(Neuf heures sept minutes)
Le Président (M. Chagnon): M. le secrétaire, est-ce que vous avez constaté le quorum?
Le Secrétaire: Tout à fait.
Gestion du Programme d'investissement en démarrage d'entreprises
Le Président (M. Chagnon): Alors, je vais déclarer la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission. La commission est réunie afin d'entendre le sous-ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, qui est ici avec nous, M. Brind'Amour...
Une voix: ...
Le Président (M. Chagnon): ... ce serait prématuré de les annoncer tout de suite concernant la gestion du Programme d'investissement en démarrage d'entreprises, conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.
Je demanderais au secrétaire d'annoncer les remplacements, s'il y a lieu.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Benoit (Orford) et M. Brodeur (Shefford) ont été désignés membres temporaires pour la séance.
Le Président (M. Chagnon): Nous les accueillons volontiers, avec plaisir.
Une voix: Merci pour...
Le Président (M. Chagnon): Alors, à l'ordre du jour, nous allons commencer par des remarques d'ouverture de quelques minutes. Je vais demander au Vérificateur général, qui est avec nous, de nous faire un rapport de son audition, un rapport de sa vérification, je devrais dire; ensuite, nous procéderons à l'audition du sous-ministre de l'Industrie et du Commerce; par la suite, nous étudierons le rapport du Vérificateur général jusqu'à midi, où il y aura suspension. Les travaux reprendront à 14 heures.
Comme remarques d'ouverture, je voudrais, au départ, saluer le Vérificateur général, d'abord, de son assiduité à tous nos travaux, et aussi le remercier du travail qu'il a pu faire, entre autres, en aidant quelques-uns des collègues, je pense, qui ont demandé d'avoir des explications supplémentaires sur cette audition, et aussi, évidemment, remercier le sous-ministre de l'Industrie et du Commerce, qui nous présentera, j'imagine, les gens qui l'accompagnent un peu plus tard, et effectivement lui souhaiter la bienvenue dans cette commission qui, comme vous le savez, cherche à approfondir les données qui ont été soulevées par le rapport du Vérificateur général, dans la publication de son premier tome, au début du mois de juin dernier. Nous discuterons donc de ce qui a été communément appelé le plan Paillé, de ses effets, de ses bienfaits, de ses «malfaits», enfin de tout ce qui touche le dossier du plan comme tel.
(9 h 10)
Nous allons commencer immédiatement, en faisant en sorte de demander au Vérificateur général de nous exposer la situation telle qu'il l'a trouvée.
Exposé du Vérificateur général
M. Guy Breton
M. Breton (Guy): Merci, M. le Président. Madame, messieurs. Alors, je remercie la commission de l'administration publique pour l'intérêt qu'elle porte au Programme d'investissement en démarrage d'entreprises. J'ai plaisir à vous présenter les principaux résultats de ma vérification à ce sujet, déjà exposés dans le tome I du rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année 1996-1997.
Les discussions à ce sujet lors de précédentes sessions en commission parlementaire, l'importance des sommes en cause 400 000 000 $ et la médiatisation de l'objectif de création d'emplois durables nous ont incités à examiner de plus près ce programme communément appelé le plan Paillé. Nos travaux ont couvert la période d'octobre 1994 à mars 1997.
Notre vérification avait pour but d'examiner dans quelle mesure le programme répond aux objectifs du gouvernement en matière de création d'emplois durables et si la Société de développement industriel du Québec, la SDI, et le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie ont assumé leurs responsabilités quant à ce programme avec un souci d'économie et d'efficacité.
Le Programme d'investissement en démarrage d'entreprises est lancé en novembre 1994. Son objet est de favoriser la création d'emplois grâce à la garantie de prêts destinés à soutenir le démarrage d'entreprises. Le gouvernement espérait créer environ 30 000 emplois. Le prolongement du programme, en juin 1995, devait augmenter les perspectives de création d'emplois de 30 000 à 50 000 selon des plans d'affaires des entreprises. Au 31 mars 1997, quelque 10 500 garanties de prêt ont été accordées par la SDI, soit une somme de 387 000 000 $.
Le programme est sous la responsabilité de la SDI en partenariat avec les institutions financières. Celles-ci examinent la demande de prêt de l'entreprise et elles déterminent son admissibilité. Quant à la SDI, elle met en vigueur la garantie, après avoir vérifié le respect des critères d'admissibilité; elle paie également les réclamations des institutions financières à la suite des rappels de prêt. Pour sa part, le MICST est responsable de la promotion du programme et il voit à ce qu'un soutien soit accordé aux entreprises bénéficiaires, en collaboration avec des organismes régionaux de développement économique.
L'enveloppe initiale de l'aide financière, le volet I, est de 300 000 000 $ et l'aide est accordée à une entreprise rattachée à tout secteur d'activité. Celle-ci doit cependant répondre aux critères d'admissibilité suivants: elle n'est pas en exploitation ou elle a été lancée depuis moins de trois mois et son projet présente des perspectives raisonnables de rentabilité et de création d'au moins trois emplois au cours des trois premières années d'exploitation. Cette aide prend la forme d'une garantie de remboursement de 90 % de la perte nette qui peut résulter d'un prêt n'excédant pas 50 000 $ et d'une prise en charge des intérêts de la première année. Ce dernier avantage ne s'adresse cependant pas aux entreprises des secteurs du commerce de détail et de la restauration.
En juin 1995, le gouvernement a engagé une somme additionnelle de 100 000 000 $ pour le volet II. Les caractéristiques de ce volet sont l'abolition de la prise en charge des intérêts, l'abaissement de la garantie gouvernementale de 90 % à 80 % et l'exclusion du secteur du commerce de détail.
Le gouvernement a mis en place le volet III du programme en juillet 1996, d'une valeur de 20 000 000 $ pris à même l'enveloppe de 100 000 000 $ du deuxième volet.
Une voix: ...
M. Breton (Guy): C'est ça. Cette troisième phase a pour objet de favoriser la poursuite des activités de certaines entreprises qui ont bénéficié d'un prêt garanti en vertu du volet I ou du volet II, et ce, dans un nombre plus restreint de secteurs.
Au 31 mars 1997, le taux des prêts rappelés était de 24,3 % et la perte nette estimée concernant les prêts rappelés s'élevait à 80 000 000 $. Pour effectuer notre vérification, nous avons mené des entrevues et nous avons examiné en détail 66 dossiers de prêts, sélectionnés au hasard, à partir des données du 30 septembre 1996, pour nous assurer que les conditions du programme ont été respectées. Cet échantillonnage statistique tient compte du poids relatif des institutions financières et des secteurs d'activité, ce qui permet l'extrapolation des résultats à l'ensemble des quelque 10 500 dossiers du programme, avec un niveau de confiance de 90 % et un niveau de précision de 7 %.
Voici maintenant les principaux résultats de notre étude. Des garanties de prêt totalisant 127 000 000 $, soit le tiers du budget total du programme, ont été accordées dans des secteurs d'activité qui sont peu susceptibles de créer des emplois durables. Il s'agit du commerce de détail, de la restauration et des services divers. Certains types d'entreprises de ces secteurs sont d'ailleurs exclus des priorités d'intervention de certains programmes de la SQDM et du MICST, et les ententes-cadres de développement des régions également.
Lors du lancement du programme, le MICST et la SDI tenaient pour acquis que les institutions financières fixeraient elles-mêmes les balises pour adapter la sélection de l'aide accordée à certains secteurs, ce qui ne fut pas le cas.
Au moment de notre vérification, ni la SDI ni le MICST n'ont mesuré le nombre d'emplois réellement créés par les entreprises bénéficiaires. Par ailleurs, il est fort improbable que le nombre d'emplois prévus et médiatisés, soit environ 54 000, correspondra aux espérances du départ, compte tenu des fermetures d'entreprises déjà survenues, compte tenu d'une étude qui révèle que le taux de réussite à plus long terme des entreprises en démarrage n'est que de 35 %. Ce n'est qu'au début de 1997 que la SDI a pris la responsabilité de dénombrer les emplois créés, et ce, avec l'aide du Bureau de la statistique du Québec.
En outre, la SDI ne s'est pas assez préoccupée de la notion de partage du risque entre le gouvernement et les institutions financières, et elle ne les a pas encadrés suffisamment concernant l'octroi des prêts. En effet, notre examen des dossiers révèle que l'analyse des projets faite par les institutions financières comporte plusieurs lacunes quant aux perspectives raisonnables de rentabilité, ce qui est pourtant l'un des critères d'admissibilité du programme. L'extrapolation des résultats de cet examen démontre que 39 % des prêts rappelés et 21 % des autres prêts ne répondent pas à ce critère. Par ailleurs, ce n'est que deux ans après le lancement du programme qu'un soutien particulier aux entreprises bénéficiaires a été mis en place par le MICST. De plus, ce soutien ne s'adresse qu'à environ 50 % de la clientèle du programme. Enfin, la reddition de comptes, effectuée par le MICST et la SDI, est insuffisante en ce qui a trait aux principaux éléments: les besoins comblés par le programme, les effets, les objectifs opérationnels, les coûts et la satisfaction de la clientèle.
Les résultats de cette étude d'un programme, qui est en définitive terminée, démontrent le type de déficiences qui peuvent survenir dans un programme géré en partenariat. Ces résultats, ajoutés à l'expérience acquise par la SDI et le MICST, permettront certainement d'améliorer la gestion de programmes de ce genre à l'avenir.
En terminant, je peux vous assurer de mon entière collaboration pour que les travaux de cette commission parlementaire suscitent une reddition de comptes plus utile de la part des ministères et des organismes gouvernementaux.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Breton. Je pense que les données que vous nous fournissez remontent au moment de votre vérification au 1er avril, 31 mars?
M. Breton (Guy): Exact.
(9 h 20)
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous les avez actualisées, ces données-là? Est-ce qu'il y a de nouvelles données qui, selon ce que vous avez pu vérifier, ont été modifiées depuis?
M. Breton (Guy): La donnée qu'on connaît, ce sont les pertes, le nombre et le montant. Est-ce que tu as le détail?
M. Bédard (Gilles): On vous parlait, dans l'étude, qu'au 31 mars 1997 le taux des prêts rappelés était de 24,3 % et représentait une perte estimée à 80 000 000 $.
Le Président (M. Chagnon): Le prêt rappelé, c'est ce qu'on appelle une faillite.
M. Bédard (Gilles): C'est ça. Des prêts que les institutions financières ont rappelés. Au 31 août 1997, ces données-là montrent 31,7 %, pour un total de 116 500 000 $.
Le Président (M. Chagnon): 116 500 000 $, 31,7 %, cinq mois plus tard.
M. Bédard (Gilles): C'est ça.
Le Président (M. Chagnon): Bon. Merci. Est-ce qu'il y a d'autres données actualisées qui seraient intéressantes aussi?
M. Bédard (Gilles): Pas à ce que je sache. Je sais que le Bureau de la statistique...
Le Président (M. Chagnon): On parle de 116 500 000 $ sur le volet I, parce que vous n'avez pas pu...
M. Bédard (Gilles): Non. Pour l'ensemble.
Le Président (M. Chagnon): Ah! pour l'ensemble. Merci. Alors, je vais maintenant demander au sous-ministre, d'abord, de nous présenter les gens qui l'accompagnent, et ensuite de nous faire part de son exposé.
Exposé du sous-ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie
M. Jacques Brind'Amour
M. Brind'Amour (Jacques): Alors, merci de votre accueil. Donc, je vais d'abord commencer par les gens du MICST. Outre M. Roquet, qui est le P.D.G. de la SDI et qui était chargé de la gestion du programme, les gens qui m'accompagnent sont: M. Grenier, qui est sous-ministre adjoint aux politiques et sociétés d'État au ministère; Mme Ellefsen, qui est la secrétaire du ministère; Mme Hélène Vincent et M. Hubert Lavigne, qui sont respectivement la sous-ministre adjointe responsable des régions et M. Lavigne est aux politiques, donc chargé de suivre un peu les activités de la SDI.
Alors, au niveau de la SDI, outre M. Roquet, il y a M. Yvon Marcil, qui est le vice-président exécutif, qui est ici; M. Côté, qui est vice-président aux finances; M. Jean Laveaux, là-bas, qui était responsable un peu du suivi du projet; et M. Michel Deschamps.
Comme vous savez qu'il y a eu une enquête menée par le Bureau de la statistique et comme on a pensé qu'il pourrait peut-être y avoir des questions techniques sur la valeur de l'enquête, la fiabilité des données, et tout ça, on a demandé, donc, à certaines personnes du Bureau de la statistique de nous accompagner. Donc, M. Courchesne, Camille Courchesne, qui est là, qui est directeur au BSQ; il est accompagné de M. Gilbert Martin non, il n'est pas ici de Mme Louise Bourque. Voilà. Alors, ce sont les gens qui nous accompagnent ce matin.
Le Président (M. Chagnon): On les remercie. On leur souhaite la bienvenue aussi, à tout le monde. On vous écoute.
M. Brind'Amour (Jacques): Merci, M. le Président. J'ai un exposé qui vous a été distribué. Il est possible que je recoupe un peu certaines informations qui ont été données par le Vérificateur général, notamment en ce qui a trait à l'admissibilité du programme, ou des facteurs comme ça, mais je vais quand même le faire in extenso.
Alors, M. le Président, la commission des affaires publiques nous offre l'occasion, au MICST et à la SDI, de venir vous expliquer de façon plus détaillée les éléments qui nous apparaissent fondamentaux relativement au Programme d'investissement en démarrage d'entreprises. Nous sommes, pour notre part, persuadés, M. Roquet et moi-même, qu'il s'agit d'un programme qui a atteint ses objectifs et qui a été géré avec un réel souci d'économie et d'efficacité. Alors que M. Roquet vous exposera de façon plus détaillée les rôles respectifs de la SDI et des institutions financières dans la gestion de ce programme et qu'il vous donnera les grandes lignes des retombées économiques, tel que l'enquête du BSQ le révèle, je vais me concentrer, pour ma part, sur les aspects suivants:
1° le contexte économique qui prévalait lors de la mise en place du programme;
2° les objectifs poursuivis par ce programme et qui constituent un des engagements électoraux du présent gouvernement; et
3° je vais revenir sur certains éléments du rapport du Vérificateur général qui méritent certaines précisions et auxquels M. Breton a référé il y a quelques minutes.
Pour ce qui est du contexte économique qui prévalait lors de la mise en place du programme, pour mieux comprendre le choix gouvernemental de stimuler rapidement et vigoureusement la création d'emplois et la création d'entreprises, il faut d'abord se replacer dans le contexte économique de l'été 1994 où la relance de l'emploi tardait à se concrétiser deux ans après la récession de 1990-1992. Le taux de chômage oscillait alors autour de 11,5 % et la récupération des pertes d'emplois au cours de la dernière récession s'effectuait plus lentement que par le passé. En effet, 31 mois après la fin de la récession, le Québec n'avait récupéré que 80 % des emplois perdus entre 1990 et 1992, comparatiment au début des années quatre-vingt où le niveau de l'emploi d'avant récession avait été complètement retrouvé après 29 mois.
Vous vous souvenez qu'au début des années quatre-vingt le taux d'endettement des ménages était très faible, le taux d'épargne était très élevé. Donc, la reprise de l'économie avait été très rapide; la consommation avait été le facteur déterminant qui avait amené la reprise. Après 1990-1992, pour des raisons structurelles aussi liées à l'économie, la rationalisation, et tout ça, c'est évident que la reprise a été beaucoup plus lente, et donc, deux ans après, le niveau d'emplois qu'on aurait dû récupérer n'était pas encore au rendez-vous.
Or, depuis plus de 15 ans, les PME sont reconnues comme les responsables de la création nette d'emplois au Québec. En effet, l'analyse de la création nette d'emplois montre que les PME ont connu, depuis 1989, une performance supérieure à celle des grandes entreprises en matière de création d'emplois, sauf en 1991. Vous avez un graphique qui est annexé à la page suivante et qui vous fait la démonstration de l'évolution des deux taux. De fait, elles sont à l'origine de la création nette d'emplois pendant la période 1979-1989, les grandes entreprises ayant, durant cette période, subi des pertes nettes d'emplois de 57 200.
Un examen plus poussé des données sur les créations d'emplois révèle par ailleurs le rôle primordial des jeunes PME au chapitre de la régénération de l'emploi. En effet, de 1979 à 1989, 69 % des emplois bruts créés par les PME provenaient d'entreprises fondées entre un et neuf ans plus tôt. L'analyse de la période 1989-1994 confirme cette appréciation du verdict. Les PME de cinq ans ou moins d'existence sont responsables de 57,4 % des créations brutes d'emplois provenant des PME au cours de cette période je vais passer sur l'étude américaine.
Or, depuis plus de 10 ans, le nombre d'entreprises créées au Québec diminue d'année en année, depuis 1983 que l'on observe cette tendance. De 21,2 %, en 1983 vous avez également un graphique qui vous illustre ça le taux de création d'entreprises a diminué graduellement au fil des années, pour se situer, en 1992-1993, au même niveau que celui de la disparition d'entreprises, soit 14,8 %. Autrement dit, en 1992-1993, il n'y avait pas, au point de vue statistique, de création nette d'entreprises au Québec. Au cours de la période 1989-1994, le nombre total d'entreprises au Québec a ainsi diminué de près de 3 100.
C'est dans ce contexte et aussi pour répondre aux besoins d'une économie où 22 % des adultes aptes au travail étaient confinés à l'assurance-chômage ou étaient prestataires de la sécurité du revenu qu'était proposé un programme d'aide financière pour contrer le manque de capital de démarrage pour les nouvelles entreprises. On annonçait donc que le gouvernement garantirait jusqu'à concurrence de 300 000 000 $ de prêts dans le cadre d'un programme de démarrage d'entreprises; les objectifs visés: la création de 10 000 entreprises et de 30 000 emplois. Le programme ayant connu un départ fulgurant et des résultats immédiats, le gouvernement réinjectait, huit mois plus tard, 100 000 000 $ dans une phase II. Le 15 novembre, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, M. Paillé, annonçait donc l'entrée en vigueur du Programme d'investissement en démarrage d'entreprises pour le Québec, qui est entré en vigueur, en réalité, le 1er décembre 1994.
Les membres de la commission disposent déjà des informations et des critères relatifs à ce programme. J'aimerais toutefois rappeler quelques éléments. Afin d'être admissible, le plan d'affaires soumis devait démontrer les perspectives intéressantes de rentabilité et de création de trois emplois permanents ou équivalents à trois personnes/année au cours des trois premières années d'opération. Aucune mise de fonds n'était exigée des promoteurs; les institutions financières pouvaient avoir des exigences à ce titre. Le gouvernement voulait s'assurer, en quelque sorte, que le manque de liquidités personnelles ne constituait pas un frein pour les individus ayant de bonnes idées et le goût d'entreprendre.
Lorsqu'on a rencontré l'Association des banquiers, à l'époque, pour discuter du programme, nous avons beaucoup insisté sur ces aspects et d'avoir un plan d'affaires qui soit complet, qui démontre des perspectives de rentabilité et l'obligation pour les promoteurs de s'engager à créer au moins trois emplois permanents pendant les trois premières années d'opération.
Outre ces éléments de mise en contexte, je pense utile d'apporter des précisions supplémentaires quant aux principaux points soulevés par le Vérificateur, et ce, je pense, afin de contribuer à une meilleure compréhension de ce programme. Je vais m'attarder à quatre points: 1° l'ouverture de ce programme à l'ensemble des secteurs d'activité; 2° l'atteinte de l'objectif de ce programme en termes de création d'emplois; 3° la reddition de comptes; et 4° l'insuffisance présumée du soutien accordé par l'ensemble des intervenants en démarrage d'entreprises, en particulier par le MICST.
(9 h 30)
Le premier point, sur la remise en cause de l'ouverture de ce programme à l'ensemble des secteurs d'activité. Le Vérificateur général remet en cause l'ouverture de ce programme à l'ensemble des secteurs d'activité. Or, ce programme, nous l'avons souligné à quelques reprises, est une mesure conjoncturelle, donc limitée dans le temps; les effets recherchés sont d'abord à très court terme. Dans ce cas-ci, le gouvernement recherchait une création rapide de nouveaux emplois, et ce, dans toutes les régions du Québec. À cet égard, discriminer en faveur de certains secteurs équivalait à pénaliser certaines régions dont la structure industrielle est concentrée sur quelques industries. Favoriser certains secteurs signifiait aussi que l'on mettait de côté des industries fort créatrices d'emplois, où les emplois sont assez bien rémunérés même s'ils sont peu spécialisés; c'est le cas, notamment, du secteur touristique ou récréotouristique, qui est une source d'emplois parmi les plus importantes au Québec.
D'ailleurs, dans le cas des secteurs visant certains marchés locaux ou régionaux, ou des secteurs qui sont caractérisés par une compétition plus vive, tels que celui de la restauration, les institutions financières ont été plus prudentes. Ainsi, l'étude d'impact produite par le BSQ, sur laquelle nous reviendrons plus loin, révèle que la mise de fonds personnelle des actionnaires qui désiraient se lancer en affaires dans ce secteur, celui de la restauration, atteignait 68 000 $ en moyenne, ce qui est de beaucoup supérieur à la moyenne de 29 000 $ observée dans l'ensemble des secteurs. Autrement dit, lorsque le risque a été jugé plus élevé, les institutions financières ont fait preuve d'exigences plus élevées même si le programme ne présentait aucune exigence en termes de mise de fonds.
Cette même étude démontre également l'impact sur l'emploi de ce programme chez les clientèles dites économiquement défavorisées, qui représente plus de 46 % des emplois créés. La restriction des secteurs d'activité aux secteurs habituellement ciblés par les programmes réguliers de nature structurelle du MICST et de la SDI et on pense notamment à des secteurs qui sont liés à l'économie du savoir ou à des secteurs qui sont liés, donc, à la haute technologie n'aurait pas permis de contribuer à la création d'emplois chez ces clientèles de façon aussi importante et dans l'ensemble des régions.
Comme on aime souvent se comparer à l'Ontario, j'aimerais vous rappeler que, selon les dernières données de Statistique Canada de septembre 1997, les secteurs qui ont alimenté la croissance de l'emploi en Ontario au cours des sept derniers mois de l'année sont les services aux entreprises, la restauration, l'hébergement et le commerce de détail.
Deuxième élément: la remise en cause de l'atteinte de l'objectif de création d'emplois. Le rapport du Vérificateur souligne que ni la SDI ni le MICST n'ont mesuré le nombre d'emplois réellement créés. Le rapport met également en doute le fait que 54 000 emplois prévus puissent devenir réalité. En réalité, le Vérificateur dit et c'est ce qui avait fait, d'ailleurs, la manchette lors du dépôt du rapport du Vérificateur que, selon eux, il y aurait 19 000 emplois de créés à terme. Et comment on est arrivé à ce résultat? Bien, je vous cite le résultat du Vérificateur: «Selon une étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le taux de survie d'une entreprise, après huit ans, est de 35 %. Comme le programme correspond aux éléments décrits dans cette étude, le nombre d'emplois prévu à long terme serait plutôt d'environ 19 000.» C'est une règle de trois. Les entreprises ont dit qu'elles créeraient 5,4 emplois. Comme, après huit ans, il y en aura seulement 35 % qui auront survécu, la règle de trois nous amène à 19 000. C'est comme de dire: Les cinq emplois qui ont été créés, ils n'en créeront pas plus. Ils vont en créer cinq, puis il n'y en aura pas plus. Il n'y a aucune de ces entreprises qui va prendre de l'expansion. Il n'y a aucune de ces entreprises qui va développer ses activités par des acquisitions ou autre. Donc, c'est une vue, à mon avis, statique de l'évolution de l'économie: 54 000 au départ; après huit ans, 35 % des entreprises égale 19 000.
Je dois vous dire d'ailleurs que, au niveau de l'administration publique, et notamment au MICST, nous avons été un peu choqués de ce raccourci pour mesurer l'impact.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous avez perdu 116 000 000 $ en prêts depuis un an et demi?
M. Brind'Amour (Jacques): Si vous permettez, tout à l'heure, M. le Président...
Le Président (M. Chagnon): Avant d'être choqué, on reviendra aux choses élémentaires et aux choses qui nous sont...
M. Brind'Amour (Jacques): Allons-y. O.K. J'aimerais peut-être rappeler à la commission que l'objectif de création d'emplois était d'environ de 30 000 après trois ans, que ce sont les entreprises aidées elles-mêmes qui nous ont affirmé, via leur plan d'affaires, être en mesure de créer en moyenne 5,4 emplois. Le rapport du Vérificateur général indique également que ni la SDI ni le MICST n'ont mesuré le nombre d'emplois effectivement créés. J'aimerais aussi vous rappeler que le moment opportun pour procéder à une telle évaluation est de trois ans après la création des premières entreprises qui ont bénéficié de ce programme. Néanmoins, l'étude d'impact du BSQ confirme déjà de façon préliminaire la création de 35 000 emplois. Je dis trois ans parce qu'il faut comprendre que le programme s'était donné comme objectif la création d'emplois après trois ans. Donc, de mesurer, avant trois ans, l'impact, c'est comme de décider si, oui ou non, une chose qui n'est pas arrivée à terme va y arriver.
Troisième élément: l'évaluation de la reddition de comptes. Le Vérificateur général souligne que, dans l'ensemble, la reddition de comptes du MICST, il le dit, est insuffisante en ce qui a trait aux besoins comblés par le programme, ses effets, ses objectifs opérationnels, ses coûts et la satisfaction de la clientèle. Dans le cas d'un programme comme celui-ci, le MICST et la SDI ne pouvaient amorcer une évaluation efficace des retombées du programme avant qu'un nombre suffisant d'entreprises aient pu terminer la période où elles bénéficiaient d'une prise en charge d'intérêts et avaient opéré au moins une année dans des conditions normales. Donc, après deux ans. Première année, congé d'intérêts; autre année où elles sont dans les conditions normales du marché.
C'est la raison pour laquelle nous avons confié, au début de 1997, le soin au BSQ d'évaluer les retombées économiques du plan Paillé. M. Roquet vous présentera les résultats de cette enquête scientifique menée auprès de plus de 1 200 entreprises. Le BSQ, avec un tel échantillonnage, a donc pu évaluer et mesurer avec une très grande fiabilité la portée du programme et dresser un portrait de sa clientèle, la valeur des investissements, le nombre d'emplois, etc.
Dernier élément: l'insuffisance présumée du soutien accordé par l'ensemble des intervenants et notamment par le MICST. Le MICST estime qu'un soutien adéquat aux entreprises était disponible dès les débuts du programme. En effet, le service à la clientèle a permis de répondre notamment aux demandes d'information de plus de 21 950 individus dans la seule période comprise entre le 15 novembre et le 15 décembre 1994. Donc, 15 200 par les directions régionales du MICST, donc par nos 16 directions régionales sur l'ensemble du territoire. On a quelques données qui vous donnent aussi les autres intervenants. Je n'insisterai pas. Des services de référence aux organismes du milieu tels que les commissaires industriels, les SAJE et la SQDM, qui a une mesure d'accompagnement à la formation des dirigeants, étaient également opérationnels dès le début de ce programme. Enfin, un minimum de 25 000 guides pour la rédaction d'un plan d'affaires ont été distribués par la seule direction des communications du MICST aux individus qui en ont fait la demande.
En conclusion, depuis sa création, le programme a généré des investissements de plus de 1 000 000 000 $. La participation de la SDI sous forme de garanties de prêt s'élève à 389 703 000 $, soit 38,9 % de la totalité des investissements générés par le programme. À ça il faut ajouter la valeur totale des prises en charge des intérêts lors de la phase 1, soit 24 600 000 $, portant ainsi la participation de la Société à 41,4 %. C'est donc dire que chaque dollar provenant du programme a entraîné 1,42 $ d'investissement, dont la majeure partie provenait de prêteurs privés et de mises de fonds personnelles. Ce programme a également permis à 13 223 personnes de devenir actionnaires d'une entreprise. Il s'agit là d'un effort de sensibilisation à l'entrepreneurship sans précédent au Québec. Parmi tous ces entrepreneurs, 8 707 sont des actionnaires majoritaires et 21 % d'entre eux sont des gens de moins de 30 ans. Enfin, l'enquête du BSQ révèle que 57 % des actionnaires majoritaires ont une expérience de gestion supérieure à trois ans, un atout, donc, supplémentaire pour l'entreprise qui démarre.
Le coût total du programme s'élève actuellement à 159 000 000 $, ce qui veut dire en moyenne une dépense gouvernementale de 15 101 $ pour créer une entreprise ou, en termes d'emplois, 4 286 $ pour chacun des 35 000 emplois recensés par le BSQ en avril dernier. À titre de comparaison, le Fonds décentralisé de création d'emplois, un programme comparable et qui visait aussi à créer rapidement de l'emploi dans l'économie après la récession de 1992, a créé, au cours des deux années suivant son lancement, plus de 22 360 emplois au coût moyen de 6 130 emplois.
M. le Président, je pense que ces résultats sont significatifs, parlent d'eux-mêmes et témoignent d'un effort réussi quant au pari de soutenir rapidement la création d'emplois dans l'ensemble des régions du Québec dans une période conjoncturelle qui n'était pas facile.
Je vais maintenant laisser le soin à M. Roquet de vous exposer plus en détail le rôle de la SDI et l'ensemble des retombées économiques générées par ce programme.
Le Président (M. Chagnon): M. Roquet.
Exposé du président de la Société de développement industriel (SDI)
M. Louis-L. Roquet
M. Roquet (Louis-L.): Je vous remercie, M. le Président. Membres de la commission parlementaire, nous apprécions cette opportunité qui nous est donnée par cette commission de rendre compte, en particulier pour ce qui regarde la SDI, de la gestion du Programme d'investissement en démarrage d'entreprises et du suivi que nous en faisons en termes de reddition de comptes quant à la santé des entreprises et aux emplois effectivement créés. Je ferai remarquer aux membres de la commission que, étant donné les compressions budgétaires effectuées à l'échelle du gouvernement dans son entier, la SDI a accepté de prendre à sa charge la gestion de ce programme à même ses crédits réguliers, sans supplément et dans un contexte de compression de ses effectifs. Il ne nous appartient pas, comme gestionnaires mandataires du gouvernement, de nous prononcer sur l'opportunité du programme, mais davantage d'exposer aux membres de la commission comment il a été géré et quelles étaient les balises contenues dans le programme à l'intérieur desquelles nous devions le gérer, puisque tout programme est encadré par un décret et que ce décret-là nous impose un comportement comme gestionnaires, ne nous donne pas la latitude de faire ce que nous voulons.
(9 h 40)
Le rôle de la Société, tel que décrit dans le programme, était d'abord d'informer les institutions financières. Les institutions financières au Québec disposent d'un réseau de plusieurs milliers de succursales ou de caisses populaires autonomes, et chacun de ces points de services a dû être rejoint soit directement, soit indirectement à travers le réseau interne des institutions financières concernées. Les règles d'application du programme, les notes interprétatives d'un vocabulaire qui est un vocabulaire réglementaire et, donc, nécessairement assez aride et assez spécialisé ont dû être préparées et diffusées par la SDI, et ceci, dans un délai très court, puisque, entre l'annonce du programme et la mise en oeuvre, il s'est écoulé quelques semaines à peine. Donc, premier rôle de la SDI: informer les institutions financières au départ et, par la suite, tout au cours de l'opération.
Deuxièmement, enregistrer les garanties. Le rôle de la SDI et c'est important dans le plan de démarrage n'était pas d'octroyer une aide financière. L'octroi de l'aide financière était fait par l'institution financière, et la décision d'aller de l'avant dans le financement d'un projet était prise par l'institution financière. Le rôle de la SDI était d'enregistrer une garantie en vérifiant si la proposition qui était faite par l'institution financière et si le projet de l'entreprise respectaient les critères du programme, critères qui ont été énoncés par le Vérificateur général tout à l'heure: une entreprise nouvellement créée ou n'existant pas depuis plus de trois mois; une entreprise unique, c'est-à-dire qu'un promoteur n'avait pas le droit de lancer deux projets et de les financer tous les deux à l'aide de ce programme-là. Ça ne pouvait pas être une continuité déguisée en nouvelle entreprise de son activité actuelle. Ça devait être... Je m'excuse, j'oublie, les critères ont été énoncés... Et, je m'excuse, le projet devait offrir des perspectives raisonnables de rentabilité et devait contenir une assurance raisonnable de création de trois emplois sur trois ans. C'est donc ces critères-là que la SDI vérifiait avant d'enregistrer la garantie.
La SDI ne voyait pas le plan d'affaires de l'entreprise. Le plan d'affaires de l'entreprise était déposé auprès de l'institution financière. Ce que la SDI recevait, c'était un résumé du plan d'affaires préparé de la main du banquier ou de l'officier financier des caisses populaires qui, après ce résumé et cette analyse sommaire, déclarait: Je considère que ce projet est valable, doit être financé et je recommande le projet à la SDI pour garantie. Le dossier de l'entreprise est dans l'institution financière. Ce qui existe à la SDI, c'est le dossier de la garantie avec les informations et les attestations et les déclarations qui nous permettaient de vérifier si, oui ou non, les conditions du programme avaient été respectées.
Un autre rôle qui était confié, dans le cadre du programme, à la SDI était celui de valider les réclamations des institutions financières, et c'est un aspect important du programme. C'est un aspect auquel nous consacrons énormément d'énergie parce qu'il se peut que, un, l'institution financière n'ait pas géré le prêt conformément à ses politiques, à ses directives, à ses procédures en telle matière, et, à ce moment-là, la réclamation est soit refusée, soit ajustée par la SDI. Il se peut que des vérifications élémentaires qui auraient dû être faites par l'institution financière n'aient pas été faites, et c'est au moment de la réclamation que, documents à l'appui, nous corrigeons la situation s'il y a eu négligence, oubli. Par exemple, il est arrivé qu'une institution financière oublie d'enregistrer des garanties physiques. La réclamation a été soit refusée, soit ajustée du montant qu'aurait dû représenter la garantie qui aurait dû être enregistrée. C'est de la saine pratique bancaire ou financière, elle n'avait pas été respectée, les directives et les politiques mêmes de l'institution financière n'avaient pas été respectées, et la SDI n'a pas honoré la garantie, elle n'avait pas à le faire.
À titre d'exemple, le prêt moyen qui a été consenti était de 42 696,68 $. Ce n'est pas nécessaire de retenir tous les chiffres, mais vous allez voir comment ça se décompose et où intervient, dans la gestion d'une garantie, la SDI. La garantie moyenne toujours plan Paillé 1, volet I et volet II, 90 % pour le premier, 80 % pour le second est de 88,46 %, c'est-à-dire de 37 768 $, et le capital moyen au moment du rappel par une institution financière pour les prêts sur lesquels il y a eu défaut, abandon des affaires, etc., 41 844 $ auxquels s'ajoutent des intérêts et des frais de réalisation. La réalisation des sûretés sur un solde total, donc, d'à peu près 43 200 $ apporte 3 230 $, ce qui, normalement, devrait laisser un solde moyen d'à peu près 40 000 $. Les négociations supplémentaires de la SDI, une fois reçue la réclamation de l'institution financière suite aux vérifications que nous faisons de la rigueur avec laquelle l'intervention a été gérée par l'institution financière, rapportent un autre 3 000 $, donc autant que la réalisation des garanties, ce qui ramène le sous-total, si vous voulez, ou la réclamation nette après contrôle et vérification à 37 000 $ et ce qui ramène le paiement net effectué, puisqu'il faut l'affecter par le taux de garantie, à 32 771 $ sur un prêt de 42 000 $.
C'est donc important de comprendre comment le programme balisait l'intervention de la SDI et aussi, dans un programme qui a connu une popularité énorme et un volume incroyable au départ, ce qui peut amener des erreurs, des oublis, etc., la possibilité que le programme laisse à la SDI de s'assurer que, malgré l'afflux de dossiers, malgré la pression sous laquelle fonctionnaient les financiers, on peut, au moment de la réclamation, s'assurer que chacune des conditions a été respectée et ajustée au besoin et, dans certains cas, refuser entièrement le paiement de la garantie. Je m'excuse...
Le Président (M. Chagnon): Je vais vous demander de conclure, M. le président de la SDI, parce que, évidemment, vous avez longuement passé le 20 minutes de temps prescrit pour le sous-ministre et... On n'avait pas indiqué que le président de la SDI devait prendre la parole, mais ça nous a fait plaisir de vous entendre. On sait à quel point vous avez été intimement lié dans ce dossier.
M. Roquet (Louis-L.): Je vous remercie, M. le Président. Est-ce que je peux conclure?
Le Président (M. Chagnon): Oui, oui. Bien sûr.
M. Roquet (Louis-L.): Deux minutes.
Le Président (M. Chagnon): Absolument, prenez-les.
M. Roquet (Louis-L.): Comment fonctionnent les institutions financières? Ce qu'on demandait dans le plan Paillé, c'était aux institutions financières de respecter leurs pratiques et leurs politiques habituelles. Les institutions financières, quand on leur demande: «Comment gérez-vous un prêt industriel ou commercial?» nous décrivent le processus qu'elles emploient pour un prêt de 500 000 $ ou de 1 000 000 $, ce qui est un prêt industriel ou commercial. On demande un plan d'affaires très détaillé, on demande des études de marché, on demande des analyses de sensibilité sur le plan financier, etc. Un prêt maximal de 50 000 $ est considéré par une institution financière comme un prêt personnel garanti. Aucune institution financière ne demande même un rapport de crédit détaillé Dun & Bradstreet en bas d'un montant de 70 000 $. C'est une gestion relativement massive, relativement standardisée. L'intervention elle-même étant peu rentable pour la banque, elle gère ses propres risques et non seulement les risques garantis par le gouvernement d'une façon qui est très standardisée.
(9 h 50)
Dernière conclusion. Si vous me permettez, M. le président, une phrase, nous avons fait, avec l'aide du BSQ, une analyse des retombées économiques sur lesquelles les membres de la commission pourront poser des questions tout à l'heure. L'important qui est à retenir, c'est que, un, cette étude-là a été faite avec toute la rigueur possible. Deuxièmement, pour nous assurer que les retombées économiques que nous évaluions étaient valables, nous avons exclu d'un échantillon très important que nous avons constitué toutes les entreprises qui n'étaient pas des entreprises qui exportaient exclusivement ou des entreprises qui offraient des nouveaux produits. Donc, on ne pouvait pas se dire qu'ils remplaçaient des entreprises existantes, c'étaient des nouveaux marchés. Et, même en prenant ces 2 439 entreprises-là seulement et en calculant le gain fiscal pour le gouvernement du Québec, on arrive à la conclusion que, annuellement, ce gain fiscal et parafiscal est de 68 000 000 $, l'économie au niveau des programmes sociaux est de 7 800 000 $, pour un gain total de 75 000 000 $, alors que le coût moyen annuel du programme est de beaucoup inférieur. Donc, en excluant les deux tiers des entreprises, on arrive quand même à un programme qui est rentable fiscalement pour le gouvernement.
Je vous remercie, M. le Président. Je n'étais pas conscient de la contrainte de temps, je vous remercie de m'avoir permis de terminer.
Discussion générale
Montant des prêts rappelés
Le Président (M. Chagnon): De rien. C'est moi qui vous remercie, M. Roquet, d'avoir réussi à synthétiser vos conclusions et nous permettre de pouvoir amorcer dès le départ, de rentrer dans le vif du sujet. Est-ce que vous êtes... Personne n'a mentionné enfin, je le répète parce que c'est quelque chose de nouveau qu'il y avait des prêts rappelés pour 80 000 000 $ au moment où le Vérificateur général a pris le cliché de la situation du plan Paillé au 1er avril. Je vous annonce aujourd'hui qu'on est rendu à 116 500 000 $ au 1er août. Cliché des prêts rappelés. À ma connaissance, aucun des projets de ce plan-là n'a commencé à rembourser le premier dollar de son prêt, il y avait un congé de paiement de trois ans sur le premier versement. Si, à quelques mois du premier paiement du premier versement du premier emprunteur, on se trouve déjà avec 32 % ou 33 % de perte, vous l'expliquez comment, outre le fait que le gouvernement a donné une garantie presque totale, une garantie de 90 % sur l'ensemble de ces prêts via la SDI?
M. Roquet (Louis-L.): Le programme était, comme le soulignait le Vérificateur général, un programme qui touchait tous les secteurs. Il est donc normal de s'attendre à ce que le comportement des entreprises qui sont touchées par ce programme reflète le comportement historique des entreprises nouvellement créées au Québec et au Canada et, dans ce sens-là, il est logique de croire que, dans huit ans, à moins de circonstances économiques particulièrement favorables, les statistiques qui, historiquement, démontrent un taux de survie qui se situe autour de 35 ou 45 % vont se réaliser dans ce cas-là aussi. Le programme n'avait aucune prétention d'améliorer le taux de survie ou de pérennité des PME. C'était un programme dont l'objectif était de générer de l'activité économique et non pas de restructurer l'économie ou de favoriser sa transition.
Et l'autre information, je pense, M. le Président, qui est utile aux membres de la commission, c'est que, quand on crée une provision, cette provision-là est basée sur la meilleure information dont on dispose. Actuellement, à la SDI, par exemple, comme on a une longue expérience de la garantie dans le prêt industriel et commercial dans un nombre limité de secteurs, on peut arriver à estimer notre taux de perte avec une grande précision, et notre provision requiert des ajustements au niveau de la deuxième décimale d'une année à une autre. Quand le plan Paillé a été constitué, l'expérience du gouvernement en matière de programmes de ce genre-là était nulle, et nous nous sommes basés, pour évaluer quel pouvait être le taux de pertes financières, sur notre expérience de programmes qui pouvaient être similaires, mais qui n'avaient pas du tout la même envergure et qui n'étaient pas gérés de la même façon.
Le Président (M. Chagnon): Vous souvenez-vous des recommandations du Conseil du trésor lorsque votre mémoire a été déposé au Conseil? Je parle du Secrétariat du Conseil.
M. Roquet (Louis-L.): Je m'excuse, la SDI n'a pas présenté de mémoire.
Le Président (M. Chagnon): Alors, peut-être que M. le sous-ministre pourrait s'en rappeler.
M. Brind'Amour (Jacques): Les recommandations du Conseil du trésor?
Le Président (M. Chagnon): Oui, du Secrétariat du Conseil sur le mémoire.
M. Brind'Amour (Jacques): Je n'ai pas ça en tête, là, mais on peut le retrouver.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il serait possible de le déposer à la commission, s'il vous plaît?
M. Brind'Amour (Jacques): Je pense que c'est un document administratif, là, oui?
Le Président (M. Chagnon): Les recommandations du Secrétariat sur le mémoire à l'époque. Est-ce que c'est possible de l'avoir cet après-midi?
M. Brind'Amour (Jacques): Même ce matin. Je crois qu'on peut...
Le Président (M. Chagnon): Alors, je vais laisser la place au député de Shefford qui m'a indiqué qu'il voulait prendre la parole.
M. Brodeur: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): J'y reviendrai, moi, de toute façon.
Critères de sélection des projets
M. Brodeur: D'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à tous ces gens qui se sont déplacés pour cette commission parlementaire. On entend beaucoup de discours, sauf qu'il y a des faits qui sont bien précis. On sait que, en date du 31 août, il y a 116 500 000 $ de pertes, que, au 31 mars, on avait plus ou moins 80 000 000 $, donc on peut estimer que les pertes mensuelles sont de plus ou moins 7 000 000 $, 200 000 $ et quelques par jour, sept jours par semaine. Donc, c'est bien important. On sait que, souvent, on fait des plats en politique pour moins que ça. On a déjà vu des gens qui ont dépassé 300 $ de trop et leur on a tapé sur les doigts. Là, on parle de centaines de millions, et, si la tendance se maintient, le plan Paillé devra engendrer des pertes de plus de 200 000 000 $, surtout que la plupart des gens, la presque totalité des gens qui ont emprunté des sommes là-dedans n'ont pas encore à rembourser le capital. Donc, lorsque les gens auront à rembourser ces montants-là, les montants d'emprunt, il semble que les pertes devraient s'accélérer encore plus.
Donc, lorsqu'on parle de 200 000 000 $ et quelques de pertes, là, il faut quand même poser des questions, d'autant plus que le Vérificateur général, dans son rapport, il l'a souligné tantôt, et les gens du ministère et de la SDI en ont parlé aussi, que, en fin de compte, la supervision du programme semble laisser à désirer. Je ne veux pas, là-dessus, aller discréditer les gens du ministère, mais le programme en lui-même semble laisser libre cours aux institutions financières de décider. D'ailleurs, si je ne m'abuse, je crois que la première directive, une note interne de directive est arrivée aux fonctionnaires qui administraient le programme seulement quatre mois après le début du programme, si je prends les propos du Vérificateur. Donc, on avait déjà déboursé, j'imagine, au-delà de 200 000 000 $ avant que la première directive arrive.
Avant de poser ma question, je voudrais juste imager un peu...
Le Président (M. Chagnon): Peut-être, M. le député de Shefford, qu'un des membres qui accompagne M. Roquet, peut-être à la demande de M. Roquet, pourrait ajouter quelque chose pour corriger ça, s'il y a quelque chose.
M. Roquet (Louis-L.): J'ai demandé la date des premiers envois, on pourra fournir l'information à la commission, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): O.K. Je m'excuse, M. Roquet. Continuez, M. le député de Shefford, je m'excuse.
M. Breton (Guy): M. le Président, si vous permettez, nous avons en main le bulletin d'interprétation, bulletin n° 2, qui est daté du 19 janvier.
M. Brodeur: Oui, 19 janvier.
M. Breton (Guy): Oui, le bulletin n° 2, 19 janvier.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Breton, ça éclaire, évidemment.
M. Brodeur: Et le plan a été déposé...
(10 heures)
M. Breton (Guy): Le 1er décembre.
M. Brodeur: Le 1er décembre.
M. Breton (Guy): Ce sont des bulletins aux institutions financières...
M. Brodeur: Oui.
M. Breton (Guy): ...dont on fait part, et non pas aux employés.
M. Brodeur: Je vais essayer d'imager la question simplement. On s'imagine, on se reporte au moment où le plan Paillé était populaire, naturellement; c'était, semble-t-il, facile d'obtenir un prêt. Une personne se présentait à son institution financière, à sa banque ou à sa caisse, demandait un prêt de moins de 50 000 $, formait sa compagnie et pouvait demander un prêt s'il avait un plan d'affaires qui semblait adéquat et raisonnable, et on présumait d'une création potentielle de trois emplois. Donc, c'était déposé à l'institution financière; l'institution financière, elle, avait à accepter ou à refuser le prêt. Naturellement, à la lumière des faits invoqués par le Vérificateur général, il semble que le risque de l'institution financière était très faible. Aussi, l'emprunteur, lui, n'avait pas à cautionner le prêt de sa nouvelle compagnie, parce que c'était dans les règles, donc la norme, qu'on n'ait pas à cautionner personnellement l'emprunt fait pour cette nouvelle entreprise là. Donc, en résumé, ni l'institution financière ni l'emprunteur n'avaient un risque à emprunter ces argents-là.
De toute apparence, aussi, le Vérificateur général nous disait que, pour ainsi dire, la SDI était reléguée à un rôle d'estampilleur, donc n'avait pas les pouvoirs réels de refuser un prêt même s'il semblait peut-être un peu farfelu, n'avait qu'à vérifier pour voir si c'était une nouvelle entreprise et des conditions d'un tel genre; donc, aucun pouvoir pour déterminer si un prêt était sérieux ou pas.
Donc, M. le Président, j'aimerais savoir du président de la SDI: lorsque l'on dit que les directives sont arrivées... On parle de deux mois plus tard, alors qu'il y avait déjà plusieurs millions de dollars de dépensés. On a vu dans les journaux aussi que... Le plan Paillé, certains disent que c'était un bar ouvert à la subvention. Même les gens de la Sûreté du Québec, dans un article du 20 janvier 1996, déclaraient à La Presse que n'importe qui, en fin de compte, pouvait obtenir des prêts du plan Paillé. Est-ce que vous pouvez admettre que, à cause même du libellé du plan Paillé, vous n'aviez en réalité aucun pouvoir décisif et que les seuls pouvoirs étaient remis à une institution financière qui n'avait aucun risque?
Le Président (M. Chagnon): Oui, M. Brind'Amour.
M. Brind'Amour (Jacques): Si vous permettez, avant que M. Roquet ne prenne la parole... On a eu plusieurs rencontres avec l'Association des banquiers canadiens avant que ce projet ne soit mis en oeuvre, parce que, comme vous vous en doutez, il fallait qu'ils soient d'accord, puisque c'est eux qui l'ont géré. On a eu plusieurs discussions avec eux, et à toutes les discussions on est toujours revenus sur le même point. Dans la phase 1, bien sûr, le gouvernement prenait 90 % de la garantie de la perte nette et 80 % dans la phase 2. Pour un banquier, on peut toujours...
Le Président (M. Chagnon): Les banquiers ne connaissaient pas la phase 2, évidemment, à ce moment-là; ils ne connaissaient que la phase 1.
M. Brind'Amour (Jacques): Non, non, mais je veux dire, on a eu des discussions suite à la phase 2; on en a eu deux fois. Ce que je veux dire, c'est que, pour un banquier, on peut peut-être dire: 10 % de perte, ce n'est pas grand-chose, ce n'est rien. Mais sur un volume de prêts important, ça représente des sommes importantes, et, pour le directeur de crédit dans une succursale qui prend cette décision-là, il me semble qu'il n'a pas intérêt à dire: Écoutez, je suis allé dans un bar ouvert, j'ai laissé les vannes; de toute façon, je n'avais que 10 % de pertes et on a fait un volume d'affaires. Moi, si j'étais son patron, je lui dirais: Oui, mais est-ce que c'étaient des bons projets? Parce qu'une banque ne s'engage pas dans un projet pour un an ou deux, elle s'engage dans une relation avec un client qui va lui rapporter des sous. Elle s'attend peut-être à ce que le client qui part une entreprise pendant deux, trois ans, elle va devoir le supporter au niveau de sa dette, de sa marge de crédit, etc., et elle s'attend qu'au bout de trois ans il va prendre de l'expansion et qu'à un moment donné il va devenir très rentable pour elle.
Donc, moi, je ne voudrais pas laisser présumer que, les banques, dans le fond, on les a laissées à elles-mêmes et qu'elles ont fait à peu près n'importe quoi en disant: De toute façon, le gouvernement... Bon, ça, c'est le premier élément.
Le deuxième élément que je voudrais dire, c'est que, même si on n'exigeait pas des garanties, dans 90 % des cas il y a eu des mises de fonds par les promoteurs; il y a seulement dans 10 % des dossiers qu'il n'y a pas eu de mise de fonds des promoteurs. Or, ces gens-là, aussi, c'est des gens qui avaient le goût d'entreprendre, qui avaient le goût de faire des choses. Pour eux, le plan Paillé, ça a été probablement le cash-flow, la liquidité dont ils avaient besoin pour prendre leur décision de partir en affaires. Ces gens-là, c'est des gens responsables. Ils ne se sont pas embarqués dans un projet d'entreprise en disant: Bof! J'ai un congé d'intérêt pendant un an; je ne paie pas avant trois ans; je m'en lave les mains de toute façon. Bien non, ce n'est pas ça. Vous savez comme moi que, quand on fait une entreprise et qu'on la part, on s'imagine qu'on va devenir le Bombardier de l'avenir. Ils pensent tous ça, les entrepreneurs. Donc, il ne faut pas non plus sous-estimer la décision de ces individus-là de s'engager dans une relation de créer leur emploi, d'engager des gens, de prendre une responsabilité vis-à-vis des individus qu'ils ont engagés on l'a vu tout à l'heure; beaucoup de ces individus-là étaient soit des finissants universitaires, des gens en chômage, des assistés sociaux de les encadrer et de leur donner le goût de développer ça.
C'est des éléments qu'il ne faut pas non plus atténuer en disant simplement: Le gouvernement assumant 90 % de la perte, pour le promoteur et pour la banque, il n'y avait pas, dans le fond, lieu de s'inquiéter de l'avenir.
Secteurs d'activité
M. Brodeur: Comment expliquer qu'on a déjà perdu 116 500 000 $ avant même qu'on ait commencé à rembourser le capital?
M. Brind'Amour (Jacques): Par définition, les entreprises en démarrage, c'est au début qu'elles ont des problèmes. C'est normal qu'on ait, dans les premières années, plus de gens qui soit font faillite, soit décident de ne pas poursuivre parce qu'ils se sont aperçu que le marché qu'ils avaient développé est pris par d'autres, soit qu'ils n'ont pas la capacité financière par la suite d'aller de l'avant et de réinjecter... Vous savez comment ça marche. Il y a toujours plusieurs rondes de financement, ces choses-là.
C'est normal qu'on ait au début des statistiques plus fortes d'entreprises qui faillissent. Celles qui vont rester vont être meilleures, vont être plus performantes. C'est normal que ce soit au début. Ce n'est pas au bout de cinq, sept ans que l'entreprise est vraiment en difficulté. C'est dans les premiers mois, les premières années alors que l'appréciation de ce qu'elle devait faire ne se produit pas: le marché n'est pas là; on a présumé que les ventes seraient élevées, mais, malheureusement, elles ne sont pas si élevées. On est dans un secteur de services, et malheureusement ça ne se développe pas comme on pensait parce que notre mise en marché n'est pas aussi bonne qu'un autre, etc. C'est normal que ce soit dans les deux premières années que ça se produise.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce qu'on vous a rapporté le fait qu'on soit justement dans le secteur des services, secteur tertiaire qu'une bonne partie de vos investissements comme le signalait le Vérificateur général ait contribué à cannibaliser d'autres commerces qui étaient déjà existants?
M. Brind'Amour (Jacques): Moi, j'ai entendu ça, effectivement. Je n'ai pas de preuves statistiques de ça. Je regarde la répartition des prêts. On a à peu près 17 % des prêts qui sont allés dans le commerce de détail. Et on regarde au niveau, je pense, des pertes: On a un pourcentage, peut-être, un petit peu plus élevé dans ce secteur-là mais qui n'est pas au-delà de ce qu'on avait prévu.
Discriminer par rapport à un secteur, c'est une chose compliquée. Moi, je vais vous dire: Si une entreprise...
Le Président (M. Chagnon): Vous l'avez fait dans le volet 2.
M. Brind'Amour (Jacques): Oui, oui. C'était beaucoup pour des raisons budgétaires, dans le volet 2. Parce que le programme a eu un succès tel que le 300 000 000 $, on l'a engagé en sept mois. C'était prévu en un an; on l'a fait en sept mois. C'était prévu en deux ans, en fait; on l'a fait en sept mois.
M. Brodeur: Comment, d'abord, vous pouvez expliquer qu'on a prêté 127 000 000 $, soit un tiers du budget du plan Paillé, dans des secteurs peu susceptibles de créer de l'emploi, comme le commerce de détail? Dans le volet 2, on a changé les normes, mais dans le volet 1, on a quand même prêté 127 000 000 $ à des commerces ou des entreprises peu susceptibles de créer de l'emploi. D'ailleurs, si je ne m'abuse, c'est dans des secteurs où il n'y a aucun programme existant. Même au ministère de l'Industrie et du Commerce, à la SDI ou au Développement des régions, présentement, il n'y a aucun programme pour ces secteurs-là, et vous avez prêté 127 000 000 $ à ces gens-là dans des secteurs, présentement, qui sont saturés, qui créent très peu d'emplois, alors qu'on dit qu'on va créer trois emplois, etc. Comment vous pouvez expliquer ça?
M. Brind'Amour (Jacques): Peut-être faire une remarque. Je laisserai ensuite M. Roquet vous l'expliquer. Moi, je ne suis pas d'accord avec l'affirmation qui dit que ce sont des secteurs peu créateurs d'emplois. Ce n'est pas exact. Le tourisme, le récréotouristique, ce qu'Intrawest fait actuellement à Mont-Tremblant, c'est créateur d'emplois. Ce n'est pas des emplois spécialisés de haute technologie qu'on crée là.
Si vous regardez aussi les taux de scolarisation au Québec chez les jeunes, vous allez vous rendre compte qu'il y a une grande partie des jeunes qui n'ont pas terminé leur secondaire, qui ont souvent huit à neuf ans de scolarité. Alors, ou bien c'est des laissés-pour-compte, parce qu'on ne peut pas leur donner une formation de base, ou alors on trouve, dans nos interventions, des façons de rejoindre cette clientèle-là. On a rejoint 46 % d'une clientèle qui était sans emploi. C'est dans ces secteurs-là qu'elle s'est retrouvée: dans la restauration, le récréotouristique, et tout ça.
(10 h 10)
Deuxièmement, la remarque du Vérificateur au niveau de la création d'emplois... Il parlait de la création d'emplois durables, si je me souviens bien. La remarque, c'était: Ce ne sont pas des secteurs qui font de la création d'emplois durables. Bien, moi, je répondrais à ça... Moi, tous les jours, comme vous, je vais dans un centre commercial ou je vais dans une épicerie, et je fais mes achats. Il y a toujours quelqu'un à la caisse. Puis il y a 20 ans, il y avait quelqu'un à la caisse. Puis dans dix ans, il va y avoir encore quelqu'un à la caisse qui va prendre mon argent puis qui va l'enregistrer. Peut-être que ce n'est pas toujours la même personne, mais l'emploi est durable. L'emploi de caissier qui est là, il est durable. Peut-être que la personne change à tous les six mois, elle se trouve un autre emploi, et tout ça, plus rémunéré, et cetera, mais ce n'est pas vrai qu'on puisse dire que, dans certains secteurs, on ne crée pas des emplois durables. C'est sûr qu'il y a des entreprises, comme je disais, qui vont faire faillite, et là l'emploi disparaît. Mais c'est vrai dans tous les secteurs d'activité.
M. Brodeur: Quand on sort des notes du Vérificateur général, numéro 6.20, qui dit tout simplement que vous-même puis le gouvernement du Québec, dans la plupart de ses programmes, dans tous les programmes en fin de compte, n'avez pas de programme pour ce genre de commerce là. Et comment pouvez-vous justifier, aussi, que 35 % des prêts rappelés ne correspondent même pas à une perspective de rentabilité, à même les demandes qui ont été faites? On s'imagine que la plupart de ces perspectives de non-rentabilité se retrouvent dans ces secteurs-là, parce que vous avez prêté 127 000 000 $ dans ce secteur-là.
Le Président (M. Chagnon): M. Roquet.
M. Roquet (Louis-L.): Le Vérificateur général n'a pas déclaré que les entreprises, ou 35 %, ne présentent aucune perspective de rentabilité. Il faut faire attention à ce qu'il a dit. Ce qu'il a dit, c'est qu'il n'avait vu aucune preuve établissant que ces entreprises avaient des perspectives de rentabilité, autrement dit que, dans le dossier de l'institution financière, il n'y avait pas un plan d'affaires, par exemple, suffisamment détaillé pour établir que cette entreprise-là, au moment où elle était démarrée, avait des perspectives de rentabilité. Cette entreprise-là, aujourd'hui, vend peut-être pour 2 000 000 $ et a peut-être 20 employés, mais, selon la déclaration qu'elle a faite, il n'y avait pas, au dossier, d'éléments permettant de conclure qu'il y avait des perspectives de rentabilité. Ce n'est pas la même chose.
M. Brodeur: Donc, vous me dites que l'institution financière, dans 35 % des cas où il y a eu des pertes, n'a pas tout simplement demandé la démonstration d'une simple perspective de rentabilité. C'est ça que vous me dites, là.
M. Roquet (Louis-L.): Ce que je veux dire, c'est que dans certains cas... Et je l'illustre par un exemple où un boulanger qui avait 10 ans d'expérience en boulangerie, qui allait voir son banquier, qui était connu de lui et lui disait: Je veux ouvrir une boulangerie fine dans la ville et j'ai 25 000 $ à mettre, voici mon budget, et se faisait répondre par le banquier: Tu n'as pas besoin de faire une étude de marché pour être capable de me prouver que tu sais faire du pain ou qu'il y a un potentiel pour du pain français ici, implante-toi. Et il se satisfaisait.
Les critères qui sont utilisés pour ce genre de prêt là, à l'entreprise en démarrage, par les institutions financières, sont, d'abord, la connaissance et la réputation de crédit de l'individu, ensuite, la vraisemblance de son projet et, ensuite, les garanties détenues. Mais on ne demandera pas pour un projet de 50 000 $, ou pour un prêt de 50 000 $, le genre de documentation qu'on va demander pour un prêt industriel ou commercial de 1 000 000 $. Ça coûte tout simplement trop cher.
Et si on regarde une autre statistique indicative, qui est intéressante et qui est comprise dans l'étude des retombées économiques du projet, et qu'on regarde le profil des entrepreneurs, la connaissance du domaine de la part des actionnaires majoritaires, ce qui est certainement un facteur de succès et de survie de l'entreprise, pour une entreprise qui est démarrée par un individu, il y a 35 % des gens qui ont demandé des prêts qui étaient dans le secteur pour une période de trois à 10 ans, ce qu'on peut appeler une expérience relativement satisfaisante; 30 % plus que 10 ans; 20 % n'ont pas répondu. Autrement dit, il y a 15 % des gens qui ont obtenu des prêts qui n'avaient pas au moins trois ans d'expérience, seulement 15 %. Alors, pour un banquier, le critère ou le facteur de l'expérience et de la réputation de crédit, pour une entreprise qui est relativement simple, peut être amplement satisfaisant comme garantie de succès.
Le Président (M. Chagnon): Ce qui minimise d'autant la partie de perte potentielle pour la banque, ou l'institution financière, lorsqu'elle vient pour faire le prêt. Son 10 %, finalement, est presque irréel. Elle ne perd rien, elle n'est pas susceptible de perdre quoi que ce soit.
M. Roquet (Louis-L.): Il faut faire attention, M. Chagnon, dans le sens suivant: C'est que la raison pour laquelle on a interdit aux banques et c'est une interdiction de demander des cautions personnelles, c'est qu'on voulait qu'elles restent à risque à 10 % ou à 20 %. Sinon, ce qui se serait passé, c'est qu'on aurait émis le prêt avec une garantie de 90 % dans la phase 1, par exemple, et, à côté, on serait allés chercher une caution de 10 %, et là la banque, ou l'institution financière, n'aurait eu aucun risque. Et ça, ça aurait été vicieux.
Le Président (M. Chagnon): Sauf que, là, la banque, ayant une possibilité de retenir sur le capital déjà prêté ou sur le capital investi par ailleurs...
M. Roquet (Louis-L.): Mais c'est une garantie de perte. Donc, toute réalisation, toute retenue, etc., passe avant l'exercice de la garantie, c'est certain. Une garantie de perte, c'est une garantie dans laquelle la banque a la garantie absolue de perdre 10 % ou 20 %. C'est ça, une garantie de perte.
D'autre part, ce que soulignait tout à l'heure M. Brind'Amour m'apparaît important. Ce n'est pas les institutions financières qui font des prêts, ce sont des personnes, des agents de crédit, des chargés de compte, etc. Et le chargé de compte qui raconte à son directeur régional qu'il est très fier de lui parce que 10 dossiers du plan Paillé qu'il a autorisés lui ont explosé dans le visage, mais que l'institution financière, après tout, n'a perdu que 50 000 $, il n'en aura pas de promotion et il ne fera pas carrière dans cette institution financière là.
Alors, c'est des personnes qui font des prêts et, le faisant, elles prennent un risque qui est un risque de carrière dont elles sont très, très conscientes. Alors, c'est pour ça qu'on s'aperçoit, nous qui traitons avec des institutions financières dans tous nos programmes réguliers, que le seuil de sensibilité des institutions financières aux pertes est beaucoup plus aigu qu'on le croit généralement et que, même à 10 %, c'est très sérieux.
Le Président (M. Chagnon): Les institutions bancaires ont accepté, en volet 2, d'avoir une perte de 20 %. Pourquoi ne l'avez-vous pas demandé au volet 1?
M. Roquet (Louis-L.): Écoutez, je ne suis pas responsable de la conception du programme. M. Brind'Amour serait peut-être capable... C'est probablement dans le cadre de discussions ou d'échanges avec les institutions financières qu'on est arrivés à la conclusion que, pour être capables d'avoir un programme où, effectivement, les institutions financières acceptent de s'impliquer dans un genre de programme qui n'avait jamais existé, ça prenait un taux de garantie initial plus élevé, mais je fais des hypothèses.
M. Brodeur: Là, présentement, les chiffres disent le contraire du discours. Vous nous dites que l'institution financière, ou le directeur de crédit, ou l'agent de prêt ont des comptes à rendre. On comprend bien ça, sauf que dans la vie de tous les jours... Je pense que tout le monde ici a rencontré, peut-être un moment donné, un agent de crédit ou un directeur de caisse ou de banque qui nous disent: «Bien, s'il n'y avait pas eu le cautionnement du gouvernement, probablement que, dans beaucoup de cas, on n'aurait pas fait de prêt». Parce que je ne pense pas que les institutions financières... Si on prend aujourd'hui que le gouvernement du Québec a englouti à date 116 500 000 $... Si vous nous dites que les institutions financières ont perdu certaines sommes, je ne pense pas que, dans la vie de tous les jours, on irait risquer jusqu'à perdre 116 500 000 $ en si peu de temps.
Donc, je ne pense pas que ça tienne. Si le gouvernement du Québec n'avait pas donné une telle garantie, que je qualifierais d'incomparable à tout autre programme, il m'apparaît que les institutions financières n'auraient pas embarqué de cette façon-là, là.
M. Roquet (Louis-L.): Jamais, elles n'auraient pas... Si ma mémoire est bonne, 85 % des entrepreneurs nous disent que, s'ils n'avaient pas eu accès au plan Paillé, ils n'auraient jamais, jamais, jamais eu accès à du financement. C'est d'ailleurs la conclusion de l'étude de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante sur les démarrages, qui dit que, en période de récession, les banques restreignent le crédit, il n'y a plus de création d'entreprises et que la mesure la plus intelligente qui peut être prise par un gouvernement en période de récession, c'est de mettre en place un programme de garantie de façon à inciter les institutions financières à rouvrir le crédit pour la création de PME.
Une voix: On n'est pas en période de récession.
M. Roquet (Louis-L.): On l'était au moment où ce programme-là a été lancé.
Le Président (M. Chagnon): Pas en 1995 non plus. On n'a jamais été en période de récession en 1994-1995. Au contraire, on était en période de création d'emplois extrêmement importante, premièrement, la plus importante de la décennie, d'ailleurs. Et, deuxièmement, les taux d'intérêt étaient à la baisse à ce moment-là et ont continué de baisser depuis, d'ailleurs.
M. Brind'Amour (Jacques): Si vous permettez, les données que je vous donnais tout à l'heure démontrent qu'entre 1992 et 1994 la création nette d'entreprises au Québec était nulle. Donc, on ne peut pas dire qu'on était dans une phase de développement d'entrepreneurship très, très forte. Et je vous l'ai dit tout à l'heure, ça s'explique parce que la consommation n'était pas nécessairement au rendez-vous, les taux d'endettement des ménages étaient très élevés, et ça s'explique...
(10 h 20)
Le Président (M. Chagnon): Vous avez d'autres questions, M. le député?
M. Brodeur: J'en ai plusieurs.
Le Président (M. Chagnon): Oui, j'imagine, mais c'est parce que vous avez quelques collègues, M. Marsan, M. Côté, M. Benoît, qui voudraient aussi en poser. Alors, posez-en... Continuez, mais c'est parce que je sais que vous avez trois collègues qui en ont...
Évaluation des pertes
M. Brodeur: Une petite question avant de passer à mes collègues. On a vu en commission parlementaire, il y a un an ou deux...
Le Président (M. Chagnon): Vous reviendrez.
M. Brodeur: ...un an ou deux, avec M. Roquet, la méthode comptable de l'administration du plan Paillé. On sait qu'il y a une provision qui a été prise, je crois, de 35 % déjà. Donc, on peut, pour imager le tout... Probablement que les 116 500 000 $ de pertes il y en aura la majeure partie dans l'exercice financier 1996-1997 n'apparaîtront pas au bilan du Québec, cette année; ces pertes-là vont être reportées ou pelletées en arrière, en 1995. Est-ce que c'est bien ça que vous aviez expliqué la dernière fois? Et c'est ça qui était apparu dans un article du journal Les Affaires , aussi.
M. Roquet (Louis-L.): Écoutez, je ne pense pas que ni le Vérificateur général ni le Contrôleur général des finances, dont c'est la responsabilité d'établir des provisions adéquates pour les risques gouvernementaux, ne permettraient une telle pratique. Ce qu'il est important de constater toutefois, c'est que, quand on évalue 116 000 000 $ de pertes, c'est une évaluation mais aussi un calcul que nous faisons sur les réclamations que nous aurons à payer, parce que les prêts nous ont été signifiés comme étant en défaut, rappelés, etc. Actuellement, il y a 80 000 000 $ qui ont été payés, et on calcule que ça devrait monter jusqu'à 116 000 000 $, si vous voulez, sur la base des avis que nous avons reçus des institutions financières. Dans plusieurs de ces cas-là, ce sont des avis qui n'ont pas été accompagnés des pièces justificatives, etc., qui vont nous permettre de calculer ou de valider la réclamation et de faire le paiement. Donc, c'est un estimé qu'on fait.
D'autre part, chaque mois, nous publions et le Vérificateur général a souligné que l'information financière sur le projet était adéquate et bien faite des statistiques à date sur le programme et sur les réclamations. Ces statistiques-là sont partagées avec le Contrôleur général des finances. Le Contrôleur général des finances, de plus, a été rencontré par mes gens; il est conscient de l'évolution des pertes dans le programme, et je suis convaincu qu'il prendra les mesures qu'il jugera nécessaires pour provisionner adéquatement le programme, à l'avenir. Pour le moment, ce que je peux vous dire c'est que la provision est plus adéquate pour rencontrer nos obligations dans l'année budgétaire actuelle.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. Marsan, M. le député de Robert-Baldwin.
Conditions d'implantation du programme
M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. J'ai bien écouté attentivement les exposés de M. Roquet, M. Brind'Amour, et j'ai l'impression que le message qu'on veut nous communiquer ce matin, c'est que tout va très bien; vous avez même employé le mot «succès». Cependant, quand on regarde le rapport du Vérificateur général, on s'aperçoit que ça ne correspond pas nécessairement avec les affirmations que vous avez faites.
Un des objectifs de cette commission, c'est de s'assurer que, dans les secteurs public et parapublic, les principes de saine gestion sont vraiment appliqués. Ici, on pense particulièrement au principe de contrôle sur un programme. Et lorsqu'on regarde le rapport du Vérificateur, quelques notes: «Personne n'est responsable de comptabiliser les emplois. Les exigences pour l'octroi des prêts ont été haussées dans le volet 2 du programme. Pourquoi les exigences n'étaient-elles pas élevées dans le volet 1?» Et c'est un peu comme ça partout: «La SDI n'a pas vérifié par échantillonnage les dossiers des prêteurs. Le parrainage des entreprises bénéficiaires du programme serait plus que souhaitable.»
Moi, ce que j'aimerais vous demander... Vous êtes, M. Brind'Amour, un fonctionnaire de carrière. Vous saviez sûrement qu'un tel programme comportait un certain nombre de lacunes. Est-ce que vous avez avisé le ministre des lacunes et je pense particulièrement aux secteurs qui étaient plus risqués, en termes de lacunes, je pense également aux exigences des prêts qui n'étaient pas suffisamment élevées, je pense aussi aux prêteurs qui n'avaient à peu près pas d'incitatifs à faire une recherche sur l'entreprise qui demandait un prêt. Vous, avec votre connaissance, fonctionnaire de carrière, est-ce que vous avez avisé le ministre des lacunes importantes du programme?
Le Président (M. Chagnon): M. Brind'Amour.
M. Brind'Amour (Jacques): Je vais vous répondre très honnêtement, évidemment. C'est parce qu'il faut faire attention entre nous interroger sur la pertinence et sur la gestion. Si vous nous interrogez sur la pertinence, ma réponse va être très simple: c'est qu'il s'agissait d'un engagement gouvernemental, et quand le gouvernement est entré au pouvoir, c'était le programme prioritaire qu'il voulait mettre de l'avant rapidement. Et donc, c'est dans ce cadre-là qu'on a travaillé. Les balises étaient arrêtées, les modalités étaient à définir, mais les grandes balises, là, le choix de procéder sous forme de garantie de prêt, d'aller vite, donc de confier au secteur bancaire cette responsabilité, etc., était arrêté. Et c'est dans ces balises-là qu'on a travaillé.
C'est évident que, pour nous, c'était, comme disait M. Roquet, un nouveau programme sur lequel on n'avait pas d'historique. Donc, la seule chose qu'on pouvait faire, dans ce cadre-là, c'était de se référer à des programmes de prêts participatifs de la SDI et de voir comment ça va fonctionner. Donc, on n'avait pas un historique qui nous permette de dire: Il y aura 25 %, 30 %, 35 %, 40 % de pertes. On ne pouvait pas dire ça. Après des discussions basées un peu sur la connaissance des gens, le type de secteurs et tout ça, on est arrivé à la conclusion qu'il y aurait peut-être 35 % de pertes. Et donc, quand on a recommandé au gouvernement de provisionner le programme, c'est à ce niveau-là qu'on leur a suggéré de le provisionner.
Quant à la relation avec les banques, une fois que la décision est prise d'aller vite et de le faire via le moins de paperasse possible et de procéder via des banques qui devront assumer la responsabilité et qui devront agir de façon responsable, on s'est réunis avec l'Association des banquiers canadiens et c'est les messages qu'on a livrés. On a dit aux banquiers: Le gouvernement a décidé d'aller dans tous les secteurs d'activité, c'est certain qu'il y a des secteurs là-dedans qui, pour vous vous devez être familiers avec le financement sont plus à risque. Donc, vous devez vous comporter en bons gestionnaires bancaires; vous devez vous assurer que, même s'il n'y a pas d'exigences, vous allez supporter de bons projets. C'est les discussions avec les banques qui ont finalement conclu qu'elles étaient en mesure de le réaliser. Elles avaient un intérêt à le réaliser et les balises qui étaient arrêtées leur convenaient.
Alors, je pense qu'on a conseillé le gouvernement à l'intérieur du cadre qui était défini. Et quand je parlais de succès tout à l'heure, peut-être pour, bien sûr, bien comprendre mes propos, je parle d'un succès sur la base d'une année d'évaluation qui est faite par le BSQ. Parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, quand on lance un programme et qu'on dit que ce programme-là devrait avoir, après trois ans, atteint certains objectifs, je ne vois pas comment on peut au bout d'un an ou deux avoir des résultats qui soient tout à fait fiables. Probablement que, si cette commission se tenait sur ce plan Paillé dans un an ou deux, on serait plus en mesure de dire: Voilà, on s'est fixé trois ans d'objectif, on a les résultats et tout ça. On est peut-être un petit peu en avance encore. C'est pour ça qu'on a une étude préliminaire du BSQ. Mais quand je parlais de succès, je me basais essentiellement sur l'étude d'évaluation du BSQ.
M. Marsan: M. le Président, moi, je comprends bien que c'est votre devoir de bien appliquer les grandes orientations du gouvernement. Mais lorsque vous avez un programme et que vous y voyez des lacunes, je pense aussi que c'est impératif qu'un sous-ministre puisse porter à la connaissance d'un ministre les lacunes d'un programme si important.
Vous avez parlé de programmes prioritaires puis vous avez aussi mentionné dans votre réponse qu'il fallait aller assez vite. Donc, il y avait un délai, là, une échéance en tout cas, qui semblait importante. Et lorsqu'on revient non pas sur le contexte économique, mais sur le contexte politique, on sait qu'on était tout près de l'échéance référendaire. Alors, la question: Est-ce que c'est pour ça qu'on a été vite, qu'on a été trop vite puis qu'on a négligé d'appliquer les principes de contrôle parce qu'on voulait absolument montrer que ce programme était appliqué avant l'échéance référendaire?
(10 h 30)
Le Président (M. Chagnon): Je pense que notre invité ne peut pas répondre à cette question-là. Elle sort du cadre de cette commission, de toute façon. L'aspect politique dans le sens qu'il soit conjoncturel ou partisan n'a pas à faire l'objet d'une réflexion de la part de l'un ou de l'autre de nos invités. Ce serait plus approprié de demander au ministre qui, lui-même, est élu et a le rôle politique d'administrer un programme comme celui-là. Toutefois, vos premières questions sont tout à fait pertinentes.
M. Marsan: J'accepte vos commentaires, M. le Président. Je vais reformuler ma question: Pourquoi aller si vite dans ce programme-là?
M. Brind'Amour (Jacques): Je vais vous répondre. Je n'étais pas le sous-ministre responsable du ministère à l'époque. Ce n'est pas un facteur déterminant, mais c'est un facteur circonstanciel. Mais j'ai quand même été impliqué dans les discussions entourant la mise en place de ce programme.
Pourquoi aller si vite? Je pense que c'est essentiellement pour les raisons que je vous ai dites dans mon exposé de départ. Il y avait une constatation que le taux de création d'entreprises était très faible. Il faut se rappeler qu'on est en 1994 et que les données dont on dispose sont celles de 1992, au point de vue des données concernant les PME. Si vous regardez la courbe, tout à l'heure, vous voyez qu'on est à zéro. Alors, on se dit: Une province qui avait connu un tel succès d'entrepreneurship tout le long des années quatre-vingt, tout à coup, on constate qu'il y a un problème sérieux de création d'entreprises. Vers où on s'en va, sachant que les PME sont créatrices nettes d'emplois dans l'économie, si on ne soutient pas le développement rapide de nombreuses PME? On va avoir un problème de création d'emplois et, donc, on va avoir de la difficulté à aider ce qu'on appelait tout à l'heure les économiquement faibles, c'est-à-dire les chômeurs, les assistés sociaux et les étudiants qui veulent travailler, à se trouver un emploi.
Comme les grands secteurs d'activité sont à la rationalisation c'était le cas déjà, les pâtes et papiers, et tout ça toutes celles qui étaient de grandes entreprises qui pouvaient être susceptibles de les employer n'étaient pas nécessairement au rendez-vous rapidement. Elles le sont maintenant. On voit que la reprise a stimulé tout ça. Mais elles ne l'étaient pas à l'époque. Donc, il fallait permettre à des individus qui avaient le goût d'entreprendre, mais qui n'en avaient pas les moyens, de le faire.
Et rapidement, pourquoi? Parce que la situation était, du point de vue gouvernemental, assez critique en termes d'évolution. Vous vous souvenez qu'en 1992 le gouvernement avait lancé un plan de relance. Dans le plan de relance, il y avait le Fonds décentralisé de création d'emplois et il y avait d'autres mesures. Ces mesures étaient en place, mais elles tardaient à produire des résultats, pour les raisons que je vous ai dites tout à l'heure: la consommation n'était pas au rendez-vous; les taux d'endettement des ménages étaient très élevés, le taux d'épargne des ménages était donc très faible. Donc, les gens ne consommaient pas.
Si vous vous rappelez, il y a trois ou quatre ans, on disait aux gens: L'économie reprend, il n'y a pas de problème. Ils ont regardé les statistiques, la consommation n'était pas au rendez-vous. On interrogeait les consommateurs, puis ils disaient: On a un doute. Tout à coup que ce ne serait pas vrai; tout à coup que ce serait seulement pour quelques mois puis qu'on retomberait dans cette situation-là. Donc, pour ce qui était des achats de biens durables ou la consommation courante, c'était très faible. Donc, je pense que c'était ça, cette appréciation d'une situation qui demande une réaction rapide et d'urgence. Donc, c'est dans ce contexte-là qu'on a agi.
Quand on a rencontré l'Association des banquiers, le problème de mettre en oeuvre rapidement ne posait pas vraiment de difficultés. Eux-mêmes constataient qu'ils avaient quelques difficultés à faire des prêts, parce que les gens venaient les voir, avaient de bonnes idées, mais avaient peu de garanties à offrir. Eux-mêmes, je pense, étaient très satisfaits d'avoir une occasion de pouvoir faciliter la relance de l'économie.
M. Marsan: Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Marsan. Vous comprenez, évidemment, la question que j'ai soulevée tout à l'heure, M. Marsan, concernant l'imputabilité de nos témoins, imputabilité qui ne peut être qu'administrative et non pas politique, puisqu'ils ne sont pas élus pour faire le genre de travail qu'ils font. Mais je pense qu'ils préfèrent, moi, ne pas être élus pour faire le travail qu'ils font.
M. Côté, député de La Peltrie, suivi de M. Robert Benoit, député d'Orford, M. Laprise, Roberval, et Mme Barbeau.
Nombre de femmes et d'étudiants bénéficiaires du programme
M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à cette commission, M. Brind'Amour ainsi que M. Roquet et toutes les personnes qui vous accompagnent. Alors, nous sommes réunis ici aujourd'hui pour examiner ou encore regarder la gestion d'un programme qui avait été mis sur pied à l'automne 1994.
Moi, j'en retiens beaucoup de votre conclusion, M. Brind'Amour, lorsque vous dites que le programme, quand même, il faut regarder aussi les points positifs du programme qui a généré pour plus de 1 000 000 000 $ et que, par rapport à 390 000 000 $ de garanties de prêt... que, pour chaque dollar qui provient du programme, il y a des investissements de 1,42 $. Puis aussi lorsque vous comparez, au fond, les dépenses gouvernementales pour créer des emplois ou créer une entreprise par rapport à d'autres programmes, je pense qu'il y a des points à retirer qui sont positifs de ce côté-là, et c'est des données qu'on n'avait pas nécessairement.
Le programme, aussi, vous mentionnez qu'il y a 13 000 personnes qui ont pu devenir actionnaires d'une entreprise. Dans ces personnes-là, il y a des hommes, bien entendu, mais il y a des femmes aussi, puis, particulièrement, je pense qu'il y a le volet étudiants, le volet jeunes étudiants entrepreneurs qui... Moi, j'aimerais savoir, pour ce volet-là, c'est une de mes premières questions: Combien il y a eu de femmes qui ont bénéficié de ce programme-là, par rapport aux 13 000, et puis combien aussi de jeunes étudiants entrepreneurs ont pu également bénéficier de ce programme-là puis sont encore, aujourd'hui, en affaires, si vous voulez? Alors, ce serait ma première question.
Le Président (M. Chagnon): Oui, M. Brind'Amour.
M. Brind'Amour (Jacques): Oui. Merci. Il y a eu effectivement tout près de 25 % des promoteurs qui étaient des femmes. Donc, sur les 8 700...
Le Président (M. Chagnon): Vingt-cinq pour cent des demandes de prêt étaient des femmes qui avaient demandé?
M. Brind'Amour (Jacques): C'est ça, oui.
M. Roquet (Louis-L.): C'étaient des femmes qui étaient actionnaires majoritaires et qui sont actionnaires majoritaires.
M. Côté: Qui ont été accordés à des femmes, 25 %.
M. Brind'Amour (Jacques): Pour ce qui est du volet étudiants, il y a eu un peu plus de 1 300 étudiants qui ont bénéficié de ce volet.
Une voix: Dix pour cent.
M. Brind'Amour (Jacques): À peu près 10 %, oui.
Je pense que, dans le cas des femmes, ça doit correspondre assez bien à nos données habituelles qu'on a dans nos programmes. Un peu plus fort. Un peu plus fort, peut-être, oui. Dans le cas des étudiants, peut-être préciser ce qui est intéressant. C'est qu'on avait une petite mesure d'accompagnement, c'est-à-dire qu'on pouvait rembourser une partie du prêt étudiant qu'ils auraient dû assumer la première année ou s'ils n'avaient pas eu un emploi. Alors, ayant un emploi et en créant une entreprise, ils pouvaient bénéficier de cette mesure-là. Ça a été un incitatif intéressant parce que, effectivement, il y a 1 300 étudiants qui se sont prévalus de la mesure.
M. Côté: Vous n'avez pas de statistiques concernant le 20 % des entrepreneurs féminins qui...
M. Brind'Amour (Jacques): Vingt-cinq pour cent.
M. Côté: Vingt-cinq pour cent? Aujourd'hui, dans ce 25 % qui sont disparus, est-ce que c'est proportionnel à l'ensemble ou si...
M. Roquet (Louis-L.): Ça doit, parce que ces données-là sont basées sur des relevés qui ont été faits en mars, avril. Alors, il ne doit pas y avoir de distorsion importante. Mais on ira chercher les mêmes informations l'an prochain. On a l'intention de faire le suivi du programme de la même façon pour pouvoir commencer à avoir de l'historique dessus et voir effectivement si le taux, par exemple, de déperdition des entreprises est égal ou comparable.
M. Côté: Autant dans le volet étudiants jeunes entrepreneurs?
M. Roquet (Louis-L.): Oui.
M. Côté: Bon.
M. Brind'Amour (Jacques): Dans le cas des femmes, entre nous, ce qu'on a souvent remarqué dans nos analyses, c'est qu'elles exerçaient des gestions assez serrées des entreprises qu'elles avaient. Alors, c'est pas impossible qu'après quelques années il y en ait un pourcentage relatif supérieur.
Soutien offert aux entreprises
M. Côté: Bon. On mentionne beaucoup aussi, dans le rapport du Vérificateur, entre autres, l'insuffisance de soutien qui a été accordé au niveau de l'ensemble des entreprises en démarrage. Par contre, vous, dans votre présentation ce matin, vous dites que le ministère estime qu'un soutien adéquat aux entreprises était disponible dès le début du programme. Est-ce que c'est le même soutien qu'on doit apporter à des entreprises en termes de support au niveau technique ou encore de conseils? Lorsque vous parlez que vous estimez que ce soutien-là, il était adéquat et il était déjà là, en place, au moment du démarrage du programme, alors que ça semble avoir été une faiblesse, puisque, deux ans après, vous avez dégagé une enveloppe de 2 500 000 $ pour, justement, venir en aide particulièrement aux jeunes entrepreneurs, en termes d'accompagnement et de soutien, avec un meilleur suivi... Quel était au départ le soutien que vous pouviez apporter à ces entrepreneurs-là?
(10 h 40)
M. Brind'Amour (Jacques): D'abord, ce qu'il faut comprendre, c'est que, lorsqu'on a mis en place ce programme, on a été dès le départ préoccupés. On ne pensait pas qu'il y aurait un volume de 10 000 entreprises en sept mois, ou de 7 000 entreprises, mais on savait qu'il y aurait un volume au niveau des demandes d'information. Donc, dès le départ, on a mis en place un système d'information j'en ai parlé dans mon exposé et nos bureaux régionaux ont reçu toutes les informations requises pour être en mesure de bien informer les gens.
M. Côté: Donc, c'était plus un système d'information, en termes de soutien.
M. Brind'Amour (Jacques): Au départ.
M. Côté: Au départ.
M. Brind'Amour (Jacques): Au départ, oui. Dans le premier mois, il y a beaucoup de gens qui ont appelé pour dire, comme toujours: C'est quoi, le programme? On a vu ça dans les journaux. Comment ça marche? À qui je m'adresse? Est-ce que c'est... Bon. Et qu'est-ce que ça veut dire... Beaucoup de gens disent: C'est quoi, une caution? C'est quoi, une garantie? C'est quoi, etc. Bon.
Le Président (M. Chagnon): C'est quoi, un plan d'affaires?
M. Brind'Amour (Jacques): C'est quoi, un plan d'affaires? Effectivement, oui. Donc, il y a eu, pendant le premier mois, un système d'information qui a permis de livrer rapidement ces informations-là et on a, au cours des mois, distribué 25 000 plans d'affaires pour expliquer aux gens comment on fait ce plan d'affaires là. Ça, c'est la première chose. Les commissaires industriels, les SAJE, la SQDM aussi ont été rencontrés, ont été mis à contribution pour assurer de l'encadrement de départ pour s'assurer... Vous savez que les SAJE, c'est un de leurs principaux mandats d'aider les jeunes à monter des plans d'affaires; ils font ça dans toutes les régions.
On ne l'a pas mentionné tout à l'heure probablement parce qu'on est modestes mais, à l'intérieur du ministère, on avait également mis un autre système de référence. C'était un système de référence pour les entreprises qui, après une première réaction à cette information, disaient: Ah! Dans le fond, ce n'est peut-être pas pour moi. On avait aussi un système de référence pour prendre ces entrepreneurs-là et les amener vers d'autres sources de financement ou leur faire connaître aussi d'autres sources de financement, qu'elles soient québécoises, fédérales, ou municipales, ou d'entreprises privées. Donc, on a fait ça. Là aussi, je pense, on a eu à un moment donné plusieurs personnes qui ont dû travailler sur ça pour répondre aux demandes. Donc, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on a eu un mauvais système.
Ce qu'on a fait au bout de deux ans, quand on parle de 2 500 000 $, c'est qu'on a ajouté au budget des SAJE, parce que les SAJE connaissent une popularité incroyable. Ce qu'on a fait pour eux, on leur a dit: Écoutez, vous avez déjà un volume. Il y en a qui ont de très grands territoires. Il y a peut-être des députés ici qui sont dans des régions où les territoires sont grands. Imaginez-vous, je ne sais pas, moi, deux... Bien...
M. Côté: Ungava. Ha, ha, ha!
M. Brind'Amour (Jacques): ...vous êtes en Ungava, je pense. Imaginez-vous deux ou trois SAJE dans des régions l'Abitibi, et tout ça qui sont très grandes: les gens sont débordés rapidement, ils ne sont pas capables de donner facilement le service éloigné. Alors, ce qu'on a fait avec eux, on a ajouté un budget de 2 500 000 $ pour permettre à ces gens-là d'engager la valeur d'une autre personne/année ou une demi-personne/année pour pouvoir répondre à ces mandats de mise en place de plans d'affaires des jeunes. C'était vrai pour le plan Paillé; c'était vrai aussi, de façon générale, pour les programmes réguliers.
M. Côté: Mais pourquoi n'avez-vous pas mis, au départ, justement, un programme de soutien particulier à ces jeunes entrepreneurs là? Parce que ces entreprises en démarrage, lorsqu'on sait qu'une entreprise qui démarre, qui n'a pas de soutien au niveau technique ou autre et puis qui ne passe pas par un incubateur d'entreprise, à l'intérieur de cinq ans, je pense qu'il en reste, si ma mémoire est fidèle, aux alentours de 20 %, de ces entreprises-là. Donc, ça, c'était connu déjà. Pourquoi, en mettant un tel programme sur pied, qui s'adressait justement à des gens qui pourraient partir une entreprise et qui n'avaient pas l'expérience voulue... Quelles sont les raisons qui ont fait que ça n'a pas été mis en même temps, ça, au départ? Parce qu'il me semble, moi, que c'était crucial, ça.
Le Président (M. Chagnon): Problème de support.
M. Brind'Amour (Jacques): Bien, comme je vous dis, au départ, si on a réussi à expédier 25 000 guides Comment faire un plan d'affaires , c'est parce qu'on avait des gens à qui on avait parlé et qui ont dit: Ça nous intéresse. Quand je vous dis que, dans le premier mois, il y a eu 15 000 demandes d'information, ce n'est pas seulement quelqu'un qui appelle et à qui on dit: On va vous envoyer le formulaire, merci beaucoup. On lui expliquait le formulaire, et tout ça. Donc, on le mettait en condition.
Par la suite, la gestion du programme n'étant pas faite à l'intérieur du gouvernement, c'était un peu normal que ces gens-là, une fois qu'ils avaient monté leur plan d'affaires, se rendent chez leur banquier. S'ils étaient venus nous voir à nouveau, on aurait été obligés de leur dire: Bien, cher ami, allez chez votre banquier, votre plan d'affaires est satisfaisant.
Là je vous réponds de façon générale. Probablement que, si j'avais ici les 16 directeurs régionaux du MICST, ils vous expliqueraient: Non, non, non. Ça a été beaucoup plus... On en a une qui est une ancienne, ici, de la région de Québec, et qui pourrait peut-être en parler. Mais ça a été beaucoup plus actif, ce qu'ils ont fait. Ils ont rencontré les entreprises, et tout ça. Je vous disais que les SAJE et les commissaires industriels ont été impliqués. La SQDM a dit: S'il y en a qui ont des problèmes de formation, à savoir comment on monte une entreprise, etc., on peut le donner.
Donc, ma réponse générale, c'est ça que je vous dis. Ma réponse particulière, ce seraient probablement les acteurs sur le terrain qui pourraient le mieux répondre. Je ne sais pas si Mme Ellefsen aurait quelque chose à ajouter sur ça?
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous auriez l'obligeance de vous nommer avant de parler, s'il vous plaît, pour le bénéfice du technicien qui s'occupe de la captation de nos propos?
Mme Ellefsen (Christine): Oui. Je suis Christine Ellefsen. Je suis secrétaire du ministère, mais mon intervention se situe beaucoup plus en tant qu'ancienne directrice régionale pour la région de QuébecChaudière-Appalaches.
Ce que je peux vous dire, c'est qu'au temps où la mesure du plan Paillé a été mise en place pour les bureaux régionaux on a donné à ces gens-là un service technique d'aussi bonne qualité et aussi pressant qu'on puisse donner à tout entrepreneur qui s'adresse à un bureau régional.
C'est certain, par contre, que ces jeunes-là, en grande partie, avaient des besoins plus particuliers d'accompagnement. M. Brind'Amour vous l'a dit, on a dans chacune de nos régions des SAJE. Ces SAJE font l'accompagnement des jeunes qui démarrent en affaires. Normalement, c'est pour la clientèle des 18-34 ans. Avec eux, de concert, dans quelques régions, dont Chaudière-Appalaches, on a fait des groupes d'appui pour les accompagner dans les fonctions simples de gestion d'entreprise, parce qu'on s'est aperçus, effectivement, que ces besoins-là étaient... Ils n'étaient pas aussi aguerris qu'un entrepreneur normal. Et, à leur demande, quand ils ont manifesté le besoin d'être renseignés sur comment faire un plan d'affaires, on a fait des groupes d'appui.
Il y avait aussi, dans chacune des régions, la SQDM qui déjà avait ce qu'on a appelé la mesure... qui était une mesure d'accompagnement très élaborée, où les jeunes étaient vraiment dans un encadrement quasiment quotidien de leur démarche. Alors, ce que je peux vous assurer, en tout cas, c'est que je pense que les jeunes qui sont partis en affaires pouvaient déjà compter sur un réseau bien établi et que la mesure d'appui qu'on leur a donnée a été, à tout le moins, aussi bonne que dans un temps normal, mais que, même en sus, on a, dans certaines régions dont la région de Québec développé des mesures.
M. Côté: Après deux ans, le soutien d'accompagnement que vous avez mis sur pied avec les SAJE encore plus, est-ce que vous vous êtes aperçus d'un changement par la suite, au niveau de ces entreprises qui bénéficiaient du programme? Est-ce qu'il y a eu une évaluation de faite à l'effet qu'à partir du moment où vous leur avez accordé un plus grand support ou un meilleur accompagnement, par l'intermédiaire de SAJE étant donné que SAJE avait une enveloppe supplémentaire est-ce que vous avez pu évaluer un certain changement de la part du fonctionnement ou de la gestion de ces entreprises-là?
Mme Ellefsen (Christine): Je pense que ce qui est garant de la qualité de l'encadrement qui a été donné par les SAJE, c'est le niveau de pérennité des entreprises. Je peux vous dire que, dans plusieurs cas, les jeunes sont venus chez nous avec des difficultés et qu'après un an, suite à notre encadrement puis aux mesures qu'on a mises en place avec eux, ils ont réussi à passer à travers la fameuse première année. Ça, je pense que c'est le meilleur gage.
M. Côté: Donc, il y a des résultats qui sont palpables.
Mme Ellefsen (Christine): Tout à fait.
Vérifications auprès des institutions financières
M. Côté: Peut-être une dernière question; je veux laisser aussi à mes collègues l'opportunité d'intervenir. Dans le rapport du Vérificateur général, on dit aussi que la SDI prévoyait vérifier par échantillonnage les dossiers des prêteurs, et ce, notamment pour tous les critères d'admissibilité. Dans le rapport du Vérificateur général, on dit: Ce qu'elle n'a jamais fait, même si le règlement du programme l'autorise à demander des informations aux institutions financières. Est-ce que, réellement, ça n'a pas été fait du tout? Puis est-ce que, réellement, c'était prévu dans votre mandat?
M. Roquet (Louis-L.): Je crois que c'est une erreur qui s'est glissée dans le rapport du Vérificateur général. La SDI est allée vérifier dans toutes les succursales d'institutions financières à travers le Québec qui avaient fait 20 prêts du plan Paillé ou plus, tous les dossiers. La raison pour laquelle nous avons choisi ce critère-là de 20 prêts Paillé et plus, c'est qu'on se disait: Il ne faut quand même pas qu'il y ait une couple de succursales d'institutions financières qui deviennent des fabriques à beignets, et on veut s'assurer qu'elles gèrent ces prêts-là vraiment sur une base individuelle et étudiée.
(10 h 50)
Nous avons retenu les services de deux banquiers d'expérience. Un des deux, si je me souviens bien, était directeur régional de la Banque de Montréal, récemment à sa retraite, à Montréal. Ils se sont introduits, avec l'assentiment des institutions financières, dans les succursales ou dans les caisses populaires et ils ont vérifié, sur le site, 400 dossiers, un après l'autre. Sur ces 400 dossiers, ils nous ont fait un rapport qui était un rapport en termes de rigueur et de qualité des dossiers qui étaient là, non pas sur chaque projet en disant: Ça, cette teinturerie-là, c'est une bonne idée, ou quoi, mais tout simplement en disant: Ces dossiers-là, ils sont gérés comme il faut, les documents sont là, les preuves sont à l'appui, etc. L'opinion qu'ils nous ont donnée après la vérification de ces quelque 400 dossiers était que les institutions financières faisaient leur travail conformément à leur pratique habituelle en ce genre de matière.
M. Côté: M. Roquet, peut-être en supplémentaire. Le 25 janvier 1997, vous aviez déclaré que: «La SDI étouffe dans le cadre gouvernemental avec la loi qui la régit et a besoin d'un style de gestion financière.» Est-ce que cette situation-là, effectivement, avait un lien qui pouvait vous empêcher d'intervenir comme il se devait au niveau de ce programme?
M. Roquet (Louis-L.): Non, pas vraiment. C'est davantage parce que ce programme-là est un programme qui est très, très normé. Je veux dire, c'est un programme conjoncturel, donc un programme normé. Quand je parlais du cadre, je parlais davantage du fait que nos programmes réguliers sont, eux aussi, encore très encadrés et qu'il y a plusieurs situations où nous sommes convaincus que nous pourrions aider les entreprises, et nous ne pouvons pas le faire à cause du cadre dans lequel on fonctionne. C'est beaucoup plus sur la base de nos programmes réguliers, de notre activité régulière.
M. Côté: Donc, ce n'est pas particulièrement sur ce programme.
M. Roquet (Louis-L.): Non, non, ça n'a rien à voir avec le plan Paillé.
M. Côté: Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Côté. M. Benoit, d'Orford.
Secteur de la restauration
M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président, M. Roquet et M. Brind'Amour. J'entendais M. Brind'Amour répéter les paroles du ministre qui disait: Le programme fut un grand succès, bien sûr, à partir des sommes d'argent qui sortaient. Ma déformation d'homme d'affaires m'amène à penser qu'on peut rarement parler d'un grand succès quand l'argent sort. On parle d'un grand succès quand l'argent rentre!
J'aimerais, d'une façon particulière, m'attaquer aux pages 137 et 138 du rapport du Vérificateur général du Québec et à tout le secteur de la restauration, et essayer de comprendre la logique qu'il y a eu en arrière des sommes d'argent que vous avez pu prêter dans une industrie dont, à l'époque, vous avez été avisés par les différents regroupements d'hôteliers, de «bed-and-breakfast», d'hôteliers vous disant: N'allez pas dans ce secteur-là. D'une façon débridée je vais donner des chiffres vous y avez touché et ça a eu des répercussions. Non seulement vous n'avez pas créé d'emplois dans ce secteur-là, non seulement vous n'avez pas aidé l'économie, mais vous lui avez nui. Et c'est le Vérificateur qui nous donne des chiffres. Si on avait les chiffres d'aujourd'hui, quand vous nous disiez un peu plus tôt, M. Brind'Amour: Si on pouvait faire la même commission dans trois ans, moi, je vous dis: Si on pouvait faire cette commission-là avec les chiffres d'aujourd'hui dans le cas de la restauration, ce serait rien qu'un peu plus pire que ça ne l'est au moment où le Vérificateur écrit ces chiffres.
Je vous donne quelques chiffres. Entre 1989 et 1995, il y aura une augmentation du nombre de restaurants au Québec de 31 %. Tout le monde vous le dit, ça. Tout le monde le sait. L'industrie touristique, tout le monde le dit, ça n'a plus de saint maudit bon sens, le nombre de restaurants. Des villes de 15 000 de population sont rendues avec 62 restaurants. Les villes sont obligées de faire des règlements de zonage pour empêcher de nouveaux restaurants de s'installer. C'est débridé complètement. Le plan Paillé arrive, et puis là vous allez embarquer là-dedans, vous allez mettre plus d'argent dans le secteur des restaurants. Toutes proportions gardées, il y a un chiffre d'affaires de 4 900 000 000 $. Si on prend un pourcentage, puis tout ça, vous allez aller jusqu'à 250 000 000 $ dans le secteur du commerce au détail, mais d'une façon particulière dans la restauration. Et puis là on s'aperçoit que le nombre de jobs va se mettre à chuter. On va passer... Alors là, il y a des faillites, c'est bien sûr, il y en a bien trop. Alors là, on va connaître une décroissance du nombre de restaurants et, pire que ça, les emplois vont passer de 110 000 à 103 000 à la grandeur du Québec.
Je peux vous donner des cas précis où des institutions, des restaurants qui étaient des institutions dans leur milieu ont chuté parce qu'on a permis à trois ou quatre casse-croûte à côté d'ouvrir. Et puis, finalement, non seulement vous n'avez pas atteint vos buts, mais vous avez été contrairement, à l'encontre de votre but. Or, moi, j'essaie de vous...
Le Président (M. Chagnon): Tu peux parler moins fort. On est réveillés, là.
M. Benoit: J'essaie de comprendre, M. Brind'Amour, comment, alors que vous avez eu des avis de tout le monde, alors que le PIB n'était pas là pour supporter la croissance de la consommation... Vous nous avez parlé de la croissance de la consommation, en Ontario, de 4,2 %. Si on prend les chiffres actuels, au Québec, on est à 2,2 %; on était à 1,2 %, en 1996; 1,8 %, en 1995, versus 3 % en Ontario. On est toujours à peu près deux points de moins si on se compare au PIB avec l'Ontario.
Tous les indices que vous aviez, tous les avis que vous avez eus vous ont dit: Attention, n'allez pas dans ce secteur-là. Il faut aller dans les régions touristiques pour voir la multiplication des «bed-and-breakfast». Dans North Hatley, on me disait il y a quelques jours que nous sommes rendus à 17 «bed-and-breakfast». Le dernier vient d'investir 700 000 $ dans son «bed-and-breakfast». Je peux tout de suite vous dire qu'il ne fera pas plus loin qu'un an dans son «bed-and-breakfast». Où est-ce qu'on arrête ça, là? Qui c'est qui a pris ces décisions-là? Ça n'a pas de saint maudit bon sens!
Alors, la question que je vous demande, c'est: Comment ça se fait que tous les indices, tout le monde vous l'a dit vous vous êtes jetés dans ce secteur de la restauration et vous avez, par ricochet, fait fermer des institutions dans ce secteur-là pour permettre à d'autres d'ouvrir, qui, eux, vont végéter et probablement pas aller très, très loin parce qu'ils ne connaissaient pas le milieu, puis on ne s'improvise pas restaurateur?
Le Président (M. Chagnon): Bon. M. Brind'Amour.
M. Brind'Amour (Jacques): Bien, dans votre question, il y a deux aspects. Le premier aspect, vous me parlez de la pertinence. Vous me dites: Le gouvernement a décidé d'aller dans tout secteur; il aurait dû exclure la restauration, et certaines associations ou organismes lui ont suggéré de le faire. Alors là, vous m'interrogez sur la pertinence et je vais vous répondre ce que j'ai répondu tout à l'heure. Ce n'est peut-être pas une réponse qui vous convient, mais c'est la seule que je puisse vous donner: C'est que la pertinence a été prise par le gouvernement et c'est à l'intérieur de certaines balises que nous avons eu à agir. Bon. Si on regarde les données statistiques, on a fait, dans le domaine de la restauration et de l'hébergement, 657 prêts. Alors, 6,2 % des prêts de l'ensemble se sont faits dans ce secteur-là. La moyenne des garanties de prêt qu'on a faites dans ce secteur-là est de 24 000 $. Là, c'est sûr qu'on n'a pas créé, avec 24 000 $, des restaurants d'une façon... Bon. Il y a d'autre monde que nous qui a mis des sous.
Je vous ai dit tout à l'heure que, dans ce secteur-là en particulier, les banques ont agi de façon prudente. Sachant que c'est des secteurs où le taux de réussite peut être plus faible que dans d'autres, elles ont exigé des promoteurs des mises de fonds, en moyenne, de 68 000 $ alors que la moyenne était de 29 000 $. Donc, nos garanties étaient autour de 25 000 $, ça représente 6,2 % des prêts, et les banques ont exigé des mises de fonds.
Sur la pertinence, je vous réponds: Sur ces données-là, c'est les conséquences que je constate. Alors, je ne peux pas aller beaucoup plus loin que ça.
M. Benoit: M. Brind'Amour, reconnaissez-vous que le nombre de restaurants dans cette période-là a augmenté de 31 %? Que leur chiffre d'affaires a baissé de 21 %? Que les emplois que vous étiez supposés créer parce que c'était le but du plan Paillé, c'était le but préréférendaire de créer des jobs, pétage de broue préréférendaire vous allez passer l'emploi de 110 000, dans le secteur de la restauration au Québec, à 103 000? Êtes-vous d'accord avec ces chiffres-là?
M. Brind'Amour (Jacques): Si c'est des données de Statistique Canada que vous sanctionnez, oui.
(11 heures)
M. Benoit: C'est les données du Vérificateur général du Québec. Je pourrais vous en donner d'autres de toutes sortes d'associations, mais je ne veux pas qu'on s'en aille partout avec toutes sortes de documents. Je m'en tiens au document du Vérificateur général du Québec.
M. Brind'Amour (Jacques): Écoutez, je ne vous répondrai pas sur la question plus politique que vous soulevez, elle ne me regarde pas. Je ne vous répondrai pas non plus sur le contexte de l'époque. Je voudrais peut-être simplement vous signaler que la restauration, c'est un secteur dynamique qui évolue chaque jour et que le plan Paillé, ce n'est pas lui qui a nécessairement changé la dynamique de tout le secteur de la restauration au Québec. On a fait, en deux ans à peu près, 657 prêts, en moyenne, de 24 000 $. On n'a sûrement pas suscité un changement significatif dans les 100 000 emplois qui existaient dans ce secteur-là. Donc, je pense que je vais vous revenir à mes chiffres parce que je pense que c'est le plus loin que je peux aller. Dans la mesure où il y a eu une décision qui a été prise, dans la mesure où les banques se sont comportées de façon responsable, dans la mesure où elles ont eu des exigences plus fortes là-dedans, je pense que tout le monde a essayé de bien faire en sorte qu'on ne provoque pas de substitution d'emplois ou de pertes.
Maintenant, si un entrepreneur vient nous voir je vais revenir à l'exemple de la boulangerie de tout à l'heure «nous» étant, en l'occurrence, dans ce cas-là, les banques, et dit: «Moi, ça fait 10 ans que je connais le secteur de la boulangerie, je pense qu'il y a un marché pour la boulangerie fine. Je suis prêt à faire des mises de fonds là-dedans. Tout ce dont j'ai besoin, c'est d'un complément de fonds de type cash-flow parce qu'il n'y a pas de caution pour me permettre de souffler, et je suis sûr que, au bout de quelques mois, j'aurai engagé trois personnes et que ça va marcher très fort» si la banque lui dit: «Bien, ton plan d'affaires que tu me présentes a l'air intéressant. Effectivement, dans ta région, pour un marché local, avec le volume de vente que tu prévois, il semble y avoir quelque chose qui existe là qui n'est pas couvert et qui ne semble pas être couvert, d'ailleurs. Tente ta chance», bien, ça ne veut pas dire qu'il va fermer un autre commerce, ça veut peut-être dire qu'il va réussir ou qu'il ne réussira pas. Mais, à partir de là, on appartient à l'évolution de l'économie, vous en conviendrez avec moi. S'il y a 31 «bed-and-breakfast» ou 13 «bed-and-breakfast» à North Hatley, ce n'est sûrement pas le plan Paillé qui les a tous créés, il doit y avoir quelqu'un, quelque part, qui a décidé d'investir et qui pense à ça.
Le Président (M. Chagnon): Surtout à 700 000 $ l'unité.
M. Brind'Amour (Jacques): Non, je ne penserais pas.
M. Benoit: Oui. Je voudrais...
Le Président (M. Chagnon): Robert.
M. Benoit: ...juste finir. Reconnaissez-vous, M. le sous-ministre Brind'Amour que, effectivement, à la SQDM, au MICST... À l'article 6.20 du programme du Vérificateur général, à la page 137, il nous indique que ces organismes-là ne reconnaissent pas comme prioritaire pour la création d'emplois et la dynamique économique dans le Québec... Comment se fait-il que le plan Paillé, lui, va aller à l'encontre de ces sages, finalement, qui lui disent: Ne touchez pas à ce secteur-là? Notre président nous disait un peu plus tôt ce matin que, finalement, le plan Paillé, dans certains secteurs, a...
Des voix: Cannibalisé.
M. Benoit: Oui, je vais vous...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: Je vois qu'il n'y a personne d'endormi, les gens participent bien à mon énoncé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: C'est parfait, ça, je vous félicite. Alors, vous comprenez très bien le point de vue que j'essaie d'énoncer. Et ça, ça me fait peur parce que, à chaque fois pour avoir été en affaires 25 ans que le gouvernement se met le nez dans un secteur, plus souvent qu'autrement, il défait la balance naturelle des entreprises entre elles dans des secteurs, et c'est exactement ce qui est arrivé dans le secteur de la restauration. Cette saine compétition, ce sain balancement où c'est tes piastres, c'est toi qui prends le risque, c'est tes parents qui t'ont aidé un petit peu, c'est le voisin qui a endossé, soudainement, tout ça, ce balancement se défait, et puis là on se ramasse dans une situation où non seulement on n'a pas créé d'emplois, on a des gens malheureux à peu près partout et on passe de 110 000 jobs à 103 000 jobs dans la restauration, alors que tout le monde, incluant nos organismes gouvernementaux, nous avait dit de ne pas toucher à ça.
M. Brind'Amour (Jacques): Dans tous les pays industrialisés, si vous lisez tous les documents de politique économique qu'il y a actuellement, vous verrez chez tous la même orientation, et c'est une orientation, dans le fond, qui est liée à une appréciation de ce qu'est l'avenir, à savoir que tout le monde pense que les nouvelles technologies et l'économie du savoir, c'est là qu'on doit aller. Et ça, c'est une perspective de moyen terme, et je pense que c'est juste. Si on regarde l'évolution, dans la région de Montréal, des technos de l'information, bio-industries, pharmaceutique, aéronautique, on voit bien que ce sont des secteurs qui vont être supporteurs de ce que sera le Québec dans plusieurs années et que, si on n'avait pas ces secteurs-là, on aurait un problème.
Ça ne veut pas dire, par contre, que dans les secteurs... Et je vous rappelle, tout à l'heure, ce que je vous disais sur l'Ontario, que la croissance de l'emploi en Ontario a été supportée par la restauration, l'hébergement, enfin les commerces de détail, les secteurs dont on dit qu'ils ne sont pas créateurs d'emplois durables et dont on dit, dans le fond, que ce sont des secteurs qui devraient être un peu laissés pour compte. C'est un peu ça qu'on dit, en ce sens qu'on dit: Bien, on ne retrouve pas là des secteurs dynamiques, et tout ça. Moi, je ne partage pas...
Le Président (M. Chagnon): ...
M. Brind'Amour (Jacques): Pardon?
Le Président (M. Chagnon): Il y a une différence entre l'Ontario et le Québec pour les mêmes strates conjoncturelles, c'est-à-dire le même temps observé. C'est que tu as une augmentation importante de la population de l'Ontario que tu ne retrouves pas au Québec, alors, évidemment, tes services, le nombre de restaurants, ou de boutiques de fleurs, ou de n'importe quoi qui augmentent, eh bien, correspondent à un besoin.
M. Brind'Amour (Jacques): Il y a un consommateur pour... Oui, je suis d'accord avec vous. Ce que je veux dire surtout, c'est que ce n'est pas des secteurs qu'on doit négliger. Je rappelais tout à l'heure les taux de scolarisation qui sont assez faibles pour les jeunes, et tout ça. C'est préoccupant, ça. Si vous faites une stratégie industrielle dans laquelle vous n'en avez que pour l'aéronautique, le pharmaceutique et les technologies de l'information, bien, vous allez avoir un problème de taux de chômage très élevé très longtemps parce qu'il y a une partie de la population qui va être complètement exclue. Je pense, d'ailleurs, que les gouvernements, ici et ailleurs, commencent tranquillement et, quand je parle des gouvernements, je parle des administrations publiques aussi à se rendre compte que, à force de centraliser nos efforts de stratégie industrielle sur les quelques secteurs forts, il y a une partie qu'on n'arrive pas à vraiment canaliser.
Moi, je salue les efforts d'Intrawest, mais les efforts d'Intrawest, c'est dans le récréotouristique, là. Donc, c'est un secteur important. Je le voyais dans les journaux encore hier, ils vont créer, dans d'autres villes à côté, d'autres types d'activités qui vont se développer, et probablement qu'il y aura des services qui vont venir, qui sont du commerce de détail, qui sont des marchands de ci et de ça, pour soutenir une population qui va être là. Donc, je ne pense pas qu'il faut négliger... Et peut-être que notre sagesse n'a pas été totale. Mais, je reviens encore sur mes chiffres, on a donné des garanties de prêt, en moyenne, de 24 000 $ dans ces secteurs-là. Je ne pense pas qu'on a fait un effort particulier pour que ce secteur-là devienne le secteur du plan Paillé.
Le Président (M. Chagnon): M. Breton, vous vouliez ajouter quelque chose.
M. Breton (Guy): M. le Président, je voudrais revenir sur la petite erreur qu'a soulignée M. le président de la SDI tout à l'heure par rapport aux inspections. J'attire votre attention sur l'article 6.50 dans lequel, justement, on disait que la SDI prévoyait vérifier par échantillonnage les dossiers de prêteurs, notamment pour tous les critères d'admissibilité, ce qu'elle n'a jamais fait, parce que c'était dans son règlement et que, d'autre part, il y a eu effectivement des visites systématiques dans toutes les entités où il y avait au-delà de 20 prêts. Et c'est signalé à 6.58 où on dit que, à la suite de cas de fraudes ou d'irrégularités portés à l'attention de la SDI, elle a fait une vérification de quelque 400 dossiers, justement parce qu'une cause extérieure l'a incitée à le faire et non pas parce que le règlement demandait systématiquement de le faire. Et c'est la petite distinction que je voulais faire entre les deux.
Le Président (M. Chagnon): M. Roquet.
M. Roquet (Louis-L.): Le Vérificateur général présume de nos intentions.
Le Président (M. Chagnon): Non, il nous replace sur le plan de la conjoncture de la prise de décision.
M. Roquet (Louis-L.): Tant qu'il n'y a pas de lien cause à effet.
Le Président (M. Chagnon): Alors, j'ai M. Laprise.
Sujets divers
M. Laprise: Alors, comme une médaille a toujours deux côtés, il y a une dimension qui est peut-être un peu négative du programme, mais il y a également une dimension très positive, et, moi, je serai toujours d'accord...
Le Président (M. Chagnon): M. Laprise, député de Roberval. J'oubliais de signaler ça.
M. Laprise: Oui, député de Roberval, le plus beau comté au Québec qui a profité énormément du plan Paillé parce que, justement, dans nos régions, il y a des choses qu'on n'avait pas, et ça a permis à des jeunes entrepreneurs qui avaient des idées, qui étaient dynamiques et qui étaient en mesure d'apporter une contribution excessivement importante au développement économique dans la valeur ajoutée à nos richesses naturelles, dans la valeur ajoutée également dans la transformation et même dans l'exportation... On a constaté, avec ce programme-là, qu'on a développé des petites entreprises à l'exportation, ce qui a permis à des jeunes entrepreneurs, à partir de la matière première que nous avons chez nous, qui est la forêt, de développer des nouvelles entreprises de transformation où on mettait de la valeur ajoutée.
Et ma question serait celle-ci: Par exemple, les entreprises auxquelles la banque a «tiré la plug», comme on dit en bon Québécois, est-ce qu'il y en a qui ont été rachetées et des productions qui ont été continuées? Est-ce que vous avez des données dans ce domaine-là? Parce que, bien souvent, ces entreprises, l'entrepreneur est pris à la gorge, la banque tire, mais cette entreprise-là est rachetée et elle continue de produire. Je pense que c'est un suivi qu'il faudrait regarder. C'est un suivi excessivement positif et qui, sans doute, permettrait encore des retombées économiques beaucoup plus grandes que celles que nous avons connues, quoiqu'elles soient quand même très bonnes. Quand on regarde l'activité économique qui a été créée, près de 1 000 000 000 $, je pense qu'on sait qu'on a reçu au-delà du double de ce que ça a pu coûter en termes de retombées fiscales. Au niveau de ces programmes-là, j'aimerais connaître si vous avez des données dans ce sens-là. Vous n'avez pas de données. Ça viendra sans doute avec le temps.
(11 h 10)
M. Roquet (Louis-L.): Non, nous n'avons pas de données. Ce serait difficile de le faire. On pourrait le faire, mais, actuellement, la charge administrative du suivi et de la gestion des réclamations est déjà très lourde, et nous aurions de la difficulté à dégager les ressources. Ce qu'on sait, et encore-là c'est des statistiques très, très générales, c'est qu'il y a un pourcentage important des entrepreneurs qui ont fait faillite une fois, certains deux fois dont certains qui sont fameux: Walt Disney, Henry Ford, etc. qui ont fait faillite au moins une fois avant de réussir à lancer l'entreprise à laquelle on associe leur nom. Ça fait partie un peu de leur curriculum vitae et de leur cursus d'apprentissage, si vous voulez. Ce n'est quand même pas idéal. S'il y avait moyen d'avoir des entrepreneurs qui réussisent la première fois et c'est le rôle de l'encadrement et du soutien qu'on peut leur donner ça serait de beaucoup préférable, mais on ne suit pas les entreprises après le décès pour savoir ce qui arrive. Ça serait beaucoup de travail, mais ça pourrait se faire.
M. Laprise: Maintenant, quand vous dites que ça a coûté 4 500 $ par emploi créé environ... Remarquez bien, c'est un chiffre très minime quand on regarde certaines entreprises industrielles dans lesquelles les gouvernements ont participé antérieurement qui ont eu des coûts de création d'emploi de 100 000 $ et même de 1 000 000 $ par emploi créé. On a vu ça à quelques reprises. Votre 4 500 $, est-ce que ça comprend également vos pertes que vous avez faites? Est-ce que les pertes sont inclues dans les coûts?
M. Roquet (Louis-L.): L'estimé des pertes.
M. Laprise: L'estimé des pertes. Dans les entreprises qui ont été créées au niveau de la haute technologie, au niveau de l'exportation, est-ce que vous avez l'importance que ça a pu prendre dans cette démarche-là?
M. Roquet (Louis-L.): Bien, quand on a segmenté notre échantillon en deux, les entreprises qu'on appelle «gain net», qui sont essentiellement des entreprises qui offrent des nouveaux produits ou qui exportent toute leur production, une part très, très importante des nouveaux produits sont des produits technologiques en particulier, par exemple des logiciels, des progiciels, des applications spécialisées, etc., et c'est là-dessus qu'on se base, c'est sur les données des retombées économiques seulement de cet échantillon de 2 439 entreprises qu'on se base pour dire: Même si les autres, c'est tout de la substitution d'emploi, c'est un programme qui fait plus que couvrir ses frais, qui couvre ses frais une fois et demie à date.
M. Laprise: Croyez-vous que, dans ce genre de programme là, M. le président, il y aurait possibilité d'associer des partenaires, entre autres, par exemple, les municipalités? On a vu, dans Corvée-Habitation, le gouvernement avait un programme, les caisses populaires se sont impliquées dans le programme en donnant une diminution d'intérêt, et également les municipalités, nous autres, on donnait dans ce temps-là, moi, je m'en rappelle, trois ans de crédit d'impôts fonciers et on avait même mis une base, on avait diminué nos terrains de 1 000 $ par terrain, et ça a forcé l'entreprise privée à faire la même chose et à s'impliquer dans les... Vous savez que ce programme-là a été quand même très avantageux pour les jeunes qui avaient à se construire une maison.
Pensez-vous que, dans un nouveau programme, peut-être le programme Bertrand ou un autre programme, on aura l'opportunité d'associer des partenaires locaux, des partenaires de régions qui seraient des surveillants aussi, qui seraient des parrains de ces projets-là, de ces jeunes entrepreneurs là? Pensez-vous que ça serait possible? Parce que, dans le fond, l'objectif et l'esprit du programme, c'était de simplifier les choses pour de jeunes entrepreneurs. Parce que, on avait beaucoup de plaintes au cours de la campagne électorale, les entreprises nous disaient: C'est tellement compliqué, les programmes du gouvernement, on n'est pas capable d'y avoir accès. Alors, dans ce désir de simplifier, je pense qu'on a peut-être commis des impairs, mais il reste que l'objectif était quand même très bon.
M. Roquet (Louis-L.): Écoutez, je ne suis pas concepteur de programme ou responsable de la conception du programme, ce que je peux vous dire, c'est que, sur la base de l'expérience du plan Paillé, comme le soulignait le Vérificateur général, il se fait des apprentissages. Dans la mesure où la participation d'autres partenaires équivaudrait ou aurait deux impacts importants, le premier, c'est le fait de créer plus d'appui autours des entreprises naissantes. Et, le deuxième, il y a aussi un certain partage de coûts, dans le sens où le gouvernement du Québec n'est pas nécessairement le seul à assumer, mettons, la facture d'un programme comme ça, mais les différents partenaires, que ce soit en réduisant les taux d'intérêt, que ce soit en réduisant la fiscalité municipale ou d'autres avantages. Ça pourrait être intéressant aussi. Mais je pense que l'aspect le plus intéressant, c'est celui de l'entourage, du maillage autour de la nouvelle entreprise.
M. Laprise: Si vous avez à concevoir un nouveau programme, vous nous le direz, on aura des idées à vous soumettre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roquet (Louis-L.): Je pense que c'est plutôt dans la paroisse de M. Brind'Amour de faire des suggestions.
M. Laprise: Vous comprendrez que la responsabilité de la commission est aussi d'interpeller un programme. Vous savez, même si on a un côté succès en termes de développement économique, en termes d'activité économique, on se doit, nous autres, d'interpeller. Notre responsabilité est d'interpeller l'ensemble de l'administration. On a rencontré également la Régie des jeux, des courses, de la loto et des casinos, ils font 650 000 000 $ au gouvernement, mais on les a interpellés aussi parce qu'on ne concevait pas qu'il y avait peut-être, par exemple, au restaurant du Casino de Montréal, un déficit de 3 000 000 $. On a posé des questions là-dessus même s'ils avaient des profits de 650 000 000 $. Tu sais, ça ne justifie pas, là. Il faut remettre les choses à leur place. Alors, la responsabilité de la commission, c'est ça tant pour vous autres que pour les autres, tout en respectant très bien le magnifique travail que vous avez fait, puis j'ai bien apprécié votre rapport.
Le Président (M. Chagnon): Alors, merci, M. le député de Roberval. J'ai Mme Barbeau, députée de Vanier.
Mme Barbeau: Merci, M. le Président. Merci d'être ici aujourd'hui avec nous pour répondre à nos questions. Moi, je vais enchaîner parce que...
Le Président (M. Chagnon): Vous voulez enchaîner M. Laprise?
Mme Barbeau: Oui. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Barbeau: C'est un jeune veuf, hein? Il faut faire attention, on ne sait jamais.
Le Président (M. Chagnon): Oh! un jeune veuf.
Projets refusés par les institutions financières
Mme Barbeau: Bien, ça ne fait pas longtemps. Moi, j'ai beaucoup aimé ce programme-là même s'il y avait peut-être des ajustements, des choses qui ne marchaient pas tout à fait comme on aurait voulu, mais, comme M. Laprise l'a dit, depuis, en tout cas, notre élection... Moi, j'ai beaucoup, beaucoup d'entreprises dans mon comté, j'ai beaucoup de parcs industriels et de zones, j'en ai énormément je n'ai pas pu tous les faire d'ailleurs, il y en avait trop et je suis dans les premiers comtés à avoir un meilleur score en fonction de nouvelles entreprises avec ce plan-là. Je pense que ça n'a pas rapport avec la députée, parce que, à ce titre-là, le député de WestmountSaint-Louis serait un super député parce qu'il est dans les premiers, premiers.
Le Président (M. Chagnon): Vous en doutez, madame?
Mme Barbeau: Ah! je n'en doute pas, là, mais je pense que c'est plus une question géographique qu'autre chose. Ce qui nous était demandé souvent, c'est que les gens disaient: C'est plus facile d'avoir 1 000 000 $ que d'avoir 10 000 $. Puis des beaux projets, on en voyait passer chez nous. Ils venaient dans nos bureaux, puis on disait: Mon Dieu, ça ne se peut pas qu'on ne puisse pas trouver une façon de vous aider à partir ça, ce beau projet-là. Alors, moi, dans ce sens-là, je trouvais que c'était un programme vraiment accessible puis intéressant, puis il y a beaucoup de gens aussi, chômeurs, assistés sociaux, femmes au foyer, des gens sans chèque, qu'on appelle, qui ont pu partir leur petite entreprise avec ça. Moi, j'ai trouvé ça assez formidable.
Mais il y avait des problèmes. Les gens viennent nous voir quand il y a des problèmes, le plus souvent. Ils disaient que les institutions financières... Puis là, je sais, vous en avez parlé tantôt, mais j'ai peut-être manqué des petits bouts puis je n'ai peut-être pas tout à fait compris les discussions que vous avez eues avec les institutions financières. Nous, on assumait, dans le premier volet, 90 % puis 80 % dans le deuxième si je me rappelle bien. Les gens venaient nous voir puis ils disaient: Les institutions financières, elles ne veulent rien savoir, elles ne veulent pas assumer le 10 % ou le 20 %, là. Moi, je me dis: C'est quoi, les discussions que vous avez eues avec les institutions financières là-dessus? Elles ne voulaient pas pantoute prendre de risque. Moi, je trouvais ça, des fois, un peu... En tout cas, je ne suis pas une spécialiste d'institutions financières, là, mais je me disais: C'est quoi, les ententes qu'il y a eu avec le gouvernement? Elles ne prennent aucun risque.
L'autre question, bien, c'est un peu par rapport à ça aussi encore. C'est qu'ils nous disaient: La caisse nous dit que... Je dis toujours la caisse parce que j'ai beaucoup de caisses dans mon comté, mais, en tout cas, l'institution financière. C'est tout ensemble.
Une voix: ...
Mme Barbeau: Oui, c'est ça. Elles étaient plus présentes, je pense. Mais ils nous disaient: La caisse nous dit que notre projet est bon, c'est la SDI qui ne veut pas. Ça fait que, là, ils venaient nous voir dans notre bureau puis ils nous disaient: Qu'est-ce que vous pouvez faire? Bien, je disais: Je n'ai pas d'affaire à aller dire à la SDI quoi faire, là. Mais, souvent, ça, ça nous était rapporté. Puis, des fois, ce n'était pas clair tout le temps, qui avait le dernier mot là-dedans. Bien, il y a un petit peu un jeu de ping-pong. Ça fait que j'aimerais ça, ce matin, si c'était possible de nous expliquer c'était quoi, les règles du jeu vraiment précises.
M. Brind'Amour (Jacques): D'accord. Peut-être deux éléments. À votre première question puis vous nous ouvrez une petite porte, d'ailleurs, on aurait peut-être dû le mentionner plus tôt les banques n'ont pas accepté tous les projets qui ont été déposés. Les données préliminaires qu'on a nous disent qu'il y a entre 50 % et 70 % des projets qui ont été déposés qui ont été refusés par les banques. Donc, ce n'était pas automatique, là, il fallait qu'il y ait des bonnes perspectives, quand même, dans le plan d'affaires, qui étaient démontrées.
Mme Barbeau: Mais, ça, on est d'accord avec ça aussi, là, je veux dire.
(11 h 20)
M. Brind'Amour (Jacques): Alors, ceux qui sont allés vous voir et qui ont dit, peut-être, que c'est plus difficile d'avoir 10 000 $ que d'avoir 1 000 000 $, là, il y en avait là-dedans, probablement, qui avaient été refusés.
Mme Barbeau: Mais, ça, c'était avant le projet, là.
M. Brind'Amour (Jacques): Ah! c'était avant le projet.
Mme Barbeau: Je disais, dans le fond, que l'objectif du programme, c'était de donner l'accessibilité à des petits montants.
M. Brind'Amour (Jacques): Oui, c'est vrai. M. Roquet, je pense, l'avait bien expliqué tout à l'heure, dans la mesure où les critères d'admissibilité étaient rencontrés, la SDI procédait à l'enregistrement du projet, n'est-ce pas, et, donc, il y a peut-être eu des cas où il y a eu des refus par la SDI lorsque les projets qui étaient déposés ne répondaient pas aux critères d'admissibilité. Alors, il y a deux réponses à votre question: Ou bien c'était plus facile pour les banques, plutôt que de dire non au client, de dire que c'était le gouvernement qui ne voulait pas ça peut arriver...
Mme Barbeau: C'est souvent de notre faute, on sait ça.
M. Brind'Amour (Jacques): ...c'est des choses qui arrivent, on a déjà vécu ça ou, effectivement, les projets qui étaient déposés ne répondaient aux critères d'admissibilité qui avaient été mis en place, et, donc, la SDI a pu refuser sur la base des critères d'admissibilité. Mais je ne sais pas quel est pourcentage de refus qu'il a pu y avoir. Ça doit être assez faible, ça, de cette nature-là.
Mme Barbeau: Autrement dit, si une institution financière approuvait un projet, elle ne tenait pas compte de vos critères, elle les...
M. Brind'Amour (Jacques): Ah oui.
Mme Barbeau: Oui. Bon, si elle l'acceptait, pourquoi la SDI ne l'aurait pas accepté si elle se basait sur vos critères?
M. Roquet (Louis-L.): Il est arrivé à plusieurs reprises que, par exemple, l'institution financière n'avait pas vérifié depuis combien de temps l'entreprise était démarrée. Le trois mois était une condition absolue du programme, et soit qu'ils n'aient pas pensé de vérifier ou que l'entrepreneur ait donné des informations qui étaient erronées, et on vérifiait au registre des entreprises et on voyait depuis combien de temps elle était en opération puis, à ce moment-là, on disait: C'est dommage, c'est une belle entreprise, mais elle est déjà démarrée, elle n'a pas besoin d'aide au démarrage et elle est exclue du programme. Mais le taux de rejet pour des motifs qui étaient des motifs liés aux critères du programme a été très faible. On a des statistiques en quelque part, je vais les déterrer dans mes papiers, mais c'est très faible. Mais, souvent, on a reçu des plaintes de clients qui nous disaient: Comment ça se fait que vous refusez, ma banque m'appuie? Et, quand on allait vérifier, on s'apercevait que la banque avait invoqué notre refus, mais on n'avait jamais reçu de demande de garantie. Il y a eu exactement 835 refus sur la population totale de dossiers d'au-delà de 10 000. Sur 12 250, il y a eu 835 refus, vraiment parce que la garantie ne pouvait pas s'appliquer, les projets ne rencontraient pas les critères au départ.
Mme Barbeau: Merci.
Le Président (M. Chagnon): Bienvenue. Puisqu'on parle des refus, il y a eu 832 refus...
M. Roquet (Louis-L.): D'octroyer la garantie.
Le Président (M. Chagnon): ...d'octroyer la garantie. Or, M. Brind'Amour faisait état de 50 à 70 % de refus bancaires.
M. Roquet (Louis-L.): De taux de rejet.
Le Président (M. Chagnon): De taux de rejet. Ce qui veut dire que vous auriez eu près de 22 000, 23 000 projets qui... Finalement, ce serait rendu à 13 000.
M. Roquet (Louis-L.): Facilement. Et, quand on dit le taux de rejet, les banques ne comptabilisent pas les refus qu'elles font, mais c'est un vice-président régional de la Banque Nationale ici, à Québec qui a demandé à ses gens de les comptabiliser pour s'amuser et qui s'est rendu compte que et la Banque Nationale représente un des gros prêteurs avec les Caisses populaires dans ce programme-là dans la région de Québec, ici, ses succursales avaient des taux de refus entre 50 % et 70 %. Ça peut se faire dans le cadre d'une conversation de cinq minutes. Ça peut être quelqu'un qui dit: Moi, je veux implanter un autre club vidéo sur la rue principale. Puis le banquier lui dit: «No way», ça n'a pas de sens, il y en a déjà quatre.
Le Président (M. Chagnon): Ou: je veux partir une banque!
M. Roquet (Louis-L.): Encore.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Alors, j'ai M. Brodeur, M. Marsan et M. Benoît. Alors, le député de Shefford, suivi du député de Baldwin, suivi du député d'Orford.
Relations entre la SDI et les institutions financières
M. Brodeur: Merci, M. le Président. On discutait tantôt des relations entre les institutions financières et la SDI concernant principalement les refus ou les demandes, je pense que je vais prendre un cas concret sans nommer de nom, naturellement puis je pense que M. Roquet est au courant du dossier.
Le Président (M. Chagnon): Ne commencez pas à régler vos cas de comté.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brodeur: Non, non, c'est pour le bénéfice de tout le monde. Je pense que c'est un cas qui va illustrer comme il faut la question. C'est une entreprise d'éclairage qui se présente dans une institution financière pour demander un prêt de 50 000 $. L'entreprise veut tout simplement, avec un laser, écrire dans les nuages pour faire de la publicité. La demande est envoyée à la SDI et est refusée. La signification de refus est envoyée à l'institution financière, et on me dit parce que, vérification faite, je viens d'appeler l'institution financière que ce sont des fonctionnaires de la SDI qui ont communiqué avec l'institution financière pour lui signifier que la demande pourrait être acceptée d'une autre façon. L'institution financière réexpédie la demande faite d'une autre façon, soit qu'on prétendait que la compagnie existait déjà et n'était donc pas admissible au plan Paillé. Ces gens-là ont refait une autre compagnie, supposément sur les recommandations de la SDI, et l'institution financière a réexpédié la demande à la SDI sur recommandation d'un fonctionnaire on tait tous les noms, là la demande a été acceptée par la suite, et il y a eu une faillite qui a suivi dans les trois semaines qui ont suivi parce que, au Québec, il n'y a pas assez de «smog» pour écrire dans les nuages.
Le Président (M. Chagnon): Surtout de ce temps-ci...
M. Brodeur: Donc, il y a eu, ensuite de ça, un paiement par la SDI du montant de 47 000 $ et quelques à l'institution financière, sauf qu'on me dit qu'il y avait des recommandations qui étaient faites par téléphone par des fonctionnaires de la SDI aux institutions financières afin de faciliter l'obtention de prêts. Est-ce que c'est vrai ou faux?
M. Roquet (Louis-L.): Premièrement, qu'un fonctionnaire de la SDI dise à un client: Si tu fais ton montage financier de la façon suivante, tu vas pouvoir avoir accès à du financement, ça se fait à peu près 67 fois par semaine, parce qu'une activité importante pour nous, c'est non seulement le financement, mais c'est le conseil en montage financier.
Et si, par exemple, un entrepreneur vient nous voir et dit: Moi, écoute, j'ai une entreprise d'éclairage, je fais des panneaux d'affichage, et tout ça, puis là j'ai décidé de me lancer dans le laser, je vais m'acheter ci, je vais m'acheter ça, et qu'il soumet son projet comme ça, on lui dit: Écoute, ce qu'on finance, c'est du démarrage d'entreprises. Si tu veux qu'on te finance, tu fais mieux de démarrer une entreprise qui va être spécialisée là-dedans. Alors, à ce moment-là, ce qu'on fait, c'est qu'on lui explicite quelles sont les conditions d'accès au programme et comment pouvoir structurer un projet de façon à avoir accès à la garantie de la SDI. Il faut quand même qu'il convainque son institution financière d'assumer un risque de 10 % ou de 20 % selon qu'il s'agit du volet I ou du volet II. J'ai de la difficulté à croire qu'un fonctionnaire ait communiqué avec une institution financière qu'il ne connaissait probablement pas, à moins que le propriétaire de ladite entreprise soit son beau-frère puis qu'il soit nettement en conflit d'intérêts. Si vous avez des informations à ce sujet-là, je l'apprécierais, parce que ce seraient des comportements qui seraient jugés contraires à nos règles d'éthique et qui mériteraient des sérieuses réprimandes.
Le Président (M. Chagnon): C'est un dossier qui était dans les nuages, ça.
M. Roquet (Louis-L.): C'est possible.
M. Brodeur: Oui, c'est ça. Même, je viens de recevoir par télécopieur de l'institution financière en question... La directrice adjointe disait qu'elle était offusquée, un peu, de la réaction de la SDI pas un peu, beaucoup, là parce qu'ils ont renvoyé, en même temps que le chèque, une lettre, en fin de compte, peu élogieuse pour l'institution financière et qui disait, entre autres faits: «Malgré un premier refus avec lequel madame je tais le nom s'était dite en accord, nous recevions, deux semaines plus tard, une nouvelle demande ça, selon l'institution financière, c'était à la demande même de la SDI sans référence au présent projet, au précédent refus, et au propre doute de Mme Unetelle dans ce dossier. Il n'existait par ailleurs qu'un seul et même plan d'affaires pour ces deux projets.» Et on dit à la fin: «De ce fait et malgré ce qui précède, la Société de développement industriel du Québec n'opposera pas de refus à la réclamation de l'institution financière dans ce dossier.» Donc, c'est pour ça qu'on peut se poser des questions sur la façon d'agir des fonctionnaires, là, dans l'administration.
(11 h 30)
M. Roquet (Louis-L.): Moi, je me poserais des questions sur la façon d'agir de l'institution financière, parce que la façon dont j'interprète ça, c'est qu'elle appuie son client, elle soumet un projet, la SDI lui dit poliment qu'il ne rencontre pas les critères et qu'il n'a pas d'allure, ils maquillent le projet et le resoumettent, et ce qu'on leur dit, c'est: Parfait, vous avez respecté la lettre du programme, on va honorer la garantie, mais on ne le fait pas de gaieté de coeur, parce que vous avez réussi à faire passer un projet dont on vous avait dit que c'était un projet de fou. Maintenant, je vais faire enquête, et ça me fera plaisir d'élucider ce cas-là.
M. Brodeur: Ce qu'on me dit et on me l'a dit encore il y a quelques minutes, j'ai pris la peine de revérifier c'est que la stratégie de demande de prêt a été faite sur la recommandation d'un fonctionnaire de la SDI.
M. Roquet (Louis-L.): Je vais élucider la question. Ça me surprendrait qu'en même temps on ait refusé le projet et qu'on ait dit, devant un projet qui nous posait des problèmes: Voici maintenant comment le proposer pour que, quand on paiera la garantie parce que c'est sûr qu'il va péter on soit en maudit. Mais la nature humaine est étrange. Je vous promets que je vais vérifier, et je pourrai faire rapport au président ou au secrétaire de la commission.
Le Président (M. Chagnon): Et, si je comprends bien, il a pété. C'est ça qui...
M. Roquet (Louis-L.): On s'en doute.
Le Président (M. Chagnon): O.K. M. le député de Shefford, est-ce que vous avez d'autres de ces réjouissantes nouvelles?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brodeur: Pas pour ce matin.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. Est-ce que vous avez reçu le rapport que je vous demandais du Secrétariat du Conseil du trésor concernant leurs questionnements, critiques ou suggestions à l'égard du mémoire que vous aviez, à l'époque, présenté?
M. Brind'Amour (Jacques): Oui, on l'a reçu. Si on ne vous l'a pas déposé encore, c'est simplement parce qu'on doit interpréter les règles qui s'appliquent dans ces cas-là. L'auteur... Comment on appelle ça en droit?
Une voix: ...
M. Brind'Amour (Jacques): Non, on parle de l'auteur de la note. En fait, je ne suis pas autorisé, moi, à vous donner l'analyse du Conseil du trésor, et, donc, ce qu'on demande au Conseil du trésor, c'est si, oui ou non, eux nous autorisent à vous la donner, parce qu'il y a une loi de protection de 25 ans sur les renseignements, et tout ça. Donc, ils doivent nous revenir pour décider si, oui ou non, ils acceptent qu'on vous le dépose.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin.
Caractère public des informations sur les projets
M. Marsan: Merci, M. le Président. Je voudrais faire référence à un article qui a été écrit par Claude Picher, qui est un éditorialiste économique avantageusement connu et reconnu, dans La Presse le 26 juillet de cette année, et ça s'intitule Les ratés du plan Paillé . Lui-même nous parle d'une étude qui a été faite dans une région, la région de Saint-Hyacinthe, par un journaliste, Martin Bourassa, et qui nous mentionne que 56 % des entreprises créées dans le cadre du plan Paillé oeuvrent dans des secteurs fragiles. Il y en a pour tous les goûts: des boutiques érotiques, magasins à 1 $, studios de massage, clubs vidéo, bars laitiers et même deux salons de coiffure. Il pense également, il ajoute que ça pourrait être une situation qui peut être représentative dans l'ensemble du Québec. C'est son affirmation, en tout cas.
Cependant, ce qui est inquiétant dans cet article et il le mentionne bien c'est la difficulté que les journalistes ont eue à obtenir les renseignements pour bâtir leur étude. Il leur a fallu trois mois de démarches. D'abord, le ministère de l'Industrie et du Commerce a référé à la SDI, la SDI aux institutions financières, les institutions financières à la loi d'accès. C'était très, très difficile d'obtenir des renseignements, et on sait par expérience, et il l'affirme lui-même, que, lorsqu'il y a des programmes gouvernementaux, c'est relativement facile d'avoir les informations: qui est le bénéficiaire, qui reçoit les subventions, etc.
Alors, ma première question serait: Pourquoi est-ce qu'on a eu des difficultés à obtenir des renseignements qui sont habituellement de caractère public? La deuxième, c'est: Est-ce que cette situation est corrigée et est-ce que ces renseignements sont disponibles à nous, les députés, aux gens de nos circonscriptions qui en feraient la demande? Est-ce que c'est vraiment transparent, toute l'information dans ce dossier-là?
M. Roquet (Louis-L.): Pour ce qui est de l'information et de l'information qui est publique l'information est accessible. La difficulté, c'est sous quelle forme elle est accessible. Si vous me demandez, par exemple: Est-ce que vous pouvez me donner la liste de toutes les interventions que la SDI a faites dans ma circonscription électorale de Robert-Baldwin? On peut vous l'expédier dans 24 heures. Il y a 50 % des entreprises qui vont s'appeler 017-2336 Québec inc. Alors, la difficulté que le journaliste a eue, c'est que les interventions des banques ont souvent été faites soit à des «new Co.» ou à des entreprises à numéro et le commerce où l'activité est exploitée sous une marque de commerce enregistrée, mais qui n'est pas l'entreprise emprunteuse ou l'entreprise garantie par la SDI. Et c'est là qu'on a beaucoup de difficultés, il faut y aller presque un par un dans le dossier, sortir l'information, le nom du propriétaire, etc. On n'a pas un système qui nous permet d'aller chercher à partir d'un numéro, par exemple, toutes les données et de restructurer des listes. Mais ce n'est vraiment pas de l'obstruction. C'est que dans certains cas... D'ailleurs, on produit des informations par district électoral, par secteur, par ci, par ça. Là où on a de la difficulté, c'est d'aller retracer, par exemple, les propriétaires de telles entreprises, il faut retourner au dossier physique, et c'est le genre d'information que le journaliste recherchait.
M. Marsan: Si on le veut par comté...
M. Roquet (Louis-L.): Oui, ça existe.
M. Marsan: ...vous dites que ça serait disponible, mais il y aurait la difficulté des entreprises à numéro, quand même, qui ne seraient pas nécessairement toutes incluses dans les renseignements que vous nous donneriez. C'est exact?
M. Roquet (Louis-L.): Là, il faudrait qu'on aille dans les dossiers physiques pour sortir l'information sur le propriétaire et son adresse, son numéro de téléphone, etc., parce que ce que le journaliste voulait faire, c'était identifier les entreprises ainsi que les promoteurs, etc. Il n'y a rien de ça qui est secret, c'est tout simplement difficile à gérer comme forme d'information.
M. Marsan: Ce n'était pas mon intention de comparer mon comté avec celui de M. Laprise, ce n'était pas l'objet de la question.
M. Roquet (Louis-L.): Mais vous avez souligné, si vous me permettez, au sujet de Saint-Hyacinthe, un phénomène qui est intéressant et dont il faut tenir compte. Une des choses qu'on observe, quand on a un programme... Mettons, pour simplifier les choses, le plan Paillé est un programme dont la gestion est sous-traitée aux institutions financières. Ces institutions financières là sont en concurrence les unes avec les autres, et, dans le cas de Saint-Hyacinthe, on regarde, et, par exemple, il y a trois magasins de vêtements pour dames, O.K., qui se sont démarrés dans le centre-ville. Il y en a un qui a été financé à la caisse populaire, l'autre à la Banque nationale, le troisième à une autre caisse populaire qui a un numéro de transit différent, mais de la région. Il n'y a pas d'association fraternelle des banquiers concurrents qui se réunit tous les vendredis pour s'échanger les noms de leurs clients. On appellerait ça de la collusion, puis ils finiraient en prison.
Il y en a un qui a été autorisé fin janvier, l'autre mi-février, l'autre début avril. Alors, à peu près en même temps, il y a trois entrepreneurs qui ont eu l'idée de démarrer une boutique de vêtements qui se sont présentés à trois institutions financières différentes. Chacune des institutions financières a regardé puis a dit: Il y a de la place pour une, puis les trois ont décidé d'y aller, et il n'y avait peut-être pas de place pour trois. Et ça, c'est une des faiblesses, si vous voulez, ou une des conséquences d'un programme dans lequel vous sous-traitez la décision de financer aux institutions financières. Ces institutions-là, dans un village où il va y avoir seulement, je ne sais pas, moi, une Banque nationale ou une caisse populaire, ça pose moins de problème, mais, dès que vous avez une certaine agglomération, vous pouvez avoir à peu près le même projet qui est financé par trois institutions financières. Mais ça, ça arrive qu'il y ait un plan Paillé ou qu'il n'y ait pas de plan Paillé. De toute façon, les banques sont en concurrence et n'échangent pas d'information sur les projets qu'elles sont en train d'examiner.
Secteurs d'activité (suite)
M. Marsan: L'affirmation de l'étude est de dire que 50 % des entreprises créées dans le cadre du plan Paillé oeuvrent dans des secteurs fragiles. On a également la recommandation du Vérificateur qui dit qu'il faut mesurer les déplacements d'emplois. Je ne sais pas dans combien de temps on va se revoir de nouveau, est-ce qu'on pourrait avoir des données colligées qui nous donneraient des indications vraiment précises dans le déplacement d'emplois par rapport... En tout cas, je pense que c'est évident à cause de l'ampleur des secteurs fragiles.
Le Président (M. Chagnon): Nos amis sont invités sur une base annuelle pour venir parler de la même chose, alors j'ai compris que ce serait prochainement.
M. Roquet (Louis-L.): D'abord, il faut s'entendre sur...
M. Marsan: Je veux juste m'assurer, Jacques, qu'on va avoir l'information.
M. Roquet (Louis-L.): Oui. Il faut s'entendre sur la définition d'un secteur fragile, je veux dire, parce que le vocabulaire est assez vaste, là. Il y a le secteur mou; il y a le secteur en stagnation; il y a le secteur technologiquement dépassé; il y a le secteur fragile. Si on entend par «secteur fragile» un secteur qui ne connaît pas de croissance, qui est saturé d'après les experts, où tout ce qu'on observe depuis quelques années, c'est une baisse des ventes moyennes, par exemple, de chaque acteur, on pourrait se dire: On n'y touche plus. Je pense que tout le monde est d'accord, ici, qu'on n'a pas de difficulté à trouver du moustiquaire au Québec. Ça doit être un secteur qui est pas mal saturé, puis ça n'a pas changé beaucoup. Il y a une entreprise qui est en train de faire des millions parce que, elle, elle a inventé une nouvelle sorte de moustiquaire qui est celui dans lequel votre chien peut se précipiter, puis il ne défonce pas, O.K.? Elle est installée à Saint-Gabriel-de-Brandon, elle est dans un secteur mou la construction domiciliaire, sauf pour une reprise récente, est pas mal plate au Québec sauf qu'elle est en train d'exploser.
Et cet exemple-là, ce n'est pas un échantillon de un, mais ce que cet exemple-là illustre, c'est que les PME ne sont pas sensibles à la situation des secteurs de l'économie parce qu'elles s'implantent dans des niches. Elles ne s'implantent pas dans des secteurs, alors il peut y avoir une entreprise qui démarre, qui s'en va dans le secteur de la porte et fenêtre... Puis Dieu sait que ça ne va pas très bien, puis qu'on a eu beaucoup de faillites dans ce domaine-là, puis de la consolidation, puis de l'invasion des Américains, etc., récemment, sauf que, si elle a un produit qui répond au besoin des fenêtres vertes d'un bord, bleues de l'autre puis de forme irrégulière, elle va partir puis elle va rencontrer un besoin et elle va connaître du succès. Alors, en général, c'est pour ça qu'on ne peut pas prédire la chance de succès d'une PME d'après le secteur dans lequel elle se lance à moins, vraiment, qu'elle soit condamnée à un marché local, local, local. O.K?
(11 h 40)
Une voix: ...
M. Roquet (Louis-L.): Ah bon, tu l'as, ton entreprise?
Une voix: ...
M. Roquet (Louis-L.): Dans le domaine du vêtement. Ça va mal, dans le vêtement. Produits comment ça s'appelle JNF, un de nos clients, la marque Polar, ils sont en train d'exploser. Ils ont mis 70 000 $ dedans et ils ont eu une aide de 50 000 $. Alors, c'est toujours des créneaux. Il n'y a pas de PME dans l'industrie du vêtement. Ils sont dans les vêtements d'escalade, dans les vêtements mode, sport. Louis Garneau en est un modèle, etc. Ils se trouvent des créneaux qui ne répondent pas aux mêmes règles que le secteur en général. Et on observe le même phénomène dans le domaine des véhicules récréatifs, qui vont mal, mais on a une entreprise à Joliette qui, elle aussi, explose parce qu'elle fait toutes sortes de bébelles que vous pouvez poser sur votre trois-roues ou votre quatre-roues, et qui exporte aux États-Unis.
Ce n'est pas évident. La dynamique des PME est très particulière, mais je pense que les membres de la commission, M. le Président, ont raison en disant que certains des choix qui ont été faits ont nécessairement des inconvénients et génèrent des faiblesses dans un programme. Par exemple, le choix d'avoir un programme qui est accessible partout au Québec, quelques milliers, si vous voulez, de points de services des institutions financières, bien, ça veut dire que vous n'avez pas nécessairement devant vous un spécialiste du financement des entreprises parce que c'est possible qu'un des points de services n'ait que un, ou deux, ou trois clients commerciaux versus un centre d'affaires urbain qui, lui, a une clientèle à 99 % industrielle et commerciale et dont les agents financiers sont des experts dans ce domaine-là. Alors, ça, si vous voulez, là, c'est une espèce de faiblesse intrinsèque d'un choix de dire que n'importe qui va pouvoir avoir accès à du financement n'importe où sur le territoire.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce qu'on a des données sur le déplacement d'emplois par secteur d'activité économique?
M. Roquet (Louis-L.): Il faudrait que je demande à mon économiste, M. le Président, si ça peut se calculer ou s'évaluer.
M. Brind'Amour (Jacques): Ça peut se mesurer par enquête, si on demande la question. Autrement...
M. Deschamps (Michel): Bien, c'est très difficile parce que, au départ...
Le Président (M. Chagnon): Pourriez-vous venir...
M. Roquet (Louis-L.): Je m'excuse, je peux vous présenter M. Deschamps qui...
Le Président (M. Chagnon): Oui, absolument. Vous avez bien une belle cravate, à part ça, vous!
M. Deschamps (Michel): Merci. C'est discret.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Signalez-nous donc, d'abord, votre nom et puis ensuite pour permettre...
Une voix: La marque de la cravate.
Le Président (M. Chagnon): Oui, on ira magasiner. Vous nous direz où vous magasinez, après ça.
M. Deschamps (Michel): Merci. Bonjour à tous les membres de la commission. Je m'appelle Michel Deschamps, je suis responsable du Comité des retombées économiques à la Société de développement.
Lorsqu'on a eu, le comité, le mandat de faire l'étude d'impact, c'était une de nos questions, parce qu'on voyait le portefeuille, puis on a dit: Comment on peut mesurer le déplacement de l'emploi? Il s'avère que c'est extrêmement difficile, puis un des membres du comité... Il y a M. Rabeau, aussi, qui est prof à l'UQAM. Un des problèmes qu'on avait au départ...
Le Président (M. Chagnon): Yves Rabeau?
M. Deschamps (Michel): Oui. Un des problèmes qu'on avait au départ, c'était de connaître la situation des entreprises qui sont en affaires avant de faire faillite. Est-ce qu'elles étaient dans une situation de faiblesse ou en bonne situation financière puis que l'arrivée d'une petite entreprise a fait que l'entreprise a fait faillite? L'entreprise existante. Par contre, on a dégagé des indicateurs où on peut dire que la substitution d'emplois a été moins forte que prévue. La première des choses, si vous regardez la source ou la provenance des actionnaires, il y en a à peu près 20 % qui proviennent de concurrents, puis ça, ce sont des gens qui sont les plus susceptibles de cannibaliser leurs concurrents parce qu'ils ont des contacts avec les clients de leur ancien employeur. Donc, là, on a un ordre de grandeur de 20 % de gens qui peuvent aller chercher des ventes. Si on prend 20 % du 1 500 000 000 $ de ventes, on peut, grosso modo, mettre un 300 000 000 $ qui s'est déplacé. Ça, c'est un premier indicateur.
L'autre indicateur de gens qui peuvent déplacer de l'emploi, c'est le nombre d'employés qui proviennent de concurrents. De mémoire, je pense que c'est environ 4 800. Sur 35 000, je pense qu'on est à 13 %. Donc, là encore, on a un autre indicateur qui nous indique que la probabilité d'avoir du déplacement important est plutôt faible aussi. Ça fait que, à partir de ces deux indicateurs-là, on peut faire des études très sophistiquées, mais, supposons qu'on arrive puis qu'on détermine à 30 %, puis que ça nous coûte 1 000 000 $ ou 2 000 000 $, je ne sais pas, là, si on épargne bien des ressources financières.
Cela dit, il y a aussi toute l'approche du gain net qu'on a pris, puis ça, c'est avec les gens du Trésor qu'on a développé ce concept-là parce qu'eux nous ont dit: Lorsque la Société permet de faire des projets à l'exportation, dans le fond, c'est des recettes fiscales qu'on importe de l'étranger parce qu'on fait travailler des gens au Québec qui vont exporter, donc on exporte notre chômage et on importe des jobs au Québec. Dans l'enquête du BSQ, on a pris les gens qui exportaient. Le corollaire de ça, les gens remplaçaient des importations, donc c'est un gain pour notre économie parce qu'on remplace un fournisseur étranger et les gens ont eu la chance de mettre sur le marché une innovation qui n'était pas en concurrence avec personne. Ça fait que, là, on a un autre 500 000 000 $ de ventes qui est réellement un gain pour l'économie du Québec. Ça fait que, là, on a un paramètre, un intervalle entre 1 000 000 $ et 500 000 000 $ qui est réellement un gain pour l'ensemble de l'économie. Et puis peut-être que, plus tard, on va avoir d'autres indicateurs, mais, pour l'instant, il est extrêmement difficile de mesurer la substitution d'emplois.
Le Président (M. Chagnon): Merci. Pierre.
M. Marsan: Merci, M. le Président. Malgré les difficultés de bien soit comptabiliser ou de trouver toutes les informations, moi, pour un, je souhaiterais qu'on puisse avoir au moins des indications quant au déplacement d'emplois, particulièrement dans les secteurs de services. Je pense que ça serait important.
Je voudrais terminer avec une dernière question au sous-ministre, M. Brind'Amour. S'il y avait un nouveau plan sûrement pas Paillé, peut-être M. Laprise; en tout cas, on le nommera comme on voudra eh bien, l'appliqueriez-vous de la même façon ou apporteriez-vous des améliorations, et lesquelles?
M. Roquet (Louis-L.): Je suis donc fier de ne pas être obligé de répondre à celle-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brind'Amour (Jacques): Peut-être rappeler que c'était un programme conjoncturel. Je pense que c'est important d'insister sur ça. C'est évident que, dans nos activités courantes, on ne pourrait pas se permettre de recommander au gouvernement d'investir 300 000 000 $, 400 000 000 $ à tous les deux ou trois ans pour relancer la création d'entrepreneurship au Québec. Bon, c'était un programme conjoncturel qui a été fait, je pense, dans des circonstances avec lesquelles, moi, je suis très à l'aise. Les constats statistiques sont là, il y avait un problème de création d'entreprises, et c'était un peu inquiétant.
Est-ce qu'on recommanderait de procéder de la même façon? Bien, M. Roquet a dit: Je suis content de ne pas répondre à cette question-là, mais il va être obligé d'y répondre parce que, dans le fond, toute l'orientation de la SDI est maintenant, en vertu de sa nouvelle loi, une orientation de garanties de prêt. Ce n'est pas tout à fait de la même façon effectivement, il y a une analyse qui est faite à la SDI mais l'approche des garanties de prêt, qui simplifie, qui donne une plus grande rapidité, je pense, dans l'analyse et l'exécution, est en place. Pas pour des volumes comparables dans tout secteur, et tout ça, dans des secteurs plus liés à la SDI, mais je pense que la philosophie de l'approche, à savoir d'avoir un partenariat avec les banques, ce partenariat-là comment je dirais bien ça non seulement respecte, mais encourage le banquier à avoir une relation plus suivie avec son client. Autrement dit, l'individu qui a commencé une relation avec le banquier demeure toujours avec le même banquier ou un autre, peu importe, mais il demeure dans une relation de clientèle et non pas: Bon, bien, moi, j'ai une partie des affaires avec mon client, et le gouvernement en a une autre partie, et cette partie-là est une partie, peut-être, de dettes, ah, ça me préoccupe. Ah, de quasi-équité, ça me préoccupe moins. Je pense que ce qu'on a essayé de faire avec la loi de la SDI, c'est d'essayer de recanaliser ce partenariat-là avec des taux qui ne sont peut-être pas au niveau de 90 %. Je pense que, dans les programmes à caractère plus structurel, il faut avoir un meilleur partage de risque, et là il y a des modulations qui ont été proposées.
(11 h 50)
Donc, si vous me posez: Est-ce que j'aurais recommandé la même chose? Je vous dirais que je m'inscrirais plutôt dans cette philosophie, qu'on a mise de l'avant avec la SDI, de la garantie de prêt avec des modulations selon le risque ou selon l'intérêt. L'exportation, l'innovation, bien, on va y aller de façon un petit peu plus risquée que l'investissement plus traditionnel parce qu'il y a moins d'actifs, peut-être, mais il y a peut-être plus de perspectives de développement. Je ne sais pas si tu veux compléter.
M. Roquet (Louis-L.): D'accord.
Le Président (M. Chagnon): Ça me surprend que vous ne recommandiez pas à tous les deux ou trois ans un programme comme celui-là. Si je lis les retombées, c'est extrêmement payant, quoi qu'il arrive. Alors, un programme qu'on met sur pied et qui nous rapporte tant, je comprends mal que le gouvernement ne soit pas intéressé de le répéter à toutes les demi-heures!
M. Roquet (Louis-L.): Si vous me permettez, je pense qu'un programme comme celui-là est payant quand les entreprises ont beaucoup de difficultés à avoir accès à du crédit, et, en général, la période à laquelle le projet a été lancé était une période dans laquelle il y avait énormément de restrictions de crédit aux entreprises de la part des institutions financières, et pas seulement dans le domaine du démarrage, dans tous les domaines. En période où le crédit est plus accessible, plus disponible, je pense que ça serait plus difficile de justifier un programme comme celui-là, et c'est pour ça qu'il est vraiment conjoncturel.
Le Président (M. Chagnon): Merci. Monsieur...
M. Roquet (Louis-L.): Roquet.
Le Président (M. Chagnon): ...Orford. M. Orford. Ensuite M. Côté, de La Peltrie, et M. Laprise, de Roberval.
Méthode de compilation des résultats
M. Benoit: Je ne sais pas si je dois adresser ma question, M. le Président, au sous-ministre ou au Bureau de la statistique du Québec. Enfin, je vais y aller avec le sous-ministre, et on verra ensuite.
Le Président (M. Chagnon): Posez-la, on trouvera bien quelqu'un pour y répondre.
M. Benoit: C'est ça que je me disais, M. le Président. Dans ce rapport du Bureau de la statistique du Québec, j'essayais de faire un comparatif entre les chiffres du Vérificateur général du Québec et du Bureau de la statistique du Québec, et là je trouvais que les chiffres, finalement, ne disaient pas les mêmes choses, jusqu'à ce que je tombe sur la page 25. Le Vérificateur général du Québec, lui, il a fait une comparaison de toutes les entreprises. Dans l'étude du Bureau de la statistique du Québec, si je comprends bien et je veux que vous me confirmiez ça ou que vous me disiez si ce n'est pas ça ce que je crois comprendre, ce que vous dites, c'est qu'il y a eu 10 455 entrepreneurs ou groupes d'entrepreneurs québécois. De ça, on est rendu à 7 300 entreprises qui ont eu recours au PIDE.
Mais on va retenir pour l'étude, finalement... On va oublier tous ceux qui ont passez-moi l'expression pété au fret, on va juste garder les 7 311. Et là, vous le dites à la fin de la page 25, sont exclus de cette analyse... Bon. Mais là je me dis: Si, dans un collège, on prend juste le premier quartile des bien bons dans la classe, on va avoir un bien beau rapport, je veux dire, ça va être le meilleur collège au Québec, mais, si on prend l'ensemble du collège, on va peut-être bien arriver dans la moyenne un peu plus. Et là je me dis: Qu'est-ce que ça m'a donné de recevoir ce rapport-là si, finalement, on n'a pas fait l'étude sur l'ensemble des cas? On a pris les meilleurs et on me donne de la statistique sur les meilleurs. Ce n'est pas ça qu'on veut avoir, nous autres, on veut avoir de la statistique sur l'ensemble, ce que, d'ailleurs, a fait le Vérificateur général du Québec. Le but, c'était de démontrer qu'il s'était trompé, le Vérificateur. Bien, là, vous ne me démontrez absolument rien en faisant, juste avec les meilleurs, une manière d'étude. Est-ce que j'ai raison de dire ça?
M. Brind'Amour (Jacques): Je vais demander à M. Roquet de vous répondre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Benoit: Non, parfait. Je n'ai pas de problème si je n'ai pas raison, mais vous allez m'expliquer comment ça se fait que je n'ai pas raison.
M. Brind'Amour (Jacques): Je vais demander à M. Roquet de vous répondre. Seulement, avant, je voudrais vous signaler à moins que M. Breton me contredise que je ne pense pas qu'on puisse comparer l'analyse du Vérificateur et l'enquête. C'est deux choses...
Le Président (M. Chagnon): C'est deux méthodologies complètement différentes.
M. Roquet (Louis-L.): C'est deux objets différents.
M. Brind'Amour (Jacques): C'est deux objets différents, aussi.
Le Président (M. Chagnon): L'un a procédé par voie d'analyse et d'échantillonnage selon les modes de fonctionnement généralement reconnus par l'Association des comptables, et puis le Bureau de la statistique a fonctionné avec une méthodologie totalement différente.
M. Benoit: Oui, je réalise ça, mais, sur des points précis, M. le Président, nous devrions arriver au même résultat ou très près, et ce n'est pas ça qui se passe. On exclut ici 3 144 entreprises. C'est ça qu'on a fait, là, et celles qui ont disparu...
M. Roquet (Louis-L.): Écoutez, je pense que c'est important, ce dont le Vérificateur général parle et ce dont on parle, c'est deux choses radicalement différentes. L'étude qui a été faite par la SDI, qui était une étude qui est complètement indépendante des travaux du Vérificateur général et qui se serait faite à cette période-là ou un peu plus tard préférablement un peu plus tard a pour objet d'évaluer les retombées du programme aujourd'hui, elle n'a pas pour objet de prévoir combien il va rester d'entreprises en l'an 2000 ou l'an 2002. Ce qu'elle dit tout simplement, c'est quelles sont les retombées pour le gouvernement en termes fiscaux, en termes parafiscaux et en termes d'évitement de coûts sociaux. Et, à ce moment-là, en général, les entreprises qui génèrent des retombées sont des entreprises qui sont en vie. Les autres sont mortes et elles ne font rien pour le gouvernement. Alors, on a pris les entreprises qui étaient en train de fonctionner. Autrement dit, on a supposé que celles qui étaient mortes, même s'il y avait des dossiers en règlement puis qu'il pouvait y avoir de la récupération, qu'il n'y aurait aucun impact, que tout le monde était rendu chez lui, chômeur, etc., et on a regardé la population de ces entreprises-là, et, à partir de ces entreprises-là, le Bureau de la statistique a structuré un échantillon.
M. Benoit: Oui, mais ça m'amène à me poser la question... Quand le ministre se lève à l'Assemblée nationale et nous répond: Écoutez, on a créé tant d'emplois puis on a fait ci puis on a fait ça dans le plan Paillé, je veux dire, est-ce qu'il calcule sur 10 000 ou s'il calcule sur 7 300? Je veux dire, ça change...
M. Roquet (Louis-L.): Ce qu'il dit, en tout cas ce que dit le rapport, c'est que, en date du 31 mars 1997, il y avait 35 000 personnes qui avaient une job au Québec à cause du plan Paillé. Au mois de septembre 1999, il ne le sait pas, nous non plus, mais on a l'intention de faire le suivi du programme et, année après année, de pouvoir ramener à la commission des informations à date. Mais ce que dit le rapport, c'est: Aujourd'hui, en date où on a pris nos informations, donc le 31 mars, voici combien le gouvernement ramassait d'impôts et de taxes, voici combien le gouvernement collectait en parafiscalité et voici ce qu'il évitait en termes de coûts sociaux. Il présente aussi un portrait qui est statistiquement fiable des entreprises, des 7 000 et quelques qui demeurent, quant à leur secteur d'activité, l'origine des entrepreneurs, ce qu'ils avaient comme expérience, ce qu'ils avaient comme profil, si leur sexe était masculin ou féminin puis dans quelle proportion, d'où ils venaient, s'ils venaient de chez un concurrent, etc. C'est vraiment un portrait du portefeuille du plan Paillé en date du 31 mars 1997 et, à cette date-là, ce que ça donne au gouvernement pour un coût qu'on évalue à peu près à 50 000 000 $ par année. Puis la réponse, c'est 75 000 000 $.
Alors, à ce moment-là, le rapport ne se prononce pas sur quel est le nombre d'emplois qui, à terme, auront été créés.
M. Brind'Amour (Jacques): On ne le sait pas.
M. Roquet (Louis-L.): On ne le sait pas. Il ne se prononce pas non plus sur: Est-ce que, si on avait inclus ou exclu certains secteurs, il y aurait eu plus de retombées, moins de retombées? On nous a demandé, et on va essayer de faire le meilleur travail possible. J'ai cru comprendre que c'est une demande qui était endossée par la commission, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): Vous avez bien compris, M. le président.
M. Roquet (Louis-L.): On nous a demandé d'évaluer de façon plus précise le taux de substitution dans un programme comme ça, et je pense, à la limite, que ça serait une information essentielle pour la conception de futurs programmes qui pourraient avoir des similitudes avec celui-ci, et ça, on va y travailler.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le député d'Orford?
M. Benoit: En quelque part, j'ai bien de la misère à comprendre qu'on fasse une étude statistique où on est supposé arriver avec des résultats probants quand on élimine 3 100 cas. Je prends, par exemple, à la page 20, on dit: Une proportion importante de ces entreprises n'ont pas généré de profits. Le profit moyen estimé se situe à moins 3 251.
M. Roquet (Louis-L.): M. Benoit, je m'excuse, on n'a pas éliminé les 2 000 et quelques cents entreprises au niveau des coûts, on les a incluses au niveau des coûts du programme, O.K.? Là où on les a exclues, c'est au niveau des retombées économiques positives. Autrement dit, on a dit: On prend tout le coût, mais on considère qu'elles ont un impact zéro sur l'économie du Québec parce qu'elles sont mortes. Mais, vous avez raison, là, c'est seulement au niveau des retombées qu'on a exclu les entreprises qui étaient mortes. Mais, au niveau des coûts, quand on calcule le ratio, les coûts-bénéfices, si vous voulez, on inclut toutes les entreprises, y compris celles qui sont mortes.
(12 heures)
Le Président (M. Chagnon): C'est intéressant, mais il est aussi midi moins 15 secondes puis, si j'attends un peu, ça va être moins rien. Si vous le jugez à propos, M. le député d'Orford, vous pourriez revenir avec votre question en début d'après-midi. Nous suspendrions jusqu'à 14 heures, et j'inviterais tout le monde à être ici à 14 heures pour qu'on puisse commencer immédiatement à 14 heures, compte tenu du fait qu'en après-midi mes collègues de droite devront nous quitter plus de bonne heure compte tenu qu'ils ont un caucus à Rimouski, si je ne m'abuse, et on s'est entendu, la commission, en fait, de façon à terminer vers 16 heures. Il faudra donc se discipliner et accélérer cet après-midi. Ça fait que commençons à 14 heures, et, dans l'ordre, pour cet après-midi, après M. le député d'Orford, j'aurai le député de La Peltrie et le député de Roberval.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 14 h 6)
Le Président (M. Chagnon): La séance est commencée. Alors, M. le député d'Orford, c'était à vous la parole. Est-ce que vous tenez à la garder ou bien donc...
Critères de sélection des projets (suite)
M. Benoit: Bien oui. J'aurais peut-être deux courtes questions, M. le Président, dans un autre ordre d'idées que celui dans lequel nous avons terminé.
Je crois comprendre qu'au moment où un investisseur potentiel allait dans une institution financière pour le plan Paillé on faisait de lui une étude mathématique du dossier, ce qui est tout à fait correct. Jusque-là, on n'a pas de problème avec ça. C'est la façon dont se passent les banques. Ce qu'on a entendu à travers les temps, c'est qu'il y a une autre forme d'évaluation qui se fait normalement, quand un banquier a à prêter de l'argent, c'est l'évaluation du client un peu comme individu. Pour l'exprimer pour que tout le monde se comprenne, dans Bre-X, on avait tous su, avant que ça pète au fret, l'histoire du président de Bre-X. Ceux qui la savaient ont peut-être moins investi que ceux qui ne savaient pas l'histoire du président de Bre-X.
Or, ce que j'essaie de poser comme question, c'est: Est-ce que ce genre de critères qui... Normalement, dans les banques, on veut en savoir pas mal sur l'individu, au-delà des chiffres. Est-ce que ces critères-là ont été retenus dans l'évaluation des banques et des caisses? Est-ce qu'il y a eu un graphique d'évaluation? Est-ce qu'il y a eu des normes? Est-ce qu'il y a eu des critères?
M. Roquet (Louis-L.): L'obligation qui était faite aux institutions financières était de traiter ces dossiers-là exactement de la même façon qu'elles traitaient les dossiers similaires qu'elles auraient pris sans la garantie du gouvernement, mais vraisemblablement avec d'autres formes de garanties. Autrement dit, on ne demandait pas un traitement ni plus rigoureux ni plus aventureux que les politiques de la banque, les directives en matière d'analyse de dossiers, de prise de références, de validation de crédit, etc., telles qu'elles étaient formulées. Quand nous avons pu constater que les politiques mêmes de la banque n'étaient pas respectées, on ajustait ou on refusait le paiement de la garantie. Dans certains cas, c'était absolument évident, par exemple, des garanties n'avaient pas été enregistrées, et c'était clair que c'était conforme aux politiques de la banque d'enregistrer toutes les garanties qui étaient données par les emprunteurs. Dans d'autres cas, c'était de la mauvaise pratique bancaire, tel que défini par les institutions financières elles-mêmes.
M. Benoit: Là vous me parlez des garanties, j'en suis. Là-dessus, je vous ai dit qu'au niveau des chiffres je n'ai pas de problème, de la façon dont... Oui, j'en ai, des problèmes, mais pas sur... Ce n'est pas là qu'est ma question. Ma question, elle est sur l'évaluation des individus.
M. Roquet (Louis-L.): Bon. Par exemple, une institution financière bien connue n'obtient pas de Dun & Bradstreet pour un prêt inférieur à 70 000 $. C'est consigné dans ses politiques. C'est comme ça qu'elle fait affaire. Autrement dit, la banque estime que, sur une transaction financière de cette taille-là, il n'est pas efficace pour elle de dépenser pour un D & B sur un individu pour avoir un relevé de crédit complet, à moins que le montant du prêt ne dépasse 70 000 $. Donc, si on fait un prêt de 40 000 $ et qu'on lui demande de bien gérer les fonds, elle va les gérer comme elle gère ses fonds à elle. Ni plus lestement ni moins.
(14 h 10)
M. Benoit: Est-ce que ce n'est pas là que le bât blesse, M. Roquet?
M. Roquet (Louis-L.): Écoutez, il est clair que nous n'avons pas demandé aux institutions financières d'accorder un poids plus important à la garantie de la SDI qu'à la garantie du beau-père d'un promoteur et que, pour les institutions financières, la garantie de la SDI n'avait pas plus de valeur morale que la garantie d'un particulier.
M. Benoit: La grande différence, M. Roquet, et avec l'expérience que vous avez du monde des affaires, vous le comprenez très bien... Dans le cours normal des opérations bancaires dans la ville de Saint-Tite-des-Caps, il y a, à un moment donné, quelqu'un qui se réveille puis qui dit: Je pense que je suis appelé à créer une entreprise, et qui se présente à la banque, mais, avant ça, il fait pas mal son devoir. Ça, c'est dans la vraie vie; c'est comme ça que ça se passe. Dans la vie un peu plus artificielle, un gouvernement se lève un bon matin, avant un référendum, fait un tollé de tapage, pète une broue épouvantable et, soudainement, au Québec, tout le monde se sent appelé à se partir une entreprise, et là on se ramasse avec une pluie de demandes. Quand vous me dites: Normalement, la banque, elle ne va pas en bas de 60 000 $, j'en suis. On ne fait pas de profil psychologique de l'individu, etc. Mais, quand tout le monde et son père se présente dans un «stampede» qui n'a pas d'équivalence dans le Québec, est-ce que, à ce moment-là, on ne devrait pas se poser des questions? Je veux dire, ce n'est plus pantoute le même marché dont on parle, là.
On parlait d'une vente absolument extraordinaire. Là tout le monde se ramasse là. Il fallait être député dans nos bureaux de comté quand ça a été annoncé. Quand le sous-ministre nous dit: C'est un grand succès, l'argent sortait, je vais vous en parler à mon bureau de comté. On a été obligés d'engager du monde, nous autres, pour répondre au téléphone. C'était incroyable, le tapage alentour du plan Paillé à cette époque-là. Est-ce que le banquier n'avait pas la responsabilité de réaliser rapidement qu'il n'avait pas affaire à la même clientèle que celle à laquelle normalement il avait affaire, de gens qui ont mûri l'idée de se partir quelque chose et puis qui ont été chercher des appuis, et puis finalement qui se sont présentés à la caisse ou à la banque, ce qui n'était pas le cas pantoute, là?
M. Roquet (Louis-L.): Écoutez, je serais mal placé pour répondre à la place des banquiers. Je ne peux pas parler à leur place. Je sais que les institutions financières, et les statistiques le prouvent, comme votre bureau de comté, ont été prises d'assaut, qu'elles ont dû se retourner de bord, comme on dit en québécois, très rapidement. Je sais que ça a pris quelque temps avant qu'elles se sentent tout à fait à l'aise avec le volume. Elles étaient débordées. Ça, c'est des choses qui nous ont été rapportées par nos partenaires.
Par contre, même si ce n'est pas une preuve mathématique, je n'ai pas constaté chez les institutions financières une attitude de dire: Bien, vu que c'est le gouvernement qui garantit à 90 %, on va laisser passer n'importe quoi. Un fait qui s'est produit et ça, c'est un constat qu'on doit faire c'est qu'à partir du moment où un programme garantit l'accès universel sur une base géographique ce ne sont pas tous des spécialistes en financement industriel et commercial qui gèrent ces dossiers-là au niveau des institutions financières, parce que les institutions financières elles-mêmes ont tendance à regrouper ces spécialistes-là dans des centres d'affaires.
Je suis convaincu que les gens qui ont conçu le programme, dans le fond, ont fait un «trade-off» en se disant: Oui, s'il y avait une distribution beaucoup plus concentrée, il y aurait un traitement plus expert. Mais l'option, c'est d'avoir une distribution très large avec un accès facilité. Il y a d'ailleurs des institutions financières qui ont adopté la stratégie de faire une distribution concentrée. Si vous remarquez, par exemple, dans les statistiques du programme, la Banque Royale a décidé qu'elle ne distribuait ce produit-là que dans des succursales qui faisaient du prêt industriel et commercial. C'était son choix de le faire. À ce moment-là, ce qu'on observe, c'est qu'on a des projets plus gros, en moyenne, davantage de projets par succursale, mais beaucoup moins de succursales, beaucoup moins de distribution. La Banque Royale, au total, a fait des prêts du plan Paillé dans 90 succursales seulement alors que, dans le cas du Mouvement Desjardins et de la Banque Nationale, c'était au-delà de 400.
M. Benoit: M. Roquet, dans son rapport, à la page 143, le Vérificateur général du Québec nous dit que «...les perspectives raisonnables de rentabilité...», puis là il nous donne une série de chiffres. Finalement, ce qu'on s'aperçoit, c'est que le niveau de perspectives raisonnables de rentabilité n'était tout simplement pas là dans un très grand nombre de prêts. Les chiffres sont là; vous pouvez les voir comme moi. C'est un peu pour ça que j'essaie de voir... Au-delà des chiffres, est-ce qu'on est allé plus loin? Parce qu'un bon banquier, normalement... Vous avez été dans cet univers-là, vous. Vous savez qu'au-delà des chiffres on étudie un peu l'individu, on étudie un peu son passé. On n'étudie pas juste... Je ne suis pas sûr que ça a été fait adéquatement, cet aspect-là de l'ouvrage.
Ma deuxième question, au cas où le président ne me permette pas d'en poser une autre, M. le Président, je vais la poser tout de suite.
Le Président (M. Chagnon): Vous faites bien de ne pas prendre de chance.
M. Benoit: Je ne prendrai pas de chance avec mon président. Vous avez dit tantôt: Écoutez, les banquiers, ce n'est pas parce que c'est insécurisé... Peut-être attendre pour être sûr que M. Roquet... Non, non. Ça va, pas de problème.
La deuxième question. Vous avez dit tantôt: Ce n'est pas parce que le prêt était garanti que le banquier a pris plus de risques.
M. Roquet (Louis-L.): Ce n'est pas parce qu'il était garanti par le gouvernement.
M. Benoit: Qu'il a pris plus de risques.
M. Roquet (Louis-L.): De toute façon, s'il n'était pas garanti, le banquier ne serait pas allé.
M. Benoit: La question... Et ce que j'ai pu vivre dans ma circonscription, c'est des individus qui avaient une entreprise où c'était garanti presque entièrement, et là ça aurait pris quelques milliers de dollars pour pouvoir passer à la deuxième étape du projet. Là, le banquier avait une analyse à faire: ou bien j'augmente mon risque non garanti, et puis là, moi, je vais prendre un risque comme banquier, ou bien je flushe l'affaire tout de suite, et puis là je suis garanti. Je pense à un cas en particulier que j'ai regardé. Je me suis dit: C'est bien évident que le banquier, entre un... avec un problème un peu plus gros, mais une chance qu'on passait à travers et je pense que son étude de marché le démontrait il a préféré flusher le dossier. Est-ce que le fait qu'on garantissait n'a pas eu cet effet pervers, finalement?
M. Roquet (Louis-L.): Certainement, dans certains cas. On a été témoin de cas où c'est le contraire qui s'est produit. Dans le volet III du plan Paillé, celui où on a utilisé les 20 000 000 $ qui demeuraient du volet II, ce sont tous des cas comme ça, c'est-à-dire que ce sont tous des cas où le banquier est déjà à risque pour 20 % et accepte l'équivalent de doubler son risque pour suivre l'entreprise. Nous en avons approuvé à peu près 150 actuellement des entreprises qui ont déjà profité du plan Paillé et qui ont la possibilité de revenir à la charge, puis qui ont besoin d'un appui en termes de garantie parce qu'elles ne rencontrent pas encore les critères, en particulier en termes d'équité, des banques.
Exigences différentes selon les volets du programme
Le Président (M. Chagnon): Ce qui me ramène à la question que j'ai posée ce matin, et la réponse nous a échappé: Pourquoi le volet I du plan Paillé n'exigeait-il pas les mêmes garanties bancaires que le volet II?
M. Roquet (Louis-L.): L'hypothèse que j'ai formulée, laissant à mon confrère qui a partagé les... mais basée sur notre expérience: les institutions financières auraient fort bien pu se passer du plan Paillé. De ce temps-ci, les institutions financières ne sont pas particulièrement intéressées à financer les entreprises, de toute façon, parce qu'il y a d'autres secteurs d'activité qui sont moins risqués et plus rentables; les fonds mutuels, en particulier, sont particulièrement intéressants, et les transactions au niveau de l'encaisse.
Donc, on n'offre pas le pactole aux institutions financières en leur offrant de financer du démarrage d'entreprises qui, normalement, se finance par du capital avec du prêt. À ce moment-là, 90 %, c'est le niveau qu'on a pu identifier à partir duquel les banques, disons, calculaient qu'elles étaient prêtes à soutenir les pertes, ce qui est arrivé, et c'est arrivé dans d'autres cas.
Le Président (M. Chagnon): Mais, un an plus tard, elles étaient prêtes à prendre 80 %.
M. Roquet (Louis-L.): Elles se disaient prêtes à prendre 80 % parce qu'elles avaient vu fonctionner les entreprises, et tout ça, et elles pouvaient faire le calcul que, là-dedans, il y avait des entrepreneurs intéressants, il y avait des entrepreneurs sérieux et que, à la limite, le profit qu'elles pourraient en tirer en termes de part du marché des PME pouvait valoir la peine.
On a connu la même expérience à la SDI avec le financement des crédits d'impôt remboursables à la recherche et au développement, où les banques n'avaient jamais fait ce financement-là. Nous avons convaincu les institutions financières de le faire, ça a pris une garantie de 90 %. Au bout de quatre ou cinq ans, on a partagé avec elles notre expérience de prêt. On les a convaincues de continuer à faire le financement avec une garantie de 80 %, et on se rend compte maintenant que, la première année, on demande la garantie de la SDI et, les années subséquentes, très souvent, le financement est fait par les institutions financières sans notre garantie.
(14 h 20)
Donc, il y a un effet d'apprivoisement, si vous voulez, ou de familiarité chez les institutions financières qui fait que, quand un produit nouveau leur est proposé, surtout un produit dont elles sentent qu'il peut devenir populaire et représenter un montant important, elles sont très réticentes à se lancer dedans, à moins d'avoir une couverture de risque très élevée. Pour la phase II, elles ont accepté 80 %.
Le Président (M. Chagnon): On reviendra là-dessus. M. le député d'Orford.
M. Benoit: Ça va. Merci.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous avez eu des nouvelles du Secrétariat du Conseil du trésor concernant ma demande d'avoir l'analyse du mémoire du ministère transmis au Secrétariat?
M. Brind'Amour (Jacques): Comme je vous disais ce matin, moi, je ne suis pas autorisé à vous remettre un document qui relève du Conseil du trésor. Après discussion avec eux, donc, ils demandent à la commission de s'adresser directement à eux pour avoir accès à ce document. Ils vont vous donner leur réponse eux-mêmes.
Le Président (M. Chagnon): Bien, c'est ce qu'on va faire, évidemment. Merci beaucoup. J'ai le député de La Peltrie, ensuite le député de Roberval.
Économies engendrées par le programme
M. Côté
: Le programme de démarrage de petites entreprises, malgré certaines faiblesses qu'on constate, malgré certaines lacunes qui sont constatées autant de la part du Vérificateur que de la part d'autres instances en termes de recherche sur le programme, je pense qu'on est devant une évidence que, le 31 mars 1997, il y avait 35 000 emplois qui relevaient de ce programme-là, qui ont été créés par ce programme-là, 10 500 entreprises. Toutes les régions pouvaient en bénéficier, puis ont pu en bénéficier; je pense qu'il n'y avait pas de limite de ce côté-là. Il n'y avait pas d'exclu comme tel pour ceux ou celles qui faisaient une demande quelconque pour être reconnus au niveau du programme. Alors, peu importe les personnes d'ailleurs, on le voit dans votre rapport d'enquête il y avait des bénéficiaires de l'aide sociale, il y en avait en chômage, il y en avait aussi au niveau des personnes qui étaient au foyer, il y avait des étudiants. Donc, il y avait de la place. Je pense que le côté positif, étant donné qu'il n'y avait pas d'exclu, il y avait de la place beaucoup pour la créativité puis l'innovation. On donnait la chance à beaucoup de personnes pour pouvoir vraiment être créatives.
Malgré tout cela, c'est sûr que ça ne correspond pas exactement à l'objectif de départ. Mais on dit aussi qu'il y a deux fois plus de retours fiscaux que les 116 000 000 $ de pertes qui ont eu lieu. Est-ce qu'on a compté aussi... Les bénéficiaires de l'aide sociale qui ont créé leur petite entreprise ou encore qui se sont trouvé de l'emploi à l'intérieur de ce programme-là, est-ce qu'il y a eu de la comptabilisation de faite à l'effet que, s'ils étaient restés sur l'aide sociale, au fond, ce serait deux fois plus que les retours fiscaux... Je veux dire, oui, le 116 000 000 $ de pertes, il serait diminué d'autant si on prend ce qu'on aurait été obligé de verser pour... Ou encore pour les étudiants, aussi, qui avaient fini leurs études et qui auraient dû attendre pour aller sur le marché du travail, il y aurait eu des coûts qui auraient été reliés à ça, pour l'État.
Est-ce que vous avez un peu de statistiques à cet effet-là?
M. Roquet (Louis-L.): On les a évalués avec l'aide des gens qui gèrent ces programmes-là. Alors, si on a évalué, par exemple, la réduction des coûts de la Sécurité du revenu, les calculs ont été faits par les gens ou à l'aide des gens de la Sécurité du revenu. Ce ne sont pas des hypothèses qu'on a formulées.
Si vous regardez le portefeuille dans son ensemble, l'évaluation qu'on fait de la réduction des coûts de la Sécurité du revenu, c'est 11 300 000 $. Et, si on se base sur l'expérience qui dit que 20 % des gens qui sont à l'assurance-chômage vont à la Sécurité du revenu, bon an, mal an, presque mathématiquement, ça représente une réduction potentielle de 10 300 000 $. Mais l'économie qui a été calculée, en termes de sécurité du revenu, vraiment, qui aurait été payée, c'est 11 300 000 $.
D'ailleurs, toute l'évaluation des recettes fiscales, etc., qui a été faite a toujours été faite d'une façon aussi conservatrice que possible, parce que déjà on travaille avec un échantillon. C'est moins bon que de travailler avec toute la population, et on veut que les données qu'on soit en mesure de rapporter soient des données qui soient sensées et qui reposent sur des hypothèses qui ont du sens et qui sont conservatrices.
M. Côté: Donc, c'est des coûts qui auraient été à être versés quand même...
M. Roquet (Louis-L.): Vraiment encourus. Oui, vraiment encourus.
Niveau d'encadrement des projets
M. Côté: Le MICST et la SDI, est-ce que vous auriez pu exiger un parrainage plus soutenu à ces entreprises-là en démarrage? Si c'était à recommencer, est-ce que vous pourriez aller plus loin en termes de parrainage auprès de ces entreprises-là?
M. Roquet (Louis-L.): Tous les gens qui ont de l'expérience dans le financement ou l'appui à des PME vont dire, et je suis convaincu qu'ils ont raison, que le parrainage, le suivi, l'accès à des ressources spécialisées, c'est probablement un des facteurs les plus importants de succès ou, en tout cas, ce qui permet de réduire le plus le taux d'échec des PME qui démarrent.
N'importe qui qui fait du prêt à la PME, surtout du prêt de démarrage, est en mesure de constater régulièrement que souvent ce qui fait sauter ces entreprises, ce n'est pas un mauvais produit, ce n'est pas l'absence de demande sur le marché, c'est souvent une décision absolument bête qui aurait pu être évitée. Ça peut être la décision, par exemple, de construire son usine au lieu d'en louer une, puis, en la construisant, de jammer toutes ses liquidités dans un projet, alors qu'il aurait été infiniment mieux de louer un espace. Ça peut être son financement qui est complètement inadapté. Mais, souvent, ce n'est pas quelque chose de fondamental comme sa technologie, son produit, son marché, sa clientèle. Donc, dans le fond, le fait d'être entouré permet souvent d'éviter ces erreurs bêtes, un ou des bons conseillers pouvant permettre à l'entreprise à ce moment-là de se développer normalement.
Là où ça devient difficile à évaluer, c'est: Combien ça en prend et quel est le rapport, jusqu'à un certain point, coûts-bénéfices? C'est certain qu'on peut payer à chaque entreprise, à la limite, ou offrir à chaque entreprise un conseiller pour l'équivalent d'une journée par mois. D'abord, ce n'est pas tous les entrepreneurs qui vont le prendre; deuxièmement, ce n'est pas tous les entrepreneurs qui en ont besoin. Il y a au-delà de 50 % des gens qui ont entre trois et 10 ans d'expérience de gestion et d'expérience de leur secteur, puis qui vont considérer qu'ils sont capables de partir leur business relativement tout seuls, et qui vont se fier aux conseils de leur avocat ou de leur banquier puis ils vont estimer que ça leur suffit.
Pour l'autre 50 %, il serait possible d'imaginer des structures d'appui, mais ce qui est difficile... Parce que ce qui a marqué ce programme-là, c'est que la demande a été instantanée. Alors, c'est très difficile de créer des structures d'accueil pour une population de plusieurs milliers d'entrepreneurs qui vous arrivent. Les outils d'accueil ou d'encadrement qui sont là sont des outils pour encadrer un taux normal ou moyen de création d'entreprises, auxquels outils le ministère a ajouté des ressources. Mais le démarrage du projet a été très rapide, et c'est pour ça que ça a pris un certain temps pour que les structures d'accueil et d'appui s'adaptent à cette réalité-là. Mais c'est sûr que, s'il y avait 2 000 000 $ de plus à mettre dans un programme de ce genre-là, même modifié, ça vaudrait la peine de le mettre dans l'encadrement plutôt que dans le financement, n'importe quand.
M. Côté: Donc, il y aurait une plus grande efficacité en agissant avec un encadrement un peu plus serré.
M. Roquet (Louis-L.): En tout cas, disons que ce serait moins dur pour les entrepreneurs.
M. Brind'Amour (Jacques): Peut-être dire simplement... Comme le dit M. Roquet, le problème... Je pense que les mécanismes d'encadrement normaux sont là. Les SAJE s'occupent des jeunes, et ils le font bien; les commissaires industriels aussi s'occupent d'entreprises, et ils le font bien; aussi nos bureaux régionaux. Puis il y a des compléments, la SQDM, et tout ça. Le problème, c'est le volume. Comment encadrer 10 000 ou 8 000 entrepreneurs qui, en sept mois, décident d'entreprendre et qui n'ont jamais créé une entreprise? Bien, c'est évident que c'est un flot énorme.
(14 h 30)
L'autre question, comme dit M. Roquet: Combien d'entre eux avaient vraiment besoin d'être encadrés? Il y en a au moins 55 % qui avaient plus de trois ans d'expérience de gestion; on peut présumer qu'ils avaient une bonne idée de ce qu'ils voulaient faire dans leur secteur d'activité, et une bonne partie était des jeunes. Alors, les jeunes, on pense qu'on les a encadrés. Si ça n'avait été du volume, c'est sûr que les mécanismes qui étaient en place auraient été suffisants. On a tous été surpris il faut en être conscients par le volume rapide: 8 000 dossiers en sept mois, là...
M. Roquet (Louis-L.): Un programme, sa courbe de croissance, c'est une courbe normale en forme de cloche. Si vous voulez, vous annoncez le programme, les gens se familiarisent, on fait une application, ça augmente, et tout ça. Le plan Paillé, il a été comme ça. Je veux dire, il est parti à 4 000 de volume, et le phénomène que décrivait M. Benoit, que son bureau de comté a été inondé dès le départ, s'est vécu, j'en suis convaincu, dans tous les bureaux de comté, s'est vécu au MICST, à l'information, s'est vécu à la SDI où les téléphones rentraient par centaines par jour, etc. Alors, c'est un programme qui a démarré à cent milles à l'heure. Ça ne laisse pas grand temps pour s'organiser et pour calibrer les ressources d'encadrement.
M. Côté: Mais, à partir de maintenant, là, est-ce que vous avez des mesures qui sont...
M. Roquet (Louis-L.): Permanentes et en place, oui.
M. Côté: ...mises de l'avant pour assurer un meilleur encadrement d'ici à ce que...
M. Roquet (Louis-L.): Oui.
M. Côté: Bien, là, parce qu'on fait juste commencer à rembourser les intérêts, je pense, dont le capital va venir par la suite.
M. Roquet (Louis-L.): Oui.
M. Côté: Bon, je pense qu'elles ont besoin encore, ces entreprises-là... À la fin mars, il en restait 10 500. Bon, quelles sont les mesures, à date, qui ont été mises de l'avant pour s'assurer des plus grands résultats possible et de leur survie de ces entreprises-là?
M. Brind'Amour (Jacques): Bien, écoutez, on a renforcé la capacité des SAJE d'agir. Au-delà de ça, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a des mesures vraiment spécifiques qui ont été mises en place pour suivre les entreprises du plan Paillé outre les mécanismes habituels qu'on a, là, de réseautage d'entreprises, de soutien via les SAJE, programmes de formation des dirigeants aux nouvelles technologies, etc. Mais c'est des mécanismes qui existaient déjà. La seule chose, c'est qu'il y a un volume additionnel qui vient en demande à ces mécanismes-là.
M. Côté: Pour mesurer ou évaluer, d'ici les prochaines années, comment vous allez pouvoir nous revenir en disant: Bon, voici, on avait mis telle mesure en place, voilà ce que ça a donné comme résultat? Je ne sais pas, dans six mois ou un an, par exemple, être capable de venir nous dire que ces mesures-là ont apporté les résultats escomptés.
M. Roquet (Louis-L.): On peut le faire par nos enquêtes annuelles, c'est-à-dire que, dans le cadre de la reddition de comptes, on peut ajouter à notre questionnaire des questions à ce sujet-là et on peut le faire aussi à travers nos partenaires comme les SAJE en allant chercher l'information à leur niveau. C'est un domaine dans lequel tout le monde marche un peu par règle du pouce. Il n'y a pas de données très précises qui vont dire quel est le niveau optimal de soutien. Alors, dans le fond, il faut qu'on se base sur la satisfaction de nos clients et le besoin qu'ils expriment et aussi les gens qui les servent, et, actuellement, les partenaires les plus actifs à part le MICST et son réseau de bureaux régionaux, c'est les SAJE, les Services d'aide aux jeunes entrepreneurs.
M. Côté: Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de La Peltrie. M. le député de Roberval.
M. Laprise: Je pense que M. Côté, M. le député de La Peltrie, a quand même posé des questions qui se rapprochaient de la question que je me posais aussi: de quelle façon on allait pouvoir aider ceux qui sont en rémission, ceux qui sont susceptibles, après cinq ans, de continuer. Je pense que c'est important d'avoir un suivi là-dessus et...
Le Président (M. Chagnon): En rémission?
M. Laprise: Pardon?
Le Président (M. Chagnon): En rémission, ils sont déjà pas mal malades, là.
M. Laprise: Oui, mais il reste qu'ils peuvent quand même passer les cinq ans. Ils sont corrects après. N'importe quelle entreprise dans n'importe quel programme... Je voyais ça, les premiers cinq ans, c'est quand même ceux où l'entreprise est la plus vulnérable. Alors, je pense que, passé ces cinq ans-là, on peut se permettre de dire: On va avoir une vie plus prolongée. Je crois que les programmes du MICST peuvent absorber quand même cette partie-là de support aux entreprises même si c'est des entreprises qui n'investissent pas, peut-être, à coup de 100 000 000 $ ou à coup de 10 000 000 $, même à coup de 1 000 000 $. Moi, en tout cas, pour un, je ne trouve pas ça dramatique qu'on ait eu une surabondance d'applications sur ce programme-là parce qu'il était justement fait pour tester le marché des promoteurs, la viabilité des promoteurs et de ceux-là qui étaient intéressés à assumer une responsabilité d'entreprise.
En plus, on constate qu'il y en a beaucoup de Québécois qui sont intéressés à avoir leur propre entreprise. C'est une valorisation à l'intérieur de ça très humaine aussi. Je pense qu'il y a une valorisation de la collectivité qui est à travers ça, et ça donne l'opportunité à des travailleurs qui étaient peut-être accrochés à des pensions, ou encore à du bien-être, ou à du chômage d'avoir recouvré une certaine fierté de travailler. Moi, en tout cas, c'est vrai qu'il y en a des entreprises... On a parlé beaucoup de celles-là qui ont fermé, mais, je peux vous dire, j'en ai une dans mon comté entre autres, une parmi d'autres, puis elle n'est pas la seule, elle avait commencé avec 50 emplois, et ils sont rendus à 75 emplois et prétendent de se rendre à 150 emplois d'ici trois ans. Alors, peut-être qu'on en a perdu quelques-unes, mais, d'un autre côté, il y a des entreprises qui ne se sont pas arrêtées aux 50 emplois de départ. Elles vont aller plus loin parce qu'elles sont rendues jusqu'à l'exportation puis elles vont aller plus loin dans de la valeur ajoutée. Alors, je pense que c'est quand même positif. Malgré les aspects négatifs qu'il peut avoir, c'est un programme... En tout cas, pour moi, c'est un bon principe.
Le Président (M. Chagnon): Vous avez aimé ça, vous?
M. Laprise: Oui, j'ai aimé ça parce que ça laissait de la latitude puis que ça laissait ou ça donnait l'opportunité à des gens qui voulaient investir d'investir. Des gens qui n'avaient jamais eu l'occasion de le faire.
Le Président (M. Chagnon): O.K. C'est beau. Il n'y a pas de questions?
M. Laprise: Non.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le député de Shefford.
Nombre total d'emplois créés
M. Brodeur: Oui, M. le Président. Ce matin, on a surfé sur la création d'emplois, on a entendu toutes sortes de chiffres, on en entend depuis longtemps. Le ministre de l'Économie et des Finances nous a parlé à un moment donné de 54 000, ce matin, on était à 19 000. En fin de compte, on a deux genres de statistiques. Juste pour essayer d'éclaircir la chose, est-ce qu'on peut dire que, dans la création d'emplois suite à la création du plan Paillé, c'est qu'on ne le sait pas, combien il y a de création d'emplois? Il y a du déplacement d'emplois. J'ai entendu des chiffres de toutes sortes depuis des mois, est-ce qu'on peut établir qu'on ne le sait pas en fin de compte, là, qu'on présume à peu près n'importe quoi, qu'on change des données, on change de principe à chaque fois qu'on calcule une création d'emplois? Ce matin, M. le sous-ministre, vous avez parlé de 19 000 peut-être. On arrive à combien? Est-ce qu'on ne le sait pas, en fin de compte, là?
M. Brind'Amour (Jacques): Non, mais je voudrais rétablir les chiffres, là. Moi, je n'ai jamais parlé de 19 000, c'est le Vérificateur général qui parle de 19 000 au bout de huit ans. Nous, ce qu'on sait, c'est que, si on établit les chiffres...
Le Président (M. Chagnon): On va être obligé de rester ici huit ans pour le savoir?
M. Brind'Amour (Jacques): Ha, ha, ha! Ce qu'on sait, c'est que l'objectif du programme, c'était de créer...
Une voix: ...
M. Brind'Amour (Jacques): Bon, j'attendais simplement... Bon. Tout simplement, je veux dire, c'est qu'on sait que l'objectif du programme, c'était de créer 30 000 emplois après trois ans. Le programme ne présumait pas qu'il y aurait, au bout de huit ans, 50 000, 60 000, 10 000, 22 000. Ce que je disais ce matin, c'est que le Vérificateur, dans son analyse, nous dit que, selon lui, au bout de huit ans, il va en rester 19 000 parce que, selon une règle de trois, il y a le tiers des entreprises qui vont survivre, et, comme elles vont avoir créé cinq emplois, au bout de huit ans, ils vont tous les perdre, puis il va en rester 19 000. Bon. Puis là j'ai dit... Peut-être que je n'ai pas employé un terme parlementaire, je m'en excuse, je ne suis pas un parlementaire. Ce qui m'étonne, c'est que j'aie été choqué de ça, mais, nous, on a été choqués parce qu'on pensait que ce n'était peut-être pas une bonne façon d'analyser ou d'apprécier ce que sera un programme et comment l'entreprise se développe pour la raison très simple... C'est qu'on présume, nous, que ces entreprises-là, pendant trois ans, on leur donne des conditions qui leur permettent de se développer, mais que, après, ça va dépendre d'elles-mêmes aussi, ça va dépendre de l'évolution de l'économie, de leur secteur, leur capacité, etc. On va leur donner tous les autres services qu'on donne à toutes les entreprises. Pas de discrimination. Si elles veulent engager un technicien ou engager un ingénieur, on va les aider. Si elles veulent exporter, on va les aider. Si elles veulent développer leur technologie d'organisation, on va les aider comme tous les autres.
(14 h 40)
Donc, je ne pense pas qu'on puisse, à partir d'analyses succinctes, faire porter comme ça des chiffres, là, 19 000. Et, moi, j'avais été un peu surpris de ça parce que et on l'avait dit au Vérificateur, je crois on trouvait que ça ne reposait pas sur une analyse assez fine de la situation, qu'il y avait un paquet de facteurs qui influençaient ça et que, conséquemment, de porter, à partir de ça, un jugement sur un programme qui est devenu la manchette, si je me rappelle bien, selon nous, ça a dénaturé un petit peu tout le travail qui avait été fait par les services chez nous, par la SDI et d'autres pour que ça marche, cette affaire-là. Puis c'est notre job de faire que ça marche, donc on a travaillé très fort pour que ça marche. Bon.
Le Président (M. Chagnon): Ça a marché?
M. Brind'Amour (Jacques): Ce qu'on sait par une enquête, c'est qu'il y aurait 35 000 emplois de créés. Alors, nous, c'est le chiffre sur lequel, actuellement, on vit. Dans un an, on va faire une autre enquête et on verra. C'est des enquêtes, à mon avis, avec 1 200 entreprises, qui commencent à être assez fiables. Peut-être que dans un an on va découvrir qu'il y a 38 000 emplois ou 27 000. On vous le dira aussi honnêtement qu'on vous le dit actuellement, mais on ne présumera pas au-delà de ce qu'on sait.
M. Brodeur: Est-ce que vos chiffres de... Ces 34 735 emplois, là, je regarde les chiffres ici: Qui avaient auparavant un emploi d'un concurrent, 4 826; à l'emploi d'une autre entreprise, 10 190. Encore là, ce n'est pas de la création d'emplois, c'étaient des emplois qui existaient déjà. Étudiants: 5 520. Est-ce que c'est un déplacement d'emplois qui nous permet de croire que l'emploi dans d'autres entreprises n'a pas été remplacé parce que c'est des gens qui venaient d'ailleurs puis qu'on faisait des concurrents?
M. Brind'Amour (Jacques): C'est des gens qui ont quitté un emploi en entreprise pour lancer une entreprise. Ils ont créé de l'emploi.
M. Brodeur: Oui, mais on multipliait les entreprises dans le marché, ce n'est pas certain que ça a créé des emplois dans l'entreprise qu'ils ont quittée, par exemple.
Une voix: Ils avaient un emploi.
M. Brodeur: Ils avaient déjà un emploi.
M. Roquet (Louis-L.): Ça a pu le faire.
M. Brind'Amour (Jacques): Ça a pu le faire.
M. Brodeur: Donc, c'est très subjectif comme données.
M. Roquet (Louis-L.): Ça l'a fait dans...
M. Brind'Amour (Jacques): Pardon?
M. Brodeur: C'est très subjectif comme données.
M. Roquet (Louis-L.): Non, non. Ce qui est subjectif, c'est les hypothèses que vous faites sur le taux de substitution, monsieur. Ce qui est objectif, c'est qu'il y a 35 000 personnes qui travaillent au 31 mars 1997 dans des entreprises qui ont été créées avec le plan Paillé. Ce que nous ne sommes pas...
M. Brodeur: On parle toujours de la création d'emplois nette.
M. Roquet (Louis-L.): Je ne parle pas d'emplois nets ou d'emplois bruts, je parle de personnes humaines québécoises travaillant dans des entreprises qui ont été financées par la... Nous ne sommes pas en mesure, actuellement, de donner un chiffre sur la création nette d'emplois ou sur l'impact des substitutions, mais nous savons qu'un tiers des entreprises... Vu qu'elles «shippent» leurs marchandises à l'extérieur du Québec ou qu'elles produisent des produits qui n'étaient pas fabriqués au Québec avant, on pense que ça peut être raisonnable de penser que c'est de la création nette, nette, nette d'emplois. Mais on ne va pas plus loin que les hypothèses qu'on formule.
Le Président (M. Chagnon): Sûrement qu'il y a de la création nette, nette, nette d'emplois, mais...
M. Roquet (Louis-L.): On l'espère.
Le Président (M. Chagnon): Nous l'espérons tous, mais les conclusions du Vérificateur général qui ont choqué le sous-ministre de l'Industrie et Commerce...
Une voix: C'est revenu depuis, là.
Le Président (M. Chagnon): Vous dormez, j'espère, depuis ce temps-là?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Eh bien, elles portaient sur une création nette d'emplois.
M. Roquet (Louis-L.): Le programme n'a jamais annoncé d'objectifs en termes de création nette d'emplois.
Le Président (M. Chagnon): Lorsqu'il fait son calcul, ce que vous appelez sa règle de trois 35 % vont survivre dans huit ans, et, dans huit ans, on aura 19 000 emplois c'est des emplois nets? Parce que, là, on a des gens qui ont déjà un emploi qui rentrent dans le plan Paillé puis qui créent un emploi. Mais ils ne créent pas un emploi, ils en avaient déjà un.
M. Brind'Amour (Jacques): Ils en créent peut-être trois emplois, c'est des gens qui décident de créer une entreprise.
Le Président (M. Chagnon): En fait, ils étaient déjà détenteurs d'un emploi. Alors, s'ils créent un emploi ailleurs, ce n'est pas nécessairement une création nette d'emplois.
M. Brind'Amour (Jacques): Oui, mais ils devaient s'engager à créer trois emplois.
Le Président (M. Chagnon): Oui, d'accord.
M. Brind'Amour (Jacques): Donc, ils ont créé de l'emploi.
M. Brodeur: Mais là on peut se faire une guerre de chiffres à l'infini. Quand on parle d'exportation, le même rapport du Bureau de la statistique nous dit qu'il y a 17 % des produits qui sont exportés seulement à l'extérieur du Québec provenant du plan Paillé. Donc, on peut jouer sur tous les chiffres possibles et imaginables. Ce que je vous demande... Il n'y a rien de précis qui peut nous dire combien d'emplois ont été créés. Je prends pour acquis que le Vérificateur général a raison ou qu'il a tort? Vous dites que ses chiffres ne sont pas crédibles ou quoi?
M. Brind'Amour (Jacques): La méthode me semble un peu courte.
M. Brodeur: La vôtre serait meilleure concernant ça?
M. Brind'Amour (Jacques): Je pense que cette méthode-ci est meilleure, oui. C'est-à-dire que, pour mesurer ça...
M. Roquet (Louis-L.): C'est deux choses différentes. Le Vérificateur général dit et, si ce que je dis n'est pas exact, il pourra se défendre ou me reprendre que, dans huit ans, il va rester 19 000 emplois. Ce que je réponds, c'est: Je n'ai pas de boule de cristal, je n'en sais rien. Mais, au 31 mars 1997, je sais qu'il y avait 35 000 personnes qui travaillaient dans des entreprises. Je ne ferai pas de prédictions sur l'an prochain, je viendrai faire rapport à la commission et vous dire combien il y en a selon une méthode qui, sur le plan statistique, est fiable, avec un modèle économétrique qui est adapté à la structure de l'économie du Québec et qui est revalidé et qui est rajusté chaque année, chaque fois qu'on change les lois fiscales, pour être sûr qu'on calcule les bénéfices fiscaux correctement.
D'ailleurs, M. le Président, il y a un commentaire général que je tiens à faire, on l'a souligné tout à l'heure au début de la séance, c'est que le plan Paillé, parce qu'il a été très médiatisé, a suscité non seulement beaucoup d'enthousiasme, beaucoup de félicitations, mais aussi beaucoup d'inquiétude. Un peu comme si on annonçait, je ne sais pas, moi, un remède miracle pour le sida, il y aurait probablement la moitié de la population qui crierait au miracle et l'autre moitié à la fumisterie, et c'est dommage parce que...
Le Président (M. Chagnon): Les deux ne peuvent pas se tromper en même temps.
M. Roquet (Louis-L.): Et la vérité est peut-être dans la moyenne, vous avez raison. Mais il y a quand même des faits et il y a quand même des données qui sont fiables où on a dit, et des gens qui avaient une grande autorité morale: Ah, ça va être effrayant, la fraude qu'il va y avoir dans ce... Il n'y a personne qui a été condamné pour fraude jusqu'à date. À ce que je sache, il n'y a pas un des criminels qui ont été nommés publiquement qui a été même amené en justice. À ce que je sache, le taux moyen de ce qu'on appelle «fraude» pour des prêts bancaires est 5 %. On est à 4,4 %, on est dans l'honnête moyenne. Ce n'est pas un nic à fraude et à abandon de tout contrôle raisonnable, on est dans la moyenne bancaire canadienne, O.K.? On dit: N'importe quel projet a passé. Quand on a vérifié, les institutions financières rejetaient entre 50 % et 70 % des applications qui étaient faites. Ce n'était pas exactement un tourniquet, une porte tournante.
Le Président (M. Chagnon): Ça vient de tuer un mythe.
M. Roquet (Louis-L.): Alors, dans le fond, il y a beaucoup d'incertitude. Il y a certainement des améliorations qu'on doit faire, mais il y a aussi des faits et des données dont il faut tenir compte pour équilibrer les inquiétudes qu'un programme comme ça peut susciter. Là, ça, ce sont des faits, ce sont des réalités, ce ne sont pas des opinions.
M. Brodeur: Quand vous dites que le programme a été beaucoup médiatisé...
M. Roquet (Louis-L.): Beaucoup.
M. Brodeur: ...naturellement, le gouvernement y a contribué beaucoup. On parlait de 54 000 jobs. Le plan Paillé, un succès retentissant, dit Landry , titre La Presse , etc. Et, quand on arrive en bout de ligne, suite au rapport du Vérificateur général, on s'aperçoit que, en fin de compte, on avait, entre guillemets, de beaucoup exagéré les retombées du programme. Et puis, lorsqu'on regarde les statistiques du Bureau de la statistique, moi, je vois à peu près 4 000 à 5 000 nouvelles jobs, les autres existaient déjà ailleurs. Et puis, lorsqu'on prend le rapport du Vérificateur général, lui aussi, il est sceptique. Donc, tout ce que je vous dis, c'est qu'il me semble qu'il y a une inflation verbale sur la possibilité de création d'emplois, mais qu'il n'y a pas de statistiques fermes sur la création d'emplois nette.
M. Benoit: C'est ça.
M. Brodeur: Nette. L'effet réel du plan Paillé sur l'économie, ce sont les emplois nets et non pas les emplois qui sont reliés aux entreprises qui ont bénéficié d'un montant du plan Paillé. Ce sont les emplois nets. Donc, c'est là-dessus que j'y vais et non pas sur les emplois qui sont rattachés à une entreprise qui a eu une subvention, les emplois nets. Donc, il y a eu une inflation extraordinaire. Ce que je vous demande, c'est: Est-ce qu'il y a des chiffres qui sont précis ou bien on prend le rapport du Vérificateur, le rapport du Bureau de la statistique et on peut y ajouter ce qu'on veut et sans...
M. Benoit: On fait une moyenne.
M. Brodeur: On fait une moyenne? Qu'est-ce qu'on fait?
M. Roquet (Louis-L.): Écoutez, ça fait trois fois que je le dis, là, je vais le dire lentement, lentement. Monsieur, les chiffres du Vérificateur portent sur son estimé de combien il va rester d'emplois dans huit ans. Votre question, qui est fort pertinente, M. Brodeur, est: Dans les emplois que vous déclarez être des emplois des entreprises du plan Paillé, il y en a combien qui sont vraiment des emplois nets, c'est-à-dire des emplois qui se sont ajoutés à l'ensemble des emplois avant cette intervention-là? Ce n'est pas une problématique qu'il est facile d'évaluer, l'effet de substitution. Nous nous sommes engagés devant la commission à regarder ça avec les gens du Bureau de la statistique et à arriver à développer une méthodologie qui est à la fois parcimonieuse, parce que ça peut coûter très cher, et fiable et raisonnable. Actuellement, la meilleure approximation qu'on peut faire et je pense qu'elle est conservatrice c'est de dire que les entreprises qui fabriquent des nouveaux produits et les entreprises qui exportent toute leur production devraient être des entreprises qui ont généré des emplois au net. Mais combien au-dessus de ça sont des emplois créés de toutes pièces? Je ne saurais pas le dire. Ça, on va essayer de vous identifier une méthodologie et une approche qui convainquent non seulement des économistes, mais des gens raisonnables et qui nous permettent d'arriver à un estimé qui est fiable pour répondre aux questions de la commission.
(14 h 50)
Le Président (M. Chagnon): On vous remercie beaucoup.
M. Brind'Amour (Jacques): Un petit complément peut-être. Il y a au moins la moitié de ces emplois-là qui étaient des gens qui n'avaient pas d'emploi. On le sait, là, il y en a au moins la moitié. Ils étaient étudiants, ils étaient sur l'aide sociale, ils étaient en chômage, et tout ça. Sur les 15 000 autres, ou bien il y a 15 000 personnes qui ont quitté un emploi puis elles n'ont pas été remplacées, ou bien il y a 15 000 personnes qui ont quitté un emploi puis qui ont été remplacées. On pourrait essayer d'apprécier ça sur ce plan-là.
M. Roquet (Louis-L.): On va l'évaluer dans le sondage.
Le Président (M. Chagnon): On vous remercie. Moi, je n'ai pas d'autre demande de questionnement. Ici, en tout cas. À moins qu'il ne s'en présente, je tirerai quelques conclusions. Vous savez...
M. Benoit: ...fermer la commission?
Le Président (M. Chagnon): Oui, je suis à la veille de la fermer, là, mais je tirerai quelques conclusions.
M. Benoit: On s'était entendu jusqu'à 16 h, non? Ou à 15 h?
Le Président (M. Chagnon): Oui, jusqu'à 16 h, mais, si vous avez des questions...
M. Benoit: C'est parce que je n'ai pas identifié ma question. Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): C'est parce qu'il faut me l'indiquer, mais il n'y a pas de problème. Vous avez des questions, allez-y.
Cas de fraude
M. Benoit: M. Roquet, à l'article 6.57, à la page 145, on parle effectivement de malversation et de fraude. Tantôt, quand vous avez répondu à une des questions de mon confrère, vous avez dit: Il y avait beaucoup de monde qui nous disait, effectivement, qu'il y aurait de la malversation puis de la fraude. Puis, effectivement, on entendait ça, beaucoup de gens disaient ça. Souvent, entre compétiteurs, on nous identifiait que, finalement, ils n'avaient pas dit oui, eux, mais qu'ils allaient chez le voisin puis que le voisin avait dit oui. Mais ça, c'est de bonne guerre. Mais, effectivement, beaucoup plus que d'habitude, peut-être à cause du tapage aux alentours du plan Paillé, beaucoup de monde a dit: Il va y avoir de la malversation et de la fraude. Vous-même le disiez il y a quelques instants.
Je suis un peu surpris de voir que ça prendra à la SDI un an et demi. Si je comprends bien le rapport du Vérificateur, ça vous prendra un an et demi avant de réaliser que ce que bien du monde disait était après de se produire. Vous nous dites: Bien, c'était moins que l'industrie, c'était 4.4 %. Effectivement, il y en a eu. Il y a des cas, ici, qu'on nous raconte: le même plan de travail pour un certain nombre de compagnies; maisons de courtage immobilier, même plan d'affaires. Au moment de la liquidation des entreprises, bon, il y a eu des actifs qui sont disparus. Probablement qu'on a vu cela avant. Il n'y a personne qui a inventé ces malversations-là, on a déjà vu ça dans l'industrie, mais, soudainement, on les a vues en quantité industrielle. Moi, ce qui me surprend, c'est que, alors que tout le monde vous le dit, ça va vous prendre un an et demi, et là vous allez faire un test sur 400 cas, vous allez essayer de voir l'ampleur du problème. Je ne sais pas, moi, un bon banquier, un bon prêteur d'argent, à partir du moment où les oreilles lui silent sur une affaire comme ça, normalement, il va tout de suite être aguerri, il va faire attention. On dit souvent: Un homme averti en vaut deux. Je veux dire, le bon peuple vous avertissait dans ce cas-là.
M. Roquet (Louis-L.): Comme je vous le disais tout à l'heure, pour les banquiers, ces prêts-là n'étaient pas différents des autres, sauf pour l'aspect du volume, etc., et les pratiques qu'ils ont habituellement, ils les ont respectées. Dans les fraudes qui se sont produites, souvent, quand on parle de fraudes, on considère que c'est, par exemple, quelqu'un qui va créer une compagnie fictive, qui va, dès que l'argent va être versé dans le compte, retirer le 50 000 $ et partir pour le Venezuela. Effectivement, il y a des gens qui ont fait ça. Ils ont pu prendre deux ou trois jours pour retirer les fonds et ils ont disparu. Ils ont été poursuivis, ils ont été condamnés, et on a les dix prochaines années pour les attraper s'ils se remontrent au Québec.
Mais la grande majorité des fraudes sont ce que je serais plutôt porté à appeler des fraudes du désespoir et qui ne sont pas particulières au plan Paillé ou quoi, et c'est la personne qui va donner en garantie, par exemple, un actif. Bon, elle s'achète une camionnette puis elle n'aurait pas dû l'acheter, elle aurait dû employer des services de livraison. Son entreprise ne va pas bien, même si la camionnette est en garantie, elle la vend pour se redonner un peu de liquidités dans l'espoir qu'elle va réussir à faire vivre sa compagnie plus longtemps puis qu'elle va passer à travers une passe qui est difficile. Mais, quand tu fais ça, tu fraudes parce que l'actif était donné en garantie. Dans son esprit, elle est en train de sauver son entreprise. Alors, ça n'enlève pas la responsabilité de son geste, mais le 4 % point quelques, ce n'est pas tout de la fraude malicieuse et planifiée au départ. Souvent, c'est des mesures de désespoir de gens qui sont aux abois.
Le fait que, avec un tel afflux de clientèle, le pourcentage de fraude ne soit pas plus élevé que la moyenne nationale par temps tranquille me dit que les banques ont appliqué certainement avec autant de rigueur les mesures de contrôle de la fraude qu'elles le font en cas ordinaire. On ne peut pas dire que ça a été un modèle de relâchement parce que, ici, avec le volume qu'elles avaient, ça aurait pu être beaucoup plus élevé que ça. Alors, je me dis, dans le fond, s'il y a quelque chose, elles ont serré un petit peu parce que, sans ça, ça aurait explosé, effectivement, à cause du volume. Je ne sais pas si ça répond à vos...
Coûts d'administration du programme
M. Benoit: En rétrospective, je trouve un peu facile, là, c'est la SDI qui nous dit: Bien, les banques ont pris la même approche. C'était la même façon de faire les choses. Est-ce que, M. Roquet, si c'était à recommencer, si on pouvait «rewinder» le film, la SDI... Est-ce que, comme d'autres programmes, il serait avantageux que ce programme-là soit géré directement par nos institutions, dans nos bureaux et que nous n'ayons pas de partenariat avec les caisses ou les banques?
M. Roquet (Louis-L.): Il faudrait, à ce moment-là, que ça soit un programme radicalement différent. Ça ne pourrait pas être un programme massif, genre coup d'adrénaline à l'économie ou multisectoriel, etc., si ce n'est que, à cause du volume... La SDI traite actuellement à peu près 400 financements par année. Si on voulait seulement en faire 1 000 de plus par année, ça représenterait des coûts très, très importants, puis on ne peut pas accélérer. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, comme on est soit des prêteurs non garantis par fonction, soit des garantisseurs, des garants, la seule façon autre que celle qui a été employée pour gérer un programme de garantie, c'est de faire la même analyse que va faire un capitaliste de risque d'un dossier parce que, dans le fond, la seule chose qui vous permet de garantir le risque d'un prêteur, c'est ou la statistique, un peu comme un assureur le fait, ou bien c'est la connaissance pointue de l'entreprise, de son plan d'affaires, de l'évolution du secteur, de sa technologie, de son marché, etc., comme si vous étiez un investisseur. Et, dans le fond, ce que vous faites, c'est que, au lieu de mettre 200 000 $ dans l'entreprise, vous garantissez un prêteur pour que ça étire jusqu'à 500 000 $ puis ne pas être obligé de mettre du capital dessus. Vous fonctionnez avec un raisonnement de capital de risque, et ça, ce n'est pas des dossiers qui peuvent se faire très, très vite même s'ils sont relativement petits.
Regardez, par exemple, les SOLIDE, qui ont été créés pour, souvent, des investissements de démarrage en région, etc. Les SOLIDE qui réussissent bien font huit dossiers par année en moyenne. Ce n'est pas beaucoup, ça. C'est vrai que ce n'est pas gros comme la SDI, elles n'ont pas pléthore d'employés, c'est seulement quelques personnes, mais, quand même, la moyenne des SOLIDE qui fonctionnent bien actuellement, là, qui sont implantés depuis quelques temps et qui, par exemple, sont arrivés à un seuil de recapitalisation, c'est huit dossiers par année, alors...
Le Président (M. Chagnon): Avez-vous une pléthore d'employés à la SDI?
M. Roquet (Louis-L.): On est pas mal moins «pléthoré» qu'on l'a déjà été, monsieur. Ha, ha, ha! On est passé de 225 à 165 à une vitesse lumière. Ha, ha, ha!
M. Benoit: Je trouvais que vous ouvriez un peu large, là. Ha, ha, ha!
M. Roquet (Louis-L.): Il faudrait que ça soit beaucoup plus ciblé. Autrement dit, ça prendrait trop de ressources pour le gérer. Puis c'est ça, le choix cornélien qu'il y a à faire: tu as un marché de masse ou un marché spécialisé.
M. Benoit: M. Roquet, la question que je vous ai posée, finalement, c'était pour voir s'il y avait une économie de coûts. Et est-ce qu'on a une idée, après un an et demi, comment ce programme-là a coûté non pas en termes de perte d'argent au moment où on se parle, on le sait mais en coûts d'administration?
(15 heures)
M. Roquet (Louis-L.): Honnêtement, à peu près 1 000 000 $ par année...
Une voix: ...
M. Roquet (Louis-L.): O.K. Ça, c'est au niveau de l'émission, mais, au niveau des réclamations, c'est plus que ça. Au moment de l'émission des garanties, etc., la constitution, je dirais que ça correspond à cinq ressources qui sont occasionnelles, mais à temps plein. Alors, une façon bête de le calculer, c'est de dire: C'est 500 000 $; si vous calculez salaires, bureaux, chauffage, papeterie, fax, téléphone il y avait beaucoup de communication, etc. à peu près 500 000 $ par année. Au moment de la réclamation, actuellement, ça doit être au moins 700... Est-ce que je peux remettre à M. le Président un admirable tableau qui répond au moins en termes de dépenses des personnels? Ce qu'on donne, par exemple, 1996-1997, notre estimé, c'est coût direct seulement, pas le loyer, pas la papeterie, pas le téléphone 257 000 $; 1997-1998, 404 000 $. Mais il faudrait ajouter à cela tous les... Mais vous avez les effectifs, ici. Si je peux vous le remettre...
M. Benoit: Est-ce qu'il y avait, M. Roquet, d'autres frais? Il y avait ceux de gestion, qu'on vient de comprendre, à la SDI, très bien. Est-ce qu'il y avait d'autres frais? Je pense, par exemple, à la caisse qui veut récupérer ses actifs de quelque manière, qui prend un syndic, de la sécurité à l'entour d'un édifice, je ne sais trop quoi. Est-ce que vous avez eu d'autres frais qui vous ont été refilés venant des institutions de tout acabit prêteuses?
M. Roquet (Louis-L.): Ils sont imputés au règlement et aux paiements que nous faisons. Autrement dit, par exemple, une institution financière va nous réclamer le solde du prêt, plus les intérêts cumulés pendant la période où c'était autorisé de les cumuler, elle mettait trois mois, plus les frais de réalisation, moins la valeur des garanties nette. Donc, par exemple, si on a retenu les services d'un avocat pour aller reprendre possession de certains actifs, ou des choses comme ça, c'est dans le règlement, c'est soumis, avec pièce justificative à l'appui, par l'institution financière. Donc, ces frais-là sont tous inclus dans le 116 000 000 $ potentiel, si vous voulez.
M. Benoit: O.K. C'était ma question. Si M. le président me le permet, je passerais la parole au député de Shefford, sur les intérêts, pour faire suite à la question que j'ai posée.
Le Président (M. Chagnon): Bien, le député de Shefford, s'il le veut, il va demander la parole, puis le président va la lui donner.
M. Brodeur: Est-ce que je peux avoir la parole, M. le Président?
Le Président (M. Chagnon): Certainement.
M. Brodeur: Merci beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brodeur: Tout simplement, on a parlé de 116 500 000 $ de pertes, de plus ou moins 500 000 $ par année en administration. C'est inscrit au programme. On a dépensé combien, à date? Ou combien on va dépenser en remises d'intérêts pour les bénéficiaires du plan Paillé?
M. Roquet (Louis-L.): Les prises en charge d'intérêts?
M. Brodeur: Les prises en charge.
M. Roquet (Louis-L.): C'est 24 000 000 $ au total, je crois. Je peux vous le dire exactement, j'ai le...
M. Brind'Amour (Jacques): C'est 24 600 000 $.
M. Brodeur: C'est 24 600 000 $. Donc, ça a coûté, jusqu'à date, 116 500 000 $, c'est-à-dire au 31 août, plus 24 600 000 $ de prise en charge des intérêts. Ça, c'est l'estimé total, 24 600 000 $?
M. Brind'Amour (Jacques): C'était la première année. C'était la phase I, première année. Donc, on l'a déboursé, là. Il n'y en a pas les autres années.
M. Brodeur: C'est beau. On est rendu à 140 000 000 $, plus ou moins. C'est bien, M. le Président.
Conclusions
M. Jacques Chagnon, président
Le Président (M. Chagnon): Merci. Est-ce que quelqu'un d'autre veut la parole? Bon. Il n'y a plus personne qui la veut; je vais la prendre.
Je vais tirer quelques conclusions un petit peu rapides, puis je vais vous demander aussi de formuler les vôtres, chers invités. Vous n'avez pas été... Vous avez survécu à votre... pas véritablement un calvaire, mais, disons, à cet exercice. Absolument. Voilà. C'est comme ça que ça devait se faire.
Je pense que, sur le fond, l'idée de mettre sur pied un programme de création d'emplois ce serait en 1994, ce serait aujourd'hui je pense bien qu'aucun des membres de cette commission, à mon extrême droite, à mon extrême gauche, n'aurait de mots à redire. Tout le monde est pour la vertu, puis tout le monde préférerait vivre dans une situation où le taux de chômage serait le plus près possible de zéro. Évidemment, l'annonce de ce rapport, de ce plan, en novembre 1995, a été faite avec, pour reprendre l'expression de ma gauche, grand tapage, et ç'a été le cas subséquemment. Il m'apparaît puis là c'est des remarques tout à fait personnelles qui n'engagent en rien la commission que, sur sa conception, le programme, malgré le fait, et M. Brind'Amour s'est torturé à nous dire et a essayé de nous faire comprendre que c'était la première fois, que c'était un précédent, etc...
Malgré tout cela, et cela rendait aussi peut-être encore plus pertinente ma demande la commission le demandera plus tard de lire l'analyse du Secrétariat du Conseil du Trésor sur le programme, parce qu'il aurait pu y avoir dans cette analyse des éléments fort pertinents disant: Faites attention à telle affaire; faites attention à telle affaire; faites attention à ci, à ça. Il me semble que ce programme a connu quelques erreurs de conception, mais ces erreurs de conception ne vous sont pas redevables, pour les raisons que l'on sait et qu'on connaît. Il y a d'autres décisions qui sont prises au niveau, entre autres, politique et puis qui ne sont pas prises pour des raisons martiennes, là. Je reviens à dire ce que je disais aussi: Nous sommes tous en faveur de la vertu, tous ceux qui ont pris les décisions étaient en faveur de la vertu aussi.
Mais, lorsqu'on s'entend il semble que l'on s'entende pour dire qu'au bout de huit ans il y aura 35 % ou 30 % des sociétés qui resteront, lorsque l'on trouve raisonnable d'avoir un taux de mortalité en prêts rappelés de 80 000 000 $ au début d'avril, de 116 000 000 $ au début d'août, sur un programme de 400 000 000 $, moi, je reste perplexe. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que l'État doit se substituer à toute espèce de forme de capitalisation qui ne trouverait aucune place dans le secteur privé ou dans le secteur connu. Si les risques sont trop grands pour tout le monde, je comprends mal qu'on prenne l'argent du peuple, l'argent de la population pour l'investir à un endroit où les risques sont si grands que personne finalement ne veut y aller du sien ou personne... les spécialistes en tout cas des questions d'emprunt ne veulent pas s'y retrouver. J'ai des problèmes avec ça, moi, prendre l'argent de la population puis décider qu'on le met là-dedans. La preuve, on a 116 500 000 $ de perdus au moment où on se parle. Ah! il y a 116 500 000 $ de perdus, mais ça veut dire que, évidemment, il y a encore 284 000 000 $ qui roulent puis qui fonctionnent. Tant mieux.
Mais, au moment où on se parle, aussi, il n'y a aucun individu ou aucun groupe qui a bénéficié de ce programme, qui a commencé le remboursement de ce programme. Ça commencera l'an prochain. C'est un peu inquiétant. C'est un peu inquiétant: quelque 30 % du monde qui soit mort avant de commencer à rembourser la première cenne de son emprunt, fût-il petit, qu'on s'entende. Au niveau de 24 000 $ dans la restauration, 42 000 $ dans une autre affaire, ou peu importe. Je pense que la notion de risque, qu'on rend beaucoup plus élastique lorsqu'on la regarde d'un point de vue gouvernemental que d'un point de vue privé, peut créer des entorses à la qualité de la bonne gestion, à la qualité de la bonne décision prise par le prêteur.
(15 h 10)
Au bout de la ligne, lorsqu'on perd 116 500 000 $, tout le monde ici, autour de la table, s'entendra aussi pour dire que c'est bien de l'argent. Il y a plusieurs projets... On ne va pas dans la politique facile, puis faire des comparables avec d'autres secteurs d'activité qui sont en demande d'argent, mais on sait que 116 500 000 $, c'est de l'argent qui aurait pu être utile ailleurs. C'est un «one-shot deal», évidemment. Ce n'est pas de l'argent qui est récurrent puis ce n'est pas de l'argent qui... Mais c'est beaucoup d'argent.
Et cela n'est pas fini; 116 500 000 $, c'est le résultat au 1er août. Qu'en sera-t-il au 1er janvier ou au 1er février, ou plutôt au 1er mars, quand les gens commenceront à rembourser leur premier emprunt? Lorsque les premiers bénéficiaires de ce programme-là commenceront à rembourser leur emprunt? C'est un peu inquiétant. Là, évidemment, c'est plus poétique, mais je suis loin d'être sûr que... Si le secteur privé perd 65 % de son capital en mauvais risques dans ses placements privés puis dans ses placements de type industriel ou d'affaires ce qui me surprendrait, mais en tout cas si c'est le cas et qu'il reste seulement 35 % des gens au bout de cinq ans, je ne vois pas pourquoi le gouvernement vient essayer de compétitionner avec l'entreprise là-dedans pour perdre un peu plus d'argent, en prenant plus de risques. Mon collègue de droite, député de La Peltrie, mentionnait avec raison, je pense, qu'il y a un problème; il appelait ça un incubateur. On a entendu parler beaucoup d'incubation, que ce soit de l'incubation industrielle ou, du moins, de l'aide par le biais des SAJE, ou de l'aide par le biais d'autres groupes. Si les SAJE avaient pu examiner les dossiers préalablement avant d'être pris avec, peut-être que le niveau de pertes aurait été moindre.
Bref, j'aimerais, dans les situations où vous êtes, que vous puissiez éclairer cette commission, parce que si cela est un précédent, un projet comme celui-là et rien n'indique que ça ne pourrait pas se répéter sous une forme un peu connexe, pas identique mais connexe est-ce que vous pourriez nous suggérer des recommandations que nous pourrions livrer à l'Assemblée nationale, suite à l'expérience que vous avez vécue dans l'élaboration, la planification et surtout l'administration d'un programme comme celui-là?
Ce sera mes propres conclusions, tout en vous invitant, M. Roquet, par exemple, peut-être à tirer vos propres conclusions ou à nous donner quelques-unes de vos conclusions sur ce dossier.
M. Louis-L. Roquet
M. Roquet (Louis-L.): Je ne suis pas un spécialiste en outils de développement économique, M. le Président. Je suis davantage un cadre, un gestionnaire qui ai vécu dans des PME et des grandes entreprises locales et internationales, avant d'être dans le secteur public.
Je ne pense pas qu'on puisse apprendre beaucoup de l'expérience du plan Paillé dans la gestion des programmes réguliers de la SDI. Les programmes réguliers de la SDI sont des programmes qui encadrent des interventions relativement faites sur mesure avec un client qu'on connaît ou qu'on finit par connaître. On travaille longuement avec lui, on l'aide à faire son engineering financier, on négocie avec d'autres financiers, etc.
Si on parle de programmes conjoncturels et le plan Paillé est un programme conjoncturel c'était la première fois, à ce que je sache, qu'on s'attaquait à la problématique que j'appellerais davantage la problématique de création d'entreprises que la problématique de création d'emplois. Le constat à partir duquel on est partis, c'est que le taux de création nette d'entreprises est en train de chuter. Ça a un impact important sur l'emploi. Ce qu'il faut concevoir, c'est un programme qui va relancer le taux de création d'entreprises.
Si on s'en tient à la pure économie comme une abstraction, si vous voulez, ou la science économique comme une abstraction, à la limite, on aurait pu créer 10 000 dépanneurs et se dire: Objectif accompli. Je pense que tous, comme citoyens, tous, comme cadres, et tous, dans votre cas, comme législateurs, vous avez la préoccupation non seulement de créer une abstraction, mais d'avoir effectivement des projets, des entreprises qui aient du sens et de l'argent des contribuables qui soit utilisé optimalement. Dans ce sens-là, je pense qu'il y a beaucoup d'apprentissage qui s'est fait au niveau des institutions financières, il y a beaucoup d'apprentissage qui s'est fait au niveau de la SDI. Je suis certain que les institutions financières elles-mêmes n'accepteraient pas le même genre de partenariat ou défini exactement de la même façon, aux mêmes conditions qu'elles ont pu le faire dans le cadre du plan Paillé. Ce qui ne veut pas dire qu'elles refuseraient de participer à un programme relativement large de création d'entreprises et de création d'emplois. Mais elles-mêmes, j'en suis convaincu, comme nous chercherions à identifier...
La question la plus importante, c'est de trouver une façon de ne pas laisser s'emballer la machine, tout en ayant un effet qui soit significatif. Si on traite 200 dossiers par année, on ne parlera jamais d'un coup d'adrénaline dans l'économie, je veux dire, ça va plutôt être un soluté. Mais ce qu'il faut réussir à faire, c'est de s'arranger pour qu'un programme comme ça connaisse un peu le cycle de vie d'un programme normal. Donc, un démarrage qui ait du sens, qui laisse le temps aux gens de se familiariser avec leur exploitation, qui laisse le temps de développer la capacité d'accueil de ceux qui vont suivre les entreprises, par exemple, en démarrage, qui permette à tout le monde d'étendre sa capacité d'action avant d'être pris de plein fouet. Je vous dis, à la SDI, et ça a été la même chose au ministère, tout le monde a été pris par surprise à cause du volume instantané. On a fait des corvées, à la SDI. On a demandé à des employés qui n'avaient rien à voir avec la gestion du plan Paillé de rester après les heures, de venir en fin de semaine sans temps supplémentaire, pour être capables de faire face à ce volume-là et, au moins, de donner un accusé de réception aux entreprises qui venaient nous adresser des... Et je pense que le gros, gros problème, au-delà du focus qu'on pourrait vouloir plus précis ou moins précis, et tout ça, il faut que le programme soit assez intéressant pour que les institutions financières soient prêtes à faire du capital de démarrage avec du prêt, et ça va nécessairement prendre un taux de garantie élevé.
D'autre part, il faudrait trouver une façon pour que la croissance de la clientèle soit beaucoup plus graduée, un peu plus étalée et plus graduée aussi pour ne pas que ça parte à un volume instantané de 4 000 dossiers, ce qui a été, en pratique, l'expérience que nous avons vécue. C'est un programme qui en sept mois a rentré 7 000 dossiers. Alors, ça, c'étaient 250 dossiers par semaine. Ça n'avait aucune... Ceux qui étaient acceptés, là. Et tout le monde a été saisi, les institutions financières qui ont été prises d'assaut, qui ne s'attendaient pas à un pareil afflux, comme le MICST et comme nous. Et ça, c'est important, parce que c'est quand on fait face à un volume comme ça qu'à un moment donné soit qu'on n'a pas le temps de réagir assez vite ou on n'a pas le temps de réajuster le tir, ou on a l'impression qu'on perd le contrôle. Et ça, c'est important, ça m'apparaît important. C'est peut-être la principale recommandation que je pourrais fournir.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. Brind'Amour.
M. Jacques Brind'Amour
M. Brind'Amour (Jacques): Oui. M. le Président, je vous remercie. On prend bonne note de vos remarques, et puis on va sûrement y réfléchir de façon constructive, il n'y a aucun doute.
Le Président (M. Chagnon): Ou venir absolument à tous les ans, comme vous le suggériez au début.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Roquet (Jacques-L.): Ce n'est pas un abonnement.
Le Président (M. Chagnon): Ça ne me fait rien, moi.
M. Brind'Amour (Jacques): Il faut peut-être quand même, en guise de conclusion, rappeler deux ou trois choses sur les chiffres, là. Quand on dit qu'il y a 116 000 000 $ de pertes, ça ne veut pas dire que ce 116 000 000 $ n'a pas circulé dans l'économie. On a payé des salaires avec ça, on a acheté des biens, on a acheté des services. Donc, ce n'est pas une perte nette pour l'ensemble de la société. Deuxièmement... Parce qu'il y a des gens qui étaient en emploi aussi. Je vous signale quand même qu'il y a des gens qui étaient étudiants, sur l'aide sociale, qui étaient chômeurs, qui étaient au foyer, qui se sont trouvé un emploi avec ça. Il y a des gens qui avaient le goût d'entreprendre, qui ont eu l'occasion de le faire. Ça nous a coûté, selon nos calculs, pour créer 35 000 emplois, en moyenne, 4 286 $ par emploi. Ce n'est pas, je pense, payer trop cher pour permettre à des gens de se retrouver sur le marché du travail, alors qu'ils étaient avant dans une situation un peu plus difficile.
(15 h 20)
Le Président (M. Chagnon): C'est une expérience assez artificielle, vous en conviendrez.
M. Brind'Amour (Jacques): La deuxième chose que je voudrais dire, c'est que, quand on dit qu'au bout de huit ans, selon une étude qui date du milieu des années quatre-vingt, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, 65 % des entreprises sont appelées à disparaître, ça ne veut pas dire que c'est 65 % des emplois qui sont appelés à disparaître. Ça, j'insiste là-dessus parce que c'est très important pour moi.
Quand j'ai dit que c'était un succès le député d'Orford est revenu à quelques reprises sur cette remarque-là je n'ai pas dit que c'était un succès... Ce n'est pas une appréciation personnelle, c'était une appréciation, simplement, des données statistiques qui nous ont été fournies par l'étude du BSQ.
Alors, écoutez, moi, je voudrais, en terminant, dire que nous respectons énormément le travail du Vérificateur général. Le Vérificateur nous critique dans ce que nous faisons ce sont habituellement des critiques tout à fait constructives et j'imagine qu'il accepte lui-même qu'on puisse à l'occasion apporter notre critique à sa façon de travailler. Mais nous respectons son travail; nous savons que c'est un travail important et nous savons que la commission a un rôle, aussi, fondamental. Moi, je suis tout le temps prêt à me prêter à l'exercice d'imputabilité; je trouve ça personnellement stimulant et intéressant. Une fois par année, je ne le sais pas, mais, en tout cas, à l'occasion, c'est très stimulant. Ça nous demande aussi de tous les six mois, peut-être penser à nos affaires.
Alors, je voudrais simplement vous remercier, à la fin, et vous dire que je pense que tous ceux qui sont venus ici ont apprécié énormément la qualité de nos échanges. Merci.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. Breton.
M. Breton (Guy): Non, je ne vois pas la nécessité d'ajouter. Je pense que tout a été dit.
Le Président (M. Chagnon): Alors, je voudrais remercier, d'une part, le Vérificateur général et les membres de son équipe, remercier les autorités du ministère de l'Industrie et du Commerce et tous leurs employés, les gens de la SDI, la Société de développement industriel, et aussi les cadres qui sont venus ici, les gens du Bureau de la statistique, qui auront été présents et qui... Même si vous n'avez pas participé activement, votre présence a sûrement été importante, à tout le moins pour donner des arguments supplémentaires tant à la présidence de la SDI qu'au sous-ministre de l'Industrie et du Commerce. Et, évidemment, je voudrais vous remercier de la qualité des réponses que vous nous avez données, de la qualité de l'entretien et de la qualité de l'échange que nous avons eu.
C'est clair, évidemment, que toutes les conclusions ne peuvent pas être tirées en une journée de travail, à tout le moins. Nous aurons à travailler et à regarder les conclusions qui pourront s'appuyer et qui sauront s'appuyer en grande partie sur l'entretien que nous avons eu, mais aussi peut-être éventuellement sur différents documents comme celui du Trésor, que je mentionnais. La raison pour laquelle je le mentionnais, ce n'était pas sorcier, c'était évidemment afin de connaître comment l'analyse à l'époque se faisait. Ça nous remet dans une conjoncture qui est plus facile à regarder, à ce moment-là, que trois ans plus tard.
Bref, je voudrais remercier aussi M. Roquet. M. Roquet devrait être en voyage; alors, il va voyager à partir de demain. En mandarin, merci beaucoup, vous leur direz: Xièxie. Faites un bon voyage et puis revenez-nous, peut-être pour d'autres raisons, à cette commission, puisque vous semblez l'apprécier.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Je voudrais remercier tous mes collègues ici, de part et d'autre de la Chambre, qui ont participé activement à ce travail. Je voudrais les inviter à rester ici pour qu'on puisse tirer les premières conclusions à chaud; après votre départ, évidemment, mesdames, messieurs.
Alors, la séance est ajournée sine die.
(Fin de la séance à 15 h 25)