou un amant. Cela arrive même en dehors des grandes familles.

Alors, je pense que c'est un régime qui, justement, va rétablir l'équilibre, la justice, l'équité que, comme hommes de loi et législateurs, nous devons tous prôner.

Je le répète: je sais que c'est une campagne d'information qui va être extrêmement importante, et il s'agit de se mettre à la tâche. Pour ma part, je suis prêt à le faire immédiatement.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, sur ce point, j'ai le témoignage d'un de mes confrères du Barreau. Avant même que cette loi, le bill 10, ne soit adoptée, il a essayé de trouver un régime qui soit le plus équitable possible pour sa seconde fille qui se mariait. La première était mariée en séparation de biens. A la lumière de son expérience, il a trouvé que c'était vraiment injuste pour sa fille. Alors, sa deuxième fille, apparemment, sans connaître ce qu'il y avait dans le bill 10 s'est mariée par contrat de mariage évidemment. Il a trouvé cette formule lui-même qu'il a considérée comme équitable. Cet avocat m'a donné son nom et il n'a aucune objection à ce que je l'utilise ce témoignage-là qui est vraiment, à mon sens, assez révélateur. Voici un homme quiexerce sa profession je pense bien, depuis vingt-cinq ans, qui doit conseiller ses enfants, qui veut le meilleur régime possible et qui, à la lumière de son expérience, décide d'utiliser cette formule de la société d'acquêts, que nous avons suggérée dans le bill 10.

Je pense que, s'il y avait possibilité de faire connaître ce genre de témoignage, ce serait sûrement utile.

M. PLAMONDON (Luc): Je m'excuse. Je voudrais tout simplement dire que moi aussi, j'ai un contrat de mariage en communauté réduite aux acquêts avec des dispositions, à mon avis — les seules qui m'étaient disponibles à ce moment-là — qui se rapprochent énormément de la société d'acquêts que prône maintenant l'Office de révision.

M. BEAUDOIN: M. le Président, j'ai entendu tantôt le notaire Comtois dire: Ils étaient mariés en communauté, c'est tout comme s'ils étaient mariés en société. L'impression que j'ai ce matin, c'est qu'on se rapproche de plus en plus de l'ancienne communauté, avec la nouvelle société d'acquêts. Voilà l'impression. Je n'avais pas vu les amendements avant, évidemment, première impression, c'est que les gens vont assimiler peut-être trop la nouvelle société d'acquêts à l'ancienne communauté et vont continuer conséquemment à se marier en séparation de biens.

M. COMTOIS: M. Beaudoin, l'objection c'est que, sous la communauté, c'est l'incapacité qui les mortifiait.

M. BEAUDOIN: Oui, d'accord.

M. COMTOIS: Mais la différence avec l'ancienne communauté, c'est qu'ici les deux époux seront aussi capables que les époux séparés de biens.

M. BEAUDOIN: D'accord, c'est l'aspect phychologique, je pense, qui est important. Mais il reste que, quand même, vous aviez maintenu une certaine séparation de biens dans la société d'acquêts qui est maintenant enlevée ce matin.

M. COMTOIS: II y a une question d'entente.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le tout est généralisé.

M. COMTOIS: Non seulement on n'a pas changé la capacité, mais on a laissé le droit de désigner les bénéficiaires sans le consentement.

M. BEAUDOIN: Oui, d'accord. Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord avec la société d'acquêts, je vous parle de l'impression psychologique qui peut se créer. Et moi, j'ai vu d'autres membres du Barreau, qui ne sont pas les mêmes que vous, semble-t-il. Au Barreau, au conseil général du Barreau même, la question a été soulevée et tout le conseil général du Barreau, je pense, sans que je ne sois d'aucune façon autorisé à parler pour lui, encore une fois, a soulevé la question. On a dit que le Barreau était complètement opposé à la société d'acquêts. Alors, il y a non seulement une information à donner aux membres du Barreau, mais il y a lieu de les convaincre pour qu'ils disent à leurs clients ce que cela est véritablement. Moi, enfin, l'impression que j'ai eue ce matin, c'est qu'on retournait un peu à l'ancienne communauté, je me suis peut-être trompé. J'ai vu cela très rapidement, je n'ai pas eu le temps de l'étudier, mais enfin, c'est, l'impression qui s'est dégagée pour moi.

M. LE PRESIDENT: Me Crépeau.

M. CREPEAU: Sur cette question, je pense que l'intervention, qui vient d'être faite, M. le Président, est d'importance et qu'elle est de conséquence. C'est la raison pour laquelle je me permets, de dire que cela ne me parait pas tout à fait correspondre à la réalité. Parce que ce que nous avons fait ce matin, n'est pas, en quelque sorte, d'identifier ou de ramener la société d'acquêts à la communauté. L'essentiel de la société d'acquêts demeure, c'est-à-dire la séparation des patrimoines durant l'existence de la société. Ce qui est essentiel également à la société d'acquêts demeure, c'est le partage éventuel des acquêts. Tout ce que nous avons fait, c'est que nous avons voulu en quelque sorte élargir le contenu de ce que seront les acquêts. C'est tout. Que ce soit une question, par exemple, d'achat d'un immeuble avec un salaire, c'est de l'acquêt, c'est du remploi, ce sera éventuellement partageable. Aujourd'hui, nous disons — et nous vous proposons cette nouvelle optique — que si j'achète de l'assurance, ou si j'achète un régime de rentes avec des acquêts, cela tombera dans le régime général des acquêts, c'est-à-dire, chacun son patrimoine mais, éventuellement, sujet à partage. Cependant, je crois que l'intervention qui vient d'être faite a du vrai et, sur ce point, je pense qu'il est parfaitement légitime de dire que, psychologiquement, il se peut que, dans certains milieux, on dise, comme on l'a dit d'ailleurs, comme le Barreau l'a dit, que c'est une solution qui n'est pas satisfaisante; et il se peut qu'on dise que: Au fond, vous revenez à deux régimes qui seront à peu près les mêmes.

Eh bien, voici ce que j'ai à dire sur cette question, vu que cela n'est pas le cas, et vu que, tout à l'heure, on parlait des notaires, — je pense qu'on a fait allusion, disons par implication — à un certain esprit conservateur qui pourrait exister chez les notaires. Je pense, en toute objectivité, pouvoir dire que cette qualité est partagée par des confrères du Barreau et que cela n'est pas parce que ce sont des notaires ou des avocats, c'est parce que tout changement majeur de législation va contre un certain esprit d'inertie; un certain esprit, selon lequel il est toujours facile de faire ce que l'on a fait depuis dix ans, depuis vingt ans et depuis trente ans. Et, ce ne sont pas seulement les notaires, ce sont autant les avocats, les comptables agréés, les experts en fiscalité. Parce que toute législation nouvelle oblige à reprendre, à se recycler, à réexaminer des concepts nouveaux. Et là, je me permettrai, si vous me le permettez, M. le Président, de dire, que si le législateur est convaincu de la valeur, de la vertu de ce régime, comme régime de droit commun, eh bien, je pense qu'il faudrait prévoir des moyens, pour lutter contre cet état d'esprit d'inertie; pour lutter contre cette tendance à vouloir faire ce que l'on a fait dans le passé, comme on l'a fait pour le bill 16 il y a quelques années, peut-être par des campagnes suivant lesquelles certaines personnes pourraient être appelées à prononcer des conférences dans des milieux divers, pour montrer la vertu de ce régime, l'expliquer et montrer que c'est une solution fondamentalement juste, mais que les parties peuvent déroger expressément par contrat.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est tellement vrai ce que dit le professeur Crépeau en ce moment ! Ceci me fait penser que, lorsque nous avons adopté le bill 16, si nous nous étions arrêtés devant tous les protestataires d'alors... Il

y en avait une liste imposante qui étaient sensés représenter une grande partie de la population québécoise. Je me souviens également que les notaires étaient loin de trouver ce bill avantageux. Par la suite, nous avons vu, je pense, une évolution. De plus en plus — je ne sais pas, peut-être que le notaire serait mieux placé que moi pour en parler — je pense que la réticence qui existait au tout début, à l'occasion de l'adoption du bill 16, s'est beaucoup atténuée, et que les notaires, même si ça leur demande un travail peut-être plus fouillé, parce qu'au moment d'un contrat il faut toujours qu'ils se renseignent sur le régime des époux, etc., et lorsqu'ils sont mariés sous un certain régime, dans certains cas, il faut faire venir la femme au bureau pour qu'elle ajoute sa signature à celle du mari.

D me semble qu'avec une mesure dont nous sommes absolument convaincus du bien-fondé, il ne faut pas trop s'arrêter à ce que tous les protestataires, toutes les associations, vont dire même si ce sont des associations comme le Barreau, le notariat. Je m'excuse de vous le dire, je ne veux pas mettre de côté l'importance de ces associations. Mais nous avons quand même des juristes qui se sont penchés spécifiquement sur ce problème pendant un certain nombre d'années, qui nous font des recommandations et qui ont apporté énormément d'amendements depuis le premier rapport qui a été soumis en 1966 ou 1967.

Alors, à la lumière de tous les faits, je pense qu'il faut aller de l'avant. Si vraiment il y a des mesures qui, à la pratique, s'avéreront néfastes — ce dont je doute beaucoup — à ce moment-là, il y aura toujours moyen d'apporter d'autres amendements. Le grand problème, évidemment, c'est de le faire accepter et que les Québécois qui se marient l'utilisent.

M. PAUL: Qu'il devienne de pratique courante.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, absolument. Mais je suis encore convaincue qu'il y a moyen de le faire accepter, peut-être pas par le conseil du Barreau à l'heure actuelle, parce que s'il a pris une position comme ça, c'est un peu embêtant de revenir sur sa décision, mais par beaucoup de nos confrères: avocats et notaires.

M. COMTOIS: Madame, je voudrais préciser que la position officielle de la Chambre des notaires — c'est vrai qu'elle a été exprimée dans un rapport assez court, parce que c'était assez délicat vu que j'étais président du comité — en était une d'approbation de la société d'acquêts. Il y a des pièces de dossier. Par ailleurs, je crois que et les avocats et les notaires qui étaient opposés, il y a trois ans, ont déjà changé d'idée. J'en suis sûr. Je peux vous apporter un témoignage précis là-dessus: Jules Deschênes, un éminent confrère au Barreau, avait été un des premiers à témoigner dans une conférence, vous vous en souviendrez...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, je me souviens.

M. COMTOIS: ... devant la fédération des Chambres. La semaine dernière, je présentais le bill 10 devant un comité de l'Association du Barreau canadien, le comité des successions et du droit fiscal et Jules Deschênes était là. Quand je l'ai vu, j'ai dit: Il vient seulement pour me poser des "colles". Il n'a pas fait d'objections, il a même apporté des modifications valables, et il m'a dit — je vous le rapporte en toute réserve: Je viens ici pour m'instruire et, finalement, tu vas finir par nous convaincre. Il m'a dit à peu près ça.

Je ne le garantirais pas, je ne veux pas faire caution écrite là-dessus, mais je vous dis que certains ont bien évolué. Un autre de mes confrères, le notaire Wheelan, qui est très compétent, était absolument contre cela; mais aux dernières nouvelles, il a communiqué avec moi, pour me dire: Le bill est très bien rédigé et il y a quelque chose là-dedans. Déjà, j'ai eu l'impression que même la position officielle du Barreau — encore là, c'est un peu par oui-dire que je parle et que je rappelle ça — est dans une certaine hésitation. De toute façon, on constate qu'ils n'ont pas participé autant...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, si vous me permettez, sur le Barreau,...

M. COMTOIS: ... depuis cinq ou six réunions, n'est-ce pas?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Relativement au Barreau, mon mari est membre du conseil du Barreau de Montréal. Alors, forcément, il a été mêlé à cela d'assez près. C'est encore du oui-dire, mais c'est du oui-dire que je crois quand même valable. Il me dit que l'attitude des avocats ne correspond pas tout à fait à ce que vous disiez, Me Beaudoin; peut-être les avez vous vus avant. Lui, il les a vus très récemment.

M. COMTOIS: Si c'est votre auteur de chevet, je vous crois.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: II y a eu une réunion, je pense, à Saint-Hyacinthe, récemment, du conseil du Barreau de la province, et mon mari y était. Il m'a dit qu'à son sens, il y avait eu une évolution.

M. BEAUDOIN: Si vous me permettez, ce n'est pas officiel, mais on a une lettre, en haut, justement d'un membre du conseil général du Barreau, si je pouvais vous la donner...

M. COMTOIS: Est-ce qu'elle est faite au nom du conseil général?

M. BEAUDOIN: Elle est dans le sens de mon intervention, elle n'est pas au nom du conseil général. C'est pour ça que je n'ai pas voulu dire, je n'ai dit en aucune façon, que le conseil général du Barreau aurait manifesté quelque chose dernièrement. La semaine dernière, on a reçu une lettre d'un avocat, strictement sur ce sujet-là, qui nous dit, finalement, que ça ne répond pas du tout à ses vues personnelles, ni à celles de la plupart de ses confrères de la pratique. Ce n'est pas à titre officiel qu'il a envoyé ça. Je n'ai pas voulu tout relancer le débat sur la société d'acquêts; je pense cependant qu'il est bon que les membres de la commission en discutent, parce qu'il se peut fort bien qu'en Chambre, il y ait quelqu'un qui soulève la question, et qu'on soit obligé, à ce moment-là, d'y répondre.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'était excellent comme remarque, comme observation.

M. BEAUDOIN: La seule impression que j'avais dégagée ce matin à la suite de ça, c'est que, moi, j'ai toujours été très favorable à la société d'acquêts, et j'avais peur qu'on dise: On retourne à l'ancienne communauté en enlevant, bien sûr, l'incapacité. D'accord.

M. COMTOIS: H n'y a rien de honteux dans la communauté de biens.

M. BEAUDOIN: Non, non, je le sais, je ne dis pas que c'est honteux. Je dis qu'elle a mauvaise presse.

M. COMTOIS: On garde de la communauté ce qui est bon, et on enlève ce qui est mauvais...

M. BEAUDOIN: Elle a tout simplement mauvaise réputation.

M. COMTOIS: Bien, il faut la réhabiliter...

M. BEAUDOIN: C'est quand même assez rare que les avocats ou les notaires ou les gens qui connaissent le droit soient mariés en communauté, vous êtes d'accord avec moi là-dessus. Alors, elle a mauvaise réputation, c'est pour ça qu'il ne faudrait pas que les gens disent que c'est par...

M. COMTOIS: II faut savoir ce que lui a donné sa mauvaise réputation.

M. BEAUDOIN: Je ne dis pas...

M. COMTOIS: Ce à quoi on s'est appliqué depuis quatre ans, ç'a été l'incapacité dans laquelle se trouvait la femme...

M. BEAUDOIN: D'accord, d'accord.

M. COMTOIS: ... et puis on a enlevé cette incapacité-là. Alors, il me semble que ça devrait la réhabiliter...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Tout au moins au point de vue du régime, parce que l'incapacité c'était déjà enlevée avant par le bill 16.

M. COMTOIS: Mais ça vaut la peine.

M. CREPEAU: Ce que je voudrais dire tout simplement, M. le Président, c'est que, bien sûr, il est vrai, les pièces sont au dossier. Le conseil général du Barreau s'est prononcé récemment contre le projet que nous vous soumettons.

Cependant, je pense que si vous voulez juger à sa valeur l'opinion du conseil général du Barreau, vous devez le juger sur pièces, et vous devez juger, alors, sur le rapport qui a été soumis par le conseil général du Barreau. Or, si vous examinez les objections majeures qui ont été présentées, avec un laconisme certain, si vous examinez les objections du Barreau, vous verrez que la grande objection du Barreau et je pense que l'on peut dire qu'il y a beaucoup de vrai, c'est qu'il y a dans ce texte une impression de complexité, parce qu'il y a beaucoup de dispositions qui veulent régler un bon nombre de problèmes. C'est un des arguments majeurs qu'a soulevés le Barreau. Bien sûr, si on prend cet argument, si on l'isole, si on regarde les dispositions sur la société d'acquêts, si on les compare aux dispositions que l'on trouve dans le code civil aux articles 1422, 1423, 1424 et 1425 qui concernent la séparation de biens, bien sûr, si vous analysez, si vous regardez un régime qui comporte une soixantaine de dispositions, et un régime qui n'en comporte que quatre, il est certain que l'on peut dire que le régime qui comporte 60 dispositions est plus complexe que le régime qui n'en comporte que quatre.

Cependant, je me permets de vous dire — et je le dis en toute déférence pour mes confrères et pour le conseil général du Barreau — c'est que je pense que l'on ne peut pas, que l'on ne doit pas mesurer la complexité ou la facilité d'un régime, au nombre de dispositions que le législateur a voulu insérer dans le code pour les régler. Parce que, dans le régime de la séparation de biens, tout ce que le législateur a voulu dire, c'est: chacun de son côté. Mais, en disant cela, il n'a pas réglé un très grand nombre de problèmes que pose le régime de la séparation de biens, et que posent les faits d'une vie en commun pendant dix, vingt, trente et quarante ans selon le vieux dicton qui dit que si on est marié en séparation de biens, on vit en communauté. C'était un vieux dicton qui avait cours. Nous avons voulu éliminer de la communauté ce qui paraissait choquant, c'est-à-dire la masse commune soumise à l'autorité du mari.

Nous avons voulu assurer la séparation des patrimoines. Pour assurer la séparation des patrimoines, pour assurer l'éventuelle liquida-

tion, pour faciliter cette liquidation, il nous a semblé de beaucoup préférable de prendre le taureau par les cornes, et de dire: Chaque fois qu'un problème se pose, au lieu de le laisser à la pratique, au lieu de le laisser au hasard des litiges, nous allons le poser et nous allons tenter d'y apporter une solution, qui nous parait la meilleure, qui nous parait la plus conforme à cette justice fondamentale que nous voudrions établir, c'est-à-dire le partage des fruits acquis pendant le mariage.

Alors, cela, à mon avis, revient à une question fondamentale. C'est que, dans un régime, quel qu'il soit, il y a une part de technique juridique, et cette part de technique juridique, qu'on le veuille ou non, sera toujours, en quelque sorte, l'apanage des spécialistes, des avocats sur le plan des litiges, et des notaires sur le plan de la liquidation des régimes. Mais, à mon avis, ce qui est beaucoup plus important que la technique juridique, c'est qu'il y a une philosophie de la famille, il y a une politique familiale et cette politique familiale, c'est de vouloir partager en deux ce que l'on a gagné ensemble.

Alors, à mon avis, si votre commission, si le gouvernement, si le législateur sont convaincus de la justice de cette idée, à mon avis, le reste est mise en oeuvre. Dans la mesure où on peut régler des problèmes, mieux vaut les régler par un nombre plus grand de dispositions que de donner une apparence de simplicité et de laisser les tribunaux se débrouiller avec les problèmes qui se poseront devant eux.

UNE VOIX: D'accord.

M. PAUL: M. le Président, à la lumière des informations, des renseignements qui nous ont été donnés par nos experts émérites, je proposerai que nous puissions examiner de près le texte des amendements qui nous sont soumis, peut- être avec une réserve, au sujet de l'opinion de l'Association des assureurs, quitte à ce que M. Luc Plamondon nous fasse part, le plut tôt possible, de l'opinion des membres de son association, avant que nous puissions mettre au point notre article, ou avant que nous l'envoyions à la réimpression, pour que nous puissions en faire l'étude à l'Assemblée nationale.

M. LE PRESIDENT: Alors nous allons continuer l'étude des articles de ce document. Nous avons vu l'article 1266h), je crois. Est-ce que les membres sont d'accord pour accepter cette modification?

M. PAUL: C'est celle-là, M. le Président, qui sera peut-être adoptée avec une certaine réserve.

M. PLAMONDON (Luc): Je pense que notre réserve porte sur l'ensemble de la solution.

M. PAUL: Ah, sur l'ensemble!

M. PLAMONDON (Luc): C'est cela. En passant, pour votre gouverne, dans le texte qui vous a été remis, les parenthèses indiquent, comme d'habitude, des mots qui ont été retirés du texte que vous aviez devant vous auparavant, et les mots soulignés, des additions.

M. LE PRESIDENT: Alors pour l'article 1266e), est-ce qu'il y a d'autres commentaires ou observatoins à faire sur cet article? On peut conclure qu'il est adopté sous réserve de ce qui a été mentionné précédemment. Même chose pour l'article suivant 1266h), où il y a d'autres remarques. L'article 1266J) a été supprimé; il est, en effet, rendu inutile par la modification de l'alinéa 5 de l'article 1266e)

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: A l'article 1266o), l'alinéa 2 est modifié. "Le présent article ne limite pas le droit d'un époux de désigner un tiers bénéficiaire d'une rente, d'une pension de retraite." Alors, j'imagine que cela est la partie que l'on a ajoutée. C'est la partie soulignée; d'une rente, d'une pension de retraite ou d'une assurance sur la vie. "Aucune autre récompense n'est due, en raison des sommes de primes payées à même les acquêts, si le conjoint ou les enfants de l'époux du conjoint sont bénéficiaires."

M. CREPEAU: C'est simplement l'identification des régimes d'assurance-vie, de retraite et de pension, et, ajoutée à cela, bien sûr, la politique législative que vous avez adoptée sur le fait que, lorsque la désignation est en dehors du cercle familial, le jeu des récompenses opère.

Une VOIX: II n'y a pas d'autres commentaires?

M. LE PRESIDENT: Oui?

M. CREPEAU: Les deux autres dispositions, M. le Président, sont simplement des amendements de concordance; à partir du moment où vous acceptez 1266p) en matière de société d'acquêts, pour assurer l'unité de régime et introduire la politique que vous avez voulu insérer, alors 1292, en matière de communauté, s'avère nécessaire, de même que 1425 au titre des biens réservés.

M. LE PRESIDENT: Alors, cela sera adopté avec la même réserve.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Nous étions à l'article 73. Alors, le 29 octobre, nous étions rendus à l'article 73, qui concernait l'article 1384 du code, qui est modifié.

Est-ce que je dois lire chacun des articles?

M. THEORET: Adopté, ou du moins...

UNE VOIX: On n'a pas l'esprit vif.

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 74 qui modifie l'article 1389 du code, où l'on ajoute... En remplaçant le deuxième et le troisième alinéa, c'est cela: "Le défaut de tel inventaire ou titre rend l'époux non recevable à exercer la reprise du mobilier qui lui est échu pendant le mariage." Est-ce que cela va?

M. THEORET: Les explications...

M. CREPEAU: Les explications de la capacité de l'époux.

M. LE PRESIDENT: L'article suivant, 75, concerne l'article 1393, qui remplace également deux alinéas, le deuxième et le troisième, et qui dit: "Lorsque l'époux n'a ameubli un immeuble que pour une certaine somme, il en conserve l'administration, et il peut en disposer comme s'il s'agissait d'un propre."

M. THEORET: On parle de l'époux. Quelles conséquences de l'incapacité encore...

M. CREPEAU: Le même régime pour le mari et la femme.

M. THEORET: Adopté.

M. LE PRESIDENT: A l'article 76 qui concerne l'article 1394 du code, on enlève le deuxième alinéa.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est la conséquence du nouveau régime proposé.

M. LE PRESIDENT: L'article 77, qui est relatif à l'article 1399 du code, dit: "La modification apportée, au deuxième alinéa, est rendue nécessaire par suite du fait qu'en vertu du projet, la femme commune peut être poursuivie pour ses dettes, tant sur ses propres que sur ses biens réservés." Alors, c'est adopté.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Alors, c'est consécutif à la capacité de la femme.

L'article 78, se rapporte à l'article 1404 du code. Il retranche, dans les deuxième et troisième lignes du premier alinéa, ce qui suit: "par suite de la séparation soit de corps et de biens, soit de biens seulement".

M.PAUL: Ce sont des articles de concordance.

M. THEORET: 78, pourquoi avoir changé ce texte-là?

M. BEAUDOIN: Du moment qu'elle est dissoute du vivant des époux, quelle que soit la cause de la dissolution.

M. CREPEAU: C'est cela. Quelle que soit la cause de la dissolution. Oui.

M. BEAUDOIN: Cela ne change rien du tout à la portée du texte.

M. CREPEAU: Quel que soit le mode de dissolution.

M. LE PRESIDENT: On inclut le divorce. MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est cela.

M. BEAUDOIN: C'est cela. C'est fait par société d'acquêts, je suppose. On peut changer de régime. Cela peut être un changement de régime.

M. LE PRESIDENT: Alors, adopté? MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: A l'article 79, on remplace les articles 1413 et 1414 par l'article suivant: "Dans tous les cas où il n'y a pas été dérogé explicitement ou implicitement par le contrat, la communauté reste soumise aux règles de la communauté de meubles et acquêts." Adopté.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: L'article 80: "Le titre précédant l'article 1422 dudit code est intitulé "II. De la clause des séparations de prêts et de biens est abrogé." Alors, cela va?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. LE PRESIDENT: Alors, l'article 81: "L'article 1422 dudit code, remplacé par l'article 20 du chapitre 66 des lois de 1964, est abrogé." Alors, les articles 81 et 82, c'est la même chose, ou à peu près, ce sont des abrogations. Adopté?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: A l'article 83, on remplace l'article 1424. Excusez, non... cela tombe...

M. BEAUDOIN: Cela sera reporté plus loin dans le bill 10, à l'article, à la clause de séparation de biens. On le trouve à l'article 1436, maintenant.

M. CREPEAU: Oui.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est cela.

M. BEAUDOIN: Nous abrogeons l'ancienne section.

M. COMTOIS: On la place ailleurs.

M. BEAUDOIN: Vous abrogez l'ancienne section, et vous la placez ailleurs. L'article 1436 du bill 10, que j'ai déjà donné.

M. LE PRESIDENT: On ajoute un alinéa qui se lit comme suit: "Aucun autre acte juridique fait avant le 1er juillet 1964 par une femme séparée de biens ne peut être invalidé pour cause de défaut de consentement de son mari, à moins que la nullité n'en soit prononcée dans une instance commencée avant le (insérer ici la date de l'entrée en vigueur du bill 10)." Alors, est-ce qu'il y a des commentaires ou des explications à demander? C'est adopté?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est à cause d'un article que nous avions déjà dans le bill 16.

M. PLAMONDON (Luc): Je me pose une question: Est-ce que cet article-là n'est pas sensé se déplacer avec les articles de la séparation? Il n'a de sens qu'à l'intérieur de la séparation.

M. BEAUDOIN: Parce qu'il était déjà là.

M. PLAMONDON (Luc): Oui, mais il était déjà là sous un chapitre 2, qui s'intitulait: De la séparation de biens. Là, on élimine tout cela pour le déplacer vers 1436, j'ai l'impression que celui-là aussi...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense qu'il faudrait le placer là, oui.

M. BEAUDOIN: II faudrait le déplacer.

M. THEORET: C'est vrai qu'il fait cavalier seul maintenant.

M.BEAUDOIN: Cela va être le seul article d'une section abrogée.

M. PLAMONDON (Luc): Oui. Sans cela, il tombe sous le vocable, je pense, de la communauté universelle de biens.

M. BEAUDOIN: II faudrait le déplacer.

M. CREPEAU: Oui, il serait reporté après l'article 1439.

M. THEORET: Adopté.

M. BEAUDOIN: II faudrait le mettre à l'article 1439, et le numéroter de nouveau comme l'article 1440, et numéroter les autres de nouveau.

M. CREPEAU: C'est cela.

UNE VOIX: Alors, vous prenez note, messieurs.

M. LE PRESIDENT: L'article 84: L'article 1425 dudit code est abrogé. Alors, c'est adopté. Maintenant, l'article 84,...

UNE VOIX: L'article 85.

M. LE PRESIDENT: Nous avons 1425a), oui c'est ça. Alors il y aurait une modification à l'article 1425a), qui est proposée dans le document que nous avons. Sur cet article 1425a), peut-être que M. Crépeau pourrait nous donner des commentaires, mettre au point.

M. CREPEAU: Comme nous l'avons dit tout à l'heure, M. le Président, je crois qu'il s'agit là de l'article de concordance, qui veut que l'article ne limite pas le droit de nommer un tiers bénéficiaire, non seulement de la police d'assurance, mais du régime de rentes et de la pension de retraite, 1425a)...

M. COMTOIS: Est-ce que vous référez à 1425a)?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: La même chose existe pour le mari.

M. COMTOIS: Au début, surtout.

M. CREPEAU: La modification qui a été présentée ce matin.

UNE VOIX: Ah, bon!

M. CREPEAU: Vous nous aviez demandé d'insérer le jeu des rentes, si le bénéficiaire était en dehors du cercle familial. Nous l'avons ajouté.

M. COMTOIS: Et au préalable, il y aurait peut-être une note à faire ici. Actuellement, le mari commun en biens ne peut pas vendre des immeubles sans le consentement de sa femme. Tandis que la femme, qui a des biens réservés, peut les vendre sans le consentement de son mari. Remarquez que c'est corrigé ici. On croit que l'homme et la femme doivent être sur le même pied, étant donné que les biens réservés sont des biens communs. C'est pour cela qu'on dit que la femme ne peut cependant, sans le concours de son mari, aliéner ses biens réservés, ni les hypothéquer, lorsqu'il s'agit d'immeubles, ni nantir un fonds commun.

On a posé à la capacité de la femme les mêmes restrictions qu'on pose à la capacité du mari, pour les biens communs. On croyait que c'était logique de rétablir l'équilibre.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Est-ce que ce déséquilibre, qui existait antérieurement, avait causé des préjudices à votre connaissance?

M. COMTOIS: Ecoutez, j'imagine que oui.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.

M. COMTOIS: Je connais des cas où le mari, dont la femme avait des biens réservés, disait: Comment se fait-il qu'elle, elle ait le droit de vendre ses immeubles sans que je dise quoi que ce soit, et que moi, je n'aie pas le droit de vendre mes immeubles, sans qu'elle consente? Cela s'est certainement présenté, moi, je l'ai constaté. Maintenant, cela n'a peut-être pas causé de problèmes énormes, mais pourquoi ne pas améliorer le texte et rétablir l'équilibre qu'on veut aussi parfait que possible entre les conjoints?

M. CLICHE: Le premier paragraphe, qui rétablit l'équilibre aussi au sujet des polices d'assurance, donne les mêmes droits à l'épouse qu'au mari.

M. COMTOIS: Oui, c'est ça. A propos des assurances — et là-dessus je suis sûr que l'Association des assureurs va être d'accord, sans qu'on ait à attendre leurs modifications les compagnies d'assurance, ont toujours voulu, et je les comprends très bien, qu'il ne soit pas nécessaire, quand un mari ou une femme veut nommer quelqu'un bénéficiaire d'une police, de consulter le mari; ça n'a plus de sens.

M. CLICHE: Cela restreint les garanties que l'un ou l'autre peuvent ou doivent donner en affaires.

UNE VOIX: En affaires.

M. COMTOIS: Là, c'est indépendant de la question, de l'acceptation d'un bénéficiaire déjà nommé. Tout ce que l'article dit, si je le comprends bien, c'est que, si moi, je suis marié en société d'acquêts ou en communauté, cela va être la même règle; j'ai une police d'assurance qui est payable à mes héritiers légaux, je veux en nommer ma femme — pas ma femme parce qu'ici ça ne poserait pas le problème du consentement — mais je veux nommer un enfant bénéficiaire, je n'ai pas besoin du concours de ma femme.

Maintenant, si j'ai déjà nommé le bénéficiaire, et que je veuille le révoquer, pour, par exemple, emprunter, réaliser les valeurs de rachat sur ma police, alors la règle subsiste et j'aurai besoin du concours du bénéficiaire pour réaliser les valeurs d'emprunt et d'achat.

M. PLAMONDON (Luc): Selon nos lois actuelles d'assurance-vie, c'est exact.

M. COMTOIS: Au point de vue de la garantie, ça ne change rien, en ce sens que, si on veut donner une police en garantie, si on a besoin d'un concours, d'un consentement, c'est parce qu'il n'y a pas de bénéficiaire.

M. PLAMONDON (Luc): Je pense que vous faites allusion au problème, qui s'est soulevé et qui se soulève encore aujourd'hui, dans la province à l'effet, que si une épouse a été désignée bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, elle ne peut pas, même si elle le voulait bien, accepter que cette police soit transportée à une banque en garantie des dettes de son mari.

C'est l'article 1301 qui s'y opposait. Or, toute l'économie de la société d'acquêts et les autres amendements éliminent cette restriction désuète de l'article 1301, 1265 et 1483 du code.

M. LE PRESIDENT (M. Plamondon): Alors cet article est adopté?

M. PAUL: M. le Président, nous serions au chapitre troisième?

M. LE PRESIDENT (M. Plamondon): C'est cela.

M. PAUL: Je comprends que des collègues, ce matin, ont des engagements qui ont été retardés depuis au moins un quart d'heure. Je me proposerais, avant d'aller plus loin, M. le Président, de remercier une fois de plus nos experts pour leur excellent travail et les sages recommandations qu'ils nous font, de même que nos légistes. Et peut-être que nous pourrions convenir d'un ajournement pour mercredi prochain.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je suis d'accord. Merci, M. le Ministre, de tenir compte de cet engagement que nous avons de notre parti, ce matin.

M. LE PRESIDENT (M. Plamondon): Alors, la commission ajourne ses travaux à mercredi prochain.

Merci, messieurs, madame.

(Fin de la séance: 11 h 47)

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