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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, March 27, 1979 - Vol. 21 N° 23

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 107 - Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 107

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires municipales se réunit pour entendre les mémoires, pour faire l'étude du projet de loi no 107, Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives.

Membres de cette commission: MM. Brassard (Lac-Saint-Jean), Caron (Verdun), Cordeau (Saint-Hyacinthe), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Gratton (Gatineau) remplacé par Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); Guay (Taschereau), Mercier (Berthier), Ouellette (Beauce-Nord), Roy (Beauce-Sud), Shaw (Pointe-Claire), Tardif (Crémazie).

Intervenants: MM. Alfred (Papineau), Charbon-neau (Verchères), Fontaine (Nicolet-Yamaska), Goldbloom (D'Arcy McGee), Lacoste (Sainte-Anne), Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par Paquette (Rosemont); Samson (Rouyn-Noranda), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par Lavoie (Laval); Vaugeois (Trois-Rivières).

Les groupes qui se feront entendre aujourd'hui sont: La Confédération des syndicats nationaux; le deuxième groupe sera l'Association des propriétaires domiciliaires italo-canadiens de Saint-Léonard; le troisième, ce sera à titre personnel, Me Myriam Grassby.

J'appelle maintenant la Confédération des syndicats nationaux. Est-ce que Me Grassby est ici ce matin? Est-ce que l'Association des propriétaires domiciliaires italo-canadiens de Saint-Léonard est ici? On attendra. J'appelle la Confédération des syndicats nationaux. Voulez-vous identifier votre groupe, vous identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît? On demande à chaque groupe d'essayer de simplifier son rapport pour avoir une plus longue période de questions à accorder aux membres de la commission.

M. Rodrigue.

Confédération des syndicats nationaux

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, dans un premier temps, je voudrais, comme vous l'avez demandé, présenter Ginette Galarneau qui est conseiller syndical à la consommation à la CSN, au service d'action politique. La CSN a cru important de venir devant cette commission pour émettre son point de vue sur la loi qui est à l'étude au moment où nous nous parlons. Avec votre accord, cependant, je préférerais lire le mémoire, cela prendra quelques minutes; je pense que l'expérience nous prouve qu'essayer de résumer est souvent plus long que lire les documents qui sont devant nous. J'irais tout de suite, si vous me le permettiez.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Rodrigue: Le domaine de l'habitation est un de ceux où l'exploitation de la majorité par une minorité se pratique d'une manière scandaleuse. Alors que le nombre de ceux qui peuvent avoir accès à la propriété se réduit de plus en plus, la plupart des locataires sont défavorisés fondamentalement du fait qu'ils paient pour un logement qui ne leur appartiendra jamais.

Concentrés dans les agglomérations urbaines dont le développement n'a pas été guidé par des impératifs ayant trait à la qualité de la vie, mais par la recherche du profit, ils représentent 81% de la population de Montréal et 75% de celle de la ville de Québec. Les locataires sont nombreux parmi les membres de la CSN, mais également chez les travailleurs non syndiqués, les chômeurs, les retraités, les assistés sociaux. C'est pour la reconnaissance de leurs droits que la CSN a mené diverses campagnes d'information et de mobilisation. Qu'il suffise de rappeler nos revendications et notre action en vue du bail type et du développement d'un important secteur socialisé de coopératives d'habitations.

La CSN, avec les associations de locataires, n'a cessé de réclamer un changement en profondeur pour que soit véritablement reconnu le droit à un logement décent et adapté à la capacité de payer des citoyens. Face à une situation qui se détériorait, la réaction des gouvernements passés à été de faire semblant de s'en occuper en commandant de vastes études et rapports, mais sans jamais donner suite aux recommandations. Ce laisser faire a favorisé la minorité de gros possédants et de spéculateurs. Ainsi, à Montréal, environ 0.5% des propriétaires de logements possèdent 28% de tout le stock de logements.

Quant au gouvernement du Parti québécois, les promesses contenues dans son programme de parti ne se sont nullement matérialisées dans le projet de loi 107 déposé en décembre dernier par le ministre des Affaires municipales. (10 h 15)

Cette loi de la conciliation, réforme attendue depuis deux ans, devait équilibrer les droits et obligations des propriétaires et des locataires. En réalité, à notre point de vue, le projet de loi 107 ne fait que mettre de l'ordre dans les diverses dispositions législatives concernant ces relations. Il donne un caractère permanent à l'organisme chargé de la conciliation entre les partis. La Commission des loyers change de nom et devient la Régie du logement.

Aucun changement majeur n'a été apporté à l'exercice du droit de propriété. Les locataires ne sont pas davantage protégés, quant aux hausses des loyers, aux évictions et au manque d'entretien. Les loyers sont toujours fixés en vue d'assurer le profit au propriétaire et non selon la capacité de payer des locataires ou selon des barèmes liés au coût de la vie et au salaire minimum comme le stipule le programme du parti au pouvoir actuellement.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi est tout à fait insatisfaisant en ce qu'il ne reconnaît pas à tous le droit au logement comme un droit social

fondamental comme peuvent l'être les droits, par exemple, aux soins de santé et à l'éducation. L'Etat, par toutes sortes de subventions, aide les propriétaires, sans pour autant le faire pour les locataires. C'est faire preuve de discrimination, quant à nous, sur la capacité de payer.

Pour rétablir cette injustice qui est faite à la majorité des Québécois qui sont locataires, l'Etat doit mettre en oeuvre c'est-à-dire tout mettre en oeuvre pour permettre pleinement l'exercice du droit au logement.

Dans ce qui suit, la CSN exposera donc divers moyens pour reconnaître ce droit fondamental à la lumière de la situation présente, passablement détériorée et qui risque de le devenir davantage si le gouvernement n'intervient pas.

Pour le droit au logement adapté à la capacité de payer. Si bon nombre de locataires au Québec habitent des logements détériorés, ce n'est pas par choix. Les logements confortables à prix raisonnables se font de plus en plus rares, surtout pour les familles. Dans un budget préparé par l'Association coopérative d'économie familiale, un loyer mensuel de $150 nécessite un salaire minimum de $265. Dans ce budget, les frais de logement plus le chauffage et la taxe d'eau y seront pour un peu moins de 25% du revenu. Or cette norme est actuellement largement dépassée par la majorité des couches laborieuses et populaires. A Montréal, par exemple, 60% des familles consacrent 40% et plus de leurs revenus pour se loger. Ainsi, plus le revenu est faible, plus on dépense pour se loger. Le problème du logement est causé à la fois par la pénurie de logements convenables à prix raisonnables pour les familles à faible et à moyen revenus et pour ces mêmes familles, par l'insuffisance de revenus qui va en s'accentuant.

Au cours des dernières années, la situation des travailleurs, chômeurs, et assistés sociaux s'est grandement détériorée. Le chômage, l'inflation et l'absence d'indexation, pour la plupart d'entre eux, sont venus éroder leurs pouvoirs d'achat pendant que les compagnies et les gros propriétaires voient leurs profits augmenter sans cesse. Le maintien et l'augmentation des profits de ceux qui possèdent appauvrissent de plus en plus la majorité des citoyens. Les trusts ou "holdings" québécois et étrangers, les spéculateurs, les promoteurs et les entrepreneurs en construction qui font augmenter le prix des maisons et des terrains et ce, avec l'assentiment des gouvernements, sont les grands responsables de la crise du logement.

Bien sûr, nous n'incluons pas dans ce groupe les petits propriétaires de maison unifamiliale ou de logements non spéculatifs, car eux aussi, comme les locataires se sentent de plus en plus étouffés, étouffés par les mensualités de remboursement, les hausses de taxes et les frais supplémentaires conséquents à leur vie en banlieue. L'étau se resserre aussi autour de ces travailleurs ou retraités qui ont eu accès à la propriété aux prix de sacrifices. Cependant, ils seront dorénavant de moins en moins nombreux. Le pourcentage de ménages capables de s'acheter une mai- son neuve en y consacrant 25% de leurs revenus, est passé de 23,7% en 1971 à 13,9% en 1975.

Cependant, la situation est plus dramatique pour ceux qui vivent au-dessous ou autour du seuil de pauvreté. Près de 40% de la population québécoise réussit à se loger au prix d'une compression inacceptable des autres dépenses essentielles. C'est le cas, notamment, des deux tiers des personnes âgées de 65 ans et plus.

Alors, la CSN réclame que l'Etat prenne tous les moyens pour assurer à tous un logement à un prix juste et raisonnable; qu'il tienne compte de la capacité de payer des travailleurs, chômeurs, assistés sociaux et retraités dans l'élaboration d'une politique sociale de l'habitation; qu'il applique, au plus tôt, diverses mesures pour accroître leurs revenus: l'indexation du salaire minimum et des allocations familiales, le revenu minimum garanti, les allocations de logement assorties d'un dégrèvement fiscal; qu'il crée de nouveaux emplois et sauvegarde les emplois existants, car seule une politique de plein emploi mise de l'avant par le gouvernement permettra aux locataires de vivre décemment et sans compression inacceptable de dépenses essentielles, tel la nourriture, les médicaments et les vêtements.

Aujourd'hui plus que jamais, seule une politique sociale de l'habitation peut remédier à la faillite de l'entreprise privée de répondre à ce besoin essentiel qu'est le logement. Comme elle l'a fait depuis 1970, la CSN exige la création d'un vaste secteur public du logement pour le développement de quartiers nouveaux et la rénovation de quartiers anciens. Ce secteur public serait le promoteur d'une véritable rénovation urbaine, qui consistera à transformer et à améliorer l'ensemble des conditions de la vie urbaine en respectant le milieu social. La vie communautaire et tous les droits des résidents, y compris celui de participer à l'élaboration et à la gestion des projets. Les ensembles résidentiels du secteur public comporteront de nombreux services communautaires et seront gérés par les résidents eux-mêmes, de la même façon que des coopératives. Ils pourront également donner naissance à des formules de copropriété; parallèlement au secteur public et en collaboration avec lui, le secteur coopératif sera, d'autre part, encouragé à se développer.

Pour la CSN, il faut donc que l'Etat s'approprie, de façon progressive, les logements pour les remettre à la disposition des locataires, à qui serait confiée une part importante de la gestion. L'échelle de ces loyers devra être établie sur la base de la capacité de payer pour un logement attribué selon les besoins.

Pour le contrôle obligatoire des loyers. Au chapitre des hausses de loyers, la CSN est très déçue de voir le projet de loi 107 reconduire les dispositions de l'actuelle Commission des loyers, dispositions qui n'ont donné lieu qu'à des résultats parcellaires. On parle d'un système de contrôle souple pour ne pas dire un système qui accorde des hausses en conformité avec le marché.

Ainsi, selon l'enquête CROP, la commission n'a eu d'effet que sur les demandes d'augmen-

tation supérieure à 10% et, encore, elle ne touche pas l'ensemble, car toutes les hausses supérieures à 10% ne lui sont pas acheminées. Si tel avait été le cas, l'augmentation moyenne qui a été de 7.6% en 1977 aurait été réduite à 5.7%. "Cet écart n'a rien de négligeable. Sur un loyer moyen de $140, il représente $25 millions de dollars pour les locataires de Montréal pour une seule année. S'il croît de 8% par année, ce loyer moyen sera de $302 dans dix ans. S'il croît de 6%, il sera de $251... La somme cumulative de l'épargne ainsi réalisée annuellement par les locataires pendant cette décennie serait d'environ un milliard de dollars, en dollars actuels.

Rappelons également qu'entre 3% et 5% seulement des locataires, selon les régions du Québec, ont eu recours à la Commission des loyers pour faire fixer leur loyer.

La commission n'atteint donc pas l'ensemble des ménages qui bénéficieraient de son intervention. Elle ne rejoint pas une partie importante des ménages à faible revenu qui subissent pourtant, en pourcentage, une hausse de loyer aussi élevée que les plus favorisés bien qu'ils consacrent déjà une proportion plus grande du budget au logement.

Cela ne représente qu'une partie des hausses abusives qui échappent à la commission. En effet, il est connu que les augmentations de loyers les plus importantes ont lieu lorsqu'il y a changement de locataire. Or, seulement 3.3% des demandes que reçoit la commission des loyers, d'après les statistiques de 1976, proviennent de nouveaux locataires.

La CSN remarque avec satisfaction, la disposition prévue à l'article 1651.2 du projet de loi, à savoir que: "Le locateur doit, lors de la conclusion du bail, remettre à tout nouveau locataire un écrit indiquant le loyer payé par le locataire précédent et tout autre renseignement relatif au bail du locataire précédent prescrit par règlement, en la forme qui y est indiquée."

Ce droit du nouveau locataire, pour être pleinement efficace, doit cependant être renforcé par l'obligation, pour le locateur, de faire enregistrer le bail à la régie où tout nouveau locataire pourra le consulter.

Cette mesure supplémentaire offrirait également de nombreux avantages, dont le développement d'un système d'information sur l'ensemble du stock de logements qui fournira des données essentielles.

Comme la CSN le réclame, avec d'autres associations, depuis 1972, toute hausse de loyer doit être justifiée par le locateur à la régie, contrairement à ce que prévoit l'article 1658.6 du projet de loi. Le contrôle doit être obligatoire.

A l'article 1658.6 on dit: "Le locataire peut, dans les trente jours de la réception de l'avis prévu par l'article 1658.2, aviser le locateur qu'il quitte le logement ou s'adresser au tribunal pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur la durée ou la modification du bail sinon il est réputé avoir accepté le nouveau loyer ou les nouvelles conditions."

Quant à nous, il est injuste que le fardeau de la demande soit imputé à celle des deux parties qui peut être victime de harcèlement ou de représailles de la part de l'autre. En maintenant la situation actuelle, l'Etat accentue le déséquilibre déjà existant et prend partie en faveur des propriétaires. Le changement majeur que nous réclamons en faveur des locataires, aurait pour effet, par exemple, d'imposer une hausse identique à l'intérieur d'un même immeuble, car l'écart est de plus en plus grand entre les locataires qui ont recours à la commission et ceux qui n'y ont pas recours ou encore les nouveaux locataires.

La méthode que l'actuelle Commission des loyers utilise pour fixer des loyers, est reconduite. Sans pour autant faire partie des règlements du projet de loi, cette méthode transfère un locataire l'ensemble des hausses de taxes, assurances, chauffage, éclairage, entretien, réparations majeures et nouveaux services.

De plus, les revenus sont augmentés de façon à maintenir la valeur économique de l'immeuble, compte tenu des hausses des taux hypothécaires. L'accroissement de revenu jugé nécessaire est réparti au prorata du loyer mensuel de chaque locataire dans l'ensemble de l'immeuble.

En fait les locataires assument tous les frais résultant de l'exercice du droit de propriété. Ce qui est parfaitement injuste et discriminatoire.

Pour reconnaître le droit au logement, la régie doit tenir compte de la qualité des logements, de la qualité des services offerts, des augmentations antérieures subies par les locataires et des réparations effectuées par les locataires.

Le projet de loi 107 doit également être modifié de façon à permettre une remise en cause du loyer de base, à la demande du locataire. Cette mesure ne devrait cependant pas avoir pour effet d'augmenter le loyer.

Le contrôle obligatoire, pour être pleinement efficace, doit être assorti d'un vaste plan d'ensemble de façon à contrer les menaces de promoteurs d'abandonner la construction domiciliaire.

Pour un contrôle universel des loyers. Alors qu'on reconnaît que la nécessité d'une intervention de l'Etat dans le domaine des relations locateur-locataire est née d'une situation de déséquilibre entre les deux parties en présence, tous les locataires ne bénéficient pas d'une certaine protection de la loi, même si le déséquilibre les affecte tous.

L'article 1658.18 du projet de loi prévoit des exclusions au contrôle de la régie. Premièrement, au bail d'un logement à loyer modique, au sens de l'article 1661; au bail d'un logement loué par une coopérative d'habitation à l'un de ses membres ou au bail d'un logement situé dans un immeuble dont les travaux de construction ont débuté après le 31 décembre 1973, pour les cinq années qui suivent la date à laquelle l'immeuble est prêt pour l'usage auquel il est destiné.

L'exclusion des logements construits depuis moins de cinq ans n'est pas favorable au locataire, mais au propriétaire. On crée deux catégories de locataires; tous les abus sont permis au nom de la

rentabilité et de la menace de retrait de l'entreprise privée du secteur de la construction.

Quant aux locataires de logements publics, ils ne sont pas, eux non plus à l'abri d'abus; l'échelle des loyers n'étant pas toujours bien appliquée. Ces citoyens à part entière ont le droit, eux aussi, de bénéficier d'un recours à la régie.

Quant à l'exclusion du bail d'un logement loué à un membre d'une coopérative, elle est justifiée puisqu'un membre locateur est aussi propriétaire par le biais de sa coopérative.

L'exclusion prévue à l'article 1658.1 concernant le bail consenti par un employeur à un employé. L'employeur peut en tout temps mettre fin au bail en donnant à l'employé un avis d'au moins un mois. Cette pratique moyenâgeuse des "company towns" ne doit plus s'appliquer aux travailleurs-locataires de certaines villes au Québec, comme, par exemple, aux travailleurs forestiers de la Domtar à Lebel-sur-Quévillon. Au contraire, les dispositions prévues à la prolongation de bail doivent s'appliquer au bail consenti par un employeur à son employé avec cette seule exception que l'employé peut mettre fin au bail en donnant à l'employeur un avis d'un mois.

La CSN réclame que le contrôle des loyers soit universel, c'est-à-dire étendu à tous les locataires de logements ainsi qu'à tous les locataires de chambres et de résidences étudiantes.

Pour le droit au logement. Le droit au logement n'est pas garanti, puisque les reprises de possession en faveur du propriétaire ou d'un des membres de sa famille sont toujours possibles, comme le prévoit l'article 1659 du projet de loi. 40% des demandes de reprise de possession en 1976 ont été faites par le propriétaire en faveur d'un membre de sa famille. Il est facile, pour un propriétaire, de faire valoir ce droit; son témoignage ou celui d'un parent à qui il destine le logement suffit. Cette facilité d'exercice incite des propriétaires à utiliser ce recours pour se débarrasser d'un locataire contre lequel ils ne peuvent faire la preuve d'un autre motif d'éviction ou encore à faire pression sur lui pour qu'il accepte une hausse de loyer. Les statistiques de la commission révèlent que les deux tiers des demandes sont acceptées.

La CSN réclame que les reprises de possession d'un logement pour y loger un des membres de la famille du propriétaire soient interdites afin que s'exerce véritablement le droit au logement pour les locataires.

Le maintien dans les lieux étant ainsi reconnu, divers problèmes de prolongation de bails, de résiliation — article 1660 — et de sous-location peuvent être résolus en utilisant la formule des baux à durée indéterminée. Suivant ce régime, le bail peut être négocié à une seule date dans l'année et résilié en tout temps moyennant un avis de trois mois. Il découle de ce régime que tout changement de locataires n'entraîne pas de modification du prix du loyer. Un nouveau locataire prendrait le logement au loyer en vigueur jusqu'à la prochaine date de fixation.

Afin de soumettre des locataires aux difficul- tés de renégociation en cours de bail, de prolongation, de résiliation ou de sous-location, la CSN réclame l'introduction de la formule de baux à durée indéterminée, mais renégociables à une seule date dans l'année.

Le droit au logement est très étroitement lié à la conservation du stock de logements. Du point de vue économique, la conservation des logements existants est indispensable à la stabilité du prix des loyers. Elle est indissociable du développement urbain et de la qualité de la vie. (10 h 30)

Ces dernières années, l'accélération du rythme de démolition a rendu la situation critique. A Montréal, par exemple, de 1957 à 1974, on a démoli 28 000 logements. Ce nombre constitue 6.4% du stock de logements en 1974. A Hull, de 1969 à 1974, on a démoli 1500 logements, ce qui constitue une perte de 8% par rapport au stock de 1974. Cette pratique, très profitable aux propriétaires négligents, a accéléré la diminution de logements à prix raisonnable. La CSN appuie la disposition prévoyant que nul ne peut démolir sans l'autorisation de la régie, d'autant plus qu'elle est renforcée par la disposition prévue à l'article 33: "Une démolition, une subdivision ou un changement de destination d'un logement doit être entrepris et terminé dans le délai fixé par la décision de la régie." La menace de démolition ne pourra pas être utilisée pour intimider le locataire.

Quant à l'article 32: "Lorsque la régie accorde l'autorisation de démolir, de subdiviser ou de changer la destination d'un logement, elle peut déterminer les conditions justes et raisonnables pour la protection du locataire, notamment en ce qui concerne les conditions de relogement de ce dernier." Il sera difficile d'application puisque le gouvernement n'a pas prévu une banque de logements ou des compensations pour les frais de déménagement ainsi que pour un loyer plus élevé. Incidemment, une étude qui a porté sur les locataires déplacés par la construction de l'autoroute est-ouest à Montréal a permis de découvrir que ces locataires ont subi une augmentation mensuelle de loyers de $23.64, souvent pour un logement inférieur à celui qu'ils occupaient antérieurement.

Pour le droit à un logement de qualité. En 1975,on estimait à 375 000 logements au Québec le nombre d'habitations dans un état médiocre. Selon la Société centrale d'hypothèques et de logement, la structure même de l'immeuble d'un logement sur cinq, à Montréal, est dans un mauvais état par rapport à un sur dix-sept ou vingt logements dans les autres métropoles du Canada.

L'article 1652 du projet de loi prévoit que le locateur doit livrer et maintenir le logement en bon état d'habitabilité. Une fois ce principe énoncé, la CSN s'inquiète de l'absence de recours pour le locataire dans le cas où le propriétaire n'entretient pas le logement. Le législateur doit prévoir des dispositions similaires à celles qu'on retrouve à l'article 1654 en cas d'inexécution des obligations du locateur. Dans le cas d'inexécution d'une obligation par le locateur, le locataire peut déposer

son loyer au tribunal s'il donne au locateur un avis préalable d'au moins 10 jours indiquant les motifs du dépôt.

Quant à cette dernière mesure, elle doit absolument être assortie de la possibilité d'une réduction de loyer dans les cas de diminution ou perte de service, comme on le retrouve à l'article 26 de l'actuelle loi. La CSN revendique la garantie pour tous à un logement décent, répondant à des critères de qualité et de confort dignes de notre époque.

Quant aux logements détériorés, l'Etat doit intervenir autrement que par des subventions aux propriétaires; il doit développer des programmes de rénovation favorables aux locataires.

L'Etat pourra, entre autres, voir à l'acquisition de vieux logements pour les rénover et les rendre disponibles aux familles à faible et moyen revenu. Une telle politique d'achat-restauration aura l'avantage de fournir des logements décents au plus mal logés du Canada et de créer de l'emploi dans le secteur de la construction particulièrement frappé par le chômage. Le droit aux logements de qualité doit s'étendre à l'ensemble des citoyens, pas seulement aux plus favorisés.

Le projet de loi 107 prévoit certaines dispositons quant au bail d'un logement à loyer modique, entre autres quant à la liste des personnes admissibles dans ces établissements. Je cite: "Le locateur d'un logement à loyer modique doit tenir à jour, conformément aux règlements de la Société d'habitation du Québec, une liste de personnes admissibles à la location d'un tel logement." Il faut prévoir que les citoyens aient accès à l'information qui les concerne. La liste des personnes admissibles doit pouvoir être consultée sur demande au bureau de location. Les éventuels locataires doivent connaître leur place et le nombre de personnes inscrites sur cette liste, ainsi que celles qui se sont déjà vu attribuer un logement.

D'autre part, l'Etat doit établir un système d'allocations-logement pour la période d'attente et instaurer au plus tôt une politique d'achat-restauration qui n'oblige pas les citoyens à quitter leur milieu naturel, d'autant plus que la construction des habitations à loyer modique coûte très cher à l'Etat et qu'au rythme où produit la Société d'habitation du Québec, il faudra attendre très longtemps avant que les besoins actuels des personnes à faible revenu, et surtout des personnes âgées, ne soient assurés.

Attendu que le projet de loi 107 ne change rien à l'actuel déséquilibre existant dans les relations locataire-locateur, la CSN réclame qu'il soit modifié et assorti d'un plan d'ensemble de façon à reconnaître véritablement le droit au logement décent et adapté à la capacité de payer.

M. le Président, je résume en ce qui concerne les revendications de la CSN. Pour le droit au logement adapté à la capacité de payer: premièrement, que l'Etat prenne tous les moyens pour assurer à tous un logement à un prix juste et raisonnable; entre autres, qu'il s'approprie de façon progressive des logements pour les mettre à la disposition des locataires à qui sera confiée une part importante de la gestion.

Qu'il tienne compte dans le développement d'une politique d'habitation de la capacité de payer des travailleurs, chômeurs, assistés sociaux, retraités; qu'il applique, également, au plus tôt, diverses mesures pour accroître le revenu, l'indexation au salaire minimum, les allocations sociales, le revenu minimum garanti, les allocations de logement assorties d'un dégrèvement fiscal; qu'il crée de nouveaux emplois et sauvegarde les emplois existants, car seule une politique de plein emploi mise de l'avant par le gouvernement permettra aux locataires de vivre décemment et sans compression inacceptable des dépenses essentielles telles la nourriture, les médicaments et les vêtements.

Que toute hausse de loyer soit justifiée par le locateur à la régie; que tout bail soit enregistré par le locateur à la régie où tout locataire pourra le consulter; qu'il n'y ait pas d'exclusion du champ d'application de la loi pour les locataires occupant des logements construits depuis moins de cinq ans et pour les locataires de logements à prix modique; que le contrôle des loyers soit étendu à tous les locataires; que l'Etat introduise la formule de baux à durée indéterminée, mais renégociable à une seule date dans l'année, afin de soustraire le locataire aux difficultés de renégociation en cours de bail, de prolongation, de résiliation ou de sous-location.

Que la garantie à un logement décent répondant à des critères de qualité et de confort dignes de notre époque soit faite à tous. Quant aux logements détériorés, que l'Etat développe des programmes de rénovation favorables aux locataires plutôt qu'aux propriétaires négligents, entre autres, par l'acquisition de vieux logements pour les rénover et les rendre disponibles aux familles à faible et moyen revenu et par l'interdiction de faire supporter aux locataires les réparations largement subventionnées.

C'était là, M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, un résumé de la position de la CSN et de ses revendications en ce qui concerne le projet de loi 107.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur, M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je remercie M. Rodrigue et la CSN pour son mémoire; je l'ai lu attentivement et je voudrais lui poser des questions qui me sont venues à l'idée en lisant ce mémoire, non seulement en rapport avec ce qui est écrit, mais avec ce qui n'est pas écrit.

Evidemment, on me comprendra de poser une telle question à un organisme syndical. Nulle part, il n'est question de négociations collectives des baux. J'aurais aimé entendre ce qu'une centrale syndicale avait à dire sur cette question de la négociation collective des baux puisque certains intervenants, devant cette commission, ont soulevé le problème. D'une part, je ne sais pas si vous avez à nous faire part de commentaires ou de réflexions là-dessus.

Mme Galarneau (Ginette): Vous parlez d'organisations qui ont parlé de ce recours collectif.

Je sais, d'une part, qu'il y a des associations de locataires qui ne voyaient pas cela d'un très bon oeil parce que, entre autres, on se disait que si on oblige tout le monde à négocier ensemble, ça peut poser certains problèmes parce que c'est difficile pour des gens qui ne se connaissent pas, au cours d'un mois, de réussir à faire l'unanimité autour de revendications. Même si on en parlait aussi dans le livre blanc, je pense que vous avez laissé tomber cette revendication.

M. Tardif: Je n'en suis pas à vous demander si vous pensez qu'on est favorable ou pas, ou ce qu'on a laissé tomber ou pas en cours de route à travers les études qu'on a faites. J'aimerais avoir votre avis, comme organisme syndical, sur la possibilité d'opérationnaliser cette idée de négociation collective des baux. C'est une chose que de dire: Ce serait peut-être bon, mais dans les faits, on sait que sur le plan des relations de travail, il y a des armes de part et d'autre lorsque les parties n'exécutent pas les obligations, ou des épreuves de force. Il y a la grève d'un côté, et le lock-out de l'autre. Immédiatement, si on voulait penser mettre cela en pratique, quelle sorte d'instrument devrait-on avoir? Comment opérationnali-ser? C'est pour cela que j'aurais aimé que vous parliez, non pas sur l'objectif en soi, mais plus sur les moyens concrets de le matérialiser.

M. Rodrigue: Une chose certaine, M. le ministre, si vous me permettez — j'allais dire M. le premier ministre, je ne veux pas être prophète...

M. Tardif: J'espère que vous ne l'êtes pas.

M. Rodrigue: Ce que je voulais dire, c'est que la CSN ne traite pas de cette question dans son mémoire, effectivement. Cependant, sur ces types de modalité, comme nous sommes — comme vous l'avez dit vous-même — une organisation syndicale et comme on croit avoir l'obligation de parler sur un certain nombre de conditions faites aux citoyens, dont nos membres, ce sont des questions sur lesquelles nous n'avons pas de position arrêtée et définitive. (10 h 45)

Ce qui est certain, c'est que dans la mesure où les locataires organisés, par exemple, en associations, seront ou mettront de l'avant des mesures plus collectives visant à exercer, comme vous le dites, soit un rapport de force entre les parties, à l'occasion de négociations de baux, c'est certain que la CSN sur ce plan, est prête à envisager cette question avec tout le sérieux possible d'une organisation syndicale qui a l'habitude de traiter sur le plan collectif. Mais nous ne voulons pas nous substituer sur ce pian non plus aux locataires à qui, d'ailleurs, la CSN à plusieurs occasions, a apporté son appui dans l'organisation même des locataires. Dans ce sens, nous croyons qu'il appartient davantage aux associations de locataires de traiter de ces modalités plus précises qu'à la CSN pour l'instant.

M. Tardif: Donc, si je résume votre mémoire, vous demandez un contrôle universel et obligatoire de loyers avec inversion du fardeau de la démarche, c'est cela?

M. Rodrigue: Oui, c'est cela.

M. Tardif: Est-ce à dire, à ce moment, qu'aucune entente ne serait possible entre les parties contractantes, soit locataires/locateurs, aucune entente possible, tout doit passer par la régie. Est-ce que c'est ce que cela implique?

Mme Galarneau: Oui, c'est ce que cela implique.

M. Tardif: C'est ce que cela implique. Quand vous dites: "possibilité de réviser le prix de base", est-ce que j'ai bien compris, vous avez fait une restriction mentale ou explicite, en disant que cette révision du prix de base ne devrait se faire qu'à la baisse?

Mme Galarneau: Oui.

M. Tardif: Donc, il ne serait pas question, en révision du prix de base à la hausse?

Mme Galarneau: Non.

M. Tardif: D'accord, on a eu des...

M. Rodrigue: Oui, d'autres...

M. Tardif: ... évidemment, selon les groupes qui sont venus, d'aucuns ont revendiqué, toujours, une révision, la possibilité de réviser le prix de base avec les difficultés que cela comporte incidemment, juste l'acte en soi, mais justement, certains groupes ont dit: "Uniquement la hausse" d'autres "uniquement la baisse", je voulais donc m'assurer. Même le faire pour les deux, c'est-à-dire dans les deux sens, c'est déjà problématique.

M. Rodrigue: On ne s'attendait pas que certains groupes soient d'accord avec nous là-dessus.

M. Tardif: Je suis bien d'accord. Je m'excuse, j'en suis bien conscient. Quand vous dites que les loyers devraient être fixés selon la capacité de payer des gens avec une cote de 25% du loyer, évidemment, on peut se dire à ce moment: "Est-ce que c'est par le biais d'une loi comme la loi 107 qu'on peut améliorer ce ratio loyer-revenu ou est-ce que ce n'est pas par le biais de mesures visant à augmenter les revenus des gens. Je pense au supplément de revenus de travail, par exemple, qui contribue, qui peut contribuer à augmenter le revenu des ménages et, par conséquent, leur capacité d'assumer, ou enfin, de baisser ce ratio.

Vous n'avez pas l'impression que c'est plutôt par des mesures semblables, que par une loi comme la loi 107, qu'on peut accomplir cette fonc-

tion? On est d'accord avec l'objectif, incidemment de ramener...

M. Rodrigue: On espère, on espère.

M. Tardif: On est d'accord avec l'objectif; c'est le moyen. Ce que vous demandez, finalement, en le faisant par la loi 107, c'est que ce soient les propriétaires qui subventionnent les locataires pour la différence de capacité de payer entre 25% et 40%.

Mme Galarneau: Je ne crois pas que ce soient des mesures qu'on veuille voir dans le projet de loi 107.

M. Tardif: Bon, d'accord.

Mme Galarneau: Ce qu'on voudrait voir dans le projet de loi 107 c'est ce qui est possible, c'est-à-dire le contrat universel et obligatoire. Pour nous, ces mesures doivent absolument être assorties d'un plan d'ensemble, d'une politique sociale d'habitation qui elle, par exemple, pourrait favoriser les locataires, les organiser pour que ce soit en fonction de leurs revenus que les loyers soient fixés.

M. Tardif: D'accord.

M. Rodrigue: Si vous me permettez d'ajouter sur cette question, parce que vous avez fait allusion au revenu minimum garanti supplémentaire. Nous n'avons pas encore comme organisme, pris une position officielle sur la proposition du ministre Marois. Cependant, je voudrais vous souligner que le projet que nous connaissons, au moment où nous nous parlons, va affecter les gens qui, d'abord, sont déjà au travail, que les entreprises ne paient pas suffisamment, alors, le gouvernement va compenser pour les rapprocher du seuil de pauvreté. Nous aurons sûrement des commentaires à faire sur cela comme programme ou comme projet comme tel. (10 h 45)

Mais je voudrais souligner que, en ce qui nous concerne, ce programme qui, on en convient, est un premier effort dans ce sens, touche ou va toucher une partie infime des gens qui sont locataires, justement. Quand je pense à tous ceux qui sont au salaire minimum, dont 70% des femmes souvent soutiens de famille, dans plusieurs circonstances, quand je pense aux assistés sociaux, aux chômeurs, ce revenu minimum garanti supplémentaire ne toucherait pas l'ensemble de la couche de population. Alors, $50 millions... c'est pour cela que nous trouvons important de fixer ou d'avoir dans le projet de loi la règle dont Ginette parlait sur le plan général.

M. Tardif: Une aute question qui m'importe également, c'est celle des villes de compagnies que vous évoquez dans votre mémoire. Vous dites: "Lorsque le logement est fourni à un employé qui travaille dans ces villes qui appartiennent littérale- ment aux compagnies, que la cessation d'emplois ne devrait pas amener automatiquement la cessation du bail", je pense. Mais comment concrètement puisque, finalement, le logement est fonction de ce fait et qu'il fait presque partie des conditions de travail dans ce cas... Il y a parfois un article de la convention collective de travail qui prévoit des conditions de logement. Comment, concrètement, pourrait-on régler ce problème. Quelles sont vos suggestions concrètes pour venir à bout de ce problème?

Mme Galarneau: Nous en faisons quelques-unes. Entre autres, il y a la possibilité pour les employés de quitter après un mois. Mais concrètement, on sait très bien qu'il y a des gens qui sont dans des villes fermées, que s'ils perdent leur emploi, ils devront quitter, sauf qu'on voudrait leur laisser le temps, par exemple, de se trouver un autre emploi, un autre logis. C'est une mesure qui prévoirait cela, que nous aimerions.

M. Tardif: Donc, d'avoir un délai. Mme Galarneau: Bien sûr.

M. Rodrigue: Un délai et que le locataire puisse aviser le propriétaire qu'il mette fin à son bail. Mais je vous souligne que, sur cette question, nous pensons sincèrement et humblement que cela a déjà assez duré. On a connu plusieurs expériences. A l'occasion du développement de la Côte-Nord, par exemple, on a connu cela: Schef-ferville, Murdochville. Maintenant, c'est Lebel-sur-Quévillon, etc. Nous pensons que les locataires ou les salariés sont placés dans des positions souvent de pression, qui leur sont faites et qui les forcent même avant d'avoir, comme le dit Mme Galarneau, "trouvé un autre emploi". Je vous souligne que l'autre emploi à trouver, souvent il est possible d'en trouver un dans la région même. Ce qui veut dire qu'aussitôt que le lien avec ton employeur est brisé, même si tu as un lien avec un deuxième employeur dans la même ville, tu es obligé de quitter ton logement. On trouve cela un peu démesuré, comme pratique. Notamment, je souligne, par exemple, Lebel-sur-Quévillon. Tu peux travailler pour Domtar, tu peux travailler dans les mines, tu peux travailler ailleurs. Dans ce sens, nous trouvons important que le gouvernement regarde cet aspect.

M. Tardif: Deux questions pour terminer, rapides, M. le Président. Vous avez dans votre mémoire, à la page 4, un endroit où vous parlez de la..." qu'il suffise de rappeler nos revendications et notre action en vue du bail type et du développement d'un important secteur socialisé de coopératives d'habitations, donc, nos revendications et notre action..." Votre action dans ce domaine — je rattche cela aussi aux "company towns" — pour ce qui est de la production de logements, sous forme de coopératives d'habitations ou autrement qui pourraient être accessibles aux ouvriers d'un secteur, d'une centrale, par exemple... en d'autres

termes, est-ce que les programmes existants qui favorisent les organismes sans but lucratif ou les coopératives d'habitations qui permettent un financement selon des conditions assez avantageuses, en tout cas présentement, et qui pourraient être bonifiées, évidemment, tout le temps... Mais dans quelle mesure, un organisme comme le vôtre, est-il intéressé à s'impliquer, par exemple, pour faire du logement pour ses employés ou, enfin, ses membres, ou encore dans le cas des "campany towns" puisqu'il faut bâtir de toutes pièces ces logements, à un moment donné d'être partie prenante, presque de faire une partie de la convention collective de travail qu'après un temps X, cela sera la propriété collective des ouvriers, ou je ne sais quoi?

En termes d'action, j'aimerais que vous m'indiquiez dans quelle mesure on pourrait, par des programmes, faciliter non pas la production par l'Etat de ces logements, mais par des organismes sans but lucratif, autogérés en quelque sorte. C'est cela... Est-ce que vous avez des suggestions ou des commentaires ou...?

Mme Galarneau: Bien, on connaît un peu un bon nombre d'expériences qui ont été tentées par des organismes sans but lucratif. Je pense qu'actuellement même les gens qui oeuvrent dans les groupes de ressources techniques pour ce programme parlent d'énormes difficultés à se retrouver à travers le dédale administratif, à travers les différentes dispositions des trois niveaux de gouvernement et je pense que c'est très difficile d'oeuvrer dans ce secteur.

M. Tardif: Pour cela, vous avez tout à fait raison et, j'en conviens, les programmes des divers paliers de gouvernement ne facilitent pas les choses, mais cela ne devrait pas être un handicap pour un organisme comme la CSN de s'y retrouver, de se faire le promoeur d'un quartier, mais...

M. Rodrigue: Si vous me permettez, sur cette question, j'ai toujours trouvé que tout politicien, même s'il est en désaccord avec la CSN, aurait intérêt à lire plus sur la CSN, parce que l'histoire...

M. Tardif: C'est pour cela que je vous demande... que je vous pose la question...

M. Rodrigue: ... va nous démontrer, si vous y regardez, qu'à plusieurs reprises la CSN, comme organisme syndical, a comme première mission, comme vous le savez, de négocier et de protéger les intérêts économique de ses membres, de négocier des conventions collectives. Mais on s'est toujours donné comme obligation de s'occuper des autres questions qui touchent nos membres aussi, sur le plan de la consommation. Plusieurs projets ont été mis de l'avant par des membres de la CSN, par des groupes affiliés à la CSN. Je pense par exemple, que, dès les années cinquante, à Montréal, dans certaines périphéries, il y a eu des projets sur le plan coopératif — d'ailleurs ma secrétaire habite encore dans une maison qu'elle avait achetée dans ce temps-là — il y a eu de grands projets de mis de l'avant, il y a eu des réalisations aussi de faites. Il y a eu, par exemple, André Laurin qui a travaillé, et que vous connaissez sûrement, à la CSN, qui avait des projets discutables par certains mais qui étaient des tentatives d'améliorer la situation sur ce plan. Il a mis de l'avant des projets. On n'a pas toujours ou ces groupes de travailleurs n'ont pas toujours reçu l'aide appropriée. Cela n'est pas un reproche que je fais comme tel, mais on constate que, souvent, on s'est buté à des difficultés énormes. Sur ce plan, l'organisme, la CSN elle-même, n'a pas comme mission de devenir constructeur demain matin ou de se transformer en coopérative. Sauf qu'elle va appuyer des projets et, dans cette perspective, nous sommes non seulement à la recherche, mais, avec les locataires, disponibles et disposés à regarder les projets possibles en termes de réalisation. Mais pas, encore une fois, pour se retrouver dans une situation où les locataires se retrouveraient avec des risques qui sont non mesurables ou qui, finalement, pourraient les défavoriser à moyen terme, d'une façon considérable. Comme sur l'ensemble du développement économique, la CSN, vous comprendrez, va essayer d'être cohérente et c'est pourquoi on pense que l'Etat, dans ce domaine, doit être davantage le moteur comme sur l'ensemble du plan économique en termes de développement et en fonction des besoins qu'on a avancés dans notre mémoire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Verdun.

M. Caron: Merci, M. le Président. Nous aussi, de notre côté, nous vous félicitons de votre mémoire, M. Rodrigue. Pour faire suite à la dernière question du ministre, avant que je commence par le début, j'avais cela à l'idée, moi aussi, est-ce que vous verriez cela d'un bon oeil, au lieu que ce soit l'Etat qui s'occupe de construire, s'il y avait des mécanismes pour vous financer en conséquence, pour vous garantir les hypothèques en conséquence, je dirais même sans intérêt, pour que vous puissiez garder des loyers pour des gens à faibles revenus. Seriez-vous d'accord de vous embarquer dans des pourparlers de ce genre?

M. Rodrigue: Je vous signale encore une fois que, comme organisme syndical, la CSN...

M. Caron: Vous préféreriez ne pas toucher à ça.

M. Rodrigue: ... ne se donnera pas, demain matin, une nouvelle vocation — du moins je ne le pense pas — de devenir ou de se transformer en coopérative. Cependant, la CSN est disposée et disponible pour travailler avec les coopératives ou encore avec des groupes de locataires qui sont prêts à mettre des projets en place. Dans ce sens, à toutes les mesures qui vont favoriser ce type de

développement — ce qui n'est pas indissociable, quant à nous, du rôle de l'Etat dans la question — on va y souscrire et y travailler en termes d'appui, mais je soulignerais que — encore une fois je reviens là-dessus parce que ça nous apparaît fondamental — l'expérience nous démontre que laisser l'initiative totale au secteur privé, dans ces circonstances, dans la situation actuelle, nous fait dire que l'Etat doit jouer un rôle plus important. Dans ce sens, comme je vous le mentionne, nous sommes prêts à regarder ces expériences et à voir dans quelle mesure on peut les favoriser, mais cependant pas à n'importe quel prix.

M. Caron: Vous dites qu'il y a beaucoup de logements qui sont désuets; c'est vrai je suis bien d'accord pour certains secteurs, mais pour les gens qui sont propriétaires, quel pourcentage de revenu d'investissement serait raisonnable? Parce que vous savez qu'il faut que des montants soient investis dans des propriétés pour les garder en ordre, surtout dans le cas de propriétés de 50 ans et plus, soit dans le vieux secteur de Montréal ou dans un des secteurs de Québec. Quel pourcentage, pour que ce soit raisonnable, ces gens pourraient-ils attendre de leur investissement, d'après vous?

M. Rodrigue: Je ne comprends pas très bien votre question. Est-ce en fonction de l'achat d'une maison neuve?

M. Caron: Vous dites que les loyers sont fixés de façon à assurer des profits exorbitants aux propriétaires. Naturellement le propriétaire qui veut prendre soin de sa propriété — ce n'est pas tout le monde, mais c'est un pourcentage — qui veut réellement s'en occuper, quel pourcentage de retour sur son investissement, croyez-vous, serait raisonnable?

M. Rodrigue: Ce que nous constatons, à l'analyse de la situation, comme on le dit à la page 6, c'est qu'à Montréal, par exemple, 60% des familles consacrent 40% et plus de leurs revenus pour se loger.

Nous, on trouve que ces 40% du revenu c'est trop élevé; effectivement, nous trouvons que c'est trop élevé. On constate cependant que, dans le secteur public du logement, cette proportion par rapport au revenu se situe à environ 25%. C'est pourquoi nous parlons des 25%, parce que nous considérons que 25% des revenus consacrés à se loger, dans le cas surtout des couches populaires, des couches laborieuses, des assistés sociaux, c'est un montant qui est déjà important.

M. Caron: M. Rodrigue, je pense que vous n'avez pas tout à fait compris.

M. Rodrigue: Bon, c'est pour ça, je ne...

M. Caron: Je sais que, pour les assistés sociaux, c'est déjà trop; sans vouloir faire de politique, c'est tout à fait normal avec le salaire qu'ils gagnent, et le revenu garanti les aidera. Mais je voudrais que vous me disiez, si vous avez investi $50 000, quel pourcentage trouveriez-vous normal pour un propriétaire vraiment conscient qui veut louer un logement raisonnable, convenable à son locataire...

M. Rodrigue: Je n'ai pas à répondre à ça, j'ai surtout à me préoccuper de l'intérêt des locataires et des membres qui sont au prise avec des problèmes de logement. Je n'ai pas à répondre et à me prononcer sur le revenu de profit possible des propriétaires.

M. Caron: Je pense que si on se met à la place du propriétaire, il faut aussi que cet homme aille chercher un retour sur son argent.

M. Rodrigue: On ne met pas ça en cause, sauf que...

M. Caron: Non, mais je vous demandais si vous aviez des chiffres en conséquence.

M. Rodrigue: On ne met pas ça en cause; on essaie de se protéger, nous, comme locataires.

M. Caron: Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe. (11 heures)

M. Cordeau: Est-ce qu'il y a des membres de la CSN qui sont propriétaires de logements à louer?

M. Rodrigue: Probablement.

M. Cordeau: Est-ce que vous avez soumis ce mémoire à ces propriétaires pour savoir s'ils étaient d'accord avec toutes ces restrictions telles que présentées dans votre mémoire?

M. Rodrigue: Je vous souligne qu'on est un organisme démocratique et c'est une instance démocratique qui a accepté le mémoire, même avec la présence de propriétaires dans l'instance en question.

M. Cordeau: Vous avez certainement eu un vote minoritaire en quelque part.

M. Rodrigue: On ne serait pas ici si on avait eu un vote minoritaire, monsieur.

M. Cordeau: Je trouve réellement que vous plumez les propriétaires et si tout est réalisé tel que c'est rédigé dans votre mémoire, il ne restera pas une plume nulle part, même pour le principal, l'intérêt. Réellement, dans votre mémoire, vous demandez presque au gouvernement d'enlever à tous les propriétaires le droit de propriété. Avec toutes les restrictions que vous imposez, votre point de vue, vous n'incitez certainement pas un individu — je ne parle pas des trusts, je les exclus

dans ma comparaison parce que c'est bien sûr qu'il y a certains abus...

M. Rodrigue: Vous devriez m'en parler un peu des trusts.

M. Cordeau: Je parle du propriétaire moyen qui peut avoir un 6, 4 ou 8 logements, qui y a placé ses économies, un simple travailleur, j'en connais chez-nous, qui a placé ses économies ou un héritage, à un moment donné, dans une construction et qui veut se créer, par le fait même, un fonds de pension plus tard. Ne croyez-vous pas qu'avec toutes ces restrictions, vous empêchez — si le gouvernement adopte cela au texte — des individus de se lancer dans la construction, de placer leurs économies dans le logement?

M. Rodrigue: D'abord, une considération d'ordre général. Je pense bien que les propositions de la CSN n'impliquent pas une transformation fondamentale du système économique dans lequel nous sommes. Il s'agit là, à la suite de l'analyse de la situation, de revendications qui cadrent dans un système économique comme le nôtre. On connaît des mesures qui existent dans des sociétés en Occident où, effectivement, les gouvernements ont légiféré et cela n'a pas, pour autant, ni tué les propriétaires, ni fait en sorte que leur initiative ou l'intérêt qu'ils avaient à investir, par exemple, dans la construction de logements multiples, tout en étant limités sur le plan du nombre, cela ne les a pas empêchés de le faire.

Deuxièmement, ce sont des mesures qui, quant à nous, sont, à certains égards, minimales parce qu'on trouve que, effectivement, sur ce plan, les locataires, dans l'ensemble, sont traités d'une façon où on trouve un déséquilibre important au moment où on se parle. Il n'est pas question pour nous de proposer au ministre qui prône le projet de loi 107 de socialiser — je pense que vous l'avez compris — l'ensemble des propriétés au Québec et d'enlever le droit de propriété à quiconque; ce n'est pas ce que nous proposons. Nous proposons que l'Etat agisse davantage dans ce secteur, nous proposons que l'Etat adopte des mesures qui protégeront davantage le locataire. Dans ce sens, les revenus des propriétaires... le seul rôle qu'on joue est celui d'essayer d'arracher une plus grande partie pour se protéger en comparaison avec les revenus que les travailleurs et que la population ont en général.

Il ne faudrait pas faire dire à notre mémoire ce qu'il ne dit pas, même si la CSN n'est pas d'accord avec le système économique actuel.

M. Cordeau: D'après vos explications, je pense que ça va être au ministre à départager entre votre mémoire et un mémoire présenté par les propriétaires.

M. Rodrigue: On espère que la conscience du gouvernement ira jusqu'à prendre en considération les revendications de la CSN.

M. Caron: M. Rodrigue, on ne vous a pas parlé des trusts, vous, vous en avez parlé. Vous avez dit: On aurait dû vous en demander. J'aimerais cela que vous élaboriez un petit peu votre pensée, quelques minutes, sur les trusts. Il y aurait peut-être des choses qu'on apprendrait.

M. Rodrigue: Bien, écoutez, je veux tout simplement citer des exemples dont je viens de prendre connaissance personnellement, où il n'est pas question de gros trusts, mais d'un ensemble de propriétaires qui se sont mis ensemble. A Montréal, par exemple, aux Terrasses Saint-Michel, au moment où on se parle, la Société d'hypothèques et de logement a vendu un certain nombre d'habitations à des propriétaires privés qui se sont organisés, un certain groupe ensemble. Je regardais leur situation dernièrement. Tous les services ont été discontinués dans ces maisons d'appartements: entretien de terrains, entretien de bâtisses, etc. Les locataires se retrouvent avec des augmentations substantielles de loyer et je vous dis tout simplement que c'est un problème et que nous, on pense que ces problèmes devraient être évités à l'avenir. C'est pour cela qu'on réclame que les critères qui militent en faveur d'une augmentation de loyer, par exemple, soient davantage contrôlés. Sur le plan des trusts, on voit, et on le dit dans notre mémoire, en ce qui concerne le pourcentage des loyers, en termes de stock, qui sont détenus par un petit pourcentage de propriétaires que cela influence la situation générale suffisamment pour que le gouvernement intervienne.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Comme nous avons pu le remarquer quand le ministre a dialogué avec M. Rodrigue, le mémoire de la CSN ne se contente pas de traiter de la loi 107, mais il traite des questions de logement, des politiques d'habitation de façon beaucoup plus générale et c'est sûrement une qualité de ce mémoire.

M. Rodrigue, je crois, a tout à fait raison de dire que la CSN, dans ses propositions, ne remet pas en cause la base de notre régime économique, elle apporte peut-être des recommandations qui introduiraient certains rajustements dans le fonctionnement de ce système, mais elle ne le remet pas fondamentalement en cause. Quant à moi, devant ce mémoire, je n'ai pas tendance à "freaker", pour employer un mot à la mode, alors que cela n'est peut-être pas le cas de tous les députés de l'Opposition qui semblent, eux, "freaker" quand ils voient CSN sur un document, moi, cela ne me fait pas du tout "freaker".

Ceci dit, je voudrais vous poser une question, M. Rodrigue, par l'intermédiaire du président. Puisque vous avez fait ce travail bien documenté, qu'est-ce que vous pensez des expériences, jusqu'ici, dans le domaine des HLM, les habitations à

loyer modique? Dans votre mémoire, il y a des allusions à ce genre de chose, mais vous vous étendez beaucoup plus longuement sur, par exemple, votre idée de contrôler plus strictement les démolitions, et vous faites des recommandations précises sur les travaux de restauration, de rénovation qui seraient entrepris par l'Etat. Puisque c'est toujours dans la même caisse qu'on puise, même si c'est l'Etat, si on met pas mal d'argent dans ce genre de travaux de rénovation et de restauration, quitte à permettre ultérieurement aux locataires de jouer un rôle de gestion comme vous l'indiquez, est-ce que cela veut dire qu'il y aurait moins d'argent qui serait mis dans des trucs comme les HLM? A partir de cela, je me demande ce que vous pensez de l'expérience que nous avons accumulée, jusqu'ici, dans le domaine des HLM.

M. Rodrigue: Mme Galarneau va commenter ce sujet.

Mme Galarneau: Si on a certaines réserves vis-à-vis des HLM, c'est qu'on sait, d'abord, qu'on n'en construit pas suffisamment. Il y a plein de groupes qui se plaignent, actuellement, même s'ils ont reçu, par exemple, l'accord. Je pense à Beauharnois, ou on a dit aux gens: Vous aurez un HLM de 40 logis. Les gens disent: Cela n'est pas 40 que cela nous prendrait, c'est 80, 100 ou 200 compte tenu des besoins de la population. On sait que cela prend pas mal de temps à la Société d'habitation pour construire les HLM.

C'est devant une situation grave et détériorée qu'on dit: Ecoutez, si cela prend autant de temps à construire alors qu'il y a des logements, des milieux naturels déjà existants qui permettent une vie communautaire intéressante. Pourquoi détruire, démolir, alors qu'il suffirait souvent de mettre un peu d'argent pour acheter ces propriétés qui sont détériorées par la négligence des propriétaires? Il suffirait de racheter des propriétés, des ensembles, de les rénover, souvent avec la participation des locataires, pour accélérer la réponse au besoin qui est déjà là.

M. Tardif: Est-ce à dire que nous devrions renoncer à chercher à multiplier les HLM, à les produire en plus grand nombre et à les produire plus vite? Faut-il renoncer à ce genre d'effort?

Mme Galarneau: Je pense qu'il ne faut renoncer à cela, il faut essayer d'augmenter les réponses aux besoins qui sont là. Il y a de multiples réponses, il n'y en a pas une seule. On pourrait, bien sûr, accélérer la construction, augmenter le nombre de constructions, mais on pourrait également recourir aux logements déjà existants.

Le Président (M. Laplante): Sur ce...

M. Rodrigue: Une petite information supplémentaire. Nous sommes informés que l'Office d'habitation de Montréal, au moment où on se parle, a 10 000 demandes de logement alors qu'on nous dit qu'il y a à peine 100 logements disponi- bles. Sur ce plan, en termes de développement, on pense qu'un accent plus grand devrait être mis.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, Mme

Galarneau... Un mot de la fin? D'accord.

M. Tardif: Juste un mot. Je dois dire également que, comme le député de Deux-Montagnes, j'ai été fort heureux de recevoir le mémoire de la CSN. Je partage les objectifs poursuivis qui sont de changer sensiblement le mode de tenure de logements au Québec. Cependant, je suis convaincu qu'on ne peut pas faire cela du jour au lendemain, à partir d'une situation où 98% du stock de logements appartiennent au secteur privé et ramener cela... En doublant et en triplant — et on l'a dit à juste titre — d'une part, je constate comment la CSN fait confiance à l'Etat pour s'occuper de tout le secteur du logement au complet, de tous les baux. D'un autre côté, on dit: La SHQ, cela ne va pas très vite. On en est conscient et c'est pour cela que j'aimerais que par des programmes du type Logipop et d'autres qu'on pourrait essayer de simplifier, des organismes sans but lucratif, comme les centrales syndicales, comme les diverses associations fassent du logement dont la propriété et la gestion seraient collectives, mais pas nécessairement de l'Etat.

Pour moi, si la CSN, sur l'autoroute est-ouest, avait des projets pour ses membres et si d'autres gens... surtout si ce sont des terrains qui appartiennent à l'Etat, j'aimerais les entendre et les connaître.

Le Président (M. Laplante): D'accord?

M. Rodrigue: On prend note de cette revendication.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, Mlle Galarneau, M. Rodrigue, les membres de cette commission...

M. Cordeau: Avec un taux de revenus de 3% à 4%.

Le Président (M. Laplante): ... vous remercient.

J'appelle maintenant l'Association des propriétaires domiciliaires italo-canadiens de Saint-Léonard.

Messieurs, conformément au règlement, pour le journal des Débats, si vous voulez identifier votre organisme, vous identifier et identifier la personne qui vous accompagne. Vous avez un temps limité, il faut donc essayer de synthétiser votre mémoire afin que les membres de cette commission puissent vous poser le plus de questions possible.

Association des propriétaires

domiciliaires italo-canadiens

de Saint-Léonard

M. Sciascia: M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, mon nom est Antonio

Sciascia, conseiller légal de l'association. A ma gauche, M. Benedicto Vittorio, le vice-président de l'association et derrière moi, à ma gauche, Mme Thérèse Desjardins, membre de l'association qui est une des locataires et directement derrière moi, Mme Angela Marone, membre de l'association.

Avant de commencer, j'aimerais vous souligner l'absence de la présidente de l'association, vu que le ministre la connaît personnellement. En effet, Mme Clapari a dû se rendre en Italie, suite à un appel d'urgence lui annonçant que son père était mourant. Malheureusement, elle n'est pas parmi nous ce matin. (11 h 15)

Le mémoire qui a été déposé a été préparé par un comité élu par l'Association des propriétaires domiciliaires italo-canadiens de Saint-Léonard. Dans la préparation même du mémoire, nous avons consulté à plusieurs reprises une bonne partie des membres de l'association, qui se chiffre par au-delà de 1000 membres. Je ne lirai pas au complet le texte qui a été déposé, mais j'ai décidé de vous résumer ce que le mémoire dit. En effet, ce texte pourrait être résumé en trois phrases.

La première phrase est que nous trouvons quelques dispositions du projet de loi 107 très discrétionnaires. Tout à l'heure, je vais vous souligner des articles pour vous démontrer cette prétention.

Deuxième phrase: Je crois qu'il y a aussi des dispositions du projet de loi qui bouleversent des principes fondamentaux.

Troisièmement, c'est le manque de confiance ou même la méfiance vis-à-vis des locateurs.

Revenons au premier point, qui est celui de quelques dispositions du projet de loi que nous considérons très discrétionnaires. Comme vous pouvez le constater en lisant l'étude qui vous a été présentée, nous nous sommes limités essentiellement à souligner les points que nous considérons importants. Nous n'avons pas fait une étude approfondie, nous avons simplement souligné les choses qui affectaient les propriétaires.

Si on regarde l'article 16 du projet de loi, c'est un des points que nous avons soulignés dans notre étude. On trouve que cet article 16 est trop discrétionnaire; en effet, nous croyons que l'inspecteur devrait se rendre à la résidence soit du locataire, soit du locateur, à la suite d'une demande faite par l'une des parties. Je pense que l'article de loi devrait spécifier la raison pour laquelle l'inspecteur peut aller faire une vérification des lieux; je crois que c'est un principe fondamental lorsqu'on veut s'introduire dans la résidence d'une personne. En droit criminel, on ne peut pas violer la résidence d'une personne sans avoir obtenu un mandat de perquisition au préalable. Ici, je crois que l'article 16 va un peu loin. Nous suggérons que, dans l'article, il soit spécifié que l'inspecteur, avant de se rendre chez le locataire ou le locateur, doit agir à la suite d'une plainte qui a été portée par le locateur ou le locataire. Dans la plainte, qui devrait être signée par un des régisseurs, étant donné qu'on a changé le nom de l'administrateur qui devient régisseur... C'est pas mal mêlant pour les gens, on commençait juste à s'habituer et on change encore. Nous croyons que l'inspecteur devrait avoir un certificat, un document, signé par un régisseur, qui l'autorise à faire une vérification spécifiée, particulièrement parce qu'on voudrait que, lorsque l'inspecteur se rendra à la résidence de la personne, on sache pourquoi il s'y est rendu. Il y a quand même une limite qui est établie en partant; on ne voudrait pas laisser une discrétion assez large à un inspecteur de faire n'importe quoi quand il est dans la résidence du propriétaire ou du locataire.

Alors, l'infraction, dans la plainte qui est faite, doit être spécifiée.

Le prochain article que nous trouvons discrétionnaire, c'est l'article 1652.3. C'est là, je pense, un article quand même assez grave, assez sérieux et qui pourrait causer un préjudice énorme aux propriétaires. En effet, l'article 1652.3 n'est pas très clair; il nous dit très clairement que le locataire peut déguerpir si le logement est inhabitable ou s'il le devient sans que ce soit sa faute. Mais qu'est-ce qu'un logement inhabitable? Nous savons que la jurisprudence sur la question d'in-habitabilité des appartements est pas mal compliquée.

Nous vous suggérons qu'il soit spécifié dans l'article de loi que ce ne soit pas le locataire lui-même qui décide qu'il a un appartement devenu inhabitable, mais que ce soit la nouvelle Régie du logement qui décide si un appartement est devenu inhabitable.

Nous sommes contre le principe quand même assez discrétionnaire qui dit que le locataire peut déguerpir si le logement est devenu inhabitable. Qui décide l'inhabitabilité d'un logement? C'est cela la question, et je pense qu'il va falloir spécifiquement dire dans cet article: C'est la Régie du logement qui va décider si, en effet, l'appartement est devenu inhabitable. A la deuxième partie de ce paragraphe, nous trouvons aussi que cela pourrait ouvrir la porte à beaucoup de préjudice. Lorsqu'on accorde le droit au locataire de ne pas payer son loyer, s'il avertit le locateur que l'appartement est devenu inhabitable dans un délai raisonnable, à ce moment, il refuse de payer son loyer. Là aussi, cela ouvre la porte à la discrétion. Le locataire se plaint de certaines affaires et, à cause de cela, refuse de payer le loyer. Or, vous êtes au courant que le propriétaire doit ordinairement effectuer des paiements soit semi-annuels, soit annuels. Or, cela pourrait aussi retarder ces paiements.

Nous suggérons que ce soit toujours la Régie du logement qui décide, si, en effet, l'appartement est devenu inhabitable et si le locataire devrait maintenir ou déposer son loyer à la Régie du logement.

Dans ma deuxième phrase, j'ai mentionné tout à l'heure le bouleversement des principes fondamentaux. Je vous souligne l'article 59 du projet de loi où on met de côté un principe quand même fondamental du droit — ceux qui ont étudié le droit, le savent — que, règle générale, par l'article 1234 du Code civil, on ne peut pas contredire un

écrit valablement fait par les parties en admettant une preuve testimoniale. Le législateur, dans ce projet de loi, décide de mettre de côté cet article quand même fondamental dans des procédures civiles. Nous, les propriétaires, nous nous posons la question: Cela vaut quoi, avoir un contrat par écrit? Si on donne la discrétion aux fonctionnaires, aux régisseurs, de décider d'admettre la preuve testimoniale, s'ils admettent la preuve testimoniale, cela devient discrétionnaire de décider des problèmes de droit. Je pense que cet article est quand même fondamental, cet article du Code civil devrait être maintenu. Nous ne devrions pas admettre de preuve testimoniale pour contredire des baux, des contrats qui sont faits entre les parties.

L'autre article dont nous pensons que c'est aussi un bouleversement des principes fondamentaux, c'est l'article 1650.4. Par cet article, le législateur abolit complètement la saisie avant jugement, c'est-à-dire les articles 1637 à 1641 du Code civil. Nous ne voyons pas la nécessité de cette disposition, vu qu'actuellement, avec les amendements apportés au Code civil, c'était devenu très difficile à servir avant jugement. Actuellement, il est nécessaire d'obtenir la permission d'un juge en Chambre — on disait "protonaire" avant, si on veut saisir avant jugement et enlever...

Il y a aussi une disposition de l'article du Code civil qui empêchait toute saisie s'il n'y avait pas de biens meubles suffisants, disons au-delà de $2000. Alors les locataires défavorisés ont déjà une certaine protection. Mais de là à enlever complètement les droits de saisie avant jugement, lorsqu'il y a des locataires qui ont les moyens et qui refusent de payer leur loyer, on trouve que cela est injuste. Il faut donner, quand même, certains droits de protection au propriétaire afin d'assurer que sa créance, son loyer soit garanti. On sait très bien ce qui se passe, dans la pratique, on le voit tous les jours. Le locataire qui déguerpit, qui laisse son appartement et, par la suite, même si on avait pris une saisie avant jugement, les biens ont été laissés sur les lieux, cela devient toujours très difficile de retracer le locataire afin d'exécuter le jugement final. Alors, nous voyons mal pourquoi le propriétaire devrait perdre ses droits, même pour la raison qu'actuellement pour exercer ses droits, pour avoir une saisie et enlever en même temps, il doit s'adresser à un juge en Chambre, pour obtenir la permission préalable. L'abolir complètement, nous n'en voyons pas l'utilité.

La troisième phrase que je vous ai mentionnée tout à l'heure, c'est le manque de confiance, ou même méfiance, vis-à-vis du locateur. A cela, je vous souligne l'article 1651.2, dont les locateurs — je vais regarder là —... A cet article, "Le locateur doit, lors de la conclusion du bail, remettre à tout nouveau locataire un écrit indiquant le loyer payé par le locataire précédent et tout autre renseignement relatif au bail du locataire...". Nous forçons, à ce moment, le locateur à aviser le locataire du loyer que le locateur précédent payait, comme si on n'avait pas confiance au propriétaire. Pour indiquer cette manière de penser qui ressort de ce projet de loi, je vous souligne aussi l'article 1659.2. Là, on voit vraiment l'intention de méfiance vis-à-vis du propriétaire, lorsqu'on dit que dans le cas d'avis de reprise de possession, on dit que: "Le locataire qui reçoit l'avis de reprise de possession peut, dans les trente (30) jours, aviser le locateur de son intention de se conformer ou non à cet avis. A défaut, il est réputé avoir refusé de quitter le logement." Actuellement, c'est le contraire: S'il ne répond pas à l'avis, il est présumé avoir accepté l'avis. Mais actuellement c'est tout à fait le contraire, on le voit dans l'article qui suit 1659.3, lorsqu'on dit: "Si le locataire refuse de quitter le logement...", cela veut dire s'il n'a pas répondu à l'avis qui a été envoyé par le propriétaire, parce qu'il n'a pas besoin de répondre, s'il ne répond pas, il est présumé qu'il ne quitte pas les lieux. Le locataire peut, sur autorisation du tribunal, en reprendre possession pourvu qu'il en fasse la demande dans les trente jours du refus et qu'il démontre qu'il entend réellement en reprendre possession. Encore une fois, si le propriétaire envoie l'avis, c'est parce qu'il veut la possession des lieux. Si le locataire ne répond pas, le locateur, le propriétaire aurait le fardeau de prouver au tribunal qu'il veut réellement prendre possession du logement. Je dirais que nous avons une loi qui existe actuellement, si un avis de prise de possession est envoyé, selon les conditions de la loi, et le locataire ne répond pas dans les trente jours, il est présumé avoir accepté l'avis; donc, il quitte les lieux. (11 h 30)

Dans la loi existante, les locataires étaient quand même protégés parce que si les propriétaires avaient été de mauvaise foi, ils avaient quand même ce recours en dommages-intérêts et ils pouvaient même se faire réintégrer dans les lieux. De là à renverser le fardeau de la preuve au propriétaire, car à chaque fois il doit s'adresser à la régie, à la commission des logements afin de prouver qu'il a réellement l'intention de reprendre son logement, je pense que c'est renverser un fardeau de preuve indu aux propriétaires.

M. le Président, c'était le contenu de notre mémoire.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Scias-cia. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je désire remercier l'Association des propriétaires italo-canadiens de Saint-Léonard. Je crois que la raison sociale est changée ou est en voie de l'être. Je veux aussi les remercier pour leur présentation et les prier de transmettre à Mme Slapari nos meilleurs voeux pour que cette situation difficile qu'elle connaît se rétablisse, que le membre de sa famille se rétablisse.

J'ai pris bonne note des représentations concernant l'article 16, en ce qui concerne l'inspection. Je voudrais immédiatement dissiper l'interprétation à laquelle pouvait donner lieu l'article 16, à savoir qu'un inspecteur pouvait s'en aller dans la rue et décider d'entrer dans un local et aller

inspecter. Ce n'est pas cela du tout. Dans l'exercice de ses fonctions et ailleurs, on dit bien que l'administrateur ou le régisseur pourra demander ou ordonner l'inspection des lieux. D'accord? Donc, il n'irait que sur l'ordre du régisseur qui demandera à l'inspecteur d'aller voir sur place l'état des lieux.

Comme la régie n'agit pas proprio motu, mais sur une plainte d'un propriétaire ou d'un locataire, c'est donc dire que cet arbitraire qu'on craignait n'est pas fondé, mais si le texte porte à ambiguïté, il sera corrigé. Ce n'est pas du tout l'intention du législateur d'avoir des gens qui se promènent dans les rues et qui décident d'aller à la pêche, d'ouvrir les portes et d'entrer. Non. Là-dessus, si le texte pouvait donner cette interprétation, ce n'est pas du tout l'idée, et nous allons le corriger.

Je vois que vous n'êtes pas revenus aux articles 19 et 76 quant à la possibilité de siéger à des jours non juridiques. Finalement, j'ai l'impression que cela pourrait même faire l'affaire d'un bon nombre de vos membres de pouvoir entendre les causes le soir, par exemple, plutôt que le jour. C'est plutôt ce à quoi on pense plutôt que de les faire siéger le dimanche.

Sur la question de la saisie avant jugement, évidemment, vous avez à juste titre souligné que, par suite des amendements, c'était extrêmement difficile de se prévaloir de ces privilèges. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que cela a été aboli dans presque toutes les provinces canadiennes, dans la plupart des états américains et que l'Office de révision du Code civil prévoit effectivement l'abolition d'à peu près tous les privilèges, de sorte que, sur ce plan, comme vous l'avez mentionné vous-même, à toutes fins utiles, c'est un recours à peu près inexistant dans les faits, même s'il est toujours dans le droit.

La question du déguerpissement est évidemment un peu plus complexe. C'est l'article 16... Vous avez raison lorsque vous dites: On n'a pas de critères de ce qu'est un logement inhabitable ou impropre à l'habitation.

Il faut, dans le contexte actuel, se référer à la jurisprudence qui a établi qu'un logement infesté de vermine, qui n'est pas muni d'un système d'approvisionnement d'eau, dont les conditions de chauffage sont inacceptables, dont les murs menacent de s'écrouler... Enfin, autant de décisions qui ont été rendues par la jurisprudence.

Evidemment, vous comprendrez que l'article dit — c'est tout cela, le sens de votre mémoire — vous dites: on va permettre en quelque chose à un locataire de se faire justice. On dit bien lorsqu'un logement devient inhabitable, en raison de... enfin, qui ne sont pas la faute du locataire lui-même et même si c'était sa faute, encore là... Imaginons que le logement prenne feu et qu'il est inhabitable. Rien n'obligerait le locataire à rester dans les lieux. Il peut y avoir des conditions physiques qui fassent qu'il n'est pas question d'attendre un jugement de la régie. Mais ce qu'on a peut-être pas — je pense que là-dessus, on va être d'accord — il peut y avoir des conditions d'urgence qui fassent qu'un lieu, un local devien- ne inhabitable. Ce qui est important... Si vous dites: Bien oui mais, par la suite, quelle sorte de recours pourrait avoir le propriétaire si, par exemple, le locataire avait déguerpi pour rien? C'est cela? Sans raison valable. Alors, évidemment, les recours prévus par la loi pourront s'exercer maintenant devant la Régie des loyers et le propriétaire pourra demander de récupérer son loyer pour la période manquante et il appartiendra au locataire de justifier pourquoi il a quitté les lieux, pourquoi ces lieux étaient... Alors, les recours normaux prévus dans la loi... Mais, on ne pourrait pas, je ne pense pas, vous obliger ou obliger un locataire à rester dans des lieux devenus impropres en attendant que la régie rende jugement. Imaginons un local d'habitation...

M. Sciascia: M. le ministre, M. le Président, c'est parce que dans la pratique, on sait assez bien que dans l'esprit de pas mal de gens, le mot "inhabitable", on ne le connaît pas. Alors, on peut à un moment donné en abuser. Alors, sous prétexte qu'un logement est devenu inhabitable, ils quittent les lieux. Mais si c'était, disons, à la régie, à déterminer si les lieux étaient inhabitables, suite à une inspection, là cela changerait beaucoup. Sans doute, il y a certainement des conditions d'urgence qu'il va falloir spécifier dans l'article même.

M. Tardif: L'article 86, paragraphe 5, dit que le gouvernement peut par règlement, définir un logement impropre à l'habitation. Cela va être défini et connu. Je suis bien d'accord avec vous qu'à l'heure actuelle seuls les avocats peuvent compulser la jurisprudence qui leur donne une idée de ce que c'est qu'un logement impropre à l'habitation. Mais il y aura maintenant un règlement connu de tout le monde. D'accord? Alors, on va éviter une part de cet arbitraire.

M. le Président, pour l'instant, je pense que c'est tout. J'avais un autre point, mais je reviendrai tantôt. Peut-être que le député de...

M. Caron: M. le Président, nous autres aussi, on vous remercie de votre mémoire. A la page 2, premier paragraphe, le projet de loi no 107, tel que proposé, nous semble de nature discrétionnaire, en ce qu'il est entièrement fondé sur des critères subjectifs laissés à la discrétion des fonctionnaires.

Avez-vous confiance en la régie? De la façon que vous parlez,' vous ne semblez pas avoir confiance.

M. Sciascia: Au début, suite à la création de la régie, il y a eu certaines iniquités vis-à-vis des propriétaires. Je vous parle d'expérience. Les gens commençaient à s'habituer à la régie. On sort un nouveau projet qui bouleverse quand même certaines choses auxquelles les gens commençaient à s'habituer. Là, on s'en va un pas encore plus loin. On abolit autre chose, on change les principes des droits. On donne des pouvoirs à des fonctionnaires, qui sont quand même des pouvoirs

assez étendus, chose qui n'existait pas auparavant. C'est pour ça qu'on dit qu'il ne faut pas aller si vite, il faut y aller tranquillement. Ce n'est pas une question de ne pas avoir confiance en la régie, mais je pense qu'il ne faut quand même pas donner trop de pouvoirs à des fonctionnaires ou laisser trop de discrétion aux fonctionnaires, parce que souvent nous constatons des abus.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Je n'ai pas tellement de questions à poser concernant ce mémoire, cependant je tiens à vous remercier de votre participation. D'ailleurs, M. le ministre a répondu à certaines de vos objections.

Vous êtes une association de propriétaires présentée par une dame qui est locataire. Y a-t-il des propriétaires et des locataires dans votre association? Faites-vous bon ménage?

M. Vrttorio (Benedicto): Non, en majorité... Disons qu'on a des membres sympathisants; c'est pourquoi madame a été élue membre, parce que c'est une sympathisante.

M. Cordeau: Vous avez une largeur de vue peu commune pour des propriétaires; c'est très bien, je vous en félicite.

M. Vittorio: Pourquoi pas?

M. Cordeau: C'est très bien. C'est la première fois que je vois des locataires membres d'une association de propriétaires; c'est très bien!

Mme Desjardins (Thérèse): Pourrais-je dire un mot, messieurs, comme locataire?

Le Président (M. Laplante): Madame, si vous voulez parler, vous devez vous avancer à la barre.

Mme Desjardins: J'ai accepté d'être membre avec les locateurs de Saint-Léonard, ce sont des gens très gentils et c'est pour la loi actuelle que j'ai commencé à faire une union entre propriétaires et locataires. Moi, je n'ai jamais eu de problème, il y a huit ans que je suis là avec un bon propriétaire; on discute des prix, on s'entend très bien et je vois que la nouvelle loi va dans ce sens. J'espère qu'elle n'ira pas trop loin, mais assez quand même. C'est pour ça que j'ai accepté de participer au travail et d'être membre.

M. Cordeau: Merci, madame.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la fin.

M. Tardif: M. le Président, je voudrais juste apporter une petite correction à ce qu'a dit Me Sciascia, lorsqu'il a parlé de pouvoirs discrétionnaires des fonctionnaires. Les régisseurs ne seront pas des fonctionnaires, mais des personnes ayant presque qualité de magistrat; ce seront des avocats.

M. Sciascia: Actuellement.

M. Tardif: Non, ce qui est prévu dans la loi 107, ce sont, ce qu'on appellerait en Europe, des magistrats.

M. Sciascia: Mais les inspecteurs, M. le ministre.

M. Tardif: Oui, mais pour les inspecteurs en bâtiments, je ne pense pas que l'Ordre des avocats aurait beaucoup apprécié que j'exige que, pour aller inspecter la plomberie d'un bâtiment, on doive avoir une licence en droit.

M. Sciascia: Mais ils ont quand même des pouvoirs discrétionnaires.

M. Tardif: D'accord, mais l'inspecteur, encore une fois, c'est un peu le bras séculier de la régie, c'est lui qui va aller, à la demande du régisseur, inspecter les lieux. Alors, je voulais tout simplement dire que, finalement, les régisseurs seront des gens remplissant une fonction judiciaire, avocats, cinq ans de pratique, etc., qui donneront une certaine garantie de respect des règles de droit.

Le dernier point que je voulais souligner, M. le Président, en terminant, c'est le besoin d'uniformiser les avis et de faire en sorte que, dans un cas, si on n'a pas réagi, on est présumé avoir accepté et, dans un autre cas, si on n'a pas réagi on est présumé avoir refusé. Cela m'apparaît assez aberrant en effet; pour moi il devrait y avoir une certaine uniformité. Le principe, évidemment, sera dans le sens que celui qui invoque un droit quelconque de changer les conditions du bail est celui qui devrait faire la démarche. Vous voyez à quoi cela nous mène? C'est que le propriétaire devra faire la démarche pour demander l'augmentation de loyer. Si c'est ça le principe général, on va le regarder attentivement ce problème d'uniformisation.

M. Sciascia: Mais actuellement, M. le Président, ce n'est pas ça.

M. Tardif: Non, je sais. (11 h 45)

M. Sciascia: Actuellement, si le locataire ne répond pas à l'avis, il est présumé avoir accepté les conditions. Je me demande pourquoi changer ce principe et renverser le fardeau au propriétaire.

M. Tardif: C'est ce que je vous dis. Présentement, dans le cas de reprise de possession, par exemple, c'est l'inverse. D'accord? Je vous dis qu'il faut regarder cette question d'uniformisation; lorsqu'on ne répond pas, est-ce qu'on accepte ou on refuse? Dans la loi...

M. Sciascia: Actuellement, s'il ne répond pas, il est réputé avoir accepté. Il quitte les lieux. S'il

conteste l'avis dans les trente jours, il conteste l'avis de reprise de possession. C'est uniquement à ce moment-là qu'on devrait se rendre à la régie. Il ne faut pas forcer les locateurs à se rendre à la régie quand les locataires ne se donnent même pas la peine de répondre à leur avis.

M. Tardif: D'accord. C'est un des problèmes que nous sommes en train d'examiner et à la suite des mémoires reçus... J'ai pris des notes tantôt, au cours de votre exposé, et c'était le dernier point que je voulais souligner, mais nous allons l'examiner attentivement.

M. Sciascia: Merci, M. le Président; merci, M. le ministre.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. Vitto-rio, M. Sciascia, les membres de cette commission vous remercient de la qualité de votre mémoire.

J'appelle maintenant Me Myriam Grassby. Madame, je vois que vous venez à titre personnel. Veuillez vous identifier, s'il vous plaît. Il vous reste jusqu'à 12 h 30 pour présenter votre mémoire et pour répondre aux questions.

Mme Myriam Grassby, à titre personnel

Mme Grassby (Myriam): Je vais essayer de vous donner cinq minutes de plus pour votre lunch.

Le Président (M. Laplante): Merci beaucoup.

Mme Grassby: J'ai préparé un mémoire assez bref. Je suis Myriam Grassby, avocat. Depuis plusieurs années, je travaille avec des groupes de locataires et des locataires dans les problèmes du logement. J'ai suivi de près la législation qui touche les relations entre locataires et propriétaires. Etant donné que j'ai aussi travaillé avec le groupe qui travaille à la révision de la loi pour favoriser la conciliation entre propriétaires et locataires et que j'ai suivi de près le livre blanc, j'ai pris la peine, aujourd'hui, de venir donner mon opinion sur une certaine question contenue dans le projet de loi 107.

Je n'ai pas choisi de faire une analyse de tout le projet, j'ai déjà fait des recommandations qui sont contenues dans le rapport de tout le projet, j'ai déjà fait des recommandations qui sont contenues dans le rapport du groupe de travail remis en septembre 1977. Je tenais à souligner l'importance d'un article en particulier, à cette commission parlementaire, une possibilité particulière pour les locataires: le dépôt du loyer. J'ai constaté, dans la pratique et en enseignant, que souvent des gens qui ne sont pas avocats utilisent une loi parce qu'elle parle de quelque chose qui les touche. Malheureusement, ce n'est pas le cas quant aux droits des locataires et quant à l'application des obligations des propriétaires.

Dans mon mémoire, j'ai parlé de certains cas pratiques qui, je pense, expliquent la nécessité d'être assuré que te dépôt sera inclus dans la loi.

Je n'ai pas suivi de près tous les mémoires qui ont été présentés à la commission parlementaire, je ne sais pas jusqu'à quel point certains groupes de propriétaires se seraient opposés à l'inclusion de cet article dans la loi, mais c'est un peu en prévision de cela que j'ai pensé qu'il était nécessaire de souligner le problème et l'intérêt de ce recours pour les locataires.

Le locataire a une obligation primordiale, celle de payer son loyer. Le propriétaire doit fournir un logement conforme à certains critères prévus par des codes municipaux, par le Code civil et donne des droits aux locataires selon le bail. Cependant, si le propriétaire refuse d'exécuter une obligation, s'il refuse de faire une réparation, le locataire a très peu de recours pour le forcer à le faire. Il y a l'article 1612 du Code civil sur la possibilité de faire une requête devant les tribunaux civils pour retenir le loyer et faire la réparation soi-même, mais ce recours est présentement peu disponible pour le locataire, parce que cela nécessite souvent une preuve d'expert et cela entraîne aussi des frais pour les services d'un avocat et si on perd, des frais de cour.

D'ailleurs, on a des jugements formidables qui sont rendus par la Cour provinciale dans ce domaine. On a déjà vu accorder un jugement pour fumiger le logement d'un locataire, fumiger toutes les coquerelles qui étaient présentes au moment de la signature du bail, mais pas celles qui sont venues après la signature du bail. C'est qu'il y a des problèmes dans l'application de ces lois et pour cause.

Une chose que je n'ai pas mentionnée dans le mémoire, mais que j'aimerais souligner, parce qu'en parlant dans le mémoire de l'article 1605, je constate que vous n'avez pas devant vous l'article 1605. Je pense que, pour les locataires aussi, l'article 1605 est celui qui prévoit que le locateur doit, en cours de bail, faire toutes les réparations nécessaires autres que locatives, ce qui est d'ailleurs assez intéressant pour que le locateur en soit avisé, et je fais le commentaire suivant: étant donné qu'on réfère souvent dans le projet de loi 107, à des dispositions du Code civil et aussi à la disposition du Code de procédures civiles, il y a très peu de locataires qui pourront lire cette loi, et ils seront forcés — je ne fais pas de commentaire là-dessus — d'aller consulter un avocat pour comprendre cette loi, une loi qu'on veut simple et accessible. Je suggère que, même si cela peut sembler lourd et même si le ministre peut penser que cela n'est pas bien beau, qu'on inclue dans un même projet tous les articles auxquels on réfère et tous les articles qui touchent les obligations des parties, parce qu'il y a toute une section dans le Code civil qui parle justement des obligations et des droits des parties pour les baux. Ce ne sont pas nécessairement les baux de logement, mais cela s'applique aussi aux baux de logement. C'est là où on retrouve les responsabilités des propriétaires et les clarifications quant aux réparations et plusieurs autres dispositions importantes.

Je mentionne l'article 1605, dans le mémoire, et je dis que le fait qu'on dise que le locateur doit, en cours de bail, faire toutes les réparations

nécessaires autre que locatives, il me semble bien clair que quand un locataire a un problème c'est le propriétaire qui fait la réparation. Mais si un locataire habite un logement, que le plafond coule et que le propriétaire refuse de faire quoi que ce soit, le locataire n'a absolument aucune possibilité de faire réparer son toit. Il ne peut pas prendre une injonction, parce qu'une injonction c'est dans le cas des grosses affaires, des affaires bien sérieuses. Il ne veut pas une réduction de loyer, il veut un plafond qui ne soit pas abîmé et qui ne coule pas. Alors même si l'article 1605 est là et est clair, le locataire n'a pas de recours. Cet exemple s'applique à toutes les réparations du locataire, aux réparations mineures courantes et aux réparations souvent importantes, telle qu'une réparation à un balcon qui laisse à désirer ou des problèmes de vermines, le problème de chauffage. Présentement, vous le savez, que c'est extrêmement difficile, premièrement à cause de la carence de la loi, mais quand même aussi quant à son application, pour un locataire qui n'est pas chauffé, comme il le faut ou qui manque d'eau chaude, il est presque impossible, pour lui, d'obtenir son droit à un chauffage adéquat ou à une quantité suffisante d'eau chaude.

Je pense que, généralement, s'il y a la détérioration des lieux — c'est d'ailleurs un des problème et une des raison pour lesquelles il y a détérioration — c'est parce que les locataires ne peuvent pas forcer le propriétaire à faire quelque chose. Quand on voit le système que l'on a, les méthodes de fixation de loyer qu'on refuse présentement, j'imagine qu'on va continuer à refuser de les prendre en considération, malgré qu'on ne peut pas le savoir parce que la méthode sera fixée par règlement et on n'en discutera pas publiquement.

Si la méthode continue comme elle est présentement, où on refuse de prendre en considération la qualité du logement, c'est-à-dire qu'un logement qui a des rats et un logement qui est en parfait état peut se voir accorder la même augmentation, puisqu'on dit que la qualité n'a rien à faire dans la fixation du prix et à un tel point, qu'il semble que le gouvernement y croit et il vient tout récemment de porter en appel à la Cour suprême un jugement qui disait qu'il était peut-être logique de prendre en considération la qualité quand on fixait le coût d'un loyer. Mais toute cette question de la détérioration des lieux, tout ce problème est aggravé par le fait que les locataires, finalement, n'ont pas de recours pour régler un à un les problèmes quand ils surviennent.

La loi favorise aussi la conciliation et c'est repris un peu dans le projet de loi 107, que quand un locataire demande la prolongation de son bail, le propriétaire est tenu de lui fournir les mêmes services pendant que la demande de... tant qu'il n'y a pas adjudication finale de sa demande. Je cite un exemple — c'est un exemple, d'ailleurs, qui a été publié dans les journaux il y a quelques années. C'était l'exemple des locataires, d'une centaine de locataires de GJL à Lasarre, où le propriétaire avait envoyé des avis, disant qu'il enlèverait les poêles et les réfrigérateurs et que les locataires n'auraient pas droit aux services de stationnement extérieur et qu'ils n'auraient pas le droit d'utiliser la piscine. Evidemment, on a dit aux locataires: Pas de problèmes. C'est clair, la loi dit: Vous avez le droit; on ne peut pas changer les conditions de votre bail. C'est bien beau, mais quand il y a des fiers-à-bras qui sont dans la piscine, c'est assez difficile d'y avoir accès, même si un administrateur des loyers vous a clairement expliqué vos droits; d'ailleurs, il n'avait pas besoin d'expliquer. On le savait bien, le propriétaire le savait bien qu'il fallait qu'il continue à offrir les mêmes services aux locataires auxquels il ne voulait pas donner de services et c'était évidemment les locataires qui étaient devant la Régie des loyers. Cela ne lui a pas fait changer d'idée et il a sorti ses étiquettes pour les gens qui étaient allés à la régie et les gens qui n'étaient pas allés. Les gens qui n'avaient pas d'étiquettes, regardaient les autres s'amuser dans la piscine tout l'été. Ils ne stationnaient pas leurs voitures où ils avaient droit.

Alors, la loi ne prévoit rien pour pallier ce problème. Le propriétaire disait: Demandez une réduction de loyer. Les locataires ne voulaient pas une réduction de loyer, ils voulaient la piscine à laquelle ils avaient droit.

Je cite un exemple final qui est une situation qui dure maintenant, je pense, depuis 20 mois, un mois de plus depuis que j'ai fait ce mémoire; celui du locataire qui a droit au garage. C'est dans son bail, c'est clair, le propriétaire décide de lui enlever son garage. Le procureur du locataire dit: Impossible, parce que le locataire y a droit. Alors, quand il décide qu'à telle date, il n'aura plus droit au garage, il prend sa voiture, la sort du garage et en met une autre à sa place. Le locataire ne peut plus avoir accès à son espace. Tout cela va à la cour. Il y a un jugement de la Commission des loyers qui dit évidemment que le locataire a droit à son espace de garage. Le propriétaire ne donne pas son espace de garage, pas plus! Le locataire — parce qu'il doit stationner quelque part — va ailleurs dans la rue. Il loue un espace de stationnement. A chaque six mois, il va à la cour demander le remboursement de l'argent qu'il doit dépenser ailleurs pendant qu'il paie pour son garage chez lui. Alors, cela fait un peu compliqué et le locataire n'a toujours pas le garage.

Il faut absolument prévoir dans la loi, justement, des recours afin que ce genre de choses ne puisse pas arriver.

Juste pour donner un petit goût concernant cette situation de locataire qui n'a pas son garage depuis 20 mois: c'est lui, évidemment, qui est évincé par le propriétaire qui décide qu'il a besoin de son logement pour vivre là avec sa famille, parmi une centaine d'autres logements. (12 heures)

Face à ce genre de problème d'application de la loi, je considère que le dépôt de loyer est absolument essentiel, parce que c'est la seule façon par laquelle le locataire peut dire au propriétaire: C'est assez, il faut faire les réparations. Il ne

peut pas se faire justice lui-même; ce serait aller trop loin que de dire que le locataire ne devrait pas payer son loyer parce que le propriétaire n'exécute pas ses obligations. Mais le dépôt est une espèce de juste milieu où il y a un certain contrôle. Le locataire avise le propriétaire: Je vais déposer mon loyer. Le propriétaire a la possibilité de se rendre compte qu'il n'a peut-être pas exécuté une obligation.

D'ailleurs, le loyer que le locataire lui paie couvre justement les réparations et les obligations que le propriétaire doit effectuer. L'argent est là pour l'exécution de l'obligation. Le délai de dix jours permet au propriétaire de constater son dépôt et de remédier à ce défaut sans qu'il ait besoin de subir les difficultés du dépôt de loyer. Si le propriétaire n'effectue pas la réparation, le locataire peut déposer son loyer et ce n'est qu'au moment d'une audition devant la régie que le régisseur peut décider si le locataire avait raison de déposer son loyer, parce que le régisseur pourrait constater qu'il n'y a pas inexécution d'une obligation ou il pourrait permettre au locataire de continuer à déposer son loyer jusqu'à ce que le propriétaire ait rempli son obligation.

Finalement, dans le projet de loi 107, on mentionne la possibilité d'ordonner la remise du dépôt au locataire pour lui permettre d'exécuter lui-même l'obligation, ce qui revient un peu à l'article 1612 que vous n'avez pas.

Cependant, je suggère certaines modifications à cet article. C'est à l'article 1654.1 où on dit: "Le tribunal peut alors, notamment, ordonner la remise du dépôt au locateur s'il n'y a pas eu d'inexécution d'une obligation du locateur." Tout cela est simplement pour que ce soit clair que si l'inexécution en est une petite, on pourrait dire: Ce n'est pas bien grave, pourquoi le propriétaire ne pourrait-il pas avoir son loyer? Je pense que tant qu'il y a inexécution, le droit du dépôt devrait exister. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, on voyait des propriétaires faire des saisies parce que le locataire avait retenu $10 sur son loyer pour effectuer une réparation que le propriétaire refusait de faire. Je pense que l'association qui a parlé avant moi a donné l'exemple d'un locataire qui, payant $300 de loyer, n'avait pas une serrure qui fonctionnait et a retenu $14 de son loyer parce qu'il a dû effectuer la réparation lui-même; il a subi une saisie, ce qui l'a évidemment forcé à engager un avocat et payer les frais de cour parce qu'en effet, cette personne n'avait pas le droit de retenir ces $14 pour réparer sa serrure.

D'ailleurs, le dépôt prévoit justement ce genre de situation et pourra enlever certains abus parce que c'est bien tentant pour un locataire de se faire justice; en retenant le moindre montant sur le loyer, le locataire ouvre la porte au propriétaire pour demander l'éviction.

Alors que je travaillais à préparer ce mémoire, j'ai lu une jurisprudence américaine et j'ai pensé — je ne sais pas si on peut modifier les modifications quand on vient vous parler — qu'il y avait quelque chose de mieux que ce que j'avais suggéré.

Si on tient pour acquis qu'un propriétaire doit exécuter son obligation, si on dit que le locataire peut déposer son loyer jusqu'à ce que le propriétaire s'acquitte de son obligation, pourquoi ne donnerait-on pas un délai au propriétaire pour le faire, et s'il ne le fait pas après un certain délai, pourquoi le locataire ne pourrait-il pas arrêter de payer son loyer? Là, l'obligation va être exécutée. On fait un dépôt, l'administrateur statue et voit à ce que le propriétaire s'acquitte d'une obligation dans un délai de 30 jours, remédie au défaut et si, après 30 jours, le propriétaire refuse de le faire, que le locataire ne paie pas son loyer à partir de cette date jusqu'à ce que le propriétaire exécute son obligation.

Quand j'ai pensé à ça, je me suis dit: C'est terrible. Mais j'ai pensé que, dans l'ancienne loi — celle qui existe actuellement — pour favoriser la conciliation, il y a un article — l'article 24e — qui parle justement des problèmes de reprise de possession et parle des problèmes de reprise de possession quand le propriétaire est de mauvaise foi, ne prend pas possession des lieux et loue à un autre locataire. Cet article 24e dit: "Aucun droit d'action n'existe pour le recouvrement du loyer d'une maison louée en contravention de l'article 24d — cela veut dire louée sans la permission du tribunal — ou en violation de quelqu'une des conditions d'une autorisation obtenue en vertu dudit article."

Si on n'a pas le droit de prendre une action pour recouvrer du loyer, c'est que le locataire n'a pas besoin de payer son loyer. Je suggère qu'on ajoute, comme article ou sous-article, qu'on enlève le paragraphe 3 de l'article 1654.1, où on parle d'ordonner la remise de dépôt pour permettre au locataire de faire les réparations lui-même, puisque, de toute façon, c'est dans la loi à l'article 1612 que, quand le locataire dépose son loyer, c'est parce qu'il veut que l'obligation soit discutée, il le dépose, on constate le problème, si le propriétaire n'en a pas discuté dans les 30 jours, que le locataire n'ait pas besoin de payer son loyer jusqu'à ce que le problème soit résolu.

Le Président (M. Laplante): Pour l'exposé, madame, votre temps est déjà expiré depuis cinq minutes. Avez-vous une conclusion?

Mme Grassby: II faut être certain d'inclure dans la loi cet article, et, l'article modifié, je suis certaine que les légistes du gouvernement et des Affaires municipales pourraient mettre dans un language juridique, mais facilement compréhensible, les suggestions que j'ai faites ce matin. J'espère qu'elles seront incluses, parce que, des deux côtés, on a entendu les problèmes constatés dans cette loi par les locataires et les propriétaires. Il y a une chose que cette loi fait — je ne fais pas de commentaires sur les carences — c'est que ce sera possible pour des locataires au moins de faire respecter leurs droits minimaux de logement, d'après le Code civil, et leur bail avec le propriétaire par la Loi de la conciliation. C'est ma conclusion.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je remercie Me Grassby de ce mémoire et de ses représentations en vue d'appuyer et de bonifier l'article qui prévoit le dépôt du loyer. Elle nous a cité des cas tirés de son expérience d'avocat représentant des locataires, des cas de représailles — puisque c'est ainsi qu'il faut les appeler — ou de harcèlement quant à l'utilisation de la piscine, d'un garage et d'autres services qui pouvaient être annulés, modifiés, réduits à la suite d'un recours normal qu'aurait exercé un locataire devant la régie.

Or, justement, le dépôt du loyer est un moyen prévu dans la loi pour forcer l'exécution des obligations par le locateur. Il est bien évident que ce que vous nous proposez ce matin, va un petit peu plus loin, même pas mal plus loin, puisque vous suggérez que l'on pourrait peut-être modifier l'article en question pour permettre, après un délai raisonnable, suite à une ordonnance de la régie adressée au locateur, d'avoir — si j'ai bien compris — à exécuter une des obligations découlant du bail, qu'il y ait purement et simplement cessation de paiement.

Cette solution, en cas d'inexécution toujours, ne donnerait rien de plus au propriétaire et n'enlèverait rien de plus, puisqu'en cas de dépôt, de toute façon, il ne l'a pas son bail.

Mme Grassby: II va l'avoir.

M. Tardif: Pardon? Non, mais de toute façon, en cas de dépôt, il ne l'a pas, non. Dépôt ou cessation de paiement, pour le propriétaire, c'est le même effet. Pour le locataire, cela peut être évidemment différent puisque déposer implique mettre l'argent là. Non-paiement cela peut, à court terme, représenter certains avantages, mais cela peut aussi soulever d'autres problèmes. Mais, à tout événement, je prends bonne note de ces représentations et je voudrais assurer Me Grassby que, dans le bail-type, déjà un certain nombre d'articles qui ont trait au Code civil, au louage de choses et qui ne sont pas répétés dans l'actuel projet de loi, sont reproduits. C'est notre intention de faire en sorte qu'un guide, appelons-le comme cela, reprenne ces dispositions sans qu'il soit nécessaire de les édicter dans la loi, tels quels.

Pour en revenir au libellé même de l'article 1654.1, où on voit que des amendements sont proposés aux trois alinéas, le premier où on dit: D'ordonner la remise du dépôt au locateur s'il n'y a pas eu inexécution d'une obligation du locateur, en d'autres termes, si le dépôt du loyer, dès le départ, était non fondé parce que — si j'ai bien compris — le locateur avait, de fait, rempli toutes ses obligations. C'est ce que vous voulez faire préciser, c'est cela? Or, cela pour moi, ne cause pas tellement de problème, cela vient préciser que ce qui...

Mme Grassby: Excusez-moi, c'est pour spécifier que c'est dans le seul cas où on peut remettre le dépôt, quand il n'y a pas eu inexécution...

M. Tardif: Oui, j'ai noté son caractère restrictif et peu importe la gravité de l'obligation non exécutée, j'ai compris le sens de vos remarques tantôt, en ce sens qu'il ne faudrait pas, parce qu'une obligation est finalement jugée relativement peu importante, qu'on dise: II n'y a pas lieu de retenir le...

Par ailleurs, aux paragraphes 2 et 3, la question qui me vient à l'esprit c'est: Est-ce qu'on ne fait pas redondant, est-ce que cela ne répète pas ce qui est prévu à l'article 1610 du Code civil?

Mme Grassby: II faut dire que, quand j'ai lu pour la première fois le projet de loi, je n'avais pas mon Code civil à côté de moi, ni mon Code de procédure. En effet, la réduction est prévue dans le C-10. Cependant, il y aurait peut-être une chose qui serait meilleure que de mentionner la possibilité qui va de pair, la réduction avec la remise, parce que, quand même, le locataire qui n'a pas l'exécution de l'obligation souffre quand même des dommages. (12 h 15)

Ce qui serait préférable, ce serait tout simplement de mentionner, comme on le fait dans le projet de loi 72, la Loi sur la protection du consommateur, "sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas". C'est vrai que la loi prévoit un droit de déposer. On règle la situation, mais il a souffert des dommages, il pourrait même demander, si on voulait aller jusque là, des dommages exemplaires, comme on le mentionne dans la Loi sur la protection du consommateur.

M. Tardif: La Loi sur la protection du consommateur. D'accord, j'ai pris bonne note également de cette référence à la Loi sur la protection du consommateur. Pour le moment, je n'ai pas d'autre question à l'intention de Me Grassby.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, nous aussi, nous remercions Me Grassby pour son mémoire et ses suggestions; je pense que le ministre va prendre bonne note de vos suggestions. Il me semble, de la façon dont il écoutait attentivement. Nous nous baserons en deuxième lecture... article par article, nous verrons à quel point le gouvernement mettra vos recommandations en application. J'aimerais, à la page 6 par exemple, vous demander de... dernier paragraphe: "Nous considérons que, quant aux problèmes relatifs à l'application de l'article 1605 du Code civil, un simple avis de la part du locataire avisant son propriétaire de son intention de déposer son loyer réglerait d'une façon expéditive ces problèmes."

Vous pensez, comme je le perçois, que le fait qu'un locataire s'adresse à la régie, cela fait peur souvent au propriétaire.

Mme Grassby: Non, malheureusement pas. Cela ne fait pas assez peur au propriétaire, mais ce que je pense que les articles sur le dépôt de

loyers prévoient, cela aura un effet préventif. Quand M. le ministre parle de la... cela ne fait pas tellement de différence qu'on dépose le loyer ou qu'on ne paie pas du tout. Je pense que c'est justement la possibilité qu'on ne paie pas du tout le loyer qui donne l'effet voulu: il y a exécution de l'obligation. Toutes ces questions sont directement liées aux problèmes de qualité de logement, les problèmes de détérioration générale, la détérioration générale des logements dans lesquels les gens vivent. D'ailleurs, avec cet article, si on peut commencer à pallier le problème de dégradation graduelle des logements avec les méthodes de contrôle de loyers qu'on a, qui malheureusement, ne prend pas, comme je l'ai dit, la qualité en question quand le loyer est fixé, je pense que cela va même aider les locataires à rester dans les lieux. Cela va donner de la force aux principes et aux droits des locataires d'être maintenus dans les lieux. S'ils peuvent voir à ce que leurs logements soient en bon état, ils auront beaucoup moins d'intérêt à déménager.

M. Caron: Merci, juste une autre question. Vous avez participé, d'après votre introduction, à différentes associations de locataires. Vous avez eu à rencontrer des propriétaires. Jusqu'à quel point, à quel pourcentage, si vous pouvez le percevoir, le propriétaire abuse-t-il du locataire? Avec l'expérience que vous avez vécue, est-ce que vous pourriez... il y a beaucoup de propriétaires qui abusent des locataires. Ce n'est pas nouveau. On le sait; je pense bien que tous les membres de la commission le savent. Mais est-ce que d'après l'expérience que vous avez vécue, vous pourriez nous dire le pourcentage à peu près?

Mme Grassby: Je pense que c'est un peu difficile à répondre. Il y a toutes sortes d'abus, il y a des abus, disons, dans le genre de harcèlement qui peut exister pendant qu'il y a de bons propriétaires en termes de qualité de logements. Il y a toutes sortes d'abus possibles. Je serais assez mal prise de répondre vite comme cela sur cette question.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. D'abord, félicitations pour le mémoire que vous nous avez produit et également pour votre participation. J'aurais une question à vous poser à propos des statistiques concernant les locataires qui font appel à la régie. Actuellement, on nous dit qu'il y a environ 5% des locataires qui font appel à la régie. Selon vos expériences vécues, pourriez-vous nous faire connaître les raisons pour lesquelles il n'y a pas plus de locataires qui font appel à la régie? Est-ce que c'est parce que les formulaires sont trop complexes?

Mme Grassby: Je serai enchantée de vous répondre, M. le député. Une des principales raisons pour lesquelles les locataires ne font pas appel à la régie, c'est parce que quand ils vont là, ils n'ont absolument rien à dire. La méthode de fixation de loyer n'est faite qu'en fonction des dépenses des propriétaires et le locataire qui va à la régie et qui essaie d'expliquer qu'il ne veut pas avoir d'augmentation de loyer parce que cette année-là, il y a des coquerelles, l'administrateur lui dit: M. le locataire, vous n'avez rien à dire ici parce que ce n'est pas pertinent à la fixation de votre loyer. J'ai mentionné, d'ailleurs, qu'un jugement avait été rendu en Cour suprême, très récemment, pour le gouvernement. Justement, des locataires du Rockhill à Montréal, où, dans une première audition, on leur avait fixé une augmentation de loyer à 10% et on l'a réduite à 3% à cause des conditions des logements; on avait constaté certaines carences assez graves. En apportant cela en appel à la commission des loyers, on avait dit qu'il était impossible de tenir compte de la question de la qualité et on a maintenu les 10%.

Les locataires ont demandé un bref d'évocation, c'était un peu compliqué, mais ils ont fait une requête pour un bref d'évocation et l'ont gagnée, le juge Rothman a dit très clairement... c'est tellement clair et tellement logique que j'aimerais vous l'expliquer. Il a dit: La condition des lieux et des services fournis par le propriétaire me semblerait très pertinente à la détermination du prix puisque les lieux loués constituent l'objet du bail même. La condition de ces lieux et des services fournis par le propriétaire serait évidemment une considération principale pour le prix qui doit être payé par le locataire. Même si le juge Rothman a constaté cette lacune dans la méthode, on l'a portée en cour d'appel et on l'a reportée en Cour suprême parce qu'il semble que la qualité du logement ne soit pas importante.

Pour répondre, les locataires n'ont rien à dire quand ils vont à la régie et savent, de toute façon, qu'il vont avoir une augmentation basée sur le système et souvent, ils se disent: Cela ne vaut pas la peine d'y aller.

M. Cordeau: Est-ce que le projet de loi que nous étudions présentement corrige ces lacunes?

Mme Grassby: Sur la méthode de fixation des loyers, malheureusement, puisqu'on a décidé de procéder par règlement et que ce ne sera pas discuté en public, il me semble, ce sera extrêmement difficile d'y répondre, mais je ne crois pas que cela va changer, je crois que ça va rester ainsi. Je trouve cela extrêmement malheureux parce que c'est, pour le moins, illogique.

M. Cordeau: C'est une des lacunes du projet de loi tel que rédigé actuellement.

Mme Grassby: Ce n'est pas dans le projet de loi comme tel, on ne parle pas de la méthode de fixation, sauf quand on dit que ce sera fixé par règlement. C'est peut-être une lacune que le projet de loi ne prévoie pas cette méthode, que ce ne soit pas ouvert à la discussion. Comme tel, ce n'est pas dans la loi.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Taschereau, une dernière question.

M. Guay: Je me le disais, aussi. Chère collègue, chère amie. Vous dites que ce sera fixé par règlement, ce qui est exact, mais les règlements seront rendus publics au moment de la deuxième lecture du projet de loi, donc ce sera discuté au moins à cette commission. Vous dites que la méthode de fixation des loyers est inadéquate. Comment la modifieriez-vous?

Mme Grassby: Je ne me suis pas préparée pour faire une critique générale de la méthode puisqu'elle n'est pas dans la loi, mais je trouve qu'elle est sûrement inadéquate car elle ne prend pas en considération la qualité du logement.

M. Guay: D'accord. Une autre question. Vous avez fait valoir certaines améliorations au projet de loi destinées à renforcer les droits des locataires, et je suis porté à être d'accord avec vous. Plusieurs groupes sont venus devant nous avec une vision du monde un peu simpliste en ce sens où il y avait les mauvais d'un côté; c'étaient les propriétaires et des bons de l'autre côté; c'étaient les locataires. On a divisé le monde en bons et en méchants, en prolétaires et propriétaires, exploiteurs et exploités.

D'après votre expérience — vous avez fait état de l'expérience que vous avez eue avec les locataires dans certains coins de Montréal — est-ce que le projet de loi, tel qu'il est, au niveau des obligations faites aux locataires, est satisfaisant, suffisant ou est-ce qu'effectivement — c'est un fait connu que tous les locataires ne sont pas des anges quand même — les propriétaires sont suffisamment protégés par ce projet de loi et est-ce que les obligations qui sont faites aux locataires sont suffisamment explicites?

Mme Grassby: Je m'excuse, mais je ne saisis pas exactement votre question. Vous me demandez si je trouve que les droits des propriétaires sont assez...

M. Guay: Disons, plutôt que les droits des propriétaires, est-ce que les obligations faites aux locataires... Parce que, à partir du moment où un locataire entre dans un logement, il a quand même certaines obligations. Le projet de loi, à l'heure actuelle, ramène cette obligation, si je ne m'abuse, à celle du bon père de famille...

Mme Grassby: Oui.

M. Guay: ... une notion assez vague. Quant à vous, compte tenu de l'expérience que vous avez dans le milieu, est-ce que cette seule obligation est suffisante ou est-ce que ça ne devrait pas être plus explicité?

Mme Grassby: Ce n'est pas la seule obligation du locataire parce que le locataire doit payer son loyer...

M. Guay: Oui, bien sûr, mais enfin...

Mme Grassby:... il doit aussi être un bon père de famille; la loi prévoit aussi certaines obligations quant aux réparations locatives; je pense que la loi est très claire sur les obligations du locataire. Je pense que vous avez réussi à faire ça dans votre projet.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe, une courte question.

M. Cordeau: Vous venez de mentionner l'expression "bon père de famille". Trouvez-vous que cette expression est très vague et demanderait un peu plus de précision?

Mme Grassby: Je dois dire qu'elle est peut-être un peu désuète; je ne sais pas combien de bons pères de famille il y a toujours dans la société en 1979.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la fin.

M. Tardif: C'est que Me Grassby était en train de...

Mme Grassby: J'étais en train de faire une farce sur les hommes, M. le Président!

Le Président (M. Laplante): Oui, c'est pour ça que j'ai coupé tout de suite! M. le député de Deux-Montagnes.

M. Tardif: On va laisser au député de Deux-Montagnes le soin d'y répondre.

M. de Bellefeuille: Non, allez-y et ensuite je vous poserai une question.

Mme Grassby: Non, mais je crois que le concept de "bon père de famille" est très bien connu et je crois qu'on le change justement à l'Office de révision; je pense qu'on va parler de "personne raisonnable".

M. Tardif: Me Grassby, vous avez mentionné un jugement selon lequel on imposait l'obligation de détruire les coquereIles qui se trouvaient dans le logement au moment de la signature du bail, sans détruire les coquerelles plus récentes. Pourriez-vous nous dire qui est l'auteur de cette pièce d'anthologie? Où ça s'est passé, à quelle date, etc.?

Mme Grassby: Malheureusement — heureusement, je n'ai pas vu les coquerelles — je n'étais pas présente en cour quand ce jugement a été rendu, mais c'était il y a quelques années, justement quand on commençait à faire une jurisprudence avec les requêtes pour rétention de loyer; cela a été plaidé par un confrère devant la Cour provinciale, la cour de pratique, et c'était sur le montant d'argent qu'on devait retenir. Le juge

avait dit: On retiendra le montant nécessaire pour lui donner le droit de fumiger tous les petits animaux, mais pas de retenir le plein paiement de son loyer.

Le Président (M. Laplante): Le mot de la fin, M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je suis tout à fait d'accord qu'il nous faut chercher des moyens, dans la méthode de fixation, pour tenir compte de la détérioration des lieux ou des services.

De deux choses l'une, ou bien il s'agit d'une détérioration graduelle des lieux qui fait que les logements tomberont en décrépitude et seront éventuellement démolis ou abandonnés ou jugés impropres à l'habitation, ou bien il s'agit de diminutions spécifiques de jouissances ou de pertes de services pour un moment X: accès à la piscine, accès à un garage, etc.

Dans le deuxième cas, il y a l'article 1610 qui existe et qui prévoit une réduction de loyer pour... et un réajustement possible lorsque les services reviennent, tandis que dans le cas no un, c'est une baisse continue de la qualité qui est peut-être beaucoup plus difficile à apprécier dans le temps que celle d'un arrêt subit d'un service connu. (12 h 30)

Mais, cela dit, la méthode de fixation sera publiée par règlement, ce qui n'a jamais été fait depuis 25 ans; nous allons tenter de tenir compte de ce facteur qualité. Si vous avez là-dessus des suggestions soit maintenant, soit plus tard, et que vous vouliez en faire part à cette commission, au ministère ou à la régie, vous serez la bienvenue. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Merci, Mme Grassby. Les travaux de cette commission, vu que c'était le dernier mémoire à être entendu, sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 12 h 31

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