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Contrôle et surveillance des
sociétés d'Etat québécoises
par le gouvernement et les membres de
l'Assemblée nationale
(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Richard): Je déclare ouverte cette
séance de la commission de l'Assemblée nationale aux fins
d'étudier les meilleurs moyens à prendre pour assurer un
contrôle et une surveillance plus efficaces sur le fonctionnement et la
performance des sociétés d'Etat québécoises par le
gouvernement et par les membres de l'Assemblée nationale.
Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Gratton
(Gatineau); M. Burns (Maisonneuve), M. Cardinal (Prévost), M. Charron
(Saint-Jacques), Mme Cuerrier (Vaudreuil-Soulanges), M. Dussault
(Châteauguay), M. Fallu (Terrebonne), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M.
Grenier (Mégantic-Compton), M. Jolivet (Laviolette), M. Lamontagne
(Roberval), M. Lavoie (Laval), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard
(Montmorency), M. Vaillancourt (Jonquière).
M. Gendron: M. le Président, pourriez-vous, à la
place de M. Bisaillon, mettre le nom de M. le ministre Bernard Landry, comme
membre?
Le Président (M. Richard): M. Bisaillon (Sainte-Marie) est
remplacé par M. Landry (Fabre).
M. Biron: Voulez-vous remplacer M. Bellemare par Biron et M.
Grenier par M. Brochu?
Le Président (M. Richard): M. Bellemare (Johnson) est
remplacé par M. Biron (Lotbinière); M. Grenier
(Mégantic-Compton) est remplacé...
M. Biron: Par M. Brochu.
Le Président (M. Richard): ... par M. Brochu (Richmond).
M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, dans toutes les commissions
parlementaires, il y a des membres de la commission parlementaire et il y a
aussi des intervenants, sauf pour la commission de l'Assemblée
nationale, parce que c'est une commission parlementaire spéciale. Si
c'était accepté par les membres de la commission ce matin, je
désirerais pouvoir participer aux travaux de cette commission, parce que
c'est une question qui m'a toujours intéressé et qui
m'intéresse encore.
Le Président (M. Richard): Je suppose qu'il n'y a pas
d'objection. M. le député de Beauce-Sud, cela va aller.
M. Roy: Merci.
Le Président (M. Richard): M. le ministre d'Etat au
développement économique, vous avez la parole.
M. Cardinal: II n'y a pas de rapporteur.
Le Président (M. Richard): Oh oui! Je suggère
qu'une motion soit présentée pour qu'un rapporteur de la
commission soit désigné.
M. Cardinal: M. Fallu, le député de Terrebonne.
Le Président (M. Richard): Est-ce que la motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Richard): Adopté. M. Fallu
(Terrebonne), vous êtes désigné comme rapporteur de la
commission. M. le ministre d'Etat au développement
économique.
M. Gratton: M. le Président, est-ce que le ministre
dispose de copies du texte qu'il va nous livrer?
Exposé du ministre d'Etat au
développement économique
M. Bernard Landry
M. Landry: Oui, M. le Président, ce sera une question de
minutes, les copies du texte.
M. le Président, c'est la première fois, sauf erreur,
qu'une commission parlementaire se réunit pour discuter, dans son
ensemble, des moyens pour améliorer le contrôle et la surveillance
des sociétés d'Etat par le gouvernement aussi bien que par
l'Assemblée.
Bien sûr, par le passé, de nombreuses commissions ont
étudié des sociétés d'Etat individuellement, mais
elles n'avaient pas pour but, de façon spécifique,
d'étudier la manière dont le gouvernement et l'Assemblée
devraient organiser ou améliorer les liens et les contrôles
à appliquer. Par conséquent, je dis, sans ambages, que la motion
qui nous a amenés ici était extrêmement pertinente. J'en
rends hommage au chef de la formation politique qui l'a proposée. Elle
était pertinente, nous le verrons, par les quelques propos qui suivront,
non seulement dans notre Assemblée nationale et notre Parlement, mais
pratiquement tous les Parlements du monde sont aux prises avec le même
problème. Cela n'existait pas quand ces Parlements sont nés, mais
depuis 1945, en particulier, il n'y a pas de grande société
industrielle contemporaine qui n'ait pas un grand nombre de
sociétés d'Etat. On est bien en dessous de la moyenne, en fait.
Les élus du peuple et les gouvernements ont éprouvé le
besoin de voir de quelle manière les fonds publics qui s'en vont dans
ces sociétés d'Etat sont contrôlés et comment
l'activité de ces sociétés est contrôlée.
Nous avons donc en commun cette préoccupation avec à peu
près tous les parlementaires contemporains. Il y a des Parlements qui
ont essayé de s'en sortir convenablement, on le verra aussi.
On peut estimer à environ 200 les organismes autonomes de
l'administration québécoise. Au plus une trentaine peuvent
être considérés comme des sociétés d'Etat,
assumant principalement des fonctions de gestion économique, commerciale
ou financière. Si on s'en tient aux 18 principales, on peut dire que
globalement, elles regroupaient en 1977 près de $20 milliards d'actif,
ce qui est beaucoup d'argent, et avaient 35 000 employés. Un survol de
la situation des pays occidentaux indique que l'importance du secteur des
entreprises publiques est considérable dans l'ensemble des pays
européens, 20% à 30% de formation brute du capital fixe par
rapport à 12% au Japon et au Canada. Je fais remarquer que la proportion
pour le gouvernement du Canada est plus élevée que pour le
gouvernement du Québec parce qu'il y a de très grandes
sociétés nationalisées ou d'Etat au niveau
fédéral.
Il y a aussi des domaines spécifiques dans lesquels les
gouvernements de la plupart des pays industriels sont intervenus, les
entreprises de transport, les télécommunications, les secteurs
d'énergie et des finances. Les avantages de ce type d'intervention par
l'Etat sont maintenant acceptés à peu près partout dans le
monde, comme l'un des moyens les plus sûrs d'assurer le fonctionnement de
ces secteurs, même les Etats-Unis d'Amérique qui ont le
modèle qui colle le plus au libéralisme théorique,
à l'époque du "new deal", ont mis sur pied un certain nombre de
sociétés d'Etat, dont la plus célèbre est Tennessee
Valley Authority, qui aujourd'hui, est encore une société
très active chez nos voisins du Sud. (12 h 15)
La création de sociétés d'Etat au Québec a
permis d'assurer une présence québécoise dans certains
secteurs clefs, de cristalliser l'initiative industrielle dans d'autres, de
pallier les imperfections du marché ou inversement de mieux gérer
certains services publics.
Il y a cinq sociétés qui regroupent près de 95% des
actifs; on voit donc qu'en termes d'actifs, il y a une concentration absolument
phénoménale. Les cinq "grandes soeurs", si on peut dire, sont
Hydro-Québec, Caisse de dépôt, SIDBEC,
Société d'habitation du Québec et SGF. Quatre de ces cinq
ont 90% des employés, ce sont: HydroQuébec, SIDBEC, SGF et
Société des alcools. Au total, les activités attribuables
aux sociétés d'Etat sont essentiellement concentrées dans
les six sociétés mentionnées.
La question que nous nous posons porte sur la forme et l'ampleur que
doivent prendre les contrôles du gouvernement et de l'Assemblée
sur les sociétés; c'est vraiment le coeur du problème.
Comment, notamment, concilier la volonté de l'Etat de se servir des
sociétés comme instruments de sa politique économique, la
recherche de l'efficacité, la nécessité de l'autonomie de
gestion avec laquelle tout le monde sera d'accord, j'en suis convaincu, et la
dynamique propre du marché. Car, qui dit sociétés
industrielles et commerciales dit concurrence dit changements rapides dans le
marché et dans l'attitude des concurrents, etc. quand il y a des
concurrents, évidemment, parce que certaines sociétés sont
en monopole.
La question que se pose la commission a déjà
été posée ailleurs et on ne peut pas dire qu'il y ait de
réponse tout faite. Dans des pays comme l'Allemagne ou l'Angleterre,
où la présence d'entreprises publiques est nettement plus
importante qu'ici, cela se pose régulièrement à quelques
années d'intervalle et d'année en année. Le dernier livre
blanc britannique sur le sujet date de mars de cette année; je cite
l'étude, c'est "The Nationalized Industries" présentée au
Parlement par le Chancelier de l'Echiquier en mars 1978, donc une étude
extrêmement récente. Celle-là est très riche de
renseignements pous nous parce qu'il s'agit d'un Parlement qui est le type
même du parlementarisme britannique, la mère de tous les
Parlements, c'est Westminster qui, en d'autres termes, se pose exactement le
même problème que nous nous sommes posé. Dans cette
étude, on essaie, une nouvelle fois, de concilier autonomie, dynamisme
et planification stratégique de l'entreprise avec les
intérêts et les politiques économiques et sociales
gouvernementales.
Au Québec, plusieurs études ont été
poursuivies au sein de l'administration au cours des années. Dans les
années 1970-1971, le Comité de la réforme administrative a
essayé de clarifier l'ensemble des rapports entre le gouvernement et les
organismes autonomes, offices, régies, conseils et les
sociétés d'Etat. Les recommandations du comité n'ont
été que très partiellement suivies au niveau des
sociétés d'Etat, à cause de la difficulté de mettre
en place les mécanismes et l'ampleur de la tâche qu'il aurait
fallu entreprendre au niveau de la transformation des lois des
sociétés et de leurs rapports avec le gouvernement.
Par contre, la réflexion s'est poursuivie et un groupe de travail
sur l'administration gouvernementale, en collaboration avec les ministres de
tutelle qui sont essentiellement, comme vous le savez, le ministre de
l'Industrie et du Commerce, le ministre délégué à
l'Energie et le ministre des Finances, a procédé à un
nouvel examen des moyens permettant une meilleure cohérence entre les
actions des sociétés d'Etat et les politiques
gouvernementales.
Un bilan sommaire de nos réflexions sur le fonctionnement des
sociétés d'Etat indique que les sociétés d'Etat
prises individuellement ont apporté des résultats satisfaisants
par rapport aux moyens financiers dont elles disposent, bien qu'il faille
admettre que leur rôle demeure relativement secondaire par rapport
à l'ensemble des activités économiques.
Certaines sociétés d'Etat devraient prendre les devants et
commencer elles-mêmes des projets de développement industriel et
jouer un rôle plus agressif et plus actif au niveau de la structure
industrielle. Les sociétés d'Etat, dans leur ensemble, manquent
de coordination entre elles. Elles ne réagissent pas conjointement et,
souvent, elles ne sont même pas informées des actions des unes et
des autres.
Il y a aussi un problème important dans les relations entre les
sociétés d'Etat et le gouverne-
ment. Le gouvernement est souvent fort mal informé des
perspectives de développement de ces sociétés. Cela
entraîne un manque de coordination entre ces sociétés. Ce
sont les réflexions auxquelles en étaient venus les travaux de
1970, de 1971 et postérieurement.
Comme vous le savez, notre gouvernement considère que les
sociétés d'Etat doivent jouer un rôle de premier plan au
niveau du développement économique. Il considère
particulièrement important que les sociétés soient
efficaces dans leur gestion, que celles oeuvrant dans le domaine commercial et
industriel soient rentables et que l'ensemble des sociétés d'Etat
participent à leur niveau aux politiques de développement
économique du Québec.
Je voudrais revenir sur le mot rentabilité. Il s'agit de
rentabilité au sens de l'entreprise, parce qu'une chose peut être
rentable sur le plan social, sur le plan politique, en accumulant des pertes
pharamineuses. Rentable veut dire rentable.
Une société d'Etat qui va d'un déficit à
l'autre, sans un horizon précis, pour revenir dans le noir, comme on dit
communément, ne contribue pas à la richesse nationale. Elle
contribue à l'appauvrissement national, ce qui ne veut pas dire qu'on ne
doit pas donner aux sociétés publiques la même latitude que
celle qu'ont les entreprises privées d'attendre leur rentabilité
pendant un certain temps. Il y a des grands consortiums privés qui ont
investi, par exemple, sur la Côte-Nord.
Vous vous souvenez des énormes investissements faits sur la
Côte-Nord avant 1960. Ces sociétés étaient des
sociétés typiquement privées, mais avaient les reins
solides et pouvaient attendre la rentabilité et, effectivement, elle est
venue. C'est d'ailleurs pour avoir les moyens de cette politique que le Conseil
des ministres a décidé, le 9 février 1977, de prendre
trois catégories de mesures qui sont les suivantes. Dix-sept des
principales sociétés à vocation industrielle, commerciale
ou financière auront à soumettre un plan de développement
de trois ans à l'approbation gouvernementale et devront par ailleurs
suggérer des critères de performance et d'efficacité.
Deuxièmement, un fonctionnaire serait nommé vous
verrez par la suite qu'il l'a été au secrétariat
général du Conseil exécutif pour faciliter la coordination
des relations entre le gouvernement et les sociétés d'Etat.
Troisièmement, on profiterait des modifications
législatives, des lois constitutives des sociétés pour
arriver graduellement à un régime juridique similaire pour des
sociétés semblables et qui intégrerait notamment
l'obligation d'un plan de développement et la possibilité pour le
ministre de tutelle d'émettre des directives. Nous n'avons pas
jugé bon de rouvrir toutes les lois de toutes les sociétés
d'Etat, il y en a tellement. Nous avons plutôt opté pour une
attitude graduelle ayant défini au départ notre philosophie et,
au fur et à mesure où les lois seront rouvertes, des amendements
adéquats seront proposés.
Déjà cette année, des travaux concernant les plans
de développement ont été faits pour l'Hydro-
Québec, SIDBEC et particulièrement la SGF. De plus,
l'avenir de plusieurs sociétés d'Etat a été
discuté au comité ministériel permanent de
développement économique. Cela a déjà pu permettre
une plus grande cohérence des interventions de l'Etat. En plus de la
nomination d'un secrétaire général associé au
Conseil exécutif en fait, c'est M. Jessop, qui est un haut
fonctionnaire québécois connu, il est d'ailleurs parmi nous ce
matin en plus, donc, de la nomination de M. Jessop, secrétaire
général associé du gouvernement et sous-ministre en titre,
responsable des relations entre les sociétés d'Etat et le
gouvernement, d'autres postes de sous-ministres adjoints responsables des
sociétés d'Etat ont été créés pour
les deux ministères de tutelle qui ont une responsabilité
particulièrement importante, comme je vous l'ai dit: ce sont les
Finances et le MIC. Ces sous-ministres sont également parmi nous.
Les activités des sous-ministres adjoints ont été
essentiellement centrées vers la solution opérationnelle de
certains problèmes des sociétés dont ils avaient la charge
de suivre les activités. Quand je dis vers les solutions
opérationnelles de certains problèmes, plusieurs parmi vous ont
compris que j'emploie là un euphémisme, parce qu'il y avait
certaines sociétés qui, comme problèmes
opérationnels, ne présentaient pas une feuille
particulièrement rose. D'ailleurs, les parlementaires en seront saisis
dans un cas particulier sous peu.
La nomination de ces sous-ministres adjoints a permis
l'établissement de liens soutenus avec les sociétés sur
une base plus continue. Cela nous apparaît particulièrement
important même si on n'introduit pas ces modalités de relations
dans l'arsenal habituel du contrôle des sociétés d'Etat par
le gouvernement et l'Assemblée nationale.
On s'est aperçu que si on voulait vraiment être efficace,
agir sur les sociétés, mais aussi bien utiliser leur
compétence tout en favorisant leur rentabilité, il fallait
être très souple dans l'approche et passer par un processus de
concertation beaucoup plus que par un simple processus d'approbation.
Un autre type de réflexion est en cours au Conseil
exécutif, c'est celui de la coordination des entreprises d'Etat et de la
coordination des moyens d'intervention de l'Etat avec chacune de ces
entreprises. On voit donc qu'au niveau gouvernemental, le dossier du
contrôle des sociétés d'Etat a progressé
relativement rapidement; rapidement, en fait, puisqu'on vous parle
déjà d'un comité d'étude de 1970-1971, ce qui veut
dire que, dans les deux ans, à peu près, où on a
été en mesure de faire des choses, on a agi non pas d'une
façon globale et magistrale, ce serait prétentieux de dire
ça, mais on a fait des bons pas dans la bonne direction.
L'Assemblée nationale se préoccupe aussi, à juste
titre, du contrôle et de la surveillance des sociétés
d'Etat. Elle a pu le faire, par le passé, en de multiples occasions.
L'intervention de l'Assemblée nationale et des commissions
parlementaires joue évidemment un rôle central au moment de la
création d'une société ou de la modification de sa
loi. C'est à ce moment qu'on discute des buts et des objectifs,
des moyens mis en oeuvre et aussi des relations que le gouvernement et
l'Assemblée désirent mettre en place entre la
société et eux-mêmes.
Il faut d'ailleurs remarquer que c'est l'Assemblée nationale qui
détermine le pouvoir autonome de la société et la
dévolution de la responsabilité opérationnelle à
ses dirigeants et administrateurs.
Depuis deux ans, l'Assemblée nationale a eu l'occasion
d'établir ou de modifier quatre lois concernant les
sociétés d'Etat. D'autres lois vont être
étudiées ou modifiées dans peu de temps et des projets de
loi viennent d'être déposés en première lecture. Une
autre manière de contrôler les activités des
sociétés d'Etat, c'est de convoquer les entreprises à des
commissions parlementaires spécialisées pour leur poser des
questions sur leurs activités en général ou sur des
projets plus précis. C'est ainsi que, depuis deux ans, trois commissions
parlementaires ont été convoquées, deux pour
l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie
James, une pour SIDBEC.
Il faut aussi ajouter que les membres de l'Assemblée nationale
ont la possibilité de poser de nombreuses questions sur les
sociétés d'Etat et ils ne s'en privent pas. C'est d'ailleurs fort
heureux, notamment lors de l'étude des crédits budgétaires
des ministères de tutelle. D'ailleurs, plusieurs ministres ont
présenté, à diverses occasions, les activités des
sociétés dont ils avaient la responsabilité.
On peut aussi signaler que les sociétés d'Etat, par
l'intermédiaire du ministre de tutelle, déposent leurs rapports
annuels et leurs états financiers à l'Assemblée nationale.
Ceci permet une information minimale, j'en conviens, sur l'évolution de
ces sociétés. Dans le but de permettre une analyse plus
complète et structurée, les comptes publics sont
présentés de manière qu'un des volumes reproduise au
complet l'ensemble des états financiers des entreprises
nationalisées du Québec ou du secteur public.
Nous concevons que l'Assemblée nationale désire, elle
aussi, améliorerla cohérence et l'efficacité du
contrôle qu'elle peut ou pourrait avoir sur les sociétés
d'Etat, mais il faut situer ce souhait par rapport aux décisions
précédentes qu'elle avait prises quant aux pouvoirs
accordés à chacune des sociétés. Après avoir
fait le point et le bilan sommaire de ce que nous avons fait jusqu'ici, je
voudrais vous présenter notre position, de manière que l'on
puisse entrer rapidement dans le vif du sujet en connaissance de cause.
Brièvement, le gouvernement conçoit les
sociétés d'Etat comme des outils pour favoriser le
développement économique. Il désire, pour cela, mieux
encadrer leurs activités, de manière qu'elles atteignent les
objectifs fixés et respectent les politiques gouvernementales. Par
contre, il entend et c'est très important maintenir un
juste équilibre entre la nécessité de contrôle et
d'orientation et l'autonomie de gestion de ces sociétés. Il
compte être souple et déterminer les attentes en fonction de la
situation financière de chacune d'entre elles et des mandats qui leur
ont été confiés. Cet aspect souplesse, je pense que tous
ceux qui ont une certaine connaissance des entreprises qui sont en concurrence
avec d'autres et du secteur commercial et industriel reconnaîtront qu'il
est absolument fondamental. Il ne serait pas de bon aloi que les gens des
sociétés d'Etat qui ont des concurrents du secteur privé
doivent s'adresser au gouvernement ou à l'Assemblée nationale
pour un oui ou un non, pendant que leur compétiteur est en train de les
sortir du marché ou de les massacrer dans une soumission.
Remarquez que lorsque les sociétés vont bien, la
nécessité de contrôle est ressentie beaucoup moins
vivement. Je prends un exemple neutre qui ne touche aucune de nos
sociétés. Le président de la régie Renault, qui a
dirigé ses destinées pendant 25 ans, M. Dreyfus, a écrit
un livre pour rapporter son expérience, et il dit dans son livre qu'il a
rencontré son ministre trois ou quatre fois. Trois ou quatre fois, il a
parlé à son ministre de tutelle. Mais il ajoute que ses
succès commerciaux, à l'exportation en particulier,
impressionnaient tellement le gouvernement que, lorsque l'argent rentre, que
les bagnoles sont construites, qu'elles se vendent et que les travailleurs sont
bien traités par l'entreprise, ils sont convoqués moins souvent,
cela va de soi.
Le gouvernement désire notamment que les sociétés
d'Etat engagées dans la production et la vente sur le marché des
biens et services fonctionnent de façon rentable. Le gouvernement
désire clarifier la situation au niveau de la nature des
activités rentables par rapport à celles qui ne le sont pas, et,
de façon générale, désire créer et obtenir
les outils nécessaires pour déterminer l'efficacité et la
performance des sociétés.
Devant la complexité de la tâche, le gouvernement est
ouvert à toute suggestion qui concilie l'orientation des
sociétés par l'Etat, qui recherche l'efficacité et
respecte leur autonomie de gestion. Le gouvernement est ouvert à toute
proposition que pourrait faire la commission parlementaire pour
améliorer l'information des membres de l'Assemblée nationale sur
les activités d'Etat et sur leur performance. (10 h 30)
II faut cependant être bien conscient que la création d'une
société est en quelque sorte la reconnaissance d'une autonomie et
l'affectation d'une responsabilité au niveau de la
société. Cela est d'autant plus vrai que ceux qui sont
nommés à la tête de ces sociétés ont besoin
de se reposer sur une loi qui fait d'eux autre chose que des créatures
contrôlables de semaine en semaine par le gouvernement.
Comme nous l'avons déjà signalé, les moyens actuels
d'être informés sont nombreux. Ce qu'il faudrait c'est sans doute
mieux les utiliser et peut-être mieux les organiser. J'espère que
le débat d'aujourd'hui permettra de clarifier les moyens qu'il serait
peut-être utile de mettre en place.
Au niveau proprement gouvernemental, le gouvernement désire
réaffirmer sa volonté de
définir de façon plus précise ses attentes
vis-à-vis des sociétés d'Etat, d'établir avec elles
des liens plus continus et de veiller à ce qu'elles atteignent leur
mission de façon toujours plus efficace.
C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre l'établissement graduel
d'un certain nombre de mécanismes permettant l'interaction entre l'Etat
et les sociétés. Le plan de développement est toujours une
des obligations que veut imposer l'Etat aux sociétés, mais son
contenu fera l'objet d'une entente avec chacune des sociétés et
l'élaboration annuelle devra faire l'objet d'une concertation
réciproque. Ceci ne peut pas se faire du jour au lendemain, notamment,
à cause de la mise en place de l'expertise nécessaire tant au
niveau gouvernemental qu'éventuellement au niveau des
sociétés d'Etat.
Le gouvernement compte aussi plus que jamais clarifier les
activités des sociétés d'Etat qu'il considère
devoir être rentables. Il désire pour celles-ci, mais aussi pour
toutes les autres, des critères d'efficacité et de performance au
niveau de la gestion des sociétés d'Etat. Il est certain qu'une
partie des problèmes des sociétés aurait pu être
perçue par le gouvernement de façon beaucoup plus rapide et les
solutions être élaborées bien avant si elles devaient faire
rapport régulièrement sur leurs activités et leur
situation financière.
Nous avons été mis devant des situations qui dans certains
cas, frôlaient la catastrophe et il aurait été bien
souhaitable que le gouvernement et l'Assemblée nationale aient pu voir
venir les coups d'une autre façon.
Dans le but de s'assurer que la société puisse percevoir
et s'adapter aux politiques gouvernementales, le gouvernement compte
graduellement introduire le pouvoir de directives de la part du ministre de
tutelle. Certaines des nouvelles lois que vous avez adoptées, que nous
avons adoptées prévoient ce pouvoir de directives. Certaines
anciennes lois le prévoyaient aussi.
L'utilisation de ce pouvoir devra se faire de façon judicieuse,
car il est souvent plus utile de passer par un processus informel, comme par
exemple un dialogue avec les membres du conseil d'administration.
L'émission de directives permet de bien clarifier les attentes
gouvernementales quant à certaines orientations majeures et quant
à l'application de politiques aux sociétés.
Le gouvernement compte aussi se pencher sur une réforme de
structures pour renforcer, au niveau central, la coordination et la
cohérence de l'effort gouvernemental. Elle viserait également
à améliorer la gestion des sociétés d'Etat,
coordonner les multiples interventions possibles du gouvernement dans les
sociétés et, inversement, leur permettre de défendre
autrement qu'individuellement leurs intérêts et leurs objectifs
face à l'Etat.
Dans un souci de grande ouverture et d'une plus grande efficacité
administrative, le gouvernement est sur le point de confier un mandat à
un comité d'étude sur les meilleurs moyens à prendre pour
assurer un contrôle plus efficace sur le fonctionnement et la performance
des sociétés d'Etat québécoises par le gouvernement
et par l'Assem- blée. Ce comité tombe à point, si l'on
peut dire, parce qu'il pourra profiter largement de ce rapport britannique
auquel j'ai fait allusion et aussi de travaux très importants faits au
niveau du gouvernement du Canada, au cours des dernières années,
pour arriver aux fins que nous recherchons.
En terminant, j'insiste encore sur le fait que nous sommes ouverts
à toutes suggestions qui pourraient venir de cette commission. Nous
avons l'intention d'en tenir compte, si elles sont véritablement
originales et nous apparaissent applicables parce que, encore une fois, comme
tous les gouvernements et les Parlements occidentaux, nous sommes en recherche,
une recherche sincère, nous ne prétendons pas avoir le monopole
de la vérité ou de l'efficacité. Nous avons fait quelques
pas dans la bonne direction. Avec votre aide, nous sommes tout à fait
disposés à en faire d'autres. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre d'Etat au
développement économique. M. le député de
Gatineau.
Remarques de l'Opposition M. Michel Gratton
M. Gratton: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord
souligner que je remplace M. le député de Jean-Talon qui,
à cause de circonstances que tous connaissent, a été
empêché d'assister à cette séance de la commission,
à laquelle, vous en conviendrez tous, il s'est intéressé
et il s'intéresse toujours de façon particulière.
En adoptant la motion du chef de l'Union Nationale, il y a quelque
temps, à savoir de tenir cette commission parlementaire, motion qui,
d'ailleurs, a été adoptée à l'unanimité de
la Chambre, c'est bien entendu que les députés de
l'Assemblée nationale visaient surtout à trouver les
mécanismes selon lesquels ils pourraient, sinon mieux contrôler,
tout au moins être mieux informés, et par le fait même,
mieux informer la population des opérations et des objectifs que
poursuivent les sociétés d'Etat.
Le ministre l'a souligné lui-même, il y a lieu de
s'interroger sur la définition qu'on peut donner à une
société d'Etat. Quant à nous, je pense qu'il est clair que
nous incluons dans ce terme général tous les organismes autonomes
paragouverne-mentaux qui, indépendamment de leur gré d'autonomie,
de leur performance et de la possibilité de mesurer l'efficacité
et la rentabilité, sont quand même sujets, selon nous, à un
contrôle ou tout au moins à un examen par les élus de
toutes les formations politiques.
Il est clair qu'au préalable, je pense que c'est le
député de Saint-Laurent qui l'avait mentionné, avant
même que nous puissions établir de quelle façon la
responsabilité ministérielle peut mieux être
contrôlée ou peut mieux s'affirmer au niveau de la
députation, il est essentiel pour le gouvernement de définir
d'abord lui-même le type de relations qu'il veut entretenir avec les
sociétés
d'Etat. On a quelques indications de la volonté du gouvernement
d'en arriver à une meilleure définition du type de ces
relations.
On constate à l'étude des nombreuses lois qui sont
déposées de jour en jour que de nouvelles commissions, de
nouveaux offices, de nouveaux organismes paragouvernementaux sont
créés presque à toutes les cinq lois. Il faut
s'interroger, si on pousse assez la réflexion avant de faire ces lois,
sur la nécessité réelle de créer de nouveaux
organismes, alors qu'il en existe déjà plusieurs dans des
domaines connexes. Un exemple récent est peut-être la Commission
de contrôle du territoire agricole où l'on formera de toutes
pièces un nouvel organisme, une nouvelle commission. On a
peut-être une indication, je ne le pense pas réellement, des
intentions du gouvernement par rapport aux relations qu'il entend entretenir
avec les commissions, lorsque dans le cas particulier de la Commission de
contrôle du territoire agricole, on note que le gouvernement, en aucun
temps, peut modifier ou peut retirer à la commission une juridiction
quelconque de son choix, et assumer lui-même les pouvoirs qui sont
conférés par le projet de loi à la commission en cas d'un
tel retrait. Je doute fort que le gouvernement s'apprête à faire
des lois semblables qui pourraient s'appliquer aux sociétés
d'Etat les plus importantes comme l'Hydro, la Société
d'habitation, etc. Toujours est-il qu'on a là une indication qui, sans
être complètement originale, est quand même nouvelle et qui
pourrait nous en dire long sur les intentions du gouvernement
éventuellement.
Le ministre a mentionné qu'il y a 200 organismes autonomes qui
relèvent de la compétence de l'Assemblée nationale d'une
façon ou d'une autre. C'est bien évident que c'est la
responsabilité du gouvernement d'établir les priorités,
d'établir les objectifs et d'établir les mécanismes selon
lesquels les relations entre le gouvernement et les sociétés
d'Etat ou les organismes autonomes peuvent le mieux se faire.
Au niveau de l'Opposition, c'est à la suite de cette prise de
décision du gouvernement que nous devons nous interroger sur les
façons de mieux assurer la participation et l'information, non seulement
des députés, mais, par leur entremise, de la population, sur les
activités et les opérations de ces sociétés d'Etat.
Il y a eu un certain nombre de suggestions de faites à l'occasion du
débat sur la motion du chef de l'Union Nationale et à d'autres
occasions.
On se réfère ce matin, dans le texte du ministre, aux
mécanismes qui sont déjà connus, telles les commissions
parlementaires. C'est à ce niveau, je pense qu'il faudra
éventuellement s'en remettre, sauf qu'il y aurait lieu, à ce
moment-ci et, selon ma conception, c'est le rôle et le mandat de
la commission d'aujourd'hui de tâcher de définir quelles
seraient les façons d'améliorer le travail des commissions
parlementaires, parce que tous conviendront que, lorsqu'on a convoqué
l'Hydro-Québec à deux reprises, le ministre
délégué à l'Energie a lui-même fait
état de son insatisfaction sur le degré d'information qu'on peut
obtenir des administrateurs des sociétés d'Etat, mais aussi sur
la compréhension que peuvent avoir les députés, aussi
bien, et encore pis, que la population, sur les interprétations qu'on
peut faire des informations fournies.
Une suggestion qui avait été faite par le
député de Saint-Laurent, sinon par le député de
Jean-Talon, était, sinon de copier, tout au moins de s'inspirer de
l'exemple des commissions d'enquête du Sénat américain
où les partis représentés à l'Assemblée
nationale peuvent, dans une certaine mesure, se doter d'experts ou s'associer
des experts-conseils pour en venir à un meilleur approfondissement des
dossiers. On sait que les services de recherche mis à la disposition des
partis d'Opposition, en particulier, sont loin de suffire à l'analyse
complète et valable des activités de 200 organismes
paragouvernementaux. Ce serait peut-être là une façon de
faire en sorte que, les députés, étant mieux
préparés, étant mieux informés, les débats,
les discussions dans une commission parlementaire, aussi bien qu'à
l'occasion de l'adoption d'une loi créant une nouvelle
société ou modifiant la loi d'une société
existante, puissent mieux informer la population.
Une autre suggestion avait été faite à l'effet de
tenter de regrouper de quelque façon les sociétés d'Etat
selon leur mission générale. Je pense bien que les commissions
parlementaires sectorielles peuvent difficilement, vu la complexité du
sujet, donner des résultats valables, et il y aurait peut-être
lieu de regrouper les sociétés d'Etat selon leur mission, de
façon à avoir des discussions plus larges, dans un premier temps,
sur l'orientation générale de ces sociétés d'Etat
pour ensuite, à une occasion spécifique comme la hausse des
tarifs de l'Hydro-Québec, par exemple, en venir à des commissions
parlementaires sectorielles pour faire la lumière sur les sujets
spécifiques.
Sûrement y a-t-il d'autres mécanismes qui pourront
être suggérés par les membres de la commission, entre
autres, par exemple, strictement l'identification des sociétés
d'Etat. C'est André Gélinas qui, en 1975, dans un volume
intitulé: "Les Organismes autonomes et centraux ", faisait état
des difficultés quant à la typologie des organismes autonomes et
qui faisait des suggestions concrètes quant à l'administration,
quant à la nomenclature que pourraient avoir ces divers organismes parce
que, dans le concret, chaque député, qu'il soit du parti
ministériel ou de l'Opposition, vit ce problème chaque jour.
C'est particulièrement vrai dans le domaine agricole, par exemple,
où un électeur veut profiter d'une mesure gouvernementale
quelconque qui relève, sur le plan administratif, d'un organisme
paragou-vernemental, et on y met souvent énormément de temps et
énormément d'efforts avant d'arriver à identifier
l'organisme qui est vraiment responsable de l'administration du programme en
question.
Je dis donc, en terminant, que, quant à nous, nous reconnaissons
la responsabilité première au gouvernement d'atteindre les
objectifs tels qu'identifiés par le ministre ce matin. Quant à la
nécessité de concilier l'autonomie administrative
des sociétés d'Etat, on ne les crée pas pour
qu'elles deviennent des outils du gouvernement, sauf dans les grandes
orientations d'une politique économique. (10 h 45)
Sur le plan administratif, nous en convenons, le plus grand degré
d'autonomie possible doit être atteint. C'est la même chose du
point de vue rentabilité, selon la définition de la
rentabilité qu'en a donnée le ministre, mais, encore là,
la responsabilité ministérielle exige que, tous ensemble, nous
trouvions des moyens, non pas nécessairement de satisfaire les
députés comme individus, mais bien de les satisfaire comme
représentants de la population et, par leur entremise, de mieux informer
les citoyens et surtout de mieux assurer leur participation à cette
facette de l'administration publique.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Union
Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Merci, Mme le Président. Les membres de la
commission de ce matin comprendront aisément ma joie et ma satisfaction
alors que nous entamons la discussion sur un sujet que les
députés de l'Union Nationale considèrent d'une telle
importance qu'ils ont voulu en faire l'objet de leur première motion en
Chambre lors de la reprise des travaux de la présente session, le 4
octobre dernier.
En demandant la convocation de la commission de l'Assemblée
nationale en vue d'étudier les meilleurs moyens à prendre pour
donner aux députés un droit de contrôle et de surveillance
plus efficace sur le fonctionnement et la performance des
sociétés d'Etat québécoises, nous avons voulu
provoquer un débat public qui nous permettra, du moins nous
l'espérons, non seulement de faire le point sur révolution de
cette forme d'intervention étatique dans le développement
économique du Québec, mais aussi d'en dégager les points
saillants ainsi que les lacunes majeures, et de proposer des mesures
réalistes qui revaloriseront le rôle des représentants
élus face à cette masse grandissante d'entreprises publiques qui
font la pluie et le beau temps avec les fonds publics.
Le gouvernement a cru bon, lors de l'étude de notre motion en
Chambre, d'ajouter à notre préoccupation d'un meilleur
contrôle parlementaire une dimension additionnelle et tout aussi
importante qui porte plus spécifiquement sur le contrôle que peut
exercer le gouvernement lui-même sur les sociétés d'Etat.
Et je remarque que le ministre, ce matin, dans ses notes d'ouverture, nous a
parlé surtout du deuxième aspect, c'est-à-dire le
contrôle du gouvernement, alors que je voudrais parler un peu plus ce
matin du contrôle des membres de l'Assemblée nationale en tant que
représentants des actionnaires des compagnies, donc des
propriétaires de ces sociétés d'Etat. Tel que nous l'avons
dit à ce moment-là, nous n'avons pas d'ob- jection
sérieuse à ce jumelage, lequel, en définitive, devrait
nous fournir un aperçu plus global du problème à
l'étude en associant à notre démarche initiale les mesures
prises ou envisagées par les diverses instances gouvernementales dans ce
domaine.
Bien que nous comprenions l'importance d'un plus grand contrôle
gouvernemental sur les sociétés d'Etat, les membres de cette
commission ne m'en voudront pas, j'en suis sûr, d'insister davantage sur
le but premier de cette motion adoptée à l'unanimité de la
Chambre et qui traite du contrôle parlementaire. Mais, avant d'aborder le
vif du sujet, je voudrais faire part aux membres de cette commission de
certaines constatations d'ordre général qui, à notre avis,
peuvent servir en quelque sorte d'entrée en matière.
Premièrement, l'importance des sociétés d'Etat. Je
ne crois pas qu'il faille disserter très longtemps pour démontrer
le rôle important que jouent les sociétés d'Etat dans la
stratégie de développement économique du Québec.
Bien que nous n'ayons à notre disposition que des chiffres pour
l'année 1976/77, l'état financier des entreprises du gouvernement
du Québec, nous savons qu'il existe environ une quarantaine de
sociétés d'Etat. Le ministre nous parle de 200 organismes et
d'une trentaine de sociétés ayant une vingtaine de filiales,
disposant d'un actif qui dépasse les $22 milliards d'après les
derniers chiffres. De plus, il est intéressant de noter que ces
sociétés emploient à elles seules 37 000 employés
et le ministre notait justement que les cinq plus grandes
sociétés ont 95% de l'actif des sociétés d'Etat,
mais je remarque que, sur ces cinq sociétés,
l'Hy-dro-Québec, la Caisse de dépôt et la
Société des alcools sont toutes les trois en situation de
monopole et, apparemment, arrivent assez bien, alors que les deux qui ont
à entrer en compétition avec l'entreprise privée, SIDBEC
et SGF, sont en situation déficitaire, sont dans le rouge. Ce n'est pas
bon être dans le rouge. Il s'agit en somme d'entreprises...
M. Landry: ...
M. Biron: Vous arrivez d'Ottawa, c'est pour cela ... à
caractère financier, industriel ou commercial ou d'entreprises
reliées aux ressources naturelles, aux transports et à
l'agriculture. Jusqu'à ce jour, le gouvernement québécois
n'a cessé de créer de telles sociétés à
mesure que de présumés besoins se faisaient sentir, sans trop se
soucier du rôle de ces entreprises dans la stratégie de
développement économique du Québec. De plus, le
gouvernement a fait preuve d'une générosité inouïe
à l'endroit de ces sociétés sous diverses formes, qu'il
s'agisse de participation au capital-actions, de prêts ou d'avances de
fonds. Lors du dernier discours du budget, en abordant la question des
dépenses non budgétaires, le ministre des Finances avait
sonné ce qui me semblait être la fin de la
récréation pour les sociétés d'Etat lorsqu'il avait
dit: "Si certaines des entreprises d'Etat ne seront, de par leur nature
même, jamais rentables,
il faut reconnaître que, pour la plupart de celles qui sont
appelées à le devenir, les espoirs ne se sont guère
traduits dans la réalité. Les entreprises à
caractère nettement commercial, plusieurs années après
leur création, sont incapables d'emprunter à la banque, sans la
garantie de l'Etat, et ne bouclent leur fin d'année qu'avec l'aide de
fonds consolidés."
Je continue de citer le ministre des Finances: "Dans certains cas, le
recours à l'Etat qui devait être exceptionnel, est devenu une
bonne habitude qui n'est plus remise en cause. On commence à voir
apparaître dans le secteur public une cour des miracles commerciaux et
industriels qui est coûteuse pour le contribuable et injuste pour le
secteur privé qui lui livre concurrence. "Il n'est d'ailleurs pas sain
que la gérance de ces entreprises puisse ainsi compter sur un
actionnaire tolérant, paternel et inépuisable. La mise au point
de critères de performance n'étant cependant pas encore
terminée, il y a peu à dire cette année encore sur les
modifications qui doivent être apportées au système de
gestion des sociétés gouvernementales".
J'avais cru à ce moment-là que le gouvernement allait
enfin agir pour mettre un terme à cette corne d'abondance sans fin et
qu'il adopterait une politique réaliste et rigide à l'endroit des
sociétés d'Etat, en particulier au niveau de la gestion
financière de ces entreprises. En somme, je croyais qu'il s'agissait de
l'instauration graduelle d'un meilleur contrôle gouvernemental sur les
agissements des sociétés d'Etat. Or, quelle fut ma
déception lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi 108 concernant
la Société générale de financement, que le ministre
de l'Industrie et du Commerce a déposé en Chambre la semaine
dernière. J'avais l'impression de revivre encore une fois
l'expérience désagréable et pénible que nous avions
connue avec SIDBEC l'année dernière.
Comme nous aurons l'occasion très prochainement de discuter du
problème de la Société générale de
financement et de Marine Industrie, je serai sage et je dirai simplement que
les mises de fonds qui sont déjà investies dans ces
sociétés d'Etat, sans compter les $140 millions que nous
ajouterons d'ici peu par le biais de la loi 108, justifient pleinement
l'intérêt que nous portons, à titre de
députés, à ce que nos sociétés d'Etat
adoptent de meilleures méthodes de gestion administrative et
financière et améliorent dans bien des cas leur performance sur
la scène économique.
Le manque d'information. L'expérience que nous venons de vivre,
il y a à peine deux mois, lors de la comparution de
l'Hydro-Québec en commission parlementaire, nous a permis de prendre
conscience, de manière dramatique, du manque presque total d'information
dont disposent les députés et autres observateurs
intéressés sur les opérations et la gestion d'une
entreprise d'Etat de l'envergure de celle de l'Hydro-Québec.
Tous les membres de la commission parlementaire de l'énergie, y
compris le ministre, ont été unanimes à déplorer ce
fait et à dire que les rapports d'activité et d'exercice, ainsi
que le résumé du mémoire sur la hausse tarifaire
demandée par l'Hydro-Québec étaient insuffisants pour
permettre aux principaux intéressés de porter un jugement
rationnel et sérieux sur le bien-fondé des affirmations mises de
l'avant par l'Hydro-Québec. Là-dessus, j'ai été
heureux d'entendre les commentaires du député de Gatineau
vis-à-vis de cette commission parlementaire qui a examiné les
comptes de l'Hydro-Québec.
Si une telle observation est, à sa face même,
inquiétante pour ne pas dire affolante, elle prend une proportion
alarmante lorsqu'on constate que ce qui est vrai pour l'Hydro-Québec
l'est pour toutes les autres sociétés d'Etat. D'ailleurs, les
déboires que connaît à l'heure actuelle la
Société générale de financement, causés en
grande partie par les difficultés de l'une de ses nombreuses filiales,
en l'occurrence Marine Industrie, constituent un autre exemple flagrant qui
provient directement de cette tendance déplorable de plusieurs
sociétés d'Etat de vouloir, consciemment ou inconsciemment,
fonctionner dans le plus grand secret.
Le ministre, tout à l'heure, s'est inquiété un peu
de ça aussi. Suite à la décision des membres du caucus de
l'Union Nationale de s'attaquer résolument à ce problème,
j'ai demandé à notre service de recherche de l'Assemblée
nationale d'entreprendre une étude détaillée sur les
sociétés d'Etat québécoises en vue d'obtenir une
vue globale et la plus complète possible de la situation actuelle de nos
entreprises publiques, tant au point de vue financier qu'au point de vue
administratif.
N'ayant ni le personnel requis, ni le temps nécessaire pour mener
à terme une telle étude, nous adressions, dès le 13
septembre 1978, une demande formelle en ce sens au service de recherche de la
bibliothèque de la Législature en vue d'obtenir les
renseignements suivants: premièrement, un relevé le plus complet
possible de toutes les sociétés d'Etat qui ont été
créées par le gouvernement du Québec et qui fonctionnent
toujours; deuxièmement, un aperçu détaillé, pour
chacune de ces sociétés, des points suivants: les investissements
faits par le gouvernement du Québec en avances de fonds, les
investissements faits par le gouvernement du Québec en capital-actions,
les investissements faits par le gouvernement du Québec sous forme de
prêts, les conditions rattachées à ces prêts,
intérêts, etc. et indiquer si ces prêts ont
été remboursés ou non, les investissements faits par le
gouvernement du Québec sous forme de garanties d'emprunts par ces
sociétés, les engagements financiers pris par l'Etat
québécois pour l'avenir; troisièmement, pour chacune de
ces sociétés, une indication claire, depuis leur création,
des déficits encourus et, s'il y a lieu, des surplus obtenus pour chaque
année d'exploitation.
Pour chacune de ces sociétés, depuis l'année de
leur création, nous avions demandé une illustration, sous forme
d'organigramme ou autrement, de toutes les filiales faisant partie de cette
société, comme par exemple, SIDBEC, REXFOR, SGF, etc.
Pour chacune de ces sociétés et filiales, le nombre
d'employés, dans la mesure du possible,
les montants requis par année d'opération pour
l'administration et la gestion interne desdites sociétés ou
filiales.
Environ un mois plus tard, soit le 10 octobre 1978, le responsable du
service de la recherche, M. Bernier, nous informait qu'il était
impossible de nous fournir l'étude demandée dans le délai
fixé, soit le 10 octobre, en partie à cause de la
complexité du sujet et de l'absence de données uniformes sur
chacun des organismes.
Enfin, le 24 novembre 1978, soit vendredi dernier, M. Bernier nous
faisait parvenir un rapport final sur le résultat de ses recherches et
je me permets de citer ses principales constatations. "Etant donné que
les sources écrites sur le sujet sont peu nombreuses, M. Champagne a,
dans un premier temps, essayé d'obtenir réponse à vos
questions par l'intermédiaire d'un haut fonctionnaire du
ministère d'Etat au développement économique. Devant
l'ampleur de la recherche, ce dernier a répondu qu'il lui était
impossible de répondre aux questions posées. "Par la suite, j'ai
repris le dossier. J'ai consulté deux économistes de
l'extérieur. Ils ont voté la pertinence des questions et
l'ampleur du travail. Une personne affirme même qu'un économiste
pourrait travailler six mois sur le sujet. On a également
constaté l'absence presque complète de documentation sur le
sujet. L'exception était la publication annuelle intitulée "Etats
financiers des entreprises du gouvernement du Québec". "Avec les moyens
disponibles, j'ai d'abord dressé une liste des entreprises
concernées. C'est alors que se pose le problème de
définition et d'objectif. Faut-il inclure toutes les entreprises
gouvernementales, comme la Curatelle publique, la Commission administrative du
régime de retraite, comme on le fait dans le rapport déjà
cité? Ou faut-il essayer de s'en tenir aux sociétés
d'Etat? De même, quand il s'agit de déterminer le nombre
d'employés de chacune des entreprises, j'ai dû compter avec des
chiffres donnés pour des dates diverses, des catégories diverses
d'employés et, parfois quand les statistiques ne sont pas
publiées dans les rapports annuels de l'entreprise avec des
réticences à fournir ces chiffres. "A l'heure présente,
j'essaie d'établir une fiche pour chaque entreprise. Sur chaque fiche,
on trouvera, quand cela s'applique, l'actif en dollars, les avances de fonds
pour les dernières années, les coûts d'administration, les
déficits de surplus, le montant des obligations garanties par le
gouvernement, etc. "Dans l'ensemble, les renseignements demandés se
retrouvent dans le rapport publié par le ministre des Finances, mais il
faudrait un économiste pour tout déchiffrer et analyser ces
chiffres. Dans l'état actuel du dossier, il arrive, j'en suis sûr,
que l'on compare des choses dissemblables des entreprises dont les pratiques et
les objectifs sont tout à fait différents. "Cependant, il y a une
question à laquelle il me semble impossible de répondre; c'est
celle concernant les engagements financiers pris par l'Etat
québécois pour l'avenir. Les publications disponibles n'en font
pas mention."
Nous aurions aimé nous présenter devant cette commission
avec une étude sérieuse et complète établissant
clairement une liste des sociétés d'Etat et de leurs filiales,
ainsi qu'un aperçu détaillé de leur situation
financière. Nous n'avons pu obtenir qu'une liste établie à
partir des états financiers des entreprises du gouvernement du
Québec, 1976/77, ainsi qu'une description partielle et basée sur
les années différentes du nombre d'employés des
sociétés d'Etat et de certaines filiales.
Cette recherche nous aura permis, néanmoins, de nous rendre
compte concrètement que les renseignements demandés
étaient pertinents ce que nous savions déjà
que les renseignements demandés existaient quelque part ce que
nous espérions et que les renseignements demandés ne
pouvaient pas être colligés et analysés dans un tout
logique et uniforme, de manière à nous fournir un aperçu
global de la situation actuelle des sociétés d'Etat
québécoises dans un laps de temps raisonnable.
Or, s'il est difficile, sinon carrément impossible pour des
chercheurs et des experts de nous fournir des réponses complètes
et intelligentes à des questions aussi élémentaires que
celles que nous demandions le 13 septembre dernier, et ce dans un laps de temps
raisonnable, environ deux mois et demi, faut-il se surprendre que des
députés, dont les responsabilités diverses sont bien
connues, soient désemparés lorsque le temps arrive d'interroger
les dirigeants d'une société d'Etat sur le fonctionnement et la
performance de leur entreprise?
Des moyens d'action inefficaces. Face à une pléiade de
sociétés d'Etat représentant, grosso modo, des actifs de
près de $22 milliards dispersés dans divers ministères et
qui comprennent des entreprises à vocation financière,
industrielle ou commerciale, quels sont, en pratique, les moyens mis à
la disposition des députés pour contrôler et surveiller
leur fonctionnement et leur performance?
Il suffit de faire un bref tour d'horizon de ces divers moyens pour
s'apercevoir que le député ne peut, tout au plus, qu'effleurer
les problèmes, étant dans l'impossibilité d'aller vraiment
au fond des choses et d'exercer, comme il le voudrait, son rôle de chien
de garde et de contrôleur d'administration publique.
Qu'il s'agisse des questions orales ou écrites, ou des motions
pour dépôt de document, le ministre responsable peut toujours
refuser de répondre, pour des raisons d'intérêt public ou
pour des raisons de confidentialité, ou encore d'usage interne de
l'entreprise ou, enfin, parce qu'il s'agit de renseignements qui pourraient
prétendument nuire à l'activité de la
société du point de vue concurrence.
Certes, si le député n'est pas satisfait, il peut toujours
soulever un mini-débat mais, encore là, l'expérience
vécue nous prouve qu'il s'agit bien plus, à ce moment-là,
d'un monologue que d'un véritable dialogue entre deux opposants. (11
heures)
Un député persévérant peut toujours se
prévaloir de son droit de déposer une motion de
député le mercredi après-midi. Toutefois, ce moyen, s'il
lui permet d'attirer l'attention de l'opinion publique sur une question
spécifique, le limite à interroger uniquement le ministre
responsable, qui demeure toujours libre de répondre ou non à ces
questions. Si un député désire interroger les dirigeants
d'une société d'Etat, il doit soit demander la convocation de la
commission parlementaire compétente et, à ce moment, il se soumet
au bon plaisir de Sa Majesté, c'est-à-dire la majorité
ministérielle, ou il doit attendre l'étude du budget du
ministère concerné.
Or, quiconque connaît le déroulement des commissions
appelées à approuver le budget d'un ministère sait fort
bien que cette procédure se prête mal à une étude en
profondeur et sérieuse du fonctionnement et de la performance d'une
société d'Etat, le temps étant d'avance limité par
le règlement et par la présence d'autres formations politiques
qui n'épousent pas nécessairement les mêmes
préoccupations que le député intéressé.
Force est de constater que les moyens mis à la disposition du
député pour lui permettre d'exercer une surveillance et un
contrôle adéquats et efficaces sur le fonctionnement et la
performance d'une société d'Etat sont nettement insuffisants face
au gigantisme de certaines sociétés et à la
complexité des dossiers qui tombent sous leur responsabilité,
d'où la nécessité d'un contrôle parlementaire
efficace.
Je crois que la question qu'il faut se poser à ce stade-ci est la
suivante: Est-il possible d'adapter notre constitution parlementaire aux
problèmes et aux options de nature économique sans paralyser le
bon fonctionnement des sociétés d'Etat? La question, je le
reconnais, est de taille et je crois qu'elle résume bien l'essence
même de la motion qui a donné lieu à la convocation de la
présente commission parlementaire.
Au niveau des principes, je suis convaincu qu'aucun membre de cette
commission n'osera nier la nécessité d'un contrôle
parlementaire sur les sociétés d'Etat québécoises.
D'ailleurs, ce principe fait partie de nos moeurs politiques et, pour bien
illustrer ce point, je voudrais citer un extrait d'un article fort
intéressant de Me Raoul Barbe, publié en 1969, dans la Revue de
l'administration publique du Canada. "Le contrôle parlementaire est
nécessaire, parce que la tribune parlementaire est la seule où
les méthodes et les résultats de la gestion publique peuvent
être publiquement confrontés avec les exigences de
l'intérêt général. Cette expression publique de
l'opinion demeure le moins discutable mérite d'une assemblée
parlementaire, même s'il s'y mêle la défense
d'intérêts particuliers qu'il vaut mieux voir s'exprimer ainsi que
dans les bureaux des ministères. Au surplus, le contrôle
parlementaire peut inciter le gouvernement à mieux définir sa
politique et sa doctrine et à garder le juste milieu entre un
excès d'étatisation et un excès d'autonomie technocratique
auxquels les parlementaires sont également et tradi- tionnellement
opposés. Si le principe semble faire l'unanimité, comme l'a
prouvé d'ailleurs de manière fort éloquente le vote des
membres de l'Assemblée nationale sur ma motion du 4 octobre dernier, il
existe néanmoins des divergences d'opinions sur les modalités
d'application de ce principe. Pour que les députés puissent jouer
leur rôle de manière responsable et intelligente, ils doivent
disposer, à notre avis, d'un moyen d'action qui leur accordera notamment
une liberté d'action plus grande pour interroger non seulement le
ministre responsable, mais aussi les dirigeants et officiers des
sociétés d'Etat et un cadre de discussion permanent qui leur
permettra d'approfondir, avec le soutien d'experts et de conseillers
techniques, les dossiers les plus complexes.
Dans le but de répondre à ces attentes légitimes
que partagent la très grande majorité des députés
à l'Assemblée nationale, nous osons soumettre ce matin, aux
membres de cette commission une proposition concrète, à savoir la
création d'une nouvelle commission parlementaire permanente dont le
mandat pourrait s'étendre à l'examen du fonctionnement et de la
performance de toutes les sociétés d'Etat
québécoises.
Chose certaine, le mécanisme de la commission parlementaire, avec
ses règles de procédure moins rigides et la possibilité de
siéger en tout temps, qu'il y ait session ou non, offre à
première vue un forum de discussion suffisamment souple et élargi
pour permettre aux députés intéressés d'approfondir
un dossier.
La commission parlementaire a également cet avantage d'être
une institution permanente. Ce caractère de continuité nous
apparaît extrêmement important dans le cas particulier des
sociétés d'Etat. En effet, le problème majeur des
députés étant surtout et avant tout celui d'une
information déficiente, tel que j'ai tenté de le démontrer
au début de cet exposé, n'est-il pas plausible de croire qu'une
commission permanente siégeant à intervalles réguliers
pourra pallier éventuellement cette lacune, à condition, bien
sûr, que l'Assemblée nationale lui donne les moyens techniques et
financiers de le faire? Lorsque nous faisons allusion à des moyens
techniques et financiers, nous songeons, entre autres, à la
possibilité de doter une telle commission parlementaire d'un
secrétariat indépendant regroupant des experts, comptables
économistes, ingénieurs, etc., et un personnel de bureau
adéquat pour préparer les dossiers, analyser les documents et
rapports s'y rapportant et effectuer les recherches que les membres de la
commission jugeront nécessaires de commander et qui ne peuvent
être entreprises par les services de recherche des divers partis reconnus
à l'Assemblée nationale.
Je ne crois pas que notre système parlementaire soit
réfractaire à de telles innovations qui n'ont pour but je
le dis ici que de fournir aux élus du peuple des instruments
d'intervention et de contrôle conformes aux besoins et aux exigences de
notre temps moderne. La création d'une commission parlementaire
permanente des sociétés d'Etat aurait cet insigne avantage, en
particu-
lier à cause de son caractère de permanence,
d'établir des relations plus soutenues et plus intelligentes entre le
corps législatif, d'une part, et les dirigeants des
sociétés d'Etat, d'autre part, les deux pouvant enfin discuter
d'égal à égal.
Il n'est pas interdit d'imaginer qu'une telle commission
bénéficiant d'une aide technique appropriée pourrait
éventuellement disposer d'une banque de données fort importante
sur le fonctionnement de nos sociétés d'Etat. Il sera alors plus
facile pour les députés de bien situer la performance d'une
société d'Etat, à l'intérieur de la
stratégie globale de développement économique du
gouvernement, et d'évaluer la pertinence, non seulement des actions de
l'entreprise, mais aussi des contrôles gouvernementaux, en vue d'assurer
une plus grande cohérence, une meilleure coordination de nos
sociétés d'Etat dans la vie économique du
Québec.
Enfin, une commission parlementaire permanente dotée d'un
secrétariat indépendant pourrait examiner et faire des
recommandations sur toute une série de sujets connexes. A titre
d'exemples, je n'en mentionne que quelques-uns: la structure financière
des sociétés d'Etat; leur rendement sur le capital investi; le
privilège de ces sociétés d'Etat, tant au niveau fiscal
qu'au niveau juridique; le statut des filiales, leurs politiques d'achat; la
possibilité de confier certaines tâches à l'entreprise
privée.
Ici, j'ouvre une parenthèse. Lorsqu'à l'intérieur
d'une telle commission, nous pourrions finalement savoir et s'orienter vers la
stratégie globale de développement économique du
gouvernement du Québec, il y aura peut-être lieu pour les
députés de comprendre qu'une société d'Etat doit
fonctionner à déficit pendant plusieurs années, comme
disait tout à l'heure le ministre d'Etat au développement
économique, mais il faudrait que ce soit véritablement à
l'intérieur d'une stratégie globale de développement
économique. Pour des raisons économiques, c'est peut-être
bon qu'une société d'Etat perde de l'argent, mais, lorsqu'on
étudie une à une la performance des sociétés
d'Etat, je vous avoue que, souvent, nous sommes véritablement
découragés du genre d'administration que nous avons.
Notre suggestion va beaucoup plus loin que tout ce qui a existé
à ce jour dans ce domaine. Elle va beaucoup plus loin que le mandat que
l'Assemblée nationale avait confié en 1965 au comité
permanent des régies gouvernementales à caractère
industriel et commercial. Je ferai un aparté ici pour dire au ministre
qu'il y a déjà un comité qui a existé dans ce
domaine, comité qui est disparu lors de la réforme de notre
règlement il y a quelques années, et dont le mandat avait
été décrit, lors de sa création, comme suit: Ce
comité est autorisé à délibérer et à
s'enquérir de toutes les matières que la Chambre lui aura
renvoyées ou qui sont de sa compétence, à faire de temps
à autre des rapports exprimant ses observations et ses vues sur ces
affaires et ces matières, et envoyer chercher les personnes, les
pièces et les dossiers dont il aura besoin. Ce comité s'occupait
surtout des régies gouvernementales à caractère industriel
et commercial. Il a été fondé en 1965. Il a
siégé jusqu'en 1971, d'après mes renseignements.
Nous demandons aux membres de la commission de l'Assemblée
nationale, une fois qu'ils auront jugé bon d'étudier notre
proposition en faveur de la création d'une commission parlementaire
permanente des sociétés d'Etat, de se pencher également
sur l'expérience de la Colombie-Britannique qui, le 1er septembre 1977,
adoptait une loi créant une telle commission. Dans cette province, le
"Standing Committee On Crown Corporations" peut se réunir de sa propre
initiative. Il est interdit à un membre du Conseil exécutif
d'être désigné membre de la commission. Bien que le mandat
de la commission soit restreint à une série limitée de
sociétés d'Etat, les pouvoirs que lui donne la loi sont
très étendus. Elle peut, notamment, nommer des employés et
retenir les services d'avocats, de comptables ou autres experts ou
conseillers.
Je tiens à remercier, en terminant ces remarques, Mme le
Président, les membres de l'Assemblée nationale d'avoir bien
voulu prêter leur concours à cette démarche de l'Union
Nationale en vue de revaloriser le rôle du député et
d'entreprendre le débat qui s'impose, à notre avis, pour qu'on se
donne enfin un droit de contrôle et de surveillance plus efficace sur le
fonctionnement et la performance des sociétés d'Etat
québécoises.
Il s'agit non pas d'une victoire partisane, mais bien d'une victoire de
l'Assemblée nationale et de la population du Québec tout
entière qui exige une meilleure performance et un meilleur
contrôle de ces sociétés d'Etat
québécoises.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, Mme le Président. Je suis heureux ce matin
de pouvoir participer aux travaux de cette importante commission parlementaire
qui fut convoquée à la suite d'une motion présentée
par le chef de l'Union Nationale et qui fut adoptée à
l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale, de façon
que l'Assemblée nationale, par l'entremise de cette commission, puisse
se pencher sur le rôle et les responsabilités de
l'Assemblée nationale, des élus du peuple, vis-à-vis des
sociétés d'Etat.
Mme le Président, depuis 1970, je siège à cette
Chambre. J'ai toujours été préoccupé par les
activités des sociétés d'Etat, par les pèlerinages
annuels auxquels nous avons dû assister et que nous avons dû subir
pour venir chercher des crédits additionnels, des crédits
nouveaux par des modifications aux lois, de façon à pouvoir, plus
souvent qu'autrement, trouver des prétextes et tâcher de renflouer
les sociétés, en vue de camoufler ou de cacher des
déficits.
Il fut extrêmement pénible, au cours des années
passées, de pouvoir convaincre les autorités en place de la
nécessité d'une commission
parlementaire. Je ne veux pas reprendre de vieux débats, mais on
se rappellera qu'il a fallu parfois attendre deux ans, à la suite d'une
motion présentée à l'Assemblée nationale, pour
qu'une société d'Etat finisse par venir comparaître devant
l'Assemblée nationale du Québec.
Lorsqu'on regarde le nombre de sociétés d'Etat que nous
avons, qu'on regarde leurs actifs et qu'on regarde leur chiffre d'affaires
annuel, on se rend compte que les sommes sont extrêmement importantes,
qu'il y a des implications directes dans le développement de
l'économie du Québec. Les élus du peuple ne peuvent pas
être indifférents, parce que j'ai toujours trouvé anormal
qu'on ne puisse pas interroger les administrateurs de ces
sociétés puisque, effectivement, l'actionnaire, c'est le
gouvernement et les propriétaires, ce sont les citoyens du
Québec.
Or, dans toute société, syndicat, coopérative,
entreprise, il est normal que les dirigeants rencontrent les actionnaires ou
les sociétaires ou les membres au moins une fois par année. C'est
malheureux, cela n'a jamais été fait de façon
systématique, sinon que nous avons quand même réussi
le ministre d'Etat au développement économique en parlait tout
à l'heure, au cours de l'année, je pense que c'est un record
à tenir trois séances de commission parlementaire pour
étudier les problèmes, étudier le rôle des
sociétés d'Etat; deux au niveau de l'Hydro-Québec et il y
en a eu une autre que le ministre a nommée tout à l'heure, je
pense que c'est SIDBEC, c'était au cours de l'année
dernière.
Or, Mme le Président, la création et l'addition, à
chaque année, de nouvelles sociétés d'Etat fait en sorte
que ce sociétés jouent encore un rôle beaucoup plus grand
dans le développement économique. Les sommes d'argent que le
gouvernement doit y consacrer annuellement ont des répercussions
directes sur la performance administrative gouvernementale. Je m'explique.
Lorsque, dans le programme des emprunts gouvernementaux; le gouvernement est
obligé de consacrer $250 millions pour ajouter du capital-actions
à ces sociétés, il est évident que cela a une
influence directe sur le programme des emprunts sur les marchés
financiers et leurs contingences auxquels le gouvernement doit se
soumettre.
Nous en avons parlé souvent, nous en avons parlé pendant
longtemps de cette nécessité d'un meilleur contrôle. Je me
rappelle, entre autres, en 1976, à la suite de bien des débats et
de bien des discussions qui avaient eu lieu à l'Assemblée
nationale... je me réfère à un article qui avait paru dans
le journal La Presse, signé par le journaliste Réhal Bercier, qui
annonçait pour l'automne 1976, l'intention du gouvernement de
l'époque d'étendre sa juridiction et son contrôle sur les
sociétés d'Etat, sur leur développement. Les artisans de
cette réforme, à l'époque, étaient: M. Guy
Coulombe, secrétaire du Conseil exécutif; M. Jean-Claude Lebel,
du Conseil du trésor; M. Pierre Goyette, sous-ministre aux Finances. Un
de ces artisans, M. Guy Coulombe, se trouve aujourd'hui au conseil
d'administration d'une société d'Etat, soit la SGF.
Les intentions du gouvernement d'alors furent, comme on le sait,
passablement perturbées dans leurs applications, puisqu'il y eut des
élections à l'automne et que nous avons eu un nouveau
gouvernement pour diriger les destinées de la province. Avec ce nouveau
gouvernement, les affaires de l'Etat se virent confiées à toute
une nouvelle batterie d'hommes, qui, pour la plupart, venaient du milieu
intellectuel et qui avaient été élus sur la base d'un
programme politique bien précis. Dans ce programme, il est dit, entre
autres, au chapitre V, article 2, paragraphe c): "Les normes
d'efficacité et de rentabilité appliquées dans
l'entreprise privée doivent prévaloir dans l'administration
publique." Il est aussi affirmé dans ce même programme qu'un
gouvernement du Parti québécois je me réfère
toujours au programme du Parti québécois s'engage à
favoriser, comme forme prioritaire d'intervention dans l'économie, une
extension soutenue du secteur public, les entreprises d'Etat et mixtes,
particulièrement dans les secteurs dont l'impact est majeur sur
l'orientation du développement économique. Selon cedit programme,
il semble évident que l'intention de l'actuel gouvernement était
de privilégier l'intervention des entreprises d'Etat et mixtes de notre
économie et cela, en s'assurant du moins ce sont les voeux qu'on
exprimait que les normes d'efficacité et de rentabilité de
ces entreprises soient aussi grandes que celles des entreprises privées;
ce qui n'est pas fait, Mme le Président, et ce qui ne sera pas fait
demain, à mon avis.
Au départ, donc, reconnaissance par l'actuel gouvernement de
l'importance de réorganiser plus efficacement nos sociétés
d'Etat qui, reconnues au nombre de 17 à l'automne 1976, avaient comme
actif, en 1974, une somme de $10 milliards et des achats de $500 millions, pour
un total de 34 000 emplois. (11 h 15)
Un bon exemple de l'intérêt que semblent avoir certains
membres de ce gouvernement pour une réorganisation de nos
sociétés d'Etat, citons entre autres, les propos et je
fais suite aux citations qu'a faites le chef de l'Union Nationale du
premier ministre lui-même qui avait dit: "II n'est pas question que
l'Etat soit une assurance-faillite ". Cela a paru dans le Soleil du 22 mars
1977.
Le ministre des Richesses naturelles, M. Yves Bérubé,
disait, à propos de REXFOR: "Nous voulons ramener nos
sociétés d'Etat sur une base concurrentielle et,
conséquemment, elle devra présenter en moyenne les mêmes
coûts et le même niveau de rentabilité que l'on retrouve
dans l'entreprise privée". Ces propos étaient rapportés
dans le Soleil du 22 août 1978.
Le ministre des Finances, M. Parizeau, devant les membres des Hautes
Etudes Commerciales, déclarait: L'Etat est loin d'avoir atteint, sur le
plan de la gestion commerciale et industrielle, l'efficacité du secteur
privé. Si l'on reconnaît volontiers que nos sociétés
d'Etat ne pèchent pas par excès d'efficacité et qu'il est
nécessaire de modifier cette attitude, il semble qu'il soit difficile
d'en effectuer
une transformation radicale. Nous devons bien nous rendre compte que,
depuis la création, en 1963, des premières sociétés
d'Etat et là, je me réfère au bilan, aux
états financiers du Québec qui ont été
déposés cette semaine à l'Assemblée nationale
le capital-actions fourni par le gouvernement totalise $440 361 000.
On se rend compte aussi qu'il y a des obligations et des billets pour
$53 000, qu'il y a des prêts et avances de consentis, fournis et garantis
par le gouvernement pour $802 744 000 on ne parle pas de
l'Hydro-Québec ce qui fait un total d'engagements
gouvernementaux, soit en souscriptions de capital-actions, soit en prêts
et en avances, de $1 297 501 000. Si on ajoute à cela la loi qui vient
d'être déposée en première lecture à
l'Assemblée nationale, je pense qu'on peut présumer que cela
atteindra près de $1 500 000 000 d'ici la fin de la présente
année, $1 500 000 000 d'engagements du gouvernement pour des
sociétés dont les gens sont mandatés pour administrer ces
dernières, voir à faire en sorte que ces sociétés
atteignent les objectifs pour lesquels elles ont été
créées et qu'elles respectent des normes d'efficacité et
de rentabilité.
Lorsque je vois qu'un trop grand nombre de ces sociétés
concurrencent directement, et indirectement sous une plus grande forme encore,
des entreprises privées rentables que nous avons au Québec et que
ces gens réussissent à payer des impôts à la
province pour permettre que le gouvernement dispose de fonds pour aller
à la rescousse et refinancer les sociétés d'Etat qui,
elles, accusent des déficits en concurrençant nos
sociétés privées, je trouve que cette question est
fondamentale et décourage un grand nombre de nos industriels, de nos
hommes d'affaires à aller plus loin dans leurs entreprises parce que, en
plus d'être les partenaires obligatoires, des associés de l'Etat
qui doivent associer l'Etat à leurs entreprises effectivement, en vertu
des lois fiscales, on sait que s'il y a des bénéfices, ils sont
obligés d'en remettre une large partie à l'Etat.
D'un autre côté, pour être en mesure de maintenir une
certaine clientèle et de se maintenir à flot, ces
sociétés, ces entreprises doivent concurrencer les
sociétés d'Etat qui, elles, sont déficitaires, ne rendent
compte pratiquement à personne, des gens qu'on n'a jamais vus en
commission parlementaire et que nous n'avons jamais vus devant
l'Assemblée nationale du Québec comme telle.
Je trouve que si l'on songe que l'on veut encore davantage créer
ce genre de sociétés et accroître le rôle de ces
sociétés, il faudra que nous nous penchions très
sérieusement sur, d'abord, l'opportunité de créer de
telles sociétés et, deuxièmement, qu'elles soient soumises
à des règles strictes et qu'elles aient des
responsabilités et des comptes à rendre, non seulement au
ministre en lui remettant un rapport annuel à la fin de l'année
comme c'est trop souvent le cas, j'imagine, mais qu'elles puissent se
présenter devant une commission parlementaire et rendre compte de leurs
actes.
Alors, ces sommes énormes sont investies dans des
sociétés dont les principales sont SIDBEC, la
société de développement de la baie James, REXFOR, la SDI,
la SGF, SOQUEM, SOQUIP, SOQUIA, SPICQ, etc..
Dans ce contexte, et tenant compte du fait que ces sommes d'argent
viennent des goussets des contribuables québécois, nous devons
conclure à l'urgence d'agir pour que soit radicalement modifiée
cette opinion trop souvent répandue, hélas, qu'une
société d'Etat doive, nécessairement, faire des
déficits.
Les sociétés d'Etat n'ont pas à se substituer aux
entreprises privées responsables, mais lorsqu'elles occupent un champ
quelconque d'activité, en concurrence avec d'autres entreprises, elles
ont l'obligation d'une bonne et saine administration, et, au surplus, elles
doivent assurer un maximum de rentabilité pour leurs actionnaires qui,
en définitive, sont chacun des contribuables
québécois.
Jusqu'à présent, nous reconnaissons un certain effort
d'amélioration par de nouvelles nominations au sein des conseils
d'administration. Je me permets d'en citer quelques-uns, soit M. Eric Kierans,
qui a été nommé, ainsi que MM. Germain Perreault, et
Robert Boyd, au conseil d'administration de SIDBEC, M. Coulombe, M. Giroux et
M. Bélanger au conseil d'administration de la SGF, M. Harbour, M.
Bonnier et M. Clermont au conseil d'administration de la SDI. Nous pourrions en
nommer plusieurs.
Ce premier effort est à signaler, mais il doit être fait
beaucoup plus. Il faut prévoir un contrôle plus direct de nos
sociétés d'Etat par les parlementaires, et, c'est pourquoi je
suis heureux de souscrire à la proposition du chef de l'Union Nationale
de créer une commission parlementaire permanente formée de
représentants de toutes les formations politiques
représentées à l'Assemblée nationale, et de donner
à cette commission les experts, les outils nécessaires pour
l'étude de divers projets de nos sociétés et aussi pour
analyser leurs états financiers, analyser leur administration, et
fournir aux parlementaires, aux membres de la commission, des documents, des
informations.
J'ai eu trop souvent à participer à des commissions
parlementaires sans pouvoir obtenir d'informations, d'études, que nous
aurions pu faire servir, à la suite de l'analyse que nous aurions pu
faire effectuer à la suite des rapports qui nous sont
déposés le matin même et dès l'ouverture de la
commission parlementaire.
Je me souviens, entre autres, que lorsque nous avons
étudié les projets de développement de la baie James, on
nous a remis des dizaines de documents très volumineux et nous avions
environ une heure, une heure et quinze minutes avant que notre temps de parole
nous soit accordé, pour pouvoir interroger les représentants de
ces sociétés sur les documents qu'ils venaient de nous
proposer.
Ce sont des situations extrêmement déplorables. Nous avons
dû les subir, mais ce n'est pas une façon de procéder qui
permet en toute équité
et en toute justice aux parlementaires d'assumer leurs
responsabilités de façon efficace.
Il faut obliger nos sociétés d'Etat à produire un
rapport trimestriel de leurs opérations plutôt qu'un seul rapport
annuel six mois plus tard et que toutes ces sociétés aient
l'obligation de comparaître au moins, je dis bien l'obligation de
comparaître, au moins une fois par année devant ladite commission
parlementaire spéciale.
Cette commission parlementaire devrait avoir, à mon avis, un
statut particulier, comme celui dont dispose la commission parlementaire des
engagements financiers. C'est une commission parlementaire distincte,
différente ayant des normes de fonctionnement totalement distinctes,
différentes des autres commissions parlementaires.
Cette commission parlementaire devrait avoir la possibilité de se
subdiviser en sous-comités qui pourraient se spécialiser dans tel
ou tel secteur ou encore étudier telle ou telle entreprise, pour que la
commission parlementaire puisse tenir une, deux, trois, quatre séances,
six séances, et même un plus grand nombre, si c'est
nécessaire, de façon à pouvoir scruter à fond la
situation de telle société d'Etat pour ensuite faire rapport
à la commission parlementaire comme telle de façon que les
parlementaires et l'Assemblée nationale aient tout l'éclairage
nécessaire pour être en mesure de prendre de bonnes
décisions lorsque ces sociétés viennent devant le
gouvernement et nous demandent de modifier leur charte de façon à
pouvoir leur permettre d'accroître leur capital-actions.
A titre d'accroissement de capital-actions, je me permets, Mme le
Président, de citer un autre exemple pour lequel j'avais avisé
l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce au cours de l'an dernier.
L'an dernier, on se rappellera que la compagnie SIDBEC-DOSCO avait eu à
faire face à un énorme déficit et que, vers la fin de
l'année, elle s'était présentée devant le
gouvernement, devant la commission parlementaire, à la suite d'une
modification à la loi visant à accroître son
capital-actions.
Ce n'était pas la première fois que cette
société comparaissait devant une commission parlementaire pour
accroître son capital-actions, mais je me souviendrai toujours que chaque
fois qu'elle est venue devant une commission parlementaire, c'était pour
enfin atteindre le seuil de rentabilité, parce que c'était
à peu près la dernière fois où on venait devant une
commission parlementaire pour tâcher d'avoir une augmentation du
capital-actions.
Or, j'ai eu la surprise, cet été, de lire dans les
journaux, notamment dans la presse du 18 juillet 1978: Une étude
suggère à SIDBEC d'investir encore $500 000 000 en quinze ans
pour atteindre le seuil de la rentabilité.
Je ne veux pas discuter du bien-fondé ou du non-fondé de
cette situation et de cette déclaration ainsi que de ce rapport. Mais
ça nous démontre clairement l'opportunité et
l'à-propos de la présente commission parlementaire et la justesse
des propos qui ont été tenus par le proposeur de la motion
acceptée par l'Assemblée nationale.
Un dernier point, Mme le Président, sur lequel j'aimerais
insister; c'est que je trouve anormal qu'à l'heure actuelle, on n'ait
pas confié au Vérificateur général de la province
le mandat de vérifier toutes les sociétés d'Etat. Je
comprends qu'il devra accroître son personnel de façon
considérable, mais, quand on considère que la plupart et les plus
importantes de nos sociétés d'Etat sont vérifiées
par des firmes privées non pas que j'en aie contre les firmes
privées; loin de là, au contraire il y a quand même
des dispositions et une situation de fait qui veulent que le
Vérificateur général puisse comparaître devant une
commission parlementaire, la commission des comptes publics d'ailleurs,
il a déjà comparu à deux reprises et il est possible, pour
les membres de l'Assemblée nationale et les membres de la commission
parlementaire, de pouvoir interroger le Vérificateur
général. D'autant plus que le Vérificateur
général remet son rapport annuel et que ce rapport est
déposé devant l'Assemblée nationale, à l'attention
de tous les membres de l'Assemblée nationale. Le Vérificateur
général va beaucoup plus loin que la petite formule sacramentelle
qui est utilisée par les firmes de vérificateurs privées
à l'endroit de toutes les sociétés.
On retrouve la même petite formule sacramentelle dans les rapports
annuels des sociétés d'Etat que celle que l'on retrouve pour les
sociétés privées, avec cette différence que, dans
la société privée, le vérificateur doit assister
à l'assemblée annuelle des actionnaires; il est nommé,
assez souvent... Je pense que les lois font en sorte, du moins dans le
système coopératif, que c'est l'assemblée
générale des membres qui choisit le vérificateur et le
vérificateur est présent à l'assemblée
générale des sociétaires; il répond à toutes
les questions que les sociétaires peuvent lui poser à l'occasion
des assemblées générales, pour avoir toutes les
informations que les sociétaires jugent pertinentes.
Il ne s'agit peut-être pas de faire faire tout le travail par le
Vérificateur général, mais il s'agirait de donner un
mandat spécifique au Vérificateur général pour
qu'il puisse au moins examiner tout le rapport des vérificateurs
privés, pour qu'il puisse inclure dans son rapport annuel ses
recommandations, si recommandations il doit y avoir, ou encore faire les
remarques qui s'imposent, de façon à informer les membres de
l'Assemblée nationale du Québec.
Tout ceci, Mme le Président, pour dire que je souscris
entièrement à l'idée d'une commission parlementaire
permanente, avec cette possibilité que ce soit une commission
parlementaire très spéciale avec mandat bien spécial,
qu'elle puisse siéger selon son propre désir et qu'on oblige les
sociétés d'Etat à comparaître devant cette
commission parlementaire au moins une fois par année.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au
développement économique.
Réponse du ministre
M. Landry: Je pense qu'à ce stade-ci, nous sommes
déjà en mesure de réagir à un certain
nombre de propositions intéressantes et concrètes qui ont
été faites par les divers intervenants. Cependant, une remarque
préliminaire. Il me semble que certaines de ces suggestions, fort
positives, dans un avenir immédiat, sont contradictoires. Je m'explique.
Cela ne veut pas dire qu'elles le sont à long terme.
Plusieurs d'entre vous, le chef de l'Union Nationale en particulier, ont
fait ressortir la difficulté d'obtenir des données et de
l'information. Il s'est fait répondre à la bibliothèque de
la Législature que c'était pratiquement une impossibilité
de lui répondre. Au ministère d'Etat au développement
économique, où nous avons en marche un certain nombre de travaux
ça ne le consolera pas que je dise ça nous
souffrons, d'une certaine manière, des mêmes difficultés,
de ne pas avoir une information réaliste et précise.
On peut dire qu'il y a vingt ans d'incohérence, je ne dis pas
ça au sens péjoratif. D'ailleurs, on a créé des
sociétés d'Etat depuis vingt ans et on en a créé et
recréé qui n'étaient pas uniformes, qui ne
présentaient pas leurs états de façon uniforme, qui ne
sont pas financées de la même manière, les unes sont par
avances, les autres... Il y a eu une sédimentation qui fait que,
même avec toute la bonne volonté du monde, toute l'ouverture
possible, on n'est pas en mesure d'avoir une information factuelle permanente,
ce qui signifie que si on réunissait la commission dont vous avez
parlé j'en reparlerai plus loin au moins dans un avenir
immédiat, elle risquerait d'avoir une difficulté énorme
d'information elle-même. C'est un problème qui doit être
réglé pratiquement préalablement. (11 h 30)
Un deuxième problème qui rend, toujours dans un avenir
immédiat, les suggestions contradictoires, c'est le problème des
typologies qu'a bien évoqué le député. Qu'est-ce
qu'une société d'Etat? Quelles sont celles pour lesquelles une
commission perdrait littéralement son temps? Il y en a quelques-unes qui
existent sur papier, qui ont des opérations marginales limitées
ou des opérations qui, par ailleurs, vont tellement bien et tournent
dans l'huile, que les données qu'on possède sont tout à
fait suffisantes.
La définition, donc, les typologies, de celles qui sont vraiment
des sociétés commerciales, industrielles, concurrentielles,
celles qui sont, avec une certaine autonomie, des mécanismes
d'intervention du gouvernement, disons la SDI. La SDI n'a pas d'actionnaire.
C'est un prolongement du ministère de l'Industrie et du Commerce qui
agit avec une certaine autonomie. Elle a son conseil d'administration. Une
partie de son activité se déroule dans un contexte de
rentabilité en fait, l'an dernier, elle a fait de l'argent
et une autre partie joue un rôle d'intervention étatique dans des
secteurs qui en ont besoin et est, par définition, non rentable.
Ce qui fait qu'accéder immédiatement à la demande
constructive que vous nous faites serait imprudent et risquerait de faire durer
une certaine incohérence et une certaine inefficacité que nous
avons connues depuis vingt ans. Cela ne veut pas dire qu'il faut être
fataliste et dire que cela doit durer à jamais. Je ferai des suggestions
qui, je l'espère, correspondront à vos préoccupations et
éventuellement à votre assentiment.
Mais dans l'état actuel du dossier, puisque nous cherchons tous
honnêtement la façon d'en sortir, un minimum de prudence et de
réflexion s'imposerait.
C'étaient des remarques générales. Je voudrais
reprendre, de façon un peu plus détaillée, toutes et
chacune de vos suggestions et constatations sur les sociétés. On
a parlé, dans deux interventions, des commissions d'enquête du
sénat américain. Pour nous, Nord-Américains, qui avons
accès à leur presse et à l'information, je dirais que
c'est une institution extrêmement séduisante que ces commissions
sénatoriales. On a l'impression que c'est une forme de parlementarisme,
pour cet aspect, presque supérieure, avec un personnel énorme,
avec des budgets pour aller dans toutes les parties du monde
quelquefois, hélas! cela finit mal, comme on l'a vu récemment
avec la possibilité, véritablement, d'offrir un bon
contrepoids à l'exécutif sur le plan de l'information.
Mais le problème que cela pose, c'est le problème que cela
a posé en Grande-Bretagne, c'est celui que cela a posé au
gouvernement d'Ottawa, c'est que le fond de nos systèmes parlementaires
est radicalement différent. Nous sommes dans un système
parlementaire britannique où l'exécutif s'appuie, pour gouverner,
sur une majorité parlementaire, théorique et pratique. En
général, à moins de catastrophe, la députation du
parti ministériel soutient le gouvernement et quand la catastrophe
survient, il n'y a plus de gouvernement, ce qui n'est pas le cas aux
Etats-Unis. Le chef de l'exécutif peut se retrouver, comme c'est
arrivé pour la plupart des époques récentes, en face d'un
Congrès qui lui est, sinon hostile, du moins pas acquis d'avance.
Par ailleurs, sans que le président des Etats-Unis ne soit
démis de ses fonctions, le Congrès peut très bien aller,
d'une façon diamétralement opposée aux recommandations
présidentielles. Il ne se gêne pas pour le faire, d'ailleurs.
Ici, le contexte est radicalement différent. D'une façon
britannique, l'exécutif s'appuie sur un parti majoritaire et c'est le
Parlement, dans son ensemble, qui est le contrepoids à l'exécutif
avec la présence des ministres tous les jours de session à une
période des questions avec les autres organismes du gouvernement qui
permettent des examens chiffrés de certaines choses, comme les
engagements financiers, pour donner un exemple, comme les commissions
spéciales que nous faisons sur un sujet ou sur l'autre.
Le président des Etats-Unis ne va pas au congrès tous les
jours répondre aux questions, comme chacun sait. Ses présences
dans cette enceinte sont rarissimes. Je pense que vous admettrez avec moi
qu'avant de transposer une institution américaine qui est
séduisante je ne parle pas de l'institution globale, je parle
seulement du mécanisme de la Commission sénatoriale
d'enquête dans
un système qui, par essence, est différent, il y aurait
une réflexion à faire et probablement aussi des adaptations
à faire. Sur cette question de la Commission sénatoriale et les
questions connexes, je tenais à faire cette mise en garde
opérationnelle, si on peut dire.
On a parlé de sociétés à monopole et de
sociétés qui n'étaient pas à monopole. Cela aussi
pose des problèmes d'une nature différente. Vous le savez, chaque
fois qu'on parle des tarifs de l'Hy-dro qui, de toute manière, n'est pas
un monopole absolu. L'Hydro-Québec est en concurrence non pas pour la
vente et la distribution de l'électricité mais elle est en
concurrence avec des matières énergétiques d'un autre
ordre que son propre produit. Exemple: le pétrole. On ne peut pas dire
que l'Hydro-Québec a la bride sur le cou et peut faire n'importe quoi
avec ses tarifs sur le strict plan économique, parce qu'il y a
différentes façons de se chauffer. Si j'exclus le bois, dans les
pannes, il reste au moins le pétrole. Quand on dit monopole, il ne faut
pas parler de monopole absolu.
C'est un peu moins vrai pour la Société des alcools
où je voudrais mettre la gamme de tous les produits de cette
société en concurrence avec la bière, par exemple.
Là, c'est beaucoup moins vrai. Là, on a véritablement un
monopole de distribution des vins et alcools et le niveau de concurrence n'est
pas comparable comme entre l'électricité et le
pétrole.
On a parlé également d'amélioration de la
présentation. Cela me semble aller de soi. Dans quelque mécanisme
d'avenir qu'on reconnaîtra, il faut faire un effort particulier qui se
greffe à ce que j'ai dit des typologies, qui se greffe à ce que
j'ai dit des informations consolidées pour que la présentation
soit accessible. Si on présente des documents en chinois, c'est entendu
qu'aucun d'entre nous ne s'y retrouvera. Il serait souhaitable, à la
limite, que l'homme de la rue soit en mesure, par une bonne présentation
graphique, de prendre connaissance de l'activité des
sociétés d'Etat comme de plus en plus, depuis un certain nombre
d'années, on permet aux contribuables de voir des présentations
graphiques acceptables du budget de l'Etat, des tableaux, des échelles,
des courbes de type traditionnel pointe de tarte qui représentent
l'impôt sur les personnes physiques, etc.
Au niveau de la présentation, sans tomber dans le simplisme, il
est évident qu'il y a un effort de présentation à faire.
Cependant, autre mise en garde qui découle de la nature de
l'activité de certaines sociétés je l'ai
vécu avec certains d'entre vous à la dernière commission
parlementaire sur SIDBEC Est-ce que doivent être publiques toutes
et chacune des donnée chiffrées détenues par les
sociétés d'Etat? La question est ouverte. Quand on est en
concurrence, pour celles qui le sont, avec des concurrents dynamiques, parfois
"agressifs", est-ce qu'il est possible, sans rendre plus complexe la position
de rentabilité de la société, de la forcer à mettre
tous ses chiffres sur la table dans les moindres détails? Je pense en
particulier à son compte d'exploitation, en détail, à ses
tactiques commerciales, à ses tactiques de vente, à son
marketing, parce qu'il ne faut quand même pas la mettre dans une
situation ou dire: Allez vous battre contre des gens qui ne livrent pas cette
information mais qui vont connaître les moindres détours de votre
compte d'exploitation et de vos stratégies commerciales. C'est un
problème aussi. Est-ce qu'on pourrait concevoir que, dans un
comité plus restreint, avec des embargos d'information, les
parlementaires puissent avoir accès à l'information qui ne soit
pas remise à la concurrence le lendemain? C'est un problème de
taille. On a parlé également du problème de l'audition
c'est un anglicisme, d'ailleurs mais de la vérification
comptable des sociétés. C'est une suggestion assez originale et
intéressante.
C'est vrai que la pratique comptable nord-américaine est une
bonne pratique, une pratique des comptables agréés, ce n'est pas
n'importe quoi, il faut comparer avec ce qui se fait dans d'autres pays, il y a
un niveau d'éthique extrêmement élevé chez les
comptables agréés, chez les vérificateurs, un niveau de
compétence extrêmement élevé. Elle n'a pas
été conçue pour renseigner les parlementaires ou cela n'a
pas été conçu pour le secteur public, mais cela a
été une naissance spontanée des besoins du secteur
privé que les divers Etats américains et les provinces du Canada
ont eue avec l'Ordre des comptables agréés. Ils fonctionnent dans
le cadre d'un certain plan comptable uniforme, mais avec de larges variations
d'une firme à l'autre, et, effectivement, plusieurs formules
sacramentelles, qui reviennent avec une régularité
déconcertante.
On peut très bien s'inspirer des sociétés qui sont
déjà vérifiées par le Vérificateur
général il y en a un certain nombre voir quelle est
l'expérience de l'intervention du Vérificateur
général dans les données de ces sociétés et
voir si cela ne serait pas transposable, en tout ou en partie. Est-ce qu'il
serait bon que le Vérificateur général, à SIDBEC,
par exemple, se voit confier le même mandat que la vérification
interne de SIDBEQ et ses vérificateurs externes assument
présentement. Est-ce qu'on ne pourrait pas plutôt lui donner un
rôle de surveillance générale d'opérations faite
dans le détail, dans le quotidien, par d'autres? Cela aussi
m'apparaît une chose à étudier, surtout à la
lumière de l'expérience qu'on a déjà avec un
certain nombre de sociétés.
Si on érige le Vérificateur général en
comptable attitré de toutes ces énormes entreprises du secteur
public, j'espère que vous avez compris M. le député
de Beauce-Sud l'a bien dit, d'ailleurs, qu'on s'en va vers une attribution de
postes supplémentaires au Vérificateur général, qui
pourraient être assez astronomiques quand on regarde le chiffre
d'affaires impliqué, la complexité des opérations, ce
serait un choix à faire et dont nous devons mesurer toutes les
conséquences.
Je voudrais reprendre maintenant les remarques d'un certain nombre
d'entre vous sur la rentabilité. D'abord, je pense qu'on a un accord sur
le fait que des déficits sur une certaine période
sont chose acceptable et normale, vous l'avez tous dit, chose acceptable
et normale, parce qu'on ne doit pas demander à une société
publique d'entrer dans un contexte de rentabilité alors que ses
partenaires du secteur privé ont mis parfois cinq ou dix ans à
arriver à la rentabilité. Je crois comprendre que nous nous
entendons aussi sur le fait que la rentabilité doit être prise
dans son sens économique restreint, c'est-à-dire
rentabilité pour la firme. Si le gouvernement entend donner à une
société particulière une responsabilité sociale,
qu'il en soit tenu compte dans les subventions qu'il lui verse et dans les
indications claires qui sont données à l'entreprise.
Imaginons le cas d'ailleurs, c'est à peine de
l'imagination où une société d'Etat, par une de ses
décisions, sauve une ville minière sur le point de fermer. Je me
réfère à des expériences antérieures c'est
un beau geste social, cela peut être un beau geste politique aussi,
d'empêcher la fermeture d'une ville, sauf que si, dans cette
opération, la société en question met en péril sa
responsabilité pour les cinq ou dix ans à venir, on peut
être assez mal placé pour lui reprocher ce qu'elle a pris comme
décision, qui n'était pas une décision économique,
mais qui comportait des aspects politiques et des aspects sociaux. (11 h
45)
II faudrait donc établir une distinction chaque fois qu'une
société d'Etat est sollicitée pour poser un geste de
nature sociale qu'une entreprise privée ne ferait pas, on lui donne
spécifiquement les moyens de le faire, dans un poste identifié du
budget de l'Etat et du budget de la société en question. Comme
ça, la société pourra nous présenter une situation
de rentabilité et, si l'Etat décide, pour d'autres raisons, de
poser un geste qui n'est pas rentable en soi sur le plan économique, il
en assumera directement la responsabilité au vu et su de la population
qui jugera, parce que le problème peut se poser dans tous les cas de
fermeture d'un établissement du secteur public. Il y a de vieilles
entreprises, dans le secteur privé, qui doivent fermer et ça doit
se faire suivant nos lois qui sont, comme vous le savez, dans les plus
avancées du continent, avec les avis qui doivent être
donnés, toutes les précautions prises pour sauvegarder l'emploi,
pour sauvegarder l'activité économique d'une région. Mais
si les entreprises privées peuvent faire cela pour améliorer leur
rentabilité, il pourrait arriver aussi qu'une entreprise publique doive
en faire autant et, si le gouvernement ne veut pas qu'elle le fasse, il devra
lui donner les moyens d'éviter cela en dehors de son budget et de son
compte d'exploitation et par des injections de crédit
décidées au vu et su de tout le monde et soumises à
l'éclairage des questions de l'Assemblée nationale.
Comme première réaction, Mme le Président, c'est ce
que je voulais communiquer à la commission.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Richmond.
Autre intervention
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci beaucoup, Mme le Président. J'aimerais
aussi émettre certains commentaires au niveau des remarques
préliminaires à cette commission parlementaire que je trouve tout
à fait importante puisqu'elle remet en cause un problème qui dure
le ministre l'a indiqué lui-même depuis des
années, sur lequel se sont penchés à tour de rôle,
je pense, les députés qui ont siégé à
l'Assemblée nationale en déplorant, depuis des années, le
fait que les sociétés d'Etat, dans le système actuel, tel
qu'il existe, font un peu bande à part avec l'Assemblée
nationale, non pas avec le gouvernement, quelquefois avec le gouvernement,
mais, règle générale, surtout avec l'Assemblée
nationale. Même si, au cours des mois ou des années passés,
il y a eu de larges discussions, de larges forums sur ces questions, un fait
n'en demeure pas moins véridique, c'est que, jamais, en
réalité, de gestes concrets, pratiques ont été
posés ici, au Québec, pour mettre un terme à cette
situation que tout le monde déplorait, en fin de compte. Que ce soit
d'un côté ou de l'autre de l'Assemblée nationale, on
disait, à ce moment-là: Le contrôle des
sociétés d'Etat nous échappe plus ou moins; on a plus ou
moins un droit de regard sur les sociétés d'Etat, qui sont
pourtant gérées à même les fonds publics.
Il m'apparaît ce matin que la tribune, qui a été
acceptée ici, la commission parlementaire sur cette question, est
privilégiée non seulement, je ne dirais pas, pour prendre
conscience, mais je dirais, pour reprendre conscience de la profondeur de ce
problème. Elle ne doit pas simplement servir de tribune à une
déclaration de principe, mais elle doit donner lieu je
l'espère en pratique, à des gestes concrets pour qu'une
fois pour toutes, on dise: II y a eu quelque chose de fait. Parce que, si on
s'est réuni ce matin seulement pour se dire que l'Assemblée
nationale n'a, à toutes fins pratiques, aucun regard sur les
sociétés d'Etat, sinon théorique, à ce
moment-là, la commission parlementaire n'aurait à peu près
servi à rien.
Au cours des quelques remarques que je vais faire, Mme le
Président, j'ai aussi l'intention de reprendre les arguments qui
viennent d'être évoqués par le ministre.
Le ministre a fait état, entre autres, par exemple, de la
question d'uniformité de gestion qu'il doit y avoir dans les
différentes sociétés d'Etat. Je comprends que ce n'est pas
le rôle de la commission parlementaire ce matin, ni dans ce que l'Union
Nationale propose, de régler ce problème, mais il pourrait quand
même y avoir une loi-cadre, par exemple, des entreprises publiques pour
mettre de l'ordre dans leurs finances, une loi-cadre pour fixer des normes de
gestion financière uniforme, mais ça, c'est une autre question et
je pense que ça n'entre pas directement dans le cadre de nos discussions
de ce matin.
Le ministre a indiqué c'est un fait, qu'on l'accepte ou
non, qu'on soit en faveur ou non
que, depuis 1945, il y a eu ce que j'appellerais "prolifération "
des sociétés d'Etat dans l'ensemble de tous les pays qui
connaissent ces systèmes.
Mais, dans les remarques que le ministre nous a faites ce matin, il
oriente surtout son point de vue sur la question des relations du gouvernement
avec les sociétés d'Etat et non pas, comme l'Union Nationale le
voulait dans sa première motion, sur la question des relations de
l'Assemblée nationale par rapport aux sociétés d'Etat qui
vivent à même les fonds publics et je pense qu'il est important
d'établir |a distinction.
Le ministre s'est retranché derrière sa
responsabilité ministérielle comme membre d'un cabinet qui doit
se préoccuper davantage de la question des relations du gouvernement
envers les sociétés d'Etat, mais je pense que la principale
préoccupation de la commission parlementaire, ce matin, cela a
également été le voeu des autres opinants autour de cette
table, soit surtout de situer le débat au niveau des relations qui
doivent exister ou qu'on doit créer entre l'Assemblée nationale,
outil démocratique d'une population, et les sociétés
d'Etat financées par cette même population.
A ce chapitre, j'aimerais reprendre trois ou quatre arguments que le
ministre a indiqués pour souligner le fait que l'Assemblée
nationale avait quand même un mot à dire, mais pour vous dire que
dans ce que le ministre nous a fourni, les arguments n'indiquent pas vraiment
que l'Assemblée nationale a un mot à dire, ni un droit de regard.
C'est simplement une information superficielle. C'est d'ailleurs ce contre quoi
tous les hommes politiques depuis un bout de temps se sont élevés
et ont décrié l'état de la situation.
Je prends le document que le ministre nous a fourni ce matin, à
la page 8, où il dit ceci: "L'Assemblée nationale se
préoccupe, à juste titre, elle aussi, du contrôle et de la
surveillance des sociétés d'Etat. Elle a pu le faire dans le
passé à de multiples occasions. Premièrement,
l'intervention de l'Assemblée nationale et des commissions
parlementaires joue, évidemment, un rôle central au moment de la
création d'une société ou de la modification de la loi
d'une société. C'est à ce moment qu'on y discute des buts
et des objectifs, des moyens mis en oeuvre et aussi des relations que le
gouvernement et l'Assemblée désirent mettre en place entre la
société et eux-mêmes. Il faut d'ailleurs remarquer que
c'est l'Assemblée nationale qui détermine le pouvoir autonome de
la société et de la dévolution de la responsabilité
opérationnelle à ses dirigeants et à ses administrateurs.
"Depuis deux ans, l'Assemblée nationale a eu l'occasion d'établir
ou de modifier quatre lois concernant les sociétés d'Etat.
D'autres lois vont être étudiées ou modifiées dans
peu de temps et des projets de loi viennent d'être déposés
en première lecture." Fin de la citation.
Dans ce premier argument que le ministre nous apporte pour mettre en
veilleuse tout l'aspect de la relation qu'on doit établir entre
l'Assemblée nationale et les sociétés d'Etat, le ministre
nous indique ici simplement que le rôle que l'Assemblée nationale
a à jouer, c'est au niveau de la création des
sociétés d'Etat. C'est tout à fait normal. Je pense que
c'est dans la logique des choses. L'Assemblée nationale crée la
loi-cadre qui forme la société d'Etat. Elle lui confère
les pouvoirs, mais cela ne donne pas automatiquement et c'est le cas
puisque le problème existe à l'Assemblée nationale
comme telle le droit de regard, le droit de contrôle, le droit
d'accès à l'information directe qu'on réclame depuis des
années, dans un premier temps.
Deuxièmement, je poursuis la citation de l'exposé que le
ministre a fait tout à l'heure: "Une autre manière de
contrôler les activités des sociétés d'Etat, c'est
de convoquer les entreprises à des commissions parlementaires
spécialisées pour leur poser des questions sur leur
activité en général ou sur des projets plus précis.
C'est ainsi que depuis deux ans, trois commissions parlementaires ont
été convoquées, deux pour l'Hydro et la SEBJ et une pour
SIDBEC."
J'aimerais peut-être m'arrêter un peu plus largement sur
cette convocation des commissions parlementaires et me servir de l'exemple le
plus flagrant qu'on a vécu dernièrement, soit celui de la
dernière comparution devant cette même table de la commission
parlementaire de l'Hydro-Québec.
Pour vous décrire brièvement la situation, on se
rappellera que la commission parlementaire n'a siégé que pendant
une journée et demie. Faisant face à ce moment à toute
l'équipe des spécialistes de l'Hydro-Québec qui, eux,
avaient travaillé durant les douze mois à préparer leur
intervention à la commission parlementaire, aucun des membres
même le ministre l'a déploré n'avait les outils
nécessaires pour faire le poids devant la présentation de demande
de hausse de tarifs de l'Hydro-Québec, ni devant non plus la
présentation de son actif. Je rappellerai que l'actif de
l'Hydro-Québec se situe maintenant à près de $16
milliards.
Je vous décris cette situation pour vous montrer qu'il n'y a
vraiment aucune commune mesure entre une entreprise de la taille de
l'Hydro-Québec qui se présente devant nous, fort
préparée, fort documentée, avec tous les
spécialistes nécessaires, les ressources techniques,
financières et autres pour répondre à des questions et une
simple commission parlementaire qui n'a aucune préparation technique,
aucun soutien technique, ni financier, de recherche ou autre
spécialisé, outre, évidemment, les recherches des
différents partis politiques, et c'est la même chose pour le parti
au pouvoir que pour les autres partis.
Je vous rappellerai que j'avais fait une émission radiophonique
dans le cadre de cette commission parlementaire avec un membre du Parti
québécois qui avait déploré, lui aussi, que comme
député, il n'avait accès à pratiquement aucune
information et qui se présentait devant la commission parlementaire,
dans le fond, comme je le lui disais à ce moment-là, simplement
pour accomplir cette simple formalité que devient le pèlerinage
annuel de l'Hydro-Québec devant la commission parlementaire. Ce sont des
faits. C'est
une situation réelle qu'on a vécue. Il n'y a donc pas de
commune mesure et le mandat de la commission parlementaire, de toute commission
parlementaire vis-à-vis des sociétés d'Etat, tel qu'il est
conçu actuellement, ne fait vraiment plus le poids. Le mandat n'est pas
suffisant pour permettre à la commission parlementaire d'aller chercher
l'information nécessaire pour préparer son travail, ni, non plus,
de demander ou exiger que la société d'Etat produise ce qu'on
veut qu'elle produise pour éclairer la commission parlementaire. La
commission parlementaire, telle qu'elle est conçue actuellement dans le
régime parlementaire qu'on a en vertu du règlement, n'a pas le
pouvoir suffisant, dans le fond, pour permettre à la démocratie
de s'exercer jusqu'au bout dans ce sens-là. Cela devient donc simplement
une formalité érigée en système.
Au niveau de la continuité, Mme le Président, cela pose
également un problème, un problème majeur et très
profond parce que et c'est le cas de toutes les sociétés
d'Etat et ce n'est pas un reproche, c'est une constatation de fait qui est
normale toute société d'Etat, évidemment, a son
personnel en place depuis des années qui lui assure, dans ses
recherches, dans son travail, dans son plan de développement et dans
toutes ses activités un élément de continuité que
l'Assemblée nationale, par ses commission parlementaires
chargées, dans le fond, de superviser son travail ou de recevoir ses
demandes et ainsi de suite, n'a pas. Elle n'a pas cet élément de
continuité d'aucune façon, en plus de ne pas avoir les moyens
techniques et autres.
Alors, à ce moment-là, on voit vraiment qu'il y a une
nette disproportion et que si on voulait être vraiment logique avec
soi-même, lorsqu'une telle commission parlementaire est convoquée,
les députés devraient dire, tout simplement, on décline
l'invitation puisque c'est une simple formalité sociale et que cela
équivaudrait à peu près à la même chose que
d'aller prendre le café avec M. Boyd ou avec quelqu'autre
représentant pendant dix minutes, en lui disant: Cela nous fait plaisir
de vous rencontrer. C'est à peu près la même chose. Dans
les faits, c'est cela.
Je ne remets pas en cause le mode de gestion ou quoi que ce soit, je
décris la situation et je la caricature un peu pour montrer
l'absurdité et le vieillissement de notre appareil parlementaire
à ce chapitre-là. On ne fait vraiment plus le poids et on est
d'une autre époque lorsqu'on joue le jeu de venir à une
commission parlementaire pour poser des questions ou pour demander certaines
explications alors qu'on n'est absolument pas prêts; et même pour
le ministre, dans certains cas, c'est la même chose.
Lorsque le ministre disait, tout à l'heure, que
l'Hydro-Québec n'est pas un monopole, je n'ouvrirai pas la discussion
là-dessus, on pourrait en discuter longuement, parce que je ne pense pas
que le ministre ait beaucoup de choix en ce qui concerne ses approvisionnements
d'électricité pour sa lumière, sa télévision
et un paquet de choses. Je ne pense pas qu'il change de mode
d'approvisionnement. Il y a des données qui sont fondamentales
là-dedans, il va devoir se conformer aux réalités dans
lesquelles nous vivons.
Ce qu'on a su, entre autres, Mme le Président, avec simplement
cette commission parlementaire, c'est que, par exemple, l'Hydro-Québec a
une très très grande discrétion. Elle est obligée,
parce qu'il y a aussi un engorgement des données, elle aurait à
nous fournir, en venant ici, les détails de ses activités d'une
année entière, se chiffrant à $16 milliards, en une
journée. Elle ne peut pas nous fournir, même si elle le voulait,
tout ce qu'on aurait besoin de savoir. Il y a même une série de
questions qui ne viennent jamais et pour lesquelles ces experts-là, j'en
suis convaincu, sont préparés, parce qu'il y a des valises
énormes qui se promènent en arrière lorsque
l'Hydro-Québec vient. Ces gens-là sont préparés
depuis des mois et les questions ne viennent pas. Alors, c'est un jeu de chat
et de souris qui est complètement illogique et qui doit être
corrigé.
Je reviens sur la question de la "secrétivité", si vous
voulez, de l'Hydro-Québec sur certains aspects. Je prendrai un document
qui est publié par le gouvernement lui-même, qui vient de l'Office
de planification du développement du Québec, qui s'intitule: Les
sociétés d'Etat et les objectifs économiques du
Québec, publié en mars dernier. A la page 105, je lis ceci
c'est donc un document qui émane du gouvernement en parlant de
l'Hydro-Québec: D'autre part et c'est un problème
directement relié au précédent
l'Hydro-Québec fonctionne dans le secret quasi absolu. Plusieurs
décisions importantes n'ont jamais été suffisamment
justifiées, la décision de confier la gérance des travaux
de la baie James à la firme Bechtel, par exemple. Le gouvernement devra
se doter là c'est un organisme gouvernemental qui parle
des moyens nécessaires pour obtenir plus d'information sur les
activités de sa société d'Etat. Les données
disponibles, par exemple, ne nous permettent pas de savoir si
l'Hydro-Québec exploite au maximum son pouvoir d'achat. (12 heures)
C'est simplement un des éléments que j'ai fait ressortir
lors de cette commission parlementaire, ce que je me permets de ramener ici ce
matin, dans le cadre de notre discussion, puisqu'il m'apparaît que le
gouvernement lui-même, dans ses propres documents, reconnaît que
ça ne fonctionne pas, qu'on n'a pas les mécanismes requis, qu'on
n'a même pas la possibilité de voir ce qui se passe, même
à l'intérieur de nos sociétés d'Etat.
Deuxièmement, je vous rappellerai, comme je l'avais fait lors de
cette commission parlementaire, qu'au niveau de nos sociétés
d'Etat, plus particulièrement au niveau de l'Hydro-Québec, au
niveau des informations de base, je ne parle pas de l'information secondaire,
il n'est pas possible, dans plusieurs cas, d'obtenir ce dont on a besoin pour
travailler. C'est la même chose du côté ministériel,
j'en suis convaincu.
D'ailleurs, Mme le Président, je vous réfère
à un article paru dans le Devoir du 10 mai 1978,
sous la plume de Michel Vastel, qui suit le domaine de près,
où on parle de l'étude Boyer-Martin, deux professeurs de
l'Université de Montréal qui ont fait certaines études sur
les coûts de l'Hydro-Québec et sur son mode d'opération:
"Toute l'étude de Boyer-Martin vise donc à établir, pour
l'Hydro-Québec, une méthode de tarification qui tienne mieux
compte des coûts réellement supportés par la
société québécoise." Les auteurs précisent
que leur étude pourrait sans doute être encore raffinée,
mais c'est ici que c'est important, Mme le Président ce
qui en dit long sur le comportement de l'Hydro-Québec, ils se plaignent,
à plusieurs reprises, dans leur rapport, de ne pas avoir eu accès
à des informations de base indispensables.
C'est un fait, je pense que le ministre est au courant de l'étude
Boyer-Martin faite à ce sujet. Je continue la citation: "A quelques
semaines de la publication du livre blanc sur l'énergie par le ministre
délégué, M. Joron, on peut même se demander si
l'Hydro-Québec a ouvert davantage ses livres au gouvernement du
Québec qu'aux deux chercheurs indépendants de l'Université
de Montréal pour le compte d'un ministère fédéral
jouant un rôle économique important au Québec."
Je pense que ce n'est pas une mince affaire qu'une déclaration de
cette nature. Elle indique dans le fond que deux personnes mandatées par
un ministère pour faire une analyse aussi importante que
celle-là, se sont vu refuser l'accès à des données
fondamentales pour leurs études et, dans le même article, on le
présume le ministre délégué à
l'Energie a laissé entendre certaines choses que c'est un peu le
même phénomène au niveau de la relation entre le ministre
et la société d'Etat, qu'il n'a peut-être pas accès
à toutes les informations. Je pense que ça doit allumer nos
lumières pour nous dire: Regardons pour voir si on ne peut pas organiser
un autre mécanisme qui permette au gouvernement, mais aussi à
l'Assemblée nationale qui, dans le fond, est l'aboutissement
démocratique de la volonté des citoyens, d'avoir un
contrôle et un regard direct sur l'argent de la population au niveau de
ces sociétés d'Etat.
Le député de Beauce-Sud a évoqué tout
à l'heure et à juste titre la question des pèlerinages
annuels des sociétés d'Etat pour renflouer leurs fonds. C'est
exactement la même chose, chaque année, on continue le même
processus.
C'est pour ça que j'ai remis en question et que je remets encore
en question, le rôle de la commission parlementaire, telle qu'elle existe
actuellement, devant un bilan comme celui de l'Hydro-Québec, qui n'a
vraiment aucune mesure commune. Dans le fond, la comparution de
l'Hydro-Québec, comme je l'ai indiqué, c'est simplement
maintenant une formalité érigée en système,
beaucoup plus qu'une analyse efficace de la part d'une commission
éclairée, ayant d'un côté, le mandat pour le faire
et ayant aussi des pouvoirs effectifs pour jouer son rôle d'outil
démocratique à l'Assemblée nationale.
Il m'apparaît donc que, tel qu'il est conçu ac- tuellement,
l'appareil démocratique qu'est l'Assemblée nationale, ne joue pas
pleinement son rôle véritable à travers cette commission
parlementaire devant l'Hydro-Québec ou devant ses autres
sociétés d'Etat. A la lumière de cette expérience,
en particulier de l'Hydro-Québec, qui est peut-être plus
éloquente que les autres, parce qu'elle a fait l'objet de beaucoup de
publicité et parce qu'elle touche le citoyen beaucoup plus de
façon directe que d'autres, on doit souligner l'urgent besoin que nous
avons de repenser et de modifier notre approche quant à l'analyse des
bilans, des performances, quant au mode d'opération et au plan de
développement de nos sociétés d'Etat.
C'était essentiellement le but que visait le chef de l'Union
Nationale par la motion qu'il a présentée à
l'Assemblée nationale pour convoquer cette commission parlementaire,
pour ouvrir toute l'enveloppe, mettre à jour l'ampleur de ce
problème et, dans un deuxième temps immédiat, poser des
actions, des gestes concrets pour trouver une formule pour assurer un droit de
regard réel et des pouvoirs aux députés à
l'intérieur d'un cadre précis qui pourrait avoir un poids
équivalent à celui de nos sociétés d'Etat, en
termes de documentation, en termes d'information, en termes de
disponibilité d'analyse et surtout avoir un poids en termes de
continuité.
Je pense qu'il est tout à fait primordial que, non seulement on
reconnaisse le principe aujourd'hui, mais qu'on passe à l'action, sinon
ce seront seulement des voeux pieux et la commission n'aura servi, à
toutes fins pratiques, à rien. Ceci est pour le deuxième argument
que le ministre a évoqué en ce qui concerne les
sociétés d'Etat, donc les commissions parlementaires telles
qu'elles existent actuellement. On pourrait continuer les exemples à
l'infini, mais cela ne fait plus le poids, cela ne joue plus le rôle.
C'est devenu, en fait, une section vieillotte de notre règlement qui,
par rapport aux sociétés d'Etat, ne fait plus aucunement le poids
et bloque, dans un certain sens, le jeu normal de l'appareil
démocratique. Les gens pensent que la commission parlementaire permet
aux députés et aux ministres d'avoir vraiment un droit de regard
sur les sociétés d'Etat, alors que c'est complètement
faux.
Quant au troisième argument que le ministre a
évoqué dans l'exposé qu'il nous a fait tout à
l'heure au début de la commission, je le cite: "II faut aussi ajouter
que les membres de l'Assemblée nationale ont la possibilité de
poser de nombreuses questions sur les sociétés d'Etat, notamment
lors de l'étude des crédits budgétaires des
ministères de tutelle. D'ailleurs, plusieurs des ministres ont
présenté, à diverses occasions, les activités des
sociétés dont ils avaient la responsabilité ".
On parle de crédits budgétaires. Mais là encore, il
faut voir dans quelle situation on est placé lorsqu'une commission
parlementaire est convoquée pour étudier les crédits d'un
ministère.
D'abord, on se rappellera et le ministre en est conscient
également qu'on a maintenant une enveloppe globale d'heures pour
l'ensemble
des commissions parlementaires lorsqu'il s'agit des crédits. A
toutes fins pratiques, je pense que cela peut équivaloir à une
dizaine d'heures en moyenne, par ministère, pour que deux ou trois
formations politiques puissent avoir l'occasion de poser des questions et
d'étudier l'ensemble des programmes, pour un ministère.
A ce moment-là, il ne s'agit pas d'analyser les performances
d'une seule société d'Etat, mais la gestion de l'ensemble du
ministère. C'est donc, dans un premier temps, noyé dans
l'ensemble de la discussion des crédits. Ce n'est pas possible, à
ce moment-là, de décortiquer la situation d'une
société d'Etat. Et deuxièmement, le même principe
qu'on a énoncé tout à l'heure, en ce qui concerne le
manque d'information de base, demeure, parce qu'on ne l'a pas plus au niveau de
l'étude des crédits qu'auparavant et, en plus, nous sommes
très limités dans le temps, ce qui fait que, souven-tefois
et on pourra me corriger si je me trompe, M. le Vice-Président est ici,
mais, règle générale, c'est cela on n'a même
pas le temps de finir d'étudier les crédits réguliers,
d'étudier tous les articles prévus aux crédits, parce que
nous sommes obligés de respecter l'enveloppe de temps globale qui nous
est allouée.
Lorsque le ministre nous dit qu'au niveau des crédits
budgétaires, cela donne un droit de regard à l'Assemblée
nationale, c'est malheureux, mais ce n'est pas le cas. On peut poser certaines
questions de principe sur autre chose, toucher à des petits
problèmes, mais ce n'est pas la tribune où on peut vraiment
passer à travers l'analyse de sociétés d'Etat comme
l'Hydro-Québec, SIDBEC ou d'autres.
On arrive au quatrième argument que le ministre a
évoqué pour dire que l'Assemblée nationale avait vraiment
des pouvoirs ou certains statuts par rapport à ces
sociétés d'Etat: je le cite au texte également pour bien
situer son intervention: "On peut aussi signaler que les sociétés
d'Etat, par l'intermédiaire du ministre de tutelle, déposent leur
rapport annuel et les états financiers à l'Assemblée
nationale. Ceci permet une information minimale sur l'évolution des
sociétés, dans le but de permettre une analyse plus
complète, structurée, etc."
Mais le ministre l'a convenu lui-même, il reconnaît que
c'est là moins que la base de l'information nécessaire, que ce
n'est pas là qu'on fait vraiment une analyse d'une entreprise, de son
fonctionnement, etc.
Comme le député de Beauce-Sud le disait, si on avait un
dépôt trimestriel au niveau de ces documents, cela aiderait un peu
plus, même si cela était seulement une parcelle du
problème.
Le quatrième argument du ministre dans ce sens-là ne
permet pas vraiment à l'Assemblée nationale d'avoir un droit de
regard, un droit de contrôle, d'avoir les moyens d'aller chercher
l'information au niveau des sociétés d'Etat et d'avoir les
pouvoirs réels qu'on devrait avoir dans une Assemblée nationale
moderne.
Ceci, pour ramener la discussion dans l'optique véritable que le
chef de l'Union Nationale a voulu lui donner au point de départ, le fait
qu'on doit repenser le rôle de l'Assemblée nationale par rapport
aux sociétés d'Etat, non pas le rôle du gouvernement. C'est
autre chose. Même les ministres, dans le gouvernement et je l'ai
indiqué n'ont pas vraiment un droit de regard sur leurs propres
sociétés d'Etat. En termes de temps, ils n'ont pas le temps non
plus. Ce sont des hommes qui disposent de 24 heures par jour. Lorsqu'ils ont
des sociétés d'Etat à gérer comme ils le font
actuellement, lorsqu'ils ont un droit de regard, l'ensemble de leur
ministère à administrer, le Conseil des ministres et ainsi de
suite, on sait qu'humainement, ce n'est même pas possible non plus.
C'est aussi pour cela qu'il faut repenser un mode d'approche qui soit
peut-être beaucoup plus apolitique ou "apartique" dans ce sens-là,
pour que l'Assemblée nationale ait un rôle démocratique
à jouer au niveau des sociétés d'Etat, ce qui
renforcerait, je pense, le pouvoir des ministres et peut-être donnerait
une vraie dimension à la démocratie.
On a parlé, depuis longtemps, de revaloriser le rôle des
députés. Le député de Beauce-Sud qui est à
côté de moi a participé à de nombreux débats.
Il en a entendu de toutes les sortes là-dessus aussi. Surtout depuis
quatre ans, on a beaucoup parlé de la revalorisation des
députés, par rapport à la machine gouvernementale. Il
m'apparaîtrait qu'une telle commission, selon la suggestion du chef de
l'Union Nationale, qui aurait des pouvoirs, un droit de regard sur les
sociétés, permettrait vraiment de revaloriser, de façon
pratique, le rôle du député. Parce que le citoyen, chez
lui, qui élit son député et l'envoie à
l'Assemblée nationale pour qu'il ait un regard sur l'administration
publique, sur les deniers qu'il paie en impôt et tout cela, je ne sais
pas s'il le sait vraiment, mais une fois que le député est rendu
à l'Assemblée nationale, il n'a pas grand-chose à dire,
surtout du côté ministériel. C'est un fait. Pourtant, il y
a des gens qui auraient des choses à dire, qui pourraient faire un
travail efficace, qui pourraient mettre l'épaule à la roue du
côté de l'administration publique, qui pourraient apporter leur
collaboration.
Je comprends que le député a d'autres travaux ailleurs, je
le sais, j'en conviens, mais...
M. Chevrette: ... sur des projets de loi aussi.
M. Brochu: ... au niveau du rôle démocratique que le
député se vante d'avoir dans son comté, qu'il doit avoir
aussi, on pourrait revaloriser le rôle du député dans ce
sens. Cela répond au principe de "no taxation without representation".
Le citoyen paie pour les sociétés d'Etat. Il élit des
députés à l'Assemblée nationale pour le
représenter, soi-disant aussi pour avoir un droit de regard
là-dessus, mais le lien ne se fait pas à l'autre bout. Il paie
pour les sociétés d'Etat. Il élit le député.
Le député n'a pas un mot à dire sur les
sociétés d'Etat. A ce moment-là, "no taxation without
representation" ne s'applique vraiment
pas. Au Parlement, en quelque sorte, la démocratie, c'est cela.
C'est véritablement cela. Elle perd complètement sa dimension
réelle.
Les sociétés d'Etat deviennent, par la force des choses,
de petits Etats dans l'Etat, de petits gouvernements dans le gouvernement sur
lesquels le ministre lui-même souvent n'a même pas de droit de
regard, comme je l'ai indiqué.
Je vais aller plus loin, non pas pour que ce soit simplement un
énoncé du député de Richmond, mais pour dire que
les ministres n'ont souvent pas de pouvoirs par rapport à leurs
sociétés d'Etat et pour démontrer en même temps le
besoin d'une commission comme le propose le chef de l'Union Nationale. Je vais
me baser sur une déclaration d'un ancien ministre, qui a
été colligée, qui dit exactement ce qu'il en est. Je me
réfère au même rapport sur les sociétés
d'Etat publié par l'OPDQ, au bas de la page 105, où on dit ceci:
"L'ancien ministre des Richesses naturelles, Jean Cournoyer, faisait
récemment état de ses frustrations à l'égard de la
direction de l'Hydro. Il disait ceci: Mon successeur peut évidemment
demander à l'Hydro de lui fournir des comptes". Il parlait de son
successeur. "A ce moment-là, les dirigeants de la société
peuvent lui dire n'importe quoi, sans qu'il puisse vérifier. Il faudrait
donc procéder à un examen fondamental de l'Hydro-Québec,
comme le gouvernement onta-rien a fait avec l'Hydro-Ontario, en créant
une commission royale d'enquête. Il faudrait donc trouver un autre moyen
il l'a dit aussi ici parce que, pour l'instant, seuls les
dirigeants de l'Hydro-Québec connaissent le portrait exact du projet de
la baie James et des affaires qui les touchent".
Je pense que c'est aussi lourd de conséquence dans ce sens. Ce
n'est pas de la part de l'homme de la rue qui émet une opinion sur un
problème quelconque, c'est de la part d'un ministre qui a
été en titre, qui a été responsable de
l'exploitation d'une société comme celle-là, qui
déplore le fait que lui-même ne pouvait pas avoir les
contrôles nécessaires dont il aurait eu besoin en tant que
ministre responsable Je pense que cela a du poids et une certaine
importance.
Mme le Président, pour résumer, tout cela indique
clairement le besoin qu'on a de donner un droit de regard et de contrôle
aux membres de l'Assemblée nationale sur nos sociétés
d'Etat. C'est plus qu'une question d'information. Le ministre a relié
cela, tout à l'heure, à une question d'information; c'est
beaucoup plus qu'une question d'information, c'est une question de droit de
regard avec certains pouvoirs même, dans ce sens. Le ministre a
indiqué qu'on se situait peut-être dans un contexte de vingt ans
d'incohérence dans ce sens. Il ne faudrait pas que ce soit une raison
pour continuer à maintenir cette incohérence ce matin. (12 h
15)
Quand M. Biron, le chef de l'Union Nationale, a présenté
cette motion, il a voulu donner cette tribune aujourd'hui pour qu'on puisse
prendre des décisions pratiques. Le ministre a dit, entre autres, que si
on créait cette commission parlementaire, il aurait certaines
inquiétudes quant aux tactiques de vente, quant aux stratégies
commerciales que certaines sociétés d'Etat n'ont pas à
dévoiler. C'est au niveau des mécanismes de la structure
même d'une telle commission parlementaire qu'on devrait discuter de ces
questions. Il y aurait peut-être lieu, dans certains cas, de
siéger à huis clos, il y aurait peut-être lieu de mettre
certains embargos, mais je pense que, au niveau de la création comme
telle des pouvoirs et des responsabilités d'une telle commission, on
pourrait aller plus loin dans ce sens.
Maintenant, en terminant, je l'ai indiqué au point de
départ, je ne voudrais certainement pas que notre commission parte
simplement en reconnaissant le fait qu'on a besoin d'intervenir au niveau des
sociétés d'Etat, mais plutôt qu'on prenne des
décisions pratiques et qu'on se donne des moyens d'action
précis.
Motion pour la création d'une commission des
sociétés d'Etat
C'est dans ce sens, Mme le Président, qu'il me fait plaisir, pour
donner suite aux propos du chef de l'Union Nationale, de présenter la
motion qui suit et qui se lit: Que les membres de cette commission recommandent
que le règlement soit modifié de manière à
permettre, dès le début de la prochaine session de cette
Législature, la création de la commission élue permanente
des sociétés d'Etat et que, d'ici ce temps, une sous-commission
soit créée pour étudier et faire des recommandations
à l'Assemblée sur le mandat et les pouvoirs qui lui seront
confiés, ainsi que l'aide technique nécessaire à son bon
fonctionnement.
Je vous soumets donc respectueusement cette proposition, en étant
conscient que cela permettrait à la commission parlementaire actuelle de
mettre en marche un premier mécanisme qui verrait, au niveau de nos
règlements de l'Assemblée nationale, à
dépoussiérer un peu ceux-ci pour les rajeunir et préparer
déjà l'outil de contrôle dont je vous ai fait part tout
à l'heure.
Le ministre a indiqué, au point de départ, dans ses
remarques, une certaine ouverture d'esprit qu'il disait avoir, face à ce
problème. Je pense que, dans le contexte de la motion qui est
présentée actuellement, il pourra faire preuve de cette ouverture
d'esprit qu'il indiquait à ce moment et accepter, avec ses
collègues ministériels, qu'on puisse donner le mandat à la
commission de créer, si vous voulez, avec la recherche
nécessaire, une commission permanente des sociétés d'Etat,
et créer, d'ici ce temps, une sous-commission pour étudier et
faire des recommandations à l'Assemblée. C'est un premier
cheminement normal, faisant suite aux discussions que nous tenons ce matin et
également à la motion qui a été adoptée, je
vous le rappelle, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale
il y a quelque temps.
Je continue donc sur la motion comme telle. Si on accepte le principe de
reconnaître le besoin de changer notre mode d'approche en tant qu'As-
semblée nationale au niveau des règlements, je pense qu'on
se doit, par la même occasion, par le même pendant, pour
éviter que perdure la situation, de poser des gestes...
M. Cardinal: Je m'excuse, M. le député.
Le Président (Mme Cuerrier): Une question de
règlement.
M. Cardinal: II faudrait quand même décider si la
motion est recevable avant qu'on en parle.
M. Brochu: J'en conviens, M. le député.
Le Président (Mme Cuerrier): Quelqu'un veut-il intervenir
sur la recevabilité de la motion?
M. Cardinal: Je ne me le permettrai pas. Le Président
(Mme Cuerrier): Pourquoi pas?
M. Cardinal: C'est parce que c'est assez délicat.
M. Brochu: C'est embêtant? Une Voix: Cela va?
Le Président (Mme Cuerrier): Puisque c'est une
recommandation, ce n'est pas un ordre à l'Assemblée nationale
comme telle, à moins que vous n'ayez des interventions sur la
recevabilité de la motion.
M. Roy: Sur la recevabilité de la motion, Mme le
Président, il ne s'agit pas d'une décision. Il s'agit d'une
recommandation. Donc, à mon avis, à la lumière de
l'expérience passée, je pense que la motion est recevable; je
suis convaincu qu'elle est recevable.
M. Cardinal: Mme le Président...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le
vice-président.
M. Cardinal: Je ne me prononcerai pas sur la recevabilité.
C'était simplement le fait technique qu'il fallait le déclarer,
et j'accepterais volontiers l'opinion de M. le député de
Beauce-Sud.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Richmond, vous pouvez continuer à parler sur cette motion.
M. Brochu: Je vous remercie beaucoup, Mme le Président.
C'est pour ça que, dans les quelques paroles qui ont suivi le
dépôt de ma motion, je regardais le député de
Prévost et j'attendais un peu une certaine remarque de ce
côté-là.
Or, Mme le Président, je continue donc, à la suite de
cette motion qui vient maintenant d'être acceptée et qui
formera...
M. Cardinal: Qui a été reçue.
M. Brochu: Qui a été reçue, pardon et qui,
j'espère, sera adoptée dans un deuxième temps, pour poser
des gestes concrets justement ce matin dans le sens de ces voeux de
créer cette commission parlementaire.
Vous savez, Mme le Président, j'ai l'impression que tout
gouvernement qui est élu devient un peu comme un père adoptif de
la province, qui tombe veuve tous les quatre ans ou quelque chose du genre.
C'est un peu comme un père adoptif, par rapport aux
sociétés d'Etat, qui tend parfois un peu à
surprotéger les grands enfants de cette dame, pas nécessairement
parce qu'ils sont toujours délinquants. Souvent, ils peuvent avoir des
comportements qu'on peut critiquer ou ils peuvent poser des gestes avec
lesquels on peut être plus ou moins d'accord. Mais le nouveau père
adoptif je remarque que, dans l'histoire, ça c'est passé
un peu comme ça...
Le Président (Mme Cuerrier): Une mère adoptive, M.
le député?
M. Brochu: Ah non! Pas mère adoptive, c'est père
adoptif. C'est le gouvernement.
Le Président (Mme Cuerrier): C'est l'Assemblée, je
vous ferais remarquer.
M. Brochu: C'est le gouvernement, madame, parce que la motion n'a
pas encore été adoptée.
M. Landry: Le gouvernement n'a pas de sexe.
M. Brochu: Ce père, on dirait qu'il tend à
surprotéger ces enfants et à leur permettre un peu de continuer
leurs activités quelquefois un peu frivoles en apparence, et je ne sais
pas si ça devra continuer longtemps, mais c'est un fait.
L'expérience nous démontre que chaque gouvernement qui arrive a
critiqué la situation souventefois avant d'arriver, a un peu
décrié ça et, dès qu'il arrive, les ministres
prennent la responsabilité de leurs petites juridictions et, par
après, il ne faut plus que ça change, comme s'il y avait un
mécanisme, dans le fond, de culpabilité qui n'est pas
réel.
Dans le fond, je vais vous dire quelque chose, M. le ministre. Vous
n'êtes pas coupable vous-même, de ce qui se fait actuellement, vos
collègues non plus ne sont pas coupables mais il ne faudrait pas que le
même sentiment de culpabilité qui a prévalu pour d'autres
avant perdure et, qu'à ce moment-là, on dise: Ces grands enfants
adop-tifs étaient là quand on est arrivé; on va continuer
à les élever tels qu'on avait commencé à les
élever et on ne changera pas trop de choses.
C'est dans ce sens-là que la motion prend le plus de sens et que
je dis au ministre que je comprends que c'est difficile. Parce qu'il faut que,
comme attitude personnelle, le ministre, comme ses collègues, voient
maintenant la relation non pas en termes de gouvernement ou de Conseil des
ministres vis-à-vis des sociétés d'Etat, mais
qu'ils changent leur optique des choses et qu'ils voient maintenant
l'Assemblée nationale en regard des sociétés d'Etat. Je
pense que c'est passablement différent.
Je vous rappelle ce que le chef de l'Union Nationale a cité tout
à l'heure en vous indiquant qu'on base largement nos propositions sur ce
qui s'est fait jusqu'à ce jour en Colombie-Britannique depuis un an, et
je rappellerai au ministre, parce qu'il avait certaines inquiétudes sur
le système britannique, que c'est également une province qui
fonctionne selon le système britannique, qui a, elle,
décidé, devant l'augmentation du nombre de sociétés
d'Etat, devant le manque de contrôle de l'Assemblée nationale
là-bas sur les sociétés d'Etat, qui a décidé
de se donner un outil moderne à l'intérieur du parlementarisme
pour avoir ce contrôle.
Je vous rappellerai que cela ne met aucunement en cause la question de
la responsabilité ministérielle que de créer une telle
commission, celle qu'on vous propose actuellement. Ce sont deux choses
complètement distinctes. La responsabilité ministérielle
demeure exactement la même et on tient compte de cela dans la proposition
qu'on fait.
C'est simplement pour vous dire que la Colombie-Britannique, l'an
dernier, devant les besoins de la situation, a jugé bon de créer
une telle commission parlementaire chargée d'avoir un droit de regard
sur les sociétés d'Etat et, jusqu'à maintenant,
l'expérience s'est révélée pas mal satisfaisante.
Si ces gens ont senti le besoin de créer une telle commission, je pense
que nous, dans le même contexte, avec le nombre de sociétés
d'Etat que nous avons, dans le même système parlementaire
britannique, avec des règlements sensiblement pareils, je pense qu'on se
doit de regarder ce qui se fait ailleurs et de tirer profit des
expériences positives que d'autres ont pu faire en la
matière.
Cette commission parlementaire, telle que conçue là-bas,
en Colombie-Britannique, permet à un certain nombre de
députés il n'y a même pas de ministres qui
siègent à cette commission; seulement des députés
de tous les partis de convoquer, elle donne le pouvoir de convoquer
toute société d'Etat lorsqu'elle le juge à propos. S'il se
pose un problème au niveau d'une société d'Etat, une
situation qui n'est pas claire ou autre, la commission peut, de son chef,
convoquer devant elle la société d'Etat, lui faire ouvrir ses
livres, lui faire rendre des comptes. Je pense qu'à ce moment, dans le
sens de l'outil démocratique dont on parlait tout à l'heure, vu
que c'est le citoyen qui paie pour ces sociétés d'Etat, une telle
commission permet, par son biais, au citoyen d'avoir vraiment accès aux
livres des sociétés d'Etat et d'avoir un droit de regard effectif
là-dessus.
Ils sont même allés plus loin parce que je sais que, dans
les discussions qu'ils ont eues pour former cette commission, ils avaient
même proposé que ce soit un membre de l'Opposition qui en soit le
président, pour en démontrer la nature apolitique jusqu'à
un certain point. Cela n'a pas été adopté, mais je vous
dis que cela a été assez loin, la discussion qui s'est faite; ce
n'était pas autour de partis politiques, il s'agissait de munir
l'Assemblée d'un outil qui renforce le travail des ministres dans ce
sens.
C'est ce qui s'est fait là-bas en Colombie-Britannique. J'ai
été en mesure de m'en rendre compte moi-même parce que j'ai
pu me rendre là-bas, au cours d'un voyage auquel le président de
l'Assemblée nationale, M. Richard, participait, qui avait
été organisé par le bureau des relations
interparlementaires et qui a été excellent d'ailleurs, dans le
cadre des conférences annuelles de l'Association des parlementaires
britanniques. Il a pu y avoir des échanges très fructueux et,
à ce niveau, on a pu un peu se rendre compte sur place de ce qui se fait
et je pense que cela est important.
On a pu voir que la chose est possible, faisable et qu'elle donne de
bons résultats.
En plus de cela, Mme le Président, j'ai eu aussi l'occasion de
rencontrer personnellement le président de cette commission
parlementaire, M. Veitch. Ce dernier a vraiment pris son expérience
à coeur. Il la mène à fond de train là-bas. Cela
semble vraiment satisfaisant. Je n'ai pas discuté de cet aspect avec
lui, mais si jamais la commission parlementaire en manifestait le désir,
je pense que M. Veitch se ferait un plaisir de venir faire part de son
expérience. Ce sera évidemment, à ce moment-là, au
gouvernement à prendre des ententes avec lui pour en discuter. Il
pourrait éclairer la commission sur le mandat qu'elle veut donner
à la commission parlementaire en question, sur le rôle qu'elle
veut lui confier, sur les procédures qui ont été mises en
marche pour y arriver.
Mme le Président, je termine mes propos là-dessus, en
espérant que mes collègues de la commission feront suite à
cette motion que l'Union Nationale présente maintenant pour
émettre ce voeu qu'on mette en marche dès maintenant un
mécanisme pour rajeunir nos institutions, renforcer nos commissions
parlementaires. Cela s'inscrirait peut-être dans le cadre de la
transparence du Parti québécois.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre au
développement économique.
M. Landry: Quelques remarques, la première étant
que cette étude que le député a citée abondamment
comportait un avertissement. Je ne sais pas s'il l'a lue.
M. Brochu: Oui, je l'ai lue.
M. Landry: Les études publiées ici n'engagent que
la responsabilité des auteurs et ne sont publiées que pour
l'information du public. Elles ne sont pas l'expression des politiques
officielles du gouvernement.
M. Brochu: Mais c'est une étude qui a été
commandée par le gouvernement.
M. Landry: Bien sûr. Ce qui dénote l'esprit dans
lequel on travaille d'ailleurs, qui est un esprit d'ouverture. Le gouvernement
a déjà une politique sur cette question. Il est héritier
d'une tradition et il reconnaît que cette politique, que cette doctrine
doit être resserrée et doit être complétée
largement, du reste, dans le sens des remarques du député. Mais
je rappelle, pour mémoire, c'est important, que plusieurs points
importants ont été faits depuis huit ou dix mois. Nous sommes en
voie d'obtenir des sociétés leur plan de développement.
Nous avons, dans toute la mesure du possible, chaque fois qu'on a ouvert une
loi, introduit le pouvoir de directives. Nous sommes en train
d'élaborer, avec les sociétés d'Etat, des critères
d'évaluation et de performance, tout cela étant une
conséquence directe des travaux auxquels le député a fait
allusion à l'époque de M. Coulombe et également une
innovation qui est celle des états financiers trimestriels qui
correspond également à une demande du député.
Autres remarques techniques, aussi bien liquider cela quand c'est le
temps. Le Vérificateur général actuellement vérifie
24 sociétés. Il y en a onze qui sont l'objet de travaux de
bureaux de comptables privés. Donc, dans les 24, on a
l'échantillonnage nécessaire pour analyser l'efficacité du
travail et, éventuellement, faire les extrapolations nécessaires
sur les 11, ce n'est pas du tout une fin de non-recevoir. C'est simplement pour
vous signaler qu'on ne part pas à zéro.
Enfin, si j'ai le temps... si c'est le temps...
Le Président (Mme Cuerrier): Nous allons devoir ajourner
nos travaux, il est 12 h 30.
M. Landry: Je veux vous dire, au nom du gouvernement, que nous
croyons que cette chose est extrêmement importante, nous sommes en
recherche autant que vous l'êtes et, par conséquent, nous avons
aujourd'hui à nous rendre au caucus de nos députés.
Cependant, si vous exprimez le voeu que nous retravaillions au sein de cette
commission, dans la voie des travaux que nous avons entrepris ce matin, nous ne
nous en plaindrons pas, bien au contraire, parce que je reconnais volontiers
que les suggestions que vous nous avez faites sont extrêmement positives
et vont nous aider dans nos travaux.
Le Président (Mme Cuerrier): La commission...
M. Gratton: Mme le Président, vous me permettrez quand
même... Si je semble comprendre l'intervention du ministre, on
ajournerait nos travaux sine die, sans aucune indication du moment...
Le Président (Mme Cuerrier): II y a quand même le
leader parlementaire du gouvernement qui pourra convoquer de nouveau la
commission et c'était d'ailleurs son intention...
M. Gratton: Est-ce que le ministre peut nous donner une
indication ou une assurance que ce sera cet après-midi, après la
période des questions? Parce qu'on a quand même une motion dont il
faudrait disposer avant de reporter ça aux calendes grecques.
M. Landry: Non, je vais vous dire ce à quoi je pensais. Il
y a une somme énorme d'information sur la table. Si la deuxième
phase avait lieu dans huit ou dix jours, on aurait un temps de digestion,
d'information supplémentaire, d'analyse et ça, encore une fois,
c'est pour le bon fonctionnement de la commission que je dis cela. Il y a eu
des hypothèses qui ont été émises, il y a
l'expérience de la Colombie-Britannique à laquelle on a fait
allusion. Tout ça demande une certaine décantation si on veut que
le travail soit vraiment sérieux. Mais ce n'est pas une bataille qu'on
engage là-dessus.
M. Brochu: Mme le Président, sur le point soulevé,
je vous rappellerai simplement que l'avis de motion qui a été
donné à la Chambre, hier, concernant notre commission
parlementaire, stipule clairement que c'est dans le cadre de toute commission
parlementaire et qu'elle a le mandat de siéger ce matin, cet
après-midi et ce soir, si elle le juge à propos. Alors, je pense
que si on suspend nos travaux à 12 h 30, on pourra les reprendre cet
après-midi après la période des questions, comme toute
autre commission parlementaire. (12 h 30)
Une Voix: C'est l'avis d'ailleurs...
M. Brochu: C'est l'avis de motion voté par la Chambre.
M. Gendron: Je ne veux pas présumer du travail de la
Chambre cet après-midi, mais je pense qu'on pourrait se revoir. Il est
exact que si on s'en tient au mandat même de la commission,
c'est-à-dire étudier les meilleurs moyens à prendre pour
assurer un contrôle et une surveillance, et qu'on prend une partie de la
motion où on recommande la création de la commission élue
permanente, si nous revenons cet après-midi, nous allons devoir discuter
la motion elle-même, même si ce n'est qu'une recommandation.
Pour ma part, je suis très intéressé à la
question qui a été soulevée, parce que je pense qu'elle
est très réelle et très fondamentale. Mais quand on dit
qu'on va créer une commission élue permanente des
sociétés d'Etat et que je ne sais à peu près pas
à quel titre, sauf constater qu'il faut faire plus et qu'il faut
s'assurer de meilleurs mécanismes et de meilleurs contrôles,
j'aimerais bien revenir sur le fond de la motion et éventuellement avoir
quelque chose pour baliser tout le contenu et toutes les responsabilités
qui seront dévolus à cette commission élue permanente des
sociétés d'Etat. Tout ce qu'on sait, on pense que ce serait
intéressant d'avoir ce mécanisme. Que fera exactement cette
commission? Quel sera son mandat précis?
M. Gratton: C'est couvert dans la motion.
M. Brochu: Mme le Président, je pense que ce à quoi
le député fait allusion, ce sera véhiculé, ce sera
discuté au niveau de la sous-commission à ce moment-là. Il
ne faut pas entrer dans le fond maintenant. C'est juste sur la forme, à
savoir si on se réunit cet après-midi. Le mandat de la Chambre
était clair dans ce sens-là. On reprendra les discussions
là où on les a laissées ce midi, en vertu du mandat de la
Chambre, et on pourra s'ajuster.
Le Président (Mme Cuerrier): Je suis dans une situation
où je n'ai pas pu vérifier jusqu'à maintenant. J'allais
ajourner sine die parce que nous sommes en période de session et que je
n'ai pas vérifié la motion du leader du gouvernement. Si vous
m'accordez quelques secondes, même si c'est le moment d'ajourner...
M. Roy: Mme le Président...
Le Président (Mme Cuerrier): Oui, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Je pense qu'en vertu des règlements et en vertu de
la tradition, vous devez ajourner sine die. De toute façon, il faut une
nouvelle convocation de la Chambre.
Le Président (Mme Cuerrier): C'est là que j'en
arrivais avec mon intervention. Habituellement, lorsque la Chambre
siège, il faut une nouvelle convocation, même si cette motion
pouvait le spécifier.
La commission de l'Assemblée nationale ajourne ses travaux sine
die.
Fin de la séance à 12 h 33.