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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, April 10, 1979 - Vol. 21 N° 39

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 125 - Loi sur l'aménagement et l'urbanisme


Journal des débats

 

Projet de loi no 125

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente élue des affaires municipales se réunit pour recevoir des mémoires pour l'étude du projet de loi no 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Les membres de cette commission sont: MM. Brassard (Lac-Saint-Jean), Caron (Verdun), Cordeau (Saint-Hyacinthe) remplacé par Goulet (Bellechasse), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Gratton (Gatineau), Guay (Taschereau) remplacé par Chevrette (Joliette-Montcalm), Mercier (Berthier) remplacé par Rancourt (Saint-François), Ouellette (Beauce-Nord), Shaw (Pointe-Claire), Tardif (Crémazie) remplacé par Léonard (Laurentides-Labelle).

Les intervenants sont: MM. Alfred (Papineau), Charbonneau (Verchères) remplacé par Gendron (Abitibi-Ouest), Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par Cordeau (Saint-Hyacinthe), Goldbloom (D'Arcy McGee), Lacoste (Sainte-Anne), Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par Tardif (Crémazie), Samson (Rouyn-Noranda), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Vaugeois (Trois-Rivières).

J'aimerais qu'on me propose un rapporteur.

M. Chevrette: Je propose M. Adrien Ouellette.

Le Président (M. Laplante): Adrien Ouellette (Beauce-Nord).

M. Chevrette: II fait très bien ça. A l'unanimité, messieurs?

M. Caron: Au même salaire, oui.

M. Chevrette: Oui, un petit boni peut-être à la fin.

Le Président (M. Laplante): Avant de donner la parole au ministre, j'aimerais faire l'appel des groupements qui seront entendus aujourd'hui et l'ordre que je donnerai sera l'ordre dans lequel ils se feront entendre pour aujourd'hui.

La ville de Granby, mémoire no 6. Est-elle ici? L'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec? Merci. Le Conseil régional de développement de l'Outaouais? On m'a signalé qu'il serait en retard de quelques minutes, mais qu'il sera ici. Le Conseil de comté du Lac-Saint-Jean-Ouest? Merci, monsieur. Les entreprises de lotissement Philippe Chartrand Inc.? Merci, monsieur. La Société pour le progrès de la rive sud? Merci, madame. TransCanada PipeLines? Merci, monsieur.

Il y a une règle qui a été établie avant le début des travaux; c'est que chaque groupe qui se présentera à cette table aura environ 20 minutes pour exposer les grandes lignes de son mémoire; c'est pour cela que je vous demande de vous préparer et d'essayer de résumer le plus possible votre mémoire. Ce que je peux vous dire, c'est que, de chaque côté de la table, on a étudié avec beaucoup d'attention chaque mémoire qui passera ici et déjà les questions sont prêtes. Il y aura, selon le mémoire, environ 40 minutes de questions qui seront formulées par les membres de cette commission.

J'appelle tout de suite les représentants de la ville de Granby. Si vous voulez vous...

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que je peux vous demander...

Le Président (M. Laplante): C'est seulement pour être conforme. Si vous voulez, M. le maire, vous identifier et identifier la ville que vous représentez, avant de débuter.

M. Trépanier (Paul-Olivier): Paul-Olivier Tré-panier, maire de la ville de Granby.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Chevrette: C'était pour permettre à chaque...

Le Président (M. Laplante): C'est ce qui se fait ordinairement; M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, mesdames et messieurs, il me fait plaisir de participer aux travaux de la commission des affaires municipales sur le projet de loi 125 qui porte sur l'aménagement et l'urbanisme. C'est la première fois qu'une loi sur l'aménagement et l'urbanisme vient ici devant cette commission. Je rappellerai simplement, en débutant, toutes les études qui ont été faites sur le sujet, à partir de la commission LaHaye, suivie de différents projets, de différents travaux. C'est un dossier qui est là depuis 17 ans maintenant, qui s'est enrichi au cours des années, je pense, et nous arrivons maintenant avec un projet de loi. Ce projet de loi a été étudié, pas comme tel, mais le sujet a été étudié par un comité conjoint au cours de l'été précédent, comité conjoint qui comprenait le ministre des Affaires municipales et moi-même, ainsi que deux représentants de chacune des unions, l'Union des municipalités et l'Union des conseils de comté du Québec.

Ce comité conjoint a travaillé durant l'été, durant l'automne et nous avons finalement déposé le projet de loi 125 juste avant Noël. Pour nous, il était important de le déposer avant Noël pour permettre aux gens de l'étudier abondamment, de faire des commentaires abondamment et de le bonifier le plus possible. Je pense que ça se situe

dans une ouverture que nous faisons par rapport à ce sujet et il me semble aussi qu'il serait impensable de discuter d'aménagement et d'urbanisme par un projet de loi qu'on adopterait rapidement. Il faut absolument qu'un projet de loi comme ça soit largement ouvert à la discussion publique; c'est ce que nous faisons.

Donc, il a été déposé le 23 décembre, nous en sommes maintenant au début d'avril; nous commençons, en commission, à étudier les mémoires qui nous sont parvenus, une quarantaine environ. J'espère bien que cette commission va servir à bonifier le projet de loi. Nous nous situons encore une fois dans une ouverture par rapport à toutes les suggestions qui vont venir. (10 h 15)

Je rappellerai brièvement les principes qui sous-tendent le projet. Nous considérons, dans ce projet de loi, que l'aménagement est une responsabilité politique. Ce sont les élus qui prennent les décisions et c'est ce que vous retrouverez partout à travers le projet de loi.

Mais, en contrepartie, si les élus prennent les décisions, il faut aussi que la population ait accès à tous les documents, à tout le processus décisionnel de l'aménagement. Il faut une large participation des citoyens, soit par des assemblées, soit par les documents qu'ils reçoivent, la publicité qui est faite autour du projet de loi.

En troisième lieu, nous considérons que l'aménagement n'est pas l'apanage d'un seul palier de décision, car il y a des décisions qui relèvent très clairement et surtout du niveau municipal. Il y en a qui relèvent d'une table de concertation, d'une table commune, que nous appelons dans le projet de loi les conseils de comté, et d'autres qui vont continuer, évidemment, de relever du gouvernement.

C'est dans cette perspective que se situe le projet de loi. Après le dépôt du projet, j'ai effectué une tournée d'information dans toutes les régions du Québec, tournée qui s'est poursuivie depuis le début du mois de février jusque vers la mi-mars, tournée qui a comporté deux grandes assemblées, l'une faite par l'Union des conseils de comté et l'autre par l'Union des municipalités du Québec.

Je pense qu'il en est sorti beaucoup de remarques, beaucoup de commentaires, très positifs, en général, par rapport au projet de loi. Mais il me semble, concernant les mémoires que nous allons étudier à partir de maintenant, que c'est un travail qui a été fait, qui a été très enrichissant.

M. le Président, je vous remercie de m'avoir accordé la parole pour commencer ces travaux de la commission et je nous souhaite bon succès dans nos délibérations.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee, voulez-vous répondre au nom de l'Opposition officielle?

M. Victor C. Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, je vous remercie de m'accorder la parole. Je ne pense pas que je doive répondre à ce que le ministre a dit. Une entrée en matière à cette étape de l'étude de ce projet de loi doit, à mon sens, se limiter à souligner l'importance que nous attachons à ce projet de loi. C'est un sujet qui ne peut que toucher la vie quotidienne même de tous les Québécois.

Le projet de loi que nous avons devant les yeux a une histoire relativement longue, si l'on y englobe tous ses prédécesseurs: une étude commanditée pendant les années soixante par le gouvernement du temps; le rapport reçu par le gouvernement suivant, si ma mémoire est fidèle, un document de travail déposé par mon prédécesseur en décembre 1972 et un projet de loi déposé par votre humble serviteur, qui a fait l'objet de brèves discussions en commission parlementaire mais qui, ayant fait l'objet de certains commentaires constructifs, aurait dû subir des modifications importantes avant d'atteindre le stade où nous nous trouvons aujourd'hui avec le projet de loi déposé par l'actuel ministre.

Nous devrons, en écoutant ceux qui viendront s'exprimer devant cette commission parlementaire, chercher à comprendre comment nous pourrons le mieux concilier les intérêts qui peuvent être divergents, voire même conflictuels, autour des options qui se présenteront devant ceux qui devront prendre les décisions. Notamment — c'est un intérêt personnel que j'exprime — on sait fort bien que l'intérêt du milieu urbain peut facilement se trouver en conflit avec l'intérêt du milieu rural et, effectivement, avec ce que l'on appelle l'urbanisation; je ne parle pas de l'urbanisme, mais de l'urbanisation progressive qui peut être extrêmement dommageable au tissu rural de notre territoire.

M. le Président, nous aurons, de toute évidence, des questions à poser de façon à faire éclairer notre lanterne et de façon — je le dis en toute simplicité — à pouvoir contribuer, de manière constructive, au débat qui suivra, le débat entre nous-mêmes à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire, de nouveau, pour l'étude du projet de loi article par article.

Il est normal que l'Opposition réserve ses commentaires. Sa position générale est nécessairement différente de celle du gouvernement. Le gouvernement s'engage, par le dépôt de son projet de loi, et exprime son point de vue. Il se peut — c'est la raison fondamentale et démocratique pour laquelle on tient des séances publiques d'une commission parlementaire — que des opinants soient sur une longueur d'onde différente de celle du gouvernement et que ce point de vue doive trouver son expression ici, à l'Assemblée nationale. Nous serons donc à l'écoute des opinants pour identifier les thèmes qui, surtout s'ils ne sont pas les mêmes que met de l'avant le gouvernement, mériteraient d'être exposés au cours du débat qui suivra.

M. le Président, je voudrais terminer en remerciant le ministre d'avoir convoqué cette commission parlementaire parce que — je reviens à mes premiers mots — il s'agit d'un sujet parmi les plus importants que n'importe quel gouvernement, n'importe quel Parlement, peut être appelé à étudier.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. Vous aviez bien raison. Ce n'était pas une réponse, mais c'étaient des remarques préliminaires que vous aviez à faire. M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président, très brièvement. MM. les ministres, mes collègues, au début des travaux de cette commission, tout d'abord, je dois, et ce, au nom de l'Union Nationale, remercier et féliciter le ministre pour l'initiative qu'il a prise en convoquant cette commission parlementaire. Nous tous ici reconnaissons l'importance de ces journées d'audiences publiques qui s'inscrivent à la fin de deux ans de travail ardu du ministre et de son équipe. En effet, nous sommes tous conscients de l'impact qu'aura la loi 125 pour au moins la moitié des citoyens québécois dans leur territoire respectif.

Au Québec, on parle depuis longtemps de décentralisation de pouvoirs vers les diverses régions de la province. Déjà, en 1968, le rapport LaHaye entrevoyait la possibilité d'une instance intermédiaire entre les municipalités et le gouvernement. En 1973, il faut rappeler que mon prédécesseur du comté de Bellechasse, M. Gabriel Loubier, notait dans son livre "Pour l'avenir du Québec": "Tous reconnaissent la nécessité d'un palier intermédiaire entre le niveau provincial et le niveau municipal".

Le 15 mars 1978 également, le chef de l'Union Nationale a obligé le ministre d'Etat, M. Léonard, à ouvrir publiquement le dossier de l'aménagement. Le 21 avril de la même année, le ministre discute, à la demande de M. Biron, la question avec débat — on se rappelle — ici même, au salon rouge, qui était intitulée "Les intentions du gouvernement en matière de décentralisation administrative". Je pense que c'est ainsi que le projet a été lancé sur la place publique, à la suite d'une question avec débat que le chef de l'Union Nationale avait eue avec l'honorable ministre.

Depuis 1968, on se dirige donc, d'une façon inévitable, vers une reformulation de notre territoire québécois. Notre société est composée d'élus du peuple à trois différents paliers, soit le palier municipal, le conseil de comté et le palier provincial. Il est temps, je pense, que l'on répartisse sur ces trois niveaux le pouvoir d'aménagement. Il est temps que les élus locaux prennent leurs responsabilités en ce domaine. Comme tout projet de loi amène des inquiétudes, je me permettrai ici d'en souligner une au ministre. Evidemment, qui dit pouvoirs dit responsabilités et qui dit responsabilités dit coûts dit argent. En effet, les nouveaux frais que devront encourir les municipalités et les conseils de comté ont éveillé une certaine appréhension chez les élus concernés. Je tiens donc pour acquis que, lorsque le temps sera venu de déléguer les pouvoirs, le ministre se souviendra de ce qu'il a dit dans un de ses nombreux documents et je le cite: "... la décentralisation des pouvoirs s'accompagnera inévitablement d'une décentralisation proportionnelle de la fiscalité".

En outre, le projet de loi no 125, tel qu'explicité par le ministre, rejette, d'une façon catégorique, toute idée de fusion. Là-dessus, l'Union Nationale l'appuiera fortement. Cependant, il m'apparaît opportun d'attirer l'attention du ministre sur l'éventualité d'une fusion détournée des municipalités, et je m'explique. Le pouvoir local devant se réorganiser, nous avons peur qu'une petite bureaucratie municipale voie le jour. Dans certains cas, il faudra même prévoir un maire à temps plein et ça, c'est le ministre des Affaires municipales et le ministre de l'aménagement du territoire qui l'ont dit lors d'un... Cela a paru dans une revue. On devra défrayer le coût qu'entraînera cette nouvelle administration par une augmentation de taxe et de l'impôt foncier. Dans cette perspective, les municipalités estiment qu'il faudrait hausser les contributions de leurs citoyens de façon faramineuse pour arriver à boucler leur budget. Enfin, quand le système sera bien en place, on peut prévoir comme solution à ce problème une fusion pure et simple des municipalités numériquement faibles en population et en gros contribuables, c'est-à-dire en industries. C'est une des très grandes inquiétudes que nous trouvons à l'approche de l'étude de ce projet de loi.

A l'aube de ces trois jours d'audiences, j'espère, M. le Président, que le ministre saura bien choisir tous les bons éléments nécessaires afin de bonifier le projet de loi no 125, préparant ainsi la voie à la gigantesque opération de décentralisation qui s'ensuivra.

Voilà, M. le Président. Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps et, quant à moi, je suis prêt à aborder les mémoires.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Guy Tardif

M. Tardif: M. le Président, quelques brèves remarques pour situer cette commission à laquelle, occasionnellement, deux ministres seront présents. D'abord, je pense qu'il ne faut pas être surpris que ce soit la commission des Affaires municipales qui entende les mémoires sur ce projet de loi, projet de loi qui, par ailleurs, est parrainé par le ministre d'Etat à l'aménagement. L'essentiel, je crois, c'est qu'il y ait accord entre les ministres concernés sur un minimum essentiel, à savoir le besoin urgent de planifier notre aménagement. Deuxièmement, cette planification, cet aménagement ne doit pas être fait de façon centralisée, ni par le ministère des Affaires municipales, ni par le ministère d'Etat à l'aménagement. Troisièmement, il faut fournir un cadre aussi souple que possible pour permettre aux dynamismes locaux et régionaux de jouer pleinement; à cet égard, le projet de loi 125, en ne définissant ni territoires ni modes de représentation, je pense, ouvre des voies assez inédites. Quatrièmement, mon collègue et moi sommes d'accord que cette consultation est une véritable consultation. Nous ne sommes pas coulés dans le béton — comme on dit dans le langa-

ge — et c'est avec le plus vif intérêt que nous entendrons les mémoires.

Personnellement, je tenterai dans la mesure du possible d'être présent ici chaque fois qu'une municipalité, une communauté, une instance municipale ou un regroupement de municipalités viendra présenter des mémoires. Si je le puis également pour les autres, je le ferai, mais dans tous les cas il est bien évident que personnellement, de même que les gens de mon ministère, je prendrai connaissance de tous les mémoires sur cet important projet de loi.

Voilà, M. le Président, ces quelques remarques. Le premier mémoire étant présenté par nulle autre que la ville de Granby, représentée par son maire, je me ferai un plaisir d'être présent pour ce premier mémoire devant la commission. Je souhaite la bienvenue à M. le maire et aux membres de sa délégation.

Le Président (M. Laplante): Pas d'autres remarques, M. le ministre?

M. le maire, on peut débuter.

Mémoires Ville de Granby

M. Trépanier: Merci beaucoup, M. le Président. On m'a demandé de lire le mémoire. De toute façon, j'aurai un oeil sur la montre et, s'il faut abréger à la fin, on le fera. (10 h 30)

Notre municipalité, comme les autres au Québec, celles régies par la Loi des cités et villes et celles régies par le Code municipal, existe en vertu du paragraphe 8 de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Les pouvoirs que nous avons nous ont été délégués par le gouvernement provincial. Nous rédigeons et adoptons des lois, nous taxons nos citoyens et les immeubles sis dans chacune de nos villes. Nous avons, pour ainsi dire, une autonomie de gestion bien encadrée dans les deux lois déjà citées.

Une constitution, comme les arbres et les fleurs, ça se renouvelle en accord avec l'évolution de la société. Pour les villes, la constitution canadienne se résume à peu de choses; un seul paragraphe d'un seul article.

Depuis deux décennies, nous étouffons dans ce cadre politique, nous ne sommes plus à l'aise. Les besoins ont changé. Ensemble, nous essayons de sortir de ce carcan constitutionnel en obtenant une place bien à nous, égale à celle des deux autres gouvernements, le provincial et le fédéral.

Les provinces, maîtresses de la constitution canadienne, n'acceptent pas ce changement radical demandé par les villes. Force nous est donc de retirer le meilleur parti de notre situation. Au Québec, depuis la publication du rapport Bélanger, commission dont le secrétaire est devenu illustre par la suite, les municipalités attendent la régionalisation et beaucoup d'autres choses encore.

Les administrations qui se sont succédé depuis 1964 n'ont avancé, dans ce domaine, que sur le bout des pieds. Un ministre, qui avait dit les bonnes choses au mauvais endroit et devant le mauvais auditoire, en fut réduit à remettre sa démission avant que se lève la nouvelle lune.

Voilà donc, aujourd'hui, un gouvernement qui démontre une grande volonté politique. Après avoir réalisé des réformes majeures dans beaucoup de domaines, voilà donc arrivé le tour des municipalités.

Le conseil municipal de Granby a étudié les documents de référence publiés et distribués par le ministre Jacques Léonard, ainsi que le projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Voici quelques commentaires sur chacun des fascicules en commençant par le no 1, intitulé: Une vue d'ensemble. Nous sommes persuadés qu'un territoire aussi vaste que le Québec ne peut pas être aménagé et développé selon des plans conçus par le gouvernement provincial. Il nous semble évident que seules les instances régionales peuvent agir efficacement dans ce domaine. Nous sommes donc en faveur de la décentralisation, laquelle rapproche le centre de décision des citoyens, nécessite un nouveau partage des pouvoirs et des responsabilités et donne accès à des sources de revenu additionnelles. "La décentralisation, lit-on dans le fascicule, en reconnaissant plus de pouvoirs aux municipalités et aux comtés, peut servir de point d'appui aux solidarités nouvelles des groupes de pression. "Nous appuyons le projet gouvernemental visant à reconnaître les comtés municipaux transformés administrativement et géographiquement comme la petite région. "Nous soumettons, avec ce document, une carte de notre région de la ville de Granby que l'on soumet" — il n'est pas à propos de regarder ça, ici, ce matin.

La ville de Granby appuie le projet gouvernemental car nous croyons que le regroupement des municipalités, sur une base régionale, doit être réalisé aussitôt que possible au Québec, étant donné le retard que nous avons à ce chapitre, comparativement à d'autres pays industrialisés.

Fascicule no 2: Les expériences étrangères. Ces exemples montrent que les Etats contemporains cherchent à implanter depuis de nombreuses années des structures décentralisées afin de rapprocher l'administration du citoyen.

L'an dernier, je suis allé à Strasbourg voir les responsables de la Conférence des pouvoirs locaux et j'ai rencontré M. Ballou, entre autres, qui en est le directeur général. Comme on le sait, c'est un organisme qui dépend du Conseil de l'Europe. Ces gens font des travaux absolument extraordinaires dans le domaine de l'aménagement, la pollution, les communications routières entre les différents pays. Il se fait là un travail absolument fantastique et toujours sous le sigle, l'égide, le concept de la décentralisation.

Nous notons en particulier, dans la réforme ontarienne que nous connaissons, la volonté de faire disparaître dans la gestion municipale la tra-

ditionnelle séparation entre les villes et les territoires ruraux adjacents depuis 1859. C'est la situation qui prévaut au Québec.

Nous notons aussi dans cette réforme le système d'administration à deux paliers, le palier supérieur étant le gouvernement régional dont les représentants au conseil sont d'abord élus au palier local, la ville, et ensuite, nommés par chacun des conseils de ville au conseil régional.

Nous favorisons ce système pour le Québec, qui, selon nous, évite les frictions inévitables entre des représentants élus aux deux niveaux.

En effet, si le conseil de comté est formé de représentants nommés par les villes, des maires ou des conseillers, peu importe, la coordination de l'action régionale sera meilleure et les décisions plus conformes aux désirs des citoyens de la région, entre autres au niveau de la taxation. Si on examine un peu le système de taxation des commissions scolaires, on se rend compte qu'au Québec, cette taxation foncière par les commissions scolaires, est impersonnelle. C'est-à-dire que les commissaires d'écoles sentent beaucoup moins que les maires et que les conseillers du Québec l'impact de leur décision au niveau de la taxation. Evidemment, le dollar étant fixé par Québec, ça favoriserait un peu le désintéressement, mais il y a aussi la question des taxes dont on n'a pas parlé aujourd'hui, les taxes non admissibles.

Le commissaire d'écoles n'est pas aussi prêt que le conseiller ou le maire et sent moins l'impact de cette taxation. Alors, on craint, à Granby au moins, que s'il y avait un système semblable d'élection de représentants au niveau régional et qui serait parallèle et séparé de l'élection des maires et des conseillers, il pourrait s'installer là où il y aurait moins d'intérêt, que les personnes qui seraient élues sentiraient moins ou se rendraient moins compte des décisions au niveau de la taxation.

Le conseil des villes du comté municipal sera bien informé des études et des décisions du conseil de comté et sera à même d'en mesurer l'impact sur ces propres villes. Cela aussi, ce n'est pas à dédaigner. Il y a un autre argument très intéressant ici, c'est que les élections dans les villes ayant lieu à des dates différentes, j'espère que ça continuera ainsi au Québec, c'est un merveilleux système, la continuité de l'administration serait assurée. Tandis que si on avait des élections au niveau régional, en bloc, là, au bout de quatre ans, cinq ans ou trois ans, je ne sais pas quel sera le mandat, tout le monde peut débarquer, c'est possible. Si vous avez l'autre système, en passant par les élus municipaux, vous êtes certain de votre continuité dans l'administration au niveau régional.

Quant au partage des responsabilités en Ontario, il serait valable à peu de choses près pour le Québec. Au fascicule no 3, qui nous occupe tout particulièrement lors de l'étude de la loi 125, l'aménagement et l'urbanisme, comme on le sait, l'aspect visuel des territoires urbanisés de l'Amérique du Nord est déplorable et dénote une population soumise aux aléas d'une publicité trompeuse et néfaste au profit des promoteurs agissant en toute quiétude au sein d'une société permissive.

Notre environnement est laid, si laid que nos yeux ne le voient plus, car l'éducation du beau, de la mesure et des proportions harmonieuses est impossible à faire chez nous. La liberté d'entreprise résulte en l'esclavage du désordre, du gaspillage et de la laideur. Le temps est venu — depuis longtemps, pourrions-nous ajouter — de réglementer le développement du territoire et l'aspect visuel des immeubles.

Le temps est venu de freiner la construction des résidences le long des routes nationales — bravo pour la Loi sur le zonage agricole de M. Garon — et dans les projets en pleine campagne. Je dis bien ici que la Loi sur le zonage agricole et la loi sur l'aménagement et l'urbanisme sont deux bonnes lois aptes à régulariser cette situation inacceptable.

L'aménagement ne peut se faire à partir de la capitale. L'aménagement doit être conçu et appliqué au niveau de la "petite région", par et pour les citoyens dans leur milieu de vie. Cependant, les modalités de fonctionnement doivent être mises en place, de façon à assurer l'efficacité et la rapidité des décisions, évitant ainsi les délais onéreux aux citoyens dans l'attente d'un permis de construction.

Quant aux modalités proposées pour la consultation des citoyens, lesquels seraient consultés avant l'adoption d'un projet d'amendement par le conseil, la ville de Granby, depuis maintenant trois années, agit de la sorte, à la grande satisfaction des citoyens. Chaque fois qu'on a un règlement qui modifie un zonage, chaque citoyen concerné reçoit une lettre de la ville de Granby et est invité à une réunion d'information. Cela rend plus difficile l'administration — n'est-ce pas, M. le maire? — mais on le fait et cela fonctionne. Ensuite, il y a un autre point intéressant. Chez nous, il n'y a pas de caucus. On a prouvé, depuis 1964, à Granby, qu'il est possible d'administrer une ville sans caucus. Il n'y a ni comité plénier, ni caucus. Tout se passe en public, le lundi soir, avec le cadre communautaire, quand il fonctionne, et les citoyens montrent un très grand intérêt. C'est donc possible d'administrer publiquement une ville de $14 millions de budget cette année. Et ce n'est pas utile d'avoir des caucus et des comités pléniers. A ce moment-là, les citoyens savent exactement de quoi il retourne de leur administration. Ils ne sont pas là seulement tous les quatre ans, pour élire un maire et un conseiller, mais ils sont là tout le temps des quatre ans, à chaque réunion.

Nous souscrivons aussi à la proposition voulant que les ministères ou organismes gouvernementaux soumettent, le cas échéant, leurs projets aux comtés municipaux et aux municipalités afin de respecter les schémas d'aménagement et les plans d'urbanisme. C'est merveilleux. On vient de le vivre chez nous, il y a deux ans, avec la construction de l'édifice provincial, avec M. Lessard et Mme Ouellette. Il y a eu consultation à

partir du début jusqu'au moment de la construction, quant à l'emplacement. Pour le concept de l'édifice, nous avons engagé des urbanistes-conseils qui ont travaillé avec le gouvernement provincial et le résultat est très bien. Cela va être une très grande amélioration.

Bien que nous soyons d'accord avec la création d'une Commission nationale de l'aménagement, nous désirons mettre le gouvernement en garde contre une trop grande centralisation si la réglementation nécessitait l'approbation de tous les plans d'aménagement et surtout de toutes les modifications ou les amendements. On a des problèmes en Ontario actuellement à cet effet. Si cela était, on peut s'attendre à des délais de plusieurs mois dans les approbations, ce qui irait évidemment à rencontre des principes fondamentaux de démocratisation exprimés dans le document.

Dans le fascicule 4, on parle de l'organisation politique des comtés renouvelés. La proposition visant à modifier les comtés municipaux, en repoussant les aiguilles de l'horloge du temps dans le passé, en y incorporant les cités et villes, est ingénieuse.

Après réflexion, nous croyons que la décentralisation, la régionalisation administrative et politique du territoire québécois doit passer par l'institution plus que centenaire des comtés municipaux, lesquels seront renouvelés, évidemment, au fur et à mesure des années, administrativement, politiquement et géographiquement. Il s'agit d'une opération très délicate sur le plan politique, mais quand même réalisable si on y met le doigté, le temps et surtout la volonté politique.

Il est possible et urgent de faire participer les municipalités urbaines et rurales d'un même territoire à une même institution politique et administrative, le comté municipal, en vue d'une gestion, lit-on dans le mémoire, plus efficace de l'aménagement du territoire et l'exercice du contrôle et de la coordination du développement.

Etant donné la grande actualité de ce projet de réforme et les discussions qu'il a suscitées, nous favorisons la mise en place immédiate de l'association institutionnelle complète des comtés municipaux renouvelés.

Au sujet de la représentation au sein du conseil, j'ai bien expliqué que l'on préfère qu'elle soit faite par les représentants des villes. Nous admettons aussi, nous sommes d'accord que dans les cas — la situation existe dans plusieurs régions du Québec — où il y a des villes plus populeuses, il y ait égalité de voix entre la ville la plus populeuse et l'autre partie du comté. Nous verrions aussi que des gérants administrent pour que le maire à temps plein ne devienne pas une espèce de préfet de comté. Nous croyons qu'il faudrait qu'il y ait un gérant pour assurer la compétence et la continuité, et ne pas laisser l'incompétence aux aléas d'une élection.

Quant à l'organisme inter-comtés, il y aurait lieu pour nous de couvrir le territoire de notre région d'influence économique... cela n'a pas d'importance ici, ce matin.

Concernant ie projet de loi 125 lui-même, les statistiques démontrent qu'au point de vue de l'urbanisation du territoire, le Québec est un désert. Vous savez très bien que peu nombreuses sont les villes au Québec — les statistiques sont effarantes — qui ont un plan d'urbanisme. La majorité des municipalités n'en ont pas. Il s'agit d'une situation qui doit être corrigée rapidement. Cette loi forcera donc l'élaboration des schémas d'aménagement. Nous félicitons le gouvernement pour le courage qu'il a démontré en présentant ce projet de loi sur l'aménagement, sur l'urbanisme au Québec. Qu'il fasse bouger les choses qui existent. Cela, c'est toujours difficile.

Nous laissons aux spécialistes le soin de scruter le projet de loi. D'après nous, par exemple — je reviens sur une idée que j'ai déjà exprimée — il y aurait lieu d'effectuer une espèce de mise en marche fictive du programme d'aménagement et de vérifier selon ce modèle le temps nécessaire à l'obtention de toutes les approbations requises afin d'atteindre les objectifs de démocratisation décrits dans les cahiers de références. Ce temps de vérification et d'approbation ne devrait pas être trop long.

Selon nous, le gouvernement ne devrait pas laisser aux municipalités le droit de rédiger un règlement de construction. Je parle ici du Code de construction du Québec. On doit quand même avoir un code de construction, y compris pour la ville de Montréal, pour tout le Québec. (10 h 45)

J'ai une petite annexe ici, suite à une rencontre que nous avons eue — il me reste quatre minutes — dans la ville de Granby pour voir un peu ce que les maires voulaient. On a eu cette réunion il y a une semaine et le maire de Granby a été très surpris. Il a constaté que les municipalités faisant partie du comté municipal de Shefford s'étaient déjà réunies, s'étaient mises d'accord pour se détacher de la région 06. Les régions 05 et 06 dépendent de la région de Montréal. La plus grande partie du comté municipal de Shefford veut se détacher de la région 06 pour faire partie de la région 05. Les vraies raisons n'ont pas été exprimées, mais je pense qu'on craint — je pense que c'est intéressant pour messieurs les deux ministres les plus impliqués — de perdre certaines autonomies vis-à-vis de la ville de Granby. Réellement, cela m'a bien surpris. Tous avaient les petits feuillets que j'ai ici ce matin, qui avaient été sortis frauduleusement de certains ministères. J'en ai pris et je les ai fait imprimer moi aussi. Cela faisait une deuxième fraude pour Granby.

Evidemment, ces petits feuillets décrivent les différentes options: option 1, option 2, option 3 et c'est pas mal semblable aux territoires scolaires. Comme ce sont de plus petits territoires, les maires et les conseillers des régions rurales semblaient mieux s'y reconnaître et comme on pouvait exclure la ville de Granby, on semblait être intéressé.

Je pense que l'expérience est pas mal intéressante, parce qu'on aura beaucoup de réunions pour voir de quelle façon on peut circonvenir cette crainte qui semble exister. Ils ont dit: On a un

territoire qu'on connaît. On va s'organiser. On sera les voisins de Granby. On se rencontrera sur des problèmes communs et on va en parler. Je m'étais habitué à cette idée que Granby serait un membre à part entière de la petite région, sur un même pied que les municipalités plus petites. Alors, je suis retombé sur mes pieds ou autre chose. Voilà maintenant que l'on nous exclut et que l'on se retrouve seuls. En fin de compte, on aurait la ville de Granby actuelle et, au mieux, Bromont et Saint-Alphonse qu'on voudrait bien dans notre région — j'en ai déjà parlé d'ailleurs au ministre Tardif à quelques reprises. Au mieux, ces villes se joindraient à Granby. Dans les faits, nous ne serons plus une petite région, mais un territoire urbanisé au sein des autres régions rurales. Evidemment, j'ai demandé à notre urbaniste-conseil, M. Claude Lavoie, de venir me donner un coup de main pour voir comment on pourrait définir notre région.

On s'est mis d'accord sur un critère, le critère du bassin versant. En effet, les exemples d'aménagement de bassins versants ne manquent pas à l'étranger. Au Québec, nous avons évidemment le bassin du Saint-Maurice, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, du Richelieu, de la Yamaska, de la Saint-François, de l'Outaouais et d'autres encore. Cette définition nous agrée présentement. Je définis le territoire qui serait compris dans ce bassin versant. Nous croyons aussi que cette petite région, à partir d'un bassin versant, répond aux préoccupations citées dans le fascicule numéro 6, c'est-à-dire l'unicité du territoire, le respect des limites municipales, taille et capacité suffisantes; c'est un point très important, messieurs.

Nous croyons que si la ville de Granby n'est pas incluse dans cette région — les commentaires que je fais, je pense bien qu'ils vont être répétés à travers le Québec — l'objectif poursuivi par le gouvernement, et j'ajoute avec une grande volonté politique, ne sera pas atteint. En effet, le morcellement de ce territoire résultera en la création d'unités faibles et non viables lorsque nous serons en face des défis de l'avenir. Il faut rationaliser nos régions afin qu'elles correspondent à la réalité physique et économique, et cela, on ne peut y échapper. Ensemble, nous sommes plus forts. L'ensemble est plus important que l'addition des parties, la fameuse synergie. C'est la difficile projection dans le futur qu'il faut nécessairement atteindre sans subir le choc fatidique de l'imprévoyance. Il faut se projeter par l'esprit au siècle prochain, dans vingt ans, et au-delà, dans quarante ans, et s'imaginer ce que sera chacune de nos régions à ce moment. Auront-elles en elles-mêmes les ressources essentielles non seulement à leur survie, mais aussi — c'est très important — à leur épanouissement? Qui décidera en fin de compte? Est-ce que le Québec découpera son territoire à la manière des Européens du XIXe siècle, se partageant l'Afrique, ou encore Roosevelt, Churchill et Staline à Yalta, découpant joyeusement l'Europe?

Je ne crois pas que le gouvernement ait ce projet en tête. Justement, le problème est là pour le gouvernement. Comment abouter cette mosaïque et où rattacher les coins perdus? Chez nous, comme partout ailleurs, l'eau coule toujours du même bord. Les bassins hydrographiques ne changent pas, à moins que la main de l'homme ou les tremblements de terre n'interviennent. Le bassin versant de notre rivière Yamaska comprend la région que nous avons décrite. Evidemment, l'aménagement du territoire comprend aussi la gestion des eaux.

En résumé, nous nous sentons orphelins dans notre région, et même si nous faisons peur aux municipalités plus petites, nous sommes prêts à nous mettre à leur écoute à une même table comme partenaires et non pas comme voisins. Ainsi, nous pourrons entreprendre ensemble la longue marche vers notre avenir, lequel sera celui que nous aurons préparé.

Je vous remercie, messieurs.

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, M. le maire.

M. le ministre, on commence?

M. Léonard: Oui. M. le maire, je vous remercie beaucoup, d'abord, de vous être donné la peine de préparer tout ce mémoire, de vous être déplacé, de venir le défendre ici. Je pense que c'est tout à votre honneur, ainsi que les considérations qui s'y trouvent.

Le mémoire est très positif, je pense, et manifeste la volonté de la municipalité de Granby de travailler en collaboration avec les municipalités rurales de votre région, de votre comté, et l'annexe que vous y avez ajoutée le démontre aussi abondamment.

Vous avez aussi manifesté le souhait que l'aménagement devienne une réalité, je pense, pour l'ensemble du Québec. Cela débordait largement les seules préoccupations de Granby, je pense qu'on peut étendre vos considérations à l'ensemble du Québec. Je pense aussi que vous avez manifesté un souci de la consultation populaire qui a déjà été mise en pratique dans votre propre municipalité. Je pense que, sur ce plan, vous donnez l'exemple dans le Québec présentement.

Je pense aussi que votre mémoire va plus loin que le projet de loi 125 lui-même, il convient de le souligner, sur quelques points, tout au moins, en particulier lorsque vous mentionnez l'intérêt que vous avez à l'élection du préfet au suffrage universel. Je pense que, dans le projet de loi no 125, c'est le mode traditionnel de nomination qui est prévu et non pas une élection au suffrage universel. Vous avez aussi manifesté votre intérêt pour l'association institutionnelle complète telle que décrite dans l'un des fascicules. Dans le projet de loi no 125, il s'agit d'une association institutionnelle partielle qui concerne l'aménagement et non pas toute une série d'autres pouvoirs qui pourraient peut-être un jour se greffer selon la volonté des citoyens, mais, pour l'instant, il s'agit d'aménagement.

Il y a une chose qu'il conviendrait peut-être de rectifier par rapport à la Commission nationale de

l'aménagement, il me semble que vous lui accordez un rôle d'approbation qu'elle n'a pas, puisque la Commission nationale de l'aménagement, dans le projet de loi, ne donne que des avis de conformité, des avis qui sont techniques ou professionnels, et non pas décisionnels. La décision reste toujours aux élus, dans le projet de loi, de modifier ou le plan, ou le schéma, ou les règlements, enfin, de rendre les documents d'aménagement conformes. Ce que la commission dit, c'est que si les documents sont conformes et à propos de ce en quoi ils ne sont pas conformes, elle peut même ajouter comment les rendre conformes, mais ce n'est pas la commission qui changera les documents d'aménagement. Je pense qu'il est important de rectifier ce point.

A propos des modes de découpage et de représentation des municipalités, je pense que nous avons des félicitations à faire à la ville de Granby, ainsi qu'aux autres municipalités voisines, d'avoir déjà réfléchi à ces questions et d'avoir commencé à travailler ensemble pour éclairer ces points. Je pense bien que tout ce que nous pouvons souhaiter à ce moment, c'est que vous continuiez et je vois que des rencontres viennent de se faire, qu'il y a déjà des négociations entre les municipalités. Je pense bien que ça va continuer. Pour l'instant, il n'est pas question de fixer des territoires. Nous les fixerons plus tard, ou les élus, ou les municipalités les fixeront, feront des suggestions là-dessus. Nous ferons une autre consultation sur la délimitation des territoires, mais je vois que ça intéresse les gens tout au moins. C'est un signe de grand intérêt.

J'aurais peut-être une, deux ou trois questions à vous poser. Pensez-vous que le projet de loi no 125 devrait apporter des précisions sur le processus à engager et les mécanismes pour la mise en place des comtés renouvelés ou, si vous préférez, si vous pensez que ça doit rester tel que c'est décrit aux articles 142 et suivants?

M. Trépanier: Voici! C'est une des préoccupations que j'ai. Malheureusement, j'étais à Vancouver, comme je l'avais dit, lors de la conférence des maires de Montréal. Je n'ai pu y assister. C'est une préoccupation que nous avons dans notre région actuellement, parce que les modalités ne sont pas dans la loi, ni dans les fascicules.

On parle de consultation, mais vous parlez aussi du fameux mot "abouter"; alors, comment tout cela va-t-il s'abouter? Quelle est l'intention du gouvernement? Cela va probablement venir lors de l'audition des mémoires ou lors de l'étude de la loi par les parlementaires. Actuellement, nous ne savons pas. Il y a trois projets qui font à peu près 72, 86, 95 comtés selon 1, 2 et 3 et vous dites: Ce n'est pas nécessairement un partout, ce peut-être 1 là, 2 ou 3.

Je vais vous parler de la part d'un gars qui est chez lui, qui lit cela et regarde cela: Qu'est-ce qu'ils ont dans l'idée? Dans ma région — et je pense que c'est la même chose pour tous les maires et les conseillers du Québec — notre région, on la connaît et on voit un peu... L'idée des comtés me plaisait assez parce que les comtés sont là. Cela m'a surpris quand j'ai vu les trois options. J'ai vu que le gouvernement voulait aller plus loin que garder les comtés. Si on disait: D'accord, les comtés, c'est fini. Les villes qui ne sont pas dedans seront dedans. A Granby, on aimerait bien mieux cela que de tomber dans la proposition 3, par exemple, ou accepter ce que nos collègues de la région veulent avoir en se détachant de nous. En fin de compte, si leurs représentations étaient acceptées et qu'à la suite d'un long dialogue, on n'arrive pas à une entente, c'est clair — je l'ai mentionné dans le texte — que le gouvernement n'atteint pas son objectif. On va rester comme on est là, excepté qu'on va avoir le canton de Granby autour de chez nous. Si on a Bromont, tant mieux, mais là, c'est assez difficile parce que les gens du comté voisin veulent garder Bromont, parce que Bromont, quand même, est important dans l'avenir. La ville de Bromont va devenir très importante à cause des services qui y sont déjà, même si la ville a des difficultés aujourd'hui.

Comment cela va-t-il se placer? Il va falloir que le gouvernement intervienne, toujours avec cette volonté politique dans certains cas. Je signale encore le côté délicat — M. Goldbloom est là pour le savoir — c'est très délicat à manoeuvrer, tout cela. On ne le sait pas actuellement; on ne le sait pas. Disons qu'on va faire la consultation. On va travailler fort pour atteindre notre objectif, l'objectif qu'on s'est fixé, mais il reste quand même qu'en pratique, M. le ministre, c'est la ville de Granby qui est fortement organisée, qui a des urbanistes, des ingénieurs, un gros budget, qui fait face à des villes qui ne le sont pas, qui ont des budgets beaucoup plus restreints et dont les préoccupations sont beaucoup plus immédiates.

Quand on parle de la région 05 à Sherbrooke, on dit: On fait affaires avec tel ou tel ministère; le gars est à Sherbrooke; le bureau est là et on est aussi bien de faire partie de Sherbrooke. Mais ces gens ne voient pas plus loin que cela. Donc, cette crainte, je crois que vous allez la retrouver à travers tout le Québec, parce qu'on a peur que, si la ville importante fait partie de cette petite région éventuellement, elle va nous manger et nous, que va-t-on faire là-dedans? Il y a peut-être cette crainte. Il y a sûrement cette crainte.

M. Léonard: Seulement une précision sur le projet de loi lui-même. Je vous pose la question parce que, dans le projet de loi, il s'agit de l'aménagement. Comment pensez-vous que des décisions communes en aménagement doivent être prises? Est-ce que cela doit se lier plus au territoire, plus à une représentation proportionnelle de la population ou bien si vous pensez qu'autour d'une table, même s'il y a des municipalités qui sont plus importantes en population, elles doivent quand même respecter assez largement les désirs et les volontés des municipalités qui ont moins de population aux environs? En d'autres termes, est-ce qu'on doit viser à avoir une quasi-unanimité autour de la table pour prendre une

décision d'aménagement ou si on doit, à un moment donné, décider sur des options fondamentales?

M. Trépanier: Votre organisme régional va sans doute prendre les décisions. J'aimerais peut-être répondre à votre question à partir d'un exemple local. Il y a quatre ans, quand je suis revenu à la mairie de Granby, en 1973 ou 1974, on a commencé à avoir des difficultés avec le développement du canton environnant. Vous savez qu'il se développe de plus en plus. On s'est dit: On va avoir de sérieux problèmes tantôt. J'ai donc été rencontrer les membres du conseil municipal du canton. Je leur ai fait une proposition: Pourquoi ne feriez-vous pas préparer un plan d'urbanisme et Granby va le payer? J'avais demandé une évaluation, cela coûtait $42 000. On va payer le plan, ai-je dit. On va discuter cela. A la réunion subséquente, j'ai eu une meilleure idée: J'ai dit: II faudrait que le ministre en paie un petit peu. Je suis allé le rencontrer: M. le ministre, on est prêt; notre urbaniste est prêt à travailler, on va le faire. Pourquoi ne me donneriez-vous pas $10 000 et on paierait $32 000? Cela a été accepté. Ces gens étaient pour le plan, mais $42 000, pour eux, c'était bien de l'argent. A la ville de Granby, nous avions les moyens; on a payé les $32 000. Ils ont payé $10 000. Ils ont donc été impliqués. (11 heures)

Vous demandez ceci: Est-ce que ça doit être unanime? Moi, je ne crois pas que ce soit nécessairement unanime. Vous allez avoir cette entité régionale qui, elle, aura à prendre la décision. L'aménagement du territoire que vous proposez de faire, qui est important, ça va se décider au niveau régional. Donc, ce sont vos maires et vos conseillers délégués qui prendront la décision. Cela peut être une décision sur division, mais le mécanisme dont vous parlez va être extrêmement difficile; ce n'est pas facile de faire adopter un plan d'urbanisme, on est passé par là dans notre ville. C'était sous M. Boivin, ça fait longtemps. On a été une des premières villes du Québec à engager un urbaniste. J'ai été élu en 1964, je suis architecte de mon métier, je m'y connais un peu; il nous a fallu trois ans avant de faire accepter le projet, et cela a été délicat. C'est très difficile.

Je crois que, si on veut atteindre l'objectif dans le domaine de l'urbanisme, nous touchons... Regardez ce qui est arrivé dans le cas du zonage agricole; c'est une excellente loi, mais elle touche à des intérêts. C'est pour cela que je parle un peu des spéculateurs dans mon texte. Dans notre société permissive, le spéculateur, le gars dynamique, le gars qui a de l'argent, le gars qui est d'attaque, c'est lui qui mène et qui a toujours mené. Là, le zonage agricole va lui mettre des freins pour protéger le public. La loi sur l'urbanisme, ça va être la même chose.

Donc, vous portez atteinte, non seulement à des gros, mais à des moyens et aussi à des petits qui ont des petits intérêts et qui se sentent lésés. Cela va être difficile pour ces gens et pour le mécanisme démocratique dont vous parlez, il va y avoir des problèmes. D'après mon expérience — je termine là-dessus — il faut, tout en essayant d'atteindre l'objectif d'avoir un plan d'urbanisme, qu'il y ait quand même une certaine coercition. Je ne vois pas ça autrement, vous touchez à trop d'intérêts particuliers.

M. Léonard: Mais, au départ, pensez-vous que les comtés vont être amenés d'eux-mêmes à enclencher un schéma d'aménagement ou bien pensez-vous qu'il faudra rendre ça obligatoire dans la loi?

M. Trépanier: Je n'y ai pas répondu encore. Moi, M. le ministre, j'insiste sur la volonté politique. Je pense que quand on gouverne on doit démontrer de la volonté politique, évidemment, dans l'ordre des choses; il y a quand même l'art du compromis. Je ne pense pas qu'on réussisse à urbaniser le Québec en laissant les décisions au niveau local, sauf s'il y a quelques carottes. S'il y a des carottes intéressantes, il y en a qui vont aller les manger, mais si c'est laissé... il y aussi le document du Conseil de planification — je l'ai apporté avec moi — le groupe qui conseille le gouvernement. Lui a parlé d'un mécanisme démocratique. Alors, réellement, ça va être difficile; je vous le dis franchement, M. le ministre, si c'est laissé à la seule décision des régions, on va attendre longtemps dans bien des milieux.

M. Léonard: Vous pensez qu'il faudrait mettre "doit" à l'article 2, au lieu de "peut"?

M. Trépanier: Je ne suis pas à la place du gouvernement mais, moi, je vois ça ainsi. J'entrevois des difficultés énormes, d'une façon ou d'une autre. Il faudrait que la loi ait quelques dents.

M. Léonard: Si j'ai bien compris votre mémoire, la consultation des citoyens, vous l'avez déjà pratiquée abondamment et vous trouvez que...

M. Trépanier: Non, je dis qu'à la ville de Granby, actuellement, il ne se fait rien, sauf trois choses: nos négociations syndicales, le domaine industriel — c'est bien évident, on est fort et on garde ça secret — et, troisièmement, la question de l'employé qui a un problème. Pour ces trois choses, c'est caucus secret, mais il n'y a pas de caucus. Cela, je l'ai commencé en 1964 et j'ai eu bien de la misère à convaincre mes collègues. On a débarqué le trône du maire, on a ôté les trônes des conseillers, on a tout "sacré" ça à terre, on s'est mis six pouces plus haut parce que les gens ne nous voyaient pas. Le citoyen de Granby peut même intervenir, évidemment, dans la mesure du bon sens, mais dans nos débats on ne se formalise pas, ça fonctionne très bien, on n'a pas de problème à Granby, on n'est pas une ville à problème. M. Tardif n'entend jamais parler de nous; à l'époque, M. Goldbloom non plus n'entendait jamais parler de nous.

On n'a pas de problème, ça fonctionne; il y a moyen d'administrer les villes au Québec. Et je dis plus que ça concernant la Loi des cités et villes: Le

maire — n'est-ce pas, M. Caron? — ce n'est pas le "boss". Que fait le maire dans la Loi des cités et villes? Le maire surveille l'administration, c'est ce qu'il fait; le "boss", c'est le conseil municipal; c'est le conseil municipal qui est patron, c'est le conseil municipal qui légifère. Une administration municipale, c'est un corps élu, c'est un corps législatif. Alors, le patron, dans notre ville, c'est le conseil municipal, ce n'est pas Paul Trépanier, c'est le conseil municipal, c'est lui le patron. Le mémoire que j'ai apporté aujourd'hui, c'est celui du conseil de la ville de Granby qui est d'accord. Cela fonctionne. Ecoutez, on le fait depuis 1964. Evidemment, j'ai quitté pendant quatre ans, ils ont remis des comités pléniers, mais quand je suis revenu en 1973, j'ai remis ça public, il n'y a pas de caucus, ça fonctionne bien.

M. Léonard: Une dernière question que j'aimerais vous poser. Vous vous prononcez pour une association institutionnelle complète au sens des fascicules qui ont été distribués, c'est-à-dire qu'au-delà de l'aménagement, il y ait beaucoup d'autres pouvoirs attribués aux conseils de comté. Quels sont les avantages que vous voyez à tout ça maintenant? Est-ce que vous voyez ça rapidement ou espacé dans le temps?

M. Trépanier: Cela ne peut pas être rapide, M. le ministre, parce qu'on aurait trop de problèmes. Je vois qu'en me projetant dans le siècle prochain, il ne faut pas trop le faire, parce que ça va donner des difficultés à la loi, mais il faut quand même penser que, petit à petit, vous allez déconcentrer. Plus l'administration va devenir complexe, plus on aura les merveilleux ordinateurs pour nous donner un coup de main, plus vous allez déconcentrer, plus ça va devenir intéressant de déconcentrer pour l'Etat et plus on aura des fonctionnaires habilités à prendre des décisions au niveau local. Cela ne peut pas se faire rapidement. Il va falloir prendre le temps.

Mais je crois que la première réforme qui est bien amorcée présentement, il faut l'admettre, parce que ça ne crée pas trop de remous, il va y en avoir, il y en a, mais il y a quand même un certain consensus vis-à-vis de la loi qui est présentée actuellement. Je pense qu'il faut y aller délicatement pour franchir au moins ce premier pas. Quand le premier pas sera franchi, quand la loi sera acceptée, le cadre est là, les individus qui vont être dans le cadre se chargeront bien de le modifier.

Je suis pour la déconcentration à partir de Québec et la concentration à partir de la région, au niveau régional.

M. Léonard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Il est rassurant et même sécurisant de constater qu'il y a des choses qui ne changent pas au Québec et M.

Paul-O. Trépanier est un élément du Québec qui ne change pas. Je suis heureux de vous retrouver, M. le maire, et j'ai quelques questions que j'aimerais vous poser.

J'aimerais commencer par l'annexe que vous avez soumise aujourd'hui et dont j'ai dû prendre connaissance aujourd'hui-même.

Il est évident que depuis un peu plus de deux années, je n'ai plus les contacts avec les dirigeants municipaux que j'avais avant. Mais le désir de certaines gens, dans la région qui entoure votre ville, de se détacher de la région 06 et de s'attacher à la région 05 n'est pas un phénomène nouveau dans mon expérience. Des dirigeants municipaux comme ceux de Valcourt, par exemple, étaient venus me voir dans le temps pour me prier d'intervenir auprès de mes collègues responsables de la structure administrative du Québec afin de permettre à Valcourt d'avoir une relation administrative avec Sherbrooke.

La raison, dans le temps — et j'aimerais vous demander si vous croyez qu'il y en a d'autres maintenant, parce que vous avez semblé le suggérer dans votre présentation — était simplement que souvent, le citoyen, voulant s'adresser physiquement et en personne à l'un ou l'autre des ministères du gouvernement et devant aller au bureau régional, se voyait obligé d'aller à Lon-gueuil et voulait aller à Sherbrooke parce que c'était plus près. Aussi, vous avez dit, avec raison évidemment, que dans les bassins hydrographiques, l'eau coule toujours dans le même sens. Mais il n'y a pas d'obligation pour les êtres humains d'aller dans le sens de l'eau. Ils peuvent aller à contre-courant également.

Vous avez exprimé une impression et je ne voudrais pas vous citer incorrectement, mais j'ai compris que vous avez suggéré que les municipalités environnantes pouvaient avoir une certaine crainte de la domination possible par la ville de Granby. Il me semble que, dans le contexte de l'application éventuelle d'une loi comme celle que nous étudions présentement, les bonnes relations entre les municipalités seraient indispensables; autrement, on serait toujours en chicane au sujet de l'aménagement du territoire et au sujet d'autre chose.

J'aimerais vous demander si, par hasard — et c'est une hypothèse que j'avance, ce n'est pas nécessairement une recommandation que je fais au gouvernement, je n'oserais pas le faire, je me sens trop loin de la situation locale en ce moment — des bureaux régionaux de certains ministères étaient établis à Granby, la crainte que vous invoquez serait toujours présente à l'esprit des municipalités environnantes.

M. Trépanier: C'est l'évidence même, M. Goldbloom; je viens de répondre la même chose à M. Léonard. Je crois que s'il y a déconcentration et, en attendant, s'il y a déplacement des services au niveau de certaines régions, cela va changer cela. C'est une question pratique.

Vous avez dit que c'est moins loin d'aller à Sherbrooke. Ce n'est pas vrai. C'est la même dis-

tance, Sherbrooke-Montréal. Nous dépendons de Montréal. Je ferais une lutte farouche au gouvernement, si on essayait de détacher Granby de la zone 06, parce que nous sommes une des sept régions de la ville de Montréal. D'ailleurs, M. Cas-tonguay, avant de quitter, nous a rattachés à l'hôpital Charles-Lemoyne, à Granby. Quand on aura bâti l'hôpital, on y sera...

Je réponds à votre question maintenant. S'il y avait les services dans les régions, du moins chez nous, cela enlèverait une raison qui est pour moi fallacieuse. Ce n'est pas une bonne raison, pour les maires et les conseillers de notre région, de se détacher, de ne pas admettre Granby dans leur milieu, sous prétexte qu'ils veulent aller à Sherbrooke.

Ensuite, vous avez parlé des bassins hydrographiques. Evidemment, Mao Tsé-Toung, quand il a traversé le fleuve, s'en allait avec le courant. Il l'a traversé, mais il s'en allait avec le courant, comme les chevaux et les Indiens le faisaient.

De toute façon, le bassin hydrographique, c'est quand même un critère qui en vaut un autre. Il n'y en a pas dans le moment. On n'en retrouve pas. On donne celui-là. Merci.

M. Goldbloom: Je le trouve intéressant comme critère et utile dans d'autres sens également.

M. le Président, je sais que vous nous demanderez de poser nos questions aux opinants et de ne pas les adresser présentement au ministre. Je voudrais cependant poser une question pour que le ministre puisse nous répondre éventuellement, pas nécessairement aujourd'hui. Mais il me semble que, quand nous examinerons l'opportunité d'appuyer le gouvernement sur l'adoption de tel ou tel élément du projet de loi, il nous sera important de savoir si le gouvernement, dans son ensemble, a justement l'intention de faire des unités d'aménagement, si je peux les appeler ainsi, des unités administratives également. C'est dans le sens de la question que j'ai posée à M. Trépanier. Est-ce que la définition d'un territoire qui devra se constituer en instance de responsabilité pour l'aménagement du territoire voudra dire aussi que le gouvernement modifiera la structure administrative de la province, avec ses neuf ou dix régions présentement, pour en faire des régions ou des sous-régions plus nombreuses avec des services et des bureaux gouvernementaux, par rapport à ce centre de décision pour l'aménagement du territoire?

M. le Président, je ne demande pas une réponse immédiate au ministre, mais j'aimerais que nous puissions examiner cette question au cours du débat.

Il y a une dernière question que j'aimerais poser à M. le maire, et j'en ai, en quelque sorte, donné avis, dans mes remarques préliminaires. Il y a nécessairement certaines divergences de vues et de perspectives, entre le milieu urbain et le milieu rural. Quand on parle de l'urbanisation, on parle généralement d'un développement qui s'étend non seulement avec la croissance de la population, mais également à cause du phéno- mène que nous connaissons depuis plusieurs décennies maintenant: la migration de la population vers les centres urbains. (11 h 15)

II y a le danger que le sol arable, que les espaces verts, que les forêts mêmes soient grugés par ce développement. Il faut, de toute évidence, que quelqu'un s'en fasse le défenseur. Le gouvernement peut et doit le faire dans une certaine mesure, mais la philosophie du projet de loi est plutôt celle d'une décision locale, c'est-à-dire l'examen, localement, par le moyen d'audiences publiques, etc., de l'opportunité de définir une parcelle donnée de territoire comme ayant une vocation agricole, ou domiciliaire, ou autre.

Sûrement que ceux qui voudraient se porter à la défense des espaces verts et du sol arable voudraient amener les porte-parole du milieu rural à être leur porte-parole localement. Mais la ville, avec des besoins et avec une perspective de développement, va se trouver, de temps en temps, en conflit avec le point de vue des dirigeants municipaux qui représentent le milieu rural. Comment résoudre cette impasse? Je vous offre les considérations suivantes:

Généralement, sur un territoire donné, s'il y a une ville d'une certaine importance, la population urbaine est plus nombreuse que la population rurale. Par contre, le nombre de municipalités qui administrent le territoire urbanisé est généralement inférieur, et de beaucoup, au nombre de municipalités qui administrent le territoire rural. Donc, si l'on prévoit un vote par population, on donne généralement un certain avantage à la ville ou aux villes. Si l'on prévoit un vote suivant le nombre de municipalités, c'est un avantage du côté rural et la ville peut dire — c'est une impression que je retire de votre mémoire — nous sommes quand même une force motrice dans la région, dans l'économie de la région; il ne faudrait pas que l'on nous impose des décisions d'aménagement qui iraient à l'encontre de nos perspectives de développement, et nos perspectives de développement devraient être perçues comme étant dans l'intérêt de la collectivité locale.

M. Trépanier: Deux réponses. J'ai la réponse en deux parties. Vous aurez des problèmes qui seront globaux. Par exemple, le ministère des Transports décide de faire passer une route dans une région donnée. Cette décision va impliquer, disons, le tiers du territoire. A ce moment-là, vous avez un problème global qui sera étudié par toute la région. D'autre part... Vous pouvez même avoir trois conditions. C'est une condition globale, cela peut regarder d'autre chose aussi. Par exemple, si vous avez une centrale nucléaire, s'il y a des problèmes d'évacuation à étudier, cela aussi, c'est un problème global qui pourrait être étudié à ce niveau-là. Vous avez une autre question, par exemple la question de l'alimentation en eau, à partir d'une source unique qui concerne deux, trois ou quatre municipalités. Vous avez une petite région qui va se faire. Elles vont étudier leur point ensemble, toujours au niveau régional, mais ce sera

quelque chose de plus local. C'est la même chose avec les vidanges, par exemple. C'est une question qui devient de plus en plus importante. Où, comment et quand? Cela sera étudié par toute la région ou par des parties. Finalement, vous avez une troisième possibilité, c'est une des villes de la région qui veut se faire un plan d'urbanisme. Elle va faire son plan, chez elle, mais en coordonnant... Cela peut même se faire au niveau régional, qui sera chargé de faire le plan d'urbanisme de cette petite ville, mais en coordonnant avec la région. Dans la pratique, je ne vois pas de difficulté, M. Goldbloom.

M. Goldbloom: M. le maire, j'aimerais quand même vous demander d'expliciter la recommandation que vous faites à la page 9 de votre mémoire où vous parlez d'une voix prépondérante pour Gran by.

M. Trépanier: Voici, j'ai écrit cela dans le mémoire, c'est un droit de veto, ce n'est pas un droit d'action, c'est un droit négatif qui est couvert, d'ailleurs, dans les fascicules du gouvernement. Le "niet" donne le droit aux villes principales d'apposer un veto aux décisions qui n'ont pas le consensus. C'est très bien fait. Je pense que c'est une bonne idée. Il pourrait y avoir une décision qui soit amenée par les villes, mais qui n'ait pas le consensus de tout le monde, ce qui pourrait être très mauvais pour la plus importante ville. Donc, elle a le droit de dire non si elle a l'égalité des voix, 50-50. Seulement, la principale ville n'a pas le droit contraire, soit d'imposer autre chose. Elle n'a pas de voix prépondérante — je ne sais pas comment l'exprimer — pour agir, pour faire. Elle a une voix prépondérante pour empêcher. Je trouve que c'est une bonne idée.

M. Goldbloom: Une dernière question, M. le Président. Comment réagi riez-vous à l'idée d'un arbitre impartial qui trancherait la question en cas d'impasse?

M. Trépanier: C'est une bonne question. L'arbitre serait le gouvernement, à ce moment. Cela dépend des intérêts majeurs de la communauté, de l'Etat. S'il y a un problème majeur qui est à l'étude et que c'est l'Etat qui tranche, à ce moment, c'est l'Etat qui prendra les décisions. L'arbitre serait donc l'Etat, selon moi.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Très brièvement, M. le maire, dans votre mémoire, vous dites qu'un regroupement municipal sur une base régionale est urgent. Vous voyez là une très grande différence d'avec le regroupement municipal fait par fusion de municipalités. Pour vous, il y a une très grande différence. Ce n'est pas du tout la même chose. C'est bien votre...

M. Trépanier: Non, ce n'est pas la fusion des municipalités.

M. Goulet: Non, mais...

M. Trépanier: Le regroupement municipal, c'est votre région. La notion de la petite région qui est mise de l'avant dans les fascicules est excellente. C'est cela que je vois aussi. Ce n'est pas une fusion.

M. Goulet: Selon votre philosophie, votre pensée, il y a une très grande différence.

M. Trépanier: Oui, certainement.

M. Goulet: Vous dites à la page 3: "Nous sommes persuadés qu'un territoire aussi vaste que le Québec ne peut être aménagé ni développé selon les plans conçus par un gouvernement provincial." Un peu plus loin, vous préconisez un code de la construction au niveau de la province. Je sais qu'il y a une très grande différence.

M. Trépanier: Ce n'est pas la même chose.

M. Goulet: II y a une très grande différence, mais vous ne pensez pas qu'un ne va pas sans l'autre au niveau d'une région?

M. Trépanier: Non, ce n'est pas la même chose du tout. Un code de la construction, ce sont les modalités qui définissent les questions de sécurité en cas d'incendie surtout, la qualité des matériaux, le droit au chauffage solaire prochainement, les questions d'insonorisation, etc. Ce n'est pas la même chose du tout. Un code de la construction, il ne doit y en avoir qu'un dans la pratique. Quand vous parlez d'urbanisme, vous n'êtes plus dans un code de la construction. Ce n'est pas pareil du tout.

M. Goulet: La hauteur des édifices, le genre d'édifices à construire, et ainsi de suite, vous les voyez dans un code d'urbanisme et non pas dans un code de la construction.

M. Trépanier: Ce n'est pas la même chose. M. Goulet: Non, mais où...

M. Trépanier: Pour la hauteur d'un édifice dans une région donnée...

M. Goulet: Par exemple, dans une région donnée, tel édifice...

M. Trépanier: ... c'est un question de zonage. Le zonage découle d'un plan d'urbanisme. Vous avez un plan directeur qui définit les grandes lignes.

M. Goulet: A ce moment, c'est la région qui décide.

M. Trépanier: Un instant! Vous avez un plan directeur qui définit les grandes lignes. Après cela, vous avez un plan d'urbanisme, des règlements et un plan de zonage. Les plans de zonage et de

construction, cela peut se compléter dans certains cas, mais ce n'est pas la même chose du tout. Le plan directeur d'une région, c'est extrêmement important. D'ailleurs, l'OPDQ envoie régulièrement des recherchistes, des spécialistes. Entre autres, il y en a qui sont allés en Normandie, il n'y a pas longtemps, étudier justement un bassin versant, pour voir un peu ce qui se fait là-bas et de quelle façon l'appliquer au Québec. Là, on parle d'urbanisme et de coordination de l'action de la part de toutes les villes.

M. Goulet: L'urbanisme, c'est essentiellement régional, quant à vous.

M. Trépanier: Oui, assurément.

M. Goulet: Cela répond à ma question.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le député de Saint-François.

M. Rancourt: M. le maire, à la page 9 de votre mémoire, vous parlez de la création d'un organisme inter-comtés. Pourquoi proposez-vous cette formule? Comment voyez-vous son fonctionnement?

M. Trépanier: Un instant! Je crois que c'est quand on déborde... Par exemple, pour rester chez nous, si Bromont faisait partie d'une autre région... Granby et Bromont ont de grandes affinités. IBM construit encore et on va atteindre 6000 employés un jour; évidemment, cela va créer des problèmes — c'est à la page 9 — II va y avoir des problèmes communs à certains comtés, à ce moment. Il faut donc voir les mécanismes... A quel paragraphe?

M. Rancourt: C'est le dernier paragraphe.

M. Trépanier: Oui, c'est cela. On en parle évidemment...

M. Rancourt: Soit la région...

M. Trépanier: Donc, chez nous, pour rester dans notre région, c'est clair que la région économique de Granby part de Eastman, cela s'en va à Rougemont et ça monte à Acton Vale, jusqu'à la frontière américaine. Vous allez avoir quatre, cinq, six régions là-dedans, probablement quatre. Il va y avoir des problèmes communs qui vont nous concerner, par exemple l'hôpital, qui est à Granby. Là, ça concerne tout le monde, avec les CLSC qui vont être bâtis un peu partout, ça dépend de l'hôpital. Il va falloir avoir une façon, une espèce de mécanisme inter-comtés pour ces questions. Il y en a d'autres comme la pollution, les vidanges, comme je l'ai mentionné tantôt, cela peut concerner par exemple Cowansville et Farnham, c'est un problème d'actualité. Vous avez deux villes qui sont dans deux régions différentes. Il va falloir qu'il y ait un mécanisme, tel qu'on en parle dans le fascicule. C'est évident qu'il va falloir retrouver ce genre de mécanisme dans la pratique pour avoir le dialogue essentiel pour en arriver à des ententes.

M. Rancourt: D'accord. Une autre question, M. le maire, à la page 9 aussi. Vous favorisez presque la formule d'un préfet élu au suffrage universel.

M. Trépanier: Non, pardon! On m'a mal compris.

M. Rancourt: Ah oui?

M. Trépanier: Non, pas du tout!

M. Rancourt: Pas du tout?

M. Trépanier: Non, votre préfet est nommé par Québec, lui. On va en arriver là un jour. Il y a un gérant. Supposons qu'on retienne la formule du gérant, j'en ai parlé un petit peu tout à l'heure. Quant à moi, je suis persuadé que si le gouvernement décide, comme à la Communauté urbaine de Montréal, par exemple, qu'il y a délégation de la part des villes...

M. Rancourt: D'accord.

M. Trépanier:... cela finit par bien fonctionner dans le moment. Si le gouvernement décide que le palier régional, ça va se faire par élection, pour ma part, je pense que le gouvernement va faire une grave erreur pour les raisons que j'ai expliquées tantôt, pour plusieurs raisons. On est bien mieux, pour le moment, d'essayer... Essayons ensemble le mécanisme qu'on connaît actuellement. Vous avez votre maire, vos conseillers élus; eux délèguent.

M. Rancourt: ... représentation indirecte.

M. Trépanier: Oui, on peut essayer comme ça; si ça ne marche pas, on pourra le changer. Le danger que je vois, s'il n'y a pas un gérant — appelons-le "gérant" entre nous — j'ai parlé d'accident électoral tout à l'heure... Que vous ayez un bon maire ou de bons conseillers, un bon conseil, c'est un accident électoral, n'est-ce pas? Je ne crois pas que le gouvernement pourrait...

M. Brassard: Des bons députés aussi.

M. Trépanier: J'allais le dire, au niveau... Bien oui, pour moi, écoutez! Si chacun votait pour un bon député, on aurait le meilleur gouvernement au monde, dans chaque comté.

M. Rancourt: C'est ce qu'on est.

M. Chevrette: C'est ce qui arrive présentement, vous avez raison.

M. Trépanier: Pas toujours. Qu'on regarde la campagne électorale actuelle.

De toute façon, vous m'avez fait perdre le fil de mes idées, vous autres. Cela va à rencontre du règlement, M. le Président.

Je crois qu'il doit y avoir une permanence et pour avoir cette permanence, ça prend un gérant. Ce gérant, lui, va être compétent. C'est lui qui va travailler avec Québec. On parle, par exemple, du mécanisme de communication dans une ville. Vous avez le vertical, horizontal. Ce n'est pas toujours comme ça. Il faut que ça revienne. Vous avez votre conseil de ville, votre gérant. Le gérant, lui, à mon avis — un bon gérant — ne fait pas seulement ce que la ville lui dit de faire, le conseil. Il amène des points au conseil. Comme vous autres, s'il y a un bon ministre, il y a des bons fonctionnaires autour de lui. Autrement, il ne peut pas être un bon ministre. Les fonctionnaires soumettent de bons projets au ministre. C'est la même chose à ce niveau-là. Il va falloir qu'il y ait un petit fonctionnarisme au niveau de la région de personnes compétentes. Là, il semble qu'il y a assez d'urbanistes au Québec pour faire face au défi qu'ils vont avoir. Votre mécanisme administratif au niveau de la petite région doit être compétent et constant et ça, c'est la petite région qui va le nommer, avec l'aide du gouvernement et, petit à petit, quand on va déconcentrer, il y aura autre chose qui va s'établir de la part du gouvernement, mais c'est ça que je veux dire. Le préfet n'est pas élu; c'est un gérant engagé et nommé par la petite région.

M. Rancourt: D'accord, merci, monsieur.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires municipales, dernière intervention.

M. Tardif: M. le Président, je désire remercier M. le maire Trépanier pour sa présentation à son image, bien charpentée et bien structurée. J'ai évidemment pris bonne note de ses commentaires sur le besoin, si vous voulez, de corriger une certaine esthétique déficiente. Encore là, c'est peut-être l'architecte qui est ressorti dans le document. Egalement, je ferai mon profit de ses commentaires sur les réunions du conseil, les caucus et tout ça, dans un autre projet de loi, qui n'est évidemment pas devant cette commission présentement, mais qui le sera un jour, sur la démocratie municipale. (11 h 30)

Je désire également féliciter M. le maire et la ville de Granby d'avoir, en quelque sorte, pris les devants et d'avoir tenu une première réunion des gens dans cette petite région d'appartenance parce que, si je comprends bien par l'annexe que vous nous avez remise ce matin, c'est un document qui est le fruit de cette consultation que vous avez, en quelque sorte, tenue avant même que la loi vous y invite, réunion qui a eu lieu, je pense, le 3 avril dernier.

M. Trépanier: Oui.

M. Tardif: Précisément, est-ce que vous pourriez nous faire part de cette réunion, comment elle s'est tenue, qui y a participé, comme tout cela a fonctionné? Je pense que cela pourrait être inté- ressant pour les membres de cette commission d'élaborer justement un peu sur cette première prise de contact d'un ensemble de maires dans une même région.

M. Trépanier: M. le Président, j'ai d'abord pensé inviter le représentant du comté municipal, c'est-à-dire le préfet de comté, qui lui, serait venu parler au nom des villes membres et ensuite, en même temps, inviter les principales villes, c'est-à-dire tout ce qu'il y avait sur la carte que j'ai apportée avec moi; il y a une rue, une église, un hôtel et quelques maisons, ces maires-là ont été invités. Cela, après que j'eus rencontré M. Léonard à Montréal, lorsque je suis revenu de l'Ouest; cela doit faire à peu près deux semaines.

Ensuite, des maires ont téléphoné à l'hôtel de ville. Ils se sentaient frustrés et ont dit: On veut y aller. J'ai dit: J'ai invité le conseil de comté. Non, on veut y aller. On a envoyé une deuxième invitation et tout le monde a été invité, tous les maires des régions rurales, même s'il y avait un petit village dans la région autour, tous ont été invités. Les maires sont venus et, comme je vous le dis, ils sont intéressés. Ils sont très intéressés. Il y avait les documents qui ont été préparés par le gouvernement et qui donnent les trois régions. On l'avait fait avec nos services techniques à Granby, mais ce qu'il y a d'intéressant dans ces petits feuillets, je pense que le gouvernement devrait les distribuer, c'est qu'on voit les régions autour et là, on peut faire un travail. Donc, il y a un intérêt évident, c'est certain.

Deuxièmement, ce que j'ai décelé, je l'ai dit tantôt, c'est la crainte de la ville la plus grande. Il y a des gens de Saint-Hyacinthe ici aujourd'hui, je ne sais pas s'ils ont décelé la même chose mais, chez nous, c'est cela. Ensuite, il y a une chose que j'ai oubliée et que je n'ai pas mentionnée, sur l'urbanisme. Il y a des commentaires qui ont été exprimés par des maires: Nous, nous n'avons pas besoin d'un plan d'urbanisme. Ils ne perçoivent pas actuellement l'importance... J'ai parlé de la route qui peut passer, une ligne électrique. L'Hy-dro-Québec nous consulte maintenant, vous savez. Elle est venue rencontrer la ville de Granby avec des gens très importants de Montréal, des techniciens, des ingénieurs, qui nous ont montré ce qu'ils veulent faire dans l'avenir pour leur sous-station; c'est la première fois que cela arrive, on n'a jamais eu cela. Ils ont dit: On va faire une sous-station à telle place et on veut passer de telle façon. On était bien contents. Alors, là, on intervient.

Les maires ne perçoivent pas ces problèmes, eux qui vont les vivre. Dans son idée, le maire de la petite ville ne conçoit pas, ne comprend pas ou ne perçoit pas actuellement ce que peut lui apporter l'urbanisme. Pour lui, c'est bon pour Granby. Actuellement, il y a seulement Granby, Bromont, et le canton, qui sont urbanisés chez nous. Ils n'y voient pas d'avantages pour eux. Je pense que vous allez probablement avoir cela à l'échelle du Québec. Il va falloir démontrer aux maires et aux conseillers l'avantage de cette loi et, surtout,

l'élément de vente que le gouvernement a, c'est de dire: Dorénavant, les sept, huit, neuf ministères impliqués dans des décisions, vous allez en être au courant. On prendra nos décisions avec vous; vous allez être impliqués. Vous allez savoir ce qui va arriver. L'Hydro-Québec n'a plus d'affaire aujourd'hui à passer une ligne quelque part sans venir nous voir, cela nous regarde.

Je me souviens du grand Frank Lloyd Wright, quand il avait fait une lutte en Arizona, à Liaison West, il l'a perdue, mais il avait raison, parce que, quand on passe une ligne dans une région donnée, on affecte le coeur, les sentiments et les espoirs des gens et on détruit des réalisations personnelles qu'ils ont faites. Je crois que, dans cette réunion, j'ai perçu toutes ces choses et je me suis aussi rendu compte que c'était le début d'un dialogue qui n'a jamais existé, si bien que je ne connaissais pas beaucoup de maires de vue et pas de nom. D'ailleurs, quand vous êtes venu chez nous, ils se sont déplacés, ils sont venus rencontrer le ministre des Affaires municipales.

En résumé, c'est à peu près ce qui s'est passé. J'ai établi dans ma tête différentes stratégies, maintenant, mais je vois que, d'abord, je vais devoir consacrer pas mal de temps, j'ai de la "vente" à faire au niveau local. Je pense que les villes majeures, les villes qui sont les leaders dans les régions, si elles ont un conseil municipal qui démontre du leadership, devront prendre leurs responsabilités, prendre l'initiative des rencontres et aussi entrer en contact avec le gouvernement, quand il y a besoin d'aide supplémentaire pour apporter l'information que les gens désirent. Ils ne sont pas contre la loi, bien au contraire, ils sont en faveur de ça, mais ils voyaient là l'occasion de s'en aller ailleurs, de laisser Granby dans son coin.

M. Tardif: D'autres étapes sont prévues, M. Trépanier?

M. Trépanier: Oui, la tête me travaille et je vais avoir bien des réunions.

M. Tardif: J'ai pris bonne note de votre recommandation, à savoir que vous optez pour une association institutionnelle complète, au niveau des comtés, et non pas pour une formule, disons, fonctionnelle pour des fins d'aménagement.

Evidemment, au colloque de l'Union des municipalités, la tendance était plutôt vers une formule d'association fonctionnelle, donc pour des fins d'aménagement. Est-ce que, dans votre esprit, M. le maire — M. le Président, par votre intermédiaire évidemment — vous voyez ça comme une espèce de cheminement par étapes, c'est-à-dire le passage d'une union fonctionnelle vers une union plus institutionnalisée dans le temps? Pouvez-vous vous expliquer davantage là-dessus?

M. Trépanier: C'est qu'au Québec, actuellement, comme vous savez, nous avons de grands maires à la conférence des maires de banlieue, je m'en suis rendu compte, des gars très importants, très valables, très forts et, dans plusieurs régions, ces hommes se sont taillé des empires, de petits empires, si vous voulez, mais ce sont quand même des empires. Il est clair que, si on institutionnalise le tout, ils vont perdre certainement des éléments de leur empire. C'est Maurice Duverger qui avait dit, dans un de ses livres, que, quand quelqu'un a quelque chose, il ne le laisse pas aller tout seul, il faut lui arracher cette chose. Alors, c'est, à mon point de vue, la préoccupation; si le gouvernement dit: On va faire des espèces d'ententes pour des projets donnés, je pense qu'on doit établir aujourd'hui le cadre institutionnel. Quand ce ne serait que ça, le Québec aurait franchi un pas énorme et un pas qu'on a trop tardé à faire. On est maintenant douze ou quinze ans en arrière de l'Ontario dans ce domaine. Regardez en Europe, la tendance est à la décentralisation, à l'institutionnalisation de la décentralisation, de la déconcentration; quand même on ferait juste le cadre, on aura fait le pas. Si vous ne faites pas ça, il y a un demi-pas de fait et un jour, il faudra qu'on en arrive là, à l'institutionnalisation de ce cadre et à bien le définir. Je crois qu'actuellement, comme il v a un consensus, l'atmosphère est bonne, il y a contact et échange d'idées entre le gouvernement et les instances locales, je pense qu'on a une occasion historique d'en arriver là. Quand même il n'y aurait que ça de fait, ce serait fantastique.

M. Tardif: Dernière courte question, M. le Président. M. le maire, je ne devrais peut-être pas vous poser cette question à vous, mais, lorsque quelqu'un de votre région s'identifie à quelqu'un d'une autre région, est-ce qu'il dit: Je viens de la région de Shefford ou de la région de Granby?

M. Trépanier: Granby.

M. Tardif: Merci, M. le maire.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre délégué à l'aménagement, un dernier mot.

M. Léonard: M. le Président, je remercie particulièrement le maire de Granby de son mémoire, de ses commentaires. Je pense qu'ils étaient particulièrement judicieux. Je le remercie aussi de ses dernières remarques quant à l'évolution du Québec dans les 20 prochaines années, les 40 prochaines années; je pense qu'il a montré qu'il avait le sens des perspectives.

Je vais aussi, en terminant, simplement vous souhaiter bonne chance dans la délimitation du territoire. Je pense que c'est un débat qui doit se faire, qui va se faire et je pense que vous en percevez les premiers échos. Pour l'instant, il n'est pas question de délimiter le territoire, ça se fera après l'adoption de la loi et je souhaite que ce soit fait après un débat chez vous. Merci bien.

M. Trépanier: Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le maire, merci au nom des membres de cette commission.

J'appelle maintenant l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec.

Monsieur, si vous voulez identifier l'organisme que vous représentez, vous identifier vous-même ainsi que les membres qui vous accompagnent.

Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec

M. Raymond (Gérard): L'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, Gérard Raymond, président. M. Grégoire Girard, arpenteur-géomètre et M. Roch Létourneau.

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez commencer, monsieur.

M. Raymond: M. le Président, c'est avec un très vif intérêt que nous avons pris connaissance de l'imposant projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme, document attendu depuis longtemps et qui répond aux voeux que nous avions à maintes reprises formulés, soit qu'on apporte un correctif au manque de planification dans l'utilisation de la principale richesse naturelle du Québec, le sol.

Essentiellement, la profession d'arpenteur-géomètre vise d'abord la connaissance de la dimension du territoire, son morcellement, son utilisation, sa gestion. A maintes reprises, les arpenteurs-géomètres ont suggéré aux gouvernants, aux municipalités et aux organismes intéressés de bien structurer l'utilisation du territoire. Malheureusement, ils n'ont pas toujours été entendus, de sorte qu'aujourd'hui il n'est presque pas possible pour celui qui tente de s'impliquer dans une forme quelconque d'aménagement et d'utilisation rationnelle du territoire de s'y retrouver dans cette multitude de lois et de règlements très divers, parfois contradictoires, régissant l'exercice du droit de propriété.

Nous saluons donc avec satisfaction l'avènement d'une loi unique qui va, peut-on l'espérer, regrouper, après en avoir fait un tri judicieux, toutes les lois et tous les règlements pertinents au morcellement et à l'aménagement du territoire. Notre contact quotidien avec le domaine foncier nous fait certes apprécier à sa juste valeur toute mesure susceptible d'améliorer l'organisation du développement du territoire et d'en permettre une utilisation rentable à tous les points de vue.

Nous notons également avec grande satisfaction la décision du législateur d'insérer dans la loi les articles 14, 23, 86, 91 et 118 par lesquels il entend obliger les conseils de comté et les municipalités à consulter les contribuables avant l'adoption des plans préliminaires et des plans définitifs. L'expérience vécue par certaines municipalités qui utilisent déjà cette formule a été des plus heureuses. Nul doute que les citoyens se prévaudront de cette ouverture de la loi pour participer davantage à l'amélioration de leur milieu de vie.

Nous aimerions maintenant formuler quelques commentaires spécifiques. Un premier commentaire porte sur le titre de la loi. Le fait d'intituler le projet de loi 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, nous semble en restreindre la portée, en ce sens qu'il relie à cette vaste opération, à ce vaste concept de l'aménagement du territoire un concept beaucoup plus restrictif, celui du "town planning", de l'urbanisme. En effet, étymologiquement et traditionnellement, ce dernier concept se limite lui-même aux territoires urbains. Or, le territoire québécois n'est pas qu'urbain, il est aussi agricole, forestier, etc. Nous pensons qu'il serait plus approprié de coiffer cette loi générale sur l'aménagement et l'utilisation du territoire d'un titre plus vaste, soit celui de la loi sur l'aménagement du territoire.

Le second commentaire porte sur le règlement de lotissement. Nous croyons que le titre de cette section devrait plutôt se lire, "Règlements de lotissement et de subdivision", et voici pourquoi. D'abord, la définition des termes. Le lotissement, c'est l'action de partager en parcelles ou de répartir en lots. Dans le contexte des opérations normales de morcellement du territoire, le plan "projet de lotissement" constitue la première étape. Il s'agit d'un plan montrant les diverses parcelles de terrains, rues, lots à bâtir, parcs, espaces publics, corridors de distribution d'énergie, services d'utilité publique, etc. Une fois ce plan adopté par les autorités, il devient le plan de lotissement qui servira de cadre et de guide pour les subdivisions officielles à venir.

La définition de subdivision. C'est l'action de diviser de nouveau un tout déjà divisé. C'est l'expression employée dans les opérations cadastrales effectuées en vertu de l'article 2175 du Code civil. La division cadastrale, c'est la numérotation ou la désignation primitive des lots d'un territoire donné, article 2166 du Code civil. La subdivision cadastrale d'un lot, c'est la numérotation ou la désignation particulière des nouvelles parcelles de manière à les distinguer des lots primitifs. (11 h 45)

II s'agit donc d'une différence fondamentale qui existe réellement entre le lotissement et la subdivision et dont il importe de tenir compte dans la rédaction du règlement de lotissement et de subdivision.

Si cette distinction n'était pas faite, la municipalité, par son règlement, devrait exiger d'un propriétaire qui doit identifier, sous un numéro distinct, un emplacement qu'il possède depuis de nombreuses années une superficie de terrain n'excédant pas 10% du terrain compris dans le plan ou exiger du propriétaire le paiement d'une somme n'excédant pas 10% de la valeur inscrite au rôle d'évaluation, aux termes de l'article 114a, alors qu'on reconnaît facilement que l'intention du législateur, relativement à cette exigence, est plutôt de faire supporter par le promoteur d'un nouveau développement rétablissement des parcs et terrains de jeux, ce, dans le but d'éviter d'imposer cette charge aux propriétaires de longue date.

Article 112g. L'article 112g pose comme condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision — on devrait lire "de lotissement " —

la cession de l'assiette des rues montrées sur le plan. A notre avis, cette dernière ligne de l'article devrait plutôt se lire comme suit: "l'engagement du propriétaire à céder l'assiette des rues montrées sur le plan".

En effet, au moment de la présentation du plan de lotissement, les espaces destinés aux rues sont montrés d'une façon approximative. Ce n'est qu'après l'adoption du plan par les autorités et la subdivision cadastrale des rues montrées sur le plan de lotissement que ces espaces seront suffisamment localisés, identifiés et décrits pour pouvoir permettre de passer des actes de cession.

Article 112h. La même remarque s'applique à cet article.

Article 112L Cet article peut sans doute s'appliquer dans le cas d'un plan de lotissement mais certes pas dans le cas d'un plan de subdivision. En effet, les plans de subdivisions cadastrales ne doivent montrer que des renseignements relatifs à l'identification cadastrale des emplacements.

Enfin, le permis de lotissement. Nous croyons que le permis de lotissement devrait plutôt être un permis de subdivision. En effet, ce permis, au sens de la loi, semble être exigé à l'occasion de la demande d'approbation de la subdivision cadastrale et c'est normal. C'est donc dire qu'il ne sera émis que si la subdivision cadastrale est conforme au plan de lotissement déjà approuvé par les autorités.

Nous concluons ce bref mémoire en soulignant combien il importe, pour assurer une application rationnelle et adéquate de cette loi, que tous les intéressés puissent compter sur une cartographie de base complétée des données cadastrales disponibles. Cet équipement fondamental, indispensable à toute saine gestion, fait défaut dans plusieurs municipalités du Québec. Déjà, cette carence oblige malheureusement certaines d'entre elles qui sont soumises à la Loi sur l'évaluation foncière à dresser, en toute hâte et au petit bonheur, des cartes approximatives de leur territoire, afin de pouvoir respecter les échéances imposées pour la préparation de la matrice graphique. Le problème est tout aussi entier en ce qui concerne l'application de la loi 90. Les municipalités appelées à préparer un plan définitif de zonage de leur territoire, avec illustration des occupations existantes et du développement envisagé à court terme, devront le faire sur des cartes tout aussi approximatives et pas du tout appropriées.

Or, les programmes de cartographie de base et de compilation cadastrale sont déjà prêts. Leur mise en oeuvre ne dépend que de l'accord des crédits nécessaires. Compte tenu de l'utilisation intensive qui serait faite de cette cartographie pour l'administration des trois lois ci-haut mentionnées, nous croyons donc que le gouvernement devrait, en priorité, donner le feu vert à leur exécution.

Voilà, en résumé, certains commentaires que nous avons cru pertinent de faire concernant cet important projet de loi. Nous serons heureux de répondre à vos questions et de fournir plus de détails sur ce que nous avons exposé. Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Léonard: Je vous remercie de nous avoir fait part de votre mémoire, de vos commentaires sur la loi 125 et de vous être déplacés aujourd'hui, sur un sujet qui intéresse évidemment tous les citoyens du Québec et qui vous intéresse aussi. Je pense qu'il est important de noter, par rapport à votre mémoire, l'appui que votre organisme professionnel, très collé à la réalité et qui oeuvre dans le domaine de l'aménagement à un niveau très pratique, apporte au projet de loi 125, en particulier sur les points suivants.

Je pense que le présent projet de loi s'avère un correctif au diagnostic que vous avez établi vous-mêmes quant au manque de planification du territoire. Il semble que c'est l'objectif que nous visons par rapport à l'aménagement et les défaillances que nous constatons sur le territoire.

Je note aussi que vous appuyez le point suivant, soit l'intégration des différentes lois dans une loi unique qui touche à l'urbanisme en intégrant dans cette loi les dispositions du Code municipal et de la Loi des cités et villes quant à l'urbanisme. Je note aussi la nécessité de la consultation sur laquelle vous êtes d'accord en vue de permettre aux citoyens de participer aux décisions quant à l'amélioration de leur milieu de vie.

Nous allons prendre en considération en tout cas les commentaires que vous avez formulés sur le règlement de lotissement. Je pense bien que mes fonctionnaires vont étudier toutes les implications de ce que vous nous avez dit sur ce plan, notamment sur la distinction entre le lotissement et la subdivision.

Vous nous avez aussi suggéré certains éléments, certaines corrections ou des recommandations sur des opérations cadastrales qu'il s'agit d'intéger. Je voudrais faire une mise au point, en troisième lieu, sur vos considérations ou votre recommandation sur les documents cartographiques. Il serait peut-être intéressant, d'une part, que tous disposent de documents cartographiques des plus précis, des plus sophistiqués. Je pense que c'est un objectif qu'on doit avoir et qu'on doit atteindre le plus vite possible, mais je pense bien aussi, cependant, qu'il ne faut pas se doter d'instruments ou d'outils disproportionnés aux besoins réels. Ce qu'on a essayé de faire aussi dans le projet de loi, nous avons essayé de mettre au minimum les éléments obligatoires du schéma, les éléments obligatoires du plan d'urbanisme. Je pense bien qu'il appartient aux municipalités comme aux conseils de comté d'aller plus loin, s'ils le désirent, mais nous n'avons pas voulu en faire une obligation sur ce plan.

Il faut aussi comprendre que les ressources du gouvernement ne sont pas illimitées en ce domaine, mais il reste quand même que, pour les trois prochaines années, le gouvernement entend mettre $3 millions uniquement pour la production des cartes cadastrales et de cartes à grande échelle en plus des besoins particuliers des différents ministères et de certaines sociétés d'Etat.

Par la suite, il va aussi revenir au gouvernement d'établir des priorités dans le domaine cartographique pour ce qui concerne l'aménagement. Voici pour les considérations que je voulais faire, avant de vous poser une question. Vous avez mentionné, à la page 1 de votre mémoire, au tout début, qu'il existe un manque en matière de planification du territoire. Je pense bien que tout le monde est d'accord sur ce diagnostic depuis des années. C'est la raison pour laquelle les différents gouvernements ont tenté d'apporter une législation en ce domaine. Mais, compte tenu de votre champ de compétence, j'aimerais savoir votre idée, j'aimerais que vous explicitiez les principales lacunes que vous avez constatées en matière de planification du territoire. Qu'est-ce qui nous a amenés à ces lacunes que nous avons et quelles sont, selon vous, ces principales lacunes?

M. Raymond: Je vais passer la parole à mon collègue ici pour lui donner une chance de vous faire bénéficier de son expérience.

M. Girard (Grégoire): Je m'excuse, j'étais un peu distrait. Si j'ai bien compris votre question, M. le ministre, vous vouliez savoir ce qui avait amené notre cheminement de pensée.

M. Léonard: Je peux la reprendre, puisque vous étiez en train de parler avec la demoiselle.

M. Chevrette: D'inscrire les noms. M. Girard: D'inscrire les noms.

M. Chevrette: II faut bien préciser, pour les fins du journal des Débats.

M. Léonard: A la page 20 de votre mémoire, vous dites qu'il y a un manque en matière de planification du territoire, ce sur quoi tout le monde est d'accord. La question que je posais, c'est, compte tenu de votre champ de compétence, que je vous demande, selon vous, quelles sont les principales lacunes que vous avez constatées en matière de planification. Je pense que ce serait important que vous explicitiez ce sujet, compte tenu encore une fois de votre champ de compétence.

M. Girard: On pourrait répondre à cela par les constatations qu'on a pu faire, qu'on peut faire, dans notre pratique, dans les régions rurales en particulier. Les villes, depuis quelques années, je dirais, ont apporté plusieurs correctifs à ces problèmes, mais, dans les régions rurales, il a fallu faire, je dirais, à un certain moment, un travail de missionnaire, mais non pas parce que c'était l'intérêt des arpenteurs-géomètres. Lorsqu'un spéculateur arrivait pour acheter une terre de deux arpents sur trente et qu'il nous demandait d'ouvrir une rue là-dessus et de diviser des lots de chaque côté, c'était intéressant et payant pour nous mais on voyait le dommage que cela créait au voisinage, à l'environnement dans le secteur et les municipalités ne semblaient pas immédiatement contre cela. Cela pouvait prendre quatre ans, cinq ans, même dix ans avant qu'elles voient les dommages que cela pouvait causer. Les cultivateurs, par exemple, dans le voisinage, se plaignaient de voir arriver dans leurs champs des bouteilles vides, des cassots, tout ce qui pouvait avarier leur machinerie. Les fossés ne se faisaient plus, cela apportait bien des contraintes au cultivateur voisin qui était habitué d'avoir un voisin qui faisait la moitié du fossé et la moitié de la clôture et il n'y avait jamais de problème.

Cela a apporté, sur le plan municipal également, des problèmes que vous connaissez probablement: l'augmentation de la population urbaine par rapport à la population rurale. Ce ne sont plus les mêmes problèmes. Sur le plan du développement du village, qui voyait limiter son développement interne ou dans le noyau urbanisé, pour aller s'étendre quelque part à la campagne, même dans les boisés et les petits villages qui s'ouvraient un peu partout... Il y a tous les problèmes que cela causait. Cela s'attache pas mal à des correctifs qui ont été apportés par la loi 90. Dans notre milieu, c'est ce qu'on voyait qui se passait. On recommandait aux municipalités d'adopter des règlements de zonage, des règlements d'aménagement de leur territoire, de façon à prévenir ces choses. On a travaillé dans le passé avec les municipalités à cet effet.

M. Léonard: Je vous remercie. Vous mentionnez aussi dans votre texte que l'obligation de consulter la population permet davantage aux citoyens de participer à l'amélioration de leur milieu de vie. Je pense que cela aussi, c'est un objectif de la loi. Vu votre profession et aussi à cause du fait que vous avez été maire de la ville de Saint-Hyacinthe, j'aimerais que vous nous fassiez part des expériences de consultation que vous avez connues à l'époque.

M. Girard: II faut vous dire, puisque vous avez soulevé la question de mairie, que, lorsque j'ai été à la mairie de Saint-Hyacinthe, entre 1971 et 1976, nous avons fait une fusion de quatre villes sur une base volontaire. Cela a été le début, si on peut dire, de notre consultation populaire, consultation des organismes locaux, des corps intermédiaires, et consultation aussi de la population en général. Nous avions même formé un comité qui allait dans les quatre municipalités donner les explications sur ce qu'était un regroupement municipal ou une fusion des villes, quels pouvaient en être les avantages et quels pouvaient en être aussi les inconvénients. D'ailleurs, les opposants se chargeaient de nous dire quels pouvaient être les inconvénients. Cela a pris quatre ans de consultations et, finalement, après ces quatre ans de consultations, le 1er janvier 1976, on formait une nouvelle ville de Saint-Hyacinthe composée des quatre anciennes villes qui étaient adjacentes les unes aux autres. Cela a été une expérience de consultations avant le fait.

Deuxième expérience qui a été faite à plusieurs reprises, mais dans le milieu rural. J'ai participé, dans mon travail personnel, avec plu-

sieurs municipalités, à la rédaction d'un règlement de zonage, de lotissement en milieu rural. Comme c'était quelque chose d'absolument nouveau pour les municipalités rurales, et même aussi pour les élus municipaux, maires et conseillers, il fallait non seulement l'expliquer aux membres du conseil, mais aussi à la population. Les conseillers me disaient: Ecoute un peu, je comprends cela, mais je ne suis pas capable de l'expliquer à mes gens. Si on peut tenir une assemblée publique pour leur expliquer cela d'avance, avec des personnes-ressources pour donner des explications, d'accord. C'est comme cela qu'on a pu faire en 1972 un règlement de zonage agricole. Remarquez bien que c'était le zonage agricole dans la municipalité de Sainte-Rosalie; en 1973, à Saint-Thomas-d'Aquin. On a passé comme cela douze municipalités, toujours avec le même processus de consultation préliminaire, avant que le conseil prenne sa propre décision sur le contenu du règlement. Au cours de ces consultations, bien sûr, on avait ce qu'on appelle le "feedback" ou les réactions de la population, des personnes directement intéressées, que ce soit des cultivateurs ou encore des spéculateurs ou encore des gens qui étaient venus s'acheter un petit lopin de terre à la campagne. Le conseil était éclairé lorsqu'il prenait sa décision. Il disait: D'accord, on est sûr qu'on a à peu près la majorité des gens qui sont d'accord. On est bon pour dire oui. On va adopter le règlement. Il adoptait le règlement. Il y avait aussi une assemblée publique qui suivait, c'est-à-dire une assemblée d'électeurs qui suivait. Jamais les règlements n'ont été contestés. Le ministre Garon m'a posé la question une fois; il a dit: Est-ce que les conseils municipaux sont encore en place? J'ai dit: Oui, ils sont encore en place. Ils se sont même faits réélire. Cela a été un peu les conséquences des consultations préliminaires avant le début des règlements.

Le Président (M. Laplante): C'est tout? M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez d'abord de m'excuser de mon retard auprès des membres de la commission. Ce sont des circonstances que le ministre des Affaires municipales connaît très bien, qui sont complètement fortuites: le transport aérien. Cela m'a quand même permis, M. Girard, de prendre connaissance d'un article de journal de ce matin, que vous n'avez peut-être pas vu, dans lequel on nous annonce votre nomination à titre de candidat du Parti conservateur dans le comté de Saint-Hyacinthe. Je ne sais trop s'il doit y avoir convention ou non. De toute façon, je vous offre mes souhaits de bonne chance à cette élection. J'en profite pour vous demander...

M. Girard: Je vous remercie.

M. Chevrette: Venant du député de Gatineau, c'est excellent!

M. Gratton: Pourquoi pas? Ne doit-on pas souhaiter que les gens compétents soient... D'ailleurs, je souhaiterais au Parti québécois d'en avoir un peu plus de ce genre qui se fassent élire... (12 heures)

M. Goulet: Copie du journal des Débats, M. le Président...

M. Gratton: Ceci étant dit, M. le Président...

M. Chevrette: ... dans le comté de Saint-Hyacinthe.

M. Girard: Sûrement; on en prend bonne note.

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: Je note, M. le Président, que l'Ordre des arpenteurs fait une nette distinction, avec laquelle je suis d'accord, d'ailleurs, entre les mots "lotissement" et "subdivision" et, comme le disait le ministre tantôt, je suis sûr que les fonctionnaires voudront se pencher là-dessus, parce que, effectivement, tel que le projet de loi est présentement rédigé, ça porte à certaines méprises qui pourraient être très importantes à l'occasion, par exemple, vis-à-vis des 10% qu'un développeur doit céder à la ville.

Vous mentionnez, à la dernière page de votre mémoire, les programmes de cartographie de base et de compilation cadastrale qui sont déjà prêts. Puis-je vous demander de préciser de quels programmes il s'agit? S'agit-il de programmes provinciaux, municipaux ou de l'Ordre des arpenteurs-géomètres?

M. Létourneau: Si vous permettez que je réponde à cette question, la cartographie de base, d'après nous, c'est la cartographie topographique qui est faite par le ministère des Terres et Forêts, service de photogrammétrie et de cartographie. Le programme est d'ailleurs arrêté. Il s'agit qu'il soit élaboré et mis en force le plus tôt possible. La cartographie de base, c'est ce qu'on veut dire, la cartographie qui sert à monter les autres plans, c'est-à-dire, par la suite, on fabrique la compilation cadastrale et, finalement, le plan fiscal. Dernièrement, avec la nouvelle Loi sur l'évaluation, il faut ajouter à ça la matrice graphique et, justement, la matrice graphique est souvent faite à partir de documents inexistants, à partir de bouts de plans ou de plans inadéquats. Cela fait longtemps qu'on prêche ça. L'Ordre des arpenteurs l'a souligné à plusieurs reprises. Dotons-nous d'une cartographie de base adéquate; ensuite, les autres parties de la cartographie pourront être couvertes par l'entreprise privée, d'une part, ou par les municipalités, d'autre part. Mais il faut que le document de base soit fait par le gouvernement.

M. Gratton: Etes-vous en mesure de nous donner une idée de l'ampleur des crédits néces-

saires pour faire un travail valable dans ce domaine afin de réaliser le programme déjà connu?

M. Létourneau: Le ministre nous a parlé d'un budget de $3 millions...

M. Gratton: Cela, c'est le budget... M. Létourneau: ... qui semble...

M. Gratton: ... que le gouvernement y consacre. Cela ne veut pas dire que c'est suffisant pour répondre aux besoins.

M. Létourneau: Si on met $3 millions sur notre cartographie de base au Québec, ce sera déjà un pas de l'avant considérable.

M. Gratton: Vous avez saisi qu'il s'agit de $3 millions non pas pour cette année, mais sur un certain nombre d'années.

M. Létourneau: C'est déjà un bon départ, d'après moi.

M. Gratton: De toute façon, je ne me tromperais pas en disant qu'en allant faire des représentations au ministère des Terres et Forêts, dans le but de faire débloquer le plus grand nombre de crédits possible pour la cartographie de base, ça représenterait ce que souhaite votre organisation.

M. Létourneau: Exactement, ce sont...

M. Gratton: J'ai pensé que vous ne vous opposeriez pas à ça.

M. Létourneau: ...

M. Raymond: Non, mais ce qu'on souhaite enfin, si vous permettez, c'est une connaissance du territoire. Si vous voulez appliquer toutes ces lois, comme la loi 90, le projet de loi no 125, la Loi sur l'évaluation foncière, il faut avoir une connaissance du territoire, et cette connaissance du territoire doit avoir une connotation foncière. On doit avoir les numéros de lots qui, en fin de compte, reflètent la propriété. Une carte topographique toute nue, c'est une phase très importante, mais il faut aussi y coucher une planche cadastrale pour en faire une carte foncière. Je pense que c'est très important en fin de compte, si on considère qu'un nombre considérable de propriétés sont sur des parties de lots et qu'on ne peut pas, sans des opérations assez compliquées et assez coûteuses, faire des plans pour des besoins particuliers. En fin de compte, ce n'est pas une carence de plans, actuellement, ce n'est pas une carence d'information foncière. C'est un manque d'intégration et si, d'une part, vous faites l'intégration de certaines lois touchant l'aménagement du territoire, il faudra, en même temps, si vous voulez diaioguer avec une connaissance suffisante du territoire, faire aussi de l'intégration de certains relevés du territoire, parce que, en fin de compte, vous allez arriver avec des bonshommes qui vont avoir leur petit bout de pian et qui vont parler de lots ou de parties de lots différents et ce sera une gestion assez difficile de ces lois. C'est pour ça qu'on pense que le pendant de cette intégration des lois, c'est aussi une certaine forme d'intégration de ce que j'appelle, en fin de compte, une informatin foncière ou, si vous voulez, avoir une couche cartographique qui doit déboucher sur une carte foncière adéquate.

M. Gratton: Quant à nous, M. le Président, nous abondons tout à fait dans ce sens. Nous concourons qu'il faille faire de grandes réformes. Cela en est une, à notre avis, que cette loi 125, peut-être pas au niveau de son champ d'application mais au niveau de ce qu'elle veut implanter. Effectivement, nous considérons comme vous qu'il faut avoir les données de base, les équipements de base nécessaires, et sûrement que la cartographie en est une.

Une dernière question, M. le Président, qui s'adresse probablement à M. Girard. Lorsqu'on parle de consultation, à quel niveau situe-t-il l'idéal vers lequel on devrait tendre? Est-ce qu'il faudrait que la consultation soit à caractère plus décisionnel selon lui? Dans un deuxième temps, est-ce que la consultation qui est prévue au projet de loi quant aux décisions des conseils de comté et des municipalités devrait, selon lui, s'appliquer également aux décisions du gouvernement par rapport à ses objectifs de développement pour une région donnée?

M. Girard: En ce qui concerne les objectifs de développement pour la municipalité et les conseils de comté, cela va bien. En ce qui concerne les objectifs que le gouvernement peut avoir sur la région, sûrement que la population sera fort intéressée à les connaître. Peut-être que dans certains cas, étant donné les problèmes confidentiels, cela ne sera pas judicieux d'éparpiller les renseignements dès le moment où on en parle. Si on veut, par exemple, tracer une nouvelle route ou un nouveau corridor d'énergie, il serait délicat d'aller tout de suite devant la population et de lui dire: On voudrait passer un corridor d'énergie à tel endroit. Si on le fait avant même de déposer les plans d'expropriation, on risque de voir grimper le prix des terrains, surtout s'il s'agit de routes par exemple. C'est peut-être la partie délicate en ce qui concerne les programmes du gouvernement.

Mais, en ce qui concerne les structures locales, les plans locaux d'aménagement, ou, si on veut, les nouvelles structures qui peuvent être implantées dans une région, je crois qu'il est important, surtout s'il s'agit de préparer des règlements ou des plans d'ensemble, que la population soit mise au courant avant que le conseil ne prenne sa décision sur ces plans.

M. Gratton: On sait, M. le Président, que le projet de loi prévoit qu'avant même l'adoption du schéma d'aménagement par le conseil de comté ou du plan d'urbanisme par la municipalité, il doit

y avoir consultation: d'abord, dissémination d'information, c'est spécifié dans le projet de loi, et ensuite consultation, même jusqu'au référendum si un certain nombre de citoyens le réclament, alors que dans le cas des programmes ou de projets du gouvernement ce processus de consultation n'est pas prévu dans le projet de loi. Ma question spécifique est la suivante: Compte tenu des réserves que vous exprimez quant à la spéculation que peut engendrer une annonce prématurée quant à une route, par exemple... je vous ferai remarquer que cela s'applique tout aussi bien à un projet municipal qu'à un projet de comté dans la mesure où il y a un aspect spéculatif au projet. Mais, étant donné que le gouvernement s'engage, de par le projet de loi, à en aviser le conseil de comté de toute façon... Je pense bien qu'on doit tenir pour acquis qu'une fois le conseil de comté avisé, la population à toutes fins utiles devient par le fait même avisée. Est-ce que vous jugez, à l'Ordre des arpenteurs-géomètres, qu'il y aurait lieu d'imposer les mêmes contraintes, le même processus de consultation aux décisions ou aux orientations du gouvernement en matière d'aménagement qu'à celles des conseils de comté et des municipalités?

M. Girard: A mon point de vue — c'est mon opinion personnelle là-dessus — je suis d'avis que la population doit être informée le plus complètement possible, y compris pour les projets du gouvernement lorsqu'il n'y a pas de problème sur le plan de la spéculation. S'il s'agit d'ériger, par exemple, un édifice en hauteur ou une usine d'épuration — c'est une pièce d'équipement qui peut être contestée dans certains milieux — il serait important que la population accepte à l'avance qu'il va y avoir une usine d'épuration et qu'elle va être située à tel endroit pour telle et telle raison. Si la population ne sait pas que c'est parce que c'est le meilleur endroit quant à l'élévation de terrain ou au coût des tuyaux, elle peut être portée à critiquer sans raison, sans savoir pourquoi. Mais si on lui a expliqué d'avance — les gens comprennent assez vite lorsqu'il s'agit d'intérêt général, de coûts, etc. — pourquoi on fait cette implantation à cet endroit, généralement, une fois le problème connu, il est à moitié résolu et il est à moitié accepté aussi.

M. Gratton: M. le Président, quant à moi, je voudrais dire à M. Girard que ce n'était pas un piège que je lui tendais, mais le ministre d'Etat à l'aménagement et moi savons qu'il y a un projet en particulier dans mon comté, dans la Haute-Gatineau. Il s'agit d'une route de pénétration en forêt qui doit relier la Haute-Gatineau et le Témiscamingue, que je voudrais bien voir soumis à l'approbation de la population, soit par référendum ou autrement. On pourra y revenir au moment opportun; ici, je pense que ce n'est pas l'endroit.

Je veux vous remercier de votre participation à cette commission, messieurs.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Nos invités oeuvrent au niveau de l'aménagement, surtout au niveau pratique, mais il a été mentionné, tout à l'heure, que nos invités avaient déjà travaillé à des projets de lotissement et de zonage pour de petites municipalités. Je veux savoir si ce sont des municipalités rurales et, avant qu'on connaisse le projet de loi 125, quel était le pourcentage ou le nombre de petites municipalités qui avaient recours à vos services pour des projets de zonage et de lotissement? Est-ce que c'était très minime ou si ça valait la peine comme clientèle chez vous?

M. Girard: Si on parle de nombre...

M. Goulet: Pourcentage serait peut-être mieux.

M. Girard: II faudrait que je vous dise que, au départ, ce fut un travail de persuasion auprès des municipalités que j'ai fait personnellement, parce que je trouvais qu'il y avait des choses aberrantes qui se passaient sur le plan du développement municipal. On a peut-être pu convaincre environ 50% des municipalités qui étaient dans le territoire où je travaillais, le comté de Saint-Hyacinthe entre autres, c'est-à-dire douze municipalités sur environ 25 municipalités, dans le secteur où je travaillais qui ont, entre 1972 et 1979, opté pour un plan de zonage et un plan de lotissement de leur territoire. Il y avait certaines contraintes qui les ont poussées dans le dos à certains moments, c'était par exemple l'installation d'établissements d'élevage comme les porcheries, qui étaient des contraintes assez graves pour le voisinage. Les propriétaires décidaient par quel moyen on pourrait contrôler l'installation sur le territoire de ces établissements, pour que ça ne vienne pas gêner l'environnement des zones urbanisées ou encore les habitations dans le secteur. Alors, on décidait d'opter pour un règlement de zonage et, bien sûr, en même temps on faisait un règlement de zonage pour tout le territoire, non pas spécifiquement pour une obligation qui s'en venait comme l'installation d'une porcherie.

M. Goulet: M. le Président, M. Girard nous a répondu, en parlant de sa région, Saint-Hyacinthe, où ce chiffre est d'environ 50%, mais j'aimerais savoir si, pour la province, vous avez des chiffres. J'imagine que ça doit être de beaucoup inférieur à 50%, parce que ce chiffre me surprend. Il ne faudrait pas que le chiffre de la région de Saint-Hyacinthe...

M. Girard: Non, je comprends.

M. Goulet: ...soit au niveau du Québec. C'est-à-dire que je serais d'accord avec ça, mais je présume que ce n'est pas le même.

M. Girard: D'ailleurs, j'ai dit au départ — j'ai fait une réserve — que c'était grâce à un travail de persuasion qu'on avait fait dans la région. C'est une région essentiellement agricole, les gens étaient sensibilisés aux problèmes qu'on leur

soulevait. Dans le restant du Québec, je n'aurais pas de chiffre pour vous dire que ça peut représenter, je pense qu'au ministère des Affaires municipales, on serait mieux équipé pour répondre à cette question.

M. Goulet: Une dernière question, M. le Président. On sait que — cela a été souligné dans votre mémoire — il y a un manque de planification. Bien sûr, c'est un des principaux buts visés par le projet de loi 125 pour contrer ça; mais vous venez de dire que vous avez dû vous servir un peu de persuasion dans votre région, ça doit être la même chose dans la province. De quoi cela peut-il dépendre? Est-ce parce que les municipalités, tel que nous l'a souligné le maire de Granby, les petites municipalités — j'entends par là celles du genre que l'on retrouve dans le comté de Bellechasse, d'environ 1500 ou 2000 de population — n'ont pas, mais vraiment pas les moyens? Est-ce parce qu'on n'est pas conscient du bien-fondé d'un plan d'aménagement ou d'urbanisme ou est-ce parce que — c'est une hypothèse dans ma question — nos élus municipaux, dans nos petites municipalités, n'ont pas les connaissances requises pour savoir le bien-fondé de ça? Vous parlez de persuasion, est-ce que ça veut dire que c'est parce qu'ils n'avaient pas les moyens ou qu'ils ne voyaient pas le bien-fondé de ça?

M. Girard: II faut vous dire que, généralement, les plans de règlement de zonage ou de lotissement qui ont été préparés pour ces municipalités n'arrivaient pas par génération spontanée. Il y avait un problème qui se posait dans la municipalité. Comme j'ai expliqué tantôt, il y a un problème d'établissement d'élevage, il y a des problèmes de dépotoir ou encore un petit village qui commençait à s'ouvrir dans un coin de la municipalité et où le conseil municipal se sentait un peu mal à l'aise; on disait: On va être pris avec ça tantôt, qu'est-ce qu'il faut faire? (12 h 15)

Ces gens venaient nous consulter parce qu'on est assez près d'eux, on les rencontre assez souvent pour la présentation de nos plans d'arpentage. Ils nous posaient la question: Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour régler ce problème? C'est de là que partait la persuasion, si vous voulez, que je pouvais employer pour les convaincre qu'ils devaient se doter d'un règlement de zonage et de lotissement et même de construction, ce qui leur permettrait de régler le problème qui les confrontait et les autres qui pouvaient venir après ça.

Cela a été la façon de procéder. Ce n'était pas un problème financier pour les municipalités, ce n'était pas tellement coûteux. Ce n'était pas non plus le fait qu'ils ne connaissaient pas l'existence de ce genre de règlement. Il s'agissait simplement de leur expliquer et de les convaincre finalement.

M. Goulet: Ce n'était pas une question d'argent.

M. Girard: Pas à mon point de vue, non.

M. Goulet: M. le Président, il me reste à remercier les représentants de l'Ordre des arpenteurs-géomètres. Si vous me le permettez, au nom de l'Union Nationale, nous avons été bons garçons, nous voudrions offrir nos meilleurs voeux à M. Girard pour sa campagne électorale et lui souhaiter la victoire.

M. Chevrette: ... l'unanimité des partis.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: M. le Président, j'aurais deux courtes questions à poser aux intervenants après avoir souhaité bonne chance au candidat dans Saint-Hyacinthe. Je pense que vous pourrez vous balader, durant votre campagne électorale, fort au moins de l'appui de trois partis représentés à l'Assemblée nationale.

M. Gratton: II me semble que le fait d'avoir souhaité bonne chance à une personne qui nous honore de sa présence ce matin ne devrait pas représenter un appui officiel de la part d'un parti comme tel. Je le faisais à titre bien personnel à un bonhomme qui me semble fort sympathique, quelles que soient les allégeances politiques qui nous divisent.

M. Ouellette: Je m'excuse, M. le Président.

M. Chevrette: La dernière phrase l'aide davantage.

M. Ouellette: Je croyais avoir parlé des représentants de formation politique.

M. Goulet: Je parlais au nom du parti.

Le Président (M. Laplante): Je ne voudrais pas que cela tourne au vinaigre. M. le député de Beauce-Nord, si vous voulez revenir au sujet.

M. de Bellefeuille: Le député de Beauce-Nord parlait au nom de la Beauce.

M. Ouellette: C'est un cas particulier, en effet. Ma première question...

M. Goldbloom: Qu'est-ce que les péquistes vont faire quand les créditistes présenteront un candidat dans Saint-Hyacinthe?

Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît! M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: Je n'en sais rien. On va voir venir tout simplement.

Ma première question concerne le titre de la loi que vous contestez dans votre mémoire. Evidemment, je ne suis pas, comme M. Girard, exmaire et expert, je suis seulement ex-maire, c'est donc en profane que je vous pose la question. Il me semble qu'aménagement désigne des travaux

que l'on effectue au niveau d'une région, ce qui veut dire ici les régions qui seraient retenues à la suite de discussions des différents intervenants comme étant le conseil de comté renouvelé.

Par contre, le mot "urbanisme", pour moi, n'est pas du tout restrictif, sauf qu'il s'applique au niveau d'une ville comme telle. Le projet de loi 125 me paraît justement un projet de loi qui touche aux deux choses, c'est-à-dire qu'on confie aux conseils de comté renouvelés le soin de réaliser un schéma d'aménagement qui touche la sous-région d'appartenance et on donne également aux municipalités le pouvoir de réaliser, sur leurs territoires respectifs, un plan directeur d'urbanisme accompagné, comme on le voit assez souvent, d'un règlement de zonage.

Je pense, en tant que profane, retrouver ces deux éléments tout au long de la loi et je m'étonne un peu de vous voir suggérer le changement du titre de la loi. Je vous demande de m'éclairer là-dessus.

M. Girard: Si on va à la page 33 de la revue Municipalités 1979, on voit que le titre qui est donné dans la revue elle-même est "Loi sur l'aménagement du territoire". Cela a été la première constatation que nous avons faite. Je comprends que dans le texte de l'article on parle souvent de la "Loi de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme". Première constatation.

Deuxième constatation. Tantôt, si vous avez entendu le maire de Granby lorsqu'il a parlé des petites municipalités, il a dit que les règlements d'urbanisme ou les plans d'urbanisme leur faisaient peur un peu. Elles disent: Nous ne sommes pas des villes; des plans d'urbanisme, cela ne nous intéresse pas, ce n'est pas cela qu'on veut avoir.

Je crois — c'est peut-être une opinion personnelle — que dans l'application de la loi, il serait avantageux de rester dans un sens plus large. De toute façon, on comprendrait, par le titre "Loi de l'aménagement du territoire", que lorsqu'il s'agit d'une ville cela va être un plan détaillé d'urbanisme qui va se préparer.

On n'en fera pas un cheval de bataille. Ce n'était pas prioritaire dans notre mémoire. On l'a tout simplement souligné au passage. Si vous préférez le conserver tel quel, on n'a pas d'objection, mais on pensait que cela pouvait quand même être plus général que d'utiliser le terme "aménagement du territoire", qui, jusqu'ici, avait été utilisé aussi.

M. Ouellette: Je vous remercie. La deuxième question. Vous proposez qu'on distingue clairement dans le texte de loi "lotissement" et "subdivision". Les lois municipales actuelles semblent confondre les deux termes, selon vous. J'aimerais que vous me fassiez part des problèmes qu'une telle situation vous cause, à vous, professionnels du domaine, ainsi qu'à vos clients. Comment avez-vous réussi jusqu'à maintenant à vous accommoder de cette situation ou de cette ambiguïté qu'on retrouve dans les lois actuelles?

M. Girard: On en vient à bout en passant à côté de la loi et des règlements comme ceci:

Dans la Loi des cités et villes, de même que dans le Code municipal, si vous les lisez bien, c'est à peu près le même texte qu'on retrouve à l'article 112 et à ses sous-paragraphes. Pour Saint-Hyacinthe, entre autres, on a suggéré, justement au chapitre des obligations, de céder 5% — à cette époque, c'était 5% — On dit: l'engagement du propriétaire de céder 5%. On l'a mis. On n'a pas dit qu'il était obligé de céder, on a mis l'engagement.

Ensuite, on a mis les exemptions à l'obligation de fournir 5% du territoire, soit sous forme de terrain, soit sous forme de paiement. Les exceptions qu'on a mises dans le règlement sont les suivantes: Exception à l'exigence des 5%: premièrement, opération cadastrale visant à identifier, sous un numéro distinct, un terrain déjà morcelé par voie d'aliénation. Cela pouvait vouloir dire, par exemple, que dans le règlement municipal on exige que le terrain soit identifié sous un numéro distinct avant d'émettre le permis de construction. Quelqu'un a passé au feu, son terrain n'était pas identifié sous un numéro distinct; on l'oblige, au moment du permis de construction, à faire identifier son terrain sous un numéro distinct, par voie de subdivision, en vertu de l'article 2175 du Code civil.

Pour ne pas pénaliser ces gens-là qui n'exigent aucun nouveau territoire, si on veut, ni pour les terrains de jeux, ni pour les parcs, parce qu'ils étaient déjà là sur place, on les a exemptés de cette obligation-là par rapport à l'exception.

Deuxième exception, opération cadastrale visant à identifier sur un numéro distinct une parcelle minime à l'occasion du déplacement des limites pour accommoder deux voisins. A l'occasion d'un arpentage, on s'aperçoit qu'un propriétaire a des vues illégales chez son voisin, que sa maison est placée à cinq pieds de la ligne. De concert, les deux voisins décident de déplacer la limite de deux pieds et cela demande, bien sûr, une opération cadastrale pour identifier les deux pieds sous un numéro distinct. Il n'était pas question d'obliger le grand processus de lotissement et d'exiger 10% de deux pieds de terrain sur cent, par exemple, ou un montant d'argent équivalent pour rencontrer cette exigence.

La troisième opération cadastrale visant l'annulation d'un lot ou de certains lots déjà existants pour les remplacer par un nouveau. Parfois, certains emplacements étaient identifiés, à cause de différents morcellements, par plusieurs numéros. On a décidé d'annuler tout cela et d'en faire un seul. Encore là, c'est une opération cadastrale ajoutée au cadastre, si on veut, ou subdivision, encore une exception qu'on a demandée et on a évité, dans le règlement, d'imposer cette charge. C'est dans le but de mettre un peu d'ordre dans tout cela qu'on propose dans notre mémoire de faire les distinctions voulues.

M. Ouellette: Là, vous nous donnez des exemples en territoire déjà urbanisé. Est-ce que le même problème se pose dans les périphéries à

urbaniser, dans les villes où on entend étendre le territoire d'urbanisation?

M. Girard: Peut-être encore plus, parce qu'il faut bien comprendre dans ces deux expressions, plan de lotissement et plan de subdivision, qu'il y a un processus légal, d'une part, au niveau du plan de subdivision; un plan de subdivision, c'est une opération légale dont on fait mention à l'article 2175 du Code civil. Un plan de lotissement ne représente pas nécessairement une opération légale, mais au niveau administratif, pour une municipalité urbanisée ou pas, il y a un processus qui doit être suivi, c'est-à-dire qu'au départ, un plan de lotissement doit être présenté, c'est-à-dire un projet de lotir un certain territoire. Par la suite, un permis de subdivision peut être donné, si ce lotissement est jugé conforme et, finalement, un plan de subdivision est produit par l'arpenteur-géomètre et déposé officiellement au service du cadastre et au bureau d'enregistrement local.

Ce processus est bien concret et il faut que la loi 125 le respecte. C'est un peu cela qu'on veut souligner.

M. Ouellette: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Allez-y, M. le député de Deux-Montagnes. Il reste quatre minutes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, une question très rapide. Je me demande si les membres de votre corporation sont en nombre suffisant, au Québec, pour faire face à la charge de travail découlant de la mise en application des lois 90 et 125?

Une Voix: Bonne question!

M. Raymond: Je pense maintenant qu'avec les techniques modernes de production de cartes, il n'y a pas tellement de problèmes comme tels. Je pense que le problème, c'est surtout d'essayer de procéder à l'intégration des devises. C'est cela qui est vraiment le gros problème. Des parcelles sont créées lorsque des permis de construction sont requis par des municipalités. On va demander une subdivision et la subdivision doit être faite. Il y a beaucoup d'information foncière qui est créée tous les jours, un peu partout dans la province. Ce qu'il s'agit de faire maintenant, et notre ordre est très conscient de ce problème... On pense, par exemple, à la mise sur pied de bases de données de travaux qui sont faits par nos membres pour pouvoir corriger sur le plan régional, par exemple.

Je pense que le problème fondamental est une question d'intégration, autant de ce qui est fait actuellement que de ce qui se fera dans les prochaines années et de ne pas tomber dans la même lacune, par exemple, dans le cas de l'évaluation; on fait des matrices graphiques, c'est un plan qui est préparé pour des fins très particulières, et il ne sert pratiquement pas à autre chose. C'est beau, une matrice graphique en coordonnées et tout ça, mais ça ne peut jamais servir à une transaction foncière parce qu'on dit tout simplement dans le Code civil, à l'article 2168: "II faut décrire la parcelle de terrain par son numéro cadastral ou par une partie du numéro cadastral". Je pense que ce régime foncier va être encore là pour quelques années du moins. Alors, tant et aussi longtemps qu'on aura ce régime foncier, il nous faut un cadastre et aller investir dans des plans qui sont faits pour des fins particulières, sans investir sur le cadastre qui est la base... Même pour l'application du projet de loi 125 ou du projet de loi 90, vous avez affaire à des propriétaires fonciers et vous identifiez leur droit de propriété à partir de leur titre de propriété, qui est fondé sur le cadastre.

Je pense que c'est vraiment là que l'effort doit être fait. Pour une gestion rationnelle de ces lois, on dit: Maintenant, dans l'époque où nous vivons, ce n'est pas seulement un cadastre qui montre simplement des lignes de lots et des numéros de lots, mais il faudrait peut-être avoir un cadastre qui est assis sur une base topographique. C'est pour cela qu'on dit également que la cartographie à grande échelle est vraiment une nécessité aujourd'hui, et c'est pour cela qu'on encourage également cette présentation cartographique du territoire.

Pour l'application de ces lois, il s'agit évidemment de cartes foncières, et ce n'est vraiment pas une carence d'information qu'on a actuellement comme telle, c'est vraiment de procéder à l'intégration de l'information fournie actuellement.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la fin.

M. Léonard: Oui. Pour ce qui concerne les cartes, je pense que ce qu'a dit M. le Président est exact. Effectivement, le gouvernement entend faire son effort et je répète que nous voulons y mettre $3 millions pour la production de cartes cadastrales, de cartes à grande échelle d'ici les trois prochaines années. Ce sera, comme vous l'avez dit, un excellent début. Au moins, on le fait... Cela va vous permettre d'intégrer toutes vos connaissances là-dessus.

Je suis très heureux de votre témoignage et de votre mémoire et je voudrais simplement, en terminant, souhaiter aussi bonne chance à M. Girard.

Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): MM. Raymond, Girard et Létourneau, les membres de cette commission vous remercient de votre participation.

Les travaux de la commission sont ajournés sine die. Cela veut dire que les travaux de la Chambre reprennent à 14 h et, après la période de questions, un ordre de la Chambre nous amènera de nouveau à nous réunir ici, au salon rouge, ce qui veut dire à 15 h 15, à peu près.

Fin de la séance à 12 h 29

Reprise de la séance à 15 h 33

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez prendre vos sièges.

La commission des affaires municipales se réunit pour entendre les mémoires pour l'étude du projet de loi 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Les membres de cette commission sont: MM. Brassard (Lac-Saint-Jean), Caron (Verdun), Cordeau (Saint-Hyacinthe) remplacé par M. Goulet (Bellechasse); de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Gratton (Gatineau), Guay (Taschereau) remplacé par Chevrette (Joliette-Montcalm); Mercier (Berthier) remplacé par Rancourt (Saint-François); Ouellette (Beauce-Nord), Shaw (Pointe-Claire), Tardif (Crémazie) remplacé par Léonard (Laurentides-Labelle).

Les intervenants sont: MM. Alfred (Papineau), Charbonneau (Verchères) remplacé par Gendron (Abitibi-Ouest); Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par Cordeau (Saint-Hyacinthe); Goldbloom (D'Arcy McGee), Lacoste (Sainte-Anne), Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par Tardif (Crémazie); Samson (Rouyn-Noranda), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Vaugeois (Trois-Rivières).

Les groupes qui restent encore pour aujourd'hui sont: le Conseil régional de développement de l'Outaouais; le Conseil de comté du Lac-Saint-Jean-Ouest; Les Entreprises de lotissement Philippe Chartrand Inc.; la Société pour le progrès de la rive sud et TransCanada PipeLines.

J'appelle maintenant le Conseil régional de développement de l'Outaouais. Madame et messieurs, identifiez votre organisme, identifiez-vous vous-mêmes ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Pour faire un exposé de votre mémoire, vous avez 20 minutes et il y a 40 minutes pour la période de questions.

Conseil régional de développement de l'Outaouais

M. Landry (Louis): M. le Président, je représente le Conseil régional de développement de l'Outaouais; je suis le président, Louis Landry.

Mme Prieur (Monique): Monique Prieur. M. Gauthier (De Sale): De Sale Gauthier. M. Gratton: M. le Président. Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Gratton: Me permettrait-on de faire remarquer que M. De Sale Gauthier est directeur général du CRD et que son nom est bien De Sale Gauthier et non pas M. Sale Gauthier, comme on le lit à l'agenda ou à l'ordre du jour que nous a remis le secrétaire de la commission.

Le Président (M. Laplante): M. De Sale Gauthier, d'accord.

M. Gauthier: Sale, pas de "s".

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez débuter, s'il vous plaît, monsieur.

M. Landry (Louis): M. le Président, cet avis représente l'opinion des citoyens et des organismes de l'Outaouais qui ont participé à la mission "information-sondage" du CRDO sur le projet de loi 125, de même que la position du conseil d'administration du CRDO. Au total, 144 personnes ont assisté aux six réunions d'information, tandis que 35 individus et 33 organismes, dont 18 municipalités, ont participé aux sondages en envoyant un avis écrit. Selon les résultats de la mission, les citoyens sont d'accord pour que le Québec se donne une loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Cependant, dans sa forme actuelle, le projet de loi 125 ne satisfait pas entièrement les ententes des citoyens. Les points les plus contestés sont les suivants: le caractère facultatif de la loi par rapport au schéma de comté, la valeur consultative du référendum sur un schéma de comté, la non-consultation avant l'adoption des règlements de zonage, de lotissement et de construction, l'harmonisation des pouvoirs entre les trois paliers de gouvernement, les pouvoirs de comté en matière de protection des terres agricoles, la composition du conseil de comté, la représentation municipale au conseil de comté et les coûts engendrés par l'exercice des pouvoirs contenus dans la loi.

Après étude du projet de loi 125 et analyse des conclusions de la mission "information-sondage", le conseil d'administration du CRDO est d'avis qu'il est nécessaire et même urgent que le Québec se donne une loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Sur ce, je passe la parole au directeur général pour expliquer les 33 autres recommandations du CRDO.

M. Gauthier: M. le Président, j'aimerais, plutôt que de lire les 33 autres recommandations du CRD de l'Outaouais, vous présenter cela sous forme de points saillants — en fait, il se dégage six grands points — quitte, par la suite, à donner des explications d'ordre plutôt secondaire. Dans les six grands points, comme le disait le président, je pense que de son côté le CRD dit qu'il est nécessaire et urgent qu'il y ait une loi... Deuxièmement, à l'article 2, pour préparer un schéma de comté, il faudrait rendre obligatoire cette préparation de schéma de comté. Par contre, qu'on ajoute à cela un échéancier sur le plan provincial ou auprès des zones qui subissent davantage la pression urbaine, comme nous l'avons vécu, par exemple, pour le projet de loi 90 concernant le zonage agricole. Nous avons d'abord attaqué les zones les plus cruciales.

Le deuxième grand point, si vous voulez, c'est au sujet de la participation des citoyens ou encore de la consultation. Les articles ou les recommandations 12, 13 et 14: tout d'abord, nous demandons que le référendum sur un schéma d'aména-

gement ait une valeur décisionnelle, plutôt que consultative uniquement. De plus, le gouvernement devrait déposer, avant l'adoption du projet de loi 125, les règles et modalités pour la tenue du référendum prévu à l'article 24.

Et enfin, toujours sous cette rubrique, le texte législatif devrait inclure un article obligeant les municipalités à consulter les citoyens avant l'adoption des règlements de zonage, de lotissement et de construction. C'est une faiblesse que nous avons remarquée au niveau de notre région.

Le troisième point saillant, si vous voulez, concerne les terres agricoles. Les recommandations 22 et 23: Le gouvernement devrait compléter au plus tôt l'identification des terres agricoles à protéger dans le reste de la province et, prioritairement, dans le reste du territoire de la Communauté régionale de l'Outaouais.

En fait, il faut reconnaître qu'il existe actuellement chez nous, au sein de la communauté régionale, qui est l'une des cinq zones de la région de l'Outaouais, deux zonages agricoles, celui sous la loi 90 et celui à même le schéma de la Communauté régionale de l'Outaouais. Donc, à corriger.

La recommandation 23 aussi: Les municipalités devraient conserver leur pouvoir de réglementation en matière de zonage agricole.

Le quatrième grand point saillant, c'est la coexistence de l'urbain et du rural. Le CRD est d'avis que la coexistence des milieux urbains et ruraux au sein du conseil de comté, pour les fins exclusives d'un aménagement rationnel et aux coordonnées du territoire, est nécessaire. Il est possible à chaque comté de trouver une formule qui garantisse une juste représentation aux municipalités rurales. Et aussi, que les comtés puissent, en plus des formules de représentation basées sur la population, choisir une forme de représentation arbitraire ou basée sur le statut d'une municipalité.

Cinquième grand point saillant, concernant le redécoupage des territoires des comtés municipaux, on dit que le gouvernement devrait tenir une consultation formelle sur la proposition de redécoupage des territoires des comtés municipaux. Cette consultation devrait se tenir sous forme d'assemblée publique et devrait être précédée d'une période d'information suffisamment longue, donnant les raisons qui justifient les limites proposées, les avantages et les inconvénients de chacune des options.

Enfin, sixième grand point, recommandation 33, que le texte législatif devrait inclure un pouvoir réglementaire du ministre aux fins de fixer de façon objective et absolue les taux des subventions qui devront être accordées aux conseils de comté et aux municipalités pour l'élaboration des schémas et règlements d'urbanisme, le tout suivant une formule de péréquation à être déterminée par le gouvernement.

On dit, à la recommandation 34, à quoi ces coûts devraient être attribués, d'une part, pour l'élaboration des documents d'aménagement et, d'autre part, pour leur mise en application.

Il y a quelques points secondaires, si vous permettez, M. le Président, c'est aux recommandations 4 et 5. Nous croyons, en fait, qu'il est sûrement trop court, la période de 24 mois, c'est-à-dire... Excusez-moi, la recommandation 4, c'est qu'on pense qu'il est nécessaire de fixer un délai de 36 mois pour la confection d'un schéma de comté, une fois la résolution en ce sens adoptée.

La cinquième recommandation, c'est que le délai accordé à la municipalité pour préparer son plan et ses règlements devrait être porté de 18 mois à 24 mois. Cela encore, ce sont vraiment deux recommandations basées sur l'expérience vécue au sein de l'Outaouais. Comme vous le savez, je pense que, comme région, on est quand même la région où il y a deux comtés municipaux qui, actuellement, vivent une expérience pilote de confection d'un schéma et aussi nous sommes la seule région à avoir effectivement un schéma au niveau de l'une des cinq zones qui est la Communauté régionale de l'Outaouais. Ces deux recommandations nous semblent réalistes et très pratiques pour l'avenir. Il faudrait possiblement en tenir compte. (15 h 45)

L'article 21 s'ajoute également à ces recommandations 4 et 5. On poursuit en disant que tout délai prévu dans le projet de loi devrait être assorti d'un mécanisme permettant à une municipalité ou à un conseil de comté d'obtenir un nouveau délai au cas où les exigences de la loi ne puissent être satisfaites dans le délai prévu. Je pense qu'on devrait prévoir ce mécanisme, parce que de toute façon il est très possible que cela arrive et, si nous le prévoyons immédiatement dans la loi, cela pourra faciliter les choses ultérieurement.

Ensuite, les recommandations 10 et 11: Concernant le contrôle intérimaire, nous croyons fermement que le conseil de comté devrait être obligé d'adopter un règlement de contrôle intérimaire; c'est l'article 58. Recommandation 11: Le conseil de comté devrait être obligé de réviser son règlement de contrôle intérimaire à la suite de l'adoption de son schéma de façon à rendre ce règlement conforme aux dispositions contenues dans le schéma.

Enfin, vous avez les recommandations 15 et 16. Recommandation 15: Le texte législatif devrait définir ce qu'on entend par "orientation du gouvernement" et cette définition devrait préciser que la population devra avoir été consultée avant l'adoption de ces orientations. Recommandation 16: Le ministre devrait être obligé, à la suite de l'adoption d'une résolution par le conseil de comté de préparer un schéma, de faire parvenir au conseil les documents pertinents relatifs aux orientations, aux équipements et aux infrastructures.

Enfin, l'article, on est tellement impliqué dans le projet de loi que je ne parle que d'articles, mais il s'agit de recommandations, bien sûr... Recommandation 19: Un délai devrait être — c'est une autre recommandation concernant les délais — prévu à la suite de l'adoption du schéma afin que toute municipalité puisse loger une requête écrite au ministre lui indiquant les motifs

de son opposition et les modifications qu'elle suggère. Les autres recommandations que nous considérons très importantes sont les recommandations 24 et 25 concernant les bâtiments historiques: Voir à ce que l'identification des sites et bâtiments historiques se fasse et voir à ce qu'ils soient inclus dans le contenu obligatoire du schéma et dans le contenu facultatif du plan d'urbanisme.

Je vais terminer avec la recommandation 25 et donner la raison: Les éléments de contenu d'un règlement de zonage devraient inclure la protection des sites et bâtiments historiques. Tout ça, c'est parce que nous croyons que nous avons là des ressources rares, pour la plupart difficilement renouvelables, et qu'il faudrait absolument prévoir et conserver, par le biais de la loi sur l'urbanisme et l'aménagement.

Je pense que ça couvre les grands points de notre avis sur le projet de loi. Bien sûr, nous sommes prêts à répondre à toutes les questions. Nous avons 34 pages. Nous avons évité cette période fastidieuse où nous aurions eu à lire tout ça, mais je pense que vous avez là l'essentiel de notre position.

Le Président: Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, M. le directeur général, madame, je vous remercie de votre mémoire. J'en retiens une chose, c'est d'abord son caractère positif à l'endroit du projet de loi no 125 et je pense aussi à l'endroit de l'aménagement et de l'urbanisme. Vous avez montré, de façon détaillée, fouillée, votre intérêt sur le sujet.

Je voudrais faire des commentaires sur deux ou trois points majeurs qui se dégagent, je pense, de l'ensemble de votre mémoire. Le premier sujet sur lequel vous vous êtes attardés beaucoup dans votre mémoire, c'est le découpage des comtés municipaux. A la recommandation 32, vous suggérez que le gouvernement tienne une consultation formelle sur les propositions de redécoupage des territoires des comtés municipaux.

Evidemment, le projet de loi, comme vous l'avez vu, est ouvert sur la question et ne définit pas de façon stricte les territoires des corporations de comté. Vous savez cependant qu'il y a eu un fascicule qui a émis trois hypothèses là-dessus, en tout cas, trois façons de considérer les choses et il pourrait y en avoir d'autres, évidemment; l'une comportait 71 comtés plus deux autres qui sont inopérants à l'heure actuelle, correspondant au découpage actuel et dans lequel on intégrerait les villes. Vous vous déclarez d'accord, je l'ai bien vu, sur le principe de l'insertion des villes à l'intérieur du comté pour les fins d'aménagement.

Les deux autres hypothèses: II y en a une qui compte 86 comtés, ce qui correspond davantage aux délimitations municipales actuelles, sauf qu'il faut les ajuster, compte tenu de l'évolution démographique de la population dans différentes régions du Québec.

Je pense notamment à la Côté Nord où il y a un comté municipal, mais c'est un comté qui a été établi il y a longtemps, au début des années 1900 et, depuis ce temps, il y a quand même eu une forte évolution démographique, et une autre de 96 comtés qui correspond, je pense, davantage aux délimitations actuelles des cartes du réseau des Affaires sociales et de l'Education.

La question du découpage de même que celle de la représentation feront l'objet d'une consultation spécifique de tous les élus locaux ainsi que de la population, ultérieurement à l'adoption de la loi. Les modalités vont être précisées au cours des prochains mois, pour ne pas dire des prochaines semaines, et seront amorcées après l'adoption de la loi. Certains documents vont d'ailleurs être rendus publics, telles les cartes de proposition de découpage qui vont permettre aussi d'éclairer la situation.

Quant au financement des comtés municipaux vous recommandez que soit fixé, de façon objective et absolue, le taux de subvention qui devrait être accordé aux conseils de comté et aux municipalités. Dans le budget de l'année courante, 1979/80, vous avez vu au budget du ministère des Affaires municipales, des crédits de l'ordre de $2 100 000 qui correspondaient, selon notre estimation, aux besoins de l'année actuelle. Il reste que la loi sera adoptée dans les mois qui viennent; avant qu'on soit prêt à enclencher les processus pour confectionner le schéma d'aménagement, cela va prendre un certain temps et nous estimons que c'était suffisant pour l'année courante.

Tel qu'on l'a annoncé à la conférence Québec-municipalités de juin dernier, on a dit que toutes les responsabilités nouvelles seraient assorties d'une source de financement pour les comtés comme pour les municipalités. Nous nous en tenons à cette déclaration. Pour ce qui est du financement à moyen et à long terme des comtés renouvelés, le comité conjoint d'orientation sur l'aménagement et la décentralisation va étudier cette question et fera des propositions au gouvernement ultérieurement.

De toute façon, la réforme de la fiscalité municipale se fait par l'élargissement de l'assiette de l'impôt foncier et par d'autres sources tels la taxe d'affaires, le nouveau régime d'imposition pour les secteurs de télécommunications, de production et de distribution de l'électricité, de gaz, etc., ainsi que toutes les mesures qu'il y a dans le budget actuel ou dans le discours du budget qui est actuellement en discussion devant l'Assemblée nationale.

Il y a une autre chose que j'ai notée et qui, à mon sens, est importante; ce sont les raisons que vous donnez qui motivent le "peut" et le "doit" dans le projet de loi, l'article 2. Est-ce qu'un comté "doit" adopter un schéma d'aménagement ou "peut" seulement adopter un schéma d'aménagement? Vous proposez que cela soit une obligation pour les comtés d'adopter un schéma d'aménagement en y mettant un délai. On recommande aussi que les documents d'urbanisme

soient conformes au contenu obligatoire du schéma. C'est une précision que vous apportez et je pense que cela témoigne aussi du caractère fouillé de votre mémoire. Vous avez bien pesé toutes les considérations.

Je pense aussi que le projet de loi désire conserver et protéger l'autonomie municipale en permettant, d'une part, aux municipalités d'un conseil de comté de décider elles-mêmes de faire un schéma et, d'autre part, que les documents d'urbanisme de ces mêmes municipalités soient conformes aux objectifs du schéma. Cette modalité permet aux municipalités une plus grande souplesse que si on oblige une conformité en rapport avec le contenu obligatoire du schéma. On a voulu être très souple et c'est une des raisons qui fait qu'on a demandé une conformité par rapport aux objetifs du schéma.

J'aurais des questions qui suivent ces considérations. Vous dites, à la page 6, que le texte législatif doit poser le principe de l'obligation, pour les conseils de comté, d'adopter un schéma et, à la page 7, que cette opération doit se faire dans un délai de 36 mois.

Quelles sont les raisons qui vous incitent à obliger les conseils de comté à adopter obligatoirement un schéma d'aménagement? J'ajoute tout de suite: Croyez-vous que les conseils de comté ne seraient pas assez motivés pour entreprendre librement un schéma d'aménagement?

M. Gauthier: Voici une première partie de la réponse — après ça je laisserai à mes collègues le soin de compléter — Sans blâmer qui que ce soit, il reste qu'on a vu des expériences, principalement dans la région de l'Outaouais, et si nous n'avions pas imposé, à certains moments donnés, des délais et que nous n'avions pas officiellement demandé à des gens de faire des schémas, je pense que nous aurions pu retarder tout le processus pendant des années.

La recommandation, ici, veut justement éviter... Ce qu'on aime mieux faire, et c'est la position du CRD, on aime mieux exiger que le schéma se fasse, quitte à ce qu'il y ait un échéancier, que les règles du jeu soient très claires et bien établies dès le départ. Si nous laissons cela libre, on peut avoir un comté qui entreprenne la confection d'un schéma et le retarde pendant des années et des années. Si dans une situation ou dans un comté donné, il y a des adversaires au schéma ou des municipalités qui ne sont pas tout à fait d'accord, on va commencer à faire de l'obstruction systématique et ça va être un "chiquage de guenille" excusez l'expression. Pour éviter un peu tout ça, nous croyons, compte tenu des expériences vécues dans notre coin, qu'il est important que, pour protéger le territoire québécois, l'on oblige, mais que pour certains coins on établisse des échéanciers. On propose même deux possibilités, que ce soit sur le plan provincial ou encore les régions plus pressées ou plus tendues en termes d'aménagement.

Je ne sais pas si... Vous voudriez peut-être compléter?

Mme Prieur (Monique): Vous me permettez de répondre tout de suite?

M. Léonard: Je me demande, à l'heure actuelle, si on peut forcer des gens, des élus municipaux à planifier. Quel genre de coercition finalement faites-vous? Est-ce par une coercition de l'opinion publique qu'on va être amené à planifier ou est-ce une obligation dans la loi qui va tenir lieu de l'intérêt manifesté par les gens eux-mêmes pour faire de la planification? Ça me paraît difficile de forcer les gens, les élus à planifier; même s'il y a un intérêt. S'ils ne sentent pas l'intérêt de le faire, ça me semble difficile ou peu probable qu'un texte de loi puisse arriver à susciter l'intérêt parce qu'il faut qu'il y ait un intérêt à planifier. A la minute où ils s'en rendent compte, ils n'ont plus besoin de délais, ils le font.

M. Gauthier: Je vais passer la parole à Mlle Prieur par la suite. D'accord pour cette liberté, mais il reste qu'il faut aussi protéger, qu'il faut conserver la propriété foncière. Il faut vraiment voir à ne pas gaspiller ce qui ne reviendra jamais. Dans ce sens, il existe un risque de gâter le territoire, si on ne débute pas maintenant, de façon rationnelle et systématique, un aménagement de ce territoire en question. C'est pour ça qu'on aimerait que ce soit obligatoire de commencer ce schéma et qu'on suive un échéancier. Peut-être que pour les quinze, vingt prochaines années, il faudrait qu'on ait tout un processus d'aménagement de notre territoire québécois et que ça se fasse de façon ordonnée.

Mme Prieur: J'aimerais compléter en resituant notre recommandation dans l'esprit où la loi a été rédigée. Si j'ai bien compris les documents qui ont été soumis par le gouvernement, cette loi vient parce que le gouvernement a constaté une certaine anarchie au niveau du développement du territoire. Il y a donc des problèmes réels.

Je me dis que si c'est la volonté politique, si c'est la volonté du gouvernement de solutionner ces problèmes, si c'est sa volonté que le Québec se développe d'une façon rationnelle, on doit se donner les moyens. Puisque jusqu'ici les gens ne l'ont pas fait par eux-mêmes, il faudrait peut-être rendre ça un peu plus contraignant. Cela me semble le premier argument pour mettre une obligation. (16 heures)

A votre question, à savoir si les comtés ne seraient pas suffisamment motivés pour entreprendre d'eux-mêmes ces schémas, je crois que, d'une part, actuellement, on ne peut pas dire que les consciences régionales au Québec soient très développées et, d'autre part, la conscience de l'aménagement n'est pas très développée. Si je me réfère, entre autres, à certains points de vue exprimés ce matin, on a beaucoup parlé qu'il avait fallu sensibiliser les gens, etc. Les gens ne voyaient pas, sauf dix ans après, les erreurs ou les conséquences de certaines décisions. Etant donné que cette conscientisation n'est pas très développée, il

serait peut-être préférable de mettre une obligation de préparer un schéma, mais en l'assortissant d'un certain échéancier parce que les contraintes actuelles de la structure des conseils de comté et les pressions de développement ne sont pas égales partout au Québec.

Autre raison qui nous semble jouer en faveur d'une obligation d'adopter un schéma; c'est qu'en supposant que les gens seraient conscients des problèmes d'aménagement, en supposant qu'il y aurait vraiment une volonté régionale de se doter d'un schéma, il restera toujours les pressions politiques, les pressions des développeurs. Pour avoir vécu l'expérience du schéma de la CRO, je crois que si la CRO n'avait pas été obligée d'adopter un schéma, il n'y aurait pas encore de schéma, bien qu'il y ait eu beaucoup de problèmes évidents.

M. Léonard: Vous ne croyez pas — on pourrait aller un peu plus loin — que c'est parce qu'il y avait peu de cadres formels que les élus municipaux n'étaient pas trop intéressés à s'embarquer dans la confection d'un schéma d'aménagement? S'ils ont un cadre institutionnel comme celui qui est décrit dans la loi, ils vont l'utiliser pour faire de l'aménagement. Il me semble qu'en général, les élus municipaux sont d'accord.

Mme Prieur: En principe, je crois que les gens sont d'accord. Mais lorsqu'on arrive dans la pratique, avec les problèmes politiques, économiques et les contraintes de la vie quotidienne, lorsqu'il s'agit d'affronter les pressions de la population, les. pressions des développeurs, qui se font toujours très agressifs lorsqu'on parle d'aménagement, je crois qu'à ce moment-là, même si les politiciens sont en principe d'accord pour se doter d'un schéma d'aménagement, ils n'ont pas les motifs suffisants, ils ne peuvent pas s'appuyer sur une loi qui les oblige à poser des actions contraignantes.

Je crois que ce serait protéger tout le monde que de leur donner cet argument face à un développeur, en disant: Ecoutez, ce n'est pas moi, c'est la loi.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Léonard: J'avais une autre question.

Le Président (M. Laplante): Excusez-moi. Une autre petite question, M. le ministre.

M. Léonard: Excusez-moi, M. le député. Vous proposez un échéancier pour tout le Québec, même par secteur, pour la préparation des schémas de comté. Qu'est-ce que ce serait pour vous, un échéancier raisonnable, pour le Québec? A partir de quels critères le détermineriez-vous? Un échéancier raisonnable pour faire des schémas d'aménagement au Québec? Est-ce qu'il faut prendre six mois pour le commencer au moins?

M. Gauthier: Je peux vous dire ce que nous avons entendu de la part de personnes très impli- quées dans la confection de schémas, dans notre région, sans les nommer. On parlait de quinze ou vingt ans, comme je le mentionnais tout à l'heure. Et qu'on puisse, de la même façon qu'on le fait pour l'évaluation municipale, que dans un comté donné, où une année, prendre quatre municipalités, si c'est leur année, quatre autres l'année suivante, et quatre autres et quatre autres.

M. Léonard: Vous détermineriez cela par territoires, par grandes régions?

M. Gauthier: Oui, il s'agirait de voir. Et peut-être que cet échéancier aurait un certain nombre de critères. Nous ne nous sommes pas penchés à fond sur cela, mais il reste quand même que le premier critère ou l'élément que je mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire les coins de la province où l'on subit actuellement la plus forte pression urbaine, mériteraient une attention immédiate.

A ce moment-là, peut-être que notre échéancier pourrait subir ce critère, ou on pourrait tenir compte de ce critère et, dans certains coins... cela reste à approfondir, toute cette question de l'échéancier. De notre côté, on n'a pas approfondi la question, mais cela nous semblait une suggestion qui nous est venue comme cela, à quelques reprises, et fort intéressante.

M. Léonard: Sur un autre sujet, à votre recommandation no 10, pourquoi suggérez-vous d'obliger les conseils de comté à adopter un règlement de contrôle intérimaire? Parce qu'il y en a déjà, un contrôle intérimaire, qui est légal, dans la loi. Mais le conseil de comté peut adopter, lui, son propre règlement de contrôle intérimaire. Pourquoi voulez-vous l'obliger à adopter le sien propre?

M. Gauthier: Je laisserais à notre collègue urbaniste le soin de répondre à cette question.

Mme Prieur: Pourriez-vous répéter votre question, la dernière partie de votre question?

M. Léonard: Votre dixième recommandation se lit: "Que le conseil de comté devrait être obligé d'adopter un règlement de contrôle intérimaire." Il y a un règlement de contrôle intérimaire qui est dans la loi, qui est standard pour tous les comtés. Mais vous demandez que le comté adopte son propre règlement de contrôle intérimaire et soit obligé de le faire, alors que la loi l'habilite à le faire, mais ne l'oblige pas.

Mme Prieur: Concernant le contrôle intérimaire, le projet de loi prévoit que le conseil de comté pourra en préparer un. Selon nous, ce serait préférable qu'il soit obligé de l'adopter, parce que le contrôle intérimaire qui est prévu par la loi est très radical; à toutes fins utiles, c'est un gel du développement du territoire. Permettre la construction seulement s'il y a l'aqueduc et les égouts et s'il y a un chemin public, c'est permettre le développement dans les milieux urbains ou en voie d'urbanisation. C'est restreindre tout le développement

du milieu rural, des lots de villégiature, etc. On croit qu'il y aura des conséquences néfastes à un gel aussi radical au niveau du développement économique d'une région. C'est quelque chose qui ne peut être que temporaire. Je crois que, plus cette période de contrôle automatique sera courte, mieux cela vaudra pour un comté.

Le conseil de comté devrait, le plus tôt possible, préparer son règlement de contrôle intérimaire afin de limiter ce déséquilibre, si on veut, ou ce risque de paralysie du développement. Il n'est pas obligé, cela signifie qu'un conseil de comté...

M. Léonard: Mais il va avoir intérêt à le faire, il va avoir son intérêt.

Mme Prieur: II aurait intérêt à le faire, mais cela signifie aussi qu'il peut éterniser cette préparation. On pourrait l'obliger et même, on pourrait peut-être aller plus loin, en l'obligeant dans un certain délai.

M. Léonard: Seulement un dernier point. Vous dites aussi que le règlement de contrôle intérimaire devrait être révisé à la suite de l'adoption du schéma. Pourquoi?

Mme Prieur: Supposons que le conseil de comté fait son règlement de contrôle intérimaire peu de temps après avoir adopté sa résolution et qu'il adopte son schéma trois ans après. Il peut très bien se donner un règlement de contrôle intérimaire s'il y a des normes très générales comme, par exemple, du développement sur un lot à l'acre. Lorsqu'il adopte son schéma, dans ses grandes affectations du sol, il aura prévu certaines normes qui peuvent être plus contraignantes ou moins contraignantes que son règlement de contrôle intérimaire.

Dans l'optique où on se dit que les règlements doivent être conformes au schéma, il me semble tout à fait logique que le règlement de contrôle intérimaire soit le premier règlement qui soit conforme au schéma. C'était dans ce sens-là que le conseil de comté devrait être obligé... Parce que cela pourrait signifier que, si le règlement de contrôle intérimaire n'est pas révisé — je crois que, sous certaines pressions, un comté pourrait céder et ne pas réviser son règlement de contrôle intérimaire — le schéma du conseil du comté pourrait dormir sur la tablette pendant 18 ou 24 mois, en attendant que les règlements locaux soient appliqués. Un règlement de comté pourrait très bien ne pas être appliqué pendant deux ans, mais qu'il y ait un règlement de contrôle intérimaire qui s'applique.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais qu'on revienne très brièvement à cette question des échéanciers obligatoires. Le CRD nous dit: II y aurait lieu de rendre obligatoire l'adoption d'un schéma d'aménagement et, une fois qu'un conseil de comté a adopté une résolution à cet effet, qu'il dispose de 36 mois, au maximum, pour le préparer.

Or, si je ne m'abuse, à la Communauté régionale de l'Outaouais, dans sa loi constitutive, on retrouvait justement une obligation de préparer son schéma d'aménagement en dedans d'une période déterminée. On a vu que cela a été loin de donner le résultat escompté, puisque, en définitive, on a dû amender cette loi à deux reprises avant d'en arriver finalement à avoir un schéma d'aménagement.

Je me pose la question et je la pose au CRD, à savoir quelle serait la force d'un texte législatif qui rendrait cela obligatoire et, en supposant que cela était obligatoire, de quelle façon pourrions-nous intervenir auprès des conseils de comté qui n'auraient pas respecté cette obligation. Qu'est-ce qu'on leur imposerait comme pénalité, par exemple? On pourrait penser à la formule qui existe déjà quant au plan d'urbanisme et dire: La commission nationale les adoptera ou le gouvernement pourra imposer un schéma d'aménagement, mais on s'exposerait à avoir des schémas d'aménagement conçus strictement par le gouvernement un peu partout. Est-ce que vous pouvez parler un peu là-dessus? Est-ce qu'en définitive créer l'obligation dans le texte législatif changerait quoi que ce soit dans la pratique des choses?

M. Gauthier: Vous soulevez, M. Gratton, une très bonne question. Je ne sais pas dans quelle mesure nous pourrions dans un projet de loi éventuel penser à inclure des clauses ou des articles qui pourraient obliger et contrôler cet échéancier, dire, par exemple, pour telle période, en tant de temps, en deux, trois ou cinq ans, c'est tel comté. Je ne sais pas si on devrait numéroter les comtés par chiffres pairs et impairs, en tout cas, trouver une façon... En fait, c'est d'inciter le plus de gens possible à s'embarquer, mais pas tous en même temps. C'est ce qu'on a vite conclu. Si on oblige les conseils de comté à se doter d'un schéma et que tous ensemble, d'ici cinq ans, tout le monde se met à préparer un schéma, on va être vite débordé par les événements. C'est pour cela qu'il faut répartir dans le temps cette exigence pour les comtés de se donner ce schéma. Ce pourrait être des plans quinquennaux pour tant de comtés de telle région ou choisir au hasard chacune des régions ou selon d'autres critères, par exemple, selon la pression urbaine. Vraiment, on n'a pas poussé plus loin la réflexion, mais ce serait un peu difficile, je pense. Cela peut faire partie plus de la programmation. Peut-être que cet échéancier fera plus partie d'un plan et d'une programmation, et non de la loi proprement dite. En fait, ce sera aux gens de bien vouloir approfondir la question.

M. Gratton: Quant à...

Mme Prieur: Est-ce que votre question portait aussi sur l'échéancier de 36 mois pour adopter un schéma régional?

M. Gratton: Egalement, oui.

Mme Prieur: Egalement. Sur cela, je voudrais seulement ajouter que je crois que ce n'est pas superflu de préciser un délai de 36 mois. D'ailleurs, vous fixez un délai de 18 mois pour un plan municipal. Je crois que cela donne toujours un certain cadre d'action.

M. Gratton: D'ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec votre recommandation de porter de 18 à 24 mois le temps dont disposerait une municipalité pour adopter un plan d'urbanisme conforme au schéma d'aménagement du comté. Là aussi on a constaté et on le constate présentement dans l'Outaouais, dans le cadre du schéma d'aménagement de la Communauté régionale de l'Outaouais, qu'il y a bon nombre de municipalités qui ne sont pas encore en mesure de le faire et qui ne le seront pas au bout de 18 mois. A ce moment, je pense qu'il y a un meilleur contrôle, parce que, quand même, le gouvernement ou un organisme supramunicipal peut intervenir et dire: Voici, on l'adopte pour vous, en conformité avec le schéma d'aménagement qu'on a déjà, alors que, lorsqu'on parle du schéma d'aménagement au niveau du comté, cela n'existe pas. De toute façon, je pense qu'on se comprend là-dessus, et il est possible que le ministre trouve une solution à tout cela.

Dans le domaine de la consultation, vous insistez sur le fait que la consultation devrait être décisionnelle, que le référendum devrait être décisionnel, sans quoi vous nous dites même, à la recommandation 12, "que le référendum sur un schéma d'aménagement devrait avoir une valeur décisionnelle, sinon qu'il devrait être abrogé". Est-ce que vous pourriez parler un peu plus là-dessus? (16 h 15)

M. Gauthier: Lors de notre tournée d'information et de sondage, cela nous a été fortement exprimé dans le sens suivant: Concernant la question posée, à savoir que le référendum, après une ou deux consultations préalables, à la toute fin, ait une valeur non pas décisionnelle, mais consultative, les gens du milieu nous ont dit que ce n'était pas à leur goût et qu'il fallait plutôt que les administrateurs locaux soient liés par les résultats du référendum. Compte tenu de notre sondage, on dit que nos rencontres régionales nous démontrent que ce référendum devrait avoir valeur décisionnelle et nous appuyons également, au niveau du CRD, ce que nous disait le sondage en ce sens.

M. Gratton: Lorsque, à la recommandation 15, vous parlez de la nécessité de définir ce qu'on entend par les mots "orientations du gouvernement" et que la population devrait être consultée avant l'adoption de ces orientations — on parle des orientations du gouvernement par rapport à un comté donné — est-ce que vous iriez jusqu'à recommander que ces orientations soient assujetties, elles aussi, au même processus de consultation qu'on retrouve dans le cas du schéma d'aménagement, c'est-à-dire pouvant aller jusqu'au référendum?

M. Gauthier: On n'y a pas pensé, mais vous parlez à un organisme consultatif et de concertation et nous, plus les gens sont impliqués dans toute décision, plus les gens y sont associés, participent à des décisions qui les influencent le lendemain ou le surlendemain, nous sommes d'accord pour qu'il y ait le plus de consultation possible pour que les gens... parce que consultation implique que les gens soient d'abord très bien informés et, ça, informer les gens, c'est même un souhait et une obligation. Plus les gens sont informés, plus les gens peuvent très bien participer au processus démocratique. En ce sens, plus il y a de consultation, plus on est contents et plus il doit y en avoir pour avoir le plus de monde impliqué dans tout ce processus démocratique et décisionnel. Je n'irais pas jusqu'à dire... parce qu'on n'arrive pas avec des modalités précises au niveau des orientations régionales, mais, bien sûr, on s'achemine, au niveau de toutes les régions, vers une consultation — je parle pour le CRD de l'Outaouais, entre autres — et nous avons bien l'intention de nous impliquer éventuellement et d'impliquer surtout la population au niveau des orientations.

Il est possible, en tout cas, qu'il y ait des assemblées publiques, qu'il y ait des rencontres d'information, que les gens nous soumettent, après une étude exhaustive de ces orientations gouvernementales, des recommandations et d'en tenir compte le plus possible pour, par la suite, faire parvenir ça aux gens concernés ou aux autorités concernées. Cela n'ira peut-être pas au référendum, on n'a pas les moyens, mais il reste quand même qu'on va faire tout l'effort nécessaire.

En réponse précisément à votre question, je n'irais pas jusqu'à dire que le référendum devrait exister dans le cas des orientations, mais, au moins, qu'il y ait de la consultation bien systématique et organisée et non pas à la sauvette et de faire des pressions de dernière minute. Il faut laisser le temps aux gens de bien réagir et à la population de s'associer à ce processus.

M. Gratton: Et d'être bien informés, comme vous l'avez dit. On sait, par exemple, que le projet de loi prévoit l'obligation pour le conseil de comté de faire parvenir, à tous les électeurs certaines informations sur le rôle d'évaluation, d'abord au niveau des esquisses préliminaires ou du schéma préliminaire et, ensuite, au moment de l'adoption du schéma lui-même. Cela s'applique également dans le cas des plans d'urbanisme des municipalités. Verriez-vous d'un bon oeil que le texte de loi fasse la même obligation au gouvernement quant à ses orientations? Là, on ne parle plus de tenir un référendum sur la question, mais tout au moins que le gouvernement ait l'obligation de fournir aux électeurs un résumé de ses orientations.

M. Gauthier: Je ne sais pas, mais il y a peut-être ici un danger de duplication. Parce qu'il reste

quand même que les schémas de comté, à mon sens, devront respecter, inclure et tenir compte des orientations gouvernementales.

A prime abord, j'aurais tendance à dire qu'il faudrait, quand le schéma va se préparer, que l'on tienne compte le plus possible des orientations et même que cela fasse partie déjà de ce processus de consultation à la base, c'est-à-dire au niveau des municipalités et du conseil du comté. Mais de là à rendre cela encore plus systématique au niveau des orientations et peut-être que, demain et après-demain, il y aura d'autres mécanismes, il ne faudrait quand même pas alourdir le mécanisme, mais bien faire ce qu'on fait et donner le temps aux gens de bien réagir à ce qu'on leur présente.

Mme Prieur: Peut-être pour compléter, si je me réfère aux opinions que des groupes et des individus nous ont exprimées lors de la mission "information sondage", il serait souhaitable que l'information sur les orientations du gouvernement soit diffusée le plus largement possible dans le public. Les gens tiennent à savoir exactement quel est ce contenu. Tout cela, préalablement au schéma.

M. Gratton: Oui, peut-être qu'il serait possible au gouvernement de le faire plus complètement en le faisant directement qu'en l'incluant, parce que je reconnais ce que vous disiez, M. Gauthier, que, bien entendu, la formule préliminaire que doit faire parvenir le conseil de comté à ses électeurs devrait normalement inclure les orientations du gouvernement. Il serait peut-être plus facile pour les citoyens d'en réaliser l'ampleur, si c'était fait directement par le gouvernement.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais maintenant vous demander d'élaborer un peu plus votre recommandation no 17 "qu'il y a lieu d'étudier le bien-fondé d'une Commission nationale de l'aménagement parallèle à la Commission municipale du Québec". Je vous dis tout de suite que j'ai un préjugé favorable pour le doute que vous énoncez dans votre recommandation. Vous parlez également des implications juridiques des dispositions contenues dans le projet de loi; pouvez-vous élaborer un peu votre pensée là-dessus?

M. Gauthier: Pour commenter votre propos, je vous référerais peut-être à ce que nous disait le Barreau de Hull à la page 37. Je laisse habituellement s'exprimer les hommes de loi et les experts en la matière et cela a été justement soulevé par le Barreau de Hull et on a là, en fait, une argumentation. Ce sujet a été étudié particulièrement par le comité du Barreau de Hull chargé de l'étude du projet de loi 125. "Après examen attentif des pouvoirs et du fonctionnement de la Commission nationale de l'aménagement, le comité considère que plusieurs des fonctions dévolues à ladite commission sont actuellement détenues et exercées par la Commission municipale du Québec.

De l'avis du comité, la mise sur pied d'un tel organisme constituerait un alourdissement de la structure gouvernementale. Aussi, afin d'éviter le tout, le comité est d'avis qu'il est inutile de créer un nouvel organisme et que le rôle qu'on veut confier à cette nouvelle commission devrait plutôt être dévolu à la Commission municipale du Québec. De plus, en accord avec les principes énoncés dans le titre traitant des pouvoirs du gouvernement, le comité est d'avis que les pouvoirs de la commission nationale devraient rester tels qu'ils sont actuellement en regard des règlements municipaux adoptés par les municipalités.

Enfin, le comité est également d'avis que toute disposition visant à écarter le droit des municipalités ou des individus à s'adresser aux tribunaux de droit commun devrait être écartée. De l'avis du comité, les tribunaux de droit commun sont encore les meilleurs protecteurs du processus démocratique de la liberté des collectivités et des individus.

C'est en fait une transmission de cette position de la part des gens du Barreau de Hull et nous, n'étant pas experts, bien sûr, comme CRD, et n'ayant pas encore des conseillers juridiques et des hommes de loi au sein de notre personnel, en conséquence, nous demandons plutôt que cette analyse soit sérieusement faite pour voir la différence très nette entre les deux et que toutes les explications soient données, parce que cela n'apparaissait pas tellement clair dans l'esprit des avocats du Barreau de Hull.

M. Gratton: II y a des considérations d'ordre juridique qui, comme c'est votre cas, m'impressionnent, bien sûr, mais qui ne me touchent pas personnellement parce que, peut-être, je ne suis pas en mesure d'en saisir toute la portée. Je présume que le ministre a le personnel voulu pour le faire mais, du strict point de vue administratif, il me semble qu'on aurait avantage à examiner l'opportunité de confier les tâches qui sont dévolues par le texte de loi à une Commission nationale d'aménagement à la Commission municipale, qui est déjà en place et qui, à toutes fins utiles, a sûrement plusieurs des pouvoirs qu'on devra lui enlever, éventuellement, au profit d'une commission nationale d'aménagement. Je n'en suis pas encore au point où l'Union Nationale en est rendue à ce point de vue, mais il me semble que la création de nouvelles commissions et d'organismes publics de toutes sortes ne devrait pas être un objectif en soi.

Cela étant dit, M. le Président, vous me permettrez peut-être, étant donné l'arrivée de mon collègue de Montmagny-L'Islet, qui est un expert en matière de zonage agricole, de demander à nos invités d'expliciter leur recommandation 23, selon laquelle on devrait conserver aux municipalités leurs pouvoirs de réglementation en matière de zonage agricole. Que veut-on dire par ça et quels sont ces pouvoirs que le CRD prête aux municipalités en matière de zonage agricole présentement?

Mme Prieur: Telle que nous l'avons comprise, la proposition gouvernementale, par rapport au zonage agricole, aurait été de transférer aux conseils de comté les pouvoirs que les municipalités

ont actuellement de zoner leurs territoires agricoles et d'émettre des permis concernant le développement de ce territoire. Nous avons donc compris qu'il s'agissait de transférer ces pouvoirs municipaux aux conseils de comté, pour un développement mieux coordonné, une protection mieux coordonnée des territoires agricoles.

Etant donné qu'il y a déjà la loi 90 qui est en vigueur, nous estimons qu'il serait moins compliqué de compléter le plus tôt possible l'identification des terres agricoles et étant donné qu'actuellement, la loi 90 est appliquée par les municipalités, puisque ce sont elles qui ont le pouvoir de redéfinir, de repréciser leur zonage et qui ont les pouvoirs d'émettre les permis, nous ne voyons pas pourquoi, alors que les conseils de comté ne sont pas actuellement restructurés, ce seraient eux qui, du jour au lendemain, auraient à prendre ces nouveaux pouvoirs, alors qu'actuellement, les municipalités sont beaucoup mieux équipées et fonctionnent déjà dans ce sens.

Si on se place dans l'optique où les terres agricoles à protéger sont identifiées par la loi 90, il devient alors évident que les conseils de comté auront, de façon obligatoire, à récupérer ce zonage, à l'intérieur de leur schéma d'aménagement. A ce moment, ça se fera d'une façon naturelle, coordonnée avec l'ensemble de l'élaboration du schéma et les municipalités, par la suite, devront de toute façon réinclure ça dans leurs plans municipaux. C'étaient les raisons qui nous motivaient à laisser ce pouvoir aux municipalités, puisque déjà elles s'acquittent de cette tâche en vertu de la loi 90 et même d'autres municipalités s'en acquittent en fonction de leurs règlements de zonage, en fonction de leurs pouvoirs de réglementation de zonage.

M. Gratton: En fait, ce qui m'a fait poser la question, c'est justement que, dans le cas des municipalités qui ne sont pas couvertes par la loi 90, où il n'y a pas de zone agricole désignée, je reconnais que les municipalités ont encore certains pouvoirs en matière de zonage agricole. Mais, dans le cas des municipalités où il y a effectivement un zonage agricole décrété par la loi 90, à toutes fins utiles, je tiens pour acquis que la municipalité n'a plus de pouvoirs. Elle a le pouvoir de faire une demande à la commission de protection, de contrôle pour faire changer la délimitation du territoire désigné, mais c'est un pouvoir qui, vous en conviendrez, est assez minime, compte tenu que la commission de contrôle peut, derechef, rejeter la demande et qu'il n'y a même pas de droit d'appel pour la municipalité auprès de quiconque.

Donc, c'est dans ce sens que je posais la question, parce que si, effectivement, on se rend à votre désir de délimiter, en autant que faire se peut, sur l'ensemble du territoire, le territoire agricole à protéger, automatiquement, tout ça tombe sous la juridiction de la Commission de contrôle du territoire agricole et, à toutes fins utiles, votre municipalité ne peut même plus émettre un permis de construction sans avoir obtenu un certificat de conformité de la commission.

Or, je tiens pour acquis qu'à ce moment, la municipalité en prend pour son rhume quant aux pouvoirs qu'elle a; elle n'en a plus, à toutes fins utiles.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Gratton: Je m'excuse, mais est-ce que Mme Prieur voudrait réagir à ça? (16 h 30)

Mme Prieur: Je voudrais seulement apporter l'autre partie de notre argumentation, soit le fait que la protection du territoire agricole est quelque chose qui nous semble prioritaire actuellement. C'est quelque chose qui est déjà en marche, alors que les conseils de comté ne sont pas prêts, aujourd'hui pour demain, à prendre cette administration. Ils ne sont pas équipés, administrativement, pour prendre ça. Il vaut mieux laisser aux municipalités le peu qu'elles ont. C'était l'autre partie.

M. Gratton: Je pense qu'on devrait leur conserver le peu qu'elles ont, mais je vous dirai qu'il faudrait consulter le document d'harmonisation de la loi 90 et du projet de loi 125 pour se rendre compte qu'il y a plusieurs hypothèses, mais qu'on ne sait toujours pas les intentions du gouvernement sur l'administration de tout ça.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Très brièvement. Les représentants du CRD de l'Outaouais nous disent que les citoyens qu'ils représentent et qu'ils ont consultés sont d'accord avec le principe de ce projet de loi, mais que dans sa forme actuelle le projet de loi 125 ne satisfait pas entièrement aux attentes des citoyens. C'est ce que je retrouve à l'article d), au début de votre mémoire. Dans quel pourcentage les gens que vous avez consultés ne sont-ils pas d'accord avec l'application de ce projet de loi dans sa forme actuelle? Est-ce que vous avez des chiffres? Est-ce que vous pouvez dire 10%, 60%? Autrement dit, si on devait l'adopter tel quel en troisième lecture, est-ce qu'on devrait l'adopter, même si on est d'accord avec le principe?

Vous nous dites: Les gens que nous avons consultés sont d'accord avec le principe, ce qui laisse entendre qu'on n'est pas prêt à l'adopter dans sa forme actuelle, mais suivant quel pourcentage? Est-ce qu'il y a seulement quelques faits qui accrochent?

M. Gauthier: En fait, pour répondre à votre question, selon les rencontres régionales que nous avons faites et les personnes que nous avons consultées, si nous additionnons les gens totalement d'accord et ceux moyennement d'accord, plus ceux faiblement d'accord, il y a quand même 69% des gens qui tendent à accepter un projet de loi sur l'aménagement. Bien sûr que plusieurs ont soulevé nombre de questions que l'on retrouve

dans le présent avis. Seulement 31% n'étaient pas du tout d'accord ou ne donnaient aucune réponse selon ce que nous présentons ici.

M. Goulet: Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, suite aux propos du député de Gatineau, vous soutenez qu'un référendum devrait avoir une valeur décisionnelle. S'il n'y a pas d'entente sur le plan de l'aménagement, qui, d'après vous, devrait trancher en dernier lieu la question?

Si, au niveau du conseil de comté et de certaines municipalités, on ne s'entend pas, qui devrait trancher la question? Est-ce que c'est le ministre, est-ce que c'est par le moyen d'un référendum? S'il n'y a pas entente ou unanimité, comment devrait-on trancher la question?

M. Gauthier: Je pense qu'il y a deux options possibles: soit qu'on retourne aux gens directement concernés à la base par nombre de mécanismes, soit qu'on remette la décision finale à la commission nationale ou au ministre, au cabinet. En fait, soit qu'on prenne une décision par le bas ou par le haut. Entre les deux, je favorise celle venant de la base.

Mme Prieur: Si, après la décision du référendum, des municipalités ne sont pas encore tout à fait d'accord avec le schéma qui demande une adoption aux deux tiers des voix, nous avons indiqué une recommandation, je ne sais plus quel numéro, selon laquelle une fois le schéma adopté aux deux tiers des voix, même s'il y a eu référendum, qu'il soit décisionnel ou non, il peut très bien arriver que des municipalités soient fortement opposées au contenu du schéma, nous avons indu une recommandation selon laquelle il y devrait y avoir un certain délai prévu pour qu'une municipalité puisse loger une requête au ministre des Affaires municipales ou au ministre d'Etat à l'aménagement, par laquelle la municipalité pourrait formuler ses objections et soumettre ses recommandations.

M. Goulet: Cela veut dire que même si elle était adoptée selon votre recommandation, aux deux tiers des votes, une majorité de deux tiers, le ministre pourrait renverser cette décision.

Mme Prieur: Actuellement, il n'y a rien de prévu à cet effet.

M. Goulet: Ce que vous suggérez...

Mme Prieur: Nous, ce que nous suggérons, c'est une dernière instance, une dernière possibilité. Actuellement, tel que le projet de loi est écrit, une municipalité qui ne serait pas d'accord avec une certaine partie ou la totalité du contenu n'a plus rien à dire, n'a plus aucun recours une fois que le schéma est adopté.

Il pourrait très bien arriver la situation suivante: Qu'il y ait un référendum régional, que les gens, au référendum, se prononcent en faveur du schéma, mais que dans une municipalité, par contre, au moment du référendum, les gens se prononcent contre et que, par la suite, le conseil de comté adopte le schéma. Ces gens-là sont toujours contre et ils n'ont toujours rien à dire. Et en supposant que c'est par rapport aux dispositions du schéma qui s'applique chez eux qu'ils sont contre, il nous apparaît souhaitable qu'ils puissent avoir un certain droit de parole auprès d'une instance supérieure.

M. Goulet: Mais s'il s'agit par exemple du tracé d'une autoroute. On va quand même débattre cela au niveau du ministre, même si les deux tiers ou 75% des municipalités, au niveau du conseil de comté, se sont prononcées pour. On permettra quand même à une municipalité de faire valoir ses droits au niveau du ministre et le ministre au niveau du cabinet du ministre et le ministre pourrait, à ce moment-là, renverser une décision majoritaire de la région. En tout cas, c'est ce que vous suggérez.

Mme Prieur: On dit: "Pourrait" renverser une décision. C'est l'expérience qui a été vécue au niveau de la CRO et je crois que c'est une soupape de sûreté de mettre un mécanisme comme cela.

M. Goulet: Mais est-ce que ce serait bien pour la démocratie, une telle chose?

Mme Prieur: C'est ce qui...

M. Goulet: M. le Président, une toute dernière question très courte. Est-ce que, d'après les représentants du CRD de l'Outaouais, les coûts engendrés par ce projet de loi au niveau des petites municipalités — et j'avoue que je ne connais pas très bien la région de l'Outaouais — j'entends 1500, 2000, 2500 habitants, ne forceront pas une fusion des petites municipalités? Est-ce que vous vous êtes penchés sur ce cas en particulier?

M. Gauthier: Non. Pour être honnêtes, nous ne nous sommes pas penchés particulièrement sur l'éventualité d'une fusion ou de choses comme cela. Ce que les gens ont dit, c'est que cela coûterait de l'argent, bien sûr, probablement passablement d'argent et que, quand même, ils désiraient avoir cette consultation, de façon générale, et qu'ils étaient prêts à en payer le coût, en autant qu'ils soient également aidés d'autorités supérieures. De leur côté, par rapport à cela, ils étaient consentants à en assumer le coût.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Deux-Montagnes, une dernière question courte.

M. de Bellefeuille: Je vous préviens, M. le Président, qu'elle aura peut-être deux volets. Madame et messieurs les représentants du Conseil régional de développement de l'Outaouais, une chose, entre autres, est frappante, dans votre mémoire. C'est à la recommandation 14, à propos d'une consultation qui se tiendrait avant l'adop-

tion des règlements de zonage, de lotissement, de construction. Votre mémoire dit que cette recommandation correspond à un sentiment unanime, à une opinion unanime chez les gens que vous avez consultés. Or, vous avez consulté pas mal de gens, six soirées d'information et d'autres modes de consultation. Cette unanimité est assez frappante. Je voudrais vous demander quelle importance vous accordez à cette consultation par rapport aux autres consultations qui sont prévues dans le projet de loi. Et deuxième aspect de cette question, est-ce que vous ne pensez pas que les questions dont il s'agit, règlements de zonage, de lotissement et de construction, sont, en quelque sorte, beaucoup plus techniques que le schéma d'aménagement et le plan d'urbanisme qui ont une portée beaucoup plus générale? Et est-ce que cette objection a été évoquée dans vos consultations, si c'en est une?

M. Gauthier: En fait, il y a deux ou trois possibilités de réponse, mais je dois dire que si j'avais à donner une priorité à un type de consultation, j'irais à celle qui touche le plus directement possible le citoyen de tous les jours. C'est en ce sens que la consultation préalable à l'adoption de règlements locaux toucherait beaucoup plus le citoyen et j'aurais tendance à favoriser ces consultations préalables à l'adoption de règlements locaux, lorsqu'on sait que, par exemple, la consultation au niveau du plan directeur d'urbanisme, c'est facultatif au niveau local et que, pour ce qui concerne les consultations au niveau du schéma de comté, c'est quand même de plus haute voltige, si on se place dans la peau du citoyen. En fait, c'est pour cela que la presque totalité des gens qu'on a consultés étaient d'accord pour dire: Ecoutez, s'il y a quelque chose qui peut me toucher directement demain matin, c'est le lotissement, ce sont les normes de consultation, en fait, ce sont des règlements locaux. Ils ont dit: Comment se fait-il que dans la loi, on prévoit des schémas de comté, on prévoit un plan directeur d'urbanisme et qu'on prévoit beaucoup de consultations là-dedans, mais que, quand il s'agit d'une chose très concrète du quotidien, on n'est même pas consultés et que c'est seulement au moment où on en vient à la modification de règlements locaux... Ils disent: "Mautadite" affaire, qu'on nous consulte. Cela nous concerne beaucoup plus directement et on veut là-dessus être consultés. C'est pour cela qu'on a eu presque l'unanimité. Je ne sais pas s'il y a d'autres...

Le Président (M. Laplante): Je vais vous demander de raccourcir vos réponses le plus possible, parce qu'on a déjà trente minutes de retard.

M. Gauthier: D'accord.

M. de Bellefeuille: M. le Président, dernière question, très rapidement. La loi 125 prévoit la mise en place d'un pouvoir qui est largement un nouveau pouvoir entre le pouvoir national et le pouvoir municipal à l'échelle de comtés redécoupés. Compte tenu de cela, croyez-vous que le rôle de votre conseil régional de développement et plus généralement des CRD sera modifié?

M. Gauthier: Je dois vous avouer que cela nous préoccupe beaucoup, mais qu'on n'a pas le temps d'y penser quand on travaille sur des consultations comme cela. Nous n'avons pas le temps suffisant pour pouvoir y penser, mais cela ne me fait pas peur, dans le sens que nous nous ajusterons au fur et à mesure de l'évolution de nos structures québécoises et on s'ajustera très bien à partir de ces comtés renouvelés et de ces nouvelles régions administratives qui vont d'ailleurs débouler et découler de cette refonte des comtés éventuellement. On va s'ajuster à travers tout cela. Est-ce que les CRD deviendront les mécanismes officiels de consultation au niveau de la région administrative et qu'au niveau du comté il y a certains mécanismes que les comtés voudront bien se prévaloir de développer dans l'avenir? Il s'agira d'ajuster au fur et à mesure, mais, pour le moment, cela ne nous inquiète pas le moins du monde et on est passablement sûrs de l'avenir des CRD.

Le Président (M. Laplante): Le député de Papineau, courte et dernière question.

M. Alfred: M. le Président, la question aura la longueur qu'elle doit avoir. Je félicite les membres du CRD de l'Outaouais pour leur travail.

M. Goulet: M. le Président, je vais tenter de soulever une question de règlement à votre place.

Le Président (M. Laplante): Non, je saurai quand le couper.

M. Alfred: J'ai été témoin du travail de consultation que vous avez fait. Nous, dans l'Outaouais, nous sommes très friands de ces concepts. Cependant, j'ai lu votre mémoire et il y a une page qui a retenu mon attention. A la page 28, vous avez parlé, je crois, de représentation arbitraire. J'aurais voulu que vous précisiez ce que vous entendez par "représentation arbitraire" ou représentation basée sur le statut d'une municipalité. L'expression "représentation arbitraire" veut dire quoi?

Mme Prieur: Dans notre esprit, il s'agissait que les gens à la table du conseil de comté s'entendent sur un chiffre arbitraire, sur un chiffre purement décidé sans entente sur aucun critère, tout comme actuellement, au niveau de la Communauté régionale de l'Outaouais, la ville de Hull, qui a la plus grosse population, n'a pas un nombre de représentants ou de voix proportionnel à sa population, mais un nombre de représentants fixé arbitrairement à quatre.

M. Alfred: Excusez-moi, quand vous dites "non", vous voulez dire que la ville de Gatineau,

avec 76 000 habitants, est moins bien représentée que la ville de Hull, qui a 60 000 habitants? (16 h 45)

Mme Prieur: C'est ce que vous ajoutez. L'autre possibilité que les gens nous ont soulignée, c'était que les municipalités rurales aient un vote et la possibilité qu'à cause de leur statut de municipalités urbaines, celles-ci aient droit à un représentant supplémentaire. C'était une autre formule possible.

M. Gauthier: En fait, on en arrive à la conclusion qu'il y a des endroits au Québec où il y a des comtés qui nécessiteront une formule maison. Il n'y aura pas de formule magique, dans le sens que, si on prend un comté — l'exemple du comté de Gatineau — il y a une ville. A ce moment, c'est un "gentlemen's agreement" des gens de la table du conseil du comté qui vont en venir, de façon arbitraire, sans aucun critère... Ils vont dire: C'est à peu près ce qu'on pense comme collectivité. Alors, il n'y aura pas de norme, ni de critère, ni de chose comme cela. Ce sera possible, dans certains comtés du Québec, tenant compte de...

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Alfred: C'était la question qui me préoccupait. Je vous remercie.

M. Léonard: M. le Président, je dois vous remercier du travail intense que vous avez fait là-dessus, parce que je sais que, depuis un mois et demi, vous y travaillez particulièrement et que vous avez dû, comme on l'a vu dans le mémoire, tenir plusieurs séances de consultation dans la région de l'Outaouais. En tout cas, cela a produit des fruits très positifs et un travail exemplaire. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Laplante): Sur ce...

M. Gratton: Je voudrais, au nom de l'Opposition officielle et surtout à cause du fait que le Conseil régional de développement de l'Outaouais a quand même fait un travail extraordinaire dans mon coin de pays, moi aussi me joindre au ministre pour remercier ces gens de leur contribution. Nul doute que, pour toutes les questions qu'on aurait voulu vous poser aujourd'hui, ce que nous n'avons pu faire à cause des contraintes, nous pourrons continuer le dialogue entre nous dans l'Outaouais même.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, Mme

Prieur, M. Landry, M. Gauthier, les membres de cette commission vous remercient de votre mémoire. J'appelle maintenant le Conseil de comté Lac-Saint-Jean-Ouest. Oui, monsieur, si vous voulez identifier votre organisme, vous identifier et les membres qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Gratton: Je m'excuse, mais me permet-triez-vous de demander la permission à la commis- sion pour que notre collègue de Roberval, qui est quand même impliqué par la présentation des gens du conseil de comté du Lac-Saint-Jean, puisse être considéré intervenant pour l'audition de ce...

Le Président (M. Laplante): Consentement. Les membres ont accepté.

M. Chevrette: Je suis même prêt à suggérer à l'Opposition là-dessus qu'il en soit de même quand un député reçoit un groupe de son comté, qu'on se donne la permission pour la durée de la commission. Par exemple, si L'Assomption vient, que le ministre des Finances puisse venir.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Ce qui prévaut pour le député de Roberval prévaudra aussi pour d'autres députés dont les intervenants seront du comté du député. Merci. Monsieur, si vous voulez vous identifier et identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest

M. Bouchard (Louis-Hervé): Merci, M. le Président. Mon nom est Louis-Hervé Bouchard, maire de Normandin, préfet de comté, Lac-Saint-Jean-Ouest; mon collaborateur à l'extrême gauche est le sous-préfet, M. Marc Garneau, maire de Saint-Prime; mon autre collaborateur est M. Lionel Tremblay, membre de l'exécutif du conseil de comté, maire de Saint-Edmond-les-Plaines; à ma droite, comme tout bon secrétaire, c'est M. Gérard Boivin, le secrétaire du conseil de comté Lac-Saint-Jean-Ouest.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de l'Opposition, M. Goldbloom, représentant du Parti libéral, M. Goulet, député de Bellechasse, représentant de l'Union Nationale, MM. les députés du Parti québécois, messieurs, je dois d'abord, comme il se doit, remercier le ministre. Je vais parler plus fort parce qu'assurément, en arrière, nous avions beaucoup de difficulté à comprendre. Vous allez admettre avec moi que ce n'est pas un aveu de force. Probablement que je commence à être dur d'oreille, ce n'est pas un signe de jeunesse, mais on avait beaucoup de difficulté à comprendre en arrière. Mes premiers mots seront pour M. de Bellefeuille; vous ne me connaissez pas, mais je vous connais. Je dois remercier le ministre d'avoir lancé ce grand projet dont, de mémoire, il était question dans les annales politiques québécoises. Enfin, nous avons un document de travail sur lequel nous pouvons travailler aujourd'hui. Enfin, les conseils de comté que jadis, on enterrait chacun leur tour, me paraissent vouloir ressusciter plus forts que jamais. Je pense qu'à ce moment-là, M. le ministre Léonard, vous devez être félicité.

Je voudrais vous dire, avant d'aborder le principal de notre mémoire, M. le ministre, si vous me le permettez, que nous ne venons pas ici pour

causer de l'embarras au gouvernement, au contraire. Nous ne venons pas ici pour nous féliciter mutuellement. Nous venons ici pour essayer d'appliquer le plus positivement possible, avec le moins d'erreurs possible, l'aménagement du territoire. C'est le but qui nous amène ici cet après-midi, et je suis convaincu, M. le ministre, que vous seriez déçu si nous ne marchions pas dans ce sens.

Je voudrais vous dire une autre chose, M. le ministre. Vous allez peut-être être surpris: je suis maire d'une ville nouvellement fusionnée et je suis quand même encore préfet du Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest. Je voudrais vous dire ceci: Nous, les maires ruraux, nous avons appris à travailler avec la loi et c'est pour ça qu'aujourd'hui, malgré toutes les grandes questions, je suis maire d'une ville et que je peux quand même venir défendre ce que j'ai défendu depuis une vingtaine d'années, soit le monde rural et les conseils de comté.

M. le ministre Jacques Léonard, ministre de l'aménagement, je mentionnais M. Jean Garon, parce qu'il est indubitable que nous ne pouvons absolument pas chasser de notre esprit la Loi sur le zonage agricole qui, à mon avis et à notre avis, fait partie intégrante de l'aménagement du territoire. C'est pour cela que j'avais espéré — il y a peut-être quelqu'un, je ne les connais pas tous — que quelqu'un faisant partie du ministère de l'Agriculture soit ici cet après-midi. En tout cas, M. le ministre, je vous connais très bien, je sais que vous ferez le message.

Le présent mémoire, M. le ministre, a pour but de vous faire connaître les prises de position du Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest — c'est la première phrase de notre mémoire parce que nous la trouvons importante — sur la nouvelle Loi du zonage agricole et le projet de loi sur l'aménagement du territoire.

Nous croyons sincèrement, M. le ministre, que les municipalités rurales, conscientes des implications de ces lois sur leurs développements futurs, ont leur mot à dire avant qu'il ne soit trop tard, ayant été par le passé trop souvent ignorées malgré leurs cris pressants de moins en moins entendus.

Le conseil de comté, M. le ministre, a toujours été à l'origine de la revalorisation des conseils de comté — le Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest, mais il y en a d'autres aussi — pour leur donner les pouvoirs nécessaires, afin qu'ils puissent, une fois pour toutes, jouer leur rôle et pouvoir faire d'une manière harmonieuse le développement du territoire dont, à notre avis, ils sont les seuls possédants.

Il est contre nos pensées de nuire, M. le ministre, à l'expansion normale de nos consoeurs, les villes, dans leurs besoins d'agrandissement. Cependant, vous allez admettre avec nous que, trop souvent, les villes et surtout le ministère des Transports et de la Voirie et le Canadien National, pour en nommer quelques-uns, ont fait fi des droits des municipalités. Tous ces organismes, sans exception, y compris le gouvernement, en se servant de la Loi de l'expropriation ont littéralement torpillé ou fendu en deux ou en pointes nos plus belles, terres agricoles, causant un dommage irréparable, pour ne pas dire un désastre, et ils ont fait perdre une grande partie de la valeur de ces terres. Les municipalités qui veulent faire de l'urbanisation sont obligées de tenir compte de toutes ces composantes qui ont des droits acquis sur notre territoire.

Non content de tous les problèmes que nous avons déjà, il fallait que le ministre de l'Agriculture vienne compliquer la situation en faisant passer une loi centralisatrice, en enlevant aux municipalités le contrôle de leur développement, en se réservant un droit unilatéral sur le développement agricole. Je peux vous en donner un exemple: dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, M. le ministre, il est question de l'autoroute Aima-La Baie. A l'heure actuelle, on est en train de faire un tracé qui va couper en deux nos plus belles terres agricoles de ce coin et ces gens ont beaucoup de misère à défendre leur droit de propriété.

Il serait beaucoup plus simple et plus démocratique de confier ce contrôle à une commission d'urbanisme municipale et on aurait pu donner une place importante au représentant de l'UPA. Si nécessaire, dans le cas des municipalités n'ayant pas ce service, on aurait pu en donner la responsabilité au conseil du comté.

D'abord, au point de vue de la logique et de la réalité politique, il nous faut tenir compte d'un intervenant que sont les villes. C'est pour ces raisons que notre conseil de comté, depuis une quinzaine d'années, s'est penché sur cette question en recommandant que les villes fassent partie des conseils de comté ce qui nous paraît, à l'heure actuelle, favorisé par votre ministère, M. le ministre.

Il est bien entendu que ce n'est pas une chose facile. Il faudra tenir compte de la question démographique, de la population et également des municipalités rurales. Il est bien entendu que nous allons rencontrer des difficultés; nous devrons partager la représentativité, la partie financière de chacune des composantes, le nom des nouveaux conseils de comté et leurs divisions territoriales. En ce qui concerne le Lac-Saint-Jean-Ouest, nous croyons que ses limites actuelles répondent parfaitement aux besoins économiques et politiques de notre comté.

Par une loi, le gouvernement devra engager formellement sa participation financière et, bien sûr, le ministre nous assure que, dans un premier temps, ces subventions seront discrétionnaires et plus tard statutaires.

Permettez-moi, M. le ministre... Je n'ai pas envie de commenter les mémoires qui ont été présentés par d'autres, mais j'ai remarqué une phrase où vous avez cité des chiffres. Dans le budget de M. Parizeau, nous ne voyons absolument rien, au point de vue fiscalité, qui va donner des pouvoirs fiscaux à ces nouvelles communautés pour pouvoir s'administrer. Vous avez parlé tantôt — si je fais erreur, je suis prêt à me rétrac-

ter — j'ai cru comprendre que vous aviez parlé de $2 millions. $2 millions, entre nous, M. le ministre, on ne va pas loin avec cela aujourd'hui.

Nous aimons croire, M. le ministre, que vous êtes sincère et ne doutons aucunement de votre bonne foi, mais l'expérience passée nous oblige à être très prudents devant le grand argentier qui ne se gêne pas pour couper les crédits aux différents ministères. Une autre expérience vécue: les mises en application des politiques du ministre des Affaires municipales... J'avais espérance qu'il y soit parce que je voudrais lui dire d'abord que le ministre des Affaires municipales, nous, les municipalités, nous le considérons comme un homme apolitique et nous le considérons comme notre porte-parole pour défendre les municipalités auprès du Conseil des ministres. Alors j'avais espérance que M. Tardif y soit pour pouvoir lui dire cela. Alors, le ministre des Affaires municipales a mis sur le dos des municipalités la presque totalité de son développement avec des programmes qui, à première vue, paraissent intéressants mais la réalité est tout autre lorsqu'arrive le temps de se qualifier pour ces programmes. ( 17 heures)

M. le ministre, vous allez nous permettre de nous poser de sérieuses questions. Où prendrez-vous l'argent pour financer les géants que seront les nouveaux conseils de comté, quand on sait qu'il en manque déjà pour financer les programmes d'infrastructures des municipalités locales?

M. le ministre, je remarque, d'après les mémoires qui ont été présentés ici, que nous sommes le seul conseil de comté qui a risqué de se mettre la tête sur la bûche et de faire des propositions concrètes. Nous...

Le Président (M. Laplante): M. le maire, excusez-moi de vous interrompre, c'est qu'il vous reste environ cinq minutes pour lire la balance de votre mémoire. Je pense que ces questions que vous abordez en dehors du mémoire, vous pourriez peut-être les insérer dans les questions que le ministre ou les membres de cette commission pourraient vous poser.

M. Bouchard: J'ai oublié une chose, M. le Président. Je vous remercie de votre intervention, mais, hors texte, j'ai quelques questions que je n'ai pas voulu soumettre au ministre, pour qu'il n'ait pas le temps de se préparer pour y répondre!

En tout cas, je vais suivre vos directives, M. le Président. Nous sommes prêts à prendre les risques de certaines recommandations.

Nous nous opposons à ce que les nouveaux conseils de comté prennent le nom d'une ville, parce que cette dernière serait en évidence par rapport aux autres. La représentation devrait se faire comme suit: Une municipalité rurale, un représentant. Un représentant pour les villes, plus un représentant additionnel pour 5000 âmes de population jusqu'à concurrence de 20 000 âmes.

Au niveau du financement, dans le comté de Lac-Saint-Jean-Ouest, la répartition devrait être égale entre les villes et les municipalités rurales.

Un endroit pour le chef-lieu devrait être choisi, il devrait y avoir des réunions le deuxième lundi — on met le deuxième lundi parce que, ordinairement, chaque conseil municipal siège le lundi — de chaque mois. Le président devrait être nommé pour deux ans. L'élection du préfet ou du président devrait être faite par les représentants qui composent le conseil de comté. Les membres de l'exécutif seraient au nombre de cinq. Des frais de représentation devront être prévus pour les membres de l'exécutif avec frais de déplacement.

Le bureau de secrétariat devrait être centralisé le plus possible. Je vous ferai remarquer, M. le ministre — si vous me le permettez, M. le Président — que les municipalités rurales sont représentées par un représentant par municipalité, peu importe la population. Nous sommes très généreux pour les villes, on tient compte de leur population. Prenez, par exemple, lorsqu'on faisait partie du conseil de comté, on était 3800 à Normandin et on avait un représentant, alors qu'aux villes on donne des représentants additionnels.

M. le ministre, messieurs de la commission, messieurs les membres de l'Opposition, nous vous avons présenté ce qui est à notre avis, la voix du bon sens et de la logique, de la modération. Nous sommes prêts à nous battre pour défendre ce qui, selon nous, est dans l'intérêt tant des gouvernements supérieurs que de notre population.

M. le ministre, nous allons être vigilants, parce que nous ne voulons pas que les erreurs qui se sont produites au niveau scolaire se répètent au niveau municipal.

Le mémoire que nous vous présentons n'a rien de scientifique, il n'a pas été préparé par quelqu'un qui a trois ou quatre thèses universitaires, mais par des gens du milieu, qui ont vécu et qui ont de l'expérience. Nous sommes ouverts à la discussion et sommes toujours disponibles pour rencontrer tous ceux qui le désirent. Notre conseil de comté désire que ce mémoire soit joint à tous les autres mémoires qui seront présentés à la commission parlementaire et nous vous remercions à l'avance de l'attention que vous y apporterez.

J'ai quelques commentaires, M. le Président, je ne sais pas si je vais attendre les questions pour les faire ou si vous me permettez de les faire tout de suite.

Le Président (M. Laplante): C'est que votre temps est actuellement écoulé; je pense que vous êtes assez habile pour les passer à travers les questions.

M. Bouchard: II y a des fois où je ne me trouve pas assez habile.

M. Gratton: M. le Président, étant donné que M. le maire a commencé à 16 h 50, il lui reste quand même cinq minutes, je pense qu'on pourrait probablement écourter la période de questions après, si on lui laissait tout de suite poser ses questions et faire les commentaires qu'il se propose de faire hors texte.

Le Président (M. Laplante): Si c'est le voeu de la commission, je suis d'accord.

M. Léonard: Consentement.

Le Président (M. Laplante): D'accord, allez-y, monsieur.

M. Bouchard: Vous êtes tous d'accord? J'ai pris quelques notes, M. le Président, en particulier sur la loi 125. Alors, je vous ferai grâce de lire les articles 28 et 29; je vous réfère à l'article 24 et à l'article 29. Nous, le Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest, ne sommes pas favorables à un référendum seulement pour la forme. S'il y a un référendum, il devra avoir force de loi. Une consultation qui restera à la discrétion du ministre, nous pensons que c'est trop de pouvoir; d'un côté, on dit qu'on va consulter la population, mais, d'un autre côté, on lui enlève ses pouvoirs. Si vous regardez l'article 29, M. le ministre, vous verrez que le conseil de comté doit modifier son schéma, conformément à l'ordonnance du ministre, en suivant les règles prévues à l'article 25.

Copie du schéma modifié est transmise dès son adoption à chacune des municipalités du comté et au ministre et enregistrée à la commission. Le schéma modifié entre en vigueur quinze jours après son adoption par le conseil de comté. Avis de son entrée en vigueur est publié dans la Gazette. A ce moment-là, c'est le ministre qui décide pour le conseil de comté de son schéma d'aménagement. J'ai pris d'autres notes ici, M. le ministre.

Je vais vous poser une question, vous m'en poserez tantôt, vous êtes prêt. Qui va administrer l'aménagement du territoire? Est-ce le ministre des Affaires municipales? Est-ce le ministre de l'environnement? Nous, les municipalités, nous voulons avoir affaire à un seul interlocuteur. Si c'est le ministre de l'environnement qui fait l'aménagement, on veut que ce soit à lui qu'on ait affaire, on veut que ce soit notre "boss". Si c'est le ministre des Affaires municipales, on veut avoir affaire à lui et on veut qu'il soit notre "boss"; on veut en avoir un, on ne veut pas en avoir deux, on ne veut pas en avoir trois, on ne veut pas en avoir quatre. C'est une chose fondamentale. Je pense bien, M. le ministre, que c'est la même chose pour vous, je pense bien que c'est le premier ministre qui mène.

Maintenant, M. le ministre, il y a une chose; nous nous opposons, vous allez peut-être dire qu'on est en retard, à un gouvernement régional. Formellement, nous nous opposons à ça, les maires ruraux, à un gouvernement régional. Deuxièmement, ce qui nous inquiète, ce n'est pas ce que le ministre dit, c'est ce qu'il ne dit pas. C'est ce qui nous inquiète le plus; ce n'est pas ce que vous dites, c'est ce que vous ne dites pas. Je voudrais savoir, M. le ministre, si, dans vos plans, vous avez l'intention d'instaurer graduellement, des infrastructures scolaires au niveau municipal, parce que, dans le livre blanc, il y a un petit passage qui est passablement compromettant, M. le ministre. On voudrait savoir si, un jour ou l'autre, vous avez l'intention d'instaurer des infrastructures scolaires; je ne parle pas de pédagogie, mais je parle des infrastructures.

Ce sont quelques questions. Je voudrais vous dire une chose, en terminant; vous pouvez, je pense que vous le savez... Parfois, nous sommes, les ruraux, d'assez bons vendeurs; nous sommes d'accord sur le principe de la loi et nous vous proposons des solutions sur l'application de la loi. Bien sûr que les villes... Prenez comme mon comté, Lac-Saint-Jean-Ouest, ce n'est pas le cas de la périphérie de Montréal ou de la vallée de l'Outaouais, ou de Chicoutimi. Les villes que nous avons dans mon comté n'ont pas beaucoup plus d'importance que les municipalités rurales que nous avons. C'est pourquoi nous disons que chaque conseil de comté pourrait faire l'objet d'une réglementation spécifique suivant les modalités économiques, politiques et humaines du comté.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Léonard: M. le préfet, je vous remercie beaucoup de votre excellent mémoire qui vient, comme vous l'avez dit, du milieu, de gens qui ont l'expérience dans le monde municipal, dans le monde très concret et très vivant aussi.

Je voudrais juste apporter quelques commentaires à votre mémoire et peut-être répondre aussi à vos questions, avant de vous en poser. Les recommandations qu'on retrouve à la page 5 de votre mémoire, qui expriment votre point de vue, nous permettent d'engager rapidement et sérieusement les discussions avec les villes. J'y reviendrai tout à l'heure lors des questions.

Je voudrais préciser une chose tout de suite, quant à la participation financière du gouvernement: Elle est acquise. Le récent discours du budget a mentionné une somme de $2 100 000 pour l'élaboration et la mise en application de schémas d'aménagement ainsi que les frais de fonctionnement des conseils de comtés pour l'exercice de cette fonction. C'est dans le budget du ministère des Affaires municipales.

Vous avez, de plus, le principe qu'on a déjà énoncé à la conférence Québec-municipalités du mois de juin dernier, à l'effet que toute responsabilité nouvelle serait assortie d'une source de financement. Mais je vais vous citer le passage du discours du budget de 1979 qui portait sur le financement des comtés: "Quant aux conseils de comté renouvelés, tels que définis dans le projet de loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme, ils seront constitués de représentants des municipalités membres. Pour les fins de cette loi, ils seront financés au départ par un programme d'aide. Ce programme est mis au point au nom du principe déjà énoncé que toute responsabilité nouvelle sera assortie d'une source de financement. Ce programme couvrira les dépenses raisonnables entraînées par l'élaboration et la mise en application d'un schéma d'aménagement, ainsi que les frais de fonctionne-

ment du conseil de comté, pour l'exercice de cette fonction. "En conséquence, pour l'année financière 1979/80, une somme de $2 100 000 a été prévue au budget. Pour ce qui est du financement à moyen et à long termes, des comtés renouvelés, le comité conjoint d'orientation sur l'aménagement et la décentralisation étudiera cette question et fera des propositions au gouvernement".

Je pense que quant au comité conjoint, il semble qu'il ait très bien travaillé pour la préparation du projet de loi, en tout cas quant à l'élaboration des principes du projet de loi, et il me semble aussi qu'il y a de bonnes chances qu'il travaille fort bien sur la question du financement des comtés. Mais vous voyez quelle est l'intention du gouvernement. Elle a été très claire, elle a été énoncée dans le discours du budget.

M. Bouchard: M. le ministre, il y a une chose que j'ai oubliée de vous recommander.

M. Léonard: Oui, allez-y.

M. Bouchard: La formule de M. Tardif utilisée au niveau de la fiscalité municipale de former un comité conjoint des différents ministères, de l'Union des conseils de comté et de l'Union des municipalités, est-ce que cela a été pensé par votre ministère?

M. Léonard: Cela a été pensé par le gouvernement.

M. Bouchard: Pardon?

M. Léonard: Par le gouvernement. La réforme de la fiscalité municipale?

M. Bouchard: Au niveau de l'aménagement du territoire.

M. Léonard: Oui.

M. Bouchard: Au niveau de l'application de la Loi de l'aménagement du territoire. C'est aussi important que la fiscalité municipale. Ne pensez-vous pas, M. le ministre, que cela aurait été beaucoup plus démocratique? D'un autre côté, cela aurait apporté un apport excessivement important à votre ministère pour faire des recommandations en formant un comité, comme on l'a fait au niveau de la fiscalité, pour vous faire des recommandations.

M. Léonard: C'est exactement ce qui s'est passé. A la conférence Québec-municipalités du mois de juin dernier, c'est une proposition que j'ai faite personnellement et qui s'est concrétisée au cours de l'été et de l'automne. Il y a un comité conjoint qui a fonctionné et qui a déterminé les principes du projet de loi, qui en a étudié les bases et les principes. Il y a eu un comité conjoint. (17 h 15)

Je peux vous dire que pendant deux ans, j'ai fait différentes interventions à travers le Québec, dans toutes les régions du Québec, à plusieurs reprises, devant différentes tribunes où je pense que nous avons graduellement précisé, en discutant avec les gens, ces principes du projet de loi.

Je voudrais reprendre, par rapport à vos questions, simplement y répondre, je prends bonne note de vos considérations sur le référendum, vous le préférez décisionnel. Il reste que, dans le projet de loi, toutes les décisions sont prises par des élus. Je dirai cependant que, lorsqu'il y a un référendum, même s'il a une valeur consultative, je crois qu'il exerce une action ou une pression déterminante sur les élus s'il va dans un sens ou dans l'autre, à moins qu'il n'y ait des raisons très importantes pour qu'il n'en soit pas ainsi. Il me semble qu'un référendum, même consultatif, a une grande valeur politique. Je suis d'accord que, sur le plan juridique, il n'ait pas force de loi, mais, sur le plan politique, je pense qu'il est déterminant.

Quant à votre question sur le ministre responsable, je pense que, pour le gouvernement, il n'y a aucune hésitation, il y a un ministre des Affaires municipales et vous aurez toujours un ministre des Affaires municipales et non pas deux ou trois. Il n'y a aucun problème là-dessus. Il reste cependant que, dans la loi, l'article 221 dit que c'est le ministre délégué désigné par le gouvernement, par le premier ministre en fait.

La troisième question, vous parlez du livre blanc sur la décentralisation; il n'y a pas eu de livre blanc sur la décentralisation et je voudrais bien mettre les choses au point sur ce sujet. Il y a eu un document de travail qui a été étudié au Conseil des ministres, dont nous avons parlé, mais le gouvernement n'a jamais publié de livre blanc sur la décentralisation.

M. Bouchard: II ne l'a pas publié, il n'est pas sorti.

M. Léonard: Non, il n'est pas sorti. M. Bouchard: II existe quand même.

M. Léonard: Non, il n'est pas sorti. Cela a été un document de travail. Il a existé comme il existe beaucoup d'autres documents de travail au gouvernement. Le premier ministre a été très clair sur cette question, mais il n'y a pas de livre blanc sur la décentralisation.

J'ai pris bonne note de vos considérations sur le gouvernement régional. Je dirai que ce que nous étudions présentement, c'est la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et non pas d'autres gestes de décentralisation qui pourraient venir en temps et lieu et qui feront l'objet, en temps et lieu aussi, d'autres consultations aussi nécessaires que celles que nous faisons maintenant. Sur ce plan-là, je pense que vous avez toutes les garanties qu'il n'est pas question de faire cela dans la bousculade, qu'il n'est pas question de forcer quiconque dans toute cette perspective.

Je voudrais revenir au mémoire. Il me semble qu'il y a différentes questions qui se posent. Par exemple, selon votre expérience qui est évidente et la connaissance de votre comté, croyez-vous que le contenu obligatoire du schéma d'aménagement de comté est suffisant à l'heure actuelle ou est-ce que vous y verriez des éléments additionnels? Est-ce que vous croyez que la description du contenu obligatoire du schéma à l'article 5 est suffisante? Il y a aussi évidemment le plan d'urbanisme des municipalités. Je pense que c'est important, il me semble, de se poser cette question par rapport aux municipalités rurales présentement.

M. Bouchard: M. le Président, si vous me le permettez, disons que, dans un premier temps, je pense que, pour le mettre à l'essai, il est suffisant. Deuxièmement, je pense que, dans la population proprement dite, on se fait une fausse idée de l'aménagement du territoire. Pour une foule de gens, l'aménagement du territoire, c'est une grosse patente. On va bâtir des usines d'ordures ménagères, on va bâtir toutes sortes de maudites patentes et cela...

M. Léonard: Ils confondent aménagement et développement, en fait.

M. Bouchard: A notre avis, l'aménagement du territoire doit commencer par redonner à chacune des municipalités de la province de Québec les possibilités de développer d'abord ce qu'elles ont chez elles, au niveau des loisirs, au niveau de différentes choses, mais de redonner à chacune des municipalités de la province de Québec ce dont elles ont d'abord besoin chez elles. Le restant, cela viendra graduellement. Nous autres, c'est notre opinion.

A l'heure actuelle, la population pense que l'aménagement du territoire, c'est une grosse patente, qu'on va bâtir un parlement dans le comté de Lac-Saint-Jean-Ouest. Ce n'est pas cela.

M. Léonard: Je voudrais vous poser une autre question. Vous dites, à la page 3, que les limites actuelles du Conseil de comté du Lac-Saint-Jean répondent parfaitement aux besoins économiques et politiques. Est-ce que votre point de vue pourrait correspondre à des positions différentes issues des villes et même du milieu rural éventuellement? Comment pensez-vous concilier le point de vue des villes et celui des municipalités rurales?

M. Bouchard: M. le ministre, à un moment donné, je ne sais pas si c'était une question d'essayer de sonder le terrain, mais, dans notre région, on a formé six ou sept comtés municipaux alentour de villes de notre comté. Roberval, Dolbeau, Saint-Félicien. Nous sommes contre, parce que c'est contre la réalité humaine, politique et sociale de notre comté. Nous sommes habitués de travailler ensemble. Nous voulons rester ensemble, mais cela peut être différent dans d'autres comtés, je l'admets. Il peut y avoir des comtés où c'est différent. Chez nous, il n'y a pas de problème. Il y a certaines villes qui pensent... Je dis une chose: Plus vous allez créer de petites entités, plus vous allez créer des divisions, plus vous allez créer de l'esprit de clocher entre diverses communautés. Là où c'est possible, en tout cas, dans notre région au Lac-Saint-Jean, les conseils de comté que nous avons à l'heure actuelle, Lac-Saint-Jean-Est et Lac-Saint-Jean-Ouest, répondent exactement à la réalité politique et économique de notre comté.

M. Léonard: C'est cela qui fera l'objet d'une consultation. En tout cas, vous aurez l'occasion de présenter votre point de vue par rapport à vos collègues dans la région et de vous faire entendre au sujet du découpage du territoire. Il me semble qu'il s'agit de discussions qui vont avoir lieu après l'adoption de la loi. On les fera à ce moment. Si les gens sont d'accord pour en rester là selon les délimitations actuelles, il me semble que cela va aller de soi. Vous-même vous êtes ouvert à ces discussions. Vous êtes d'accord pour qu'on se pose à nouveau la question, cependant.

M. Bouchard: Si vous avez, par exemple, une résolution de tous les maires du Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest qui dit que nous sommes heureux comme nous sommes là et que nous voulons rester comme cela, qu'est-ce que vous en ferez?

M. Léonard: On prendra cela en considération. Vous ne pouvez pas me demander aujourd'hui d'être d'accord avec ce que vous dites. Je pense quand même qu'il faut voir un peu le dossier, voir aussi ce qui arrive des municipalités et des villes tout autour.

M. Bouchard: J'aimerais savoir, M. le ministre, ce que vous pensez des recommandations sur la représentativité que nous proposons. En somme, nous sommes les seuls jusqu'à maintenant qui ayons fait des propositions, autant fiscales que sur la représentativité.

M. Léonard: II s'agit de propositions intéressantes dont j'ai pris connaissance. Il me semble aussi que la loi est encore ouverte sur ce sujet. Peut-être que cela correspond à votre situation à vous mais je ne pourrais pas vous dire si cela y correspond dans l'ensemble du Québec.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: M. le Président, je pense bien que vous allez me permettre d'abord de féliciter le Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest, qui comprend le comté de Roberval et toutes les municipalités, en plus de deux municipalités du comté du Lac-Saint-Jean lui-même, Saint-André et Saint-Ludger-de-Milot. Comme le préfet, M. Bouchard, et ses collègues viennent de

nous le mentionner, le mémoire qu'ils présentent reflète on ne peut mieux les interrogations qu'on a chez nous, dans notre milieu. L'expérience de ceux qui sont au bout de la table, le préfet, le sous-préfet et ceux qui l'accompagnent, date de près de vingt ans dans le monde municipal, c'est donc dire même beaucoup plus que nous. Ils sont sensibles à tous les problèmes locaux qu'on peut vivre dans notre milieu. Tout à l'heure, M. Bouchard, le préfet du Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest, a posé des questions au ministre. Quant à moi, je veux essayer de bien percevoir les réponses et c'est loin d'être satisfaisant. Par exemple, lorsque le préfet parle de référendum, il me semble que le ministre devrait être plus clair. On ne peut pas jouer avec cela. Je ne sais pas comment c'est dans vos milieux, mais il reflète clairement l'opinion de notre milieu.

Un référendum, dans notre région... Je pense que quelques-uns qui sont là ont déjà passé par un référendum. Le maire de Saint-Prime, en particulier, a eu deux référendums il y a quelque temps et ce sont des référendums décisionnels. Il faudrait que le ministre nous explique un peu plus ce qu'il veut dire par: Oui, c'est une décision politique; ça reflète bien. Cela reflète ou ça ne reflète pas. Je pense qu'on ne peut pas jouer avec ça et, encore une fois, l'expérience de ces gens du monde municipal devrait être de nature à clarifier la position du ministre. Lorsqu'on parle d'un référendum, il ne faut pas que ce soit lui qui soit le dernier juge; ce n'est pas ça, un référendum. Donnez un autre nom. Mais, si vous employez le mot "référendum", qu'il soit décisionnel, c'est bien important.

Une petite question, M. le Président, que le préfet a posée et qui semble faire sourire plusieurs personnes. Nous, on est au Lac-Saint-Jean et on aime bien savoir qui décide, en fait. Qu'on propose un projet de loi no 125 et qu'à un moment donné, les gens viennent nous demander: Ecoutez! Qui sera le ministre responsable de cette loi? et qu'on se fait répondre: Ce sera le ministre désigné par le gouvernement, ce n'est pas une réponse. Il me semble que, si on est à l'heure de présenter le projet de loi no 125, il est normal et élémentaire qu'on dise en même temps qui va régir ce projet de loi. C'est assez décevant pour des gens qui viennent proposer, donner leur point de vue sur le projet de loi no 125 et qui ne seront pas capables, en repartant chez eux, de savoir qui va l'administrer. Ce sont des inquiétudes qu'on a dans notre coin. Je participe à toutes les assemblées du conseil de comté et on voit, par exemple, quand on se fait demander par les maires: Ecoutez! le zonage agricole, c'est le ministre de l'Agriculture; l'aménagement du territoire, M. Léonard, le ministre des Affaires municipales, M. Tardif, mais qui est qui là-dedans? Et vous ne profiterez pas de leur présence ici pour leur dire qui va régir ce projet de loi?

M. Chevrette: Je m'excuse, 30 secondes.

M. Lamontagne: Un instant! Je vais finir et vous prendrez la parole ensuite.

M. Chevrette: Je m'excuse, 30 secondes, s'il vous plaît! Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je ne voudrais pas être désagréable envers le député de Roberval, sauf qu'on n'est pas en débat de deuxième lecture.

Une Voix: Un instant!

M. Chevrette: C'est une analyse de mémoire et il y a des questions aux invités. Si on ne comprend pas quelque chose...

M. Lamontagne: Je repose les mêmes questions.

M. Chevrette: Je pense que ce n'est pas un discours de deuxième lecture.

M. Gratton: ... question de règlement...

M. Lamontagne: M. le Président, je soulève des questions qui n'ont pas eu de réponses.

Le Président (M. Laplante): Je crois que le député de Roberval est exactement dans la ligne de pensée du mémoire des maires.

M. le député de Roberval.

M. Chevrette: Bon, voilà!

M. Gratton: Le président a écouté, lui.

M. Lamontagne: Merci beaucoup, j'en prends bonne note.

J'ai pris note des questions qui ont été posées. Par exemple, le préfet, au nom du Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest, dit clairement: Nous sommes contre les gouvernements régionaux. Le ministre répond: Ecoutez! M. le préfet, on n'est pas en train de parler de ça, de gouvernement régional. Un instant! Cela ferait peut-être bien de dire ça entre nous, mais ici, on a les fascicules. On en a quatre de produits. Le cinquième, parce qu'il est annoncé et c'est écrit dedans: Le réaménagement des pouvoirs. Il prend une dimension insoupçonnée, compte tenu des quatre autres qui ont été proposés. Le ministre devrait peut-être répondre à ceux qui se donnent la peine de venir lui faire des suggestions... N'est-il pas en train, sans le dire actuellement, mais compte tenu des fascicules déjà produits et du cinquième déjà annoncé, de nous organiser un gouvernement régional sans qu'on puisse y participer, en nous disant: La consultation viendra plus tard? Mais, déjà, les fascicules se dirigent... On dit que ce n'est pas un livre blanc. Non, ce n'est pas un livre blanc, applez ça un livre vert, mais que ce soit un livre vert ou n'importe quoi, ça vient tout de même de penseurs de l'appareil gouvernemental qui semblent, par différentes façons, essayer de diriger les populations vers différents gouvernements.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Roberval, il faudra revenir...

M. Lamontagne: Excusez, je reviens...

Le Président (M. Laplante): ... aux questions des...

M. Lamontagne: Je repose les mêmes questions, M. le Président. Je repose les questions que le préfet a mentionnées tout à l'heure. Je voudrais, par exemple, que le ministre donne une certaine indication et qu'il prenne bonne note de la représentativité d'une municipalité rurale, un représentant et également, comme le conseil de comté le propose, une représentativité additionnelle par tranche de 5000. Je pense qu'il serait assez important de voir, à ce stade-ci des consultations, quelle est la perspective du ministre là-dedans, parce que, dans notre milieu, le comté de Roberval compte cinq villes, une nouvelle ville actuellement, Normandin, et c'est tout un effort, je pense, de compréhension mutuelle que le conseil de comté propose; mais il serait assez important que le ministre donne un point de vue intermédiaire, à ce stade-ci, à savoir ce qu'il pense, même si son opinion n'est pas catégorique. (17 h 30)

J'arrête là-dessus, M. le Président, s'il y a d'autres questions, on y reviendra.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Je ne savais pas s'il y avait des réponses. M. le Président, très brièvement, on nous a toujours dit ici que tout le monde était pour la loi 90, j'ai vu qu'il y a encore des gens contre. Je veux poser une très courte question... On ne semble pas d'accord à 100%, d'après ce qu'on nous a dit, au niveau des conseils de comté.

M. le Président, je voudrais demander à nos invités du Lac-Saint-Jean si, d'après eux, les petites municipalités rurales sont prêtes à faire face aux coûts inhérents à l'application de cette loi 125, aux coûts qui en découleront. Est-ce que, d'après vous, les petites municipalités sont prêtes à faire face aux coûts que cela va amener?

M. Bouchard: M. le député, tout de suite en partant, je voudrais corriger quelque chose parce que les journalistes peuvent traîner cela dans les journaux demain matin. Vous avez dit que vous voyez qu'il y a encore des gens qui sont contre; ce n'est pas notre cas, on n'est pas contre, c'est tout le contraire, c'est seulement dans les modalités.

M. Chevrette: Une légère nuance.

M. Bouchard: II y a une grande marge entre dire on est contre et on est pour à l'exception des modalités. Ce qu'on veut, je l'ai dit au ministre, c'est être des participants à part entière et on veut que cette loi soit en même temps la loi du gouvernement et la nôtre aussi. Cela fait une différence. Deuxièmement, c'est que les municipalités rurales...

M. Goulet: Si vous le permettez, M. le Président, vous voulez que ce soit vous qui ayez le contrôle et non pas Québec. Je pense que c'est ce que j'ai crû voir à la page 3 de votre mémoire.

M. Bouchard: Sans aucun doute, la question, M. le député, que je me pose à un moment donné, c'est que je m'aperçois que le ministre Léonard tombe dans un excès de démocratie, consultation ici, consultation là, cela fait un maudit tas de consultations.

M. Chevrette: Vous direz cela à nos adversaires politiques.

M. Bouchard: A un moment donné, on dirait qu'il a des regrets. Il revient sur ses pas et là il donne des pouvoirs discrétionnaires au ministre.

M. Gratton: ...

M. Bouchard: C'est là qu'il y a besoin d'équilibre. En ce qui concerne directement la question que vous m'avez posée, à savoir si les municipalités rurales sont contre, je ne parle pas au nom de toutes les municipalités de la province, l'Union des conseils de comté présentera son mémoire, mais en ce qui concerne le comté de Lac-Saint-Jean-Ouest, cela fait quinze ans que nous demandons par des mémoires une réforme des conseils de comté dont les villes feraient partie.

Mais il y a une chose, par exemple, on est prêt à prendre les villes mais qu'elles fassent leur apprentissage comme les autres. Au bout de cinq ou dix ans, quand nous aurons appris à travailler ensemble, M. le ministre, peut-être que ce sera complètement différent sur la question de la représentativité. Imaginez-vous que vous valez $100 000 et moi $10 000; à un moment donné, j'entre en société avec vous et je veux avoir 50% des parts. Vous allez dire: Arrête un peu, Bouchard, j'ai plus de parts que toi.

Alors, pour les villes, à un moment donné, en plus de l'expérience acquise... J'écoutais le maire, M. Trépanier, ce matin. Il a déjà dit à un congrès municipal que les municipalités rurales étaient un fardeau pour les villes. Comment coopérer avec une sorte de gars comme cela?

Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le député de Bellechasse?

M. Goulet: Oui, M. le Président. Toujours pour expliquer les faits, j'étais à la page 3 du mémoire que nous ont présenté les gens du Lac-Saint-Jean et je lisais: "II fallait que le ministre de l'Agriculture vienne compliquer la situation en faisant passer une loi centralisatrice en enlevant aux municipalités le contrôle de leur développement et en réservant un droit unilatéral sur le développement régional."

D'accord, vous êtes pour le principe, mais moi j'en étais sur l'application; vous n'êtes pas d'accord avec le ministre sur l'application du projet de loi 90, c'est ce que je voulais dire.

M. Bouchard: Ecoutez, M. Goulet, je l'ai dit d'ailleurs: On ne veut avoir affaire qu'à un interlocuteur. Si c'est M. Léonard qui est responsable... Nous, les municipalités, sommes convaincues que le zonage agricole fait partie de l'aménagement du territoire. La proposition qu'on fait est que, dans les commissions d'urbanisme il y ait une forte représentativité de l'UPA au sein de la protection du territoire agricole et de tous les territoires, nous sommes d'accord là-dessus. Mais nous ne sommes pas d'accord pour qu'à un moment donné on planifie notre développement et qu'on se bute à des organismes qui ne sont pas élus, qui ne sont pas représentatifs de leur milieu. Je pense que nous sommes régis par le Code municipal; l'aménagement du territoire va être régi par le Code municipal dont il devra être partie. C'est ça qui nous concerne et je pense que la loi agricole est venue compliquer la situation de la grande majorité des municipalités et des villes de la province de Québec. Cela fait dix ans que le territoire agricole existe, deux mois de plus ou de moins, on n'aurait pas gaspillé tout ce territoire.

M. Goulet: M. le Président, vous voyez, je pense qu'on se comprend; c'est ce que je voulais faire dire, de façon non équivoque, à notre invité.

Je devrai rappeler, M. le Président, qu'en ce qui concerne votre suggestion qu'un référendum devrait être décisionnel, je suis d'accord avec cette suggestion. Egalement, pour ce qui concerne la représentation, vous êtes les premiers à faire une suggestion sur le pourcentage de la population, 5000 et plus, mais pour ce qui est du financement, j'aurais un éclaircissement à vous demander. Vous dites: Pour ce qui est du financement dans le comté du Lac-Saint-Jean-Ouest, que vous représentez, la répartition devrait être égale entre les villes et les municipalités rurales. J'aimerais que vous expliquiez cela, comparativement au paragraphe b) où vous dites: La représentation devrait se faire comme suit: Municipalité rurale: un représentant; ensuite, un représentant additionnel par 5000 de population, jusqu'à concurrence de 20 000. Mais quand vient le temps du financement, vous dites: La répartition devrait être égale.

M. Bouchard: C'est parce que, M. le député de Bellechasse, on veut mettre les villes sur le même pied que nous. Qu'une municipalité rurale ait 2000 de population, sa taxe foncière pour payer sa participation au conseil de comté est au prorata de sa population et de son évaluation.

M. Goulet: C'est dans ce sens que vous voulez dire égale, c'est-à-dire que la ville également soit au prorata de sa population?

M. Bouchard: Et de son évaluation.

M. Goulet: D'accord, merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: J'aurais un commentaire à faire, je voudrais vous féliciter, tout d'abord, pour votre franc-parler, on sait où vous vous en allez. C'est d'ailleurs le seul objectif d'une commission parlementaire, c'est de savoir...

M. Bouchard: J'ai un ami de Normandin qui demeure à Joliette, un M. Gaudreau.

M. Chevrette: C'est bien, je le connais aussi très bien. Ce qui est important, c'est de savoir ce que vous avez à reprocher à ça, pour qu'on puisse, après, amender en conséquence; c'est ça que j'ai voulu faire noter au début. Mais j'aurais un commentaire aussi direct que celui que vous avez fait, en vous la posant sous forme de question.

A la page 4 de votre mémoire, vous commencez par dire que vous détestez les subventions à caractère discrétionnaire. Autrement dit, quand ce n'est pas statutaire ou que ce n'est pas basé sur quelque chose de normalisé, c'est toujours embêtant pour des municipalités, si j'ai bien compris votre paragraphe.

Dans le second paragraphe de la page 4, étant donné que le ministre des Affaires municipales n'est pas ici, je voudrais me faire le responsable d'une rectification. Par exemple, vous y allez d'une légère charge à l'endroit du ministre des Affaires municipales en disant que les programmes sont assez rigides et manquent de souplesse.

Je voudrais vous donner des exemples pour montrer, par exemple, l'assouplissement qu'il y a eu. Si vous parlez du plan PAIRA, il n'était pas discrétionnaire, il était basé sur quelque chose de très normatif. Il fallait répondre à des critères bien précis et le ministre, devant...

M. Bouchard: M. le député...

M. Chevrette: J'achève, ce ne sera pas long. ... certaines remarques justement de l'Union des conseils de comté et de certains maires de municipalités, a assoupli le même programme, mais tout en le laissant non pas un programme discrétionnaire, mais basé sur des normes précises.

Si je pense à PAISI, c'est la même chose; c'est quelque chose qui est basé sur des normes précises et les pourcentages sont connus, que ce soient 25%, 50% ou 75%, c'est quelque chose de très bien connu de l'ensemble des municipalités.

J'ai ouï-dire qu'au niveau de votre comté, si je me base sur la dernière phrase de ce deuxième paragraphe toujours, certaines municipalités auraient fait des demandes précisément en fonction du plan d'urbanisme et que les réponses qui ont été données à certaines de ces municipalités ont été précisément de dire: Attendez, la loi s'en vient, nous aurons un programme bien précis en fonction de la loi et d'un plan global. Est-ce que ça ne vient pas en contradiction, ce deuxième paragraphe, avec le premier?

M. Bouchard: M. le député, ça ne me surprend pas que vous soyez le député de Joliette-Montcalm et que vous ayez été élu, parce que vous posez des questions passablement compromettantes.

Je pense, M. le député, que si on se met en frais de discuter les programmes PAIRA, PAISI, etc., il y a trop de choses que je pourrais vous signifier qui sont difficiles d'application, extrêmement difficiles. C'est compliqué à tel point que la généralité des municipalités pensent que le programme ne paiera pas.

C'est extrêmement difficile. Je pense qu'avec la révision fiscale, ça va être une chose du passé, parce qu'avec le programme de révision fiscale, ces principales subventions d'infrastructures vont disparaître. Je ne sais pas si vous le savez, M. le député de Joliette, le programme PAIRA, savez-vous comment il s'applique?

M. Chevrette: Je voudrais rectifier tout de suite, si vous prenez le discours du budget, il faudrait quand même bien le lire. Même à l'intérieur du discours du budget, il est dit que, pour les équipements collectifs, ça demeure. Vous venez d'affirmer carrément, encore une fois, que ça disparaît et c'est faux.

M. Bouchard: Dans la révision fiscale? M. Chevrette: Dans le discours du budget.

M. Bouchard: Je ne l'ai pas ici, c'est de valeur, j'ai vidé ma valise. Les principaux points, avec la révision fiscale, vont disparaître, sauf dans les loisirs, dans le tourisme, dans le domaine culturel, etc. Mais les subventions d'infrastructures, d'é-gouts, d'aqueduc, sauf pour les municipalités dans des cas exceptionnels, qui ont une moyenne de salaire trop basse, etc.

M. Gratton: Les cas d'urgence, autrement dit. M. Bouchard: Les cas d'urgence. M. Gratton: Vous avez complètement raison. Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Gratton: C'est le ministre des Affaires municipales qui l'a confirmé, la semaine dernière, lors de l'étude de ses crédits, que PAIRA ne paiera pas, ça disparaîtra.

M. Chevrette: Dans mon comté, ça paie en masse.

M. Gratton: C'est peut-être par favoritisme.

M. Chevrette: Non, monsieur.

M. Léonard: Justement, c'est le contraire.

M. Bouchard: Je ne veux pas m'étendre là-dessus, parce que je pense que c'est en dehors des questions dont on discute.

M. Chevrette: C'est hors question, mais vous en avez utilisé des paragraphes.

M. Bouchard: Je l'ai quand même souligné.

M. Chevrette: Si vous vous permettez, je peux me permettre.

M. Bouchard: Ah oui, il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de problème, M. le député de Joliette.

M. Léonard: Je vous remercie de l'appui que vous donnez au projet de loi. Je vous félicite du travail que vous avez fait sur ce sujet. Je vous dis, quant aux recommandations que vous faites, que nous allons en tenir compte, dans l'étude article par article qui va venir plus tard. S'il y a des amendements à ce moment-là, nous pourrons en tenir compte. Cela vient dans une discussion ultérieure, de même que la discussion avec les parlementaires. Je comprends que le député de Roberval voulait manifester qu'il était de ce coin en ne vous posant pas de questions et en en posant au ministre. Je dirai que, pour l'instant...

M. Lamontagne: Question de règlement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: M. le Président, tantôt le ministre m'a empêché de lui poser une question additionnelle. La seule question que je vais lui poser, aurait-il la décence de répondre aux questions que je lui ai posées? Seulement ça, dans sa réplique et arrêter de faire des farces.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Léonard: Ce sera en commission parlementaire, article par article.

M. Lamontagne: N'invitez pas de monde, si vous n'êtes pas capable de donner de réponse. C'est tout ce que j'ai à vous dire. Profitez-en pour répondre un peu toujours, ou n'invitez pas de monde.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre. M. Léonard: J'ai répondu.

M. Lamontagne: Je vous ai posé quatre questions.

M. Léonard: M. le Président, j'ai répondu aux gens qui m'ont posé des questions.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. Bouchard, MM. les maires...

M. Goldbloom: M. le Président, me permettriez-vous, au nom de l'Opposition officielle, de féliciter le Conseil de comté de Lac-Saint-Jean-Ouest et de remercier les porte-parole qui sont venus présenter et défendre leur mémoire. Ils ont

soulevé des problèmes qui, à mon sens, sont majeurs. Peut-être le plus important de tous est-il la question de savoir si l'on peut mettre en application une éventuelle loi de l'aménagement du territoire, si la même administration ne s'occupe pas du zonage agricole. Il me semble que c'est une question absolument fondamentale. Je voudrais souligner, encore une fois, l'importance de cette question et j'espère que nous aurons des éclaircissements sur cette question cruciale au cours du travail que nous ferons sur ce projet de loi.

M. Bouchard: M. le Président, me permettriez-vous...

Le Président (M. Laplante): On n'a plus de temps.

M. Bouchard: Me permettriez-vous de remercier, au nom de mes collègues, M. le ministre, MM. les députés, tant du pouvoir que de l'Opposition, de l'aimable attention qu'ils nous ont portée? Je voudrais vous signaler — et je n'ai pas besoin de vous le signaler, vous le savez — que nous sommes des autodidactes de bonne volonté qui essaient de faire quelque chose pour leur province.

Le Président (M. Laplante): C'est pour cela qu'on vous en remercie, M. Bouchard.

M. Gratton: Continuez, vous faites bien cela. (17 h 45)

M. Léonard: Encore une fois, je vous remercie de votre présence ici et ce sera à la commission parlementaire, lors de l'étude article par article, que nous pourrons répondre à toutes les questions qui ont été soulevées ici.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant les Entreprises de lotissement Philippe Char-trand Inc. Si vous voulez vous identifier, identifier votre groupe et la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.

Les Entreprises de lotissement Philippe Chartrand Inc.

M. Chartrand (Jean-Yves): M. le Président, je me présente, Jean-Yves Chartrand, procureur pour Philippe Chartrand Inc. M. Philippe Chartrand, président de ladite entreprise, m'accompagne. Je vais commencer immédiatement avec mon mémoire.

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Chartrand (Jean-Yves): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi no 125, loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

L'aménagement du territoire, c'est quoi? Les auteurs anglais parlent de "territorial macroplanning". Le projet de loi à l'étude, à l'article 5, prévoit comme éléments essentiels du schéma d'aménagement: - les grandes orientations de l'aménagement du territoire; - les intentions générales d'affectation du territoire.

S'il y a entente sur cette partie viscérale de l'aménagement, tout le reste n'est que de la plomberie de mise en application. L'aménagement du territoire, c'est le cadre légal qui régit les utilisations du sol, selon les besoins de la société et le désir de la population.

Pour ce qui est de la région 06, la région de l'agglomération de Montréal, nous sommes placés dans une situation où s'opposent, d'un côté, le besoin de la société de préserver les meilleures terres agricoles du Québec et, de l'autre, le désir, on ne peut plus clair, d'une majorité de Québécois, de devenir propriétaires d'un lopin de terre et d'une résidence détachée pour y loger leurs familles.

A cet égard, on n'a qu'à consulter les statistiques de l'habitation pour s'en convaincre. Encore aujourd'hui, la propriété foncière est un signe d'affranchissement social valorisant. Nos ancêtres rattachaient même le cens électoral à la qualité de propriétaire foncier.

A cet égard, ce que nous craignons est l'idée très répandue chez les technocrates et urbanistes qu'il faudrait adopter des mesures pour raréfier la disponibilité de terrains dans la région de Montréal, ce qui entraînerait une hausse marquée des coûts pour forcer davantage la construction et l'habitation des logements multifamiliaux à Montréal, Longueuil et Laval. Cette perspective est appréhendée et réelle. Elle fait preuve de dirigisme et de solutions technocratiques guidées par l'optique "nivellement par la base". J'ajouterai également que l'orientation concentration ignore également la complémentarité de la métropole régionale avec sa base économique et pourrait accélérer le déplacement des activités de fabrication vers la région de Toronto.

Ce que nous souhaitons, par contre, c'est un cadre où, au contraire, on tente de faciliter l'accès à la propriété en favorisant un axe de développement qui, à moyen terme, déplacerait certaines activités dans le secteur secondaire, notamment la fabrication, à l'extérieur du couloir fluvial où il entre en conflit avec le territoire agricole.

Ce que nous demandons, c'est de ne pas limiter l'offre d'un type de logement par l'application de la loi de l'aménagement et de laisser à chacun le libre choix de son mode d'habitation au meilleur prix possible.

Dans cette ligne d'idée, les normes minimales commandées par le projet de loi, à l'article 5e, sont critiques. Nous soumettons que les superficies minimales prévues à l'article 112c doivent tenir compte des facteurs d'hygiène en fonction du niveau des services fournis et des conditions du milieu. Ces normes ne doivent pas dépasser cet objectif pour devenir un frein à l'aménagement et des coûts supplémentaires aux usagers.

Cette question de normes minimales est traitée dans un rapport de la direction générale de

l'urbanisme du ministère des Affaires municipales intitulé "Notes explicatives sur les implications pour les comtés de l'application de la loi 55 concernant certaines normes minimales."

On y suggère des superficies minimales de 1500 mètres carrés avec un service et de 3000 mètres carrés sans service.

Sans entrer dans le débat des superficies retenues, nous tenons à souligner que toutes nouvelles normes s'appliquent facilement pour l'avenir et que l'on doit tenir compte des réalisations passées avec flexibilité par le biais d'usage dérogatoire, sans quoi il y aura un préjudice sérieux causé à nombre de propriétaires fonciers qui, quand ils ont acquis leurs terrains ou procédé à un lotissement, ont agi dans le respect des lois existantes.

Nous suggérons également que la superficie minimale avec un service soit acceptée pour des lots desservis ou desservables par le service envisagé.

Ainsi, un lotissement pourrait être fait avec la superficie minimale prévue avec un service, ledit service ne devant être aménagé que lorsque la densité d'occupation le rend financièrement réalisable.

J'ajouterai également ici que ce n'est pas partout qu'on va pouvoir faire des lotissements avec un service qui ne sera implanté qu'une fois qu'il y aura de la densité, parce qu'il y a nombre d'endroits où la densité ne viendra jamais.

Par contre, dans la région de Montréal, on peut facilement prévoir qu'on laissera s'implanter des maisons avec un puits et une fosse septique et que, dans cinq ans, il y aura tant de population et que, là, on pourra implanter un aqueduc et qu'il va y avoir assez de monde pour le payer. Cela va avoir permis à nombre de gens qui, autrement, si cela n'avait pas été comme cela, n'auraient pas accès à la propriété et seraient forcés d'être des locataires à Montréal. Ce n'est pas leur désir. Ils ne peuvent pas accomplir leur désir de devenir propriétaires, vu leurs conditions financières, à moins de procéder par étapes comme on le suggère.

Dans cette même ligne d'idées, l'article 5d exige que le schéma d'aménagement comprenne les normes générales applicables au développement à l'extérieur des périmètres d'urbanisation. Les normes devront reconnaître un usage dérogatoire pour les lots existants qui ne répondraient pas aux nouvelles normes.

Le contrôle intérimaire: L'article 56 du projet de loi stipule qu'à compter de la date du début du processus d'élaboration du schéma d'aménagement est interdite quelque nouvelle utilisation du sol et quelque nouvelle division ou morcellement d'un lot par aliénation, sauf si le lot est cadastré et adjacent à une rue publique où sont déjà installés les services d'aqueduc et d'égouts.

L'interdiction de l'article 56 est aussi levée par un règlement de contrôle intérimaire adopté par le conseil de comté, signifié au ministre; il entre en vigueur 90 jours après la signification au ministre, à moins que ce dernier ne le désapprouve. Ainsi, toute construction est interdite, sauf l'exception de l'article 57 et un minimum de 90 jours est requis à compter de l'adoption et de la signification au ministre du règlement de contrôle intérimaire prévu à l'article 58. Alors, toute construction est interdite en dehors de l'aire soustraite par le règlement de contrôle intérimaire et, pour être soustraite, une aire doit être régie par un règlement de zonage et de lotissement.

Si c'est là le sens des articles 56 et suivants, nous trouvons ambigu l'article 59 qui stipule: "Ce règlement — le règlement de contrôle intérimaire — peut soustraire à l'application de l'une quelconque de ses dispositions la totalité ou une partie du territoire d'une municipalité." Le règlement va-t-il soustraire une partie du territoire des dispositions du règlement intérimaire ou va-t-il soustraire aussi une partie du territoire au gel de l'article 56? Si c'est cela, le "ses" porte à confusion.

De plus, si le but de ces dispositions est de permettre le développement de certaines parties du territoire pendant l'élaboration du schéma, nous ne voyons pas pourquoi il y aurait paralysie à partir du déclenchement du processus d'élaboration du schéma jusqu'à 90 jours après la signification au ministre du règlement de contrôle intérimaire. Nous suggérons qu'il soit possible de prendre entente avec la commission ou le ministre sur les aires qui continuent à pouvoir se développer, selon les règlements des municipalités, de sorte qu'il ne puisse y avoir aucun temps mort inutile pour la partie du territoire désignée par le règlement de contrôle intérimaire.

Nous nous interrogeons également sur le sort réservé aux propriétaires de lots non construits qui se verront interdire l'utilisation de leurs biens.

Qu'il n'y ait pas de nouveaux morcellements ou subdivisions d'accord, mais qu'on enlève tout droit d'utilisation aux propriétaires de lots existants, il s'agit là d'une confiscation qui nie le concept de propriété privée, ainsi que les droits individuels des Québécois.

Si, au nom de la collectivité, on juge qu'il est nécessaire d'empêcher l'utilisation d'un bien par son propriétaire, cela se conçoit, mais, alors, la collectivité doit indemniser cet individu de la perte qu'elle lui occasionne. Si ce grand principe, qu'on retrouve sousjacent dans nos lois et notre jurisprudence, n'est pas reconnu par cette loi, c'est un jour fort triste pour le Québec, car on pourra dire qu'au Québec, il fut un temps où l'on respectait les droits et libertés des citoyens. Le législateur devrait prévoir un mécanisme d'indemnisation valable pour tous les propriétaires de biens fonciers de bonne foi et affectés par le projet de loi.

Le tout respectueusement soumis.

Le Président (M. Laplante): Avant de procéder aux questions, est-ce que les membres de cette commission seraient d'accord pour continuer jusqu'à 18 h 15?

M. Goulet: Je n'ai qu'une très courte question.

Le Président (M. Laplante): Ce serait pour éviter de faire revenir ces messieurs à 20 heures. D'accord?

M. Léonard: Bon! Jusqu'à 6 h 15. Merci, M. Chartrand. Je voudrais simplement dire une chose, quelques remarques préliminaires. Le projet de loi no 125 ne fixe pas le contenu de l'aménagement. Ce sont simplement des règles et je pense qu'il faut bien s'entendre là-dessus, de sorte que le projet de loi no 125 ne va pas à rencontre d'un type de développement plutôt qu'un autre, qu'il soit résidentiel, de forte ou de faible densité, si c'est ce que les gens désirent. Premier point.

Le projet de loi vise essentiellement à établir des règles d'aménagement du territoire québécois dont l'application relèvera principalement des municipalités et, ensuite, des conseils de comté.

Il y a évidemment le point que vous soulevez, sur le contrôle intérimaire. Evidemment, il y a des choses sur ce plan que, à mon avis, il est important de considérer. D'abord, le contrôle qui est fait automatiquement par l'article 56, à moins que le comté ne vote un règlement de contrôle intérimaire. C'est dans ce sens qu'à la minute où il a voté un règlement de contrôle intérimaire, ça soustrait certaines parties du territoire assujetties au règlement de contrôle intérimaire...

M. Chartrand (Jean-Yves): Où il est voté.

M. Léonard: ... à l'application de l'article 56. Il faut voir aussi qu'avant l'adoption du contrôle intérimaire, il va y avoir des rencontres entre les municipalités membres et tous les maires, et ces municipalités vont étudier la réglementation actuelle, vont discuter de la façon de faire l'aménagement, vont élaborer un projet d'aménagement pour la municipalité en termes assez généraux. Je pense que toutes ces rencontres, toutes ces discussions préalables vont être de nature à diminuer les impacts négatifs du contrôle intérimaire.

J'aurais seulement quelques questions, rapidement. Vous parlez, à la page 5, d'un lotissement que vous dites susceptible d'être desservi par un service et vous proposez qu'il soit accepté selon les normes d'un lotissement avec services et que celui-ci soit aménagé lorsque la densité d'occupation le rend financièrement réalisable. Une première question: Selon vous, quels seraient les services offerts pour les personnes qui occupent en premier un tel lotissement?

M. Chartrand (Jean-Yves): II s'agit de lotissement... Pour vous donner un exemple concret: On a une terre de sable, la nappe phréatique est à quatre pieds, une couche de glaise et de l'eau dans le sous-sol. Il est fort possible de faire des terrains de 15 000 pieds; le gars installe sa maison, se met un puits de surface et une fosse septique et l'eau va être excellente, probablement pour toujours. Je connais des endroits à La Plaine où cela fait 20 ans qu'il y a des terrains de 6000 pieds, des pointes et des fosses septiques; les gars de l'environnement vont faire un tour de temps en temps et l'eau est toujours bonne. Par contre, à d'autres endroits, ils ont des terrains de 15 000 ou de 30 000 pieds dans la glaise; cela fera quelques années et ce sera gâté. Cela relève de la nature du sol; si les sables sont filtrants et avec un bon champ d'épuration, les eaux ménagères ne gâtent pas la nappe de surface et cela peut fonctionner comme cela très longtemps, sans que ces gens n'aient jamais besoin de se payer un aqueduc.

M. Léonard: A ce moment-là, comment déterminer l'échéance pour installer les services municipaux si, un jour, ils s'avèrent municipaux; ne croyez-vous pas que, si on attend que la nappe phréatique soit affectée, à ce moment-là, il soit vraiment trop tard?

M. Chartrand (Jean-Yves): Je dirais que cette suggestion n'est pas valable partout. Vous pouvez avoir des endroits à 300 milles de Montréal, par exemple, où un gars fait un lotissement; il y a des gens qui l'habitent un peu d'une façon désordonnée, selon la façon qu'il a ouvert ses rues, il y a un problème d'eau et il n'y a pas assez de monde pour corriger le problème; là, c'est une chose qui n'aurait jamais dû être faite. (18 heures)

Par contre, dans la région de Montréal où nous sommes impliqués, à La Plaine ou à Saint-Lin, il est facilement prévisible de dire: J'ouvre un lotissement; on a 30% d'occupation la première année, 60% la deuxième année et, pour la troisième année, cela joue dans les 80% d'occupation; là, on pourra entrer un service d'aqueduc et on peut se fier raisonnablement sur l'occupation anticipée. Dans ces cas, le nombre de gens qui, au début, doivent payer l'aménagement de leur terrain, le logement qu'ils y construisent... Si, en plus, on met des infrastructures d'aqueduc, etc., le compte de taxes est de $500 par année, ils ne réussissent pas. Mais, s'ils posent une pointe et une fosse septique, qu'ils construisent leur maison, les premières années...

M. Léonard: Ils feraient cela à leurs frais.

M. Chartrand (Jean-Yves): Tout à leurs frais. Et une fois qu'il y a 60% ou 75% d'occupation, que déjà les gens ont trois ou quatre années d'occupation en arrière d'eux et qu'une grosse partie des dépenses de l'implantation est déjà assumée — parce qu'il y a bien des choses qui sont payées comptant — on peut alors leur dire: Maintenant, on va vous poser un aqueduc et ça va vous coûter $200 de plus par année, ils sont tous capables de le prendre. Ce ne sont pas des millionnaires, ce sont des gens qui, autrement, probablement n'auront jamais une maison à eux. C'est un genre d'étapisme pour permettre l'accès à la propriété, tout en respectant les normes d'hygiène et en les contrôlant, pour ne pas faire des projets qui vont être un problème futur.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je voudrais dire à M. Chartrand que le point qu'il soulève à la page 8, quant à l'interprétation qu'on doit faire de l'article 59, en concordance avec l'article 56, la signification ne nous en échappe pas. Même s'il n'a pas reçu d'assurance du ministre, je peux lui donner l'assurance que, quant à nous, nous soulèverons la question au moment de l'étude article par article du projet de loi et nous ferons en sorte de spécifier la portée du mot "sa", à savoir à quoi ça s'applique exactement.

J'aimerais dire à M. Chartrand, également, que nous souscrivons à l'objectif qu'il énonce à l'effet de minimiser la période de temps durant laquelle il est impossible de faire une utilisation du sol, c'est-à-dire pendant la période de temps où un règlement intérimaire n'est pas approuvé. Mais je dois vous dire, en toute justice et en toute honnêteté, que je crains fort que vos représentations ne tombent dans des oreilles de sourds, puisque l'allusion que vous faites, à la page 9, de cette brimade des droits de propriété de personnes qui pourraient être propriétaires de terrains et qui seront, à toutes fins pratiques, gelés, ce précédent est déjà consacré dans la loi 90 sur le zonage agricole. Je crains fort que vos représentations, aussi bien que celles que nous ferons à l'appui de cette considération, encore une fois, s'avèrent vaines. Là-dessus, j'aurais sûrement certaines questions, mais, compte tenu de l'heure, je considère que le mémoire est assez clair en soi. J'assure M. Chartrand que nous ferons les représentations utiles en temps et lieu, pour faire en sorte que tout au moins ses revendications soient étalées publiquement, sinon adoptées par le gouvernement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Très brièvement, M. le Président. Je ne vous ferai pas part des points avec lesquels je suis d'accord, mais il y a juste une question que j'aimerais poser à M. Chartrand.

Vous parlez de liberté des gens de s'installer, je suis d'accord en principe. Vous préconisez la liberté de s'installer quand ils peuvent s'installer sur un terrain. Au niveau du projet d'aménagement pour une municipalité, j'entends de très petites municipalités, comme celles que je représente au niveau du comté de Bellechasse, le gros problème, c'est qu'on ouvre des rues et qu'il n'y a pas d'infrastructure. Les gens font des dépenses variant de $1500 à $3000, pour se conformer aux exigences du ministère de l'environnement, avec une fosse septique selon les normes et, à un moment donné, lorsqu'on a la densité suffisante pour avoir des infrastructures, on se voit battre lors d'un référendum, parce que ceux qui ont déjà investi des sommes d'argent énormes, peut-être de $2000 à $3000, pour satisfaire les exigences de l'environnement, et que ça fait deux, trois, quatre ou cinq ans qu'ils se sont installés ne sont plus intéressés à payer $300, $400, $500 ou $600 pour la taxe d'aqueduc et d'égouts pour l'infrastructure. C'est là le problème.

Je vis ça régulièrement dans nos municipalités, une municipalité va laisser ouvrir quatre ou cinq rues, parce qu'il n'y a pas de plan d'aménagement. Naturellement, il n'y a pas de densité pour les quatre ou cinq rues. Mais avec un projet d'aménagement, si la municipalité permettait d'ouvrir une seule rue, mais avoir la densité nécessaire, on pourrait se payer une infrastructure et il n'y en a pas la moitié qui paierait pour rien.

Chez nous, il y a au moins cinq ou six municipalités qui sont prises avec le problème que vous décrivez. Les deux ont raison, mais il faut que cela arrête et où est-ce que cela doit arrêter? C'est la question que je vous pose.

M. Chartrand (Jean-Yves): Ce que je dis, c'est qu'il y a des lotissements où on dit que c'est 30 000 pieds ou 3000 mètres et le gars sait d'avancequ'il est mieux de se mettre un bon puits artésien, parce que ça va rester comme ça. Dans d'autres endroits, si on dit au type: II va y avoir un aqueduc, on attend qu'il y ait du monde, mais en attendant, si tu veux t'installer tout de suite, c'est possible, mets-toi un puits de surface ou si tu veux mettre un puits artésien, tu es averti qu'il va y avoir un aqueduc. A ce moment-là, c'est un gars qui est averti de l'aménagement qu'on prévoit et les possibilités immédiates, mais aussi les projections futures, c'est-à-dire que le gars en s'en venant sait qu'il va y avoir un aqueduc. Donc, s'il est averti et que c'est planifié, il peut s'installer tout de suite. Quand arrive la question de l'aqueduc, c'est un gars au courant, ce n'est pas un gars surpris et contre l'aqueduc, tout ça.

M. Goulet: C'est pour des régions bien spécifiques comme celles que vous avez mentionnées, je pense, Saint-Lin...

M. Chartrand (Jean-Yves): C'est ça.

M. Goulet: ... et l'autre, je ne me souviens pas du nom. Mais dans nos régions, où c'est très difficile d'avoir des puits de surface et où pour les fosses septiques, l'environnement dit: Voici un modèle de fosse septique et c'est ce modèle que tu dois installer. Alors, on arrive à des coûts, dépendant de la profondeur du puits, de $1000 à $3000. Le propriétaire qui a investi ces montants il y a deux, trois ou cinq ans n'est pas intéressé, absolument pas.

M. Chartrand (Jean-Yves): Dans ces endroits, on ne devrait pas tolérer d'avoir des lotissements qui seront desservables. C'est sûr qu'il y a certaines conditions qui doivent être réunies pour penser à ce concept. Mais ce que je voudrais, parce que ce n'est pas possible ailleurs, c'est qu'on ne l'empêche pas aux endroits où ce serait logique et où cela conviendrait à nombre de gens de fonctionner de cette façon.

M. Goulet: Ça va, M. le Président.

M. Lavoie: Avec la permission de la commission.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je demande la permission de poser une courte question. Est-ce que vous faites du développement dans la région de La Plaine et de Saint-Lin, du lotissement et tout? Combien de petits propriétaires, de cette manière, ont eu accès à la propriété?

M. Chartrand (Jean-Yves): A l'heure actuelle, on a au moins 1500 propriétaires installés sur place et on a peut-être un autre millier qui ont acheté leur lot et qui ramassent leur argent pour se construire une maison.

M. Lavoie: Est-ce que cela procède normalement actuellement dans ce développement?

M. Chartrand (Jean-Yves): Tout est gelé, avec le zonage agricole. On n'avait pas de droits acquis, parce qu'il n'y avait pas d'égouts. Il y a nombre de dames qui appellent, peut-être dix fois par jour en demandant: Puis-je remettre mon logement? Dois-je négocier mon hypothèque? Qu'est-ce qui arrive? On parle de se bâtir, on a passé à la commission de zonage il y a dix jours. J'ai appelé aujourd'hui pour savoir si la décision était rendue et on m'a dit qu'il fallait faire enquête, qu'on n'était pas satisfait de l'audience et que cela prendrait encore au moins deux à trois semaines. Et, comme vous le savez, dans les mois d'avril et mai, dans la construction et le logement, ce sont tous des gens qui sont pas mal désespérés par la situation.

M. Lavoie: Combien de petits propriétaires — parce qu'on emploie souvent ce qualificatif depuis un certain temps — ont des terrains qu'ils ont achetés, qu'ils ont fini de payer, ou qui sont en voie de paiement, et qui ne peuvent pas réaliser leur projet ou bâtir, à cause du gel qui est arrivé, au mois de décembre dernier?

M. Chartrand (Jean-Yves): Uniquement pour ce qui est des Entreprises Chartrand, cela ne comprend pas d'autres lotisseurs dans les environs, on peut facilement parler de 1000 propriétaires.

M. Lavoie: Qui ont acheté des terrains, qui ont investi, mais qui ne peuvent rien faire avec leur terrain pour le moment?

M. Chartrand (Jean-Yves): Je peux vous dire que ceux qui avaient un titre enregistré au 9 novembre ont un droit acquis, mais que ceux qui étaient sous promesse de vente, ou dont le cadastre n'est pas déposé, sont empêchés. Ceux qui avaient une promesse de vente n'ont pas de droit acquis et ceux qui avaient acheté leur lot si le cadastre n'est pas déposé, la municipalité nous empêche de le déposer, à cause de la loi 90. Donc, ils ont un droit acquis, mais la municipalité, vu que le cadastre n'est pas déposé, dit: Je n'émets pas le permis parce que le cadastre n'est pas déposé. Et ils ne nous permettent pas de le déposer, parce que c'est sous le coup de la loi 90.

M. Lavoie: Vous me dites que ceux qui, effectivement, avaient un titre enregistré ont des droits acquis, même s'il n'ont pas d'égouts et d'aqueduc devant leur porte?

M. Chartrand (Jean-Yves): Oui, le propriétaire qui a un lot enregistré au 9 novembre a un droit acquis de se bâtir une maison et, s'il a plusieurs lots, c'est une maison pour la "gang" de lots, mais le propriétaire qui a un titre enregistré au 9 novembre n'a pas le droit de faire le dépôt du cadastre tant qu'il n'a pas la décision de la commission de protection, et parce que le dépôt de cadastre n'est pas fait, il n'a pas le droit d'avoir son permis, parce que la municipalité n'émet pas de permis à moins que le lot soit déposé.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Une petite question. A combien de milles de la plus proche municipalité ou du village êtes-vous situés sur votre plan domiciliaire?

M. Chartrand (Jean-Yves): On est dans la municipalité de La Plaine. Tous les gens qui sont là font partie du village.

M. Chevrette: Oui, mais je veux dire par rapport au centre du village?

M. Chartrand (Jean-Yves): Le centre du village? Dans l'agglomération des Entreprises Chartrand et d'autres lotisseurs qui sont contigus, on a, à l'heure actuelle, à peu près 3000 de population et, quand on parle du centre du village, on parle peut-être de 30 familles. Qu'est-ce qui est le centre du village? Là où il y a 3000 personnes ou là où il y en a quelques centaines?

M. Chevrette: Je n'ai pas compris la distance.

M. Chartrand (Jean-Yves): Les maisons où il y a cent familles, à la croisée de la 337 et du Curé-Barrette, cela fait plus longtemps que les autres qu'elles sont là, mais les autres, il y en a 3000 et ils se considèrent des Plainois comme tout le monde. On a même souvent tenté d'essayer de dire qu'il n'y avait pas de partie dans le village, que tout le monde faisait partie de la même municipalité. Je retrouve un peu l'espèce de ségrégation que vous essayez de faire entre le village et l'autre partie du village.

M. Chevrette: Non, ce n'est pas du tout cela. Je m'excuse, monsieur, vous interprétez mes paroles, je ne vous le permettrai sûrement pas, dans le sens suivant; C'est que je n'essaie pas de montrer qu'il peut y avoir des divergences de vues entre un plan domiciliaire et un village, ce n'est pas cela. Si

j'ai voulu vous faire préciser la distance, monsieur, c'est en fonction de la deuxième question que j'avais à vous poser, concernant les coûts éventuels pour se donner des services à partir du centre, où il y en a probablement.

M. Chartrand (Jean-Yves): L'aqueduc est d'ailleurs prévu pour l'agglomération. C'est en négociation avec les Affaires municipales. L'approvisionnement en eau sera indépendant de ce que vous voulez dire... Je ne suis pas capable de dire "le village", parce que je me considère aussi dans le village.

M. Chevrette: Non, par rapport au point central, aux services existants?

M. Chartrand (Jean-Yves): Mais les services existants, l'aqueduc municipal de La Plaine, c'est un puits artésien qui dessert un nombre X de maisons, mais je dirai que, dans le domaine, chez nous, on a des puits artésiens qui sont aussi bien équipés que l'aqueduc de La Plaine.

M. Chevrette: Dans les contrats signés, est-ce que ce sont les propriétaires qui ont à défrayer la note ou si c'est sur le plan municipal pour l'aménagement des services collectifs?

M. Chartrand (Jean-Yves): Pour l'aqueduc, c'est en négociation actuellement à La Plaine, et cela va être un emprunt collectif, réparti chez les propriétaires riverains. On espère une aide financière du ministère des Affaires municipales.

M. Chevrette: Est-ce qu'il y a des évaluations de faites?

M. Chartrand (Jean-Yves): Oui, l'évaluation municipale de La Plaine a été de $33 millions ou $35 millions.

M. Chevrette: Combien?

M. Chartrand (Jean-Yves): $35 millions à peu près.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre. M. Léonard: Je vous remercie beaucoup.

M. Chartrand (Jean-Yves): J'aurais une question à vous poser. L'article 56 et les suivants sur le contrôle intérimaire, est-ce qu'il va être possible au conseil de comté de dire: Nous autres, telle partie, on ne veut pas que ce soit gelé par le déclenchement du processus d'aménagement du schéma. On vous envoie le règlement de contrôle intérimaire. On attend 90 jours pour savoir si vous les approuvez ou non. Là, il entre en force, et, après cela, on déclenche le processus du schéma. Est-ce qu'il va être possible de faire cela?

M. Léonard: On me dit que ce qui est le plus sûr, à l'heure actuelle, d'après les renseignements que j'ai ici, c'est qu'il y a la résolution, et c'est après 90 jours. C'est la résolution qui porte sur le règlement de contrôle intérimaire, la résolution à l'effet d'adopter un schéma, plus, en même temps, un règlement de contrôle intérimaire qui porte sur 90 jours.

M. Chartrand (Jean-Yves): On fait la résolution pour déclencher le processus d'élaboration du schéma. On ne pourrait pas avoir fait le règlement pour le contrôle intérimaire avant d'avoir fait cela pour essayer d'être sûr du contrôle intérimaire, même avant de commencer l'élaboration du schéma? Comme cela, quand on commence l'élaboration du schéma, le contrôle intérimaire est déjà entendu? Donc, il y a une partie de la municipalité qui n'est pas gelée par le déclenchement du schéma? Est-ce que ce serait possible de fonctionner comme cela? (18 h 15)

M. Léonard: On va prendre cela en considération pour voir si c'est possible de le faire comme cela.

M. Chartrand (Jean-Yves): Sinon, ce que je voudrais, c'est que la loi dise: Là où est votre périmètre urbain et où vous avez déjà un règlement, dites-le nous, et cela ne sera pas gelé. Pour le reste, on sortira nos crayons.

Le Président (M. Laplante): M. Chartrand, les membres de cette commission vous remercient de votre mémoire. Merci. Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 16

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise de la séance de la commission élue permanente des affaires municipales pour l'étude du projet de loi no 125, l'audition des mémoires.

J'appelle maintenant la Société pour le progrès de la rive sud. Madame, messieurs, si vous voulez identifier votre organisme, s'il vous plaît, et les personnes qui vous accompagnent?

Société pour le progrès de la rive sud de Montréal

M. Miron (Bernard): Mon nom est Bernard Miron, président de la Société pour le progrès de la rive sud; à ma gauche, Mme Phyllis Préfontaine, qui est membre d'un de nos comités, soit celui de l'aménagement du territoire, et M. André Benoît, qui est un agriculteur.

Avant de commencer, je dois mentionner que nous remercions la commission parlementaire de nous donner l'opportunité de présenter notre mémoire, à la suite des nombreuses préoccupations que nous avons au niveau de l'ensemble de notre territoire.

Compte tenu que le président de la commission m'a demandé de couper beaucoup de choses à l'intérieur du texte, je passerai immédiatement par-dessus les notes préliminaires, tout le monde sait lire, je pense, et je passerai au vif du sujet pour mentionner que, d'une part, la Société pour le progrès de la rive sud est un organisme privé à but non lucratif qui regroupe 350 membres individuels préoccupés par le développement socio-économique de la rive sud de Montréal. Nous couvrons le territoire que plusieurs identifient comme la région 6c, donc la partie sud de la région de Montréal.

Compte tenu de notre préoccupation au niveau de l'aménagement, et, compte tenu aussi qu'il n'existe pas de conseil régional de développement dans notre territoire, le gouvernement du Québec a reconnu la Société pour le progrès de la rive sud comme interlocuteur privilégié en matière d'aménagement du territoire pour la rive sud de Montréal.

Ce rôle en a été un d'animation auprès des citoyens en général, et particulièrement auprès des municipalités.

Déjà, le territoire de la rive sud a fait l'objet d'un découpage en six secteurs qui, de par leur nature et leur étendue, s'apparentent à la notion de région d'appartenance. Les dirigeants municipaux de plusieurs de ces secteurs siègent volontairement et bénévolement à des comités d'aménagement et en sont même rendus à une phase de mise en opération dans certains cas.

Je suis donc rendu immédiatement à la page 4 pour le bénéfice de tout le monde. La pertinence d'une loi en matière d'aménagement et d'urbanisme est depuis fort longtemps établie. C'est d'ailleurs le retard à en formuler une qui a causé beaucoup de préjudice au développement du Québec et même autorisé des interventions sectorielles certes souhaitables, mais désordonnées.

Dans un mémoire remis au ministre de l'Agriculture portant sur le projet de loi no 90, nous avons fait état de l'importance d'établir un cadre régional de planification du territoire. Nous avions, du même coup, indiqué qu'il nous paraissait rationnel d'insérer un chapitre "zonage agricole" dans une éventuelle loi sur l'aménagement.

Tel que formulé, l'actuel projet de loi 125 est certes influencé par les perspectives de décentralisation. Ceci d'ailleurs est établi clairement par les textes du secrétariat à l'aménagement. Pour leur part, les dirigeants de la Société pour le progrès de la rive-sud, outre la perspective de décentralisation, se sont attardés à considérer principalement l'impact du projet de loi sur le développement de la région sud de Montréal.

Ainsi, la question fondamentale que nous avons dû poser portait sur l'effet favorable du projet de loi 125 sur le développement, bien entendu, de notre territoire. Nous avons examiné l'efficacité administrative du projet de loi principalement au plan de son processus décisionnel. Enfin, nous avons fait nôtres les quatre principes sous-jacents à ce projet, tels que formulés dans le fascicule 3 sur l'aménagement et la décentralisa- tion et examiné dans quelles mesures ils étaient respectés.

Nos commentaires seront présentés sous quatre volets, chacun conforme à un objet de consultation. Nous exprimerons donc notre opinion sur le contenu général de la loi, le nom devant désigner l'organisme régional chargé d'élaborer le schéma, les modalités de découpage du territoire, les modalités de représentation. Notre exposé sera conclu par la formation de propositions à cette commission.

Le contenu général du projet de loi. Quoique titrée Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, il est apparu évident que, tout au moins pour le chapitre I du titre II, le législateur s'est laissé tenter par l'opportunité d'établir les bases d'un mécanisme décentralisé multifonctionnel. D'ailleurs, nous devons souligner que le lecteur du projet de loi ne peut ignorer le contexte de la décentralisation. Par contre, le projet de loi en est un d'aménagement et d'urbanisme et les objets de la consultation qui nous sont soumis ne débordent pas ce cadre. Aussi, nous avons tenté d'examiner les qualités et les défauts du projet de loi par rapport au titre même qu'il porte. (20 h 15)

Je passerai par-dessus les principes que tout le monde connaît sûrement.

Les points sur lesquels nous sommes d'accord et les points sur lesquels nous sommes en désaccord. Les points sur lesquels nous sommes d'accord. Il est aisé d'être en accord avec le législateur sur la pertinence de déposer une loi de l'aménagement. Le type de région dite région d'appartenance retenue pour fins d'aménagement rallie notre assentiment. De fait, le travail fait par notre organisme au niveau des différents "secteurs d'aménagement" a toujours pris comme base de regroupement les affinités territoriales, sociales et économiques. Dans ce sens, le territoire des comtés actuels peut être utilisé comme point d'amorce pour établir les limites géographiques de l'organisme régional d'aménagement. Toutefois, dans le cas de notre région, il y aurait net avantage à profiter du travail déjà réalisé en utilisant le découpage territorial qui a servi de point de référence aux différents comités d'aménagement déjà en opération.

La SPRS, la société, est en accord avec le "membership" municipal comme base de formation de l'organisme régional d'aménagement, car, à notre avis, la municipalité constitue présentement l'unique organisme multifonctionnel décentralisé territorialement dirigé par un conseil élu. Elle exerce déjà la fonction d'aménagement dans son territoire. La municipalité doit donc être le point de départ de la démarche d'aménagement, en raison de ses responsabilités, de ses pouvoirs et de la responsabilité politique de ses dirigeants.

Les points sur lesquels nous sommes en désaccord: L'analyse du projet de loi 125 nous révèle que les pouvoirs de contrôle ou d'intervention du ministre sont tels qu'ils contreviennent considérablement aux principes sous-jacents à la loi. Ici, je pense surtout aux articles 28 à 31.

De fait, nous croyons que les municipalités membres du comté renouvelé s'accommoderont difficilement des pouvoirs ministériels qui remettent même en cause le travail effectué par le comté renouvelé et invalident l'opinion exprimée par les citoyens. Nous affirmons donc que les pouvoirs ministériels contredisent le principe du respect des domaines d'intervention, qu'ils faussent la concertation entre les trois paliers, qu'ils remettent en cause la participation des citoyens et qu'ils vont même à l'encontre du principe de la responsabilité politique.

Il y a certes lieu d'alléguer la présence de l'Etat et de respecter les fondements mêmes du projet de loi. Nous croyons que le législateur a tenté vainement de créer une structure hybride dont le père gouvernemental porte les caractères de décentralisation fonctionnelle et la mère municipale porte les caractères de décentralisation territoriale.

Par définition, les organismes de décentralisation fonctionnelle sont soumis à une tutelle des ministères et également à certains contrôles, règles et pratiques des organismes administratifs centraux. Généralement, ils n'ont pas de pouvoirs fiscaux. On n'a qu'à penser ici aux hôpitaux et aux CEGEP, par exemple.

Les organismes décentralisés territorialement, les municipalités, sont dirigés par des personnes élues et disposent de pouvoirs fiscaux. Ils jouissent d'une économie de gestion plus grande que les organismes décentralisés fonctionnels, ces derniers étant plutôt apparentés à la déconcentration.

Dans le cas qui nous intéresse, la législation devrait assurer la mise en place d'un organisme qui serait le fruit d'une décentralisation unifonc-tionnelle et territoriale. Ceci assurerait un statut qui s'apparente plus à celui des municipalités et forcerait un allégement des contrôles de l'Etat.

Un autre point sur lequel nous sommes en désaccord, un autre aspect du projet de loi qui nous inquiète, c'est celui de la lourdeur du processus décisionnel. Certains spécialistes, comme les urbanistes, les directeurs généraux ou les gérants des villes, ont indiqué qu'il faudrait compter environ sept années pour réaliser un cycle d'adoption du schéma et du plan d'urbanisme, sans compter la période de mise en place de l'organisme régional.

Le processus d'adoption du schéma et du plan d'urbanisme mérite le qualificatif redondant. Tel que formulé, il ne constitue certes pas un outil efficace de développement et crée l'illusion de la consultation et de la décentralisation. Il crée l'illusion de la décentralisation en mettant en branle un cheminement tout au long duquel des décisions seront prises par le conseil de comté renouvelé pour aboutir finalement à un pouvoir de modification qui ne laisse aucun doute quant à la primauté des objectifs nationaux.

Il crée l'illusion aussi de la participation en associant le citoyen à diverses étapes par le biais d'audiences publiques et en lui donnant l'occasion de s'exprimer par référendum. Toutefois, ce référendum n'est que consultatif et tous les efforts de participation aboutiront au même pouvoir de modification du schéma par le gouvernement et ce, encore au nom de la primauté des objectifs nationaux. D'ailleurs, les articles 127 et 133 illustrent comment il est possible de donner l'illusion du pouvoir local et régional tout en établissant clairement la subordination au pouvoir central.

Le dernier élément sur lequel nous enregistrons un désaccord est l'élection du préfet telle que formulée par l'article 162. Nous croyons que les délégués municipaux siégeant au conseil de comté renouvelé seront dans une situation fort difficile et même contraignante en raison de l'écart possible entre l'intérêt régional et l'intérêt local. Cette situation sera d'autant plus inconfortable que le mandat original de leurs électeurs les habilite à prendre des décisions au plan local. Ce n'est que par extension de leurs responsabilités que le projet de loi en fait des mandataires régionaux.

Le projet de loi 125 prévoit que le préfet est élu par les membres du conseil. Le titulaire, fort probablement un maire, représentant d'une municipalité membre, devra occuper une fonction publique qui lui confère même un vote prépondérant en cas d'égalité. L'exercice de ce pouvoir sera certes difficile par une personne dont le mandat premier au conseil est de représenter sa ville. Nous croyons qu'il y a lieu de prévoir un mode différent d'élection du préfet afin d'assurer que le titulaire de ce poste puisse exercer le plus librement possible ses responsabilités, et qu'il n'ait pas à composer avec un double mandat.

En ce qui concerne le nom, le choix du nom pour désigner l'organisme régional chargé d'élaborer le schéma d'aménagement n'est pas aisé pour plusieurs raisons. D'aucuns conviennent que l'appellation de conseil de comté réfère à une institution rurale à peu près inconnue par la population urbaine. La connotation rurale n'est certes pas pour favoriser l'acceptation du nom comté par les dirigeants municipaux du monde urbain. Nous ne pouvons ignorer cette réalité. Par ailleurs, le même raisonnement nous permet d'avancer que la majorité des citoyens du Québec se réfèrent au comté électoral lorsqu'on parle de comté. Nous croyons que l'utilisation du mot "comté" ne ferait qu'ajouter à la confusion pour le citoyen maintenant aux prises avec un comté fédéral pour lequel un député est élu, un comté provincial pour lequel un député est élu, un conseil de comté municipal qui en fait est régional et sur lequel il n'exerce aucun contrôle direct et enfin, un comté ou un conseil municipal à l'élection duquel il participe.

Nous croyons que le nom de l'organisme doit coller le plus près possible à la réalité de cet organisme et qu'il y va de l'intérêt de tous d'éviter la confusion.

A notre avis, l'organisme chargé d'élaborer le schéma et de remplir les autres fonctions prévues par le projet de loi 125 est un organisme unifonc-tionnel décentralisé territorialement. Pour cette raison, nous devons retenir que la fonction décen-

tralisée est l'aménagement et que le territoire couvert est celui de la région d'appartenance. Il y a donc lieu, à notre avis, de reprendre ces deux notions et de créer une corporation régionale d'aménagement pour chaque région, corporation qui serait dirigée par un conseil formé par les municipalités membres d'une région. Le citoyen s'adresserait donc au conseil régional d'aménagement de... sans la moindre ambiguïté tout au moins pour ce qui est du rôle de son interlocuteur et de son palier d'intervention.

Les modalités de découpage. Le découpage territorial constitue une étape importante dans le processus de mise en place du conseil régional d'aménagement. Telle que formulée, la loi permet au ministre d'agir unilatéralement ou de ne pas agir. L'article 142 stipule que le gouvernement peut modifier les comtés actuels, créer de nouveaux comtés et, en tout temps, modifier les lettres patentes émises en vertu du même article. Aucun délai ni processus ne sont stipulés.

A notre avis, il y a lieu d'être plus spécifique afin d'assurer la délimitation des territoires et la création des conseils régionaux d'aménagement.

Les modalités de découpage et de mise en oeuvre de la loi, telle que sanctionnée, pourraient comprendre les étapes suivantes. Nous suggérons simplement un échéancier. Le gouvernement dépose un échéancier de mise en place des conseils régionaux dans l'ensemble du territoire précisant les délais pour chacun;

Le gouvernement publie des hypothèses de découpage, tout en demeurant disposé à recevoir des hypothèses de la part des municipalités;

Les territoires des actuels comtés municipaux servent de territoire de base pour amorcer les discussions et il y a, pour chaque territoire régional, la création d'un conseil régional d'aménagement provisoire formé par toutes les corporations municipales du territoire. Dans le cas de la rive sud, les territoires déjà utilisés par les comités d'aménagement pourront être utilisés.

La consultation pour l'établissement d'un territoire définitif est faite par le gouvernement et chaque membre du conseil doit émettre un avis au ministre sur son rattachement dans un délai de trois mois suivant la date de création dudit conseil provisoire.

La demande des lettres patentes est faite par le conseil provisoire.

Les lettres patentes, outre les stipulations de l'article 144, devront indiquer le mode de tarification des membres du conseil régional d'aménagement.

L'articulation de ce processus pourrait être établie par règlement, pour autant que le projet de loi 125 prévoie une disposition qui assure ce pouvoir au gouvernement.

Pour ce qui concerne les modalités générales de représentation, nous croyons qu'il appartiendra à chaque conseil provisoire d'établir la répartition du vote. Ce sera là un exercice de concertation formateur pour tous les membres du conseil. A notre avis toutefois, il importe que le législateur assure une équité de représentation. Compte tenu que le financement par les municipalités membres a de fortes chances d'être établi selon un principe de tarification, basé sur l'indice de population entre autres, il va de soi que la répartition du vote se doit d'être proportionnelle.

La SPRS est d'accord que les municipalités soient les membres constituants du conseil régional d'aménagement, d'autant plus qu'elles ont déjà cette responsabilité dans leur territoire et que leurs dirigeants sont élus par la population qu'ils représentent. Au palier municipal, il n'y a certes pas d'équivoque quant au respect du principe de la responsabilité politique.

Quant au représentant de la municipalité au conseil régional d'aménagement, nous différons d'opinion avec le législateur en raison même des réformes du système électoral municipal dont l'application établit une démarcation plus grande entre le maire et le conseil municipal. Des exemples récents, surtout chez nous, démontrent que le conseil municipal peut, parle jeu des partis politiques locaux, placer un maire dans une situation fort embarrassante lorsqu'il s'agit de représenter la municipalité. Aussi croit-on qu'il est important que le délégué de la municipalité soit désigné par résolution du conseil municipal.

Nous devons revenir ici sur le choix du préfet. Antérieurement, nous avons fait état de notre objection à la désignation d'un préfet par les membres du conseil. Les membres du conseil régional d'aménagement sont mandatés par leur conseil municipal pour les représenter. Déjà là, il ne sera pas aisé d'agir comme mandataire municipal et administrateur régional. L'extension du mandat local, à notre avis, ne doit pas aller jusqu'au niveau du préfet en raison même de la charge qui accompagne cette fonction et des situations conflictuelles qui seront fréquentes.

Aussi, la société suggère-t-elle que le terme 'préfet ' soit remplacé par celui de "président ", compte tenu que le nom "conseil de comté " n'a pas été retenu.

Quant à la fonction de président, nous croyons qu'elle doit être assumée, dans notre région tout au moins, par une personne qui en fait son occupation principale. Il est utopique d'imaginer que cette fonction se résume à une réunion mensuelle. Déjà, ceux qui ont la charge de maire consacrent totalement leur temps ou une grande partie de leurs activités hors travail toujours à l'exercice de cette même fonction de maire.

Aussi, nous suggérons que le président du conseil régional soit désigné par le conseil par voie de concours et qu'il occupe ce poste comme activité permanente pour une période à déterminer par le conseil. Il s'agit, à notre avis, d'une formule administrativement efficace qui, par ailleurs, respecte la responsabilité politique du conseil.

Nos propositions. La SPRS désire donc établir qu'elle appuie l'initiative du gouvernement du Québec à légiférer en matière d'aménagement. Elle endosse les principes qui ont guidé l'élaboration du projet de loi 125 tels que formulés dans le fascicule 3 sur la décentralisation publiée par le

secrétariat à l'aménagement et à la décentralisation.

La SPRS demande au gouvernement d'adopter le projet de loi en le modifiant afin de le rendre conforme aux principes qui doivent l'inspirer. Nous demandons donc au législateur:

Que les pouvoirs du ministre soient modifiés de telle sorte que les choix locaux et régionaux s'exercent réellement sans les rendre dépendants des choix nationaux qui peuvent, d'une part, s'insérer dans la planification locale et régionale ou, d'autre part, s'exercer par l'usage de la zone d'intervention spéciale. Que le mécanisme de confection et d'adoption du schéma soit allégé. Il serait utile que le gouvernement fournisse, dès le départ, des documents précis sur ces orientations et ces objectifs au plan régional. Ceci éviterait l'envoi de documents en deux étapes. Je me réfère aux articles 11 et 21.

Par ailleurs, nous croyons qu'à la lumière des documents gouvernementaux et municipaux, il est possible pour le conseil régional de préparer une proposition d'aménagement sur laquelle il prendra avis de la population, des gouvernements, des municipalités et des organismes du territoire pour, finalement, adopter le schéma sans possibilité d'amendement par le gouvernement.

Ceci signifie que la phase de propositions préliminaires et des avis qui l'accompagnent est inutile. De plus, une seule étape de consultation est requise et le référendum, dans la forme de l'article 24, n'a pas lieu d'être tenu.

Dans le même ordre d'idées, une étape de consultation et d'avis peut être éliminée au palier municipal dans le cas de l'élaboration du plan d'urbanisme.

Que le nom "conseil régional d'aménagement" soit retenu afin de désigner l'organisme chargé des pouvoirs du conseil de comté inscrit dans le projet de loi.

Que le gouvernement établisse par règlement le processus de découpage des territoires.

Que les territoires des comtés municipaux actuels servent de point de départ pour amorcer le processus.

Que les territoires déjà établis pour les divers secteurs d'aménagement soit retenus comme territoires initiaux dans la région sud de Montréal.

Que les modalités de représentation soient établis par chaque conseil provisoire et qu'un facteur de proportionnalité soit respecté. (20 h 30)

Que les modalités de partage des coûts soient incluses dans les lettres patentes.

Enfin, que le président du conseil régional d'aménagement soit nommé par le conseil par voie de concours.

En conclusion...

Le Président (M. Laplante): Votre temps est déjà dépassé; à moins que les membres de la commission...

M. Chevrette: II reste une page.

M. Miron: II me reste une page. Je peux même passer par-dessus, si vous voulez.

Le Président (M. Laplante): Excusez-moi, j'ai des pages en double.

M. Miron: La SPRS est préoccupée par le développement cohérent de son territoire et son analyse du projet de loi 125 s'est faite dans cette perspective. Dans ce sens, nous jugeons que le projet de loi 125 sera un outil utile pour autant qu'il soit remanié pour assurer l'exercice de la responsabilité politique au palier régional.

Nous avons donc formulé des propositions qui, à notre humble avis, favoriseront l'efficacité et rendront le projet de loi plus conforme aux principes qu'il devrait respecter. Nous soumettons donc à votre attention le fruit de nos réflexions qui s'appuient sur des expériences vécues en matière d'aménagement du territoire.

Nous suggérons aux législateurs de miser sur les dynamismes locaux et régionaux en établissant une loi-cadre qui stimule plus qu'elle ne contrôle. Le développement basé sur les régions d'appartenance n'est pas possible autrement. C'est là le prix de la décentralisation telle que nous la concevons.

Quant à la société, elle demeure un partenaire disponible à la poursuite de la réflexion sur l'aménagement du territoire de la rive sud de Montréal et à l'animation des principaux intervenants.

Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre?

M. Léonard: La Société pour le progrès de la rive sud, je vous remercie pour votre mémoire. Je vous félicite aussi du travail qui a été accompli par rapport à la loi de l'aménagement et de l'urbanisme. Je sais que vous y avez travaillé et que vous avez largement consulté sur la rive sud de Montréal notamment.

Je retiens, en tout cas, un certain nombre de choses et de points. D'abord, l'appui de la Société pour le progrès de la rive sud est, à mon avis, important quant à la pertinence du projet de loi, quant aux principes et aux objectifs aussi du projet de loi auxquels vous dites adhérer totalement, quant aux suggestions aussi qui ont trait aux modalités de découpage des comtés, à partir de structures existantes et en tenant compte du sentiment d'appartenance des gens.

Je vais relever un certain nombre d'ambiguïtés, à mon avis, là-dessus, par exemple, sur l'accord que vous donnez au principe de la responsabilité politique de l'aménagement. Vous dites y adhérer et, en même temps, vous proposez qu'une élection du président ou du préfet se fasse par voie de concours. Donc, en définitive, il s'agit d'un fonctionnaire et, pour diriger un corps politique, un président serait un fonctionnaire. Cela me paraît un peu ambigu comme position.

Deuxièmement, en ce qui concerne les ambiguïtés, l'accord de la Société pour le progrès de la rive sud est acquis avec le principe de la consultation et de la participation des citoyens et vous dites au gouvernement qu'il remet en cause la participation de la population et qu'il crée, jusqu'à un certain point, l'illusion de la consultation. Mais, par contre, vous faites une proposition en vue d'abolir la consultation lors de certaines étapes du processus d'élaboration du schéma ou du plan pour raccourcir les délais. Je comprends que les délais sont longs. Vous parlez de sept ans; ça me paraît aussi assez long, en tout cas, très pessimiste comme niveau de réalisation. Je pense bien qu'il ne faut pas nier que, dans certains cas, ça pourrait se produire, mais, dans d'autres, ça pourrait aller beaucoup plus vite que ça.

Vous êtes d'accord aussi avec le principe de la responsabilité de chaque palier mais, en proposant la modification de certains articles, on demande au gouvernement de laisser ses responsabilités en matière d'aménagement envers l'ensemble de la collectivité québécoise. Si je reprends les dernières pages que vous avez lues tout à l'heure, vous remettez même en cause, je pense, le principe de l'usage de la zone d'intervention spéciale, à la page 21 notamment.

Je me demande, compte tenu de ça, quels seraient les pouvoirs du gouvernement par rapport à des gestes d'intérêt national qu'il devra nécessairement poser sur le territoire.

C'étaient les commentaires que je voulais faire au départ. J'aimerais que vous clarifiez en particulier cette assertion que vous faites sur la consultation. Vous dites que c'est une illusion; est-ce que c'est parce que vous trouvez qu'il y en a trop dans le projet de loi?

M. Miron: D'une part, si on regarde le cheminement de l'élaboration et de la mise en vigueur d'un schéma d'aménagement de comté, on s'aperçoit qu'il y a un minimum de deux consultations. Il y a une consultation préliminaire; il y a une autre consultation dans les étapes 3, 4 et 8 dans le document que vous connaissez par coeur. Selon nous, si vous étirez la consultation, elle n'aura plus d'effet. Je pense qu'à un moment donné, il ne faut pas consulter pour consulter non plus. A un moment donné, les gens qui font cette consultation... On dit que les étapes de consultation, il y en a au minimum une de trop là-dedans. A partir de ce moment, on ne voudrait pas créer cette illusion. C'est dans ce sens qu'on le voit.

M. Léonard: La conclusion est un peu forte; qu'il y ait une étape de trop, je veux bien l'admettre mais est-ce que cela crée nécessairement l'illusion de la consultation?

M. Miron: II demeure que vous pouvez consulter les gens mais il demeure aussi qu'en tout temps, le ministre peut intervenir; il y a des possibilités de modification par le gouvernement. J'aimerais vous reprendre, M. Léonard, lorsque vous mentionnez la page 21 de notre mémoire. Je pense qu'il faudrait bien la lire et bien la comprendre; nous ne remettons pas en cause le principe des objectifs nationaux. On voudrait absolument que s'il y a des objectifs nationaux qui se doivent d'être inclus à l'intérieur des schémas dans notre territoire, cela passe par les schémas d'aménagement. A titre d'exemple — un exemple à la mode chez nous — s'il faut installer un hôpital, à ce moment-là, les gens de notre territoire disent: L'hôpital devrait aller là. Si un objectif national du MAS dit qu'il doit y avoir un hôpital dans le coin, que ce ne soit pas le ministère des Affaires sociales qui dise: L'hôpital va aller à telle place, mais bien les gens de la région qui déterminent l'endroit où ira l'hôpital.

M. Léonard: En ce qui nous concerne, la localisation d'un hôpital n'est pas un objectif national généralement.

M. Miron: D'accord, j'ai mal choisi mon exemple.

M. Léonard: Non, je crois que c'est important. Peut-être que le passage, par exemple, de la ligne de transmission de la baie James poursuit les objectifs nationaux et, à ce moment-là, je pense que tout le monde est d'accord sur des objectifs d'intérêt national, mais il reste quand même qu'il faut accorder à l'Etat les moyens de l'assurer. En principe, si on est d'accord, est-ce qu'en pratique aussi on va s'entendre sur un certain nombre de dispositifs pour permettre au gouvernement d'intervenir?

M. Miron: Je pense qu'on s'entend sur cela; il faut que la ligne de la baie James ou autre passe, cela est bien clair, sauf qu'à la place de la faire passer pour des soi-disant besoins nationaux, je voudrais bien qu'on s'entende avec les gens de cette région pour qu'elle passe à tel endroit au lieu de tel endroit.

Vous m'avez posé aussi une autre question sur le préfet.

M. Léonard: Oui.

M. Miron: Vous devez vous souvenir tout de même d'une consultation que nous avons faite auprès de 300 élus dans notre territoire. On a tout de même discuté assez longuement. Pour nous, cela demeure un milieu urbain où les municipalités sont tout de même assez fortes au point de vue densité. On ne pouvait pas comprendre comment un maire qui était déjà préoccupé à plein temps par sa municipalité, donc, une "job" à plein temps dans sa ville, pouvait, au niveau régional, avoir d'autres sortes de préoccupations et, à ce moment-là, on a dit: Si on fait nommer par les maires, par les gens politiques, un individu et que ce sont eux qui déterminent son mandat quant à sa durée et aux objectifs que ce comté a, c'est sûr qu'il devient un employé de ce conseil régional. Il ne serait donc pas un élu à moins que cette personne ait la compétence pour remplir ce poste.

Ce qui nous fait peur, c'est que l'individu qui serait, en l'occurrence, possiblement un maire ou même un conseiller dans le cas — parce qu'on a été assez explicite là-dessus — n'ait pas le temps de s'occuper du conseil d'aménagement ou du conseil régional d'aménagement, parce qu'il est déjà débordé avec sa municipalité. On dit: Cela prend un employé à ce conseil, qu'il le nomme cet individu et il sera toujours un employé des gens politiques, il ne sera pas nommé par le gouvernement, mais il va être nommé par les maires ou les conseillers de ce conseil d'aménagement. Je ne sais pas si je réponds à votre question. Nous en avons discuté tout de même...

M. Léonard: Est-ce que, autour de la table, il aurait le droit de vote?

M. Miron: Je m'excuse, je n'ai pas compris.

M. Léonard: Est-ce qu'il aurait le droit de vote?

M. Miron: II aurait un droit de vote en cas d'égalité.

M. Léonard: Donc, il en a un? M. Miron: Oui.

M. Léonard: A ce moment, à qui serait-il redevable?

M. Miron: II serait certainement redevable aux gens qui l'ont engagé, du moins...

M. Léonard: Electoralement, il n'y aurait... M. Miron: Absolument pas. M. Léonard: Absolument pas?

M. Miron: Non, il ne serait pas redevable, il ne serait pas élu par le peuple.

M. Léonard: D'accord, c'est tout.

M. Miron: On a étudié l'autre hypothèse aussi, M. le ministre, et elle nous semblait tout aussi utopique.

M. Léonard: Je pense, à l'heure actuelle, quand vous me dites ça, à la Communauté urbaine de Québec. Je ne sais pas si le président trouve que son hypothèse est utopique.

M. Miron: II faudrait que j'en parle avec Marcel, mais il n'en demeure pas moins qu'il faudrait faire attention; on essaie de voir quelle sorte de formulation on pourrait établir pour élire au suffrage universel ce président. C'est un nouveau suffrage.

M. Léonard: Dans le projet de loi, le préfet est élu par les autres maires; en fait, c'est ça?

M. Miron: Oui.

M. Léonard: J'aurais une autre question. Quand vous demandez le retrait de la consultation et des avis, lors de la proposition préliminaire, pour ne conserver la consultation que lors du dépôt du schéma, soit pratiquement à la fin des travaux, quels sont les mécanismes que vous comptez instaurer pour amener la population à participer à l'élaboration du schéma? Parce que, là, si je reprends, vous voulez retirer la consultation et les avis, lors de la proposition préliminaire; donc, au fond, la consultation se fait lorsqu'on dépose le schéma, soit à la fin des travaux, alors quels seraient les mécanismes que vous proposeriez pour amener la population à participer?

M. Miron: Voici, c'est que vous avez une proposition préliminaire, vous avez une consultation, concertation qui...

M. Léonard: Une consultation sur la proposition préliminaire?

M. Miron: Oui, d'accord? Nous, on considère qu'il y a trois conclusions à ce sujet. Nous disons que celle du milieu, on pourrait possiblement la faire sauter. J'ai peur que cette consultation ne s'étire, c'est ce qui nous a semblé...

M. Léonard: Je ne sais pas si j'ai mal lu le mémoire; il me semblait que c'était la consultation sur la proposition préliminaire qui devait sauter, il me semble que c'est ce que vous proposez.

M. Benoit (André): Ce qui se produit, c'est qu'elle porte ici le qualificatif de "préliminaire". On dit que, si dès le départ, les documents du gouvernement...

M. Léonard: Ah, du gouvernement sont déposés; oui.

M. Benoit: ... étaient plus précis et que le premier document mis en circulation était un peu plus explicite, sans qu'on ne lui donne le qualificatif de proposition finale — parce que, en fin de compte, elle n'est pas encore version définitive puisqu'elle ne sera définitive qu'au moment où elle sera mise en vigueur, c'est encore beaucoup plus loin — on se dit qu'il serait peut-être plus utile de faire un processus de consultation qui pourrait porter sur plusieurs audiences publiques ou plusieurs sessions de travail avec les gens, une seule étape de consultation, plutôt que d'en faire deux ou trois. Nous, on a bien l'impression qu'entre la première, la préliminaire, et la version définitive, il peut s'étirer tellement de temps que les gens ne seront plus consultés sur le même schéma la deuxième fois et que celui qui sera adopté, encore plus loin, quand il aura peut-être passé le processus de modification par le gouvernement, sera encore autant différent, et de la version définitive, et de la version préliminaire. Si on regarde ça d'un côté pratique, c'est que les

gens vont cheminer dans un laps de temps qui est très long et il ne faut quand même pas se faire d'illusion, parce que le citoyen est sollicité, en termes de consultation, par divers types d'organismes.

Là, on veut le consulter à un niveau, qui est sa région d'appartenance, mais sa région d'appartenance qui déborde grandement son quartier et sa ville. Alors, il n'est pas sûr que cette réalité, il va la saisir dès le début. Il n'est pas sûr non plus qu'il va pouvoir s'insérer sur une période de temps très longue et suivre tout le cheminement pour être capable d'avoir une consultation dans laquelle ils participent de la façon la plus positive possible. On dit: Pourquoi ne pas restreindre le temps et dire: Voici, il y a une version qui a été faite à la lumière de documents municipaux et gouvernementaux les plus précis dès le départ. (20 h 45)

M. Léonard: Quasi définitifs.

M. Benoit: Ce qui se produit, c'est que vous avez, dans un premier temps, des documents préliminaires qui viennent du gouvernement, il y a une version préliminaire sur laquelle les gens sont consultés. Dans un deuxième temps, vous avez des documents qui sont peut-être modifiés par le gouvernement, des orientations un peu plus précises. On fait maintenant un nouveau schéma qu'on appelle version définitive. La version définitive retourne dans toute la mécanique et on arrive où, quand et comment? C'est dans ce sens qu'on a l'impression que le citoyen va être quasiment déraciné du processus. On se dit qu'il ne faut pas se faire l'illusion que le bonhomme... On parle du citoyen, on ne parle pas nécessairement de tous les gens préoccupés avec tout l'appareillage pour suivre ça. Même ceux qui sont très près ont souvent un peu de difficulté.

A ce moment-là, si on pense au citoyen, l'objectif, c'est que le citoyen prenne part à la décision, qu'on lui rende ça le plus facile possible, avec le maximum d'information et des laps de temps où il va savoir dans quoi il fonctionne. Dans le fond, c'est seulement ça qu'on suggère.

M. Léonard: Je comprends.

M. Benoit: L'appellation définitive, ce n'est pas grave.

M. Léonard: Vous ne croyez pas que le gouvernement, en déposant des documents au départ, va profiter de la consultation et qu'il peut lui-même ajuster ses projets par rapport à la consultation? Alors, ce serait difficile de sortir des documents trop complets au départ.

M. Benoit: Tel que la loi est formulée, même si les documents étaient très étoffés et assez précis, il reste toujours les possibilités de modification aux articles 28 à 31 qui demeurent, après les séances de consultation.

M. Léonard: Oui, mais on n'en fait pas...

M. Benoit: Parce que le schéma ne sera pas en vigueur. Il ne sera pas en vigueur quand le conseil de comté l'aura établi, sa version finale. Il sera en vigueur quand la phase des articles 28 à 31 sera passée.

M. Léonard: Je ne pense pas qu'il faille voir l'article 28 comme étant un article d'application générale et continue. Moi pas, en tout cas.

M. Benoit: En fin de compte, la loi nous dit ce qui est écrit, il faut travailler avec ça.

M. Léonard: Vous rejetez l'appellation comté, comté renouvelé et vous voulez appeler ça conseil régional d'aménagement. Le dites-vous parce que ce serait plus conforme à votre région ou bien si vous pensez qu'il faut le rejeter? Quelles sont les raisons, finalement?

M. Miron: D'une part, lorsqu'on parle de comté, dans notre territoire, on l'a mentionné, c'est une appartenance, une connotation politique, fédérale, provinciale. Conseil de comté, dans notre territoire, ce n'est absolument pas connu. Même si on a le président du CCQ chez nous, il demeure que ce n'est pas connu. Il y a M. Moreau qui est connu, mais les conseils de comté, ce n'est pas connu. Chez nos urbains, ça ne passe pas entre les deux oreilles, comtés ou conseils de comté. Peut-être que c'est viscéral, mais ça ne passe pas. Si on s'était attardé seulement à ça, on aurait peut-être parlé uniquement de ça. Donc, on a dit: On va s'organiser pour changer.

Ce qui colle plus, c'est vraiment, je pense qu'on a été assez explicite; en tout cas, on a dit: si on ne veut pas le mot "comté", c'est quoi? Il y a l'aménagement, parce que c'est une fonction. Un conseil régional, d'abord, il y en a plusieurs et ce conseil régional, c'est plus qu'une municipalité, enfin, c'est plus qu'une seule localité et c'est tout de même une région d'appartenance. Donc, région d'appartenance pour régional, conseil, parce que c'est un conseil de plusieurs municipalités. C'est comme ça qu'on a trouvé... Peut-être que ce n'est pas la trouvaille du siècle, sûrement, mais c'était plus conforme à nos idées. Il fallait enlever le mot comté, c'était clair.

M. Léonard: Cela correspondait aussi à ce que vous appelez chez vous les secteurs?

M. Miron: Oui, absolument.

M. Léonard: A peu près ça. Absolument.

M. Miron: C'est ce que nous avons au niveau des secteurs, des six secteurs que nous avons chez nous.

M. Léonard: Je note au passage que vous faites toute une série de recommandations sur un processus de découpage. Je suis très heureux que vous les ayez faites. Au fond, la loi n'est pas précise là-dessus. Il se peut que rien ne s'oppose à

ce qu'une bonne partie de vos recommandations soient retenues sur ce plan.

M. Miron: Si nous avons fait ces étapes, c'est que nous considérons qu'il fallait que ça débloque sur quelque chose, parce que, si on laisse trop de temps, les gens vont y penser; si on laisse trois mois, les gens vont commencer à y penser après deux mois et demi et vont dire: On a quinze jours pour le faire.

M. Léonard: J'aurais une question à vous poser. Il me semble qu'elle est d'importance, parce que vous en traitez longuement dans votre mémoire. C'est ce qui vous amène à croire que le gouvernement et le ministre responsable de la loi ont des pouvoirs trop étendus. Vous laissez penser, il me semble, à travers votre mémoire, qu'il y a une hiérarchie de plans alors qu'il me semble que la pyramide est inverse. J'aimerais que vous commentiez là-dessus.

M. Benoit: Pour s'assurer qu'il y ait une hiérarchie dans les décisions, cela ne prend pas nécessairement une hiérarchie de plans. On peut facilement, par les étapes, car les différents contrôles, par ce qu'on appelle les pouvoirs de modification, faire en sorte qu'à un moment donné il se produise une hiérarchie dans la planification, même si, au point de départ, il y a eu une décision qui était locale et régionale.

C'est dans ce sens-là. Ce n'est peut-être pas aussi explicite que les recommandations, d'il y a plus de dix ans, du rapport LaHaye qui disait qu'il fallait partir d'objectifs nationaux et descendre une planification. Là comme telle, la loi, par son mécanisme, travaille d'abord à un palier régional mais, en filigrane, il y a continuellement dans la loi une série d'interventions possibles. Et tant qu'elles sont possibles, elles sont dans la loi, d'où on peut, à un moment donné, subordonner certaines décisions régionales à des plans, peut-être pas existants — mais on appelle cela des objectifs — des objectifs, des plans qui sont d'ordre provincial.

Comme tel, c'est un peu inquiétant. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il est peut-être possible, pour le gouvernement, quand il est question d'implanter des réseaux, d'implanter certaines choses, de fonctionner en respectant les décisions régionales, de dire: Voici, dans certains domaines, en matière d'objectifs, on a à implanter des réseaux ou de compléter des réseaux existants, parce que la norme du gouvernement dit: Par X bassin de population, cela prend tel type d'équipement récréatif, ou de parcs régionaux ou quoi que ce soit mais, comme telle, la localisation ou l'affectation d'une partie du territoire doit rester une décision régionale.

On dit que dans les grands objectifs — si on cite la ligne hydroélectrique comme telle — il existe des pouvoirs d'intervention spéciale.

Qu'on identifie clairement d'où vient la décision, parce que ce ne sera pas une décision régionale. Ce sera, dans ces grands projets, une décision nationale. A partir de ce moment-là, qu'on l'identifie clairement, en utilisant des dispositions de la loi qui sont des pouvoirs d'intervention en zone spéciale, et que ce soit clair. Qu'on sache d'où vient la décision. Et pour celui qui participe dans le système, il saura fort bien que certaines décisions qui sont d'ordre national ont été prises là en vertu des dispositions de la loi. Et toutes les autres décisions qui sont d'ordre régional, c'est clair, elles ont été prises par la région.

C'est dans ce sens-là qu'on trouve la présence des pouvoirs en sourdine, mais qui sont nécessairement là, un peu lourds pour le processus du travail au plan de la région. C'est pour cela qu'on se demande si la municipalité, contrairement à d'autres types de structure, est quand même habituée à une autonomie de gestion un peu plus grande. Comment pourrait-on être confortable? Entre demander une autorisation et faire modifier une décision, il y a une grande différence. Entre faire modifier une décision dans laquelle les citoyens ont participé, dans laquelle les régions et les villes sont concertées, la faire modifier, je pense que c'est pas mal différent de la pratique usuelle des villes, d'aller souvent demander une sanction ou une autorisation.

Dans ce sens-là, c'est un pattern administratif dans lequel on imagine que les municipalités ne sont pas nécessairement confortables.

M. Léonard: Seulement une dernière remarque. Je pense qu'il faut aussi entendre l'article 28 dans le sens où si des citoyens ou si un comté refusait d'inclure une ligne de transmission électrique qui soit au réseau national, il faudrait quand même réserver au ministre le pouvoir de le faire.

M. Benoit: Oui.

M. Léonard: C'est cela.

M. Benoit: Dans ce sens-là, M. le ministre, on est d'accord. Tantôt, peut-être qu'on s'est mal compris. Les pouvoirs spéciaux demeurent.

M. Léonard: Cela va.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je constate, à la lecture du mémoire de la société, que dans un premier temps, la société appuie l'initiative du gouvernement de légiférer en matière d'aménagement et qu'elle souscrit aux principes qui, selon les fascicules à la disposition de la société, ont dû guider ou auraient dû guider l'élaboration du projet de loi.

Je constate également que la société trouve et considère qu'il y a des modifications majeures à apporter au texte du projet de loi 125, pour le rendre conforme en tous points à ces principes. Je prends, à titre d'exemple, les recommandations 1 et 2 de la page 21 du mémoire. Je pense qu'on dit carrément à la page 22 qu'on s'oppose à la

possibilité pour le gouvernement de modifier le schéma d'aménagement qui aurait été adopté par un conseil de comté ou, comme vous le désignez, par un conseil régional d'aménagement et, d'autre part, on suggère même de faire disparaître une partie du processus décisionnel, c'est-à-dire celui qui touche à la phase initiale, préliminaire.

Pourriez-vous, s'il vous plaît, de façon que ce soit bien clair, nous redire de quelle façon vous entrevoyez d'abord la partie consultation, en éliminant la partie qui touche la consultation par rapport aux orientations préliminaires et, dans un deuxième temps, comment limiter le pouvoir ministériel de le changer? Est-ce simplement en l'abrogeant dans le texte de loi ou en le conditionnant à un autre processus de consultation quelconque?

M. Miron: D'une part, si on comprend bien le processus gouvernemental, avec le dépôt en première lecture, ce sont les principes qui sont acceptés et les principes ne sont pas touchables pour ce qu'on est concerné. On est d'accord sur le principe de la loi. La modification qu'on veut, on considère que cela peut être amendé en faisant des retouches au projet de loi actuel sans pour autant toucher aux principes de base de la loi.

Pour ce qui concerne la question que vous m'avez posée au niveau de la consultation, je demanderais à mon copain de vous glisser un mot sur cet élément-là.

M. Gratton: Si vous me permettez, monsieur, c'est Miron ou Biron?

M. Miron: Miron.

M. Gratton: Miron. Un des quatre principes que vous avez pris la peine de souligner dans votre mémoire, c'est une participation plus active des citoyens à la prise des décisions et la gestion de l'aménagement.

Or, vous dites vous-même, dans votre document à la page 11, que le processus d'adoption du schéma, tel qu'il est édicté dans le projet de loi, ne fait que créer l'illusion de la participation de la population. J'en conclus que, si on ne fait que créer l'illusion de participation, en définitive, vous considérez que le projet de loi 125, dans sa forme actuelle, ne respecte pas le principe de la participation, de la vraie participation plus active des citoyens au processus de décision ou est-ce que je me trompe en faisant cette interprétation?

M. Miron: On va vous répondre.

M. Benoit: II faut lier les deux questions ensemble. Si je reprends la formulation, tantôt, de notre idée là-dessus, à partir du moment où, dans un processus de consultation — sur un processus de consultation, on pourrait s'étirer longtemps, faire une commission parlementaire sur la consultation — les objets ne sont pas précis, les délais aussi sont trop longs, dans sa forme, on peut, par le mécanisme même de la consultation, ne pas faire de consultation. Dans ce sens-là, on se dit: II y aurait lieu d'alléger le mécanisme comme tel et de fondre ensemble les deux étapes du préliminaire et du définitif, quitte à ce qu'au moment où on émet des propositions pour discussion au niveau des citoyens, on les émette une fois et qu'on puisse le faire en plusieurs étapes. Il n'est dit nulle part qu'on ne peut pas faire plus qu'une séance publique, on peut faire plus qu'une séance d'information, mais on en fait une, on l'étale et, quand c'est terminé, les gens savent qu'ils ont été consultés, que c'est fini et que des décisions vont se prendre, parce que, dans un processus de décision, la consultation, c'est une étape, ce n'est pas une fin. C'est cela qui est précis pour nous. Ce qui est précis là-dedans c'est qu'on veut qu'au bout il y ait un schéma et que, dans le temps, il se fasse le schéma.

Mais ce qu'on se dit aussi, quand on parle de l'illusion de la participation, c'est: Pourquoi ne pas faire en sorte que la décision, au niveau régional, prise par les élus de chacune des municipalités, soit respectée intégralement quant à la décision d'affectation des sols de cette région-là. Tout ce qu'on dit, c'est que le ministre comme tel, au lieu d'utiliser le pouvoir de modification du schéma, puisse utiliser, quand il est question d'intervenir pour les objectifs nationaux, des pouvoirs d'intervention spéciaux. A ce moment-là, on pense que, pour tout le monde, la responsabilité de la décision devient claire. On sait que, quand il y a l'utilisation de pouvoirs spéciaux ou de pouvoirs d'intervention spéciaux, c'est une décision gouvernementale prise en fonction d'objectifs nationaux. On saura, en même temps, que la décision sur les grandes affectations du sol dans la région a été prise par les gens de la région et on pourra identifier, à notre avis, beaucoup plus clairement l'origine de la décision. C'est ce qui nous intéresse. (21 heures)

C'est pour cela qu'on parle de simplification, on parle d'abréger la consultation, car on pense que cela sera plus efficace, parce qu'on pense que cela sera très difficile pour les mêmes citoyens, sur un laps de temps qui va s'étirer, de vraiment participer au sens où on l'entend habituellement. On se dit qu'on la rétrécit pour qu'elle soit plus précise, plus condensée et que les gens sachent sur quoi ils discutent. Il ne faut pas non plus se faire l'illusion qu'on va demander à 1500 citoyens dans une salle de nous parler des orientations de la région. Il faudra leur donner un point de départ et le plus précis possible, pour qu'ils puissent se faire une idée et donner une opinion qui est éclairée. Si on demande un avis dans le vide, on est mieux qu'il y ait des documents beaucoup plus étoffés dès le départ, que les gens sachent qu'ils sont dans un processus qui peut durer deux, trois, quatre ou cinq mois, mais qui ne s'étire pas en plusieurs phases et sur plusieurs années. On a peur, à un moment donné, que ce soit désarticulé comme organisation. C'est là qu'est notre...

M. Gratton: Est-ce que je pourrais résumer le tout de la façon suivante? Vous me corrigerez, si

je me trompe. L'illusion de participation dont vous parlez est engendrée par un processus décisionnel trop lourd. Vous recommandez de l'alléger de toutes les façons possible en incluant l'élimination de la phase consultation sur les orientations préliminaires.

M. Benoit: On parle de condenser cela dans une seule phase plus précise qui permettrait, d'après nous, une consultation plus efficace.

M. Gratton: Quant à l'illusion de décentralisation, de laquelle vous parlez également, on pourrait, en fait, mieux faire cette décentralisation dans les faits en éléminant le pouvoir ministériel d'amender le schéma d'aménagement comme tel, et cela, de façon intégrale, c'est-à-dire de façon très explicite dans le projet de loi, et remplacer cela plutôt par une possibilité de pouvoir d'intervention spéciale du gouvernement lorsqu'il s'agit d'objectifs nationaux.

M. Benoit: Si on reprend un des principes sous-jacents à la loi, qui est celui du respect des champs de compétence, il y a des champs de compétence qui sont au niveau gouvernemental. On veut qu'ils s'exercent avec des pouvoirs qui sont clairement identifiés, une intervention spéciale du ministre responsable de la loi pour les objectifs nationaux, mais on veut en même temps qu'il soit clairement établi que, quand il y a un exercice des responsabilités au niveau de la région par des élus mandatés pour le faire au niveau de la région, les décisions se prennent là et qu'elles se terminent là. C'est dans ce sens. C'est clair. On veut qu'il y ait une bonne distinction. Cela va permettre, d'après nous, une plus grande efficacité. Cela va permettre d'éviter des étapes de discussion qui vont être interminables, et qui vont peut-être aussi forcer... Vous savez, à un moment donné, on peut avoir une vision un peu négative et dire: II y a des gens qui s'embarquent dans le processus et qui décident de ne pas fonctionner dans le processus. Ils vont forcer n'importe quel ministre responsable d'administrer la loi à intervenir régulièrement par des gestes et à modifier continuellement les décisions régionales. On se dit que les décisions régionales qui se prennent vraiment par la région, que les gens les prennent, ces responsabilités, et que les décisions, au niveau national, se prennent vraiment et que là, la responsabilité soit claire. On veut donc deux niveaux de responsabilités très précises. C'est le sens de notre proposition.

M. Gratton: Je dois vous avouer que pour ce qui concerne cet aspect de votre mémoire, je suis on ne peut plus d'accord avec ce que vous affirmez.

Une dernière question. Vous mentionnez à la page 6 de votre mémoire que "le projet de loi en est un d'aménagement et d'urbanisme, et les objets de consultation qui nous sont soumis ne débordent pas ce cadre. Aussi, nous avons tenté de discipliner notre réflexion et nous nous som- mes attardés à examiner les qualités et défauts du projet de loi 125 par rapport au titre même qu'il porte". On constate bien, lorsque vous recommandez d'appeler les conseils renouvelés de comté et de les appeler les conseils régionaux d'aménagement, que vous êtes fidèles à cet encadrement que vous vous êtes vous-mêmes donné. Je ne veux pas vous tirer les vers du nez, mais puis-je vous demander si vous vous êtes attardés à penser à une autre vocation que le gouvernement pourrait éventuellement vouloir donner à ces conseils de comté renouvelés? Vous êtes-vous demandé, par exemple, s'il ne serait pas opportun pour le gouvernement de déposer son fascicule no 5 sur le réaménagement des pouvoirs pour qu'enfin, on puisse y voir clair dans les intentions du gouvernement, à savoir si on est en train de créer des conseils régionaux d'aménagement, comme vous le supposez et comme moi aussi, en regardant la loi 125, je dois le supposer, ou si on n'est pas en train de créer autre chose?

M. Miron: Pour nous, c'est très clair. Le projet de loi no 125, c'est le projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme et ça ne déborde pas ce cadre. Donc, à partir du moment où vous pouvez suggérer que ça peut aller dans la décentralisation ou la déconcentration à quelque niveau que ce soit, pour nous, nous avons étudié uniquement le projet de loi qui est déposé en première lecture et on ne veut, en aucun temps, déborder ce cadre. Je ne vous dis pas que les gens qui ont aussi lu le projet de loi n'y ont pas vu ce que vous suggérez, ce que pensez.

M. Gratton: Je ne suis pas le seul à l'avoir...

M. Miron: Non, sûrement pas, mais il en demeure que c'est pour ça que nous avons été très clairs.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Est-ce que vous soutenez le fait que le représentant de la municipalité au sein du conseil de comté, parce qu'on l'appelle comme ça dans le projet de loi, ne serait pas nécessairement le maire de la municipalité?

M. Benoit: Oui. C'est ce qu'on...

M. Goulet: Vous soutenez ça. M. Benoit: On soutient ça.

M. Goulet: Et que ce ne serait pas nécessairement non plus un élu, un échevin ou...

M. Miron: Non, il faut que ce soit un échevin...

M. Goulet: II faut que ce soit au moins un élu.

M. Miron: II faut que ce soit un élu, mais nous ne disons pas que c'est implicitement M. le maire ou Mme le maire.

M. Goulet: D'accord. Mais, au niveau du conseil de comté, le président, comme vous l'appelez, ne serait pas nécessairement un élu, mais bien quelqu'un de choisi, un fonctionnaire.

M. Miron: Ce serait quelqu'un de nommé par l'ensemble des gens qui sont là.

M. Goulet: Un haut fonctionnaire. Vous soutenez également que...

M. Miron: Cela peut être aussi un maire, s'il est choisi.

M. Goulet: Oui, je comprends. Vous soutenez également que la loi 90 sur le zonage agricole aurait dû être incluse à l'intérieur de la loi de l'aménagement du territoire. J'ai cru déceler ça dans votre mémoire. C'est bien votre...

M. Miron: C'est plus que déceler; nous l'avons dit au ministre Garon ici même en commission. C'est très clair pour nous. Je considère qu'il y a eu la charrue devant les boeufs.

M. Goulet: M. le Président, lorsque vous parlez de sept ans pour le cycle d'adoption, vous dites: L'appareil sera très lourd. Sept ans, est-ce que vous parlez d'un maximum ou d'une moyenne? Où avez-vous pris ces chiffres? Pourquoi sept plutôt que cinq ou...

M. Miron: Les fonctionnaires avec qui nous avons travaillé... J'ai donné l'exemple des urbanistes de nos municipalités. Nous avons tout de même plusieurs urbanistes dans le territoire chez nous et les directeurs généraux ou les gérants nous ont mentionné que le processus par lequel... tout ce processus, avec les retards qui pouvaient être apportés, les échanges de lettres, la malle royale et tout ça peut faire que ça va durer sept ans; c'est tout.

M. Goulet: Encore la faute du fédéral! Sept ans, quant à moi, je ne veux pas reprendre les propos du ministre, je trouve ça très long. S'il fallait qu'on aille jusque-là, je pense que ce serait énorme.

M. Miron: Nous aussi, on trouverait ça long. M. Goulet: Vous trouvez ça long. M. Miron: Oui.

M. Goulet: Vous qualifiez également la consultation, telle que préconisée dans le projet de loi, de presque inutile, parce que vous dites d'abord que ce n'est pas décisionnel. Le ministre peut renverser ça. Deuxièmement, vous qualifiez ça d'illusion. La consultation telle que préconisée, vous n'êtes absolument pas d'accord avec ça, à moins que le référendum ne devienne vraiment décisionnel. C'est un point majeur que vous soutenez. D'ailleurs, cela a été soutenu à peu près dans tous les mémoires aujourd'hui. Vous ne voulez pas que le ministre embarque là-dedans et qu'il puisse renverser une décision parce que vous pensez, à un moment donné, qu'au niveau politique, des groupes, si petits soient-ils, peuvent se rendre au niveau du cabinet du ministre, pas nécessairement le ministre qui est avec nous aujourd'hui, ça peut être un autre ministre et un autre gouvernement, et peut-être à l'encontre du bien de toute une région, faire changer une décision qui a été prise à l'intérieur d'une région. Vous avez peur de ça.

M. Miron: Oui, il faut faire attention. Nous ne disons pas que nous ne sommes pas d'accord avec la consultation, j'espère que ce n'est pas ça qui a été compris. Nous disons qu'il faut de la consultation; d'accord? Je pense que mon copain tantôt a exprimé l'avis que, s'il y en avait trop, on pouvait créer cette illusion — je pense qu'on a été aussi d'accord — mais, s'il y a des décisions pour des objectifs nationaux qui sont prises, que le ministre en poste qui donnera avis de passer la transmission de la ligne de l'Hydro à telle place en assume la responsabilité, clairement, et non pas qu'il dise aux gens: Voici, vous allez passer les réseaux électriques et, si ça ne fait pas l'affaire des citoyens, supportez-en tout ce qui peut en découler. Les gens dans notre territoire veulent prendre cette décision, ils sont prêts à la prendre, mais, s'il y a des objectifs qui leur viennent de l'extérieur, ils veulent bien que ces gens de l'extérieur, en l'occurrence le ministre pour les objectifs nationaux, le disent.

M. Goulet: D'accord. Une dernière question, M. le Président, je sais que le temps court. Il y a beaucoup de choses dans le mémoire avec lesquelles, bien sûr, je suis d'accord mais vous attachez beaucoup d'importance au nom comme tel de l'organisme. Vous attachez, autrement dit, de l'importance au contenu aussi mais beaucoup au contenant. Lorsque vous donnez comme argumentation que le nom devrait être changé, vous parlez de la confusion pour les citoyens maintenant aux prises avec un comté fédéral, un comté provincial, municipal, etc. — j'en conviens, ce sont des arguments valables — mais il y a un petit point qui me chatouille un peu; je voudrais vous le faire préciser. Vous dites, à un moment donné: D'aucuns conviennent que l'appellation "conseil de comté" réfère à une institution rurale à peu près inconnue par la population urbaine. Là, vous continuez — et c'est ce petit bout que je n'aime pas en tant que député représentant une circonscription rurale, je vous le dis sans agressivité mais c'est pour être bien sûr que c'est bien ce que vous vouliez dire — en disant: La connotation rurale n'est certes pas pour favoriser l'acceptation du nom "comté" par les dirigeants municipaux du monde urbain. Je dis que si vous partez ou s'il y a des gens de la ville qui partent avec cette attitude, je présume que la concertation va être difficile avec les gens du milieu rural. Si vous avez cru bon de mettre cela dans un mémoire — peut-être pas

vous — je voudrais que vous explicitiez davantage ce que vous vouliez dire par là.

M. Miron: Le contraire est aussi vrai. Pourquoi le monde rural imposerait le comté ou le conseil de comté? Dans notre territoire, il faut bien comprendre que c'est un territoire urbanisé. On est chez nous. Pensez qu'à Longueuil, il n'y a pas beaucoup de tomates qui poussent là, je vous le jure. Il en demeure que si le conseil de comté est une connotation très claire du monde rural, chez nous, cela n'est pas connu. Il y a des individus, comme je l'ai mentionné tantôt, qui sont connus mais le conseil de comté n'est pas connu, donc, pourquoi le monde rural — c'est ce qu'on a entendu à plusieurs reprises — imposerait le conseil de comté et que la ville n'imposerait pas autre chose. On dit: Au départ, changeons cela; appelons cela conseil régional, on en a un maudit paquet de conseils régionaux, un de plus, et on l'appellera conseil régional d'aménagement.

M. Benoit: Possiblement pour ajouter à la réponse, posez la question inversement. Demandez aux gens des conseils de comté s'ils accepteraient l'appellation communauté régionale ou communauté urbaine ou quelque chose de ce genre et vous allez avoir le même type de réaction. Sans prendre personne à témoin, ce sont deux réalités, ce sont deux lois, ce sont deux concepts, deux façons de fonctionner et on dit qu'il est beaucoup plus simple aussi. Pour ne pas non plus donner l'illusion que les gens d'un secteur embarquent dans une structure qui va beaucoup plus loin que l'aménagement, je prends une appellation qui porte sur l'aménagement, une appellation nouvelle pour une structure nouvelle.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais revenir sur le processus de découpage des comtés. En plus de demander au gouvernement de déposer un échéancier, vous lui demandez de publier différentes hypothèses de découpage et pour ce faire, vous suggérez de tenir compte du sentiment d'appartenance des gens. J'aimerais que vous me définissiez à partir de quoi vous allez établir cela pour un territoire comme le vôtre et quels sont les critères dont on devrait tenir compte pour arriver à cela?

M. Miron: C'est très simple de vous répondre, M. Chevrette, c'est fait chez nous. Je vais vous dire simplement comment on l'a fait. Pour la région d'appartenance, on s'est organisé; c'est notre rôle d'animation en tant que société. Nous avons placé à la même table des gens en leur disant: Voici, on va arrêter de s'engueuler et de se tirer des tomates et on va essayer de s'asseoir ensemble. C'est quoi, d'une part, la rive sud? On a essayé de déterminer cela. La rive sud, c'est grand. Le gars de Vaudreuil ne pense pas de la même façon que le gars de Sorel, je vous prie de me croire. Dans un premier temps, on a essayé de délimiter cela. Dans un deuxième temps, on a dit: La région immédiate de la rive sud, c'est quoi? C'est bien sûr que tout le monde va nous dire que c'est Longueuil mais c'est Longueuil plus quoi? Est-ce que cela va jusqu'à Verchères, par exemple. Quand on dit: Tu restes sur la rive sud, tu restes à Longueuil; à Boucher-ville, restes-tu encore sur la rive sud? A Saint-Bruno, demeures-tu encore sur la rive sud? C'est cela qu'on a appelé une région d'appartenance. On a assis tout le monde à la même table et on a dit: De quel côté allez-vous? On est arrivé avec des villes limitrophes. (21 h 15)

Prenons la ville de Brossard qui, au départ, était placée avec une autre région, à cause des commissariats industriels; ils étaient placés beaucoup plus avec Candiac. A un moment donné, les maires ont dit: Minute, nous, on va aller chercher le maire de Brossard et on va lui demander s'il ne voudrait pas s'intégrer à nous. Cela a formé cette région d'appartenance de sept municipalités et ça fonctionne. D'ailleurs, le ministre Léonard a reçu une demande de subvention là-dessus, avec combien de demandes de tout côté? J'en profite d'ailleurs pour lui souligner qu'il devrait nous donner une réponse rapidement, mais, en tout cas... Il n'en demeure pas moins que cette région d'appartenance était claire. Lorsqu'on s'est ramassé dans le bout de Candiac, on est arrivé avec une ville comme Saint-Timothée. De quel côté allez-vous, vous de Saint-Timothée? Allez-vous du côté de Valleyfield ou du côté de Candiac? Il y avait seulement la ville, un côté ou l'autre n'avait pas d'importance. On a dit: D'un côté, on irait à Valleyfield, mais d'un autre côté, on irait à Candiac et on a quasiment tiré ça à pile ou face, parce que c'était ça dans le fond. On s'est accouplé à la région qu'on pensait la meilleure. Cela s'est fait chez nous, M. Chevrette.

M. Chevrette: Oui, mais j'essaie de concilier tout ce que vous me dites, à partir de votre recommandation no 5, qui se lit comme suit: "Que les territoires des comtés municipaux actuels servent de point de départ pour amorcer le processus..." Donc, d'autre part, vous nous suggérez que le découpage des comtés se fasse à partir des comtés actuels. Quand ça arrive à votre territoire, vous dites: II faut faire fi des conseils de comté actuels, il faut partir de nos secteurs d'aménagement en ce qui nous concerne. Comment m'expliquez-vous ça?

M. Benoit: Possiblement que la première partie de la recommandation porte, en général, comme point d'amorce dans les régions où ça n'existe pas. On dit: Le "territoire", on ne dit pas le "conseil de comté", on dit le territoire du conseil de comté peut être le territoire provisoire. On dit: Dans notre cas, chez nous, il existe déjà des territoires qui sont ou ruraux ou mixtes urbains-ruraux ou seulement urbains, il existe les trois types qui sont maintenant naturels; c'est peut-être là qu'est l'ambiguïté.

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous feriez des conseils de comté de la rive sud?

M. Benoit: Les conseils de comté n'ont rien à faire avec cela, on parle des territoires; nous, ce qui nous intéresse, ce sont les limites à l'intérieur desquelles les gens fonctionnent. On parle, comme point de départ, du territoire couvert. On dit: Chez nous, il y a des gens qui, par affinité, se sont regroupés dans des territoires que, nous, on appelle des secteurs.

M. Chevrette: Ne croyez-vous pas, à ce moment, que si c'est déjà fait, comme vous le dites, automatiquement les gens vont faire des suggestions en fonction de ce qui leur plaît présentement?

M. Benoit: Oui.

M. Chevrette: Parce que la loi comme telle, en ce qui regarde le découpage, elle ne force rien.

M. Benoit: Non, d'accord.

M. Chevrette: Si on ne nous avait pas demandé d'hypothèses de découpage, on n'en aurait probablement pas fourni, seulement, on aurait prévu un mécanisme pour y arriver. C'est parce que les gens ont insisté pour avoir des hypothèses.

M. Benoit: II existe des hypothèses.

M. Chevrette: Mais à partir du fait que vous nous dites — et je ne vois plus de contradiction à ce moment — que, chez vous, les gens, instinctivement et par sentiment, se sont regroupés en secteurs, quand va arriver le temps de faire un découpage cohérent, ils vont se regrouper selon les secteurs qui, par affinité, leur vont.

M. Benoit: Exact, c'est pour être sûr de leur...

M. Chevrette: Vous avez une partie de la loi d'appliquée, messieurs.

M. Benoit: Oui, en fin de compte c'est pour être sûr de l'engagement. Ce qu'on dit c'est que, dans un délai de trois mois, les municipalités pourraient, par résolution, confirmer au ministre qu'elles adhèrent à tel territoire. Là, on part avec des membres constituants.

M. Chevrette: Expliquez ça au député de Bellechasse, il trouve que je conclus trop vite.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Gratton: M. le Président, est-ce que je pourrais poser encore une dernière très courte question?

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Gratton: Dans l'argumentation que vous présentez, quant au choix du nom, vous suggérez qu'on se serve du nom: Conseil d'aménagement régional. Vous mentionnez la confusion qu'apporte la désignation de "comté". Je présume que vous êtes au courant que, si par malheur on devait dire oui à la souveraineté-association, l'argument du comté fédéral, quant à lui, n'existerait plus, vous êtes au courant de ça?

M. Miron: Oui, absolument, ça ne change rien.

M. Gratton: D'accord.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Léonard: Madame, messieurs, je suis très heureux des discussions que nous venons d'avoir, en particulier, je connais quand même un peu, pour y être allé quelques fois, le territoire de la rive sud. Je ne peux pas dire comme ceux qui y habitent, c'est bien sûr, mais il reste que nous avons eu des contacts très fructueux au cours d'au moins deux rencontres, plus d'autres occasionnellement.

Je ferai au moins une remarque en conclusion, sur le rôle du gouvernement ou du ministre dans la loi. Je pense qu'il est très important de distinguer entre le régime général et le régime d'exception. Des pouvoirs d'intervention ou des zones d'intervention spéciale constituent un régime d'exception alors que le gouvernement, au départ, donne des orientations, c'est-à-dire qu'il met ses cartes sur la table au lieu de les tenir cachées ou de ne pas les rendre publiques, comme c'est le cas maintenant.

C'est vrai que cela va avoir une influence sur le schéma d'aménagement, mais, en même temps au moins, les gens sauront à quoi s'en tenir dans la mesure où le gouvernement pourra lui-même intervenir. Je vous prie de me croire, c'est déjà un gros effort pour le gouvernement de vouloir et de les mettre sur la table, ne serait-ce qu'en termes de travail pour le faire, de la part de tout l'appareil administratif gouvernemental.

Je dirais aussi qu'un dernier élément, c'est qu'il y a une consultation institutionnelle dès le départ à cause de ça. La municipalité, lorsqu'elle fait sa proposition préliminaire d'aménagement, la construit à partir des documents reçus du gouvernement, ainsi de ce que pensent les gens, les élus municipaux à la table. C'est à partir de ça qu'elle consulte. Donc, c'est une consultation institutionnelle. Mais je retiens bien les remarques que vous nous faites sur le processus de consultation, c'est bien évident qu'il s'agit de modalités, que nous discuterons, qu'on peut améliorer, dont on peut discuter, parce que nous avons dit dès ce matin que nous étions ouverts à toutes les suggestions, à toutes les remarques et que c'était pour ça que nous avions fait une tournée d'information, que nous faisions une commission parlementaire sur les principe de la loi et qu'après, on reviendrait.

Je pense que c'est un domaine assez compliqué, l'aménagement, et c'est important d'avoir l'idée de tout le monde sur ce plan.

En terminant, je vous remercie encore une fois et à bientôt.

Le Président (M. Laplante): Madame, messieurs, les membres de cette commission vous remercient de votre participation.

J'appelle maintenant TransCanada PipeLines.

Si vous voulez bien vous identifier, identifier votre groupe, ainsi que ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

TransCanada PipeLines

M. Janin (Alban): TransCanada PipeLines. Mon nom est Alban Janin. Je suis au service du contentieux de TransCanada. A ma droite, M. Alain Nantel, conseiller en aménagement; à sa droite, M. Doug Calder, gérant des droits de passage et de l'environnement; à ma gauche, M. Roger Sénécal, chef de district des affaires foncières.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je désire, au nom de TransCanada PipeLines vous remercier de nous avoir donné l'occasion aujourd'hui de faire valoir notre point de vue, notre intérêt relativement au projet de loi no 125 intitulé Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

TransCanada PipeLines est une entreprise d'utilité publique constituée en 1951 par une loi spéciale du Parlement du Canada et continuée à titre de compagnie, par lettres patentes, émises le 19 avril 1972 en vertu de la partie 1 de la Loi des corporations canadiennes.

TransCanada exploite un gazoduc à grand diamètre, depuis la province d'Alberta, alimentant les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario et du Québec, jusqu'à Montréal, avec raccordement à la frontière internationale près d'Emerson, au Manitoba, de Sault-Sainte-Marie, de Sarnia et de Niagara Falls, en Ontario, de Phil-lipsburg, au Québec, tel qu'en témoigne le tracé qui vous est soumis à l'annexe 1.

Le 4 avril 1978, TransCanada déposait une requête à l'Office national de l'énergie en vue d'obtenir l'autorisation de procéder à la première phase d'un programme d'expansion de son réseau jusqu'à la ville de Québec. La première phase de ce programme qui envisageait le prolongement du gazoduc actuel jusqu'aux villes de Trois-Rivières et Bécancour devrait être complétée le 1er novembre 1979.

En raison de délais qui ont retardé l'audition de cette requête, TransCanada a décidé d'amender sa requête afin d'obtenir l'autorisation de prolonger son réseau de transport jusqu'à la ville de Québec et jusqu'aux régions des Cantons de l'Est, du Lac-Saint-Jean et de Sept-lles. Ce nouveau programme d'expansion envisage aussi la mise en place d'installations de gaz naturel liquéfié près des villes de Québec et de Sept-lles.

Le prolongement du gazoduc, dont le tracé apparaît à l'annexe 2, représente pour TransCanada la mise en place de nouvelles canalisations sur une distance approximative — et je corrige — de 850 milles et un investissement de plus — et je corrige — de $357 millions. Par la suite, des réseaux de distribution, raccordés au réseau de transport de TransCanada, devront être mis en place, ce qui suscitera un investissement additionnel de $700 millions.

Ce projet est conforme à la politique québécoise de l'énergie telle qu'énoncée au mois de juin dernier, dans le livre blanc intitulé "Assurer l'avenir", et je cite du livre blanc: "II faudrait... prendre les dispositions requises pour assurer le transport du gaz depuis Montréal jusqu'en divers points de livraison dans l'axe Montréal-Québec. Il y aurait naturellement avantage à ce que le développement des infrastructures de transport au Québec se fasse rapidement".

Parfaitement conscient de tous les avantages qu'offre le gaz naturel, le ministre délégué à l'énergie énonçait l'intention du gouvernement de favoriser l'accroissement de la part du gaz naturel dans le bilan énergétique québécois, tel qu'en fait foi le passage suivant, et encore une fois je cite: "Les qualités particulières du gaz naturel comme facteur d'industrialisation, ses caractéristiques de propreté au niveau de transport et de combustion ainsi que la sécurité des approvisionnements de gaz naturel en font une forme additionnelle d'énergie avantageuse pour le Québec, dans la transition énergétique qui s'amorce... "Pour ces raisons, le gouvernement entend favoriser un rôle accru du gaz naturel dans la satisfaction des besoins énergétiques du Québec".

TransCanada, tout en se disant favorable au projet de loi no 125 et tout en souscrivant aux principes et objectifs qui y sont inscrits, désire formuler certaines craintes et appréhensions qu'elle entretient quant à la mise en vigueur de certaines dispositions de ce projet de loi dans sa forme actuelle et quant à leurs répercussions sur ses activités et celles des entreprises d'utilité publique en général.

D'une part, TransCanada souhaiterait que le projet de loi no 125 reconnaisse l'expertise particulière des entreprises d'utilité publique et maintienne le rôle important, sinon exceptionnel, que ces entreprises ont joué non seulement dans le développement du territoire, mais aussi dans la planification de ce développement.

D'autre part, compte tenu du caractère essentiel des services fournis par les entreprises d'utilité publique et, plus particulièrement, celle du secteur énergétique, TransCanada prétend qu'il serait contraire à l'intérêt public de permettre que soit indûment retardée, et par ce fait même mise en péril, la réalisation de projets visant l'implantation de services d'utilité publique approuvée par les autorités administratives.

Le premier point était la consultation avec les entreprises d'utilité publique. Le gazoduc de TransCanada traverse au-delà de 6000 propriétés sur une distance de 2470 milles. Lors de l'élaboration d'un tracé, nous accordons une attention particulière aux études faites sur l'évaluation des répercussions du pipe-line sur l'environnement ainsi qu'aux études relatives à l'aménagement actuel et projeté du territoire.

Que ce soit dans les régions agricoles, dans les zones résidentielles, industrielles ou commerciales des centres urbains, dans les parcs nationaux ou ailleurs, TransCanada, dans l'élaboration de son tracé, a toujours jugé essentiel le maintien d'une collaboration étroite et de consultations répétées avec les différents niveaux de gouvernement, y compris les autorités municipales.

Si nous reconnaissons à ces parties une compétence particulière, nous prétendons que l'élaboration et la localisation du tracé d'un réseau d'utilité publique requièrent la compilation et l'analyse d'études qui relèvent de l'expertise particulière qu'ont acquise les entreprises d'utilité publique.

Un second facteur qui milite en faveur du maintien d'une telle consultation entre les autorités administratives responsables de l'aménagement du territoire et les entreprises d'utilité publique, est l'expérience que ces dernières ont acquise dans ce domaine.

Nous croyons que cette expérience se fera particulièrement sentir lorsque viendra le moment de solutionner un problème pratique d'aménagement ou d'environnement. A titre d'illustration, nous avons produit, à l'annexe 3, quelques photographies illustrant le passage du gazoduc de TransCanada dans différents milieux. (21 h 30)

L'article 6d du projet de loi no 125 accorde aux conseils de comté le pouvoir d'identifier et de localiser les réseaux d'utilité publique dans l'élaboration du schéma d'aménagement. L'article 81e reconnaît aux municipalités le pouvoir d'inclure dans le plan d'urbanisme la séquence de construction des services d'utilité publique. Nous soumettons qu'il y aurait avantage que l'exercice de ces pouvoirs se fasse en consultation avec les entreprises d'utilité publique exploitant ou ayant manifesté l'intention d'exploiter de tels réseaux dans le comté ou de tels services dans la municipalité, suivant le cas.

Si, sur ce point, notre soumission était favorablement accueillie, nous soumettons que, pour s'assurer de cette consultation dans tous les cas, il serait souhaitable de faire référence à l'article 23, aux modalités prévues à l'article 6d, le cas échéant et, à l'article 91, aux modalités prévues à l'article 81e, le cas échéant.

Le second point a trait au contrôle intérimaire. Le processus d'aménagement et d'urbanisation envisagé par le projet de loi no 125 s'étendra sur une période de temps variant généralement entre deux ou trois ans, peut-être même plus, à compter de l'adoption de la résolution prévue à l'article 3 ou de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du ministre prévue à l'article 4 jusqu'à la date de délivrance du dernier certificat de conformité. Aux termes des articles 56 et 60, toute nouvelle utilisation du sol sera interdite durant cette période, à moins d'un règlement de contrôle intérimaire plus permissif.

Nous soumettons que si l'article 56 était adopté dans sa forme actuelle, il en résulterait de sérieux inconvénients pour ces entreprises d'utili- té publique responsable du transport, de la mise en marché et de la distribution du gaz naturel au Québec.

Les délais qui résulteraient du gel des activités occasionneraient des coûts additionnels qui auraient des répercussions défavorables sur la pénétration du gaz naturel au Québec et sur sa situation concurrentielle face aux autres sources d'énergie et plus particulièrement le pétrole.

Nous croyons utile de mentionner que les activités des entreprises d'utilité publique sont déjà soumises aux pouvoirs de contrôle et de surveillance de tribunaux administratifs créés à cette fin et qu'aucun certificat autorisant la construction d'un réseau d'utilité publique ne sera émis à moins qu'il ait été démontré, à la satisfaction de ce tribunal, que la construction d'un tel réseau était requise par la commodité, la nécessité et l'intérêt public. TransCanada, pour sa part, est soumise aux pouvoirs administratifs de contrôle et de surveillance de l'Office national de l'énergie.

Il est impératif, nous soumettons, de s'assurer que les décisions de ces tribunaux administratifs soient susceptibles d'exécution sans autres délais, car, autrement, il est à craindre que tout projet d'envergure, tel le prolongement du gazoduc au Québec, destiné à servir l'intérêt public et reconnu comme tel par l'autorité administrative compétente, soit ainsi retardé et que, par voie de conséquences, les usagers éventuels de cette source d'énergie se voient privés de ce service.

TransCanada soumet qu'il est nécessaire de lever le contrôle intérimaire pour les fins d'implantation de réseaux d'utilité publique jugés d'intérêt public par l'autorité administrative compétente et que des modifications en ce sens devraient être apportées aux articles 56 et 138 du projet de loi no 125.

Le troisième point à trait à la zone d'intervention spéciale. L'article 135c permet au gouvernement de créer, par décret, une zone d'intervention spéciale dans le but d'assurer l'installation et la mise en place d'infrastructures. Puisque le terme "infrastructures" tel qu'employé ailleurs dans le projet de loi no 125 semble exclure le terme "réseaux d'utilité publique" tel que défini à l'article premier, TransCanada a conclu que l'interprétation que l'on devait donner au terme "infrastructures" de l'article 135c ne comprenait pas les "réseaux d'utilité publique".

Il y aura cependant des projets de réseaux d'utilité publique dont l'ampleur et la réalisation harmonieuse entre divers comtés justifieront l'intervention du gouvernement. Tel pourrait être le cas du prolongement du gazoduc.

TransCanada soumet donc qu'il y aurait encore une fois avantage à prévoir, spécifiquement à l'article 135, la possibilité pour le gouvernement de créer une zone d'intervention spéciale dans le but d'assurer l'installation et la mise en place de réseaux d'utilité publique.

En résumé, TransCanada soumet qu'il serait préférable de favoriser la consultation entre les autorités responsables de l'aménagement du territoire et les entreprises d'utilité publique exploitant

ou ayant manifesté l'intention d'exploiter des réseaux d'utilité publique.

D'autre part, TransCanada soumet qu'il est à craindre que l'assujettissement des entreprises d'utilité publique aux mesures de contrôle intérimaire retarde tout projet d'envergure destiné à servir l'intérêt public, tel que le prolongement du gazoduc, même s'il était reconnu comme tel par l'autorité administrative compétente.

TransCanada, enfin, soumet qu'il serait souhaitable de prévoir la possibilité pour le gouvernement de créer une zone d'intervention spéciale pour favoriser l'implantation harmonieuse des réseaux d'utilité publique dont l'ampleur ou l'étendue justifierait une telle intervention gouvernementale. Le tout vous est respectueusement soumis.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Léonard: Messieurs, je vous remercie du mémoire que vous nous avez présenté. Il contient aussi des cartes dont vous ne nous avez pas parlé et qui sont franchement très impressionnantes.

M. Janin: J'ai par exprès omis d'en faire mention. Les cartes vous ont été fournies à titre d'information pour décrire le réseau tel qu'il existait. Je pense que les cartes parlent d'elles-mêmes. La carte que vous avez ici a été la première carte que TransCanada a faite la veille de la soumission de ce mémoire et indiquait le prolongement tel qu'il est présentement suggéré à l'Office national de l'énergie. Vous avez, à l'annexe 3, des photographies qui indiquent, par une ligne rouge, si je me réfère à celle indiquant Sheridan Homelands et Erin Mills, en Ontario, le passage du gazoduc. Je vous ferais remarquer que le gazoduc a été mis en place avant même que soit construit ce développement. Ceci avait été fait de concert avec les autorités municipales de l'endroit, les entrepreneurs et TransCanada. On voit, surtout dans certaines photos, celle du bas, que le gazoduc passe à quelques pieds même de la piscine d'un individu.

La deuxième page vous montre un poste de mesurage; c'est le même poste que vous voyez sur les deux photos. La deuxième photo vous montre l'arrière des maisons. Pour ne pas détruire l'environnement, TransCanada s'est servi du même modèle de construction pour ses postes de mesurage afin que cela se perde dans l'ensemble. Les deux dernières photos ont été soumises en commission parlementaire sur le projet de loi 90, maintenant la loi 90; elles démontrent le passage du gazoduc et la récolte peu de temps après son passage.

M. Léonard: Ce sont effectivement des photos champêtres. Je voudrais faire quelque commentaires généraux, même s'ils ne répondent pas à vos préoccupations, parce que nous verrons ultérieurement comment les traiter. Je dirai que vous posez le problème, ou TransCanada PipeLines pose le problème des entreprises d'utilité publi- que, plus précisément celles qui ont fonction de transporter l'énergie. Nous en connaissons d'autres. Elles mettent en jeu, évidemment, des investissements considérables qui touchent simultanément beaucoup de gens: des individus, des municipalités. En fait, elles constituent un cas particulier qu'il convient d'analyser en profondeur, un cas particulier, mais pas au point de les soustraire aux règles communes d'aménagement.

Le but du schéma d'aménagement et du plan d'urbanisme est de planifier des interventions dans le territoire et de les intégrer. Les interventions majeures, comme l'implantation d'un gazoduc, doivent être considérées, sous peine de dénaturer la démarche dans son ensemble. En fait, c'est l'existence même de tels projets... Il suffit, par exemple, de citer l'implantation de réseaux d'autoroutes ou celle de lignes de transport d'électricité, qui rendent souvent nécessaires l'élaboration et la mise au point de schémas d'aménagement. Notre intention n'est pas de mésestimer les obligations et les contraintes auxquelles les entreprises d'utilité publique doivent faire face, mais ce qu'il convient de faire, c'est de voir comment les impératifs de ces entreprises peuvent être conciliés avec les nécessités d'un aménagement rationnel du territoire.

Par rapport à ce que vous nous avez dit, j'aimerais vous poser deux questions. La première, c'est relativement à un tracé de gazoduc, une entente avec quelques comtés n'aurait-elle pas pour effet de fixer pratiquement l'ensemble du tracé et de réduire à peu de choses la consultation avec les autres comtés traversés par le gazoduc. Par exemple, si vous fixez le comté de départ et le comté d'arrivée, plus un ou deux autres comtés, est-ce que, en définitive, vous ne fixez pas le tracé?

M. Janin: Oui, le comté de départ, c'est-à-dire que la ligne se poursuit, le point de départ est toujours assez facile à déterminer. La seule chose, lorsqu'on parle d'une ligne comme celle qui est démontrée en annexe 2, on voit que cette ligne traverse énormément de comtés. La crainte que nous avons, c'est que si, dans l'élaboration d'un schéma d'aménagement, différents comtés choisissaient de créer ce qu'on appelle les corridors énergétiques à différents endroits, il faudrait évidemment s'assurer que ces corridors aboutissent aux frontières de ces comtés. Maintenant, on est sûr que le ministre interviendrait dans les cas où ça ne coïnciderait pas.

Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu dans l'élaboration d'un schéma ou d'un tracé de pipe-line et ces facteurs ont pour but de viser la rentabilité d'un tel projet et ses coûts éventuels.

Je pourrais vous énumérer différents obstacles qu'un gazoduc doit franchir, et lorsque ces obstacles peuvent, parfois, même par un détour, nécessiter la mise en place de plus de pipelines, ça peut devenir moins dispendieux de faire ce détour. Or, c'est pour ça que nous suggérons qu'il y ait consultation toutes les fois qu'un conseil de comté décide de se prévaloir de ce pouvoir qui lui

est donné à l'article 6, de fixer le tracé éventuel de lignes énergétiques. Nous croyons en effet que les conseils de comté n'auront pas ces connaissances. Je parle en général, pas seulement pour TransCanada. Je parle pour les lignes de l'Hydro-Québec, de Bell Canada. Les gens qui devront se pencher sur ces problèmes doivent connaître les contraintes, et c'est une discussion qui doit s'établir. Nous croyons qu'il serait à propos que les conseils de comté soient obligés d'entamer cette discussion. Ceci ne veut pas dire que les compagnies d'utilité publique imposeraient leur tracé, mais nous voulons faire partie du processus. On aimerait qu'on nous donne l'assurance que nous serons en tout temps consultés.

De toute façon, c'est ce qu'on fait à l'heure actuelle, dans la mesure du possible. Au Québec, il n'y avait pas de loi dans ce sens. Maintenant qu'il y a une loi...

M. Léonard: II y en a dans d'autres provinces.

M. Janin: II y en a dans d'autres provinces, oui, comme vous le savez, l'Ontario entre autres.

M. Léonard: D'autre part, vous souhaitez que la consultation sur la version définitive du schéma d'aménagement et du plan d'urbanisme puisse englober les réseaux d'utilité publique. Est-ce qu'on doit comprendre par là que vous souhaitez faire de la localisation de ces réseaux d'utilité publique un élément obligatoire du schéma d'aménagement et du plan d'urbanisme? Est-ce que cela répondrait à vos préoccupations? Vous disiez tout à l'heure que les comtés devraient tenir compte de...

M. Janin: C'est très difficile, vous savez. Vous avez différentes contraintes. Si, par exemple, certains comtés — je réponds indirectement à votre question — désiraient établir des corridors énergétiques dans lesquels on prévoirait un droit de passage tant pour l'Hydro-Québec que pour TransCanada, que pour Bell et tout centrer cela, il y aurait des problèmes comme: Est-ce qu'un peut survivre à côté de l'autre? Ce sont des problèmes que les planificateurs doivent connaître. Il y a des endroits où certains comtés souhaiteraient peut-être voir le gaz venir, mais c'est peut-être un projet qui est éloigné dans le temps. A l'heure actuelle, ce serait peut-être illusoire pour un conseil de comté de tenter de prévoir dans son schéma le passage d'une ligne qui arrivera peut-être dans dix ou quinze ans. (21 h 45)

A l'heure actuelle, je pense qu'au Québec, les comtés concernés savent où passent les lignes, sont au courant de l'annexe 2 que vous avez et, une fois que ce pipe-line sera mis en service, on espère que ce sera pour le 1er novembre 1980, que le gaz sera rendu à Québec, du moins à ce moment-là, la province de Québec sera très bien desservie en gaz naturel.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je suis d'autant plus impressionné par votre annexe 2, vos projets d'extension du gazoduc au Québec, que j'ai moi-même participé, au début des années soixante, à une étude de rentabilité pour le compte d'une compagnie que vous connaissez peut-être, la Cartier Natural Gas Company qui, on le sait, est morte de sa belle mort pas longtemps après la fameuse explosion de LaSalle. Je me rappelle fort bien qu'à ce moment-là, inutile de vous dire que, sur le plan de la rentabilité, ce n'était pas très reluisant et on ne pensait pas aller jusqu'au Lac-Saint-Jean. Je me demande si la demande que vous avez faite devant l'Office national de l'énergie — et je vous fais remarquer que cela n'a rien à voir avec le projet de loi qu'on discute ce soir — si le tout est soumis en fonction d'une construction strictement effectuée par l'entreprise privée ou si elle s'appuie sur une possibilité d'aide financière des gouvernements. Si vous dites que cela ne me concerne pas, j'accepterai volontiers votre réponse.

M. Janin: Je vais encore une fois vous répondre indirectement. Ce que vous voyez à l'annexe 2 est le projet de prolongement à l'intérieur de la province de Québec. Il se peut que, plus tard, l'office émette un certificat pour un pipe-line qui non seulement couvrirait le territoire qui est démontré en annexe 2, mais couvrirait aussi les provinces de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick. A ce moment-là, les marchés dans ces deux provinces maritimes sont beaucoup moindres et, économiquement, ne justifient pas nécessairement la construction immédiate d'un pipeline, mais c'est discutable. On parle de données et tout est relatif. Il y a sûrement une connotation — si je puis dire — de la volonté des gouvernements de satisfaire des régions et de donner à ces régions accès aux richesses naturelles canadiennes afin de repousser les exportations de pétrole qui desservent, en majorité, ces endroits.

M. Gratton: Vous me permettrez d'interpréter votre réponse comme étant effectivement affirmative à la question que je posais. De toute façon, cela a peu d'importance pour les fins de la discussion ce soir.

Puis-je résumer en quelque sorte vos représentations en trois points. Le premier: Que vous désirez que le projet de loi spécifie l'obligation, pour les conseils de comté ou quel que soit le nom qu'on leur donnera, de consulter les entreprises d'utilité publique, quant à la partie de la loi qui leur donne ce pouvoir de déterminer les zones. Dans un deuxième temps, vous demandez qu'on soustraie de quelque façon les entreprises d'utilité publique aux dispositions de la loi qui concernent le pouvoir ou le règlement intérimaire? Est-ce que j'ai bien saisi?

M. Janin: Vous avez bien saisi. J'aimerais élaborer sur ce deuxième point, si vous permettez?

La raison pour laquelle nous demandons cela, c'est que l'article 60 fait du règlement de contrôle, un règlement permissif. Je peux très bien comprendre et j'envisage la possibilité pour certains conseils de comté, en formulant un règlement de contrôle, de prévoir les conditions dans lesquelles on pourra effectuer de la construction résidentielle, commerciale ou industrielle et qu'on oublie la construction de services d'utilité publique. A ce moment, ça voudrait dire qu'on tomberait, nous les entreprises d'utilité publique, on tomberait sous le coup de l'article 56, étant donné que les règlements n'auraient pas élargi, quant à nous, la possibilité d'une nouvelle utilisation du sol. C'est dans ce sens que nous disons: II ne faut pas que ça arrive, parce que ça peut être catastrophique.

Etant donné que lorsqu'on construit, la construction est soumise à des pouvoirs administratifs de contrôle, nous croyons que nous sommes dans une situation particulière. Nous devons consulter les gouvernements des provinces dans lesquelles nous allons et, en plus, dans notre cas, nous devons aussi consulter un tribunal administratif fédéral.

M. Gratton: De toute façon, cette deuxième préoccupation serait réglée, si votre troisième recommandation était retenue, selon laquelle le gouvernement se donne, par le biais de l'article 135, le pouvoir de désigner comme zone d'intervention spéciale, l'implantation d'un gazoduc et, par le fait même, pourrait réglementer et exclure votre entreprise des dispositions de l'article 56?

M. Janin: Oui, je comprends le point que vous faites.

M. Gratton: Alors, je vous dirai que je considère que le ministre n'est pas très loquace, il ne l'a pas été de la journée, mais, effectivement, dans le cas de TransCanada PipeLines, je suis sûr que...

M. de Bellefeuille: De peu de mots.

M. Gratton: Oui, de peu de mots et de peu de réponses surtout.

Il me semble que, à prime abord, il faut reconnaître qu'il y a un problème qui est très spécifique en ce qui concerne les entreprises d'utilité publique. Dans le cas de l'Hydro-Québec je me dis: II n'y a pas tellement de problèmes, parce que c'est un organisme paragouvememental. Dans le cas de TransCanada PipeLines, il n'y a probablement pas de problème dans la mesure où ce que vous préconisez comme projet répond aux objectifs du ministre de l'Energie. Mais, même là, je vous mets en garde, il y a souvent — c'est dans la nature d'un gouvernement et surtout de celui-ci — des difficultés à faire comprendre par un ministère qu'on va à l'encontre des objectifs d'un autre ministère du même gouvernement. Cela a été le cas pour le zonage agricole.

Je ne veux pas vous embarquer là-dedans, mais quant à moi, je souhaiterais vivement que le ministre nous dise un peu plus clairement ce qu'il a l'intention de faire. Il est manifeste que vous en appelez à une réponse quelconque. Je vous assure que quant à nous, en tant qu'Opposition, ce n'est pas nous qui allons modifier le projet de loi, mais nous allons veiller aux meilleurs intérêts des Québécois en veillant à ce que vos recommandations soient suivies le plus près possible par le législateur.

Je vous remercie de votre contribution.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Le groupe qui a présenté le mémoire de TransCanada PipeLines est favorable au principe. Maintenant, je pense qu'on a là un cas où, lorsqu'on parle d'utilité publique pour le bien national, si vous voulez, c'est une décision au niveau national qui doit se prendre, ce qui veut dire une décision politique. Je pense que c'est là où le ministre doit intervenir. Nous avons eu cet après-midi toutes sortes de questions concernant l'intervention du ministre au niveau d'un référendum, mais dans le cas des utilités publiques, je pense qu'il y a une loi qui est bien simple, c'est que le plus court chemin entre deux points, c'est la ligne droite.

Si on tient compte de la rentabilité des coûts des utilités publiques, il faut tenir compte de cette donnée. Lorsqu'on parle d'un réseau d'utilité publique qui est jugé d'intérêt public, je pense que vous avez raison de dire que ça ne devrait pas être soumis à la loi d'aménagement du territoire, parce que c'est une décision au niveau national, c'est une décision politique. Si on prend comme décision d'amener un pipe-line de Montréal à Québec, est-ce qu'il va falloir déclencher tout le processus de consultation dans tous les comtés entre Montréal et Québec? Je pense que si on veut faire ça, on a raison de croire, comme nous l'a présenté le groupe avant vous, que ça va prendre peut-être jusqu'à sept ans avant d'en arriver à une décision.

Je suis d'accord avec ce qu'on demande là-dedans. Il me semble qu'au niveau des utilités publiques, quand c'est une décision politique, qu'on veut desservir une région, je pense qu'on n'a absolument pas le choix. On veut amener un réseau à Sept-lles, il va falloir le passer quelque part. Je pense que dans l'annexe, on prévoit le passer dans le fleuve. Non? Tout près?

M. Janin: Le réseau ne passe pas dans le fleuve; vous avez les installations de gaz naturel liquifié à Québec et le gaz naturel liquifié est transporté par barge jusqu'à Sept-lles.

M. Goulet: De Montréal à Québec, il faut le passer quelque part. J'aimerais que le ministre nous dise si, dans un cas semblable, il devrait déclencher tout le processus — c'est parce que je voyais la ligne ici. Lorsque je dis dans le fleuve, c'est par base, mais j'imagine un pipe-line au centre du fleuve, ou dans le bord des...

M. Janin: C'est un pipe-line mobile.

M. Goulet: Pas à ce niveau, mais j'imagine que, sur le bord du fleuve, cela aurait très bien pu se faire. Mais disons que, si on parle de Québec à Montréal, à la suite de la question qu'a posée le député de Gatineau, j'aimerais que le ministre nous dise si, dans ce cas-là, il prévoit déclencher tout un processus de consultation dans tous les comtés touchés entre deux régions? C'est une décision politique. On décide d'amener le gaz naturel à Québec ou de l'amener à Rivière-du-Loup ou à un autre endroit. Est-ce qu'on devra déclencher tout ce processus? J'aimerais que le ministre nous réponde ce qu'il entend faire dans un cas semblable.

M. le Président, j'aimerais que le ministre nous dise...

M. Léonard: Je regrette. Vous connaissez bien la procédure parlementaire. Ce n'est pas en première lecture qu'on pose des questions, c'est en deuxième lecture, et je me ferai un plaisir de répondre à tout cela...

M. Gratton: Depuis quand? C'est une nouvelle procédure?

M. Goulet: Au niveau du principe, j'aimerais que le ministre nous le dise.

M. Léonard: Les principes du projet de loi ont été exposés, ils vont l'être lors du discours de deuxième lecture. J'en ai parlé brièvement ce matin. L'aménagement, c'est politique. Quand vous dites que ce sont des décisions politiques, il faut les exclure de la loi, cela me paraît un peu contradictoire par rapport aux principes mêmes de la loi.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

M. Goulet: M. le Président, je regrette. Nous allons avoir encore peut-être une trentaine de mémoires à entendre. Lorsqu'il s'agit d'une utilité publique, comme une ligne hydroélectrique, une ligne de l'Hydro-Québec, par exemple, où on a 500, 600, 700, 800 milles à faire, est-ce qu'on va déclencher tout le processus de consultation, de façon qu'on sache... On nous a dit tout à l'heure que cela peut prendre sept ans, à un moment donné, avant d'avoir un cycle de consultation. A ce moment-là, je dirai que c'est justifié, ce que ces gens-là nous ont dit. Tout à l'heure, je trouvais cela tout à fait énorme, en termes de délai, sept ans. Mais si le ministre ne nous répond pas, je dois conclure qu'il désire déclencher ce processus et là, ce ne sera plus sept ans, cela va peut-être être dix ou douze ans.

M. de Bellefeuille: M. le Président, question de règlement, avec votre permission.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Nous sommes ici pour entendre des mémoires, nous sommes ici pour profiter de toute la sagesse qui peut s'en dégager. Si les collègues à la table veulent eux aussi nous faire bénéficier de leur sagesse, ils sont parfaitement les bienvenus, mais rien n'oblige le ministre à exprimer immédiatement un avis sur le sujet.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): II y a une coutume aussi, M. le député de Deux-Montagnes, qui veut qu'il y ait des questions qui soient posées au ministre lors de l'audition des mémoires. Mais il reste toujours la liberté du ministre d'y répondre. Ce n'est pas au président de dire que le ministre répond ou ne répond pas. Cela reste la volonté du ministre d'y répondre.

M. Goulet: Oui...

Le Président (M. Laplante): Ce n'est pas au président à se prévaloir, à dire: Le ministre répond, ne répond pas. Cela reste la volonté du ministre à ce moment-ci.

M. Gratton: Sur la question de règlement, M. le Président, je dirai justement que j'abonde dans le même sens que la décision que vous venez de rendre et qu'effectivement, toute la journée, nous devons constater que les questions qu'on pose au ministre restent sans réponse. C'est son privilège et son droit de ne pas y répondre, mais je conçois mal, quant à moi, comment on éclaire le débat, comment on améliore le processus de consultation qui est amorcé par le biais de cette commission en refusant de fournir quelque information que ce soit.

S'il s'agit, pour le ministre, de nous faire des surprises au moment de l'étude article par article, je suis d'accord, mais il me semble que, par simple courtoisie pour les personnes qu'on a invitées à venir nous faire des représentations, le moins qu'on pourrait s'attendre ou espérer du ministre, c'est qu'il donne certaines informations à nos intervenants.

Quant à moi, en tout cas, M. le Président, je trouve... C'est d'ailleurs la première expérience du genre que j'ai où le ministre refuse catégoriquement de donner quelque information que ce soit qui n'est pas contenue dans les notes que ses fonctionnaires lui ont préparées. S'il fallait que tout le gouvernement se comporte de cette façon, inutile de vous dire que la population en prendrait pour son rhume quant à l'information à laquelle elle a un droit des plus stricts.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, sur le point de règlement — je terminerai là-dessus — le but d'une commission parlementaire, c'est d'entendre les mémoires, c'est d'éclairer les membres de la commission et de faire venir des experts, si vous voulez, pour éclairer les membres de la commission et les députés, de façon à prendre une

décision beaucoup plus objective. Si les gens qui viennent nous voir disent des choses sur lesquelles le ministre n'est pas d'accord, absolument pas d'accord, je pense que le ministre pourrait nous le dire tout de suite. On pourrait, à ce moment-là, peut-être poser une très courte question aux gens et ils pourraient en profiter pour nous éclairer davantage, pour réfuter ou pour tout simplement répondre aux arguments du ministre. Là, on ne le sait pas. A ce moment-là, je me demande si on ne serait pas mieux de prendre tout simplement les mémoires, de les déposer, de les lire et de dire: Eux autres, ils pensent cela. (22 heures)

A un moment donné, si je dis: Telle ou telle chose, je ne suis pas d'accord avec cela. Je peux argumenter et eux autres peuvent en profiter pour me dire, à un moment donné: Tu n'es pas tout à fait correct, il y a telle autre petite chose qu'on devrait ajouter. A ce moment-là, je me demande pourquoi on vient ici et on fait venir ces gens-là ici. On aurait pu leur demander d'envoyer leur mémoire par la poste. On aurait pu les lire en fin de semaine et on aurait vu exactement ce qu'on nous dit là. On veut qu'ils nous éclairent au niveau de la présentation de leur mémoire, s'il y a des points obscurs. On pose des questions au ministre concernant certains points qui nous sont amenés par les membres qui se présentent devant cette commission, les porte-parole de certains groupes.

Le ministre dit: Je regarde tout simplement les mémoires et je rendrai ma décision dans trois ou quatre semaines, ou dans deux mois; je verrai, je verrai ce que je vais faire avec cela. On lui demande tout simplement s'il est d'accord avec le mémoire, oui ou non.

M. Gratton: C'est trop facile.

M. Goulet: Pourquoi ne pas le dire aux gens ici lorsqu'ils viennent vous voir, plutôt que de les laisser retourner chez eux et attendre trois ou quatre semaines, et après cela, prendre votre décision. Si votre décision est déjà prise, je me demande ce qu'on fait en commission parlementaire.

Le Président (M. Laplante): Mot de la fin. M. le ministre.

M. Léonard: Effectivement, on va regarder ce mémoire très attentivement. Je pense qu'il y a d'excellentes suggestions dans le mémoire. Comme vous le savez, il ne s'agit pas de rendre des décisions lorsqu'on est en première lecture d'un projet de loi, lorsqu'on discute des mémoires. Après, on en discute en deuxième lecture et cela va être fait en temps et lieu. Je peux vous dire que le mémoire est un mémoire que nous considérons très sérieusement, en particulier de la façon dont on doit insérer les entreprises d'utilité publique dans le projet de loi. Je vous remercie beaucoup de vous être donné la peine de préparer ce mémoire. Je pense bien que ce ne sera pas inutile. Merci.

M. Gratton: On le souhaite bien nous aussi.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de cette commission vous remercient pour votre participation.

Avant d'ajourner les travaux de la commission à demain, 10 heures, je vais nommer les organismes qui se feront entendre demain matin: Conseil régional des loisirs, Saguenay-Lac-Saint-Jean, mémoire numéro 7; municipalité du comté des Iles-de-la-Madeleine, mémoire numéro 27; Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, mémoire numéro 32; Etudiants, Institut d'urbanisme Université de Montréal, mémoire numéro 13. Sur ce, les travaux sont ajournés à demain 10 heures.

Fin de la séance à 22 h 3

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