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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Thursday, November 30, 1978 - Vol. 20 N° 204

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Contrôle et surveillance des sociétés d'Etat québécoises par le gouvernement et les membres de l'Assemblée nationale


Journal des débats

 

Contrôle et surveillance des sociétés d'Etat québécoises

par le gouvernement et les membres de l'Assemblée nationale

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Richard): Je déclare ouverte cette séance de la commission de l'Assemblée nationale aux fins d'étudier les meilleurs moyens à prendre pour assurer un contrôle et une surveillance plus efficaces sur le fonctionnement et la performance des sociétés d'Etat québécoises par le gouvernement et par les membres de l'Assemblée nationale.

Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blank (Saint-Louis) remplacé par M. Gratton (Gatineau); M. Burns (Maisonneuve), M. Cardinal (Prévost), M. Charron (Saint-Jacques), Mme Cuerrier (Vaudreuil-Soulanges), M. Dussault (Châteauguay), M. Fallu (Terrebonne), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Jolivet (Laviolette), M. Lamontagne (Roberval), M. Lavoie (Laval), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard (Montmorency), M. Vaillancourt (Jonquière).

M. Gendron: M. le Président, pourriez-vous, à la place de M. Bisaillon, mettre le nom de M. le ministre Bernard Landry, comme membre?

Le Président (M. Richard): M. Bisaillon (Sainte-Marie) est remplacé par M. Landry (Fabre).

M. Biron: Voulez-vous remplacer M. Bellemare par Biron et M. Grenier par M. Brochu?

Le Président (M. Richard): M. Bellemare (Johnson) est remplacé par M. Biron (Lotbinière); M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé...

M. Biron: Par M. Brochu.

Le Président (M. Richard): ... par M. Brochu (Richmond). M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, dans toutes les commissions parlementaires, il y a des membres de la commission parlementaire et il y a aussi des intervenants, sauf pour la commission de l'Assemblée nationale, parce que c'est une commission parlementaire spéciale. Si c'était accepté par les membres de la commission ce matin, je désirerais pouvoir participer aux travaux de cette commission, parce que c'est une question qui m'a toujours intéressé et qui m'intéresse encore.

Le Président (M. Richard): Je suppose qu'il n'y a pas d'objection. M. le député de Beauce-Sud, cela va aller.

M. Roy: Merci.

Le Président (M. Richard): M. le ministre d'Etat au développement économique, vous avez la parole.

M. Cardinal: II n'y a pas de rapporteur.

Le Président (M. Richard): Oh oui! Je suggère qu'une motion soit présentée pour qu'un rapporteur de la commission soit désigné.

M. Cardinal: M. Fallu, le député de Terrebonne.

Le Président (M. Richard): Est-ce que la motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Richard): Adopté. M. Fallu (Terrebonne), vous êtes désigné comme rapporteur de la commission. M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Gratton: M. le Président, est-ce que le ministre dispose de copies du texte qu'il va nous livrer?

Exposé du ministre d'Etat au développement économique

M. Bernard Landry

M. Landry: Oui, M. le Président, ce sera une question de minutes, les copies du texte.

M. le Président, c'est la première fois, sauf erreur, qu'une commission parlementaire se réunit pour discuter, dans son ensemble, des moyens pour améliorer le contrôle et la surveillance des sociétés d'Etat par le gouvernement aussi bien que par l'Assemblée.

Bien sûr, par le passé, de nombreuses commissions ont étudié des sociétés d'Etat individuellement, mais elles n'avaient pas pour but, de façon spécifique, d'étudier la manière dont le gouvernement et l'Assemblée devraient organiser ou améliorer les liens et les contrôles à appliquer. Par conséquent, je dis, sans ambages, que la motion qui nous a amenés ici était extrêmement pertinente. J'en rends hommage au chef de la formation politique qui l'a proposée. Elle était pertinente, nous le verrons, par les quelques propos qui suivront, non seulement dans notre Assemblée nationale et notre Parlement, mais pratiquement tous les Parlements du monde sont aux prises avec le même problème. Cela n'existait pas quand ces Parlements sont nés, mais depuis 1945, en particulier, il n'y a pas de grande société industrielle contemporaine qui n'ait pas un grand nombre de sociétés d'Etat. On est bien en dessous de la moyenne, en fait. Les élus du peuple et les gouvernements ont éprouvé le besoin de voir de quelle manière les fonds publics qui s'en vont dans ces sociétés d'Etat sont contrôlés et comment l'activité de ces sociétés est contrôlée. Nous avons donc en commun cette préoccupation avec à peu près tous les parlementaires contemporains. Il y a des Parlements qui ont essayé de s'en sortir convenablement, on le verra aussi.

On peut estimer à environ 200 les organismes autonomes de l'administration québécoise. Au plus une trentaine peuvent être considérés comme des sociétés d'Etat, assumant principalement des fonctions de gestion économique, commerciale ou financière. Si on s'en tient aux 18 principales, on peut dire que globalement, elles regroupaient en 1977 près de $20 milliards d'actif, ce qui est beaucoup d'argent, et avaient 35 000 employés. Un survol de la situation des pays occidentaux indique que l'importance du secteur des entreprises publiques est considérable dans l'ensemble des pays européens, 20% à 30% de formation brute du capital fixe par rapport à 12% au Japon et au Canada. Je fais remarquer que la proportion pour le gouvernement du Canada est plus élevée que pour le gouvernement du Québec parce qu'il y a de très grandes sociétés nationalisées ou d'Etat au niveau fédéral.

Il y a aussi des domaines spécifiques dans lesquels les gouvernements de la plupart des pays industriels sont intervenus, les entreprises de transport, les télécommunications, les secteurs d'énergie et des finances. Les avantages de ce type d'intervention par l'Etat sont maintenant acceptés à peu près partout dans le monde, comme l'un des moyens les plus sûrs d'assurer le fonctionnement de ces secteurs, même les Etats-Unis d'Amérique qui ont le modèle qui colle le plus au libéralisme théorique, à l'époque du "new deal", ont mis sur pied un certain nombre de sociétés d'Etat, dont la plus célèbre est Tennessee Valley Authority, qui aujourd'hui, est encore une société très active chez nos voisins du Sud. (12 h 15)

La création de sociétés d'Etat au Québec a permis d'assurer une présence québécoise dans certains secteurs clefs, de cristalliser l'initiative industrielle dans d'autres, de pallier les imperfections du marché ou inversement de mieux gérer certains services publics.

Il y a cinq sociétés qui regroupent près de 95% des actifs; on voit donc qu'en termes d'actifs, il y a une concentration absolument phénoménale. Les cinq "grandes soeurs", si on peut dire, sont Hydro-Québec, Caisse de dépôt, SIDBEC, Société d'habitation du Québec et SGF. Quatre de ces cinq ont 90% des employés, ce sont: HydroQuébec, SIDBEC, SGF et Société des alcools. Au total, les activités attribuables aux sociétés d'Etat sont essentiellement concentrées dans les six sociétés mentionnées.

La question que nous nous posons porte sur la forme et l'ampleur que doivent prendre les contrôles du gouvernement et de l'Assemblée sur les sociétés; c'est vraiment le coeur du problème. Comment, notamment, concilier la volonté de l'Etat de se servir des sociétés comme instruments de sa politique économique, la recherche de l'efficacité, la nécessité de l'autonomie de gestion avec laquelle tout le monde sera d'accord, j'en suis convaincu, et la dynamique propre du marché. Car, qui dit sociétés industrielles et commerciales dit concurrence dit changements rapides dans le marché et dans l'attitude des concurrents, etc. — quand il y a des concurrents, évidemment, parce que certaines sociétés sont en monopole.

La question que se pose la commission a déjà été posée ailleurs et on ne peut pas dire qu'il y ait de réponse tout faite. Dans des pays comme l'Allemagne ou l'Angleterre, où la présence d'entreprises publiques est nettement plus importante qu'ici, cela se pose régulièrement à quelques années d'intervalle et d'année en année. Le dernier livre blanc britannique sur le sujet date de mars de cette année; je cite l'étude, c'est "The Nationalized Industries" présentée au Parlement par le Chancelier de l'Echiquier en mars 1978, donc une étude extrêmement récente. Celle-là est très riche de renseignements pous nous parce qu'il s'agit d'un Parlement qui est le type même du parlementarisme britannique, la mère de tous les Parlements, c'est Westminster qui, en d'autres termes, se pose exactement le même problème que nous nous sommes posé. Dans cette étude, on essaie, une nouvelle fois, de concilier autonomie, dynamisme et planification stratégique de l'entreprise avec les intérêts et les politiques économiques et sociales gouvernementales.

Au Québec, plusieurs études ont été poursuivies au sein de l'administration au cours des années. Dans les années 1970-1971, le Comité de la réforme administrative a essayé de clarifier l'ensemble des rapports entre le gouvernement et les organismes autonomes, offices, régies, conseils et les sociétés d'Etat. Les recommandations du comité n'ont été que très partiellement suivies au niveau des sociétés d'Etat, à cause de la difficulté de mettre en place les mécanismes et l'ampleur de la tâche qu'il aurait fallu entreprendre au niveau de la transformation des lois des sociétés et de leurs rapports avec le gouvernement.

Par contre, la réflexion s'est poursuivie et un groupe de travail sur l'administration gouvernementale, en collaboration avec les ministres de tutelle qui sont essentiellement, comme vous le savez, le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre délégué à l'Energie et le ministre des Finances, a procédé à un nouvel examen des moyens permettant une meilleure cohérence entre les actions des sociétés d'Etat et les politiques gouvernementales.

Un bilan sommaire de nos réflexions sur le fonctionnement des sociétés d'Etat indique que les sociétés d'Etat prises individuellement ont apporté des résultats satisfaisants par rapport aux moyens financiers dont elles disposent, bien qu'il faille admettre que leur rôle demeure relativement secondaire par rapport à l'ensemble des activités économiques.

Certaines sociétés d'Etat devraient prendre les devants et commencer elles-mêmes des projets de développement industriel et jouer un rôle plus agressif et plus actif au niveau de la structure industrielle. Les sociétés d'Etat, dans leur ensemble, manquent de coordination entre elles. Elles ne réagissent pas conjointement et, souvent, elles ne sont même pas informées des actions des unes et des autres.

Il y a aussi un problème important dans les relations entre les sociétés d'Etat et le gouverne-

ment. Le gouvernement est souvent fort mal informé des perspectives de développement de ces sociétés. Cela entraîne un manque de coordination entre ces sociétés. Ce sont les réflexions auxquelles en étaient venus les travaux de 1970, de 1971 et postérieurement.

Comme vous le savez, notre gouvernement considère que les sociétés d'Etat doivent jouer un rôle de premier plan au niveau du développement économique. Il considère particulièrement important que les sociétés soient efficaces dans leur gestion, que celles oeuvrant dans le domaine commercial et industriel soient rentables et que l'ensemble des sociétés d'Etat participent à leur niveau aux politiques de développement économique du Québec.

Je voudrais revenir sur le mot rentabilité. Il s'agit de rentabilité au sens de l'entreprise, parce qu'une chose peut être rentable sur le plan social, sur le plan politique, en accumulant des pertes pharamineuses. Rentable veut dire rentable.

Une société d'Etat qui va d'un déficit à l'autre, sans un horizon précis, pour revenir dans le noir, comme on dit communément, ne contribue pas à la richesse nationale. Elle contribue à l'appauvrissement national, ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas donner aux sociétés publiques la même latitude que celle qu'ont les entreprises privées d'attendre leur rentabilité pendant un certain temps. Il y a des grands consortiums privés qui ont investi, par exemple, sur la Côte-Nord.

Vous vous souvenez des énormes investissements faits sur la Côte-Nord avant 1960. Ces sociétés étaient des sociétés typiquement privées, mais avaient les reins solides et pouvaient attendre la rentabilité et, effectivement, elle est venue. C'est d'ailleurs pour avoir les moyens de cette politique que le Conseil des ministres a décidé, le 9 février 1977, de prendre trois catégories de mesures qui sont les suivantes. Dix-sept des principales sociétés à vocation industrielle, commerciale ou financière auront à soumettre un plan de développement de trois ans à l'approbation gouvernementale et devront par ailleurs suggérer des critères de performance et d'efficacité.

Deuxièmement, un fonctionnaire serait nommé — vous verrez par la suite qu'il l'a été — au secrétariat général du Conseil exécutif pour faciliter la coordination des relations entre le gouvernement et les sociétés d'Etat.

Troisièmement, on profiterait des modifications législatives, des lois constitutives des sociétés pour arriver graduellement à un régime juridique similaire pour des sociétés semblables et qui intégrerait notamment l'obligation d'un plan de développement et la possibilité pour le ministre de tutelle d'émettre des directives. Nous n'avons pas jugé bon de rouvrir toutes les lois de toutes les sociétés d'Etat, il y en a tellement. Nous avons plutôt opté pour une attitude graduelle ayant défini au départ notre philosophie et, au fur et à mesure où les lois seront rouvertes, des amendements adéquats seront proposés.

Déjà cette année, des travaux concernant les plans de développement ont été faits pour l'Hydro-

Québec, SIDBEC et particulièrement la SGF. De plus, l'avenir de plusieurs sociétés d'Etat a été discuté au comité ministériel permanent de développement économique. Cela a déjà pu permettre une plus grande cohérence des interventions de l'Etat. En plus de la nomination d'un secrétaire général associé au Conseil exécutif — en fait, c'est M. Jessop, qui est un haut fonctionnaire québécois connu, il est d'ailleurs parmi nous ce matin — en plus, donc, de la nomination de M. Jessop, secrétaire général associé du gouvernement et sous-ministre en titre, responsable des relations entre les sociétés d'Etat et le gouvernement, d'autres postes de sous-ministres adjoints responsables des sociétés d'Etat ont été créés pour les deux ministères de tutelle qui ont une responsabilité particulièrement importante, comme je vous l'ai dit: ce sont les Finances et le MIC. Ces sous-ministres sont également parmi nous.

Les activités des sous-ministres adjoints ont été essentiellement centrées vers la solution opérationnelle de certains problèmes des sociétés dont ils avaient la charge de suivre les activités. Quand je dis vers les solutions opérationnelles de certains problèmes, plusieurs parmi vous ont compris que j'emploie là un euphémisme, parce qu'il y avait certaines sociétés qui, comme problèmes opérationnels, ne présentaient pas une feuille particulièrement rose. D'ailleurs, les parlementaires en seront saisis dans un cas particulier sous peu.

La nomination de ces sous-ministres adjoints a permis l'établissement de liens soutenus avec les sociétés sur une base plus continue. Cela nous apparaît particulièrement important même si on n'introduit pas ces modalités de relations dans l'arsenal habituel du contrôle des sociétés d'Etat par le gouvernement et l'Assemblée nationale.

On s'est aperçu que si on voulait vraiment être efficace, agir sur les sociétés, mais aussi bien utiliser leur compétence tout en favorisant leur rentabilité, il fallait être très souple dans l'approche et passer par un processus de concertation beaucoup plus que par un simple processus d'approbation.

Un autre type de réflexion est en cours au Conseil exécutif, c'est celui de la coordination des entreprises d'Etat et de la coordination des moyens d'intervention de l'Etat avec chacune de ces entreprises. On voit donc qu'au niveau gouvernemental, le dossier du contrôle des sociétés d'Etat a progressé relativement rapidement; rapidement, en fait, puisqu'on vous parle déjà d'un comité d'étude de 1970-1971, ce qui veut dire que, dans les deux ans, à peu près, où on a été en mesure de faire des choses, on a agi non pas d'une façon globale et magistrale, ce serait prétentieux de dire ça, mais on a fait des bons pas dans la bonne direction.

L'Assemblée nationale se préoccupe aussi, à juste titre, du contrôle et de la surveillance des sociétés d'Etat. Elle a pu le faire, par le passé, en de multiples occasions. L'intervention de l'Assemblée nationale et des commissions parlementaires joue évidemment un rôle central au moment de la création d'une société ou de la modification de sa

loi. C'est à ce moment qu'on discute des buts et des objectifs, des moyens mis en oeuvre et aussi des relations que le gouvernement et l'Assemblée désirent mettre en place entre la société et eux-mêmes.

Il faut d'ailleurs remarquer que c'est l'Assemblée nationale qui détermine le pouvoir autonome de la société et la dévolution de la responsabilité opérationnelle à ses dirigeants et administrateurs.

Depuis deux ans, l'Assemblée nationale a eu l'occasion d'établir ou de modifier quatre lois concernant les sociétés d'Etat. D'autres lois vont être étudiées ou modifiées dans peu de temps et des projets de loi viennent d'être déposés en première lecture. Une autre manière de contrôler les activités des sociétés d'Etat, c'est de convoquer les entreprises à des commissions parlementaires spécialisées pour leur poser des questions sur leurs activités en général ou sur des projets plus précis. C'est ainsi que, depuis deux ans, trois commissions parlementaires ont été convoquées, deux pour l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James, une pour SIDBEC.

Il faut aussi ajouter que les membres de l'Assemblée nationale ont la possibilité de poser de nombreuses questions sur les sociétés d'Etat et ils ne s'en privent pas. C'est d'ailleurs fort heureux, notamment lors de l'étude des crédits budgétaires des ministères de tutelle. D'ailleurs, plusieurs ministres ont présenté, à diverses occasions, les activités des sociétés dont ils avaient la responsabilité.

On peut aussi signaler que les sociétés d'Etat, par l'intermédiaire du ministre de tutelle, déposent leurs rapports annuels et leurs états financiers à l'Assemblée nationale. Ceci permet une information minimale, j'en conviens, sur l'évolution de ces sociétés. Dans le but de permettre une analyse plus complète et structurée, les comptes publics sont présentés de manière qu'un des volumes reproduise au complet l'ensemble des états financiers des entreprises nationalisées du Québec ou du secteur public.

Nous concevons que l'Assemblée nationale désire, elle aussi, améliorerla cohérence et l'efficacité du contrôle qu'elle peut ou pourrait avoir sur les sociétés d'Etat, mais il faut situer ce souhait par rapport aux décisions précédentes qu'elle avait prises quant aux pouvoirs accordés à chacune des sociétés. Après avoir fait le point et le bilan sommaire de ce que nous avons fait jusqu'ici, je voudrais vous présenter notre position, de manière que l'on puisse entrer rapidement dans le vif du sujet en connaissance de cause.

Brièvement, le gouvernement conçoit les sociétés d'Etat comme des outils pour favoriser le développement économique. Il désire, pour cela, mieux encadrer leurs activités, de manière qu'elles atteignent les objectifs fixés et respectent les politiques gouvernementales. Par contre, il entend — et c'est très important — maintenir un juste équilibre entre la nécessité de contrôle et d'orientation et l'autonomie de gestion de ces sociétés. Il compte être souple et déterminer les attentes en fonction de la situation financière de chacune d'entre elles et des mandats qui leur ont été confiés. Cet aspect souplesse, je pense que tous ceux qui ont une certaine connaissance des entreprises qui sont en concurrence avec d'autres et du secteur commercial et industriel reconnaîtront qu'il est absolument fondamental. Il ne serait pas de bon aloi que les gens des sociétés d'Etat qui ont des concurrents du secteur privé doivent s'adresser au gouvernement ou à l'Assemblée nationale pour un oui ou un non, pendant que leur compétiteur est en train de les sortir du marché ou de les massacrer dans une soumission.

Remarquez que lorsque les sociétés vont bien, la nécessité de contrôle est ressentie beaucoup moins vivement. Je prends un exemple neutre qui ne touche aucune de nos sociétés. Le président de la régie Renault, qui a dirigé ses destinées pendant 25 ans, M. Dreyfus, a écrit un livre pour rapporter son expérience, et il dit dans son livre qu'il a rencontré son ministre trois ou quatre fois. Trois ou quatre fois, il a parlé à son ministre de tutelle. Mais il ajoute que ses succès commerciaux, à l'exportation en particulier, impressionnaient tellement le gouvernement que, lorsque l'argent rentre, que les bagnoles sont construites, qu'elles se vendent et que les travailleurs sont bien traités par l'entreprise, ils sont convoqués moins souvent, cela va de soi.

Le gouvernement désire notamment que les sociétés d'Etat engagées dans la production et la vente sur le marché des biens et services fonctionnent de façon rentable. Le gouvernement désire clarifier la situation au niveau de la nature des activités rentables par rapport à celles qui ne le sont pas, et, de façon générale, désire créer et obtenir les outils nécessaires pour déterminer l'efficacité et la performance des sociétés.

Devant la complexité de la tâche, le gouvernement est ouvert à toute suggestion qui concilie l'orientation des sociétés par l'Etat, qui recherche l'efficacité et respecte leur autonomie de gestion. Le gouvernement est ouvert à toute proposition que pourrait faire la commission parlementaire pour améliorer l'information des membres de l'Assemblée nationale sur les activités d'Etat et sur leur performance. (10 h 30)

II faut cependant être bien conscient que la création d'une société est en quelque sorte la reconnaissance d'une autonomie et l'affectation d'une responsabilité au niveau de la société. Cela est d'autant plus vrai que ceux qui sont nommés à la tête de ces sociétés ont besoin de se reposer sur une loi qui fait d'eux autre chose que des créatures contrôlables de semaine en semaine par le gouvernement.

Comme nous l'avons déjà signalé, les moyens actuels d'être informés sont nombreux. Ce qu'il faudrait c'est sans doute mieux les utiliser et peut-être mieux les organiser. J'espère que le débat d'aujourd'hui permettra de clarifier les moyens qu'il serait peut-être utile de mettre en place.

Au niveau proprement gouvernemental, le gouvernement désire réaffirmer sa volonté de

définir de façon plus précise ses attentes vis-à-vis des sociétés d'Etat, d'établir avec elles des liens plus continus et de veiller à ce qu'elles atteignent leur mission de façon toujours plus efficace.

C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre l'établissement graduel d'un certain nombre de mécanismes permettant l'interaction entre l'Etat et les sociétés. Le plan de développement est toujours une des obligations que veut imposer l'Etat aux sociétés, mais son contenu fera l'objet d'une entente avec chacune des sociétés et l'élaboration annuelle devra faire l'objet d'une concertation réciproque. Ceci ne peut pas se faire du jour au lendemain, notamment, à cause de la mise en place de l'expertise nécessaire tant au niveau gouvernemental qu'éventuellement au niveau des sociétés d'Etat.

Le gouvernement compte aussi plus que jamais clarifier les activités des sociétés d'Etat qu'il considère devoir être rentables. Il désire pour celles-ci, mais aussi pour toutes les autres, des critères d'efficacité et de performance au niveau de la gestion des sociétés d'Etat. Il est certain qu'une partie des problèmes des sociétés aurait pu être perçue par le gouvernement de façon beaucoup plus rapide et les solutions être élaborées bien avant si elles devaient faire rapport régulièrement sur leurs activités et leur situation financière.

Nous avons été mis devant des situations qui dans certains cas, frôlaient la catastrophe et il aurait été bien souhaitable que le gouvernement et l'Assemblée nationale aient pu voir venir les coups d'une autre façon.

Dans le but de s'assurer que la société puisse percevoir et s'adapter aux politiques gouvernementales, le gouvernement compte graduellement introduire le pouvoir de directives de la part du ministre de tutelle. Certaines des nouvelles lois que vous avez adoptées, que nous avons adoptées prévoient ce pouvoir de directives. Certaines anciennes lois le prévoyaient aussi.

L'utilisation de ce pouvoir devra se faire de façon judicieuse, car il est souvent plus utile de passer par un processus informel, comme par exemple un dialogue avec les membres du conseil d'administration. L'émission de directives permet de bien clarifier les attentes gouvernementales quant à certaines orientations majeures et quant à l'application de politiques aux sociétés.

Le gouvernement compte aussi se pencher sur une réforme de structures pour renforcer, au niveau central, la coordination et la cohérence de l'effort gouvernemental. Elle viserait également à améliorer la gestion des sociétés d'Etat, coordonner les multiples interventions possibles du gouvernement dans les sociétés et, inversement, leur permettre de défendre autrement qu'individuellement leurs intérêts et leurs objectifs face à l'Etat.

Dans un souci de grande ouverture et d'une plus grande efficacité administrative, le gouvernement est sur le point de confier un mandat à un comité d'étude sur les meilleurs moyens à prendre pour assurer un contrôle plus efficace sur le fonctionnement et la performance des sociétés d'Etat québécoises par le gouvernement et par l'Assem- blée. Ce comité tombe à point, si l'on peut dire, parce qu'il pourra profiter largement de ce rapport britannique auquel j'ai fait allusion et aussi de travaux très importants faits au niveau du gouvernement du Canada, au cours des dernières années, pour arriver aux fins que nous recherchons.

En terminant, j'insiste encore sur le fait que nous sommes ouverts à toutes suggestions qui pourraient venir de cette commission. Nous avons l'intention d'en tenir compte, si elles sont véritablement originales et nous apparaissent applicables parce que, encore une fois, comme tous les gouvernements et les Parlements occidentaux, nous sommes en recherche, une recherche sincère, nous ne prétendons pas avoir le monopole de la vérité ou de l'efficacité. Nous avons fait quelques pas dans la bonne direction. Avec votre aide, nous sommes tout à fait disposés à en faire d'autres. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre d'Etat au développement économique. M. le député de Gatineau.

Remarques de l'Opposition M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord souligner que je remplace M. le député de Jean-Talon qui, à cause de circonstances que tous connaissent, a été empêché d'assister à cette séance de la commission, à laquelle, vous en conviendrez tous, il s'est intéressé et il s'intéresse toujours de façon particulière.

En adoptant la motion du chef de l'Union Nationale, il y a quelque temps, à savoir de tenir cette commission parlementaire, motion qui, d'ailleurs, a été adoptée à l'unanimité de la Chambre, c'est bien entendu que les députés de l'Assemblée nationale visaient surtout à trouver les mécanismes selon lesquels ils pourraient, sinon mieux contrôler, tout au moins être mieux informés, et par le fait même, mieux informer la population des opérations et des objectifs que poursuivent les sociétés d'Etat.

Le ministre l'a souligné lui-même, il y a lieu de s'interroger sur la définition qu'on peut donner à une société d'Etat. Quant à nous, je pense qu'il est clair que nous incluons dans ce terme général tous les organismes autonomes paragouverne-mentaux qui, indépendamment de leur gré d'autonomie, de leur performance et de la possibilité de mesurer l'efficacité et la rentabilité, sont quand même sujets, selon nous, à un contrôle ou tout au moins à un examen par les élus de toutes les formations politiques.

Il est clair qu'au préalable, je pense que c'est le député de Saint-Laurent qui l'avait mentionné, avant même que nous puissions établir de quelle façon la responsabilité ministérielle peut mieux être contrôlée ou peut mieux s'affirmer au niveau de la députation, il est essentiel pour le gouvernement de définir d'abord lui-même le type de relations qu'il veut entretenir avec les sociétés

d'Etat. On a quelques indications de la volonté du gouvernement d'en arriver à une meilleure définition du type de ces relations.

On constate à l'étude des nombreuses lois qui sont déposées de jour en jour que de nouvelles commissions, de nouveaux offices, de nouveaux organismes paragouvernementaux sont créés presque à toutes les cinq lois. Il faut s'interroger, si on pousse assez la réflexion avant de faire ces lois, sur la nécessité réelle de créer de nouveaux organismes, alors qu'il en existe déjà plusieurs dans des domaines connexes. Un exemple récent est peut-être la Commission de contrôle du territoire agricole où l'on formera de toutes pièces un nouvel organisme, une nouvelle commission. On a peut-être une indication, je ne le pense pas réellement, des intentions du gouvernement par rapport aux relations qu'il entend entretenir avec les commissions, lorsque dans le cas particulier de la Commission de contrôle du territoire agricole, on note que le gouvernement, en aucun temps, peut modifier ou peut retirer à la commission une juridiction quelconque de son choix, et assumer lui-même les pouvoirs qui sont conférés par le projet de loi à la commission en cas d'un tel retrait. Je doute fort que le gouvernement s'apprête à faire des lois semblables qui pourraient s'appliquer aux sociétés d'Etat les plus importantes comme l'Hydro, la Société d'habitation, etc. Toujours est-il qu'on a là une indication qui, sans être complètement originale, est quand même nouvelle et qui pourrait nous en dire long sur les intentions du gouvernement éventuellement.

Le ministre a mentionné qu'il y a 200 organismes autonomes qui relèvent de la compétence de l'Assemblée nationale d'une façon ou d'une autre. C'est bien évident que c'est la responsabilité du gouvernement d'établir les priorités, d'établir les objectifs et d'établir les mécanismes selon lesquels les relations entre le gouvernement et les sociétés d'Etat ou les organismes autonomes peuvent le mieux se faire.

Au niveau de l'Opposition, c'est à la suite de cette prise de décision du gouvernement que nous devons nous interroger sur les façons de mieux assurer la participation et l'information, non seulement des députés, mais, par leur entremise, de la population, sur les activités et les opérations de ces sociétés d'Etat. Il y a eu un certain nombre de suggestions de faites à l'occasion du débat sur la motion du chef de l'Union Nationale et à d'autres occasions.

On se réfère ce matin, dans le texte du ministre, aux mécanismes qui sont déjà connus, telles les commissions parlementaires. C'est à ce niveau, je pense qu'il faudra éventuellement s'en remettre, sauf qu'il y aurait lieu, à ce moment-ci — et, selon ma conception, c'est le rôle et le mandat de la commission d'aujourd'hui — de tâcher de définir quelles seraient les façons d'améliorer le travail des commissions parlementaires, parce que tous conviendront que, lorsqu'on a convoqué l'Hydro-Québec à deux reprises, le ministre délégué à l'Energie a lui-même fait état de son insatisfaction sur le degré d'information qu'on peut obtenir des administrateurs des sociétés d'Etat, mais aussi sur la compréhension que peuvent avoir les députés, aussi bien, et encore pis, que la population, sur les interprétations qu'on peut faire des informations fournies.

Une suggestion qui avait été faite par le député de Saint-Laurent, sinon par le député de Jean-Talon, était, sinon de copier, tout au moins de s'inspirer de l'exemple des commissions d'enquête du Sénat américain où les partis représentés à l'Assemblée nationale peuvent, dans une certaine mesure, se doter d'experts ou s'associer des experts-conseils pour en venir à un meilleur approfondissement des dossiers. On sait que les services de recherche mis à la disposition des partis d'Opposition, en particulier, sont loin de suffire à l'analyse complète et valable des activités de 200 organismes paragouvernementaux. Ce serait peut-être là une façon de faire en sorte que, les députés, étant mieux préparés, étant mieux informés, les débats, les discussions dans une commission parlementaire, aussi bien qu'à l'occasion de l'adoption d'une loi créant une nouvelle société ou modifiant la loi d'une société existante, puissent mieux informer la population.

Une autre suggestion avait été faite à l'effet de tenter de regrouper de quelque façon les sociétés d'Etat selon leur mission générale. Je pense bien que les commissions parlementaires sectorielles peuvent difficilement, vu la complexité du sujet, donner des résultats valables, et il y aurait peut-être lieu de regrouper les sociétés d'Etat selon leur mission, de façon à avoir des discussions plus larges, dans un premier temps, sur l'orientation générale de ces sociétés d'Etat pour ensuite, à une occasion spécifique comme la hausse des tarifs de l'Hydro-Québec, par exemple, en venir à des commissions parlementaires sectorielles pour faire la lumière sur les sujets spécifiques.

Sûrement y a-t-il d'autres mécanismes qui pourront être suggérés par les membres de la commission, entre autres, par exemple, strictement l'identification des sociétés d'Etat. C'est André Gélinas qui, en 1975, dans un volume intitulé: "Les Organismes autonomes et centraux ", faisait état des difficultés quant à la typologie des organismes autonomes et qui faisait des suggestions concrètes quant à l'administration, quant à la nomenclature que pourraient avoir ces divers organismes parce que, dans le concret, chaque député, qu'il soit du parti ministériel ou de l'Opposition, vit ce problème chaque jour. C'est particulièrement vrai dans le domaine agricole, par exemple, où un électeur veut profiter d'une mesure gouvernementale quelconque qui relève, sur le plan administratif, d'un organisme paragou-vernemental, et on y met souvent énormément de temps et énormément d'efforts avant d'arriver à identifier l'organisme qui est vraiment responsable de l'administration du programme en question.

Je dis donc, en terminant, que, quant à nous, nous reconnaissons la responsabilité première au gouvernement d'atteindre les objectifs tels qu'identifiés par le ministre ce matin. Quant à la nécessité de concilier l'autonomie administrative

des sociétés d'Etat, on ne les crée pas pour qu'elles deviennent des outils du gouvernement, sauf dans les grandes orientations d'une politique économique. (10 h 45)

Sur le plan administratif, nous en convenons, le plus grand degré d'autonomie possible doit être atteint. C'est la même chose du point de vue rentabilité, selon la définition de la rentabilité qu'en a donnée le ministre, mais, encore là, la responsabilité ministérielle exige que, tous ensemble, nous trouvions des moyens, non pas nécessairement de satisfaire les députés comme individus, mais bien de les satisfaire comme représentants de la population et, par leur entremise, de mieux informer les citoyens et surtout de mieux assurer leur participation à cette facette de l'administration publique.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Merci, Mme le Président. Les membres de la commission de ce matin comprendront aisément ma joie et ma satisfaction alors que nous entamons la discussion sur un sujet que les députés de l'Union Nationale considèrent d'une telle importance qu'ils ont voulu en faire l'objet de leur première motion en Chambre lors de la reprise des travaux de la présente session, le 4 octobre dernier.

En demandant la convocation de la commission de l'Assemblée nationale en vue d'étudier les meilleurs moyens à prendre pour donner aux députés un droit de contrôle et de surveillance plus efficace sur le fonctionnement et la performance des sociétés d'Etat québécoises, nous avons voulu provoquer un débat public qui nous permettra, du moins nous l'espérons, non seulement de faire le point sur révolution de cette forme d'intervention étatique dans le développement économique du Québec, mais aussi d'en dégager les points saillants ainsi que les lacunes majeures, et de proposer des mesures réalistes qui revaloriseront le rôle des représentants élus face à cette masse grandissante d'entreprises publiques qui font la pluie et le beau temps avec les fonds publics.

Le gouvernement a cru bon, lors de l'étude de notre motion en Chambre, d'ajouter à notre préoccupation d'un meilleur contrôle parlementaire une dimension additionnelle et tout aussi importante qui porte plus spécifiquement sur le contrôle que peut exercer le gouvernement lui-même sur les sociétés d'Etat. Et je remarque que le ministre, ce matin, dans ses notes d'ouverture, nous a parlé surtout du deuxième aspect, c'est-à-dire le contrôle du gouvernement, alors que je voudrais parler un peu plus ce matin du contrôle des membres de l'Assemblée nationale en tant que représentants des actionnaires des compagnies, donc des propriétaires de ces sociétés d'Etat. Tel que nous l'avons dit à ce moment-là, nous n'avons pas d'ob- jection sérieuse à ce jumelage, lequel, en définitive, devrait nous fournir un aperçu plus global du problème à l'étude en associant à notre démarche initiale les mesures prises ou envisagées par les diverses instances gouvernementales dans ce domaine.

Bien que nous comprenions l'importance d'un plus grand contrôle gouvernemental sur les sociétés d'Etat, les membres de cette commission ne m'en voudront pas, j'en suis sûr, d'insister davantage sur le but premier de cette motion adoptée à l'unanimité de la Chambre et qui traite du contrôle parlementaire. Mais, avant d'aborder le vif du sujet, je voudrais faire part aux membres de cette commission de certaines constatations d'ordre général qui, à notre avis, peuvent servir en quelque sorte d'entrée en matière.

Premièrement, l'importance des sociétés d'Etat. Je ne crois pas qu'il faille disserter très longtemps pour démontrer le rôle important que jouent les sociétés d'Etat dans la stratégie de développement économique du Québec. Bien que nous n'ayons à notre disposition que des chiffres pour l'année 1976/77, l'état financier des entreprises du gouvernement du Québec, nous savons qu'il existe environ une quarantaine de sociétés d'Etat. Le ministre nous parle de 200 organismes et d'une trentaine de sociétés ayant une vingtaine de filiales, disposant d'un actif qui dépasse les $22 milliards d'après les derniers chiffres. De plus, il est intéressant de noter que ces sociétés emploient à elles seules 37 000 employés et le ministre notait justement que les cinq plus grandes sociétés ont 95% de l'actif des sociétés d'Etat, mais je remarque que, sur ces cinq sociétés, l'Hy-dro-Québec, la Caisse de dépôt et la Société des alcools sont toutes les trois en situation de monopole et, apparemment, arrivent assez bien, alors que les deux qui ont à entrer en compétition avec l'entreprise privée, SIDBEC et SGF, sont en situation déficitaire, sont dans le rouge. Ce n'est pas bon être dans le rouge. Il s'agit en somme d'entreprises...

M. Landry: ...

M. Biron: Vous arrivez d'Ottawa, c'est pour cela ... à caractère financier, industriel ou commercial ou d'entreprises reliées aux ressources naturelles, aux transports et à l'agriculture. Jusqu'à ce jour, le gouvernement québécois n'a cessé de créer de telles sociétés à mesure que de présumés besoins se faisaient sentir, sans trop se soucier du rôle de ces entreprises dans la stratégie de développement économique du Québec. De plus, le gouvernement a fait preuve d'une générosité inouïe à l'endroit de ces sociétés sous diverses formes, qu'il s'agisse de participation au capital-actions, de prêts ou d'avances de fonds. Lors du dernier discours du budget, en abordant la question des dépenses non budgétaires, le ministre des Finances avait sonné ce qui me semblait être la fin de la récréation pour les sociétés d'Etat lorsqu'il avait dit: "Si certaines des entreprises d'Etat ne seront, de par leur nature même, jamais rentables,

il faut reconnaître que, pour la plupart de celles qui sont appelées à le devenir, les espoirs ne se sont guère traduits dans la réalité. Les entreprises à caractère nettement commercial, plusieurs années après leur création, sont incapables d'emprunter à la banque, sans la garantie de l'Etat, et ne bouclent leur fin d'année qu'avec l'aide de fonds consolidés."

Je continue de citer le ministre des Finances: "Dans certains cas, le recours à l'Etat qui devait être exceptionnel, est devenu une bonne habitude qui n'est plus remise en cause. On commence à voir apparaître dans le secteur public une cour des miracles commerciaux et industriels qui est coûteuse pour le contribuable et injuste pour le secteur privé qui lui livre concurrence. "Il n'est d'ailleurs pas sain que la gérance de ces entreprises puisse ainsi compter sur un actionnaire tolérant, paternel et inépuisable. La mise au point de critères de performance n'étant cependant pas encore terminée, il y a peu à dire cette année encore sur les modifications qui doivent être apportées au système de gestion des sociétés gouvernementales".

J'avais cru à ce moment-là que le gouvernement allait enfin agir pour mettre un terme à cette corne d'abondance sans fin et qu'il adopterait une politique réaliste et rigide à l'endroit des sociétés d'Etat, en particulier au niveau de la gestion financière de ces entreprises. En somme, je croyais qu'il s'agissait de l'instauration graduelle d'un meilleur contrôle gouvernemental sur les agissements des sociétés d'Etat. Or, quelle fut ma déception lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi 108 concernant la Société générale de financement, que le ministre de l'Industrie et du Commerce a déposé en Chambre la semaine dernière. J'avais l'impression de revivre encore une fois l'expérience désagréable et pénible que nous avions connue avec SIDBEC l'année dernière.

Comme nous aurons l'occasion très prochainement de discuter du problème de la Société générale de financement et de Marine Industrie, je serai sage et je dirai simplement que les mises de fonds qui sont déjà investies dans ces sociétés d'Etat, sans compter les $140 millions que nous ajouterons d'ici peu par le biais de la loi 108, justifient pleinement l'intérêt que nous portons, à titre de députés, à ce que nos sociétés d'Etat adoptent de meilleures méthodes de gestion administrative et financière et améliorent dans bien des cas leur performance sur la scène économique.

Le manque d'information. L'expérience que nous venons de vivre, il y a à peine deux mois, lors de la comparution de l'Hydro-Québec en commission parlementaire, nous a permis de prendre conscience, de manière dramatique, du manque presque total d'information dont disposent les députés et autres observateurs intéressés sur les opérations et la gestion d'une entreprise d'Etat de l'envergure de celle de l'Hydro-Québec.

Tous les membres de la commission parlementaire de l'énergie, y compris le ministre, ont été unanimes à déplorer ce fait et à dire que les rapports d'activité et d'exercice, ainsi que le résumé du mémoire sur la hausse tarifaire demandée par l'Hydro-Québec étaient insuffisants pour permettre aux principaux intéressés de porter un jugement rationnel et sérieux sur le bien-fondé des affirmations mises de l'avant par l'Hydro-Québec. Là-dessus, j'ai été heureux d'entendre les commentaires du député de Gatineau vis-à-vis de cette commission parlementaire qui a examiné les comptes de l'Hydro-Québec.

Si une telle observation est, à sa face même, inquiétante pour ne pas dire affolante, elle prend une proportion alarmante lorsqu'on constate que ce qui est vrai pour l'Hydro-Québec l'est pour toutes les autres sociétés d'Etat. D'ailleurs, les déboires que connaît à l'heure actuelle la Société générale de financement, causés en grande partie par les difficultés de l'une de ses nombreuses filiales, en l'occurrence Marine Industrie, constituent un autre exemple flagrant qui provient directement de cette tendance déplorable de plusieurs sociétés d'Etat de vouloir, consciemment ou inconsciemment, fonctionner dans le plus grand secret.

Le ministre, tout à l'heure, s'est inquiété un peu de ça aussi. Suite à la décision des membres du caucus de l'Union Nationale de s'attaquer résolument à ce problème, j'ai demandé à notre service de recherche de l'Assemblée nationale d'entreprendre une étude détaillée sur les sociétés d'Etat québécoises en vue d'obtenir une vue globale et la plus complète possible de la situation actuelle de nos entreprises publiques, tant au point de vue financier qu'au point de vue administratif.

N'ayant ni le personnel requis, ni le temps nécessaire pour mener à terme une telle étude, nous adressions, dès le 13 septembre 1978, une demande formelle en ce sens au service de recherche de la bibliothèque de la Législature en vue d'obtenir les renseignements suivants: premièrement, un relevé le plus complet possible de toutes les sociétés d'Etat qui ont été créées par le gouvernement du Québec et qui fonctionnent toujours; deuxièmement, un aperçu détaillé, pour chacune de ces sociétés, des points suivants: les investissements faits par le gouvernement du Québec en avances de fonds, les investissements faits par le gouvernement du Québec en capital-actions, les investissements faits par le gouvernement du Québec sous forme de prêts, les conditions rattachées à ces prêts, intérêts, etc. et indiquer si ces prêts ont été remboursés ou non, les investissements faits par le gouvernement du Québec sous forme de garanties d'emprunts par ces sociétés, les engagements financiers pris par l'Etat québécois pour l'avenir; troisièmement, pour chacune de ces sociétés, une indication claire, depuis leur création, des déficits encourus et, s'il y a lieu, des surplus obtenus pour chaque année d'exploitation.

Pour chacune de ces sociétés, depuis l'année de leur création, nous avions demandé une illustration, sous forme d'organigramme ou autrement, de toutes les filiales faisant partie de cette société, comme par exemple, SIDBEC, REXFOR, SGF, etc.

Pour chacune de ces sociétés et filiales, le nombre d'employés, dans la mesure du possible,

les montants requis par année d'opération pour l'administration et la gestion interne desdites sociétés ou filiales.

Environ un mois plus tard, soit le 10 octobre 1978, le responsable du service de la recherche, M. Bernier, nous informait qu'il était impossible de nous fournir l'étude demandée dans le délai fixé, soit le 10 octobre, en partie à cause de la complexité du sujet et de l'absence de données uniformes sur chacun des organismes.

Enfin, le 24 novembre 1978, soit vendredi dernier, M. Bernier nous faisait parvenir un rapport final sur le résultat de ses recherches et je me permets de citer ses principales constatations. "Etant donné que les sources écrites sur le sujet sont peu nombreuses, M. Champagne a, dans un premier temps, essayé d'obtenir réponse à vos questions par l'intermédiaire d'un haut fonctionnaire du ministère d'Etat au développement économique. Devant l'ampleur de la recherche, ce dernier a répondu qu'il lui était impossible de répondre aux questions posées. "Par la suite, j'ai repris le dossier. J'ai consulté deux économistes de l'extérieur. Ils ont voté la pertinence des questions et l'ampleur du travail. Une personne affirme même qu'un économiste pourrait travailler six mois sur le sujet. On a également constaté l'absence presque complète de documentation sur le sujet. L'exception était la publication annuelle intitulée "Etats financiers des entreprises du gouvernement du Québec". "Avec les moyens disponibles, j'ai d'abord dressé une liste des entreprises concernées. C'est alors que se pose le problème de définition et d'objectif. Faut-il inclure toutes les entreprises gouvernementales, comme la Curatelle publique, la Commission administrative du régime de retraite, comme on le fait dans le rapport déjà cité? Ou faut-il essayer de s'en tenir aux sociétés d'Etat? De même, quand il s'agit de déterminer le nombre d'employés de chacune des entreprises, j'ai dû compter avec des chiffres donnés pour des dates diverses, des catégories diverses d'employés et, parfois quand les statistiques ne sont pas publiées dans les rapports annuels de l'entreprise avec des réticences à fournir ces chiffres. "A l'heure présente, j'essaie d'établir une fiche pour chaque entreprise. Sur chaque fiche, on trouvera, quand cela s'applique, l'actif en dollars, les avances de fonds pour les dernières années, les coûts d'administration, les déficits de surplus, le montant des obligations garanties par le gouvernement, etc. "Dans l'ensemble, les renseignements demandés se retrouvent dans le rapport publié par le ministre des Finances, mais il faudrait un économiste pour tout déchiffrer et analyser ces chiffres. Dans l'état actuel du dossier, il arrive, j'en suis sûr, que l'on compare des choses dissemblables des entreprises dont les pratiques et les objectifs sont tout à fait différents. "Cependant, il y a une question à laquelle il me semble impossible de répondre; c'est celle concernant les engagements financiers pris par l'Etat québécois pour l'avenir. Les publications disponibles n'en font pas mention."

Nous aurions aimé nous présenter devant cette commission avec une étude sérieuse et complète établissant clairement une liste des sociétés d'Etat et de leurs filiales, ainsi qu'un aperçu détaillé de leur situation financière. Nous n'avons pu obtenir qu'une liste établie à partir des états financiers des entreprises du gouvernement du Québec, 1976/77, ainsi qu'une description partielle et basée sur les années différentes du nombre d'employés des sociétés d'Etat et de certaines filiales.

Cette recherche nous aura permis, néanmoins, de nous rendre compte concrètement que les renseignements demandés étaient pertinents — ce que nous savions déjà — que les renseignements demandés existaient quelque part — ce que nous espérions — et que les renseignements demandés ne pouvaient pas être colligés et analysés dans un tout logique et uniforme, de manière à nous fournir un aperçu global de la situation actuelle des sociétés d'Etat québécoises dans un laps de temps raisonnable.

Or, s'il est difficile, sinon carrément impossible pour des chercheurs et des experts de nous fournir des réponses complètes et intelligentes à des questions aussi élémentaires que celles que nous demandions le 13 septembre dernier, et ce dans un laps de temps raisonnable, environ deux mois et demi, faut-il se surprendre que des députés, dont les responsabilités diverses sont bien connues, soient désemparés lorsque le temps arrive d'interroger les dirigeants d'une société d'Etat sur le fonctionnement et la performance de leur entreprise?

Des moyens d'action inefficaces. Face à une pléiade de sociétés d'Etat représentant, grosso modo, des actifs de près de $22 milliards dispersés dans divers ministères et qui comprennent des entreprises à vocation financière, industrielle ou commerciale, quels sont, en pratique, les moyens mis à la disposition des députés pour contrôler et surveiller leur fonctionnement et leur performance?

Il suffit de faire un bref tour d'horizon de ces divers moyens pour s'apercevoir que le député ne peut, tout au plus, qu'effleurer les problèmes, étant dans l'impossibilité d'aller vraiment au fond des choses et d'exercer, comme il le voudrait, son rôle de chien de garde et de contrôleur d'administration publique.

Qu'il s'agisse des questions orales ou écrites, ou des motions pour dépôt de document, le ministre responsable peut toujours refuser de répondre, pour des raisons d'intérêt public ou pour des raisons de confidentialité, ou encore d'usage interne de l'entreprise ou, enfin, parce qu'il s'agit de renseignements qui pourraient prétendument nuire à l'activité de la société du point de vue concurrence.

Certes, si le député n'est pas satisfait, il peut toujours soulever un mini-débat mais, encore là, l'expérience vécue nous prouve qu'il s'agit bien plus, à ce moment-là, d'un monologue que d'un véritable dialogue entre deux opposants. (11 heures)

Un député persévérant peut toujours se prévaloir de son droit de déposer une motion de député le mercredi après-midi. Toutefois, ce moyen, s'il lui permet d'attirer l'attention de l'opinion publique sur une question spécifique, le limite à interroger uniquement le ministre responsable, qui demeure toujours libre de répondre ou non à ces questions. Si un député désire interroger les dirigeants d'une société d'Etat, il doit soit demander la convocation de la commission parlementaire compétente et, à ce moment, il se soumet au bon plaisir de Sa Majesté, c'est-à-dire la majorité ministérielle, ou il doit attendre l'étude du budget du ministère concerné.

Or, quiconque connaît le déroulement des commissions appelées à approuver le budget d'un ministère sait fort bien que cette procédure se prête mal à une étude en profondeur et sérieuse du fonctionnement et de la performance d'une société d'Etat, le temps étant d'avance limité par le règlement et par la présence d'autres formations politiques qui n'épousent pas nécessairement les mêmes préoccupations que le député intéressé.

Force est de constater que les moyens mis à la disposition du député pour lui permettre d'exercer une surveillance et un contrôle adéquats et efficaces sur le fonctionnement et la performance d'une société d'Etat sont nettement insuffisants face au gigantisme de certaines sociétés et à la complexité des dossiers qui tombent sous leur responsabilité, d'où la nécessité d'un contrôle parlementaire efficace.

Je crois que la question qu'il faut se poser à ce stade-ci est la suivante: Est-il possible d'adapter notre constitution parlementaire aux problèmes et aux options de nature économique sans paralyser le bon fonctionnement des sociétés d'Etat? La question, je le reconnais, est de taille et je crois qu'elle résume bien l'essence même de la motion qui a donné lieu à la convocation de la présente commission parlementaire.

Au niveau des principes, je suis convaincu qu'aucun membre de cette commission n'osera nier la nécessité d'un contrôle parlementaire sur les sociétés d'Etat québécoises. D'ailleurs, ce principe fait partie de nos moeurs politiques et, pour bien illustrer ce point, je voudrais citer un extrait d'un article fort intéressant de Me Raoul Barbe, publié en 1969, dans la Revue de l'administration publique du Canada. "Le contrôle parlementaire est nécessaire, parce que la tribune parlementaire est la seule où les méthodes et les résultats de la gestion publique peuvent être publiquement confrontés avec les exigences de l'intérêt général. Cette expression publique de l'opinion demeure le moins discutable mérite d'une assemblée parlementaire, même s'il s'y mêle la défense d'intérêts particuliers qu'il vaut mieux voir s'exprimer ainsi que dans les bureaux des ministères. Au surplus, le contrôle parlementaire peut inciter le gouvernement à mieux définir sa politique et sa doctrine et à garder le juste milieu entre un excès d'étatisation et un excès d'autonomie technocratique auxquels les parlementaires sont également et tradi- tionnellement opposés. Si le principe semble faire l'unanimité, comme l'a prouvé d'ailleurs de manière fort éloquente le vote des membres de l'Assemblée nationale sur ma motion du 4 octobre dernier, il existe néanmoins des divergences d'opinions sur les modalités d'application de ce principe. Pour que les députés puissent jouer leur rôle de manière responsable et intelligente, ils doivent disposer, à notre avis, d'un moyen d'action qui leur accordera notamment une liberté d'action plus grande pour interroger non seulement le ministre responsable, mais aussi les dirigeants et officiers des sociétés d'Etat et un cadre de discussion permanent qui leur permettra d'approfondir, avec le soutien d'experts et de conseillers techniques, les dossiers les plus complexes.

Dans le but de répondre à ces attentes légitimes que partagent la très grande majorité des députés à l'Assemblée nationale, nous osons soumettre ce matin, aux membres de cette commission une proposition concrète, à savoir la création d'une nouvelle commission parlementaire permanente dont le mandat pourrait s'étendre à l'examen du fonctionnement et de la performance de toutes les sociétés d'Etat québécoises.

Chose certaine, le mécanisme de la commission parlementaire, avec ses règles de procédure moins rigides et la possibilité de siéger en tout temps, qu'il y ait session ou non, offre à première vue un forum de discussion suffisamment souple et élargi pour permettre aux députés intéressés d'approfondir un dossier.

La commission parlementaire a également cet avantage d'être une institution permanente. Ce caractère de continuité nous apparaît extrêmement important dans le cas particulier des sociétés d'Etat. En effet, le problème majeur des députés étant surtout et avant tout celui d'une information déficiente, tel que j'ai tenté de le démontrer au début de cet exposé, n'est-il pas plausible de croire qu'une commission permanente siégeant à intervalles réguliers pourra pallier éventuellement cette lacune, à condition, bien sûr, que l'Assemblée nationale lui donne les moyens techniques et financiers de le faire? Lorsque nous faisons allusion à des moyens techniques et financiers, nous songeons, entre autres, à la possibilité de doter une telle commission parlementaire d'un secrétariat indépendant regroupant des experts, comptables économistes, ingénieurs, etc., et un personnel de bureau adéquat pour préparer les dossiers, analyser les documents et rapports s'y rapportant et effectuer les recherches que les membres de la commission jugeront nécessaires de commander et qui ne peuvent être entreprises par les services de recherche des divers partis reconnus à l'Assemblée nationale.

Je ne crois pas que notre système parlementaire soit réfractaire à de telles innovations qui n'ont pour but — je le dis ici — que de fournir aux élus du peuple des instruments d'intervention et de contrôle conformes aux besoins et aux exigences de notre temps moderne. La création d'une commission parlementaire permanente des sociétés d'Etat aurait cet insigne avantage, en particu-

lier à cause de son caractère de permanence, d'établir des relations plus soutenues et plus intelligentes entre le corps législatif, d'une part, et les dirigeants des sociétés d'Etat, d'autre part, les deux pouvant enfin discuter d'égal à égal.

Il n'est pas interdit d'imaginer qu'une telle commission bénéficiant d'une aide technique appropriée pourrait éventuellement disposer d'une banque de données fort importante sur le fonctionnement de nos sociétés d'Etat. Il sera alors plus facile pour les députés de bien situer la performance d'une société d'Etat, à l'intérieur de la stratégie globale de développement économique du gouvernement, et d'évaluer la pertinence, non seulement des actions de l'entreprise, mais aussi des contrôles gouvernementaux, en vue d'assurer une plus grande cohérence, une meilleure coordination de nos sociétés d'Etat dans la vie économique du Québec.

Enfin, une commission parlementaire permanente dotée d'un secrétariat indépendant pourrait examiner et faire des recommandations sur toute une série de sujets connexes. A titre d'exemples, je n'en mentionne que quelques-uns: la structure financière des sociétés d'Etat; leur rendement sur le capital investi; le privilège de ces sociétés d'Etat, tant au niveau fiscal qu'au niveau juridique; le statut des filiales, leurs politiques d'achat; la possibilité de confier certaines tâches à l'entreprise privée.

Ici, j'ouvre une parenthèse. Lorsqu'à l'intérieur d'une telle commission, nous pourrions finalement savoir et s'orienter vers la stratégie globale de développement économique du gouvernement du Québec, il y aura peut-être lieu pour les députés de comprendre qu'une société d'Etat doit fonctionner à déficit pendant plusieurs années, comme disait tout à l'heure le ministre d'Etat au développement économique, mais il faudrait que ce soit véritablement à l'intérieur d'une stratégie globale de développement économique. Pour des raisons économiques, c'est peut-être bon qu'une société d'Etat perde de l'argent, mais, lorsqu'on étudie une à une la performance des sociétés d'Etat, je vous avoue que, souvent, nous sommes véritablement découragés du genre d'administration que nous avons.

Notre suggestion va beaucoup plus loin que tout ce qui a existé à ce jour dans ce domaine. Elle va beaucoup plus loin que le mandat que l'Assemblée nationale avait confié en 1965 au comité permanent des régies gouvernementales à caractère industriel et commercial. Je ferai un aparté ici pour dire au ministre qu'il y a déjà un comité qui a existé dans ce domaine, comité qui est disparu lors de la réforme de notre règlement il y a quelques années, et dont le mandat avait été décrit, lors de sa création, comme suit: Ce comité est autorisé à délibérer et à s'enquérir de toutes les matières que la Chambre lui aura renvoyées ou qui sont de sa compétence, à faire de temps à autre des rapports exprimant ses observations et ses vues sur ces affaires et ces matières, et envoyer chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont il aura besoin. Ce comité s'occupait surtout des régies gouvernementales à caractère industriel et commercial. Il a été fondé en 1965. Il a siégé jusqu'en 1971, d'après mes renseignements.

Nous demandons aux membres de la commission de l'Assemblée nationale, une fois qu'ils auront jugé bon d'étudier notre proposition en faveur de la création d'une commission parlementaire permanente des sociétés d'Etat, de se pencher également sur l'expérience de la Colombie-Britannique qui, le 1er septembre 1977, adoptait une loi créant une telle commission. Dans cette province, le "Standing Committee On Crown Corporations" peut se réunir de sa propre initiative. Il est interdit à un membre du Conseil exécutif d'être désigné membre de la commission. Bien que le mandat de la commission soit restreint à une série limitée de sociétés d'Etat, les pouvoirs que lui donne la loi sont très étendus. Elle peut, notamment, nommer des employés et retenir les services d'avocats, de comptables ou autres experts ou conseillers.

Je tiens à remercier, en terminant ces remarques, Mme le Président, les membres de l'Assemblée nationale d'avoir bien voulu prêter leur concours à cette démarche de l'Union Nationale en vue de revaloriser le rôle du député et d'entreprendre le débat qui s'impose, à notre avis, pour qu'on se donne enfin un droit de contrôle et de surveillance plus efficace sur le fonctionnement et la performance des sociétés d'Etat québécoises.

Il s'agit non pas d'une victoire partisane, mais bien d'une victoire de l'Assemblée nationale et de la population du Québec tout entière qui exige une meilleure performance et un meilleur contrôle de ces sociétés d'Etat québécoises.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, Mme le Président. Je suis heureux ce matin de pouvoir participer aux travaux de cette importante commission parlementaire qui fut convoquée à la suite d'une motion présentée par le chef de l'Union Nationale et qui fut adoptée à l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale, de façon que l'Assemblée nationale, par l'entremise de cette commission, puisse se pencher sur le rôle et les responsabilités de l'Assemblée nationale, des élus du peuple, vis-à-vis des sociétés d'Etat.

Mme le Président, depuis 1970, je siège à cette Chambre. J'ai toujours été préoccupé par les activités des sociétés d'Etat, par les pèlerinages annuels auxquels nous avons dû assister et que nous avons dû subir pour venir chercher des crédits additionnels, des crédits nouveaux par des modifications aux lois, de façon à pouvoir, plus souvent qu'autrement, trouver des prétextes et tâcher de renflouer les sociétés, en vue de camoufler ou de cacher des déficits.

Il fut extrêmement pénible, au cours des années passées, de pouvoir convaincre les autorités en place de la nécessité d'une commission

parlementaire. Je ne veux pas reprendre de vieux débats, mais on se rappellera qu'il a fallu parfois attendre deux ans, à la suite d'une motion présentée à l'Assemblée nationale, pour qu'une société d'Etat finisse par venir comparaître devant l'Assemblée nationale du Québec.

Lorsqu'on regarde le nombre de sociétés d'Etat que nous avons, qu'on regarde leurs actifs et qu'on regarde leur chiffre d'affaires annuel, on se rend compte que les sommes sont extrêmement importantes, qu'il y a des implications directes dans le développement de l'économie du Québec. Les élus du peuple ne peuvent pas être indifférents, parce que j'ai toujours trouvé anormal qu'on ne puisse pas interroger les administrateurs de ces sociétés puisque, effectivement, l'actionnaire, c'est le gouvernement et les propriétaires, ce sont les citoyens du Québec.

Or, dans toute société, syndicat, coopérative, entreprise, il est normal que les dirigeants rencontrent les actionnaires ou les sociétaires ou les membres au moins une fois par année. C'est malheureux, cela n'a jamais été fait de façon systématique, sinon que nous avons quand même réussi — le ministre d'Etat au développement économique en parlait tout à l'heure, au cours de l'année, je pense que c'est un record — à tenir trois séances de commission parlementaire pour étudier les problèmes, étudier le rôle des sociétés d'Etat; deux au niveau de l'Hydro-Québec et il y en a eu une autre que le ministre a nommée tout à l'heure, je pense que c'est SIDBEC, c'était au cours de l'année dernière.

Or, Mme le Président, la création et l'addition, à chaque année, de nouvelles sociétés d'Etat fait en sorte que ce sociétés jouent encore un rôle beaucoup plus grand dans le développement économique. Les sommes d'argent que le gouvernement doit y consacrer annuellement ont des répercussions directes sur la performance administrative gouvernementale. Je m'explique. Lorsque, dans le programme des emprunts gouvernementaux; le gouvernement est obligé de consacrer $250 millions pour ajouter du capital-actions à ces sociétés, il est évident que cela a une influence directe sur le programme des emprunts sur les marchés financiers et leurs contingences auxquels le gouvernement doit se soumettre.

Nous en avons parlé souvent, nous en avons parlé pendant longtemps de cette nécessité d'un meilleur contrôle. Je me rappelle, entre autres, en 1976, à la suite de bien des débats et de bien des discussions qui avaient eu lieu à l'Assemblée nationale... je me réfère à un article qui avait paru dans le journal La Presse, signé par le journaliste Réhal Bercier, qui annonçait pour l'automne 1976, l'intention du gouvernement de l'époque d'étendre sa juridiction et son contrôle sur les sociétés d'Etat, sur leur développement. Les artisans de cette réforme, à l'époque, étaient: M. Guy Coulombe, secrétaire du Conseil exécutif; M. Jean-Claude Lebel, du Conseil du trésor; M. Pierre Goyette, sous-ministre aux Finances. Un de ces artisans, M. Guy Coulombe, se trouve aujourd'hui au conseil d'administration d'une société d'Etat, soit la SGF.

Les intentions du gouvernement d'alors furent, comme on le sait, passablement perturbées dans leurs applications, puisqu'il y eut des élections à l'automne et que nous avons eu un nouveau gouvernement pour diriger les destinées de la province. Avec ce nouveau gouvernement, les affaires de l'Etat se virent confiées à toute une nouvelle batterie d'hommes, qui, pour la plupart, venaient du milieu intellectuel et qui avaient été élus sur la base d'un programme politique bien précis. Dans ce programme, il est dit, entre autres, au chapitre V, article 2, paragraphe c): "Les normes d'efficacité et de rentabilité appliquées dans l'entreprise privée doivent prévaloir dans l'administration publique." Il est aussi affirmé dans ce même programme qu'un gouvernement du Parti québécois — je me réfère toujours au programme du Parti québécois — s'engage à favoriser, comme forme prioritaire d'intervention dans l'économie, une extension soutenue du secteur public, les entreprises d'Etat et mixtes, particulièrement dans les secteurs dont l'impact est majeur sur l'orientation du développement économique. Selon cedit programme, il semble évident que l'intention de l'actuel gouvernement était de privilégier l'intervention des entreprises d'Etat et mixtes de notre économie et cela, en s'assurant — du moins ce sont les voeux qu'on exprimait — que les normes d'efficacité et de rentabilité de ces entreprises soient aussi grandes que celles des entreprises privées; ce qui n'est pas fait, Mme le Président, et ce qui ne sera pas fait demain, à mon avis.

Au départ, donc, reconnaissance par l'actuel gouvernement de l'importance de réorganiser plus efficacement nos sociétés d'Etat qui, reconnues au nombre de 17 à l'automne 1976, avaient comme actif, en 1974, une somme de $10 milliards et des achats de $500 millions, pour un total de 34 000 emplois. (11 h 15)

Un bon exemple de l'intérêt que semblent avoir certains membres de ce gouvernement pour une réorganisation de nos sociétés d'Etat, citons entre autres, les propos — et je fais suite aux citations qu'a faites le chef de l'Union Nationale — du premier ministre lui-même qui avait dit: "II n'est pas question que l'Etat soit une assurance-faillite ". Cela a paru dans le Soleil du 22 mars 1977.

Le ministre des Richesses naturelles, M. Yves Bérubé, disait, à propos de REXFOR: "Nous voulons ramener nos sociétés d'Etat sur une base concurrentielle et, conséquemment, elle devra présenter en moyenne les mêmes coûts et le même niveau de rentabilité que l'on retrouve dans l'entreprise privée". Ces propos étaient rapportés dans le Soleil du 22 août 1978.

Le ministre des Finances, M. Parizeau, devant les membres des Hautes Etudes Commerciales, déclarait: L'Etat est loin d'avoir atteint, sur le plan de la gestion commerciale et industrielle, l'efficacité du secteur privé. Si l'on reconnaît volontiers que nos sociétés d'Etat ne pèchent pas par excès d'efficacité et qu'il est nécessaire de modifier cette attitude, il semble qu'il soit difficile d'en effectuer

une transformation radicale. Nous devons bien nous rendre compte que, depuis la création, en 1963, des premières sociétés d'Etat — et là, je me réfère au bilan, aux états financiers du Québec qui ont été déposés cette semaine à l'Assemblée nationale — le capital-actions fourni par le gouvernement totalise $440 361 000.

On se rend compte aussi qu'il y a des obligations et des billets pour $53 000, qu'il y a des prêts et avances de consentis, fournis et garantis par le gouvernement pour $802 744 000 — on ne parle pas de l'Hydro-Québec — ce qui fait un total d'engagements gouvernementaux, soit en souscriptions de capital-actions, soit en prêts et en avances, de $1 297 501 000. Si on ajoute à cela la loi qui vient d'être déposée en première lecture à l'Assemblée nationale, je pense qu'on peut présumer que cela atteindra près de $1 500 000 000 d'ici la fin de la présente année, $1 500 000 000 d'engagements du gouvernement pour des sociétés dont les gens sont mandatés pour administrer ces dernières, voir à faire en sorte que ces sociétés atteignent les objectifs pour lesquels elles ont été créées et qu'elles respectent des normes d'efficacité et de rentabilité.

Lorsque je vois qu'un trop grand nombre de ces sociétés concurrencent directement, et indirectement sous une plus grande forme encore, des entreprises privées rentables que nous avons au Québec et que ces gens réussissent à payer des impôts à la province pour permettre que le gouvernement dispose de fonds pour aller à la rescousse et refinancer les sociétés d'Etat qui, elles, accusent des déficits en concurrençant nos sociétés privées, je trouve que cette question est fondamentale et décourage un grand nombre de nos industriels, de nos hommes d'affaires à aller plus loin dans leurs entreprises parce que, en plus d'être les partenaires obligatoires, des associés de l'Etat qui doivent associer l'Etat à leurs entreprises effectivement, en vertu des lois fiscales, on sait que s'il y a des bénéfices, ils sont obligés d'en remettre une large partie à l'Etat.

D'un autre côté, pour être en mesure de maintenir une certaine clientèle et de se maintenir à flot, ces sociétés, ces entreprises doivent concurrencer les sociétés d'Etat qui, elles, sont déficitaires, ne rendent compte pratiquement à personne, des gens qu'on n'a jamais vus en commission parlementaire et que nous n'avons jamais vus devant l'Assemblée nationale du Québec comme telle.

Je trouve que si l'on songe que l'on veut encore davantage créer ce genre de sociétés et accroître le rôle de ces sociétés, il faudra que nous nous penchions très sérieusement sur, d'abord, l'opportunité de créer de telles sociétés et, deuxièmement, qu'elles soient soumises à des règles strictes et qu'elles aient des responsabilités et des comptes à rendre, non seulement au ministre en lui remettant un rapport annuel à la fin de l'année comme c'est trop souvent le cas, j'imagine, mais qu'elles puissent se présenter devant une commission parlementaire et rendre compte de leurs actes.

Alors, ces sommes énormes sont investies dans des sociétés dont les principales sont SIDBEC, la société de développement de la baie James, REXFOR, la SDI, la SGF, SOQUEM, SOQUIP, SOQUIA, SPICQ, etc..

Dans ce contexte, et tenant compte du fait que ces sommes d'argent viennent des goussets des contribuables québécois, nous devons conclure à l'urgence d'agir pour que soit radicalement modifiée cette opinion trop souvent répandue, hélas, qu'une société d'Etat doive, nécessairement, faire des déficits.

Les sociétés d'Etat n'ont pas à se substituer aux entreprises privées responsables, mais lorsqu'elles occupent un champ quelconque d'activité, en concurrence avec d'autres entreprises, elles ont l'obligation d'une bonne et saine administration, et, au surplus, elles doivent assurer un maximum de rentabilité pour leurs actionnaires qui, en définitive, sont chacun des contribuables québécois.

Jusqu'à présent, nous reconnaissons un certain effort d'amélioration par de nouvelles nominations au sein des conseils d'administration. Je me permets d'en citer quelques-uns, soit M. Eric Kierans, qui a été nommé, ainsi que MM. Germain Perreault, et Robert Boyd, au conseil d'administration de SIDBEC, M. Coulombe, M. Giroux et M. Bélanger au conseil d'administration de la SGF, M. Harbour, M. Bonnier et M. Clermont au conseil d'administration de la SDI. Nous pourrions en nommer plusieurs.

Ce premier effort est à signaler, mais il doit être fait beaucoup plus. Il faut prévoir un contrôle plus direct de nos sociétés d'Etat par les parlementaires, et, c'est pourquoi je suis heureux de souscrire à la proposition du chef de l'Union Nationale de créer une commission parlementaire permanente formée de représentants de toutes les formations politiques représentées à l'Assemblée nationale, et de donner à cette commission les experts, les outils nécessaires pour l'étude de divers projets de nos sociétés et aussi pour analyser leurs états financiers, analyser leur administration, et fournir aux parlementaires, aux membres de la commission, des documents, des informations.

J'ai eu trop souvent à participer à des commissions parlementaires sans pouvoir obtenir d'informations, d'études, que nous aurions pu faire servir, à la suite de l'analyse que nous aurions pu faire effectuer à la suite des rapports qui nous sont déposés le matin même et dès l'ouverture de la commission parlementaire.

Je me souviens, entre autres, que lorsque nous avons étudié les projets de développement de la baie James, on nous a remis des dizaines de documents très volumineux et nous avions environ une heure, une heure et quinze minutes avant que notre temps de parole nous soit accordé, pour pouvoir interroger les représentants de ces sociétés sur les documents qu'ils venaient de nous proposer.

Ce sont des situations extrêmement déplorables. Nous avons dû les subir, mais ce n'est pas une façon de procéder qui permet en toute équité

et en toute justice aux parlementaires d'assumer leurs responsabilités de façon efficace.

Il faut obliger nos sociétés d'Etat à produire un rapport trimestriel de leurs opérations plutôt qu'un seul rapport annuel six mois plus tard et que toutes ces sociétés aient l'obligation de comparaître au moins, je dis bien l'obligation de comparaître, au moins une fois par année devant ladite commission parlementaire spéciale.

Cette commission parlementaire devrait avoir, à mon avis, un statut particulier, comme celui dont dispose la commission parlementaire des engagements financiers. C'est une commission parlementaire distincte, différente ayant des normes de fonctionnement totalement distinctes, différentes des autres commissions parlementaires.

Cette commission parlementaire devrait avoir la possibilité de se subdiviser en sous-comités qui pourraient se spécialiser dans tel ou tel secteur ou encore étudier telle ou telle entreprise, pour que la commission parlementaire puisse tenir une, deux, trois, quatre séances, six séances, et même un plus grand nombre, si c'est nécessaire, de façon à pouvoir scruter à fond la situation de telle société d'Etat pour ensuite faire rapport à la commission parlementaire comme telle de façon que les parlementaires et l'Assemblée nationale aient tout l'éclairage nécessaire pour être en mesure de prendre de bonnes décisions lorsque ces sociétés viennent devant le gouvernement et nous demandent de modifier leur charte de façon à pouvoir leur permettre d'accroître leur capital-actions.

A titre d'accroissement de capital-actions, je me permets, Mme le Président, de citer un autre exemple pour lequel j'avais avisé l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce au cours de l'an dernier. L'an dernier, on se rappellera que la compagnie SIDBEC-DOSCO avait eu à faire face à un énorme déficit et que, vers la fin de l'année, elle s'était présentée devant le gouvernement, devant la commission parlementaire, à la suite d'une modification à la loi visant à accroître son capital-actions.

Ce n'était pas la première fois que cette société comparaissait devant une commission parlementaire pour accroître son capital-actions, mais je me souviendrai toujours que chaque fois qu'elle est venue devant une commission parlementaire, c'était pour enfin atteindre le seuil de rentabilité, parce que c'était à peu près la dernière fois où on venait devant une commission parlementaire pour tâcher d'avoir une augmentation du capital-actions.

Or, j'ai eu la surprise, cet été, de lire dans les journaux, notamment dans la presse du 18 juillet 1978: Une étude suggère à SIDBEC d'investir encore $500 000 000 en quinze ans pour atteindre le seuil de la rentabilité.

Je ne veux pas discuter du bien-fondé ou du non-fondé de cette situation et de cette déclaration ainsi que de ce rapport. Mais ça nous démontre clairement l'opportunité et l'à-propos de la présente commission parlementaire et la justesse des propos qui ont été tenus par le proposeur de la motion acceptée par l'Assemblée nationale.

Un dernier point, Mme le Président, sur lequel j'aimerais insister; c'est que je trouve anormal qu'à l'heure actuelle, on n'ait pas confié au Vérificateur général de la province le mandat de vérifier toutes les sociétés d'Etat. Je comprends qu'il devra accroître son personnel de façon considérable, mais, quand on considère que la plupart et les plus importantes de nos sociétés d'Etat sont vérifiées par des firmes privées — non pas que j'en aie contre les firmes privées; loin de là, au contraire — il y a quand même des dispositions et une situation de fait qui veulent que le Vérificateur général puisse comparaître devant une commission parlementaire, la commission des comptes publics — d'ailleurs, il a déjà comparu à deux reprises et il est possible, pour les membres de l'Assemblée nationale et les membres de la commission parlementaire, de pouvoir interroger le Vérificateur général. D'autant plus que le Vérificateur général remet son rapport annuel et que ce rapport est déposé devant l'Assemblée nationale, à l'attention de tous les membres de l'Assemblée nationale. Le Vérificateur général va beaucoup plus loin que la petite formule sacramentelle qui est utilisée par les firmes de vérificateurs privées à l'endroit de toutes les sociétés.

On retrouve la même petite formule sacramentelle dans les rapports annuels des sociétés d'Etat que celle que l'on retrouve pour les sociétés privées, avec cette différence que, dans la société privée, le vérificateur doit assister à l'assemblée annuelle des actionnaires; il est nommé, assez souvent... Je pense que les lois font en sorte, du moins dans le système coopératif, que c'est l'assemblée générale des membres qui choisit le vérificateur et le vérificateur est présent à l'assemblée générale des sociétaires; il répond à toutes les questions que les sociétaires peuvent lui poser à l'occasion des assemblées générales, pour avoir toutes les informations que les sociétaires jugent pertinentes.

Il ne s'agit peut-être pas de faire faire tout le travail par le Vérificateur général, mais il s'agirait de donner un mandat spécifique au Vérificateur général pour qu'il puisse au moins examiner tout le rapport des vérificateurs privés, pour qu'il puisse inclure dans son rapport annuel ses recommandations, si recommandations il doit y avoir, ou encore faire les remarques qui s'imposent, de façon à informer les membres de l'Assemblée nationale du Québec.

Tout ceci, Mme le Président, pour dire que je souscris entièrement à l'idée d'une commission parlementaire permanente, avec cette possibilité que ce soit une commission parlementaire très spéciale avec mandat bien spécial, qu'elle puisse siéger selon son propre désir et qu'on oblige les sociétés d'Etat à comparaître devant cette commission parlementaire au moins une fois par année.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au développement économique.

Réponse du ministre

M. Landry: Je pense qu'à ce stade-ci, nous sommes déjà en mesure de réagir à un certain

nombre de propositions intéressantes et concrètes qui ont été faites par les divers intervenants. Cependant, une remarque préliminaire. Il me semble que certaines de ces suggestions, fort positives, dans un avenir immédiat, sont contradictoires. Je m'explique. Cela ne veut pas dire qu'elles le sont à long terme.

Plusieurs d'entre vous, le chef de l'Union Nationale en particulier, ont fait ressortir la difficulté d'obtenir des données et de l'information. Il s'est fait répondre à la bibliothèque de la Législature que c'était pratiquement une impossibilité de lui répondre. Au ministère d'Etat au développement économique, où nous avons en marche un certain nombre de travaux — ça ne le consolera pas que je dise ça — nous souffrons, d'une certaine manière, des mêmes difficultés, de ne pas avoir une information réaliste et précise.

On peut dire qu'il y a vingt ans d'incohérence, je ne dis pas ça au sens péjoratif. D'ailleurs, on a créé des sociétés d'Etat depuis vingt ans et on en a créé et recréé qui n'étaient pas uniformes, qui ne présentaient pas leurs états de façon uniforme, qui ne sont pas financées de la même manière, les unes sont par avances, les autres... Il y a eu une sédimentation qui fait que, même avec toute la bonne volonté du monde, toute l'ouverture possible, on n'est pas en mesure d'avoir une information factuelle permanente, ce qui signifie que si on réunissait la commission dont vous avez parlé — j'en reparlerai plus loin — au moins dans un avenir immédiat, elle risquerait d'avoir une difficulté énorme d'information elle-même. C'est un problème qui doit être réglé pratiquement préalablement. (11 h 30)

Un deuxième problème qui rend, toujours dans un avenir immédiat, les suggestions contradictoires, c'est le problème des typologies qu'a bien évoqué le député. Qu'est-ce qu'une société d'Etat? Quelles sont celles pour lesquelles une commission perdrait littéralement son temps? Il y en a quelques-unes qui existent sur papier, qui ont des opérations marginales limitées ou des opérations qui, par ailleurs, vont tellement bien et tournent dans l'huile, que les données qu'on possède sont tout à fait suffisantes.

La définition, donc, les typologies, de celles qui sont vraiment des sociétés commerciales, industrielles, concurrentielles, celles qui sont, avec une certaine autonomie, des mécanismes d'intervention du gouvernement, disons la SDI. La SDI n'a pas d'actionnaire. C'est un prolongement du ministère de l'Industrie et du Commerce qui agit avec une certaine autonomie. Elle a son conseil d'administration. Une partie de son activité se déroule dans un contexte de rentabilité — en fait, l'an dernier, elle a fait de l'argent — et une autre partie joue un rôle d'intervention étatique dans des secteurs qui en ont besoin et est, par définition, non rentable.

Ce qui fait qu'accéder immédiatement à la demande constructive que vous nous faites serait imprudent et risquerait de faire durer une certaine incohérence et une certaine inefficacité que nous avons connues depuis vingt ans. Cela ne veut pas dire qu'il faut être fataliste et dire que cela doit durer à jamais. Je ferai des suggestions qui, je l'espère, correspondront à vos préoccupations et éventuellement à votre assentiment.

Mais dans l'état actuel du dossier, puisque nous cherchons tous honnêtement la façon d'en sortir, un minimum de prudence et de réflexion s'imposerait.

C'étaient des remarques générales. Je voudrais reprendre, de façon un peu plus détaillée, toutes et chacune de vos suggestions et constatations sur les sociétés. On a parlé, dans deux interventions, des commissions d'enquête du sénat américain. Pour nous, Nord-Américains, qui avons accès à leur presse et à l'information, je dirais que c'est une institution extrêmement séduisante que ces commissions sénatoriales. On a l'impression que c'est une forme de parlementarisme, pour cet aspect, presque supérieure, avec un personnel énorme, avec des budgets pour aller dans toutes les parties du monde — quelquefois, hélas! cela finit mal, comme on l'a vu récemment — avec la possibilité, véritablement, d'offrir un bon contrepoids à l'exécutif sur le plan de l'information.

Mais le problème que cela pose, c'est le problème que cela a posé en Grande-Bretagne, c'est celui que cela a posé au gouvernement d'Ottawa, c'est que le fond de nos systèmes parlementaires est radicalement différent. Nous sommes dans un système parlementaire britannique où l'exécutif s'appuie, pour gouverner, sur une majorité parlementaire, théorique et pratique. En général, à moins de catastrophe, la députation du parti ministériel soutient le gouvernement et quand la catastrophe survient, il n'y a plus de gouvernement, ce qui n'est pas le cas aux Etats-Unis. Le chef de l'exécutif peut se retrouver, comme c'est arrivé pour la plupart des époques récentes, en face d'un Congrès qui lui est, sinon hostile, du moins pas acquis d'avance.

Par ailleurs, sans que le président des Etats-Unis ne soit démis de ses fonctions, le Congrès peut très bien aller, d'une façon diamétralement opposée aux recommandations présidentielles. Il ne se gêne pas pour le faire, d'ailleurs.

Ici, le contexte est radicalement différent. D'une façon britannique, l'exécutif s'appuie sur un parti majoritaire et c'est le Parlement, dans son ensemble, qui est le contrepoids à l'exécutif avec la présence des ministres tous les jours de session à une période des questions avec les autres organismes du gouvernement qui permettent des examens chiffrés de certaines choses, comme les engagements financiers, pour donner un exemple, comme les commissions spéciales que nous faisons sur un sujet ou sur l'autre.

Le président des Etats-Unis ne va pas au congrès tous les jours répondre aux questions, comme chacun sait. Ses présences dans cette enceinte sont rarissimes. Je pense que vous admettrez avec moi qu'avant de transposer une institution américaine qui est séduisante — je ne parle pas de l'institution globale, je parle seulement du mécanisme de la Commission sénatoriale d'enquête — dans

un système qui, par essence, est différent, il y aurait une réflexion à faire et probablement aussi des adaptations à faire. Sur cette question de la Commission sénatoriale et les questions connexes, je tenais à faire cette mise en garde opérationnelle, si on peut dire.

On a parlé de sociétés à monopole et de sociétés qui n'étaient pas à monopole. Cela aussi pose des problèmes d'une nature différente. Vous le savez, chaque fois qu'on parle des tarifs de l'Hy-dro qui, de toute manière, n'est pas un monopole absolu. L'Hydro-Québec est en concurrence non pas pour la vente et la distribution de l'électricité mais elle est en concurrence avec des matières énergétiques d'un autre ordre que son propre produit. Exemple: le pétrole. On ne peut pas dire que l'Hydro-Québec a la bride sur le cou et peut faire n'importe quoi avec ses tarifs sur le strict plan économique, parce qu'il y a différentes façons de se chauffer. Si j'exclus le bois, dans les pannes, il reste au moins le pétrole. Quand on dit monopole, il ne faut pas parler de monopole absolu.

C'est un peu moins vrai pour la Société des alcools où je voudrais mettre la gamme de tous les produits de cette société en concurrence avec la bière, par exemple. Là, c'est beaucoup moins vrai. Là, on a véritablement un monopole de distribution des vins et alcools et le niveau de concurrence n'est pas comparable comme entre l'électricité et le pétrole.

On a parlé également d'amélioration de la présentation. Cela me semble aller de soi. Dans quelque mécanisme d'avenir qu'on reconnaîtra, il faut faire un effort particulier qui se greffe à ce que j'ai dit des typologies, qui se greffe à ce que j'ai dit des informations consolidées pour que la présentation soit accessible. Si on présente des documents en chinois, c'est entendu qu'aucun d'entre nous ne s'y retrouvera. Il serait souhaitable, à la limite, que l'homme de la rue soit en mesure, par une bonne présentation graphique, de prendre connaissance de l'activité des sociétés d'Etat comme de plus en plus, depuis un certain nombre d'années, on permet aux contribuables de voir des présentations graphiques acceptables du budget de l'Etat, des tableaux, des échelles, des courbes de type traditionnel pointe de tarte qui représentent l'impôt sur les personnes physiques, etc.

Au niveau de la présentation, sans tomber dans le simplisme, il est évident qu'il y a un effort de présentation à faire. Cependant, autre mise en garde qui découle de la nature de l'activité de certaines sociétés — je l'ai vécu avec certains d'entre vous à la dernière commission parlementaire sur SIDBEC — Est-ce que doivent être publiques toutes et chacune des donnée chiffrées détenues par les sociétés d'Etat? La question est ouverte. Quand on est en concurrence, pour celles qui le sont, avec des concurrents dynamiques, parfois "agressifs", est-ce qu'il est possible, sans rendre plus complexe la position de rentabilité de la société, de la forcer à mettre tous ses chiffres sur la table dans les moindres détails? Je pense en particulier à son compte d'exploitation, en détail, à ses tactiques commerciales, à ses tactiques de vente, à son marketing, parce qu'il ne faut quand même pas la mettre dans une situation ou dire: Allez vous battre contre des gens qui ne livrent pas cette information mais qui vont connaître les moindres détours de votre compte d'exploitation et de vos stratégies commerciales. C'est un problème aussi. Est-ce qu'on pourrait concevoir que, dans un comité plus restreint, avec des embargos d'information, les parlementaires puissent avoir accès à l'information qui ne soit pas remise à la concurrence le lendemain? C'est un problème de taille. On a parlé également du problème de l'audition — c'est un anglicisme, d'ailleurs — mais de la vérification comptable des sociétés. C'est une suggestion assez originale et intéressante.

C'est vrai que la pratique comptable nord-américaine est une bonne pratique, une pratique des comptables agréés, ce n'est pas n'importe quoi, il faut comparer avec ce qui se fait dans d'autres pays, il y a un niveau d'éthique extrêmement élevé chez les comptables agréés, chez les vérificateurs, un niveau de compétence extrêmement élevé. Elle n'a pas été conçue pour renseigner les parlementaires ou cela n'a pas été conçu pour le secteur public, mais cela a été une naissance spontanée des besoins du secteur privé que les divers Etats américains et les provinces du Canada ont eue avec l'Ordre des comptables agréés. Ils fonctionnent dans le cadre d'un certain plan comptable uniforme, mais avec de larges variations d'une firme à l'autre, et, effectivement, plusieurs formules sacramentelles, qui reviennent avec une régularité déconcertante.

On peut très bien s'inspirer des sociétés qui sont déjà vérifiées par le Vérificateur général — il y en a un certain nombre — voir quelle est l'expérience de l'intervention du Vérificateur général dans les données de ces sociétés et voir si cela ne serait pas transposable, en tout ou en partie. Est-ce qu'il serait bon que le Vérificateur général, à SIDBEC, par exemple, se voit confier le même mandat que la vérification interne de SIDBEQ et ses vérificateurs externes assument présentement. Est-ce qu'on ne pourrait pas plutôt lui donner un rôle de surveillance générale d'opérations faite dans le détail, dans le quotidien, par d'autres? Cela aussi m'apparaît une chose à étudier, surtout à la lumière de l'expérience qu'on a déjà avec un certain nombre de sociétés.

Si on érige le Vérificateur général en comptable attitré de toutes ces énormes entreprises du secteur public, j'espère que vous avez compris — M. le député de Beauce-Sud l'a bien dit, d'ailleurs, qu'on s'en va vers une attribution de postes supplémentaires au Vérificateur général, qui pourraient être assez astronomiques — quand on regarde le chiffre d'affaires impliqué, la complexité des opérations, ce serait un choix à faire et dont nous devons mesurer toutes les conséquences.

Je voudrais reprendre maintenant les remarques d'un certain nombre d'entre vous sur la rentabilité. D'abord, je pense qu'on a un accord sur le fait que des déficits sur une certaine période

sont chose acceptable et normale, vous l'avez tous dit, chose acceptable et normale, parce qu'on ne doit pas demander à une société publique d'entrer dans un contexte de rentabilité alors que ses partenaires du secteur privé ont mis parfois cinq ou dix ans à arriver à la rentabilité. Je crois comprendre que nous nous entendons aussi sur le fait que la rentabilité doit être prise dans son sens économique restreint, c'est-à-dire rentabilité pour la firme. Si le gouvernement entend donner à une société particulière une responsabilité sociale, qu'il en soit tenu compte dans les subventions qu'il lui verse et dans les indications claires qui sont données à l'entreprise.

Imaginons le cas — d'ailleurs, c'est à peine de l'imagination — où une société d'Etat, par une de ses décisions, sauve une ville minière sur le point de fermer. Je me réfère à des expériences antérieures c'est un beau geste social, cela peut être un beau geste politique aussi, d'empêcher la fermeture d'une ville, sauf que si, dans cette opération, la société en question met en péril sa responsabilité pour les cinq ou dix ans à venir, on peut être assez mal placé pour lui reprocher ce qu'elle a pris comme décision, qui n'était pas une décision économique, mais qui comportait des aspects politiques et des aspects sociaux. (11 h 45)

II faudrait donc établir une distinction chaque fois qu'une société d'Etat est sollicitée pour poser un geste de nature sociale qu'une entreprise privée ne ferait pas, on lui donne spécifiquement les moyens de le faire, dans un poste identifié du budget de l'Etat et du budget de la société en question. Comme ça, la société pourra nous présenter une situation de rentabilité et, si l'Etat décide, pour d'autres raisons, de poser un geste qui n'est pas rentable en soi sur le plan économique, il en assumera directement la responsabilité au vu et su de la population qui jugera, parce que le problème peut se poser dans tous les cas de fermeture d'un établissement du secteur public. Il y a de vieilles entreprises, dans le secteur privé, qui doivent fermer et ça doit se faire suivant nos lois qui sont, comme vous le savez, dans les plus avancées du continent, avec les avis qui doivent être donnés, toutes les précautions prises pour sauvegarder l'emploi, pour sauvegarder l'activité économique d'une région. Mais si les entreprises privées peuvent faire cela pour améliorer leur rentabilité, il pourrait arriver aussi qu'une entreprise publique doive en faire autant et, si le gouvernement ne veut pas qu'elle le fasse, il devra lui donner les moyens d'éviter cela en dehors de son budget et de son compte d'exploitation et par des injections de crédit décidées au vu et su de tout le monde et soumises à l'éclairage des questions de l'Assemblée nationale.

Comme première réaction, Mme le Président, c'est ce que je voulais communiquer à la commission.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Richmond.

Autre intervention M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci beaucoup, Mme le Président. J'aimerais aussi émettre certains commentaires au niveau des remarques préliminaires à cette commission parlementaire que je trouve tout à fait importante puisqu'elle remet en cause un problème qui dure — le ministre l'a indiqué lui-même — depuis des années, sur lequel se sont penchés à tour de rôle, je pense, les députés qui ont siégé à l'Assemblée nationale en déplorant, depuis des années, le fait que les sociétés d'Etat, dans le système actuel, tel qu'il existe, font un peu bande à part avec l'Assemblée nationale, non pas avec le gouvernement, quelquefois avec le gouvernement, mais, règle générale, surtout avec l'Assemblée nationale. Même si, au cours des mois ou des années passés, il y a eu de larges discussions, de larges forums sur ces questions, un fait n'en demeure pas moins véridique, c'est que, jamais, en réalité, de gestes concrets, pratiques ont été posés ici, au Québec, pour mettre un terme à cette situation que tout le monde déplorait, en fin de compte. Que ce soit d'un côté ou de l'autre de l'Assemblée nationale, on disait, à ce moment-là: Le contrôle des sociétés d'Etat nous échappe plus ou moins; on a plus ou moins un droit de regard sur les sociétés d'Etat, qui sont pourtant gérées à même les fonds publics.

Il m'apparaît ce matin que la tribune, qui a été acceptée ici, la commission parlementaire sur cette question, est privilégiée non seulement, je ne dirais pas, pour prendre conscience, mais je dirais, pour reprendre conscience de la profondeur de ce problème. Elle ne doit pas simplement servir de tribune à une déclaration de principe, mais elle doit donner lieu — je l'espère — en pratique, à des gestes concrets pour qu'une fois pour toutes, on dise: II y a eu quelque chose de fait. Parce que, si on s'est réuni ce matin seulement pour se dire que l'Assemblée nationale n'a, à toutes fins pratiques, aucun regard sur les sociétés d'Etat, sinon théorique, à ce moment-là, la commission parlementaire n'aurait à peu près servi à rien.

Au cours des quelques remarques que je vais faire, Mme le Président, j'ai aussi l'intention de reprendre les arguments qui viennent d'être évoqués par le ministre.

Le ministre a fait état, entre autres, par exemple, de la question d'uniformité de gestion qu'il doit y avoir dans les différentes sociétés d'Etat. Je comprends que ce n'est pas le rôle de la commission parlementaire ce matin, ni dans ce que l'Union Nationale propose, de régler ce problème, mais il pourrait quand même y avoir une loi-cadre, par exemple, des entreprises publiques pour mettre de l'ordre dans leurs finances, une loi-cadre pour fixer des normes de gestion financière uniforme, mais ça, c'est une autre question et je pense que ça n'entre pas directement dans le cadre de nos discussions de ce matin.

Le ministre a indiqué — c'est un fait, qu'on l'accepte ou non, qu'on soit en faveur ou non —

que, depuis 1945, il y a eu ce que j'appellerais "prolifération " des sociétés d'Etat dans l'ensemble de tous les pays qui connaissent ces systèmes.

Mais, dans les remarques que le ministre nous a faites ce matin, il oriente surtout son point de vue sur la question des relations du gouvernement avec les sociétés d'Etat et non pas, comme l'Union Nationale le voulait dans sa première motion, sur la question des relations de l'Assemblée nationale par rapport aux sociétés d'Etat qui vivent à même les fonds publics et je pense qu'il est important d'établir |a distinction.

Le ministre s'est retranché derrière sa responsabilité ministérielle comme membre d'un cabinet qui doit se préoccuper davantage de la question des relations du gouvernement envers les sociétés d'Etat, mais je pense que la principale préoccupation de la commission parlementaire, ce matin, cela a également été le voeu des autres opinants autour de cette table, soit surtout de situer le débat au niveau des relations qui doivent exister ou qu'on doit créer entre l'Assemblée nationale, outil démocratique d'une population, et les sociétés d'Etat financées par cette même population.

A ce chapitre, j'aimerais reprendre trois ou quatre arguments que le ministre a indiqués pour souligner le fait que l'Assemblée nationale avait quand même un mot à dire, mais pour vous dire que dans ce que le ministre nous a fourni, les arguments n'indiquent pas vraiment que l'Assemblée nationale a un mot à dire, ni un droit de regard. C'est simplement une information superficielle. C'est d'ailleurs ce contre quoi tous les hommes politiques depuis un bout de temps se sont élevés et ont décrié l'état de la situation.

Je prends le document que le ministre nous a fourni ce matin, à la page 8, où il dit ceci: "L'Assemblée nationale se préoccupe, à juste titre, elle aussi, du contrôle et de la surveillance des sociétés d'Etat. Elle a pu le faire dans le passé à de multiples occasions. Premièrement, l'intervention de l'Assemblée nationale et des commissions parlementaires joue, évidemment, un rôle central au moment de la création d'une société ou de la modification de la loi d'une société. C'est à ce moment qu'on y discute des buts et des objectifs, des moyens mis en oeuvre et aussi des relations que le gouvernement et l'Assemblée désirent mettre en place entre la société et eux-mêmes. Il faut d'ailleurs remarquer que c'est l'Assemblée nationale qui détermine le pouvoir autonome de la société et de la dévolution de la responsabilité opérationnelle à ses dirigeants et à ses administrateurs. "Depuis deux ans, l'Assemblée nationale a eu l'occasion d'établir ou de modifier quatre lois concernant les sociétés d'Etat. D'autres lois vont être étudiées ou modifiées dans peu de temps et des projets de loi viennent d'être déposés en première lecture." Fin de la citation.

Dans ce premier argument que le ministre nous apporte pour mettre en veilleuse tout l'aspect de la relation qu'on doit établir entre l'Assemblée nationale et les sociétés d'Etat, le ministre nous indique ici simplement que le rôle que l'Assemblée nationale a à jouer, c'est au niveau de la création des sociétés d'Etat. C'est tout à fait normal. Je pense que c'est dans la logique des choses. L'Assemblée nationale crée la loi-cadre qui forme la société d'Etat. Elle lui confère les pouvoirs, mais cela ne donne pas automatiquement — et c'est le cas puisque le problème existe — à l'Assemblée nationale comme telle le droit de regard, le droit de contrôle, le droit d'accès à l'information directe qu'on réclame depuis des années, dans un premier temps.

Deuxièmement, je poursuis la citation de l'exposé que le ministre a fait tout à l'heure: "Une autre manière de contrôler les activités des sociétés d'Etat, c'est de convoquer les entreprises à des commissions parlementaires spécialisées pour leur poser des questions sur leur activité en général ou sur des projets plus précis. C'est ainsi que depuis deux ans, trois commissions parlementaires ont été convoquées, deux pour l'Hydro et la SEBJ et une pour SIDBEC."

J'aimerais peut-être m'arrêter un peu plus largement sur cette convocation des commissions parlementaires et me servir de l'exemple le plus flagrant qu'on a vécu dernièrement, soit celui de la dernière comparution devant cette même table de la commission parlementaire de l'Hydro-Québec.

Pour vous décrire brièvement la situation, on se rappellera que la commission parlementaire n'a siégé que pendant une journée et demie. Faisant face à ce moment à toute l'équipe des spécialistes de l'Hydro-Québec qui, eux, avaient travaillé durant les douze mois à préparer leur intervention à la commission parlementaire, aucun des membres — même le ministre l'a déploré — n'avait les outils nécessaires pour faire le poids devant la présentation de demande de hausse de tarifs de l'Hydro-Québec, ni devant non plus la présentation de son actif. Je rappellerai que l'actif de l'Hydro-Québec se situe maintenant à près de $16 milliards.

Je vous décris cette situation pour vous montrer qu'il n'y a vraiment aucune commune mesure entre une entreprise de la taille de l'Hydro-Québec qui se présente devant nous, fort préparée, fort documentée, avec tous les spécialistes nécessaires, les ressources techniques, financières et autres pour répondre à des questions et une simple commission parlementaire qui n'a aucune préparation technique, aucun soutien technique, ni financier, de recherche ou autre spécialisé, outre, évidemment, les recherches des différents partis politiques, et c'est la même chose pour le parti au pouvoir que pour les autres partis.

Je vous rappellerai que j'avais fait une émission radiophonique dans le cadre de cette commission parlementaire avec un membre du Parti québécois qui avait déploré, lui aussi, que comme député, il n'avait accès à pratiquement aucune information et qui se présentait devant la commission parlementaire, dans le fond, comme je le lui disais à ce moment-là, simplement pour accomplir cette simple formalité que devient le pèlerinage annuel de l'Hydro-Québec devant la commission parlementaire. Ce sont des faits. C'est

une situation réelle qu'on a vécue. Il n'y a donc pas de commune mesure et le mandat de la commission parlementaire, de toute commission parlementaire vis-à-vis des sociétés d'Etat, tel qu'il est conçu actuellement, ne fait vraiment plus le poids. Le mandat n'est pas suffisant pour permettre à la commission parlementaire d'aller chercher l'information nécessaire pour préparer son travail, ni, non plus, de demander ou exiger que la société d'Etat produise ce qu'on veut qu'elle produise pour éclairer la commission parlementaire. La commission parlementaire, telle qu'elle est conçue actuellement dans le régime parlementaire qu'on a en vertu du règlement, n'a pas le pouvoir suffisant, dans le fond, pour permettre à la démocratie de s'exercer jusqu'au bout dans ce sens-là. Cela devient donc simplement une formalité érigée en système.

Au niveau de la continuité, Mme le Président, cela pose également un problème, un problème majeur et très profond parce que — et c'est le cas de toutes les sociétés d'Etat et ce n'est pas un reproche, c'est une constatation de fait qui est normale — toute société d'Etat, évidemment, a son personnel en place depuis des années qui lui assure, dans ses recherches, dans son travail, dans son plan de développement et dans toutes ses activités un élément de continuité que l'Assemblée nationale, par ses commission parlementaires chargées, dans le fond, de superviser son travail ou de recevoir ses demandes et ainsi de suite, n'a pas. Elle n'a pas cet élément de continuité d'aucune façon, en plus de ne pas avoir les moyens techniques et autres.

Alors, à ce moment-là, on voit vraiment qu'il y a une nette disproportion et que si on voulait être vraiment logique avec soi-même, lorsqu'une telle commission parlementaire est convoquée, les députés devraient dire, tout simplement, on décline l'invitation puisque c'est une simple formalité sociale et que cela équivaudrait à peu près à la même chose que d'aller prendre le café avec M. Boyd ou avec quelqu'autre représentant pendant dix minutes, en lui disant: Cela nous fait plaisir de vous rencontrer. C'est à peu près la même chose. Dans les faits, c'est cela.

Je ne remets pas en cause le mode de gestion ou quoi que ce soit, je décris la situation et je la caricature un peu pour montrer l'absurdité et le vieillissement de notre appareil parlementaire à ce chapitre-là. On ne fait vraiment plus le poids et on est d'une autre époque lorsqu'on joue le jeu de venir à une commission parlementaire pour poser des questions ou pour demander certaines explications alors qu'on n'est absolument pas prêts; et même pour le ministre, dans certains cas, c'est la même chose.

Lorsque le ministre disait, tout à l'heure, que l'Hydro-Québec n'est pas un monopole, je n'ouvrirai pas la discussion là-dessus, on pourrait en discuter longuement, parce que je ne pense pas que le ministre ait beaucoup de choix en ce qui concerne ses approvisionnements d'électricité pour sa lumière, sa télévision et un paquet de choses. Je ne pense pas qu'il change de mode d'approvisionnement. Il y a des données qui sont fondamentales là-dedans, il va devoir se conformer aux réalités dans lesquelles nous vivons.

Ce qu'on a su, entre autres, Mme le Président, avec simplement cette commission parlementaire, c'est que, par exemple, l'Hydro-Québec a une très très grande discrétion. Elle est obligée, parce qu'il y a aussi un engorgement des données, elle aurait à nous fournir, en venant ici, les détails de ses activités d'une année entière, se chiffrant à $16 milliards, en une journée. Elle ne peut pas nous fournir, même si elle le voulait, tout ce qu'on aurait besoin de savoir. Il y a même une série de questions qui ne viennent jamais et pour lesquelles ces experts-là, j'en suis convaincu, sont préparés, parce qu'il y a des valises énormes qui se promènent en arrière lorsque l'Hydro-Québec vient. Ces gens-là sont préparés depuis des mois et les questions ne viennent pas. Alors, c'est un jeu de chat et de souris qui est complètement illogique et qui doit être corrigé.

Je reviens sur la question de la "secrétivité", si vous voulez, de l'Hydro-Québec sur certains aspects. Je prendrai un document qui est publié par le gouvernement lui-même, qui vient de l'Office de planification du développement du Québec, qui s'intitule: Les sociétés d'Etat et les objectifs économiques du Québec, publié en mars dernier. A la page 105, je lis ceci — c'est donc un document qui émane du gouvernement — en parlant de l'Hydro-Québec: D'autre part — et c'est un problème directement relié au précédent — l'Hydro-Québec fonctionne dans le secret quasi absolu. Plusieurs décisions importantes n'ont jamais été suffisamment justifiées, la décision de confier la gérance des travaux de la baie James à la firme Bechtel, par exemple. Le gouvernement devra se doter — là c'est un organisme gouvernemental qui parle — des moyens nécessaires pour obtenir plus d'information sur les activités de sa société d'Etat. Les données disponibles, par exemple, ne nous permettent pas de savoir si l'Hydro-Québec exploite au maximum son pouvoir d'achat. (12 heures)

C'est simplement un des éléments que j'ai fait ressortir lors de cette commission parlementaire, ce que je me permets de ramener ici ce matin, dans le cadre de notre discussion, puisqu'il m'apparaît que le gouvernement lui-même, dans ses propres documents, reconnaît que ça ne fonctionne pas, qu'on n'a pas les mécanismes requis, qu'on n'a même pas la possibilité de voir ce qui se passe, même à l'intérieur de nos sociétés d'Etat.

Deuxièmement, je vous rappellerai, comme je l'avais fait lors de cette commission parlementaire, qu'au niveau de nos sociétés d'Etat, plus particulièrement au niveau de l'Hydro-Québec, au niveau des informations de base, je ne parle pas de l'information secondaire, il n'est pas possible, dans plusieurs cas, d'obtenir ce dont on a besoin pour travailler. C'est la même chose du côté ministériel, j'en suis convaincu.

D'ailleurs, Mme le Président, je vous réfère à un article paru dans le Devoir du 10 mai 1978,

sous la plume de Michel Vastel, qui suit le domaine de près, où on parle de l'étude Boyer-Martin, deux professeurs de l'Université de Montréal qui ont fait certaines études sur les coûts de l'Hydro-Québec et sur son mode d'opération: "Toute l'étude de Boyer-Martin vise donc à établir, pour l'Hydro-Québec, une méthode de tarification qui tienne mieux compte des coûts réellement supportés par la société québécoise." Les auteurs précisent que leur étude pourrait sans doute être encore raffinée, mais — c'est ici que c'est important, Mme le Président — ce qui en dit long sur le comportement de l'Hydro-Québec, ils se plaignent, à plusieurs reprises, dans leur rapport, de ne pas avoir eu accès à des informations de base indispensables.

C'est un fait, je pense que le ministre est au courant de l'étude Boyer-Martin faite à ce sujet. Je continue la citation: "A quelques semaines de la publication du livre blanc sur l'énergie par le ministre délégué, M. Joron, on peut même se demander si l'Hydro-Québec a ouvert davantage ses livres au gouvernement du Québec qu'aux deux chercheurs indépendants de l'Université de Montréal pour le compte d'un ministère fédéral jouant un rôle économique important au Québec."

Je pense que ce n'est pas une mince affaire qu'une déclaration de cette nature. Elle indique dans le fond que deux personnes mandatées par un ministère pour faire une analyse aussi importante que celle-là, se sont vu refuser l'accès à des données fondamentales pour leurs études et, dans le même article, on le présume — le ministre délégué à l'Energie a laissé entendre certaines choses — que c'est un peu le même phénomène au niveau de la relation entre le ministre et la société d'Etat, qu'il n'a peut-être pas accès à toutes les informations. Je pense que ça doit allumer nos lumières pour nous dire: Regardons pour voir si on ne peut pas organiser un autre mécanisme qui permette au gouvernement, mais aussi à l'Assemblée nationale qui, dans le fond, est l'aboutissement démocratique de la volonté des citoyens, d'avoir un contrôle et un regard direct sur l'argent de la population au niveau de ces sociétés d'Etat.

Le député de Beauce-Sud a évoqué tout à l'heure et à juste titre la question des pèlerinages annuels des sociétés d'Etat pour renflouer leurs fonds. C'est exactement la même chose, chaque année, on continue le même processus.

C'est pour ça que j'ai remis en question et que je remets encore en question, le rôle de la commission parlementaire, telle qu'elle existe actuellement, devant un bilan comme celui de l'Hydro-Québec, qui n'a vraiment aucune mesure commune. Dans le fond, la comparution de l'Hydro-Québec, comme je l'ai indiqué, c'est simplement maintenant une formalité érigée en système, beaucoup plus qu'une analyse efficace de la part d'une commission éclairée, ayant d'un côté, le mandat pour le faire et ayant aussi des pouvoirs effectifs pour jouer son rôle d'outil démocratique à l'Assemblée nationale.

Il m'apparaît donc que, tel qu'il est conçu ac- tuellement, l'appareil démocratique qu'est l'Assemblée nationale, ne joue pas pleinement son rôle véritable à travers cette commission parlementaire devant l'Hydro-Québec ou devant ses autres sociétés d'Etat. A la lumière de cette expérience, en particulier de l'Hydro-Québec, qui est peut-être plus éloquente que les autres, parce qu'elle a fait l'objet de beaucoup de publicité et parce qu'elle touche le citoyen beaucoup plus de façon directe que d'autres, on doit souligner l'urgent besoin que nous avons de repenser et de modifier notre approche quant à l'analyse des bilans, des performances, quant au mode d'opération et au plan de développement de nos sociétés d'Etat.

C'était essentiellement le but que visait le chef de l'Union Nationale par la motion qu'il a présentée à l'Assemblée nationale pour convoquer cette commission parlementaire, pour ouvrir toute l'enveloppe, mettre à jour l'ampleur de ce problème et, dans un deuxième temps immédiat, poser des actions, des gestes concrets pour trouver une formule pour assurer un droit de regard réel et des pouvoirs aux députés à l'intérieur d'un cadre précis qui pourrait avoir un poids équivalent à celui de nos sociétés d'Etat, en termes de documentation, en termes d'information, en termes de disponibilité d'analyse et surtout avoir un poids en termes de continuité.

Je pense qu'il est tout à fait primordial que, non seulement on reconnaisse le principe aujourd'hui, mais qu'on passe à l'action, sinon ce seront seulement des voeux pieux et la commission n'aura servi, à toutes fins pratiques, à rien. Ceci est pour le deuxième argument que le ministre a évoqué en ce qui concerne les sociétés d'Etat, donc les commissions parlementaires telles qu'elles existent actuellement. On pourrait continuer les exemples à l'infini, mais cela ne fait plus le poids, cela ne joue plus le rôle. C'est devenu, en fait, une section vieillotte de notre règlement qui, par rapport aux sociétés d'Etat, ne fait plus aucunement le poids et bloque, dans un certain sens, le jeu normal de l'appareil démocratique. Les gens pensent que la commission parlementaire permet aux députés et aux ministres d'avoir vraiment un droit de regard sur les sociétés d'Etat, alors que c'est complètement faux.

Quant au troisième argument que le ministre a évoqué dans l'exposé qu'il nous a fait tout à l'heure au début de la commission, je le cite: "II faut aussi ajouter que les membres de l'Assemblée nationale ont la possibilité de poser de nombreuses questions sur les sociétés d'Etat, notamment lors de l'étude des crédits budgétaires des ministères de tutelle. D'ailleurs, plusieurs des ministres ont présenté, à diverses occasions, les activités des sociétés dont ils avaient la responsabilité ".

On parle de crédits budgétaires. Mais là encore, il faut voir dans quelle situation on est placé lorsqu'une commission parlementaire est convoquée pour étudier les crédits d'un ministère.

D'abord, on se rappellera — et le ministre en est conscient également — qu'on a maintenant une enveloppe globale d'heures pour l'ensemble

des commissions parlementaires lorsqu'il s'agit des crédits. A toutes fins pratiques, je pense que cela peut équivaloir à une dizaine d'heures en moyenne, par ministère, pour que deux ou trois formations politiques puissent avoir l'occasion de poser des questions et d'étudier l'ensemble des programmes, pour un ministère.

A ce moment-là, il ne s'agit pas d'analyser les performances d'une seule société d'Etat, mais la gestion de l'ensemble du ministère. C'est donc, dans un premier temps, noyé dans l'ensemble de la discussion des crédits. Ce n'est pas possible, à ce moment-là, de décortiquer la situation d'une société d'Etat. Et deuxièmement, le même principe qu'on a énoncé tout à l'heure, en ce qui concerne le manque d'information de base, demeure, parce qu'on ne l'a pas plus au niveau de l'étude des crédits qu'auparavant et, en plus, nous sommes très limités dans le temps, ce qui fait que, souven-tefois — et on pourra me corriger si je me trompe, M. le Vice-Président est ici, mais, règle générale, c'est cela — on n'a même pas le temps de finir d'étudier les crédits réguliers, d'étudier tous les articles prévus aux crédits, parce que nous sommes obligés de respecter l'enveloppe de temps globale qui nous est allouée.

Lorsque le ministre nous dit qu'au niveau des crédits budgétaires, cela donne un droit de regard à l'Assemblée nationale, c'est malheureux, mais ce n'est pas le cas. On peut poser certaines questions de principe sur autre chose, toucher à des petits problèmes, mais ce n'est pas la tribune où on peut vraiment passer à travers l'analyse de sociétés d'Etat comme l'Hydro-Québec, SIDBEC ou d'autres.

On arrive au quatrième argument que le ministre a évoqué pour dire que l'Assemblée nationale avait vraiment des pouvoirs ou certains statuts par rapport à ces sociétés d'Etat: je le cite au texte également pour bien situer son intervention: "On peut aussi signaler que les sociétés d'Etat, par l'intermédiaire du ministre de tutelle, déposent leur rapport annuel et les états financiers à l'Assemblée nationale. Ceci permet une information minimale sur l'évolution des sociétés, dans le but de permettre une analyse plus complète, structurée, etc."

Mais le ministre l'a convenu lui-même, il reconnaît que c'est là moins que la base de l'information nécessaire, que ce n'est pas là qu'on fait vraiment une analyse d'une entreprise, de son fonctionnement, etc.

Comme le député de Beauce-Sud le disait, si on avait un dépôt trimestriel au niveau de ces documents, cela aiderait un peu plus, même si cela était seulement une parcelle du problème.

Le quatrième argument du ministre dans ce sens-là ne permet pas vraiment à l'Assemblée nationale d'avoir un droit de regard, un droit de contrôle, d'avoir les moyens d'aller chercher l'information au niveau des sociétés d'Etat et d'avoir les pouvoirs réels qu'on devrait avoir dans une Assemblée nationale moderne.

Ceci, pour ramener la discussion dans l'optique véritable que le chef de l'Union Nationale a voulu lui donner au point de départ, le fait qu'on doit repenser le rôle de l'Assemblée nationale par rapport aux sociétés d'Etat, non pas le rôle du gouvernement. C'est autre chose. Même les ministres, dans le gouvernement — et je l'ai indiqué — n'ont pas vraiment un droit de regard sur leurs propres sociétés d'Etat. En termes de temps, ils n'ont pas le temps non plus. Ce sont des hommes qui disposent de 24 heures par jour. Lorsqu'ils ont des sociétés d'Etat à gérer comme ils le font actuellement, lorsqu'ils ont un droit de regard, l'ensemble de leur ministère à administrer, le Conseil des ministres et ainsi de suite, on sait qu'humainement, ce n'est même pas possible non plus.

C'est aussi pour cela qu'il faut repenser un mode d'approche qui soit peut-être beaucoup plus apolitique ou "apartique" dans ce sens-là, pour que l'Assemblée nationale ait un rôle démocratique à jouer au niveau des sociétés d'Etat, ce qui renforcerait, je pense, le pouvoir des ministres et peut-être donnerait une vraie dimension à la démocratie.

On a parlé, depuis longtemps, de revaloriser le rôle des députés. Le député de Beauce-Sud qui est à côté de moi a participé à de nombreux débats. Il en a entendu de toutes les sortes là-dessus aussi. Surtout depuis quatre ans, on a beaucoup parlé de la revalorisation des députés, par rapport à la machine gouvernementale. Il m'apparaîtrait qu'une telle commission, selon la suggestion du chef de l'Union Nationale, qui aurait des pouvoirs, un droit de regard sur les sociétés, permettrait vraiment de revaloriser, de façon pratique, le rôle du député. Parce que le citoyen, chez lui, qui élit son député et l'envoie à l'Assemblée nationale pour qu'il ait un regard sur l'administration publique, sur les deniers qu'il paie en impôt et tout cela, je ne sais pas s'il le sait vraiment, mais une fois que le député est rendu à l'Assemblée nationale, il n'a pas grand-chose à dire, surtout du côté ministériel. C'est un fait. Pourtant, il y a des gens qui auraient des choses à dire, qui pourraient faire un travail efficace, qui pourraient mettre l'épaule à la roue du côté de l'administration publique, qui pourraient apporter leur collaboration.

Je comprends que le député a d'autres travaux ailleurs, je le sais, j'en conviens, mais...

M. Chevrette: ... sur des projets de loi aussi.

M. Brochu: ... au niveau du rôle démocratique que le député se vante d'avoir dans son comté, qu'il doit avoir aussi, on pourrait revaloriser le rôle du député dans ce sens. Cela répond au principe de "no taxation without representation". Le citoyen paie pour les sociétés d'Etat. Il élit des députés à l'Assemblée nationale pour le représenter, soi-disant aussi pour avoir un droit de regard là-dessus, mais le lien ne se fait pas à l'autre bout. Il paie pour les sociétés d'Etat. Il élit le député. Le député n'a pas un mot à dire sur les sociétés d'Etat. A ce moment-là, "no taxation without representation" ne s'applique vraiment

pas. Au Parlement, en quelque sorte, la démocratie, c'est cela. C'est véritablement cela. Elle perd complètement sa dimension réelle.

Les sociétés d'Etat deviennent, par la force des choses, de petits Etats dans l'Etat, de petits gouvernements dans le gouvernement sur lesquels le ministre lui-même souvent n'a même pas de droit de regard, comme je l'ai indiqué.

Je vais aller plus loin, non pas pour que ce soit simplement un énoncé du député de Richmond, mais pour dire que les ministres n'ont souvent pas de pouvoirs par rapport à leurs sociétés d'Etat et pour démontrer en même temps le besoin d'une commission comme le propose le chef de l'Union Nationale. Je vais me baser sur une déclaration d'un ancien ministre, qui a été colligée, qui dit exactement ce qu'il en est. Je me réfère au même rapport sur les sociétés d'Etat publié par l'OPDQ, au bas de la page 105, où on dit ceci: "L'ancien ministre des Richesses naturelles, Jean Cournoyer, faisait récemment état de ses frustrations à l'égard de la direction de l'Hydro. Il disait ceci: Mon successeur peut évidemment demander à l'Hydro de lui fournir des comptes". Il parlait de son successeur. "A ce moment-là, les dirigeants de la société peuvent lui dire n'importe quoi, sans qu'il puisse vérifier. Il faudrait donc procéder à un examen fondamental de l'Hydro-Québec, comme le gouvernement onta-rien a fait avec l'Hydro-Ontario, en créant une commission royale d'enquête. Il faudrait donc trouver un autre moyen — il l'a dit aussi ici — parce que, pour l'instant, seuls les dirigeants de l'Hydro-Québec connaissent le portrait exact du projet de la baie James et des affaires qui les touchent".

Je pense que c'est aussi lourd de conséquence dans ce sens. Ce n'est pas de la part de l'homme de la rue qui émet une opinion sur un problème quelconque, c'est de la part d'un ministre qui a été en titre, qui a été responsable de l'exploitation d'une société comme celle-là, qui déplore le fait que lui-même ne pouvait pas avoir les contrôles nécessaires dont il aurait eu besoin en tant que ministre responsable Je pense que cela a du poids et une certaine importance.

Mme le Président, pour résumer, tout cela indique clairement le besoin qu'on a de donner un droit de regard et de contrôle aux membres de l'Assemblée nationale sur nos sociétés d'Etat. C'est plus qu'une question d'information. Le ministre a relié cela, tout à l'heure, à une question d'information; c'est beaucoup plus qu'une question d'information, c'est une question de droit de regard avec certains pouvoirs même, dans ce sens. Le ministre a indiqué qu'on se situait peut-être dans un contexte de vingt ans d'incohérence dans ce sens. Il ne faudrait pas que ce soit une raison pour continuer à maintenir cette incohérence ce matin. (12 h 15)

Quand M. Biron, le chef de l'Union Nationale, a présenté cette motion, il a voulu donner cette tribune aujourd'hui pour qu'on puisse prendre des décisions pratiques. Le ministre a dit, entre autres, que si on créait cette commission parlementaire, il aurait certaines inquiétudes quant aux tactiques de vente, quant aux stratégies commerciales que certaines sociétés d'Etat n'ont pas à dévoiler. C'est au niveau des mécanismes de la structure même d'une telle commission parlementaire qu'on devrait discuter de ces questions. Il y aurait peut-être lieu, dans certains cas, de siéger à huis clos, il y aurait peut-être lieu de mettre certains embargos, mais je pense que, au niveau de la création comme telle des pouvoirs et des responsabilités d'une telle commission, on pourrait aller plus loin dans ce sens.

Maintenant, en terminant, je l'ai indiqué au point de départ, je ne voudrais certainement pas que notre commission parte simplement en reconnaissant le fait qu'on a besoin d'intervenir au niveau des sociétés d'Etat, mais plutôt qu'on prenne des décisions pratiques et qu'on se donne des moyens d'action précis.

Motion pour la création d'une commission des sociétés d'Etat

C'est dans ce sens, Mme le Président, qu'il me fait plaisir, pour donner suite aux propos du chef de l'Union Nationale, de présenter la motion qui suit et qui se lit: Que les membres de cette commission recommandent que le règlement soit modifié de manière à permettre, dès le début de la prochaine session de cette Législature, la création de la commission élue permanente des sociétés d'Etat et que, d'ici ce temps, une sous-commission soit créée pour étudier et faire des recommandations à l'Assemblée sur le mandat et les pouvoirs qui lui seront confiés, ainsi que l'aide technique nécessaire à son bon fonctionnement.

Je vous soumets donc respectueusement cette proposition, en étant conscient que cela permettrait à la commission parlementaire actuelle de mettre en marche un premier mécanisme qui verrait, au niveau de nos règlements de l'Assemblée nationale, à dépoussiérer un peu ceux-ci pour les rajeunir et préparer déjà l'outil de contrôle dont je vous ai fait part tout à l'heure.

Le ministre a indiqué, au point de départ, dans ses remarques, une certaine ouverture d'esprit qu'il disait avoir, face à ce problème. Je pense que, dans le contexte de la motion qui est présentée actuellement, il pourra faire preuve de cette ouverture d'esprit qu'il indiquait à ce moment et accepter, avec ses collègues ministériels, qu'on puisse donner le mandat à la commission de créer, si vous voulez, avec la recherche nécessaire, une commission permanente des sociétés d'Etat, et créer, d'ici ce temps, une sous-commission pour étudier et faire des recommandations à l'Assemblée. C'est un premier cheminement normal, faisant suite aux discussions que nous tenons ce matin et également à la motion qui a été adoptée, je vous le rappelle, à l'unanimité, par l'Assemblée nationale il y a quelque temps.

Je continue donc sur la motion comme telle. Si on accepte le principe de reconnaître le besoin de changer notre mode d'approche en tant qu'As-

semblée nationale au niveau des règlements, je pense qu'on se doit, par la même occasion, par le même pendant, pour éviter que perdure la situation, de poser des gestes...

M. Cardinal: Je m'excuse, M. le député.

Le Président (Mme Cuerrier): Une question de règlement.

M. Cardinal: II faudrait quand même décider si la motion est recevable avant qu'on en parle.

M. Brochu: J'en conviens, M. le député.

Le Président (Mme Cuerrier): Quelqu'un veut-il intervenir sur la recevabilité de la motion?

M. Cardinal: Je ne me le permettrai pas. Le Président (Mme Cuerrier): Pourquoi pas?

M. Cardinal: C'est parce que c'est assez délicat.

M. Brochu: C'est embêtant? Une Voix: Cela va?

Le Président (Mme Cuerrier): Puisque c'est une recommandation, ce n'est pas un ordre à l'Assemblée nationale comme telle, à moins que vous n'ayez des interventions sur la recevabilité de la motion.

M. Roy: Sur la recevabilité de la motion, Mme le Président, il ne s'agit pas d'une décision. Il s'agit d'une recommandation. Donc, à mon avis, à la lumière de l'expérience passée, je pense que la motion est recevable; je suis convaincu qu'elle est recevable.

M. Cardinal: Mme le Président...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le vice-président.

M. Cardinal: Je ne me prononcerai pas sur la recevabilité. C'était simplement le fait technique qu'il fallait le déclarer, et j'accepterais volontiers l'opinion de M. le député de Beauce-Sud.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Richmond, vous pouvez continuer à parler sur cette motion.

M. Brochu: Je vous remercie beaucoup, Mme le Président. C'est pour ça que, dans les quelques paroles qui ont suivi le dépôt de ma motion, je regardais le député de Prévost et j'attendais un peu une certaine remarque de ce côté-là.

Or, Mme le Président, je continue donc, à la suite de cette motion qui vient maintenant d'être acceptée et qui formera...

M. Cardinal: Qui a été reçue.

M. Brochu: Qui a été reçue, pardon et qui, j'espère, sera adoptée dans un deuxième temps, pour poser des gestes concrets justement ce matin dans le sens de ces voeux de créer cette commission parlementaire.

Vous savez, Mme le Président, j'ai l'impression que tout gouvernement qui est élu devient un peu comme un père adoptif de la province, qui tombe veuve tous les quatre ans ou quelque chose du genre. C'est un peu comme un père adoptif, par rapport aux sociétés d'Etat, qui tend parfois un peu à surprotéger les grands enfants de cette dame, pas nécessairement parce qu'ils sont toujours délinquants. Souvent, ils peuvent avoir des comportements qu'on peut critiquer ou ils peuvent poser des gestes avec lesquels on peut être plus ou moins d'accord. Mais le nouveau père adoptif — je remarque que, dans l'histoire, ça c'est passé un peu comme ça...

Le Président (Mme Cuerrier): Une mère adoptive, M. le député?

M. Brochu: Ah non! Pas mère adoptive, c'est père adoptif. C'est le gouvernement.

Le Président (Mme Cuerrier): C'est l'Assemblée, je vous ferais remarquer.

M. Brochu: C'est le gouvernement, madame, parce que la motion n'a pas encore été adoptée.

M. Landry: Le gouvernement n'a pas de sexe.

M. Brochu: Ce père, on dirait qu'il tend à surprotéger ces enfants et à leur permettre un peu de continuer leurs activités quelquefois un peu frivoles en apparence, et je ne sais pas si ça devra continuer longtemps, mais c'est un fait. L'expérience nous démontre que chaque gouvernement qui arrive a critiqué la situation souventefois avant d'arriver, a un peu décrié ça et, dès qu'il arrive, les ministres prennent la responsabilité de leurs petites juridictions et, par après, il ne faut plus que ça change, comme s'il y avait un mécanisme, dans le fond, de culpabilité qui n'est pas réel.

Dans le fond, je vais vous dire quelque chose, M. le ministre. Vous n'êtes pas coupable vous-même, de ce qui se fait actuellement, vos collègues non plus ne sont pas coupables mais il ne faudrait pas que le même sentiment de culpabilité qui a prévalu pour d'autres avant perdure et, qu'à ce moment-là, on dise: Ces grands enfants adop-tifs étaient là quand on est arrivé; on va continuer à les élever tels qu'on avait commencé à les élever et on ne changera pas trop de choses.

C'est dans ce sens-là que la motion prend le plus de sens et que je dis au ministre que je comprends que c'est difficile. Parce qu'il faut que, comme attitude personnelle, le ministre, comme ses collègues, voient maintenant la relation non pas en termes de gouvernement ou de Conseil des

ministres vis-à-vis des sociétés d'Etat, mais qu'ils changent leur optique des choses et qu'ils voient maintenant l'Assemblée nationale en regard des sociétés d'Etat. Je pense que c'est passablement différent.

Je vous rappelle ce que le chef de l'Union Nationale a cité tout à l'heure en vous indiquant qu'on base largement nos propositions sur ce qui s'est fait jusqu'à ce jour en Colombie-Britannique depuis un an, et je rappellerai au ministre, parce qu'il avait certaines inquiétudes sur le système britannique, que c'est également une province qui fonctionne selon le système britannique, qui a, elle, décidé, devant l'augmentation du nombre de sociétés d'Etat, devant le manque de contrôle de l'Assemblée nationale là-bas sur les sociétés d'Etat, qui a décidé de se donner un outil moderne à l'intérieur du parlementarisme pour avoir ce contrôle.

Je vous rappellerai que cela ne met aucunement en cause la question de la responsabilité ministérielle que de créer une telle commission, celle qu'on vous propose actuellement. Ce sont deux choses complètement distinctes. La responsabilité ministérielle demeure exactement la même et on tient compte de cela dans la proposition qu'on fait.

C'est simplement pour vous dire que la Colombie-Britannique, l'an dernier, devant les besoins de la situation, a jugé bon de créer une telle commission parlementaire chargée d'avoir un droit de regard sur les sociétés d'Etat et, jusqu'à maintenant, l'expérience s'est révélée pas mal satisfaisante. Si ces gens ont senti le besoin de créer une telle commission, je pense que nous, dans le même contexte, avec le nombre de sociétés d'Etat que nous avons, dans le même système parlementaire britannique, avec des règlements sensiblement pareils, je pense qu'on se doit de regarder ce qui se fait ailleurs et de tirer profit des expériences positives que d'autres ont pu faire en la matière.

Cette commission parlementaire, telle que conçue là-bas, en Colombie-Britannique, permet à un certain nombre de députés — il n'y a même pas de ministres qui siègent à cette commission; seulement des députés de tous les partis — de convoquer, elle donne le pouvoir de convoquer toute société d'Etat lorsqu'elle le juge à propos. S'il se pose un problème au niveau d'une société d'Etat, une situation qui n'est pas claire ou autre, la commission peut, de son chef, convoquer devant elle la société d'Etat, lui faire ouvrir ses livres, lui faire rendre des comptes. Je pense qu'à ce moment, dans le sens de l'outil démocratique dont on parlait tout à l'heure, vu que c'est le citoyen qui paie pour ces sociétés d'Etat, une telle commission permet, par son biais, au citoyen d'avoir vraiment accès aux livres des sociétés d'Etat et d'avoir un droit de regard effectif là-dessus.

Ils sont même allés plus loin parce que je sais que, dans les discussions qu'ils ont eues pour former cette commission, ils avaient même proposé que ce soit un membre de l'Opposition qui en soit le président, pour en démontrer la nature apolitique jusqu'à un certain point. Cela n'a pas été adopté, mais je vous dis que cela a été assez loin, la discussion qui s'est faite; ce n'était pas autour de partis politiques, il s'agissait de munir l'Assemblée d'un outil qui renforce le travail des ministres dans ce sens.

C'est ce qui s'est fait là-bas en Colombie-Britannique. J'ai été en mesure de m'en rendre compte moi-même parce que j'ai pu me rendre là-bas, au cours d'un voyage auquel le président de l'Assemblée nationale, M. Richard, participait, qui avait été organisé par le bureau des relations interparlementaires et qui a été excellent d'ailleurs, dans le cadre des conférences annuelles de l'Association des parlementaires britanniques. Il a pu y avoir des échanges très fructueux et, à ce niveau, on a pu un peu se rendre compte sur place de ce qui se fait et je pense que cela est important.

On a pu voir que la chose est possible, faisable et qu'elle donne de bons résultats.

En plus de cela, Mme le Président, j'ai eu aussi l'occasion de rencontrer personnellement le président de cette commission parlementaire, M. Veitch. Ce dernier a vraiment pris son expérience à coeur. Il la mène à fond de train là-bas. Cela semble vraiment satisfaisant. Je n'ai pas discuté de cet aspect avec lui, mais si jamais la commission parlementaire en manifestait le désir, je pense que M. Veitch se ferait un plaisir de venir faire part de son expérience. Ce sera évidemment, à ce moment-là, au gouvernement à prendre des ententes avec lui pour en discuter. Il pourrait éclairer la commission sur le mandat qu'elle veut donner à la commission parlementaire en question, sur le rôle qu'elle veut lui confier, sur les procédures qui ont été mises en marche pour y arriver.

Mme le Président, je termine mes propos là-dessus, en espérant que mes collègues de la commission feront suite à cette motion que l'Union Nationale présente maintenant pour émettre ce voeu qu'on mette en marche dès maintenant un mécanisme pour rajeunir nos institutions, renforcer nos commissions parlementaires. Cela s'inscrirait peut-être dans le cadre de la transparence du Parti québécois.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre au développement économique.

M. Landry: Quelques remarques, la première étant que cette étude que le député a citée abondamment comportait un avertissement. Je ne sais pas s'il l'a lue.

M. Brochu: Oui, je l'ai lue.

M. Landry: Les études publiées ici n'engagent que la responsabilité des auteurs et ne sont publiées que pour l'information du public. Elles ne sont pas l'expression des politiques officielles du gouvernement.

M. Brochu: Mais c'est une étude qui a été commandée par le gouvernement.

M. Landry: Bien sûr. Ce qui dénote l'esprit dans lequel on travaille d'ailleurs, qui est un esprit d'ouverture. Le gouvernement a déjà une politique sur cette question. Il est héritier d'une tradition et il reconnaît que cette politique, que cette doctrine doit être resserrée et doit être complétée largement, du reste, dans le sens des remarques du député. Mais je rappelle, pour mémoire, c'est important, que plusieurs points importants ont été faits depuis huit ou dix mois. Nous sommes en voie d'obtenir des sociétés leur plan de développement. Nous avons, dans toute la mesure du possible, chaque fois qu'on a ouvert une loi, introduit le pouvoir de directives. Nous sommes en train d'élaborer, avec les sociétés d'Etat, des critères d'évaluation et de performance, tout cela étant une conséquence directe des travaux auxquels le député a fait allusion à l'époque de M. Coulombe et également une innovation qui est celle des états financiers trimestriels qui correspond également à une demande du député.

Autres remarques techniques, aussi bien liquider cela quand c'est le temps. Le Vérificateur général actuellement vérifie 24 sociétés. Il y en a onze qui sont l'objet de travaux de bureaux de comptables privés. Donc, dans les 24, on a l'échantillonnage nécessaire pour analyser l'efficacité du travail et, éventuellement, faire les extrapolations nécessaires sur les 11, ce n'est pas du tout une fin de non-recevoir. C'est simplement pour vous signaler qu'on ne part pas à zéro.

Enfin, si j'ai le temps... si c'est le temps...

Le Président (Mme Cuerrier): Nous allons devoir ajourner nos travaux, il est 12 h 30.

M. Landry: Je veux vous dire, au nom du gouvernement, que nous croyons que cette chose est extrêmement importante, nous sommes en recherche autant que vous l'êtes et, par conséquent, nous avons aujourd'hui à nous rendre au caucus de nos députés. Cependant, si vous exprimez le voeu que nous retravaillions au sein de cette commission, dans la voie des travaux que nous avons entrepris ce matin, nous ne nous en plaindrons pas, bien au contraire, parce que je reconnais volontiers que les suggestions que vous nous avez faites sont extrêmement positives et vont nous aider dans nos travaux.

Le Président (Mme Cuerrier): La commission...

M. Gratton: Mme le Président, vous me permettrez quand même... Si je semble comprendre l'intervention du ministre, on ajournerait nos travaux sine die, sans aucune indication du moment...

Le Président (Mme Cuerrier): II y a quand même le leader parlementaire du gouvernement qui pourra convoquer de nouveau la commission et c'était d'ailleurs son intention...

M. Gratton: Est-ce que le ministre peut nous donner une indication ou une assurance que ce sera cet après-midi, après la période des questions? Parce qu'on a quand même une motion dont il faudrait disposer avant de reporter ça aux calendes grecques.

M. Landry: Non, je vais vous dire ce à quoi je pensais. Il y a une somme énorme d'information sur la table. Si la deuxième phase avait lieu dans huit ou dix jours, on aurait un temps de digestion, d'information supplémentaire, d'analyse et ça, encore une fois, c'est pour le bon fonctionnement de la commission que je dis cela. Il y a eu des hypothèses qui ont été émises, il y a l'expérience de la Colombie-Britannique à laquelle on a fait allusion. Tout ça demande une certaine décantation si on veut que le travail soit vraiment sérieux. Mais ce n'est pas une bataille qu'on engage là-dessus.

M. Brochu: Mme le Président, sur le point soulevé, je vous rappellerai simplement que l'avis de motion qui a été donné à la Chambre, hier, concernant notre commission parlementaire, stipule clairement que c'est dans le cadre de toute commission parlementaire et qu'elle a le mandat de siéger ce matin, cet après-midi et ce soir, si elle le juge à propos. Alors, je pense que si on suspend nos travaux à 12 h 30, on pourra les reprendre cet après-midi après la période des questions, comme toute autre commission parlementaire. (12 h 30)

Une Voix: C'est l'avis d'ailleurs...

M. Brochu: C'est l'avis de motion voté par la Chambre.

M. Gendron: Je ne veux pas présumer du travail de la Chambre cet après-midi, mais je pense qu'on pourrait se revoir. Il est exact que si on s'en tient au mandat même de la commission, c'est-à-dire étudier les meilleurs moyens à prendre pour assurer un contrôle et une surveillance, et qu'on prend une partie de la motion où on recommande la création de la commission élue permanente, si nous revenons cet après-midi, nous allons devoir discuter la motion elle-même, même si ce n'est qu'une recommandation.

Pour ma part, je suis très intéressé à la question qui a été soulevée, parce que je pense qu'elle est très réelle et très fondamentale. Mais quand on dit qu'on va créer une commission élue permanente des sociétés d'Etat et que je ne sais à peu près pas à quel titre, sauf constater qu'il faut faire plus et qu'il faut s'assurer de meilleurs mécanismes et de meilleurs contrôles, j'aimerais bien revenir sur le fond de la motion et éventuellement avoir quelque chose pour baliser tout le contenu et toutes les responsabilités qui seront dévolus à cette commission élue permanente des sociétés d'Etat. Tout ce qu'on sait, on pense que ce serait intéressant d'avoir ce mécanisme. Que fera exactement cette commission? Quel sera son mandat précis?

M. Gratton: C'est couvert dans la motion.

M. Brochu: Mme le Président, je pense que ce à quoi le député fait allusion, ce sera véhiculé, ce sera discuté au niveau de la sous-commission à ce moment-là. Il ne faut pas entrer dans le fond maintenant. C'est juste sur la forme, à savoir si on se réunit cet après-midi. Le mandat de la Chambre était clair dans ce sens-là. On reprendra les discussions là où on les a laissées ce midi, en vertu du mandat de la Chambre, et on pourra s'ajuster.

Le Président (Mme Cuerrier): Je suis dans une situation où je n'ai pas pu vérifier jusqu'à maintenant. J'allais ajourner sine die parce que nous sommes en période de session et que je n'ai pas vérifié la motion du leader du gouvernement. Si vous m'accordez quelques secondes, même si c'est le moment d'ajourner...

M. Roy: Mme le Président...

Le Président (Mme Cuerrier): Oui, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je pense qu'en vertu des règlements et en vertu de la tradition, vous devez ajourner sine die. De toute façon, il faut une nouvelle convocation de la Chambre.

Le Président (Mme Cuerrier): C'est là que j'en arrivais avec mon intervention. Habituellement, lorsque la Chambre siège, il faut une nouvelle convocation, même si cette motion pouvait le spécifier.

La commission de l'Assemblée nationale ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 12 h 33.

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