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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Friday, April 27, 1979 - Vol. 21 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 125 - Loi sur l'aménagement et l'urbanisme


Journal des débats

 

Projet de loi no 125

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des affaires municipales se réunit pour entendre les mémoires concernant l'étude du projet de loi 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Les membres de cette commission sont M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Caron (Verdun) remplacé par M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe) remplacé par M. Goulet (Bellechasse); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Gratton (Gatineau) remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee); M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Mercier (Berthier) remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest); M. Ouellette (Beauce-Nord); M. Shaw (Pointe-Claire); M. Tardif (Crémazie) remplacé par M. Léonard (Laurentides-Labelle).

Les intervenants sont M. Alfred (Papineau); M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. Marquis (Matapédia); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par M. Caron (Verdun); M. Lacoste (Sainte-Anne); M. Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par M. Tardif (Crémazie); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); M. Vaugeois (Trois-Rivières).

J'appelle maintenant les deux groupes qui seront entendus ce matin, le Conseil régional de développement des Cantons de l'Est et la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec. Est-ce que les représentants sont dans la salle? Merci.

J'appelle le Conseil régional de développement des Cantons de l'Est. Bonjour, messieurs. Veuillez identifier votre groupe, vous-même, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous ai donné tout à l'heure les règles du jeu pour présenter votre mémoire et je vous remercie de votre coopération.

Conseil régional de développement des Cantons de l'Est

M. Routhier (Robert): M. le Président, mon nom est Robert Routhier, président du Conseil régional de développement des Cantons de l'Est. Je vais vous présenter mes collègues, en commençant par mon extrême droite: Le maire du canton de Granby, M. Louis Choinière; le maire de Waterloo, M. Maurice Dupuis; M. Gaston Bachand, directeur général du CRD; M. J.-Clément Fortin, vice-président du CRD et conseiller du canton d'Orford; M. Camille Rouillard, de Valcourt et M. Paul Guillotte, maire de Stukely.

Comme vous le comprenez, nous nous sommes fait accompagner de collègues du comté de Shefford qui, à l'intérieur de notre intervention, seront appelés sommairement à faire état d'un point de vue.

Comme vous faisiez référence aux règles, nous allons éviter de faire une lecture de notre mémoire et plutôt d'attirer votre attention sur les principaux points, quitte ensuite à échanger, tenant pour acquis que vous avez eu l'occasion de glaner et de formuler éventuellement des questions. Effectivement, pour permettre une meilleure compréhension de ce qui apparaît dans le mémoire, nous avons pensé qu'il serait utile de vous brosser un petit tableau du contexte dans lequel s'est faite cette consultation et quelles sont les préoccupations dominantes actuellement de la population de l'Estrie.

Il n'est pas inutile de rappeler que l'Estrie, étant quand même une petite région du Québec, se répartit sur une superficie de 3000 milles carrés, ou un petit peu plus et a le dos aux lignes américaines jusqu'à Richmond et d'Orford jusqu'à Disraëli. 226 000 de population est distribuée sur ce territoire qui habite 110 municipalités. Cela se caractérise par le centre urbain le plus important qui est Sherbrooke, avec 87 000 de population et l'agglomération voisine peut totaliser environ 125 000 de population. Alors, 125 000 sur 226 000. Ensuite, nous retrouvons une douzaine de municipalités qui ont 4000 de population et plus.

Quant au reste des 110 municipalités, ce sont effectivement de petites municipalités. Parmi ces 110 municipalités, une dizaine ont un plan d'urbanisme et un certain nombre — sans pouvoir le quantifier exactement — ont un règlement de construction, mais un bon nombre n'en ont pas non plus.

Nous sommes également un territoire qui a échappé, pour le moment, à l'application de la loi 90, quant à la protection des terres arables. Notre territoire touche six conseils de comté.

Une dernière caractéristique démographique, c'est que 72% de notre population est dans des centres urbains ou semi-urbains. Alors, c'est un vaste territoire, en particulier du côté est de la région qui, graduellement, se dépeuple à l'avantage de la zone ouest, où il y a un accroissement en périphérie des centres que sont Sherbrooke et Magog.

Egalement, au point de vue de l'activité économique, vous permettez que je vous rappelle que si notre économie est relativement diversifiée, à l'image un peu de celle du Québec, on est en particulier marqué par nos secteurs traditionnels, que sont les pâtes et papiers, le textile et la chaussure qui sont davantage vulnérables aux changements qui surviennent, surtout du type conjoncturel.

Justement, une étude effectuée par l'OPDQ que, j'imagine, vous avez eu l'occasion d'examiner dans le cadre de la problématique de l'Estrie, dégage très clairement que pour d'ici 1985, pour maintenir un taux de chômage qui n'a rien de très, très encourageant, de 10% environ, il nous fau-

drait créer 16 fois l'équivalent de la plus grosse entreprise des Cantons de l'Est, à savoir la Johns-Manville, alors c'est un défi assez colossal pour une région dont la principale activité économique repose sur des secteurs traditionnels.

Plus spécialement par rapport à notre sujet de ce matin, il nous apparaît utile de vous souligner quelques initiatives qui ont lieu sur notre territoire depuis quelques années, j'entends ici l'existence de comités intermunicipaux, qui fait que les municipalités rurales avec les cités et villes collaborent déjà bien concrètement à un certain nombre de projets. Je pense ici à des projets dans la région de Magog en ce qui regarde des mises en commun quant aux services d'incendie, dans la région d'Asbestos concernant la protection des eaux, les règlements de construction; dans le bout de Brompton, concernant l'enfouissement sanitaire; également dans le bout de Richmond, concernant une commission de promotion industrielle; dans le bout du mont Mégantic, où il y a un schéma d'aménagement qui est en chantier avec les municipalités du coin, toujours avec l'accord des hauts fonctionnaires de la région, et également dans le bout de Sherbrooke, en ce qui regarde un conseil intermunicipal.

Déjà, dans les quatre coins de la région de l'Estrie, il y a des réalisations qui s'inscrivent dans l'esprit du projet de loi qui retient votre attention.

Il y a également lieu de signaler — ça semble relativement original dans le Québec — qu'il y a une association de cités et villes dans l'Estrie depuis 1963 et, également, depuis 1978, les préfets de comté se sont réunis dans les bureaux de préfets et depuis quelques mois, l'un et l'autre organisme travaillent en collaboration à la réalisation d'un certain nombre de projets.

Si ce sont des initiatives relativement heureuses que je viens de mentionner, il faut aussi mentionner qu'il y a d'autres types d'initiatives et les gens qui ont été consultés et ceux qui les entourent ont nécessairement cela à l'esprit au moment de réfléchir et de formuler des réactions à un projet de loi comme celui qui nous intéresse.

Il y a une série de projets qui sont dans l'air déjà depuis plusieurs mois et il y en a même pour plus d'une année dans les diverses régions. Je pense à East Angus avec la fameuse fermeture de l'usine Domtar, qui a donné lieu à toute une mobilisation de la part des travailleurs, qui attendent toujours que le gouvernement se décide. Du côté de Windsor, les travailleurs ont jugé bon de mettre sur pied un fonds d'investissement pour prévoir des périodes qui seront éventuellement moins heureuses qu'actuellement. Du côté de Magog, prenons les audiences qui ont eu lieu concernant l'aménagement du parc du Mont-Orford. Du côté de Mégantic et Coaticook, il y a des projets en matière d'aménagement touristique. On pense aux gorges Coaticook et à la baie des Sables, à Mégantic, où la population attend déjà depuis plusieurs mois que l'un ou l'autre des ministères se décide à favoriser leurs réalisations.

Du côté de Richmond, cela a pris l'intervention personnelle de M. René Lévesque pour que l'entreprise Duchesse, en matière de chaussures, puisse reprendre ses activités. On pense aussi à d'autres projets qui sont plutôt à dimension régionale en matière d'agriculture, d'éducation économique ou de développement industriel, avec la maison régionale l'Industrie, qui, déjà, depuis plusieurs mois, attendent que l'un ou l'autre ministère se décide.

Ce sont tous ces gens-là qui attendent depuis plusieurs mois qui ont fait l'objet de consultations, ce qui explique le sens de plusieurs des interventions qu'on a recueillies et qui ont même teinté les recommandations formulées.

Nous avons une population qui est davantage préoccupée de réalisations que de consultations, à ce moment-ci, dans l'Estrie, et il est important d'en prendre conscience, pour le gouvernement; parce que c'est autant de projets en suspens pour une région qui veut bien se réaliser, s'assumer. Mais encore faudrait-il qu'effectivement les ministères concernés se décident.

Egalement, c'est une population préoccupée d'assurer une qualité de vie qu'on estime relativement intéressante et qui, graduellement, a développé une prise de conscience, une volonté de prise en charge. Ce projet est vraiment reçu dans cette perspective qui est évoquée déjà depuis une couple d'années par le gouvernement, en termes de décentralisation, de prise en charge locale.

Un petit mot, rapidement, sur l'organisme qu'est le Conseil régional de développement, qui existe depuis 1967, qui compte environ une soixante de membres institutionnels et une quinzaine de membres individuels. Comme membres institutionnels, nous comptons une trentaine de municipalités, des organismes comme l'UPA, les commissions scolaires, divers organismes comme les chambres de commerce et autres, à caractère plutôt socio-économique. Le conseil d'administration est composé de 27 personnes qui reflètent assez bien ce "membership". C'est un organisme qui, essentiellement, a travaillé en lien, depuis quelques années, avec ce qu'on estime être les groupes les plus dynamiques ou les plus représentatifs du milieu et également, depuis une année, avec les membres de la Conférence administrative régionale, et activement avec les media d'information.

Le CRD, qui se considère plutôt comme un outil, comme un instrument à la disposition de la population, à part l'une ou l'autre consultation qui lui est demandée, s'est, en particulier, préoccupé d'intervenir en matière d'aménagement, avec les édiles municipaux, en matière d'environnement et de dépollution, en matière touristique, du côté industriel, et a fait un effort particulier pour concerter les principaux leaders du milieu afin qu'on s'articule comme région et qu'on fournisse une contribution significative au développement du Québec. La consultation s'est faite avec cet arrière-plan, très rapidement, du 8 au 22 mars, dans des délais très courts, ce qui fait que pour plusieurs des gens consultés, c'était un premier contact avec le projet de loi, on a donc recueilli des réactions souvent premières.

Au moment où cela nous a été demandé, alors qu'on était en lien immédiat avec plusieurs des groupes qui nous apparaissaient concernés, il a été décidé de faire cette consultation en collaboration avec l'Association des cités et villes, les préfets des Cantons de l'Est et également avec l'Union des producteurs agricoles. Ces trois parties ont accepté de s'associer avec nous et de patrouiller le territoire en cinq endroits différents. Nous avons reçu l'appui actif des fonctionnaires des Affaires municipales et de l'OPDQ, quant à l'information à diffuser.

On estime qu'on a fait un effort assez considérable pour rejoindre la population dans ces principaux éléments. Nous avons adressé, pour ces cinq rencontres, 1200 invitations, mais effectivement 250 personnes y ont répondu. Le groupe s'est réparti différemment, à savoir que dans Richmond et East Angus, nous avons rejoint jusqu'à 30% des gens que nous voulions recevoir, alors qu'à Magog, Coaticook et Sherbrooke, seulement 15% des gens ont répondu à l'invitation que nous leur avions adressée.

Essentiellement, on s'est bien abstenu d'être les défenseurs de ce projet de loi et nous avons fait un effort particulier pour présenter le plus objectivement possible le projet de loi. Nous nous sommes documentés en conséquence.

De fait, parmi les 250 personnes qui nous ont fait part de leur réaction, nous avons reconnu que, parmi elles, plusieurs étaient des représentants déjà de petites municipalités. Effectivement, il y avait quelques personnes aussi d'autres organismes, mais de façon majoritaire, ce qui explique aussi une bonne partie des observations qui sont livrées dans le document.

Il faut noter que si un très grand nombre ne venait que de l'avoir, quelques-uns non seulement avaient eu le temps de l'examiner attentivement, mais ils avaient également fait l'effort de parcourir les fascicules qui, déjà depuis quelques mois, nous arrivaient en référence avec ce projet-là. Ces fascicules évoquaient l'idée de décentralisation etc.

Voilà concernant la consultation. Cela a donné lieu à un certain nombre de résultats qu'effectivement vous avez dans le mémoire à partir de la page 9 et qui nous ont conduits à formuler quelques recommandations qui nous apparaissaient plus significatives. Si je peux me permettre de caricaturer quelque peu, je crois qu'au CRD, ici il faut dire que les bureaux des préfets, comme ceux de l'Association des cités et villes et de l'Union des producteurs agricoles ne sont pas liés au résultat et n'ont contribué qu'avec nous à mener l'opération de consultation. Les résultats ou les recommandations qui vous sont formulées ce matin, ce sont celles du CRD. (10 h 30)

Au niveau des résultats, de façon globale, nous percevons que la population a dit oui, mais c'est assorti d'un certain nombre de réserves. Nous nous sommes efforcés de les mettre en relief afin d'être utiles ainsi aux législateurs qui ont à parfaire le projet de loi. Nous ne nous attarderons pas nécessairement à mettre en relief les bons côtés du projet de loi, mais surtout à attirer l'attention sur les réserves qui ont été formulées. En gros, je pense qu'on peut dire que ceux que nous avons rejoints disent: Très bonne idée, le projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Effectivement, dans l'Estrie, compte tenu des expériences des conseils intermunicipaux, on a déjà commencé à agir dans ce sens. On veut bien, mais par contre, on réalise aussi que, pour diverses raisons, un certain nombre de projets dans lesquels nous sommes impliqués sont en suspens depuis quelques mois. La population n'apprécie pas trop le fait qu'on doive attendre non seulement l'adoption, mais éventuellement l'application de cette loi. Cela bloque des projets qui sont jugés importants par la population.

Egalement, il nous est apparu que les gens, si ce n'est sur le texte comme tel du projet de loi, mais plutôt sur les intentions du législateur, se formulent un certain nombre d'interrogations, en ce sens: Pourquoi cela a-t-il l'air si compliqué de faire de l'aménagement? Est-ce qu'il n'est pas possible qu'on procède avec les mécanismes actuels, avec les structures actuelles? Est-ce que cela prend des mécanismes de consultation aussi sophistiqués? Est-ce qu'il est nécessaire d'avoir de nouvelles structures? Rappelons-nous toujours qu'un bon nombre qui s'exprime sont de petites municipalités qui disent: Est-ce qu'on ne se fera pas bouffer, nous, à long terme là-dedans? En définitive, est-ce que ce n'est pas surtout avantageux pour les grosses municipalités? D'autres disent: II est question strictement d'aménagement dans le projet, mais est-ce que le législateur n'aurait pas par hasard autre chose en arrière de la tête? Est-ce qu'on ne serait pas en train de se faire passer un Québec? Est-ce que ce n'est pas une forme différente de regroupement de certains projets qui nous ont été présentés depuis quelques années ici au Québec? D'autres qui sont plus actifs du côté des commissions scolaires disent: Cela ressemble drôlement au regroupement des commissions scolaires d'il y a quelques années. Est-ce qu'il faut recommencer cela? Ceux qui sont actifs dans les conseils de comté actuels disent: Est-ce qu'on ne peut pas faire cela avec les conseils de comté actuels plutôt que d'avoir de nouvelles structures? Surtout ceux qui ont commencé à réaliser des projets intermunicipaux étaient plus réservés sur l'ensemble du projet, sans pour autant, mettre en question le bien-fondé du projet comme tel. Cette série d'imprécisions sur les modalités, sur les coûts, comment nous allons faire ça, c'est à ce niveau que les interventions de type réactionnel que nous avons recueillies portaient surtout.

Même si nous avions effectivement été prévenus et si nous avons fait attention à ne pas investir trop d'efforts concernant notre préoccupation de division territoriale, il en a été question et, en particulier, sur tout le versant des comtés de Brome et de Shefford. Il arrive que des municipalités ont participé aux études avec nous, ce qui fait que, effectivement, ce matin, on s'est fait

accompagner de représentants des municipalités du comté de Shefford, qui ont, à l'analyse, des intérêts à faire partie éventuellement d'une région comme celle de la région 05. Un petit peu plus tard, il en sera question. Mais, concernant actuellement le fait qu'on ait six conseils de comté dont, en particulier, deux sont impliqués dans le cas de l'aménagement du mont Mégantic, où la population est déjà mobilisée pour fins d'aménagement, ça pose un certain nombre de problèmes que d'attendre que tout ça se fasse et se détermine de façon claire.

Egalement, à la toute fin de notre consultation, nous avons eu droit à des interventions des gens du monde scolaire qui, d'ailleurs, sont venus se manifester ici à la commission et ça transpire à l'intérieur de notre mémoire. Si ça représente quelque intérêt pour vous, tout à l'heure, on pourra y faire référence.

Voilà, en gros, M. le Président, la présentation qu'on pouvait faire.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, de votre coopération.

M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. Nous vous remercions de la consultation que vous avez menée auprès de la population de votre région sur le projet de loi no 125 et nous pensons que la mise en place de la commission consultative a eu le mérite de rassembler sur l'examen du projet de loi no 125 des personnes et des organismes responsables de sa mise en application.

J'ai relevé dans votre mémoire le fait que, selon l'avis de plusieurs participants, la consultation a souvent été l'objet d'un premier contact avec la loi et ressemblait, selon vos propres propos, plutôt à des assemblées d'information. Je vous encourage donc, dans le souci que vous manifestez pour l'approfondissement de l'étude du projet de loi no 125, sur une base plus locale, à continuer ces assemblées avec la participation de la commission consultative.

Par ailleurs, nous espérons que l'expérience acquise lors des initiatives telles que le bureau de préfet de comté de l'Estrie vous sera profitable pour l'application de la loi 125. Nous désirons cependant apporter quelques précisions à certains points que vous abordez dans votre mémoire. Vous dites, par exemple, à la page 19, que l'article 207 laisse un pouvoir très discrétionnaire au ministre et ouvre la porte au patronage. Je tiens à préciser que les subventions versées aux comtés ne seront pas discrétionnaires. Lorsque le projet de loi sera adopté et que les comtés auront leurs lettres patentes, les comtés pourront se prévaloir de subventions qui seront versées selon les critères objectifs que le ministère est en train de définir.

D'autre part, tel qu'annoncé à la conférence Québec-municipalités et tel que réaffirmé dans le discours sur le budget de M. Parizeau, toute responsabilité nouvelle sera assortie d'une source de financement.

A la page 12 de votre mémoire, vous émettez quelques interrogations sur les responsabilités du conseil de comté en fonction de la présence conjointe de deux types d'administration municipale, les cités et villes et les municipalités. La loi est claire sur ce point, il n'y aura pas coexistence de deux conseils de comté avec des pouvoirs complémentaires, mais bien un seul conseil de comté avec des pouvoirs définis à l'article 160 de la loi. A ce conseil de comté, tout représentant de ville ou de municipalité a droit de parole et de vote sur les compétences exercées par le conseil de comté en matière d'aménagement. Pour les autres compétences du comté régies par le Code municipal, les représentants de cités ou de villes peuvent participer aux délibérations et aux votes du conseil de comté seulement si une majorité de voix est exprimée dans ce sens.

En ce qui concerne l'ingérence de l'Etat dans la vie des municipalités et l'éventuelle disparition des petites municipalités dont vous parlez à la page 20 de votre mémoire, je désirerais apporter certains commentaires. Le but visé par la loi 125 n'est pas de s'ingérer dans la vie municipale, et encore moins de faire disparaître les petites municipalités. Au contraire, les objectifs de la loi 125 sont de réaliser l'aménagement par une concertation. On pourrait ouvrir une parenthèse et dire qu'il s'agit vraiment là d'une table de concertation et non pas d'une table de banquet où on invitera les grosses municipalités à manger les petites. Donc, au contraire, les objectifs de la loi 125 sont de réaliser l'aménagement par une concertation et une collaboration entre l'Etat, le conseil de comté et les municipalités.

Le gouvernement et ses mandataires ne pourront plus agir à leur guise comme ils l'ont toujours fait dans le passé puisqu'en tout temps le gouvernement devra négocier et justifier avec le conseil de comté chacune de ses actions qui touchera l'aménagement du territoire de comté. Ici, le projet de loi 125 consacre l'existence des petites municipalités puisqu'à l'opposé d'une fusion, il leur donne la possibilité de s'asseoir à cette table de concertation.

J'aurais deux ou trois questions bien précises à formuler, M. le Président. Vous dites, à la page 21, qu'un véritable projet de décentralisation devrait être étalé publiquement et soumis à la consultation. Cette recommandation est parfaitement conforme à ce que nous avons toùjour. préconisé et toujours dit sur le fait que la loi 125 est seulement une loi d'aménagement. A votre avis, comment pourrait-on être plus explicite sur ce point?

On a remarqué que certains intervenants à cette commission avaient une tendance assez naturelle, nous semblait-il en tout cas, de confondre aménagement et urbanisme avec décentralisation. Est-ce qu'il y aurait un moyen qu'on pourrait utiliser d'ici l'adoption de cette loi qui rende plus claire notre intention?

M. Routhier: Est-ce que vous voulez formuler vos deux autres questions aussi?

M. Ouellette: Si vous voulez. La deuxième: Pensez-vous que le bureau des préfets, par exemple, pourra faciliter la mise en oeuvre de la loi 125 dans votre région et comment? Parce qu'on sait que la loi, telle que rédigée présentement, ne prévoit pas de mécanisme de contact intercomté. Chez vous, est-ce que ce bureau pourrait jouer ce rôle?

Une troisième question. A la page 9, on retrouve comme avantage découlant du projet de loi un développement plus ordonné qui entraîne une économie dans la réalisation des infrastructures. Pourriez-vous expliquer votre point de vue à cet égard?

M. Routhier: Si vous permettez, je vais amorcer la réponse à vos questions, et énoncer des commentaires concernant vos propos, quitte à ce que mes collègues complètent par la suite.

Ce n'est peut-être pas inutile de vous rappeler que ce qui est dans le mémoire, on ne l'a pas inventé, en ce sens qu'on a fait une consultation et on a visé à vous refléter ce que les gens nous ont dit. Souvent, au-delà des projets de loi qui, aux yeux des législateurs ou des hauts fonctionnaires apparaissent si clairs, au niveau de la perception de la population cela l'est moins, parce qu'elle se réfère à un vécu qui permet une compréhension un peu différente de celle de vos intentions. En particulier, à propos du pouvoir du ministre et en matière de subventions — je ne me souvenais pas qu'on ait utilisé ce gros mot "patronage" — cela réfère à tout un vécu qui, même si le législateur n'en a nullement l'intention, il doit en tenir compte au moment de les présenter bien concrètement au niveau de la population pour permettre des réalisations comme celles que vous souhaitez. C'est peut-être davantage pour attirer votre attention sur un aspect comme celui-là. Du fait aussi que dans le texte de loi apparaisse à tout moment la possibilité d'une référence au ministre qui paraît disposer d'un pouvoir relativement discrétionnaire, cela projette cette image pour les gens qui la reçoivent, rien de plus.

Quant au fait qu'il soit clair que dans l'article 160 il n'y aura qu'un seul conseil de comté, pour avoir fait la démarche avec les représentants des conseils de comté et ceux des cités et villes, je crois même que l'une et l'autre unions sont venues vous dire que cela apparaissait moins clair pour elles. Je pense qu'il y a un effort de clarification à faire aussi.

Quant à l'idée ou au concept de concertation auquel sont conviées et les petites et les grosses municipalités, il y a ni plus ni moins qu'une jurisprudence qui fait qu'entre les petites et les grosses municipalités il y a un contentieux qui traîne depuis plusieurs années. Ce qui fait qu'il faut que les gens s'apprivoisent et réussissent, de fait, à travailler de concert, comme le suggère le mot concertation, plutôt que de viser à s'éliminer graduellement. Mais il reste que des petites municipalités qui ne comptent que quelques centaines de personnes, alors qu'elles doivent faire des opérations de consultation, cela paraît dispropor- tionné par rapport aux moyens dont elles disposent.

Quant aux trois questions, à propos de l'idée d'une consultation concernant le projet de décentralisation, si nos informations sont bonnes, si vous comptez pouvoir piloter le projet même jusqu'en deuxième lecture la semaine prochaine, cela vous donnerait peu de temps pour procéder à des modifications importantes. Ce qu'on voulait refléter là-dedans, c'est qu'il y a toute la série de fascicules. En particulier, les gens sont maintenant un peu plus forts en mathématiques et ils se sont rendu compte que le fascicule 5, tout le monde le cherche. Les gens se posent des questions là-dessus, ce qui fait que le projet de loi a été reçu ni plus ni moins comme un fascicule synthèse. Les gens ont réagi avec l'évocation de la décentralisation, et non pas de déconcentration. Avec tout ce que cela peut représenter de sous-jacent comme pouvoir décisionnel. (10 h 45)

Quand vous nous demandez comment cela pourrait s'effectuer, surtout d'ici l'adoption du projet de loi, je crois que ce serait relativement utopique d'y penser, mais un véritable projet de décentralisation pourrait donner lieu à un exercice intéressant. D'après ce que nous avons vécu, les gens seraient prêts à en discuter sérieusement et préféreraient être interpelés de façon explicite là-dessus plutôt que de se dire: Peut-être qu'il est question de ça et de chercher à travers les mots ou attribuer d'autres significations aux mots que celles que les législateurs veulent bien leur donner.

Concernant le recours possible à un mécanisme comme le bureau des préfets qui n'est pas un organisme comme tel, n'est pas incorporé, il nous a été demandé une collaboration qui, si on prenait deux ou trois minutes pour l'illustrer, permettrait de vous fournir une bonne réponse. Je vais laisser à notre directeur général, M. Gaston Bachand, le soin de répondre à la demande que nous a faite le Conseil de comté de Richmond aux fins de l'aider à approfondir le projet de loi et voir comment, concrètement, on pourrait procéder à son application.

M. Bachand (Gaston): Comme Robert l'a mentionné, on pense que les gens ont apprécié la formule de la commission consultative parce qu'elle représentait un caractère peut-être d'objectivité ou, enfin, elle comprenait les principales parties. C'est donc en vertu de cette représentativité qu'on nous demande d'approfondir le projet de loi 125. Est-ce parce que les gens perçoivent justement que c'est un mécanisme, à cause de ce caractère relativement objectif, qui favoriserait l'implication des deux types de municipalités? Etant tierce partie, ils se disent: Vous pouvez nous aider à avancer dans le débat, soit au niveau de la délimitation du territoire ou au niveau de la composition.

On est conscient qu'il y a une espèce de tierce personne qu'il serait peut-être utile d'introduire dans le débat pour faciliter l'application du projet

de loi. Présentement, au niveau de l'Association des cités et villes et du bureau des préfets de comté, il y a des démarches très accélérées pour que les deux mondes municipaux se retrouvent autour de la même table d'une façon beaucoup plus qu'occasionnelle. Eventuellement, on va peut-être assister à une sorte d'entente encore beaucoup plus explicite entre les deux types d'administration municipale. Est-ce qu'eux, par exemple, vont considérer qu'ils sont à point pour favoriser l'enclenchement de la loi éventuelle? On ne saurait y répondre, mais je pense qu'ils sont sensibles à l'idée qu'une tierce partie, qu'il reste possiblement à définir, les aide à faire un bout de chemin.

Le Président (M. Laplante): D'accord, je vous remercie. Avez-vous d'autres questions?

M. Routhier: II y avait la dernière concernant les économies à réaliser.

M. Ouellette: Jusqu'à quel point cela peut-il s'avérer un instrument d'économie dans l'implantation des infrastructures?

M. Routhier: Plusieurs exemples nous ont été signalés. Quand il est question de l'harmonisation de la loi 90 et du projet de loi 125, je pense qu'il faudrait utiliser le mot "harmonisation" aussi dans le cadre de la loi, qui fait que des municipalités ont un plan d'urbanisme qui débouche sur la municipalité voisine de façon tout à fait inappropriée. C'est par des exemples du genre que se pose une adéquation un peu plus respectueuse du voisinage et c'est dans ce sens-là qu'il y aurait des mises en commun quant aux services à rendre à des populations qui sont très voisines. C'est à cette échelle qu'on référait à des économies à réaliser.

M. Ouellette: J'aurais envie de revenir avec une dernière question qui est générale et qui s'adresse à tout le monde. Vous avez senti dans vos consultations, dans vos assemblées publiques que les gens s'inquiétaient notamment du danger que couraient les petites municipalités d'être avalées par les grosses, à moyen ou à long terme. Compte tenu de la connaissance que vous avez personnellement de ce projet de loi, dans les lettres patentes qui seront émises par le ministre, avec consultation évidemment avec les conseils de comté réformés, dans lesquelles on prévoira justement le mode de représentation des municipalités membres d'un conseil de comté de même que la participation au vote, croyez-vous qu'il y a suffisamment de garanties que vous puissiez vous donner vous-mêmes pour éviter que les grandes municipalités viennent, à court ou à moyen terme, digérer les plus petites? En somme, avez-vous suffisamment de garanties dans ce projet de loi pour vous rassurer?

M. Bachand: Je n'ai pas l'impression que dans le projet de loi actuel ces garanties sont contenues. Vous mentionnez qu'éventuellement vous allez faire connaître peut-être une suggestion au niveau des modes de représentation ou de la composition. Les gens n'ont pas vu dans ce projet de loi ces garanties dont vous parlez. Ils se disent: Qui va nous définir cette composition-là? Ou bien vous suggérez des choses ou bien ce sont les municipalités qui, entre elles, se disent: Bon, voici, Nous autres, dans tel comté, par exemple, on décide que c'est ainsi qu'on se compose, avec tel type de représentation et tel type de pouvoirs.

N'ayant pas ces garanties à ce moment-ci, ne sachant pas comment cette définition va se faire, il y a beaucoup d'inquiétude. Vous parlez des décrets. Il y a une chose qui n'est pas claire. J'en profite pour poser une question: Est-ce que, effectivement, vous allez donner l'occasion à toutes les municipalités intéressées de définir cette formule ou si, effectivement, vous allez y aller d'une procédure?

M. Ouellette: J'écoute votre question avec attention, mais je vais laisser au ministre le soin d'y répondre.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Voulez-vous répondre tout de suite?

M. Giasson: Est-ce que le ministre veut répondre immédiatement ou au mot de la fin?

M. Léonard: Tout à l'heure.

M. Giasson: Le ministre nous indique qu'il répondra à la fin de la période des questions.

M. le Président, messieurs, j'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt et je constate à mon tour que vous avez, dans un premier temps, voulu une véritable consultation auprès des organismes qui sont les plus intéressés ou touchés par le projet de loi 125. On vous félicite de ce travail, afin d'aller chercher, dans un premier temps, la perception ou la vision que votre population ou les représentants de votre population avaient de ce projet de loi.

Je n'aurai pas tellement de questions, parce que celles que j'avais à l'esprit ont été posées par mon collègue de Beauce-Nord, peut-être parrain de Beauce-Sud, si cela vous plaît. A la première question que vous aviez posée, à la suite des réponses obtenues, vous avez disséqué le résultat de ces réponses en avantages et inconvénients.

Le premier inconvénient que vous citez est celui que vos gens ont cru déceler des dépenses supplémentaires trop onéreuses pour les contribuables. Qu'est-ce que vous avez pressenti? Que les contribuables, face au coût d'un schéma d'aménagement, se sont imaginés que ces coûts seraient défrayés par les formes traditionnelles d'impôt et qu'il n'y avait pas suffisamment d'aide

venant du gouvernement provincial. Est-ce là la perception que vous avez eue de cette crainte que les coûts découlant de tout ce travail soient trop onéreux pour ceux qui ont à payer des taxes?

M. Routhier: Je pense qu'honnêtement il faut avoir une réponse un peu plus globale à une question comme celle que vous formulez. Que ce soit un projet en matière de loisir culturel ou d'aménagement en particulier, les petites municipalités, et même les grosses, de plus en plus, qui sont interpelées à la fois par la province et quelquefois par le fédéral, et surtout par leur population qui les sollicite, en termes de services, il semble qu'elles ne disposent pas des moyens pour donner satisfaction à l'un et à l'autre, et je pense que la réaction quant au coût que pourrait entraîner l'application d'un tel projet de loi s'inscrit dans cet ordre de préoccupation, à savoir comment, à même nos fonds — parce qu'il faudrait que les solutions ne viennent pas saper indirectement l'autonomie dont veulent bien se prévaloir les municipalités — il faudrait trouver un moyen qui ferait que ces municipalités, soit en leur dégageant des champs de taxation ou quoi que ce soit, même les petites, aient les moyens de réaliser un projet de loi qui, à première vue, apparaît être assez exigeant. Cela suppose une infrastructure. Vous me direz que cela donnera peut-être lieu à des mises en commun, là où il pourrait se réaliser des échanges, peut-être. Mais, concrètement, cela se présentait sous cet angle.

Peut-être que mon collègue pourrait compléter?

M. Bachand: Non, cela va.

M. Routhier: Mais c'est une modalité importante, pour le moins qu'on puisse dire, pour ceux qui se voient pris à appliquer cela. Ils auraient souhaité retrouver dans le projet de loi des indications plus claires là-dessus. Et même pour ceux qui étaient chargés de fournir de l'information complémentaire, c'étaient des gros points d'interrogation auxquels on avait droit.

M. Giasson: Lorsque, parmi les inconvénients, vous citez également le danger que la planification puisse amener le regroupement de petites municipalités, est-ce que vous le percevez comme un regroupement volontaire que ces municipalités décideraient, suite au travail d'aménagement du territoire ou de développement de plans d'urbanisme ou d'infrastructure, ou si vos gens craignaient un regroupement qui serait imposé par le haut.

M. Routhier: La crainte, je pense bien, vous l'indiquez vous-même dans votre question, mais je crois bien que les gens sur le terrain sont de plus en plus réalistes. Ils comprennent bien qu'il n'y a pas un gouvernement qui va s'aventurer là-dedans. Cela va se faire de façon volontaire ou cela ne se fera pas. Mais il y a également d'autres facteurs plus concrets qui sont, par exemple, le fait qu'il y a une évolution démographique qui fait qu'il y a des petites municipalités qui deviennent de plus en plus petites et il y a des facteurs très concrets qui viennent accentuer une préoccupation comme celle que vous formulez qui nous vient par un projet de loi comme celui-là et par d'autres d'ailleurs. De plus en plus, cela remet en question l'infrastructure dans les régions où sont les municipalités, surtout les plus petites qui ont de moins en moins de bassins pour se satisfaire. D'ailleurs, dans ce sens-là, je pense qu'il serait intéressant d'avoir le commentaire d'un maire comme M. Rouillard qui pourrait en même temps se référer à ce que les gens vivent dans le comté de Shefford. C'est une préoccupation comme celle-là, c'est également quand on parle d'appartenance à une région comme la région 05.

M. Rouillard (Camille): M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, au niveau d'abord de la question financière — c'est ce que vous voulez avoir? — nous, au conseil de comté...

M. Giasson: La question financière et la crainte que la planification qui pourrait découler de tout le travail pourrait déboucher sur du regroupement de municipalités.

M. Rouillard: Non, la question ne s'est pas posée au conseil de comté de Shefford, parce que nous travaillons d'abord depuis cinq ans à l'administration de l'évaluation foncière et je peux vous dire qu'au commencement de cela, strictement comme exemple, les municipalités et les représentants des municipalités qui étaient assis au conseil de comté regardaient presque leurs voisins comme des ennemis.

M. Giasson: Des rivaux.

M. Rouillard: Après cinq ans de travail, avec tout ce qui s'est établi au niveau de travail de camarades, je peux vous dire aujourd'hui que la façon dont le comté de Shefford travaille, c'est extrêmement plaisant de travailler dans un contexte où on discute d'une entité globale. Il n'est pas question, à ce moment-là, d'une municipalité en particulier; il n'est pas question d'intérêts particuliers d'un individu ou d'une municipalité, on discute toujours en fonction du comté. L'esprit de travail qui s'est établi là, je pense, peut se refléter dans une administration avec laquelle on peut discuter d'aménagement. C'est pour cela que, dans le petit document que nous avons remis au ministre, nous pensons que, de toute évidence, nous croyons que le découpage des comtés, pour autant que nous sommes concernés, parce que je parle strictement au niveau du comté de Shefford, devrait être restreint le plus possible à celui que vous avez actuellement, tenant compte, par contre, des régions administratives où vous avez énormément de problèmes actuellement et une partie du comté de Shefford est affectée par les régions administratives. C'est que presque la moitié du comté ou même plus, au départ, fait affaires

avec la région no 5. Par contre, le comté de Shefford, dans son entité, est rattaché à la région no 6. Cela crée des problèmes énormes, au départ, au niveau des services gouvernementaux.

Si, à l'intérieur de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on ne fait pas la distribution, au départ, des municipalités, suivant l'appartenance à la région administrative, si vous faites un découpage avant de tenir compte de cela, vous allez retrouver, à ce moment-là, le même problème que celui que nous vivons actuellement. Cela fait dix ans qu'on le vit chez nous. Si on est obligé de le vivre encore quinze ans, cela fait vingt-cinq ans dans la vie d'un homme. Déjà, il a le temps de changer de travail. Il n'est pas maire au bout de vingt-cinq ans. Mais il reste un facteur, c'est que la population elle-même, en général, a besoin de ces services-là et elle-même, elle ne connaît pas les régions administratives, les limites territoriales. En fait, c'est une ligne imaginaire pour beaucoup de monde. Elle n'a pas besoin de cela, dans le fond, pour obtenir des services quotidiens. C'est extrêmement important quand on parle d'une Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, au niveau de la population, pour les besoins de la population. Je pense qu'au départ nous devons tenir compte de l'appartenance administrative de la région avant de délimiter des territoires sur lesquels la population n'aura pas à dire un seul mot. C'est extrêmement important.

M. Giasson: Merci, M. le Président.

M. Rouillard: Au niveau de l'aménagement et du dollar à répartir, c'est certain que, si la municipalité de comté n'a pas les moyens financiers, elle va attendre tout simplement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Je veux d'abord féliciter les gens du CRD du mémoire qu'ils nous ont présenté ce matin. Si on connaît autant de dynamisme dans la région des Cantons de l'Est, c'est certainement dû en grande partie aux gens du CRD, aux conseils de comté et aux maires. (11 heures)

Vous avez beaucoup parlé dans votre mémoire de développement. Je vous pose une question à deux volets. C'est sûrement parce que, pour vous, l'aménagement et le développement, cela va ensemble. On ne peut pas faire d'aménagement sans parler de développement et vice versa, ou encore, c'est parce que vous vous attendiez que le ministre vous présente un projet de loi où on parlait plutôt de décentralisation. Est-ce que vous vous attendiez qu'on parle beaucoup plus de décentralisation dans le projet de loi?

M. Routhier: On s'attendait à cela. Je crois que les fascicules pouvaient nous donner à l'entendre. On devait faire une lecture du projet de loi avec l'esprit qui a été véhiculé par les fascicules.

Le fait d'associer le mot "développement" au mot "aménagement", je ne vous le fais pas dire, je crois qu'en particulier, il y a un fascicule qui donne nettement à entendre, en tout cas, qui donne une très large définition au mot "aménagement" qui est très voisine de celle de "développement". Donc, au niveau conceptuel, je répondrais tout simplement oui, à votre question. Quant au fait qu'il ne soit pas explicitement question de décentralisation, je me référais à cela tout à l'heure davantage en termes de pouvoir avec tout ce que cela suppose de moyens assortis pour l'exercice d'un tel pouvoir que sont les ressources, les moyens et tout le mécanisme qui permet l'exercice d'un pouvoir.

M. Goulet: Vous avez tenu des réunions de consultation et d'information. Si la participation chez vous est à peu près au niveau de tout ce que les intervenants nous ont dit, la participation est très faible, comme à peu près dans toute la province. Il va falloir en faire de la consultation, il va falloir faire participer les gens avec ce projet de loi. Quelle en est la cause? Est-ce parce que les gens n'ont plus confiance en ces réunions, n'ont plus confiance à ceux qui véhiculent certaines idées et qui vont pour les défendre dans les régions? Est-ce parce que la population croit que quand on vient la consulter, les dés sont déjà pipés? Quelle est votre impression, après avoir tenu ces réunions de consultation et d'information, une si faible participation, exemple, dans trois ou quatre villes, 15%, comme vous avez mentionné, hier, nous avons pris connaissance de rapports où, dans certains endroits, c'était encore beaucoup plus faible, à quoi cela tient-il, en grande partie? Comment va-t-on faire dans l'avenir avec ce projet de loi quand on va vouloir aller consulter? Si les gens ne participent pas, qu'est-ce que cela va donner de consulter?

M. Routhier: Je crois bien justement qu'une participation de type strictement consultatif où, par la suite, les gens qui consultent, font ce qu'ils veulent, comme cela arrive dans plusieurs domaines, les gens étant de plus en plus éclairés, acceptent de moins en moins de jouer ce jeu. Je pense que ce n'est pas vrai seulement pour les gouvernements au niveau provincial. C'est vrai à d'autres niveaux aussi, même pour les organismes comme les nôtres.

Au-delà de la consultation, je crois que le message, à mon sens, est assez clair. Cela n'a peut-être pas été aussi accentué, mais c'est dans le même ordre que le projet de loi 90 qui est devenu la loi 90. Intéresser la population de façon significative à des questions aussi importantes et globales que celle de l'aménagement d'un territoire, cela impliquerait, à mon sens, pour les prochaines années, des grosses commandes au ministère de l'Education qui cherche quoi faire avec ces grosses infrastructures. Il y a des opérations d'éducation populaire importantes à faire auprès de la population, non seulement à l'endroit des jeunes, mais aussi des adultes pour qu'ils devien-

nent capables graduellement d'assumer les responsabilités qu'on veut leur confier. C'est presque aussi vrai pour les leaders, les gens élus dans les municipalités, que les commissions scolaires et autres. Alors, ce n'est pas suffisant de leur dire: Désormais, il faut en même temps faire en sorte que ces gens soient capables d'assumer leurs responsabilités.

M. Goulet: Vous ne croyez pas si on propose un référendum consultatif, que cela n'a rien pour améliorer les choses au niveau de la consultation. Les gens disent: Ils veulent nous consulter, mais c'est seulement consultatif. Est-ce que les référendums devraient être décisionnels? De cette façon, on amènerait les gens à participer davantage parce qu'ils diraient: Vraiment, notre façon de penser va être véhiculée jusqu'en haut, et non pas seulement venir nous consulter pour la forme, et après cela, faire ce qu'on veut bien faire. Vous ne pensez pas que cela améliorerait de beaucoup cette situation?

M. Routhier: Je ne répondrai pas selon ce que vous voudriez, mais je vous dirai là-dessus qu'effectivement...

M. Goulet: Non, je ne veux pas... Ecoutez, mon idée est faite, je vous le dis, mais je veux savoir ce que vous, vous pensez. Si vous pouvez la changer, il n'y a pas de problème. Moi, écoutez, je vais vous le dire. Pour moi, en tant qu'individu, un référendum, dans ce cas-là, devrait être décisionnel. Maintenant, vous n'êtes pas obligé d'être d'accord avec moi. J'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez, parce que vous avez fait de la consultation, vous avez l'expérience de ça. Je veux savoir ce que vous, vous pensez. Est-ce que cela améliorerait les choses?

M. Ouellette: Sa question est décisionnelle.

M. Routhier: Une consultation décisionnelle, il y a presque une opposition dans les termes. Une participation de type décisionnel, il faudrait peut-être faire référence davantage à un concept comme celui-là, mais encore, si on regarde les grands objectifs de la loi, il y a une harmonisation à une échelle plus importante qui ferait qu'il ne faut pas penser pouvoir harmoniser tous les desiderata de chacun des individus et des petits groupes. Il faut penser dans une perspective un peu plus collective qui, jusqu'à un certain point, sacrifie quelque peu des visées plutôt individuelles ou de petits groupes. Alors, une véritable consultation de type décisionnel à une petite échelle, je ne vois pas trop comment on pourrait y parvenir, mais, au niveau graduellement des regroupements de municipalités et même à l'échelle d'un conseil de comté, une consultation ou une participation de type plutôt décisionnel qui, en bonne partie, lierait les gouvernements supérieurs, il faudrait peut-être faire un petit effort d'imagination et tranquillement se diriger dans ce sens à mesure qu'on sentira que les gens sont en mesure de prendre les décisions éclairées, avec tout ce que ça suppose.

M. Goulet: M. le Président, avant de formuler ma dernière question, je souligne certains points que j'ai retenus. Je pense que les gens que vous avez consultés sont favorables au principe du projet de loi, mais pas plus. On arrête de faire l'unanimité à la minute où on arrête de parler du principe. Mais, ce que je trouve drôle, c'est qu'on dise qu'il y a trop de consultation de prévue, le processus sera très lourd. Egalement, les dépenses... Naturellement, le ministre a dit qu'il donnerait l'argent en conséquence, mais on ne sait pas combien et comment on va procéder.

Vous soulignez également que la planification globale est difficile parce qu'on risque de passer à côté des problèmes locaux. C'est un peu ce que vous soulignez dans votre mémoire, à moins que je ne me trompe et, une chose qui est importante également, vous soulignez une perte de pouvoir, la peur, si vous voulez, d'une perte de pouvoir municipal qui va s'en aller au niveau du conseil de comté et du ministre. Au lieu de décentraliser, comme les gens pensaient qu'on décentraliserait, ce que vous croyez, vous autres, c'est qu'on va centraliser au niveau du conseil de comté. On va plutôt faire le contraire. On va centraliser au niveau du conseil de comté et de la décision du ministre.

Vous trouvez que le pouvoir du ministre va trop loin. Il y a un mot que j'ai souligné dans votre mémoire, vous dites: C'est même inquiétant. Mais, qui devrait servir d'arbitre, d'après vous, si ce n'est pas le ministre? Ou, comme dira le ministre, le gouvernement ou le Conseil des ministres, apparemment, ils ne sont pas tout à fait d'accord là-dessus. Mais, d'après vous, qui devrait servir d'arbitre en dernier lieu?

M. Routhier: Je comprends que vous avez fait une lecture particulièrement attentive des réserves qui ont été formulées et, en particulier, des inconvénients formulés dans le terme de la première question. En tous les cas, nous étions préoccupés de vous véhiculer ces réserves pour que, au niveau de l'application, vous en teniez compte.

Par contre, vous avez dû aussi faire une lecture attentive de la deuxième recommandation, où il est fait état clairement d'une volonté des gens de souscrire non seulement au principe, mais ils sont même allés jusqu'à dire: II ne faudrait quand même pas ergoter des années. En dedans de 18 mois, on devrait procéder, sinon, le ministre devrait intervenir. Je pense que votre question fait appel peut-être à une spécification un petit peu plus grande du pouvoir qui est réservé au ministre pour qu'on ne le retrouve pas à toutes les pages et, en particulier, dans des cas comme ceux-là, quand il est clair et net que, sur une base territoriale, une population ne parvient pas, faute d'un médiateur qui pourrait être, à ce moment-là, le ministre ou son délégué, justement, le ministre devrait intervenir. Mais, essentiellement, le pouvoir

décisionnel devrait se situer dans les régions, justement, dans les conseils de comté renouvelés qu'on veut mettre sur pied, ce qui fait qu'il ne faudrait pas ne retenir que les réserves, les modalités ou toutes les difficultés qu'on appréhende quant à l'application. Je pense que, dans une région comme la nôtre, où on veut sauvegarder la qualité de vie et aménager le territoire de façon que les gens soient heureux, il faut comprendre qu'essentiellement la population est favorable à un tel projet et préoccupée tellement de le voir bien appliqué et bien réalisé et elle s'est efforcée de pointer toute une série d'éléments que le législateur doit examiner de près au niveau du projet de loi, mais également quand viendra le temps de l'appliquer. En définitive, la loi ne peut quand même pas prévoir tous les petits détails.

M. Goulet: J'avais compris que la population était pour la loi, mais elle a hâte de savoir qui va payer; c'est mentionné assez clairement. Au niveau du droit de vote à la table du conseil de comté, il y a une place où vous avez fait l'unanimité, selon votre sondage, c'est une municipalité, un vote. Après cela, il y a différentes idées qui ont été véhiculées. Je ne sais pas si, dans votre région, il y a beaucoup plus de villes qui sont rapprochées que dans certaines autres régions où il n'y a qu'une grosse ville — une grosse ville, il faut s'entendre, disons de 50 000 à 75 000 habitants — comparativement à plusieurs petits villages de 500 ou 1000 habitants. Est-ce que ça devrait être encore une municipalité, un vote, à ce moment-là? Comment va-t-on faire pour vendre cette idée à la ville de 60 000 ou 70 000 habitants comparativement à une municipalité qui en a 1000? La municipalité qui a 1000 habitants va dire: On est d'accord avec le principe. Mais je ne suis pas sûr que ça va être tout ce qu'il faut pour l'amener à la table et lui dire: Viens discuter avec nous. Je ne sais pas si on pourrait offrir autre chose.

M. Routhier: A une question aussi nuancée que la vôtre, je pense qu'il faut faire une lecture plus différenciée du Québec, actuellement, qu'à travers un projet de loi, en ce sens qu'il se pourrait fort bien que, dans chacune des régions, et je dirais même à l'intérieur de chacune des régions, on devrait répondre selon la lecture locale que font les gens. On n'envisage pas une réponse uniforme à l'échelle de la province dans le cadre d'un projet de loi. Probablement qu'au Québec on a dépassé cette époque, dans le sens que chacun des milieux est tellement différent et que les gens y vivent différemment. Il faut donc fournir des réponses différentes à une question comme la vôtre. Dans notre coin, comme vous dites, cela se présente différemment, sauf qu'il y a Sherbrooke et la conurbation immédiate. A la discussion, c'était moins clair pour nous, dans le cas de Sherbrooke.

Dans le cas des autres municipalités, c'est déjà plus facile à identifier. Personnellement, la connaissance que j'ai du Québec m'amène à croire qu'il se pourrait fort bien que, dans d'autres régions, on répondrait différemment de ce que je suis en train de faire.

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Léonard: M. le Président, messieurs les maires, il me fait plaisir de recevoir ici, ce matin, à la commission parlementaire, les membres du Conseil régional de développement de l'Estrie. Je pense bien qu'on peut constater qu'ils ont fait un immense travail en ce qui concerne l'aménagement et l'urbanisme et ce n'est pas non plus d'hier que ça se fait.

J'aurais peut-être une remarque à faire en ce qui concerne l'autonomie municipale puisqu'il en a été question ce matin. Depuis quelque temps, on n'en entendait plus parler, mais, puisque le sujet revient, ça me permet de rappeler certaines choses. La loi confirme les pouvoirs des municipalités en urbanisme et les améliore. Il n'est pas question de centraliser, d'esprit de centralisation dans cette loi. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut une table de concertation intermunicipale pour régler des problèmes qui touchent et qui débordent le cadre du territoire d'une seule municipalité. Toutes les lois ont connu cela, tous les projets, tous les documents sur l'urbanisme et l'aménagement ont reconnu qu'il fallait une table intermunicipale.

Il y a eu des projets qui étaient centralisateurs, qui partaient de l'idée d'un plan global pour le Québec et des plans régionaux et des plans au niveau de communautés régionales ou de municipalités régionales. On connaît ces plans, cela, c'était centralisateur, mais ce n'est pas ce que vous avez dans la loi. Plus encore, même si on trouve qu'on donne beaucoup de pouvoirs au ministre, à l'heure actuelle, les ministres ont à peu près tous les pouvoirs, n'importe quel ministre et n'importe quelle agence ou n'importe quel mandataire gouvernemental peut faire n'importe quoi sur le territoire alors que, dans le projet de loi, le gouvernement et ses mandataires se lient à respecter le schéma d'aménagement. Donc, c'est un élément très important et je pense qu'il convient de faire ressortir cela, parce qu'il ne faut pas, non plus, aussitôt qu'on essaie de faire de la concertation intermunicipale, crier qu'on attaque l'autonomie municipale. A un moment donné, les municipalités se parlent; c'est ce que vous faites, effectivement; vous êtes là à la table et vous vous parlez. Je pense que, quand l'Opposition vient soulever de la poussière autour de cela, c'est de la poussière, ce n'est pas pire que cela.

J'aurais une question à poser en ce qui concerne la délimitation des comtés. Vous avez mené une consultation sur ce sujet et il semble en ressortir un certain statu quo en ce qui concerne la délimitation ainsi que l'appellation des comtés. Je pense que le comté de Richmond, en particulier, en parle. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire que l'ensemble de la population et des organismes concernés puisse s'exprimer sur ces points, en ce qui concerne la délimitation des comtés? (11 h 15)

M. Routhier: De fait, à notre point de vue, même si cela peut comporter quelques exigences, il devrait être mené systématiquement une consultation sur ce sujet auprès des organismes concernés. Cela pourrait se faire au lendemain de l'adoption du projet de loi. L'application à ce niveau est particulièrement importante. Si, comme on l'a donné à entendre, c'est relativement clair, en tout cas d'après nous, dans notre région, d'après les gens qui se sont exprimés, il reste qu'on doit viser à harmoniser les municipalités qui sont voisines d'Orford et qui se retrouvent dans Brome. Egalement, il y a toute la problématique soulevée par le groupe du comté de Shefford, ce matin. Il va sûrement falloir qu'au niveau du législateur, elle soit examinée bien concrètement. Qu'est-ce qui survient? Peut-être qu'à ce moment-ci, vous voudriez intervenir à nouveau?

M. Rouillard: Pas nécessairement, mais il reste que cette loi, pour le comté de Shefford, pour les maires du comté et pour la population, c'est extrêmement important, la question de la délimitation du territoire. M. le ministre, vous en êtes au courant, vous en êtes conscient. Il n'y a pas d'erreur que c'est une consultation qui s'est faite au niveau des maires du comté, si vous voulez, à l'intérieur de chaque municipalité. Là-dessus, il y a une proposition qui est claire, qui vient du comté de Shefford. Cela n'est pas une proposition définitive, elle peut être rediscutée, il peut y avoir des modifications d'apportées à cela. Mais l'essentiel de la proposition est dans cela et nous aimons vous en faire part, parce que nous avons vécu un problème depuis de nombreuses années et nous voulons l'éviter dans les nouvelles délimitations des territoires.

Ce que je veux simplement ajouter à ce qui a été discuté tout à l'heure, c'est qu'au niveau du comté, je peux vous dire que la peur de perdre des pouvoirs au niveau municipal, cela n'existe pas. Parce que nous avons vécu l'expérience de l'évaluation et nous avons vécu d'autres expériences au niveau du contact entre les municipalités. C'est essentiel pour nous, il n'est pas question d'avoir peur de perdre des pouvoirs ou de perdre des petites municipalités et de se faire avaler par des grosses. Cela n'est pas un problème pour nous, pas du tout. C'est strictement un travail et nous pensons également que nous ne pouvons pas discuter d'aménagement de territoire strictement au niveau municipal ou local. C'est impossible.

M. Bachand: Je voudrais peut-être, si vous me permettez, seulement compléter la réponse...

Le Président (M. Laplante): Très court, monsieur, parce qu'on dépasse déjà le temps.

M. Bachand: Oui, c'est bref, seulement une minute. C'est que je voudrais faire ressortir, dans le fond, la deuxième recommandation où, on l'a dit déjà, les gens sont prêts à procéder. Ils sont préoccupés du comment. On se permet une suggestion qui est la deuxième recommandation et je pense que les comités sont prêts à recevoir cette suggestion. Peut-être qu'à ce moment les comtés seront aussi prêts avec les municipalités à associer les groupes de la population pour s'exprimer sur le territoire.

Lorsqu'on parle de confier immédiatement, au lendemain de l'adoption du projet de loi, la responsabilité au comté, à tout le moins de réunir les municipalités... En tout cas, c'est une suggestion. Le délai de 18 mois qu'on prescrit, cela semble important pour les gens du milieu peut-être plus associés que les municipalités.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Seulement un mot, je reviens après.

M. Giasson: Dans ses propos, tout à l'heure, le ministre a fait allusion au charriage de l'Opposition qui tente de porter un jugement selon lequel la loi 125 dénote un désir de centralisation. Cela m'apparaît fondamental de rectifier, M. le Président, que, du côté de l'Opposition libérale, on n'a jamais déclaré cela. Autant j'ai déploré la centralisation entre les mains de la Commission de protection du territoire agricole dans la loi 90, autant je reconnais la volonté de l'actuel gouvernement de ne pas centraliser par les dispositions de la loi 125, mais au contraire de se montrer respectueux des pouvoirs des instances d'en bas. C'est une mise au point que je tenais à faire parce que cela ne correspond pas du tout à l'attitude de l'Opposition officielle, l'Opposition libérale. On a porté un jugement sur les deux projets de loi et le jugement est fort différent l'un par rapport à l'autre.

M. Léonard: C'est une autre partie de l'Opposition, en tout cas.

M. Goulet: M. le Président, il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire, mais je veux certainement invoquer le règlement. Je n'ai pas fait d'affirmation, je me suis référé au mémoire qui est devant moi, à la page 9. Je lis, au bas de la page: Les inconvénients... ce n'est pas moi qui ai écrit le mémoire, je posais la question aux représentants de CRD; monsieur a dit le contraire là-bas, c'est parfait — il s'ensuit une perte du pouvoir municipal d'abord aux mains du comté et ensuite du ministre. A moins que je ne n'aie pas le bon mémoire. Ecoutez, à la page 9, il n'est pas question de tirer de la poussière. J'ai fait allusion au mémoire et j'ai demandé à monsieur de s'expliquer. Si quelqu'un a marché sur le petit orteil du ministre, ce n'est pas ma faute, ce n'est pas moi qui l'ai fait, ce matin. J'ai fait allusion au mémoire. C'est clair? Ne venez pas parler de charriage!

Le Président (M. Laplante): Sur ce, messieurs, les membres de cette commission vous...

M. Goulet: Ce n'est pas nous qui charrions ce matin, voyons!

Le Président (M. Laplante): ... remercient pour votre participation.

J'appelle maintenant la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec. Monsieur, si vous voulez identifier votre groupe, vous identifier, ainsi que les personnes qui vous accompagnent s'il vous plaît.

Corporation professionnelle des urbanistes du Québec

M. Tittley (Luc): A ma droite Serge Filion, Paul Saint-Jacques; à ma gauche, Benoit Bégin et Richard Morency. Tous ces messieurs sont des urbanistes qui sont soit en pratique privée, dans l'enseignement ou dans la pratique en milieu gouvernemental.

Je suis Luc Tittley, président de la Corporation des urbanistes du Québec.

Le Président (M. Laplante): Tout à l'heure, lorsque j'ai pris une espèce d'entente avec vous pour le déroulement, savoir essayer de vous en tenir à l'intérieur de 20 minutes pour expliquer votre mémoire, vous m'avez formulé la demande d'inscrire votre mémoire complet au journal des Débats. Est-ce que ça tient encore?

M. Tittley: Oui, monsieur, ça tient encore.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que les membres sont d'accord là-dessus?

M. Léonard: D'accord.

Le Président (M. Laplante): Accordé, (voir annexe)

M. Tittley: Vous avez sans doute compris que les urbanistes accordent la plus haute importance à ce projet de loi, l'épaisseur et peut-être la densité du mémoire qu'on a soumis à la commission parlementaie en font foi, j'imagine. On m'a dit que vous étiez tous très préparés à poser de nombreuses questions, alors j'ai conclu avec le président de la commission que je tenterais d'abréger le plus possible la présentation comme telle de notre position sur le projet de loi.

Pour ce faire, je vais adopter une démarche qui ne suit pas tout à fait la table des matières du projet de loi et je vais vous indiquer en cours de route à quoi on réfère plus spécifiquement.

Je pense que vous avez compris que d'une façon générale, la Corporation des urbanistes du Québec souscrit au projet de loi, aux principes qui le sous-tendent et qu'elle est disposée à lui apporter sa plus entière collaboration.

Je vais commencer d'abord par les commentaires généraux, dont le premier porte sur la délimitation des unités territoriales. La Corporation professionnelle des urbanistes du Québec reconnaît la pertinence d'une restructuration des corporations de comtés municipaux. Elle croit aussi que les orientations qui sont données dans les fascicules du Secrétariat à l'aménagement constituent une base de discussion valable à cette fin. Toutefois, elle croit nécessaire de soulever une mise en garde à l'égard du danger de galvauder la notion de communauté d'appartenance qui est sous-jacente à celle de la nouvelle délimitation territoriale.

L'expérience de nos membres indique que la communauté d'appartenance se situe davantage au niveau de la municipalité qu'à celui du comté. La référence constante à la communauté d'appartenance risque, à notre avis, d'entraîner les municipalités à se regrouper en fonction d'un dénominateur commun trop étroit pour permettre la réalisation des buts de la décentralisation et notamment l'aménagement rationnel du territoire.

Tout en reconnaissant qu'il n'y a pas de critères absolus pouvant guider le regroupement, la CPUQ croit que le milieu municipal doit garder à l'esprit que les comtés renouvelés deviendront la structure de base de la décentralisation.

En conséquence, ils devront être constitués de façon à pouvoir, premièrement, délimiter les espaces qui reflètent des réalités économiques, géographiques et socio-culturelles, traduire les liens d'intérêt commun entre les municipalités faisant partie d'une même agglomération urbaine le cas échéant et entre les agglomérations urbaines et leur hinterland; fournir une base de planification suffisamment substantielle pour justifier l'allocation des ressources financières et humaines nécessaires à l'accomplissement des tâches entraînées par la mise en application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme; constituer une structure politique et administrative pouvant plus efficacement assurer la concertation entre la planification centrale et la planification locale; contribuer réellement à l'objectif du gouvernement de décentraliser des pouvoirs et de déconcentrer son administration; établir une organisation politique ayant la capacité technique et financière de mettre en place et d'appliquer les principaux instruments de gestion de la planification.

Cette organisation doit permettre à l'autorité politique décisionnelle de relier les objectifs du schéma à des programmes de réalisation et aux moyens financiers et autres nécessaires à leur mise en oeuvre.

La taille et les caractéristiques du territoire de la corporation de comté doivent lui permettre de servir de base à une décentralisation, à une déconcentration des services gouvernementaux et à une concertation des différents agents. Mais on ne saurait trop insister sur l'importance de délimiter ce territoire de façon qu'il permette une assise géographique apte à la planification et à la gestion adéquate de l'aménagement, ce qui est le but du projet de loi qu'on étudie actuellement.

A ce sujet, nous nous permettons donc d'attirer l'attention du ministre sur l'intérêt qu'il y aurait d'amorcer le processus de révision prévu dans le projet de loi par une approche plutôt régionale. Les expériences d'aménagement du territoire au Québec militent en faveur de l'utilité d'une table initiale de concertation plus large que celle des comtés, table où les différents comtés seraient

appelés à s'ajuster. Cela nous permet de suggérer au ministre l'intérêt de l'approche suivante lors de l'émission de nouvelles lettres patentes: procéder d'abord à l'échelle d'une sous-région à une opération d'animation et de consultation où les municipalités pourront identifier leurs différentes appartenances et proposer les modalités relatives à leur regroupement à l'intérieur de comtés renouvelés.

En quelque sorte, il s'agit de briser un peu le carcan artificiel que constituent les comtés actuels.

Le deuxième point important porte sur l'aménagement et les moyens de mise en oeuvre.

Malgré la perspective de la décentralisation, le projet de loi 125 doit être vu avant tout comme le cadre de la pratique responsable de l'aménagement et de l'urbanisme. La pratique responsable de l'aménagement et de l'urbanisme, par quelque niveau de gouvernement que ce soit, exige, d'une part, des instruments d'orientation et, d'autre part, des instruments de mise en oeuvre de ces orientations. Les premiers découlent de l'analyse des problèmes et de schémas, dans le projet de loi. Les seconds s'appuient sur les pouvoirs de réglementer et de dépenser des gouvernements. Ils prennent, en bout de ligne, la forme de règlements — d'utilisation du sol, notamment — et de bugets, programmes ou autres techniques de gestion budgétaire équivalentes.

Le projet de loi fait état, et dans le détail, de certains instruments importants de mise en oeuvre d'un schéma d'aménagement et d'un plan d'urbanisme: les règlements de zonage, de lotissement et de construction. L'utilité et le rôle normatif de ces instruments ne sont plus à démontrer; leur affinement et leur cohérence sont à parfaire.

Cependant, le projet de loi est un peu explicite sur un ensemble d'instruments extrêmement importants du processus de planification et qui, s'ils ne sont pas disponibles et appliqués, perpétueront une situation qu'on impute d'ailleurs injustement aux urbanistes, les beaux plans en couleur qu'on remise bien vite sur les tablettes.

La CPUQ est d'avis que les schémas et les plans d'urbanisme se traduiront graduellement dans la réalité lorsque le processus de planification sera intégré aux processus administratif et décisionnel des autorités publiques et lorsque celles-ci utiliseront les instruments appropriés de mise en oeuvre que sont les divers outils de la programmation budgétaire basés sur les objectifs des plans et les moyens disponibles.

Sans doute par souci de ne pas brusquer les choses, le gouvernement a choisi de limiter le rôle des conseils de comté renouvelés à la concertation intermunicipale en matière d'aménagement et d'urbanisme. Le pouvoir de dépenser pour des services, équipements, infrastructures et réseaux à caractère intermunicipal reste entre les mains des municipalités locales qui pourront, au mieux, concrétiser entre elles des ententes ad hoc.

La CPUQ s'étonne que le projet de loi ne prévoie pas explicitement la possibilité pour les municipalités locales, dans les comtés qui le dési- rent, de réaliser des investissements intermunicipaux et de transférer au conseil de comté leur pouvoir de dépenser dans certains domaines. (11 h 30)

Autre point, le comté et ses responsabilités en matière d'aménagement. Le titre II du projet de loi no 125 prévoit la création de corporations de comtés renouvelées comprenant les municipalités régies par le Code municipal et par la Loi des cités et villes. Ces comtés auront dans un premier temps comme seule responsabilité celle prévue au titre II du projet de loi. Dans cette perspective, on est en droit de s'étonner que l'article 2 ne rende pas obligatoire l'adoption d'un schéma d'aménagement.

En effet, si cette obligation n'existe pas, il n'y a pas de relation entre le titre I et le titre II du projet de loi. Comme organismes décentralisés et responsables, les corporations de comté renouvelées doivent donc être tenues d'assumer leurs responsabilités ainsi que celles de leurs partenaires municipaux en matière d'aménagement et d'urbanisme.

On a un titre sur les grands exclus de la loi que sont les communautés urbaines. Le commentaire qu'on a à faire là-dessus peut se résumer ainsi: L'exclusion des communautés urbaines et régionales peut momentanément s'avérer acceptable dans la mesure où, éventuellement, les lois qui les régissent puissent être modifiées pour inclure au moins les obligations que contient ce projet de loi au titre du schéma d'aménagement. Par ailleurs, la spécificité de ces communautés milite en faveur d'outils légaux d'urbanisme différents de ceux prévus au projet et que seule une loi spécifique pourrait leur confier.

Quelques commentaires sur le rôle du gouvernement, tel que prévu dans le projet de loi, surtout le rôle du gouvernement lors de la préparation du schéma. Le projet de loi prévoit que le gouvernement participe à la préparation du schéma de comté en transmettant au conseil ses orientations et des informations sur les équipements et infrastructures dont il a la responsabilité et qui peuvent affecter l'élaboration du schéma.

Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait ici s'astreindre aux mêmes règles que celles qu'il impose au comté, soit de transmettre des documents préliminaires, assujettis, après consultation, à être modifiés; se donner un délai pour les transmettre, ce qui n'est pas prévu au projet de loi; s'obliger à publier un résumé de ces documents, à l'intention de la population; et s'astreindre à tenir des assemblées publiques sur ces orientations, à la suite de quoi il pourra ajuster ses orientations préliminaires, si vous voulez, dans le document définitif.

Sur le pouvoir de modifier le schéma et le pouvoir d'intervention spéciale, le projet de loi permet au gouvernement de participer à la confection du schéma, d'exercer un droit de regard sur la conformité entre le schéma et les orientations du gouvernement. Il prévoit de plus que le gouvernement peut, après l'approbation du schéma, modifier celui-ci si une intervention qu'il projette

ultérieurement est réputée non conforme par la commission et que le comté, à la demande du ministre, ne modifie pas son schéma.

On doit accepter la réalité de l'évolution dans le temps des politiques et des interventions du gouvernement sur le territoire d'un comté. Il devient nécessaire de prévoir un moyen qui permette au gouvernement d'intervenir d'une façon non prévue au moment de l'entrée en vigueur du schéma et d'une façon non conforme au schéma possiblement.

Mais le pouvoir du ministre devrait se limiter à ce moment à demander au conseil de comté de considérer une modification à son schéma. Si le comté décide de ne pas le modifier, le seul recours du ministre devrait être de créer une zone spéciale d'intervention.

Les pouvoirs accordés au gouvernement par le chapitre VII du projet de loi, de déclarer toute partie du territoire zone d'intervention spéciale sont fort intéressants et vont donner au gouvernement un outil depuis longtemps nécessaire.

Sur l'administration de la loi, à propos de la Commission nationale d'aménagement, le projet de loi prévoit que cette commission est un organisme administratif indépendant du gouvernement et n'ayant aucune fonction judiciaire ou quasi judiciaire. Le mandat de cette commission est de juger de la conformité entre les objectifs des principaux actes ou interventions prévus au projet de loi; de servir de registraire et de gardien des règlements, résolutions, ordonnances, etc.

La commission est composée de cinq membres dont deux sont nommés après consultation des organismes les plus représentatifs des municipalités et des comtés.

Le rôle de la commission est prévu comme n'exerçant aucune fonction judiciaire ou quasi judiciaire. D'ailleurs, le titre III du projet de loi reporte les sanctions et recours à la Cour supérieure. L'on sait, par conséquence, que l'accès à la Cour supérieure implique de longs délais et des coûts élevés.

De plus, le droit de l'urbanisme connaîtra, avec l'adoption du projet de loi, une complexité accrue, une jurisprudence et des avenues ouvertes à l'innovation en matière de législation et de réglementation. Conséquemment, il y aurait lieu de s'interroger si le gouvernement ne devrait pas envisager la création d'un tribunal spécialisé ou d'une chambre de l'aménagement et de l'urbanisme ayant des fonctions judiciaires en la matière.

Concernant l'intégration de la Commission nationale de l'aménagement à la Commission municipale du Québec: En ce sens et afin d'éviter le chevauchement des organismes administratifs oeuvrant avec les administrations locales, les fonctions dévolues à la Commission nationale de l'aménagement pourraient être confiées à l'actuelle Commission municipale du Québec ou à une section administrative "aménagement" relevant de cette dernière. Il va de soi que l'actuelle loi constituant cette commission devrait être modifiée. Cependant, il faut se rappeler que l'actuelle Commission municipale du Québec est déjà opérante et a déjà une expérience administrative de gestion avec les administrations locales; elle approuve déjà les règlements d'emprunts municipaux, ce qui permettrait d'unifier la gestion de ces règlements, à la lumière des avis que le conseil de comté doit formuler relativement aux règlements d'emprunts.

Cette recommandation découle, en fait, de l'importance qu'on accorde à assurer le lien entre les moyens de mise en oeuvre ou les budgets et la planification.

Les modalités de fonctionnement et d'opération des conseils de comté: Le projet de loi prévoit que les corporations de comtés renouvelées comprendront non seulement les municipalités régies par le Code municipal, mais aussi celles régies par la Loi des cités et villes. Le projet de loi ne délimite aucun territoire, ni ne fixe de façon définitive les modalités de représentation; il ne fait qu'habiliter le gouvernement à émettre des lettres patentes pour créer ou modifier les corporations de comté.

Toutes les modalités administratives proposées dans les documents sur la décentralisation ne sont pas retenues dans le projet de loi. Certaines sont pourtant essentielles à la mise en oeuvre du projet de loi et au fonctionnement des conseils de comté.

Les commissions du conseil de comté. Le fascicule 4 indique que le conseil de comté pourrait mettre sur pied des commissions permanentes. Ainsi, dans le domaine de l'aménagement, le conseil pourrait confier à une commission permanente le soin de travailler à la préparation d'une politique ou à la solution de problèmes particuliers du comté. Actuellement, tout ce qui est prévu, c'est une commission permanente pour s'occuper de la consultation. Compte tenu de l'ampleur du processus de consultation, il y aurait lieu d'envisager que l'ensemble de ce processus, comme tout autre sujet directement relié à la mise en oeuvre du schéma d'aménagement, puisse être confié à une commission permanente du conseil de comté.

Les comités consultatifs. Nous croyons que le conseil de comté devrait être habilité à se doter d'un comité consultatif d'urbanisme formé de membres choisis parmi les membres du conseil, les résidents des municipalités et les représentants régionaux ou locaux des principaux intervenants sur le territoire. En vue de faciliter la participation plus directe des principaux intervenants du territoire, notamment les commissions scolaires, les compagnies de services d'utilité publique, l'UPA ou des organismes de ce type, ce comité devrait avoir des pouvoirs d'étude et de recommandation en matière d'aménagement.

De plus, nous croyons que les municipalités devraient conserver leurs pouvoirs visant à instituer des comités d'urbanisme ayant les mêmes pouvoirs que ceux indiqués à l'article 126. Il faut se rappeler que les problèmes urbains et d'aménagement rural débordent le territoire d'une municipalité et que quatre ou cinq municipalités peuvent élaborer conjointement leurs politiques d'urbanis-

me. C'est surtout d'intérêt dans les comtés où il y aura plusieurs municipalités et des municipalités urbaines et rurales qui puissent fonctionner en comité, si vous voulez, pour les problèmes qui les touchent chacun de leur côté.

Le soutien administratif et technique aux opérations d'aménagement. Le projet de loi, croyons-nous, devrait indiquer la possibilité pour le conseil de comté de retenir le personnel technique nécessaire à la réalisation de ses mandats et confirmer la présence de l'officier responsable de l'exécution des décisions du comité administratif et du conseil de comté.

On peut également penser, particulièrement en milieu rural, à une formule de collaboration entre les municipalités et le conseil de comté afin que le personnel technique appelé à travailler à l'élaboration du schéma d'aménagement de comté travaille également à la préparation des plans et règlements d'urbanisme. Cette formule permettrait au personnel technique de maximiser la connaissance du territoire et du milieu socio-économique. Donc, le projet de loi devrait spécifier que le conseil de comté peut retenir le personnel technique nécessaire à l'élaboration du schéma d'aménagement de comté et à ses modifications subséquentes. Deuxièmement, qu'une municipalité peut mandater le conseil de comté pour procéder à sa place aux services d'engagement, de rémunération et de mise en disponibilité du personnel compétent pour les fins de confection, de préparation et de mise en application des plans et règlements d'urbanisme.

Passons à la participation des citoyens. La consultation des citoyens, parce qu'il s'agit plutôt de consultation que de participation, sur le contenu des règles d'aménagement qui vont les affecter est essentielle. Elle peut engendrer, dans son application, des implications administratives et financières importantes et entraîner des délais sérieux dans l'adoption de nouveaux règlements.

Ces délais vont signifier un prolongement de la durée d'application des contrôles intérimaires qui sont, par définition, inadéquats. On ne peut éviter totalement ces implications. Leurs inconvénients seront, dans la majorité des cas, très inférieurs aux bénéfices qu'entraîne une grande participation des citoyens aux décisions qui concernent l'aménagement de leur territoire.

Il y a lieu cependant de s'interroger sur la pertinence de certaines des modalités de consultation prévues au projet de loi. La CPUQ croit qu'une certaine souplesse devrait être accordée aux conseils de comté en ce qui a trait aux modalités qu'ils peuvent adopter pour informer la population du comté sur les propositions préliminaires et la version définitive du schéma. Ces modalités devraient être transmises en même temps que la proposition préliminaire à l'article 15 et que la version définitive.

Cette souplesse devrait s'appliquer aux règles de l'envoi des résumés. On pourrait, par exemple, par l'intermédiaire de journaux ou autres media, informer la population dé la proposition et des endroits où on pourrait obtenir gratuitement un résumé, par exemple, au bureau de poste, à l'épicerie ou des endroits que les gens fréquentent régulièrement.

Ensuite, le nombre des assemblées publiques, après la première assemblée, peut difficilement faire l'objet d'une règle fixe dans la loi. Les conditions particulières de chaque comté rendent impraticable une telle règle.

Le projet de loi devrait se contenter de fixer un minimum d'assemblées. Les procédures de modification ne devront faire l'objet de consultation qu'auprès des populations des municipalités qui sont touchées par ces modifications et si les assemblées publiques donnent lieu à une véritable consultation, le conseil de comté devrait être en mesure de modifier la version dite définitive du schéma. Ce qui n'est pas prévu, d'ailleurs, au projet de loi, c'est qu'après la dernière assemblée de consultation, le conseil puisse modifier son schéma. Un article à cet égard devrait être inséré entre les articles 23 et 24.

Pour ce qui est du référendum, la CPUQ comprend mal pourquoi il s'insère avant l'adoption du schéma. A notre avis, le contenu de l'article 24 devrait être situé après l'article 26. De plus, dans le but de lui donner une réelle signification, le référendum devrait être décisionnel. Une fois que le conseil du comté a adopté un schéma définitif, les citoyens pourraient réclamer un référendum.

J'abrège...

Le Président (M. Laplante): Je vous prierais de faire plus vite. Cela fait déjà 25 minutes et il vous reste encore 30 pages à résumer. Le ministre me fait part qu'il a beaucoup de questions à vous poser et on doit finir à 12 h 30.

M. Tittley: Est-ce que vous préférez que je m'arrête là et qu'on passe directement aux questions?

Le Président (M. Laplante): Oui, si vous avez une couple de points très importants que vous aimeriez signaler, donnez-les, mais rapidement.

M. Tittley: D'accord. En gros, sur le contenu du schéma, on est satisfait, dans l'ensemble, de ce qui est prévu au projet de loi. On attire l'attention de la commission sur les documents d'accompagnement, qui doivent rendre disponible à tous ceux qui sont régis par le schéma la documentation pertinente qui explique et justifie les choix qui sont faits et qui établit les priorités qui en découlent en termes d'investissements intermunicipaux, dans le cas du schéma, et municipaux, dans le cas des plans d'urbanisme.

Ces documents, à notre avis, doivent être disponibles à tout citoyen qui désirerait compléter l'information qu'il aura obtenu par le biais des résumés qui sont envoyés à chaque citoyen.

Concernant le plan d'urbanisme, notre recommandation principale, en ce qui a trait au contenu, c'est de transférer le contenu facultatif de l'article 80 à l'intérieur de l'article 79 et d'en faire un contenu

obligatoire, parce que nous croyons que le plan d'urbanisme doit être autre chose que des grandes orientations et des grandes affectations, quelle que soit la taille de la municipalité, d'ailleurs. Il s'agit d'un outil de travail essentiel qui exige un minimum de contenu s'il doit servir à informer les citoyens et orienter la prise de décision. (11 h 45)

On a aussi des remarques sur les documents d'accompagnement qui sont peut-être un peu plus compliqués. Concernant les règlements, dans notre mémoire, il y a un grand nombre de recommandations spécifiques sur des amendements à apporter aux articles touchant les règlements. Notre remarque générale, c'est qu'on s'étonne que le gouvernement n'ait pas profité de l'adoption d'une loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour régler un grand nombre de problèmes causés par la pratique de l'urbanisme au Québec et, si vous voulez, d'innover quelque peu dans le domaine législatif, parce qu'on s'est contenté de refondre, si vous voulez, ce qui existait dans la présente législation.

Je voudrais terminer en invitant le ministre à pallier la faiblesse des outils de contrôle prévus par la loi en instituant, par la loi, un organisme permanent de révision des mécanismes de planification et de contrôle d'utilisation du sol dont le mandat serait, entre autres, de refondre progressivement — c'est-à-dire de poursuivre la réflexion dans le domaine des contrôles — la législation concernant l'aménagement et l'urbanisme, de développer des approches légales nouvelles aux problèmes de l'urbanisme, de normaliser les procédures administratives et les termes de la réglementation municipale, d'animer la recherche dans le domaine de l'urbanisme et d'inciter des expériences pilotes.

La corporation porte aussi à l'attention du ministre l'intérêt qu'il aurait de promouvoir le développement des connaissances des citoyens du Québec en matière d'aménagement et d'urbanisme; de toute façon, c'est sans doute une évidence.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, de votre coopération. M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, M. le président de la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec ainsi que ceux qui l'accompagnent, je voudrais d'abord souligner la qualité du mémoire qui nous a été présenté. Je pense que c'est un mémoire très étoffé et des plus complets qu'il nous ait été donné de prendre connaissance ici à cette commission. Cela fait suite — je l'ai su, par ailleurs — à plusieurs journées d'étude et de consultation auprès des membres de la corporation; c'est vous dire le sérieux avec lequel il a été préparé. Cela reflète aussi l'esprit de collaboration que la corporation entend apporter aux différents paliers lors de la mise en oeuvre de la loi, je pense bien. Cela démontre que les urbanistes du Québec peuvent tout de même trouver satisfaction dans le travail des institutions politiques en matière d'aménagement.

Le mémoire fait ressortir l'appui que la corporation donne au projet de loi du gouvernement et je voudrais en souligner certains points qui touchent le projet de loi. D'abord, vous dites que le projet constitue une approche pertinente aux grands problèmes du Québec en aménagement et en urbanisme. Vous êtes d'accord, aussi, avec le fait que la municipalité soit l'institution politique responsable de l'aménagement. Je pense que vous êtes d'accord avec le fait que des municipalités puissent se regrouper en fonction d'un territoire à définir et se concerter sur la façon dont elles entendent aménager leur milieu. Vous êtes aussi d'accord avec le choix que nous avons fait de l'institution du conseil de comté élargi aux villes comme base de la concertation intermunicipale et vous êtes d'accord avec les dispositions du projet de loi qui assurent la cohérence des différents instruments d'urbanisme entre eux et la continuité nécessaire du processus du projet de loi de planification. Vous êtes aussi d'accord avec les règles qui sont contenues au projet de loi pour assurer l'information et favoriser la consultation des citoyens. Enfin, vous êtes d'accord avec le pouvoir d'intervention spéciale que le gouvernement s'est donné.

Je pense que cela résume, en gros, les grands appuis que vous donnez à ce projet de loi et je pense qu'il s'agit là des articulations essentielles du projet de loi. Je crois bien que c'est un appui d'importance, compte tenu de ce que vous faites comme corporation professionnelle.

Je voudrais vous assurer que les commentaires très judicieux, les recommandations que vous faites, en particulier d'ordre technique et en particulier, aussi, celles qui ont trait aux instruments de planification, seront prises en considération ultérieurement, après cette commission, puisqu'il s'agit ici d'entendre les gens et, par la suite, nous tenons compte, dans la mesure du possible, de leurs recommandations et de leurs commentaires.

Il y a certaines suggestions que vous nous faites qui sont très intéressantes et qui concernent la délimitation du territoire, les différentes techniques modernes de planification, de développement et de contrôle du territoire. Il y a une recommandation que je relèverais et qui nous posera sûrement des problèmes et ce n'est pas sûr que nous pourrions la retenir. C'est que vous voulez rendre obligatoires les contenus de 79, 80 et une bonne partie de 81 pour les municipalités, c'est-à-dire que vous voulez en faire un contenu obligatoire exhaustif. Je ne sais pas si, cette fois-là, cela va respecter l'autonomie municipale. Compte tenu que nous croyons que les collectivités locales sont les plus aptes à définir leurs besoins, leur cadre de vie, je pense que cela leur revient de choisir comme instrument ce qui leur convient le mieux. En tout cas, ce que nous avons visé, c'est qu'il y ait un minimum, quitte aux municipalités ou aux collectivités locales à aller plus loin, si elles le désirent. Je pense que cela ne

les empêche pas de le faire, mais nous ne voulons pas à ce stade-ci les forcer à tout mettre ce qu'il y a dans les articles 80 et 81 dans le contenu obligatoire de 79.

Je voudrais maintenant vous poser un certain nombre de questions sur le mémoire. Vous accordez une grande importance à la délimitation des comtés et je pense que c'est exact que c'est important. Vous suggérez que cette délimitation et ce travail s'effectuent à l'échelle d'une sous-région, au moins d'une sous-région. J'aimerais que vous puissiez nous expliquer ce que vous entendez par "sous-région". Il y a les grandes régions administratives, il y en a dix au Québec présentement. Les sous-régions, on peut les considérer comme des découpages des régions ou des parties de ces régions administratives; j'aimerais que vous nous précisiez ce que vous entendez par "sous-région" dans votre mémoire.

M. Tittley: Les sous-régions comme telles n'existent pas au point de vue fonctionnel, sauf dans la région de Montréal où, dans les faits, il y a des sous-régions plus ou moins officielles. L'idée, c'est en fait — cela n'est pas le terme qui est important c'est plutôt la notion — d'amener les municipalités à réfléchir à leur regroupement sous forme d'un comté renouvelé dans un cadre qui ne soit pas trop biaisé au point de départ. Biaisé, cela n'est pas péjoratif nécessairement, mais disons qu'elles sont déjà encadrées à l'intérieur des structures des comtés municipaux, lesquels — il suffit de considérer une carte du Québec, des comtés du Québec — n'ont pas toujours une forme particulièrement logique pour des fins d'aménagement. La tendance naturelle va quand même être soit de vouloir rester à l'intérieur des structures, des délimitations existantes ou de se regrouper en fonction du plus petit dénominateur commun qui, dans l'esprit de bien des municipalités, va refléter la notion de la communauté d'appartenance. Ce qu'on voudrait, c'est que, dans la phase qui va précéder le début de l'émission de lettres patentes, le ministre fasse, ni plus ni moins, de l'animation dans les régions avec les municipalités et les amène peut-être à sortir un petit peu des carcans dans lesquels elles sont aujourd'hui, de reconsidérer d'une façon peut-être plus objective pourquoi elles devraient se marier ensemble à l'intérieur d'un nouveau comté.

M. Léonard: Vous parlez d'une assise géographique apte — je vous cite — à la planification et à la gestion adéquate de l'aménagement. Est-ce que vous entendez — il s'agit d'un critère, je pense bien — une géographie humaine plutôt que physique? Quelle est la pondération que vous apporteriez dans ces deux termes, ces deux critères?

M. Tittley: La géographie humaine a peut-être plus d'importance que la géographie physique, s'il faut donner une importance relative à chacune, mais, la plupart du temps, on constate que les deux ne sont pas entièrement divorcées l'une de l'autre. Je veux dire que la géographie humaine, c'est réalisé dans un cadre physique qui a souvent influencé la façon dont les gens sentent qu'ils appartiennent à une région ou à une sous-région donnée. On n'a pas été très spécifique dans les critères, parce qu'à mon sens, il n'y a pas lieu d'être spécifique dans les critères. Parce qu'il faut laisser, je pense... L'important au fond, c'est qu'il faut que les gens soient prêts à travailler ensemble. Même si cela correspond à une délimitation qui est un peu aberrante, à la rigueur, cela me semblerait en fin de compte acceptable, si on a fait l'effort d'essayer d'amener les gens à reconsidérer cela et qu'enfin, ils disent: Nous autres, on est bien avec eux autres et on n'est pas capable de s'entendre avec les autres. Finalement, c'est mieux ça que d'en arriver à une délimitation qui, au point de vue théorique, peut avoir l'air très intéressante, mais qui, en pratique, ne fonctionnera pas parce que les gens ne sont pas capables de s'entendre entre eux.

M. Léonard: A ce moment-là, le processus pour arriver à délimiter le territoire est très important. Est-ce que vous avez des idées sur ce processus-là? Pourriez-vous en parler davantage?

M. Tittley: J'ai suivi...

M. Léonard: II y a des mariages qui se font vite, des fois, si les gens s'entendent.

M. Tittley: Ce sera sûrement très variable d'une région à l'autre. Je suis personnellement de la région de Montréal, alors je connais plutôt cette région-là, mais je sais que, dans d'autres régions comme dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou dans des régions plus périphériques...

M. Léonard: II y a quelqu'un qui vous a déjà dit que vous étiez plus fertile sous le nez qu'entre les deux oreilles.

M. Goulet: Non, vous parliez des mariages qui se font vite, je voulais savoir à qui vous vouliez faire allusion.

M. Ouellette: Ce n'est pas dans la loi 125 de toute façon.

M. Goulet: Je m'excuse.

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

M. Tittley: Je pense que j'ai un peu perdu le fil...

M. Léonard: Oui, je vous comprends. Mais le député de Bellechasse...

M. Goulet: C'est la faute du ministre, ne vous en faites pas.

M. Léonard: C'est effrayant de faire ça, c'est lui qui a fait ça.

M. Saint-Jacques (Paul): Ce qui est suggéré, M. le ministre et M. le député... Dans le projet de loi, on parle de partir de la région ou de la sous-région, lorsque les régions sont grandes, pour amener les gens à se redéfinir des liens d'appartenance et à se redéfinir pour suggérer des modalités et des définitions des nouveaux territoires des municipalités de comté. On ne pense pas que la région ou que la sous-région doit devenir elle-même un comté, mais on pense qu'il y a déjà une certaine tradition gouvernementale, on a énormément d'informations, de connaissances à partir des régions actuellement, et que la région pourrait être un point de départ intéressant à la discussion des municipalités entre elles...

M. Léonard: La région ou la sous-région. M. Saint-Jacques: Oui, selon les... M. Léonard: Oui.

M. Saint-Jacques: ... territoires impliqués, les populations impliquées et les problèmes impliqués.

M. Léonard: Une deuxième question; je constate que vos recommandations allongent les éléments obligatoires du plan d'urbanisme, vous en avez parlé tout à l'heure. Avez-vous considéré que, dans la formulation que vous proposez à l'article 79, il y a plusieurs municipalités de petite taille et n'ayant pas un rythme de croissance très élevé qui seront soumises à cet article? Avez-vous considéré l'impact que peut avoir sur la spéculation foncière l'obligation d'inclure à un plan d'urbanisme les phases de développement urbain et les zones prioritaires?

M. Tittley: Je...

M. Léonard: Est-ce que vous avez compris la question? Le premier volet de la question, c'est: Si on allonge de beaucoup les éléments obligatoires du plan d'urbanisme, vous savez qu'il y a de très petites municipalités, 300, 500 habitants, moins de 1000 habitants, c'est la majorité des municipalités, qui devront inclure ça à leur plan d'urbanisme, ce qui va vraiment être coûteux et lourd à porter pour elles. D'autre part, si on précise, dans le plan d'urbanisme, des éléments très précis sur le développement urbain et les zones prioritaires, ne croyez-vous pas que ça va entraîner ou que ça risque d'entraîner la spéculation foncière?

M. Saint-Jacques: Je pense qu'il faut que le projet de loi tranche d'un côté ou de l'autre. Nous pensons qu'un projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme doit donner aux municipalités qui ont des problèmes les outils nécessaires pour résoudre ces problèmes. La grande majorité des gens au Québec habitent dans des municipalités de plus de 5000 habitants. Il y a un danger pour nous, en tentant de ne pas pénaliser inutilement les petites municipalités, de se retrouver avec un contenu obligatoire au plan d'urbanisme qui ne soit pas le minimum vital nécessaire pour faire de l'urbanisme dans des municipalités qui ont des problèmes.

On ne sait pas où se poserait exactement la limite, mais on pense que le projet de loi ne va peut-être pas assez loin dans le contenu obligatoire. (12 heures)

M. Tittley: II faut dire aussi que la traduction des exigences du texte de loi à l'égard du plan d'urbanisme, dans le concret, pour une petite municipalité, cela n'aurait pas la même envergure que pour une grosse municipalité, quand on parle du tracé projeté des voies de circulation, s'il n'y a que deux rues dans votre village, il n'en coûte pas bien cher et ce n'est pas une grosse opération. C'est pour cette raison qu'on pense que, selon l'envergure et l'importance de la municipalité, finalement, la concrétisation de ces exigences va varier.

De plus, beaucoup de ces éléments, dans les milieux ruraux, probablement, vont avoir déjà été établis au niveau du schéma de comté. Il va y avoir tendance, n'ayant pas l'expertise technique et n'ayant pas beaucoup de moyens, non plus, de plutôt chercher à mettre le maximum dans le schéma de comté, et ensuite, si la loi exige un contenu plus important au niveau du plan d'urbanisme, les gens n'auront qu'à prendre les éléments qui auront déjà été inclus au schéma et dire: Ces éléments font partie de notre plan d'urbanisme.

Pour la question de la spéculation foncière, il y en a peut-être un qui veut s'aventurer là-dessus.

M. Filion (Serge): Je continue. On cherche à éviter, par une recommandation comme celle-là, une certaine aberration qui peut se produire. Il y a certaines municipalités au Québec actuellement, qui sont, non pas surplanifiées, parce qu'on n'en fait jamais trop, mais où il y a quand même des équipes de professionnels qui y font un travail de fond.

Cela se traduit, dans la pratique, par un resserrement des normes de développement et d'aménagement. Et on en remarque une conséquence directe. Le développement s'en va tout simplement en saut-de-mouton un peu plus loin. On atteint le contraire de l'objectif du projet de loi 125, c'est-à-dire qu'en permettant à certains territoires de ne pas se planifier selon un minimum vital cohérent, on invite le développement à fuir les zones d'accueil qui seraient les plus susceptibles de contrôler ce développement et on risque de créer énormément de problèmes. Je ne veux pas prendre d'exemples concrets, mais je pense que tous et chacun d'entre nous, ici, on en a à la mémoire. Il y a des municipalités proches des grandes régions urbaines qui construisent actuellement plus de logements, qui ouvrent plus de rues, et qui n'ont aucun fonctionnaire, qui n'ont aucun élu à temps plein. On pense que c'est une situation qu'il n'est peut-être pas souhaitable d'établir dans tout le Québec.

Peut-être que la solution possible et envisageable, ce serait un certain contrôle, par le biais, soit de la commission d'aménagement ou de la

commission municipale, par exemple, sur les dépenses des municipalités en vertu de l'existence d'un plan d'aménagement.

M. Léonard: En tout cas, le schéma va quand même apporter des précisions là-dessus, en déterminant les périmètres d'urbanisation. Cela va indiquer aux gens là où le développement devrait s'en aller.

M. Filion: Oui. Vous avez mentionné un autre point important, si vous le permettez, M. le ministre. Vous avez parlé de spéculation tantôt. Vous avez parlé aussi de schéma d'aménagement. Il y a un certain problème aussi que crée la Loi sur le zonage agricole, qui se résume comme suit: A un moment donné, on veut aménager le Québec, on veut protéger les terres agricoles, on veut, par contre, éviter la spéculation et prévoir beaucoup de terrains où le développement urbain va pouvoir se faire.

Or, les deux objectifs sont un peu contradictoires. C'est pourquoi, à partir du moment où — et je pense que c'est pour cela qu'on est connu au Québec, pour avoir diffusé à l'extrême notre urbanisation pour lutter contre la spéculation et maintenir les prix de terrains assez bas — effectivement, si on fait un zonage agricole, si on fait des schémas d'aménagement — et je pense que là, il faut être réalistes — chaque municipalité pourrait avoir un schéma d'aménagement qui prévoit l'accueil de la croissance urbaine de tout le Québec. Ce n'est pas le territoire qui nous manque. Cela nous apparaîtrait aberrant aussi. Il va falloir avoir des zones d'expansion urbaine qui collent à nos besoins réels de développement et à ce moment-là, on risque de se retrouver avec des zones potentielles d'accueil de développement. Et si on n'a pas des mécanismes qui vont au-delà de la loi, par exemple, des mécanismes de réserves foncières ou des choses comme cela, qu'on mentionne dans le mémoire, on risque d'encourager ou de favoriser une certaine spéculation, il va sans dire.

M. Léonard: Est-ce que vous avez évalué l'impact d'obliger, par la loi, l'adoption d'un schéma d'aménagement, dans un certain délai lors de la création des comtés, ou, en tout cas, du comté renouvelé? Je pense qu'il faut se rappeler ici qu'il y a des délais qui vont être nécessaires, avant l'émission des lettres patentes et qu'il va s'agir d'une institution nouvelle. Il va falloir qu'elle s'organise, qu'elle fonctionne et qu'elle s'entende sur des objectifs communs. Alors, si on oblige, cela veut dire quoi?

M. Tittley: Tout dépend du délai que vous imposez pour produire le schéma. Si les délais sont trop courts, c'est évident que vous allez bousculer les gens au moment où ils viennent juste de se marier et il va falloir qu'ils accouchent tout de suite. Tandis que si le délai est quand même de l'ordre — comme on l'a mentionné dans le mémoire — de trois à cinq ans, je pense que les gens peuvent s'habituer à vivre ensemble et en arriver à produire le schéma.

Cinq ans, c'est le délai qu'a pris la CRO pour produire son schéma. Elle se trouvait exactement dans le même genre de contexte que celui dans lequel vont se trouver les comtés à la suite de l'adoption du projet de loi 125. Il nous semble bizarre de créer des comtés renouvelés dont le but est de favoriser la concertation intermunicipale et, en fait, de faire un schéma et de ne pas les obliger à le faire. Personnellement, je ne trouve pas cela très logique.

M. Léonard: Vous affirmez que les schémas et les plans d'urbanisme se traduiront dans la réalité, lorsque le processus de planification sera intégré au processus administratif et décisionnel des autorités publiques municipales et lorsque celles-ci utiliseront les instruments appropriés de mise en oeuvre. Cela ressort bien de votre texte. Pouvez-vous discourir sur les recommandations que vous faites aux pages 23 et 27 de votre mémoire et qui ont comme objet le pouvoir de dépenser?

M. Bégin (Benoît): Cette partie-là, M. le ministre, du projet de loi a retenu notre attention pendant assez longtemps. Nos recommandations sont fondées sur l'expérience vécue au Québec jusqu'à maintenant à partir des moyens qui nous étaient donnés et aussi à partir des expériences vécues ailleurs, tant au Canada, aux Etats-Unis qu'en Europe. On en arrive à la conclusion que si on veut vraiment que cette loi devienne efficiente, c'est-à-dire qu'elle se traduise éventuellement dans les faits, il va falloir qu'il y ait une sorte d'enchaînement logique et des boucles, une sorte de mécanique, en définitive, de roue d'engrenage qui parte du schéma d'aménagement et qui devienne légal et qui se traduise également par des moyens de mise en oeuvre, des instruments qui sont définis par la loi, mais aussi que tout cela soit relié au processus décisionnel des conseils de comté aussi bien que des conseils municipaux, non seulement dans l'adoption des règlements, mais également dans la mise en oeuvre, c'est-à-dire par le biais principalement des budgets. C'est par le budget, en définitive, que la loi et que les schémas, aussi bien que les plans d'urbanisme, vont finalement retrouver leur application dans le concret et vont amener la loi, en plus de cela, à trouver vraiment cet équilibre de réalisme que l'on veut y apporter entre les prévisions du schéma, les prévisions du plan et les moyens que les municipalités ou les corps publics auront à leur disposition pour la réalisation des objectifs et des programmes du plan.

Dans un premier temps, ce que l'on suggère, c'est qu'avec le schéma et les instruments, les conseils de comté aussi bien que les conseils municipaux soient appelés à faire une programmation budgétaire des dépenses capitales et que, d'année en année, ce soit une sorte de programmation à rouleau. Là, on ne veut pas entrer trop loin dans les théories qui ont été énoncées jusqu'à maintenant sur ces opérations-là, ces mécanismes-là qui sont mis en oeuvre, mais que, dans un premier temps, on s'astreigne à des réalités plutôt simples par lesquelles les programmations budgé-

taires deviennent les guides à l'adoption des budgets et que ces budgets ne soient pas simplement des budgets tels qu'on les a conçus jusqu'à maintenant, des budgets pour fins comptables, mais que ce soient des budgets qui traduisent les volontés de réaliser le plan ou les objectifs que l'on a prévus dans le plan. Ceci entraîne forcément une perception nouvelle, mais, en même temps, une perception nouvelle du rôle décisionnel, une perception nouvelle du rôle du plan et du schéma, comme une perception nouvelle de la façon de dépenser dans les municipalités.

M. Léonard: Ne croyez-vous pas que si on poursuit cette logique, finalement, dès que les élus municipaux vont mettre quelque chose dans le schéma, la population sera entraînée à croire que cela va se réaliser très rapidement, que cela va constituer pratiquement des engagements quant à la réalisation, alors qu'une planification, ce sont quand même des perspectives?

M. Bégin: M. le ministre, un schéma va prévoir des choses à court, moyen et long termes et le schéma devrait prévoir une évaluation des coûts, anticiper des équipements. De cette façon, les corps publics devraient être en mesure de voir si, dans cinq ans, ils auront les moyens financiers pour pouvoir réaliser leurs prévisions. C'est à ce moment-là que l'adéquation va se faire entre les prévisions et les moyens et qu'on saura si les prévisions pourront être réalisées grâce aux moyens qui seront disponibles.

M. Morency (Richard): Si vous permettez, je vais ajouter à cela que la notion de conformité entre la planification budgétaire et la planification territoriale a aussi comme avantage sérieux de faire sentir aux corps publics qui ont la responsabilité de la planification que le geste qu'ils vont poser en préparant le schéma engage des actions. Au moment de la planification, on se donne des politiques, on se donne des objectifs, et on dit: II faudrait peut-être prendre telle ou telle mesure dans le temps.

Le problème que vous soulevez peut être facilement — et il l'est couramment — contourné simplement en prévoyant des étapes à un certain échelonnement des actions à poser dans le temps suivant les horizons. Je pense qu'on peut contourner ce problème au niveau de la population.

Etant donné que la programmation budgétaire normalement pluri-annuelle qui devrait accompagner un schéma s'échelonne sur trois à cinq ans, cela ne viserait forcément que les actions qui sont prévues dans le schéma ou dans le plan directeur pour ce moyen terme. On peut là-dessus se référer aux expériences, entre autres, des municipalités régionales ontariennes, où cette notion de conformité des dépenses avec le schéma... C'est dans la Loi de l'urbanisme de l'Ontario depuis les années cinquante. On ne pourrait pas s'imaginer planifier sérieusement au niveau de ces régions qui regroupent des municipalités, comme on veut le faire aussi au niveau des comtés, sans y agencer du même coup toute la planification des dépenses capitales.

On avait deux lacunes au Québec, on en a deux jusqu'à maintenant à ce niveau, au niveau de nos schémas d'urbanisme, c'est-à-dire qu'on a préparé depuis quinze ou vingt ans un tas de schémas. On n'a jamais eu la nécessité, d'une part, d'une conformité entre les instruments de contrôle des réglementations et le schéma. Le projet de loi corrige cela. Ce qui manque, c'est l'autre pendant, c'est au niveau de la conformité des actions à poser en termes d'investissements avec le schéma. Cela nous laisse un peu sur notre faim, parce que, pour ceux qui sont dans la pratique depuis plusieurs années, comme la plupart de nous ici, on s'est fait souvent reprocher, les urbanistes, de faire des plans finalement qui ne menaient à rien, mais c'est parce que les instruments n'y sont pas. On nous en donne un maintenant avec la notion de conformité. Je pense qu'il y aurait à faire un pas de plus au niveau de la conformité des dépenses d'investissement.

M. Léonard: Votre mémoire fait état que le projet de loi devrait imposer au gouvernement les mêmes règles de concertation que celles qui sont fixées aux municipalités. Je pense que les modalités de fonctionnement du gouvernement sont évidemment très différentes de celles des municipalités. D'une part, la coordination des interventions gouvernementales s'effectue, à l'heure actuelle, par les ministères d'Etat et par des comités de coordination, et, d'autre part, le projet de loi prévoit qu'en cas de conflit entre les orientations d'un comté et celles du gouvernement, ses ministères et mandataires, c'est au gouvernement, c'est-à-dire au Conseil des ministres, qu'il appartient d'effectuer l'arbitrage. Compte tenu de ce préambule, pouvez-vous élaborer votre pensée sur les règles de concertation interministérielle que le projet de loi aurait dû inclure, compte tenu des commentaires de votre mémoire?

M. Tittley: Est-ce que vous pouvez me référer à la page, parce qu'on a traité cette question sur deux points de vue...

M. Léonard: II y a une section "Rôle du gouvernement".

M. Tittley: A la page 58... M. Léonard: A la page 58.

M. Tittley: Oui, on parle du rôle du gouvernement dans la préparation du schéma, mais je pense que l'extrait que vous avez cité ne vient pas de ce bout. Ici, on dit que c'est au niveau de la transmission de la position du gouvernement.

M. Léonard: A la page 58, on dit: Le gouvernement devrait s'astreindre aux mêmes règles que celles qu'il impose au comté, etc.

M. Tittley: S'astreindre à tenir des assemblées publiques sur ses orientations?

M. Léonard: Oui, s'obliger à publier un résumé.

M. Tittley: Oui, d'accord. Si vous voulez c'est au niveau de la procédure de consultation qu'on dit que le gouvernement devrait s'astreindre à une consultation sur ses politiques plutôt que de les... Je crois que le projet de loi prévoit deux moments où le gouvernement présente des positions préliminaires, et ensuite une position définitive. On suppose qu'entre les deux il aura tenu compte des réactions à sa proposition préliminaire et qu'il aura peut-être modifié cette position dans sa proposition définitive. Mais on se demandait s'il ne devrait pas aller jusqu'à tenir une consultation quelconque dans le comté sur sa proposition préliminaire et recueillir directement de la population, si vous voulez, des réactions à ses propositions. C'est dans ce sens qu'on disait ça.

Il y a aussi la question des résumés. Il n'est pas spécifié dans le projet de loi si le gouvernement va informer la population en général de ses orientations ou s'il va informer uniquement le comté. On peut présumer que l'intention était d'informer le conseil de comté des intentions du gouvernement, mais ce n'est pas tout à fait la même chose que d'avoir un débat plus ouvert sur cette question.

M. Léonard: Vous proposez les zones d'aménagement différé. Il y a déjà dans la loi la détermination de périmètres d'urbanisation. Quels sont les avantages d'amener en plus des zones d'aménagement différé, les avantages ou les désavantages? (12 h 15)

M. Tittley: D'une façon générale, la recommandation concernant... On dit qu'il n'y a pas beaucoup d'innovations et il y a quand même un certain nombre d'éléments sur lesquels on aurait peut-être pu se pencher. Le Québec n'a pas mis en application ce genre de mesures innovatrices, si vous voulez, qui existent quand même depuis plusieurs années dans d'autres pays. C'est un reproche en passant et on se disait: C'est un peu drôle, au moment où on prépare une loi sur l'urbanisme, qu'on n'ait pas essayé d'innover quand même un petit peu dans le domaine de la législation.

Mais il y a peut-être lieu de procéder aussi par étapes et, dans une étape ultérieure, de peut-être en arriver à ces choses. On pourrait peut-être vous faire des commentaires sur le fonctionnement de ces zones d'aménagement différé, l'intérêt que ça peut présenter.

M. Filion: Je pense que les zones d'aménagement différé ou les zones à urbaniser en priorité sont d'autres instruments juridico-politiques que les gouvernements peuvent avoir, encore une fois, comme on le disait tout à l'heure, pour diriger le développement sur le territoire.

Le fait qu'on décrète un périmètre d'urbanisation ne nous garantit pas qu'il ne se passera pas des gestes d'urbanisation à l'extérieur du périmè- tre et que, par contre, à l'intérieur du périmètre, il ne restera pas des zones qui ne s'urbaniseront pas, c'est-à-dire qui ne resteront pas agricoles pendant un certain laps de temps. Ce n'est pas si mathématique que ça et on sait aussi, pour faire référence un peu à ce qu'on disait tout à l'heure, que l'urbanisation au Québec, c'est le fait, en tout cas, d'une multitude d'agents individuels. Alors, l'urbanisation, c'est quelque chose de progressif. On commence avec une municipalité rurale. A un moment donné, on adopte des règlements d'emprunt, on se dote d'un conseil, on se dote d'un pouvoir d'emprunt. On commence à ouvrir des rues, à donner des services et, finalement, cela essaime partout sur le territoire. L'idée d'avoir des zones d'aménagement différé, c'est, par exemple, pour des fins agricoles ou autres, pour des fins d'aménagement du territoire, pour réserver ultérieurement ces zones ou encore tout simplement en considérant qu'on n'a pas besoin de ces territoires et en l'avouant bien simplement, c'est reporter systématiquement l'urbanisation de ces zones à des périodes ultérieures. Naturellement, les ZAD ou les zones d'aménagement différé doivent s'accompagner de zones à urbaniser en priorité, à partir du moment où, collectivement, on a fait le choix de connaître un certain développement. Evidemment, tout ça, ce sont des instruments; qu'on parle de collectivités nouvelles, qu'on parle de ZAD, de ZUP, je pense que, finalement, ce sont tous des instruments qu'on n'a pas expérimentés au Québec, qui nous viennent, pour la plupart, des Etats européens. Aux Etats-Unis, c'est surtout l'entreprise privée qui utilise les formules qui, essentiellement, visent les mêmes fins, c'est-à-dire de concentrer le développement dans des endroits géographiquement précis.

Je pense que c'est un problème fondamental qui ressort dans l'analyse de la loi, on ne sent pas, à travers le projet de loi, qu'il y a corrélation entre le geste de l'aménagement du territoire, la protection du territoire et, en arrière-pensée, l'industrie ou le responsable du développement. On sait que, depuis les dernières années, il y a des mutations importantes qui sont en train de se faire. Traditionnellement, au Québec, le développement s'est fait par une multitude de petites entreprises, de petites agences qui faisaient peu d'unité chaque fois. On est bien obligé de se rendre compte que, au cours des dernières années, il y a un phénomène de concentration extrêmement important. Ce phénomène de concentration donne de plus grands moyens financiers, de plus grandes capacités d'impact sur le paysage.

Justement, l'idée des ZAD ou des ZUP est justement de reconnaître ce fait de la concentration et du développement et de la traduire par une concentration géographique. Pour faire référence à ce que je disais tout à l'heure, à partir du moment où on concentre le développement dans un endroit, on ne peut pas garantir un monopole à une entreprise, aussi grosse et aussi valable soit-elle. Il y a tout un ensemble de questions que nous amène à nous poser le projet de loi: Qui va faire le développement du Québec? Comment va-t-il se

faire? Si, non seulement nous voulons, nous, Québécois, gérer l'aménagement du territoire fait par d'autres ou si nous voulons participer de plus en plus à ce développement. Il y a des institutions dont on dispose qui sont là pour cela et qui font partie de cette analyse verticale de l'entreprise du développement, qui sont les municipalités, qui sont le Mouvement Desjardins et autres.

M. Léonard: A l'article 14 du projet de loi, on crée une commission des conseils de comté pour consulter sur les propositions préliminaires, définitives, etc. Vous dites que cette commission devrait comprendre des représentants de groupes eVou d'associations. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi? Dans l'article 14, c'est prévu que ce sont les membres du conseil de comté qui font partie de la commission, donc les élus, alors que vous proposez des représentants d'associations, de groupes ou même du public en général.

M. Saint-Jacques: II y a eu de mauvaises interprétations de langage. Habituellement, on voit un conseil s'organiser en comités, par exemple, un comité des finances, un comité des loisirs, etc. La commission, habituellement, est réservée à un organisme consultatif formé de gens du conseil et de gens qui ne font pas partie du conseil.

M. Léonard: Cela va.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Messieurs, je voudrais tout simplement vous féliciter pour la qualité du mémoire que vous déposez devant la commission. Je regrette de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour l'examiner plus en profondeur; d'ailleurs, je me propose d'y revenir même en dehors de la commission. C'est tout à votre honneur. Il est vrai que vous êtes des spécialistes de l'aménagement et des questions d'urbanisme, mais au-delà de cela, vous apportez certainement une contribution et un éclairage qui aurait manqué si nous ne l'avions pas eu dans l'ensemble des études et de la recherche que le gouvernement et les députés poursuivent par la loi 125.

J'avais différentes questions à vous poser, mais le ministre, au cours des derniers instants, a touché à plusieurs questions qui m'étaient venues à l'esprit, mais tout de même... Vous avez indiqué, quelque part dans le mémoire, que vous auriez souhaité qu'une obligation soit faite au nouveau conseil de comté de procéder coûte que coûte à la réalisation d'un schéma d'aménagement.

Ne croyez-vous pas qu'en définitive, si l'appui financier doit venir du gouvernement supérieur et auquel le gouvernement s'est engagé suivant l'indication que nous avons déjà dans le dernier discours du budget, vous n'avez pas l'impression que dans l'ensemble du Québec la très grande majorité des conseils de comté, des nouveaux conseils de comté, vont être soucieux de procéder à la confection de ce schéma? Peut-être que si les coûts sont trop élevés pour l'ensemble des conseils de comté et des citoyens qui les composent, si le coût est trop élevé, il y aura hésitation ou retard à procéder. Mais, si l'équilibre financier est possible, n'avez-vous pas l'impression que chacun des nouveaux conseils de comté va se faire un devoir et va être heureux de vivre l'expérience de l'aménagement en procédant rapidement aux étapes prévues en vue de déboucher sur la réalisation qui suit un schéma, soit de procéder à de l'urbanisme, à de l'aménagement et à tout ce qui en découle?

M. Tittley: On peut imaginer qu'un conseil de comté renouvelé qui se forme, il se crée en fait pour satisfaire aux obligations de la loi. Sinon on resterait chacun de son côté. Si on ne voulait pas faire d'aménagement, on ne chercherait pas à se regrouper dans un comté renouvelé pour passer toute cette étape qui peut être passablement longue avant qu'on finisse par s'entendre sur la délimitation du territoire, les modes de représentation, etc.

Dans ce sens, peut-être que ce que vous dites est vrai, mais on se dit: Pour ceux qui ont choisi d'essayer de former un comté renouvelé, étant donné que c'est pour faire de l'aménagement qu'ils se sont imposé cette tâche, pourquoi ne dit-on pas dans le projet de loi que, conséquemment, ils doivent faire une schéma? S'ils ne veulent pas faire de schéma, ils ne chercheront pas à se regrouper en comté renouvelé. Parce que la raison d'être des comtés renouvelés, si je comprends bien la loi, c'est de faire de l'aménagement, ce n'est pas à d'autres fins.

M. Giasson: C'est cela.

M. Tittley: Si on avait fait une loi sur le regroupement en comtés renouvelés en vue de donner toutes sortes de pouvoirs aux comtés renouvelés autres que l'aménagement, je dirais: C'est une autre question. La façon dont la loi est faite, c'est que cela se trouve dans la même loi et c'est à des fins d'aménagement. Conséquemment, il me semble que c'est essentiel que ce soit obligatoire. Ceux qui ne voudront pas faire d'aménagement ne chercheront pas à se regrouper en comtés renouvelés, j'imagine. A moins que, d'une part, le gouvernement veuille les amener dans les comtés renouvelés et ensuite, dans une autre étape, les amène à faire de l'aménagement. Mais la façon dont la loi est faite, je suis porté à croire que c'est logique que ce soit obligatoire.

M. Giasson: J'ai cru comprendre, également dans votre mémoire que vous déplorez un peu et que vous regrettez que, dans les grandes communautés urbaines que nous avons au Québec, il n'y ait pas encore d'obligation de procéder beaucoup plus rapidement à des schémas d'aménagement et à l'exécution de ce qui va en découler. Est-ce que vous le déplorez ou le constatez tout au moins à partir d'une situation qui fait que c'est peut-être à l'intérieur de ces territoires des communautés urbaines où il y a la plus grande urgence de

procéder, en matière d'urbanisme et d'aménagement?

M. Tittley: La constatation, c'est surtout que, d'une communauté à l'autre, il y a des différences dans la loi et, si on part des plus anciennes vers les plus récentes, les plus récentes sont davantage proches du texte de loi et les plus anciennes en sont davantage éloignées. Ce qu'on dit, c'est que c'est normal que, dans un avenir rapproché, les communautés, comme celle de la Communauté urbaine de Montréal, aient des lois adaptées pour refléter des principes sous-jacents à cette loi-ci. Je pense que les principes qu'on retrouve dans cette loi sont applicables autant à la Communauté urbaine de Montréal qu'ils le sont à Saint-Clin-Clin ou n'importe où. C'est un peu dans ce sens-là, mais on comprend que cela n'ait pas été inclus dans la loi comme telle, parce que c'est un problème quand même beaucoup plus complexe. D'ailleurs, le ministre semble s'être adressé à la communauté urbaine en lui suggérant de prendre elle-même l'initiative de modifier ses lois dans ce sens. C'est une approche qui en vaut bien d'autres.

M. Giasson: Votre mémoire fait également des remarques assez détaillées sur le sujet des documents d'accompagnement. Pour vous autres, comment expliquer l'importance aussi grande que vous attachez à la production de tels documents?

M. Tittley: II y a deux préoccupations. Une de ces préoccupations est de s'assurer que le public en général, la population puisse avoir accès aux documents qui ont servi de base à l'élaboration du schéma, le schéma étant le résultat finalement sur lequel les gens sont entendus et, par le fait même aussi, implicitement obliger les comtés ou les municipalités à faire des études sérieuses pour en arriver au schéma et non pas se réunir trois ou quatre fois à une table et pondre un document d'intentions et dire à la population: C'est ça qu'on pense qui devrait être l'avenir de la municipalité. Qu'il passe au travers d'un certain processus d'analyse rigoureuse minimale où on analyse d'abord la situation, où on considère des options qu'on évalue.

On dit, en fin de compte: Voilà ce qu'on a choisi et voilà pourquoi. Que ce soit consigné quelque part, d'une façon bien explicite. C'est cela l'intention, si vous voulez. Et le projet de loi n'aborde pas cette question. C'est sans doute parce qu'on considère que c'est implicite qu'on fasse cela, mais je crois qu'il est nécessaire que ce soit explicité.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse. Est-ce que vous avez une autre question, M. le député de Montmagny-L'Islet?

M. Giasson: Non. M. le Président, étant donné que nous sommes pressés par le temps, je cède la parole à mon collègue de Bellechasse.

M. Goulet: Juste une question, M. le Président. Il est déjà 12 h 30. Je reviens sur une question de mon collègue, le député de Montmagny-L'Islet. Lorsque vous parlez de comtés renouvelés, vous dites que les comtés renouvelés deviendront la structure de base de la décentralisation. Les conseils de comté devront viser la décentralisation des pouvoirs et voir à déconcentrer l'administration gouvernementale. Mais — et vous ajoutez un "mais" — on ne saurait trop insister sur l'importance de délimiter ce territoire, de façon qu'il permette une assise géographique apte à la planification et à la gestion adéquate de l'aménagement.

D'après vous, si je comprends bien, les comtés renouvelés, si on restructure les comtés, ne devraient pas viser essentiellement l'aménagement du territoire, tel qu'on en discute dans le projet de loi 125, tel que visé dans le projet de loi 125, mais plutôt viser l'idée qu'un jour ou l'autre, cela deviendrait des genres de gouvernements locaux, régionaux.

M. Tittley: Dans l'idéal, si on accorde le moindrement de foi aux grands projets de décentralisation du gouvernement, les municipalités devraient peut-être garder à l'esprit qu'elles auraient intérêt à se regrouper, d'une façon telle qu'elles puissent un jour s'insérer, sans modification de structure et de délimitation de territoire, dans la perspective de la décentralisation. (12 h 30)

Mais, à court terme, le seul élément concret d'après lequel elles peuvent juger, c'est la loi 125. Il y a des municipalités qui vont dire: On verra plus tard pour le projet de décentralisation. On va d'abord se regrouper pour les fins de la mise en oeuvre de la loi 125, quitte à faire des réajustements ultérieurement.

Dans certaines régions, les gens vont peut-être vouloir prendre les devants et se regrouper d'une façon qui leur permettrait un jour d'assumer les responsabilités de décentraliser depuis Québec. C'est pour éviter — je ne sais pas combien de temps cela va prendre — à tous les cinq ans, de chambarder les structures régionales, de changer les limites, parce que cela ne convient pas aux objectifs qu'on peut avoir et tout cela. C'est pour cela qu'on a émis cette mise en garde sur le danger de se regrouper en trop petites unités, parce que c'est là surtout que le problème va se poser quand il va s'agir de faire de la décentralisation. Si l'unité est trop petite, elle sera incapable de gérer des pouvoirs décentralisés. Les gens devraient garder cela à l'esprit.

M. Goulet: Une courte question, M. le Président, si vous permettez. Vous dites, à un moment donné: Si le ministre demande au conseil de comté de modifier son schéma d'aménagement et si le conseil de comté ne veut pas, il resterait au ministre tout simplement à décréter une zone d'intervention spéciale. Un peu plus loin, vous essayez de défendre l'idée que cela prendrait un

tribunal spécialisé. Je ne sais pas, il me semble qu'il y a une...

M. Tittley: II n'y a pas de relation entre les deux.

M. Goulet: Justement, si le ministre demande à un conseil de comté de renouveler son schéma d'aménagement et que le conseil de comté ne veut pas, je verrais, plutôt que le ministre décrète une zone d'intervention spéciale, qu'on se réfère à la commission, au tribunal spécialisé, comme vous l'appelez, et c'est lui qui décidera. Parce que vous suggérez vous-même un tribunal spécialisé. Dans un cas semblable, si le conseil de comté ne veut pas, au lieu que ce soit le ministre qui décrète une zone d'intervention spéciale, ne croyez-vous pas qu'il serait opportun que ce soit le tribunal spécialisé qui décide s'il doit y avoir une zone d'intervention spéciale ou de modifier le schéma, oui ou non, qui a raison entre les deux?

Une Voix: La loi des mesures de guerre!

M. Goulet: La loi des mesures de guerre, ah bon!

M. Tittley: Je peux vous donner une réponse courte, mais je ne peux pas être d'accord avec votre suggestion, en gros, parce qu'il s'agit de deux niveaux de problèmes différents, je pense.

M. Goulet: Pas quant à moi.

M. Tittley: Le tribunal, vraiment, c'est sur des questions de détails, des conflits, un citoyen d'une ville qui attaque sa municipalité parce qu'elle n'a pas respecté...

M. Goulet: Ah bon!

M. Tittley: Ce sont des questions de ce genre-là.

M. Goulet: D'accord. Mais s'il y a un conflit, par exemple, entre une municipalité et le conseil de comté ou le conseil de comté et le ministre, vous ne voyez pas un tribunal spécialisé?

M. Tittley: Non, ce n'est pas pour ces fins-là.

M. Goulet: Vous le voyez seulement pour un citoyen. Pourquoi est-ce que ce ne serait pas bon pour l'autre?

M. Tittley: C'est pour remplacer les appels à la Cour supérieure qu'on le mentionne dans le projet de loi. C'est uniquement pour ces fins-là.

M. Goulet: Pourquoi un tribunal spécialisé ne pourrait-il pas intervenir quand il y a un conflit entre une municipalité et un conseil de comté? Il ne pourrait pas lui aussi faire un...

M. Saint-Jacques: Parce que ce sont des conflits sur des choix politiques et non pas des conflits sur des choix légaux, je pense.

M. Goulet: Je vous remercie. C'est malheureux que le temps soit aussi limité.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la fin.

M. Léonard: Je remercie encore une fois la Corporation professionnelle et ses représentants d'être venue ici. Je pense que cela a été très utile pour tout le monde. J'aurais eu encore beaucoup de questions à poser. Peut-être qu'on vous rencontrera, je l'espère bien, et qu'on pourra poursuivre nos discussions là-dessus. C'est une hypothèse. Merci beaucoup.

Une Voix: Je voudrais m'excuser...

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de cette commission vous remercient de votre précieuse participation.

Avant d'ajourner, je prierais le rapporteur de faire rapport à l'Assemblée nationale que nous avons terminé l'étude des mémoires relativement au projet de loi no 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

Je vous remercie très sincèrement de la coopération que vous avez bien voulu apporter tout au cours de l'étude de ces mémoires.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

Fin de la séance à 12 h 35

ANNEXE

Projet de loi no 125 sur l'aménagement et l'urbanisme

Mémoire soumis par la Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec

INTRODUCTION

Apporter des commentaires au présent projet de loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme a été considéré comme la tâche la plus importante que devait accomplir le Bureau de la Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec au cours de la période de discussion publique de cette loi.

Le comité mandaté pour le Bureau, à cet effet, a travaillé en collaboration avec les sections régionales de la Corporation (Québec, Montréal, Outaouais) et les associations des urbanistes conseils et des urbanistes municipaux. A son avis, le projet de loi aurait pu bénéficier d'une période de réflexion et d'échanges plus longue. Nous aurions aimé soumettre plusieurs des procédures prévues au projet de loi à divers exercices de simulation reflétant le grand nombre de contextes différents dans lesquels elles seront appliquées.

Il aurait par ailleurs été plus éclairant pour juger de son économie si le projet de loi avait pu être évalué avec des notions plus précises sur les réformes envisagées à l'égard des gouvernements "locaux", des nouveaux partages fiscaux, du code civil et des lois municipales actuelles. Dans le même ordre, mais pour des raisons de manque de ressources, la Corporation n'a pas pu examiner comme elle le souhaitait les rapports de ce projet de loi avec les lois en vigueur ayant une portée sur l'aménagement, tel que le zonage agricole, les règlements concernant la protection du milieu.

Le mémoire de la Corporation soulève d'abord des questions de portée générale ayant trait aux objectifs, à la conception, aux mécanismes et aux résultats anticipés de la loi telle que formulée. Dans un deuxième temps, il s'attache à des commentaires sur des thèmes qui sous-tendent la structure de la loi. Ceux-ci débouchent le plus souvent sur des recommandations spécifiques en vue d'amender le projet de loi.

La Corporation s'est éloignée, sauf lorsqu'il semblait plus expéditif de faire autrement, d'une facture conduisant à la reformulation d'articles précédés par les arguments justificateurs. Les ressources et mécanismes dont disposent le gouvernement sont mieux préparés à une telle tâche et mieux avertis également de l'ensemble des commentaires parvenant d'autres intervenants.

Enfin, la Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec se réjouit de la préoccupation marquée du gouvernement à l'égard des divers problèmes de l'aménagement rationnel des territoires ruraux et urbains, par le train de mesures législatives adoptées ou à l'étude qu'il produit à cet effet et, plus particulièrement, du courage et de la clairvoyance qu'il montre par son intention de doter le Québec d'une loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

L'étude de la Corporation est soumise dans un esprit constructif de collaboration et avec l'espoir qu'elle suscite une attention particulière réciproque. Les membres de la Corporation ne sont pas sans savoir que ce sont eux les professionnels de l'aménagement et de l'urbanisme, qui auront à assumer la partie substantielle des opérations techniques de la mise en oeuvre de cette loi.

SOMMAIRE

Suite à la consultation initiée par le ministre d'Etat à l'Aménagement sur le projet de loi 125, la Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec a entrepris de faire étudier par ses membres les divers aspects couverts par le projet de loi. Il en est ressorti, après consultation, une série importante d'observations, de recommandations et de modifications sur lesquelles la Corporation attire l'attention du gouvernement. Ces éléments rassemblés sous divers thèmes font l'objet du coeur de ce mémoire qui vise la bonification du projet de loi par des améliorations permettant de mieux atteindre, croyons-nous, les objectifs énoncés clairement par le ministre Léonard.

Ces observations, recommandations et modifications sont dégagées en italique dans le mémoire. Cependant, comme l'analyse qui a été réalisée, touche un grand nombre de points, dont certains d'une façon assez détaillée, nous avons cru nécessaire d'en dégager, dans ce sommaire, les conclusions et recommandations majeures. 1- Le projet de loi propose une approche fort intéressante et le plus souvent pertinente aux grands problèmes du Québec en aménagement et en urbanisme. Ces problèmes sont les suivants: — les difficultés et parfois l'absence totale d'une concertation essentielle entre les interventions du gouvernement et de ses mandataires et celles des municipalités sur lesquelles repose traditionnellement le contrôle de l'utilisation du sol; — les difficultés et souvent le refus de municipalités voisines de se concerter pour la réalisation d'équipements dont la vocation dépasse le cadre d'une seule municipalité; — le peu de cohérence entre les plans d'urbanisme adoptés par différentes municipalités d'une même agglomération et sa conséquence en termes de suréquipement ou de sous-équipement;

— le peu d'importance accordé à l'information adéquate de la population et l'absence de mécanisme de consultation qui ont conduit à un désintéressement du citoyen pour son propre milieu de vie.

Par le projet de loi, le gouvernement invite les municipalités à se regrouper en fonction d'un territoire à définir et à se concerter sur la façon dont elles entendent aménager leur milieu. Elles sont appelées ensuite à traduire cette entente dans l'aménagement de l'aire sous leur juridiction. Le schéma d'aménagement décrit au projet de loi est l'outil adéquat pour ces fins. Par le projet de loi, le gouvernement s'impose, lors de la préparation de ce schéma, de faire connaître ses orientations et ses projets sur le territoire en question. La concertation à laquelle il s'astreint et le droit de désaveu qu'il se garde quant à la cohérence du schéma avec ses orientations finales témoigne, à notre avis, de réalisme quant au partage des responsabilités. Par le projet de loi, le gouvernement instaure des règles pour assurer l'information et favoriser la consultation des citoyens. Nous souscrivons totalement à l'objectif d'atteindre une participation plus large des citoyens aux décisions qui les concernent. Toutefois, nous nous interrogeons sur l'efficacité et les implications financières des moyens retenus. Nous recommandons au ministre une plus grande souplesse à ce sujet.

Par le projet de loi, le gouvernement se donne un pouvoir d'intervention spéciale. Pour la CPUQ, un tel pouvoir est nécessaire. Nous en avons trop souvent déploré l'absence dans le passé. Le risque politique que son exercice implique nous semble une garantie suffisante de son usage judicieux.

Par le projet de loi, le gouvernement répond enfin à deux préoccupations maintes fois exprimées par la CPUQ, soit la cohérence et la conformité des différents instruments d'urbanisme entre eux, et la continuité nécessaire du processus de planification. 2- Si, la CPUQ reconnaît une force au projet de loi quant aux solutions apportées aux problèmes de la concertation, de la cohérence, de la consultation, de l'intervention spéciale, de la conformité et de la continuité, elle s'inquiète de l'imprécision de certains de ses éléments. Cette imprécision touche notamment les unités territoriales de planification.

La CPUQ appuie le principe sous-jacent au projet de loi qui veut que l'aménagement du territoire soit avant tout la responsabilité des gens qui l'habitent et qu'il faille, pour rendre ce principe opérant, procéder à une décentralisation de pouvoir. La CPUQ appuie également la reconnaissance de la municipalité comme institution politique responsable de l'aménagement. De plus, la CPUQ appuie le choix de l'institution du conseil de comté, élargi aux villes, comme base de la concertation intermunicipale.

Toutefois, la reconnaissance d'une institution n'est pas la reconnaissance de son territoire. Et à ce sujet, les professionnels de l'urbanisme souhaitent voir le ministre utiliser la souplesse que lui laisse le projet de loi pour convaincre les municipalités de se grouper en entités suffisamment fortes pour assurer non seulement l'atteinte des objectifs du projet de loi no 125, mais aussi les buts du projet de décentralisation du gouvernement.

Pour ce faire, la CPUQ invite donc le ministre à procéder, sur la base des régions administratives ou des sous-régions, à une vaste opération d'animation et de consultation où les municipalités seraient appelées à réévaluer leurs liens d'appartenance et à redéfinir des conseils de comté dont les territoires seraient mieux adaptés aux fins de l'aménagement et de l'urbanisme. 3- Le projet de loi est malheureusement faible au plan des instruments de l'aménagement et des outils d'intervention.

Comment expliquer cette faiblesse et sur quoi porte-t-elle? Tout se passe comme si, une fois des solutions convenables apportées aux dimensions politiques des opérations d'aménagement du territoire, aucun effort n'est fait dans le projet de loi pour innover dans les instruments qui vont traduire dans la réalité les intentions que constituent le schéma et le plan d'urbanisme. Si le gouvernement assume la responsabilité, par l'adoption de la loi, de faire que l'aménagement retourne à ce qu'elle est par essence, une responsabilité politique, il devrait assumer cette responsabilité jusqu'au bout en assurant, par la loi, des outils d'intervention adéquats à l'usage des municipalités.

La faiblesse du projet de loi tient surtout dans l'absence totale d'innovation dans les techniques de planification de l'utilisation du sol et dans les outils d'intervention réclamés depuis longtemps par les municipalités. On pense notamment aux plans d'ensemble, aux ententes de développement, aux zones d'aménagement différées, aux zones prioritaires, au droit de préemption, au remembrement foncier, au transfert des droits de développement. La seule innovation intéressante retenue au projet de loi concerne la zone d'intervention spéciale. Mais elle relève du gouvernement.

La faiblesse du projet de loi tient enfin dans l'insuffisance des liens entre, d'une part le pouvoir de planifier par le schéma d'aménagement et le plan d'urbanisme et d'autre part le pouvoir de dépenser par les budgets. La CPUQ croit que les schémas et plans ne se traduiront dans la réalité que lorsque le processus d'aménagement sera intégré aux processus administratif et que la loi rendra nécessaire une programmation budgétaire basée sur les objectifs des plans.

En conséquence, la CPUQ invite le ministre à palier cette faiblesse dans les outils d'intervention, en instituant par la loi, un organisme permanent de révision des mécanismes de planification et de contrôle de l'utilisation du sol dont le mandat serait, entre autre: — de refondre progressivement la législation concernant l'aménagement et l'urbanisme; — de développer des approches légales nouvelles aux problèmes d'urbanisme; — de normaliser les procédures administratives et les termes de la réglementation municipale; — d'animer la recherche dans le domaine de l'urbanisme et d'inciter des expériences pilotes. La Corporation porte aussi à l'attention du ministre l'intérêt qu'il y aurait de promouvoir le développement des connaissances des citoyens du Québec en matière d'aménagement et d'urbanisme.

Cet objectif viserait notamment les enfants et adolescents en milieu scolaire, les cadres municipaux et gouvernementaux, et les professionnels de l'urbanisme par des programmes éducatifs et de formation permanente. 4- Le projet de loi est silencieux sur le ministre qui sera responsable de l'application de la loi. S'agit-il du ministre d'Etat à l'Aménagement ou du ministre des Affaires municipales. L'un ou l'autre a-t-il en même temps les pouvoirs de concertation intra-gouvernementale et les ressources techniques et financières qu'il lui faudra pour remplir les nombreuses obligations auxquelles il s'astreint par la loi? Ce commentaire, qu'on le comprenne bien, ne vise pas les personnes occupant ces postes, mais bien les pouvoirs et ressources rattachés à ces postes.

Le projet de loi est également silencieux sur les règles internes de fonctionnement par lesquelles le gouvernement pourra atteindre la concertation qui est nécessaire pour faire connaître aux conseils de comté ses orientations. Il est connu que la concertation des intervenants gouvernementaux pose des problèmes dans tous les états modernes.

Si des projets antérieurs ont parfois semblé lourds par la structure administrative dont le gouvernement se dotait pour gérer l'aménagement, celui-ci semble au contraire, pour éviter la centralisation que peut amener une lourdeur administrative, ignorer l'existence d'une évidence: celle de la difficulté d'une coordination des interventions gouvernementales sur le territoire québécois.

Une loi nationale de l'aménagement et de l'urbanisme ne peut se limiter à organiser la concertation des municipalités. Elle devrait imposer au gouvernement au moins les mêmes règles qui sont fixées aux municipalités.

1. QUELQUES COMMENTAIRES GÉNÉRAUX

La future loi 125 constitue le premier document législatif qui s'inscrive dans le grand projet de décentralisation du gouvernement actuel. Ce projet constitue certes la plus importante réforme sociale à intervenir au Québec depuis celle qui a touché l'éducation. Si elle devait se réaliser selon l'ébauche qu'en fait le ministre Léonard dans le fascicule 1 de la série intitulée "la décentralisation: une perspective communautaire nouvelle", elle signifierait une transformation fondamentale dans la vie communautaire des Québécois et dans la répartition des pouvoirs entre les institutions politiques.

Cette opération est longue, complexe, mais néanmoins louable. La Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec souscrit au projet de décentralisation et est disposée à y apporter sa plus entière collaboration. 1.1 La délimitation des unités territoriales

La réforme envisagée s'appuie sur une très ancienne institution du Québec, le comté municipal, que le gouvernement invite au renouvellement. En effet, pour assurer le succès du projet de décentralisation, le comté municipal actuel devra relever un grand défi: celui de se redéfinir comme entité politique et administrative et de réaliser le mariage de la ville et de la campagne. Cette mutation exigera qu'on se donne de nouveaux modes d'association et de représentation, de même que des modalités de fonctionnement et d'opération qui s'appuient, selon les intentions du ministre Léonard, sur la région d'appartenance.

Les modalités de délimitation de ces unités territoriales nouvelles ne sont pas précisées au projet de loi. Le fascicule 6 pose cependant certains fondements à la délimitation éventuelle des comtés renouvelés. "Il s'agit tout d'abord d'un espace géographique sur lequel va s'élever la juridiction des comtés renouvelés. A ce titre, cet espace doit avoir des dimensions qui permettent d'y préparer un schéma d'aménagement, d'y faire une gestion appropriée de l'aménagement et, éventuellement, au fur et à mesure que la décentralisation sera effectuée, d'y assurer la gestion des services à la population qui vit sur ce territoire."

La Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec reconnaît la pertinence d'une restructuration des corporations de comtés municipaux. Elle croit aussi que les orientations qui sont données dans les fascicules du Secrétariat à l'Aménagement constituent une base de discussion valable à cette fin.

Toutefois, elle croit nécessaire de soulever une mise en garde à l'égard du danger de galvauder la notion de communauté d'appartenance qui est sous-jacente à celle de la nouvelle délimitation territoriale. L'expérience de nos membres indique que la communauté d'appartenance se situe davantage au niveau de la municipalité qu'à celui du comté municipal. La référence constante à la communauté d'appartenance risque, à notre avis, d'entraîner les municipalités à se regrouper en fonction d'un dénominateur commun trop étroit pour permettre la réalisation des buts de la décentralisation et notamment l'aménagement rationnel du territoire.

Tout en reconnaissant qu'il n'y a pas de critères absolus pouvant guider le regroupement, la CPUQ croit que le milieu municipal doit garder à l'esprit que les comtés renouvelés deviendront la structure de base de la décentralisation. En conséquence, ils devront être constitués de sorte à pouvoir: — délimiter des espaces qui reflètent des réalités économiques, géographiques et socio-culturelles; — traduire les liens d'intérêts communs entre les municipalités faisant partie d'une même agglomération urbaine, le cas échéant et entre les agglomérations urbaines et leur hinterland; — fournir une base de planification suffisamment substantielle pour justifier l'allocation des ressources financières et humaines nécessaires à l'accomplissement des tâches entraînées par la mise en application de la loi sur l'aménagement et l'urbanisme; — constituer une structure politique et administrative pouvant plus efficacement assurer la concertation entre la planification centrale et la planification locale; — contribuer réellement à l'objectif du gouvernement de décentraliser des pouvoirs et de déconcentrer son administration; — établir une organisation publique ayant la capacité technique et financière de mettre en place et d'appliquer les principaux instruments de gestion de la planification. Cette organisation doit permettre à l'autorité politique décisionnelle de relier les objectifs du schéma à des programmes de réalisation et aux moyens financiers et autres nécessaires à leur mise en oeuvre.

La taille et les caractéristiques du territoire de la corporation de comté doivent lui permettre de servir de base à une décentralisation, une déconcentration des services gouvernementaux et à une concertation des différents agents. Mais on ne saurait trop insister sur l'importance de délimiter ce territoire de façon à ce qu'il permette une assise géographique apte à la planification et la gestion adéquate de l'aménagement.

1.2 L'aménagement et les moyens de mise en oeuvre

Malgré la perspective de la décentralisation, le projet de loi 125 doit être vu avant tout comme le cadre à la pratique responsable de l'aménagement et de l'urbanisme. La pratique responsable de l'aménagement et de l'urbanisme, par quelque niveau de gouvernement que ce soit, exige d'une part des instruments d'orientation et d'autre part des instruments de mise en oeuvre de ces orientations. Les premiers découlent de l'analyse des problèmes et de schémas. Les seconds s'appuient sur les pouvoirs de réglementer et de dépenser des gouvernements. Ils prennent, en bout de ligne, la forme de règlements — d'utilisation du sol notamment — et de budgets — programmes ou autre technique de gestion budgétaire équivalente.

Le projet de loi fait état, et dans le détail, de certains instruments importants de mise en oeuvre d'un schéma d'aménagement et d'un plan d'urbanisme: les règlements de zonage, de lotissement et de construction. L'utilité et le rôle normatif de ces instruments ne sont plus à démontrer; leur affinement et leur cohérence sont à parfaire.

Cependant, le projet de loi est un peu explicite sur un ensemble d'instruments extrêmement importants du processus de planification et qui, s'ils ne sont pas disponibles et appliqués, perpétueront une situation qu'on impute d'ailleurs injustement aux urbanistes, les beaux plans en couleur qu'on remise bien vite sur les tablettes. La CPUQ est d'avis que les schémas et les plans d'urbanisme se traduiront graduellement dans la réalité lorsque le processus de planification sera intégré aux processus administratif et décisionnel des autorités publiques et lorsque celles-ci utiliseront les instruments appropriés de mise en oeuvre que sont les divers outils de la programmation budgétaire basé sur les objectifs des plans et les moyens disponibles. Sans doute par souci de ne pas brusquer les choses, le gouvernement a choisi de limiter le rôle des conseils de comté renouvelés à la concertation intermunicipale en matière d'aménagement et d'urbanisme. Le pouvoir de dépenser pour des services, équipements, infrastructures et réseaux de caractère intermunicipal reste entre les mains des municipalités locales qui pourront au mieux concrétiser entre elles des ententes ad hoc.

La CPUQ s'étonne que le projet de loi ne prévoit pas explicitement la possibilité pour les municipalités locales, dans les comtés qui le désirent, de réaliser des investissements intermunicipaux ou de transférer au conseil de comté leur pouvoir de dépenser dans certains domaines.

1.3 Le comté et ses responsabilités en matière d'aménagement

Le titre II du projet de loi no 125 prévoit la création de corporations de comté renouvelées comprenant les municipalités régies par le Code municipal et par la Loi des cités et villes. Ces comtés auront dans un premier temps comme seule responsabilité celle prévue au Titre I du projet de loi. Dans cette perspective, on est en droit de s'étonner que l'article 2 ne rende pas obligatoire l'adoption d'un schéma d'aménagement.

En effet, si cette obligation n'existe pas il n'y a pas de relation entre le Titre I et le Titre II du projet de loi. Comme organismes décentralisés responsables, les corporations de comté renouvelées doivent donc être tenues d'assumer leurs responsabilités ainsi que celles de leurs partenaires municipaux en matière d'aménagement et d'urbanisme.

1.4 Les grands exclus

La CPUQ est surprise de constater qu'une loi nationale de l'aménagement et de l'urbanisme ne s'applique pas aux territoires les plus urbanisés du Québec. Ces territoires ont évidemment des règles qui gouvernent leur aménagement. Mais ces règles varient d'une communauté à l'autre et souvent la concertation nécessaire des intervenants, que rend obligatoire le projet de loi, n'existe pas dans ces communautés.

Cette population urbaine doit pouvoir bénéficier des mêmes principes, inspirés de la décentralisation, qui constituent les fondements du projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme, à savoir: — que l'aménagement est d'abord une responsabilité politique; — que l'aménagement doit s'appuyer sur l'information, la consultation et la participation des citoyens; — que l'aménagement est une fonction partagée entre trois paliers de décisions, chaque palier ayant son domaine de responsabilité propre; — que l'aménagement est une fonction partagée qui fait appel à la concertation des choix et des actions des trois gouvernements.

Cette exclusion des communautés urbaines et régionales peut, momentanément, s'avérer acceptable dans la mesure où éventuellement les lois qui les régissent puissent être modifiées pour inclure, au moins, les obligations que contient ce projet de loi au titre du schéma d'aménagement. Par ailleurs, la spécificité de ces communautés milite en faveur d'outils légaux d'urbanisme différents de ceux prévus au projet et que seule une loi spécifique pourrait lui confier.

1.5 Le ministre responsable

Le projet de loi fait intervenir à de nombreuses reprises le ministre responsable de l'application de la loi. Ces interventions donnent au ministre des pouvoirs et des obligations très diversifiées. A titre d'exemple, le ministre peut procéder à l'émission de lettres patentes pour modifier le territoire des corporations de comtés ou en créer de nouvelles, fait parvenir au conseil de comté un document synthèse décrivant les orientations que le gouvernement entend poursuivre en matière d'aménagement dans le comté, peut demander au conseil de modifier son schéma parce qu'il ne correspond pas aux orientations du gouvernement, peut désavouer un règlement de contrôle intérimaire, etc.

Or, le projet de loi n'identifie pas quel ministre sera responsable de l'application du projet de loi. S'agit-il du ministre d'Etat à l'Aménagement qui présente le projet de loi? Si oui, le ministre a-t-il les ressources nécessaires et les pouvoirs pour rencontrer ses obligations. S'agit-il du ministre des Affaires municipales qui, jusqu'ici, a la responsabilité des lois qui régissent les municipalités? Si oui, ce dernier a-t-il le pouvoir de concertation interne au gouvernement pour transmettre aux conseils de comté renouvelés les orientations du gouvernement.

Il est connu que la concertation des intervenants gouvernementaux pose des problèmes dans tous les Etats modernes. Le gouvernement actuel, conscient de cette réalité, tente par l'intermédiaire de ministères d'Etat de palier ce problème. Son choix s'est porté sur une structure légère de concertation. Cependant on constate avec étonnement, que par le projet de loi, le gouvernement ne se dote pas de règles internes de fontionnement lui permettant d'atteindre sa propre concertation pour l'aménagement du territoire.

Le projet de loi est silencieux sur ces aspects. Si des projets antérieurs ont parfois semblé lourds dans la structure administrative dont le gouvernement se dotait pour gérer l'aménagement, celui-ci semble au contraire, pour éviter la centralisation que peut amener une lourdeur administrative, ignorer l'existence d'une évidence: celle de la difficulté d'une coordination des interventions gouvernementales sur le territoire québécois.

Une loi nationale de l'aménagement et de l'urbanisme ne peut se limiter à organiser la concertation des municipalités. Elle devrait imposer au gouvernement au moins les mêmes règles qui sont fixées aux municipalités.

2. LES INSTRUMENTS DE LA PLANIFICATION

Ce second chapitre du mémoire regroupe sous des thèmes clefs, les commentaires et recommandations de la Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec sur les modalités opérationnelles prévues au projet de loi no 125.

2.1 Le schéma d'aménagement de comté

Le schéma d'aménagement constitue l'instrument d'orientation dont pourront se doter les municipalités locales regroupées au sein de comtés renouvelés selon les modalités du chapitre 1 de la partie II du projet de loi. Le contenu du schéma est défini: — à l'article 5, quant à ses éléments obligatoires; — à l'article 6, quant à ses éléments facultatifs; — à l'article 8, quant aux documents qui doivent l'accompagner; Ces trois articles entraînent quelques commentaires.

2.1.1. Le contenu du schéma

Dans l'ensemble, le contenu tant obligatoire que facultatif nous apparaît satisfaisant. Toutefois, quelques termes soulèvent une certaine ambiguïté. Les expressions "grandes orientations" et "intentions générales" gagneraient à être précisées. La première, en particulier, devrait inviter à l'énoncé de buts qualifiés et d'objectifs quantifiés. La précision de ces termes pourrait se faire soit dans le texte de la loi, soit dans un éventuel guide d'interprétation à l'intention des municipalités. De plus, le terme "infrastructures" utilisé à l'alinéa f) de l'article 5 devrait être remplacé par les expressions "voies de circulation" et "réseaux d'utilité publique", lesquelles sont définies avec précision à l'article 1 contrairement au terme "infrastructures". Il nous apparatt essentiel que les voies de circulation et les réseaux d'utilité publique de caractère intermunicipal soient des éléments obligatoires du schéma.

2.1.2 Les documents d'accompagnement

Les documents d'accompagnement prévus à l'article 8 doivent fournir à tous ceux qui sont régis par le schéma la documentation pertinente qui — explique et justifie les choix qui y sont faits; — établit les priorités qui en découlent en termes d'investissements inter-municipaux.

Les documents d'accompagnement doivent, à notre avis, être disponibles à tout citoyen qui désirerait compléter les informations qui lui auraient été transmises sous forme de résumés au moment de la consultation. Cette possibilité n'est pas prévue dans la section III.

Le contenu du schéma d'aménagement doit reposer sur une analyse sérieuse du milieu physique et socio-économique du territoire du comté. Une loi générale n'a pas à préciser quelles études préalables doivent guider l'élaboration d'un schéma d'aménagement. Cependant, pour la compréhension de la population qui sera appelée à appuyer le contenu du schéma, pour la concordance du schéma aux orientations gouvernementales et pour assurer que la prise des décisions d'aménagement de nature politique s'appuient sur des bases techniques sûres, le projet de loi devrait indiquer à l'article 8 les documents d'analyse qui doivent au minimum accompagner le schéma d'aménagement. Les pouvoirs généraux de prescription du gouvernement (article 205) ne sont que complémentaires à cette recommandation.

De plus, la CPUQ croit que les implications concrètes du schéma en termes d'investissements et d'interventions doivent être énoncées clairement.

En conséquence, la CPUQ recommande que l'article 8 soit modifié pour inclure a) les dossiers analytiques et explicatifs utiles à la compréhension du schéma; b) les documents exposant et motivant les options d'aménagement étudiées et les raisons justifiant le choix du conseil exprimé par le schéma; c) une estimation des coûts des divers équipements, infrastructures, voies et réseaux intermunicipaux qui sont proposés dans le schéma; d) un programme pluri-annuel des interventions amorcées et projetées par le gouvernement, ses ministères, ses mandataires et par les organismes publics; e) un document précisant les modalités et les conclusions de la consultation.

Les documents décrits ci-dessus sont adoptés par résolution et peuvent être modifiés en tout temps. 2.1.3 La modification et la révision du schéma

Les articles 47 à 55 traitent des modifications qui pourront être apportées au schéma par la suite. Le premier alinéa de l'article 47 traduit l'intention du législateur d'exiger une révision quinquennale, ce qui nous apparaît raisonnable. Toutefois, on s'étonne que dans la section III le ministre ne s'impose pas de fournir l'avis prévu à l'article 21.

2.2 Le plan d'urbanisme

Le plan d'urbanisme définit, dans le cadre des objectifs établis par le schéma de comté lorsqu'il y en a un, les politiques d'aménagement et d'urbanisme de la municipalité. Ces politiques doivent

être suffisamment explicites pour traduire clairement les intentions d'aménagement du conseil municipal sous la forme d'éléments opérationnels. De plus, son contenu doit être suffisamment élaboré pour permettre une participation éclairée des citoyens et d'en arriver à un consensus sur des orientations claires et concrètes.

Afin d'atteindre ces objectifs, la Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec croit que la section II du chapitre III de la partie I du projet de loi 125 doit être modifiée.

2.2.1 Le contenu du plan d'urbanisme

A notre avis, l'article 79 doit être modifié comme suit: "Art. 79. Un plan d'urbanisme doit comprendre: a) les grandes orientations d'aménagement de la municipalité; b) les diverses affectations du sol et les densités approximatives de son occupation; c) la nature, la localisation et le type des équipements et infrastructures tant publics que privés existants et, s'il y a lieu, projetés, qui sont destinés à l'usage de la vie communautaire; d) le tracé existant et, s'il y a lieu, projeté, et le type des principales voies de circulation, des réseaux de transport et des réseaux d'utilité publique; e) les zones d'expansion urbaine et, s'il y a lieu, les zones à rénover, à restaurer ou à protéger; f) les phases de développement urbain et les zones prioritaires". En conséquence, l'article 80 peut être supprimé.

Nous sommes d'avis que le plan d'urbanisme doit être autre chose que des "grandes orientations" et des "grandes affectations" quelque soit la taille de la municipalité. Il s'agit d'un outil de travail essentiel qui exige un minimum de contenu s'il doit servir à informer les citoyens et orienter la prise de décisions.

2.2.2 Le programme particulier d'aménagement

L'article 81 vise à permettre aux municipalités de préparer des programmes d'intervention détaillés pour certaines parties de leur territoire (centre-ville, secteurs dégradés, secteurs d'expansion prioritaires, etc.). Dans l'ensemble, ces dispositions nous apparaissent satisfaisantes. On peut toutefois se demander s'il n'y aurait pas avantage à recouvrir à une formulation plus large par exemple: "Un plan d'urbanisme peut comprendre: a) les zones d'urbanisation prioritaires et les zones d'urbanisation différées; b) les programmes particuliers d'aménagement pour une partie du territoire de la municipalité; c) les programmes particuliers de réaménagement, de restauration, de conservation et de démolition; d) les programmes particuliers d'acquisition de terrains pour fins publiques".

2.2.3 Les documents d'accompagnement

Les commentaires que nous avons faits au sujet de l'article 8 valent aussi, grosso modo, pour l'article 83. Aussi, recommandons-nous que cet article soit modifié de la façon suivante: "Art. 83. Le plan d'urbanisme doit être accompagné: a) des dossiers analytiques et explicatifs utiles à la compréhension du plan; b) des documents exposant et motivant les options d'urbanisme étudiées et les raisons justifiant le choix du conseil et exprimé par le plan; c) des documents explicitant la façon dont les objectifs du plan sont reliés à la mise en oeuvre par: — une description des travaux pertinents que la municipalité entend exécuter au cours des cinq prochaines années avec une évaluation des coûts; — un programme pluri-annuel des dépenses d'immobilisation pour les équipements, infrastructures, voies et réseaux à être réalisés par la municipalité; — un programme pluri-annuel de dépenses d'opération et d'entretien des éléments précédents; — un programme pluri-annuel de dépenses consacrées à la planification et aux études qu'elle demande; — une estimation pluri-annuelle de revenus et de contributions financières à des réalisations du plan provenant d'agents autres que le conseil; — une estimation pluri-annuelle de l'impact fiscal résultant des réalisations du plan d'urbanisme".

Les documents décrits ci-dessus sont adoptés par la résolution du conseil et peuvent être modifiés en tout temps.

2.3 Les règlements d'urbanisme

Le chapitre IV du Titre I est consacré aux pouvoirs de réglementer des municipalités en matière d'urbanisme. Ce chapitre suscite de la part de la CPUQ des remarques générales, de même qu'un grand nombre de recommandations particulières.

2.3.1 Quelques remarques générales

La CPUQ s'étonne que le gouvernement n'ait pas profité de l'adoption d'une loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour régler un grand nombre de problèmes posés par la pratique de l'urbanisme au Québec. A titre d'exemple nous en énonçons trois qui sont particulièrement criants: A) Le processus d'adoption des modifications aux règlements:

La procédure de modification des règlements d'urbanisme (art. 110 et 113) implique des démarches considérables et risque d'entraîner des retards et des frais inutiles dans certains cas. Il y aurait donc lieu d'envisager la possibilité de distinguer parmi les amendements ceux qui ne constitueraient que des modifications légères. On pourrait prévoir pour ceux-ci une procédure particulière d'adoption moins lourde que la procédure régulière. De tels mécanismes ont été expérimentés dans plusieurs provinces canadiennes: l'Ontario, la Nouvelle-Ecosse, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick.

Dans les législations adoptées par ces provinces, on a tenté de définir le plus précisément possible les cas qui peuvent faire l'objet d'une dérogation mineure ou d'une "variance". Certaines dispositions ont limité la portée de cette procédure à des matières spécifiques: variation des marges de recul, de la hauteur, de la proportion d'occupation du sol, de la densité d'occupation des bâtiments, des places de stationnement, etc. (Loi du Manitoba, art. 57). D'autres dispositions ont défini des critères à respecter dans l'autorisation de ces variations: maintien de la qualité générale de l'environnement, compatibilité avec le plan d'urbanisme et l'esprit général du règlement de zonage, etc. La définition d'une dérogation mineure et l'application de ces critères posent néanmoins de nombreuses difficultés d'interprétation.

La désignation et la composition de l'organisme chargé d'appliquer cette procédure présente d'autres difficultés délicates: faut-il confier cette tâche à des fonctionnaires, à un comité représentatif de la population locale, à un organisme quasi judiciaire...? Toutes ces formules ont été essayées, mais il faudrait pouvoir qualifier leurs résultats plus en détail pour se prononcer. B) Les zones d'aménagement différé

Bien que certains articles du projet de loi permettent aux municipalités d'exiger un certain nombre de conditions préalables avant l'autorisation de subdivision ou de construction, on n'y trouve plus la possibilité d'établir des zones d'aménagement différé comme le prévoyait l'art. 74r) du projet de loi no 12 de 1976. Ce pouvoir devrait être repris dans la loi actuelle de façon explicite. Il devrait constituer, au même titre que le schéma d'aménagement et le plan d'urbanisme, un outil de planification majeur pour lequel un contenu obligatoire et facultatif devrait être défini. Cela permettrait d'ailleurs à la population d'être mieux informée des prévisions de développement et des choix proposés par la municipalité et constituerait peut-être une meilleure réponse au problème de la participation des citoyens que n'offre la loi actuelle par le processus d'assemblée publique.

D'autre part, une telle mesure pourrait être renforcée par l'attribution aux municipalités de pouvoirs accrus en matière de contrôle foncier: réserves foncières, droit de préemption, remembrement, par exemple. C) Les plans d'ensemble

La technique des plans d'ensemble déjà pratiquée dans plusieurs municipalités permet d'allier les objectifs de flexibilité, de temporalité et de diversité fonctionnelle que ne permet pas d'atteindre le zonage traditionnel. Cependant les juristes s'accordent généralement pour douter de la légalité d'un tel procédé dans le contexte législatif actuel. Or, il n'existe pas de disposition spécifique concernant les plans d'ensemble dans le projet de loi et il est difficile de trouver dans l'ensemble des dispositions relatives aux règlements d'urbanisme, des mesures dont le regroupement aurait pour effet d'autoriser de telles opérations. Par conséquent, il y aurait lieu d'introduire dans le projet de loi des dispositions expresses et non équivoques concernant cette technique.

Cette technique consiste généralement à identifier dans les plans et règlements de zonage des zones ou des secteurs de zones pour lesquels, une opération d'ensemble regroupant divers usages complémentaires serait autorisée moyennant présentation d'un plan d'ensemble par le promoteur au conseil municipal et suite à l'approbation de celui-ci. D'ailleurs l'on devrait encourager une pratique qui inciterait la municipalité elle-même à réaliser des plans d'ensemble au besoin. Cette formule permet d'introduire des normes supplémentaires et plus complexes que dans le cas de constructions par lots individuels.

Une telle démarche peut prendre la forme d'une demande d'amendement au zonage ou d'une demande de permis de construction. La décision du conseil peut être conditionnelle à l'exécution de certains aménagements ou certaines obligations particulières de la part du promoteur. Les matières sur lesquelles peuvent porter ces conditions devraient être expressément énumérées dans la loi. A titre d'exemple, elles peuvent comprendre les points suivants: les aires de stationnement, l'aménagement paysager, les voies d'accès et de sortie, l'aspect extérieur, l'époque et la durée des travaux, la préservation d'espaces verts. Ces conditions peuvent être d'application stricte ou sujettes à entente entre le promoteur et la municipalité. Plusieurs provinces canadiennes ont inclus cette possibilité d'entente (Development Agreement) dans leur législation (exemples: Manitoba, Ontario, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Ecosse). Dans ce cas, il est également recommandé de compléter l'entente par l'enregistrement d'une servitude réelle, ce qui a pour effet de la rendre opposable aux éventuels tiers acquéreurs.

Il faudra enfin prévoir des mécanismes de soumission de ces démarches à la discussion publique.

2.3.2 Le règlement de zonage

Nonobstant les remarques générales qui précèdent la CPUQ croit nécessaire de suggérer certaines modifications à l'article 109 qui fixe les objets sur lesquels peut porter le règlement de zonage. Ces modifications visent à préciser le contenu de la loi à ce chapitre et à combler certaines lacunes dont certaines ont été soulignées dans le point précédent. L'argumentation supportant chacune de ces modifications est la plupart du temps, évidente en soi. Aussi nous sommes-nous contentés de les souligner dans une proposition de texte amendé. Ces recommandations, comme celles portant sur le règlement de lotissement et de règlement de construction, sont appuyées par l'expérience de nos membres en pratique privée, fonctionnaires municipaux et fonctionnaires provinciaux et fédéraux.

Selon les professionnels de l'urbanisme, le deuxième alinéa de l'article 109 devrait se lire comme suit: "Un règlement de zonage doit contenir des dispositions sur les objets suivants: a) pour fins de réglementation, classifier les constructions et les usages et, selon un plan qui fait partie intégrante du règlement, diviser le territoire de la municipalité en zones; b) spécifier, pour chaque zone ou secteur de zone, les constructions ou les usages autorisés moyennant l'obtention d'un permis, ou ceux qui sont prohibés y compris les usages et édifices publics, ainsi que les densités d'occupation du sol et les normes d'implantation des bâtiments";

Un troisième alinéa ou un autre article devrait être prévu et se lire comme suit: "Un règlement de zonage peut contenir des dispositions sur l'un ou l'autre des objets suivants: a) diviser la zone en secteurs de manière que chacun de ces secteurs serve d'unité de votation aux fins des articles 117 à 125 et de manière que, dans chacun de ces secteurs, les normes d'implantation autorisées dans la zone puissent faire l'objet d'une réglementation subsidiaire de la part du conseil, à condition cependant que les normes quant aux usages permis soient uniformes dans tous les secteurs d'une même zone; b) spécifier, pour chaque zone ou secteur de zone, les dimensions et le volume des constructions, l'aire des planchers et la superficie des constructions au sol; la longueur, la largeur et la superficie des espaces qui doivent être laissés libres entre les constructions sur un même terrain, ou entre les usages à l'intérieur d'une même zone ou entre les zones, l'utilisation et l'aménagement de ces espaces libres; l'espace qui doit être laissé libre entre les constructions et les lignes des rues et les lignes de terrains; le recul des bâtiments par rapport à leur hauteur ou autres considérations; l'architecture, la symétrie et l'apparence extérieure des constructions; le mode de groupement d'un ensemble de constructions sur un terrain; les matériaux de revêtement des constructions; c) spécifier, pour chaque zone, la proportion du terrain qui peut être occupée par une construction ou un usage; d) obliger tout propriétaire à soumettre au préalable les plans de construction, de reconstruction, de transformation ou d'addition de bâtiment, les projets d'usage d'un immeuble ou de déplacement d'un bâtiment, et à obtenir du fonctionnaire municipal désigné un permis de construction ou, selon le cas, un certificat d'approbation en autant que les autres exigences des règlements de lotissement, de construction et autres règlements municipaux sont respectés; e) dans le cas d'une municipalité située près de la frontière entre le Québec et les Etats-Unis d'Amérique, interdire la construction de bâtiments à moins de trois mètres de distance de cette frontière; f) définir le niveau d'un terrain par rapport aux voies de circulation; g) déterminer et régir l'endroit où doit se faire l'accès des véhicules au terrain;

*h) prescrire, pour chaque zone ou chaque usage ou combinaison d'usages, l'espace qui sur les lots doit être réservé et aménagé pour le stationnement ou pour le chargement ou le déchargement des véhicules ou pour le stationnement des véhicules utilisés par les personnes handicapées au sens de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées (1978, ce chapitre insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi no 9) se servant de fauteuils roulants et la manière d'aménager cet espace; établir des normes de stationnement à l'intérieur ou à l'extérieur des édifices; i) régir, restreindre ou, sans l'obtention d'un permis, interdire un changement d'usage d'un terrain; j) régir, restreindre ou, sans l'obtention d'un permis, interdire l'excavation du sol, le déplacement d'humus, l'abattage d'arbres et tous travaux de déblai ou de remblai; k) régir, restreindre ou, sans l'obtention d'un permis, interdire l'agrandissement, le déplacement, l'usage, la réparation ou la démolition d'une construction;

I) régir, restreindre ou, sans l'obtention d'un permis, interdire les enseignes et définir ce terme; m) régir et restreindre l'emplacement, la hauteur et l'entretien des clôtures, des murs, des haies, des arbustes et des arbres; n) régir ou prohiber la construction ou certains ouvrages, compte tenu soit de l'emplacement du terrain, soit de la proximité d'un cours d'eau ou d'un lac, soit des dangers d'inondation, d'éboulis, de glissement de terrain ou d'autres cataclysmes, soit de l'absence de disponibilité d'eau potable et de l'imperméabilité du sol, toute prohibition faite en vertu du présent paragraphe pouvant être totale ou ne viser que certaines catégories d'immeubles que détermine le règlement; o) régir l'emplacement et l'implantation des maisons mobiles et des roulottes; p) régir les constructions et les usages dérogatoires protégés par les droits acquis; i. en exigeant que cesse un usage dérogatoire protégé par droits acquis si cet usage a été abandonné, a cessé ou a été interrompu pour une période de temps définie par règlement et qui doit être raisonnable compte tenu de la nature de l'usage mais qui dans aucun cas ne doit être inférieure à six mois; ii. en stipulant qu'un usage ou construction dérogatoire protégé par droits acquis ne peut être remplacé par un autre usage ou construction dérogatoire; iii. en interdisant l'extension ou la modification d'un usage ou une construction dérogatoire protégé par droits acquis ou en établissant les conditions en vertu desquelles un usage ou une construction dérogatoire protégé par droits acquis peut être étendu ou modifié; q) permettre, dans des zones, des groupes de construction d'une classification déterminée et prévoir la réglementation spécifique applicable en un tel cas, malgré toute disposition générale s'appliquant à la zone; r) régir pour chaque zone ou secteur de zone les modalités des plans d'ensemble qui doivent être préparés et soumettre les demandes de permis de construire et de lotir à l'approbation de ces plans d'ensemble par le conseil municipal; s) prescrire que tout immeuble nouvellement érigé ou modifié ou dont on a changé la destination ou l'usage ne peut être occupé avant qu'un certificat ne soit délivré par le fonctionnaire municipal désigné, attestant que l'immeuble nouvellement érigé ou modifié ou, selon le cas, que la destination ou l'usage nouveau de l'immeuble, est conforme aux règlements de la municipalité; t) déterminer les usages permis dans toute partie d'une construction".

2.3.3 Le règlement de lotissement

Pour des raisons d'efficacité et de normalisation minimale des règlements, le règlement de lotissement devrait contenir obligatoirement certaines dispositions alors que d'autres peuvent demeurer facultatives. De plus, l'article 112 doit pouvoir régir toutes les opérations cadastrales.

Aussi la CPUQ recommande que le deuxième alinéa de l'article 112 soit modifié de la façon suivante: "Un règlement de lotissement doit contenir les dispositions suivantes: a) spécifier, pour chaque zone prévue au règlement de zonage, la superficie et les dimensions des lots ou des terrains par catégorie de construction ou d'usage, et le caractère des rues; b) prescrire que la largeur d'une rue publique ne doit pas être inférieure à quinze mètres à moins d'une autorisation du conseil de comté;

(*) La CPUQ est d'avis que la réglementation du stationnement dans les centres-villes en particulier, devrait pouvoir s'appuyer sur des modalités semblables à celles prévues pour les parcs (voir art. 112 h).

c) prescrire la superficie minimale et les dimensions minimales des lots lors d'une subdivision ou d'une redivision, compte tenu soit de la proximité d'un ouvrage public, soit de l'existence ou, selon le cas, de l'absence d'installations septiques et d'un service d'aqueduc ou d'égout sanitaire; d) réglementer ou prohiber la division et la subdivision, compte tenu soit de l'emplacement du terrain, soit de la proximité d'un cours d'eau ou d'un lac, soit des dangers d'inondation, d'éboulis, de glissement de terrain ou d'autres cataclysmes, soit de l'absence de disponibilité d'eau potable et de l'imperméabilité du sol, toute prohibition faite en vertu du présent paragraphe pouvant être totale ou ne viser que certaines catégories d'immeubles que détermine le règlement; e) obliger le propriétaire de tout terrain à soumettre au préalable au conseil municipal ou à un officier désigné à cette fin tout plan de division, de subdivision, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouté de lot originaire, ou de modification ou d'annulation du livre de renvoi d'une subdivision, que ce plan prévoie ou non des rues, et à obtenir de ce fonctionnaire un permis de lotissement en autant que les prescriptions des autres règlements municipaux soient respectées; f) exiger, comme condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision, division, redivision, subdivision-redivision ou d'ajouté de lot originaire et à l'obtention d'un permis de lotissement, la cession de l'assiette des rues montrées sur le plan lorsqu'elles sont publiques".

De plus, la CPUQ recommande qu'un troisième alinéa ou un autre article soit prévu: "Un règlement de lotissement peut contenir des dispositions sur l'un ou l'autre des objets suivants: a) prescrire, selon la topographie des lieux et l'usage auquel elles sont destinées, la manière dont les rues et ruelles, publiques ou privées, doivent être tracées, la distance à conserver entre elles et leur largeur; b) prohiber tels subdivisions et emplacements de rues ainsi que de ruelles ou de places publiques qui ne concordent pas avec les normes de superficie prévues au règlement de lotissement et l'emplacement des voies de circulation prévues au plan d'urbanisme, et obliger les propriétaires de rues et de ruelles privées à indiquer, de la manière stipulée par le conseil, leur caractère de voies privées; c) exiger, comme condition préalable à l'approbation d'un plan de division, de subdivision, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouté de lot originaire, que des rues y soient prévues ou non, que le propriétaire cède à la municipalité, pour fins de parcs, de terrains de jeux ou espaces verts d'usage communautaire, une superficie de terrain calculée selon l'une des deux façons suivantes: — soit une superficie de terrain n'excédant pas dix pour cent du terrain compris dans le plan;

(*) — soit une superficie de terrain variant selon la densité de logement avec un maximum de un hectare par 300 logements; et situé à un endroit qui, de l'avis du conseil, convient pour l'établissement de parcs, de terrains de jeux ou d'espaces verts d'usage communautaire.

(**) ou exiger du propriétaire, au lieu de cette superficie de terrain, le paiement d'une somme n'excédant pas dix pour cent de la valeur inscrite au rôle d'évaluation pour le terrain compris dans le plan, malgré l'application de l'article 21 de la Loi sur l'évaluation foncière (1971, chapitre 50), ou encore une partie en terrain et une partie en argent; le produit de ce paiement doit être versé dans un fond spécial qui ne peut servir qu'à l'achat de terrains destinés à l'établissement ou à l'aménagement de parcs, de terrains de jeux ou d'espaces verts d'usage communautaire et les terrains cédés à la municipalité en vertu du présent paragraphe ne peuvent être utilisés que pour des parcs, des terrains de jeux ou des espaces verts d'usage communautaire la municipalité peut toutefois disposer, à titre onéreux, à l'enchère, par soumissions publiques ou de toute autre façon approuvée par la Commission municipale du Québec, des terrains qu'elle a acquis en vertu du présent paragraphe s'ils ne sont plus requis pour fins d'établissement, de terrains de jeux, d'espaces verts d'usage communautaire, et le produit doit en être versé dans ledit fonds spécial; d) exiger, comme condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision, de division, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouté de lot originaire, que le plan indique l'emplacement des servitudes existantes ou requises pour le passage des installations de transport d'énergie et de transmission des communications à l'usage des lots apparaissant sur le plan;

(*) à vérifier avec l'expérience de l'Ontario

(**) valeur ou rôle d'évaluation ou valeur marchande, l'une et l'autre n'a pas la même valeur.

e) exiger, comme condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision, de division, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouter de lot originaire tant tout ou partie de son territoire, qu'un règlement décrétant l'exécution de travaux pour l'implantation de services municipaux soit adopté; f) exiger, comme condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision, de division, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouterde lot originaire dans tout ou partie de son territoire, la présentation d'un projet de morcellement de terrain portant sur un territoire plus large que le terrain visé par le plan et pouvant inclure les dispositions de l'un ou l'autre des objets du règlement de lotissement;

L'article 114 est déterminant pour la gestion des règlements de zonage, de lotissement et de construction ainsi que pour le suivi administratif municipal des normes minimales visées par le schéma d'aménagement du comté.

La formulation actuelle de cet article dans le Code municipal et la Loi des cités et villes présente le défaut de n'être applicable qu'à l'ensemble d'un territoire municipal. La formulation proposée par le projet de loi 125 prévoit que cet article peut s'appliquer sur l'ensemble ou une partie du territoire municipal, mais en appliquant toujours les trois conditions d'émission du permis de construire d'une façon monolithique. Or, une municipalité devrait pouvoir exiger, par exemple: 1) que les constructions soient faites sur des lots distincts adjacents à une rue publique et en bordure des services d'aqueduc et d'égouts pour les parties urbaines de son territoire; 2) que les constructions soient faites sur des lots distincts et adjacents à une rue publique pour les parties rurales et son territoire en autant que l'alimentation en eau potable est adéquate et que les normes d'hygiène du milieu soit assurées; 3) que les constructions soient faites sur des lots distincts et adjacents à une rue publique ou privée exclusivement pour certains territoires spéciaux en autant que l'alimentation en eau potable est adéquate et que les normes d'hygiène du milieu sont respectées et en autant que la géométrie des rues à caractère privé est acceptable selon les normes municipales inscrites au règlement de lotissement (article 112 B).

De plus, pour les territoires ruraux, il y a lieu que les exigences a) et c) de l'article 114 (obligation d'un lot distinct en bordure d'une rue publique) puissent demeurer des conditions d'émission du permis de construire même lorsque le territoire n'est pas desservi par des services d'aqueduc et d'égouts, mais en autant qu'il y a une source d'alimentation adéquate en eau potable et que l'installation septique est conforme aux exigences de la Loi sur l'environnement.

Par ailleurs, la municipalité devrait avoir le pouvoir d'émettre un permis pour une construction en bordure d'une rue privée pour certaines parties du territoire (zones de villégiature, projet d'habitations multifamiliales ou autres de caractère privé, etc.) et à condition que la géométrie et la construction de ces rues respectent les prescriptions du règlement de lotissement et autres règlements municipaux.

L'article 114 devrait être reformulé en conséquence.

2.3.4. Le règlement de construction

Pour ce qui est du règlement de construction, la CPUQ souligne au passage que le gouvernement n'a pas encore opté pour une normalisation des règles de construction des bâtiments dans un code obligatoire d'application générale. Au minimum, la loi devrait exiger (art. 5e) des normes minimales de construction à l'échelle d'un comté.

Par ailleurs, nous sommes d'avis que la réglementation des enseignes devrait pouvoir se faire par zones ou secteurs de zones. Enfin, il nous apparaîtrait opportun que l'article 115 du projet de loi confie aux municipalités des pouvoirs complémentaires à ceux des services de Protection de l'environnement en ce qui a trait en particulier à la réglementation des installations septiques et aux prêts d'alimentation en eau potable (articles 86 et 87c de la Loi de l'environnement).

2.3.5 Le contrôle intérimaire

Dans l'ensemble, les modalités de contrôle intérimaire prévues au projet de loi apparaissent satisfaisantes à la CPUQ. Elle aimerait toutefois faire deux commentaires.

D'une part, les délais prévus à l'article 62 permettant au ministre de désavouer un règlement de contrôle intérimaire dans les 90 jours nous semblent longs. A notre avis, le ministre devrait s'imposer de statuer dans les 60 jours un règlement qui lui est soumis de crainte d'imposer un gel trop long à l'activité immobilière normale. ,

D'autre part, toujours dans le but d'accélérer le processus d'un retour à une certaine normalité, le projet de loi devrait prévoir un mécanisme qui permette au ministre d'entendre les requêtes prévues à l'article 65 pendant la période de 60 jours prévue plus haut.

3. LA PARTICIPATION DES CITOYENS AUX DÉCISIONS D'AMÉNAGEMENT

Le projet de loi prévoit que les citoyens d'un comté et d'une municipalité pourront participer aux différentes phases de la préparation d'un schéma de comté, d'un plan d'urbanisme et de la réglementation qui s'y rapporte.

Cette participation prend la forme d'information écrite envoyée aux citoyens, d'information et de consultation lors d'assemblée publique, de consultation ou de décision par référendum.

3.1 Les procédures prévues au projet de loi sont les suivantes:

A) Lors de l'adoption d'un schéma d'aménagement de comté suivi d'un plan et de règlements d'urbanisme

Envoi obligatoire de résumés à chacune des personnes inscrites sur la liste électorale — Pour le schéma résumé d'une proposition préliminaire (art. 16) résumé d'une proposition définitive (arts. 23 et 16) résumé du schéma en vigueur (art. 32) — Pour le plan d'urbanisme résumé de la version définitive (art. 92) résumé du plan d'urbanisme en vigueur (art. 96) — Pour les règlements d'urbanisme: aucun

Assemblées publiques obligatoires et référendum — Pour le schéma dans chacune des municipalités d'un groupe de municipalités dont la population totale représente au moins les deux tiers de la population du comté. assemblée publique sur une proposition préliminaire (art. 18) assemblée publique sur une proposition définitive (art. 23 et 18) possibilité d'un référendum consultatif (art. 24) — Pour le plan d'urbanisme dans la municipalité assemblée publique sur une proposition préliminaire, cette dernière n'est cependant pas obligatoire (art. 86) assemblée publique sur une proposition définitive (art. 91) — Pour les règlements d'urbanisme: aucune. L'approbation prévue aux articles 116 à 125 n'est pas requise sauf pour les modifications à un plan ou règlement qui ne sont pas destinées à le rendre conforme aux objectifs d'un schéma d'aménagement (art. 53).

B) Lors des modifications d'un schéma d'aménagement de comté suivies de modifications aux plans et règlements d'urbanisme

Les procédures sont les mêmes que celles prescrites pour l'adoption de ces schémas, plans et règlements. Cependant, — le résumé requis par les dispositions des articles 13 à 19 doit préciser l'effet de la modification projetée sur chacune des municipalités visées (art. 50) — une assemblée publique doit être tenue dans chacune des municipalités visées par la modification projetée (art. 50).

C) Lors de l'adoption d'un plan et de règlements d'urbanisme indépendamment d'un schéma d'aménagement de comté.

Envoi obligatoire de résumés — Pour le plan d'urbanisme résumé de la version définitive (art. 92) résumé du plan d'urbanisme en vigueur (art. 96) — Pour les règlements d'urbanisme: aucun

Assemblées publiques obligatoires — Pour le plan d'urbanisme assemblée publique sur une proposition préliminaire, cette dernière n'est cependant pas obligatoire (art. 86) assemblée publique sur une proposition définitive (art. 91) — Pour les règlements d'urbanisme: aucune. L'approbation prévue aux articles 116 et 125 n'est pas requise (art. 98 et 102).

D) Lors de modifications d'un plan et règlements d'urbanisme indépendamment d'un schéma d'aménagement de comté.

Les procédures sont les mêmes que celles prescrites pour l'adoption des plans et règlements.

E) Lors de modification ou abrogation d'un règlement d'urbanisme existant — Une assemblée publique doit être tenue par le conseil (art. 118 et 122). — L'adoption du règlement est soumise aux procédures habituelles prévues à la Loi des cités et villes et au code municipal y incluant la possibilité d'un référendum (art. 124 et 125).

3.2 La consultation des citoyens

La consultation des citoyens sur le contenu des règles d'aménagement qui vont les affecter est essentielle. Elle peut engendrer dans son application des implications administratives et financières importantes et entraîner des délais sérieux dans l'adoption de nouveaux règlements. Ces délais vont signifier un prolongement de la durée d'application des contrôles intérimaires qui sont, par définition, inadéquats. On ne peut éviter totalement ces implications: leurs inconvénients seront dans la majorité des cas, très inférieurs au bénéfice qu'entraîne une grande participation des citoyens aux décisions qui concernent l'aménagement de leur territoire. Il y a lieu cependant de s'interroger sur la pertinence de certaines des modalités de consultations prévues au projet de loi. — La CPUQ croit qu'une certaine souplesse devrait être accordée aux conseils de comté en ce qui a trait aux modalités qu'ils peuvent adopter pour informer la population du comté sur la proposition préliminaire et la version définitive du schéma. Ces modalités devraient être transmises en même temps que la proposition préliminaire (art. 15) et que la version définitive. — Ceffe souplesse devrait s'appliquer aux règles de l'envoi des résumés: on pourrait, par exemple, par l'intermédiaire de journaux et autres média informer la population de la proposition et des endroits où elle pourrait obtenir gratuitement un résumé (bureau de poste, épiceries, etc.) — Le nombre des assemblées publiques, après la première assemblée, peut difficilement faire l'objet d'une règle fixe dans la loi. Les conditions particulières de chaque comté rendent impraticable une telle règle. Le projet de loi devrait se contenter de fixer un minimum d'assemblée. — Les procédures de modifications ne devront faire l'objet de consultations qu'auprès des populations des municipalités qui sont touchées par ces modifications. — S; les assemblées publiques donnent lieu à une véritable consultation, le conseil de comté devrait être en mesure de modifier la version dite définitive du schéma. Cette possibilité n'est pas prévue explicitement au projet de loi. Un article à cet effet devrait être inséré entre les articles 23 et 24. — Pour ce qui est du référendum (art. 24), la CPUQ comprend mal pourquoi il s'insère avant l'adoption du schéma (art. 25). A notre avis, le contenu de l'article 24 devrait être situé après l'article 26. De plus, dans le but de lui donner une réelle signification, le référendum devrait être décisionnel.

3.3. L'expérience de la Communauté régionale de l'Outaouais

Le processus d'adoption du schéma d'aménagement de la C.R.O a donné lieu à une expérience intéressante de consultation des citoyens dont se sont inspirés en partie semble-t-il les rédacteurs du projet de loi 125. Notons pour mémoire que la Loi de la Communauté régionale de l'Outaouais (1969 — chap. 85, art. 143) obligeait la Communauté: — à publier avant adoption un avis indiquant de façon générale la nature de tout règlement ou modification à un règlement relatif au schéma d'aménagement; — à inviter par voie de publication les intéressés à lui faire des représentations en la matière; — à tenir, par l'entremise d'une commission, des audiences publiques pour entendre les représentations des intéressés.

En pratique, la C.R.O. a publié intégralement le schéma (plans compris) à 55 000 exemplaires dans le quotidien Le Droit. La Commission consultative a organisé 11 soirées publiques d'information, complétées par 9 journées où le personnel du service de planification était à la disposition de la population pour toute demande d'information additionnelle. On a évalué à 2 000 le nombre de personnes se prévalant de ces dispositions.

Dans un second temps la Commission consultative a tenu 23 sessions d'audiences publiques auxquelles environ 1 000 personnes ont assisté, et où 360 personnes ont présenté une requête officielle. Au total, 600 requêtes de modifications ont été soumises à la Commission. Le projet 125 implique plus tôt la population dans le processus de planification, faisant porter la première ronde de consultation sur la proposition préliminaire. A la C.R.O., la consultation a porté sur le projet final qui ne comportait pas d'options. Il devenait alors très difficile à la population de réagir sur les orientations générales et les principes sous-jacents aux propositions finales; en conséquence, un très grand nombre d'interventions et de mémoires se sont attachés uniquement aux résultantes très concrètes du processus de planification, à savoir la réglementation. On estime en effet à 10% seulement les requêtes comportant des éléments d'analyse et de critique et des recommandations sur le contenu général du schéma.

On peut facilement comprendre que les individus réagissent plus volontiers à ce qui touche directement leurs intérêts et c'est une dimension du débat public à conserver. Par ailleurs, il serait souhaitable que le débat aborde également des questions de fond. Il n'est pas certain que des

audiences publiques et la présentation de mémoires soient des techniques suffisantes pour susciter de tels débats.

A notre avis, deux pré-requis s'imposent pour assurer la consultation sur les objectifs: une information, la plus complète possible, et un processus continu de discussion. L'expérience de la C.R.O. met en évidence l'importance mais aussi les limites de l'information: malgré l'ampleur des moyens utilisés, on n'a pas réussi à élargir le débat.

Si des audiences publiques constituent un véhicule adéquat d'information, nous pensons qu'une Commission consultative ayant un mandat et un personnel plus large que celle de la C.R.O. pourrait susciter des réactions plus globales de la part des divers groupes d'intérêts présents dans le milieu. C'est pourquoi, nous proposons une Commission formée en plus de membres du Conseil de comté, de représentants de groupes et/ou d'associations déjà organisées et de représentants du public en général. Cette commission à caractère consultatif siégerait pendant toute la durée du processus de préparation du schéma jusqu'à son adoption et servirait en quelque sorte d'intermédiaire entre la population et le Conseil. Son mandat pourrait être d'organiser et de chapeauter l'information et la consultation.

Ce type de Commission à représentation élargie faciliterait l'émergence de considérations plus régionales sur l'aménagement du comté que si elle était formée uniquement de représentants des municipalités. De plus, la présence de groupes organisés inviterait sûrement d'autres groupes à présenter des réflexions plus articulées. Enfin, une telle structure représenterait un soutien appréciable pour les conseils de comté qui n'auront pas ou peu de personnel technique. 4. LA NOTION DE CONFORMITÉ

Dans le projet de loi 125, la notion de conformité relève de deux principes différents selon l'instance qui est appelée à en décider: lorsqu'il s'agit du gouvernement ou du conseil de comté qui émet un avis de conformité, on parle d'harmonisation et d'arbitrage et on se réfère au caractère politique de l'aménagement. Lorsque la Commission d'aménagement est appelée à donner un avis de conformité, on se réfère cette fois au caractère strictement technique de ses décisions. A partir d'un même litige, on passe sans transition de la résolution politique à la solution technique. On voit mal comment la Commission pourra remplir son rôle sans que ne soient précisés les critères de conformité.

La même confusion entre critère politique et technique persiste quant à l'intensité variable de l'obligation de conformité" selon le niveau d'intervention. En effet, l'on peut concevoir aisément que des critères "techniques" puissent établir la conformité de règlements de zonage, de lotissement et de construction à un plan d'urbanisme municipal. Cependant il n'en est pas de même lorsqu'on veut établir la conformité d'un plan d'urbanisme ou de règlements municipaux aux objectifs du schéma de comté. La difficulté vient en grande partie d'avoir à se référer aux objectifs plutôt qu'aux recommandations ou aux conclusions du schéma. Y aurait-il eu confusion à cet égard dans le projet de loi?

De façon générale, les objectifs d'un schéma renvoient aux résultats globaux que l'on escompte atteindre en engageant un processus d'aménagement d'un territoire: Ces objectifs représentent donc des choix à caractère éminemment politique qu'on tentera de réaliser par l'articulation de moyens techniques. Il apparaît difficile de concevoir que la Commission d'aménagement puisse déterminer la conformité d'un règlement de zonage par exemple, en regard d'éléments aussi subjectifs sans être forcée de se prononcer sur le contenu même du schéma. Cette éventualité serait, semble-t-il, contraire aux intentions du législateur.

Pour éviter ce type de confusion et éviter que la Commission ne soit en porte-à-faux par rapport au caractère que veut lui donner le législateur, il serait souhaitable que l'on distingue clairement dans le texte de loi les critères techniques de conformité à l'usage de la Commission. Ceci n'exclut pas que puissent opérer les mécanismes plus politiques d'harmonisation et d'arbitrage prévus au projet.

Dans le même ordre d'idée, il apparaît que l'hypothèse d'une hiérarchie des plans et règlements a été "carrément éliminée" au profit "d'une harmonisation des objectifs fondée sur la hiérarchie des paliers de gouvernement" (1). Ces hypothèses ne nous apparaissent pas contradictoires mais plutôt complémentaires puisque encore une fois, l'une renvoie à des considérations techniques et l'autre à des considérations politiques. Il en serait autrement si le projet de loi ne fournissait pas des mécanismes adéquats de conciliation entre les paliers de gouvernement. Dans cette éventualité, une hiérarchisation des plans et règlements aurait pu devenir un obstacle de taille à la concertation des choix.

Dans le contexte du projet actuel une certaine hiérarchisation des plans et règlements garantirait une meilleure cohérence technique du processus d'aménagement et faciliterait la tâche des municipalités. Puisque selon les articles 5 et 6, le contenu d'un schéma de comté peut être assez

(1) Municipalité, p. 7

léger, les municipalités peuvent trouver difficile de traduire des recommandations en règlements. Une hiérarchisation des plans et règlements et l'application uniforme de critères précis de conformité fourniraient des mécanismes qui permettraient aux municipalités de déterminer plus facilement, le type de réglementation qu'elles doivent adopter.

5. LE ROLE DU GOUVERNEMENT

Le projet de loi fixe au gouvernement et au ministre responsable de l'application de la loi les règles de son intervention à différentes étapes du processus d'aménagement. Nous ferons porter nos commentaires sur le rôle du gouvernement dans la délimitation des unités territoriales, dans la préparation, l'adoption et les modifications au schéma de comté, dans ses interventions spéciales.

5.1 Le rôle du gouvernement dans la délimitation des unités territoriales

Comme on le qualifie souvent, ce projet de loi s'insère dans un projet plus vaste de décentralisation. Cette opération générale de décentralisation ne doit pas masquer le fait que ce projet de loi concerne spécifiquement l'aménagement et constituera, à son adoption, notre loi nationale d'aménagement et d'urbanisme. Elle doit donc, cette loi, par le découpage ultérieur qu'on fera du territoire, permettre que l'aménagement du territoire se fasse sur des unités territoriales "aménageables".

Le projet de loi est silencieux sur les critères selon lesquels on pourra modifier le territoire des corporations de comté ou créer de nouvelles corporations. Une chose est acquise par le projet de loi no 125: le conseil de comté demeure comme institution et se verra confier, dans un premier temps, la responsabilité de préparer et adopter un schéma d'aménagement. Or, cette responsabilité nouvelle pourrait dans certains cas, être difficilement compatible avec un découpage territorial qui s'est fait, par le passé, pour d'autres responsabilités. Il importe, pour des fins d'aménagement, que les municipalités qui se regrouperont en conseil de comté couvrent un territoire approprié à ces fins. Nous nous permettons donc, d'attirer l'attention du ministre sur l'intérêt qu'il y aurait d'amorcer le processus de révision prévu dans le projet de loi par une approche régionale.

Depuis plusieurs années, on a accumulé au Québec plusieurs expériences d'aménagement du territoire. Depuis le presque légendaire BAEQ, les expériences se sont diversifiées et ont adopté des approches différentes. Mais bon nombre d'entre elles avaient en commun la nature de leur territoire d'intervention: l'assise de l'aménagement était constituée par la région ou la sous-région.

Par exemple, l'opération d'aménagement dans la sous-région nord de Montréal s'est amorcée à l'échelle sous-régionale. On a ensuite procéder progressivement à la définition de secteurs regroupant des municipalités qui, s'appuyant sur les dossiers sous-régionaux, prennent conscience de leur identité et identifient leur appartenance. Les commissions conjointes de secteurs de la sous-région, regroupant des municipalités ayant des intérêts communs servaient de table de concertation.

Cette expérience, et d'autres de même nature, nous conduisent à constater la pertinence de la sous-région comme lieu privilégié pour prendre conscience de l'extension de son milieu d'appartenance, pour définir les principales orientations gouvernementales, pour identifier les particularismes et procéder à la création des conseils de comté renouvelés. Ces expériences d'aménagement du territoire au Québec militent en faveur de l'utilité d'une table initiale de concertation plus large que celle des comtés, une table où les différents comtés sont appelés à s'ajuster. Elles nous permettent de suggérer au ministre de considérer l'intérêt de l'approche suivante lors de l'émission de nouvelles lettres patentes: procéder d'abord à l'échelle d'une sous-région à une opération d'animation et de consultation où les municipalités pourront identifier leurs différentes appartenances et proposer les modalités relatives à leur regroupement à l'intérieur de comtés renouvelés. 5.2 Le rôle du gouvernement lors de la préparation du schéma

Le projet de loi prévoit que le gouvernement participe à la préparation du schéma de comté en transmettant au conseil ses orientations et des informations sur les équipements et infrastructures dont il a la responsabilité et qui peuvent affecter l'élaboration du schéma. Le gouvernement devrait ici s'astreindre aux mêmes règles que celles qu'il impose au comté, soit: — transmettre des documents préliminaires, sujets, après consultation à être modifiés; — se donner un délai pour les transmettre; — s'obliger à publier un résumé de ces documents; — s'astreindre à tenir des assemblées publiques sur ces orientations.

5.3 Le pouvoir de désaveu du gouvernement

A différentes étapes, le gouvernement, par le ministre responsable de la loi, se donne des pouvoirs de désaveu.

Le projet de loi donne au ministre le pouvoir de demander au conseil de modifier son schéma si le ministre estime qu'il ne répond pas aux orientations du gouvernement. Il prévoit que le gouvernement peut modifier lui-même ce schéma si le conseil ne le fait pas dans les 90 jours.

Ce pouvoir est nécessaire et les règles qui le régissent dans le projet de loi sont, à notre avis, acceptables, notamment si le ministre se donne la souplesse d'ajuster ses orientations préliminaires lors de consultations dans le comté.

De plus, le projet de loi prévoit que le ministre peut désavouer en tout ou en partie un règlement de contrôle intérimaire et sa modification, et peut le modifier à la demande d'une municipalité.

Dans chacun des cas, le ministre devrait agir par ordonnance motivée.

5.4 Le pouvoir de modifier le schéma et le pouvoir d'intervention spéciale

Le projet de loi permet au gouvernement de participer à la confection du schéma, d'exercer un droit de regard sur la conformité entre le schéma et les orientations du gouvernement. Il prévoit de plus que le gouvernement peut, après l'approbation du schéma, modifier celui-ci si une intervention qu'il projette ultérieurement est réputée non conforme par la Commission et que le comté, à la demande du ministre, ne modifie pas son schéma.

On doit accepter la réalité de l'évolution dans le temps des politiques et interventions du gouvernement sur le territoire d'un comté. Il devient nécessaire de prévoir un moyen qui permette au gouvernement d'intervenir d'une façon non prévue au moment de l'entrée en vigueur du schéma et d'une façon non conforme au schéma.

Mais le pouvoir du ministre devrait se limiter à ce moment à demander au conseil de comté de considérer une modification à son schéma. Si le comté décide de ne pas le modifier, le seul recours du ministre devrait être de créer une zone spéciale d'intervention. Les pouvoirs accordés au gouvernement par le chapitre VII de la loi de déclarer toute partie du territoire du Québec zone d'intervention spéciale sont fort intéressants et vont donner au gouvernement un outil depuis longtemps nécessaire. On ne peut que déplorer que les pouvoirs d'un type comparable ne soient pas accordés aux municipalités.

6. L'ADMINISTRATION DE LA LOI

6.1 La Commission nationale de l'aménagement

Le projet de loi prévoit que cette commission est un organisme administratif, indépendant du gouvernement, et n'ayant aucune fonction judiciaire ou quasi judiciaire. Le mandat de cette commission est: — de juger de la conformité entre les objectifs des principaux actes ou interventions prévus au projet de loi; — de servir de registraire et de gardien des règlements, résolutions, ordonnances, décrets et avis faits en vertu du projet de loi.

La commission est composée de cinq (5) membres dont deux (2) sont nommés après consultation des organismes les plus représentatifs des municipalités et des comtés.

A) Tribunal spécialisé de l'aménagement et de l'urbanisme

Le rôle de la commission est prévu comme n'exerçant aucune fonction judiciaire ou quasi judiciaire. D'ailleurs le Titre III du projet de loi reporte les sanctions et recours à la Cour supérieure. L'on sait par expérience que l'accès à la Cour supérieure implique de longs délais et des coûts élevés. De plus, le droit de l'urbanisme connaîtra avec l'adoption du projet de loi une complexité accrue, une jurisprudence et des avenues ouvertes à l'innovation en matière de législation et de réglementation. Conséquemment, il y a lieu de s'interroger si le gouvernement ne devrait pas envisager la création d'un tribunal spécialisé ou d'une chambre de l'aménagement et de l'urbanisme ayant des fonctions judiciaires en la matière.

B) Intégration de la Commission nationale d'Aménagement à la Commission municipale du Québec

En ce sens et afin d'éviter la duplication des organismes administratifs oeuvrant avec les administrations locales, les fonctions dévolues à la Commission nationale de l'Aménagement pourraient être confiées à l'actuelle Commission municipale du Québec ou à une section administrative "aménagement" relevant de cette dernière. Il va de soi que l'actuelle loi constituant cette commission devrait être modifiée. Cependant, il faut se rappeler que l'actuelle commission municipale du Québec.

— est déjà opérante et a déjà une expérience administrative de gestion avec les administrations locales; — approuve déjà les règlements d'emprunts municipaux, ce qui permettrait d'unifier la gestion de ces règlements à la lumière des avis que le conseil de comté doit formuler (art. 46, 69) relativement aux règlements d'emprunts.

C) Représentation professionnelle au sein de la commission

Par ailleurs, la commission doit émettre à diverses occasions (art. 38, 100, 130 et autres) un avis de conformité entre les objectifs des principaux actes ou interventions prévus à la loi. La nature de ces avis est essentiellement technique. La CPUQ croit que la commission devrait être composée pour au moins trois (3) de ses membres d'urbanistes professionnels qui, par leurs fonctions et leurs expériences, garantiront le caractère professionnel des avis émis.

6.2 Les modalités de fonctionnement et d'opération des conseils de comté renouvelés

Le projet de loi prévoit que les corporations de comté renouvelées comprendront non seulement les municipalités régies par le Code municipal mais aussi celles régies par la Loi des cités et villes. Le projet de loi ne délimite aucun territoire, ni ne fixe de façon définitive les modalités de représentations; il ne fait qu'habiliter le gouvernement à émettre des lettres patentes pour créer ou modifier les corporations de comté.

Toutes les modalités administratives proposées dans les documents sur la décentralisation (fascicule 4) ne sont pas retenues dans le projet de loi. Certaines sont pourtant essentielles à la mise en oeuvre du projet de loi et au fonctionnement des conseils de comté.

A) Les commissions du conseil de comté

Le fascicule 4 indique que le conseil de comté pourrait mettre sur pied des commissions permanentes. Ainsi, dans le domaine de l'aménagement, le conseil pourrait confier à une commission permanente le soin de travailler à la préparation d'une politique ou à la solution de problèmes particuliers du comté. Cette commission devrait être composée de membres permanents, c'est-à-dire de membres du conseil de comté et de membres temporaires n'ayant pas droit de vote. Ces commissions pourraient tenir des audiences publiques. Le projet de loi no 125 ne prévoit pas la formation de telles commissions. La seule référence à une commission du conseil de comté se trouve à l'article 14. On y prévoit que les assemblées publiques lors de la consultation sont tenues par une commission créée par le conseil de comté.

Or, compte tenu de l'ampleur du processus de consultation, il y aurait lieu d'envisager que l'ensemble de ce processus comme tout autre sujet directement relié à la mise en oeuvre du schéma d'aménagement puisse être confié à une commission permanente du conseil de comté.

B) Les comités consultatifs d'aménagement et d'urbanisme

Selon le projet de loi, seule une municipalité peut constituer un comité consultatif d'urbanisme (art. 126). De plus, le pouvoir actuel des municipalités d'instituer une commission conjointe d'urbanisme est abrogé dès l'adoption d'une résolution par le conseil de comté prévue à l'article 3 ou d'une ordonnance du ministre prévue à l'article 4 visant à l'adoption d'un schéma d'aménagement.

Le conseil de comté devrait être habilité à se doter d'un comité consultatif d'aménagement formé de membres choisis parmi les membres du conseil, les résidants des municipalités et les représentants régionaux ou locaux des principaux intervenants sur le territoire (commissions scolaires, compagnies de services d'utilités publiques, etc.). Ce comité devrait avoir des pouvoirs d'étude et de recommandation en matière d'aménagement et de normes élaborées en vertu de l'article 5 d) et e).

De plus, les municipalités devraient conserver leurs pouvoirs visant à instituer des comités conjoints d'urbanisme ayant les mêmes pouvoirs que ceux indiqués à l'article 126. Il faut se rappeler que les problèmes urbains ou d'aménagement rural débordent le territoire d'une municipalité et que 4 ou 5 municipalités peuvent élaborer conjointement leurs politiques d'urbanisme sans pour cela utiliser nécessairement les réunions du conseil de comté, lequel regroupera souvent 20 municipalités ou plus.

C) Le support administratif et technique aux opérations d'aménagement et d'urbanisme

Le projet de loi ne précise pas les pouvoirs du conseil de comté relativement au support administratif et technique dont il peut se doter pour assurer la mise en oeuvre du schéma

d'aménagement. Le contenu des lettres patentes (art. 144) ne précise pas non plus cet élément.

De plus, les pouvoirs actuels des municipalités rurales leur permettant de déléguer au conseil de comté les services d'engagement, de rémunération et de mise en disponibilité du personnel compétent pour les fins de confection, de préparation et de mise en application d'un plan directeur ainsi que d'un règlement de zonage, de lotissement ou de construction (art. 392 h) du Code municipal sont abrogés (art. 216).

Le conseil de comté aura besoin d'un support technique pour l'élaboration du schéma d'aménagement et ses modifications subséquentes ainsi que pour l'analyse requise en vue des avis de conformité qu'il doit émettre relativement aux plans et règlements d'urbanisme. Le conseil de comté aura à déterminer s'il est préférable que ce personnel technique soit rattaché comme personnel fonctionnaire ou comme personnel consultant. En ce sens, le projet de loi devrait indiquer la possibilité pour le conseil de comté de retenir le personnel technique nécessaire à la réalisation de ces mandats et confirmer la présence d'un officier responsable de l'exécution des décisions du comité administratif et du conseil de comté. Cet officier responsable devrait avoir également le mandat de faire des recommandations au conseil de comté quant à la conformité des plans et règlements d'urbanisme au schéma d'aménagement. Comme ces avis de conformité sont essentiellement techniques, ce responsable devrait être un urbaniste professionnel.

On peut également penser, particulièrement en milieu rural, à une formule de collaboration entre les municipalités et le conseil de comté afin que le même personnel technique appelé à travailler à l'élaboration du schéma d'aménagement de comté travaille également à la préparation des plans et règlements d'urbanisme. Cette formule permettrait au personnel technique de maximiser la connaissance du territoire et du milieu socio-économique. Le projet de loi devrait donc spécifier 1) Que le conseil de comté peut retenir le personnel technique nécessaire à l'élaboration du schéma d'aménagement de comté et à ses modifications subséquentes; 2) Qu'une municipalité peut mandater le conseil de comté pour procéder à sa place aux services d'engagement, de rémunération et de mise en disponibilité du personnel compétent pour les fins de confection, de préparation et de mise en application des plans et règlements d'urbanisme.

6.3 Les délais administratifs prévus au projet de loi

Plusieurs articles du projet de loi précisent des délais dans l'administration des différents règlements, ordonnances, avis. Ainsi, plus de 30 articles du projet de loi comprennent un délai (art. 10)., 21, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 36, 37, 38, 39, 40, 47, 54, 62, 63, 65, 71, 96, 98, 99, 100,101, 102, 111,129,130,132,133... Certains de ces articles prévoient un délai qui nous semble manifestement trop court alors que d'autres articles référant à des opérations importantes d'aménagement et d'urbanisme ne précisent pas de délai.

A) L'élaboration et l'adoption d'un schéma d'aménagement de comté

L'article 2 du projet de loi ne crée pas l'obligation pour le conseil de comté renouvelé d'adopter un schéma d'aménagement et ne précise pas le délai qui s'applique pour l'adoption d'un tel schéma.

Comme le Titre II du projet de loi prévoit la création de corporations de comté renouvelées n'ayant au moins pour le moment comme seules responsabilités celles prévues au Titre I et qu'il n'y a pas de relation entre le Titre I et le Titre II du projet de loi si les conseils de comté renouvelés ne sont pas tenus d'adopter par règlement un schéma d'aménagement, il apparaît nécessaire que les comtés renouvelés soient tenus d'assumer leurs responsabilités en matière d'aménagement et d'urbanisme. En ce sens, l'article 2 du projet de loi devrait indiquer l'obligation pour le conseil de comté d'adopter un schéma d'aménagement dans un délai précis, lequel pourrait être de 3 à 5 ans à déterminer.

Par ailleurs, quel que soit le délai qui sera retenu par le gouvernement relativement à l'adoption par le conseil de comté du schéma d'aménagement, les modalités administratives de l'opérationnalisation du projet de loi devront permettre que certains éléments du plan d'urbanisme puissent être préparés simultanément et en complémentarité avec l'élaboration du schéma d'aménagement.

B) L'élaboration et l'adoption d'un plan d'urbanisme et des règlements de zonage, de construction et de lotissement

L'article 34 du projet de loi précise que chaque municipalité du comté devra, dans les dix-huit (18) mois de l'entrée en vigueur du schéma d'aménagement, adopter un plan et des règlements d'urbanisme conformes au schéma d'aménagement.

Cette étape du processus de planification est souvent la plus laborieuse et la plus longue en en raison du degré de précision qu'elle commande et de la consultation constante des citoyens qu'elle nécessite. Les citoyens d'une municipalité se sentent toujours plus impliqués lors de débats portant sur leur municipalité, leur quartier et leur habitat de sorte que l'adoption des plans et règlements d'urbanisme est souvent une opération de longue haleine. L'adoption de ces règlements pourra difficilement se faire à l'intérieur d'un délai aussi court. Cette opinion est cependant pondérée par le pouvoir qu'a le ministre en vertu de l'article 203 de prolonger un délai ou une échéance.

De plus, il nous apparaît très important que le projet de loi prévoit une consultation des citoyens lors de l'élaboration des règlements de zonage, de lotissement et de construction. L'on sait qu'il n'est pas nécessaire en vertu du projet de loi (art. 98, 102) de consulter les citoyens lors de l'élaboration de ces règlements souvent les plus controversés.

C) La participation du gouvernement au schéma d'aménagement de comté

L'article 11 du projet de loi ne précise pas le délai que le gouvernement doit respecter pour transmettre — un document synthèse décrivant les orientations que le gouvernement, ses ministères et mandataires ainsi que les organismes publics entendent poursuivre en matière d'aménagement dans le comté; — des documents relatifs aux équipements et infrastructures que le gouvernement, ses ministères et mandataires ainsi que les organismes publics entendent réaliser dans le comté et qui sont susceptibles d'affecter l'élaboration du schéma.

Ces politiques et équipements gouvernementaux sont souvent déterminants lors de l'élaboration du schéma de comté et le gouvernement devrait se contraindre à un délai maximum pour la transmission de ces documents. Le gouvernement devrait faire parvenir ces documents dans un délai maximum de 4 ou 6 mois suivant l'adoption d'une résolution prévue à l'article 3 ou après l'entrée en vigueur d'une ordonnance prévue à l'article 4.

Là encore, il faut se rappeler que le gouvernement devra considérer sa propre capacité administrative à produire ces documents préalablement à l'émission des lettres patentes créant les corporations de comté renouvelées (art. 142 et 218).

6.4 Les avis de conformité

En vertu du projet de loi, des avis de conformité peuvent être émis par deux niveaux administratifs: La Commission Nationale de l'Aménagement (art. 189) et un fonctionnaire désigné à cette fin par le conseil de comté ou le conseil de la municipalité, selon le cas. L'on sait qu'un avis de conformité doit être émis pour établir — que le plan ou règlement d'urbanisme est conforme aux objectifs du schéma d'aménagement; — que tout règlement d'urbanisme est conforme au plan d'urbanisme; — que l'intervention gouvernementale projetée est conforme aux objectifs du schéma d'aménagement.

L'analyse de la conformité ou non des plans, règlements et interventions du schéma d'aménagement ainsi que des règlements au plan d'urbanisme doit relever d'un niveau administratif indépendant, selon le cas du gouvernement provincial ou du gouvernement local. De plus, cette analyse implique un jugement sur un acte professionnel. Le projet de loi est relativement confus en ce qui a trait — au fonctionnaire habilité à accorder ou délivrer un permis ou un certificat prévu au projet de loi (art. 200); — à l'adoption de plans et règlements par le conseil de comté ou le conseil de la municipalité s'ils sont réputés conformes (art. 36, 98); — au secrétaire-trésorier qui agit dans certains cas comme greffier du conseil (art. 39) ou selon un mandat non précisé (art. 42, 44, 67); — à l'analyse professionnelle et administrative nécessaire pour déterminer la conformité des règlements au plan d'urbanisme; la conformité des plans et règlements au schéma d'aménagement; la conformité des interventions gouvernementales au schéma de comté (art. 129); la conformité ou tout au moins la pertinence des règlements d'emprunts d'une municipalité ayant pour objet l'exécution de travaux publics (art. 69).

Le projet de loi devrait clarifier la valeur et la portée de ravis de conformité en établissant de façon légale les distinctions suivantes: — le rôle du conseil de comté et du conseil d'une municipalité qui est d'adopter les schémas, plans et règlements;

— le rôle du greffier ou du secrétaire-trésorier qui émet les documents officiels relatifs aux décisions officielles des conseils; — le rôle du directeur de l'aménagement et de l'urbanisme du comté qui est chargé de faire des recommandations aux conseils sur la conformité ou non des interventions, plans et règlements; de faire des recommandations aux conseils sur la conformité ou la pertinence des règlements d'emprunts (art. 69); de diriger les travaux nécessaires à l'élaboration des schémas d'aménagement, plans et règlements d'urbanisme.

Afin d'accorder la crédibilité nécessaire au rôle du directeur de l'aménagement et de l'urbanisme et compte tenu des avis de nature professionnelle que cet officier devra formuler, il est essentiel que le projet de loi précise que cette fonction devra être exercée par un urbaniste professionnel.

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