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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Thursday, November 6, 1975 - Vol. 16 N° 175

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition du Protecteur du citoyen sur l'affaire Seigle


Journal des débats

 

Commission permanente de l'assemblée nationale

Audition du Protecteur du citoyen sur l'affaire Seigle

Séance du jeudi 6 novembre 1975

(Dix heures onze minutes)

M. Lamontagne (président de la commission permanente de l'assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Préliminaires

La commission de l'assemblée nationale a été convoquée ce matin, par avis donné à l'Assemblée nationale, pour se réunir le jeudi 6 novembre à dix heures, en la salle 91-A, aux fins d'entendre le Protecteur du citoyen sur les principes de sa juridiction et particulièrement en regard du cas Seigle.

D'abord, pour le bénéfice de tous ceux qui sont ici, je voudrais présenter les membres de la commission en indiquant également les changements qu'on a portés à mon attention. M. Bédard (Chicoutimi); M. Bellemare (Johnson); M. Blank (Saint-Louis); M. Brown (Brome-Missisquoi); M. Burns (Maisonneuve); M. Caron (Verdun); M. Marchand (Laurier) est remplacé par M. Veilleux (Saint-Jean); M. Hardy (Terrebonne); M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine) est remplacé par M. Sylvain (Beauce-Nord); M. Léger (Lafontaine); M. Levesque (Bonaventure); M. Pagé (Portneuf); M. Mercier (Bellechasse); M. Ostiguy (Verchères); M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Tardif (Anjou).

Je voudrais qu'on suggère le nom d'un rapporteur aux fins de la commission.

M. Ostiguy: M. Tardif.

Le Président (M. Lamontagne): Vous suggérez le nom de M. Tardif (Anjou)?

M. Ostiguy: M. Tardif.

Le Président (M. Lamontagne): M. Tardif, de Montréal, unanimement nommé. A titre de président de cette commission, je voudrais souhaiter la plus cordiale bienvenue au Protecteur du citoyen. Je pense que c'est la première fois que nous avons l'avantage de l'entendre à l'occasion d'une commission parlementaire. Il s'agit d'un cas particulier et non pas d'un rapport annuel et officiel du Protecteur du citoyen.

Pour la bonne marche de nos travaux, nous pourrions entendre le Protecteur du citoyen en rapport avec la définition du mandat qui nous a été donné et, par la suite, chaque parti ou chaque participant à cette commission pourra faire un préambule ou poser les questions d'usage.

Je pense que ce serait peut-être normal...

M. Léger: M. le Président, la tradition veut que, quels que soient les personnages qui vien- nent à la commission parlementaire, le gouvernement et le représentant de l'Opposition disent un mot d'ouverture. Je pense que c'est normal qu'on continue aujourd'hui, quitte par la suite à donner à M. Marceau l'occasion de faire une représentation générale. De toute façon je voudrais qu'on continue, comme dans n'importe quelle autre commission, à permettre à chacun des partis, c'est-à-dire le gouvernement et l'Opposition, peut-être les autres membres de l'Opposition qui ont des choses à dire, de faire une entrée en matière.

Le Président (M. Lamontagne): Je voudrais inviter les membres de la commission à réfléchir avec moi, si possible, sur l'institution qu'est le Protecteur du citoyen. Je comprends ce que le député de Lafontaine veut porter à l'attention de tous les membres, mais j'ai l'impression qu'il est normal de donner la parole, d'abord, à notre invité. Par la suite, je pense qu'il n'y a personne qui va être privé de ses droits. Le Protecteur du citoyen, on lui demande de venir, je pense qu'on doit lui donner la parole d'abord. Par la suite, mon Dieu, cela n'empêchera aucun préambule de la part des partis, des autres...

Oui?

M. Hardy: M. le Président, je concours entièrement à vos paroles. Je pense que c'est une circonstance un peu spéciale, compte tenu de la personne qui est invitée à comparaître devant la commission. Si l'on veut à la fois respecter nos institutions, respecter l'institution qu'est le Protecteur du citoyen, respecter le parlementarisme, respecter les commissions parlementaires, il faudrait tâcher d'accomplir le mandat qui nous a été donné, avec le plus de sérénité, d'objectivité possible. Et, dans ce sens, ne pas profiter de cette séance de la commission parlementaire pour faire ce qu'on appelle communément de la petite politique.

Alors, dans ce sens, on devrait commencer par entendre le Protecteur du citoyen, et tous les membres de la commission auront l'entière liberté que leur accorde le règlement pour poser des questions au Protecteur du citoyen. Alors, moi je concours entièrement à votre suggestion, dans l'intérêt de l'accomplissement du mandat qui nous a été confié, dans l'intérêt également du respect des institutions.

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.

M. Léger: M. le Président, je pense que dans l'intérêt du respect de nos institutions, pour prendre les mêmes mots que le ministre des Communications et du cinéma, peut avoir les mêmes raisons, mais pour des conclusions différentes.

Pour le respect de nos institutions et du fait que cette commission parlementaire a, pour la première fois, le plaisir de recevoir un personnage aussi important que le Protecteur du citoyen, cette commission parlementaire ayant été obtenue à la suite de l'initiative première de l'Opposition et de celui qui vous parle...

M. Hardy: ... politique.

M. Léger: ... je pense normal qu'au départ nous ayons un court préambule de présentation de façon à éviter — sans soulever de débat — des conclusions malheureuses, qui sont actuellement dans le paysage, de façon à éviter justement de politiser inutilement le débat. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je pense qu'on ne doit pas, aujourd'hui, créer un précédent et changer l'habitude d'une commission parlementaire qui est maîtresse absolue de ses travaux et qui doit recevoir des personnages de quelque niveau que ce soit au Québec. Elle a normalement pris l'habitude, la tradition — je ne vois pas pourquoi on changerait aujourd'hui — de donner à chacun des partis un mot d'ouverture, un mot de bienvenue pour commencer les travaux de cette commission parlementaire.

Ce n'est pas en permettant immédiatement au personnage qui est devant nous de faire un entrée que la commission parlementaire va garder elle-même l'initiative du fonctionnement des travaux.

M. Hardy: II va faire son discours électoral et, après cela, on passera aux travaux.

M. Léger: Je pense, M. le Président, qu'il serait normal que l'on procède comme à l'habitude puisqu'on veut garder nos traditions à l'Assemblée nationale.

M. Hardy: Votre petit discours électoral...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes bien nerveux!

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Je voudrais que tous ensemble, ce matin...

Une Voix: Petit politicien!

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine parlait de précédent. Justement, c'est un précédent que nous vivons ensemble ce matin. C'est la première fois que le Protecteur du citoyen est convoqué non pas dans le cadre de son mandat général, à l'occasion d'un rapport annuel, mais à l'occasion d'un cas particulier qui a fait largement les manchettes dans tous les journaux.

Je crois de mon devoir, comme président, de rappeler ces faits à tous les membres de la commission. Je pense que la publicité qui a été faite autour de ce cas nouveau, d'ailleurs, a attiré plusieurs visiteurs qui, dans d'autres circonstances, n'y seraient pas; si c'était à l'occasion du rapport annuel du Protecteur du citoyen par exemple. C'est donc dire que je n'entends pas que l'on attaque indûment l'institution qu'est le Protecteur du citoyen.

Et j'invite, dès le début de cette commission, tous les membres non pas à ne pas dire ce qu'ils ont envie de dire, loin de là, mais à penser que, peut-être, ce matin, il y a beaucoup de monde au Québec qui ont les yeux sur l'institution que, tous ensemble, notre parlementarisme a fondée.

Pour répondre favorablement à votre demande, nous commencerons, comme vous le souhaitez, le député de Lafontaine, par un très bref préambule, pour souhaiter la bienvenue au Protecteur du citoyen.

Le député de Johnson, d'abord.

M. Bellemare (Johnson): Alors, si on doit comprendre que ce sont les partis de l'Opposition qui feront un bref exposé avant, je vais réserver mon droit de parole après l'Opposition officielle...

Le Président (M. Lamontagne): Evidemment, je ne veux pas paraître un dictateur, ce matin, je pense que nous pourrions souhaiter la bienvenue au Protecteur du citoyen et lui demander s'il n'aurait pas quelque chose à nous dire sur ce cas.

M. Hardy: Le Protecteur du citoyen...

Le Président (M. Lamontagne): Tout le monde a parlé, sauf lui. Il a été convoqué pour cette affaire, si on pouvait l'entendre, je pense que ce serait...

M. Bellemare (Johnson): Alors, je change ma proposition, je parle.

Le Président (M. Lamontagne): Vous parlez. Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, en vertu...

Le Président (M. Lamontagne): Est-ce que vous voulez parler...

M. Bellemare (Johnson): Ce sont seulement quelques remarques préliminaires.

Le Président (M. Lamontagne): Nous allons commencer par le député de Lafontaine et...

M. Bellemare (Johnson): C'est correct...

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.

M. Léger: Merci, M. le Président.

M. le Président, puisque cette commission est aujourd'hui réunie à l'initiative première de l'Opposition et de celui qui vous parle, vous me permettrez de tenter de situer ce que devrait, selon nous, déterminer le contexte, l'atmosphère dont il serait souhaitable de voir entourer nos discussions de tantôt.

Je voudrais d'abord remercier le Protecteur du citoyen d'avoir bien voulu accepter de venir ici, aujourd'hui, pour nous aider à éclaircir une affaire

qui, de son propre aveu, est plutôt spéciale. C'est la première fois que le Protecteur du citoyen vient témoigner devant cette commission et le gouvernement, je pense, est grandement coupable de cette négligence, car à aucun moment le Protecteur n'a eu l'occasion de venir dire au législateur les insuffisances de la loi qui le régit. Il n'a jamais eu l'occasion de venir nous commenter ses rapports.

Dans cette affaire qu'il est convenu d'appeler l'affaire Seigle, je voudrais bien répéter les propos que nous avons déjà tenus à l'effet qu'à aucun moment nous n'avons mis en doute l'intégrité du Protecteur du citoyen, et surtout la crédibilité du Protecteur comme institution nécessaire pour corriger les débordements d'une machine gouvernementale généralement lourde et peu soucieuse des exceptions. Nous ne sommes pas ici pour avoir la tête de quelqu'un et il ne faudrait absolument pas que nos travaux d'aujourd'hui soient entachés de cette suspicion.

Le but de notre réunion aujourd'hui, M. le Président, est de contribuer à faire la lumière sur ce que nous croyons être — et nous espérons le démontrer — une entreprise assez basse de favoritisme qui a mal tourné. Je voudrais rappeler à tous que l'affaire Seigle a été soulevée aux engagements financiers par le Parti québécois en mai 1974, il y a seize mois, et reprise en mars 1975. Bien avant que l'affaire arrive devant le Protecteur du citoyen, l'Opposition a tenté de savoir les dessous de l'affaire Seigle et c'est par un ricochet dont nous ne sommes pas responsables que le déroulement sinueux de cette histoire a impliqué, à un moment donné, le Protecteur du citoyen.

Ce que nous voulons éviter, c'est que le gouvernement ne se cache pas derrière le Protecteur du citoyen pour justifier une décision qui demeure à ses yeux et à nos yeux, du moins, inadmissible. Il faut retenir que ce que nous trouvons d'abord inadmissible, c'est bien moins le rajustement du bail que le décollage premier de l'affaire Seigle en 1971.

Le rajustement n'est qu'un incident de parcours et ce serait errer grandement, pour nous comme pour les commentateurs, de ne pas considérer l'affaire Seigle, depuis le début, dans son entier. C'est pourquoi nous profitons de la présence de quelqu'un qui a eu l'occasion de pénétrer dans tous les méandres de l'affaire Seigle pour tenter de savoir ce qu'il connaît.

S'il y a procès aujourd'hui, ce n'est pas celui du Protecteur du citoyen, cela va de soi. S'il y a procès aujourd'hui, c'est bien le procès de l'affaire Seigle, le procès des gens qui ont rendu possible une telle situation de favoritisme. A ce propos, nous considérons comme fort dangereuse une situation où le Protecteur du citoyen soit seulement impliqué dans une telle manoeuvre, quand, au moment où je vous parle, son mandat n'est pas renouvelé et qu'une sorte d'épée de Damoclès plane au-dessus de sa tête. Ce n'est pas un climat favorable, convenable pour un homme dont on a voulu qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale avec consentement des deux tiers de ses députés.

Pour notre part, concernant le déroulement de cette commission, nous avons l'intention d'interroger longuement le Protecteur du citoyen sur le sens et le contenu de sa lettre au ministère des Travaux publics, ce qui est le seul moyen pour le public de connaître dans ses détails le contexte et toutes les raisons qui ont entouré la décision de M. Marceau.

Pour reprendre l'expression de tantôt: Quand nous connaîtrons ce qu'il connaît de l'affaire Seigle, nous pourrons ainsi que la population juger de ce qui est arrivé. C'est la raison pour laquelle nous espérons avoir une réponse à toutes les questions que nous allons poser aujourd'hui, de façon que nous corrigions, peut-être, notre impression ou que le Protecteur du citoyen corrige l'impression que les personnes peuvent avoir actuellement dans l'opinion publique.

M. Hardy: M. le Président, je voudrais également soulever une question de règlement suite aux propos du député de Lafontaine. J'aurais bien pu intervenir à toutes les phrases de son exposé qui était complètement irrégulier, hors d'ordre, mais, compte tenu de la personnalité du député de Lafontaine, je sais que c'est une chose absolument inutile.

Je veux bien, M. le Président, vous rappeler ceci, en tant que membre de cette commission, et cela pour le bon ordre, pas pour brimer qui que ce soit dans ses libertés. Je voudrais bien que la commission de l'assemblée nationale s'en tienne au mandat qui lui a été donné et ne confonde et ne mélange pas les choses.

Il s'agit pour nous d'interroger le Protecteur du citoyen pour clarifier son rôle dans un dossier déterminé. Quant au bien-fondé de gestes administratifs du gouvernement, je ne pense pas que ce soit l'endroit pour le faire. Il y a d'autres endroits. Il y a la commission des engagements financiers, il y a l'étude des crédits du ministère des Travaux publics; il y a une foule d'endroits où on peut discuter de l'à-propos, du bien-fondé de l'octroi de tel contrat à des personnes et des conditions de l'octroi du contrat. Je ne pense pas que l'on doive discuter du fond de l'octroi du contrat à cette commission parlementaire. Il y a d'autres endroits pour le faire.

Ce dont nous devons discuter ici, à la commission de l'assemblée nationale, c'est du rôle du Protecteur du citoyen dans un dossier déterminé. Je vous rappelle, M. le Président, que si j'ai laissé errer le député de Lafontaine encore une fois — c'est une chose absolument habituelle, ce n'est rien de nouveau — je n'ai pas l'intention que la commission de l'assemblée nationale déroge au mandat qui lui a été donné.

M. Léger: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: Sur la question de règlement soule-

vée par le ministre qui se prépare à mettre des "enfarges" durant le reste de la commission parlementaire, je dois lui dire que nous allons...

M. Hardy: Vous vous "enfargez" assez facilement tout seul, on n'a pas besoin de vous "enfar-ger"!

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Léger: ... rapidement, gentiment, doucement passer à travers cette commission parlementaire...

M. Hardy: Selon le mandat.

M. Léger:... selon le mandat. Je dois le lire au ministre, qui ne l'a pas lu, vraisemblablement; le mandat est le suivant: "Avis est donné que la commission permanente de l'assemblée nationale se réunira le jeudi 6 novembre à dix heures, en la salle 91-A, aux fins d'entendre le Protecteur du citoyen sur les principes de sa juridiction et particulièrement en regard du cas Seigle".

M. Hardy: C'est ce que je viens de dire. Vous n'avez rien compris.

M. Léger: Quand on dit "du cas Seigle", cela ne veut pas dire uniquement le limiter à la portion que le ministre voudrait qu'on le limite. Dans les lettres que le Protecteur du citoyen a données et a rendu publiques, il y a l'ensemble du dossier Seigle, et c'est là-dessus que nous avons l'intention d'interroger. Cela entre exactement à l'intérieur du mandat de la commission.

M. Hardy: ...

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je pense que ce matin nous vivons un moment assez historique de notre parlementarisme.

On devrait, je pense, M. le Président, ce matin, dans un climat très serein, pouvoir aborder un cas aussi délicat que celui-là.

En 1969, le Parlement a décidé unanimement de voter la loi créant le Protecteur du citoyen, loi sanctionnée le 14 novembre 1968. A ce moment-là on a voulu, tous les partis politiques et l'administration en place, établir un poste de premier choix; un poste qui devait être, à mon sens, relié directement à la sauvegarde de notre parlementarisme et aussi à la sauvegarde des droits des citoyens ordinaires ou des groupes.

En vertu de la loi, M. le Président, l'Assemblée nationale a pris les précautions voulues et elle a dit qu'une telle nomination, pour être valide, devait avoir été approuvée par les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale.

Depuis ce temps, le rôle bien particulier que doit jouer cet homme et ce poste extraordinaire dans l'administration... C'est particulièrement un homme dont la réputation et le sens de l'équité seraient reconnus, et dans ses oeuvres et dans ses jugements.

D'une part le gouvernement a établi un poste voulant protéger la démocratie et voulant aussi protéger ceux qui, dans l'administration de la chose publique, se sentant lésés, pourraient avoir recours à une institution qui s'appellerait le Protecteur du citoyen.

Il faut se mettre dans cet esprit, M. le Président, si l'on veut véritablement remplir le mandat qui nous est dévolu ce matin.

Le Protecteur du citoyen a rendu de nombreux jugements. Je n'ai pas besoin de vous signaler les cinq rapports, de 1969,1970,1971,1972 et 1973, auxquels j'ai été personnellement mêlé, dans plusieurs pages, comme président de la Commission des accidents du travail. Nous avons reçu du Protecteur du citoyen certaines recommandations que nous avons essayé de suivre à la lettre, mais des jugements ont aussi été rendus avec équité après de multiples auditions pour rendre justice à l'accidenté. Cet accidenté a voulu se prévaloir de ce que la loi lui offrait pour se présenter devant le Protecteur du citoyen et jugement a été rendu.

Cela ne faisait peut-être pas l'affaire de l'accidenté qui avait subi toutes les phases de la procédure de la Commission des accidents du travail: examens, réexamens, convocation des parties, entente préalable, auditions publiques. Et après la dernière audition, peut-être la deuxième, la troisième, il y avait une décision administrative d'émise et l'accidenté, n'étant pas satisfait, a présenté sa requête devant le Protecteur du citoyen. Dans la presque généralité des cas, après étude très sérieuse, un jugement était rendu. Mais le Protecteur du citoyen n'est jamais intervenu sans que tous les moyens légaux, tous les recours possibles aient été exercés. C'est en vertu de l'article 13 d'abord, où on lui confie sa responsabilité, c'est en vertu de l'article 14 où l'on dit que non seulement une personne peut faire des requêtes mais aussi des groupes, et c'est en vertu de l'article 17 où il est dit spécifiquement qu'aucune requête ne sera acceptée sans que le Protecteur du citoyen ait demandé que tous les recours aient été exercés.

On a un cas particulier ce matin, celui de Seigle. Ici, M. le Président, il y a des centaines et des centaines de décisions qui ont été rendues. Si on voulait regarder avec une loupe, on trouverait peut-être des failles, on trouverait peut-être des petits points à critiquer. Comme je l'ai dit au mois d'août dernier, ici même à la commission parlementaire, je suis en faveur de la défense et du respect intégral d'une institution aussi importante que celle du Protecteur du citoyen, indépendamment des erreurs humaines qu'on peut commettre, sans y rattacher de la partisanerie. Cessons, M. le Président, quand il s'agit d'une telle institution, de devenir des partisans pour trouver une faille.

Si on a des doutes sur la conduite d'un de nos collègues, on peut se servir de l'article 80 de notre

règlement. Il y a, dans la hiérarchie des valeurs et particulièrement des enquêtes qu'on peut subir, d'abord les comptes publics; il y a aussi les engagements financiers; il y a aussi les ministères auxquels on peut faire une lutte acerbe, accuser même, M. le Président. Mais quand il s'agit d'une importance aussi capitale que celle du Protecteur du citoyen, je dis: De grâce! n'allez pas saper à sa base cette institution nécessaire parce que vous en paierez les conséquences.

Aujourd'hui, si on perd confiance en cet homme, que je ne connais pas mais qui a rendu de grands services à la province — il m'a donné, comme président de la Commission des accidents du travail, des ordres et des recommandations que j'ai suivis à la lettre.

Il y a des décisions, en certaines circonstances que je ne partageais pas entièrement mais je pensais que cette institution était nécessaire, qu'elle devait, dans l'avenir, continuer à jouer son rôle, sans hypothèque. Ce matin, M. le Président, on a devant nous un homme qui doit être respecté, avec lequel on ne doit faire aucune partisa-nerie. Ah! vous allez me dire, peut-être: Vous êtes un grand prédicateur, vous êtes un vieux, là vous, vous êtes de la vieille méthode. Je suis content d'être un vieux, puis je suis content d'être un parlementaire qui veut respecter ses institutions.

Qu'on me dise ce qu'on voudra. Je ne permettrai pas, pendant ce débat, moi personnellement, et j'interviendrai, qu'on attaque personnellement une décision comme celle-là, parce qu'il y a d'autres endroits pour le faire et je n'ai pas été vu par le Parti libéral, ce matin, pour vous dire cela.

Je pense, M. le Président, que c'est mon droit et mon privilège d'avoir mon opinion sur les institutions démocratiques et sur les institutions parlementaires. J'ai vécu dans ce Parlement pendant trente ans et, pendant trente ans, j'en ai vu passer bien des choses, mais, quand on est rendu à demander à cet homme qui doit être complètement mis en dehors de toute partisanerie et de tous les partis politiques, quels qu'ils soient, je me demande si on ne dévalue pas le rôle important d'une section de nos institutions parlementaires.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Me Louis Marceau, Protecteur du citoyen.

Exposé de M. Louis Marceau

M. Marceau: M. le Président, messieurs, on vient de vous le dire et de le répéter, c'est la toute première fois que m'est accordé l'honneur de me présenter devant une commission parlementaire. C'est pour moi, on le comprendra sans peine, un moment peu banal et, si je ne puis que déplorer les circonstances qui ont suscité cette convocation spéciale, je ne me réjouis pas moins de ce qu'elle me fournit l'occasion de faire un peu mieux connaître à ceux de qui elle dépend l'institution qu'on m'a demandé de faire vivre, il y a près de sept ans, et que je dirige depuis.

Il n'y a, en effet, aucun doute dans mon esprit que c'est la pire méconnaissance du rôle de l'ombudsman qui est à la base de cet étonnement manifesté par certains, lorsqu'on apprit que je m'étais permis de m'intéresser à ce cas Seigle, étonnement qui m'a fait souhaiter au plus tôt cette rencontre officielle. Je suis convaincu que les explications à son sujet permettront assez rapidement de dépasser le cas lui-même et de rejoindre, pour montrer de façon plus générale ce qui m'importe vraiment, les objectifs du bureau, ses réalisations et ses préoccupations.

Aussi, suis-je particulièrement heureux qu'on veuille bien me laisser m'exprimer librement dès le départ, ce qui me permettra de faire le point sur certains aspects touchant ma situation et ma compétence face à une plainte comme celle dont il s'agissait dans cette affaire Seigle et de dissiper, ce faisant, les équivoques et doutes que l'on a prétendu pouvoir faire ressortir de mon attitude.

Ce n'est pas ma façon d'apprécier le cas lui-même, une fois la plainte reçue et ses éléments mis en lumière, que je veux défendre, pour le moment du moins. Il y avait là une question de jugement qui demeure subjective et que je saurais difficilement aborder autrement que je l'ai fait dans ma lettre du 15 mai, lettre que je me suis permis de rendre publique dès que j'en ai eu l'occasion et qui me paraît suffisamment explicite sur la pensée et les motifs qui m'ont conduit à la réaction qui fut la mienne. J'en ai, du reste, préparé des copies que je pourrai tout à l'heure, avec votre permission, M. le Président, distribuer aux membres de cette commission.

Ce que je veux établir ici au départ et le plus clairement possible, puisque vous m'y autorisez, c'est que la prise en considération de la plainte des Investissements Seigle Inc. était requise indubitablement tant par la loi qui régit mon activité que par la nature même du rôle de l'ombudsman que l'on a introduit chez nous. Un refus, a priori, de la recevoir et de la considérer aurait constitué pour moi, et je fais attention à mes mots, un manquement flagrant à mon mandat tel que je l'ai toujours compris. C'est dans ce but que je m'emploi-rai à discuter les trois aspects sur lesquels les commentateurs se sont attardés pour contester mon attitude.

On s'est d'abord étonné que le Protecteur du citoyen pût accepter de considérer une plainte venant d'un groupe d'individus, membres actionnaires d'une compagnie. Je n'aurai pas besoin, je pense, de m'arrêter longuement sur ce premier point qui a été, depuis, suffisamment clarifié. On me permettra de dire de nouveau, cependant, à quel point j'ai été étonné qu'on s'étonne car je n'ai jamais vu là de difficulté et je ne sache pas qu'aucun des quelque 45 ombudsmans qui existent actuellement au monde en ait déjà vu de leur côté. Rien, dans la loi, ne suggère une distinction quelconque à cet égard, qui d'ailleurs, à mon avis, serait imcompréhensible.

L'ombudsman est un intermédiaire entre l'administration publique et les administrés dont la tâche est de susciter, en dehors de tout litige et en faisant strictement appel au vouloir et à la

compréhension des autorités, la réparation des torts que des bévues ou des faiblesses administratives peuvent causer. Vu sous un autre angle, l'ombudsman est un "contrôleur" de l'administration pour le compte d'administrés qui croiraient avoir été abusivement ou injustement traités. Son action, non judiciaire et démunie de toute autorité, est directement rattachée au contrôle interne inhérent à toute organisation hiérarchisée.

Comment pourrait-on tirer d'une telle définition la raison d'être d'une distinction entre les différents administrés, individus ou groupes, personnes physiques ou personnes morales, pauvres ou millionnaires? C'est une erreur que le titre choisi ici pour le Québec, celui de Protecteur du citoyen, n'était pas propre à dissiper, il faut l'admettre, mais une profonde erreur quand même de voir, dans le système d'ombudsman, le pendant d'un système d'assistance juridique ou d'aide sociale.

Tous mes rapports et ceux de tous les autres ombudsmans, d'ailleurs, sont au même effet, font état de multiples plaintes reçues de groupes, de compagnies et même de corps publics locaux, municipalités, commissions scolaires. Un des tableaux statistiques que j'ai pris soin de présenter, à chaque année, depuis le début, vise justement à distinguer les plaintes reçues d'individus et les autres.

En fait, il est vrai que la grande majorité des plaignants est formée d'individus et un grand nombre de ceux-ci se recrutent parmi les classes moins privilégiées. Mais cette situation éminemment heureuse s'explique par bien des raisons, les plus manifestes étant qu'on a affaire à des gens qui sont plus en contact avec les services de l'Etat, à cause des nombreuses lois sociales, et qui, par surcroît, sont plus démunis, moins aptes à se défendre et plus vulnérables. Mais cette situation n'a strictement rien à voir avec le concept même d'ombudsman. Que la plainte vienne d'un individu, d'un groupe, d'une compagnie ou d'un corps public local, cela ne peut affecter aucunement sa recevabilité.

On a soulevé, en second lieu, une objection d'un autre ordre. S'il était possible pour les plaignants de faire valoir leurs griefs devant un tribunal de droit commun, n'y aurait-il pas là un motif péremptoire de rejet ab initio, dès le début de leur plainte? La question ici est plus compréhensible, mais la réponse n'en est pas moins facile et claire.

Sur le plan des principes, cette réponse est acquise, pour nous, depuis les tout premiers moments d'existence du bureau. J'en ai discuté dès mon premier rapport à l'Assemblée, en 1969, et elle est tirée non d'une interprétation de l'article 17 de la loi, l'article qui est mis en cause, mais d'une pure compréhension de la disposition qu'il édicte. Qu'on me permette simplement de lire ce que j'écrivais à ce sujet dans mon rapport de 1969: "Reste cette autre disposition de l'article 17 qui ordonne le rejet d'une demande lorsque le plaignant dispose, en vertu de la loi, d'un appel ou d'un recours également adéquat". Il s'agit probablement là de la règle la plus déroutante de toute la loi. Deux remarques suffiront à le démontrer.

Que le Protecteur du citoyen n'ait pas été créé pour remplacer ou doubler d'autres contrôles est incontestable. D'ailleurs, privé de toute autorité hiérarchique et de tout pouvoir exécutoire, il ne saurait guère le prétendre. Une règle de cette nature n'était donc pas nécessaire pour garantir le caractère subsidiaire de son action. Jamais celle-ci ne pourra avoir la même portée ni être assimilée à celle d'un tribunal, qu'il soit de droit commun ou autre.

Cette première constatation est évidente. La seconde ne l'est pas moins. Il ne suffit sans doute pas qu'un autre recours soit possible pour que l'exclusion joue nécessairement, car, autrement, l'article 26 n'aurait aucun sens, puisque la plupart des motifs d'intervention qu'il prévoit formellement donnent déjà ouverture à un recours devant la Cour supérieure sous l'autorité des articles 834 et suivants du Code de procédure civile. Il faut en conclure que c'est l'appréciation du caractère également adéquat du recours possible qui devient le fond du problème. Et on ne voit pas de qui devrait relever cette appréciation, si ce n'est du Protecteur lui-même, et, éventuellement, de l'Assemblée nationale à qui il doit rendre compte.

Il est donc apparu illusoire d'établir ici des lignes de conduite précises et rigides, et préférable de réserver à chaque espèce sa solution. Appliquée de cette façon, la règle devient fort compréhensible et sage, car il est aisé de se rendre compte que les recours possibles, à cause des formalités qu'ils exigent, du délai qu'ils impliquent, des frais qu'ils font encourir ne sont pas toujours également adéquats.

Des constantes se sont néanmoins pratiquement imposées. Les recours spéciaux de caractère administratif portés devant un tribunal ad hoc, de même que ceux existant en vertu d'une convention collective, ont dans à peu près tous les cas été jugés également adéquats. Au contraire, les recours ordinaires de droit commun pouvant être intentés en vertu du code civil ou du code de procédure civile n'ont généralement pas empêché de recevoir la plainte et de procéder à l'enquête. Et je termine la citation.

Il s'agit strictement — j'insiste — d'une question de compréhension du texte car le lire autrement conduirait à enlever tout sens à la loi et toute utilité au système. Dans la plupart des autres législations, on a procédé autrement et de façon plus claire en disant simplement que l'ombudsman peut refuser d'agir si un autre recours existe. Mais malgré cette technique législative différente, notre texte s'en rapproche lorsqu'on l'analyse comme il se doit.

Il faut se rappeler que le système d'ombudsman est un système qui fait essentiellement appel au pouvoir de révision interne de l'autorité sur les décisions et les comportements contestables de ses services ou de ses officiers ou encore, si on veut s'exprimer de façon plus générale, un système qui fait appel à la possibilité pour une autorité rendue consciente de son erreur de se reprendre elle-même, s'il lui est encore loisible de le faire.

Or, ce pouvoir de révision interne ne saurait évidemment disparaître par le seul fait qu'un recours judiciaire serait ouvert aux citoyens préjudi-ciés.

Dans le cas précis dont il est question, il y a même plus. Le recours des Investissements Seigle auquel on a pensé est évidemment le recours en nullité que prévoit le droit commun des contrats civils au cas de vice de consentement.

Certes un tel recours aurait peut-être pu être intenté, mais, à mon avis, il n'aurait pas réussi parce que le dol sur lequel il aurait dû se fonder n'était pas suffisamment caractérisé, et surtout le remède auquel il aurait pu donner lieu n'était pas du tout celui qui paraissait souhaitable en l'espèce puisque la seule possibilité du tribunal saisi aurait été l'annulation pure et simple du contrat. Me retrancher derrière cette disposition de l'article 17 pour me libérer de la considération de la plainte parce qu'elle m'apparaissait embêtante m'était donc impossible. La situation a toujours été pour moi à cet égard parfaitement claire et je n'arrive pas à comprendre, et n'y arriverai jamais sans doute, comment certains journaux, à la suite de ma conférence de presse du 29 septembre, ont pu conclure de mes explications que j'avais admis sur cette base avoir excédé ma juridiction.

L'existence d'un recours possible de droit commun ne saurait conduire au rejet d'une demande que si le recours est suffisamment direct et le remède auquel il pourrait donner lieu, suffisamment approprié.

Si vous voulez, pour mieux faire voir en pratique, j'en donnerai un exemple et ce sera d'une pierre deux coups car mon exemple me permettra, en même temps, de dissiper une autre équivoque qu'on a soulevée dans les déclarations publiques faites autour de cette affaire Seigle.

On a parlé d'une subvention, d'un premier ajustement de $109,638.41 qui aurait été accordée aux Investissements Seigle en février 1974 en trouvant intrigant que le Protecteur du citoyen n'en ait fait aucune mention.

Peut-être n'en a-t-il pas été informé, a-t-on pensé. M. le Président, ce paiement de $109,638.41 non seulement j'en étais bien informé, mais il avait fait l'objet d'une plainte spécifique et formelle de la part des Investissements Seigle. Cela n'avait rien à voir, ni de près, ni de loin, ni directement, ni indirectement, avec une subvention, ni, non plus, avec le problème du coût du loyer que l'autre plainte devait mettre en cause.

Voici ce dont il s'agissait. Dans le contrat de location du 17 novembre 1972, il avait été expressément prévu, comme dans tous les contrats de location du genre, une clause générale stipulant que le preneur peut faire à ses frais toute transformation dans les lieux loués et une clause spécifique prévoyant que "toute nouvelle demande par le preneur, postérieure au 17 novembre 1972 — date de la signature du bail — quant aux modifications d'aménagement convenues antérieurement sera sujette aux dépenses occasionnées par cette demande", c'est-à-dire sera aux frais du preneur bien qu'exécutées par les soins du propriétaire. C'est l'une des clauses habituelles, dite "escalator."

Plusieurs mois après la signature du bail, au cours des mois de mars et d'avril 1973, les discussions qui se poursuivaient entre le ministère des Travaux publics et les représentants des divers ministères intéressés au sujet de l'aménagement des lieux devaient conduire à la décision de procéder à une série de modifications des plans d'aménagement déjà définis, la plus importante de ces modifications étant le remplacement de l'arrangement paysager convenu par des cloisons jugées plus adéquates aux besoins des différents ministères.

Les services des architectes O'Keefe, Poirier et Dostaler furent alors retenus par les Travaux publics pour préparer un projet et en surveiller la réalisation. Les propriétaires présentèrent et firent approuver l'estimation que la maison d'entreprise Régoma Construction Inc. soumit, à partir du projet, et les travaux furent entrepris sans délai parce qu'on souhaitait les voir complétés au plus tôt, étant donné que la date prévue pour la prise de possession était passée depuis longtemps et que les locaux occupés jusque-là par les divers services, dans plusieurs immeubles disséminés par la ville, devaient être libérés.

Cette estimation, approuvée par les architectes, s'élevait à $180,566.58. Cela comprenait les cloisons additionnelles, bien sûr, et la réorganisation du système d'aération, mais aussi des portes supplémentaires, des serrures spéciales, une entrée particulière et des cellules en blocs de ciment pour la sûreté, des installations spécifiques pour la Cour du bien-être social, des tapis, des comptoirs et le reste.

Les transformations et additions furent achevées au cours de l'été et les locaux occupés aussitôt, soit le 1er juillet. C'est alors que Seigle réclama paiement, paiement dont le principe n'a jamais fait aucun doute. On ne pouvait, évidemment, payer que suivant le coût réel et les propriétaires produisirent les factures reçues de l'entrepreneur, au montant de $159,736.22. Le service de l'estimation de la direction générale de l'approvisionnement du ministère procéda alors à une analyse de toutes les factures et s'employa à réviser les montants de chacun des articles inscrits, à partir du répertoire des coûts de location de machinerie approuvés à l'avance par le Conseil du trésor, des salaires prévus au décret de la construction et à partir de ses propres listes de prix courants.

La révision aboutit à un chiffre total de $109,638.51 que le ministère offrit aux propriétaires en règlement final. Les propriétaires s'opposèrent, bien sûr.

Ils firent valoir, évidemment, que le projet avait été approuvé, qu'il avait été complété en vitesse et sous la surveillance des architectes du ministère et qu'ils avaient droit — incidemment les architectes étaient les mêmes que ceux qui avaient construit l'édifice, mais ils avaient été engagés par le ministère pour les travaux de rénovation et de modification — de réclamer au moins ce qu'ils devaient effectivement débourser,

$159,736.22, tous ces travaux ayant été faits pour le compte et à la charge du ministère.

La dernière lettre du sous-ministre est du 5 février 1974; elle dit en substance: C'est à prendre ou à laisser, c'est un règlement final.

Pressés par leurs créanciers, les propriétaires, en février 1974, après neuf mois d'oppositions et de tergiversations prirent le montant et me soumirent aussitôt une plainte.

Voilà donc ce qui en est de ce paiement de $109,638.51. Mais pour en revenir au but premier de mon exemple, pour en revenir à la comparaison que je voulais faire au sujet de l'application de l'article 17 sur le recours adéquat, je signalerai simplement que cette plainte des Investissements Seigle Inc., je l'ai rejetée, pour deux motifs. Le premier, je reviendrai plus loin sur l'autre, est que la compagnie, si elle prétendait n'être pas soumise au répertoire et listes de prix du ministère à cause de son contrat, avait un recours direct en Cour supérieure qui lui assurait un remède également adéquat, soit le remboursement de ses dépenses.

La situation, par rapport à l'article 17, était, on le voit bien, totalement différente de ce qu'elle était en regard de la plainte relative au prix du loyer.

C'est l'existence même du bail qui a finalement fourni la base de la troisième objection qu'on a cherché à faire valoir. Le seul fait qu'il y ait contrat, a-t-on dit, exclut toute possibilité d'agir du Protecteur du citoyen et l'obligeait à refuser, dès le départ, de recevoir la plainte.

La prétention est plus sérieuse et peut paraître plus subtile, mais elle résulte encore de confusions et ma réponse sera aussi catégorique que celle formulée à l'égard des deux autres objections mises de l'avant.

Je n'ai jamais pensé qu'une règle absolue d'une telle portée pût exister et je crois que ni la loi québécoise ni les lois étrangères qui l'ont inspirée ni le concept même d'ombudsman n'appuient l'existence d'une telle règle.

C'est le comportement contestable d'un service administratif ou de l'un de ses officiers que l'ombudsman est chargé de déceler. Un tel comportement peut se présenter quelle que soit l'activité administrative mise en cause et il ne change pas de caractère parce qu'il aurait abouti à un consentement ou à un contrat. Car, la situation privilégiée de l'Etat se manifeste parfois en pratique tout autant dans son activité contractuelle que dans ses autres activités. La moindre expérience de la vie administrative suffit pour s'en rendre compte et tous les administrativistes ne cessent de le répéter.

Mais, là, attention! C'est, je le répète, le comportement contestable d'un service qui concerne l'ombudsman et cela seulement; s'il y a eu consentement ou contrat, c'est le comportement au niveau de la négociation du contrat ou de son exécution, au niveau des moyens pris pour obtenir l'accord ou en assurer le respect.

Ce serait parfaitement intolérable et même ridicule que l'ombudsman intervienne sous le seul prétexte qu'un contrat lui paraîtrait en lui-même inadéquat et jamais, jamais l'idée ne m'en a effleuré l'esprit; c'aurait été de ma part stupide.

Que la lésion qui résulte d'un contrat déséquilibré, quoique normalement conclu, ou l'imprévision qui le rend lésionnaire après coup, pour des causes ultérieures indépendantes des parties, ne regardent pas l'ombudsman, c'est parfaitement évident.

Je l'ai répété à maintes reprises, dans tous mes rapports, et pas moins de trois fois dans ma lettre du 15 mai, au sujet de l'affaire Seigle.

En tant que juriste, je pense qu'il en est peu qui soient plus sensibilisés que je ne le suis au respect du principe de la force contractuelle et le nombre de plaintes que j'ai rejetées en application de ce principe est énorme. Il a toujours été parfaitement acquis pour moi que la présence d'un consentement ou d'un contrat crée la plus forte présomption qui soit contre la recevabilité d'une plainte. Seulement, il est arrivé des cas où ce consentement, des cas où ce contrat m'a semblé avoir été donné ou conclu dans des conditions anormales, tenant à un comportement contestable d'un service. Et là, j'ai toujours pensé qu'il était de mon devoir de réagir.

Tous les rapports que j'ai soumis à l'Assemblée depuis 1969 contiennent des exemples types de cas de cette nature. Qu'on me permette, pour illustrer, de tirer du rapport de l'an dernier deux sommaires présentés à dessein dans le texte en regard l'un de l'autre. On sait peut-être que mes sommaires dans ces rapports sont inspirés, bien sûr, de dossiers, mais sont simplifiés à l'extrême, leur but étant uniquement de concrétiser une situation type en vue de mieux mettre en lumière les principes d'agir du service.

Et je lis. S-179: Un exproprié se plaint de l'insuffisance de l'indemnité qu'il a acceptée, prétendant qu'elle ne couvre pas tous les dommages que l'expropriation lui a causés. La plainte n'est pas fondée; l'évaluation des dommages pouvant donner lieu à compensation a été faite suivant les règles et le plaignant y a acquiescé en pleine connaissance de cause. En l'absence d'erreur manifeste ou de consentement vicié, on ne saurait remettre en question l'accord intervenu.

S-180: Le plaignant reproche au ministère de lui avoir fait accepter une indemnité d'expropriation qui ne tenait pas compte du fait qu'une servitude de non-accès au chemin public rendait plus difficile l'exploitation du résidu de sa propriété. La plainte est fondée. Lors des négociations, le plaignant n'avait pas réalisé que sa ferme coupée par la nouvelle route, sur laquelle il n'aurait qu'un accès indirect, serait beaucoup plus difficile d'exploitation et, manifestement, l'indemnité qu'il avait acceptée n'en tenait pas compte. Le ministère acceptera de reprendre l'évaluation et de faire une nouvelle offre.

Un autre exemple, tiré du même rapport, montrera en page 100 ce qui en est de mon attitude à l'égard du système de soumissions et des contrats qui en résultent, puisqu'on a parlé — je ne comprends pas comment, face à ma lettre du 15 mai, mais enfin — de perturbation possible que

mon action pouvait causer à ce niveau. Dans le même rapport, S-197: Le plaignant, un entrepreneur, croit injuste qu'on le force à respecter intégralement la soumission qu'il a souscrite en réponse à un appel d'offre pour l'exécution d'un contrat de voirie, même s'il est manifeste qu'une pure erreur de copiste s'est glissée dans la compilation des chiffres où, au lieu de $800 et $600, on a inscrit $8 et $6. Ce qui a naturellement conduit à un coût total inférieur à la réalité. L'erreur, fait-il valoir, portait sur le prix unitaire de lampadaires qu'il devait acquérir d'un fournisseur; elle était évidente et d'ailleurs attestée par le dossier car le contrat du fournisseur y avait été lui-même versé. Puisque la correction n'aurait nullement affecté l'ordre des soumissions, il n'admet pas que le ministère s'y oppose aussi catégoriquement maintenant qu'il a exécuté son contrat. La plainte comme telle n'est pas fondée. Il faut d'abord se rappeler que ce n'est qu'avec une prudence extrême qu'on peut accepter d'étudier ces demandes de soumissionnaires qui déplorent, pour une raison ou pour une autre, les conséquences que leur a values la rigueur des règles adoptées par le système actuel de soumissions publiques, le moindre accroc dans la procédure habituelle étant susceptible d'avoir des conséquences en chaîne.

Mais s'il est un cas qui soit digne de considération, malgré ces réserves de base, c'est bien celui mis en lumière par la plainte, l'erreur dont on avait catégoriquement refusé de tenir compte était manifeste et attestée par le dossier lui-même.

Personne ne doutait qu'elle avait été commise de bonne foi et sa correction n'aurait pas changé l'ordre des soumissions. S'interroger dans les circonstances sur l'attitude intransigeante adoptée est certes légitime. Partant du principe qu'un formalisme n'a de sens qu'en tant qu'il peut aider a promouvoir un but précis que l'on doit chercher à atteindre, on pourrait être porté à plaider en faveur d'une certaine souplesse.

Il faut toutefois prendre garde que nous sommes en un domaine particulièrement délicat et que la simple acceptation du principe qu'une erreur de copiste affectant le prix unitaire d'un article et, partant, le montant global d'une soumission peut être corrigée pourrait fort bien ouvrir la porte à des manigances que le système veut justement empêcher.

Ne pourrait-on pas, par exemple, simuler une erreur pour s'assurer une position prioritaire et en demander par la suite la correction, après s'être assuré que la marge qui sépare du deuxième plus bas soumissionnaire est suffisante. La position du ministère sur ce plan apparaît donc parfaitement justifiée et la conclusion force à disposer de la plainte.

J'ajoute deux autres sommaires, tirés du rapport que je déposais en juin dernier, qui, dans des domaines différents, confirment encore ces préoccupations qui me guident, lorsque je me situe dans le cadre de relations contractuelles.

S-48, des étudiants qui étaient à l'emploi d'un ministère, au cours de la période de vacances, se plaignent du salaire qu'on leur a versé parce que, eu égard aux heures de travail qu'on exigeait d'eux, il aurait été inférieur au salaire minimum. La plainte techniquement n'est pas fondée. Les étudiants ont accepté librement le salaire qui leur était offert, et le gouvernement n'est pas strictement soumis à la Loi du salaire minimum.

La situation en elle-même n'en est pas moins troublante, les faits invoqués étant exacts. Il faut savoir, cependant, qu'elle résulte de ce qu'on n'a pas prévu, en déterminant les échelles de salaire pour les emplois d'été, que quelques étudiants seraient rattachés à des corps d'ouvriers et appelés, en conséquence, à travailler 40 heures par semaine, et non 32 heures et demie comme le veut la règle normale. Le Conseil du trésor a convenu de procéder, pour l'avenir, à une révision des échelles qui tiendra compte de ces disparités.

Et enfin un dernier, M. le Président, S-49. Dans le rapport de juin dernier, un groupe de professionnels, dont les services ont été retenus par contrat, se plaignent de ne pouvoir obtenir un réajustement de leur traitement qui tienne compte des nouvelles échelles de salaire approuvées récemment par les employés du gouvernement. La plainte est fondée sur le strict plan du droit. Il est évident que la réclamation des plaignants n'est pas recevable. Rien ne force le gouvernement à modifier les termes d'un contrat librement consenti.

La situation n'est toutefois pas aussi simple sur le plan convenance et équité. D'une part, il est de principe que les employés occasionnels se voient offrir des traitements équivalents à ceux accordés aux employés permanents. D'autre part, il s'agit ici de contrats de renouvellement qui avaient été préparés à l'avance, peu avant l'adoption des nouvelles échelles, pour éviter plus tard — et ce fut, en fait, après la mise en vigueur des règles nouvelles — une interruption d'emplois que l'on craignait. Et le tout avait été fait dans des conditions telles que les plaignants avaient manifestement l'impression que les réajustements ne soulèveraient éventuellement aucun problème. Le Conseil du trésor finalement autorisa les corrections souhaitées.

Eh bien, le cas Seigle se situait, à mon avis, exactement dans cette ligne de pensée que je viens d'expliquer et de concrétiser par quelques exemples. Ma réaction, j'en résumais le motif de base dans un paragraphe de ma lettre du 15 mai, à la fin de la lettre: "Je ne crois pas, écrivais-je, dans ces circonstances que je viens de relater, que la seule force du contrat soit suffisante pour autoriser le gouvernement à profiter d'un prix de rabais aussi important. La confiance qui doit présider au rapport, même d'affaires, entre l'Etat et ses contractants, plus fondamentale et exigeante encore que dans les rapports privés, serait, a mon avis, trop bafouée.

En revanche, je ne crois pas, non plus, que le contrat puisse être tout simplement oublié et qu'une nouvelle négociation doive être entreprise. Les promoteurs ont été naïfs et imprudents et ils doivent assumer, dans une certaine mesure, les conséquences de leur geste, car ce serait faire fi,

de façon excessive, du principe de la force contractuelle et créer un précédent inacceptable. De nouveau, à ce sujet, qu'on me permette, pour fins de comparaison additionnelle, de revenir sur l'autre plainte de la compagnie Seigle relative au paiement des frais de transformation.

J'ai dit, tout à l'heure, qu'il n'y avait pas que le motif de la possibilité d'un autre recours qui m'avait conduit à la rejeter purement et simplement. Il y en avait aussi un deuxième; ce deuxième, c'était justement l'acceptation du montant en règlement final auquel s'étaient résignés les plaignants. Il y avait eu un accord auquel les propriétaires avaient souscrit, sous la pression de leurs créanciers, peut-être — c'est ce qu'ils disaient — mais qui n'était aucunement le résultat d'un comportement abusif du ministère qui, lui, n'avait que fait valoir sa prétention sur l'étendue de son obligation, ce qu'évidemment tout débiteur est en droit de faire.

Il n'était pas question pour moi de faire abstraction de ce consentement. La différence de réaction se comprend fort bien. Ici, ce n'était pas le comportement discutable du service qui avait conduit à l'acceptation, alors que là, dans le cas de la fixation du prix du loyer, l'imprudence et la naïveté des promoteurs, au moment de donner leur accord, avaient été, à mon avis, doublées, pour ainsi dire, d'une sorte d'exploitation de la situation ou d'un genre d'abus de confiance, peu importe qu'il ait été involontaire de la part du service. Selon mes principes d'agir, les deux situations exigeaient de ma part des attitudes nettement différentes.

Je regrette d'avoir été si long, mais on comprendra, à ce stade, que je fasse tout pour sauvegarder à l'institution dont j'ai la responsabilité cette crédibilité qui constitue, en définitive, son seul point d'appui. Si j'ai accepté de recevoir la plainte que me soumettaient les actionnaires des Investissements Seigle Inc. — et je me permets de faire remarquer qu'il aurait été, à ce moment-là, beaucoup plus avantageux et facile pour moi de m'en débarrasser, ce dont je n'étais pas assez inconscient pour ne pas me rendre compte dès le premier abord — et de l'examiner, c'est que j'aurais manqué à mon devoir en la rejetant a priori sous le faux prétexte que les plaignants étaient formés en compagnie et qu'ils pouvaient exercer un autre recours également adéquat ou que je n'avais pas compétence vu la présence d un contrat.

Si, après plusieurs semaines et même plusieurs mois d'enquête, d'entrevues et de réflexion, j'ai exprimé l'avis du 15 mai, c'est que je me suis finalement convaincu qu'indépendamment des allégeances politiques des plaignants, que je connaissais parfaitement bien, et des conditions dans lesquelles ils étaient, à l'origine, entrés en contact avec le ministère, les principes d'agir que j'ai toujours suivis depuis que je suis Protecteur du citoyen exigeaient que je le fasse, peu importe ce qui pouvait en résulter pour moi.

Voilà ce que je voulais dire le plus clairement possible. Avant de répondre aux questions qu'on voudra me poser, je vous sais gré, M. le Président, de m'avoir permis de le faire dès le début de cette rencontre.

Le Président (M. Lamontagne): Merci beaucoup, M. Marceau.

Commentaires et questions

M. Hardy: Je pense que l'exposé que vient de faire le Protecteur du citoyen est très clair par lui-même. Quant à moi, je n'ai pas de question à formuler. Toutefois, le voeu que je peux faire, c'est que la diffusion que l'on pourra faire des propos du Protecteur du citoyen soit placée dans la plus grande objectivité possible et que l'on diffuse, d'une façon claire et précise ses propos.

Je pense bien que si tous les citoyens du Québec avaient pu, ce matin, être ici et entendre cet exposé, il n'y aurait plus aucun doute dans l'esprit des Québécois.

Le Président (M. Lamontagne): Avant de permettre quelques questions et compte tenu de votre prise de position au début de votre intervention, je dois rappeler que toute question doit se rapporter à la juridiction du Protecteur du citoyen, à son mandat. Je pense que c'est bien clair. D'ailleurs, tout à l'heure, vous avez mentionné, si je me souviens bien — je n'ai pas le texte — qu'il ne s'agit pas de faire le procès du gouvernement ou le procès d'individus mais bien du rôle du Protecteur du citoyen, compte tenu du cas Seigle. C'est strictement cela.

M. Léger: M. le Président, je remercie le Protecteur du citoyen de son intervention et des sujets sur lesquels il a voulu éclairer la commission parlementaire.

Je voudrais, au départ, situer nos interventions et les questions que nous avons à lui poser, en expliquant que ce que nous désirons, c'est parler surtout des faits et non pas spécialement de l'interprétation de la loi.

En ce qui nous concerne, M. le Président, nous avons publiquement reçu une lettre du Protecteur du citoyen. Dans cette lettre qu'il adressait à M. Trudeau, sous-ministre des Travaux publics, il disait, entre autres, au départ: "II est aisé de se rendre compte de l'énorme difficulté que soulève la demande de la compagnie Seigle et je ne vous ai pas caché la profonde réticence avec laquelle j'avais accepté de la considérer." C'est donc dire que c'était un sujet délicat et difficile, puisque le Protecteur du citoyen lui-même admettait qu'il avait, au départ, une certaine réticence.

Un peu plus loin, le Protecteur du citoyen disait: "Je ne crois pas qu'il revienne au Protecteur du citoyen de se prononcer sur une question de cette envergure qui est plus d'ordre politique qu'administratif. ' Et un peu plus loin, un paragraphe très important de sa lettre: "Au début de 1971, trois résidents de Saint-Jean, mis au courant — je souligne mis au courant — 'un projet de regroupement de bureaux du gouvernement jusqu'à ce

moment mal logés et disséminés dans la ville — voilà une occasion de faire une affaire rentable — proposent à des membres du gouvernement en mesure de les appuyer — je souligne en mesure de les appuyer — d'assumer eux-mêmes la construction de l'édifice requis. Ils sont alors mis en contact — je souligne mis en contact — avec le directeur attaché au contrôle des immeubles au ministère des Travaux publics, qui leur explique que, pour obtenir l'adhésion qu'ils souhaitent et le bail de longue durée dont ils ont besoin pour réaliser leur entreprise, il leur faut s'engager à construire un édifice selon les spécifications du ministère à un taux de location n'excédant pas $3.75 le pied carré. Etant eux-mêmes sans aucune expérience — je cite à nouveau: sans aucune expérience — et se fiant aux calculs du directeur à qui ils font confiance, comme ils y ont été invités — je souligne comme ils y ont été invités — ils acceptent de procéder, après une simple vérification superficielle, sans connaître ni les normes et les spécifications exigibles, ni même dans une grande mesure leur propre coût de construction."

Il ressort de ces faits que les bénéficiaires de ce contrat n'ont pas, premièrement, d'expérience dans ce genre d'activité, ce qui est très important, se fient entièrement au fonctionnaire et à leurs amis politiques et, troisièmement, n'ont pas l'argent nécessaire pour bâtir l'immeuble, mais doivent l'emprunter sur la garantie du bail à long terme conclu avec le gouvernement. Ce dernier point est capital, car c'est la clef de toute l'affaire: Sans bail, avant le début de la construction, pas de financement et donc pas de bâtisse à louer. Alors, ce paragraphe est très important, parce que dans un tel système il y a un inconvénient majeur. C'est le fait qu'il existe une période assez longue entre la décision à prendre pour avoir cette bâtisse et le moment où ils ont réussi à obtenir le financement voulu.

Cela pourrait devenir catastrophique dans une période d'inflation comme la nôtre. Et c'est là qu'on se demande, devant les difficultés de départ, comment il se fait qu'on ait eu, à ce moment, un an et demi plus tard, l'acceptation de réaliser un projet, alors qu'il était évident pour les promoteurs que le coût en serait plus élevé que prévu. Il s'élevait à $730,000 et, après des études superficielles, à $930,000. Comment se fait-il qu'on ait accepté de donner suite à ce contrat qui, déjà, était déficitaire, et que, par la suite on ait accepté un autre espace additionnel de 5,580 pieds carrés comparativement aux premiers 24,000 et quelques pieds carrés, au même prix qui était déficitaire?

Ce sont des questions qui me sont venues à l'esprit. Et ce qui est le plus frappant c'est que le bail annuel était, à ce moment, avec cette augmentation, un bail d'un coût de $111,300 par année. La première intervention provenait du fait qu'on a obtenu, pour des travaux de réaménagement, une somme qui équivaut à peu près au même montant annuel du bail, et un peu plus tard, on est revenu en 1975 avec un chiffre de cette même envergure.

Les premières questions qui me viennent à l'esprit c'est qu'il n'y aurait pas eu de contrat s'il n'y avait pas eu de bail. Si on n'avait pas eu un bail, aurait-on pu construire cette bâtisse puisque le bail était la cause première pour amasser le financement voulu?

Ma question première au Protecteur du citoyen est la suivante: Quelles sont les raisons de votre profonde réticence derrière les deux affirmations de départ que vous avez accepté de considérer et, deuxièmement est-ce que vous pourriez nous expliquer l'affirmation que vous faites à la page 2 de votre lettre quand vous dites: "Je ne crois pas qu'il revienne au Protecteur du citoyen de se prononcer sur une question de cette envergure qui est plutôt d'ordre politique qu'administratif."

L'aspect politique-administratif que vous mettez en évidence, j'aimerais que vous l'expliquiez davantage et, par la suite, je pense qu'il y aura peut-être d'autres questions plus détaillées sur l'ensemble du dossier.

M. Marceau: La première affirmation de ma lettre qui vient d'être relevée: "II est aisé de se rendre compte de l'énorme difficulté que soulève la demande de la compagnie Seigle, et je ne vous ai pas caché la profonde réticence avec laquelle j'avais accepté de la considérer."

C'est tout simplement à l'ensemble du dossier que je faisais allusion en terminant, tout à l'heure, mon exposé. Je ne suis pas assez naïf pour ne pas réaliser ce que peut représenter un dossier aussi délicat que celui-là.

Je sais comment le contrat a originé, si c'est ce qu'on veut me faire dire, et je l'ai répété à maintes reprises. Du reste, je n'ai rien à cacher là-dessus. Et je réalisais fort bien, étant donné le caractère particulier de ma réaction et peut-être la difficulté de la faire comprendre, que l'on pouvait s'interroger. Je ne me suis jamais attendu à ce qu'on le fasse de cette manière, mais je savais que ce dossier était pour moi un dossier difficile. C'est en rédigeant ma lettre que cette idée m'est venue et que je l'ai exprimée.

En second lieu, en soi même, indépendamment de ce à quoi je viens de faire allusion, dans le cas où il s'agit d'analyser une plainte qui a trait à un contrat, cela aussi j'ai essayé de l'expliquer tout à l'heure, c'est pour moi toujours très difficile. J'ai dit que j'étais un juriste et j'ai cela dans le sang. Le principe du respect de la force contractuelle, je l'ai dans le sang. Et quand j'arrive à une recommandation qui semble, en apparence, car ce n'est qu'en apparence, je l'ai bien dit, qui semble mettre en question le principe, cela me fait quelque chose et c'est pour moi extrêmement embarrassant.

Voilà pour la première réflexion qui, du reste, est une réflexion un peu plus de style.

La deuxième est plus importante. On n'a cité qu'une partie de la phrase et je vais citer toute la phrase pour m'expliquer. Ce que je dis c'est: L'imprévision n'est pas, en principe, une cause de révision d'un contrat. Et même si sa prise en considération en droit public est plus défendable qu'en droit privé, je ne crois pas qu'il revienne au

Protecteur du citoyen de se prononcer sur une question de cette envergure, qui est plus d'ordre politique qu'administratif. Voici l'explication.

L'imprévision, comme chacun le sait, c'est la circonstance qui rend un contrat déséquilibré après sa conclusion pour des causes qui ne dépendent pas des parties, la plus notable, bien sûr, la plus facile à imaginer étant ce que l'on connaît maintenant, l'inflation. Un contrat est passé pour une longue période, en vertu de conditions économiques établies. Celui qui fait le contrat ne prévoit pas une inflation galopante ou enfin une modification des conditions économiques et on se rend compte, après un certain nombre d'années, que le contrat est déséquilibré. C'est cela, l'imprévision.

L'imprévision, en droit public, en France, est une cause de réformation des contrats. Dans le système anglo-saxon, c'en n'est pas une. Ce que je dis ici, c'est que l'imprévision n'est pas une cause de révision des contrats et même si en droit public on peut penser que ce serait plus normal, de toute façon la décision de l'introduire comme cause de réforme ou de réformation d'un contrat est une décision politique et non administrative, et certes pas qui dépend du Protecteur du citoyen.

C'est la première des trois fois où je précise que l'imprévision, cela ne me regarde pas et que je ne veux pas y pénétrer. Si l'Assemblée nationale, de qui cela dépend, veut un jour introduire dans notre système juridique, en matière de droit public, comme c'est le cas dans tous les pays continentaux, en Europe, comme c'est le cas en France, l'imprévision comme une cause de révision des contrats, elle le fera mais cela ne dépend pas de nous. C'est cela que j'ai voulu expliquer ici.

Je crois que ce sont les deux questions qui ont été posées.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, comme tous les membres de la commission, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé qui a été fait par le Protecteur du citoyen. Il est clair que le Protecteur du citoyen est un homme qu'on doit respecter, d'ailleurs, comme toutes les personnes qui ont à témoigner devant les commissions parlementaires. C'était inutile de le mentionner.

M. Veilleux: Pourriez-vous parler plus fort?

M. Bédard (Chicoutimi): Je pense que cela n'a jamais été l'intention de qui que ce soit de vouloir manquer de respect au Protecteur du citoyen comme à n'importe quel témoin qui vient déposer devant une commission parlementaire.

Comme l'a dit le Protecteur du citoyen, il a la tâche importante de sauvegarder la crédibilité de l'institution qu'il représente et nous sommes d'accord là-dessus. Dans ce sens, j'imagine qu'il n'aura aucune objection à répondre à toutes les questions que nous aurons à lui poser.

Le Protecteur du citoyen a déploré les circons- tances qui l'amènent, pour la premiere fois, aevant une commission parlementaire. Nous aussi, nous le déplorons, mais je crois que le Protecteur du citoyen n'a pas à s'offusquer ou à faire preuve de quelque agressivité que ce soit. Nous nous épargnerons de le faire nous aussi. Il n'a pas non plus, je pense, à se scandaliser d'avoir à témoigner par rapport à ce cas spécial, comme il l'a mentionné, à savoir les Investissements Seigle. Je crois que personne n'a à s'offusquer de certaines interrogations que l'Opposition ou même d'autres personnes, qui que ce soit, pourraient avoir concernant le cas spécial dont il est question.

D'ailleurs, le Protecteur du citoyen lui-même a exigé d'être entendu devant la commission parlementaire pour avoir l'occasion, comme il l'a dit, de faire la complète lumière sur tous les faits qui entourent ce cas spécial.

C'est d'autant plus normal que nous nous interrogions, M. le Président, comme on l'a mentionné tout à l'heure et comme l'a mentionné le Protecteur du citoyen dans sa lettre du 15 mai 1975 à M. Trudeau, sous-ministre aux Travaux publics et à l'Approvisionnement, que lui-même, le Protecteur du citoyen, parlait dans sa lettre — il l'a mentionné encore tout à l'heure — de l'énorme difficulté que soulevait la demande de la compagnie Seigle et de la profonde réticence qu'il avait eue à accepter de la considérer. Lui-même, dans un premier temps, et c'est dans sa lettre, mentionne: "Examiner dans ces conditions et en égard à ma juridiction la possibilité de suggérer une révision m'apparaissait, au départ, sinon impossible, du moins extrêmement délicat" et ce n'est qu'après une longue enquête personnelle, dont il est au courant de tous les faits, qu'il en est arrivé à une conclusion.

Il est normal que des gens qui n'ont pas eu l'occasion de faire cette enquête aient, également, cette première impression dont parlait le Protecteur du citoyen.

Le Protecteur du citoyen nous a dit — j'essaie de le citer le plus textuellement possible — qu'il était convaincu que c'était par pure méconnaissance du problème que nous avions à nous pencher sur le cas spécial qui a provoqué la commission parlementaire et que la pure méconnaissance du problème était, si je l'interprète bien, à la base de certaines interrogations. Chose certaine, c'est qu'il en connaît plus que nous, parce qu'il a eu l'occasion d'analyser ce dossier et de soupeser tous les faits qui sont venus à sa connaissance. Dans ce sens-là, je le répète, je suis convaincu qu'il répondra à toutes les questions que nous aurons à lui poser.

Il y a un point, cependant, que le Protecteur du citoyen a mentionné; entre autres, il s'étonnait que l'Opposition ou certains journaux aient soulevé des objections concernant le fait qu'il ait pu considérer la demande et je prends textuellement ce qu'il a dit.

Je pense qu'à ce moment-là le Protecteur du citoyen, avec tout le respect que je lui dois, situe mal l'étonnement. Nous ne sommes pas étonnés que le Protecteur du citoyen ait accepté de considérer le problème qui lui était soumis. Il n avait,

comme vous l'avez dit d'ailleurs, même pas le choix; de par sa fonction, il devait le considérer.

Je crois plutôt que l'étonnement, si on le situe à la bonne place, vient du fait qu'après l'avoir considéré le Protecteur du citoyen — et c'est là-dessus qu'on se pose des questions — ait accepté de rendre jugement ou de faire des recommandations très précises. Là-dessus, quitte à entrer dans un débat juridique un peu plus poussé à mesure que les travaux de la commission avanceront, je crois quand même que la meilleure manière de se situer quant au droit, quant à l'attitude du Protecteur du citoyen dans sa décision non seulement de considérer, ce qui est normal, mais de rendre jugement ou de faire des recommandations est de procéder par l'étude des faits, qui nous permet ensuite de nous prononcer sur la situation de droit.

Dans ce sens, M. le Président, j'essaierai, dans l'ordre chronologique, de poser certaines questions au Protecteur du citoyen et je m'en tiendrai, d'une façon tout à fait spéciale, pour respecter cette chronologie, à sa lettre du 15 mai 1975.

Mais auparavant, M. le Président, j'aurais deux demandes à faire à la commission. Dans sa lettre de mai 1975, le Protecteur du citoyen parle à un moment donné, à la page 3, deuxième paragraphe, d'une offre écrite du 14 juin 1971. J'imagine que c'est la lettre d'intention qui avait été, au départ, signée entre les représentants des Investissements Seigle et le ministère. Alors, je demanderais qu'on nous dépose cette lettre d'intention, de manière à pouvoir offrir une argumentation valable. Il est clair qu'il faut qu'elle soit déposée et j'imagine...

M. Hardy: Est-ce que ça n'a pas déjà été déposé à la commission des engagements financiers?

M. Bédard (Chicoutimi): Non, non. Justement, en référence à la commission des engagements financiers, tel qu'on l'avait mentionné...

M. Hardy: De quelle lettre parlez-vous?

M. Bédard (Chicoutimi): La lettre d'intention de juin 1971.

NI. Hardy: M. le Président, sur cette demande, je suis obligé de soulever une question de règlement qui se rattache à ce que j'ai dit au début. Je pense que notre mandat est d'examiner si le Protecteur du citoyen a agi conformément à la loi, a respecté le mandat que lui donne la loi.

Quant à ce qui a entouré la conclusion du contrat, c'est une question qui doit être discutée, qui l'a été d'ailleurs aux engagements financiers, qui peut être discutée lors de l'étude des crédits du ministère des Travaux publics ou qui peut être discutée à l'occasion de la réunion de la commission qui étudie le rapport du vérificateur. Mais nous ne sommes pas ici — je le répète — pour discuter comme telle de la politique du ministère des Travaux publics concernant l'octroi de contrats ou les locations. Nous sommes ici strictement pour discuter si le Protecteur du citoyen a, dans ce dossier, agi conformément à la loi et à son mandat.

Pour cette raison — non pas parce que je m'oppose à ce que la lettre en question soit déposée, mais simplement pour qu'on respecte les choses comme elles doivent être respectées — la lettre dont vous parlez, vous demanderez son dépôt en temps et lieu. Je ne pense pas que ce soit l'endroit ici.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais si la...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare (Johnson): M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Oui, je vous donnerai la parole après. Tout à l'heure j'ai fait une certaine mise en garde concernant le déroulement de nos débats. Il est évident que nous ne sommes pas un tribunal d'appel d'une décision ou d'une recommandation du Protecteur du citoyen. La commission doit parler de la juridiction du Protecteur du citoyen et obtenir de lui certaines explications concernant sa lettre du 15 mai 1975. Là, je crois personnellement que la demande de l'honorable député de Chicoutimi a trait au dossier lui-même alors que nous sommes ici pour nous informer, un peu comme l'honorable député de Lafontaine a posé deux questions tout à l'heure, à savoir: Quelle est le sens de votre opinion lorsque vous écrivez telle chose et, à la page 2, quel est le sens de votre opinion? Je crois personnellement que c'est là l'objet de nos préoccupations ce matin et, en relisant le mandat, on parle de la juridiction du Protecteur du citoyen concernant ce dossier.

On ne peut commencer à sortir tout le dossier, c'est clair. Je demande à l'honorable député de Chicoutimi de se référer à d'autres commissions auxquelles il peut siéger.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je suis très surpris de cette attitude, tant de votre part que de la part du gouvernement, concernant cette demande que je crois, personnellement — avec tout le respect que j'ai pour l'opinion de mes confrères d'en face — essentielle et qui a son fondement même à partir de la lettre du 15 mai 1975. C'est bien mal comprendre le débat, puisque vous voulez tant le situer du point de vue juridique, que de ne pas accepter au départ que des pièces qui ont trait à l'aspect juridique soient déposées au dossier.

Je m'explique, M. le Président: Dans la lettre du 15 mai 1975, le Protecteur du citoyen, après avoir fait part de ses réticences et de la difficulté du problème, disait: "D'une part, nous sommes en face — au deuxième paragraphe — d'une convention qui, à sa face même, ne présente rien de particulier et semble pleinement valable.

D'autre part, le contrat a été approuvé par le C.T. 59819 du 24 octobre 1971 et fut par la suite complété sous l'autorité d'un arrêté ministériel.

Plus loin, M. le Président, à partir de ce moment-là, le Protecteur du citoyen explique la difficulté d'entrer dans ce dossier du point de vue juridiction, parce qu'il y a un contrat civil qui est parfaitement valable de par son propre jugement.

Or, dans un contrat, il y a une base, il y a une entente et je pense que le Protecteur du citoyen pourra nous le dire. Il a sûrement eu connaissance, eu à sa disposition cette entente écrite du 14 juin 1971. C'est d'autant plus important juridiquement, M. le Président, que, plus loin, pour expliquer ou pour justifier — et là je ne me prononce pas sur le fond, je m'en tiens simplement à la lettre — son intervention, le Protecteur du citoyen, à la page 2, à la fin du deuxième paragraphe, mentionne ceci: "Mais l'écart à mon avis, est dû à d'autres causes qui tiennent en grande partie aux conditions inadéquates de formation du contrat et rejoignent le consentement lui-même, et c'est là que je prétends trouver la justification d'une révision partielle".

Alors, M. le Président, il me semble que lorsque l'Opposition demande tout simplement de déposer ce document, elle va au fond même du problème en exigeant que soit déposée la preuve de ce consentement par écrit. Je ne vois pas quel objection on peut avoir là-dessus, M. le Président. Deuxièmement, j'imagine que Me Marceau, le Protecteur du citoyen, a été mis au courant de cette lettre d'intentions et qu'il n'a pas d'objection à la produire.

M. Hardy: M. le Président...

M. Bédard (Chicoutimi): Laissez-moi finir ma phrase...

M. Hardy: C'est-à-dire que là vous dépassez la question de règlement...

M. Bédard (Chicoutimi): Laissez-moi finir ma phrase... et qu'il n'a pas d'objection à produire ce document de manière à faire la lumière.

M. Hardy: A ce stade-ci, ce n'est pas la question.

Le Président (M. Lamontagne): C'est une question de règlement.

M. Hardy: Sur la question de règlement, M. le Président, encore une fois...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais, parce que je pense que justement, on s'en va vers des choses pour lesquelles on n'a pas de mandat... Le député de Chicoutimi, tout à l'heure, a mentionné que le président ou des membres ministériels voulaient donner l'indication d'un mandat. Moi, je n'ai pas à en donner une, je prends celui qu'on me donne. Or, celui qu'on me donne, ce n'est pas d'examiner si le jugement du Protecteur du citoyen est bon; c'est de savoir s'il a été fait en conformité avec sa juridiction comme Protecteur du citoyen. La de- mande du député de Chicoutimi de produire un document serait tout à fait normale en d'autres circonstances et en d'autres commissions, mais ici, je n'ai pas à acquiescer à une telle demande. Ce n'est pas le rôle qui nous a été confié ce matin.

M. Bédard (Chicoutimi): Ce n'est pas à vous d'acquiescer, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Ce n'est pas à moi d'acquiescer, c'est tout de même à moi de vous rappeler à l'ordre, lorsque vous êtes à l'extérieur du mandat de la commission.

M. Bédard (Chicoutimi): Cela, c'est ce que vous prétendez.

Le Président (M. Lamontagne): Ecoutez, ou bien je suis pas à la bonne place.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je trouve que c'est très grave ce qu'on fait. S'il fallait...

M. Hardy: Justement, c'est très grave. C'est très grave, vous avez raison.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, laissez-moi finir et vous allez peut-être changer d'idée.

M. Hardy: Oui c'est très grave, ce que vous faites là.

M. Bédard (Chicoutimi): Laissez-moi finir. M. le Président, je trouve que c'est quand même une attitude qui peut nous amener à des conséquences assez graves, non pas vis-à-vis de la commission, mais vis-à-vis du Protecteur du citoyen lui-même. Le Protecteur du citoyen lui-même nous a dit qu'il n'a rien à se reprocher et qu'il est capable de justifier juridiquement son intrusion dans le dossier et ses recommandations. Il a dit, je pense, que la commission ne doit en aucune façon s'opposer à la possibilité, pour le Protecteur du citoyen, de justement faire la lumière sur tous les aspects et de répondre à toutes les questions que nous pourrions lui poser, parce que ce n'est pas tant la commission que le Protecteur du citoyen qui écoperait au bout de la ligne.

Je ne vois pas. M. le Président, dans votre argumentation juridique, la motivation ou la justification qui nous empêcherait d'avoir, au départ, et puisqu'il s'agit d'un vice de consentement... C est ce que nous a dit, tout à l'heure, le Protecteur du citoyen et c'est ce qui l'a incité à s'introduire dans la cause.

Je ne vois pas comment on pourrait refuser, au départ, que la base du consentement lui-même, que le document attestant ce consentement lui-même ne soit pas déposé.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Education.

M. Hardy: II y a deux réalités bien distinctes.

Je comprends que le député de Chicoutimi et le député de Lafontaine ne comprennent pas ces deux réalités ou ne veulent pas les comprendre.

M. Bédard (Chicoutimi): Amenez vos arguments, vous!

M. Hardy: Vous allez me laisser parler. Je vous ai écouté.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est ce que vous faites, interrompre les autres, constamment.

M. Hardy: Je dis qu'il y a deux réalités bien distinctes que le député de Lafontaine et le député de Chicoutimi tentent de confondre. Une première réalité apparaît dans le mandat qui est on ne peut plus clair: Commission de l'Assemblée nationale aux fins d'entendre le Protecteur du citoyen sur les principes de sa juridiction et, particulièrement, en regard du cas Seigle. Le mandat de sa juridiction, c'est une réalité. L'autre réalité, c'est d'attaquer le gouvernement sur ses façons de procéder ou plus particulièrement le ministère des Travaux publics. C'est une autre réalité.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que j'ai attaqué le gouvernement?

M. Hardy: Laissez-moi... Je vous ai écouté.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes bien nerveux.

M. Léger: Vous êtes bien nerveux. M. Hardy: Ce que le député...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes bien nerveux.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard (Chicoutimi): On n'a pas attaqué personne, on a demandé le dépôt d'un document.

M. Hardy: Dansez moins et vous verrez si vous êtes nerveux.

M. Bédard (Chicoutimi): Probablement que vous en savez plus que moi parce que, moi, je n'ai pas l'intention d'attaquer le gouvernement.

M. Hardy: II y a deux réalités...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Bédard (Chicoutimi): Je demande simplement le dépôt d'un document.

M. Hardy: Je répète qu'il y a deux réalités bien distinctes: Etudier le mandat du Protecteur du citoyen et savoir s'il a dépassé son mandat ou s'il l'a respecté dans le cas Seigle; l'autre réalité est d'at- taquer le gouvernement dans ses façons de procéder pour l'adjudication de contrats ou la négociation de baux.

Actuellement, les membres de l'Opposition tentent de confondre les deux et c'est cela que je trouve grave, c'est de se servir du Protecteur du citoyen pour attaquer une politique gouvernementale. C'est là que vous contribuez à saper une institution importante. Moi, je m'y refuse. Il y a d'autres instances et je n'ai absolument aucune raison de vous empêcher — au contraire, je le favorise en tant que parlementaire — d'attaquer le gouvernement. C'est votre rôle, mais tâchez donc de le faire honnêtement et suivant les voies normales prévues par la loi et les règlements. Vous pourrez attaquer le ministère des Travaux publics et le gouvernement à d'autres endroits, mais pas profiter du Protecteur du citoyen, pas essayer de confondre les choses pour essayer de jeter du discrédit sur une institution. C'est tout simplement cela que je veux, que l'on s'en tienne aux réalités d'une façon bien claire et bien distincte.

Que l'on étudie les principes de la juridiction du Protecteur du citoyen, particulièrement en regard du cas Seigle, mais qu'on ne tente pas via cette commission et via le Protecteur du citoyen d'attaquer des politiques gouvernementales. Encore une fois, c'est votre droit d'attaquer les politiques gouvernementales, mais vous le ferez en d'autres lieux.

M. Bédard (Chicoutimi): Attendez qu'on le fasse. Je ne l'ai pas fait.

M. Hardy: Vous le ferez en d'autres lieux et en d'autres endroits. Actuellement, vous essayez, malicieusement, de vous servir de cette commission de l'Assemblée nationale et de vous servir de la présence du Protecteur du citoyen pour faire un débat politique et c'est cela qui est inadmissible. Tant que je serai ici, je m'y opposerai.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Johnson.

M. Léger: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Lamontagne): Sur la question de règlement, l'honorable député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Oui, justement, sur cette question. Comme il est question du dépôt de ce document, de leur offre écrite du 14 juin 1971 et, ensuite, un contrat sanctionné, la passation d'un bail le 27 octobre, je pense qu'il serait peut-être nécessaire, pour que ce soit bien clair dans l'esprit de tout le monde, pour ne pas qu'il y ait aucun doute, que l'ombudsman répète ce qu'il nous a dit à la page 12 tout à l'heure, pourquoi il a recommandé, après avoir hésité pour accepter le cas, de changer le bail. C'est là qu'est le noeud de toute la question.

Il l'a dit explicitement tout à l'heure et je voudrais, pour que ce soit bien clair dans l'esprit de

tout le monde, pour ceux qui n'ont peut-être pas saisi ce paragraphe de la page 12, qu'on relise particulièrement pourquoi l'ombudsman, après avoir hésité à prendre cette cause, a fait une recommandation pour changer le bail. Cela est clairement dit dans son texte et cela fait partie de la demande de dépôt de document; cela répond concrètement à cela.

Son devoir était de rendre une décision, mais il avait en main ces documents. C'est cela que je voudrais entendre répéter, parce que cela était la concrétisation de toute votre décision après vos hésitations. Cela éclairerait la commission plus que le dépôt d'un document.

M. Bédard (Chicoutimi): Sur une question de règlement.

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): J'ai voulu, tout à l'heure, M. le Président, poser la question au Protecteur du citoyen et on m'a interrompu, on m'a empêché de le faire. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un d'autre pourrait, en dehors de la question de règlement...

Le Président (M. Lamontagne): Sur la question de règlement.

M. Bédard (Chicoutimi): ... s'en aller sur les questions au Protecteur du citoyen.

Le Président (M. Lamontagne): Pas pour le moment.

M. Bédard (Chicoutimi): J'ai très bien dit, tout à l'heure, M. le Président, je laisse la question de règlementse vider, que j'avais deux demandes à faire pour dépôt de documents et qu'ensuite j'avais une question à poser.

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine, une question de règlement.

M. Léger: Sur la question de règlement, très calmement, on n'est pas nerveux là-dessus. Je me demande si la raison qui nous empêcherait d'avoir un document serait d'éviter de faire, aujourd'hui et dans les jours à venir, la lumière sur un cas qui est très important et qui est pertinent à l'avis de convocation de la commission parlementaire. Il est bien dit que c'est aux fins d'entendre le Protecteur du citoyen sur les principes de sa juridiction, et particulièrement en regard du cas Seigle.

M. le Président, la demande du député de Chicoutimi se réfère à un document qui est à la base même du dossier qui a permis au Protecteur du citoyen de prendre une décision. Alors, c'est parfaitement à l'intérieur de la juridiction de la commission parlementaire. Je me pose des questions sérieuses sur le refus de déposer un document aussi important ainsi que d'autres dont nous avons besoin pour être capables d'éclairer cette commission parlementaire pour arriver à atteindre l'objectif premier de cette commission parlementaire, qui est de clarifier les décisions qui ont été prises concernant le cas Seigle.

M. le Président, je pense que la commission parlementaire ferait fausse route et induirait réellement la population en erreur si on ne permettait pas, à ce stade-ci, d'avoir les documents pour évaluer les responsabilités qu'il y a à prendre, concernant le cas Seigle. Cela fait partie de la convocation et je pense qu'on ne peut pas l'éviter. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement serait nerveux et refuserait de nous déposer ce document ainsi que d'autres que nous demanderons tantôt.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, sur la question de règlement...

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Je vous prends à témoin, et même tous les membres de la commission, qu'avant que je ne demande le dépôt de ce document je n'ai en aucune façon, je pense, prononcé le nom de gouvernement, en aucune façon fait...

M. Hardy: Vous êtes suave.

M. Bédard (Chicoutimi): Dites le contraire, si vous en êtes capable.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Bédard (Chicoutimi): Je n'ai en aucune façon attaqué le gouvernement de quelque manière que ce soit...

M. Hardy: Attaquez-le plutôt que d'attaquer le protecteur.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je suis vraiment surpris de l'attitude du nouveau ministre des Communications. Le ministre des Communications devrait nous communiquer quelques renseignements au moins, ces renseignements que je crois nécessaires, au départ.

M. Hardy: Vous êtes drôle.

M. Bédard (Chicoutimi): Je suis vraiment surpris, M. le Président, de l'attitude du gouvernement, face à la demande que nous faisons. Si on la refusait, je ne pourrais faire autrement qu'interpréter cela comme étant une certaine peur, de la part du gouvernement, de déposer...

M. Hardy: Je vous le déposerai n'importe où ailleurs.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre! M. Bédard (Chicoutimi): ...le document. Je

vous le dis sincèrement, pour le gouvernement, refuser de déposer ce document, c'est le plus mauvais service qu'il puisse rendre au Protecteur du citoyen, qui, lui, est certainement disposé, j'en suis convaincu, à ce que la teneur de ce document soit connue. Je suis convaincu, au départ, c'est pour cela que je suis surpris de l'attitude du gouvernement, que le dépôt de cette lettre d'intention n'a absolument rien qui puisse porter à un débat.

Le Président (M. Lamontagne): Je voudrais avoir une information, une espèce de directive. Je suis lié, par le mandat que nous avons tous ici, à la juridiction du Protecteur du citoyen, en regard du cas Seigle. Le Protecteur du citoyen, dans une lettre du 15 mai 1975, fait part au sous-ministre de l'offre écrite du 14 juin 1971. Nous savons donc qu'il y a une offre du 14 juin 1971.

Je voudrais savoir en quoi la production de cette lettre pourrait nous éclairer sur la juridiction du Protecteur du citoyen, car nous n'avons pas à déterminer si le jugement est bon ou non, mais à nous informer s'il y avait juridiction ou non. Ce n'est pas la même chose. La production de documents s'inscrit dans l'étude d'un dossier; or, ce n'est pas le rôle de la commission d'étudier ce dossier, mais bien d'étudier la juridiction du Protecteur du citoyen en regard d'un dossier. Ce sont deux choses fort différentes et, à ce jour, je dois avouer que personne n'a réussi à me convaincre de l'utilité, même minime, de la production d'un tel document, quel qu'il soit. Un tel document peut être requis en d'autres circonstances et en d'autres lieux, j'en conviens, mais je n'ai pas le mandat de...

M. Hardy: ... de le déposer.

M. Bédard (Chicoutimi): Alors, M. le Président, vous avez demandé des éclaircissements...

Le Président (M. Lamontagne): Oui, le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): ... sur l'aspect juridique. Je ne croyais vraiment pas qu'on aurait un débat sur cette demande préliminaire que nous faisions et que je trouvais, au départ, inoffensive et surtout logique. Je vais essayer de vous les donner, à mon humble appréciation, le plus rapidement possible.

Je référerais également au rapport de l'ombudsman lui-même. C'est le rapport du Protecteur du citoyen de 1969, je crois, où il faisait une analyse de chacun des articles de la loi et donnait ses recommandations ou ses appréciations. Vous ferez la relation parce que le Protecteur du citoyen a quand même fait une certaine appréciation du cas, il a accepté, après appréciation, de prononcer un jugement.

Le protecteur du citoyen, article 33, dit ceci: "II faut en conclure que c'est l'appréciation du caractère également adéquat du recours possible qui devient le fond du problème et..."

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît, on a beaucoup de difficulté à entendre.

M. Bédard (Chicoutimi): ... on ne voit pas de qui devrait relever cette appréciation, si ce n'est pas du protecteur lui-même et éventuellement de l'Assemblée nationale à qui il doit rendre compte.

M. le Président, j'ajouterais à ceci l'argument suivant, et je reste simplement sur l'aspect de juridiction: il me semble que le cas est clair, le Protecteur du citoyen exprime très clairement que normalement il n'aurait pas dû agir là-dedans, mais...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard (Chicoutimi): Faut-il encore le répéter, vous feriez mieux de lire la lettre...

M. Hardy: Vous feriez bien mieux d'écouter le Protecteur du citoyen plutôt que de dire vos balivernes.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président...

M. Léger: II est nerveux.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes nerveux.

M. Hardy: Cela rend nerveux d'avoir des gibiers comme vous autres devant nous.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Léger: Nous sommes nerveux depuis cinq ans de vous subir.

M. Bédard (Chicoutimi): Le Protecteur du citoyen a très bien dit...

M. Bellemare (Johnson): Le député devrait retirer le mot gibier.

Le Président (M. Lamontagne): Je suggérerais très fortement qu'il retire le mot gibier. A l'honorable ministre des Communications, je suggérerais très fortement...

M. Hardy: Pardon?

Le Président (M. Lamontagne): Le mot gibier n'est pas parlementaire.

M. Hardy: Prouvez-le moi. Ce n'est pas plus parlementaire qu'acabit, dans le temps?

M. Bellemare (Johnson): Oui, mais acabit, M. le Président...

M. Hardy: Vous vous rappelez le mot acabit?

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, à moins que cela vienne de vous je ne sens même pas le besoin de faire retirer ce mot de la part du ministre.

M. Hardy: Très bien.

M. Bédard (Chicoutimi): Je sais qu'il dit n'importe quoi, alors une erreur de plus, ce n'est pas grave.

M. Hardy: C'est encore moins grave qu'acabit.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, l'autre argument — et je m'en tiens à la juridiction, c'est ce qui a motivé le Protecteur du citoyen de s'insérer dans le dossier — c'est que, d'une part, à première vue, c'était un contrat normal où il ne devait pas intervenir.

D'autre part, après avoir scruté, il nous dit que c'est parce qu'il a décelé ou qu'il a la conviction qu'il y a eu une erreur à la base même sur le consentement qu'à ce moment-là il a cru bon d'intervenir. Cette erreur sur le consentement a comme conséquence, en fait, un préjudice quand même assez important aux administrateurs des Investissements Seigle.

Alors, examinons ce vice de consentement, M. le Président. La base du consentement pour voir s'il y a un vice, c'est quand même le document qui atteste qu'il y en a eu un, un consentement. Après analyse du document et analyse des autres faits sur lesquelles nous poserons des questions au Protecteur du citoyen, nous verrons jusqu'à quel point il y a eu un vice de consentement, mais, préalablement, il faut avoir la preuve, quand même, qu'il y a eu un consentement. C'est ce document qui l'atteste, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Sur la même question de règlement? Nous sommes sur une question de règlement et je dois rendre...

M. Veilleux: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Sur la question de règlement?

M. Veilleux: Oui.

Le Président (M. Lamontagne): Sur la question de règlement. J'ai demandé qu'on m'éclaire Je ne me considère pas suffisamment éclairé.

M. Veilleux: Je vais vous parler, M. le Président, sur la question de règlement pas comme un juriste, mais comme un simple député qui lit attentivement le mandat de la commission, qui regarde depuis un certain temps un des rapports du Protecteur du citoyen, celui de 1974. Le principe de demander au Protecteur du citoyen de déposer des documents sur des cas bien précis sur lesquels il doit se pencher, je dis que c'est excéder le mandat que nous avons à cette commission. Je pourrais fort bien demander au Protecteur du citoyen de déposer des documents, que ce soit sur le cas S-13, S-15, S-49 ou n'importe quel autre.

M. le Président, la très nette impression que j'ai depuis la commission sur les engagements financiers, c'est qu'on essaie indirectement — je parle toujours sur la question de règlement — de frapper le député de Saint-Jean en passant par le Protecteur du citoyen, ce que je n'accepte pas.

M. le Président, le député de Saint-Jean n'a absolument rien à cacher là-dedans. Je suis persuadé que le gouvernement n'a absolument rien à cacher là-dedans et j'annonce aux membres de cette commission que je demanderai en Chambre, cet après-midi, au ministre responsable de ce dossier, le ministre des Travaux publics, de déposer tout le dossier concernant les Investissements Seigle. En tant que député de Saint-Jean, parce que des électeurs de mon comté ont senti un prejudice aux Travaux publics, ont voulu recourir au Protecteur du citoyen, je ne voudrais pas indirectement être responsable de la non-crédibilité du Protecteur du citoyen dans la province de Québec.

C'est pourquoi, M. le Président, pour autant que je suis concerné, Jacques Veilleux. député de Saint-Jean, j'exigerai cet après-midi... Si on me laisse l'occasion de le faire en faisant abstraction de certains articles du règlement, parce que, normalement, une demande comme celle-là se fait de façon écrite, je suis prêt, dès le début de la séance — le président de l'Assemblée me désignera le moment voulu — verbalement, à demander au ministre des Travaux publics de déposer tout le dossier. Une fois pour toutes, on arrêtera de critiquer la crédibilité du Protecteur du citoyen, mais on ira attaquer ceux qu'il faut attaquer, si on juge bon de les attaquer, au bon endroit.

Nous, M. le Président, notre mandat, ici. c est uniquement de voir si le Protecteur du citoyen a excédé les pouvoirs qui étaient prévus, comme la soulevé, lors de la commission des engagements financiers, à l'époque, le député de Johnson sur l'article 17. On s'interroge là-dessus. Ce que j'ai pu comprendre du Protecteur du citoyen ce matin, cela a été de donner sa réponse à l'article 17. Qu'on questionne le Protecteur du citoyen sur lar-ticle 17.

On veut avoir les documents. Moi. Jacques Veilleux, député de Saint-Jean, si lOpposition est prête à faire fi de certains articles du règlement cet après-midi, je suis prêt à demander au président de I Assemblée nationale de me donner la permission d'exiger du ministre des Travaux publics de déposer tout le dossier des Investissements Seigle Inc.

Une Voix: Très bien.

M. Léger: Sur la question de règlement. .

M. Hardy: Vous êtes bien mal pris, vous n'avez plus de cause.

M. Léger: Je dois dire, M. le Président...

M. Bédard (Chicoutimi): Pourquoi faites-vous des débats pour rien?

M. Léger: Je dois dire, M. le Président...

M. Bédard (Chicoutimi): Cela montre, M. le Président, la justification de notre demande.

M. Hardy: Pas du tout. Vous n'avez rien compris encore!

M. Bédard (Chicoutimi): C'était de dire tout à l'heure, M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard (Chicoutimi): ... cela aurait évité un long débat, tout simplement qu'on déposerait la lettre d'intention.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, à l'ordre!

M. Hardy: M. le Président, je soulève une question de privilège.

M. Léger: J'ai invoqué une question de règlement avant.

M. Hardy: Moi, j'invoque une question de privilège.

M. Léger: J'ai invoqué ma question de règlement avant.

M. Hardy: J'invoque une question de privilège et je passe avant le règlement.

M. Léger: M. le Président, j'ai une question de règlement.

M. Veilleux: ... donner vous autres. M. Hardy: Question de privilège.

M. Bédard (Chicoutimi): II n'y a pas de privilège...

M. Hardy: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, à l'ordre!

M. Léger: J'ai invoqué une question de règlement.

M. Hardy: M. le Président, je m'offusque...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre! Est-ce que je peux parler à l'occasion...

M. Hardy: II n'est pas question de privilège en commission, mais ce n'est pas si clair que cela.

Le Président (M. Lamontagne): Je vais soumettre mon cas au Protecteur du citoyen.

M. Léger: C'est une question de règlement, parce que la question de privilège ne peut pas être invoquée.

M. le Président, sur la question de règlement, je dois dire au député de Saint-Jean qu'il arrive pas mal tard pour proposer ce dépôt, puisque j'ai demandé moi-même, à la dernière commission des engagements financiers, au ministre responsable, le député de Hull, de déposer tous les documents concernant les Investissements Seigle Inc.

M. Veilleux: Me donnez-vous la permission de le demander aujourd'hui?

M. Léger: Cela a été demandé, à la fin de septembre, cela fait déjà presque deux mois et aujourd'hui, alors qu'on est en train de discuter d'une chose importante, on n'a pas donné ces chiffres à l'Opposition. On n'a pas donné à l'Opposition ces lettres. On n'a pas donné à l'Opposition tous les renseignements pertinents nous permettant de faire notre travail. Quand je vois le député de Saint-Jean, je suis d'accord qu'il les demande aujourd'hui. J'aurais aimé aussi que le député de Frontenac soit présent pour demander les choses que le député de Saint-Jean a demandées parce que les deux sont directement intéressés à faire la lumière sur le dossier Seigle.

M. Veilleux: Contentez-vous de parler au député de Saint-Jean.

M. Léger: Je ne crois pas qu'aujourd'hui ce que le député de Saint-Jean demande, cela puisse être une occasion de l'avoir plus tôt. Est-ce que cela veut dire que le député de Saint-Jean, parce qu'il est membre du gouvernement, peut obtenir plus tôt...

M. Hardy: A l'ordre! A l'ordre!

M. Léger: ... des documents que nous avons demandés il y a un mois et demi pour nous préparer pour la commission parlementaire d'aujourd'hui? Je trouve qu'il est aberrant de voir que ce que nous avons demandé il y a un mois et demi, on essaie aujourd'hui de le demander parce qu'on est du côté du gouvernement. Je pense que l'on devrait ne pas s'attarder plus longuement là-dessus. Qu'on dépose les documents, on a autre chose... Ce sont des méthodes de diversion pour empêcher d'aller au fond des choses.

Le Président (M. Lamontagne): Le ministre des Communications.

M. Hardy: M. le Président, juste un mot pour dire que, contrairement encore une fois, à ce que dit le député de Chicoutimi, et je suis obligé, je vous l'avoue, de me restreindre pour ne pas qualifier son attitude...

M. Bédard (Chicoutimi): Bien, allez-y donc! Pensez-vous que vous me faites peur?

M. Hardy: II y a toute une distinction, M. le Président, entre, contrairement à ce que le député de Chicoutimi...

M. Bédard (Chicoutimi): II s'imagine impressionnant!

M. Hardy: ... tente de faire croire, déposer les documents ici ou à la Chambre.

Une Voix: Ce n'est pas la même chose.

M. Hardy: II y a toute une différence entre faire déposer les documents par le Protecteur du citoyen et les faire déposer par celui qui doit les déposer, le ministre des Travaux publics. Il y a toute une différence et tout cela tient encore au fait que vous essayez de confondre deux choses. Vous essayez, encore une fois, d'attaquer le gouvernement via le Protecteur du citoyen, d'autant plus qu'après la déclaration...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez une idée fixe.

M. Léger: Vous êtes confondu.

M. Hardy: ... du Protecteur du citoyen, vous n'avez plus de cause, vous ne savez plus quelle question poser. C'est vous qui essayez de faire des manoeuvres de diversion, vous essayez de faire...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez vraiment une idée fixe.

M. Hardy: ... un procès politique alors que vous savez bien maintenant que vous n'êtes plus capable de faire de procès au Protecteur du citoyen. Alors, si vous n'avez plus de cause...

M. Léger: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Hardy: ... dites-le donc et fermez le dossier.

M. Léger: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine sur une question de règlement.

M. Léger: J'invoque le règlement, M. le Président. Cette méthode de diversion et cette façon du ministre, qui agit comme un député "backbencher", d'essayer de nous plaquer l'idée que nous voulons confondre le Protecteur du citoyen... Nous avons dit depuis le début que ce n'est pas la question du Protecteur du citoyen; nous croyons que le Protecteur du citoyen a fait un travail fantastique... il y a un cas...

M. Hardy: On lève la séance! Une Voix: On va lever la séance! M. Léger: ... en général.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léger: Mais nous voulons parler, par exemple, d'erreur humaine possible et c'est là-dessus que nous sommes aujourd'hui concernant la juridiction, particulièrement en regard du cas Seigle. Toute l'attitude du gouvernement actuel démontre qu'il veut faire de la diversion pour cacher la vérité aux citoyens du Québec.

Le Président (M. Lamontagne): A Tordre, messieurs! Je voudrais reprendre immédiatement la parole pour montrer, justement, en bon Canadien, qu'on serait un peu mal enligné et je voudrais citer l'honorable député de Lafontaine qui vient de dire qu'il voudrait examiner si une erreur humaine a été commise. Or, vous venez tout juste de le mentionner, ce n'est pas le but de la commission; c'est de parler de juridiction.

M. Léger: S'il y a une erreur humaine, il peut avoir une erreur de juridiction par la suite.

Le Président (M. Lamontagne): Et je décide immédiatement que ni ce document-là ni un autre ne sera déposé ici à la présente commission.

M. Veilleux: Maintenant, je repose ma question aux membres de l'Opposition...

Le Président (M. Lamontagne): C est terminé.

M. Veilleux: Est-ce qu'ils acceptent que cet après-midi...

Le Président (M. Lamontagne): A I avenir, je veux que chaque question n'ait pas comme conséquence de savoir si une erreur humaine a été commise, mais de savoir s'il y eu juridiction.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président...

M. Léger: On accepte, M. le Président; on accepte.

Une Voix: On pourra les remettre en Chambre et à ce moment-là...

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, comment peut-on ne pas accepter, c'est nous qui avons demandé le dépôt de ces documents.

Le Président (M. Lamontagne): L honorable député de Chicoutimi peut savoir que...

M. Bédard (Chicoutimi): Profitez-en pour déposer également le contrat de réaménagement de $109,000 qui n'a pas été déposé...

M. Veilleux: Tous les documents.

M. Bédard (Chicoutimi): ... à la demande du chef de l'Opposition en août 1974.

M. Veilleux: M. le Président, je vais exiger tout le dossier à l'Assemblée nationale cet après-midi.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est tout.

M. Veilleux: Tout le dossier, au complet, c'est clair?

Le Président (M. Lamontagne): Vous aviez des questions à poser tout à l'heure au Protecteur du citoyen et vous aviez la parole.

M. Bellemare (Johnson): Juste une chose, M. le Président, c'est que le ministre responsable des engagements financiers nous avait promis, à ce moment-là, de le déposer dans le plus bref délai possible.

M. Veilleux: D'accord.

M. Bellemare (Johnson): M. Parent nous avait dit: On va le déposer, on va déposer tous les documents. Il y a eu du retard pour le dépôt, c'est un cas.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Cette question est close. L'honorable député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, j aurais une question à poser et tel que je l'ai dit, j'essaierai de procéder dans un ordre chronologique et en m'en tenant le plus possible au contenu de la lettre du Protecteur du citoyen lui-même.

Je voudrais demander au Protecteur du citoyen...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. Bédard (Chicoutimi): ... quand il a été saisi pour la première fois — s'il peut nous donner la date — du dossier Seigle et de quelle manière, par quelle personne. Dans sa lettre du 15 mai 1975, à la page 2, le Protecteur du citoyen dit ceci, au dernier paragraphe: "Au début de 1971, trois résidents de Saint-Jean — je lui demanderais de préciser les noms — mis au courant d'un projet de regroupement de bureaux du gouvernement jusqu'à ce moment mal logés et disséminés dans la ville... '

Je voudrais savoir — son enquête le lui a sûrement indiqué — quelles sont les personnes qui ont mis au courant ces trois résidents de Saint-Jean du projet du gouvernement. Je voudrais également savoir, puisque le Protecteur du citoyen mentionne: "Que ces trois résidents de Saint-Jean voient une occasion de faire une affaire rentable et proposent à des membres du gouvernement — je lui demanderais quels membres du gouvernement — en mesure de les appuyer d'assumer eux-mêmes la construction de l'édifice requis."

Sûrement, son enquête lui permet de répondre à ces quelques petites questions préliminaires, quitte à continuer...

M. Tardif: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Est-ce que c'est une question de...

M. Tardif: Oui, de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député d'Anjou, question de règlement.

M. Tardif: En fait, je ne veux pas être pointilleux outre mesure, mais je me demande jusqu'à quel point cela touche à la juridiction du Protecteur du citoyen lorsque le député de Chicoutimi demande au Protecteur du citoyen certains renseignements qui ne sont pas inclus dans la lettre. Jusqu'à quel point cela se rattache-t-il à la juridiction du Protecteur du citoyen, et jusqu'à quel point cela nous donne-t-il les renseignements nécessaires pour porter un jugement de valeur sur la décision que le Protecteur du citoyen a prise, c'est-à-dire d'intervenir dans ce dossier? J'aimerais attirer votre attention sur cette question parce que, à mon avis, ce n'est pas clair.

Le Président (M. Lamontagne): Je suis vraiment impatient, depuis près d'une heure, d'entendre à nouveau le Protecteur du citoyen nous donner un peu son appréciation sur certaines questions. Il y a différentes choses qui ont été dites et peut-être que le Protecteur du citoyen pourrait en profiter pour essayer de répondre, à l'occasion d'une question de l'honorable député de Chicoutimi, à d'autres questions — d'ailleurs dont les réponses sont déjà connues puisqu'elles sont marquées dans la lettre du Protecteur du citoyen — des représentants du gouvernement.

M. Marceau: Merci, M. le Président. Je vais en profiter, puisque vous me l'offrez, pour faire un certain nombre de précisions qui m'importent de façon un peu plus directe. On a mentionné tout à l'heure que j'avais exigé une commission parlementaire. Je n'ai pas exigé une commission parlementaire. On a exigé ma démission à moins que je ne m'explique devant une commission parlementaire, c'était quand même naturel que je vienne m'expliquer.

La deuxième chose, on a mentionné que dans mes remarques j'avais parlé d'une pure méconnaissance du problème qui avait amené l'étonne-ment.

J'ai dit: une pure méconnaissance du rôle de l'ombudsman, à cause des motifs qu'on a invoqués pour expliquer que je n'avais pas raison de m'en occuper. L'étonnement auquel j'ai fait allusion dans mon exposé, tout à l'heure, ce n'est pas l'étonnement sur la décision, c'est l'étonnement sur l'acceptation d'étudier la plainte et de l'analyser. J'ai bien dit tout à l'heure que, du moins, à ce moment-là — je le ferai peut-être dans un moment — je n'essayais pas de défendre mon jugement. Les faits étant mis en lumière, j'essayais de montrer que je n'avais pas le choix. Il me fallait analyser la plainte, il me fallait dégager les faits, puis il me fallait prendre une position à partir des faits que je pouvais dégager. C'est cela que j'ai es-

sayé de démontrer. L'étonnement qu'on a manifesté un peu partout, et dans les communiqués, et dans les journaux, c'est un étonnement que je m'occupe de l'affaire. Je ne crois pas que, jusqu'à ce matin, on ait directement critiqué le jugement en tant que jugement, les faits étant là attestés et mis en lumière.

C'étaient les trois points que je voulais préciser, mais pour revenir a l'autre. On pose un certain nombre de questions précises, au fait, et je vais essayer de passer à travers, quoique là c'est un petit peu embarrassant. Mais je ne joue pas à l'en-contre de cela; c'est strictement pour ne pas donner une fausse impression, parce que je ne serai pas capable de répondre à toutes les questions précises qu'on a posées. Il y a quand même une question de discrétion qui se pose là-dedans.

Les plaignants, je les ai rencontrés, pour la première fois, en mars. Je ne me souviens pas exactement de la date. C'était au mois de mars et ils sont venus, les trois. Les noms des plaignants? La plainte a été enregistrée à mon bureau au nom de l'administrateur du groupe et les noms ont été publiés dans les journaux et celui-là en particulier, c'est un nommé Denault. Je n'avais jamais vu, ni connu, ni l'un ni l'autre des trois. Ce sont les seuls que j'ai vus, à part les gens du ministère, bien sûr, au sujet de la plainte.

Ils sont venus me voir directement, cela a été une entrevue au départ et je leur ai demandé, de confirmer leur demande et de l'appuyer, bien sûr, des documents qu'ils avaient en main. Ils m'ont réécrit, une quinzaine de jours plus tard, je crois; la lettre date du 1er avril ou du 2 avril. Voilà pour le temps.

Maintenant, quels sont les membres du gouvernement? Je ne le sais pas. Je sais simplement que, dès le départ, je me suis rendu compte de ce dont il s'agissait et j'ai posé les questions qui me permettaient de me situer. Mais savoir si tel membre ou tel autre membre était mis en cause, cela ne changeait absolument rien à ma façon de regarder le dossier et au fait que j'avais à élaborer et à examiner moi-même.

Je ne sais donc pas lesquels. Evidemment, le député de Saint-Jean devait naturellement être mis en cause, mais je n'ai pas vu le député de Saint-Jean là-dessus et je ne suis pas entré pour essayer de connaître les relations qui pouvaient exister entre ceux qui se plaignaient à moi et les gens de l'extérieur; pour autant que cela ne regarde pas mon dossier, cela ne me regarde pas moi, non plus.

Cela, c'est pour les questions précises qui ont été posées. Pour l'ensemble, je reviens à une préoccupation qui a été mise en lumière. Pourquoi j'ai changé d'idée? J'ai changé d'idée tout simplement parce qu'après avoir examiné les faits, interrogé les gens au ministère à maintes reprises, examiné les documents, j'ai réalisé, bien sûr, que les promoteurs avaient été d'une naïveté et d'une imprudence évidentes, mais je me suis dit qu'il n'était pas normal, pour un service, de profiter d'une certaine manière de cette imprudence au moment où le contrat a été négocié et c'est cela que j'ai essayé d'expliquer ici.

A un moment donné — ce n'est pas la première fois que cela se fait, chacun le sait; c'est de la promotion pour la construction d'immeubles et le ministère a quand même, dans certaines circonstances, intérêt à procéder de façon que ce ne soit pas lui-même qui construise — ils ont pensé avoir une affaire rentable. Ils n'étaient pas au courant. Il y a un notaire, si mon souvenir est bon, il y a un courtier, il y a un administrateur.

On les met en contact avec les experts du ministère où il y a une série de gens qui s'y connaissent et ils disent: Votre projet vise à regrouper les services; nous sommes prêts, nous, à construire l'immeuble qui sera requis. L'offre faisait l'affaire du ministère. On voit le directeur de l'aménagement. La discussion commence avec lui; un certain nombre de rencontres se font.

Le directeur de l'aménagement regarde les baux qui existent dans la région, il se rend compte que les baux vont jusqu'à un certain montant et il leur dit; Si vous nous faites une offre qui ne dépasse pas le coût des baux actuels, bien sûr, cela va marcher. La lettre à laquelle je fais allusion, ce n'est pas un protocole d'entente signé par l'un et l'autre, c'est une pure lettre venant de l'un du groupe, disant: Je suis avec un certain nombre d'hommes d'affaires de Saint-Jean, nous sommes prêts à construire l'immeuble dont vous avez besoin et nous sommes disposés à passer un bail de longue durée pour un coût de loyer qui n'excédera pas celui que le directeur avait déterminé, $3.75 le pied. C'est ça qui est la base.

M. Léger: Est-ce que vous me permettez? Vous avez affirmé une chose et ce serait juste pour clarifier. Quelles sont les deux autres personnes non mentionnées mais auxquelles vous avez fait allusion en mars 1975 et qui étaient avec M. Denault? En 1971, vous avez mentionné un notaire, un courtier et un administrateur. Quels sont les noms de ces trois personnes?

M. Marceau: Je ne me souviens pas des noms. On les a mentionnés, je crois, une fois dans les journaux.

M. Léger: Est-ce que c'était le notaire Desmarais? Est-ce que l'autre homme d'affaires était M. Latour?

M. Hardy: Si vous les savez, pourquoi les demander?

M. Léger: Je veux confirmer si c'est cela ou pas.

Le Président (M. Lamontagne): On pourrait peut-être s'informer à l'honorable député de Saint-Jean.

M. Veilleux: Je n'ai pas été témoin des démarches que les gens ont faites auprès du Protecteur du citoyen. Ce que je peux dire aux honorables

collègues de la très honorable Opposition officielle, c'est qu'ils m'ont donné leur accord pour que cet après-midi on demande au ministre de déposer tous les documents pertinents à cette chose-là. Les députés auront tous ces noms.

M. Léger: J'invoque le règlement.

M. Veilleux: Je dis que sur la question...

M. Léger: J'invoque le règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Avant qu'il y ait une question de règlement, je vais en soulever une à mon tour. Vous comprendrez que la boutade que je viens de faire à l'endroit de l'honorable député de Saint-Jean veut mettre ceci en relief: en quoi des noms peuvent-ils influencer une juridiction? Là, tout de même, c'est pousser un peu loin. Il n'y a aucune utilité qu'un nom puisse influencer une juridiction. Tout de même!

M. Léger: Sur la question de règlement. Vous avez posé une question au député de Saint-Jean à laquelle il n'a pas répondu. Nous, c'est parce qu'il y a un député, maintenant, qui était parmi les personnes directement concernées en 1971. C'est important qu'on sache jusqu'à quel point il y a eu un rôle joué par ces personnages.

M. Hardy: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Hardy: ... j'invoque de nouveau le règlement.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Communications.

M. Hardy: Est-ce qu'on va comprendre, une fois pour toutes? Je repose toujours le même problème parce que le député de Lafontaine a décidé, lui, de ne pas faire la distinction. Le député de Lafontaine a décidé de continuer à confondre les choses.

M. Léger: Question de règlement.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Léger: Le ministre n'est pas sur une question de règlement, actuellement.

M. Hardy: Oui, je suis sur une question de règlement.

M. Léger: Alors, expliquez votre question de règlement.

M. Hardy: Ecoutez donc! Je sais que même quand vous écoutez avec vos deux oreilles, vous avez de la misère à comprendre.

M. Léger: Parlez de la question de règlement, on est tout ouïe.

M. Hardy: Ouais!

M. Veilleux: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Un à la fois. L'honorable ministre des Communications.

M. Hardy: On en revient toujours au même problème. Il y a deux réalités: la juridiction du Protecteur du citoyen et un problème de politique gouvernementale. Je répète que nous ne sommes pas ici pour étudier le bien-fondé des décisions du gouvernement ou de ses politiques. Nous sommes ici pour décider si le Protecteur du citoyen a, oui ou non, respecté sa juridiction. Donc, la question ou les allusions formulées par le député de Lafontaine n'ont rien à voir avec le mandat.

Je le répète. Si, après l'exposé du Protecteur du citoyen, les députés de l'Opposition n'ont plus de questions à poser sur le problème de la juridiction du Protecteur du citoyen, qu'ils le disent donc, tout simplement. Le problème devant lequel on est placé actuellement, c'est qu'après l'exposé du Protecteur du citoyen, ces gens-là n'ont plus de questions à poser, ils n'ont plus de cause, leur ballon est crevé. Bon, qu'ils l'admettent et ils se reprendront ailleurs, d'une autre façon, d'une autre manière.

M. Léger: M. le Président, sur la question de règlement.

M. Bédard (Chicoutimi): Question de règlement. M. le Président, je me demande où il a fait son cours de droit pour se permettre de dire qu'avant de décider sur les faits... Avant de décider sur le droit, il est normal de connaître les faits.

M. Hardy: II...

M. Bédard (Chicoutimi): D'ailleurs, c'est tellement vrai qu'avant de décider sur le droit même, le Protecteur du citoyen a fait une longue enquête sur les faits pour ensuite en venir à la conclusion qu'il devait s'insérer, prononcer un jugement faire des recommandations dans ce dossier.

Ce dont le ministre des Communications ne se rend pas compte, c'est qu'en nous empêchant de parler des faits, il nous empêche tout simplement de permettre, non seulement à nous, mais à tous les membres de la commission et à tous ceux qui sont intéressés par ce problème, d'apprécier la solution de droit qui a été donnée par le Protecteur du citoyen. C'est tellement vrai, M. le Président, que sur ce point, le Protecteur du citoyen lui-même, dans ses recommandations, dans la recommandation no 33 de son rapport de 1969, disait très précisément — lorsqu'on l'analyse, c'est cela le juridique, savoir s'il y avait une autre cour civile possible — qu'à ce moment, lorsque le problème se pose, l'appréciation du fond de ce problème relève du Protecteur du citoyen lui-même et

éventuellement — ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Protecteur du citoyen qui le dit dans son rapport — de l'Assemblée nationale, à qui il doit rendre compte.

Un raisonnement comme celui qui vient d'être fait par le ministre des Communications n'a absolument aucun fondement et...

M. Hardy: Ce n'est...

M. Bédard (Chicoutimi): ... je soupçonne qu'on essaie tout simplement de nous faire perdre notre temps en nous interrompant et en provoquant des discussions pour nous empêcher de nous enquérir des faits. Le Protecteur du citoyen, qu'il ne se rappelle pas certains faits, qu'il ne se rappelle pas certains noms, est-ce que nous allons lui en tenir grief, M. le Président? Il faudrait commencer par savoir si on lui en tiendrait grief. Je vous dis sincèrement que ce n'est pas mon intention, parce qu'il faut comprendre qu'après un certain temps dans un dossier aussi compliqué, aussi difficile d'appréciation où tant de gens sont mêlés, il est normal — cela je l'accepte d'avance — que le Protecteur du citoyen puisse ne pas se rappeler tous les noms et tous les faits. Mais, à ce moment, qu'on nous laisse poser des questions. Si, sur les faits, le Protecteur du citoyen ne se rappelle pas ou n'est pas capable de répondre, nous formulerons notre appréciation du point de vue juridique, à partir des réponses, des conclusions et des éclaircissements que nous donnera le Protecteur du citoyen. Il faut arrêter, je pense, du côté du gouvernement, de nous interrompre pour donner la chance au Protecteur du citoyen de s'expliquer; comme il l'a dit lui-même, de faire la lumière sur tous les faits.

M. Léger: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Je voudrais là... un instant.

M. Léger: J'ai été interrompu sur une question de règlement, j'ai le droit de répondre à la question de règlement.

Le Président (M. Lamontagne): Je voudrais profiter de la circonstance pour rappeler avec quelle prudence nous devons traiter d'un tel sujet. Vous comprendrez que le Protecteur du citoyen a été saisi d'un dossier et que là, il y a une demande à savoir... On a même mentionné qu'il pourrait y avoir un député là-dedans. Or, on est peut-être en train de sauter une barrière qui pourrait laisser supposer que le Protecteur du citoyen aurait pu être influencé dans son appréciation...

Une Voix: Ah!

Le Président (M. Lamontagne): Bien, écoutez! j'ai dit: Aurait pu être... C'est pour cela qu'il faut être prudent dans un tel dossier. Je ne crois pas — comme président, j'ai tout de même des responsabilités à faire là-dedans — qu'une juridic- tion puisse être influencée par le nom de personnes. Ce n'est pas le nom de personnes qui influence le Protecteur du citoyen quant à sa juridiction ou non dans un dossier. Je vous prie à nouveau de relire le mandat qui nous a été confié. Il nous a été demandé d'étudier les principes de la juridiction. Les principes de la juridiction, c'est cela le fond de la question.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président...

M. Léger: Un instant, juste une seconde.

Etant donné que j'ai été interrompu, M. le Président, par une question de règlement, je ne vois à aucun endroit dans le règlement, un article qui m'empêcherait de demander les noms des propriétaires dans le cas particulier qui nous touche. le cas Seigle. Qu'est-ce qui empêche, dans le règlement, de me faire donner comme réponse: Les propriétaires des Investissements Seigle en 1971 et en 1975 sont les suivants...? C'est une question absolument normale. On étudie justement le cas Seigle. M. le Président, je pense qu'il est normal qu'on donne la chance au Protecteur du citoyen de nous donner une réponse. Quels sont ceux qui sont propriétaires, actuellement, et qui l'étaient en 1971 des Investissements Seigle?

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je veux simplement, peut-être d'une façon générale, vous demander certaine directive, certaine appréciation. Comme vous l'avez dit, je pense qu'il faut être soucieux et après cela être honnêtes envers la personne qui a à témoigner devant une commission ou qui a à répondre à des questions. Je suis bien d'accord avec vous là-dessus, et c'est justement avec ce souci que je me permets de poser des questions.

Encore une fois je me surprends de voir le gouvernement nous interrompre continuellement, je me suis fait un devoir de poser les questions non à partir de n'importe quel document, et vous allez vous en apercevoir, à partir simplement d'une pièce quand même maîtresse à l'intérieur du dossier, à savoir la lettre du Protecteur du citoyen, le 15 mai, à M. Trudeau.

Je pars d'un document écrit non par n'importe qui, mais par le Protecteur du citoyen lui-même qui nous fait nous poser certaines interrogations.

Le Protecteur du citoyen a écrit cette lettre, c'est clair, en toute connaissance de cause. Je dirais même qu'il est possible et qu'il peut arriver que nous sortions des faits mêmes qui ne sont pas assez expliqués dans cette lettre. Le Protecteur du citoyen lui-même dit, à la page 3 de sa lettre à M. Trudeau, au dernier paragraphe: "Se rappelle des faits que j'aurais pu présenter de façon beaucoup plus complète". Ce qui veut dire qu'on peut se poser la question en quoi c'est incomplet, premièrement, des questions sur ce qu'il a dit exactement dans cette lettre, puis sur d'autres sujets qui font que peut-être la lettre elle-même, le rappel des faits est incomplet.

Le Protecteur du citoyen lui-même "se rappelle des faits que j'aurais pu présenter de façon

Beaucoup plus complète et, ce qui est important aussi, beaucoup plus complète et frappante (vous le savez)". Alors à partir de ce moment on voit que le Protecteur du citoyen, dans sa lettre même de recommandation au sous-ministre, M. Trudeau, se base sur les faits, sans la nécessité — et je le comprends à part cela — de relater tous les faits pour ensuite expliquer sa décision de droit.

C'est la logique normale de quelqu'un qui connaît le droit et c'est en ce sens que je ne comprends pas du tout l'argumentation du ministre des Communications qui est censé avoir fait un cours de droit.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

Je maintiens la décision qu'il ne nous intéresse aucunement de connaître les noms des actionnaires de la compagnie Seigle. Pourquoi? Parce qu'une compagnie — et le Protecteur du citoyen nous l'a expliqué tout à l'heure — est une personne morale en soi, et c'est à ce titre qu'il nous intéresse de savoir si le Protecteur du citoyen a juridiction sur un tel dossier. Le nom des actionnaires, des directeurs peut être requis, j'en conviens, à d'autres moments et d'autres occasions et je pense que nous avons été prévenus, en même temps, qu'une demande globale serait faite cet après-midi à l'Assemblée nationale. Mais pour le moment, nous avons à étudier le dossier d'une compagnie et le fait d'y relier le nom des actionnaires ou directeurs est, à mon avis, de nature à fausser nos débats et peut-être glisser, dans des tentatives faciles, sur des noms au lieu de l'objet même de notre réunion de cet avant-midi.

Dans ce cas, j'aimerais que le Protecteur du citoyen complète, si possible pour cet avant-midi, ces informations et explications qu'il pourrait donner au sujet des questions qui ont été posées, mais que...

M. Bédard (Chicoutimi): Comment voulez-vous qu'il donne des explications? Vous ne nous laissez pas poser les questions et vous ne lui permettez pas de répondre.

Le Président (M. Lamontagne): Un instant, je n'ai pas à être complice ni d'un côté, ni de l'autre. J'ai à remplir mon mandat et le plus objectivement possible.

Il ne m'intéresse pas du tout ce matin de savoir qui est actionnaire ou directeur de la compagnie Seigle. Il m'intéresse de savoir les principes de la juridiction du Protecteur du citoyen, en regard du cas Seigle, non en regard des actionnaires du cas Seigle. Si vous vouliez l'avoir dans la motion, il fallait proposer un amendement hier.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Non, ma décision est rendue.

M. Bédard (Chicoutimi): D'une façon globale parce que les travaux peuvent être courts si vous décidez que nous n'avons pas le droit de poser de questions.

Le Président (M. Lamontagne): Vous avez le droit de poser des questions.

M. Bédard (Chicoutimi): D'une façon générale, nous permettez-vous de poser des questions qui ont rapport à la lettre même qui est la base de l'attitude du Protecteur du citoyen?

Nous permettez-vous de poser des questions qui ont référence, au moins, à cette lettre même qui est la base?

Le Président (M. Lamontagne): Un instant. C'est l'Assemblée nationale hier, qui a convenu que notre mandat serait aux fins d'entendre le Protecteur du citoyen sur les principes de sa juridiction et particulièrement en regard du cas Seigle. Je ne crois pas que cette motion ait été faite en fonction de la lettre du 15 mai du Protecteur du citoyen. Si les questions que vous voulez poser en rapport avec la lettre du Protecteur du citoyen, qui est datée du 15 mai, concernent sa juridiction, vous avez toute latitude pour les poser. Ce n'est pas moi qui ai décidé du mandat. Je dois faire exécuter un mandat.

Si vous voulez, à un autre moment, faire changer un mandat, c'est à vous, à l'Assemblée nationale, de le faire et non à moi. Vous comprendrez que cela peut paraître un rôle ingrat, que j'ai là, de refuser, refuser mais c'est d'abord qu'on a mis un corridor très étroit à notre commission et mon devoir est de suivre ce corridor.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, vous me permettrez de différer d'opinion sur l'étroitesse du corridor dont vous parlez. Vous me permettrez de différer d'opinion avec vous sur l'étroitesse du corridor dont vous parlez parce que...

Le Président (M. Lamontagne): Mais...

M. Bédard (Chicoutimi): Je respecte votre décision, M. le Président, même si je ne partage pas votre argumentation. Simplement le point de savoir trois noms au niveau de la compagnie, cela n'équivaut pas à étudier le fonctionnement d'une compagnie, comme vous l'avez dit tantôt.

Des Voix: A l'ordre! A l'ordre!

M. Bédard (Chicoutimi): Je vais continuer, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): ... esprit de vos questions.

M. Mercier: M. le Président, c'est l'ombudsman qui avait la parole.

M. Hardy: Oui. Le Protecteur du citoyen n'avait pas terminé sa déposition.

Le Président (M. Lamontagne): Si vous voulez, nous allons continuer.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord, M. le Président. On est là pour l'entendre.

M. Hardy: Cela va être plus intéressant que les questions.

M. Marceau: Je disais, à ce moment-là, au sujet des questions précises qui ont été posées, que pour certaines je ne m'en souvenais pas, notamment les plaignants, qui sont les actionnaires. Je ne sais pas si je vais à rencontre de la décision du président mais je les sais, maintenant, les noms. On vient de me les souffler, mon assistant qui a travaillé au dossier. Ils ont été, du reste, publiés dans les journaux à quelques reprises. Il n'y a aucun problème. Latour, agronome, Desmarais, notaire, et Denault, administrateur.

Quant à savoir quels sont les membres du gouvernement, je disais tout à l'heure que je ne le sais pas. Cela ne m'intéressait pas. Je ne l'ai pas demandé parce que cela n'affectait d'aucune façon la plainte telle qu'elle était formulée ni non plus l'enquête telle que je l'entreprenais ni, bien sûr, les conclusions auxquelles elle pouvait me conduire.

Que le député de Saint-Jean — il vient de vous le dire lui-même — ait été intéressé à ces gens, puisque c'étaient des gens qui étaient près du parti, c'est normal, mais, quant à moi, cela ne m'a nullement touché et je ne m'y suis nullement intéressé. Je n'ai jamais vu le député de Saint-Jean là-dessus. Je n'ai vu que les plaignants qui sont venus me voir à quelques reprises et à qui j'ai parlé à quelques reprises au téléphone également, plus les gens du ministère.

C'est évident qu'au départ — et j'ai tenté tout à l'heure de m'expliquer le plus clairement possible — la plainte était délicate. Je répéterais exactement les mots utilisés dans ma lettre. C'est évident qu'on est en face d'un contrat en apparence parfaitement valable, on est en face d'arrêtés en conseil. Il y a eu, dans ce dossier, trois ou quatre CT ou arrêtés en conseil pour l'engagement de l'architecte, pour les travaux supplémentaires, pour le bail au départ, pour l'augmentation du bail, etc. Voici un dossier qui, pour le Protecteur du citoyen, normalement, est certes un dossier extrêmement délicat parce que cela met en cause des arrêtés en conseil et je ne suis pas censé interroger au niveau des arrêtés en conseil, simplement sur ce qui a conduit à tel ou tel arrêté en conseil. C'est dans ce sens que j'ai dit que le dossier était difficile.

En plus de cela, devant un contrat, ma réaction de juriste — qui, jusqu'à il y a sept ans, était un juriste de droit privé et un professeur de droit contractuel — c'est que devant un contrat, j'ai un respect énorme; c'est cela que j'ai voulu expliquer en disant qu'au départ, ils avaient une côte à monter, et une drôle de côte, et je le leur ai dit.

Seulement, cette côte-là, j'ai eu l'impression qu'on la montait et que petit à petit la façon dont cela s'était passé se révélait à l'enquête. J'en suis venu à la conclusion que c'est un contrat qui n'avait pas été négocié de façon normale et qu'il y avait un problème, dès le début, au moment de la signature du contrat: on s'est fié à l'excès au directeur. Et le directeur, involontairement et de bonne foi — je n'ai accusé personne dans la lettre, et j'ai fait attention au terme que j'ai utilisé, parce que je fais attention aux termes que j'utilise jamais...

Alors c'est cela.

M. Bédard (Chicoutimi): Qu'est-ce qui vous fait dire qu'ils se sont fiés?

M. Marceau: Au directeur?

M. Bédard (Chicoutimi): Oui.

M. Marceau: J'ai interrogé le directeur à au moins cinq ou six reprises et j'ai interrogé tous mes gens et des témoins qui étaient là et je sais comment cela s'est passé. Cela s'est passé qu ils se sont fiés et qu'ils ont joué là-dessus strictement. Et pourquoi? C'est ce que vous voulez me faire dire; parce qu'ils n'avaient pas raison de se méfier, étant donné qu'ils étaient en confiance, c'étaient des gens qui étaient près du gouvernement, c'est évident. C'est la même situation que quelqu'un qui peut se faire jouer par son frère, parce qu'il ne s'attend pas à être suffisamment prudent. C'est ce qui est arrivé et je crois que si, dans le monde privé, on peut l'admettre, je ne crois pas qu'un service public, dans le cadre de l'éthique administrative publique, puisse jouer avec cela. C'est cela qui m'a frappé et c'est cela que j'ai voulu exprimer ici.

J'ai dit, ils ont été naïfs et imprudents, je l'ai dit en toutes lettres, naïfs et d'une imprudence évidente et manifeste, mais un service public ne doit pas jouer avec cela. C'est ce que j'ai essayé d'introduire depuis sept ans, dans tous les ministères et les services publics, et c'est ma façon de voir.

M. Léger: Maintenant, admettez-vous, entres autres, qu'ils ont fait confiance parce qu'ils y ont été invités, comme vous venez de l'affirmer, par des gens proches du parti? Maintenant, vous affirmez aussi qu'ils n'avaient pas d'expérience, et parce que ces gens n'étaient pas expérimentés, et vous l'admettez aussi dans votre lettre, par la conclusion de ce que vous dites, ils ont dû, par la suite, aller chercher le financement pour le faire.

Pensez-vous qu'un homme d'affaires normal, habitué dans le domaine précis de la construction d'édifices comme celui-là, aurait accepté de faire ce travail autrement qu'avec l'assurance que des amis politiques lui ont donnée en lui disant; Vas-y, tu auras un contrat, il n'y a pas de problème, aies confiance.

Est-ce qu'un homme d'affaire qui n'aurait pas été proche d'amis politiques n'aurait pas fait des études plus sérieuses que l'ont fait des hommes proches du gouvernement?

M. Marceau: M. le Président, je ne sais pas de quelle façon je vais répondre à cela. En psychologue ou en homme d'affaires? Je ne suis ni l'un ni l'autre, bien sûr. Si l'on s'étonne parce qu'on avait

besoin d'un bail à long terme pour pouvoir financer, je crois que c'est comme cela de façon régulière; cela fait une construction qui coûte des millions, je ne connais pas beaucoup de gens qui ont cela dans leur porte-monnaie pour y aller.

Maintenant, est-ce qu'ils auraient procédé de la même manière s'ils ne s'étaient pas sentis un peu appuyés? Si c'est cela la question, la réponse est: Je ne crois pas qu'ils auraient procédé de la même manière. Je crois que leur imprudence et leur naïveté évidentes, je le répète, et pour lesquelles ils paieront encore pas mal d'années, au fait, mais je ne crois pas que leur imprudence et leur naïveté auraient été aussi grandes, dans des circonstances totalement extérieures.

Mais, en même temps, je ne crois pas que cette seule situation — et c'est l'expression que j'ai utilisée — peut autoriser le gouvernement à bénéficier d'un prix de rabais aussi long, d'un prix de rabais aussi important et qu'on mette dans le chemin trois personnes pour ce motif. Je ne l'ai pas cru.

Vous dites: Vous vous êtes trompé; si j'avais été là, je n'aurais pas jugé comme vous. C'est fort possible. Je l'ai dit tout à l'heure: C'est un jugement subjectif. Ma conception de l'éthique administrative, ma concoption du rôle d'un service public, de l'éthique qu'on peut exiger de ces gens est différente de l'éthique entre personnes de droit privé, parce que le gouvernement n'est pas là pour faire de l'argent. Il n'est pas là, non plus, à mon avis, pour jouer avec ce qui peut nous apporter quelque chose. Il a un rôle, une éthique de service public. Bien, ma conception de celle-là peut être différente de celle du voisin, mais je ne puis pas ne pas l'appliquer à l'étude des cas. Et c'est ce que j'ai vu là. J'ai reconnu ce qui était au départ, ce que vous avez dans l'esprit, je l'ai vu. Mais je me suis demandé pendant longtemps: Est-ce suffisant pour permettre un statu quo et autoriser, dans une certaine mesure, un service, au niveau du consentement — pas par la suite, ce n'est pas de l'imprévision, cela — de jouer de cette manière? Et la réponse à cela, j'ai cru que c'était non, dans une certaine mesure.

Entre les deux, je l'ai bien dit à la fin de ma lettre; j'insiste, je dis: II ne s'agit pas d'annuler le contrat; il ne s'agit pas, non plus, de le renégocier à la lumière des conditions actuelles. Il s'agit de lui donner strictement le sens qu'on lui aurait donné au moment de sa signature si on avait accepté de prendre tous les éléments en considération, sans égard à l'engagement pris dans la lettre à laquelle on faisait allusion tout à l'heure et qui était signée par l'un des hommes d'affaires mis en cause. C'est mon point, mais si on veut dire là-dessus: Vous n'avez pas raison, votre éthique administrative n'est pas correcte, nous en avons une autre. Bien! soit, mais dans les circonstances, qu'est-ce que vous voulez?

M. Bédard (Chicoutimi): Moralité du contrat, moralité du cas. Vous dites d'ailleurs, et vous l'avez répété à maintes reprises, que l'imprévoyance, dans votre esprit, n'était pas une raison de réviser le contrat, en soi, également. D'autre part, vous parlez beaucoup — et cela a joué dans votre décision — de la naïveté et de l'imprudence et même du manque de connaissances des promoteurs.

Si je prends votre lettre, du point de vue chronologique, en juin 1972, il y a eu le dépôt par le ministère des normes et exigences concernant l'édifice. D'accord? Des discussions ont lieu entre les deux parties pour arriver à une entente. Vous êtes d'accord là-dessus?

M. Marceau: A une entente?

M. Bédard (Chicoutimi): Oui, dès juin 1972.

M. Marceau: On n'a jamais discuté pour arriver à une entente sur le contrat. On a considéré la lettre.

M. Bédard (Chicoutimi): Non, pas vous, pas vous.

M. Marceau: C'était déjà commencé.

M. Bédard (Chicoutimi): Dès juin 1972, il y a eu le dépôt par le ministère des normes et des exigences concernant l'édifice et, nécessairement, il y a eu des discussions entre les deux parties — je ne vous mets pas là-dedans — entre les promoteurs, le gouvernement et le ministère, naturellement. A ce stade-là, devant les normes et exigences concernant l'édifice, que n'avaient pas prévues à ce moment-là les promoteurs du projet, dès ce moment-là — vous êtes d'accord avec moi — ils pouvaient se rendre compte que l'édifice coûterait beaucoup plus cher et qu'il n'y aurait pas possibilité de faire une affaire aussi intéressante que celle qu'ils pensaient.

M. Marceau: Dès le dépôt ils se sont rendu compte...

M. Bédard (Chicoutimi): Dès le dépôt.

M. Marceau: ... que cela dépassait de beaucoup ce que leur architecte avait jusque-là préparé. Les discussions auxquelles vous faites allusion avaient pour but, pour les promoteurs, de dire: Cela n'a pas de sens de nous faire faire tout cela; pour le ministère de dire: On peut en couper certains, mais il va falloir quand même que vous en fassiez d'autres. Et, ils se sont rendu compte, tout de suite, que le projet qu'ils avaient évalué, selon les chiffres, à quelque $600,000 il en coûterait plus; effectivement, il a coûté un million. Ils s'en sont rendu compte tout de suite. Ils ne voulaient pas signer ce bail. Parce qu'il le fallait, la construction se poursuivait et avec l'achat du terrain, d'abord les fondations, etc., ils ont été obligés de l'avoir, le bail, pour se financer...

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.

M. Marceau: ... comme on le disait...

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Alors...

M. Marceau: ... et ils l'ont signé avec l'idée que ce serait fait.

M. Bédard (Chicoutimi): Nous sommes d'accord sur un point. Dès le dépôt des normes et exigences du ministère, ils se sont rendu compte qu'ils avaient une mauvaise affaire en main. On est d'accord là-dessus.

M. Marceau: C'est cela.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est le 9 août. Il reste, même s'ils se sont rendu compte de cela, que le 21 novembre 1972 ils ont signé tout de même le bail, d'accord, au taux initial.

M. Marceau: Oui.

M. Bédard (Chicoutimi): ... sachant là très bien que ce serait déficitaire.

M. Marceau:... dit cela, j'ai tenté d'expliquer...

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord, mais me permettez-vous de vous poser une question avec votre permission? Alors, ils ont quand même signé le 21 novembre 1972, après s'être rendu compte que ce n'était plus une affaire rentable. Ils ont signé le bail, probablement en comptant sur des amis, pour régler la situation, bien qu'à mon sens, le contrat ne laissait aucune ouverture pour une majoration de prix dans les cinq premières années. Il s'agit d'aller aux conditions spéciales. Voici ce que je voudrais également, cela vous le savez. Ces mêmes promoteurs qui, dès le dépôt des normes et exigences du ministère au prix de $3.75, savaient qu'ils avaient une mauvaise affaire en main, le 9 août 1973 qu'est-ce qu'ils font?

Ils louent, au gouvernement, un espace additionnel. Est-ce qu'ils le louent à un taux supérieur, parce que déjà ils savaient qu'à $3.75 ils ne feraient pas leurs frais, est-ce qu'ils le louent à un taux supérieur à $3.75? Non. Le 9 août 1973, ces mêmes administrateurs, promoteurs, avec toute la connaissance des faits, louent au gouvernement, un espace additionnel de 5,580 pieds, au taux de $3.75, alors que jamais, dans aucun contrat, il ne s'était engagé à louer cet espace additionnel au prix susmentionné.

Vous avez beaucoup parlé de naïveté, d'imprévoyance. Cela peut se justifier au départ étant donné leur inexpérience, mais comment cette location additionnelle peut-elle se justifier alors qu'ils savent, en pleine connaissance, les difficultés dans lesquelles ils sont placés? Autrement dit. où situez-vous le vice de consentement? A quel moment le situez-vous?

M. Marceau: Je vais répondre, d'abord, à la première partie. Deuxièmement, je reprendrai la question en résumé, à la fin de mon exposé. Quand les spécifications du ministère ont été déposées, en juin, comme je le disais tout à l'heure, les promoteurs se sont rendu compte tout de suite, avec leurs architectes, que cela dépassait ce qu'ils avaient prévu, que leur coût de loyer, tel qu'inclus dans la lettre de juin, ne suffirait plus. Sur cela, tout le monde était d'accord.

Arrivés à l'automne, alors que l'on discutait, d'une part, pour essayer de réduire les exigences et, d'autre part, pour essayer de réorganiser l'histoire, ils ont été requis de fournir le bail, car, bien sûr, jusque-là, tout ce qu'il y avait, c'était un CT qui autorisait le ministère à assurer le regroupement des locaux en vertu d'un contrat de location qui ne dépasserait pas le prix de $3.75, tel que contenu dans l'offre de juin. Arrivés à l'automne, je dis bien, ils sont poussés parce que les dépenses s'accumulent, étant donné que le projet se poursuit malgré qu'on n'a pas encore déterminé les spécifications. Le directeur du service leur dit: Ecoutez, le seul moyen, pour moi, d'avoir le bail immédiatement, à cause des problèmes internes — vous savez qu'il y a plusieurs services mis en cause, il y a plusieurs directions générales, il y a le Conseil du trésor, puisqu'il y a eu, finalement, un arrêté en conseil — c'est de le signer comme tel. De cette manière, il n'y aura pas de problème, mais on va revoir le coût du loyer.

Remarquez, en passant, que cela ne se fait plus comme cela. Effectivement, à l'avenir, dans les contrats du genre, on détermine le coût du loyer une fois la construction terminée et d'une façon scientifique. Donc, de toute façon, les gens, un peu pris, doivent aller à la banque et ils signent le bail. L'augmentation dont vous parlez, ce n'est pas un contrat nouveau.

Dans les spécifications, au moment où on construisait, le ministère a eu besoin d'un espace additionnel, parce que le ministère se sert de cela pour localiser divers bureaux ou divers ministères. Il y a un certain accord des divers ministères clients, comme ils les appellent. Ils ont eu besoin d'un espace additionnel, et tout ce dont ils avaient besoin, à ce moment, était de greffer l'espace additionnel sur ce qui était déjà prévu. Il n'y a pas eu de nouvelle convention, et on a toujours continué sur cette même équivoque. Les gens étaient convaincus qu'ils obtiendraient une réorganisation ou une reprise du coût du loyer. Ils étaient convaincus, eux, malgré tout cela, se disant que c'était dans le processus strictement administratif et que tout le monde reconnaissait, au ministère, qu'au moment de la signature du bail le loyer n'avait pas de sens, n'était pas rentable, dès ce moment. Donc, tout s'est fait sous le couvert de ce que j'essaie d'expliquer, un certain nombres d'équivoques.

Et une fois la prise de possession, en juillet, ils ont tenté d'obtenir — puisque c'est à compter de ce moment que les paiements entraient et que la location prenait effet — ce à quoi ils s'attendaient. C'est pourquoi ils étaient certains; je puis le dire, même à l'intérieur, on avait dit: Ce sera possible de réviser cela. A ce moment, ils se sont fait refuser. Ils ont continué de cette manière à essayer d'obtenir une révision des prix et ils ont été refusés jusqu'à ce qu'ils viennent me voir. C'est cela qui est arrivé.

Alors, vous parlez de la naïveté et de l'impru-

dence; il y en a une au début, je crois. C'est là que je la situais, au moment où ils ont fait une offre dans une lettre — vous allez l'avoir cet après-midi avec le dossier, elle est là devant moi une offre dans laquelle ils se sont fiés strictement aux calculs du directeur, ce qui est établi. Ils ont fait un calcul très général avec leurs architectes, ils ont dit: On est prêt parce qu'il nous faut avoir immédiatement le CT qui permettra le regroupement et la location. Par la suite, ce n'est pas le même genre d'imprudence et de naïveté, pas du tout. Par la suite, c'est le jeu des relations avec un immense ministère pour une construction de $1 million où les rencontres ont lieu toutes les semaines avec l'architecte, d'un côté, et l'architecte du ministère de l'autre où on change ci, on change cela, et finalement, les faits se présentent comme ceci.

Je ne crois pas qu'on puisse, dans ces relations entre un service public et un individu, regarder cela de la même manière que l'on regarde des relations entre deux voisins, entre deux individus ou même encore avec une compagnie privée. Je crois qu'il y a un aspect différent qui est dû à la lourdeur de l'appareil administratif, lourdeur absolument inévitable, jusqu'à un certain point, qui est dû au partage des responsabilités, qui est dû au contrôle qui va de bas en haut, à la fois horizontalement et verticalement. Tout cela est extrêmement complexe. Et souvent des situations comme celle devant laquelle on se trouve maintenant sont mal comprises de l'extérieur, alors que, quand on a l'expérience de la vie administrative, on la comprend.

Je peux vous dire, puisque encore là c'est une question de mon jugement, que j'ai compris cela.

La naïveté et l'imprudence, c'est au départ, le reste je l'ai compris.

M. Hardy: M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Tout en ajournant sine die, je dois dire qu'on m'a fait part que l'Assemblée nationale, semble-t-il, convoquerait à nouveau cette commission cet après-midi à seize heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 16 h 28

M. Lamontagne (président de la commission permanente de l'assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Comme nous avions suspendu sine die, je voudrais faire part des changements qu'on a porté à mon attention. M. Veilleux (Saint-Jean) remplace M. Marchand (Laurier); M. Bédard (Montmorency) remplace M. Lamontagne (Roberval).

Nous étions à la période des questions.

Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais quand même parler plus longuement sur cela. Là-dessus, le Protecteur du citoyen sera d'accord. Jusqu'à maintenant les questions que j'ai posées n'ont pas pour but, d'aucune façon — ce n'est pas le rôle dans lequel je me vois — d'essayer de mettre le Protecteur du citoyen en boîte, loin de là. Tout simplement j'essaie de rechercher les motivations que le Protecteur du citoyen avait à sa connaissance, étant donné qu'il connaissait beaucoup plus de faits que nous en connaissons personnellement, qui l'ont amené à conclure que, dans le cas Seigle d'une façon toute particulière, légalement, il n'y avait pas d'autre recours qui lui permettait d'intervenir parce qu'à partir du moment où il y a une possibilité d'un autre recours, la loi est très explicite là-dessus. Lorsqu'on a suspendu, nous avions établi ceci: c'est que dès juin 1972 — si le Protecteur du citoyen est d'accord avec moi, si je fais erreur, il pourra corriger — avec le dépôt fait par le ministère des normes et exigences concernant l'édifice mentionné, les parties, les promoteurs des Investissements Seigle étaient déjà en possession de suffisamment d'informations pour savoir qu'ils n'avaient pas une bonne affaire en main avec leur location à $3.75. Par après, bien qu'ils avaient ces informations en main, en novembre 1972, ils avaient quand même signé un bail qui stipule que le contrat ne laisse ouverture à aucune majoration de prix dans les cinq premières années, selon ce que j'ai interprété.

Egalement, même s'ils étaient au courant de tous ces éléments, ils ont quand même, le 9 août 1973 — alors qu'ils n'étaient pas obligés, par le contrat — loué un espace additionnel au gouvernement du Québec, représentant 5,580 pieds carrés, non pas à un taux majoré, mais au taux de $3.75, alors qu'ils savaient déjà et qu'ils pouvaient prouver au gouvernement — qui est quand même capable de comprendre les situations de temps en temps — que ce taux de $3.75, avec les nouvelles normes, n'était pas suffisant.

Malgré cela, ils ont quand même accepté de louer cet espace additionnel au même taux.

Nous étions d'accord sur ces faits et je pense que la réponse du Protecteur du citoyen — si je l'interprète mal, il me corrigera — était que la naïveté, selon qu'on se place dans le temps, la naïveté, l'imprévision ou l'imprudence des promoteurs n'avaient pas le même caractère. Il y avait une sorte de double naïveté, à savoir celle qui a pu

prévaloir en juin 1972 et qui est différente un peu de celle — et c'est normal, parce qu'ils étaient au courant de tous les éléments du ministère —qui pouvait prévaloir le 9 août 1973.

Le Protecteur du citoyen nous a dit que, même s'ils étaient au courant que c'était une mauvaise affaire qu'ils avaient en main, selon eux — on y reviendra — ils n'avaient presque pas le choix, pour des motifs financiers, d'une part, et, également, parce que ces gens-là avaient la conviction qu'une majoration leur serait accordée par le ministère des Travaux publics.

Ce que je voudrais savoir... Et cette conviction, il est clair que le Protecteur du citoyen la partageait puisque c'est ce qui lui permet d'intervenir. Ce que je voudrais savoir, c'est: Quels faits les promoteurs d'Investissements Seigle ont-ils mis à la connaissance du Protecteur du citoyen, pour que celui-ci puisse en tirer la conclusion que les promoteurs avaient raison d'avoir la conviction que le prix de leur loyer serait majoré?

Je pense qu'on va au fond du problème. Ces gens ont-ils fait part au Protecteur du citoyen de certains appuis très spécifiques qu'il pouvait avoir ou, encore, y avait-il d'autres éléments qui nous permettraient à nous aussi de nous faire une idée sur là-propos de la décision du Protecteur du citoyen?

M. Bellemare (Johnson): M. le Protecteur, me permettriez-vous, seulement pour mon bon...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard (Chicoutimi): J'ai posé une question. Je pense...

M. Bellemare (Johnson): Je voudrais dire que votre question est comprise dans le contrat avec un avenant...

M. Bédard (Chicoutimi): Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Question de règlement...

M. Bédard (Chicoutimi): J'ai posé la question à M. le Protecteur du citoyen. Je pense que j'ai le droit d'avoir une réponse du Protecteur du citoyen. Même si je le respecte, je ne tiens pas à la réponse pour le moment. En tout cas...

M. Bellemare (Johnson): Je voudrais savoir si, dans le contrat original, il y avait un avenant, oui ou non. Dans le contrat original, il y a un avenant...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous le demanderez tout à l'heure.

M. Bellemare (Johnson): Non, je le demande pour l'explication. Il y a un avenant de 5,000 pieds

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Chicoutimi a posé des questions. Je conviens qu'il y en a d'autres qui en ont à poser également. Je vous inviterais à répondre aux questions du député de Chicoutimi.

M. Marceau: Je pense que cela va satisfaire... Ce matin, j'ai essayé de m'expliquer, en mettant en lumière le caractère un peu particulier des négociations, lorsqu'elles ont lieu avec un service public. Il y a un fait que je voudrais mettre en lumière, cet après-midi, parce qu'on y revient et qu'on semble attacher de l'importance aux problèmes soulevés.

Au moment où les Investissements Seigle ont signé le bail, ils ont convenu, dès ce moment, que le ministère pourrait requérir quelque 5,800 pieds additionnels. Le CT du mois de mai suivant — je me trompe peut-être de mois, je ne sais pas si c'est du mois de mai ou le suivant — n'était que la suite de cet engagement qui avait été assumé dès le moment de la signature du bail. Cela n'a pas donné lieu à une nouvelle convention, ni à un nouveau bail. Il n'y a rien de cela. Ils étaient déjà obtenus.

M. Dédard (Chicoutimi): Ils l'ont inclus.

M. Marceau: Je me demande sur quoi je me suis fondé pour dire que les promoteurs, enfin les plaignants, étaient, au moment de la signature du bail, convaincus qu'ils obtiendraient une majoration. Il n'y a évidemment aucun document qui atteste cela. Ils étaient en communication avec le ministère depuis déjà plusieurs mois. Les réunions se multipliaient.

Je pense que les procès-verbaux des réunions sont extrêmement importants, extrêmement longs. J'en ai lu une bonne partie. Ils avaient des discussions avec les diverses directions générales du ministère qui sont impliquées, parce que pour la construction d'un édifice comme cela, il y a tro s directions générales et cinq ou six directions particulières, je crois, chacune fonctionnant dans sa spécialité.

Au moment de la signature du bail, tous les gens à l'intérieur des diverses directions générales et du ministère en général étaient convaincus que le prix du loyer était trop faible, que cela ne correspondait pas à une rentabilité tout à fait normale.

M. Bédard (Chicoutimi): Tous les...

M. Marceau: Tous les gens à l'intérieur du ministère étaient convaincus de cela.

M. Bédard (Chicoutimi): Y compris le directeur.

M. Marceau: Y compris le directeur. J'ai vu le directeur à plusieurs reprises; c'est la conviction

que j'ai tirée. Du reste, ce sont exactement ses propos; tout le monde était convaincu que le prix était trop faible; lors des discussions — je n'ai évidemment pas d'enregistrement qui me permette de le dire — que j'ai eues à la fois avec le directeur, avec les membres du ministère qui ont participé à ces discussions, et tout particulièrement avec les plaignants, j'ai compris la conviction que les plaignants étaient certains que le prix du loyer serait vérifié par la suite et majoré en conséquence.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'ils vous ont fait état d'autres promesses que celles reçues de la part de certains fonctionnaires?

M. Marceau: Ils n'ont fait état d'aucune autre promesse que celle résultant des échanges qu'ils ont eus et qu'ils avaient régulièrement — parce que c'est quand même pour eux un projet d'une drôle d'importance — avec le ministère. Pour ma part, je suis absolument convaincu qu'ils étaient de bonne foi lorsqu'ils m'ont affirmé qu'au moment de la signature du bail, il n'y avait aucun doute dans leur esprit que le prix du loyer serait vérifié et fixé à un chiffre valable.

M. Bédard (Chicoutimi): Si tous les représentants des ministères, de même que les administrateurs d'Investissements Seigle étaient, selon votre jugement, convaincus de la nécessité d'augmenter le prix, est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi, si vous le savez, ils ont référé le tout au Protecteur du citoyen?

M. Marceau: C'est justement parce qu'après la prise de possession, le 1er juillet 1973, l'année suivante, où effectivement le contrat se réalisait, les loyers étaient dûs, il fallait qu'ils administrent la maison, la construction était terminée, l'aménagement était fini.

A ce moment, et même auparavant, du reste, et particulièrement là, ils ont tenté, par tous les moyens qui étaient à leur disposition, d'obtenir que le prix du loyer soit effectivement révisé, si l'on peut dire, et ils ont toujours raté leur coup. Ce qu'ils ont fait pour l'obtenir, je ne le sais pas. Je sais qu'ils ont pris les moyens qu'ils croyaient valables. Ils sont allés voir, en autant que je me souvienne, toutes les autorités possibles, avec lesquelles ils pouvaient entrer en contact, faisant valoir leur point de vue, faisant valoir le fait qu'ils avaient signé avec la conviction dont je parlais il y a un moment, et cela n'a jamais marché! On a dit, à ce moment: On ne touche pas à cela. Tout est terminé, et on n'a jamais voulu céder à leurs instances. C'est là, je pense — enfin c'est ce qu'ils m'ont dit — qu'ils ont dit: II y a une seule possibilité On va aller voir si l'Ombudsman peut nous entendre, et je les ai entendus.

M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous parlez des autorités qui étaient d'accord, est-ce que vous pourriez m'identifier ces autorités qui étaient d'accord, comme vous le dites, pour que le prix soit majoré?

M. Marceau: Vous voulez dire à l'intérieur du ministère? Le directeur du service à ce moment.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous parlez de différents ministères.

M. Marceau: Je ne parle pas de différents ministères... Différentes directions générales...

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord! Je voulais simplement préciser.

M. Marceau: Direction générale de l'approvisionnement, direction... Le dossier, lui-même, qui a été produit va le révéler, parce que les communications entre les Investissements Seigle et le ministère se sont faites par l'intermédiaire du directeur général de l'approvisionnement ou de l'allocation de l'espace, je pense. De toute façon, le dossier le révèle. Je ne me souviens pas, pour le moment, du nom, mais le dossier le donne pour sûr, parce que c'est avec lui que les discussions ont surtout eu lieu.

M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous dites que vous êtes allé voir toutes les autorités valables...

M. Marceau: Moi, je suis allé voir?

M. Bédard (Chicoutimi): Ou ils sont allés voir — vous me corrigerez — toutes les autorités valables. Pouvez-vous nous identifier...

M. Marceau: Je crois qu'ils ont tenté avec le sous-ministre. Ils ont tenté, d'abord, évidemment, avec le directeur général, avec le sous-ministre. Je crois qu'ils m'ont dit aussi qu'ils avaient vu le ministre, et...

Ils ont essayé, bien sûr, comme ils le pouvaient, puisqu'ils avaient quand même des contacts, de l'obtenir et ils ne l'ont jamais obtenu.

M. Bédard (Chicoutimi):Est-ce qu'ils vous ont mentionné qu'ils avaient pu voir aussi le député? Ce qui est normal. Ce n'est pas...

Non, il ne faut pas que cela commence à crier pour rien de l'autre bord.

M. Marceau: Remarquez que...

M. Hardy: ... jupon dépasse tellement.

M. Marceau: ... le nom du député, et dans les conversations, car j'ai eu de nombreuses conversations et assez longues avec les plaignants. J'ai essayé de tourner autour de toutes les façons. Le nom du député a certainement été mentionné, et que le député ait pu, à un moment donné, prendre pour eux et essayer d'obtenir ce qu'ils ne pouvaient pas obtenir seuls. C'est fort possible. Mais de toute façon, quant à moi...

M. Bédard (Chicoutimi): Je vous demande seulement les faits. Je n'essaie pas de tirer des conclusions. Je pense que cela vient après que les faits ont été établis.

M. Marceau: Remarquez qu'il est très fréquent que j'aie à traiter de plaintes qui ont d'abord été soumises à des députés et sans succès, quoi, une proportion très forte, relativement parlant — de plus en plus forte, incidemment — et, en chiffres absolus, qui montrent à plusieurs...

Vous remarquerez que je travaille sur une base de 6,000 plaintes par année. Cela veut dire une quarantaine de plaintes par jour ouvrable. Il y en a beaucoup là-dedans. Et ce sont des plaintes que je reçois, en très grand nombre, des députés.

Dans la plupart de ces cas, les députés — c'est, à mon avis, exactement leur devoir et leur rôle à l'égard des électeurs — ont pris en considération la plainte de leur électeur et ont tenté de voir ce qu'il en était. Finalement, ils me la soumettent...

M. Bédard (Chicoutimi): Oui, d'accord.

M. Marceau: ... et je travaille comme tel, de sorte que cela ne change rien.

M. Bédard (Chicoutimi): Lorsque vous dites... Non, je posais simplement la question.

M. Marceau: Oui, j'ai compris et je vais essayer de...

M. Bédard (Chicoutimi): Lorsque vous dites que, dans votre enquête, tous les responsables de différents ministères que vous avez rencontrés de même que, naturellement, les promoteurs des Investissements Seigle semblaient être d'accord pour dire qu'il devait y avoir une majoration, que le prix était trop bas... Je vous ai demandé... Vous m'avez répondu... Même si tout le monde était d'accord, on a référé au Protecteur du citoyen. Je voudrais vous poser une autre question.

Comme tout le monde était d'accord pour dire que c'était trop bas, d'après vous, y avait-il la possibilité pour les Investissements Seigle d'en faire la preuve en cour et de pouvoir obtenir un réajustement du prix de leur contrat, que cela soit en plaidant l'enrichissement sans cause ou que cela soit en plaidant — je ne le sais pas — le défaut de consentement suffisant, tel que vous l'avez exprimé?

M. Marceau: Je suis convaincu que non. Je suis convaincu, d'une part, qu'un tribunal n'a pas le droit de réajuster un contrat. Il ne peut, dans un tel cas, que l'annuler ou le maintenir en rejetant l'action et je suis convaincu que l'action en justice des Investissements Seigle n'aurait jamais été maintenue parce qu'elle aurait dû se fonder sur le dol qui est l'une des causes de nullité des contrats et non sur l'imprévision ou la lésion comme on l'a très bien signalé, sur le dol, et le dol, qui est reconnu chez nous comme étant une cause de nullité du contrat doit être un dol caractérisé qui frise la mauvaise foi.

Or, comme je disais ce matin, il n'y a personne qui a été de mauvaise foi là-dedans. Je suis convaincu d'une part que le recours n'aurait pas été admis et d'autre part que la seule suite du re- cours ou la seule solution que le recours aurait pu apporter, c'est la nullité pure et simple, à supposer que le recours eut été valable, bien sûr. Je dis d'abord, qu'à mon avis, jamais l'action en cour n'aurait été retenue.

M. Bédard (Chicoutimi): Dans votre lettre, vous référez assez souvent, directement ou indirectement, au comportement du directeur, entre autres à la page 3 — il y a peut-être d'autres endroits, vous pourrez me les rappeler si c'est le cas — vous dites ceci à la fin du premier paragraphe: Etant eux-mêmes sans aucune expérience et se fiant aux calculs du directeur à qui ils font confiance, comme ils y ont été invités... Pouvez-vous m'expliquer "comme ils y ont été invités"? Par qui ont-ils été invités? Pour que vous le mentionniez dans votre lettre, j'imagine que vous savez par qui ils ont été invités à faire confiance au directeur?

M. Marceau: Ce que j'ai voulu dire par cela, ce sont les faits et je vais simplement, je pense, exprimer ce qu'il y a dans l'esprit de tout le monde. Bien sûr qu'au départ on a affaire à des gens qui sont, pour prendre une expression générale des amis du parti qui forme le gouvernement. Je sais bien que les premiers contacts que les gens ont eus avec le ministère pour suggérer leur projet, qui était tout à fait normal, remarquez bien, puisque le ministère déjà, à l'avance, avait décidé de regrouper les bureaux à Saint-Jean et déjà, à l'avance, avait décidé d'avoir un immeuble pour le faire, donc, ils ont été mis en contact avec des gens du ministère dans un climat qui, à leurs yeux, était un climat favorable. Evidemment, c'est cela qui est le point de départ de tout. Quand ils ont été mis en contact avec les services administratifs du ministère, ils y allaient en pleine confiance à cause de ce climat dont je viens de parler. Je n'ai pas à le cacher, je l'ai dit en toutes lettres dans mon rapport du 15 mai. C'est dans ce sens que j'ai écrit que leur imprudence ou leur naïveté du moment était la conséquence de ce climat, du fait qu'ils avaient affaire, dans leur esprit bien sûr, à des amis.

Ce matin, c'est à dessein je sais bien que ce n'est pas exactement ce qui en est, mais quand j'ai voulu m'expliquer, c'est un peu comme quelqu'un qui se fait jouer par son ami ou par son frère. Dans les rapports privés, on l'admet chez nous, on a un principe de la liberté contractuelle et le grand principe que chacun doit surveiller ses propres affaires correctement et cela ne nous émeut pas. Le problème est de savoir si, au niveau des relations entre le service public et les individus, la règle doit être la même. C'est le sens aussi de la phrase incidente que j'écris, à un moment donné, quand je dis que les rapports de confiance qui doivent exister, à mon avis, entre un service public et les gens que le service doit servir, même les rapports d'affaires, doivent répondre à une certaine éthique qui est peut-être plus exigeante encore que dans les rapports privés. A mon avis ce sera trop baffouer. C'est ça qui en est tout le sens.

M. Bédard (Chicoutimi): Pouvez-vous me dire,

qui sont ces personnes qui, comme vous le dites, au départ, ont été mises en contact avec...

M. Marceau: Le groupe, sous la direction de l'un des plaignants, Denault. Ils ont été mis en contact avec le directeur de la direction générale de l'allocation de l'espace...

M. Bédard (Chicoutimi): Non...

M. Marceau: ... et vous le retrouvez dans le dossier, parce que la lettre d'engagement a été écrite...

M. Bédard (Chicoutimi): C'est peut-être que je me suis mal exprimé. On en est toujours au groupe qui, selon vous, dans votre lettre, les a invitées ces personnes à faire confiance au directeur. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire quelles sont ces personnes avec qui elles sont entrées en contact en tout premier lieu et qui les ont incitées à faire confiance au directeur?

M. Marceau: Je n'ai aucun nom précis. Je sais simplement ce que je viens de dire, que les gens ont été mis en contact dans un climat et dans des conditions favorables, mais par qui en particulier, je ne peux pas le dire. Bien sûr, chacun peut penser que le député pouvait avoir... mais je ne le sais pas de façon précise.

M. Bédard (Chicoutimi): Je ne pense rien...

M. Marceau: Remarquez que je ne le cache pas, je sais comment ils sont entrés en contact, je sais que ce sont des amis du parti, je savais ça dès le début, la première fois que je les ai vus.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est ce que je vous demande, vous ne pouvez pas indiquer quelles sont ces personnes?

M. Marceau: Non.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous pouvez nous indiquer quelles sont les personnes qui faisaient partie du groupe initial en 1971?

M. Marceau: J'ai toujours tenu pour acquis que c'étaient les trois plaignants qui étaient venus.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que, dans le cours de votre enquête, vous vous êtes rendu compte qu'il y avait certaines personnes qui faisaient partie de la compagnie en 1971 et qui n'en faisaient plus partie ou encore qui avaient mis leurs actions en fiducie, lors de la siqnature de l'entente du 14 juin 1971?

M. Marceau: Vous remarquez quand même...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! On revient encore pour nommer des gens qui sont, soit actionnaires, soit directeurs d'une compagnie. J'ai rendu une décision ce ma- tin, je voudrais qu'on la respecte, qu'on continue avec la compagnie elle-même.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord, M. le Président.

M. Marceau: Vous remarquez, je vais répondre...

M. Bédard (Chicoutimi): Je ne suis pas d'accord avec votre décision, mais je suis d'accord que vous soyez logique avec votre décision. Oui.

M. Marceau: Je voudrais bien qu'on remarque, pour autant que la plainte était concernée, pour autant que mon travail était concerné, que les questions que vous posez, je ne m'y suis pas arrêté, parce que ça ne pouvait avoir aucune influence sur le jugement que je pouvais éventuellement porter sur la situation, que les actionnaires aient été au début... que le groupe, plutôt, puisqu'ils se sont incorporés par la suite.

C'était au départ un strict groupe d'hommes d'affaires. Que le groupe ait été composé de telle ou telle personne et qu'ils aient été mis en contact avec les membres du ministère par untel ou un autre, cela ne change pas, effectivement. Dans ma fonction, j'entends suffisamment de choses pour éviter de poser des questions sur ce qui ne me concerne pas et ne me regarde pas directement.

Je veux simplement expliquer que je ne le sais pas. J'ai répondu exactement ce que j'avais dans l'esprit et ce que je savais, mais il ne faut pas s'étonner que je ne le sache pas.

M. Bédard (Chicoutimi): Sans présumer et sans même vous demander la réponse, j'imagine que, lorsque ces personnes vous ont mentionné des noms de personnes qui leur avaient promis appui, ces appuis devaient être suffisamment importants pour que ces gens-là, dans un premier temps, aient la conviction qu'il y aurait rajustement et pourraient, par la suite, vous convaincre également et vous faire partager cette conviction.

M. Marceau: Ma conviction, que les gens pensaient fermement qu'il n'y aurait pas de difficultés, ne vient pas des promesses qu'ils auraient pu recevoir de l'extérieur ou des gens qui les avaient mis en contact avec le ministère. Cela venait des discussions avec le ministère.

M. Bédard (Chicoutimi): Concernant le directeur, vous en faites mention également à un autre endroit. C'est le deuxième paragraphe de votre lettre, à la page 3. Vous dites ceci, et je cite: "Le 21 novembre 1972, pressés par le financement, les promoteurs cèdent aux instances du directeur et signent le bail conformément aux termes du CT du 27 octobre 1971."

Pouvez-vous m'expliquer quelle est la nature de ces instances, quelle est l'intensité de ces instances qui auraient pu être faites par le directeur, ce qui a eu comme effet, comme conséquence, de les obliger presque, à signer le bail?

M. Marceau: Cela est venu des deux côtés. En autant que j'ai pu retracer, avec les enquêtes, ce sont les promoteurs qui souhaitaient avoir au plus tôt le bail, parce que la banque — n'oubliez pas que la construction se faisait pendant ce temps-là, les sommes étaient investies et les emprunts à la banque fonctionnaient — exigeait les garanties et la garantie de base, c'est le bail.

M. Bédard (Chicoutimi): Je pense qu'on essaie d'avoir tout simplement... Vous dites que c'étaient les promoteurs, si j'ai bien compris, qui voulaient signer le bail, j'imagine qu'ils avaient besoin de cela...

M. Marceau:... qui voulaient avoir le bail

M. Bédard (Chicoutimi): ... pour un certain financement.

M. Marceau: C'est cela.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais, dans votre esprit, sur ce point précis, est-ce que cela doit, d'après vous, entrer en considération? Est-ce que c'est entré en considération dans votre dépliant?

M. Marceau: Non. J'essaie d'expliquer. Vous dites...

M. Bédard (Chicoutimi): Parce que beaucoup de plans qui ont été...

M. Marceau: ... Dans votre lettre, vous dites que, sur les instances du directeur, ils ont signé le bail, conformément aux termes du CT de l'année précédente.

Vous me demandez: De quelle nature ont été ces instances, que voulez-vous dire par là? J'essaie d'expliquer que les conversations, à ce moment, ont d'abord pris naissance par une demande des Investissements Seigle afin d'avoir le bail pour pouvoir assurer, évidemment, la poursuite de ses entreprises et les garanties qui étaient exigées d'eux.

A ce moment, je l'ai dit tout à l'heure, tout le monde était d'accord pour dire que le prix n'était pas suffisant. Seulement, le directeur du service n'était pas en mesure de majorer cela. J'ai parlé ce matin des difficultés pour arriver à une modification d'un CT du genre et même d'un arrêté en conseil, puisque cela débouchait sur l'arrêté en conseil. Ce qui est arrivé, c'est qu'on a dit: Ecoutez, signez le bail comme tel, conformément au CT, ce qui peut se faire du jour au lendemain. Il n'y aura aucun délai et aucun retard. De toute façon, pour ce qui est du prix du bail — tout au moins, c'est ce que les promoteurs ont compris — on y verra après. C'est dans ce sens que j'ai écrit. Et, sur les instances du directeur, ils ont signé le bail. Mais le directeur était lui-même de parfaite bonne foi. Il n'a pas cherché, d'une façon volontaire et précise, à les pousser dans ce cadre. C'est l'ensemble de la négociation qui a conduit à cela.

Pour répondre de façon plus simple à votre question, par instances, je ne veux pas dire une manigance quelconque pour les amener à signer; ce n'est pas du tout ce que j'ai dans l'esprit. C'est la façon dont les contacts se faisaient car, je le répète, à ce moment, les rencontres entre les deux se multipliaient entre les architectes, les promoteurs et les représentants du ministère car l'entreprise se développait.

M. Bellemare (Johnson): Vous ajoutez ceci à votre lettre: "...mais après avoir été laissés sous l'impression qu'une révision serait apportée à un taux de location que tous, y inclus les représentants du ministère, reconnaissent être trop bas."

M. Marceau: C'est cela. C'est exact.

M. Bellemare (Johnson): Cela devenait peut-être la raison, dans le temps où vous avez reçu ces gens, pour répondre à la question du député de Chicoutimi.

M. Marceau: C'est exact.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous m'avez donné les explications sur le sens des instances ou sur la nature des instances qui auraient pu être faites par le directeur. Autrement dit, vous ne portez aucun blâme contre le directeur et sa manière d'agir dans ce contrat, dans les négociations de ce contrat.

M. Marceau: Le directeur était certainement de bonne foi.

M. Bédard (Chicoutimi): Blâmez-vous...

M. Marceau: Si je voulais revenir sur ce dont je parlais ce matin, sur des problèmes d'éthique administrative, peut-être pourrait-on se demander si on n'aurait pas pu, à ce moment, modifier les méthodes de négociation en disant aux gens: Ecoutez, vous voyez bien que vous n n'y arriverez pas.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais, comme vous dites, vous semblez quand même lui faire un certain blâme. Il était quand même de bonne foi?

M. Marceau: Oui, c'est ce que je dis, il était de bonne foi. C'est un problème de morale ou d'éthique. C'est surtout l'ensemble de la négociation qu'il faut avoir à l'esprit. Le directeur dont je parle, c'est le directeur des contrats, de la direction des contrats. Les spécifications dont je parlais, c'est une autre direction totalement différente qui les établit. Il s'agissait d'un immeuble qui recevait divers ministères, chacun d'eux ayant, bien sûr, ses propres exigences pour entrer dans le local et pour pouvoir s'y installer. C'est un jeu de plusieurs directions, qui vient de plusieurs côtés. C'est sur le plan horizontal. En plus de cela, le directeur général ne peut pas prendre une décision définitive de cette importance. Il doit s'en remettre au sous-ministre. Celui-ci va au ministre et au Conseil du trésor.

Là encore, c'est le même cabinet, puisque cela prenait un arrêté en conseil. Alors, on voit l'espèce d'imbroglio qui entoure des négociations qui, en somme, se font entre des individus, mais des individus qui sont limités dans leur possibilité d'agir. C'est cet ensemble, dans le cadre de la négociation, qu'il faut, en somme, je pense, voir à plusieurs reprises — depuis sept ans que je vis là-dedans — qui permet de comprendre ce qui s'est passé.

Bien sûr, si vous transmettez cela ou si vous traduisez cela dans des rapports normaux de voisins ou des rapports privés, il y a quelque chose qui manque, il y a une dimension qui manque, mais les rapports avec l'administration publique, au stade de l'artisanat, ce n'est pas comme les rapports privés, même dans le cadre des relations contractuelles.

M. Bédard (Chicoutimi): Autrement dit, vous ne doutez pas de la bonne foi du directeur.

M. Marceau: Pas du tout.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais, sur le plan de la technique administrative, vous exprimez des réserves.

M. Marceau: Sur les techniques administratives, j'ai des réserves. Mon rapport est rempli de pages de critiques à l'égard de l'administration, mais il ne faudrait quand même pas généraliser. Je dis que l'administration publique, par définition et hypothèse, ne peut pas avoir des méthodes de relations privées, si l'on peut dire. Ce sera toujours complexe. Ce sera toujours soumis à des contrôles superposés. Il n'y a pas moyen de jouer autrement. Je pense qu'il y a beaucoup de chemin à parcourir pour améliorer et rendre parfaite l'administration publique, mais même lorsqu'elle le sera, à supposer que cela soit possible — je ne connais aucun pays et nulle part où cela est parfait dans ce sens — même là, elle sera complexe, et même là, elle pourra présenter des situations comme celles-là.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais lorsque cette complexité administrative a pour effet, dans un contrat donné, je ne sais pas si vous avez des exemples, de trop subventionner des intérêts privés, à ce moment, est-ce que vous avez des exemples de correction par la suite?

M. Marceau: Je n'ai pas d'exemple. Je sais, néanmoins, que c'est chez nous un principe acquis que, pour des motifs d'intérêt public, l'administration peut se dégager d'un contrat qu'elle a elle-même signé. C'est un pouvoir assez grand, en fait, quand on parle des relations entre l'administration publique et les individus. Voilà au moins un point qui peut se différencier des relations contractuelles entre des individus ou une compagnie privée, mais je n'ai pas d'exemple qui corresponde à ce que vous avez dans l'esprit.

M. Bédard (Chicoutimi): Ne mettant pas en doute la bonne foi du directeur, il est clair que s'il y a vice de consentement à la base, à partir de l'entente de 1971, si cela devait être invoqué, il ne pourrait sûrement pas l'être contre le directeur lui-même, dont vous reconnaissez la bonne foi.

M. Marceau: C'est dans ce sens que je dis que, devant une cour de justice, on n'aurait jamais réussi.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'imputez le vice de consentement qu'aux promoteurs d'Investissements Seigle?

M. Marceau: Oui, c'est cela, et résultant d'un ensemble. Il n'y a pas de faits précis que je puisse relever ou de gestes déterminés qui puissent être décisifs ou concluants. C'est l'ensemble que j'ai essayé de décrire dans ma lettre et que j'ai essayé aussi d'expliquer à la suite de vos questions.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous dites, dans votre lettre du 15 mai, toujours votre même lettre, que le prix de $3.75 inscrit dans l'offre de juin 1971 a été fixé par le directeur.

Quels sont les éléments qui vous ont amené à croire qu'il n'a été fixé que par le directeur, et sans aucune appréciation ou possibilité d'appréciation pour les chargés du projet Investissements Seigle?

M. Marceau: Pour deux choses...

M. Bédard (Chicoutimi): Autrement dit, je m'explique difficilement que des gens étant promoteurs d'un projet aussi important, ayant discuté avec le gouvernement, n'aient pas quand même — quelles que soient leur naïveté, leur imprévoyance, ou encore leur imprudence, ou tout ce que vous voudrez — participé à une certaine évaluation du prix de location.

M. Marceau: Deux points, comme je le disais tout à l'heure. Le premier, l'aveu même du directeur, qui m'a dit que c'est lui qui avait fixé le prix de $3.75, à partir des baux qui existaient à ce moment à Saint-Jean.

Quant à l'autre partie, la deuxième, les promoteurs, à ce moment, ont fait, avec leur architecte, un calcul assez général de ce que cela pouvait représenter. Ils n'avaient pas en main les spécifications du ministère, et ils avaient une idée générale de ce que cela devait représenter. Ils ont fait un calcul, avec l'architecte, qui donnait un prix de $600,000 pour la construction de l'édifice, plus les honoraires. Partant de là, ils se sont dit: $3.75, puisqu'avec cela on peut avoir le contrat tout de suite, on peut arriver. Mais lorsque les spécifications ont été établies, le coût de l'immeuble est monté à $1 million, et c'est là que tout à été faussé.

J'admets bien, puisque je l'ai peut-être dit trop souvent, ce matin, si les gens étaient ici, ils seraient peut-être un peu embarrassés, mais j'ai bien admis qu'il y avait eu de la naïveté et de l'impru-

dence, mais on les comprend dans des circonstances comme celles-là. Là où la naïveté et l'imprudence sont venues, c'est de ne pas exiger, à l'avance, les spécifications, de ne pas faire leur calcul à partir d'un coût de construction tenant compte de toute les spécifications, et jouant, parce que le directeur a dit — c'est un expert en immeuble, le directeur et il ne fait, en fait, que cela — à $3.75, c'est ce qui peut vous donner un prix de rentabilité, et si vous l'offrez comme tel, on fonctionne. Voilà le point.

M. Bédard (Chicoutimi): Avec des changements aussi importants, qui ont totalisé quelque $109,000, c'est seulement ce que représente...

M. Marceau: Non, c'est absolument en dehors. L'augmentation du coût de construction est partie de $600,000, d'après leur estimation de départ, jusqu'à près de $1 million.

M. Bédard (Chicoutimi): Non, mais avec tous ces changements, auxquels ils ont été astreints, étant donné les normes du ministère et tout cela, pensez-vous que — je pose la question — les promoteurs continuaient d'être liés par leur lettre d'intention du 14 juin?

M. Marceau: Ah! C'est une belle question, mais au point de vue juridique, et je pense que j'aurais, pour ma part — c'est un peu cela que j'ai voulu dire — pris leur cause. Voilà!

M. Bédard (Chicoutimi): Pardon?

M. Marceau: Là, j'aurais peut-être pris leur cause, à ce moment. Vous voulez dire avant qu'ils signent le bail?

M. Bédard (Chicoutimi): Oui.

M. Marceau: Strictement à partir de leur offre initiale?

M. Bédard (Chicoutimi): C'est ça.

M. Marceau: Avec les spécifications qui s'ensuivaient?

Là, ça c'est une autre question! C'est un beau problème de droit; c'est un beau problème juridique. Quand j'ai dit à la conférence de presse que j'avais accepté leur cause, c'est à ce moment, probablement, que je l'aurais prise, mais quand ils sont venus me voir, rien de cela ne se posait, puisqu'ils avaient signé le bail. Avant de signer le bail, si j'avais été leur avocat, j'aurais dit: Oh! Un instant!

M. Bédard (Chicoutimi): On aurait du prendre la cause conjointement.

M. Hardy: Je ne sais pas si vous n'auriez pas plus nui qu'autre chose, vous.

M. Bédard (Chicoutimi): Pour le nombre de questions intelligentes que vous avez posées aujourd'hui, je pense que votre silence est encore le plus éloquent.

M. Hardy: Justement! Quant à dire des bêtises, on se tait!

M. Bédard (Chicoutimi): Autrement, ça se comprend que depuis, vous vous êtes fermé.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Hardy: Dire toutes les bêtises que vous dites, on est mieux de se taire.

M. Bédard (Chicoutimi): ... la meilleure politique...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. Bellemare (Johnson): ...que l'Union nationale ait jamais...

M. Léger: Sur les dernières affirmations... M. Bédard (Chicoutimi): Vos meilleures...

M. Léger: ... que vous venez de faire, normalement, quand des promoteurs veulent faire une entente avec le gouvernement, s'ils sont plus d'un groupe, il y aurait des soumissions, et à ce moment, le prix que le directeur avait mis de l'avant qui était de $3.75 le pied carré, en supposant qu'il y avait plus d'une personne, plus d'un groupe, qu'il y aurait eu deux groupes, si les deux soumissionnaires avaient présenté un projet plus élevé que $3.75, le directeur aurait été obligé, soit de faire un nouvel appel d'offres, soit d'accepter la plus basse soumission qui aurait été plus élevée que $3.75.

Comme ce n'est pas le cas, puisqu'il n'y avait qu'un groupe qui avait la connaissance de ce besoin et qui avait demandé de réaliser ce projet, il restait, pour eux, une occasion de négocier, négocier un tarif plus élevé et même, avant la signature du contrat, ne pensez-vous pas que le fait qu'ils n'ont pas négocié démontrait qu'ils faisaient eux-mêmes une erreur majeure à ce moment?

M. Marceau: C'est rattaché à la question qui vient d'être posée. Etaient-ils obligés de signer le contrat tel qu'ils l'ont signé, en conformité avec le CT et leur propre offre du mois de juin de l'année précédente, soit de 1971.

J'ai dit tout à l'heure que je me poserais des Questions là-dessus, sur le plan juridique, puisque c'est cela au'on me demandait. Il v a auand même un autre plan. Il y a un plan d'affaires là-dedans.

La construction était commencée depuis déjà longtemps. Des sommes étaient déià investies. Refuser, à ce moment, sur une base légale — et j'ai dit, tout à l'heure que c'était un bel exemple juridique et c'est certainement quelque chose qui pouvait se débattre — qu'est-ce que cela impli-

quait comme conséquence? Cela impliquait qu'on bloquait tout, bien sûr.

Alors, on voit, au point de vue d'affaires, ce que cela peut représenter pour eux.

En second lieu, ils ont — je l'ai dit tout à l'heure — eu la conviction que le prix du loyer serait, éventuellement, révisé et c'est pour cela qu'ils ne se sont pas opposés carrément.

Votre question est de dire: N'ont-ils pas été imprudents, à ce moment, de signer quand même le bail, conformément aux clauses du CT? Il faudrait, évidemment, s'entendre sur le mot "imprudents". Je m'explique.

Il y a un problème juridique. Je crois que leur problème était beau et il ne pouvait pas être envisagé comme une hypothèse d'école comme je l'ai envisagé tout à l'heure, en répondant. Il y avait, quand même, le problème d'affaires là-dedans. Il y avait leur situation. Il fallait qu'ils tiennent le coup dans l'intervalle et, pour ne pas signer, il aurait fallu qu'ils n'aient pas cette conviction que le prix du loyer serait, éventuellement, révisé parce qu'avec cette conviction, il n'y avait aucun intérêt pour eux de retarder.

Alors, tout cela mis en cause, vous dites encore: N'ont-ils pas été imprudents. Je ne suis pas prêt à répondre oui étant donné tout ce que je mentionne. Ils ont peut-être posé un geste qui ne pouvait être évité.

M. Léger: Mais leur conviction qu'ils pouvaient avoir une augmentation du loyer, provenant de l'assurance qu'ils avaient par les amis du pouvoir qui les avaient dirigés vers ces directeurs...

M. Marceau: Par les administrateurs, à l'intérieur de l'administration, par le directeur général et au cours des discussions et de la... Cela se passe comme ceci. On le sait bien. Je disais tout à l'heure que j'essayais de traduire un peu la situation à l'égard de ces administrations, mais les discussions se font quand même sur une base très humaine, avec les gens qui sont impliqués.

Vous pouvez fort bien imaginer et dire: Cela n'a pas de bon sens. On n'arrivera pas. Bien sûr que ce prix ne fonctionnera pas, mais c'est une chose qu'on essaiera de réparer, ce sont de telles choses qui se produisent.

Finalement, l'un dans l'autre, pris avec ce que je viens de mentionner, on suit et on aboutit à une situation où une fois la prise de possession, on dit: Non. Il y a un contrat et c'est fini. On prend tous les moyens, évidemment, les moyens auxquels je faisais allusion tout à l'heure. On va voir l'un et l'autre, faisant allusion à la situation réelle et cela n'arrive pas. On dit: Non. Voilà.

M. Bédard (Chicoutimi): A la suite de la lettre d'intention et la signature du bail qui a suivi — le débat juridique reste entier pour montrer jusqu'à quel point ils étaient obligés de signer le bail, étant donné les exigences, à ce moment, du ministère — vous nous dites que s'ils ne le faisaient pas... Premièrement, ils ont signé le bail sans fausse représentation. Je pense qu'on est d'accord là-dessus.

M. Marceau: Oui.

M. Bédard (Chicoutimi): II n'y a eu aucune fausse représentation. Il y a eu surtout erreur d'appréciation de leur part.

M. Marceau: Vous le qualifiez. Je n'ose pas le qualifier parce que je mets en cause l'ensemble de cette négociation. Si vous commencez à donner un qualificatif aussi précis, c'est là, sur laquelle...

M. Bédard (Chicoutimi): Parce que s'il y avait...

M. Marceau: J'admets qu'il n'y a pas eu fausse représentation. Cela est sûr.

M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends vos réticences à répondre oui ou non, aussi carrément que cela. Parce que s'il y avait seulement erreur d'appréciation, vous ne vous seriez pas embarqué dans le dossier.

M. Marceau: Bien oui, voilà.

M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends vos réticences, mais vous ajoutez ceci. S'ils n'avaient pas signé ce bail, cela bloquait tout. Je dois comprendre que vous avez fait l'analyse, à l'intérieur de votre enquête, des possibilités qui auraient pu exister, au moment où ils ont signé le bail, pour ces promoteurs, de faire des locations à d'autres locataires que le gouvernement. Est-ce qu'il y avait des... Quand vous dites: Cela bloquait tout, j'imagine que votre enquête vous permet de dire et d'être convaincu qu'il n'y avait pas, à ce moment-là, de possibilité pour eux, après avoir tenté certains efforts, j'imagine, de louer à d'autres locataires à des prix qui soient plus...

M. Marceau: II y a deux choses. Je n'ai évidemment pas fait d'étude de marché dans le coin. Il y a une chose qui est certaine néanmoins, c'est que pour pouvoir poursuivre la construction il leur fallait des garanties, et, la possibilité d'avoir des locataires autres, ne leur fournissait pas ces garanties. C'est bien sûr. C'est bien sûr que le bail à long terme du gouvernement constituait la seule garantie possible. Alors, couper cela...

M. Bédard (Chicoutimi): Mais vous dites que vous n'avez pas fait enquête sur tout cela. Vous ne pouvez pas nous affirmer qu'ils n'avaient pas de possibilité de louer à d'autres.

M. Marceau: Mais tout dépend de la question que vous posez, à savoir est-ce qu'ils auraient pu néanmoins construire l'immeuble et laisser faire le gouvernement quant à la location, encore qu'ils pouvaient se demander s'ils pouvaient les laisser de côté, parce que j'ai dit tout à l'heure que c'était un beau problème, mais je ne l'ai pas réglé le problème. Laisser faire le gouvernement, dire au gouvernement: C'est bon, on ne signe pas et vous n'entrerez pas dans notre immeuble, continuez à

le construire, et une fois terminé cherchez des locataires. Si vous posez comme question: Etes-vous certain qu'ils n'auraient pas pu avoir d'autres locataires? Je dis: Je ne suis pas certain, je n'ai pas fait d'étude de marché sur cette base. Je dis néanmoins qu'ils avaient besoin d'un contrat à longue portée, venant d'un débiteur solvable comme le gouvernement et cela ils ne l'avaient pas. La finance, à ce moment-là, requérait cette situation. Alors, bloquer cela du jour au lendemain, ils se retrouvent devant quoi? Ils se retrouvent devant l'obligation de chercher des locataires et est-ce que cela va leur donner, effectivement, ce dont ils ont besoin? Et la construction elle-même, elle arrête parce que cela faisait déjà un bon moment, en autant que je me souvienne du dossier, qu'on demandait les garanties en question et qu'on demandait le bail. Vous voyez bien comment cela se passe. L'arrêté en conseil pour le bail a été passé en 1971, si mon souvenir est bon, en septembre et ce n'est qu'un an après qu'on signe le bail. Vous voyez bien, entre les deux, pourquoi on a tant retardé. Pendant ce temps-là, la construction marchait.

M. Bédard (Chicoutimi): Et cette situation difficile, du point de vue financier, vous admettez avec moi que cela peut se retrouver à l'intérieur de bien des compagnies. Ce n'est pas ce qui vous a motivé.

M. Marceau: Ce n'est pas ce qui m'a motivé parce que c'était là, mais cela peut être un élément à prendre en considération dans le cas qui nous concerne. Vous me demandez: Comment se fait-il qu'ils ont signé?

M. Bédard (Chicoutimi): Mais vous m'avez dit tantôt, quand je vous ai posé la question, que vous n'aviez pas pris en considération le fait qu'ils étaient pressé par le financement, que définitivement vous n'aviez pas pris cela en considération parce que ce n'était pas cet élément qui vous permettait d'intervenir.

M. Marceau: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire: Je n'ai pas pris cela en considération... C'est bien évident que ma décision n'est pas fondée strictement là-dessus, mais qu'ils soient pressés par le financement peut expliquer leur réaction. C'est un élément qui entre en ligne de compte pour comprendre comment la négociation s'est passée.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord, mais ce que vous m'avez dit, ce n'est pas... Vous admettrez avec moi qu'être pressé par le financement ce n'est pas une cause de vice de consentement.

M. Marceau: Là, on ferait la moitié de nos contrats affectés d'un vice.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est pour cela que je vous pose... Tout à l'heure, c'est ce que vous m'avez dit. Là, vous semblez le prendre plus en considération, on dirait.

M. Marceau: C'est parce que je me suis mal exprimé. C'est bien évident que ce n'était pas parce qu'il était pressé par le financement que cela a pu le conduire à une prise de position comme la mienne.

M. Bédard (Chicoutimi): Si on continue sur l'aspect financier, quitte à revenir sur d'autres points, vous en êtes venu à la conclusion de recommander de majorer le prix de $0.75 le pied carré, ce qui le porterait à $4.50. Pouvez-vous nous dire à partir de quelle étude de rentabilité ou à partir de quel critère vous en êtes arrivé au chiffre très précis de $0.75?

M. Marceau: Le ministère, par l'intermédiaire de ses experts, m'a produit une étude que je n'ai pas ici, qu'on va probablement retrouver au dossier, et qui avait un demi-pouce d'épaisseur.

M. Bédard (Chicoutimi): A quelle date cette étude avait-elle été faite?

M. Marceau: Elle avait été faite, si mon souvenir est bon, un an avant que je sois mêlé au dossier...

M. Bédard (Chicoutimi): En 1974?

M. Marceau: Je crois que oui et j'avais en plus une étude d'experts indépendants qui m'a été fournie par les plaignants et qui coïncidait, en tout point, avec l'étude du ministère. Sur ce plan, il n'y a jamais eu de doute. Les $4.50 auxquels je suis arrivé ne résultent pas d'une étude précise. Comme je l'explique dans ma lettre, je n'ai pas voulu prendre la position de dire: Renégociez le contrat pour donner un prix de loyer qui soit rentable. Je sais que ce n'est pas rentable. Seulement, à $4.50, d'une part, on couvrait le déficit d'opération, et, d'autre part, on arrivait à peu près au chiffre qui aurait pu être exigé par les promoteurs avant la signature du bail en prenant strictement en considération les spécifications qui s'ajoutaient au projet initial à partir duquel ils avaient fait leurs propres calculs. Parce qu'à $4.50, cela couvrait à peu près ça. Cela n'était pas un prix de rentabilité. Ils ne faisaient pas d'argent, mais cela coïncidait. Ce sont les deux éléments que j'ai pris en considération pour m'arrêter là.

J'ai dit: D'une part, vous ne renégocierez pas ce contrat pour donner les $5.50 qui sont le coût de rentabilité acquis et admis par tout le monde et par les deux études et, d'autre part, c'est le sens de ma suggestion, vous allez couvrir le déficit, ce qui était ajouté dans le cadre des spécifications comme je l'expliquais tout à l'heure. Voilà comment nous en sommes arrivés aux $4.50. Cela ne résulte pas d'une autre étude que la mienne, ma propre réflexion, basée sur ce que je viens de dire.

M. Bédard (Chicoutimi): Parce que les $5.50, si je comprends bien, sont le résultat d'une expertise faite tant par le ministère que par une certaine firme indépendante...

M. Marceau: C'est ça.

M. Bédard (Chicoutimi): ... en 1974, sans préciser plus, alors que la lettre d'intention est en 1971. Il est assez normal...

M. Marceau: Mais le rapport couvre le problème de l'augmentation des prix entre les deux.

M. Bédard (Chicoutimi): Alors que la lettre d'intention avait été signée en 1971, je pense qu'il était assez normal, vous deviez vous y attendre, que l'étude en 1974 puisse représenter un taux d'occupation qui soit pas mal plus élevé.

M. Marceau: Exactement, mais les experts...

M. Bédard (Chicoutimi): Parce qu'on a eu l'inflation qui a touché ça comme autre chose.

M. Marceau: ... mais les experts...

M. Bédard (Chicoutimi): ... qui a touché d'autres entrepreneurs que ceux-là.

M. Marceau: Les experts étaient évidemment au courant du problème et l'étude qui a été faite tenait compte de ça. Ce sont deux études d'un demi-pouce d'épaisseur chacune dans lesquelles j'ai essayé de m'y retrouver de mon mieux, mais je ne suis pas un expert en économie.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous auriez objection à nous produire ces études?

M. Marceau: Je crois qu'elles sont au dossier, il y en a une qui est au dossier.

M. Bédard (Chicoutimi): Quitte à ce que vous le fassiez plus tard. Il s'agira de nous la faire parvenir.

Parce que je remarque qu'à des intervalles très restreints, il y a des locataires à $5 également dans cet édifice, le gouvernement fédéral, $5.50. En fait, dans des espaces de temps très restreints, avec l'inflation, cela a augmenté très vite.

Maintenant, je crois que, dans votre lettre, vous dites, par exemple, que le directeur, quand il a fixé le prix, a considéré les éléments et parties en se basant sur les taux qui prévalaient à ce moment-là dans la région. C'est quand même une base qui peut être une base valable, mais qui n'était pas suffisamment valable dans le cas, puisqu'il s'agissait d'un immeuble différent, d'une envergure différente, dont on demandait la construction.

A votre connaissance, est-ce que des immeubles de la nature de celui qui a été construit, il y en avait d'autres dans la région, avec lesquels on pouvait établir une comparaison?

M. Marceau: Je ne crois pas. Remarquez que...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'avez pas vérifié?

M. Marceau: Je ne crois pas. Dans le rapport que vous aurez du ministère, je crois qu'on l'examine sous cet angle-là, si mon souvenir est bon. Cet immeuble était unique, il n'y avait pas d'autre immeuble dans la région qui correspondait à cela.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, si, un jour, un bail consenti il y a quelques années était à 2 1/4% et si un propriétaire faisait une demande au ministère pour rajuster son bail, parce qu'il vit actuellement dans une situation extraordinaire, si le ministère refusait de reconsidérer ce bail, est-ce que l'individu pourrait s'adresser au Protecteur du citoyen?

M. Marceau: II pourrait toujours s'adresser à lui, mais il sortirait aussi vite qu'il serait entré, je pense.

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

M. Marceau: II pourrait toujours s'adresser à moi, mais je ne le recevrais pas. C'est l'imprévision.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est-à-dire que vous seriez obligé de considérer ce qu'il a à vous dire, mais votre recommandation serait que vous, vous n'avez pas à intervenir là-dedans.

M. Bellemare (Johnson): ... que ce ne serait pas de votre juridiction de définir un bail.

M. Bédard (Chicoutimi): Ce sont deux choses différentes.

M. Marceau: Oui. Je serais obligé de l'écouter.

M. Bellemare (Johnson): Oui, oui.

M. Marceau: Mais, dans sa plainte, il n'y aurait absolument rien qui me concerne. Comme je le disais ce matin, c'est le comportement contestable d'un service que je puis, moi, chercher à déceler. Si quelqu'un me présente une plainte dans laquelle il n'y a aucune accusation de comportement contestable, je dis: Qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec cela? Il me dira: Je perds de l'argent avec mon bail. Je lui répondrai: Mais ce n'est pas dû aux services, si vous perdez de l'argent, c'est dû à l'inflation ou à l'augmentation des coûts, au chauffage, aux taxes ou à tout ce que vous voulez. Ce n'est pas dû aux services; ce n'est pas dû à l'administration publique gouvernementale.

M. Bédard (Chicoutimi): Avant de décider qu'il y a ou non un comportement contestable, vous analysez naturellement le cas. J'imagine que, dans le cas des Investissements Seigle, vous avez noté un comportement — pour employer exactement votre expression — contestable.

M. Marceau: Oui.

M. Bédard (Chicoutimi): Et ce comportement contestable se base sur des promesses très valables — j'emploie cette expression — qui auraient

pu être faites aux gens qui ont fait appel à vos services.

M. Marceau: Ce que j'expliquais, c'est l'ensemble de la méthode de négociation et c'est si vrai, du reste, qu'on ne procède plus comme cela aujourd'hui.

Il y a encore des situations qui y ressemblent, mais le prix du loyer est déterminé une fois la construction complétée, construction qui est faite, bien sûr, sur les spécifications du ministère et même surveillée par des architectes du ministère. Une fois la construction terminée, alors qu'on est capable d'établir les coûts, on établit un taux de rentabilité qui est valable et correspond aux normes scientifiques en question.

Ce que je trouve, dans ce cas-là, qui est un peu embarrassant, c'est qu'on a pris une lettre d'intention, une offre de départ, à un moment où les gens n'étaient pas en mesure de savoir exactement dans quoi ils s'embarquaient et qu'on a joué constamment là-dessus pendant un an, en leur faisant signer un bail au bout d'un an et en essayant de le maintenir de façon définitive; c'est cet ensemble que je trouve incorrect.

M. Bellemare (Johnson): Avec certaines équivoques.

M. Marceau: Avec certaines équivoques, comme je le disais tout à l'heure.

M. Bédard (Chicoutimi): Parce que, malgré tout cela, vous auriez pu légalement refuser aussi d'entendre les plaignants et de faire des recommandations, si vous vous étiez basé, je pense, sur un des articles de la loi que, lorsqu'il y a plus d'un an qui s'est écoulé, de la connaissance des faits au moment où l'individu se plaint, à ce moment, c'est un des éléments qui peut vous permettre, en fait, de prendre la décision de ne pas faire de recommandation.

Je sais pertinemment que, dans un rapport que vous avez fait à un moment donné à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué votre intention de ne pas être aussi rigide que cela et que vous vous proposiez d'y mettre beaucoup plus de souplesse, je pense.

M. Marceau: Vous me faites plaisir en disant cela, parce que je vois que vous l'avez lu.

M. Bédard (Chicoutimi): II faut bien vous faire plaisir de temps en temps.

M. Marceau: Oui, je vois que vous avez lu, mais ce n'est pas exactement cela, ce n'est pas l'idée de mettre plus de souplesse. C'est que là — je ne vous ai pas parlé de cela, ce matin — il y a un autre problème. La loi dit qu'on peut prendre une plainte, lorsqu'il ne s'est pas écoulé plus d'un an depuis le moment où l'objet de la plainte s'est présenté.

Le gros problème là-dedans est de savoir à quel moment...

M. Bédard (Chicoutimi): Non pas l'objet, la connaissance de l'objet de la plainte...

M. Marceau: A quel moment...

M. Bédard (Chicoutimi): ... parce qu'on peut avoir un préjudice et n'en être informé valablement, légalement, que...

M. Marceau: Vous allez voir par mon explication que cela ne change pas mon histoire.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.

M. Marceau: Le gros problème est de savoir à quel moment commence à courir ce délai de prescription d'un an. Dans le cas — là encore, je mets en cause l'administration publique — d'une décision d'un officier subalterne de l'administration publique et que le destinataire de la décision tente d'obtenir une modification de la décision en s'adressant à une autorité hiérarchique, à quel moment commence le délai de prescription? Au moment de la première décision du fonctionnaire ou au moment où l'autorité hiérarchique rejette le recours interne? Je ne sais pas quand.

Pour donner une chance... C'est cela que je vous ai expliqué.

M. Bédard (Chicoutimi): Dans ce cas, avec votre permission, est-ce que ce n'est pas le moment du bail, le moment où le bail est signé?

M. Marceau: Non.

M. Bédard (Chicoutimi): Dans ce cas, possiblement?

M. Marceau: Non, parce qu'ils avaient la conviction que le loyer serait réévalué et rétabli. A un moment donné, ils ont essayé, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, d'avoir recours aux autorités du ministère. A un moment, ils ont eu une réponse qui était définitive. Ils ont dit: Non, monsieur, on ne le fera pas. J'ai toujours pris en considération... Ici encore, j'avais pu faire un autre... Ce matin, je vous ai tenu... trop longtemps. Mais, un autre... pour dire: Depuis le début, je me suis dit: C'est la dernière décision de l'autorité hiérarchique...

M. Bédard (Chicoutimi): Je ne conteste pas votre calcul.

M. Marceau: ... qui constituera, quant à moi, le point de départ de ma prescription d'un an, parce que je trouve cela normal qu'on tente d'obtenir par une autorité hiérarchique la modification d'une première décision.

Dans ce cas, c'était lorsque les gens ont été convaincus qu'ils ne pourraient pas obtenir... Cela faisait un peu moins d'un an.

M. Bédard (Chicoutimi): Je ne conteste pas votre point de départ de la connaissance des promoteurs. C'était simplement pour vous permettre

d'expliciter peut-être... Si je vous pose quelques questions sur un des aspects de votre décision, qui a été de recommander une augmentation de $0.75 le pied carré, c'est que, à un moment donné, il me semble que, pour l'appréciation du préjudice, c'est quand même nécessaire — parce qu'il fallait qu'il y ait préjudice pour que vous interveniez — je pense, d'avoir certaines données que, malheureusement, nous n'avons pas complètement. Il y avait certains calculs que j'avais faits, qui avaient éveillé mon attention, pour ne pas dire qu'il n'y a rien de spécial ou de louche à l'intérieur de cela, quoique cela m'a peut-être permis de me poser certaines questions, à savoir que le bail, pour l'année, avec le gouvernement, représente $111,000. Quand on additionne les $109,000, plus une somme spéciale de $1,500, on arrivait à $111,000. C'est le bail pour une année.

Egalement, quand on fait le calcul — si je me suis trompé, vous pourrez me corriger —d e l'augmentation de $0.75 sur une période de cinq ans où, selon les contrats, il n'y a pas possibilité de révision, à ce moment, on arrive encore à une somme de $111,000 qui représente un an de location.

Je voulais savoir, pour pouvoir évaluer correctement le préjudice financier — je dis bien financier — si vous pourriez me fournir les informations suivantes: Quelles sont les hypothèques qu'il y a — parce que vous avez fait un coût d'opérations, vous nous avez parlé de certaines choses, j'ai vu les déficits, etc... Est-ce que vous pourriez nous fournir — si ce n'est pas maintenant, ce peut être un peu plus tard — le montant de l'hypothèque, les taux d'intérêt, les modes de remboursement...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense qu'on étudie le dossier en profondeur, je ne permets pas ces sortes de questions.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous ne voulez pas qu'on aille en profondeur?

Le Président (M. Lamontagne): Ecoutez, cela fait 25 fois que je le dis. Ce sont des principes de la juridiction du Protecteur du citoyen.

M. Bédard (Chicoutimi): Pardon. M. le Président, avec votre permission. C'est rattaché à un des principes de la juridiction, parce que... Laissez-moi...

Le Président (M. Lamontagne): Peut-être dans votre esprit.

M. Bédard (Chicoutimi): Laissez-moi vous l'expliquer, vous allez peut-être le comprendre. Vous êtes notaire.

Le Président (M. Lamontagne): Vous allez avoir de la difficulté à me convaincre qu'un taux d'intérêt peut influencer un principe de juridiction.

M. Bédard (Chicoutimi): Pardon. Très bien.

Le Président (M. Lamontagne): II ne faut pas pousser trop loin non plus.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous me permettez? Le Protecteur du citoyen vient de le dire. S'il n'y avait pas eu un préjudice financier à l'intérieur de ce problème, même s'il y avait eu vice de consentement, il n'aurait pas eu lieu d'intervenir. Il faut qu'il y ait un préjudice financier. Il faut que quelqu'un, monétairement, ait souffert de certains comportements, en l'occurrence comportements soit de ministères ou encore d'autres personnes. C'est dans ce sens qu'il est important d'établir qu'il y a eu un préjudice financier, sinon essayer de m'expliquer pourquoi le Protecteur du citoyen serait dans le dossier. Si, autrement dit, cette transaction avait été une transaction rentable pour les promoteurs, essayez de m'expliquer, si vous êtes capable, qu'il y aurait eu lieu quand même, pour le Protecteur du citoyen, d'entrer dans le dossier. C'est un élément très important. C'est pour cela que je demande ces renseignements. Il me les fournira peut-être plus tard s'il ne peut pas dès maintenant.

M. Hardy: II me semble que ces renseignements sont tous dans le dossier qui a été déposé en Chambre.

M. Bédard (Chicoutimi): En tout cas, il est peut-être en mesure de nous le dire...

M. Bellemare (Johnson): Vous l'avez dans les Investissements Seigle, ici, dans l'état des revenus et des dépenses pour la première évaluation, les annexes des détails, les intérêts sur les emprunts, l'entretien des réparations. Vous avez tous les frais d'administration, vous avez les pertes de l'année, vous avez ensuite particulièrement le montant des intérêts déterminés de la façon suivante et les hypothèques déjà obtenues. Toute la description est là.

M. Marceau: Tout le dossier.

M. Bédard (Chicoutimi): Je les demande tout simplement.

M. Sylvain: Vous les avez dans le dossier.

M. Bédard (Chicoutimi): On vient d'avoir le dossier. Durant qu'on pose des questions, il y en a qui regardent le dossier. Ne nous énervons pas.

M. Bellemare (Johnson): Non, mais je veux...

M. Hardy: Vous posez des questions sans connaître le dossier. Très bien.

M. Bédard (Chicoutimi): Ces questions sont tout à fait normales.

M. Hardy: C'est comme d'habitude.

M. Bédard (Chicoutimi): J'imagine que s'il y

en a un qui connaît le dossier, c'est bien le Protecteur du citoyen et non pas le ministre des Communications.

M. Hardy: C'est un aveu très éloquent! Vous parlez à travers votre chapeau comme d'habitude, sans connaissance de cause.

M. Bédard (Chicoutimi): Encore une fois, vous continuez.

M. Léger: II faut que le ministre admette quand même que le dossier vient de nous être confié, il y a à peine une demi-heure. Il faut quand même...

M. Hardy: Oui, j'admets que vous avez lancé un ballon sans rien connaître. Vous avez voulu faire un ballon politique. Vous vous êtes servi d'une institution...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Hardy: ... québécoise à des fins de petites politiques partisanes.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous allez arrêter de faire de la démagogie. Vous voulez le passer...

M. Hardy: Vous en faites assez.

M. Bédard (Chicoutimi): Depuis que vous vous taisez, on commence à se comprendre. Restez donc tranquille.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Bédard (Chicoutimi): Dans le meilleur intérêt du Protecteur du citoyen...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léger: Seulement une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine, sur une question de règlement.

M. Léger: M. le Président, question de règlement. Nous avons eu le dossier concerné il y a à peine une demi-heure. Nous étions en Chambre à ce moment. On en a eu une copie pour le parti. Nous sommes plusieurs personnes a discuter de cela. Je pense que c'est une question bien normale. Cela allait bien. Que la question soit posée à ce stade, je pense que le Protecteur du citoyen peut nous donner une réponse qui va nous éviter des problèmes inutiles de discussions. Je pense que cela allait bien à ce moment. Continuons donc comme cela.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, sur les renseignements que je demande, le Protecteur du citoyen est au courant qu'ils sont dans le dossier, il me le dira. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Je parlais d'hypothèques, des taux d'intérêt, des remboursements mensuels. Le gouvernement n'occupe pas toute la superficie de l'immeuble dont on parle, la propriété des Investissements Seigle. Est-ce que vous seriez en mesure de me dire la superficie totale de l'immeuble.

M. Marceau: Le ton est bien. J'ai les chiffres. La superficie totale, c'est près de 39,000 pieds carrés.

M. Bédard (Chicoutimi): Ce qui est occupé par le gouvernement?

M. Marceau: Non, le total.

M. Bédard (Chicoutimi): Oui, le total de ce qui est occupé par le gouvernement.

M. Marceau: Par le gouvernement, je crois que c'est 29,000...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais, même si la commission le permet, rappeler, au moins pour ma part, pour le journal des Débats, que vous êtes en train de discuter du fond du dossier, que les questions posées ont comme conséquence d'évaluer le bien-fondé d'une recommandation du Protecteur du citoyen. C'est assez évident que des questions comme celles-là... Si lorsqu'on évalue des chiffres...

M. Hardy: C'est pour cela que...

Le Président (M. Lamontagne): ...c'est pour évaluer si les $0.75 auraient dû être $0.50, oui ou non...

M. Hardy: Ce n'est pas le mandat.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est ça que vous ne comprenez pas, M. le Président. C'est...

Le Président (M. Lamontagne): Bien! Je comprends autant que vous!

M. Bédard (Chicoutimi): Bien non, mais j'ai le droit... M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Ce sont des principes...

M. Bédard (Chicoutimi): Je ne partageais pas votre décision au début. Je l'ai respectée quand même. Je voudrais bien que vous respectiez les motifs pour lesquels je fais cette demande.

Le Président (M. Lamontagne): Oui, mais tout de même...

M. Bédard (Chicoutimi): Ce n'est pas pour...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Tout de même, laissez-moi parler quand j'ai la parole.

Je maintiens que vos questions ont comme conséquences immédiates d'évaluer si les $0.75 n'auraient pas dû être $0.50, $0.45 ou $.30. Je maintiens ma position.

M. Hardy: Ce n'est pas le mandat.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je vous respecte. Vous avez le droit de maintenir votre décision et de voir mes questions sous cet aspect, mais ce n'est pas le cas.

Je vous l'ai dit. Toutes ces questions, je les pose dans le sens suivant. C'est de savoir, au bout de la ligne, quel est le préjudice financier qui a pu être occasionné aux représentants d'Investissements Seigle. Et le préjudice financier est un élément essentiel qui peut motiver le Protecteur du citoyen à intervenir. Il faut qu'il y ait un préjudice quelque part. Alors, c'est uniquement cela, M. le Président.

Au point de vue de l'occupation, vous disiez...

M. Marceau: Je disais que c'était 39,000, je crois, la capacité de l'immeuble. Il y en a 29,000 occupés par la province, 6,000 ou 7,000, je crois, par le gouvernement fédéral, et le reste par des particuliers.

M. Bédard (Chicoutimi): Oui. Ces 7,000, à votre connaissance, c'est au taux de $5.50 pour le gouvernement fédéral?

M. Marceau: Oui, $5.50 pour le gouvernement fédéral.

M. Bédard (Chicoutimi): Etes-vous en mesure de nous dire quel est le taux payé — je ne vous demande même pas les noms — par les autres locataires?

M. Marceau: Pour évaluer le préjudice, pendant que vous parlez, j'ai demandé et obtenu, et je crois qu'il est inscrit dans nos dossiers, le bilan d'opération de la première année et le bilan des premiers mois d'opération de la deuxième année, avec les projections pour l'année courante. Je crois que c'est même au dossier. Maintenant, si vous me demandez les chiffres précis, je répète que... d'abord, cela a été étudié il y a déjà plusieurs mois, puisque ma recommandation est du 15 mai. Cela a l'air un peu drôle, mais je le dis encore: Ce sont 40 plaintes par jour que j'ai à étudier et à regarder. Je ne me souviens quand même pas de chiffres aussi précis. J'avais les bilans et j'avais les études dont j'ai parlé tout à l'heure, et le préjudice auquel vous faites allusion m'est apparu comme étant absolument certain.

M. Bédard (Chicoutimi): Après la première année d'opération, au taux de $3.75 — je ne sais pas si tout l'immeuble était occupé à ce moment — la perte de l'année n'a été que de $2,990.70.

M. Marceau: Les prévisions de la deuxième année, si mes souvenirs sont bons, étaient aux environs de $60,000.

M. Bédard (Chicoutimi): D'après vous, à peu près $60,000 pour...?

M. Marceau: Pour la deuxième année, si mes souvenirs sont bons — remarquez que c'est un peu loin — mais je crois que les prévisions de perte pour la deuxième année étaient de $60,000 avec l'augmentation, évidemment.

M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous dites l'autre année, 1974, avez-vous fait la projection pour 1975?

M. Marceau: Je ne crois pas. Je ne me souviens pas de l'avoir endossée. J'ai étudié le dossier pour l'année 1973 et cela a été occupé à partir du 1er juillet 1973. Et la partie de l'année 1973... allusion à 1974, ou leur année financière est-elle la même — je ne me souviens pas — que l'année civile? Je crois que oui, mais je ne suis pas certain.

M. Bédard (Chicoutimi): Ce n'est peut-être pas dans le même ordre d'idées, mais quand vous dites dans votre lettre, à la page 3—puisqu'on a discuté des faits— "... ce rappel des faits que j'aurais pu présenter de façon beaucoup plus complète et frappante, vous le savez... que voulez-vous dire par "frappante"?

M. Marceau: La multitude des rencontres qu'il y avait eues entre l'architecte et les promoteurs...

M. Bédard (Chicoutimi): "... plus frappante..."

M. Marceau: ... et les officiers. Oui, à cause des conversations qui ont pu avoir lieu et l'impression qui a pu être donnée à partir des conversations. Je trouvais que ce n'était quand même pas utile que je commence à citer les rencontres et les propos qu'on avait pu tenir au cours de ces discussions ou de ces rencontres.

Le Président (M. Lamontagne): Pendant que c'est silence, je voudrais rappeler, une fois de plus, que suivant le mandat confié à la commission et les principes de sa juridiction, il ne s'agit pas d'établir le montant du préjudice qui a été causé, mais bien qu'il y a eu préjudice. Aussitôt qu'on essaie de calculer le montant du préjudice, ce n'est plus dans le cadre de notre mandat. C'est un dossier qu'on...

Je pense que c'est normal de demander au Protecteur du citoyen: Croyez-vous qu'il y a eu injustice? Pouvez-vous dire pourquoi il y eu injustice? Mais lorsqu'on se lance dans des savants calculs pour évaluer ce préjudice, ce n'est pas dans le cadre de notre juridiction actuelle. Je ne sais pas si vous allez...

M. Bédard (Chicoutimi): Je ne sais pas si... Le Président (M. Lamontagne): Je sais que

vous ne pensez pas comme moi. C est parce que nous n'avons pas le même rôle, un point, c'est tout.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je ne suis pas d'accord.

Le Président (M. Lamontagne): En tout cas. Vous n'êtes pas souvent d'accord avec moi, de toute façon. C'est simple, ce que je dis là.

M. Bédard (Chicoutimi): Non, mais, M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Je m'adresse à l'avocat plutôt qu'au député.

M. Bédard (Chicoutimi): ... comment voulez-vous que je sois d'accord pour admettre que c'est selon la position qu'on occupe, soit comme président, soit du côté de l'Opposition...

Le Président (M. Lamontagne): Depuis ce matin que vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec mes décisions.

M. Bédard (Chicoutimi): Oui, et je persiste.

Le Président (M. Lamontagne): Ma décision est fort simple. Vous, essayez, et c'est normal, mais en d'autres circonstances. Ici nous n'avons pas à évaluer un préjudice. Notre mandat est de constater ou non qu'il y a eu préjudice. Mais là, on tente, par des calculs, d'évaluer le préjudice qui a nécessairement une influence sur le montant de la recommandation du Protecteur du citoyen. Or, nous l'avons établi ce matin, ce n'est pas notre rôle d'évaluer si cette décision est bonne ou mauvaise ou aurait dû être autre. C'est tout simplement d'établir, à compter d'une lettre ou d'une recommandation datée du 15 mai, si le Protecteur du citoyen avait juridiction et quels étaient ses principes de base pour que, lui, il établisse qu'il avait juridiction. C'est clair. Si on avait voulu marquer autre chose dans la motion, sans aucun doute qu'on nous l'aurait indiqué.

M. Bédard (Chicoutimi): Simplement ce que je voulais dire, M. le Président, lorsque je n'étais pas d'accord avec vous, c'est que j'ai motivé, je pense, mon désaccord.

Le Président (M. Lamontagne): Comme j'essaie de motiver mes décisions également.

M. Bédard (Chicoutimi): Ce que je n'acceptais pas, c'est que vous essayiez de me faire admettre que, plutôt que d'être à un siège de l'Opposition, si j'étais au siège de président de l'Assemblée, je n'aurais pas les mêmes idées. Là-dessus, je ne peux pas souscrire à l'évaluation...

Le Président (M. Lamontagne): Vos propos prêtent pour le moins à confusion.

M. Bédard (Chicoutimi): ... d'objectivité que vous faites.

M. Léger: M. le Président, ma question serait la suivante. On parle des conditions qui ont prévalu à la formation du contrat de départ et qui ont fait, comme vous l'avez admis tantôt, que les trois propriétaires des Investissements Seigle, en 1971, se sont fiés, d'une façon naïve, à la possibilité que ce contrat devienne lucratif. Est-ce que vous pensez que l'affaire se serait engagée de la même façon, avec la même naïveté, si ce n'avait été que, parmi ces personnages, il y avait le beau-frère du député du comté...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. Léger: ... qui maintenant est député de Frontenac.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léger: Mais c'est un élément important, un abus de confiance...

Le Président (M. Lamontagne): Ce n'est pas un élément important du tout, je refuse cette question. Vous voulez mentionner par votre question que le député a eu une influence quelconque. Ce n'est pas l'endroit pour poser ces sortes de questions. Je refuse cette question.

M. Léger: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Lamontagne): Question de règlement.

M. Léger: La raison pour laquelle je veux soulever cette question, c'est que le Protecteur du citoyen nous a bien dit que les personnes qui se sont présentées pour accepter un contrat avec le ministère avaient eu comme seul atout majeur, non pas l'expérience, mais des amis qui leur ont présenté des fonctionnaires en qui on leur a dit qu'ils devaient avoir confiance. Alors, la question que je posais tantôt, c'est que cette personne qui a investi un montant important et qui a remis ces sommes en fiducie à une autre personne, qui est maintenant le notaire responsable parmi les propriétaires actuels des Investissements Seigle, c'est: Est-ce qu'il y a une incidence particulière...

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Communications a une question de règlement.

M. Léger: Je n'ai pas terminé.

M. Hardy: Mais j'invoque le règlement.

M. Léger: Vous ne voulez pas qu'on donne de noms là-dedans. Il y a une raison, il y a une incidence particulière avec la formation du contrat.

M. Hardy: M. le Président, j'invoque le règlement. Je veux que vous fassiez les choses comme elles doivent être faites...

M. Léger: Comme vous aimeriez que je le fasse.

M. Hardy: ... et selon les règlements, et selon un minimum d'éthique et d'honnêteté.

M. Léger: Tout ce que j'ai affirmé est vrai.

M. Hardy: Evidemment...

M. Bédard (Chicoutimi): La grande...

M. Léger: Prouvez-moi que ce que j'ai dit n'est pas vrai.

M. Hardy: Evidemment, c'est beaucoup demander.

M. Léger: Prouvez-moi que ce n'est pas vrai. M. Hardy: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Hardy: Un des motifs, et je pense que cela était très clair dans l'exposé du Protecteur du citoyen, qui a justifié son intervention est la naïveté ou la croyance des personnes en cause qu'il pouvait y avoir un ajustement du taux de location. Que cette naïveté, que cette croyance, que cette espérance provienne de propos tenus par des fonctionnaires du ministère des Travaux publics, que cette espérance provienne d'affinités politiques ou de quelque autre ordre, ça ne regarde pas la source de la naïveté, ça ne regarde pas le mandat actuel ou le mandat accepté par le Protecteur du citoyen. Ce devant quoi il était placé, c'est qu'il y avait des gens qui avaient cru, à un moment donné, qu'il y aurait un ajustement des taux.

Mais la source de la naïveté, encore une fois, cela revient au même, cela ne change rien au fond du problème, que ce soit à partir de propos tenus par des fonctionnaires du ministère des Travaux publics ou que ce soit à partir du fait que ces gens disaient: Bon, on est des libéraux, le gouvernement est libéral, donc, peut-être qu'on va pouvoir avoir un ajustement. De fait, je pense que le dossier démontre très bien que le fait que ces gens étaient des libéraux et que le gouvernement était libéral n'a rien changé. Cela ne leur a absolument rien apporté.

M. Léger: Cela a changé à la longue. M. Hardy: Non, cela n'a rien apporté.

M. Léger: Oui, il y a eu des subventions régulières.

M. Hardy: Cela n'a absolument rien apporté, leur allégeance politique.

M. Léger: II y a eu des subventions régulières par la suite, cela a changé des choses.

M. Hardy: Pardon?

M. Léger: II y a eu deux subventions régulières, en 1974 et en 1975.

M. Hardy: Je comprends très bien que vous n'avez rien compris depuis le matin.

M. Léger: Je n'ai pas compris ce que vous vouliez me faire comprendre.

M. Harvey: M. le Président, je soutiens que la question du député de Lafontaine est irrégulière, parce qu'elle n'a rien à voir, ni directement, ni indirectement, au mandat de la commission et aux motifs qui ont amené le Protecteur du citoyen premièrement à étudier ce dossier et deuxièmement à rendre une décision.

M. Léger: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.

M. Léger: Quand je pose la question au Protecteur du citoyen, pour savoir si le règlement s'est engagé dans cette direction, si le Protecteur du citoyen aurait eu à agir de la même façon aujourd'hui, et si les citoyens de ce temps avaient comme assurance que leur projet irait bien, qu'il y avait une personne qui a été en 1973 un député capable de défendre ces intérêts ici, ce député n'est pas le député de Saint-Jean, c'est son beau-frère, le député de Frontenac. Ma question est de savoir si l'opinion de ces gens qui croyaient qu'il y aurait un rajustement provenait du fait qu'il y aurait un des actionnaires, au moment même où on a signé le bail, qui était député à l'Assemblée nationale. Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui change fondamentalement la confiance que ces gens...

M. Hardy: Un actionnaire qui était député à l'Assemblée nationale quand il a signé le bail?

M. Bédard (Chicoutimi): La lettre d'intention. M. Léger: La lettre d'intention...

M. Hardy: II était député à l'Assemblée nationale...

M. Léger: II a vendu ses actions...

M. Hardy: Vous avez dit qu'il était député à l'Assemblée nationale?

M. Léger: Un instant, j'ai dit qu'il a transformé ses actions, qu'il les a données en fiducie à un notaire et c'est encore le notaire qui protège les actions d'un député qui est à l'Assemblée nationale actuellement. Et cela a été admis par un des propriétaires, M. Denault, qui admet justement ici, et je cite: "On sait que la compagnie...

M. Hardy: M. le Président, on s'éloigne de la question du règlement.

M. Léger: Laissez-moi expliquer cela. Les investissements Seigle avait été formée en 1971 par des proches collaborateurs du député Veilleux, M. Philippe Denault, organisateur en chef, M. André Latour, président de l'association libérale, ainsi que le Dr Henri Lecours, beau-frère du député et devenu, depuis, député du comté de Frontenac."

M. Hardy: Cela ne vous mènera pas loin.

M. Léger: "Ce dernier s'est toutefois départi de ses actions en faveur du notaire Louis-Joliet Desmarais...

M. Hardy: La malhonnêteté ne donne rien.

M. Léger: "Le notaire Desmarais a en fiducie les actions du député de Frontenac." Je pose la question suivante: Est-ce que, parce que les personnes qui ont ce projet-là en main, qui n'ont pas négocié avec le gouvernement, s'attendant à avoir un rajustement dans le coût du loyer, est-ce que le fait qu'il y avait un député qui avait auparavant des intérêts qui sont entre les mains d'un notaire, en son nom, actuellement, cela ait pu affecter la naïveté de ces gens-là pour les amener à croire qu'on pouvait corriger cela facilement, parce qu'il y avait quelqu'un en place? C'est ma question et je pense qu'elle est très recevable.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Encore une fois, je porte à l'attention des membres de la commission qu'il y a différentes façons pour mettre en cause un député et les actions qu'il pose.

M. Léger: On ne met pas en cause un député. Cela met en cause un contrat.

Le Président (M. Lamontagne): Voulez-vous me laisser répondre?

M. Léger: M. le Président, je n'ai pas d'objection.

M. Bédard (Montmorency): On vous écoute, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Ce matin, l'honorable député de Johnson nous a référés à l'article 80 de nos règlements. Je pense que les propos que vient de tenir l'honorable député de Lafontaine nous y réfèrent doublement.

Nous avons invité le Protecteur du citoyen à venir nous rencontrer. La qualité de toute personne, quelle qu'elle soit, dans ce dossier, ne peut influencer le Protecteur du citoyen, de quelque façon que ce soit.

Si un ou des membres veulent attaquer cette qualité d'un des membres qui est député à l'Assemblée nationale, ils le peuvent, en vertu de nos règlements, mais pas à l'occasion de cette audition dont le mandat est d'étudier les principes de la juridiction du Protecteur du citoyen.

Il faut tout de même remettre les choses à leur place et faire attention de lancer inutilement des noms qui peuvent peut-être influencer, de quelque façon que ce soit.

Si vous avez quelque chose à dire sur un des directeurs qui est un député de l'Assemblée nationale, vous avez des recours qui vous sont permis par l'article 80.

Je maintiens, une fois de plus, pour la seizième fois probablement, qu'il n'y a aucun intérêt à connaître quelque nom que ce soit dans ce dossier et que le mandat qui nous est confié ne mentionne aucun nom, mais une compagnie. Je voudrais que tout le monde s'en tienne au nom de la compagnie. Point, à la ligne.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, espérant être replacé pour de bon selon votre optique, il reste que les recommandations — simplement une ou deux questions — de majoration du Protecteur du citoyen sont rétroactives. Elles sont rétroactives à partir de la date de la signature du bail?

M. Marceau: Non, de l'entrée en possession.

M. Bédard (Chicoutimi): Pardon?

M. Marceau: De l'entrée en possession.

M. Bellemare (Johnson): Le 1 er juillet 1973.

M. Bédard (Chicoutimi): Le 1er juillet 1973. C'est quand même important.

Le Président (M. Lamontagne): Je ne discute pas de l'importance de votre question et des propos du député de Lafontaine; loin de là. Je dis que ce n'est pas à la bonne place.

Une Voix: C'est cela.

Le Président (M. Lamontagne): On serait ailleurs et, mon Dieu, je n'interviendrais pas là-dedans.

M. Bédard (Montmorency): Portons des accusations.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire qu'on a assisté, depuis le matin, à un charme. Je n'avais jamais entendu plaider un avocat avec autant de précision, de lucidité et, surtout, avec un désintéressement aussi total.

Je rends hommage à ce grand citoyen qu'est l'Ombudsman. Puisque je dis du bien d'un grand citoyen qui protège nos institutions parlementaires, je pense que j'ai le droit de l'ajouter à la fin de cette commission.

Jamais je n'aurai entendu, de ma vie, une mise au point faite avec toutes les mesures, dans le langage, dans les expressions, dans la portée, qui a été faite avec autant de clarté et, surtout, qui a

mis en évidence les règlements, l'application intégrale de la loi. Je félicite l'Ombudsman, M. le Président.

M. Bédard (Chicoutimi): On n'a pas terminé la commission, M. le Président. Il n'y arien qui dit qu'on a quelque chose contre le Protecteur.

Le Président (M. Lamontagne): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 23

M. Lamontagne (président de la commission permanente de l'assemblée nationale): A l'ordre, messieurs! Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, il y a eu certaines représentations qui ont été faites par le Protecteur du citoyen dans son exposé, si je peux employer l'expression "d'ouverture" en ce qui a trait à certains des articles de la loi qui régissent son mandat, entre autres concernant l'article 17 qui dit ceci, je cite: "Le Protecteur du citoyen doit refuser de faire ou de poursuivre une enquête lorsqu'il constate qu'il n'a pas compétence en vertu de la présente loi, lorsque la personne qui lui demande de faire une enquête dispose en vertu d'une loi, d'un appel ou d'un recours également adéquat, ou qu'il s'est écoulé plus d'une année depuis que la personne qui lui demande de la faire, a eu connaissance de l'acte ou de l'omission qui en ferait l'objet, à moins que cette personne ne démontre qu'elle a été, en fait, dans l'impossibilité d'agir au plus tôt".

Nous avons eu l'occasion de parler et d'avoir des impressions, l'avis du Protecteurdu citoyen sur l'interprétation du délai d'un an, avec laquelle interprétation, en passant, je suis d'accord. Egalement, nous avons eu l'occasion — et nous y reviendrons — de parler et d'analyser les possibilités qu'il y avait d'un autre recours dans le cas spécial qui nous concerne, pour lequel nous sommes en commission.

D'autre part, au tout début, concernant la première partie de l'article où on dit que le Protecteur du citoyen doit refuser de faire ou de poursuivre une enquête. Je crois que, à moins que j'aie mal interprété, le Protecteur du citoyen a laissé entendre qu'il y aurait peut-être avantage à ce que cet article soit modifié. Au lieu de dire: Le Protecteur du citoyen doit, ce serait peut-être préférable de dire: Le Protecteur du citoyen peut.

Je voudrais savoir si j'ai bien saisi le sens, non pas de la recommandation, mais de l'opinion exprimée par le Protecteur du citoyen et, si c'est le cas, je lui demanderais d'expliciter peut-être davantage les raisons ou les motivations qui l'amèneraient à préférer un texte de loi amendé de cette façon.

M. Marceau: Le motif pour cela, M. le Président, c'est que la loi québécoise, telle qu'elle est formulée, exige, pour être respectée et appliquée à la lettre, toute une série de distinctions subtiles, que j'ai tenté de faire dès mon premier rapport en 1969, mais qui ne me paraissent pas comme devant être dans le cadre d'un système d'Ombudsman.

L'Ombudsman n'a aucun pouvoir exécutoire. Tout ce qu'il peut faire, ce sont des suggestions, des recommandations, et, ce matin, j'ai essayé de le répéter à maintes reprises, parce que c'est l'idée centrale. Le système est rattaché à la possibilité, pour une autorité, de changer d'idée si elle

constate qu'elle s'est trompée. l'Ombudsman, simplement, essaie de convaincre une autorité qu'une décision qui a été rendue n'était pas correcte. Alors, dans un système comme celui-là, je ne comprends pas qu'une loi soit exprimée de façon aussi rigide et exige toute une série de distinctions subtiles au point de vue juridique, qui m'ont demandé, dans le premier rapport, presque 50 pages, pour expliquer comment je lisais la loi.

Dans la grande majorité des lois étrangères correspondantes — la nôtre, comme on le sait, a été inspirée, sinon copiée, sur la loi néo-zélandaise qui, elle-même, était tirée de la loi danoise; ici, au Canada, on a huit lois correspondant à celle-ci — dans la grande majorité, on a prévu la possibilité d'un recours. On a également prévu un terme de prescription, mais, dans les deux cas, on a effectivement édicté le texte de façon à en faire une règle de support.

On dit: L'Ombudsman peut refuser de faire une enquête, s'il y a un autre recours. Il peut simplement dire à un plaignant: Prenez l'autre recours. Cet autre recours est plus adéquat que mon travail, que ce que je peux faire moi-même. Dans le cas de la prescription, on a fait exactement la même chose. Cela devient des règles de support du travail de l'ombudsman au lieu d'être comme ici des règles qui limitent son activité de façon draconienne et autoritaire et exigent de sa part des distinctions.

Je suis heureux que le député de Chicoutimi dise qu'il était d'accord avec moi, mais on voit qu'au niveau de la prescription, par exemple, on dit: II y a une prescription d'un an. Or, chacun de ceux qui travaillent un peu avec le monde du droit sait bien que de tels brefs délais de prescription soulèvent toujours des difficultés énormes, la plus grande d'entres elles étant de savoir à partir de quand part la prescription d'un an, à partir de quel moment.

Vous m'avez repris quand j'ai tenté, cet après-midi, de donner cette idée en me disant: C'est la connaissance et non pas le fait, et je dis: Vous avez raison, mais cela ne change pas ce que je voulais dire. Mais on voit déjà la distinction, connaissance, et non l'objet même. Quant à l'objet ou quant à sa connaissance, je vous ai dit quel était le grand problème. Est-ce la première décision de l'officier subalterne ou est-ce la décision de son supérieur hiérarchique qui n'accepte pas de modifier ou qui n'accepte pas le recours? Vous voyez comment on est pris, dans chacun des cas, pour respecter le texte, de faire des distinctions subtiles et pourquoi.

Je n'ai pas d'autorité coercitive. Bien sûr, j'ai une certaine autorité morale, du moins, je l'espère ou je l'espérais, mais autrement je n'en ai aucune.

C'est le recours hiérarchique interne qui est mis en cause. Pourquoi? Pourquoi compliquer l'action, compliquer l'application de la loi avec des règles de ce genre? C'est cela que j'ai voulu expliquer dans mes rapports et c'est cela que j'ai souhaité, qu'on modifie cela sur les deux points du recours adéquat et, en second lieu, du délai de prescription.

M. Bédard (Chicoutimi): Sans allonger le débat — nous avons d'ailleurs eu l'occasion de discuter un peu de chacun de ces points cet après-midi et avec les explications ou les motivations qui nous sont amenées par le Protecteur du citoyen — je crois qu'il y aurait avantage, pour les motifs exposés par ce dernier et en dehors de toute partisanerie politique, de présenter une motion au niveau de la commission, qui aurait le sens suivant:

Que la commission recommande à l'Assemblée nationale, suivant la suggestion du Protecteur du citoyen, de modifier la Loi du Protecteur du citoyen, au chapitre 11 des lois de 1968 en remplaçant, à la première ligne de l'article 17 de cette loi, le mot "doit" par le mot "peut".

Je pense, à moins qu'il y en ait, au niveau de cette commission, qui aient des restrictions concernant les motivations qui nous ont été apportées par le Protecteur du citoyen, qu'il y aurait lieu que la commission adopte cette motion de recommandation à l'Assemblée nationnale d'une façon unanime. J'en fais la motion, M. le Président.

M. Hardy: M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): Si vous voulez l'écrire, je parlerai après. L'honorable ministre des Communications.

M. Hardy:... parlant sur la motion, d'abord je me réjouis de constater qu'enfin nos amis d'en face semblent avoir compris...

M. Bédard (Chicoutimi): Ne mêlez pas le débat. Là, vous commencez. C'est un point particulier. Tout à l'heure j'ai dit...

M. Hardy: J'ai dit trois mots. J'ai dit: Vous semblez avoir compris.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, c'est le genre d'argumentation qui mène à rien. Je viens de ledire, c'est en dehors de toute partisanerie politique et vous voyez le début d'intervention de la part du ministre des Communications. Je tiens à dire au ministre des Communications, avant qu'il ne continue son intervention et avec sa permission, que si je suis d'accord sur ce point, il se rendra compte dans quelques minutes qu'il y a des points sur lesquels je ne suis pas d'accord avec le Protecteur du citoyen, sur lesquels j'ai certaines réticences, tout en le respectant et en ne mettant, en aucune façon, en doute l'intégrité même du Protecteur du citoyen.

M. Hardy: M. le Président, je reprends ma phrase en disant que je suis heureux de constater qu'enfin les représentants de l'Opposition officielle à cette commission semblent avoir compris que les motifs qui les ont poussés à demander la convocation de cette commission sont inexistants. Se voyant devant une absence de cause, ils doivent bifurquer vers d'autres objectifs.

D'accord, M. le Président, je ne pense pas,

mais je ne m'attacherai pas à cela, que la motion qui vient d'être présentée par le député de Chicoutimi, relève du mandat qui nous a été confié.

Deuxièmement, je ne pense pas que dans l'économie générale du parlementarisme que nous vivons, ce soit la façon de légiférer que d'adopter d'abord une motion au niveau d'une commission parlementaire, demandant à l'Assemblée nationale d'adopter une loi ou d'adopter une modification à une loi existante. C'est tout simplement aller à l'encontre du processus législatif normal. Dans notre système parlementaire, il y a deux façons de procéder. Ou bien un député, s'il s'agit d'une loi qui n'implique pas de dépense de deniers publics, peut proposer en son nom la loi à l'Assemblée nationale, ou bien, l'autre façon, c'est l'exécutif, s'il s'agit d'une loi impliquant des dépenses de deniers publics, c'est un membre du cabinet qui propose une telle loi.

M. le Président, je ne me prononce pas sur le mérite de la motion présentée par le député de Chicoutimi. Je dis même qu'après avoir entendu les explications du Protecteur du citoyen, je suis enclin à croire qu'il s'agirait d'amendements valables et que personnellement, je suis tout à fait disposé à en discuter au niveau du conseil des ministres ou au niveau du caucus de mon parti. Mais je n'accepterai pas de voter en faveur de cette motion, parce que je considère que c'est une façon non habituelle, non conforme à notre pratique régulière de légiférer.

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Lafontaine.

M. Léger: M. le Président, étant donné qu'au début de la commission parlementaire ce matin, j'avais justement noté que c'était la première fois que le Protecteur du citoyen venait témoigner devant cette commission parlementaire, j'avais même dit que le gouvernement était grandement responsable de cette négligence, qu'à aucun moment, le Protecteur n'a eu l'occasion de venir dire au législateur les insuffisances de la loi. Le libellé même de l'objectif de cette commission parlementaire était d'entendre justement et de discuter des principes mêmes de la juridiction du Protecteur du citoyen en plus du cas particulier des Investissements Seigle.

C'est donc dire que nous avions, dans cette commission parlementaire un objectif double qui était celui de voir à éclaircir le problème soulevé par une décision concernant le jugement rendu par le Protecteur du citoyen dans le cas des Investissements Seigle, mais aussi le gouvernement en a profité largement pour nous dire: II faut parler du principe de la juridiction du Protecteur du citoyen.

C'est une attitude tangible et positive que prend le député de Chicoutimi en proposant que la commission, qui est la première à avoir entendu le Protecteur du citoyen, soit capable d'apporter, entre autres, à la suite de cette commission parlementaire, quelque chose de positif à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas rater l'occasion d'avoir eu le Protecteur du citoyen nous faire mention d'un des problèmes. Il y en a probablement bien d'autres qui relèvent de sa juridiction.

La proposition du député de Chicoutimi demande que la commission recommande à l'Assemblée nationale, suivant la suggestion du Protecteur du citoyen, de modifier la Loi du Protecteur du citoyen, chapitre 11 des lois de 1968, en remplaçant, à la première ligne de l'article 17 de cette loi, le mot "doit" par le mot "peut"...

Qu'est-ce que le gouvernement aurait à craindre d'accepter cette motion de la commission parlementaire qui a écouté le Protecteur et au moins améliorer cette partie de la loi qui rendrait le travail beaucoup plus facile à un homme qui en a vu de toutes les couleurs depuis les sept années qu'il est à la tête de cette responsabilité qui est celle de voir à protéger le citoyen contre les abus gouvernementaux.

M. Tardif: Quels abus?

M. Léger: M. le Président, je pense que... C'est le rôle du Protecteur du citoyen, de protéger le faible contre le fort. C'est cela. Le gros et fort administrateur qu'est le gouvernement par rapport au pauvre administré qui n'est pas capable de se défendre. Devant cela, c'est une responsabilité du Protecteur du citoyen. Je pense que c'est une occasion logique de voir le sérieux du gouvernement d'accepter une recommandation qui est absolument légitime, qui n'est pas irrégulière, qui ne demande pas de dépenses de la part du gouvernement et qui montrerait la bonne volonté du gouvernement, en acceptant de modifier ce point, à la suggestion même du Protecteur du citoyen.

M. Hardy: Cela vous permettrait de sauver la face.

M. Léger: Peut-être que le gouvernement aurait préféré que ce soit le ministre, aujourd'hui, qui a tenté de nous enfarger régulièrement, mais, si c'était venu de lui, est-ce que son parti aurait la même attitude? Je pense que c'est parce que cela vient de l'Opposition et comme c'est nous qui avions demandé cette commission parlementaire, il est normal qu'on en bénéficie et qu'on réussisse à corriger au moins certaines lacunes.

Sur ce point-là, j'appuie la motion du député de Chicoutimi sur sa motion et j'espère que les autres membres de la commission vont l'accepter.

M. Bédard (Chicoutimi): Le vote, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Parce que cette motion n'est pas encore acceptée.

M. Hardy: Ce n'est pas sûr qu'elle soit régulière.

M. Bédard (Chicoutimi): Si vous n'étiez pas sûr, cela ferait longtemps que vous auriez grimpé dans les rideaux.

Le Président (M. Lamontagne): Personnellement, je veux vous informer que... Je voudrais m'interroger publiquement et peut-être recevoir un éclairage additionnel de votre part. C'est que, dans mon esprit, quitte à vous donner la parole par la suite, le Protecteur du citoyen peut et doit, annuellement, produire un rapport à l'Assemblée nationale. Dans son rapport il peut recommander directement à l'Assemblée nationale d'apporter les modifications qu'il désire aux lois régissant le Protecteur du citoyen.

Donc, le Protecteur a déjà lui-même ce droit. Nous n'avons pas ici soumis directement, pour le Protecteur du citoyen, une proposition en bonne et due forme. Nous parlons d'une suggestion. Vous allez avoir la parole après. Je recevrais, sans être définitif dans mon opinion, plutôt un voeu qu'une recommandation, dans cet esprit, compte tenu de la possibilité qu'a le Protecteur du citoyen lui-même... oui, un voeu plus général. Parce que le Protecteur du citoyen a ce pouvoir, chaque année, de recommander exactement ce qu'il désire pour sa propre loi. L'Assemblée nationale peut en décider comme bon lui semble. Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté l'intervention du ministre des Communications.

Une Voix: Du cinéma.

M. Bédard (Chicoutimi): Je devrais dire du cinéma aussi, après toute la mise en scène...

M. Hardy: Vous êtes contre cela?

M. Bédard (Chicoutimi): ... qu'il nous a faite, M. le Président.

M. Léger: Le premier acteur.

M. Bédard (Chicoutimi): Du cinéma, il faut en faire à la bonne place, ce n'est pas en commission qu'il faut en faire. M. le Président, j'ai été surpris par son intervention qui, à mon sens, est teintée d'une partisanerie vraiment surprenante. Cela le met mal à l'aise qu'on ait présenté cette motion.

Pour la contrer, on n'a qu'un argument. Le seul argument qui est ressorti de ce qu'a dit le ministre des Communications, c'est de la partisanerie. Ce n'est pas autre chose que cela. S'il pense avoir d'autres arguments... Parce que, non seulement ce n'est que de la partisanerie qui semble l'avoir motivé, mais, en plus de cela, il s'est même permis, à mon humble opinion, d'avancer des arguments qui sont faux pour essayer de faire en sorte que la motion telle que présentée ne soit pas acceptée.

Quand il dit que la manière adoptée va à l'encontre du processus normal de législation, à mon humble opinion, je ne le crois pas, parce que, dans d'autres commissions, entre autres aux affaires sociales où j'ai eu l'occasion également de siéger, il est arrivé des exemples où une commis- sion a émis une recommandation ou un voeu. C'est une motion de recommandation.

Le Président (M. Lamontagne): Si vous permettez, je voudrais compléter ma pensée et je vais vous redonner la parole immédiatement après. Il m'apparaît que la commission pourrait suggérer au Protecteur du citoyen de le recommander à l'Assemblée nationale dans son prochain rapport, et non de faire telle chose, ou un voeu général.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, c'est justement parce que...

Le Président (M. Lamontagne): Si on veut en faire une guerre de mots...

M. Bédard (Chicoutimi): On ne fera pas une guerre de mots. Je pense que l'utilité de cette recommandation ou de ce voeu est d'autant plus importante que je pense que vous avez fourni le meilleur des arguments pour que la commission accepte cette motion, parce que vous avez dit, entre autres, que le Protecteur du citoyen avait l'occasion annuellement de présenter un rapport. Or, ceci a été fait par le Protecteur du citoyen. Dès 1969, il y avait des recommandations quand même assez importantes dans le rapport, lesquelles recommandations n'ont pas eu de suites en termes de législation. Je pense que c'est peu-être malheureux que nous ayons à en prendre l'initiative. Pour mieux informer la Chambre ou mieux attirer l'attention du conseil des ministres auquel a référé le ministre des Communications, cette résolution... Comme on sait que le Protecteur du citoyen ne présentera pas son rapport annuel avant un certain temps, je pense que cette recommandation pourrait avoir, puisqu'il semble bien que tout le monde est d'accord au niveau de la commission de son bien-fondé, aurait peut-être comme effet d'accélérer un...

M. Hardy: C'est sans doute les meilleures lois adoptées par le...

M. Bédard (Chicoutimi):... amendement. M. le Président, toujours en farces, le ministre des Communications.

M. Hardy: Ce n'est pas une farce.

M. Veilleux: Le député de Johnson a dit oui.

M. Bédard (Chicoutimi): ... aurait pour effet, j'en suis convaincu, pour autant que le conseil des ministres est attentif, d'accélérer un amendement à la loi dans le sens qui a d'ailleurs été suggéré. En cela, je ne suis que l'écho du Protecteur du citoyen, ce qui a d'ailleurs été suggéré par le Protecteur du citoyen lui-même avec des motivations qui, je pense, pour l'ensemble des membres de la Commission, sont très valables. Ce serait peut-être aussi un des effets, à part les autres, positifs de cette commission parlementaire. Il y a assez que ce dossier, même si on n'a pas pu aller au fond

des choses à cause du libellé de la motion elle-même, a une forte saveur de patronage, une forte couleur de patronage, il ne faudrait pas y ajouter la couleur de la partisanerie. Dans ce sens, je suis d'accord pour accepter votre proposition ou votre suggestion, c'est-à-dire que ce soit sous forme d'un voeu à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lamontagne): On pourrait le recomposer, je pense...

M. Bédard (Chicoutimi): Au lieu de "recommande", "émet le voeu".

Le Président (M. Lamontagne): "Emet le voeu". Ce ne sera pas long. Je vais le relire.

M. Bédard (Chicoutimi): Exprime le voeu ou souhaite... Peut-être que le...

Le Président (M. Lamontagne): Souhaite... M. Bédard (Chicoutimi): C'est ça.

Le Président (M. Lamontagne): Bon! Que la commission émet le voeu ou souhaite? Souhaite? Emet le voeu?

M. Bédard (Chicoutimi): Choisissez.

Le Président (M. Lamontagne): Ce n'est pas moi qui rédige... Emet le... Bon! Que la commission parlementaire de l'Assemblée nationale émet le voeu que l'Assemblée nationale, suivant la suggestion du Protecteur du citoyen, modifie la Loi du Protecteur du citoyen, chapitre 2 des lois du Québec, 1968, en remplaçant la première ligne de l'article 17 de ladite loi, le mot "doit" par le mot "peut".

Des Voix: Vote! Vote!

Le Président (M. Lamontagne): Un instant!

M. Hardy: M. le Président, quant à moi...

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, s'il y a un vote, je voudrais...

Le Président (M. Lamontagne): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): ... demander la parole. S'il y a un vote, je voudrais vous donner mon opinion à savoir pourquoi je voterai contre. Parce que je ne crois pas que ce soit opportun de nous diviser sur une question aussi capitale que celle-là.

L'Ombudsman a été le premier, ce matin, à parler de cette législation qui existe dans d'autres provinces et dans d'autres pays. Il a constaté qu'il y avait là, probablement, un manque à légiférer, à décider.

Je pense que dans notre institution parlementaire, l'Ombudsman qui, lui, est au-dessus de tous les partis, puisque cela prend les trois quarts de la Chambre pour le destituer...

M. Léger: Les deux tiers...

M. Bellemare (Johnson): ... les deux tiers, pardon, en vertu de la loi, il représente, lui, une institution qui est plus forte que n'importe lequel de nous autres, même en commission et en séance, parce que son autorité est particulièrement... Il a à administrer une loi très contentieuse, et je pense que, fort de l'expérience qu'il a, et après avoir assisté, aujourd'hui, à cette commission parlementaire, déjà prémuni contre certaines failles de la loi, il a en main, je pense, tout ce qu'il faut pour faire ce voeu pieux, que tout le monde, peut-être, souhaite, si lui, avec son expérience, sa grande compétence, son grand discernement, peut faire la recommandation au gouvernement... Il s'agirait que cela vienne de moi, par exemple, de l'Opposition, pour que le gouvernement dise non.

M. Hardy: Ah non! Jamais! Voyons donc!

M. Bellemare (Johnson): Ah! Je ne suis pas sûr. Ah!

Vous savez, quand on trie des patates, c'est toujours des patates!

M. Hardy: Vous nous connaissez mal.

M. Bellemare (Johnson): Si j'avais fait le voeu pieux, M. le Président, je verrais un tollé, probablement, en Chambre, et les membres diraient: Cela vient du député de Johnson, non. Vous n'avez pas d'orgueil.

Une Voix: ... de la partisanerie.

M. Bellemare (Johnson): Non, pas de la partisanerie. Ne dites pas cela. Ce n'est pas joli. Ce n'est pas gentil. Non, pas par partisanerie. Non, il ne faut pas les prendre comme cela. Ils ne sont pas... Non, ils ne connaissent pas cela. Mais simplement, ils diraient: C'est le député de Johnson, non. Il faut que cela vienne de nous. Moi, je respecte le gouvernement. Je suis bien heureux de m'incliner devant ses sages décisions, mais que les sages, par exemple, pas les autres.

Mais je me dis que nous, les législateurs, si nous recevions de l'Ombudsman un voeu pieux, oh! je serais, moi, réellement intéressé et surtout fidèle à la recommandation, parce que je dirais: Voici une autorité qui a, elle, à exercer la loi. Pourquoi lui embrouiller les choses?

Si c'était moi qui avais pensé au voeu pieux, cela n'aurait pas passé en haut. Si c'est un autre de mes collègues de l'Opposition, cela ne passera pas non plus. Je le sais.

Vous êtes assez orgueilleux de votre loi et fiers que cela ne soit que vous qui fassiez des bons coups et jamais nous autres que vous allez dire: Pas cette année.

C'est pour cette raison que, s'il y a un vote, je voterai contre, parce que je veux que ce soit

l'homme le plus qualifié qui, lui, est dans la loi à la journée et sait pourquoi...

Je commence à comprendre un peu. Depuis le matin que je vous suis, M. l'Ombudsman, et j'ai beaucoup appris depuis le matin. Mais quand quelqu'un dit que c'est teinté de patronage... Oh! On ne devrait pas employer ce mot. Ce n'est pas joli, surtout devant l'Ombudsman, qui est sans tache...

M. Bédard (Chicoutimi): II est en dehors de cela.

M. Bellemare (Johnson): II est en dehors et il faut le dire...

M. Bédard (Chicoutimi): On le dira en temps et lieu.

M. Bellemare (Johnson): ... sans tache et il faut que cette institution soit respectée comme cela. Sinon, si on ne respecte pas cette institution... L'homme est peut-être un homme très qualifié, mais l'homme lui-même ne représente rien pour moi. C'est le poste. C'est dans la démocratie et dans le système parlementaire. Si on change notre habitude de considérer et d'accepter les décisions d'un homme aussi important, on commence alors à s'en aller sur une fausse voie, indépendamment de l'homme!

Je dis que, dans les circonstances, je suis presque assuré que l'Ombudsman, s'il le juge à propos, le fera, ce voeu pieux, pour empêcher le député de Johnson ou le député de Chicoutimi de se faire dire: Ce n'est pas à nous de faire cela.

Même si le député de Terrebonne se sent un peu lésé dans sa grande priorité d'occuper la première place dans la législation...

M. Hardy: Ce ne sont pas les hommes, c'est l'institution.

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

M. Hardy: Ce ne sont pas les hommes, c'est l'institution.

M. Bellemare (Johnson): C'est cela, mais il ne faudrait pas que l'institution ne comprenne que des hommes comme vous, parce qu'on ferait fausse route. Je suis bien prêt à vous considérer pour un, mais non pas pour plus. L'institution, c'est nous aussi.

M. Hardy: Tous nous autres.

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas toujours cela. Il y a des fois où vous fermez les yeux et dites: C'est nous autres, et cela vient de finir. Il n'y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

M. le Président, ie pense que le voeu pieux qu'émettrait l'Ombudsman serait entendu, je l'espère, des amis qui gouvernent, dans le plus grand intérêt de tous ceux que représente le Protecteur du citoyen.

Il ne faudrait pas m'en vouloir, si je vote contre, parce que je n'ai pas confiance dans les voeux pieux. J'ai assisté à une commission parlementaire du travail l'autre jour; on y a fait une série de voeux pieux et cela a fini en queue de poisson et le gouvernement a adopté la loi. C'est ce qu'il voulait. C'était la loi concernant la CTCUM.

Arrêtons de nous prendre pour d'autres! J'allais dire le mot, mais je ne l'ai pas dit.

S'il y a un vote, je voterai contre, laissant ce soin particulier de voeu pieux à l'Ombudsman, qui est détaché de tous les partis. Peut-être voit-il à l'application de l'article 17 une amélioration à apporter, parce que tout le débat d'aujourd'hui se fait sur l'article 17 et tout le débat d'aujourd'hui est contenu dans le rapport de 1969.

L'Ombudsman a pris la peine, dès 1969, d'écrire — et je ne sais pas si vous les avez lues — des pages et des pages pour expliciter pourquoi il appliquerait l'article 17. On ne pensait jamais qu'en 1974, il aurait à l'appliquer, mais déjà, sa bonne foi était connue.

Déjà, l'Ombudsman avait pris la précaution de dire: L'article 17 est un article dangereux et voici pourquoi, je l'explique. Il a pris la peine de le faire en 1969, cinq ans avant qu'arrive l'événement d'aujourd'hui. Il l'a explicité et il a visé ces données et vous allez voir comment il a été prudent. Mais qu'on cesse de l'accuser indirectement. Je voterai contre.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

Une Voix: On demande le vote, M. le Président.

M. Bédard (Chicoutimi): A la suite de l'intervention du député de Johnson, j'ai bien pris la peine, avant de présenter la motion de voeu à l'Assemblée nationale, de dire que je ne me faisais que l'écho du Protecteur du citoyen. Ce qui veut dire, très spécifiquement, que l'Opposition ne réclame en aucune façon le mérite du fond du voeu qui est exprimé. Je ne sais pas s'il faudrait aller jusqu'à s'en excuser auprès du groupe gouvernemental, mais nous avons simplement le mérite d'avoir pris l'initiative, M. le Président, d'acheminer vers vous un voeu, parce qu'il fallait le faire sous forme de motion, qui avait été très clairement exprimé par le Protecteur du citoyen, de telle façon que je n'ai pas d'objection... Il me semble qu'au niveau du fond, c'est suffisamment important et si, par partisanerie ou autrement, ou parce que cela vient de l'Opposition, ceci a pour effet d'amener le groupe gouvernemental à voter contre, M. le Président, je n'ai aucune objection à ce que la motion soit présentée au nom du gouvernement, si tel est son désir de la présenter.

M. Hardy: Vote.

M. Léger: Est-ce que vous avez écouté ce qu'il a...

M. Hardy: Ah! Oui.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous ne voulez même pas la présenter.

M. Hardy: II me semble que j'ai été clair. Je vous ai dit que ce n'était pas le processus normal de légiférer au niveau d'une commission parlementaire. C'est clair.

M. Bédard (Chicoutimi): Ce n'est pas vrai.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. Hardy: Je ne suis pas pour répéter cela dix fois.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes suffisamment partisan.

M. Hardy: Vous ne comprendrez pas plus à la neuvième fois qu'à la première.

Le Président (M. Lamontagne): Que ceux qui sont pour lèvent la main.

Que ceux qui sont contre lèvent la main. Cette motion est rejetée.

M. Hardy: Mais cela ne veut pas dire qu'on est contre le fond.

M. Bédard (Chicoutimi): Laissez faire.

M. Léger: On vote contre, mais on est pour.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! Je crois que vous aviez demandé la parole.

Une Voix: C'est comme l'augmentation de salaire, vous étiez contre, vous avez dit oui.

M. Bellemare (Johnson): Arrêtez donc cela. Il ne faut pas faire de la peine à ces gens-là. Vous n'êtes pas raisonnable du tout.

M. Hardy: Pourquoi dévoiler leur vrai visagel

M. Bellemare (Johnson): Encore une affaire qu'ils peuvent... C'est méchant.

Le Président (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! Est-ce que vous avez d'autres interventions? L'honorable député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, je sais que votre décision a été rendue. J'aurais peut-être d'autres questions concernant l'aspect de préjudice pécuniaire.

Le Président (M. Lamontagne): Toujours dans le même esprit de mes décisions antérieures...

M. Léger: Dans le corridor.

Le Président (M. Lamontagne):... dans le cor- ridor, comme dit le député de Lafontaine, ne connaissant pas votre question, je ne peux la juger, mais vous connaissez mes prises de position antérieures.

M. Bédard (Chicoutimi): Si je suis victime du corridor, M. le Président, je n'aurai pas d'autre question à poser.

Le Président (M. Lamontagne): Avec votre permission, j'inviterais peut-être le Protecteur du citoyen à vous faire part de son appréciation de cette première confrontation.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, comme vous voudrez, je tiens quand même à résumer. Peut-être que c'est...

Le Président (M. Lamontagne): Oui. Nous allons lui donner la parole et les parlementaires termineront ensuite.

M. Marceau: Je peux parler à la suite, à la fin, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Oui, parfait. Conclusions

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, sans mettre en doute l'intégrité personnelle du Protecteur du citoyen, il reste quand même certaines questions qui, à mon sens, auraient dû être élucidées beaucoup plus clairement si la possibilité nous en avait été fournie, si nous n'avions pas été, d'une certaine façon, astreints à un corridor que vous nous avez fixé; entre autres...

Le Président (M. Lamontagne): L'Assemblée nationale.

M. Bédard (Chicoutimi): ... sur le dernier point que je soulignais tout à l'heure, à savoir le préjudice pécuniaire subi par les Investissements Seigle. Je pense que les renseignements précis que nous avons ne nous permettent pas d'évaluer d'une façon claire ce qui aurait dû être fait, le préjudice pécuniaire qui a été subi par les promoteurs de la compagnie des Investissements Seigle.

En effet, ce point était très important, parce que, même juridiquement, il est clair que l'intrusion ou l'entrée du Protecteur du citoyen dans ce dossier devait être au moins très clairement justifiée par un préjudice financier qui aurait pu être fait à un groupe particulier. Or, dans ceci, il n'a pas, à mon humble opinion, été possible de clarifier nettement la situation. Ce que nous avons comme preuve directe devant nous, ce que nous avons pu avoir, c'est que cette compagnie, avec trois actionnaires principaux, à la fin de sa première année d'exploitation accusait un déficit pour l'année de $2,990. Pour ce qui est de l'année 1974, le Protecteur du citoyen nous a dit que cela pouvait, on me corrigera si ce n'est pas le cas, se chiffrer par $60,000, mais nous n'avons pas eu

d'indication précise, en termes de chiffres, qui aurait pu motiver ce montant avancé de $60,000.

Pour ce qui est de l'année 1975, le Protecteur du citoyen nous a dit qu'il n'en avait pas fait l'évaluation. D'autre part, dans son rapport, le Protecteur du citoyen dit, en fixant le taux de location et en demandant une majoration du taux de location de $3.75 à $4.50, qu'il en est arrivé à ce montant, avec les explications qu'il nous a données. Il dit dans sa lettre, très précisément, qu'il tenait à ce que les promoteurs des Investissements Seigle assument quand même une partie des conséquences de leur naïveté.

Nous reviendrons sur cette expression un peu plus loin. Or, la majoration qui est recommandée représente un montant, au bout de cinq ans, qui est quand même assez impressionnant.

A ce moment-là, si, d'une part, on a peut-être, selon ce qui a été avancé, diminué d'une certaine façon certains bénéfices que pouvaient appréhender les promoteurs d'Investissements Seigle, d'un autre côté, on leur donne suffisamment pour qu'effectivement, ils puissent assumer pleinement pour écarter les déficits qui auraient pu s'accumuler, lesquels déficits — je le dis sous réserve — on ne peut pas, avec le corridor qui nous a empêchés d'avoir les chiffres dont nous aurions eu besoin, qu'il aurait été nécessaire de communiquer à la commission... Ce défaut de renseignements ne nous permet pas honnêtement, du point de vue du préjudice pécuniaire, de l'évaluer complètement.

Dans ce sens-là, M. le Président, on ne peut pas en venir à la conclusion que les promoteurs d'Investissements Seigle ont assumé pleinement les conséquences de leur naïveté, ou encore de leur imprévoyance et nous nous posons encore des questions sur l'aspect de pénalité envers ces promoteurs.

Concernant le vice de consentement, M. le Président, il a été établi d'une façon très claire par le Protecteur du citoyen qu'au point de vue des administrateurs et plus particulièrement du directeur, il n'était pas question de mettre en doute la bonne foi de ces administrateurs, de ces fonctionnaires et, d'une façon particulière, du directeur, dont il est fait état à plusieurs reprises dans la lettre du Protecteur du citoyen.

Le plus loin que va le Protecteur du citoyen, c'est de dire qu'il a agi — pour employer très précisément son expression — de façon contestable face à cet aspect de la preuve ou des faits, si on veut employer cette expression qui a été mise devant la commission. Nous nous posons et nous continuons de nous poser des questions concernant l'à-propos des recommandations qui ont été faites au sous-ministre des Travaux publics, M. Trudeau.

Pourquoi se pose-t-on des questions sur l'à-propos de ces recommandations, M. le Président? C'est en référence à l'interprétation de l'article 26 qui dit expressément ceci et je cite: "Le Protecteur du citoyen doit aviser le chef du ministère ou de l'organisme intéressé chaque fois qu'au terme d'une enquête, il est d'avis qu'une personne a été lésée dans les circonstances prévues au premier alinéa de l'article 13, parce qu'un fonctionnaire, officier ou employé ne s'est pas conformé à la loi".

Je ne crois qu'il y ait de preuve, devant la commission, montrant que quelque fonctionnaire que ce soit ne se soit pas conformé à la loi. Egalement, au paragraphe b) il est spécifié ceci: "a agi de façon déraisonnable, injuste, abusive ou d'une manière discriminatoire;" Encore là, M. le Président, je ne crois pas que la preuve puisse nous permettre de voir qu'un fonctionnaire ait agi de cette manière.

Paragraphe c): "a manqué à son devoir ou fait preuve d'inconduite ou de négligence;"

Paragraphe d): "a commis une erreur de droit ou de fait, ou dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, a agi dans un but injuste en se fondant sur des motifs qui ne sont pas pertinents, ou en n'en motivant pas l'exercice lorsqu'il devait le faire."

M. le Président, peut-être que le Protecteur du citoyen pourrait nous donner certaines explications là-dessus. Il me semble que l'article 26 est très clair, premièrement, lorsqu'il spécifie qu'il faut qu'il y ait une personne qui ait été lésée dans les circonstances prévues au premier alinéa de l'article 13 et que, deuxièmement, parce que — c'est une autre condition — un fonctionnaire, officier ou employé ne se serait pas conformé à la loi ou aurait agi contrairement aux paragraphes b), c), d) et e) de l'article 26.

Il me semble qu'une recommandation — je prends seulement l'aspect juridique — était juridiquement possible à condition quand même de satisfaire aux conditions de l'article 26 qui est très explicite.

Or, à moins qu'on n'ait pas suivi la même preuve ou d'une façon différente, je ne vois pas tous les éléments qui puissent répondre aux implications de l'article 26.

Concernant le vice de consentement en ce qui regarde l'autre partie du cas spécial que nous avions à traiter, à savoir les promoteurs des Investissements Seigle, le Protecteur du citoyen a fait état en grande partie surtout de la naïveté de ces promoteurs face au projet qu'ils voulaient promouvoir. Là-dessus, je sais que c'est normal en droit, c'est normal lorsqu'on a à apprécier une situation. Là-dessus, on ne peut pas faire autrement que de se poser des questions non pas, encore une fois, sur l'intégrité du Protecteur du citoyen et sur le jugement qu'il a pu porter sur cette naïveté, avec la connaissance de tous les faits qui ont été portés à son attention, mais, avec les faits qui ont été portés à notre attention, il reste quand même que nous nous posons et nous continuons de nous poser des questions sur cette naïveté des promoteurs, parmi lesquels se retrouvait quand même un administrateur — ce n'est pas ce qu'il y a de plus naïf normalement; c'est normalement un homme averti versé dans les affaires — voire un notaire. Vous en êtes un, M. le Président, ce ne sont pas les gens qui, de prime abord, peut-être pas par...

Le Président (M. Lamontagne): Je voudrais

mentionner que la preuve n'a pas été faite qu'il agissait comme conseiller.

M. Bédard (Chicoutimi): Ce ne sont pas les gens qui, à prime abord, peut-être pas par...

Le Président (M. Lamontagne): Je voudrais mentionner que la preuve n'a pas été faite qu'il agissait comme conseiller.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Ce ne sont pas des gens qui, à prime abord, avec, soit l'instruction ou encore l'expérience qu'ils peuvent avoir des affaires, sinon de leurs affaires, au moins des affaires des autres, sont portés à la naïveté. Il y a également dans ce trio un agronome. Jusqu'à preuve du contraire, je ne crois pas non plus que ce soit le genre de personne qui n'est pas normalement avertie quand il s'agit de parler d'affaires ou de traiter de certaines affaires. Il y avait également un courtier en immeuble. On me corrigera, si je me trompe, préalablement à l'incorporation ou avant que ne soit signé le bail; il y avait également un médecin comme l'administrateur le notait ou l'agronome. Ils forment à eux quatre quand même un groupe d'hommes qui, de par leur profession, ne sont pas portés plus spécialement qu'il ne le faut vers la naïveté. Je le dis, et quand je le fais, je veux bien que ce soit clair. Je me pose des questions sur ce point. En le faisant, je ne veux pas avoir l'impression de me poser des questions encore une fois sur l'intégrité du Protecteur du citoyen, sur les faits, puisqu'il y a eu avec le Protecteur du citoyen bien des rencontres qui lui ont permis peut-être de se faire un jugement sur cette naïveté, à la lumière des faits qui sont à sa connaissance. Mais je tiens à le dire, lorsque je me pose ces questions, je ne m'en pose pas sur l'intégrité du Protecteur du citoyen qui, lui, a quand même pris une décision sur cet aspect de la question.

Au nom de l'Opposition, je pense que la naïveté, c'est difficile à comprendre. S'il n'y avait qu'un administrateur, cela pourrait aller, mais quand on voit un trio, presque un quatuor de personnes quand même assez versées normalement dans les affaires, pas plus crédibles qu'il ne le faut, c'est assez difficile à accepter. Je pense que l'Opposition a raison de continuer à se poser des questions sur cet aspect. Il se peut que ces personnes aient donné une impression très forte qui va jusqu'à la conviction, une impression très forte de naïveté, de telle sorte que le Protecteur du citoyen était justifié d'en venir à cette conclusion. Je pense qu'on ne peut pas écarter aussi, avec un tel assemblage d'hommes avertis, que tout cela ait pu être tout simplement un calcul pur et simple des personnes qui ont été mentionnées, qui a tout simplement mal fonctionné, parce qu'elles ont mal joué leurs cartes d'appuis électoraux ou autrement.

M. le Président, je terminerai là-dessus, je comprends que j'ai mentionné le préjudice pécuniaire.

Tenons pour acquis, pour les fins de la discussion, qu'il y aurait eu un préjudice pécuniaire important et qu'à ce moment, le Protecteur du citoyen, ayant à répondre à des critères d'équité qu'il se doit de faire respecter, ait pu juger bon d'intervenir. S'il y a l'équité, d'une part, il y a aussi, d'autre part, l'aspect de moralité du contexte dans lequel cela s'est passé, un contexte de patronage — il ne faut pas l'oublier — et cela n'a pas un contexte de coulisses, un contexte d'appui de personnes bien placées, que ce soit politiquement ou autrement. D'ailleurs, ce contexte a quand même été admis, d'une certaine façon, par le Protecteur du citoyen, qui a dit, à un moment donné, qu'il est très clair qu'il y avait certaines influences qui jouaient à l'intérieur du dossier. C'était tellement clair qu'il en est venu à la conclusion d'intervenir, parce que les administrateurs de la compagnie Les Investissements Seigle Limitée avaient agi avec l'assurance très claire que leur taux de location serait majoré. Alors, s'il y a l'équité, d'une part, M. le Président, il y a quand même, d'autre part, la moralité du contexte, et, dans ce sens, je crois que c'était une situation, pour le moins qu'on puisse dire, qui pouvait commander une prudence extrême.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président...

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson):... je me réjouis grandement que, par votre haute compétence, M. l'Ombudsman, votre sens de la justice et de l'équité, votre grande compréhension des problèmes de l'administration publique, votre prudence à naviguer quotidiennement à travers de nombreux cailloux, vous sortiez, ce soir, après une journée fort épuisante pour vous, mais très consolante pour ceux qui veulent que votre rôle continue dans la province, et surtout que jamais personne n'ose attaquer l'intégrité de votre conduite, avec les honneurs de la guerre, et que ce soir, vous retourniez vers vos occupations journalières avec la satisfaction du devoir accompli, et surtout, M. le Président, dans l'exercice de vos hautes fonctions.

Le Président (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Communications.

M. Hardy: M. le Président, je pense que l'expérience que nous avons vécue aujourd'hui, et ce qui a amené à cette séance de la commission aujourd'hui, peut nous amener à tirer certaines conclusions.

D'une part, s'il est vrai que, dans une démocratie, il est normal que les citoyens, les hommes publics et plus particulièrement l'Opposition, les journalistes, que tous ces gens aient une totale liberté de critiquer le gouvernement, ceux qui prennent des décisions, critiquer même les institutions, parce que les institutions ne doivent pas

être considérées comme ne pouvant pas être modifiées, améliorées, donc il est tout à fait normal de critiquer, il est normal d'accuser. Mais je pense que ce que nous avons vécu aujourd'hui nous rappelle, d'autre part, que, si tout cela est normal, il faut que ceux qui critiquent, ceux qui accusent, doivent le faire avec un sens de responsabilité. Avant de lancer des accusations à droite et à gou-che, il faut d'abord vérifier les faits, vérifier dans quelle mesure ces accusations, que l'on lance, reposent sur la réalité, ne sont pas simplement le fruit d'une partisanerie sans limite. Encore une fois, c'est une valeur très précieuse, dans une démocratie, que cette possibilité de s'exprimer librement, cette possibilité de critiquer les gouvernements et les institutions, il ne faut pas oublier que si cette prérogative est exercée d'une façon irréfléchie, d'une façon irresponsable, cela peut amener à détruire les institutions elles-mêmes, peut amener à détruire les valeurs mêmes qui nous permettent d'agir ainsi, de jouir de cette liberté.

M. le Président, après avoir assisté toute la journée à cette séance, j'en conclus, pour ma part, que l'accusation ou les accusations lancées par l'Opposition officielle s'inscrivent précisément dans ce genre d'accusations irresponsables, dans ce genre d'accusations qui sont faites uniquement dans un but partisan, parce qu'on veut recueillir quelques fruits électoraux. On est prêt à saper n'importe quoi, on est prêt à lancer n'importe quelle sorte d'accusations sans qu'elles soient fondées. On est prêt à confondre les choses, on est prêt même à s'attaquer à des institutions parce que la valeur des institutions dans une société peut varier, mais je pense que l'institution du Protecteur du citoyen en est une très importante — je ne dis pas que c'est la plus importante, il y a les tribunaux, il y a d'autres institutions — mais c'est une institution très importante qui peut rendre d'immenses services aux citoyens, surtout quand on fait face à une administration de plus en plus complexe, de plus en plus grande qui intervient, quotidiennement, dans la vie des citoyens.

Le Protecteur du citoyen joue maintenant et est appelé à jouer un rôle de plus en plus considérable.

Or, encore une fois, s'attaquer... Je ne dis pas que, si on a des motifs sérieux et valables de s'attaquer à la façon avec laquelle le Protecteur du citoyen accomplit sa tâche... C'est normal, mais le faire d'une façon irresponsable, sans preuve, comme on le fait, actuellement, je trouve cela absolument indécent. Quand tantôt, le député de Chicoutimi parlait de patronage, je ne sais vraiment pas s'il a réalisé exactement la situation dans laquelle on est placé.

Patronage... C'est du drôle de patronage devant lequel on est placé. Bien sûr, il a été à peu près admis par tout le monde qu'il s'agissait de personnes qui étaient d'allégeance libérale, qui ont conclu avec l'Etat un bail pour louer des édifices, mais qui en même temps — et c'est l'aveu même du Protecteur du citoyen... On découvre, qu'à un certain moment, après avoir été à tous les échelons de l'administration, même jusqu'au ministre, cela a été non, on leur a refusé d'augmenter leur loyer, c'est du drôle de patronage.

Qu'est-ce que c'est le patronage? Le patronage, c'est obtenir des faveurs à cause d'une certaine affinité politique. Ces personnes n'ont pas obtenu de faveur. Cela leur a été refusé et la preuve a démontré qu'elles étaient dans une situation pécuniaire extrêmement périlleuse et, malgré cela, malgré cette situation, ceux qui, théoriquement, étaient censés être leurs amis, qui étaient censés être au pouvoir...

M. Bédard (Chicoutimi): ... un débat sur l'aspect du patronage.

M. Hardy: ... leur ont refusé de modifier les conditions du contrat. Alors venir du patronage... Au contraire. Je pense que ce dossier est un cas typique d'antipatronage.

M. Léger: Ha, ha, ha!

M. Hardy: II n'y a pas eu de patronage. On a refusé de leur accorder des faveurs.

M. Léger: Je ne suis pas d'accord.

M. Hardy: Je conclus en disant et j'espère que l'événement que nous avons vécu aujourd'hui inspirera un peu plus de sens de responsabilité à certains hommes publics, inspirera aussi peut-être un peu de sens de responsabilité à ceux qui se considèrent les leaders de l'opinion publique, soit des éditorialistes ou l'ensemble du monde de l'information.

En terminant, bien sûr, je remercierai le Protecteur du citoyen, d'abord, pour nous avoir éclairés et je pense...

A ce moment-ci, je parle, non pas comme membre du gouvernement, mais comme parlementaire, j'espère que nous aurons, dans l'avenir, l'occasion de rencontrer, dans d'autres circonstances, dans des circonstances plus normales, le Protecteur du citoyen parce que je pense que l'exposé qu'il nous a fait aujourd'hui et les réponses qu'il a données aux questions qui lui ont été posées, tout cela a permis aux parlementaires de mieux comprendre la loi, le champ d'action où il doit intervenir et de comprendre, en fait, l'institution qu'est le Protecteur du citoyen.

Pour cela, je le remercie et espère que nous aurons l'occasion de le rencontrer à nouveau comme parlementaires.

M. Léger: Je voudrais moi aussi apporter certaines conclusions et commencer en disant que, malgré les affirmations du ministre des Communications et du cinéma, nous avons quand même aujourd'hui été limités dans un corridor de discussion qui nous a empêchés d'apporter beaucoup d'éléments supplémentaires qui auraient amené des discussions beaucoup plus raffinées concernant les méthodes de patronage du gouvernement actuel.

Cependant, avant de m'attaquer à une conclusion, on me permettra d'abord de rectifier certains faits qui pourraient laisser une mauvaise impression quant à l'attitude adoptée dans cette affaire par l'Opposition officielle. Il est inexact de laisser entendre que l'Opposition s'est attaquée à l'institution et à l'intégrité personnelle de l'Ombudsman. Autant j'ai condamné fortement l'intervention de l'Ombudsman dans une affaire de ce genre, autant j'ai évité d'en faire une question d'intégrité de celui qui remplit cette fonction. Je suis revenu plusieurs fois sur cette distinction en commission parlementaire précédente et celle d'aujourd'hui. Dans mon esprit, Me Marceau en tant qu'homme est au-dessus de tout soupçon, mais en tant que Protecteur du citoyen, il a posé, selon nous, un geste qui était dangereux et qui méritait qu'on étudie en profondeur le sujet dont nous avons discuté aujourd'hui, celui des Investissements Seigle dans lequel il est intervenu.

M. le Président, lorsque nous avons appris que la subvention de $111,300, au cours de la dernière commission parlementaire des engagements financiers, a été fondes sur une recommandation du Protecteur du citoyen, nous nous sommes posé des questions sur l'à-propos de cette intervention de l'Ombudsman dans un contrat comme celui-là, que nous savions alors avoir été accordé par patronage.

Le chef de l'Opposition, à la séance de la commission parlementaire de l'année dernière, avait soulevé le cas de la subvention de $109,000 suivie d'une autre de $1,500 en 1974. C'est par la suite, M. le Président, que nous avons pu prendre connaissance des raisons invoquées par le Protecteur du citoyen pour justifier son intervention et notamment, nous avons pu prendre connaissance de sa lettre du 15 mai 1975. Nous avons pu constater, à la lecture de cette lettre, que le Protecteur du citoyen lui-même s'était posé de multiples questions sur l'opportunité d'intervenir dans cette affaire. Nous avons cru qu'il était nécessaire que cette question soit discutée plus amplement au niveau d'une commission parlementaire, car nous n'étions pas convaincus, à le lecture de la lettre du 15 mai, que l'intervention du Protecteur du citoyen était justifiée. Nous avons entendu, aujourd'hui, le Protecteur du citoyen et nous connaissons beaucoup mieux maintenant les faits. Je dois dire tout de suite que bien que nous comprenions mieux la position du Protecteur du citoyen, nous ne partageons pas son point de vue quant à l'opportunité et même la légalité de son intervention dans une affaire de cette nature. Le député de Chicoutimi, tantôt, a parlé de l'article 26 et de notre interprétation de cet article qui, pour nous, ne permettait pas nécessairement au Protecteur du citoyen, d'intervenir. Il est clair, en effet, que le contrat dont il s'agit ici a été accordé par voie de patronage politique. S'il na pas été modifié en cours de route, si les promesses de certains fonctionnaires n'ont pas été respectées, c'est qu'entre-temps, ce patronage avait été exposé sur la place publique et revenir devant la commission des engagements financiers pour modifier ce contrat aurait soulevé un tollé de protestations et aurait fort embarrassé le gouvernement.

Les promoteurs des Investissements Seigle étaient donc punis par où ils avaient péché. Ils avaient comme atouts des atouts politiques, ils n'avaient pas les atouts de compétence, ils n'avaient pas les atouts financiers, ils avaient un atout politique.

M. Hardy: Ils ne faisaient pas...

M. Léger: A cause de cela, ils ne pouvaient plus revenir une deuxième fois devant le ministère qui leur avait refusé...

M. Hardy: Ils n'avaient pas le système des enquêtes...

M. Léger: Nous croyons que ce n'était que justice, par rapport à tous les citoyens du Québec qui n'ont pas la chance d'être du bon bord, comme on dit. M. le Président, nul homme d'affaires n'aurait agi de la façon dont les personnes mentionnées dans le dossier qu'on nous a donné, MM. Latour, Denault, Desmarais, etc., ont agi.

Ils auraient fait des études et ils auraient recommandé, ils auraient négocié un contrat plus élevé, mais ils se sont fiés à leur fortune politique, sachant que, parce qu'ils étaient du bon bord et qu'ils pouvaient avoir les députés avec eux, ils pourraient avoir des corrections.

M. le Président, le Protecteur du citoyen a jugé qu'il y avait là une question d'équité basée surtout sur la naïveté des promoteurs. Nous croyons moins que lui à cette naïveté, nous ne croyons pas que l'actuel député de Frontenac soit aussi naïf que cela, ni que l'homme de confiance du député de Saint-Jean soit aussi un naïf. C'est pourquoi nous croyons toujours que le Protecteur du citoyen aurait dû s'abstenir d'intervenir sur le plan de la moralité sur lequel ce contrat avait été conclu au départ. C'était clairement un cas frontière et nous pensons que l'institution du Protecteur du citoyen serait mieux servie par une plus grande prudence dans les transactions de moralité douteuse, comme c'était le cas pour les Investissements Seigle.

Le Président (M. Lamontagne): Me Marceau. Une Voix: C'est pas mal fort.

M. Marceau: M. le Président, je vais être très bref. Je ne veux pas revenir sur certaines des remarques que j'ai pu faire quant au cas lui-même, mais je voudrais exprimer simplement en terminant, deux souhaits. Le premier, du reste, rejoint un voeu qui a été exprimé ici précédemment. Je souhaite qu'à une autre occasion, il me soit donné la chance de parler de l'institution du Protecteur du citoyen, des conditions dans lesquelles l'institution se développe, de ses réalisations, ses préoccupations et aussi de la loi. Ce dont on a parlé ce soir, comme modifications possibles, n'est pas isolé dans la loi; il y a deux ou trois autres points qui devraient être améliorés, je pense.

L'an dernier, j'ai consacré, si mon souvenir est bon, 75 pages de mon rapport à discuter de l'avenir de l'institution. Si, à une autre occasion, dans des conditions meilleures, dans un climat plus favorable, il m'était donné la chance de m'exprimer, je crois que ce serait extrêmement bénéfique pour l'institution.

Un deuxième souhait, c'est que la convocation et la séance d'aujourd'hui ne deviennent pas un précédent, car, d'une part, encore que cela soit secondaire, mais je le souligne tout de même, il faudrait alors délimiter les limites de mon serment de confidentialité. Le problème ne s'est pas posé aujourd'hui, parce qu'on avait fait état du cas en dé- tail, mais j'ai l'impression que le problème se soulèverait vite. D'autre part, et surtout, surtout, s'il fallait que chaque dossier délicat susceptible de soulever les contestations risque de donner lieu à une convocation du genre, et sur 6,000 dossiers par année, je vous prie de croire qu'il y en a quelques-uns, c'en serait fait du système de I'Ombudsman.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lamontagne): Merci beaucoup. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 39)

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