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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Thursday, July 25, 1974 - Vol. 15 N° 145

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Etude des accusations portées par le député de Maisonneuve contre le député de Johnson


Journal des débats

 

Commission permanente de l'assemblée nationale

Etude des accusations portées par le député de Maisonneuve

contre le député de Johnson

Séance du jeudi 25 juillet 1974

(Onze heures quarante-trois minutes)

M. LAVOIE (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Monsieur Bienvenue.

Préliminaires

M. BIENVENUE: M. le Président, au moment où nous reprenons les séances de cette commission chargée d'un cas bien spéci... bien spécial, bien précis, je pense qu'il convient, surtout à la suite d'un ajournement de deux semaines ou à peu près...

M. BURNS: Depuis le 10 juillet.

M, BIENVENUE: Le 10 juillet... de faire une brève récapitulation des derniers procédés de cette commission.

Tout d'abord, M. le Président, l'on se rappellera que j'avais exprimé, au tout début de nos séances, une inquiétude profonde quant au problème de notre juridiction face à celle des tribunaux de droit commun. Je m'inquiétais profondément, et avec raison, je pense, sur la question de savoir: Sommes-nous vraiment le forum qui doit entendre de tels faits et qui ayons à nous prononcer ensuite, à l'occasion d'une décision où l'on trouverait que l'un de nos collègues a enfreint ou pas telle ou telle disposition de la Loi de la Législature?

J'avais, à ce moment-là, M. le Président — je m'en confesse à nouveau — fait une longue et aride argumentation et j'y reviendrai, qu'on se rassure, j'y reviendrai succinctement un peu plus tard, argumentation en vue d'en arriver à modifier le mandat que l'Assemblée nationale nous avait confié. Mandat dont je disais qu'il était à la fois irrégulier et illégal.

L'on se rappellera aussi, M. le Président, qu'à l'appui de ma thèse qu'il était irrégulier et illégal, j'avais soulevé au moins trois points précisant que la question de l'inquiétude quant à la juridiction ne ferait pas l'objet de la motion vers laquelle je me dirigeais. Donc, au moins trois points qui étaient les suivants.

Dans le premier cas, j'insistais pour que nous fassions une option, pour que la commission ou le député de Maisonneuve fasse une option relativement au choix et à l'alternance qui en découlait des articles 75 et/ou 79 de la Loi de la Législature, à la base de l'accusation ou de la plainte. G'est-à-dire que je demandais au député de Maisonneuve de se brancher, si on me permet l'expression, de retenir et 75 et 79 ou alors l'un ou l'autre.

Le deuxième point à l'appui de ma motion, M. le Président, portait sur la radiation du mot "inéligibilité" — je ne veux pas y revenir — qui, selon moi, devait disparaître parce que l'inéligi-bilité d'un député ou d'un candidat ne pouvait être invoquée qu'en vertu tant de la Loi des élections du Québec, tant de la Loi de la contestation des élections avec cette histoire dont vous vous rappelerez, du délai de 30 jours.

Enfin, le troisième point, M. le Président, portait sur le rejet ou le refus de toute preuve à venir de faits antérieurs au 22 novembre 1973, en raison même des termes de la Loi de la Législature, aux articles qui nous intéressent, Loi de la Législature qui parle de l'inhabilité — puisque l'inéligibilité étant enlevée, on ne se penchait plus que sur l'inhabilité — inhabilité non pas à être député, non pas à exercer le mandat de député avec tout ce que ça comporte mais l'inhabilité à faire deux choses spécifiques comme député, c'est-à-dire siéger et voter. Le tout évidemment tenait compte du fait, cette date du 22 novembre n'était pas l'effet d'un hasard mais tenait compte du fait que le député de Johnson, comme d'ailleurs tous et chacun d'entre nous, n'avons commencé à siéger et éventuellement à voter au cours du présent Parlement qu'à compter du mardi 22 novembre 1973.

Cette argumentation, M. le Président, avec la menace mutuelle que nous proférions l'un envers l'autre, le député de Maisonneuve et moi, de brandir les auteurs, les gros volumes, cette argumentation a reçu à ce moment-là une contrepartie que je dirais partielle du député de Maisonneuve et je dis tout de suite que j'aimerais bien, tout à l'heure, que nous ayons la chance qu'il puisse élaborer davantage, évidemment si la chose lui convient, relativement à cette motion basée sur une triple demande.

Donc, cette argumentation, M. le Président, conduisit logiquement à une motion que je formulais en fin de soirée le jour en question. Vous avez, de votre côté, M. le Président, sur des questions qui touchaient surtout au principe même du mandat de la commission, disant avec raison qu'on ne pouvait l'altérer en commission, décidé...

M. BURNS: Sauf pour les détails.

M. BIENVENUE: Oui, sauf pour les détails.

M. BURNS: D'accord.

M. BIENVENUE: Je m'en tiens au principe... qu'on ne pouvait pas affecter, toucher le principe même. Vous avez décidé, M. le Président, de nous soumettre, dès le lendemain, une formulation nouvelle de ladite motion. Il était manifeste, et je pense qu'on n'est pas ici pour se leurrer ou se le cacher, il était manifeste, de par votre geste, de par la soumission que vous avez

faite d'un nouveau texte, que ne se poserait pas bien longuement et bien profondément le problème ou la question de la recevabilité d'une telle motion. Mais quand même l'on se rappellera que je n'ai pas voulu endosser immédiatement ce texte de motion que vous nous soumettiez et je n'ai pas voulu surtout entamer le débat et encore moins le soumettre au vote, car ce problème me paraissait beaucoup trop grave pour que l'on en dispose en célérité ou avec célérité et à la légère.

En en conséquence, j'avais demandé, appuyé en cela par le député de Maisonneuve et tous les membres de la commission, j'avais demandé que nous ajournions nos séances sine die pour réfléchir davantage sur tout le problème. C'est dans le même esprit, et nous l'avions annoncé d'ailleurs, c'était à l'appui de notre décision d'ajourner sine die, que nous avions annoncé, le député de Maisonneuve et moi, que nous aimerions nous rencontrer pour tâcher de trouver une formule qui soit satisfaisante à tous les intéressés.

C'est donc dans le même esprit que le député de Maisonneuve et moi-même nous sommes rencontrés à de multiples reprises, M. le Président. Certaines de nos rencontres étaient même publiques et les gens qui parcouraient les corridors pouvaient toujours nous voir ensemble plus souvent qu'à notre tour; rencontres multiples où c'est avec la même sérénité, je dirais avec le même calme, dépourvu d'esprit partisan, avec cette sérénité et ce calme avec lesquels je pense on pourra nous rendre le témoignage d'avoir tous deux, d'ailleurs avec tous les membres de la commission, participé aux travaux de cette commission en ayant comme premier, principal sinon unique souci d'obtenir, de faire oeuvre de justice et de dispenser la justice à celui de nos collègues qui est la raison d'être de la tenue de ces séances.

Le député de Maisonneuve et moi, M. le Président, n'étions pas plus pressés l'un que l'autre de brusquer le jour du retour en commission — enfin là je parle pour moi-même — et ce que j'ai compris de son attitude.

Mais il aura, évidemment, dans peu de temps, la chance de confirmer ou d'infirmer ce que je dis. Et, parlant, quant à moi, je dis que nous n'étions pas plus pressés l'un que l'autre de brusquer notre retour en commission. Quant à moi, parce que j'étais conscient, comme je l'ai été lors de nos premières séances et comme je le suis au moment où je vous parle, j'étais conscient des risques inhérents à la disposition d'un tel cas ou de telle procédure trop rapidement ou encore à l'aide de ce que certains pourront qualifier possiblement avec raison, pas dans tous les cas, mais le qualifier de méthode du rouleau compresseur.

Il aurait été facile de revenir plus rapidement devant la commission, de compter sur la majorité évidente de tous ceux qui m'entourent, d'en arriver à un vote, de modifier par la force, par la vitesse le texte de la motion pour le faire, ensuite, modifier en Chambre, le texte de notre mandat, grâce à cet appui massif dont je viens de parler. J'étais conscient de cela et c'est ce que j'ai voulu éviter à tout prix.

Le député de Maisonneuve, quant à lui, M. le Président, était, je pense, et il saura le dire mieux que moi lui-même, était, je pense, conscient de l'importance du maintien du contenu du mandat qu'il avait fait adopter à l'unanimité par la Chambre. Il était parfaitement conscient de l'importance que ça revêtait pour la preuve qu'il avait l'intention de faire. Il était également conscient, je pense, de l'importance de me convaincre, avant la reprise de nos travaux, dans l'espoir que je n'adopte pas, n'endosse pas ou modifie la motion que je m'apprêtais à faire, mais à laquelle, évidemment, j'aspire dans les heures qui viennent.

Donc, cette argumentation, c'est-à-dire le résultat de nos entretiens, M. le Président, cette sérénité et ce calme, dont j'ai parlé, n'ont pas empêché que nous nous butions l'un sur l'autre au refus de l'un et de l'autre avec obstination, mais je pense que je puis dire sans passion. Le • député de Maisonneuve pourra, je l'ai dit, dans quelques instants, résumer ses principales positions face à cette triple demande de ma part.

Quant à moi, M. le Président, et sans y revenir, je considère que la justice est une mère inséparable de deux filles ou de deux jumelles siamoises qui s'appelle, l'une, l'équité et, l'autre, la légalité, sans lesquelles elle ne peut être rendue ou dispensée. C'est d'ailleurs la mise en cause de cette dernière, la légalité, qui, je pense, pour l'avoir entendu le dire à quelques reprises, préoccupe tellement le député de Johnson et préoccupe de toute façon celui qui vous parle.

Peut-être est-ce là le fruit de la déformation professionnelle, peut-être suis-je trop exigeant, mais je me sens, M. le Président, avec toute la sincérité dont je suis capable, parfaitement incapable de lâcher sur la question de la légalité à laquelle je suis revenu à plusieurs reprises.

Il est bien assez, je pense — et je l'ai dit et je me répète et j'y reviendrai tout à l'heure — que nous nous substituions aux tribunaux de droit commun pour qu'au moins nous nous assurions que nous le fassions avec un strict minimum de légalité. C'est donc —et des journalistes l'ont écrit — l'impasse, si je puis m'exprimer ainsi, entre le député de Maisonneuve et moi-même. Les journalistes avaient raison de l'écrire.

Incidemment, M. le Président, je veux sortir de mes notes pour dire aux représentants de la presse que je parle en mon nom, mais je suis sûr que je me fais aussi le porte-parole des membres du parti ministériel, je veux les féliciter du sérieux et de l'objectivité avec lesquels ils ont fait ou écrit leurs commentaires subséquents ou antérieurs à la suite, ou avant cette réunion de la commission. Vous aviez vous-même, de même que le député de Maisonneuve et celui qui vous parle, nous avions attiré leur attention sur la nature un peu spéciale de ces travaux et des conséquences éventuelles de certains commen-

taires. Quant à moi, ils ont été parfaitement objectifs.

M. le Président, face à cette impasse, je voudrais donc relire la motion que vous aviez formulée vous-même, à titre de suggestion pour remplacer la mienne, lors de notre dernière séance et qui se lisait comme suit, et je cite: "Que la commission de l'Assemblée nationale désire porter à la connaissance de l'Assemblée qu'à la suite de questions de droit soulevées sur l'interprétation notamment des articles 75 et 79 de la Loi de la Législature, elle met en doute la portée et même la légalité du mandat qui lui a été confié et qu'en conséquence, elle désire que ce mandat soit reconsidéré par l'Assemblée et qu'un rapport spécial soit fait immédiatement à l'Assemblée."

Motion de M. Bienvenue

M. BIENVENUE: J'ai, comme je m'y étais engagé, M. le Président, j'ai réfléchi avec d'autres sur le texte de votre motion, enfin celle que vous nous suggériez, et j'ai rédigé, M. le Président, un texte nouveau qui, à toutes fins pratiques, est exactement la même chose que le vôtre, mais en changeant, en reportant plus haut ou plus bas, selon le cas, certains paragraphes, certaines lignes, certains mots, certaines expressions de votre motion. Et si on compare les textes, M. le Président, vous y verrez que le contenu est le même, mais avec un ordre légèrement modifié. Cela se lirait comme suit... Cela se lit comme suit, je cite: Que la commission de l'Assemblée nationale désire porter à la connaissance de l'Assemblée qu'à la suite de questions de droit soulevées sur la portée et la légalité de son mandat, et notamment sur l'interprétation des articles 75 et 79 de la Loi de la Législature, elle met en doute la portée et la légalité dudit mandat qui lui a été confié et qu'en conséquence, elle désire qu'il soit reconsidéré par l'Assemblée et qu'un rapport spécial soit fait immédiatement à l'Assemblée."

Malgré tout, malgré ce que j'ai dit et ce que d'autres ont dit, malgré le texte à peine modifié pour la forme de cette nouvelle motion, que là, maintenant, je fais mienne, à cause de l'importance majeure, je le dis une fois de plus, que j'accorde à cette question et aux profondes inquiétudes qui continuent de me hanter quant à notre juridiction, la juridiction de cette commission et de l'Assemblée nationale, et relativement auxquelles je voudrais revenir une dernière fois tout à l'heure, avant qu'on pense à demander le vote même sur cette motion, je souhaiterais vivement, juste... Oui?

M. BURNS: Excusez. Je veux juste demander — c'est parce que je parlais à mon collègue de Chicoutimi pendant vos dernières phrases — est-ce que vous avez indiqué que vous feriez cette motion, dont on vient de recevoir copie...

M. BIENVENUE: Oui.

M. BURNS: ... ou vous la faites effectivement?

M. BIENVENUE: Non, non. Que je la ferais et je la soumets tout de suite pour que...

M. BURNS: Pour qu'on en...

M. BIENVENUE: ... le député de Maisonneuve l'ait présente à l'esprit. Et je dis... Je suis justement à dire qu'avant de la faire et, subséquemment, de demander le vote sur cette motion, parce que j'ai les inquiétudes que vous savez, j'aimerais vivement entendre le député de Maisonneuve sur les principaux points que j'ai soulevés tout à l'heure relativement à mes triples objections en droit ou relativement à nos rencontres ou à nos entretiens. Je pense qu'il serait utile que la commission ait le point de vue du député de Maisonneuve, dans le cadre que j'ai indiqué qui, je pense, se situe beaucoup plus sur plan de la justice, ou de la légalité, ou de notre mandat que des avantages que l'on peut en retirer l'un ou l'autre sur le plan de nos partis respectifs.

M. BURNS: D'accord, M. le Président.

LE PRESIDENT: Juste une petite seconde. J'ai oublié de mentionner à l'Assemblée, si vous n'avez pas d'objection...

M. BURNS: Une modification.

LE PRESIDENT: ...une modification à la formation de la commission, donnée par M. Louis-Philippe Lacroix, whip du parti ministériel, à l'effet que M. Tremblay remplace M. Blank pour la présente séance et que M. Vallières remplace M. Denis Hardy pour la présente séance. Vous pouvez continuer.

M. BURNS: D'accord, M. le Président, je vous remercie. Je pense bien que je suis en mesure de confirmer la quasi-totalité des propos tenus par le ministre de l'Immigration relativement à nos rencontres, si on peut les appeler de négociation, relativement à cette impasse dans laquelle nous nous retrouvons. Je confirme, d'abord, que nous avons eu plusieurs rencontres, le ministre de l'Immigration et moi-même, même si à cause du problème que vous savez et qui, actuellement, est très concret à la salle... ou au salon rouge, le projet de loi 22, qui m'a retenu beaucoup et qui m'a empêché, je dois le dire —et ce n'est pas la faute du ministre — pendant plusieurs jours de véritablement accorder tout le temps que méritait la question importante qui nous est soumise.

Je confirme également que nous en sommes arrivés, on est obligé de le constater, à une impasse de part et d'autre, c'est-à-dire que le ministre demeurant sur ses positions, concer-

nant la disparition de toute référence à l'inéli-gibilité, concernant également son deuxième point qui est le fait que je ne pourrais ou je ne devrais pas faire de preuves antérieures au 22 novembre 1973 et je confirme, peut-être que c'est l'aspect nouveau auquel le ministre n'a pas touché, que dans le but justement de faire avancer les choses j'ai proposé au ministre d'amender ma motion ou si vous voulez la motion que la Chambre a faite en date du 28 juin et en vertu de laquelle nous avons mandat ici, j'ai proposé de modifier ma motion dans la partie, et c'était une des demandes du ministre, où on dit: 75 ou 79. J'étais prêt et je suis encore prêt, je le confirme à la commission, à voir la motion amendée pour qu'elle se lise: 75 et 79 et non pas 75 ou 79.

M. BIENVENUE: Je fais, avec la permission du député, une brève interruption pour dire que je l'oubliais, mais de toute façon j'aime mieux qu'il le souligne lui-même et cela prouve que le député de Maisonneuve est moins buté que moi.

M. BURNS: Alors, je veux dire que je prends la parole du ministre là-dessus et je pense, M. le Président, simplement en obiter, pouvoir vous dire que, basé sur une de vos décisions antérieures, nous aurions le droit de faire cette modification même en commission. Je cite tout simplement pour l'information des autres membres de la commission l'article 158 de notre règlement, qui se lit comme suit: "Une commission ne peut modifier dans son principe une proposition qui a déjà été acceptée par l'Assemblée." Je pense bien que, si on l'interprète inversement, ce texte-là, on doit comprendre, M. le Président, qu'une commission, si elle ne peut pas changer le principe, peut donc implicitement changer des choses qui ne font pas partie du principe.

M. BIENVENUE: D'accord.

M. BURNS: Or, dans votre décision, M. le Président, du 10 juillet, je crois, vous nous avez indiqué que la partie où on retrouve le mot "ou" et qui devrait, que j'accepterais, c'est-à-dire de voir changer, vous nous avez indiqué que ça ne faisait pas partie du principe de la motion adoptée par la Chambre. Donc, j'en conclus que nous n'aurions même pas besoin de retourner en Chambre pour faire cette modification-là et, encore une fois, je confirme que je suis toujours prêt à accepter cette modification-ci, en commission, en autant que les deux autres points, et là je demeure butté, les deux autres points soient maintenus dans la motion, c'est-à-dire qu'on puisse discuter, au cours de la preuve à faire, qu'on puisse discuter de l'inéligibilité du député de Johnson au moment où il s'est présenté et qu'on puisse discuter également de faits antérieurs au 22 novembre.

Ceci, M. le Président, et je m'en voudrais de ne pas faire cette précision, avant même d'argu- menter, si le ministre décide de faire sa motion, j'argumenterai sur le plan strictement de droit et j'ai mes Anglais avec moi là pis on est prêt à jaser de ça.

Mais, pour le moment, je me limiterai à vous dire que si j'ai accepté cet ajournement, si j'ai accepté le délai dans cette affaire que je considère grave, que je considère importante, c'est parce que je trouve qu'à la base, en plus du phénomène qui concerne directement le député de Johnson ou moi-même et les membres de la commission, évidemment, par leur participation, en plus de ça il y a un principe beaucoup plus fondamental en jeu, M. le Président, et ce principe fondamental, à mon avis, c'est les droits du Parlement lui-même, c'est ça qui me préoccupe le plus et c'est ce pourquoi j'ai fait cet ultime effort, M. le Président, dans des négociations que j'ai eues avec le ministre de dire : bien OK, je vais te laisser gagner, mon cher Bienvenue, sur une partie, sur la partie qui est de changer le mot "ou" par le mot "et", mais sur les deux autres j'ai été absolument intraitable pour une raison bien simple, c'est que, selon moi, je l'ai mentionné dans une rencontre antérieure, je pense que c'était le 10 juillet, selon moi, il est inconcevable qu'un Parlement tente de restreindre ses droits. Je pense que la tendance naturelle de parlementaires devrait être l'exact contraire, c'est-à-dire de permettre le plus de possibilités à un Parlement.

Sur ce point-là, M. le Président, je l'argumenterai plus tard, comme je le disais tout à l'heure, au niveau du droit. Mais ce qui m'a préoccupé tout au long de cela, c'est de voir le Parlement ne pas se faire partiellement hara kiri quant à certains de ses droits et je pense qu'un des droits les plus fondamentaux d'un Parlement c'est d'examiner sa propre constitution, c'est-à-dire d'examiner les personnes, les qualifications, l'éligibilité, la capacité de siéger des personnes qui le composent ce Parlement-là.

Et c'est dans ce sens-là que je ne peux aucunement accepter, pas plus aujourd'hui qu'au cours de toutes les négociations que j'ai eues ou des discussions que j'ai eues avec le ministre, cet espèce d'hara kiri partiel que le gouvernement se fait ou fait au parlementarisme s'il dit, à un moment donné: Ça on n'a pas le droit d'en prendre connaissance. Il y a un grand principe, M. le Président, derrière tout ça, c'est que les tribunaux n'ont de pouvoir qu'en autant que les Parlements leur confient des pouvoirs et le Parlement les a tous, les pouvoirs, à moins que spécifiquement et véritablement de façon expresse, il confie une juridiction exclusive à certains tribunaux.

Je pense, par exemple, que le Parlement a décidé par, entre autres, le code civil et le code de procédure civile — je le cite simplement à titre d'exemple — a décidé que les questions de dommages en droit, en droit privé si vous voulez, dans les relations des citoyens entre eux, c'était une juridiction qu'il ne se réservait pas; qu'au contraire il réservait aux tribunaux,

aux tribunaux réguliers ou les tribunaux de droit commun. De sorte que je ne viendrais jamais argumenter ici, M. le Président, qu'une commission parlementaire pourrait prendre connaissance d'une preuve qui est devenue nécessaire à la suite d'un accident d'automobile. C'est clair, ça, dans ce cas-là. Le Parlement a confié cette juridiction exclusive à d'autres, c'est-à-dire aux tribunaux de droit commun.

Mais, dans le cas qui nous préoccupe — et tous les auteurs sont unanimes là-dessus — dans le cas qui nous préoccupe, ce n'est que dans des limites très particulières que nous avons confié des droits aux tribunaux et c'est dans les cas où un citoyen se plaindrait de l'élection d'un député. Or, de sorte que, M. le Président, c'est ça qui est la situation. Je confirme donc cette impasse dans laquelle on se trouve; ça fait deux fois aujourd'hui, malheureusement, dans la même journée, que je suis obligé de confirmer une impasse: celle sur le bill 22, à la suite de la discussion entre les leaders hier, et celle relativement à cette commission BB, comme se plaît à l'appeler le leader du gouvernement.

Je tiens, en terminant, M. le Président, ces remarques préliminaires, moi aussi, à remercier les gens de la presse pour surtout leur patience. Je sais que, à plusieurs reprises, ils se sont butés à un refus de tout commentaire de notre part, tant de la part du ministre que de ma part. Je les remercie d'avoir compris que c'était dans le but justement de ne pas nuire aux discussions que nous tenions et je m'excuse de l'avoir, d'avoir été obligé de le faire à plusieurs reprises lorsqu'un journaliste me demandait de commenter la situation ou de donner des nouvelles. A chaque fois, selon l'entente que nous avions, l'engagement que nous avions pris, le ministre de l'Education... de l'Immigration et moi-même, j'ai dit que je n'avais aucun commentaire pour le moment.

C'était, de mon côté en tout cas, dans l'espoir d'en arriver à une entente finale sur un texte, encore une fois, où je pense que les droits fondamentaux du parlementarisme sont en danger. Alors, c'est tout ce que j'ai à dire pour le moment, M. le Président. Je vais écouter le ministre qui, semble-t-il, a l'intention de nous proposer une motion et, à ce moment-là, je pourrai vous dire ce que j'en pense sur les deux points relativement à l'inéligibilité et à la limite quant au 22 novembre.

Je tiens à signaler également, M. le Président, que sur le point où nous avons accepté de modifier notre position, ce n'est pas que je me sois rendu aux arguments du ministre comme tels, parce que je crois encore... Le député de Chicoutimi était tout à fait prêt à vous argumenter que, même en laissant le texte actuel, le fameux "ou" 75 ou 79, je pense que le député de Chicoutimi — je présume pas de ses intentions puisqu'il m'en avait parlé — était tout à fait prêt à vous argumenter que, même en laissant le texte comme ça, les droits du député de Johnson n'étaient aucunement brimés en ce qui concerne le droit à une défense pleine et entière. Et sans... on ne reviendra pas, malgré tout, sur ce point-là parce que, déjà, je vous dis que je suis prêt à l'accepter; quant au reste, je vous dis que je n'ai pas du tout l'intention de changer d'opinion sur l'inéligibilité et sur la limite de la preuve avant le 22 novembre.

M. BIENVENUE: Nous pourrions, M. le Président — je pense que le député de Maisonneuve n'aura pas d'objection — considérer cette motion comme, à toutes fins pratiques, étant faite devant nous. On parle, on saute d'un sujet à l'autre à bâtons rompus. Nous pourrions la considérer comme étant faite.

Quant à moi, M. le Président, ayant déjà indiqué longuement pendant les séances précédentes notre position, je n'avais pas l'intention d'y revenir sur la question d'inéligibilité, etc. Je voudrais peut-être seulement, avec la permission du député de Maisonneuve, notre procédure est un peu à droite et à gauche comme elle est là, mais je pense que ça n'affecte en rien nos débats et ce qui arrivera par la suite, lorsqu'on arrivera à...

M. BURNS: C'est assez important pour qu'on accorde une certaine flexibilité à nos travaux. Je suis bien d'accord là-dessus.

M. BIENVENUE: D'accord. Alors, de mon côté, M. le Président, ne voulant pas revenir sur les arguments soulevés à l'appui de cette motion, j'aimerais peut-être citer simplement un peu les auteurs relativement aux inquiétudes que j'avais quant à notre juridiction et ensuite laisser le député de Maisonneuve y aller avec toute la latitude voulue quant à la motion elle-même. Cela irait ça?

M. BURNS: Cela va.

M. BIENVENUE: M. le Président, on avait, je me rappelle ces menaces de brandir les auteurs, le député de Maisonneuve disait: Je puis vous citer des auteurs qui vont vous montrer que ça ne peut pas aller devant les tribunaux, puis je le menaçais de répliquer par la citation du paragraphe suivant du même auteur. On a trouvé dans les auteurs des contradictions, des thèses différentes et c'est pour ça que je prendrai bien garde, M. le Président, je m'y appliquerai, je prendrai bien garde...

M. BURNS: Je remarque que vous n'avez qu'un seul volume.

M. BIENVENUE: Oui. Je prendrai bien garde de ne citer que les passages qui font mon affaire, M. le Président. J'ai pris des précautions avant, pour m'assurer que ceux qui m'entourent m'ont souligné les bons bouts, pas les mauvais. Si je fais des erreurs ça sera leur faute, M. le Président, et je sais que le député de Maisonneuve, lui, se chargera bien de...

M. BURNS: Ne manquera pas de le signaler.

M. BIENVENUE: ... de le signaler. Alors, M. le Président, c'est dans May's. Erskine May.

UNE VOIX: Willie.

M. BIENVENUE: Non, non celui, on a appelé ça l'édition de Willie Mays, la 18e édition, M. le Président, et je lis à la page 195, justement au chapitre, ses limites: "Limits of exclusive privilege jurisdiction" ses limites à la juridiction ou de la Chambre ou des Chambres ou des tribunaux, 195, ou des tribunaux, limites selon moi combien difficiles à établir, à départager et qui sont l'objet de mes inquiétudes depuis le début.

Alors je cite, M. le Président: "This test of necessity is by no means novel; it was recognized in some of the earliest cases; the dispute, however, concerns the lenghts to which the principle need be taken in order to maintain the proper functioning of the two branches of the Legislature. "The necessary sphere of exclusive parliamentary jurisdiction has been limited by successive judgments of the Courts to the following: 1.The exclusive jurisdiction of either House over its own internal proceedings; 2.The right of either House to commit for contempt. "Both of these propositions have received considerable judicial approval, but cannot be stated without certain qualifications which are examined below. The principle which underlies such qualifications can, however, be found in the insistence of the Courts on their own general jurisdiction. It would seem that the Courts would still assert their duty to determine what constitutes an "internal proceeding."

Je sors brièvement de la citation, M. le Président, pour rappeler que j'avais songé, que j'avais songé à un déféré à la cour du Banc de la reine, à la cour d'Appel, justement pour avoir peut-être une décision au sujet de ce qui constitue, comme le dit l'auteur, "on internal proceeding". "Although this would seldom be doubtful; and they are dicta to show that judges would reserve the right in certain circumstances to define what constitutes a contempt. — Etant un exemple ici — In consequence neither House can invariably remove their actions from judicial scruting simply by assigning them to their own admitted exclusive sphere of jurisdiction any more than they could make a matter a question of privilege simply by declaring it to be so."

Là, je saute des passages, M. le Président, cela ne veut pas dire qu'ils sont contre moi, mais ils sont moins bons.

Dans une cause, M. le Président, de Brad-laugh V. Gossett, et je vais le lire: "In Brad-laugh V. Gossett, it was decided that the House of Commons is not subject to the control of the courts in the administration of that part of the law which relates to its internal procedure only, and that even if its interpretation of a statute prescribing rights exercisable within its walls is erroneous, the courts have no power to interfere. For such purposes the House can "practically change or practically supersede the law."

Evidemment, M. le Président, je reviens toujours sur des décisions où il est question de procédure sur des sujets internes ou, enfin, ce qu'on a appelé tout à l'heure procédures internes. J'ai donné de nombreux exemples, l'autre jour, en rappelant certains articles de la Loi de la Législature qui parlent notamment du maintien de l'ordre, qui parlent des procédures internes au sein même de l'Assemblée, mais je le fais pour bien indiquer que dans le cas actuel je suis loin, je n'affirme pas, mais je suis loin d'être convaincu qu'une disposition d'ordre public comme celle aussi importante qui porte sur le droit ou pas à un député d'être membre de la Législature, je suis loin d'être convaincu qu'il s'agit là d'une question de régie ou de procédure interne.

A la page 197, M. le Président, toujours dans May's, je lis ce qui suit, au haut de la page: "The decisions of the Courts are not accepted as binding by the House in matters of privilege, nor the decisions of the House by the courts. Thus the whole dualism remains unresolved." C'est là qu'est mon inquiétude, je n'ai pas l'impression, la prétention que nous puissions, nous, le résoudre pour les auteurs. "In theory "there may be at any given moment two doctrines of privilege, the one held by the courts, the other by either House, the one to be found in the Law Reports, the other in Hansard; and there is no way of resolving the real point at issue should the conflict araise. "In practice, however, there is a wide field of agreement on the nature and principles of privilege in spite of the apparent deadlock on the question of jurisdiction. "It seems to be recognized that, for the purposes of adjudicating on questions of privilege, neither House is by itself entitled to claim the supremacy over the ordinary courts of justice which was enjoyed by the undivided High Court of Parliament. The supremacy of Parliament, consisting of the Sovereign and the Houses, is a legislative supremacy which has nothing to do with the privilege jurisdiction of either House acting singly.

It is admitted by both Houses that, since neither House can by itself add to the law, neither House can by its own declaration create a new privilege. This implies that privilege is objective and its extend ascertainable, and reenforces the doctrine that it is known by the courts.

Enfin, M. le Président, on garde toujours le meilleur pour la fin, je lis à la fin, au bas de la page 197 de May: Since the House of Commons has not for 100 years refused to submit its privileges to the decision of the courts, it may

be said to have given practical recognition to the jurisdiction of the courts over the existence and extent of its privileges.

Il y a Beauchesne, M. le Président, dont je vous dispenserai, mais ailleurs également dans ce manuel, dans cette édition, May et ailleurs, on retrouve toujours ce grand point d'interrogation et on conclut toujours en disant: Le problème n'est pas résolu, peut ne pas... ne peut pas à toutes fins pratiques l'être, les lignes de démarcation, les frontières entre les deux provinces des Chambres, et des pouvoirs et des tribunaux, étant si subtiles, étant si discutables que je conclus avant de laisser la parole au député...

M. BURNS: Est-ce que vous me permettez une question? Est-ce que ce que vous êtes en train de dire n'est pas ceci? Est-ce que je me trompe en résumant vos propos de la façon suivante: Dans le cas de doute, vous semblez avoir un doute à l'effet que...

M. BIENVENUE: Un gros doute.

M. BURNS: ... l'Assemblée nationale ait le pouvoir de se mêler de ces affaires-là? Alors, vous dites que dans le cas de doute, votre tendance serait de dire: Ben, on se le donne pas ce droit-là, dans le cas de doute, c'est ça?

M. BIENVENUE: Dans le cas... oui, c'est...

M. BURNS: Vous ne pensez pas que c'est le contraire qu'on devrait dire?

M. BIENVENUE: Ce que dit le député de Maisonneuve est assez juste, sauf qu'évidemment, ma position est un peu différente. Dans le cas de doute sérieux et tenant compte d'autres arguments ou d'autres points que j'ai déjà soulevés, et que je voudrais soulever tout à l'heure, après avoir entendu le député de Maisonneuve, dans un cas de doute et surtout lorsque la légalité à laquelle j'ai attaché, à tort ou à raison, tant d'importance, lorsque la légalité est en danger, j'ai par instinct ou par déformation, plus confiance, M. le Président, aux tribunaux, je parlerai tout à l'heure brièvement de partialité ou d'impartialité, j'ai plus confiance aux tribunaux qui sont détachés, qui n'ont aucun intérêt que ce soit, politique, partisan ou autres, et qui, en se prononçant dans une telle matière, se prononcent quand même dans un domaine qui est d'intérêt hautement public, qui est de droit public, statutaire, et qui porte, justement, dans le cas qui nous occupe, sur le droit, ce droit qui est absolument sacré et qui est combien important, surtout lorsque l'élection a eu lieu, ce droit pour un député de continuer de représenter ou pas ses électeurs, une fois que l'élection a été sanctionnée et jugée valide.

Mon doute, je l'interprète justement, dans ce cas-là, pas dans tous les cas, je fais exception pour la régie interne, les procédures internes dont j'ai parlé, mais dans un cas d'une importance aussi grande, je le résous, mon doute, dans le sens de faire confiance aux tribunaux à ce moment-là. Mais, tout cela étant dit, M. le Président, malgré que j'ai dit et redis encore, aujourd'hui, que quant à nous, nous n'en faisons pas l'objet d'une motion. Mais je ne connais pas l'avenir; je connais par contre l'importance des précédents, je sais par contre l'importance de la jurisprudence. Mais sans connaître l'avenir, qu'il s'agisse de ce cas-ci ou d'une foule d'autres cas qui pourraient venir à ce Parlement-ci ou à d'autres, je pense qu'il n'aura pas été superflu que cette inquiétude soit soulignée. Et au besoin, on en a parlé à plusieurs reprises, que cette loi de la législature, qui est combien désuète, imparfaite, je le dis modestement mais je le pense, cette Loi de la Législature, qui devrait aller le plus tôt possible sous le bistouri des législateurs, pourrait peut-être, dans une prochaine rédaction, régler ce cas, dissiper les doutes que nous pouvons entretenir et ne pas hésiter à faire comme la Loi de la Législature du Manitoba, ne pas hésiter à le dire clairement, à dire clairement que dans le cas de toutes les infractions à toute la loi de la Législature du Québec, le forum, le corps, l'organisme qui sera appelé à décider, à juger, sera ou ne sera pas la Législature, ou le sera dans tel cas et ne le sera pas dans d'autres, comme la Législature... comme la Loi de la Législature, d'ailleurs, n'a pas hésité à le dire dans le cas de certains articles bien spécifiques, que j'ai énumérés l'autre fois.

M. BURNS: Alors, M. le Président, sur la motion du ministre, je pense, M. le Président, que mon argument ne sera pas tellement saune base de recevabilité comme telle, mais de recevabilité intellectuelle. C'est dans ce sens-là que j'ai l'intention d'argumenter à l'effet que — et c'est ça le grand principe que je mentionnais — je considère que s'il y a doute dans l'esprit du ministre, il n'y en a pas dans le mien en tout cas, et je vais vous citer quelques auteurs qui m'appuient là-dessus. Dans le cas de doute, tout au moins, ce que la Législature devrait faire, c'est se réserver au moins les droits dont elle doute avoir en sa possession. Et je pense que la première autorité que je puisse citer est peut-être, il en a été question au cours des autres rencontres, c'est la fameuse cause de Steinkopf, que l'on peut retrouvera 1964 (49), "Western Weekly Reports", à la page 759, aux pages 759 et suivantes.

Il est peut-être bon, M. le Président, de résumer les faits dans la cause de Steinkopf. Qu'est-ce qu est arrivé? Et j'ai pu obtenir une découpure de journal de Winnipeg, du 22 août, qui raconte assez substantiellement les faits qui sont derrière cette cause.

M. Steinkopf, qui était ministre dans le cabinet Roblin au Manitoba avait été élu, M. le Président, le 14 décembre 1962. Je peux vous citer juste l'extrait de ce journal qui nous dit: "Mr Steinkopf's role in the — qui vous explique

en quoi on contestait l'éligibilité de M. Stein-kopf — transaction concluded in September 1962 but the financial aspects of the agreements ended December 31st. Mr Steinkopf was nominated for election in November 28 and was elected to the Legislature December 14, 1962."

C'est important de se rappeler ces dates. M. Steinkopf avait agi dans une transaction immobilière pour le gouvernement du Manitoba avant son élection. La transaction comme telle s'est terminée ou, si vous voulez, c'est finalisée sur papier de par cette explication en septembre 62, mais elle a eu des effets financiers jusqu'au 31 décembre. Elle a continué à avoir des effets financiers jusqu'au 31 décembre de cette année-là. Entre les deux, c'est-à-dire le 28 novembre de cette année-là, M. Steinkopf est mis en nomination pour être élu et est effectivement élu le 14 décembre. C'est ça les faits qui étaient derrière la cause de Steinkopf.

Le tribunal du banc de la reine de Manitoba, dans cette fameuse cause, a rendu une décision qui est, à mon avis, M. le Président, on ne peut plus claire. Je cite tout simplement un des passages qu'on retrouve à la page 759 des "Western Weekly Reports" que j'ai cités tout à l'heure et je cite: "It has been clearly established as early as the reign of the first Queen Elizabeth that the qualification of members of Parliament must be decided by the House of Commons itself. As was stated in Onslow v. Rapley (1681) 3 Lev 29, at 30, 83 ER 561.

Je ne sais pas ce que veut dire cette référence, en tout cas, pour les fins de ceux qui s'amusent à additionner les références, c'est 3 Lev page 29, 30, 83. Je pense que cette affirmation, M. le Président, de la cour du banc de la reine du Manitoba, en soi, il me semble qu'elle est suffisante, mais on va passer à d'autres autorités.

Ce qu'il y a d'assez intéressant, c'est de voir un peu plus loin, à la page 760 jusqu'à quel point la cour du Manitoba, soit dit en passant, qui avait à interpréter une situation légale tout à fait similaire, c'est-à-dire qu'il y a une loi, là-bas, de contestation des élections, comme nous en avons une et c'est un citoyen, comme ici, qui peut contester l'élection d'un député. Donc, les faits sont identiques et il y a un texte, dans la loi, que je ne vous citerai pas, on l'a déjà cité, l'article 17 de la Loi de la Législature du Manitoba qui est à peu près similaire à notre article, qui est presque mot à mot d'ailleurs de notre article 79 en substance. Ce qui m'a frappé dans cette cause c'est jusqu'à quel point la cour a été dure pour l'avocat qui a osé amener la cause davant les tribunaux et jamais je n'ai entendu un avocat se faire rabrouer de telle façon par les tribunaux. Je vous cite le passage. C'est-à-dire, avant de venir à cela...

Je vous cite le passage concerné: "The language of the various statutes is so clear and the principle of law I have referred to is so well known that I find it difficult to- understand — écoutez les mots qui viennent — how the experienced counsel who launched this proceeding, or the relator himself, who is a barrister of many years standing, were unaware that this application sought relief which the Court had no power to give and was, therefore, ineffectual." Et le juge continue en disant: "The effect was to make the Court a sounding board for publicity."

Je pense que, moi je n'ai jamais ou j'ai rarement vu, en tout cas, un tribunal être aussi dur pour un avocat. On lui reproche, avec son expérience, de s'être...

M. BIENVENUE: Le député de Chicoutimi vous fait signe qu'il n'est pas d'accord. Il sait comment la cour d'Appel m'a déjà "blasté".

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est exactement ce à quoi je pensais.

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve... C'est ça, hein?

M. BEDARD (Chicoutimi): Le député de Maisonneuve conteste ça.

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve me permettrait-il une brève brève remarque?

M. BURNS: Sûrement, sûrement.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'était sûrement votre première expérience.

M. BIENVENUE: Je comprends, évidemment, et j'avais lu ce passage où le savant juriste qui, le savant juriste qui soutenait ma thèse avait eu... avait reçu des paroles amères du tribunal, mais le député de Maisonneuve convient-il avec moi qu'il les avait peut-être un peu méritées en raison de l'article 41 justement auquel je faisais allusion de la Loi de la Législature du Manitoba qui dit bien — s'il l'avait lu ou, alors, s'il l'a pas lu, c'est peut-être moins grave, mais, s'il l'a lu, c'est plus grave — qui dit bien que: "For the purposes of this Act, the Assembly shall possess all such powers and jurisdiction as may be necessary... etc." En d'autres termes, pour mettre ça au plus court, la loi dit bien que — et le dit; la nôtre ne le dit pas — dit formellement que l'Assemblée nationale... l'Assemblée législative du Manitoba, c'est elle qui non seulement peut, mais qui doit entendre toutes ces causes-là?

M. BURNS: C'est purement déclaratoire de droits qui existent; c'est ça que je vise à vous dire. Et, si le ministre de l'Immigration s'est déjà fait "blaster" par la cour d'Appel, moi, je lui dis que c'est rien que ce qu'il se ferait dire s'il se présentait avec cette cause-là devant la cour d'Appel.

M. BIENVENUE: A ma décharge, je dirai, je l'avais fait "blaster", à son tour, par la cour Suprême.

M. BURNS: Je vais venir à cette... parce que, ailleurs dans le droit anglais, on se rend compte que cette disposition déclaratoire à laquelle fait référence le ministre n'est que... n'est que le reflet de la coutume qui existe en droit parlementaire britannique qui est le nôtre, d'ailleurs.

Et simplement pour terminer avec la cause de Steinkopf, j'aimerais quand même, pour les fins du débat, lui indiquer que la cour d'Appel là-bas a pris connaissance du fait que la loi permettait à un citoyen de contester une élection. Donc, c'est un des arguments du ministre que ç'aurait dû être fait par l'entremise d'un citoyen si on avait voulu contester, après l'élection, durant les 30 jours suivant l'élection, l'élection du député de Johnson.

Mais, cette situation-là existait au Manitoba lorsque le juge a rendu sa décision et on s'en aperçoit par le passage suivant: "By the controverted elections Act, RSM 1954 chapitre 45, the Legislator has delegated limited powers to the Court to decide election petitions and the Act expressly excludes any other proceedures." N'oubliez pas, c'est ce que le juge dit. Je continue: "This motion is not an election petition authorized by that Act. Any inquiry into this disqualification alledged in the motion could only be made by the Legislature."

Il me semble que ça nous replace à peu près dans la même situation que nous vivons ici.

Je passe rapidement sur la cause Steinkopf parce qu'on en a parlé longtemps et j'aimerais, M. le Président, vous citer Houseberry's Laws of England, third edition, volume 28, en particulier à la page 342 où on voit sous le grand titre "Determination of questions" le numéro 560 qui nous dit ceci: "If it is alleged otherwise than by an election petition that any member of Parliament or person elected to be a member is or has become — is or has become, j'insiste sur le fait "is or has become" — disqualified for membership whether by vocation, status or incapacity, or by reason of office or service, his right to sit and vote in the House of Commons may be decided by the House of Commons itself. The House is in fact bound to take notice of any legal disabilities affecting its members and to issue writs in the room of members adjudged to be incapable of sitting". Ça, on retrouve ça à la page 242 de Houseberry.

On retrouve dans Chalmer's également à peu près la même opinion. Il s'agit de Chalmer's and Hood Philips on Constitutional Law, sixth edition, by Hood Philips. Et à la page 108, on lit le texte suivant: "Though the House has practically transfered to the law courts judicial cognizance of disputed election cases, it may still if it chooses question the legality of a nay given election — on parle de l'élection elle-même là, je continue — the House can also expell or refuse to admit persons whom it deems unworthy to be members of their Assembly whether interested parties have moved in the matter or not". Et on cite un cas de 1870, dans le cas de Russa, O'Donovan and

Mitchell, c'est-à-dire Russa en 1870, O'Donovan and Mitchell in 1875. Et dans un autre cas, Davitt — je pense que ça se prononce davit, D a v i t t — in 1882. Ça, c'est dans le cas de Chalmer's.

On retrouve également la même opinion, M. le Président, dans Campion, "An introduction to the procedure of the House of Commons". Je ne vous la lirai pas, M. le Président, in extenso, mais on retrouve à la page 43 en particulier cette opinion, de même qu'à la page 46. Je me contenterai de vous citer l'extrait à la page 46 qui se lit comme suit: "Although the establishment of legal disqualifications upon an election petition has been transferred to the courts the House retains its jurisdiction over these questions if they do not arise out of controverted elections". C'est-à-dire que l'opinion qui se dégage de par ces trois auteurs-ci, et qui est particulièrement claire dans Campion, c'est que même s'il y a une loi de contestation des élections et que cette loi-là permet à un citoyen, par l'entremise des tribunaux réguliers, de contester une élection, la Chambre ou la Législature a toujours le droit de choisir de se servir de ses propres pouvoirs.

Je continue la citation à la page 46 de Campion: "In this way, one of the questions which might be decided by a court is decided by the House itself". Et il cite May, entre autres, auquel le ministre s'est référé tout à l'heure, Erskine May, à la page 644; et il cite également Anson, à la page, à l'item, c'est-à-dire, 182.

M. le Président, je ne veux pas rallonger inutilement mon argumentation là-dessus; je pourrais vous citer également et j'aimerais que ce soit enregistré: "Ridge Constitutional Law, 8e édition, aux pages 61 et suivantes, qui sont au même effet. Anson, Law and Custom of the Constitution, 5e édition, volume I, aux pages 177 et suivantes et enfin Bourinot's Parliamentary Procedure, 4e édition, aux pages 140 et suivantes.

Alors, les recherchistes du ministre auraient pu se forcer davantage, auraient pu lui indiquer ces auteurs-là, auraient pu lui dire que, même si May laissait entendre certains doutes, dans certaines affaires, May est aussi catégorique que les autres lorsqu'il en vient à dire qu'il ne faut pas penser que le Parlement, parce qu'il a voté une loi de contestation des élections, ne se réserve pas le droit d'examiner sa propre constitution ou la présence de certains membres.

J'aimerais, M. le Président, enfin, me référer à une autre cause, une cause ontarienne celle-ci, qu'on retrouve à la page 522; en fait, elle commence beaucoup plus tôt que ça. Je vous donne la référence exacte, c'est Ontario Report de 1943, à la page 501 et suivantes. L'extrait que j'aimerais voir la commission examiner est le suivant et il se retrouve à la page 522 de cette cause et c'est la cause de "Tolfree vs Clark et autres". A la page 522, on lit ceci: "It was contended that there was no jurisdiction in any

Court to inquire into the right of a person to sit in the Legislative Assembly, that a limited right only was given to a Court in matters of controverted elections". Je vais, M. le Président, un peu plus loin, je vous fais grâce de certaines citations qui sont non pertinentes. "It was also urged that the right of a person to sit in Parliament was a matter exclusively within the jurisdiction of Parliament and was a privilege of Parliament". Donc, M. le Président, dans cette cause-là, les deux points de vue se sont rencontrés. Il y a une partie qui disait: C'est le droit exclusif des cours et l'autre partie disait: Non, c'est le droit exclusif du Parlement.

Je continue: "This power exists, in ray opinion, in the Legislative Assembly of this Province, although it is not expressly conferred by statutes". Ceci, je pense, est une contradiction très claire de l'opinion du ministre qui nous dit: J'ai des doutes; cela n'existe pas clairement dans nos statuts. Or, je dis que justement, s'il y a un doute dans l'esprit du ministre, parce que ça n'existe pas, d'après lui, clairement dans nos statuts, je dis que c'est cette opinion et je la répète, parce que je la trouve très importante à tout ce débat-ci.

Je répète cette citation: "This power exists, in my opinion, in the Legislative Assembly of this Province, although it is not expressly conferred by statutes". Et ça continue, "It is inherent and it must be presumed that it was the intention that such jurisdiction should be given at the time, when the constitution of the Legislature was created by Imperial Parliament".

M. le Président, je n'ai pas besoin de continuer longtemps; il me semble que cette opinion est une contradiction claire de l'opinion du ministre.

Je pense qu'on causerait un dommage grave, à mon avis, c'est l'avis de tous les auteurs d'ailleurs, un dommage grave au parlementarisme québécois, à la Législature du Québec, si, d'elle-même, elle se privait d'un droit, je dirais immémorial qu'elle a d'examiner la qualification des personnes qui la composent. Et le jour où une Législature va se départir de ce droit-là, M. le Président, c'est elle-même qui va en souffrir.

Il me semble que c'est normal qu'en tout temps une Législature puisse examiner une situation. Je vous cite à nouveau, simplement sous un autre aspect, sans me référer à la cause elle-même, le cas de Steinkopf. Toute cette histoire de Steinkopf, il ne faut pas l'oublier, est arrivée en 1962, et le problème s'est véritablement soulevé en Chambre en 1964, lorsque M. Steinkopf, par suite d'un projet de loi, ou si vous voulez, le gouvernement Roblin, voulait légaliser par un projet de loi l'élection de M. Steinkopf. Devant l'opposition des libéraux, à ce moment-là, et de quelques néo-démocrates, dont le premier ministre actuel, M. Schreyer, qui faisait partie de la minorité de l'Opposition à l'époque, à cause de l'opposition qui a été faite, ou si vous voulez, de l'amendement qu'ils ont tenté de faire au projet de loi légalisant la nomination de M. Steinkopf, M. Steinkopf, voyant qu'il y avait objection, a considéré qu'il était suffisamment contesté pour tout simplement démissionner de lui-même. C'est ça qui est arrivé dans la cause de Steinkopf, mais je vous signale ça qu'il s'est passé deux ans entre son élection et le moment où le problème véritable s'est posé à l'Assemblée nationale. C'est, M. le Président, pour ces raisons-là que je n'accepterai pas qu'on limite mon droit de faire une preuve, tant sur l'inéligibilité du député de Johnson que sur la date à partir de laquelle je devrais faire ma preuve. Et moi je considère, et j'ai mentionné, dans une de mes motions antérieures, en Chambre, qui, finalement, s'est résumée à une. motion à caractère plus général, j'ai mentionné que je désirais examiner des causes à partir du 1er janvier 1973. à aller jusqu'à maintenant, pour une raison bien simple — je sais que le député de Johnson est avocat depuis 1968, je crois, alors, je ne suis quand même pas pour demander au greffier de me sortir toutes les causes qui auraient pu commencer de 1968 et qui ne sont pas encore terminées — c'est pour cela que je me suis limité, et j'ai l'intention de me limiter, dans ma preuve, à l'année 1973, pour les causes qui ont commencé et qui continuent, soit aux environs de la période de l'élection ou après l'élection.

Alors, c'est mes remarques, M. le Président, et je répète, je réitère ma proposition d'amender la motion originale simplement dans la limite où on mettrait les articles 75 et 79, ça, je suis prêt à l'accepter, d'enlever le "ou", si cela peut aider à tout le monde et si Ça peut aider à en arriver à commencer véritablement ce pourquoi l'Assemblée nationale nous a délégués ici.

M. BIENVENUE: M. le Président, avec votre permission, et bien rapidement, et avant qu'on arrive à la motion pour en disposer d'une façon ou de l'autre, je voudrais, très très rapidement, conclure, après ce qu'a dit le député de Maisonneuve et ce que j'avais dit précédemment. Je dois dire, M. le Président, que tout ce qu'il vient de citer, et ça ne m'a pas surpris, j'avais indiqué le premier qu'il y avait les auteurs, il y avait chez certains auteurs certaines contradictions, ça n'a pas pour effet de calmer mes inquiétudes, ce qu'a dit le député de Maisonneuve, si je puis m'exprimer ainsi, ça les stimule peut-être, mes inquiétudes, face à ce que l'on retrouve chez les auteurs dans la jurisprudence sur ces questions d'interprétation.

Mais je voudrais, très, très succinctement, M. le Président, vous donner une idée, donner à la commission une idée des idées qui ont surgi dans mon bien humble cerveau, comme... ou des exemples, si l'on veut, des conséquences qui découlent de ce problème de droit, parmi tant d'autres, des exemples de mes préoccupations quant au fait que nous nous substituions,

comme il semble que nous allons le faire d'ailleurs, aux tribunaux de droit commun. Je pense qu'on sera tous d'accord, et je m'adresse aux membres de la commission, pour dire que, ni plus ni moins, nous allons devenir des juges ou des jurés, des juges ou des jurés qui serons appelés à nous prononcer sur la culpabilité, ou si on n'aime pas le mot "culpabilité", sur l'innocence, sur le fait que le député de Johnson a enfreint ou non certains articles de la Loi de la Législature.

Moi-même, M. le Président, qui, depuis le début de nos séances, ai plus ou moins pris l'attitude de soulever des points de droit en faveur du député de Johnson, donc les points de droit qui lui soient favorables, moi-même qui — et c'est là ce qui me trouble profondément — moi-même qui ai pris en quelque sorte parti, sinon sur les faits, au moins sur le droit, en sa faveur, je serai appelé à le juger, à me prononcer sur les faits quant à son innocence ou sa culpabilité, et encore une fois si on peut employer ces mots-là. Le député de Maisonneuve, ça ça me vient à l'idée aussi, qui, ne nous le cachons pas, je pense qu'on est ici pour ne pas se leurrer, et en quelque sorte le plaignant, celui qui a dénoncé l'affaire et qui, par ses moyens, parfaitement d'ailleurs légaux, parfaitement prévus par notre règlement légitime, a obtenu la convocation de cette commission et évidemment, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas censé avoir l'attitude de celui qui se porte à la défense du député de Johnson, lui-même comme moi, dans mon cas va être appelé à prononcer... à se prononcer, à rendre une décision très importante sur son innocence ou pas. On est tous conscient que si le député de Maisonneuve, face aux faits, devait rendre en faveur du député de Johnson, une décision qui lui soit favorable, le député de Maisonneuve à ce moment-là se mettrait, si on me permet l'expression, toujours un peu en quelque sorte en péril, quand on connaît les sanctions.

M. BURNS: Oui, mais si, je veux dire si je suis... si la preuve me démontre que j'ai tort, je vais faire comme M. Gabias, et je vais dire: Je m'excuse, je me suis trompé.

M. BIENVENUE: C'est ça. Je n'en doute pas, mais...

M. BURNS: Je le fais en connaissant ce que ça veut dire.

M. BIENVENUE: C'est ça.

M. BURNS: Je prends toute la responsabilité des gestes que je fais. A ce moment-là, c'est basé ces principes-là que j'ai tirés des auteurs, si le ministre me permet de l'interrompre, c'est basé sur le fait que la Législature doit être assez grande, au sens flatteur du mot, si on peut dire, au sens ouverture d'esprit du mot, la Législature doit être assez grande pour être non partisane quand elle examine ce genre de problème-là. Tant l'accusateur, si on peut dire, que l'accusé doivent être placés devant la situation où on examine ça de haut simplement.

M. BIENVENUE: Ce qui n'empêche pas évidemment quand même cette situation, enfin le mot "intolérable" est peut-être fort, cette situation extrêmement difficile dans laquelle nous devons nous placer, d'un côté ou de l'autre.

Evidemment, ce que j'ai dit pour le député de Maisonneuve et moi-même, vaut pour tous les membres de cette commission, qui auront, en quelque sorte, à agir comme jurés, comme juges d'un de leurs collègues. Cela m'amène bien rapidement, M. le Président, à me poser des cas pratiques, à me poser des problèmes d'ordre pratique parce que si nous jouons, par analogie, le rôle des juges ou des jurés de droit commun, je pense à ce problème de la rotation des membres de cette commission qui pourrait survenir.

Je n'oserais pas, pour un, demander à tous les membres de cette commission, je parle enfin du côté ministériel, à demander à chacun des membres ici de nous donner l'assurance de prendre l'engagement solennel qu'il sera présent à toutes et chacune de nos séances qui peuvent s'échelonner au cours du mois d'août et du mois de septembre. Je l'ignore. Je pense que je n'oserais pas, enfin, l'exiger d'eux et s'il devait y avoir, comme c'est arrivé, comme cela arrive dans toutes les commissions, substitution d'un des membres, d'un des juges, pour telle ou telle séance, cela veut dire que le député de Johnson, à la façon d'un accusé de droit commun, serait jugé par des jurés qui, à un moment donné, alternent, certains ayant entendu tel élément de preuve, d'autres en ayant entendu d'autres.

Je pense à l'aspect récusation devant les tribunaux de droit commun. On sait qu'un juge ou un jury, un juré ou des jurés peuvent être récusés, soit d'eux-mêmes, proprio motu, dans le cas des juges, soit par la voix des avocats qui s'opposent à ce que ce soit le juge un tel et la même procédure vaut pour les jurés.

Evidemment, on sait pourquoi, ça. A cause de la partialité possible. Dans notre cas, tel n'est pas le cas. Or, il arrive quand même, et je pense au côté ministériel, nous soyons tous les collègues et amis du député de Johnson, donc tous des candidats possibles au soupçon possible de partialité par qui que ce soit, compte tenu toujours de ce que dit le député de Maisonneuve. Et cela devient un peu intolérable. On pense à certains d'entre nous qui pourrions décider, qui hésiterions à acquitter le député de Johnson si nous en venions à la conclusion qu'il devait l'être, de crainte, et je reviens au rouleau compresseur dont j'ai parlé, de crainte que dans certains milieux on dise: Ah! Ce n'est pas surprenant, c'est un député siégeant sur les mêmes banquettes, dans le même parti, ce n'est pas surprenant qu'ils l'aient acquitté. Quelle

peut être la réaction de celui, à ce moment-là, qui craindrait d'être soupçonné d'avoir acquitté par amitié ou partialité? Cela joue, évidemment, à l'inverse.

Tout ça, M. le Président, pour dire que même si nous avons décidé de rester devant cette commission, malgré mes inquiétudes et que je pense ne pas être seul à partager, tout ça pour dire que notre rôle, quant à moi, est sinon intolérable, du moins est parfaitement ingrat, c'est ma prétention.

Déclaration du député de Johnson

Démission de M. Jean-Claude Boutin

M. BOUTIN (Johnson): M. le Président, est-ce que je pourrais avoir la parole, s'il vous plaît, au nom de la commission?

LE PRESIDENT: Personne n'a objection, j'imagine?

M. BOUTIN (Johnson): M. le Président, messieurs les membres de la commission, face à toute l'impasse qu'a soulevée le ministre de l'Immigration et admise par le député de Maisonneuve, face à toutes ces procédures enfin légales, que je suis en droit de devoir défendre, est-ce que je peux faire une déclaration?

M. le Président, je constate que, pour des raisons qui ne tiennent sans doute pas à la mauvaise volonté de quiconque, les travaux parlementaires de la commission de l'Assemblée nationale dans cette affaire qui me concerne se sont engagés depuis le début dans un dédale de questions techniques et de subtilités juridiques liées à la nature même de notre parlementarisme.

Cette situation était sans doute inévitable dans la mesure où la plus stricte légalité devait nécessairement être la règle de conduite en vertu de laquelle on devait apprécier mon cens de l'éligibilité lors de la dernière élection générale et mon habilité à siéger à l'Assemblée nationale. A cause du caractère inévitablement politique du tribunal où nous nous trouvons, et de l'importance même des questions de droit en cause, je crois qu'il nous faudra modifier nos lois à cet égard comme le gouvernement s'y est d'ailleurs déjà engagé. Face à une telle situation, et en regard du caractère simplement technique de la question soulevée, j'ai décidé de remettre ma démission comme député du comté de Johnson à l'Assemblée nationale.

J'aimerais également informer mes collègues que j'ai l'intention de demander, immédiatement après la séance, au premier ministre de prier le lieutenant-gouverneur d'émettre, le plus tôt possible, les brefs permettant la tenue d'élection dans le comté de Johnson. Je fais également part à mes électeurs de mon intention de me poser candidat libéral de cette élection partielle. J'ai l'intention d'expliquer alors pleinement et dans ses détails la situation. Je veux ainsi soumettre toute cette question au jugement des électeurs du comté de Johnson.

UNE VOIX: Bravo.

M. BOUTIN: Je me soumettrai ainsi volontiers au jugement de ceux qui non seulement sont mes concitoyens mais également ceux qui m'ont élu. Je regrette simplement que la question technique à l'origine de cette situation oblige les électeurs de Johnson à retourner ainsi aux urnes. J'ai toutefois pleinement confiance en leur verdict car je crois les avoir bien servis depuis le 29 octobre dernier...

M. LACROIX: Ce ne sera pas long qu'il va être de retour avec nous autres.

UNE VOIX: Avec une majorité accrue.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux dire ceci? Est-ce que je peux dire ceci, étant donné que j'ai senti quelques remarques à peine voilées à mon endroit dans les remarques du député de Johnson, que s'il y a eu des problèmes techniques à cette commission-ci —je le dis bien franchement au député de Johnson — ce n'est pas moi qui les ai soulevées les questions techniques? J'était bien prêt, tout comme lui, d'ailleurs — je pense à sa déclaration le jour où j'ai soulevé ma question de privilège —j'étais prêt, tout comme lui, à examiner immédiatement les faits et à aller au fond des choses. Le député de Johnson a pris ses décisions, c'est... Je n'ai pas à là commenter, c'est sa décision. Tout ce que j'espère, c'est que ça puisse — je ne le dis pas méchamment — servir de ...servir peut-être de leçon à tous les membres de la Chambre, de mon côté de la Chambre comme du côté gouvernemental.

M. BIENVENUE: M. le Président, je suis un peu pris à l'improviste par ce qui se passe. On me permettra...et là on me permettra de dire au député de Johnson que j'admire son courage, d'autant plus qu'il n'était pas, en autant que je suis concerné, tenu de prendre une telle décision. Je pense que ce qui se dégage et de ce qu'il a dit et de ce que vient de dire le député de Maisonneuve, c'est l'urgente nécessité qu'il y a de clarifier...d'amender, de moderniser et d'ajourer notre loi qui, on l'a déjà rappelé, est vieille d'un siècle, avec les contigences qui prévalaient il y a un siècle et depuis.

Je n'ai rien de plus à ajouter, M. le Président, sinon que je ne vois plus, je ne vois plus, M. le Président, je ne vois plus d'autre procédé que nous ayons à suivre ici. Je ne vois pas la nécessité que nous siégions, sans avoir pesé toutes les implications, que nous siégions, plus longuement selon le mandat qui nous a été confié. Et, si tout le monde est d'accord, je propose l'ajournement sine die.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 1)

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