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Projet de loi no 125
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des affaires municipales se réunit pour
entendre les mémoires concernant l'étude du projet de loi 125,
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Les membres de cette commission sont M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M.
Caron (Verdun) remplacé par M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe) remplacé par M. Goulet (Bellechasse); M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Gratton (Gatineau) remplacé par M.
Goldbloom (D'Arcy McGee); M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Chevrette
(Joliette-Montcalm); M. Mercier (Berthier) remplacé par M. Gendron
(Abitibi-Ouest); M. Ouellette (Beauce-Nord); M. Shaw (Pointe-Claire); M. Tardif
(Crémazie) remplacé par M. Léonard
(Laurentides-Labelle).
Les intervenants sont M. Alfred (Papineau); M. Charbonneau
(Verchères) remplacé par M. Marquis (Matapédia); M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M.
Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par M. Caron (Verdun); M. Lacoste
(Sainte-Anne); M. Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par M.
Tardif (Crémazie); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce); M. Vaugeois (Trois-Rivières).
J'appelle maintenant les deux groupes qui seront entendus ce matin, le
Conseil régional de développement des Cantons de l'Est et la
Corporation professionnelle des urbanistes du Québec. Est-ce que les
représentants sont dans la salle? Merci.
J'appelle le Conseil régional de développement des Cantons
de l'Est. Bonjour, messieurs. Veuillez identifier votre groupe,
vous-même, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je vous ai
donné tout à l'heure les règles du jeu pour
présenter votre mémoire et je vous remercie de votre
coopération.
Conseil régional de développement des
Cantons de l'Est
M. Routhier (Robert): M. le Président, mon nom est Robert
Routhier, président du Conseil régional de développement
des Cantons de l'Est. Je vais vous présenter mes collègues, en
commençant par mon extrême droite: Le maire du canton de Granby,
M. Louis Choinière; le maire de Waterloo, M. Maurice Dupuis; M. Gaston
Bachand, directeur général du CRD; M. J.-Clément Fortin,
vice-président du CRD et conseiller du canton d'Orford; M. Camille
Rouillard, de Valcourt et M. Paul Guillotte, maire de Stukely.
Comme vous le comprenez, nous nous sommes fait accompagner de
collègues du comté de Shefford qui, à l'intérieur
de notre intervention, seront appelés sommairement à faire
état d'un point de vue.
Comme vous faisiez référence aux règles, nous
allons éviter de faire une lecture de notre mémoire et
plutôt d'attirer votre attention sur les principaux points, quitte
ensuite à échanger, tenant pour acquis que vous avez eu
l'occasion de glaner et de formuler éventuellement des questions.
Effectivement, pour permettre une meilleure compréhension de ce qui
apparaît dans le mémoire, nous avons pensé qu'il serait
utile de vous brosser un petit tableau du contexte dans lequel s'est faite
cette consultation et quelles sont les préoccupations dominantes
actuellement de la population de l'Estrie.
Il n'est pas inutile de rappeler que l'Estrie, étant quand
même une petite région du Québec, se répartit sur
une superficie de 3000 milles carrés, ou un petit peu plus et a le dos
aux lignes américaines jusqu'à Richmond et d'Orford
jusqu'à Disraëli. 226 000 de population est distribuée sur
ce territoire qui habite 110 municipalités. Cela se caractérise
par le centre urbain le plus important qui est Sherbrooke, avec 87 000 de
population et l'agglomération voisine peut totaliser environ 125 000 de
population. Alors, 125 000 sur 226 000. Ensuite, nous retrouvons une douzaine
de municipalités qui ont 4000 de population et plus.
Quant au reste des 110 municipalités, ce sont effectivement de
petites municipalités. Parmi ces 110 municipalités, une dizaine
ont un plan d'urbanisme et un certain nombre sans pouvoir le quantifier
exactement ont un règlement de construction, mais un bon nombre
n'en ont pas non plus.
Nous sommes également un territoire qui a échappé,
pour le moment, à l'application de la loi 90, quant à la
protection des terres arables. Notre territoire touche six conseils de
comté.
Une dernière caractéristique démographique, c'est
que 72% de notre population est dans des centres urbains ou semi-urbains.
Alors, c'est un vaste territoire, en particulier du côté est de la
région qui, graduellement, se dépeuple à l'avantage de la
zone ouest, où il y a un accroissement en périphérie des
centres que sont Sherbrooke et Magog.
Egalement, au point de vue de l'activité économique, vous
permettez que je vous rappelle que si notre économie est relativement
diversifiée, à l'image un peu de celle du Québec, on est
en particulier marqué par nos secteurs traditionnels, que sont les
pâtes et papiers, le textile et la chaussure qui sont davantage
vulnérables aux changements qui surviennent, surtout du type
conjoncturel.
Justement, une étude effectuée par l'OPDQ que, j'imagine,
vous avez eu l'occasion d'examiner dans le cadre de la problématique de
l'Estrie, dégage très clairement que pour d'ici 1985, pour
maintenir un taux de chômage qui n'a rien de très, très
encourageant, de 10% environ, il nous fau-
drait créer 16 fois l'équivalent de la plus grosse
entreprise des Cantons de l'Est, à savoir la Johns-Manville, alors c'est
un défi assez colossal pour une région dont la principale
activité économique repose sur des secteurs traditionnels.
Plus spécialement par rapport à notre sujet de ce matin,
il nous apparaît utile de vous souligner quelques initiatives qui ont
lieu sur notre territoire depuis quelques années, j'entends ici
l'existence de comités intermunicipaux, qui fait que les
municipalités rurales avec les cités et villes collaborent
déjà bien concrètement à un certain nombre de
projets. Je pense ici à des projets dans la région de Magog en ce
qui regarde des mises en commun quant aux services d'incendie, dans la
région d'Asbestos concernant la protection des eaux, les
règlements de construction; dans le bout de Brompton, concernant
l'enfouissement sanitaire; également dans le bout de Richmond,
concernant une commission de promotion industrielle; dans le bout du mont
Mégantic, où il y a un schéma d'aménagement qui est
en chantier avec les municipalités du coin, toujours avec l'accord des
hauts fonctionnaires de la région, et également dans le bout de
Sherbrooke, en ce qui regarde un conseil intermunicipal.
Déjà, dans les quatre coins de la région de
l'Estrie, il y a des réalisations qui s'inscrivent dans l'esprit du
projet de loi qui retient votre attention.
Il y a également lieu de signaler ça semble
relativement original dans le Québec qu'il y a une association de
cités et villes dans l'Estrie depuis 1963 et, également, depuis
1978, les préfets de comté se sont réunis dans les bureaux
de préfets et depuis quelques mois, l'un et l'autre organisme
travaillent en collaboration à la réalisation d'un certain nombre
de projets.
Si ce sont des initiatives relativement heureuses que je viens de
mentionner, il faut aussi mentionner qu'il y a d'autres types d'initiatives et
les gens qui ont été consultés et ceux qui les entourent
ont nécessairement cela à l'esprit au moment de
réfléchir et de formuler des réactions à un projet
de loi comme celui qui nous intéresse.
Il y a une série de projets qui sont dans l'air
déjà depuis plusieurs mois et il y en a même pour plus
d'une année dans les diverses régions. Je pense à East
Angus avec la fameuse fermeture de l'usine Domtar, qui a donné lieu
à toute une mobilisation de la part des travailleurs, qui attendent
toujours que le gouvernement se décide. Du côté de Windsor,
les travailleurs ont jugé bon de mettre sur pied un fonds
d'investissement pour prévoir des périodes qui seront
éventuellement moins heureuses qu'actuellement. Du côté de
Magog, prenons les audiences qui ont eu lieu concernant l'aménagement du
parc du Mont-Orford. Du côté de Mégantic et Coaticook, il y
a des projets en matière d'aménagement touristique. On pense aux
gorges Coaticook et à la baie des Sables, à Mégantic,
où la population attend déjà depuis plusieurs mois que
l'un ou l'autre des ministères se décide à favoriser leurs
réalisations.
Du côté de Richmond, cela a pris l'intervention personnelle
de M. René Lévesque pour que l'entreprise Duchesse, en
matière de chaussures, puisse reprendre ses activités. On pense
aussi à d'autres projets qui sont plutôt à dimension
régionale en matière d'agriculture, d'éducation
économique ou de développement industriel, avec la maison
régionale l'Industrie, qui, déjà, depuis plusieurs mois,
attendent que l'un ou l'autre ministère se décide.
Ce sont tous ces gens-là qui attendent depuis plusieurs mois qui
ont fait l'objet de consultations, ce qui explique le sens de plusieurs des
interventions qu'on a recueillies et qui ont même teinté les
recommandations formulées.
Nous avons une population qui est davantage préoccupée de
réalisations que de consultations, à ce moment-ci, dans l'Estrie,
et il est important d'en prendre conscience, pour le gouvernement; parce que
c'est autant de projets en suspens pour une région qui veut bien se
réaliser, s'assumer. Mais encore faudrait-il qu'effectivement les
ministères concernés se décident.
Egalement, c'est une population préoccupée d'assurer une
qualité de vie qu'on estime relativement intéressante et qui,
graduellement, a développé une prise de conscience, une
volonté de prise en charge. Ce projet est vraiment reçu dans
cette perspective qui est évoquée déjà depuis une
couple d'années par le gouvernement, en termes de
décentralisation, de prise en charge locale.
Un petit mot, rapidement, sur l'organisme qu'est le Conseil
régional de développement, qui existe depuis 1967, qui compte
environ une soixante de membres institutionnels et une quinzaine de membres
individuels. Comme membres institutionnels, nous comptons une trentaine de
municipalités, des organismes comme l'UPA, les commissions scolaires,
divers organismes comme les chambres de commerce et autres, à
caractère plutôt socio-économique. Le conseil
d'administration est composé de 27 personnes qui reflètent assez
bien ce "membership". C'est un organisme qui, essentiellement, a
travaillé en lien, depuis quelques années, avec ce qu'on estime
être les groupes les plus dynamiques ou les plus représentatifs du
milieu et également, depuis une année, avec les membres de la
Conférence administrative régionale, et activement avec les media
d'information.
Le CRD, qui se considère plutôt comme un outil, comme un
instrument à la disposition de la population, à part l'une ou
l'autre consultation qui lui est demandée, s'est, en particulier,
préoccupé d'intervenir en matière d'aménagement,
avec les édiles municipaux, en matière d'environnement et de
dépollution, en matière touristique, du côté
industriel, et a fait un effort particulier pour concerter les principaux
leaders du milieu afin qu'on s'articule comme région et qu'on fournisse
une contribution significative au développement du Québec. La
consultation s'est faite avec cet arrière-plan, très rapidement,
du 8 au 22 mars, dans des délais très courts, ce qui fait que
pour plusieurs des gens consultés, c'était un premier contact
avec le projet de loi, on a donc recueilli des réactions souvent
premières.
Au moment où cela nous a été demandé, alors
qu'on était en lien immédiat avec plusieurs des groupes qui nous
apparaissaient concernés, il a été décidé de
faire cette consultation en collaboration avec l'Association des cités
et villes, les préfets des Cantons de l'Est et également avec
l'Union des producteurs agricoles. Ces trois parties ont accepté de
s'associer avec nous et de patrouiller le territoire en cinq endroits
différents. Nous avons reçu l'appui actif des fonctionnaires des
Affaires municipales et de l'OPDQ, quant à l'information à
diffuser.
On estime qu'on a fait un effort assez considérable pour
rejoindre la population dans ces principaux éléments. Nous avons
adressé, pour ces cinq rencontres, 1200 invitations, mais effectivement
250 personnes y ont répondu. Le groupe s'est réparti
différemment, à savoir que dans Richmond et East Angus, nous
avons rejoint jusqu'à 30% des gens que nous voulions recevoir, alors
qu'à Magog, Coaticook et Sherbrooke, seulement 15% des gens ont
répondu à l'invitation que nous leur avions adressée.
Essentiellement, on s'est bien abstenu d'être les
défenseurs de ce projet de loi et nous avons fait un effort particulier
pour présenter le plus objectivement possible le projet de loi. Nous
nous sommes documentés en conséquence.
De fait, parmi les 250 personnes qui nous ont fait part de leur
réaction, nous avons reconnu que, parmi elles, plusieurs étaient
des représentants déjà de petites municipalités.
Effectivement, il y avait quelques personnes aussi d'autres organismes, mais de
façon majoritaire, ce qui explique aussi une bonne partie des
observations qui sont livrées dans le document.
Il faut noter que si un très grand nombre ne venait que de
l'avoir, quelques-uns non seulement avaient eu le temps de l'examiner
attentivement, mais ils avaient également fait l'effort de parcourir les
fascicules qui, déjà depuis quelques mois, nous arrivaient en
référence avec ce projet-là. Ces fascicules
évoquaient l'idée de décentralisation etc.
Voilà concernant la consultation. Cela a donné lieu
à un certain nombre de résultats qu'effectivement vous avez dans
le mémoire à partir de la page 9 et qui nous ont conduits
à formuler quelques recommandations qui nous apparaissaient plus
significatives. Si je peux me permettre de caricaturer quelque peu, je crois
qu'au CRD, ici il faut dire que les bureaux des préfets, comme ceux de
l'Association des cités et villes et de l'Union des producteurs
agricoles ne sont pas liés au résultat et n'ont contribué
qu'avec nous à mener l'opération de consultation. Les
résultats ou les recommandations qui vous sont formulées ce
matin, ce sont celles du CRD. (10 h 30)
Au niveau des résultats, de façon globale, nous percevons
que la population a dit oui, mais c'est assorti d'un certain nombre de
réserves. Nous nous sommes efforcés de les mettre en relief afin
d'être utiles ainsi aux législateurs qui ont à parfaire le
projet de loi. Nous ne nous attarderons pas nécessairement à
mettre en relief les bons côtés du projet de loi, mais surtout
à attirer l'attention sur les réserves qui ont été
formulées. En gros, je pense qu'on peut dire que ceux que nous avons
rejoints disent: Très bonne idée, le projet de loi sur
l'aménagement et l'urbanisme.
Effectivement, dans l'Estrie, compte tenu des expériences des
conseils intermunicipaux, on a déjà commencé à agir
dans ce sens. On veut bien, mais par contre, on réalise aussi que, pour
diverses raisons, un certain nombre de projets dans lesquels nous sommes
impliqués sont en suspens depuis quelques mois. La population
n'apprécie pas trop le fait qu'on doive attendre non seulement
l'adoption, mais éventuellement l'application de cette loi. Cela bloque
des projets qui sont jugés importants par la population.
Egalement, il nous est apparu que les gens, si ce n'est sur le texte
comme tel du projet de loi, mais plutôt sur les intentions du
législateur, se formulent un certain nombre d'interrogations, en ce
sens: Pourquoi cela a-t-il l'air si compliqué de faire de
l'aménagement? Est-ce qu'il n'est pas possible qu'on procède avec
les mécanismes actuels, avec les structures actuelles? Est-ce que cela
prend des mécanismes de consultation aussi sophistiqués? Est-ce
qu'il est nécessaire d'avoir de nouvelles structures? Rappelons-nous
toujours qu'un bon nombre qui s'exprime sont de petites municipalités
qui disent: Est-ce qu'on ne se fera pas bouffer, nous, à long terme
là-dedans? En définitive, est-ce que ce n'est pas surtout
avantageux pour les grosses municipalités? D'autres disent: II est
question strictement d'aménagement dans le projet, mais est-ce que le
législateur n'aurait pas par hasard autre chose en arrière de la
tête? Est-ce qu'on ne serait pas en train de se faire passer un
Québec? Est-ce que ce n'est pas une forme différente de
regroupement de certains projets qui nous ont été
présentés depuis quelques années ici au Québec?
D'autres qui sont plus actifs du côté des commissions scolaires
disent: Cela ressemble drôlement au regroupement des commissions
scolaires d'il y a quelques années. Est-ce qu'il faut recommencer cela?
Ceux qui sont actifs dans les conseils de comté actuels disent: Est-ce
qu'on ne peut pas faire cela avec les conseils de comté actuels
plutôt que d'avoir de nouvelles structures? Surtout ceux qui ont
commencé à réaliser des projets intermunicipaux
étaient plus réservés sur l'ensemble du projet, sans pour
autant, mettre en question le bien-fondé du projet comme tel. Cette
série d'imprécisions sur les modalités, sur les
coûts, comment nous allons faire ça, c'est à ce niveau que
les interventions de type réactionnel que nous avons recueillies
portaient surtout.
Même si nous avions effectivement été
prévenus et si nous avons fait attention à ne pas investir trop
d'efforts concernant notre préoccupation de division territoriale, il en
a été question et, en particulier, sur tout le versant des
comtés de Brome et de Shefford. Il arrive que des municipalités
ont participé aux études avec nous, ce qui fait que,
effectivement, ce matin, on s'est fait
accompagner de représentants des municipalités du
comté de Shefford, qui ont, à l'analyse, des
intérêts à faire partie éventuellement d'une
région comme celle de la région 05. Un petit peu plus tard, il en
sera question. Mais, concernant actuellement le fait qu'on ait six conseils de
comté dont, en particulier, deux sont impliqués dans le cas de
l'aménagement du mont Mégantic, où la population est
déjà mobilisée pour fins d'aménagement, ça
pose un certain nombre de problèmes que d'attendre que tout ça se
fasse et se détermine de façon claire.
Egalement, à la toute fin de notre consultation, nous avons eu
droit à des interventions des gens du monde scolaire qui, d'ailleurs,
sont venus se manifester ici à la commission et ça transpire
à l'intérieur de notre mémoire. Si ça
représente quelque intérêt pour vous, tout à
l'heure, on pourra y faire référence.
Voilà, en gros, M. le Président, la présentation
qu'on pouvait faire.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, de votre
coopération.
M. le député de Beauce-Nord.
M. Ouellette: Merci, M. le Président. Nous vous remercions
de la consultation que vous avez menée auprès de la population de
votre région sur le projet de loi no 125 et nous pensons que la mise en
place de la commission consultative a eu le mérite de rassembler sur
l'examen du projet de loi no 125 des personnes et des organismes responsables
de sa mise en application.
J'ai relevé dans votre mémoire le fait que, selon l'avis
de plusieurs participants, la consultation a souvent été l'objet
d'un premier contact avec la loi et ressemblait, selon vos propres propos,
plutôt à des assemblées d'information. Je vous encourage
donc, dans le souci que vous manifestez pour l'approfondissement de
l'étude du projet de loi no 125, sur une base plus locale, à
continuer ces assemblées avec la participation de la commission
consultative.
Par ailleurs, nous espérons que l'expérience acquise lors
des initiatives telles que le bureau de préfet de comté de
l'Estrie vous sera profitable pour l'application de la loi 125. Nous
désirons cependant apporter quelques précisions à certains
points que vous abordez dans votre mémoire. Vous dites, par exemple,
à la page 19, que l'article 207 laisse un pouvoir très
discrétionnaire au ministre et ouvre la porte au patronage. Je tiens
à préciser que les subventions versées aux comtés
ne seront pas discrétionnaires. Lorsque le projet de loi sera
adopté et que les comtés auront leurs lettres patentes, les
comtés pourront se prévaloir de subventions qui seront
versées selon les critères objectifs que le ministère est
en train de définir.
D'autre part, tel qu'annoncé à la conférence
Québec-municipalités et tel que réaffirmé dans le
discours sur le budget de M. Parizeau, toute responsabilité nouvelle
sera assortie d'une source de financement.
A la page 12 de votre mémoire, vous émettez quelques
interrogations sur les responsabilités du conseil de comté en
fonction de la présence conjointe de deux types d'administration
municipale, les cités et villes et les municipalités. La loi est
claire sur ce point, il n'y aura pas coexistence de deux conseils de
comté avec des pouvoirs complémentaires, mais bien un seul
conseil de comté avec des pouvoirs définis à l'article 160
de la loi. A ce conseil de comté, tout représentant de ville ou
de municipalité a droit de parole et de vote sur les compétences
exercées par le conseil de comté en matière
d'aménagement. Pour les autres compétences du comté
régies par le Code municipal, les représentants de cités
ou de villes peuvent participer aux délibérations et aux votes du
conseil de comté seulement si une majorité de voix est
exprimée dans ce sens.
En ce qui concerne l'ingérence de l'Etat dans la vie des
municipalités et l'éventuelle disparition des petites
municipalités dont vous parlez à la page 20 de votre
mémoire, je désirerais apporter certains commentaires. Le but
visé par la loi 125 n'est pas de s'ingérer dans la vie
municipale, et encore moins de faire disparaître les petites
municipalités. Au contraire, les objectifs de la loi 125 sont de
réaliser l'aménagement par une concertation. On pourrait ouvrir
une parenthèse et dire qu'il s'agit vraiment là d'une table de
concertation et non pas d'une table de banquet où on invitera les
grosses municipalités à manger les petites. Donc, au contraire,
les objectifs de la loi 125 sont de réaliser l'aménagement par
une concertation et une collaboration entre l'Etat, le conseil de comté
et les municipalités.
Le gouvernement et ses mandataires ne pourront plus agir à leur
guise comme ils l'ont toujours fait dans le passé puisqu'en tout temps
le gouvernement devra négocier et justifier avec le conseil de
comté chacune de ses actions qui touchera l'aménagement du
territoire de comté. Ici, le projet de loi 125 consacre l'existence des
petites municipalités puisqu'à l'opposé d'une fusion, il
leur donne la possibilité de s'asseoir à cette table de
concertation.
J'aurais deux ou trois questions bien précises à formuler,
M. le Président. Vous dites, à la page 21, qu'un véritable
projet de décentralisation devrait être étalé
publiquement et soumis à la consultation. Cette recommandation est
parfaitement conforme à ce que nous avons toùjour.
préconisé et toujours dit sur le fait que la loi 125 est
seulement une loi d'aménagement. A votre avis, comment pourrait-on
être plus explicite sur ce point?
On a remarqué que certains intervenants à cette commission
avaient une tendance assez naturelle, nous semblait-il en tout cas, de
confondre aménagement et urbanisme avec décentralisation. Est-ce
qu'il y aurait un moyen qu'on pourrait utiliser d'ici l'adoption de cette loi
qui rende plus claire notre intention?
M. Routhier: Est-ce que vous voulez formuler vos deux autres
questions aussi?
M. Ouellette: Si vous voulez. La deuxième: Pensez-vous que
le bureau des préfets, par exemple, pourra faciliter la mise en oeuvre
de la loi 125 dans votre région et comment? Parce qu'on sait que la loi,
telle que rédigée présentement, ne prévoit pas de
mécanisme de contact intercomté. Chez vous, est-ce que ce bureau
pourrait jouer ce rôle?
Une troisième question. A la page 9, on retrouve comme avantage
découlant du projet de loi un développement plus ordonné
qui entraîne une économie dans la réalisation des
infrastructures. Pourriez-vous expliquer votre point de vue à cet
égard?
M. Routhier: Si vous permettez, je vais amorcer la réponse
à vos questions, et énoncer des commentaires concernant vos
propos, quitte à ce que mes collègues complètent par la
suite.
Ce n'est peut-être pas inutile de vous rappeler que ce qui est
dans le mémoire, on ne l'a pas inventé, en ce sens qu'on a fait
une consultation et on a visé à vous refléter ce que les
gens nous ont dit. Souvent, au-delà des projets de loi qui, aux yeux des
législateurs ou des hauts fonctionnaires apparaissent si clairs, au
niveau de la perception de la population cela l'est moins, parce qu'elle se
réfère à un vécu qui permet une
compréhension un peu différente de celle de vos intentions. En
particulier, à propos du pouvoir du ministre et en matière de
subventions je ne me souvenais pas qu'on ait utilisé ce gros mot
"patronage" cela réfère à tout un vécu qui,
même si le législateur n'en a nullement l'intention, il doit en
tenir compte au moment de les présenter bien concrètement au
niveau de la population pour permettre des réalisations comme celles que
vous souhaitez. C'est peut-être davantage pour attirer votre attention
sur un aspect comme celui-là. Du fait aussi que dans le texte de loi
apparaisse à tout moment la possibilité d'une
référence au ministre qui paraît disposer d'un pouvoir
relativement discrétionnaire, cela projette cette image pour les gens
qui la reçoivent, rien de plus.
Quant au fait qu'il soit clair que dans l'article 160 il n'y aura qu'un
seul conseil de comté, pour avoir fait la démarche avec les
représentants des conseils de comté et ceux des cités et
villes, je crois même que l'une et l'autre unions sont venues vous dire
que cela apparaissait moins clair pour elles. Je pense qu'il y a un effort de
clarification à faire aussi.
Quant à l'idée ou au concept de concertation auquel sont
conviées et les petites et les grosses municipalités, il y a ni
plus ni moins qu'une jurisprudence qui fait qu'entre les petites et les grosses
municipalités il y a un contentieux qui traîne depuis plusieurs
années. Ce qui fait qu'il faut que les gens s'apprivoisent et
réussissent, de fait, à travailler de concert, comme le
suggère le mot concertation, plutôt que de viser à
s'éliminer graduellement. Mais il reste que des petites
municipalités qui ne comptent que quelques centaines de personnes, alors
qu'elles doivent faire des opérations de consultation, cela paraît
dispropor- tionné par rapport aux moyens dont elles disposent.
Quant aux trois questions, à propos de l'idée d'une
consultation concernant le projet de décentralisation, si nos
informations sont bonnes, si vous comptez pouvoir piloter le projet même
jusqu'en deuxième lecture la semaine prochaine, cela vous donnerait peu
de temps pour procéder à des modifications importantes. Ce qu'on
voulait refléter là-dedans, c'est qu'il y a toute la série
de fascicules. En particulier, les gens sont maintenant un peu plus forts en
mathématiques et ils se sont rendu compte que le fascicule 5, tout le
monde le cherche. Les gens se posent des questions là-dessus, ce qui
fait que le projet de loi a été reçu ni plus ni moins
comme un fascicule synthèse. Les gens ont réagi avec
l'évocation de la décentralisation, et non pas de
déconcentration. Avec tout ce que cela peut représenter de
sous-jacent comme pouvoir décisionnel. (10 h 45)
Quand vous nous demandez comment cela pourrait s'effectuer, surtout
d'ici l'adoption du projet de loi, je crois que ce serait relativement utopique
d'y penser, mais un véritable projet de décentralisation pourrait
donner lieu à un exercice intéressant. D'après ce que nous
avons vécu, les gens seraient prêts à en discuter
sérieusement et préféreraient être interpelés
de façon explicite là-dessus plutôt que de se dire:
Peut-être qu'il est question de ça et de chercher à travers
les mots ou attribuer d'autres significations aux mots que celles que les
législateurs veulent bien leur donner.
Concernant le recours possible à un mécanisme comme le
bureau des préfets qui n'est pas un organisme comme tel, n'est pas
incorporé, il nous a été demandé une collaboration
qui, si on prenait deux ou trois minutes pour l'illustrer, permettrait de vous
fournir une bonne réponse. Je vais laisser à notre directeur
général, M. Gaston Bachand, le soin de répondre à
la demande que nous a faite le Conseil de comté de Richmond aux fins de
l'aider à approfondir le projet de loi et voir comment,
concrètement, on pourrait procéder à son application.
M. Bachand (Gaston): Comme Robert l'a mentionné, on pense
que les gens ont apprécié la formule de la commission
consultative parce qu'elle représentait un caractère
peut-être d'objectivité ou, enfin, elle comprenait les principales
parties. C'est donc en vertu de cette représentativité qu'on nous
demande d'approfondir le projet de loi 125. Est-ce parce que les gens
perçoivent justement que c'est un mécanisme, à cause de ce
caractère relativement objectif, qui favoriserait l'implication des deux
types de municipalités? Etant tierce partie, ils se disent: Vous pouvez
nous aider à avancer dans le débat, soit au niveau de la
délimitation du territoire ou au niveau de la composition.
On est conscient qu'il y a une espèce de tierce personne qu'il
serait peut-être utile d'introduire dans le débat pour faciliter
l'application du projet
de loi. Présentement, au niveau de l'Association des cités
et villes et du bureau des préfets de comté, il y a des
démarches très accélérées pour que les deux
mondes municipaux se retrouvent autour de la même table d'une
façon beaucoup plus qu'occasionnelle. Eventuellement, on va
peut-être assister à une sorte d'entente encore beaucoup plus
explicite entre les deux types d'administration municipale. Est-ce qu'eux, par
exemple, vont considérer qu'ils sont à point pour favoriser
l'enclenchement de la loi éventuelle? On ne saurait y répondre,
mais je pense qu'ils sont sensibles à l'idée qu'une tierce
partie, qu'il reste possiblement à définir, les aide à
faire un bout de chemin.
Le Président (M. Laplante): D'accord, je vous remercie.
Avez-vous d'autres questions?
M. Routhier: II y avait la dernière concernant les
économies à réaliser.
M. Ouellette: Jusqu'à quel point cela peut-il
s'avérer un instrument d'économie dans l'implantation des
infrastructures?
M. Routhier: Plusieurs exemples nous ont été
signalés. Quand il est question de l'harmonisation de la loi 90 et du
projet de loi 125, je pense qu'il faudrait utiliser le mot "harmonisation"
aussi dans le cadre de la loi, qui fait que des municipalités ont un
plan d'urbanisme qui débouche sur la municipalité voisine de
façon tout à fait inappropriée. C'est par des exemples du
genre que se pose une adéquation un peu plus respectueuse du voisinage
et c'est dans ce sens-là qu'il y aurait des mises en commun quant aux
services à rendre à des populations qui sont très
voisines. C'est à cette échelle qu'on référait
à des économies à réaliser.
M. Ouellette: J'aurais envie de revenir avec une dernière
question qui est générale et qui s'adresse à tout le
monde. Vous avez senti dans vos consultations, dans vos assemblées
publiques que les gens s'inquiétaient notamment du danger que couraient
les petites municipalités d'être avalées par les grosses,
à moyen ou à long terme. Compte tenu de la connaissance que vous
avez personnellement de ce projet de loi, dans les lettres patentes qui seront
émises par le ministre, avec consultation évidemment avec les
conseils de comté réformés, dans lesquelles on
prévoira justement le mode de représentation des
municipalités membres d'un conseil de comté de même que la
participation au vote, croyez-vous qu'il y a suffisamment de garanties que vous
puissiez vous donner vous-mêmes pour éviter que les grandes
municipalités viennent, à court ou à moyen terme,
digérer les plus petites? En somme, avez-vous suffisamment de garanties
dans ce projet de loi pour vous rassurer?
M. Bachand: Je n'ai pas l'impression que dans le projet de loi
actuel ces garanties sont contenues. Vous mentionnez qu'éventuellement
vous allez faire connaître peut-être une suggestion au niveau des
modes de représentation ou de la composition. Les gens n'ont pas vu dans
ce projet de loi ces garanties dont vous parlez. Ils se disent: Qui va nous
définir cette composition-là? Ou bien vous suggérez des
choses ou bien ce sont les municipalités qui, entre elles, se disent:
Bon, voici, Nous autres, dans tel comté, par exemple, on décide
que c'est ainsi qu'on se compose, avec tel type de représentation et tel
type de pouvoirs.
N'ayant pas ces garanties à ce moment-ci, ne sachant pas comment
cette définition va se faire, il y a beaucoup d'inquiétude. Vous
parlez des décrets. Il y a une chose qui n'est pas claire. J'en profite
pour poser une question: Est-ce que, effectivement, vous allez donner
l'occasion à toutes les municipalités intéressées
de définir cette formule ou si, effectivement, vous allez y aller d'une
procédure?
M. Ouellette: J'écoute votre question avec attention, mais
je vais laisser au ministre le soin d'y répondre.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député. M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Voulez-vous répondre
tout de suite?
M. Giasson: Est-ce que le ministre veut répondre
immédiatement ou au mot de la fin?
M. Léonard: Tout à l'heure.
M. Giasson: Le ministre nous indique qu'il répondra
à la fin de la période des questions.
M. le Président, messieurs, j'ai pris connaissance de votre
mémoire avec beaucoup d'intérêt et je constate à mon
tour que vous avez, dans un premier temps, voulu une véritable
consultation auprès des organismes qui sont les plus
intéressés ou touchés par le projet de loi 125. On vous
félicite de ce travail, afin d'aller chercher, dans un premier temps, la
perception ou la vision que votre population ou les représentants de
votre population avaient de ce projet de loi.
Je n'aurai pas tellement de questions, parce que celles que j'avais
à l'esprit ont été posées par mon collègue
de Beauce-Nord, peut-être parrain de Beauce-Sud, si cela vous
plaît. A la première question que vous aviez posée,
à la suite des réponses obtenues, vous avez
disséqué le résultat de ces réponses en avantages
et inconvénients.
Le premier inconvénient que vous citez est celui que vos gens ont
cru déceler des dépenses supplémentaires trop
onéreuses pour les contribuables. Qu'est-ce que vous avez pressenti? Que
les contribuables, face au coût d'un schéma d'aménagement,
se sont imaginés que ces coûts seraient défrayés par
les formes traditionnelles d'impôt et qu'il n'y avait pas suffisamment
d'aide
venant du gouvernement provincial. Est-ce là la perception que
vous avez eue de cette crainte que les coûts découlant de tout ce
travail soient trop onéreux pour ceux qui ont à payer des
taxes?
M. Routhier: Je pense qu'honnêtement il faut avoir une
réponse un peu plus globale à une question comme celle que vous
formulez. Que ce soit un projet en matière de loisir culturel ou
d'aménagement en particulier, les petites municipalités, et
même les grosses, de plus en plus, qui sont interpelées à
la fois par la province et quelquefois par le fédéral, et surtout
par leur population qui les sollicite, en termes de services, il semble
qu'elles ne disposent pas des moyens pour donner satisfaction à l'un et
à l'autre, et je pense que la réaction quant au coût que
pourrait entraîner l'application d'un tel projet de loi s'inscrit dans
cet ordre de préoccupation, à savoir comment, à même
nos fonds parce qu'il faudrait que les solutions ne viennent pas saper
indirectement l'autonomie dont veulent bien se prévaloir les
municipalités il faudrait trouver un moyen qui ferait que ces
municipalités, soit en leur dégageant des champs de taxation ou
quoi que ce soit, même les petites, aient les moyens de réaliser
un projet de loi qui, à première vue, apparaît être
assez exigeant. Cela suppose une infrastructure. Vous me direz que cela donnera
peut-être lieu à des mises en commun, là où il
pourrait se réaliser des échanges, peut-être. Mais,
concrètement, cela se présentait sous cet angle.
Peut-être que mon collègue pourrait compléter?
M. Bachand: Non, cela va.
M. Routhier: Mais c'est une modalité importante, pour le
moins qu'on puisse dire, pour ceux qui se voient pris à appliquer cela.
Ils auraient souhaité retrouver dans le projet de loi des indications
plus claires là-dessus. Et même pour ceux qui étaient
chargés de fournir de l'information complémentaire,
c'étaient des gros points d'interrogation auxquels on avait droit.
M. Giasson: Lorsque, parmi les inconvénients, vous citez
également le danger que la planification puisse amener le regroupement
de petites municipalités, est-ce que vous le percevez comme un
regroupement volontaire que ces municipalités décideraient, suite
au travail d'aménagement du territoire ou de développement de
plans d'urbanisme ou d'infrastructure, ou si vos gens craignaient un
regroupement qui serait imposé par le haut.
M. Routhier: La crainte, je pense bien, vous l'indiquez
vous-même dans votre question, mais je crois bien que les gens sur le
terrain sont de plus en plus réalistes. Ils comprennent bien qu'il n'y a
pas un gouvernement qui va s'aventurer là-dedans. Cela va se faire de
façon volontaire ou cela ne se fera pas. Mais il y a également
d'autres facteurs plus concrets qui sont, par exemple, le fait qu'il y a une
évolution démographique qui fait qu'il y a des petites
municipalités qui deviennent de plus en plus petites et il y a des
facteurs très concrets qui viennent accentuer une préoccupation
comme celle que vous formulez qui nous vient par un projet de loi comme
celui-là et par d'autres d'ailleurs. De plus en plus, cela remet en
question l'infrastructure dans les régions où sont les
municipalités, surtout les plus petites qui ont de moins en moins de
bassins pour se satisfaire. D'ailleurs, dans ce sens-là, je pense qu'il
serait intéressant d'avoir le commentaire d'un maire comme M. Rouillard
qui pourrait en même temps se référer à ce que les
gens vivent dans le comté de Shefford. C'est une préoccupation
comme celle-là, c'est également quand on parle d'appartenance
à une région comme la région 05.
M. Rouillard (Camille): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les députés, au niveau d'abord de la question
financière c'est ce que vous voulez avoir? nous, au
conseil de comté...
M. Giasson: La question financière et la crainte que la
planification qui pourrait découler de tout le travail pourrait
déboucher sur du regroupement de municipalités.
M. Rouillard: Non, la question ne s'est pas posée au
conseil de comté de Shefford, parce que nous travaillons d'abord depuis
cinq ans à l'administration de l'évaluation foncière et je
peux vous dire qu'au commencement de cela, strictement comme exemple, les
municipalités et les représentants des municipalités qui
étaient assis au conseil de comté regardaient presque leurs
voisins comme des ennemis.
M. Giasson: Des rivaux.
M. Rouillard: Après cinq ans de travail, avec tout ce qui
s'est établi au niveau de travail de camarades, je peux vous dire
aujourd'hui que la façon dont le comté de Shefford travaille,
c'est extrêmement plaisant de travailler dans un contexte où on
discute d'une entité globale. Il n'est pas question, à ce
moment-là, d'une municipalité en particulier; il n'est pas
question d'intérêts particuliers d'un individu ou d'une
municipalité, on discute toujours en fonction du comté. L'esprit
de travail qui s'est établi là, je pense, peut se refléter
dans une administration avec laquelle on peut discuter d'aménagement.
C'est pour cela que, dans le petit document que nous avons remis au ministre,
nous pensons que, de toute évidence, nous croyons que le
découpage des comtés, pour autant que nous sommes
concernés, parce que je parle strictement au niveau du comté de
Shefford, devrait être restreint le plus possible à celui que vous
avez actuellement, tenant compte, par contre, des régions
administratives où vous avez énormément de
problèmes actuellement et une partie du comté de Shefford est
affectée par les régions administratives. C'est que presque la
moitié du comté ou même plus, au départ, fait
affaires
avec la région no 5. Par contre, le comté de Shefford,
dans son entité, est rattaché à la région no 6.
Cela crée des problèmes énormes, au départ, au
niveau des services gouvernementaux.
Si, à l'intérieur de la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme, on ne fait pas la distribution, au départ, des
municipalités, suivant l'appartenance à la région
administrative, si vous faites un découpage avant de tenir compte de
cela, vous allez retrouver, à ce moment-là, le même
problème que celui que nous vivons actuellement. Cela fait dix ans qu'on
le vit chez nous. Si on est obligé de le vivre encore quinze ans, cela
fait vingt-cinq ans dans la vie d'un homme. Déjà, il a le temps
de changer de travail. Il n'est pas maire au bout de vingt-cinq ans. Mais il
reste un facteur, c'est que la population elle-même, en
général, a besoin de ces services-là et elle-même,
elle ne connaît pas les régions administratives, les limites
territoriales. En fait, c'est une ligne imaginaire pour beaucoup de monde. Elle
n'a pas besoin de cela, dans le fond, pour obtenir des services quotidiens.
C'est extrêmement important quand on parle d'une Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, au niveau de la population, pour les
besoins de la population. Je pense qu'au départ nous devons tenir compte
de l'appartenance administrative de la région avant de délimiter
des territoires sur lesquels la population n'aura pas à dire un seul
mot. C'est extrêmement important.
M. Giasson: Merci, M. le Président.
M. Rouillard: Au niveau de l'aménagement et du dollar
à répartir, c'est certain que, si la municipalité de
comté n'a pas les moyens financiers, elle va attendre tout
simplement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
féliciter les gens du CRD du mémoire qu'ils nous ont
présenté ce matin. Si on connaît autant de dynamisme dans
la région des Cantons de l'Est, c'est certainement dû en grande
partie aux gens du CRD, aux conseils de comté et aux maires. (11
heures)
Vous avez beaucoup parlé dans votre mémoire de
développement. Je vous pose une question à deux volets. C'est
sûrement parce que, pour vous, l'aménagement et le
développement, cela va ensemble. On ne peut pas faire
d'aménagement sans parler de développement et vice versa, ou
encore, c'est parce que vous vous attendiez que le ministre vous
présente un projet de loi où on parlait plutôt de
décentralisation. Est-ce que vous vous attendiez qu'on parle beaucoup
plus de décentralisation dans le projet de loi?
M. Routhier: On s'attendait à cela. Je crois que les
fascicules pouvaient nous donner à l'entendre. On devait faire une
lecture du projet de loi avec l'esprit qui a été
véhiculé par les fascicules.
Le fait d'associer le mot "développement" au mot
"aménagement", je ne vous le fais pas dire, je crois qu'en particulier,
il y a un fascicule qui donne nettement à entendre, en tout cas, qui
donne une très large définition au mot "aménagement" qui
est très voisine de celle de "développement". Donc, au niveau
conceptuel, je répondrais tout simplement oui, à votre question.
Quant au fait qu'il ne soit pas explicitement question de
décentralisation, je me référais à cela tout
à l'heure davantage en termes de pouvoir avec tout ce que cela suppose
de moyens assortis pour l'exercice d'un tel pouvoir que sont les ressources,
les moyens et tout le mécanisme qui permet l'exercice d'un pouvoir.
M. Goulet: Vous avez tenu des réunions de consultation et
d'information. Si la participation chez vous est à peu près au
niveau de tout ce que les intervenants nous ont dit, la participation est
très faible, comme à peu près dans toute la province. Il
va falloir en faire de la consultation, il va falloir faire participer les gens
avec ce projet de loi. Quelle en est la cause? Est-ce parce que les gens n'ont
plus confiance en ces réunions, n'ont plus confiance à ceux qui
véhiculent certaines idées et qui vont pour les défendre
dans les régions? Est-ce parce que la population croit que quand on
vient la consulter, les dés sont déjà pipés? Quelle
est votre impression, après avoir tenu ces réunions de
consultation et d'information, une si faible participation, exemple, dans trois
ou quatre villes, 15%, comme vous avez mentionné, hier, nous avons pris
connaissance de rapports où, dans certains endroits, c'était
encore beaucoup plus faible, à quoi cela tient-il, en grande partie?
Comment va-t-on faire dans l'avenir avec ce projet de loi quand on va vouloir
aller consulter? Si les gens ne participent pas, qu'est-ce que cela va donner
de consulter?
M. Routhier: Je crois bien justement qu'une participation de type
strictement consultatif où, par la suite, les gens qui consultent, font
ce qu'ils veulent, comme cela arrive dans plusieurs domaines, les gens
étant de plus en plus éclairés, acceptent de moins en
moins de jouer ce jeu. Je pense que ce n'est pas vrai seulement pour les
gouvernements au niveau provincial. C'est vrai à d'autres niveaux aussi,
même pour les organismes comme les nôtres.
Au-delà de la consultation, je crois que le message, à mon
sens, est assez clair. Cela n'a peut-être pas été aussi
accentué, mais c'est dans le même ordre que le projet de loi 90
qui est devenu la loi 90. Intéresser la population de façon
significative à des questions aussi importantes et globales que celle de
l'aménagement d'un territoire, cela impliquerait, à mon sens,
pour les prochaines années, des grosses commandes au ministère de
l'Education qui cherche quoi faire avec ces grosses infrastructures. Il y a des
opérations d'éducation populaire importantes à faire
auprès de la population, non seulement à l'endroit des jeunes,
mais aussi des adultes pour qu'ils devien-
nent capables graduellement d'assumer les responsabilités qu'on
veut leur confier. C'est presque aussi vrai pour les leaders, les gens
élus dans les municipalités, que les commissions scolaires et
autres. Alors, ce n'est pas suffisant de leur dire: Désormais, il faut
en même temps faire en sorte que ces gens soient capables d'assumer leurs
responsabilités.
M. Goulet: Vous ne croyez pas si on propose un
référendum consultatif, que cela n'a rien pour améliorer
les choses au niveau de la consultation. Les gens disent: Ils veulent nous
consulter, mais c'est seulement consultatif. Est-ce que les
référendums devraient être décisionnels? De cette
façon, on amènerait les gens à participer davantage parce
qu'ils diraient: Vraiment, notre façon de penser va être
véhiculée jusqu'en haut, et non pas seulement venir nous
consulter pour la forme, et après cela, faire ce qu'on veut bien faire.
Vous ne pensez pas que cela améliorerait de beaucoup cette
situation?
M. Routhier: Je ne répondrai pas selon ce que vous
voudriez, mais je vous dirai là-dessus qu'effectivement...
M. Goulet: Non, je ne veux pas... Ecoutez, mon idée est
faite, je vous le dis, mais je veux savoir ce que vous, vous pensez. Si vous
pouvez la changer, il n'y a pas de problème. Moi, écoutez, je
vais vous le dire. Pour moi, en tant qu'individu, un référendum,
dans ce cas-là, devrait être décisionnel. Maintenant, vous
n'êtes pas obligé d'être d'accord avec moi. J'aimerais que
vous me disiez ce que vous pensez, parce que vous avez fait de la consultation,
vous avez l'expérience de ça. Je veux savoir ce que vous, vous
pensez. Est-ce que cela améliorerait les choses?
M. Ouellette: Sa question est décisionnelle.
M. Routhier: Une consultation décisionnelle, il y a
presque une opposition dans les termes. Une participation de type
décisionnel, il faudrait peut-être faire référence
davantage à un concept comme celui-là, mais encore, si on regarde
les grands objectifs de la loi, il y a une harmonisation à une
échelle plus importante qui ferait qu'il ne faut pas penser pouvoir
harmoniser tous les desiderata de chacun des individus et des petits groupes.
Il faut penser dans une perspective un peu plus collective qui, jusqu'à
un certain point, sacrifie quelque peu des visées plutôt
individuelles ou de petits groupes. Alors, une véritable consultation de
type décisionnel à une petite échelle, je ne vois pas trop
comment on pourrait y parvenir, mais, au niveau graduellement des regroupements
de municipalités et même à l'échelle d'un conseil de
comté, une consultation ou une participation de type plutôt
décisionnel qui, en bonne partie, lierait les gouvernements
supérieurs, il faudrait peut-être faire un petit effort
d'imagination et tranquillement se diriger dans ce sens à mesure qu'on
sentira que les gens sont en mesure de prendre les décisions
éclairées, avec tout ce que ça suppose.
M. Goulet: M. le Président, avant de formuler ma
dernière question, je souligne certains points que j'ai retenus. Je
pense que les gens que vous avez consultés sont favorables au principe
du projet de loi, mais pas plus. On arrête de faire l'unanimité
à la minute où on arrête de parler du principe. Mais, ce
que je trouve drôle, c'est qu'on dise qu'il y a trop de consultation de
prévue, le processus sera très lourd. Egalement, les
dépenses... Naturellement, le ministre a dit qu'il donnerait l'argent en
conséquence, mais on ne sait pas combien et comment on va
procéder.
Vous soulignez également que la planification globale est
difficile parce qu'on risque de passer à côté des
problèmes locaux. C'est un peu ce que vous soulignez dans votre
mémoire, à moins que je ne me trompe et, une chose qui est
importante également, vous soulignez une perte de pouvoir, la peur, si
vous voulez, d'une perte de pouvoir municipal qui va s'en aller au niveau du
conseil de comté et du ministre. Au lieu de décentraliser, comme
les gens pensaient qu'on décentraliserait, ce que vous croyez, vous
autres, c'est qu'on va centraliser au niveau du conseil de comté. On va
plutôt faire le contraire. On va centraliser au niveau du conseil de
comté et de la décision du ministre.
Vous trouvez que le pouvoir du ministre va trop loin. Il y a un mot que
j'ai souligné dans votre mémoire, vous dites: C'est même
inquiétant. Mais, qui devrait servir d'arbitre, d'après vous, si
ce n'est pas le ministre? Ou, comme dira le ministre, le gouvernement ou le
Conseil des ministres, apparemment, ils ne sont pas tout à fait d'accord
là-dessus. Mais, d'après vous, qui devrait servir d'arbitre en
dernier lieu?
M. Routhier: Je comprends que vous avez fait une lecture
particulièrement attentive des réserves qui ont été
formulées et, en particulier, des inconvénients formulés
dans le terme de la première question. En tous les cas, nous
étions préoccupés de vous véhiculer ces
réserves pour que, au niveau de l'application, vous en teniez
compte.
Par contre, vous avez dû aussi faire une lecture attentive de la
deuxième recommandation, où il est fait état clairement
d'une volonté des gens de souscrire non seulement au principe, mais ils
sont même allés jusqu'à dire: II ne faudrait quand
même pas ergoter des années. En dedans de 18 mois, on devrait
procéder, sinon, le ministre devrait intervenir. Je pense que votre
question fait appel peut-être à une spécification un petit
peu plus grande du pouvoir qui est réservé au ministre pour qu'on
ne le retrouve pas à toutes les pages et, en particulier, dans des cas
comme ceux-là, quand il est clair et net que, sur une base territoriale,
une population ne parvient pas, faute d'un médiateur qui pourrait
être, à ce moment-là, le ministre ou son
délégué, justement, le ministre devrait intervenir. Mais,
essentiellement, le pouvoir
décisionnel devrait se situer dans les régions, justement,
dans les conseils de comté renouvelés qu'on veut mettre sur pied,
ce qui fait qu'il ne faudrait pas ne retenir que les réserves, les
modalités ou toutes les difficultés qu'on appréhende quant
à l'application. Je pense que, dans une région comme la
nôtre, où on veut sauvegarder la qualité de vie et
aménager le territoire de façon que les gens soient heureux, il
faut comprendre qu'essentiellement la population est favorable à un tel
projet et préoccupée tellement de le voir bien appliqué et
bien réalisé et elle s'est efforcée de pointer toute une
série d'éléments que le législateur doit examiner
de près au niveau du projet de loi, mais également quand viendra
le temps de l'appliquer. En définitive, la loi ne peut quand même
pas prévoir tous les petits détails.
M. Goulet: J'avais compris que la population était pour la
loi, mais elle a hâte de savoir qui va payer; c'est mentionné
assez clairement. Au niveau du droit de vote à la table du conseil de
comté, il y a une place où vous avez fait l'unanimité,
selon votre sondage, c'est une municipalité, un vote. Après cela,
il y a différentes idées qui ont été
véhiculées. Je ne sais pas si, dans votre région, il y a
beaucoup plus de villes qui sont rapprochées que dans certaines autres
régions où il n'y a qu'une grosse ville une grosse ville,
il faut s'entendre, disons de 50 000 à 75 000 habitants
comparativement à plusieurs petits villages de 500 ou 1000 habitants.
Est-ce que ça devrait être encore une municipalité, un
vote, à ce moment-là? Comment va-t-on faire pour vendre cette
idée à la ville de 60 000 ou 70 000 habitants comparativement
à une municipalité qui en a 1000? La municipalité qui a
1000 habitants va dire: On est d'accord avec le principe. Mais je ne suis pas
sûr que ça va être tout ce qu'il faut pour l'amener à
la table et lui dire: Viens discuter avec nous. Je ne sais pas si on pourrait
offrir autre chose.
M. Routhier: A une question aussi nuancée que la
vôtre, je pense qu'il faut faire une lecture plus
différenciée du Québec, actuellement, qu'à travers
un projet de loi, en ce sens qu'il se pourrait fort bien que, dans chacune des
régions, et je dirais même à l'intérieur de chacune
des régions, on devrait répondre selon la lecture locale que font
les gens. On n'envisage pas une réponse uniforme à
l'échelle de la province dans le cadre d'un projet de loi. Probablement
qu'au Québec on a dépassé cette époque, dans le
sens que chacun des milieux est tellement différent et que les gens y
vivent différemment. Il faut donc fournir des réponses
différentes à une question comme la vôtre. Dans notre coin,
comme vous dites, cela se présente différemment, sauf qu'il y a
Sherbrooke et la conurbation immédiate. A la discussion, c'était
moins clair pour nous, dans le cas de Sherbrooke.
Dans le cas des autres municipalités, c'est déjà
plus facile à identifier. Personnellement, la connaissance que j'ai du
Québec m'amène à croire qu'il se pourrait fort bien que,
dans d'autres régions, on répondrait différemment de ce
que je suis en train de faire.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le ministre, pour
le mot de la fin.
M. Léonard: M. le Président, messieurs les maires,
il me fait plaisir de recevoir ici, ce matin, à la commission
parlementaire, les membres du Conseil régional de développement
de l'Estrie. Je pense bien qu'on peut constater qu'ils ont fait un immense
travail en ce qui concerne l'aménagement et l'urbanisme et ce n'est pas
non plus d'hier que ça se fait.
J'aurais peut-être une remarque à faire en ce qui concerne
l'autonomie municipale puisqu'il en a été question ce matin.
Depuis quelque temps, on n'en entendait plus parler, mais, puisque le sujet
revient, ça me permet de rappeler certaines choses. La loi confirme les
pouvoirs des municipalités en urbanisme et les améliore. Il n'est
pas question de centraliser, d'esprit de centralisation dans cette loi. Ce
qu'on dit, c'est qu'il faut une table de concertation intermunicipale pour
régler des problèmes qui touchent et qui débordent le
cadre du territoire d'une seule municipalité. Toutes les lois ont connu
cela, tous les projets, tous les documents sur l'urbanisme et
l'aménagement ont reconnu qu'il fallait une table intermunicipale.
Il y a eu des projets qui étaient centralisateurs, qui partaient
de l'idée d'un plan global pour le Québec et des plans
régionaux et des plans au niveau de communautés régionales
ou de municipalités régionales. On connaît ces plans, cela,
c'était centralisateur, mais ce n'est pas ce que vous avez dans la loi.
Plus encore, même si on trouve qu'on donne beaucoup de pouvoirs au
ministre, à l'heure actuelle, les ministres ont à peu près
tous les pouvoirs, n'importe quel ministre et n'importe quelle agence ou
n'importe quel mandataire gouvernemental peut faire n'importe quoi sur le
territoire alors que, dans le projet de loi, le gouvernement et ses mandataires
se lient à respecter le schéma d'aménagement. Donc, c'est
un élément très important et je pense qu'il convient de
faire ressortir cela, parce qu'il ne faut pas, non plus, aussitôt qu'on
essaie de faire de la concertation intermunicipale, crier qu'on attaque
l'autonomie municipale. A un moment donné, les municipalités se
parlent; c'est ce que vous faites, effectivement; vous êtes là
à la table et vous vous parlez. Je pense que, quand l'Opposition vient
soulever de la poussière autour de cela, c'est de la poussière,
ce n'est pas pire que cela.
J'aurais une question à poser en ce qui concerne la
délimitation des comtés. Vous avez mené une consultation
sur ce sujet et il semble en ressortir un certain statu quo en ce qui concerne
la délimitation ainsi que l'appellation des comtés. Je pense que
le comté de Richmond, en particulier, en parle. Ne pensez-vous pas qu'il
serait nécessaire que l'ensemble de la population et des organismes
concernés puisse s'exprimer sur ces points, en ce qui concerne la
délimitation des comtés? (11 h 15)
M. Routhier: De fait, à notre point de vue, même si
cela peut comporter quelques exigences, il devrait être mené
systématiquement une consultation sur ce sujet auprès des
organismes concernés. Cela pourrait se faire au lendemain de l'adoption
du projet de loi. L'application à ce niveau est particulièrement
importante. Si, comme on l'a donné à entendre, c'est relativement
clair, en tout cas d'après nous, dans notre région,
d'après les gens qui se sont exprimés, il reste qu'on doit viser
à harmoniser les municipalités qui sont voisines d'Orford et qui
se retrouvent dans Brome. Egalement, il y a toute la problématique
soulevée par le groupe du comté de Shefford, ce matin. Il va
sûrement falloir qu'au niveau du législateur, elle soit
examinée bien concrètement. Qu'est-ce qui survient?
Peut-être qu'à ce moment-ci, vous voudriez intervenir à
nouveau?
M. Rouillard: Pas nécessairement, mais il reste que cette
loi, pour le comté de Shefford, pour les maires du comté et pour
la population, c'est extrêmement important, la question de la
délimitation du territoire. M. le ministre, vous en êtes au
courant, vous en êtes conscient. Il n'y a pas d'erreur que c'est une
consultation qui s'est faite au niveau des maires du comté, si vous
voulez, à l'intérieur de chaque municipalité.
Là-dessus, il y a une proposition qui est claire, qui vient du
comté de Shefford. Cela n'est pas une proposition définitive,
elle peut être rediscutée, il peut y avoir des modifications
d'apportées à cela. Mais l'essentiel de la proposition est dans
cela et nous aimons vous en faire part, parce que nous avons vécu un
problème depuis de nombreuses années et nous voulons
l'éviter dans les nouvelles délimitations des territoires.
Ce que je veux simplement ajouter à ce qui a été
discuté tout à l'heure, c'est qu'au niveau du comté, je
peux vous dire que la peur de perdre des pouvoirs au niveau municipal, cela
n'existe pas. Parce que nous avons vécu l'expérience de
l'évaluation et nous avons vécu d'autres expériences au
niveau du contact entre les municipalités. C'est essentiel pour nous, il
n'est pas question d'avoir peur de perdre des pouvoirs ou de perdre des petites
municipalités et de se faire avaler par des grosses. Cela n'est pas un
problème pour nous, pas du tout. C'est strictement un travail et nous
pensons également que nous ne pouvons pas discuter d'aménagement
de territoire strictement au niveau municipal ou local. C'est impossible.
M. Bachand: Je voudrais peut-être, si vous me permettez,
seulement compléter la réponse...
Le Président (M. Laplante): Très court, monsieur,
parce qu'on dépasse déjà le temps.
M. Bachand: Oui, c'est bref, seulement une minute. C'est que je
voudrais faire ressortir, dans le fond, la deuxième recommandation
où, on l'a dit déjà, les gens sont prêts à
procéder. Ils sont préoccupés du comment. On se permet une
suggestion qui est la deuxième recommandation et je pense que les
comités sont prêts à recevoir cette suggestion.
Peut-être qu'à ce moment les comtés seront aussi
prêts avec les municipalités à associer les groupes de la
population pour s'exprimer sur le territoire.
Lorsqu'on parle de confier immédiatement, au lendemain de
l'adoption du projet de loi, la responsabilité au comté, à
tout le moins de réunir les municipalités... En tout cas, c'est
une suggestion. Le délai de 18 mois qu'on prescrit, cela semble
important pour les gens du milieu peut-être plus associés que les
municipalités.
M. Giasson: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Seulement un mot, je reviens
après.
M. Giasson: Dans ses propos, tout à l'heure, le ministre a
fait allusion au charriage de l'Opposition qui tente de porter un jugement
selon lequel la loi 125 dénote un désir de centralisation. Cela
m'apparaît fondamental de rectifier, M. le Président, que, du
côté de l'Opposition libérale, on n'a jamais
déclaré cela. Autant j'ai déploré la centralisation
entre les mains de la Commission de protection du territoire agricole dans la
loi 90, autant je reconnais la volonté de l'actuel gouvernement de ne
pas centraliser par les dispositions de la loi 125, mais au contraire de se
montrer respectueux des pouvoirs des instances d'en bas. C'est une mise au
point que je tenais à faire parce que cela ne correspond pas du tout
à l'attitude de l'Opposition officielle, l'Opposition libérale.
On a porté un jugement sur les deux projets de loi et le jugement est
fort différent l'un par rapport à l'autre.
M. Léonard: C'est une autre partie de l'Opposition, en
tout cas.
M. Goulet: M. le Président, il n'y a pas de question de
privilège en commission parlementaire, mais je veux certainement
invoquer le règlement. Je n'ai pas fait d'affirmation, je me suis
référé au mémoire qui est devant moi, à la
page 9. Je lis, au bas de la page: Les inconvénients... ce n'est pas moi
qui ai écrit le mémoire, je posais la question aux
représentants de CRD; monsieur a dit le contraire là-bas, c'est
parfait il s'ensuit une perte du pouvoir municipal d'abord aux mains du
comté et ensuite du ministre. A moins que je ne n'aie pas le bon
mémoire. Ecoutez, à la page 9, il n'est pas question de tirer de
la poussière. J'ai fait allusion au mémoire et j'ai
demandé à monsieur de s'expliquer. Si quelqu'un a marché
sur le petit orteil du ministre, ce n'est pas ma faute, ce n'est pas moi qui
l'ai fait, ce matin. J'ai fait allusion au mémoire. C'est clair? Ne
venez pas parler de charriage!
Le Président (M. Laplante): Sur ce, messieurs, les membres
de cette commission vous...
M. Goulet: Ce n'est pas nous qui charrions ce matin, voyons!
Le Président (M. Laplante): ... remercient pour votre
participation.
J'appelle maintenant la Corporation professionnelle des urbanistes du
Québec. Monsieur, si vous voulez identifier votre groupe, vous
identifier, ainsi que les personnes qui vous accompagnent s'il vous
plaît.
Corporation professionnelle des urbanistes du
Québec
M. Tittley (Luc): A ma droite Serge Filion, Paul Saint-Jacques;
à ma gauche, Benoit Bégin et Richard Morency. Tous ces messieurs
sont des urbanistes qui sont soit en pratique privée, dans
l'enseignement ou dans la pratique en milieu gouvernemental.
Je suis Luc Tittley, président de la Corporation des urbanistes
du Québec.
Le Président (M. Laplante): Tout à l'heure, lorsque
j'ai pris une espèce d'entente avec vous pour le déroulement,
savoir essayer de vous en tenir à l'intérieur de 20 minutes pour
expliquer votre mémoire, vous m'avez formulé la demande
d'inscrire votre mémoire complet au journal des Débats. Est-ce
que ça tient encore?
M. Tittley: Oui, monsieur, ça tient encore.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que les membres sont
d'accord là-dessus?
M. Léonard: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Accordé, (voir
annexe)
M. Tittley: Vous avez sans doute compris que les urbanistes
accordent la plus haute importance à ce projet de loi,
l'épaisseur et peut-être la densité du mémoire qu'on
a soumis à la commission parlementaie en font foi, j'imagine. On m'a dit
que vous étiez tous très préparés à poser de
nombreuses questions, alors j'ai conclu avec le président de la
commission que je tenterais d'abréger le plus possible la
présentation comme telle de notre position sur le projet de loi.
Pour ce faire, je vais adopter une démarche qui ne suit pas tout
à fait la table des matières du projet de loi et je vais vous
indiquer en cours de route à quoi on réfère plus
spécifiquement.
Je pense que vous avez compris que d'une façon
générale, la Corporation des urbanistes du Québec souscrit
au projet de loi, aux principes qui le sous-tendent et qu'elle est
disposée à lui apporter sa plus entière collaboration.
Je vais commencer d'abord par les commentaires généraux,
dont le premier porte sur la délimitation des unités
territoriales. La Corporation professionnelle des urbanistes du Québec
reconnaît la pertinence d'une restructuration des corporations de
comtés municipaux. Elle croit aussi que les orientations qui sont
données dans les fascicules du Secrétariat à
l'aménagement constituent une base de discussion valable à cette
fin. Toutefois, elle croit nécessaire de soulever une mise en garde
à l'égard du danger de galvauder la notion de communauté
d'appartenance qui est sous-jacente à celle de la nouvelle
délimitation territoriale.
L'expérience de nos membres indique que la communauté
d'appartenance se situe davantage au niveau de la municipalité
qu'à celui du comté. La référence constante
à la communauté d'appartenance risque, à notre avis,
d'entraîner les municipalités à se regrouper en fonction
d'un dénominateur commun trop étroit pour permettre la
réalisation des buts de la décentralisation et notamment
l'aménagement rationnel du territoire.
Tout en reconnaissant qu'il n'y a pas de critères absolus pouvant
guider le regroupement, la CPUQ croit que le milieu municipal doit garder
à l'esprit que les comtés renouvelés deviendront la
structure de base de la décentralisation.
En conséquence, ils devront être constitués de
façon à pouvoir, premièrement, délimiter les
espaces qui reflètent des réalités économiques,
géographiques et socio-culturelles, traduire les liens
d'intérêt commun entre les municipalités faisant partie
d'une même agglomération urbaine le cas échéant et
entre les agglomérations urbaines et leur hinterland; fournir une base
de planification suffisamment substantielle pour justifier l'allocation des
ressources financières et humaines nécessaires à
l'accomplissement des tâches entraînées par la mise en
application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme; constituer une
structure politique et administrative pouvant plus efficacement assurer la
concertation entre la planification centrale et la planification locale;
contribuer réellement à l'objectif du gouvernement de
décentraliser des pouvoirs et de déconcentrer son administration;
établir une organisation politique ayant la capacité technique et
financière de mettre en place et d'appliquer les principaux instruments
de gestion de la planification.
Cette organisation doit permettre à l'autorité politique
décisionnelle de relier les objectifs du schéma à des
programmes de réalisation et aux moyens financiers et autres
nécessaires à leur mise en oeuvre.
La taille et les caractéristiques du territoire de la corporation
de comté doivent lui permettre de servir de base à une
décentralisation, à une déconcentration des services
gouvernementaux et à une concertation des différents agents. Mais
on ne saurait trop insister sur l'importance de délimiter ce territoire
de façon qu'il permette une assise géographique apte à la
planification et à la gestion adéquate de l'aménagement,
ce qui est le but du projet de loi qu'on étudie actuellement.
A ce sujet, nous nous permettons donc d'attirer l'attention du ministre
sur l'intérêt qu'il y aurait d'amorcer le processus de
révision prévu dans le projet de loi par une approche
plutôt régionale. Les expériences d'aménagement du
territoire au Québec militent en faveur de l'utilité d'une table
initiale de concertation plus large que celle des comtés, table
où les différents comtés seraient
appelés à s'ajuster. Cela nous permet de suggérer
au ministre l'intérêt de l'approche suivante lors de
l'émission de nouvelles lettres patentes: procéder d'abord
à l'échelle d'une sous-région à une
opération d'animation et de consultation où les
municipalités pourront identifier leurs différentes appartenances
et proposer les modalités relatives à leur regroupement à
l'intérieur de comtés renouvelés.
En quelque sorte, il s'agit de briser un peu le carcan artificiel que
constituent les comtés actuels.
Le deuxième point important porte sur l'aménagement et les
moyens de mise en oeuvre.
Malgré la perspective de la décentralisation, le projet de
loi 125 doit être vu avant tout comme le cadre de la pratique responsable
de l'aménagement et de l'urbanisme. La pratique responsable de
l'aménagement et de l'urbanisme, par quelque niveau de gouvernement que
ce soit, exige, d'une part, des instruments d'orientation et, d'autre part, des
instruments de mise en oeuvre de ces orientations. Les premiers
découlent de l'analyse des problèmes et de schémas, dans
le projet de loi. Les seconds s'appuient sur les pouvoirs de réglementer
et de dépenser des gouvernements. Ils prennent, en bout de ligne, la
forme de règlements d'utilisation du sol, notamment et de
bugets, programmes ou autres techniques de gestion budgétaire
équivalentes.
Le projet de loi fait état, et dans le détail, de certains
instruments importants de mise en oeuvre d'un schéma
d'aménagement et d'un plan d'urbanisme: les règlements de zonage,
de lotissement et de construction. L'utilité et le rôle normatif
de ces instruments ne sont plus à démontrer; leur affinement et
leur cohérence sont à parfaire.
Cependant, le projet de loi est un peu explicite sur un ensemble
d'instruments extrêmement importants du processus de planification et
qui, s'ils ne sont pas disponibles et appliqués, perpétueront une
situation qu'on impute d'ailleurs injustement aux urbanistes, les beaux plans
en couleur qu'on remise bien vite sur les tablettes.
La CPUQ est d'avis que les schémas et les plans d'urbanisme se
traduiront graduellement dans la réalité lorsque le processus de
planification sera intégré aux processus administratif et
décisionnel des autorités publiques et lorsque celles-ci
utiliseront les instruments appropriés de mise en oeuvre que sont les
divers outils de la programmation budgétaire basés sur les
objectifs des plans et les moyens disponibles.
Sans doute par souci de ne pas brusquer les choses, le gouvernement a
choisi de limiter le rôle des conseils de comté renouvelés
à la concertation intermunicipale en matière d'aménagement
et d'urbanisme. Le pouvoir de dépenser pour des services,
équipements, infrastructures et réseaux à caractère
intermunicipal reste entre les mains des municipalités locales qui
pourront, au mieux, concrétiser entre elles des ententes ad hoc.
La CPUQ s'étonne que le projet de loi ne prévoie pas
explicitement la possibilité pour les municipalités locales, dans
les comtés qui le dési- rent, de réaliser des
investissements intermunicipaux et de transférer au conseil de
comté leur pouvoir de dépenser dans certains domaines. (11 h
30)
Autre point, le comté et ses responsabilités en
matière d'aménagement. Le titre II du projet de loi no 125
prévoit la création de corporations de comtés
renouvelées comprenant les municipalités régies par le
Code municipal et par la Loi des cités et villes. Ces comtés
auront dans un premier temps comme seule responsabilité celle
prévue au titre II du projet de loi. Dans cette perspective, on est en
droit de s'étonner que l'article 2 ne rende pas obligatoire l'adoption
d'un schéma d'aménagement.
En effet, si cette obligation n'existe pas, il n'y a pas de relation
entre le titre I et le titre II du projet de loi. Comme organismes
décentralisés et responsables, les corporations de comté
renouvelées doivent donc être tenues d'assumer leurs
responsabilités ainsi que celles de leurs partenaires municipaux en
matière d'aménagement et d'urbanisme.
On a un titre sur les grands exclus de la loi que sont les
communautés urbaines. Le commentaire qu'on a à faire
là-dessus peut se résumer ainsi: L'exclusion des
communautés urbaines et régionales peut momentanément
s'avérer acceptable dans la mesure où, éventuellement, les
lois qui les régissent puissent être modifiées pour inclure
au moins les obligations que contient ce projet de loi au titre du
schéma d'aménagement. Par ailleurs, la spécificité
de ces communautés milite en faveur d'outils légaux d'urbanisme
différents de ceux prévus au projet et que seule une loi
spécifique pourrait leur confier.
Quelques commentaires sur le rôle du gouvernement, tel que
prévu dans le projet de loi, surtout le rôle du gouvernement lors
de la préparation du schéma. Le projet de loi prévoit que
le gouvernement participe à la préparation du schéma de
comté en transmettant au conseil ses orientations et des informations
sur les équipements et infrastructures dont il a la
responsabilité et qui peuvent affecter l'élaboration du
schéma.
Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait ici s'astreindre aux
mêmes règles que celles qu'il impose au comté, soit de
transmettre des documents préliminaires, assujettis, après
consultation, à être modifiés; se donner un délai
pour les transmettre, ce qui n'est pas prévu au projet de loi; s'obliger
à publier un résumé de ces documents, à l'intention
de la population; et s'astreindre à tenir des assemblées
publiques sur ces orientations, à la suite de quoi il pourra ajuster ses
orientations préliminaires, si vous voulez, dans le document
définitif.
Sur le pouvoir de modifier le schéma et le pouvoir d'intervention
spéciale, le projet de loi permet au gouvernement de participer à
la confection du schéma, d'exercer un droit de regard sur la
conformité entre le schéma et les orientations du gouvernement.
Il prévoit de plus que le gouvernement peut, après l'approbation
du schéma, modifier celui-ci si une intervention qu'il projette
ultérieurement est réputée non conforme par la
commission et que le comté, à la demande du ministre, ne modifie
pas son schéma.
On doit accepter la réalité de l'évolution dans le
temps des politiques et des interventions du gouvernement sur le territoire
d'un comté. Il devient nécessaire de prévoir un moyen qui
permette au gouvernement d'intervenir d'une façon non prévue au
moment de l'entrée en vigueur du schéma et d'une façon non
conforme au schéma possiblement.
Mais le pouvoir du ministre devrait se limiter à ce moment
à demander au conseil de comté de considérer une
modification à son schéma. Si le comté décide de ne
pas le modifier, le seul recours du ministre devrait être de créer
une zone spéciale d'intervention.
Les pouvoirs accordés au gouvernement par le chapitre VII du
projet de loi, de déclarer toute partie du territoire zone
d'intervention spéciale sont fort intéressants et vont donner au
gouvernement un outil depuis longtemps nécessaire.
Sur l'administration de la loi, à propos de la Commission
nationale d'aménagement, le projet de loi prévoit que cette
commission est un organisme administratif indépendant du gouvernement et
n'ayant aucune fonction judiciaire ou quasi judiciaire. Le mandat de cette
commission est de juger de la conformité entre les objectifs des
principaux actes ou interventions prévus au projet de loi; de servir de
registraire et de gardien des règlements, résolutions,
ordonnances, etc.
La commission est composée de cinq membres dont deux sont
nommés après consultation des organismes les plus
représentatifs des municipalités et des comtés.
Le rôle de la commission est prévu comme n'exerçant
aucune fonction judiciaire ou quasi judiciaire. D'ailleurs, le titre III du
projet de loi reporte les sanctions et recours à la Cour
supérieure. L'on sait, par conséquence, que l'accès
à la Cour supérieure implique de longs délais et des
coûts élevés.
De plus, le droit de l'urbanisme connaîtra, avec l'adoption du
projet de loi, une complexité accrue, une jurisprudence et des avenues
ouvertes à l'innovation en matière de législation et de
réglementation. Conséquemment, il y aurait lieu de s'interroger
si le gouvernement ne devrait pas envisager la création d'un tribunal
spécialisé ou d'une chambre de l'aménagement et de
l'urbanisme ayant des fonctions judiciaires en la matière.
Concernant l'intégration de la Commission nationale de
l'aménagement à la Commission municipale du Québec: En ce
sens et afin d'éviter le chevauchement des organismes administratifs
oeuvrant avec les administrations locales, les fonctions dévolues
à la Commission nationale de l'aménagement pourraient être
confiées à l'actuelle Commission municipale du Québec ou
à une section administrative "aménagement" relevant de cette
dernière. Il va de soi que l'actuelle loi constituant cette commission
devrait être modifiée. Cependant, il faut se rappeler que
l'actuelle Commission municipale du Québec est déjà
opérante et a déjà une expérience administrative de
gestion avec les administrations locales; elle approuve déjà les
règlements d'emprunts municipaux, ce qui permettrait d'unifier la
gestion de ces règlements, à la lumière des avis que le
conseil de comté doit formuler relativement aux règlements
d'emprunts.
Cette recommandation découle, en fait, de l'importance qu'on
accorde à assurer le lien entre les moyens de mise en oeuvre ou les
budgets et la planification.
Les modalités de fonctionnement et d'opération des
conseils de comté: Le projet de loi prévoit que les corporations
de comtés renouvelées comprendront non seulement les
municipalités régies par le Code municipal, mais aussi celles
régies par la Loi des cités et villes. Le projet de loi ne
délimite aucun territoire, ni ne fixe de façon définitive
les modalités de représentation; il ne fait qu'habiliter le
gouvernement à émettre des lettres patentes pour créer ou
modifier les corporations de comté.
Toutes les modalités administratives proposées dans les
documents sur la décentralisation ne sont pas retenues dans le projet de
loi. Certaines sont pourtant essentielles à la mise en oeuvre du projet
de loi et au fonctionnement des conseils de comté.
Les commissions du conseil de comté. Le fascicule 4 indique que
le conseil de comté pourrait mettre sur pied des commissions
permanentes. Ainsi, dans le domaine de l'aménagement, le conseil
pourrait confier à une commission permanente le soin de travailler
à la préparation d'une politique ou à la solution de
problèmes particuliers du comté. Actuellement, tout ce qui est
prévu, c'est une commission permanente pour s'occuper de la
consultation. Compte tenu de l'ampleur du processus de consultation, il y
aurait lieu d'envisager que l'ensemble de ce processus, comme tout autre sujet
directement relié à la mise en oeuvre du schéma
d'aménagement, puisse être confié à une commission
permanente du conseil de comté.
Les comités consultatifs. Nous croyons que le conseil de
comté devrait être habilité à se doter d'un
comité consultatif d'urbanisme formé de membres choisis parmi les
membres du conseil, les résidents des municipalités et les
représentants régionaux ou locaux des principaux intervenants sur
le territoire. En vue de faciliter la participation plus directe des principaux
intervenants du territoire, notamment les commissions scolaires, les compagnies
de services d'utilité publique, l'UPA ou des organismes de ce type, ce
comité devrait avoir des pouvoirs d'étude et de recommandation en
matière d'aménagement.
De plus, nous croyons que les municipalités devraient conserver
leurs pouvoirs visant à instituer des comités d'urbanisme ayant
les mêmes pouvoirs que ceux indiqués à l'article 126. Il
faut se rappeler que les problèmes urbains et d'aménagement rural
débordent le territoire d'une municipalité et que quatre ou cinq
municipalités peuvent élaborer conjointement leurs politiques
d'urbanis-
me. C'est surtout d'intérêt dans les comtés
où il y aura plusieurs municipalités et des municipalités
urbaines et rurales qui puissent fonctionner en comité, si vous voulez,
pour les problèmes qui les touchent chacun de leur
côté.
Le soutien administratif et technique aux opérations
d'aménagement. Le projet de loi, croyons-nous, devrait indiquer la
possibilité pour le conseil de comté de retenir le personnel
technique nécessaire à la réalisation de ses mandats et
confirmer la présence de l'officier responsable de l'exécution
des décisions du comité administratif et du conseil de
comté.
On peut également penser, particulièrement en milieu
rural, à une formule de collaboration entre les municipalités et
le conseil de comté afin que le personnel technique appelé
à travailler à l'élaboration du schéma
d'aménagement de comté travaille également à la
préparation des plans et règlements d'urbanisme. Cette formule
permettrait au personnel technique de maximiser la connaissance du territoire
et du milieu socio-économique. Donc, le projet de loi devrait
spécifier que le conseil de comté peut retenir le personnel
technique nécessaire à l'élaboration du schéma
d'aménagement de comté et à ses modifications
subséquentes. Deuxièmement, qu'une municipalité peut
mandater le conseil de comté pour procéder à sa place aux
services d'engagement, de rémunération et de mise en
disponibilité du personnel compétent pour les fins de confection,
de préparation et de mise en application des plans et règlements
d'urbanisme.
Passons à la participation des citoyens. La consultation des
citoyens, parce qu'il s'agit plutôt de consultation que de participation,
sur le contenu des règles d'aménagement qui vont les affecter est
essentielle. Elle peut engendrer, dans son application, des implications
administratives et financières importantes et entraîner des
délais sérieux dans l'adoption de nouveaux règlements.
Ces délais vont signifier un prolongement de la durée
d'application des contrôles intérimaires qui sont, par
définition, inadéquats. On ne peut éviter totalement ces
implications. Leurs inconvénients seront, dans la majorité des
cas, très inférieurs aux bénéfices
qu'entraîne une grande participation des citoyens aux décisions
qui concernent l'aménagement de leur territoire.
Il y a lieu cependant de s'interroger sur la pertinence de certaines des
modalités de consultation prévues au projet de loi. La CPUQ croit
qu'une certaine souplesse devrait être accordée aux conseils de
comté en ce qui a trait aux modalités qu'ils peuvent adopter pour
informer la population du comté sur les propositions
préliminaires et la version définitive du schéma. Ces
modalités devraient être transmises en même temps que la
proposition préliminaire à l'article 15 et que la version
définitive.
Cette souplesse devrait s'appliquer aux règles de l'envoi des
résumés. On pourrait, par exemple, par l'intermédiaire de
journaux ou autres media, informer la population dé la proposition et
des endroits où on pourrait obtenir gratuitement un
résumé, par exemple, au bureau de poste, à
l'épicerie ou des endroits que les gens fréquentent
régulièrement.
Ensuite, le nombre des assemblées publiques, après la
première assemblée, peut difficilement faire l'objet d'une
règle fixe dans la loi. Les conditions particulières de chaque
comté rendent impraticable une telle règle.
Le projet de loi devrait se contenter de fixer un minimum
d'assemblées. Les procédures de modification ne devront faire
l'objet de consultation qu'auprès des populations des
municipalités qui sont touchées par ces modifications et si les
assemblées publiques donnent lieu à une véritable
consultation, le conseil de comté devrait être en mesure de
modifier la version dite définitive du schéma. Ce qui n'est pas
prévu, d'ailleurs, au projet de loi, c'est qu'après la
dernière assemblée de consultation, le conseil puisse modifier
son schéma. Un article à cet égard devrait être
inséré entre les articles 23 et 24.
Pour ce qui est du référendum, la CPUQ comprend mal
pourquoi il s'insère avant l'adoption du schéma. A notre avis, le
contenu de l'article 24 devrait être situé après l'article
26. De plus, dans le but de lui donner une réelle signification, le
référendum devrait être décisionnel. Une fois que le
conseil du comté a adopté un schéma définitif, les
citoyens pourraient réclamer un référendum.
J'abrège...
Le Président (M. Laplante): Je vous prierais de faire plus
vite. Cela fait déjà 25 minutes et il vous reste encore 30 pages
à résumer. Le ministre me fait part qu'il a beaucoup de questions
à vous poser et on doit finir à 12 h 30.
M. Tittley: Est-ce que vous préférez que je
m'arrête là et qu'on passe directement aux questions?
Le Président (M. Laplante): Oui, si vous avez une couple
de points très importants que vous aimeriez signaler, donnez-les, mais
rapidement.
M. Tittley: D'accord. En gros, sur le contenu du schéma,
on est satisfait, dans l'ensemble, de ce qui est prévu au projet de loi.
On attire l'attention de la commission sur les documents d'accompagnement, qui
doivent rendre disponible à tous ceux qui sont régis par le
schéma la documentation pertinente qui explique et justifie les choix
qui sont faits et qui établit les priorités qui en
découlent en termes d'investissements intermunicipaux, dans le cas du
schéma, et municipaux, dans le cas des plans d'urbanisme.
Ces documents, à notre avis, doivent être disponibles
à tout citoyen qui désirerait compléter l'information
qu'il aura obtenu par le biais des résumés qui sont
envoyés à chaque citoyen.
Concernant le plan d'urbanisme, notre recommandation principale, en ce
qui a trait au contenu, c'est de transférer le contenu facultatif de
l'article 80 à l'intérieur de l'article 79 et d'en faire un
contenu
obligatoire, parce que nous croyons que le plan d'urbanisme doit
être autre chose que des grandes orientations et des grandes
affectations, quelle que soit la taille de la municipalité, d'ailleurs.
Il s'agit d'un outil de travail essentiel qui exige un minimum de contenu s'il
doit servir à informer les citoyens et orienter la prise de
décision. (11 h 45)
On a aussi des remarques sur les documents d'accompagnement qui sont
peut-être un peu plus compliqués. Concernant les
règlements, dans notre mémoire, il y a un grand nombre de
recommandations spécifiques sur des amendements à apporter aux
articles touchant les règlements. Notre remarque générale,
c'est qu'on s'étonne que le gouvernement n'ait pas profité de
l'adoption d'une loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour régler
un grand nombre de problèmes causés par la pratique de
l'urbanisme au Québec et, si vous voulez, d'innover quelque peu dans le
domaine législatif, parce qu'on s'est contenté de refondre, si
vous voulez, ce qui existait dans la présente législation.
Je voudrais terminer en invitant le ministre à pallier la
faiblesse des outils de contrôle prévus par la loi en instituant,
par la loi, un organisme permanent de révision des mécanismes de
planification et de contrôle d'utilisation du sol dont le mandat serait,
entre autres, de refondre progressivement c'est-à-dire de
poursuivre la réflexion dans le domaine des contrôles la
législation concernant l'aménagement et l'urbanisme, de
développer des approches légales nouvelles aux problèmes
de l'urbanisme, de normaliser les procédures administratives et les
termes de la réglementation municipale, d'animer la recherche dans le
domaine de l'urbanisme et d'inciter des expériences pilotes.
La corporation porte aussi à l'attention du ministre
l'intérêt qu'il aurait de promouvoir le développement des
connaissances des citoyens du Québec en matière
d'aménagement et d'urbanisme; de toute façon, c'est sans doute
une évidence.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, de votre
coopération. M. le ministre.
M. Léonard: M. le Président, M. le président
de la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec ainsi que
ceux qui l'accompagnent, je voudrais d'abord souligner la qualité du
mémoire qui nous a été présenté. Je pense
que c'est un mémoire très étoffé et des plus
complets qu'il nous ait été donné de prendre connaissance
ici à cette commission. Cela fait suite je l'ai su, par ailleurs
à plusieurs journées d'étude et de consultation
auprès des membres de la corporation; c'est vous dire le sérieux
avec lequel il a été préparé. Cela reflète
aussi l'esprit de collaboration que la corporation entend apporter aux
différents paliers lors de la mise en oeuvre de la loi, je pense bien.
Cela démontre que les urbanistes du Québec peuvent tout de
même trouver satisfaction dans le travail des institutions politiques en
matière d'aménagement.
Le mémoire fait ressortir l'appui que la corporation donne au
projet de loi du gouvernement et je voudrais en souligner certains points qui
touchent le projet de loi. D'abord, vous dites que le projet constitue une
approche pertinente aux grands problèmes du Québec en
aménagement et en urbanisme. Vous êtes d'accord, aussi, avec le
fait que la municipalité soit l'institution politique responsable de
l'aménagement. Je pense que vous êtes d'accord avec le fait que
des municipalités puissent se regrouper en fonction d'un territoire
à définir et se concerter sur la façon dont elles
entendent aménager leur milieu. Vous êtes aussi d'accord avec le
choix que nous avons fait de l'institution du conseil de comté
élargi aux villes comme base de la concertation intermunicipale et vous
êtes d'accord avec les dispositions du projet de loi qui assurent la
cohérence des différents instruments d'urbanisme entre eux et la
continuité nécessaire du processus du projet de loi de
planification. Vous êtes aussi d'accord avec les règles qui sont
contenues au projet de loi pour assurer l'information et favoriser la
consultation des citoyens. Enfin, vous êtes d'accord avec le pouvoir
d'intervention spéciale que le gouvernement s'est donné.
Je pense que cela résume, en gros, les grands appuis que vous
donnez à ce projet de loi et je pense qu'il s'agit là des
articulations essentielles du projet de loi. Je crois bien que c'est un appui
d'importance, compte tenu de ce que vous faites comme corporation
professionnelle.
Je voudrais vous assurer que les commentaires très judicieux, les
recommandations que vous faites, en particulier d'ordre technique et en
particulier, aussi, celles qui ont trait aux instruments de planification,
seront prises en considération ultérieurement, après cette
commission, puisqu'il s'agit ici d'entendre les gens et, par la suite, nous
tenons compte, dans la mesure du possible, de leurs recommandations et de leurs
commentaires.
Il y a certaines suggestions que vous nous faites qui sont très
intéressantes et qui concernent la délimitation du territoire,
les différentes techniques modernes de planification, de
développement et de contrôle du territoire. Il y a une
recommandation que je relèverais et qui nous posera sûrement des
problèmes et ce n'est pas sûr que nous pourrions la retenir. C'est
que vous voulez rendre obligatoires les contenus de 79, 80 et une bonne partie
de 81 pour les municipalités, c'est-à-dire que vous voulez en
faire un contenu obligatoire exhaustif. Je ne sais pas si, cette
fois-là, cela va respecter l'autonomie municipale. Compte tenu que nous
croyons que les collectivités locales sont les plus aptes à
définir leurs besoins, leur cadre de vie, je pense que cela leur revient
de choisir comme instrument ce qui leur convient le mieux. En tout cas, ce que
nous avons visé, c'est qu'il y ait un minimum, quitte aux
municipalités ou aux collectivités locales à aller plus
loin, si elles le désirent. Je pense que cela ne
les empêche pas de le faire, mais nous ne voulons pas à ce
stade-ci les forcer à tout mettre ce qu'il y a dans les articles 80 et
81 dans le contenu obligatoire de 79.
Je voudrais maintenant vous poser un certain nombre de questions sur le
mémoire. Vous accordez une grande importance à la
délimitation des comtés et je pense que c'est exact que c'est
important. Vous suggérez que cette délimitation et ce travail
s'effectuent à l'échelle d'une sous-région, au moins d'une
sous-région. J'aimerais que vous puissiez nous expliquer ce que vous
entendez par "sous-région". Il y a les grandes régions
administratives, il y en a dix au Québec présentement. Les
sous-régions, on peut les considérer comme des découpages
des régions ou des parties de ces régions administratives;
j'aimerais que vous nous précisiez ce que vous entendez par
"sous-région" dans votre mémoire.
M. Tittley: Les sous-régions comme telles n'existent pas
au point de vue fonctionnel, sauf dans la région de Montréal
où, dans les faits, il y a des sous-régions plus ou moins
officielles. L'idée, c'est en fait cela n'est pas le terme qui
est important c'est plutôt la notion d'amener les
municipalités à réfléchir à leur
regroupement sous forme d'un comté renouvelé dans un cadre qui ne
soit pas trop biaisé au point de départ. Biaisé, cela
n'est pas péjoratif nécessairement, mais disons qu'elles sont
déjà encadrées à l'intérieur des structures
des comtés municipaux, lesquels il suffit de considérer
une carte du Québec, des comtés du Québec n'ont pas
toujours une forme particulièrement logique pour des fins
d'aménagement. La tendance naturelle va quand même être soit
de vouloir rester à l'intérieur des structures, des
délimitations existantes ou de se regrouper en fonction du plus petit
dénominateur commun qui, dans l'esprit de bien des municipalités,
va refléter la notion de la communauté d'appartenance. Ce qu'on
voudrait, c'est que, dans la phase qui va précéder le
début de l'émission de lettres patentes, le ministre fasse, ni
plus ni moins, de l'animation dans les régions avec les
municipalités et les amène peut-être à sortir un
petit peu des carcans dans lesquels elles sont aujourd'hui, de
reconsidérer d'une façon peut-être plus objective pourquoi
elles devraient se marier ensemble à l'intérieur d'un nouveau
comté.
M. Léonard: Vous parlez d'une assise géographique
apte je vous cite à la planification et à la
gestion adéquate de l'aménagement. Est-ce que vous entendez
il s'agit d'un critère, je pense bien une
géographie humaine plutôt que physique? Quelle est la
pondération que vous apporteriez dans ces deux termes, ces deux
critères?
M. Tittley: La géographie humaine a peut-être plus
d'importance que la géographie physique, s'il faut donner une importance
relative à chacune, mais, la plupart du temps, on constate que les deux
ne sont pas entièrement divorcées l'une de l'autre. Je veux dire
que la géographie humaine, c'est réalisé dans un cadre
physique qui a souvent influencé la façon dont les gens sentent
qu'ils appartiennent à une région ou à une
sous-région donnée. On n'a pas été très
spécifique dans les critères, parce qu'à mon sens, il n'y
a pas lieu d'être spécifique dans les critères. Parce qu'il
faut laisser, je pense... L'important au fond, c'est qu'il faut que les gens
soient prêts à travailler ensemble. Même si cela correspond
à une délimitation qui est un peu aberrante, à la rigueur,
cela me semblerait en fin de compte acceptable, si on a fait l'effort d'essayer
d'amener les gens à reconsidérer cela et qu'enfin, ils disent:
Nous autres, on est bien avec eux autres et on n'est pas capable de s'entendre
avec les autres. Finalement, c'est mieux ça que d'en arriver à
une délimitation qui, au point de vue théorique, peut avoir l'air
très intéressante, mais qui, en pratique, ne fonctionnera pas
parce que les gens ne sont pas capables de s'entendre entre eux.
M. Léonard: A ce moment-là, le processus pour
arriver à délimiter le territoire est très important.
Est-ce que vous avez des idées sur ce processus-là? Pourriez-vous
en parler davantage?
M. Tittley: J'ai suivi...
M. Léonard: II y a des mariages qui se font vite, des
fois, si les gens s'entendent.
M. Tittley: Ce sera sûrement très variable d'une
région à l'autre. Je suis personnellement de la région de
Montréal, alors je connais plutôt cette région-là,
mais je sais que, dans d'autres régions comme dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean ou dans des régions plus
périphériques...
M. Léonard: II y a quelqu'un qui vous a déjà
dit que vous étiez plus fertile sous le nez qu'entre les deux
oreilles.
M. Goulet: Non, vous parliez des mariages qui se font vite, je
voulais savoir à qui vous vouliez faire allusion.
M. Ouellette: Ce n'est pas dans la loi 125 de toute
façon.
M. Goulet: Je m'excuse.
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
M. Tittley: Je pense que j'ai un peu perdu le fil...
M. Léonard: Oui, je vous comprends. Mais le
député de Bellechasse...
M. Goulet: C'est la faute du ministre, ne vous en faites pas.
M. Léonard: C'est effrayant de faire ça, c'est lui
qui a fait ça.
M. Saint-Jacques (Paul): Ce qui est suggéré, M. le
ministre et M. le député... Dans le projet de loi, on parle de
partir de la région ou de la sous-région, lorsque les
régions sont grandes, pour amener les gens à se redéfinir
des liens d'appartenance et à se redéfinir pour suggérer
des modalités et des définitions des nouveaux territoires des
municipalités de comté. On ne pense pas que la région ou
que la sous-région doit devenir elle-même un comté, mais on
pense qu'il y a déjà une certaine tradition gouvernementale, on a
énormément d'informations, de connaissances à partir des
régions actuellement, et que la région pourrait être un
point de départ intéressant à la discussion des
municipalités entre elles...
M. Léonard: La région ou la sous-région.
M. Saint-Jacques: Oui, selon les... M. Léonard: Oui.
M. Saint-Jacques: ... territoires impliqués, les
populations impliquées et les problèmes impliqués.
M. Léonard: Une deuxième question; je constate que
vos recommandations allongent les éléments obligatoires du plan
d'urbanisme, vous en avez parlé tout à l'heure. Avez-vous
considéré que, dans la formulation que vous proposez à
l'article 79, il y a plusieurs municipalités de petite taille et n'ayant
pas un rythme de croissance très élevé qui seront soumises
à cet article? Avez-vous considéré l'impact que peut avoir
sur la spéculation foncière l'obligation d'inclure à un
plan d'urbanisme les phases de développement urbain et les zones
prioritaires?
M. Tittley: Je...
M. Léonard: Est-ce que vous avez compris la question? Le
premier volet de la question, c'est: Si on allonge de beaucoup les
éléments obligatoires du plan d'urbanisme, vous savez qu'il y a
de très petites municipalités, 300, 500 habitants, moins de 1000
habitants, c'est la majorité des municipalités, qui devront
inclure ça à leur plan d'urbanisme, ce qui va vraiment être
coûteux et lourd à porter pour elles. D'autre part, si on
précise, dans le plan d'urbanisme, des éléments
très précis sur le développement urbain et les zones
prioritaires, ne croyez-vous pas que ça va entraîner ou que
ça risque d'entraîner la spéculation foncière?
M. Saint-Jacques: Je pense qu'il faut que le projet de loi
tranche d'un côté ou de l'autre. Nous pensons qu'un projet de loi
sur l'aménagement et l'urbanisme doit donner aux municipalités
qui ont des problèmes les outils nécessaires pour résoudre
ces problèmes. La grande majorité des gens au Québec
habitent dans des municipalités de plus de 5000 habitants. Il y a un
danger pour nous, en tentant de ne pas pénaliser inutilement les petites
municipalités, de se retrouver avec un contenu obligatoire au plan
d'urbanisme qui ne soit pas le minimum vital nécessaire pour faire de
l'urbanisme dans des municipalités qui ont des problèmes.
On ne sait pas où se poserait exactement la limite, mais on pense
que le projet de loi ne va peut-être pas assez loin dans le contenu
obligatoire. (12 heures)
M. Tittley: II faut dire aussi que la traduction des exigences du
texte de loi à l'égard du plan d'urbanisme, dans le concret, pour
une petite municipalité, cela n'aurait pas la même envergure que
pour une grosse municipalité, quand on parle du tracé
projeté des voies de circulation, s'il n'y a que deux rues dans votre
village, il n'en coûte pas bien cher et ce n'est pas une grosse
opération. C'est pour cette raison qu'on pense que, selon l'envergure et
l'importance de la municipalité, finalement, la concrétisation de
ces exigences va varier.
De plus, beaucoup de ces éléments, dans les milieux
ruraux, probablement, vont avoir déjà été
établis au niveau du schéma de comté. Il va y avoir
tendance, n'ayant pas l'expertise technique et n'ayant pas beaucoup de moyens,
non plus, de plutôt chercher à mettre le maximum dans le
schéma de comté, et ensuite, si la loi exige un contenu plus
important au niveau du plan d'urbanisme, les gens n'auront qu'à prendre
les éléments qui auront déjà été
inclus au schéma et dire: Ces éléments font partie de
notre plan d'urbanisme.
Pour la question de la spéculation foncière, il y en a
peut-être un qui veut s'aventurer là-dessus.
M. Filion (Serge): Je continue. On cherche à
éviter, par une recommandation comme celle-là, une certaine
aberration qui peut se produire. Il y a certaines municipalités au
Québec actuellement, qui sont, non pas surplanifiées, parce qu'on
n'en fait jamais trop, mais où il y a quand même des
équipes de professionnels qui y font un travail de fond.
Cela se traduit, dans la pratique, par un resserrement des normes de
développement et d'aménagement. Et on en remarque une
conséquence directe. Le développement s'en va tout simplement en
saut-de-mouton un peu plus loin. On atteint le contraire de l'objectif du
projet de loi 125, c'est-à-dire qu'en permettant à certains
territoires de ne pas se planifier selon un minimum vital cohérent, on
invite le développement à fuir les zones d'accueil qui seraient
les plus susceptibles de contrôler ce développement et on risque
de créer énormément de problèmes. Je ne veux pas
prendre d'exemples concrets, mais je pense que tous et chacun d'entre nous,
ici, on en a à la mémoire. Il y a des municipalités
proches des grandes régions urbaines qui construisent actuellement plus
de logements, qui ouvrent plus de rues, et qui n'ont aucun fonctionnaire, qui
n'ont aucun élu à temps plein. On pense que c'est une situation
qu'il n'est peut-être pas souhaitable d'établir dans tout le
Québec.
Peut-être que la solution possible et envisageable, ce serait un
certain contrôle, par le biais, soit de la commission
d'aménagement ou de la
commission municipale, par exemple, sur les dépenses des
municipalités en vertu de l'existence d'un plan
d'aménagement.
M. Léonard: En tout cas, le schéma va quand
même apporter des précisions là-dessus, en
déterminant les périmètres d'urbanisation. Cela va
indiquer aux gens là où le développement devrait s'en
aller.
M. Filion: Oui. Vous avez mentionné un autre point
important, si vous le permettez, M. le ministre. Vous avez parlé de
spéculation tantôt. Vous avez parlé aussi de schéma
d'aménagement. Il y a un certain problème aussi que crée
la Loi sur le zonage agricole, qui se résume comme suit: A un moment
donné, on veut aménager le Québec, on veut protéger
les terres agricoles, on veut, par contre, éviter la spéculation
et prévoir beaucoup de terrains où le développement urbain
va pouvoir se faire.
Or, les deux objectifs sont un peu contradictoires. C'est pourquoi,
à partir du moment où et je pense que c'est pour cela
qu'on est connu au Québec, pour avoir diffusé à
l'extrême notre urbanisation pour lutter contre la spéculation et
maintenir les prix de terrains assez bas effectivement, si on fait un
zonage agricole, si on fait des schémas d'aménagement et
je pense que là, il faut être réalistes chaque
municipalité pourrait avoir un schéma d'aménagement qui
prévoit l'accueil de la croissance urbaine de tout le Québec. Ce
n'est pas le territoire qui nous manque. Cela nous apparaîtrait aberrant
aussi. Il va falloir avoir des zones d'expansion urbaine qui collent à
nos besoins réels de développement et à ce
moment-là, on risque de se retrouver avec des zones potentielles
d'accueil de développement. Et si on n'a pas des mécanismes qui
vont au-delà de la loi, par exemple, des mécanismes de
réserves foncières ou des choses comme cela, qu'on mentionne dans
le mémoire, on risque d'encourager ou de favoriser une certaine
spéculation, il va sans dire.
M. Léonard: Est-ce que vous avez évalué
l'impact d'obliger, par la loi, l'adoption d'un schéma
d'aménagement, dans un certain délai lors de la création
des comtés, ou, en tout cas, du comté renouvelé? Je pense
qu'il faut se rappeler ici qu'il y a des délais qui vont être
nécessaires, avant l'émission des lettres patentes et qu'il va
s'agir d'une institution nouvelle. Il va falloir qu'elle s'organise, qu'elle
fonctionne et qu'elle s'entende sur des objectifs communs. Alors, si on oblige,
cela veut dire quoi?
M. Tittley: Tout dépend du délai que vous imposez
pour produire le schéma. Si les délais sont trop courts, c'est
évident que vous allez bousculer les gens au moment où ils
viennent juste de se marier et il va falloir qu'ils accouchent tout de suite.
Tandis que si le délai est quand même de l'ordre comme on
l'a mentionné dans le mémoire de trois à cinq ans,
je pense que les gens peuvent s'habituer à vivre ensemble et en arriver
à produire le schéma.
Cinq ans, c'est le délai qu'a pris la CRO pour produire son
schéma. Elle se trouvait exactement dans le même genre de contexte
que celui dans lequel vont se trouver les comtés à la suite de
l'adoption du projet de loi 125. Il nous semble bizarre de créer des
comtés renouvelés dont le but est de favoriser la concertation
intermunicipale et, en fait, de faire un schéma et de ne pas les obliger
à le faire. Personnellement, je ne trouve pas cela très
logique.
M. Léonard: Vous affirmez que les schémas et les
plans d'urbanisme se traduiront dans la réalité, lorsque le
processus de planification sera intégré au processus
administratif et décisionnel des autorités publiques municipales
et lorsque celles-ci utiliseront les instruments appropriés de mise en
oeuvre. Cela ressort bien de votre texte. Pouvez-vous discourir sur les
recommandations que vous faites aux pages 23 et 27 de votre mémoire et
qui ont comme objet le pouvoir de dépenser?
M. Bégin (Benoît): Cette partie-là, M. le
ministre, du projet de loi a retenu notre attention pendant assez longtemps.
Nos recommandations sont fondées sur l'expérience vécue au
Québec jusqu'à maintenant à partir des moyens qui nous
étaient donnés et aussi à partir des expériences
vécues ailleurs, tant au Canada, aux Etats-Unis qu'en Europe. On en
arrive à la conclusion que si on veut vraiment que cette loi devienne
efficiente, c'est-à-dire qu'elle se traduise éventuellement dans
les faits, il va falloir qu'il y ait une sorte d'enchaînement logique et
des boucles, une sorte de mécanique, en définitive, de roue
d'engrenage qui parte du schéma d'aménagement et qui devienne
légal et qui se traduise également par des moyens de mise en
oeuvre, des instruments qui sont définis par la loi, mais aussi que tout
cela soit relié au processus décisionnel des conseils de
comté aussi bien que des conseils municipaux, non seulement dans
l'adoption des règlements, mais également dans la mise en oeuvre,
c'est-à-dire par le biais principalement des budgets. C'est par le
budget, en définitive, que la loi et que les schémas, aussi bien
que les plans d'urbanisme, vont finalement retrouver leur application dans le
concret et vont amener la loi, en plus de cela, à trouver vraiment cet
équilibre de réalisme que l'on veut y apporter entre les
prévisions du schéma, les prévisions du plan et les moyens
que les municipalités ou les corps publics auront à leur
disposition pour la réalisation des objectifs et des programmes du
plan.
Dans un premier temps, ce que l'on suggère, c'est qu'avec le
schéma et les instruments, les conseils de comté aussi bien que
les conseils municipaux soient appelés à faire une programmation
budgétaire des dépenses capitales et que, d'année en
année, ce soit une sorte de programmation à rouleau. Là,
on ne veut pas entrer trop loin dans les théories qui ont
été énoncées jusqu'à maintenant sur ces
opérations-là, ces mécanismes-là qui sont mis en
oeuvre, mais que, dans un premier temps, on s'astreigne à des
réalités plutôt simples par lesquelles les programmations
budgé-
taires deviennent les guides à l'adoption des budgets et que ces
budgets ne soient pas simplement des budgets tels qu'on les a conçus
jusqu'à maintenant, des budgets pour fins comptables, mais que ce soient
des budgets qui traduisent les volontés de réaliser le plan ou
les objectifs que l'on a prévus dans le plan. Ceci entraîne
forcément une perception nouvelle, mais, en même temps, une
perception nouvelle du rôle décisionnel, une perception nouvelle
du rôle du plan et du schéma, comme une perception nouvelle de la
façon de dépenser dans les municipalités.
M. Léonard: Ne croyez-vous pas que si on poursuit cette
logique, finalement, dès que les élus municipaux vont mettre
quelque chose dans le schéma, la population sera entraînée
à croire que cela va se réaliser très rapidement, que cela
va constituer pratiquement des engagements quant à la
réalisation, alors qu'une planification, ce sont quand même des
perspectives?
M. Bégin: M. le ministre, un schéma va
prévoir des choses à court, moyen et long termes et le
schéma devrait prévoir une évaluation des coûts,
anticiper des équipements. De cette façon, les corps publics
devraient être en mesure de voir si, dans cinq ans, ils auront les moyens
financiers pour pouvoir réaliser leurs prévisions. C'est à
ce moment-là que l'adéquation va se faire entre les
prévisions et les moyens et qu'on saura si les prévisions
pourront être réalisées grâce aux moyens qui seront
disponibles.
M. Morency (Richard): Si vous permettez, je vais ajouter à
cela que la notion de conformité entre la planification
budgétaire et la planification territoriale a aussi comme avantage
sérieux de faire sentir aux corps publics qui ont la
responsabilité de la planification que le geste qu'ils vont poser en
préparant le schéma engage des actions. Au moment de la
planification, on se donne des politiques, on se donne des objectifs, et on
dit: II faudrait peut-être prendre telle ou telle mesure dans le
temps.
Le problème que vous soulevez peut être facilement
et il l'est couramment contourné simplement en prévoyant
des étapes à un certain échelonnement des actions à
poser dans le temps suivant les horizons. Je pense qu'on peut contourner ce
problème au niveau de la population.
Etant donné que la programmation budgétaire normalement
pluri-annuelle qui devrait accompagner un schéma s'échelonne sur
trois à cinq ans, cela ne viserait forcément que les actions qui
sont prévues dans le schéma ou dans le plan directeur pour ce
moyen terme. On peut là-dessus se référer aux
expériences, entre autres, des municipalités régionales
ontariennes, où cette notion de conformité des dépenses
avec le schéma... C'est dans la Loi de l'urbanisme de l'Ontario depuis
les années cinquante. On ne pourrait pas s'imaginer planifier
sérieusement au niveau de ces régions qui regroupent des
municipalités, comme on veut le faire aussi au niveau des comtés,
sans y agencer du même coup toute la planification des dépenses
capitales.
On avait deux lacunes au Québec, on en a deux jusqu'à
maintenant à ce niveau, au niveau de nos schémas d'urbanisme,
c'est-à-dire qu'on a préparé depuis quinze ou vingt ans un
tas de schémas. On n'a jamais eu la nécessité, d'une part,
d'une conformité entre les instruments de contrôle des
réglementations et le schéma. Le projet de loi corrige cela. Ce
qui manque, c'est l'autre pendant, c'est au niveau de la conformité des
actions à poser en termes d'investissements avec le schéma. Cela
nous laisse un peu sur notre faim, parce que, pour ceux qui sont dans la
pratique depuis plusieurs années, comme la plupart de nous ici, on s'est
fait souvent reprocher, les urbanistes, de faire des plans finalement qui ne
menaient à rien, mais c'est parce que les instruments n'y sont pas. On
nous en donne un maintenant avec la notion de conformité. Je pense qu'il
y aurait à faire un pas de plus au niveau de la conformité des
dépenses d'investissement.
M. Léonard: Votre mémoire fait état que le
projet de loi devrait imposer au gouvernement les mêmes règles de
concertation que celles qui sont fixées aux municipalités. Je
pense que les modalités de fonctionnement du gouvernement sont
évidemment très différentes de celles des
municipalités. D'une part, la coordination des interventions
gouvernementales s'effectue, à l'heure actuelle, par les
ministères d'Etat et par des comités de coordination, et, d'autre
part, le projet de loi prévoit qu'en cas de conflit entre les
orientations d'un comté et celles du gouvernement, ses ministères
et mandataires, c'est au gouvernement, c'est-à-dire au Conseil des
ministres, qu'il appartient d'effectuer l'arbitrage. Compte tenu de ce
préambule, pouvez-vous élaborer votre pensée sur les
règles de concertation interministérielle que le projet de loi
aurait dû inclure, compte tenu des commentaires de votre
mémoire?
M. Tittley: Est-ce que vous pouvez me référer
à la page, parce qu'on a traité cette question sur deux points de
vue...
M. Léonard: II y a une section "Rôle du
gouvernement".
M. Tittley: A la page 58... M. Léonard: A la page
58.
M. Tittley: Oui, on parle du rôle du gouvernement dans la
préparation du schéma, mais je pense que l'extrait que vous avez
cité ne vient pas de ce bout. Ici, on dit que c'est au niveau de la
transmission de la position du gouvernement.
M. Léonard: A la page 58, on dit: Le gouvernement devrait
s'astreindre aux mêmes règles que celles qu'il impose au
comté, etc.
M. Tittley: S'astreindre à tenir des assemblées
publiques sur ses orientations?
M. Léonard: Oui, s'obliger à publier un
résumé.
M. Tittley: Oui, d'accord. Si vous voulez c'est au niveau de la
procédure de consultation qu'on dit que le gouvernement devrait
s'astreindre à une consultation sur ses politiques plutôt que de
les... Je crois que le projet de loi prévoit deux moments où le
gouvernement présente des positions préliminaires, et ensuite une
position définitive. On suppose qu'entre les deux il aura tenu compte
des réactions à sa proposition préliminaire et qu'il aura
peut-être modifié cette position dans sa proposition
définitive. Mais on se demandait s'il ne devrait pas aller
jusqu'à tenir une consultation quelconque dans le comté sur sa
proposition préliminaire et recueillir directement de la population, si
vous voulez, des réactions à ses propositions. C'est dans ce sens
qu'on disait ça.
Il y a aussi la question des résumés. Il n'est pas
spécifié dans le projet de loi si le gouvernement va informer la
population en général de ses orientations ou s'il va informer
uniquement le comté. On peut présumer que l'intention
était d'informer le conseil de comté des intentions du
gouvernement, mais ce n'est pas tout à fait la même chose que
d'avoir un débat plus ouvert sur cette question.
M. Léonard: Vous proposez les zones d'aménagement
différé. Il y a déjà dans la loi la
détermination de périmètres d'urbanisation. Quels sont les
avantages d'amener en plus des zones d'aménagement
différé, les avantages ou les désavantages? (12 h 15)
M. Tittley: D'une façon générale, la
recommandation concernant... On dit qu'il n'y a pas beaucoup d'innovations et
il y a quand même un certain nombre d'éléments sur lesquels
on aurait peut-être pu se pencher. Le Québec n'a pas mis en
application ce genre de mesures innovatrices, si vous voulez, qui existent
quand même depuis plusieurs années dans d'autres pays. C'est un
reproche en passant et on se disait: C'est un peu drôle, au moment
où on prépare une loi sur l'urbanisme, qu'on n'ait pas
essayé d'innover quand même un petit peu dans le domaine de la
législation.
Mais il y a peut-être lieu de procéder aussi par
étapes et, dans une étape ultérieure, de peut-être
en arriver à ces choses. On pourrait peut-être vous faire des
commentaires sur le fonctionnement de ces zones d'aménagement
différé, l'intérêt que ça peut
présenter.
M. Filion: Je pense que les zones d'aménagement
différé ou les zones à urbaniser en priorité sont
d'autres instruments juridico-politiques que les gouvernements peuvent avoir,
encore une fois, comme on le disait tout à l'heure, pour diriger le
développement sur le territoire.
Le fait qu'on décrète un périmètre
d'urbanisation ne nous garantit pas qu'il ne se passera pas des gestes
d'urbanisation à l'extérieur du périmè- tre et que,
par contre, à l'intérieur du périmètre, il ne
restera pas des zones qui ne s'urbaniseront pas, c'est-à-dire qui ne
resteront pas agricoles pendant un certain laps de temps. Ce n'est pas si
mathématique que ça et on sait aussi, pour faire
référence un peu à ce qu'on disait tout à l'heure,
que l'urbanisation au Québec, c'est le fait, en tout cas, d'une
multitude d'agents individuels. Alors, l'urbanisation, c'est quelque chose de
progressif. On commence avec une municipalité rurale. A un moment
donné, on adopte des règlements d'emprunt, on se dote d'un
conseil, on se dote d'un pouvoir d'emprunt. On commence à ouvrir des
rues, à donner des services et, finalement, cela essaime partout sur le
territoire. L'idée d'avoir des zones d'aménagement
différé, c'est, par exemple, pour des fins agricoles ou autres,
pour des fins d'aménagement du territoire, pour réserver
ultérieurement ces zones ou encore tout simplement en considérant
qu'on n'a pas besoin de ces territoires et en l'avouant bien simplement, c'est
reporter systématiquement l'urbanisation de ces zones à des
périodes ultérieures. Naturellement, les ZAD ou les zones
d'aménagement différé doivent s'accompagner de zones
à urbaniser en priorité, à partir du moment où,
collectivement, on a fait le choix de connaître un certain
développement. Evidemment, tout ça, ce sont des instruments;
qu'on parle de collectivités nouvelles, qu'on parle de ZAD, de ZUP, je
pense que, finalement, ce sont tous des instruments qu'on n'a pas
expérimentés au Québec, qui nous viennent, pour la
plupart, des Etats européens. Aux Etats-Unis, c'est surtout l'entreprise
privée qui utilise les formules qui, essentiellement, visent les
mêmes fins, c'est-à-dire de concentrer le développement
dans des endroits géographiquement précis.
Je pense que c'est un problème fondamental qui ressort dans
l'analyse de la loi, on ne sent pas, à travers le projet de loi, qu'il y
a corrélation entre le geste de l'aménagement du territoire, la
protection du territoire et, en arrière-pensée, l'industrie ou le
responsable du développement. On sait que, depuis les dernières
années, il y a des mutations importantes qui sont en train de se faire.
Traditionnellement, au Québec, le développement s'est fait par
une multitude de petites entreprises, de petites agences qui faisaient peu
d'unité chaque fois. On est bien obligé de se rendre compte que,
au cours des dernières années, il y a un phénomène
de concentration extrêmement important. Ce phénomène de
concentration donne de plus grands moyens financiers, de plus grandes
capacités d'impact sur le paysage.
Justement, l'idée des ZAD ou des ZUP est justement de
reconnaître ce fait de la concentration et du développement et de
la traduire par une concentration géographique. Pour faire
référence à ce que je disais tout à l'heure,
à partir du moment où on concentre le développement dans
un endroit, on ne peut pas garantir un monopole à une entreprise, aussi
grosse et aussi valable soit-elle. Il y a tout un ensemble de questions que
nous amène à nous poser le projet de loi: Qui va faire le
développement du Québec? Comment va-t-il se
faire? Si, non seulement nous voulons, nous, Québécois,
gérer l'aménagement du territoire fait par d'autres ou si nous
voulons participer de plus en plus à ce développement. Il y a des
institutions dont on dispose qui sont là pour cela et qui font partie de
cette analyse verticale de l'entreprise du développement, qui sont les
municipalités, qui sont le Mouvement Desjardins et autres.
M. Léonard: A l'article 14 du projet de loi, on
crée une commission des conseils de comté pour consulter sur les
propositions préliminaires, définitives, etc. Vous dites que
cette commission devrait comprendre des représentants de groupes eVou
d'associations. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi? Dans
l'article 14, c'est prévu que ce sont les membres du conseil de
comté qui font partie de la commission, donc les élus, alors que
vous proposez des représentants d'associations, de groupes ou même
du public en général.
M. Saint-Jacques: II y a eu de mauvaises interprétations
de langage. Habituellement, on voit un conseil s'organiser en comités,
par exemple, un comité des finances, un comité des loisirs, etc.
La commission, habituellement, est réservée à un organisme
consultatif formé de gens du conseil et de gens qui ne font pas partie
du conseil.
M. Léonard: Cela va.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Messieurs, je voudrais
tout simplement vous féliciter pour la qualité du mémoire
que vous déposez devant la commission. Je regrette de ne pas avoir eu
suffisamment de temps pour l'examiner plus en profondeur; d'ailleurs, je me
propose d'y revenir même en dehors de la commission. C'est tout à
votre honneur. Il est vrai que vous êtes des spécialistes de
l'aménagement et des questions d'urbanisme, mais au-delà de cela,
vous apportez certainement une contribution et un éclairage qui aurait
manqué si nous ne l'avions pas eu dans l'ensemble des études et
de la recherche que le gouvernement et les députés poursuivent
par la loi 125.
J'avais différentes questions à vous poser, mais le
ministre, au cours des derniers instants, a touché à plusieurs
questions qui m'étaient venues à l'esprit, mais tout de
même... Vous avez indiqué, quelque part dans le mémoire,
que vous auriez souhaité qu'une obligation soit faite au nouveau conseil
de comté de procéder coûte que coûte à la
réalisation d'un schéma d'aménagement.
Ne croyez-vous pas qu'en définitive, si l'appui financier doit
venir du gouvernement supérieur et auquel le gouvernement s'est
engagé suivant l'indication que nous avons déjà dans le
dernier discours du budget, vous n'avez pas l'impression que dans l'ensemble du
Québec la très grande majorité des conseils de
comté, des nouveaux conseils de comté, vont être soucieux
de procéder à la confection de ce schéma? Peut-être
que si les coûts sont trop élevés pour l'ensemble des
conseils de comté et des citoyens qui les composent, si le coût
est trop élevé, il y aura hésitation ou retard à
procéder. Mais, si l'équilibre financier est possible,
n'avez-vous pas l'impression que chacun des nouveaux conseils de comté
va se faire un devoir et va être heureux de vivre l'expérience de
l'aménagement en procédant rapidement aux étapes
prévues en vue de déboucher sur la réalisation qui suit un
schéma, soit de procéder à de l'urbanisme, à de
l'aménagement et à tout ce qui en découle?
M. Tittley: On peut imaginer qu'un conseil de comté
renouvelé qui se forme, il se crée en fait pour satisfaire aux
obligations de la loi. Sinon on resterait chacun de son côté. Si
on ne voulait pas faire d'aménagement, on ne chercherait pas à se
regrouper dans un comté renouvelé pour passer toute cette
étape qui peut être passablement longue avant qu'on finisse par
s'entendre sur la délimitation du territoire, les modes de
représentation, etc.
Dans ce sens, peut-être que ce que vous dites est vrai, mais on se
dit: Pour ceux qui ont choisi d'essayer de former un comté
renouvelé, étant donné que c'est pour faire de
l'aménagement qu'ils se sont imposé cette tâche, pourquoi
ne dit-on pas dans le projet de loi que, conséquemment, ils doivent
faire une schéma? S'ils ne veulent pas faire de schéma, ils ne
chercheront pas à se regrouper en comté renouvelé. Parce
que la raison d'être des comtés renouvelés, si je comprends
bien la loi, c'est de faire de l'aménagement, ce n'est pas à
d'autres fins.
M. Giasson: C'est cela.
M. Tittley: Si on avait fait une loi sur le regroupement en
comtés renouvelés en vue de donner toutes sortes de pouvoirs aux
comtés renouvelés autres que l'aménagement, je dirais:
C'est une autre question. La façon dont la loi est faite, c'est que cela
se trouve dans la même loi et c'est à des fins
d'aménagement. Conséquemment, il me semble que c'est essentiel
que ce soit obligatoire. Ceux qui ne voudront pas faire d'aménagement ne
chercheront pas à se regrouper en comtés renouvelés,
j'imagine. A moins que, d'une part, le gouvernement veuille les amener dans les
comtés renouvelés et ensuite, dans une autre étape, les
amène à faire de l'aménagement. Mais la façon dont
la loi est faite, je suis porté à croire que c'est logique que ce
soit obligatoire.
M. Giasson: J'ai cru comprendre, également dans votre
mémoire que vous déplorez un peu et que vous regrettez que, dans
les grandes communautés urbaines que nous avons au Québec, il n'y
ait pas encore d'obligation de procéder beaucoup plus rapidement
à des schémas d'aménagement et à l'exécution
de ce qui va en découler. Est-ce que vous le déplorez ou le
constatez tout au moins à partir d'une situation qui fait que c'est
peut-être à l'intérieur de ces territoires des
communautés urbaines où il y a la plus grande urgence de
procéder, en matière d'urbanisme et
d'aménagement?
M. Tittley: La constatation, c'est surtout que, d'une
communauté à l'autre, il y a des différences dans la loi
et, si on part des plus anciennes vers les plus récentes, les plus
récentes sont davantage proches du texte de loi et les plus anciennes en
sont davantage éloignées. Ce qu'on dit, c'est que c'est normal
que, dans un avenir rapproché, les communautés, comme celle de la
Communauté urbaine de Montréal, aient des lois adaptées
pour refléter des principes sous-jacents à cette loi-ci. Je pense
que les principes qu'on retrouve dans cette loi sont applicables autant
à la Communauté urbaine de Montréal qu'ils le sont
à Saint-Clin-Clin ou n'importe où. C'est un peu dans ce
sens-là, mais on comprend que cela n'ait pas été inclus
dans la loi comme telle, parce que c'est un problème quand même
beaucoup plus complexe. D'ailleurs, le ministre semble s'être
adressé à la communauté urbaine en lui suggérant de
prendre elle-même l'initiative de modifier ses lois dans ce sens. C'est
une approche qui en vaut bien d'autres.
M. Giasson: Votre mémoire fait également des
remarques assez détaillées sur le sujet des documents
d'accompagnement. Pour vous autres, comment expliquer l'importance aussi grande
que vous attachez à la production de tels documents?
M. Tittley: II y a deux préoccupations. Une de ces
préoccupations est de s'assurer que le public en général,
la population puisse avoir accès aux documents qui ont servi de base
à l'élaboration du schéma, le schéma étant
le résultat finalement sur lequel les gens sont entendus et, par le fait
même aussi, implicitement obliger les comtés ou les
municipalités à faire des études sérieuses pour en
arriver au schéma et non pas se réunir trois ou quatre fois
à une table et pondre un document d'intentions et dire à la
population: C'est ça qu'on pense qui devrait être l'avenir de la
municipalité. Qu'il passe au travers d'un certain processus d'analyse
rigoureuse minimale où on analyse d'abord la situation, où on
considère des options qu'on évalue.
On dit, en fin de compte: Voilà ce qu'on a choisi et voilà
pourquoi. Que ce soit consigné quelque part, d'une façon bien
explicite. C'est cela l'intention, si vous voulez. Et le projet de loi n'aborde
pas cette question. C'est sans doute parce qu'on considère que c'est
implicite qu'on fasse cela, mais je crois qu'il est nécessaire que ce
soit explicité.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Bellechasse. Est-ce que vous avez une autre question, M. le
député de Montmagny-L'Islet?
M. Giasson: Non. M. le Président, étant
donné que nous sommes pressés par le temps, je cède la
parole à mon collègue de Bellechasse.
M. Goulet: Juste une question, M. le Président. Il est
déjà 12 h 30. Je reviens sur une question de mon collègue,
le député de Montmagny-L'Islet. Lorsque vous parlez de
comtés renouvelés, vous dites que les comtés
renouvelés deviendront la structure de base de la
décentralisation. Les conseils de comté devront viser la
décentralisation des pouvoirs et voir à déconcentrer
l'administration gouvernementale. Mais et vous ajoutez un "mais"
on ne saurait trop insister sur l'importance de délimiter ce territoire,
de façon qu'il permette une assise géographique apte à la
planification et à la gestion adéquate de
l'aménagement.
D'après vous, si je comprends bien, les comtés
renouvelés, si on restructure les comtés, ne devraient pas viser
essentiellement l'aménagement du territoire, tel qu'on en discute dans
le projet de loi 125, tel que visé dans le projet de loi 125, mais
plutôt viser l'idée qu'un jour ou l'autre, cela deviendrait des
genres de gouvernements locaux, régionaux.
M. Tittley: Dans l'idéal, si on accorde le moindrement de
foi aux grands projets de décentralisation du gouvernement, les
municipalités devraient peut-être garder à l'esprit
qu'elles auraient intérêt à se regrouper, d'une
façon telle qu'elles puissent un jour s'insérer, sans
modification de structure et de délimitation de territoire, dans la
perspective de la décentralisation. (12 h 30)
Mais, à court terme, le seul élément concret
d'après lequel elles peuvent juger, c'est la loi 125. Il y a des
municipalités qui vont dire: On verra plus tard pour le projet de
décentralisation. On va d'abord se regrouper pour les fins de la mise en
oeuvre de la loi 125, quitte à faire des réajustements
ultérieurement.
Dans certaines régions, les gens vont peut-être vouloir
prendre les devants et se regrouper d'une façon qui leur permettrait un
jour d'assumer les responsabilités de décentraliser depuis
Québec. C'est pour éviter je ne sais pas combien de temps
cela va prendre à tous les cinq ans, de chambarder les structures
régionales, de changer les limites, parce que cela ne convient pas aux
objectifs qu'on peut avoir et tout cela. C'est pour cela qu'on a émis
cette mise en garde sur le danger de se regrouper en trop petites
unités, parce que c'est là surtout que le problème va se
poser quand il va s'agir de faire de la décentralisation. Si
l'unité est trop petite, elle sera incapable de gérer des
pouvoirs décentralisés. Les gens devraient garder cela à
l'esprit.
M. Goulet: Une courte question, M. le Président, si vous
permettez. Vous dites, à un moment donné: Si le ministre demande
au conseil de comté de modifier son schéma d'aménagement
et si le conseil de comté ne veut pas, il resterait au ministre tout
simplement à décréter une zone d'intervention
spéciale. Un peu plus loin, vous essayez de défendre
l'idée que cela prendrait un
tribunal spécialisé. Je ne sais pas, il me semble qu'il y
a une...
M. Tittley: II n'y a pas de relation entre les deux.
M. Goulet: Justement, si le ministre demande à un conseil
de comté de renouveler son schéma d'aménagement et que le
conseil de comté ne veut pas, je verrais, plutôt que le ministre
décrète une zone d'intervention spéciale, qu'on se
réfère à la commission, au tribunal
spécialisé, comme vous l'appelez, et c'est lui qui
décidera. Parce que vous suggérez vous-même un tribunal
spécialisé. Dans un cas semblable, si le conseil de comté
ne veut pas, au lieu que ce soit le ministre qui décrète une zone
d'intervention spéciale, ne croyez-vous pas qu'il serait opportun que ce
soit le tribunal spécialisé qui décide s'il doit y avoir
une zone d'intervention spéciale ou de modifier le schéma, oui ou
non, qui a raison entre les deux?
Une Voix: La loi des mesures de guerre!
M. Goulet: La loi des mesures de guerre, ah bon!
M. Tittley: Je peux vous donner une réponse courte, mais
je ne peux pas être d'accord avec votre suggestion, en gros, parce qu'il
s'agit de deux niveaux de problèmes différents, je pense.
M. Goulet: Pas quant à moi.
M. Tittley: Le tribunal, vraiment, c'est sur des questions de
détails, des conflits, un citoyen d'une ville qui attaque sa
municipalité parce qu'elle n'a pas respecté...
M. Goulet: Ah bon!
M. Tittley: Ce sont des questions de ce genre-là.
M. Goulet: D'accord. Mais s'il y a un conflit, par exemple, entre
une municipalité et le conseil de comté ou le conseil de
comté et le ministre, vous ne voyez pas un tribunal
spécialisé?
M. Tittley: Non, ce n'est pas pour ces fins-là.
M. Goulet: Vous le voyez seulement pour un citoyen. Pourquoi
est-ce que ce ne serait pas bon pour l'autre?
M. Tittley: C'est pour remplacer les appels à la Cour
supérieure qu'on le mentionne dans le projet de loi. C'est uniquement
pour ces fins-là.
M. Goulet: Pourquoi un tribunal spécialisé ne
pourrait-il pas intervenir quand il y a un conflit entre une
municipalité et un conseil de comté? Il ne pourrait pas lui aussi
faire un...
M. Saint-Jacques: Parce que ce sont des conflits sur des choix
politiques et non pas des conflits sur des choix légaux, je pense.
M. Goulet: Je vous remercie. C'est malheureux que le temps soit
aussi limité.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le mot de la
fin.
M. Léonard: Je remercie encore une fois la Corporation
professionnelle et ses représentants d'être venue ici. Je pense
que cela a été très utile pour tout le monde. J'aurais eu
encore beaucoup de questions à poser. Peut-être qu'on vous
rencontrera, je l'espère bien, et qu'on pourra poursuivre nos
discussions là-dessus. C'est une hypothèse. Merci beaucoup.
Une Voix: Je voudrais m'excuser...
Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de
cette commission vous remercient de votre précieuse participation.
Avant d'ajourner, je prierais le rapporteur de faire rapport à
l'Assemblée nationale que nous avons terminé l'étude des
mémoires relativement au projet de loi no 125, Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme.
Je vous remercie très sincèrement de la coopération
que vous avez bien voulu apporter tout au cours de l'étude de ces
mémoires.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.
Fin de la séance à 12 h 35
ANNEXE
Projet de loi no 125 sur l'aménagement et
l'urbanisme
Mémoire soumis par la Corporation
professionnelle des Urbanistes du Québec
INTRODUCTION
Apporter des commentaires au présent projet de loi 125 sur
l'aménagement et l'urbanisme a été considéré
comme la tâche la plus importante que devait accomplir le Bureau de la
Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec au cours de la
période de discussion publique de cette loi.
Le comité mandaté pour le Bureau, à cet effet, a
travaillé en collaboration avec les sections régionales de la
Corporation (Québec, Montréal, Outaouais) et les associations des
urbanistes conseils et des urbanistes municipaux. A son avis, le projet de loi
aurait pu bénéficier d'une période de réflexion et
d'échanges plus longue. Nous aurions aimé soumettre plusieurs des
procédures prévues au projet de loi à divers exercices de
simulation reflétant le grand nombre de contextes différents dans
lesquels elles seront appliquées.
Il aurait par ailleurs été plus éclairant pour
juger de son économie si le projet de loi avait pu être
évalué avec des notions plus précises sur les
réformes envisagées à l'égard des gouvernements
"locaux", des nouveaux partages fiscaux, du code civil et des lois municipales
actuelles. Dans le même ordre, mais pour des raisons de manque de
ressources, la Corporation n'a pas pu examiner comme elle le souhaitait les
rapports de ce projet de loi avec les lois en vigueur ayant une portée
sur l'aménagement, tel que le zonage agricole, les règlements
concernant la protection du milieu.
Le mémoire de la Corporation soulève d'abord des questions
de portée générale ayant trait aux objectifs, à la
conception, aux mécanismes et aux résultats anticipés de
la loi telle que formulée. Dans un deuxième temps, il s'attache
à des commentaires sur des thèmes qui sous-tendent la structure
de la loi. Ceux-ci débouchent le plus souvent sur des recommandations
spécifiques en vue d'amender le projet de loi.
La Corporation s'est éloignée, sauf lorsqu'il semblait
plus expéditif de faire autrement, d'une facture conduisant à la
reformulation d'articles précédés par les arguments
justificateurs. Les ressources et mécanismes dont disposent le
gouvernement sont mieux préparés à une telle tâche
et mieux avertis également de l'ensemble des commentaires parvenant
d'autres intervenants.
Enfin, la Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec se
réjouit de la préoccupation marquée du gouvernement
à l'égard des divers problèmes de l'aménagement
rationnel des territoires ruraux et urbains, par le train de mesures
législatives adoptées ou à l'étude qu'il produit
à cet effet et, plus particulièrement, du courage et de la
clairvoyance qu'il montre par son intention de doter le Québec d'une loi
sur l'aménagement et l'urbanisme.
L'étude de la Corporation est soumise dans un esprit constructif
de collaboration et avec l'espoir qu'elle suscite une attention
particulière réciproque. Les membres de la Corporation ne sont
pas sans savoir que ce sont eux les professionnels de l'aménagement et
de l'urbanisme, qui auront à assumer la partie substantielle des
opérations techniques de la mise en oeuvre de cette loi.
SOMMAIRE
Suite à la consultation initiée par le ministre d'Etat
à l'Aménagement sur le projet de loi 125, la Corporation
professionnelle des Urbanistes du Québec a entrepris de faire
étudier par ses membres les divers aspects couverts par le projet de
loi. Il en est ressorti, après consultation, une série importante
d'observations, de recommandations et de modifications sur lesquelles la
Corporation attire l'attention du gouvernement. Ces éléments
rassemblés sous divers thèmes font l'objet du coeur de ce
mémoire qui vise la bonification du projet de loi par des
améliorations permettant de mieux atteindre, croyons-nous, les objectifs
énoncés clairement par le ministre Léonard.
Ces observations, recommandations et modifications sont
dégagées en italique dans le mémoire. Cependant, comme
l'analyse qui a été réalisée, touche un grand
nombre de points, dont certains d'une façon assez
détaillée, nous avons cru nécessaire d'en dégager,
dans ce sommaire, les conclusions et recommandations majeures. 1- Le projet de
loi propose une approche fort intéressante et le plus souvent pertinente
aux grands problèmes du Québec en aménagement et en
urbanisme. Ces problèmes sont les suivants: les
difficultés et parfois l'absence totale d'une concertation essentielle
entre les interventions du gouvernement et de ses mandataires et celles des
municipalités sur lesquelles repose traditionnellement le contrôle
de l'utilisation du sol; les difficultés et souvent le refus de
municipalités voisines de se concerter pour la réalisation
d'équipements dont la vocation dépasse le cadre d'une seule
municipalité; le peu de cohérence entre les plans
d'urbanisme adoptés par différentes municipalités d'une
même agglomération et sa conséquence en termes de
suréquipement ou de sous-équipement;
le peu d'importance accordé à l'information
adéquate de la population et l'absence de mécanisme de
consultation qui ont conduit à un désintéressement du
citoyen pour son propre milieu de vie.
Par le projet de loi, le gouvernement invite les municipalités
à se regrouper en fonction d'un territoire à définir et
à se concerter sur la façon dont elles entendent aménager
leur milieu. Elles sont appelées ensuite à traduire cette entente
dans l'aménagement de l'aire sous leur juridiction. Le schéma
d'aménagement décrit au projet de loi est l'outil adéquat
pour ces fins. Par le projet de loi, le gouvernement s'impose, lors de la
préparation de ce schéma, de faire connaître ses
orientations et ses projets sur le territoire en question. La concertation
à laquelle il s'astreint et le droit de désaveu qu'il se garde
quant à la cohérence du schéma avec ses orientations
finales témoigne, à notre avis, de réalisme quant au
partage des responsabilités. Par le projet de loi, le gouvernement
instaure des règles pour assurer l'information et favoriser la
consultation des citoyens. Nous souscrivons totalement à l'objectif
d'atteindre une participation plus large des citoyens aux décisions qui
les concernent. Toutefois, nous nous interrogeons sur l'efficacité et
les implications financières des moyens retenus. Nous recommandons au
ministre une plus grande souplesse à ce sujet.
Par le projet de loi, le gouvernement se donne un pouvoir d'intervention
spéciale. Pour la CPUQ, un tel pouvoir est nécessaire. Nous en
avons trop souvent déploré l'absence dans le passé. Le
risque politique que son exercice implique nous semble une garantie suffisante
de son usage judicieux.
Par le projet de loi, le gouvernement répond enfin à deux
préoccupations maintes fois exprimées par la CPUQ, soit la
cohérence et la conformité des différents instruments
d'urbanisme entre eux, et la continuité nécessaire du processus
de planification. 2- Si, la CPUQ reconnaît une force au projet de loi
quant aux solutions apportées aux problèmes de la concertation,
de la cohérence, de la consultation, de l'intervention spéciale,
de la conformité et de la continuité, elle s'inquiète de
l'imprécision de certains de ses éléments. Cette
imprécision touche notamment les unités territoriales de
planification.
La CPUQ appuie le principe sous-jacent au projet de loi qui veut que
l'aménagement du territoire soit avant tout la responsabilité des
gens qui l'habitent et qu'il faille, pour rendre ce principe opérant,
procéder à une décentralisation de pouvoir. La CPUQ appuie
également la reconnaissance de la municipalité comme institution
politique responsable de l'aménagement. De plus, la CPUQ appuie le choix
de l'institution du conseil de comté, élargi aux villes, comme
base de la concertation intermunicipale.
Toutefois, la reconnaissance d'une institution n'est pas la
reconnaissance de son territoire. Et à ce sujet, les professionnels de
l'urbanisme souhaitent voir le ministre utiliser la souplesse que lui laisse le
projet de loi pour convaincre les municipalités de se grouper en
entités suffisamment fortes pour assurer non seulement l'atteinte des
objectifs du projet de loi no 125, mais aussi les buts du projet de
décentralisation du gouvernement.
Pour ce faire, la CPUQ invite donc le ministre à procéder,
sur la base des régions administratives ou des sous-régions,
à une vaste opération d'animation et de consultation où
les municipalités seraient appelées à
réévaluer leurs liens d'appartenance et à redéfinir
des conseils de comté dont les territoires seraient mieux adaptés
aux fins de l'aménagement et de l'urbanisme. 3- Le projet de loi est
malheureusement faible au plan des instruments de l'aménagement et des
outils d'intervention.
Comment expliquer cette faiblesse et sur quoi porte-t-elle? Tout se
passe comme si, une fois des solutions convenables apportées aux
dimensions politiques des opérations d'aménagement du territoire,
aucun effort n'est fait dans le projet de loi pour innover dans les instruments
qui vont traduire dans la réalité les intentions que constituent
le schéma et le plan d'urbanisme. Si le gouvernement assume la
responsabilité, par l'adoption de la loi, de faire que
l'aménagement retourne à ce qu'elle est par essence, une
responsabilité politique, il devrait assumer cette responsabilité
jusqu'au bout en assurant, par la loi, des outils d'intervention
adéquats à l'usage des municipalités.
La faiblesse du projet de loi tient surtout dans l'absence totale
d'innovation dans les techniques de planification de l'utilisation du sol et
dans les outils d'intervention réclamés depuis longtemps par les
municipalités. On pense notamment aux plans d'ensemble, aux ententes de
développement, aux zones d'aménagement différées,
aux zones prioritaires, au droit de préemption, au remembrement foncier,
au transfert des droits de développement. La seule innovation
intéressante retenue au projet de loi concerne la zone d'intervention
spéciale. Mais elle relève du gouvernement.
La faiblesse du projet de loi tient enfin dans l'insuffisance des liens
entre, d'une part le pouvoir de planifier par le schéma
d'aménagement et le plan d'urbanisme et d'autre part le pouvoir de
dépenser par les budgets. La CPUQ croit que les schémas et plans
ne se traduiront dans la réalité que lorsque le processus
d'aménagement sera intégré aux processus administratif et
que la loi rendra nécessaire une programmation budgétaire
basée sur les objectifs des plans.
En conséquence, la CPUQ invite le ministre à palier cette
faiblesse dans les outils d'intervention, en instituant par la loi, un
organisme permanent de révision des mécanismes de planification
et de contrôle de l'utilisation du sol dont le mandat serait, entre
autre: de refondre progressivement la législation concernant
l'aménagement et l'urbanisme; de développer des approches
légales nouvelles aux problèmes d'urbanisme; de normaliser
les procédures administratives et les termes de la réglementation
municipale; d'animer la recherche dans le domaine de l'urbanisme et
d'inciter des expériences pilotes. La Corporation porte aussi à
l'attention du ministre l'intérêt qu'il y aurait de promouvoir le
développement des connaissances des citoyens du Québec en
matière d'aménagement et d'urbanisme.
Cet objectif viserait notamment les enfants et adolescents en milieu
scolaire, les cadres municipaux et gouvernementaux, et les professionnels de
l'urbanisme par des programmes éducatifs et de formation permanente. 4-
Le projet de loi est silencieux sur le ministre qui sera responsable de
l'application de la loi. S'agit-il du ministre d'Etat à
l'Aménagement ou du ministre des Affaires municipales. L'un ou l'autre
a-t-il en même temps les pouvoirs de concertation intra-gouvernementale
et les ressources techniques et financières qu'il lui faudra pour
remplir les nombreuses obligations auxquelles il s'astreint par la loi? Ce
commentaire, qu'on le comprenne bien, ne vise pas les personnes occupant ces
postes, mais bien les pouvoirs et ressources rattachés à ces
postes.
Le projet de loi est également silencieux sur les règles
internes de fonctionnement par lesquelles le gouvernement pourra atteindre la
concertation qui est nécessaire pour faire connaître aux conseils
de comté ses orientations. Il est connu que la concertation des
intervenants gouvernementaux pose des problèmes dans tous les
états modernes.
Si des projets antérieurs ont parfois semblé lourds par la
structure administrative dont le gouvernement se dotait pour gérer
l'aménagement, celui-ci semble au contraire, pour éviter la
centralisation que peut amener une lourdeur administrative, ignorer l'existence
d'une évidence: celle de la difficulté d'une coordination des
interventions gouvernementales sur le territoire québécois.
Une loi nationale de l'aménagement et de l'urbanisme ne peut se
limiter à organiser la concertation des municipalités. Elle
devrait imposer au gouvernement au moins les mêmes règles qui sont
fixées aux municipalités.
1. QUELQUES COMMENTAIRES
GÉNÉRAUX
La future loi 125 constitue le premier document législatif qui
s'inscrive dans le grand projet de décentralisation du gouvernement
actuel. Ce projet constitue certes la plus importante réforme sociale
à intervenir au Québec depuis celle qui a touché
l'éducation. Si elle devait se réaliser selon l'ébauche
qu'en fait le ministre Léonard dans le fascicule 1 de la série
intitulée "la décentralisation: une perspective communautaire
nouvelle", elle signifierait une transformation fondamentale dans la vie
communautaire des Québécois et dans la répartition des
pouvoirs entre les institutions politiques.
Cette opération est longue, complexe, mais néanmoins
louable. La Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec
souscrit au projet de décentralisation et est disposée à y
apporter sa plus entière collaboration. 1.1 La délimitation des
unités territoriales
La réforme envisagée s'appuie sur une très ancienne
institution du Québec, le comté municipal, que le gouvernement
invite au renouvellement. En effet, pour assurer le succès du projet de
décentralisation, le comté municipal actuel devra relever un
grand défi: celui de se redéfinir comme entité politique
et administrative et de réaliser le mariage de la ville et de la
campagne. Cette mutation exigera qu'on se donne de nouveaux modes d'association
et de représentation, de même que des modalités de
fonctionnement et d'opération qui s'appuient, selon les intentions du
ministre Léonard, sur la région d'appartenance.
Les modalités de délimitation de ces unités
territoriales nouvelles ne sont pas précisées au projet de loi.
Le fascicule 6 pose cependant certains fondements à la
délimitation éventuelle des comtés renouvelés. "Il
s'agit tout d'abord d'un espace géographique sur lequel va
s'élever la juridiction des comtés renouvelés. A ce titre,
cet espace doit avoir des dimensions qui permettent d'y préparer un
schéma d'aménagement, d'y faire une gestion appropriée de
l'aménagement et, éventuellement, au fur et à mesure que
la décentralisation sera effectuée, d'y assurer la gestion des
services à la population qui vit sur ce territoire."
La Corporation professionnelle des Urbanistes du Québec
reconnaît la pertinence d'une restructuration des corporations de
comtés municipaux. Elle croit aussi que les orientations qui sont
données dans les fascicules du Secrétariat à
l'Aménagement constituent une base de discussion valable à cette
fin.
Toutefois, elle croit nécessaire de soulever une mise en garde
à l'égard du danger de galvauder la notion de communauté
d'appartenance qui est sous-jacente à celle de la nouvelle
délimitation territoriale. L'expérience de nos membres indique
que la communauté d'appartenance se situe davantage au niveau de la
municipalité qu'à celui du comté municipal. La
référence constante à la communauté d'appartenance
risque, à notre avis, d'entraîner les municipalités
à se regrouper en fonction d'un dénominateur commun trop
étroit pour permettre la réalisation des buts de la
décentralisation et notamment l'aménagement rationnel du
territoire.
Tout en reconnaissant qu'il n'y a pas de critères absolus pouvant
guider le regroupement, la CPUQ croit que le milieu municipal doit garder
à l'esprit que les comtés renouvelés deviendront la
structure de base de la décentralisation. En conséquence, ils
devront être constitués de sorte à pouvoir:
délimiter des espaces qui reflètent des réalités
économiques, géographiques et socio-culturelles; traduire
les liens d'intérêts communs entre les municipalités
faisant partie d'une même agglomération urbaine, le cas
échéant et entre les agglomérations urbaines et leur
hinterland; fournir une base de planification suffisamment substantielle
pour justifier l'allocation des ressources financières et humaines
nécessaires à l'accomplissement des tâches
entraînées par la mise en application de la loi sur
l'aménagement et l'urbanisme; constituer une structure politique
et administrative pouvant plus efficacement assurer la concertation entre la
planification centrale et la planification locale; contribuer
réellement à l'objectif du gouvernement de décentraliser
des pouvoirs et de déconcentrer son administration;
établir une organisation publique ayant la capacité technique et
financière de mettre en place et d'appliquer les principaux instruments
de gestion de la planification. Cette organisation doit permettre à
l'autorité politique décisionnelle de relier les objectifs du
schéma à des programmes de réalisation et aux moyens
financiers et autres nécessaires à leur mise en oeuvre.
La taille et les caractéristiques du territoire de la corporation
de comté doivent lui permettre de servir de base à une
décentralisation, une déconcentration des services
gouvernementaux et à une concertation des différents agents. Mais
on ne saurait trop insister sur l'importance de délimiter ce territoire
de façon à ce qu'il permette une assise géographique apte
à la planification et la gestion adéquate de
l'aménagement.
1.2 L'aménagement et les moyens de mise en
oeuvre
Malgré la perspective de la décentralisation, le projet de
loi 125 doit être vu avant tout comme le cadre à la pratique
responsable de l'aménagement et de l'urbanisme. La pratique responsable
de l'aménagement et de l'urbanisme, par quelque niveau de gouvernement
que ce soit, exige d'une part des instruments d'orientation et d'autre part des
instruments de mise en oeuvre de ces orientations. Les premiers
découlent de l'analyse des problèmes et de schémas. Les
seconds s'appuient sur les pouvoirs de réglementer et de dépenser
des gouvernements. Ils prennent, en bout de ligne, la forme de
règlements d'utilisation du sol notamment et de budgets
programmes ou autre technique de gestion budgétaire
équivalente.
Le projet de loi fait état, et dans le détail, de certains
instruments importants de mise en oeuvre d'un schéma
d'aménagement et d'un plan d'urbanisme: les règlements de zonage,
de lotissement et de construction. L'utilité et le rôle normatif
de ces instruments ne sont plus à démontrer; leur affinement et
leur cohérence sont à parfaire.
Cependant, le projet de loi est un peu explicite sur un ensemble
d'instruments extrêmement importants du processus de planification et
qui, s'ils ne sont pas disponibles et appliqués, perpétueront une
situation qu'on impute d'ailleurs injustement aux urbanistes, les beaux plans
en couleur qu'on remise bien vite sur les tablettes. La CPUQ est d'avis que les
schémas et les plans d'urbanisme se traduiront graduellement dans la
réalité lorsque le processus de planification sera
intégré aux processus administratif et décisionnel des
autorités publiques et lorsque celles-ci utiliseront les instruments
appropriés de mise en oeuvre que sont les divers outils de la
programmation budgétaire basé sur les objectifs des plans et les
moyens disponibles. Sans doute par souci de ne pas brusquer les choses, le
gouvernement a choisi de limiter le rôle des conseils de comté
renouvelés à la concertation intermunicipale en matière
d'aménagement et d'urbanisme. Le pouvoir de dépenser pour des
services, équipements, infrastructures et réseaux de
caractère intermunicipal reste entre les mains des municipalités
locales qui pourront au mieux concrétiser entre elles des ententes ad
hoc.
La CPUQ s'étonne que le projet de loi ne prévoit pas
explicitement la possibilité pour les municipalités locales, dans
les comtés qui le désirent, de réaliser des
investissements intermunicipaux ou de transférer au conseil de
comté leur pouvoir de dépenser dans certains domaines.
1.3 Le comté et ses responsabilités en
matière d'aménagement
Le titre II du projet de loi no 125 prévoit la création de
corporations de comté renouvelées comprenant les
municipalités régies par le Code municipal et par la Loi des
cités et villes. Ces comtés auront dans un premier temps comme
seule responsabilité celle prévue au Titre I du projet de loi.
Dans cette perspective, on est en droit de s'étonner que l'article 2 ne
rende pas obligatoire l'adoption d'un schéma d'aménagement.
En effet, si cette obligation n'existe pas il n'y a pas de relation
entre le Titre I et le Titre II du projet de loi. Comme organismes
décentralisés responsables, les corporations de comté
renouvelées doivent donc être tenues d'assumer leurs
responsabilités ainsi que celles de leurs partenaires municipaux en
matière d'aménagement et d'urbanisme.
1.4
Les grands exclus
La CPUQ est surprise de constater qu'une loi nationale de
l'aménagement et de l'urbanisme ne s'applique pas aux territoires les
plus urbanisés du Québec. Ces territoires ont évidemment
des règles qui gouvernent leur aménagement. Mais ces
règles varient d'une communauté à l'autre et souvent la
concertation nécessaire des intervenants, que rend obligatoire le projet
de loi, n'existe pas dans ces communautés.
Cette population urbaine doit pouvoir bénéficier des
mêmes principes, inspirés de la décentralisation, qui
constituent les fondements du projet de loi sur l'aménagement et
l'urbanisme, à savoir: que l'aménagement est d'abord une
responsabilité politique; que l'aménagement doit s'appuyer
sur l'information, la consultation et la participation des citoyens; que
l'aménagement est une fonction partagée entre trois paliers de
décisions, chaque palier ayant son domaine de responsabilité
propre; que l'aménagement est une fonction partagée qui
fait appel à la concertation des choix et des actions des trois
gouvernements.
Cette exclusion des communautés urbaines et régionales
peut, momentanément, s'avérer acceptable dans la mesure où
éventuellement les lois qui les régissent puissent être
modifiées pour inclure, au moins, les obligations que contient ce projet
de loi au titre du schéma d'aménagement. Par ailleurs, la
spécificité de ces communautés milite en faveur d'outils
légaux d'urbanisme différents de ceux prévus au projet et
que seule une loi spécifique pourrait lui confier.
1.5
Le ministre responsable
Le projet de loi fait intervenir à de nombreuses reprises le
ministre responsable de l'application de la loi. Ces interventions donnent au
ministre des pouvoirs et des obligations très diversifiées. A
titre d'exemple, le ministre peut procéder à l'émission de
lettres patentes pour modifier le territoire des corporations de comtés
ou en créer de nouvelles, fait parvenir au conseil de comté un
document synthèse décrivant les orientations que le gouvernement
entend poursuivre en matière d'aménagement dans le comté,
peut demander au conseil de modifier son schéma parce qu'il ne
correspond pas aux orientations du gouvernement, peut désavouer un
règlement de contrôle intérimaire, etc.
Or, le projet de loi n'identifie pas quel ministre sera responsable de
l'application du projet de loi. S'agit-il du ministre d'Etat à
l'Aménagement qui présente le projet de loi? Si oui, le ministre
a-t-il les ressources nécessaires et les pouvoirs pour rencontrer ses
obligations. S'agit-il du ministre des Affaires municipales qui, jusqu'ici, a
la responsabilité des lois qui régissent les
municipalités? Si oui, ce dernier a-t-il le pouvoir de concertation
interne au gouvernement pour transmettre aux conseils de comté
renouvelés les orientations du gouvernement.
Il est connu que la concertation des intervenants gouvernementaux pose
des problèmes dans tous les Etats modernes. Le gouvernement actuel,
conscient de cette réalité, tente par l'intermédiaire de
ministères d'Etat de palier ce problème. Son choix s'est
porté sur une structure légère de concertation. Cependant
on constate avec étonnement, que par le projet de loi, le gouvernement
ne se dote pas de règles internes de fontionnement lui permettant
d'atteindre sa propre concertation pour l'aménagement du territoire.
Le projet de loi est silencieux sur ces aspects. Si des projets
antérieurs ont parfois semblé lourds dans la structure
administrative dont le gouvernement se dotait pour gérer
l'aménagement, celui-ci semble au contraire, pour éviter la
centralisation que peut amener une lourdeur administrative, ignorer l'existence
d'une évidence: celle de la difficulté d'une coordination des
interventions gouvernementales sur le territoire québécois.
Une loi nationale de l'aménagement et de l'urbanisme ne peut se
limiter à organiser la concertation des municipalités. Elle
devrait imposer au gouvernement au moins les mêmes règles qui sont
fixées aux municipalités.
2. LES INSTRUMENTS DE LA PLANIFICATION
Ce second chapitre du mémoire regroupe sous des thèmes
clefs, les commentaires et recommandations de la Corporation professionnelle
des Urbanistes du Québec sur les modalités opérationnelles
prévues au projet de loi no 125.
2.1
Le schéma d'aménagement de
comté
Le schéma d'aménagement constitue l'instrument
d'orientation dont pourront se doter les municipalités locales
regroupées au sein de comtés renouvelés selon les
modalités du chapitre 1 de la partie II du projet de loi. Le contenu du
schéma est défini: à l'article 5, quant à
ses éléments obligatoires; à l'article 6, quant
à ses éléments facultatifs; à l'article 8,
quant aux documents qui doivent l'accompagner; Ces trois articles
entraînent quelques commentaires.
2.1.1. Le contenu du schéma
Dans l'ensemble, le contenu tant obligatoire que facultatif nous
apparaît satisfaisant. Toutefois, quelques termes soulèvent une
certaine ambiguïté. Les expressions "grandes orientations" et
"intentions générales" gagneraient à être
précisées. La première, en particulier, devrait inviter
à l'énoncé de buts qualifiés et d'objectifs
quantifiés. La précision de ces termes pourrait se faire soit
dans le texte de la loi, soit dans un éventuel guide
d'interprétation à l'intention des municipalités. De plus,
le terme "infrastructures" utilisé à l'alinéa f) de
l'article 5 devrait être remplacé par les expressions "voies de
circulation" et "réseaux d'utilité publique", lesquelles sont
définies avec précision à l'article 1 contrairement au
terme "infrastructures". Il nous apparatt essentiel que les voies de
circulation et les réseaux d'utilité publique de caractère
intermunicipal soient des éléments obligatoires du
schéma.
2.1.2
Les documents d'accompagnement
Les documents d'accompagnement prévus à l'article 8
doivent fournir à tous ceux qui sont régis par le schéma
la documentation pertinente qui explique et justifie les choix qui y
sont faits; établit les priorités qui en découlent
en termes d'investissements inter-municipaux.
Les documents d'accompagnement doivent, à notre avis, être
disponibles à tout citoyen qui désirerait compléter les
informations qui lui auraient été transmises sous forme de
résumés au moment de la consultation. Cette possibilité
n'est pas prévue dans la section III.
Le contenu du schéma d'aménagement doit reposer sur une
analyse sérieuse du milieu physique et socio-économique du
territoire du comté. Une loi générale n'a pas à
préciser quelles études préalables doivent guider
l'élaboration d'un schéma d'aménagement. Cependant, pour
la compréhension de la population qui sera appelée à
appuyer le contenu du schéma, pour la concordance du schéma aux
orientations gouvernementales et pour assurer que la prise des décisions
d'aménagement de nature politique s'appuient sur des bases techniques
sûres, le projet de loi devrait indiquer à l'article 8 les
documents d'analyse qui doivent au minimum accompagner le schéma
d'aménagement. Les pouvoirs généraux de prescription du
gouvernement (article 205) ne sont que complémentaires à cette
recommandation.
De plus, la CPUQ croit que les implications concrètes du
schéma en termes d'investissements et d'interventions doivent être
énoncées clairement.
En conséquence, la CPUQ recommande que l'article 8 soit
modifié pour inclure a) les dossiers analytiques et explicatifs utiles
à la compréhension du schéma; b) les documents exposant et
motivant les options d'aménagement étudiées et les raisons
justifiant le choix du conseil exprimé par le schéma; c) une
estimation des coûts des divers équipements, infrastructures,
voies et réseaux intermunicipaux qui sont proposés dans le
schéma; d) un programme pluri-annuel des interventions amorcées
et projetées par le gouvernement, ses ministères, ses mandataires
et par les organismes publics; e) un document précisant les
modalités et les conclusions de la consultation.
Les documents décrits ci-dessus sont adoptés par
résolution et peuvent être modifiés en tout temps. 2.1.3 La
modification et la révision du schéma
Les articles 47 à 55 traitent des modifications qui pourront
être apportées au schéma par la suite. Le premier
alinéa de l'article 47 traduit l'intention du législateur
d'exiger une révision quinquennale, ce qui nous apparaît
raisonnable. Toutefois, on s'étonne que dans la section III le ministre
ne s'impose pas de fournir l'avis prévu à l'article 21.
2.2
Le plan d'urbanisme
Le plan d'urbanisme définit, dans le cadre des objectifs
établis par le schéma de comté lorsqu'il y en a un, les
politiques d'aménagement et d'urbanisme de la municipalité. Ces
politiques doivent
être suffisamment explicites pour traduire clairement les
intentions d'aménagement du conseil municipal sous la forme
d'éléments opérationnels. De plus, son contenu doit
être suffisamment élaboré pour permettre une participation
éclairée des citoyens et d'en arriver à un consensus sur
des orientations claires et concrètes.
Afin d'atteindre ces objectifs, la Corporation professionnelle des
Urbanistes du Québec croit que la section II du chapitre III de la
partie I du projet de loi 125 doit être modifiée.
2.2.1
Le contenu du plan d'urbanisme
A notre avis, l'article 79 doit être modifié comme suit:
"Art. 79. Un plan d'urbanisme doit comprendre: a) les grandes orientations
d'aménagement de la municipalité; b) les diverses affectations du
sol et les densités approximatives de son occupation; c) la nature, la
localisation et le type des équipements et infrastructures tant publics
que privés existants et, s'il y a lieu, projetés, qui sont
destinés à l'usage de la vie communautaire; d) le tracé
existant et, s'il y a lieu, projeté, et le type des principales voies de
circulation, des réseaux de transport et des réseaux
d'utilité publique; e) les zones d'expansion urbaine et, s'il y a lieu,
les zones à rénover, à restaurer ou à
protéger; f) les phases de développement urbain et les zones
prioritaires". En conséquence, l'article 80 peut être
supprimé.
Nous sommes d'avis que le plan d'urbanisme doit être autre chose
que des "grandes orientations" et des "grandes affectations" quelque soit la
taille de la municipalité. Il s'agit d'un outil de travail essentiel qui
exige un minimum de contenu s'il doit servir à informer les citoyens et
orienter la prise de décisions.
2.2.2
Le programme particulier
d'aménagement
L'article 81 vise à permettre aux municipalités de
préparer des programmes d'intervention détaillés pour
certaines parties de leur territoire (centre-ville, secteurs
dégradés, secteurs d'expansion prioritaires, etc.). Dans
l'ensemble, ces dispositions nous apparaissent satisfaisantes. On peut
toutefois se demander s'il n'y aurait pas avantage à recouvrir à
une formulation plus large par exemple: "Un plan d'urbanisme peut comprendre:
a) les zones d'urbanisation prioritaires et les zones d'urbanisation
différées; b) les programmes particuliers d'aménagement
pour une partie du territoire de la municipalité; c) les programmes
particuliers de réaménagement, de restauration, de conservation
et de démolition; d) les programmes particuliers d'acquisition de
terrains pour fins publiques".
2.2.3
Les documents d'accompagnement
Les commentaires que nous avons faits au sujet de l'article 8 valent
aussi, grosso modo, pour l'article 83. Aussi, recommandons-nous que cet article
soit modifié de la façon suivante: "Art. 83. Le plan d'urbanisme
doit être accompagné: a) des dossiers analytiques et explicatifs
utiles à la compréhension du plan; b) des documents exposant et
motivant les options d'urbanisme étudiées et les raisons
justifiant le choix du conseil et exprimé par le plan; c) des documents
explicitant la façon dont les objectifs du plan sont reliés
à la mise en oeuvre par: une description des travaux pertinents
que la municipalité entend exécuter au cours des cinq prochaines
années avec une évaluation des coûts; un programme
pluri-annuel des dépenses d'immobilisation pour les équipements,
infrastructures, voies et réseaux à être
réalisés par la municipalité; un programme
pluri-annuel de dépenses d'opération et d'entretien des
éléments précédents; un programme
pluri-annuel de dépenses consacrées à la planification et
aux études qu'elle demande; une estimation pluri-annuelle de
revenus et de contributions financières à des réalisations
du plan provenant d'agents autres que le conseil; une estimation
pluri-annuelle de l'impact fiscal résultant des réalisations du
plan d'urbanisme".
Les documents décrits ci-dessus sont adoptés par la
résolution du conseil et peuvent être modifiés en tout
temps.
2.3 Les règlements d'urbanisme
Le chapitre IV du Titre I est consacré aux pouvoirs de
réglementer des municipalités en matière d'urbanisme. Ce
chapitre suscite de la part de la CPUQ des remarques générales,
de même qu'un grand nombre de recommandations particulières.
2.3.1 Quelques remarques
générales
La CPUQ s'étonne que le gouvernement n'ait pas profité de
l'adoption d'une loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour régler
un grand nombre de problèmes posés par la pratique de l'urbanisme
au Québec. A titre d'exemple nous en énonçons trois qui
sont particulièrement criants: A) Le processus d'adoption des
modifications aux règlements:
La procédure de modification des règlements d'urbanisme
(art. 110 et 113) implique des démarches considérables et risque
d'entraîner des retards et des frais inutiles dans certains cas. Il y
aurait donc lieu d'envisager la possibilité de distinguer parmi les
amendements ceux qui ne constitueraient que des modifications
légères. On pourrait prévoir pour ceux-ci une
procédure particulière d'adoption moins lourde que la
procédure régulière. De tels mécanismes ont
été expérimentés dans plusieurs provinces
canadiennes: l'Ontario, la Nouvelle-Ecosse, le Manitoba et le
Nouveau-Brunswick.
Dans les législations adoptées par ces provinces, on a
tenté de définir le plus précisément possible les
cas qui peuvent faire l'objet d'une dérogation mineure ou d'une
"variance". Certaines dispositions ont limité la portée de cette
procédure à des matières spécifiques: variation des
marges de recul, de la hauteur, de la proportion d'occupation du sol, de la
densité d'occupation des bâtiments, des places de stationnement,
etc. (Loi du Manitoba, art. 57). D'autres dispositions ont défini des
critères à respecter dans l'autorisation de ces variations:
maintien de la qualité générale de l'environnement,
compatibilité avec le plan d'urbanisme et l'esprit général
du règlement de zonage, etc. La définition d'une
dérogation mineure et l'application de ces critères posent
néanmoins de nombreuses difficultés d'interprétation.
La désignation et la composition de l'organisme chargé
d'appliquer cette procédure présente d'autres difficultés
délicates: faut-il confier cette tâche à des
fonctionnaires, à un comité représentatif de la population
locale, à un organisme quasi judiciaire...? Toutes ces formules ont
été essayées, mais il faudrait pouvoir qualifier leurs
résultats plus en détail pour se prononcer. B) Les zones
d'aménagement différé
Bien que certains articles du projet de loi permettent aux
municipalités d'exiger un certain nombre de conditions préalables
avant l'autorisation de subdivision ou de construction, on n'y trouve plus la
possibilité d'établir des zones d'aménagement
différé comme le prévoyait l'art. 74r) du projet de loi no
12 de 1976. Ce pouvoir devrait être repris dans la loi actuelle de
façon explicite. Il devrait constituer, au même titre que le
schéma d'aménagement et le plan d'urbanisme, un outil de
planification majeur pour lequel un contenu obligatoire et facultatif devrait
être défini. Cela permettrait d'ailleurs à la population
d'être mieux informée des prévisions de
développement et des choix proposés par la municipalité et
constituerait peut-être une meilleure réponse au problème
de la participation des citoyens que n'offre la loi actuelle par le processus
d'assemblée publique.
D'autre part, une telle mesure pourrait être renforcée par
l'attribution aux municipalités de pouvoirs accrus en matière de
contrôle foncier: réserves foncières, droit de
préemption, remembrement, par exemple. C) Les plans d'ensemble
La technique des plans d'ensemble déjà pratiquée
dans plusieurs municipalités permet d'allier les objectifs de
flexibilité, de temporalité et de diversité fonctionnelle
que ne permet pas d'atteindre le zonage traditionnel. Cependant les juristes
s'accordent généralement pour douter de la légalité
d'un tel procédé dans le contexte législatif actuel. Or,
il n'existe pas de disposition spécifique concernant les plans
d'ensemble dans le projet de loi et il est difficile de trouver dans l'ensemble
des dispositions relatives aux règlements d'urbanisme, des mesures dont
le regroupement aurait pour effet d'autoriser de telles opérations. Par
conséquent, il y aurait lieu d'introduire dans le projet de loi des
dispositions expresses et non équivoques concernant cette technique.
Cette technique consiste généralement à identifier
dans les plans et règlements de zonage des zones ou des secteurs de
zones pour lesquels, une opération d'ensemble regroupant divers usages
complémentaires serait autorisée moyennant présentation
d'un plan d'ensemble par le promoteur au conseil municipal et suite à
l'approbation de celui-ci. D'ailleurs l'on devrait encourager une pratique qui
inciterait la municipalité elle-même à réaliser des
plans d'ensemble au besoin. Cette formule permet d'introduire des normes
supplémentaires et plus complexes que dans le cas de constructions par
lots individuels.
Une telle démarche peut prendre la forme d'une demande
d'amendement au zonage ou d'une demande de permis de construction. La
décision du conseil peut être conditionnelle à
l'exécution de certains aménagements ou certaines obligations
particulières de la part du promoteur. Les matières sur
lesquelles peuvent porter ces conditions devraient être
expressément énumérées dans la loi. A titre
d'exemple, elles peuvent comprendre les points suivants: les aires de
stationnement, l'aménagement paysager, les voies d'accès et de
sortie, l'aspect extérieur, l'époque et la durée des
travaux, la préservation d'espaces verts. Ces conditions peuvent
être d'application stricte ou sujettes à entente entre le
promoteur et la municipalité. Plusieurs provinces canadiennes ont inclus
cette possibilité d'entente (Development Agreement) dans leur
législation (exemples: Manitoba, Ontario, Nouveau-Brunswick,
Nouvelle-Ecosse). Dans ce cas, il est également recommandé de
compléter l'entente par l'enregistrement d'une servitude réelle,
ce qui a pour effet de la rendre opposable aux éventuels tiers
acquéreurs.
Il faudra enfin prévoir des mécanismes de soumission de
ces démarches à la discussion publique.
2.3.2 Le règlement de zonage
Nonobstant les remarques générales qui
précèdent la CPUQ croit nécessaire de suggérer
certaines modifications à l'article 109 qui fixe les objets sur lesquels
peut porter le règlement de zonage. Ces modifications visent à
préciser le contenu de la loi à ce chapitre et à combler
certaines lacunes dont certaines ont été soulignées dans
le point précédent. L'argumentation supportant chacune de ces
modifications est la plupart du temps, évidente en soi. Aussi nous
sommes-nous contentés de les souligner dans une proposition de texte
amendé. Ces recommandations, comme celles portant sur le
règlement de lotissement et de règlement de construction, sont
appuyées par l'expérience de nos membres en pratique
privée, fonctionnaires municipaux et fonctionnaires provinciaux et
fédéraux.
Selon les professionnels de l'urbanisme, le deuxième
alinéa de l'article 109 devrait se lire comme suit: "Un règlement
de zonage doit contenir des dispositions sur les objets suivants: a) pour fins
de réglementation, classifier les constructions et les usages et, selon
un plan qui fait partie intégrante du règlement, diviser le
territoire de la municipalité en zones; b) spécifier, pour chaque
zone ou secteur de zone, les constructions ou les usages autorisés
moyennant l'obtention d'un permis, ou ceux qui sont prohibés y compris
les usages et édifices publics, ainsi que les densités
d'occupation du sol et les normes d'implantation des bâtiments";
Un troisième alinéa ou un autre article devrait être
prévu et se lire comme suit: "Un règlement de zonage peut
contenir des dispositions sur l'un ou l'autre des objets suivants: a) diviser
la zone en secteurs de manière que chacun de ces secteurs serve
d'unité de votation aux fins des articles 117 à 125 et de
manière que, dans chacun de ces secteurs, les normes d'implantation
autorisées dans la zone puissent faire l'objet d'une
réglementation subsidiaire de la part du conseil, à condition
cependant que les normes quant aux usages permis soient uniformes dans tous les
secteurs d'une même zone; b) spécifier, pour chaque zone ou
secteur de zone, les dimensions et le volume des constructions, l'aire des
planchers et la superficie des constructions au sol; la longueur, la largeur et
la superficie des espaces qui doivent être laissés libres entre
les constructions sur un même terrain, ou entre les usages à
l'intérieur d'une même zone ou entre les zones, l'utilisation et
l'aménagement de ces espaces libres; l'espace qui doit être
laissé libre entre les constructions et les lignes des rues et les
lignes de terrains; le recul des bâtiments par rapport à leur
hauteur ou autres considérations; l'architecture, la symétrie et
l'apparence extérieure des constructions; le mode de groupement d'un
ensemble de constructions sur un terrain; les matériaux de
revêtement des constructions; c) spécifier, pour chaque zone, la
proportion du terrain qui peut être occupée par une construction
ou un usage; d) obliger tout propriétaire à soumettre au
préalable les plans de construction, de reconstruction, de
transformation ou d'addition de bâtiment, les projets d'usage d'un
immeuble ou de déplacement d'un bâtiment, et à obtenir du
fonctionnaire municipal désigné un permis de construction ou,
selon le cas, un certificat d'approbation en autant que les autres exigences
des règlements de lotissement, de construction et autres
règlements municipaux sont respectés; e) dans le cas d'une
municipalité située près de la frontière entre le
Québec et les Etats-Unis d'Amérique, interdire la construction de
bâtiments à moins de trois mètres de distance de cette
frontière; f) définir le niveau d'un terrain par rapport aux
voies de circulation; g) déterminer et régir l'endroit où
doit se faire l'accès des véhicules au terrain;
*h) prescrire, pour chaque zone ou chaque usage ou combinaison d'usages,
l'espace qui sur les lots doit être réservé et
aménagé pour le stationnement ou pour le chargement ou le
déchargement des véhicules ou pour le stationnement des
véhicules utilisés par les personnes handicapées au sens
de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées
(1978, ce chapitre insérer ici le numéro de chapitre du projet de
loi no 9) se servant de fauteuils roulants et la manière
d'aménager cet espace; établir des normes de stationnement
à l'intérieur ou à l'extérieur des édifices;
i) régir, restreindre ou, sans l'obtention d'un permis, interdire un
changement d'usage d'un terrain; j) régir, restreindre ou, sans
l'obtention d'un permis, interdire l'excavation du sol, le déplacement
d'humus, l'abattage d'arbres et tous travaux de déblai ou de remblai; k)
régir, restreindre ou, sans l'obtention d'un permis, interdire
l'agrandissement, le déplacement, l'usage, la réparation ou la
démolition d'une construction;
I) régir, restreindre ou, sans l'obtention d'un permis, interdire
les enseignes et définir ce terme; m) régir et restreindre
l'emplacement, la hauteur et l'entretien des clôtures, des murs, des
haies, des arbustes et des arbres; n) régir ou prohiber la construction
ou certains ouvrages, compte tenu soit de l'emplacement du terrain, soit de la
proximité d'un cours d'eau ou d'un lac, soit des dangers d'inondation,
d'éboulis, de glissement de terrain ou d'autres cataclysmes, soit de
l'absence de disponibilité d'eau potable et de
l'imperméabilité du sol, toute prohibition faite en vertu du
présent paragraphe pouvant être totale ou ne viser que certaines
catégories d'immeubles que détermine le règlement; o)
régir l'emplacement et l'implantation des maisons mobiles et des
roulottes; p) régir les constructions et les usages dérogatoires
protégés par les droits acquis; i. en exigeant que cesse un usage
dérogatoire protégé par droits acquis si cet usage a
été abandonné, a cessé ou a été
interrompu pour une période de temps définie par règlement
et qui doit être raisonnable compte tenu de la nature de l'usage mais qui
dans aucun cas ne doit être inférieure à six mois; ii. en
stipulant qu'un usage ou construction dérogatoire protégé
par droits acquis ne peut être remplacé par un autre usage ou
construction dérogatoire; iii. en interdisant l'extension ou la
modification d'un usage ou une construction dérogatoire
protégé par droits acquis ou en établissant les conditions
en vertu desquelles un usage ou une construction dérogatoire
protégé par droits acquis peut être étendu ou
modifié; q) permettre, dans des zones, des groupes de construction d'une
classification déterminée et prévoir la
réglementation spécifique applicable en un tel cas, malgré
toute disposition générale s'appliquant à la zone; r)
régir pour chaque zone ou secteur de zone les modalités des plans
d'ensemble qui doivent être préparés et soumettre les
demandes de permis de construire et de lotir à l'approbation de ces
plans d'ensemble par le conseil municipal; s) prescrire que tout immeuble
nouvellement érigé ou modifié ou dont on a changé
la destination ou l'usage ne peut être occupé avant qu'un
certificat ne soit délivré par le fonctionnaire municipal
désigné, attestant que l'immeuble nouvellement
érigé ou modifié ou, selon le cas, que la destination ou
l'usage nouveau de l'immeuble, est conforme aux règlements de la
municipalité; t) déterminer les usages permis dans toute partie
d'une construction".
2.3.3 Le règlement de lotissement
Pour des raisons d'efficacité et de normalisation minimale des
règlements, le règlement de lotissement devrait contenir
obligatoirement certaines dispositions alors que d'autres peuvent demeurer
facultatives. De plus, l'article 112 doit pouvoir régir toutes les
opérations cadastrales.
Aussi la CPUQ recommande que le deuxième alinéa de
l'article 112 soit modifié de la façon suivante: "Un
règlement de lotissement doit contenir les dispositions suivantes: a)
spécifier, pour chaque zone prévue au règlement de zonage,
la superficie et les dimensions des lots ou des terrains par catégorie
de construction ou d'usage, et le caractère des rues; b) prescrire que
la largeur d'une rue publique ne doit pas être inférieure à
quinze mètres à moins d'une autorisation du conseil de
comté;
(*) La CPUQ est d'avis que la réglementation du stationnement
dans les centres-villes en particulier, devrait pouvoir s'appuyer sur des
modalités semblables à celles prévues pour les parcs (voir
art. 112 h).
c) prescrire la superficie minimale et les dimensions minimales des lots
lors d'une subdivision ou d'une redivision, compte tenu soit de la
proximité d'un ouvrage public, soit de l'existence ou, selon le cas, de
l'absence d'installations septiques et d'un service d'aqueduc ou d'égout
sanitaire; d) réglementer ou prohiber la division et la subdivision,
compte tenu soit de l'emplacement du terrain, soit de la proximité d'un
cours d'eau ou d'un lac, soit des dangers d'inondation, d'éboulis, de
glissement de terrain ou d'autres cataclysmes, soit de l'absence de
disponibilité d'eau potable et de l'imperméabilité du sol,
toute prohibition faite en vertu du présent paragraphe pouvant
être totale ou ne viser que certaines catégories d'immeubles que
détermine le règlement; e) obliger le propriétaire de tout
terrain à soumettre au préalable au conseil municipal ou à
un officier désigné à cette fin tout plan de division, de
subdivision, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouté de lot
originaire, ou de modification ou d'annulation du livre de renvoi d'une
subdivision, que ce plan prévoie ou non des rues, et à obtenir de
ce fonctionnaire un permis de lotissement en autant que les prescriptions des
autres règlements municipaux soient respectées; f) exiger, comme
condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision,
division, redivision, subdivision-redivision ou d'ajouté de lot
originaire et à l'obtention d'un permis de lotissement, la cession de
l'assiette des rues montrées sur le plan lorsqu'elles sont
publiques".
De plus, la CPUQ recommande qu'un troisième alinéa ou un
autre article soit prévu: "Un règlement de lotissement peut
contenir des dispositions sur l'un ou l'autre des objets suivants: a)
prescrire, selon la topographie des lieux et l'usage auquel elles sont
destinées, la manière dont les rues et ruelles, publiques ou
privées, doivent être tracées, la distance à
conserver entre elles et leur largeur; b) prohiber tels subdivisions et
emplacements de rues ainsi que de ruelles ou de places publiques qui ne
concordent pas avec les normes de superficie prévues au règlement
de lotissement et l'emplacement des voies de circulation prévues au plan
d'urbanisme, et obliger les propriétaires de rues et de ruelles
privées à indiquer, de la manière stipulée par le
conseil, leur caractère de voies privées; c) exiger, comme
condition préalable à l'approbation d'un plan de division, de
subdivision, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouté de lot
originaire, que des rues y soient prévues ou non, que le
propriétaire cède à la municipalité, pour fins de
parcs, de terrains de jeux ou espaces verts d'usage communautaire, une
superficie de terrain calculée selon l'une des deux façons
suivantes: soit une superficie de terrain n'excédant pas dix pour
cent du terrain compris dans le plan;
(*) soit une superficie de terrain variant selon la
densité de logement avec un maximum de un hectare par 300 logements; et
situé à un endroit qui, de l'avis du conseil, convient pour
l'établissement de parcs, de terrains de jeux ou d'espaces verts d'usage
communautaire.
(**) ou exiger du propriétaire, au lieu de cette superficie de
terrain, le paiement d'une somme n'excédant pas dix pour cent de la
valeur inscrite au rôle d'évaluation pour le terrain compris dans
le plan, malgré l'application de l'article 21 de la Loi sur
l'évaluation foncière (1971, chapitre 50), ou encore une partie
en terrain et une partie en argent; le produit de ce paiement doit être
versé dans un fond spécial qui ne peut servir qu'à l'achat
de terrains destinés à l'établissement ou à
l'aménagement de parcs, de terrains de jeux ou d'espaces verts d'usage
communautaire et les terrains cédés à la
municipalité en vertu du présent paragraphe ne peuvent être
utilisés que pour des parcs, des terrains de jeux ou des espaces verts
d'usage communautaire la municipalité peut toutefois disposer, à
titre onéreux, à l'enchère, par soumissions publiques ou
de toute autre façon approuvée par la Commission municipale du
Québec, des terrains qu'elle a acquis en vertu du présent
paragraphe s'ils ne sont plus requis pour fins d'établissement, de
terrains de jeux, d'espaces verts d'usage communautaire, et le produit doit en
être versé dans ledit fonds spécial; d) exiger, comme
condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision, de
division, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouté de lot
originaire, que le plan indique l'emplacement des servitudes existantes ou
requises pour le passage des installations de transport d'énergie et de
transmission des communications à l'usage des lots apparaissant sur le
plan;
(*) à vérifier avec l'expérience de l'Ontario
(**) valeur ou rôle d'évaluation ou valeur marchande, l'une
et l'autre n'a pas la même valeur.
e) exiger, comme condition préalable à l'approbation d'un
plan de subdivision, de division, de redivision, de subdivision-redivision ou
d'ajouter de lot originaire tant tout ou partie de son territoire, qu'un
règlement décrétant l'exécution de travaux pour
l'implantation de services municipaux soit adopté; f) exiger, comme
condition préalable à l'approbation d'un plan de subdivision, de
division, de redivision, de subdivision-redivision ou d'ajouterde lot
originaire dans tout ou partie de son territoire, la présentation d'un
projet de morcellement de terrain portant sur un territoire plus large que le
terrain visé par le plan et pouvant inclure les dispositions de l'un ou
l'autre des objets du règlement de lotissement;
L'article 114 est déterminant pour la gestion des
règlements de zonage, de lotissement et de construction ainsi que pour
le suivi administratif municipal des normes minimales visées par le
schéma d'aménagement du comté.
La formulation actuelle de cet article dans le Code municipal et la Loi
des cités et villes présente le défaut de n'être
applicable qu'à l'ensemble d'un territoire municipal. La formulation
proposée par le projet de loi 125 prévoit que cet article peut
s'appliquer sur l'ensemble ou une partie du territoire municipal, mais en
appliquant toujours les trois conditions d'émission du permis de
construire d'une façon monolithique. Or, une municipalité devrait
pouvoir exiger, par exemple: 1) que les constructions soient faites sur des
lots distincts adjacents à une rue publique et en bordure des services
d'aqueduc et d'égouts pour les parties urbaines de son territoire; 2)
que les constructions soient faites sur des lots distincts et adjacents
à une rue publique pour les parties rurales et son territoire en autant
que l'alimentation en eau potable est adéquate et que les normes
d'hygiène du milieu soit assurées; 3) que les constructions
soient faites sur des lots distincts et adjacents à une rue publique ou
privée exclusivement pour certains territoires spéciaux en autant
que l'alimentation en eau potable est adéquate et que les normes
d'hygiène du milieu sont respectées et en autant que la
géométrie des rues à caractère privé est
acceptable selon les normes municipales inscrites au règlement de
lotissement (article 112 B).
De plus, pour les territoires ruraux, il y a lieu que les exigences a)
et c) de l'article 114 (obligation d'un lot distinct en bordure d'une rue
publique) puissent demeurer des conditions d'émission du permis de
construire même lorsque le territoire n'est pas desservi par des services
d'aqueduc et d'égouts, mais en autant qu'il y a une source
d'alimentation adéquate en eau potable et que l'installation septique
est conforme aux exigences de la Loi sur l'environnement.
Par ailleurs, la municipalité devrait avoir le pouvoir
d'émettre un permis pour une construction en bordure d'une rue
privée pour certaines parties du territoire (zones de
villégiature, projet d'habitations multifamiliales ou autres de
caractère privé, etc.) et à condition que la
géométrie et la construction de ces rues respectent les
prescriptions du règlement de lotissement et autres règlements
municipaux.
L'article 114 devrait être reformulé en
conséquence.
2.3.4. Le règlement de construction
Pour ce qui est du règlement de construction, la CPUQ souligne au
passage que le gouvernement n'a pas encore opté pour une normalisation
des règles de construction des bâtiments dans un code obligatoire
d'application générale. Au minimum, la loi devrait exiger (art.
5e) des normes minimales de construction à l'échelle d'un
comté.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que la réglementation des
enseignes devrait pouvoir se faire par zones ou secteurs de zones. Enfin, il
nous apparaîtrait opportun que l'article 115 du projet de loi confie aux
municipalités des pouvoirs complémentaires à ceux des
services de Protection de l'environnement en ce qui a trait en particulier
à la réglementation des installations septiques et aux
prêts d'alimentation en eau potable (articles 86 et 87c de la Loi de
l'environnement).
2.3.5 Le contrôle intérimaire
Dans l'ensemble, les modalités de contrôle
intérimaire prévues au projet de loi apparaissent satisfaisantes
à la CPUQ. Elle aimerait toutefois faire deux commentaires.
D'une part, les délais prévus à l'article 62
permettant au ministre de désavouer un règlement de
contrôle intérimaire dans les 90 jours nous semblent longs. A
notre avis, le ministre devrait s'imposer de statuer dans les 60 jours un
règlement qui lui est soumis de crainte d'imposer un gel trop long
à l'activité immobilière normale. ,
D'autre part, toujours dans le but d'accélérer le
processus d'un retour à une certaine normalité, le projet de loi
devrait prévoir un mécanisme qui permette au ministre d'entendre
les requêtes prévues à l'article 65 pendant la
période de 60 jours prévue plus haut.
3. LA PARTICIPATION DES CITOYENS AUX DÉCISIONS
D'AMÉNAGEMENT
Le projet de loi prévoit que les citoyens d'un comté et
d'une municipalité pourront participer aux différentes phases de
la préparation d'un schéma de comté, d'un plan d'urbanisme
et de la réglementation qui s'y rapporte.
Cette participation prend la forme d'information écrite
envoyée aux citoyens, d'information et de consultation lors
d'assemblée publique, de consultation ou de décision par
référendum.
3.1 Les procédures prévues au projet de
loi sont les suivantes:
A) Lors de l'adoption d'un schéma d'aménagement de
comté suivi d'un plan et de règlements d'urbanisme
Envoi obligatoire de résumés à chacune des
personnes inscrites sur la liste électorale Pour le schéma
résumé d'une proposition préliminaire (art. 16)
résumé d'une proposition définitive (arts. 23 et 16)
résumé du schéma en vigueur (art. 32) Pour le plan
d'urbanisme résumé de la version définitive (art. 92)
résumé du plan d'urbanisme en vigueur (art. 96) Pour les
règlements d'urbanisme: aucun
Assemblées publiques obligatoires et
référendum Pour le schéma dans chacune des
municipalités d'un groupe de municipalités dont la population
totale représente au moins les deux tiers de la population du
comté. assemblée publique sur une proposition préliminaire
(art. 18) assemblée publique sur une proposition définitive (art.
23 et 18) possibilité d'un référendum consultatif (art.
24) Pour le plan d'urbanisme dans la municipalité
assemblée publique sur une proposition préliminaire, cette
dernière n'est cependant pas obligatoire (art. 86) assemblée
publique sur une proposition définitive (art. 91) Pour les
règlements d'urbanisme: aucune. L'approbation prévue aux articles
116 à 125 n'est pas requise sauf pour les modifications à un plan
ou règlement qui ne sont pas destinées à le rendre
conforme aux objectifs d'un schéma d'aménagement (art. 53).
B) Lors des modifications d'un schéma d'aménagement de
comté suivies de modifications aux plans et règlements
d'urbanisme
Les procédures sont les mêmes que celles prescrites pour
l'adoption de ces schémas, plans et règlements. Cependant,
le résumé requis par les dispositions des articles 13 à 19
doit préciser l'effet de la modification projetée sur chacune des
municipalités visées (art. 50) une assemblée
publique doit être tenue dans chacune des municipalités
visées par la modification projetée (art. 50).
C) Lors de l'adoption d'un plan et de règlements d'urbanisme
indépendamment d'un schéma d'aménagement de
comté.
Envoi obligatoire de résumés Pour le plan
d'urbanisme résumé de la version définitive (art. 92)
résumé du plan d'urbanisme en vigueur (art. 96) Pour les
règlements d'urbanisme: aucun
Assemblées publiques obligatoires Pour le plan
d'urbanisme assemblée publique sur une proposition préliminaire,
cette dernière n'est cependant pas obligatoire (art. 86)
assemblée publique sur une proposition définitive (art. 91)
Pour les règlements d'urbanisme: aucune. L'approbation
prévue aux articles 116 et 125 n'est pas requise (art. 98 et 102).
D) Lors de modifications d'un plan et règlements d'urbanisme
indépendamment d'un schéma d'aménagement de
comté.
Les procédures sont les mêmes que celles prescrites pour
l'adoption des plans et règlements.
E) Lors de modification ou abrogation d'un règlement d'urbanisme
existant Une assemblée publique doit être tenue par le
conseil (art. 118 et 122). L'adoption du règlement est soumise
aux procédures habituelles prévues à la Loi des
cités et villes et au code municipal y incluant la possibilité
d'un référendum (art. 124 et 125).
3.2 La consultation des citoyens
La consultation des citoyens sur le contenu des règles
d'aménagement qui vont les affecter est essentielle. Elle peut engendrer
dans son application des implications administratives et financières
importantes et entraîner des délais sérieux dans l'adoption
de nouveaux règlements. Ces délais vont signifier un prolongement
de la durée d'application des contrôles intérimaires qui
sont, par définition, inadéquats. On ne peut éviter
totalement ces implications: leurs inconvénients seront dans la
majorité des cas, très inférieurs au
bénéfice qu'entraîne une grande participation des citoyens
aux décisions qui concernent l'aménagement de leur territoire. Il
y a lieu cependant de s'interroger sur la pertinence de certaines des
modalités de consultations prévues au projet de loi. La
CPUQ croit qu'une certaine souplesse devrait être accordée aux
conseils de comté en ce qui a trait aux modalités qu'ils peuvent
adopter pour informer la population du comté sur la proposition
préliminaire et la version définitive du schéma. Ces
modalités devraient être transmises en même temps que la
proposition préliminaire (art. 15) et que la version définitive.
Ceffe souplesse devrait s'appliquer aux règles de l'envoi des
résumés: on pourrait, par exemple, par l'intermédiaire de
journaux et autres média informer la population de la proposition et des
endroits où elle pourrait obtenir gratuitement un résumé
(bureau de poste, épiceries, etc.) Le nombre des
assemblées publiques, après la première assemblée,
peut difficilement faire l'objet d'une règle fixe dans la loi. Les
conditions particulières de chaque comté rendent impraticable une
telle règle. Le projet de loi devrait se contenter de fixer un minimum
d'assemblée. Les procédures de modifications ne devront
faire l'objet de consultations qu'auprès des populations des
municipalités qui sont touchées par ces modifications. S;
les assemblées publiques donnent lieu à une véritable
consultation, le conseil de comté devrait être en mesure de
modifier la version dite définitive du schéma. Cette
possibilité n'est pas prévue explicitement au projet de loi. Un
article à cet effet devrait être inséré entre les
articles 23 et 24. Pour ce qui est du référendum (art.
24), la CPUQ comprend mal pourquoi il s'insère avant l'adoption du
schéma (art. 25). A notre avis, le contenu de l'article 24 devrait
être situé après l'article 26. De plus, dans le but de lui
donner une réelle signification, le référendum devrait
être décisionnel.
3.3. L'expérience de la Communauté
régionale de l'Outaouais
Le processus d'adoption du schéma d'aménagement de la
C.R.O a donné lieu à une expérience intéressante de
consultation des citoyens dont se sont inspirés en partie semble-t-il
les rédacteurs du projet de loi 125. Notons pour mémoire que la
Loi de la Communauté régionale de l'Outaouais (1969 chap.
85, art. 143) obligeait la Communauté: à publier avant
adoption un avis indiquant de façon générale la nature de
tout règlement ou modification à un règlement relatif au
schéma d'aménagement; à inviter par voie de
publication les intéressés à lui faire des
représentations en la matière; à tenir, par
l'entremise d'une commission, des audiences publiques pour entendre les
représentations des intéressés.
En pratique, la C.R.O. a publié intégralement le
schéma (plans compris) à 55 000 exemplaires dans le quotidien Le
Droit. La Commission consultative a organisé 11 soirées publiques
d'information, complétées par 9 journées où le
personnel du service de planification était à la disposition de
la population pour toute demande d'information additionnelle. On a
évalué à 2 000 le nombre de personnes se prévalant
de ces dispositions.
Dans un second temps la Commission consultative a tenu 23 sessions
d'audiences publiques auxquelles environ 1 000 personnes ont assisté, et
où 360 personnes ont présenté une requête
officielle. Au total, 600 requêtes de modifications ont été
soumises à la Commission. Le projet 125 implique plus tôt la
population dans le processus de planification, faisant porter la
première ronde de consultation sur la proposition préliminaire. A
la C.R.O., la consultation a porté sur le projet final qui ne comportait
pas d'options. Il devenait alors très difficile à la population
de réagir sur les orientations générales et les principes
sous-jacents aux propositions finales; en conséquence, un très
grand nombre d'interventions et de mémoires se sont attachés
uniquement aux résultantes très concrètes du processus de
planification, à savoir la réglementation. On estime en effet
à 10% seulement les requêtes comportant des éléments
d'analyse et de critique et des recommandations sur le contenu
général du schéma.
On peut facilement comprendre que les individus réagissent plus
volontiers à ce qui touche directement leurs intérêts et
c'est une dimension du débat public à conserver. Par ailleurs, il
serait souhaitable que le débat aborde également des questions de
fond. Il n'est pas certain que des
audiences publiques et la présentation de mémoires soient
des techniques suffisantes pour susciter de tels débats.
A notre avis, deux pré-requis s'imposent pour assurer la
consultation sur les objectifs: une information, la plus complète
possible, et un processus continu de discussion. L'expérience de la
C.R.O. met en évidence l'importance mais aussi les limites de
l'information: malgré l'ampleur des moyens utilisés, on n'a pas
réussi à élargir le débat.
Si des audiences publiques constituent un véhicule adéquat
d'information, nous pensons qu'une Commission consultative ayant un mandat et
un personnel plus large que celle de la C.R.O. pourrait susciter des
réactions plus globales de la part des divers groupes
d'intérêts présents dans le milieu. C'est pourquoi, nous
proposons une Commission formée en plus de membres du Conseil de
comté, de représentants de groupes et/ou d'associations
déjà organisées et de représentants du public en
général. Cette commission à caractère consultatif
siégerait pendant toute la durée du processus de
préparation du schéma jusqu'à son adoption et servirait en
quelque sorte d'intermédiaire entre la population et le Conseil. Son
mandat pourrait être d'organiser et de chapeauter l'information et la
consultation.
Ce type de Commission à représentation élargie
faciliterait l'émergence de considérations plus régionales
sur l'aménagement du comté que si elle était formée
uniquement de représentants des municipalités. De plus, la
présence de groupes organisés inviterait sûrement d'autres
groupes à présenter des réflexions plus articulées.
Enfin, une telle structure représenterait un soutien appréciable
pour les conseils de comté qui n'auront pas ou peu de personnel
technique. 4. LA NOTION DE CONFORMITÉ
Dans le projet de loi 125, la notion de conformité relève
de deux principes différents selon l'instance qui est appelée
à en décider: lorsqu'il s'agit du gouvernement ou du conseil de
comté qui émet un avis de conformité, on parle
d'harmonisation et d'arbitrage et on se réfère au
caractère politique de l'aménagement. Lorsque la Commission
d'aménagement est appelée à donner un avis de
conformité, on se réfère cette fois au caractère
strictement technique de ses décisions. A partir d'un même litige,
on passe sans transition de la résolution politique à la solution
technique. On voit mal comment la Commission pourra remplir son rôle sans
que ne soient précisés les critères de
conformité.
La même confusion entre critère politique et technique
persiste quant à l'intensité variable de l'obligation de
conformité" selon le niveau d'intervention. En effet, l'on peut
concevoir aisément que des critères "techniques" puissent
établir la conformité de règlements de zonage, de
lotissement et de construction à un plan d'urbanisme municipal.
Cependant il n'en est pas de même lorsqu'on veut établir la
conformité d'un plan d'urbanisme ou de règlements municipaux aux
objectifs du schéma de comté. La difficulté vient en
grande partie d'avoir à se référer aux objectifs
plutôt qu'aux recommandations ou aux conclusions du schéma. Y
aurait-il eu confusion à cet égard dans le projet de loi?
De façon générale, les objectifs d'un schéma
renvoient aux résultats globaux que l'on escompte atteindre en engageant
un processus d'aménagement d'un territoire: Ces objectifs
représentent donc des choix à caractère éminemment
politique qu'on tentera de réaliser par l'articulation de moyens
techniques. Il apparaît difficile de concevoir que la Commission
d'aménagement puisse déterminer la conformité d'un
règlement de zonage par exemple, en regard d'éléments
aussi subjectifs sans être forcée de se prononcer sur le contenu
même du schéma. Cette éventualité serait,
semble-t-il, contraire aux intentions du législateur.
Pour éviter ce type de confusion et éviter que la
Commission ne soit en porte-à-faux par rapport au caractère que
veut lui donner le législateur, il serait souhaitable que l'on distingue
clairement dans le texte de loi les critères techniques de
conformité à l'usage de la Commission. Ceci n'exclut pas que
puissent opérer les mécanismes plus politiques d'harmonisation et
d'arbitrage prévus au projet.
Dans le même ordre d'idée, il apparaît que
l'hypothèse d'une hiérarchie des plans et règlements a
été "carrément éliminée" au profit "d'une
harmonisation des objectifs fondée sur la hiérarchie des paliers
de gouvernement" (1). Ces hypothèses ne nous apparaissent pas
contradictoires mais plutôt complémentaires puisque encore une
fois, l'une renvoie à des considérations techniques et l'autre
à des considérations politiques. Il en serait autrement si le
projet de loi ne fournissait pas des mécanismes adéquats de
conciliation entre les paliers de gouvernement. Dans cette
éventualité, une hiérarchisation des plans et
règlements aurait pu devenir un obstacle de taille à la
concertation des choix.
Dans le contexte du projet actuel une certaine hiérarchisation
des plans et règlements garantirait une meilleure cohérence
technique du processus d'aménagement et faciliterait la tâche des
municipalités. Puisque selon les articles 5 et 6, le contenu d'un
schéma de comté peut être assez
(1) Municipalité, p. 7
léger, les municipalités peuvent trouver difficile de
traduire des recommandations en règlements. Une hiérarchisation
des plans et règlements et l'application uniforme de critères
précis de conformité fourniraient des mécanismes qui
permettraient aux municipalités de déterminer plus facilement, le
type de réglementation qu'elles doivent adopter.
5. LE ROLE DU GOUVERNEMENT
Le projet de loi fixe au gouvernement et au ministre responsable de
l'application de la loi les règles de son intervention à
différentes étapes du processus d'aménagement. Nous ferons
porter nos commentaires sur le rôle du gouvernement dans la
délimitation des unités territoriales, dans la
préparation, l'adoption et les modifications au schéma de
comté, dans ses interventions spéciales.
5.1
Le rôle du gouvernement dans la
délimitation des unités territoriales
Comme on le qualifie souvent, ce projet de loi s'insère dans un
projet plus vaste de décentralisation. Cette opération
générale de décentralisation ne doit pas masquer le fait
que ce projet de loi concerne spécifiquement l'aménagement et
constituera, à son adoption, notre loi nationale d'aménagement et
d'urbanisme. Elle doit donc, cette loi, par le découpage
ultérieur qu'on fera du territoire, permettre que l'aménagement
du territoire se fasse sur des unités territoriales
"aménageables".
Le projet de loi est silencieux sur les critères selon lesquels
on pourra modifier le territoire des corporations de comté ou
créer de nouvelles corporations. Une chose est acquise par le projet de
loi no 125: le conseil de comté demeure comme institution et se verra
confier, dans un premier temps, la responsabilité de préparer et
adopter un schéma d'aménagement. Or, cette responsabilité
nouvelle pourrait dans certains cas, être difficilement compatible avec
un découpage territorial qui s'est fait, par le passé, pour
d'autres responsabilités. Il importe, pour des fins
d'aménagement, que les municipalités qui se regrouperont en
conseil de comté couvrent un territoire approprié à ces
fins. Nous nous permettons donc, d'attirer l'attention du ministre sur
l'intérêt qu'il y aurait d'amorcer le processus de révision
prévu dans le projet de loi par une approche régionale.
Depuis plusieurs années, on a accumulé au Québec
plusieurs expériences d'aménagement du territoire. Depuis le
presque légendaire BAEQ, les expériences se sont
diversifiées et ont adopté des approches différentes. Mais
bon nombre d'entre elles avaient en commun la nature de leur territoire
d'intervention: l'assise de l'aménagement était constituée
par la région ou la sous-région.
Par exemple, l'opération d'aménagement dans la
sous-région nord de Montréal s'est amorcée à
l'échelle sous-régionale. On a ensuite procéder
progressivement à la définition de secteurs regroupant des
municipalités qui, s'appuyant sur les dossiers sous-régionaux,
prennent conscience de leur identité et identifient leur appartenance.
Les commissions conjointes de secteurs de la sous-région, regroupant des
municipalités ayant des intérêts communs servaient de table
de concertation.
Cette expérience, et d'autres de même nature, nous
conduisent à constater la pertinence de la sous-région comme lieu
privilégié pour prendre conscience de l'extension de son milieu
d'appartenance, pour définir les principales orientations
gouvernementales, pour identifier les particularismes et procéder
à la création des conseils de comté renouvelés. Ces
expériences d'aménagement du territoire au Québec militent
en faveur de l'utilité d'une table initiale de concertation plus large
que celle des comtés, une table où les différents
comtés sont appelés à s'ajuster. Elles nous permettent de
suggérer au ministre de considérer l'intérêt de
l'approche suivante lors de l'émission de nouvelles lettres patentes:
procéder d'abord à l'échelle d'une sous-région
à une opération d'animation et de consultation où les
municipalités pourront identifier leurs différentes appartenances
et proposer les modalités relatives à leur regroupement à
l'intérieur de comtés renouvelés. 5.2 Le rôle du
gouvernement lors de la préparation du schéma
Le projet de loi prévoit que le gouvernement participe à
la préparation du schéma de comté en transmettant au
conseil ses orientations et des informations sur les équipements et
infrastructures dont il a la responsabilité et qui peuvent affecter
l'élaboration du schéma. Le gouvernement devrait ici s'astreindre
aux mêmes règles que celles qu'il impose au comté, soit:
transmettre des documents préliminaires, sujets, après
consultation à être modifiés; se donner un
délai pour les transmettre; s'obliger à publier un
résumé de ces documents; s'astreindre à tenir des
assemblées publiques sur ces orientations.
5.3 Le pouvoir de désaveu du
gouvernement
A différentes étapes, le gouvernement, par le ministre
responsable de la loi, se donne des pouvoirs de désaveu.
Le projet de loi donne au ministre le pouvoir de demander au conseil de
modifier son schéma si le ministre estime qu'il ne répond pas aux
orientations du gouvernement. Il prévoit que le gouvernement peut
modifier lui-même ce schéma si le conseil ne le fait pas dans les
90 jours.
Ce pouvoir est nécessaire et les règles qui le
régissent dans le projet de loi sont, à notre avis, acceptables,
notamment si le ministre se donne la souplesse d'ajuster ses orientations
préliminaires lors de consultations dans le comté.
De plus, le projet de loi prévoit que le ministre peut
désavouer en tout ou en partie un règlement de contrôle
intérimaire et sa modification, et peut le modifier à la demande
d'une municipalité.
Dans chacun des cas, le ministre devrait agir par ordonnance
motivée.
5.4
Le pouvoir de modifier le schéma et
le pouvoir d'intervention spéciale
Le projet de loi permet au gouvernement de participer à la
confection du schéma, d'exercer un droit de regard sur la
conformité entre le schéma et les orientations du gouvernement.
Il prévoit de plus que le gouvernement peut, après l'approbation
du schéma, modifier celui-ci si une intervention qu'il projette
ultérieurement est réputée non conforme par la Commission
et que le comté, à la demande du ministre, ne modifie pas son
schéma.
On doit accepter la réalité de l'évolution dans le
temps des politiques et interventions du gouvernement sur le territoire d'un
comté. Il devient nécessaire de prévoir un moyen qui
permette au gouvernement d'intervenir d'une façon non prévue au
moment de l'entrée en vigueur du schéma et d'une façon non
conforme au schéma.
Mais le pouvoir du ministre devrait se limiter à ce moment
à demander au conseil de comté de considérer une
modification à son schéma. Si le comté décide de ne
pas le modifier, le seul recours du ministre devrait être de créer
une zone spéciale d'intervention. Les pouvoirs accordés au
gouvernement par le chapitre VII de la loi de déclarer toute partie du
territoire du Québec zone d'intervention spéciale sont fort
intéressants et vont donner au gouvernement un outil depuis longtemps
nécessaire. On ne peut que déplorer que les pouvoirs d'un type
comparable ne soient pas accordés aux municipalités.
6. L'ADMINISTRATION DE LA LOI
6.1 La Commission nationale de
l'aménagement
Le projet de loi prévoit que cette commission est un organisme
administratif, indépendant du gouvernement, et n'ayant aucune fonction
judiciaire ou quasi judiciaire. Le mandat de cette commission est: de
juger de la conformité entre les objectifs des principaux actes ou
interventions prévus au projet de loi; de servir de registraire
et de gardien des règlements, résolutions, ordonnances,
décrets et avis faits en vertu du projet de loi.
La commission est composée de cinq (5) membres dont deux (2) sont
nommés après consultation des organismes les plus
représentatifs des municipalités et des comtés.
A) Tribunal spécialisé de l'aménagement et de
l'urbanisme
Le rôle de la commission est prévu comme n'exerçant
aucune fonction judiciaire ou quasi judiciaire. D'ailleurs le Titre III du
projet de loi reporte les sanctions et recours à la Cour
supérieure. L'on sait par expérience que l'accès à
la Cour supérieure implique de longs délais et des coûts
élevés. De plus, le droit de l'urbanisme connaîtra avec
l'adoption du projet de loi une complexité accrue, une jurisprudence et
des avenues ouvertes à l'innovation en matière de
législation et de réglementation. Conséquemment, il y a
lieu de s'interroger si le gouvernement ne devrait pas envisager la
création d'un tribunal spécialisé ou d'une chambre de
l'aménagement et de l'urbanisme ayant des fonctions judiciaires en la
matière.
B) Intégration de la Commission nationale d'Aménagement
à la Commission municipale du Québec
En ce sens et afin d'éviter la duplication des organismes
administratifs oeuvrant avec les administrations locales, les fonctions
dévolues à la Commission nationale de l'Aménagement
pourraient être confiées à l'actuelle Commission municipale
du Québec ou à une section administrative "aménagement"
relevant de cette dernière. Il va de soi que l'actuelle loi constituant
cette commission devrait être modifiée. Cependant, il faut se
rappeler que l'actuelle commission municipale du Québec.
est déjà opérante et a déjà
une expérience administrative de gestion avec les administrations
locales; approuve déjà les règlements d'emprunts
municipaux, ce qui permettrait d'unifier la gestion de ces règlements
à la lumière des avis que le conseil de comté doit
formuler (art. 46, 69) relativement aux règlements d'emprunts.
C) Représentation professionnelle au sein de la
commission
Par ailleurs, la commission doit émettre à diverses
occasions (art. 38, 100, 130 et autres) un avis de conformité entre les
objectifs des principaux actes ou interventions prévus à la loi.
La nature de ces avis est essentiellement technique. La CPUQ croit que la
commission devrait être composée pour au moins trois (3) de ses
membres d'urbanistes professionnels qui, par leurs fonctions et leurs
expériences, garantiront le caractère professionnel des avis
émis.
6.2 Les modalités de fonctionnement et
d'opération des conseils de comté renouvelés
Le projet de loi prévoit que les corporations de comté
renouvelées comprendront non seulement les municipalités
régies par le Code municipal mais aussi celles régies par la Loi
des cités et villes. Le projet de loi ne délimite aucun
territoire, ni ne fixe de façon définitive les modalités
de représentations; il ne fait qu'habiliter le gouvernement à
émettre des lettres patentes pour créer ou modifier les
corporations de comté.
Toutes les modalités administratives proposées dans les
documents sur la décentralisation (fascicule 4) ne sont pas retenues
dans le projet de loi. Certaines sont pourtant essentielles à la mise en
oeuvre du projet de loi et au fonctionnement des conseils de comté.
A)
Les commissions du conseil de
comté
Le fascicule 4 indique que le conseil de comté pourrait mettre
sur pied des commissions permanentes. Ainsi, dans le domaine de
l'aménagement, le conseil pourrait confier à une commission
permanente le soin de travailler à la préparation d'une politique
ou à la solution de problèmes particuliers du comté. Cette
commission devrait être composée de membres permanents,
c'est-à-dire de membres du conseil de comté et de membres
temporaires n'ayant pas droit de vote. Ces commissions pourraient tenir des
audiences publiques. Le projet de loi no 125 ne prévoit pas la formation
de telles commissions. La seule référence à une commission
du conseil de comté se trouve à l'article 14. On y prévoit
que les assemblées publiques lors de la consultation sont tenues par une
commission créée par le conseil de comté.
Or, compte tenu de l'ampleur du processus de consultation, il y aurait
lieu d'envisager que l'ensemble de ce processus comme tout autre sujet
directement relié à la mise en oeuvre du schéma
d'aménagement puisse être confié à une commission
permanente du conseil de comté.
B)
Les comités consultatifs
d'aménagement et d'urbanisme
Selon le projet de loi, seule une municipalité peut constituer un
comité consultatif d'urbanisme (art. 126). De plus, le pouvoir actuel
des municipalités d'instituer une commission conjointe d'urbanisme est
abrogé dès l'adoption d'une résolution par le conseil de
comté prévue à l'article 3 ou d'une ordonnance du ministre
prévue à l'article 4 visant à l'adoption d'un
schéma d'aménagement.
Le conseil de comté devrait être habilité à
se doter d'un comité consultatif d'aménagement formé de
membres choisis parmi les membres du conseil, les résidants des
municipalités et les représentants régionaux ou locaux des
principaux intervenants sur le territoire (commissions scolaires, compagnies de
services d'utilités publiques, etc.). Ce comité devrait avoir des
pouvoirs d'étude et de recommandation en matière
d'aménagement et de normes élaborées en vertu de l'article
5 d) et e).
De plus, les municipalités devraient conserver leurs pouvoirs
visant à instituer des comités conjoints d'urbanisme ayant les
mêmes pouvoirs que ceux indiqués à l'article 126. Il faut
se rappeler que les problèmes urbains ou d'aménagement rural
débordent le territoire d'une municipalité et que 4 ou 5
municipalités peuvent élaborer conjointement leurs politiques
d'urbanisme sans pour cela utiliser nécessairement les réunions
du conseil de comté, lequel regroupera souvent 20 municipalités
ou plus.
C)
Le support administratif et technique aux
opérations d'aménagement et d'urbanisme
Le projet de loi ne précise pas les pouvoirs du conseil de
comté relativement au support administratif et technique dont il peut se
doter pour assurer la mise en oeuvre du schéma
d'aménagement. Le contenu des lettres patentes (art. 144) ne
précise pas non plus cet élément.
De plus, les pouvoirs actuels des municipalités rurales leur
permettant de déléguer au conseil de comté les services
d'engagement, de rémunération et de mise en disponibilité
du personnel compétent pour les fins de confection, de
préparation et de mise en application d'un plan directeur ainsi que d'un
règlement de zonage, de lotissement ou de construction (art. 392 h) du
Code municipal sont abrogés (art. 216).
Le conseil de comté aura besoin d'un support technique pour
l'élaboration du schéma d'aménagement et ses modifications
subséquentes ainsi que pour l'analyse requise en vue des avis de
conformité qu'il doit émettre relativement aux plans et
règlements d'urbanisme. Le conseil de comté aura à
déterminer s'il est préférable que ce personnel technique
soit rattaché comme personnel fonctionnaire ou comme personnel
consultant. En ce sens, le projet de loi devrait indiquer la possibilité
pour le conseil de comté de retenir le personnel technique
nécessaire à la réalisation de ces mandats et confirmer la
présence d'un officier responsable de l'exécution des
décisions du comité administratif et du conseil de comté.
Cet officier responsable devrait avoir également le mandat de faire des
recommandations au conseil de comté quant à la conformité
des plans et règlements d'urbanisme au schéma
d'aménagement. Comme ces avis de conformité sont essentiellement
techniques, ce responsable devrait être un urbaniste professionnel.
On peut également penser, particulièrement en milieu
rural, à une formule de collaboration entre les municipalités et
le conseil de comté afin que le même personnel technique
appelé à travailler à l'élaboration du
schéma d'aménagement de comté travaille également
à la préparation des plans et règlements d'urbanisme.
Cette formule permettrait au personnel technique de maximiser la connaissance
du territoire et du milieu socio-économique. Le projet de loi devrait
donc spécifier 1) Que le conseil de comté peut retenir le
personnel technique nécessaire à l'élaboration du
schéma d'aménagement de comté et à ses
modifications subséquentes; 2) Qu'une municipalité peut mandater
le conseil de comté pour procéder à sa place aux services
d'engagement, de rémunération et de mise en disponibilité
du personnel compétent pour les fins de confection, de
préparation et de mise en application des plans et règlements
d'urbanisme.
6.3 Les délais administratifs prévus au
projet de loi
Plusieurs articles du projet de loi précisent des délais
dans l'administration des différents règlements, ordonnances,
avis. Ainsi, plus de 30 articles du projet de loi comprennent un délai
(art. 10)., 21, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 36, 37, 38, 39, 40, 47, 54, 62, 63, 65,
71, 96, 98, 99, 100,101, 102, 111,129,130,132,133... Certains de ces articles
prévoient un délai qui nous semble manifestement trop court alors
que d'autres articles référant à des opérations
importantes d'aménagement et d'urbanisme ne précisent pas de
délai.
A)
L'élaboration et l'adoption d'un
schéma d'aménagement de comté
L'article 2 du projet de loi ne crée pas l'obligation pour le
conseil de comté renouvelé d'adopter un schéma
d'aménagement et ne précise pas le délai qui s'applique
pour l'adoption d'un tel schéma.
Comme le Titre II du projet de loi prévoit la création de
corporations de comté renouvelées n'ayant au moins pour le moment
comme seules responsabilités celles prévues au Titre I et qu'il
n'y a pas de relation entre le Titre I et le Titre II du projet de loi si les
conseils de comté renouvelés ne sont pas tenus d'adopter par
règlement un schéma d'aménagement, il apparaît
nécessaire que les comtés renouvelés soient tenus
d'assumer leurs responsabilités en matière d'aménagement
et d'urbanisme. En ce sens, l'article 2 du projet de loi devrait indiquer
l'obligation pour le conseil de comté d'adopter un schéma
d'aménagement dans un délai précis, lequel pourrait
être de 3 à 5 ans à déterminer.
Par ailleurs, quel que soit le délai qui sera retenu par le
gouvernement relativement à l'adoption par le conseil de comté du
schéma d'aménagement, les modalités administratives de
l'opérationnalisation du projet de loi devront permettre que certains
éléments du plan d'urbanisme puissent être
préparés simultanément et en complémentarité
avec l'élaboration du schéma d'aménagement.
B)
L'élaboration et l'adoption d'un plan
d'urbanisme et des règlements de zonage, de construction et de
lotissement
L'article 34 du projet de loi précise que chaque
municipalité du comté devra, dans les dix-huit (18) mois de
l'entrée en vigueur du schéma d'aménagement, adopter un
plan et des règlements d'urbanisme conformes au schéma
d'aménagement.
Cette étape du processus de planification est souvent la plus
laborieuse et la plus longue en en raison du degré de précision
qu'elle commande et de la consultation constante des citoyens qu'elle
nécessite. Les citoyens d'une municipalité se sentent toujours
plus impliqués lors de débats portant sur leur
municipalité, leur quartier et leur habitat de sorte que l'adoption des
plans et règlements d'urbanisme est souvent une opération de
longue haleine. L'adoption de ces règlements pourra difficilement se
faire à l'intérieur d'un délai aussi court. Cette opinion
est cependant pondérée par le pouvoir qu'a le ministre en vertu
de l'article 203 de prolonger un délai ou une
échéance.
De plus, il nous apparaît très important que le projet de
loi prévoit une consultation des citoyens lors de l'élaboration
des règlements de zonage, de lotissement et de construction. L'on sait
qu'il n'est pas nécessaire en vertu du projet de loi (art. 98, 102) de
consulter les citoyens lors de l'élaboration de ces règlements
souvent les plus controversés.
C) La participation du gouvernement au schéma
d'aménagement de comté
L'article 11 du projet de loi ne précise pas le délai que
le gouvernement doit respecter pour transmettre un document
synthèse décrivant les orientations que le gouvernement, ses
ministères et mandataires ainsi que les organismes publics entendent
poursuivre en matière d'aménagement dans le comté;
des documents relatifs aux équipements et infrastructures que le
gouvernement, ses ministères et mandataires ainsi que les organismes
publics entendent réaliser dans le comté et qui sont susceptibles
d'affecter l'élaboration du schéma.
Ces politiques et équipements gouvernementaux sont souvent
déterminants lors de l'élaboration du schéma de
comté et le gouvernement devrait se contraindre à un délai
maximum pour la transmission de ces documents. Le gouvernement devrait faire
parvenir ces documents dans un délai maximum de 4 ou 6 mois suivant
l'adoption d'une résolution prévue à l'article 3 ou
après l'entrée en vigueur d'une ordonnance prévue à
l'article 4.
Là encore, il faut se rappeler que le gouvernement devra
considérer sa propre capacité administrative à produire
ces documents préalablement à l'émission des lettres
patentes créant les corporations de comté renouvelées
(art. 142 et 218).
6.4 Les avis de conformité
En vertu du projet de loi, des avis de conformité peuvent
être émis par deux niveaux administratifs: La Commission Nationale
de l'Aménagement (art. 189) et un fonctionnaire désigné
à cette fin par le conseil de comté ou le conseil de la
municipalité, selon le cas. L'on sait qu'un avis de conformité
doit être émis pour établir que le plan ou
règlement d'urbanisme est conforme aux objectifs du schéma
d'aménagement; que tout règlement d'urbanisme est conforme
au plan d'urbanisme; que l'intervention gouvernementale projetée
est conforme aux objectifs du schéma d'aménagement.
L'analyse de la conformité ou non des plans, règlements et
interventions du schéma d'aménagement ainsi que des
règlements au plan d'urbanisme doit relever d'un niveau administratif
indépendant, selon le cas du gouvernement provincial ou du gouvernement
local. De plus, cette analyse implique un jugement sur un acte professionnel.
Le projet de loi est relativement confus en ce qui a trait au
fonctionnaire habilité à accorder ou délivrer un permis ou
un certificat prévu au projet de loi (art. 200); à
l'adoption de plans et règlements par le conseil de comté ou le
conseil de la municipalité s'ils sont réputés conformes
(art. 36, 98); au secrétaire-trésorier qui agit dans
certains cas comme greffier du conseil (art. 39) ou selon un mandat non
précisé (art. 42, 44, 67); à l'analyse
professionnelle et administrative nécessaire pour déterminer la
conformité des règlements au plan d'urbanisme; la
conformité des plans et règlements au schéma
d'aménagement; la conformité des interventions gouvernementales
au schéma de comté (art. 129); la conformité ou tout au
moins la pertinence des règlements d'emprunts d'une municipalité
ayant pour objet l'exécution de travaux publics (art. 69).
Le projet de loi devrait clarifier la valeur et la portée de
ravis de conformité en établissant de façon légale
les distinctions suivantes: le rôle du conseil de comté et
du conseil d'une municipalité qui est d'adopter les schémas,
plans et règlements;
le rôle du greffier ou du
secrétaire-trésorier qui émet les documents officiels
relatifs aux décisions officielles des conseils; le rôle du
directeur de l'aménagement et de l'urbanisme du comté qui est
chargé de faire des recommandations aux conseils sur la
conformité ou non des interventions, plans et règlements; de
faire des recommandations aux conseils sur la conformité ou la
pertinence des règlements d'emprunts (art. 69); de diriger les travaux
nécessaires à l'élaboration des schémas
d'aménagement, plans et règlements d'urbanisme.
Afin d'accorder la crédibilité nécessaire au
rôle du directeur de l'aménagement et de l'urbanisme et compte
tenu des avis de nature professionnelle que cet officier devra formuler, il est
essentiel que le projet de loi précise que cette fonction devra
être exercée par un urbaniste professionnel.