(Neuf heures quarante et une minutes)
Le Président (M. Côté): À l'ordre! La commission de l'administration publique est réunie afin de poursuivre ses consultations particulières portant sur les emplois occasionnels au gouvernement du Québec conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.
Alors, je demanderais au secrétaire d'annoncer s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Charest (Rimouski), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon) ont été désignés membres temporaires pour la séance.
Le Président (M. Côté): Alors, l'ordre du jour: nous allons débuter avec la Coalition des employés à statut précaire du gouvernement du Québec; À 10 h 15, le Regroupement des professionnels occasionnels du gouvernement du Québec; et, à 11 heures, le secrétaire du Conseil du trésor. Alors, nos travaux se termineront à 12 h 20 et l'ajournement de la commission, à 12 h 30.
Auditions
Alors, maintenant, je souhaite la bienvenue à Mme Nicole Anne Cloutier, qui est la porte-parole pour la Coalition des employés à statut précaire du gouvernement du Québec. Alors, Mme Cloutier, vous avez la parole.
Coalition des employés à statut précaire du gouvernement du Québec
Mme Cloutier (Nicole Anne): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vais me présenter tout d'abord pour vous expliquer comment ça se fait, comment il se trouve que je sois ici ce matin.
Je suis psychologue. Je suis consultante en gestion des ressources humaines. J'ai travaillé, de 1984 à 1991, dans la fonction publique du Québec comme occasionnelle, à titre d'agent de recherche de planification socioéconomique et de conseillère en gestion de ressources humaines. J'ai travaillé dans plusieurs ministères et organismes: Industrie, Commerce et Technologie, Éducation, Conseil exécutif, Conseil du trésor, deux ans dans chacun des cas, en gestion des ressources humaines, et ministère Main-d'oeuvre et Sécurité du revenu. J'ai obtenu un poste permanent après de multiples tentatives et concours dans la fonction publique. C'est à peu près aussi merveilleux que d'avoir gagné la loto. Et j'ai été mise à pied en période de probation, entre guillemets, après huit mois de travail et plus de six ans de service continu.
C'est pour ça que je me retrouve, après sept ans, ici, devant l'Assemblée nationale, avec derrière moi, ou devant, un regroupement d'employés à statut précaire du gouvernement, les occasionnels, qu'on appelle, et un procès en Cour d'appel du Québec le 19 mars prochain, qui va remettre en question la légalité des tribunaux administratifs, particulièrement la Commission des normes du travail, parce que je n'ai pas pu trouver d'audience qui soit impartiale devant le commissaire du travail, étant moi-même employée du gouvernement, comme le commissaire du travail l'était, et en plus de ça sans permanence.
Alors, je me suis présentée brièvement. J'ai mis sur pied l'Association des employés à statut précaire l'année dernière, au mois de juillet 1997, des membres dans chacun des ministères et organismes qui font le recrutement, etc. Les propos que je vais tenir ici n'engagent quand même que moi présentement. Je les fais vraiment de façon très simple et très sincère parce que j'estime que, si vous êtes des députés et ministres je ne sais pas trop vos fonctions pour pouvoir jouer votre rôle, vous avez besoin d'avoir le plus d'informations possible et des informations qui soient peut-être les plus vraies, aussi, possible.
Je n'ai donc, à part mon procès en Cour d'appel le 19 mars prochain, absolument aucun intérêt à défendre, absolument rien à perdre en termes de professionnelle, ou quoi que ce soit. Je ne suis pas ici pour dire que le Conseil du trésor est merveilleux ou etc., ce que j'ai fait déjà pendant deux ans, je ne le referai pas. Donc, je viens vraiment à titre personnel.
Ce que je vais vous livrer, c'est les observations. Comme je suis consultante en gestion des ressources humaines, c'est des observations que j'ai pu faire pendant plus de six ans, quand j'étais employée occasionnelle dans la fonction publique du Québec, d'un ministère à l'autre, et, également, que j'ai, de par le regroupement que je dirige, aussi, donc, avec tout ce que j'ai entendu. Évidemment, ceux qui se sont présentés Bonjour, M. Chagnon à moi pour faire partie du regroupement des occasionnels vivaient des situations très problématiques. Alors, bon, en gros, c'est ça. Bon, on s'est présenté.
Les éléments du problème relatif à la gestion des employés occasionnels que je vais souligner... Évidemment, je n'entends pas faire une étude très, très exhaustive. Là, j'ai vraiment sorti ce que je pense pertinent. D'abord, quelques statistiques pour commencer et quelques dates pour vous situer. Une date que je trouve très importante, c'est de retenir que vous le savez sûrement, mais ça ne fait rien, je pense qu'il faut, tout le monde, être centré là-dessus la Loi sur la fonction publique a été mise en oeuvre en 1983, ce qui veut dire qu'elle a été préparée peut-être cinq, six ans avant. J'exagère, mais pour vous dire que, quand elle a été mise en oeuvre, en 1983, il y avait déjà beaucoup de temps de passé de recherches de ci, de ça, de consultations, etc.
Donc, ce que je veux vous dire en vous rappelant cette date-là, c'est que la Loi sur la fonction publique, elle date. O.K.? Non, seulement, c'est une date, mais elle date. Elle date d'autant plus que nous approchons de l'an 2000 et que, quand elle a été faite bon, là, l'an 2000, oubliez-le, c'est dans deux ans, ha, ha, ha! en 1983, elle a été faite en fonction d'une fonction publique où n'entraient que des gens sur concours et des gens permanents, ou à peu près, parce que tout le phénomène des occasionnels est arrivé autour de 1982-1983. Comme je vous le dis, les consultations avaient été faites avant, le projet de loi... Donc, la Loi sur la fonction publique a été faite uniquement et en fonction de gestionnaires qui gèrent des permanents et d'employés, ressources humaines de la fonction publique, qui sont des permanents et qui ont passé un concours et qui n'ont pas derrière eux cinq, trois, deux, 10, 15 années dans un emploi occasionnel de service continu au gouvernement. O.K.? Bon, ça, c'est important.
Qu'est-ce que je voulais vous dire? Je voulais vous signaler aussi un article dans la loi pour vous donner un exemple. Évidemment, je vais prendre mon cas. Même si je vous ai dit que je n'avais aucun intérêt, ha, ha, ha! vous comprendrez que je n'ai pas fait le voyage Montréal-Québec, là, uniquement pour... Bien, c'est sûr que je le fais parce que je tiens à la cause et que je veux passer des informations, mais en tout cas. Bon.
Bref, il y a un article, entre autres, dans la Loi sur la fonction publique, l'article 19, qui dit qu'en période de probation un gestionnaire... Je vais vous le lire parce que c'est quand même très, très particulier: «L'employeur ou le gestionnaire peut congédier tout employé en période de probation sans justification souligné sans motif et sans que sa décision soit soumise à un contrôle ultérieur.» Pouvez-vous trouver quelque chose de plus totalitaire? Non. Ha, ha, ha! C'est vraiment clair, net et précis. Et, comme je vous dis, cet article-là avait vraiment été fait pour des employés des ressources humaines qui étaient en période de probation, mais qui n'avaient pas de service continu, qui n'avaient pas travaillé au gouvernement auparavant. Cette loi, donc...
O.K. Ensuite, j'ai quelques chiffres sur les proportions d'employés, pas seulement dans la fonction publique, mais dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental, qui sont à statut précaire. Je les ai trouvés au niveau du RREGOP, du régime de retraite. Alors, d'après les chiffres que j'ai du régime de retraite, pour vous donner un ordre de grandeur, à temps partiel, il y avait, en 1993, 113 200 employés, plus, à temps plein, 307 000 employés à statut précaire, occasionnels. O.K.?
M. Gautrin: ...
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, 113 200 employés à temps partiel, à statut précaire, 307 000 employés à temps plein à statut précaire, soit, si on additionne le tout...
M. Gautrin: Et vous incluez le réseau, à ce moment-là, hein?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, oui. Là, je ne parle pas de la fonction publique.
M. Gautrin: Vous incluez, à ce moment-là... O.K.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Je parle de l'ensemble parce que j'avais les chiffres du RREGOP.
M. Gautrin: Là, ça marche.
Mme Cloutier (Nicole Anne): C'est pour ça. Mais je vais revenir à la fonction publique. Soit 420 000 employés à statut précaire ou occasionnel sur écoutez bien, vous n'en croirez pas vos oreilles 675 000 employés au total. J'ai fait les petites statistiques, et ça fait, de façon très précise, 57 %, soit trois cinquièmes ou près de 60 % des employés qui contribuent, qui cotisent au syndicat, qui contribuent au régime de retraite des employés du gouvernement du Québec, 60 % qui sont occasionnels ou à statut précaire.
(9 h 50)
Donc, les gestionnaires, pour revenir à mon lien avec les gestionnaires, dans la fonction publique mais également je vous ai donné des chiffres qui concernent l'ensemble des employés du gouvernement gèrent en majorité les employés occasionnels, selon ces chiffres-là. Évidemment, on va en trouver d'autres, c'est ceux que j'ai qui ont été donnés pour le RREGOP.
Deuxième date importante, et celle-là, vraiment, je vais vous dire que, pour moi, elle est extrêmement, extrêmement importante... Malheureusement, je n'ai pas pu vous fournir un mémoire, mais je le ferai, chère madame, très bientôt, si vous le voulez.
Le Président (M. Chagnon): Vos propos sont enregistrés, alors on va pouvoir les retrouver.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Ah? O.K. Bien, merveilleux! Ah! je n'aime pas tellement ça parce que je fais des «hi!» puis des «ah!», mais enfin. Deuxième date importante...
M. Gautrin: Madame, vous allez être enregistrée avec des «hi!» et des «ah!».
Mme Cloutier (Nicole Anne): Ça va être très beau. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Généralement, le monsieur qui est dans le coin, ici, les enlève, les «hi!» puis les «ah!».
Mme Cloutier (Nicole Anne): Mais, M. Chagnon, comme j'ai déjà assisté à des assemblées de l'Assemblée nationale, ça ne sera pas si pire. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Soyez bien relax.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Je vais être un petit peu plus à l'aise. Alors, deuxième date importante pour moi, plus importante que ça, tu meurs c'est janvier 1991. Alors, janvier 1991, qu'est-ce qui se passe? Il se passe que, de façon officielle au niveau du gouvernement, la fonction publique le gouvernement et toutes ses ressources humaines s'assujettit à la Loi sur les normes du travail, officiellement. Et il devient, comme employeur, un employeur au même titre que tous les autres employeurs du Québec assujettis à la Loi sur les normes du travail et qui, par le fait même, va donc s'appliquer à lui-même les mêmes normes, règlements et lois qu'il demande à ses entreprises et à toutes les entreprises du Québec d'appliquer.
Ça, c'est problématique, dans la gestion des occasionnels. C'est problématique puis en même temps ça vient faire ressortir quelque chose d'important, c'est que le fameux trois ans de service continu, que toutes les entreprises au Québec doivent respecter quand elles engagent des employés, là, le gouvernement lui-même devait à ce moment-là se l'appliquer à lui-même. Mais, par contre, comme vous le savez, c'est très long avant que les politiques, les lois soient appliquées dans l'appareil gouvernemental, ça prend infiniment de temps. Puis il y a des gestionnaires, je ne sais pas où est-ce qu'ils sont, mais ça prend comme des siècles avant qu'ils entendent parler de ce qui se passe comme lois et règlements. Alors, ils fonctionnent, eux autres, comme si on était encore en 1983 puis qu'on était encore régis par les lois et règlements qui ont été promulgués en 1983.
Vous allez me dire: Bon, de temps à autres, on fait des petits remue-ménage, on envoie des feuilles. Mais, moi, je l'ai vu, ce qu'on fait de ces feuilles-là de règlement puis de ses applications. Puis les gestionnaires... D'abord, ils sont très occupés. Je ne veux pas juste dire des choses négatives contre les gestionnaires, ils sont vraiment pris avec plein d'affaires. Puis je le sais parce que j'ai pris leur point de vue quand j'étais au Conseil du trésor, au Conseil exécutif. Ils n'ont pas toujours le temps de consulter leurs petites feuilles qui font des remises à jour, etc.
Ça, c'est deux dates dont je voulais vous parler, qui sont extrêmement importantes. Elles sont importantes pour moi parce que ça vient complètement remettre en question toute la période de probation pour des gens qui ont trois ans de service continu, où le gestionnaire peut, comme il veut, du revers de la main, mettre l'employé dehors sans que personne n'ait rien à dire. Les problèmes que je dénonce et que nous dénonçons, au niveau de la Coalition... Mon Dieu! je me sens extrêmement mal à l'aise de le dire, je vais le dire quand même, enfin, je vais essayer parce que c'est très dur, ce que je vais dire, mais c'est ma vision, puis j'ai le droit à ma vision. Puis, si elle n'est pas exacte, tout le monde me dira bien que ça n'a pas d'allure.
Le Président (M. Chagnon): Allez-y donc, on laissera les autres juger.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, c'est ça. Ha, ha, ha! J'ai bien de la misère avec ça. Alors, l'abus de pouvoir des gestionnaires sur les employés à statut précaire et les situations illégales et irrégulières commises par les gestionnaires dans la gestion des ressources humaines et surtout dans la gestion des ressources humaines des employés occasionnels. Très difficile à dire, les mots «abus de pouvoir» sont très forts, mais, pour moi, ils ont été pensés, réfléchis, c'est vraiment ça.
Tous les jours, quotidiennement, à chaque moment, les employés, les permanents comme les occasionnels, sont témoins continuellement de ces situations-là, souvent illégales, et, en même temps, d'abus de pouvoir. Il faut dire que c'est très frustrant, pour les gestionnaires, de gérer les permanents. Ils n'ont à peu près pas de marge de manoeuvre parce que les permanents sont blindés, syndiqués jusqu'au maximum. Donc, ils ont accumulé énormément de frustrations. Et des griefs, je ne sais pas ce que c'est, le nombre, aujourd'hui, mais, en tout cas, quand j'ai quitté la fonction publique, il y en avait 2 000 à 3 000 qui n'étaient jamais réglés puis qui prenaient comme quatre, cinq ans avant de se régler. Pendant ce temps-là, ils ont rongé leur frein et rongeaient bien d'autres choses aussi. Donc, ça ne va pas si bien que ça.
Les conséquences les plus importantes de l'abus de pouvoir des gestionnaires est le double standard de gestion, donc vis-à-vis des employés à statut précaire, vis-à-vis des permanents. C'est que, évidemment, ça a des conséquences au niveau de la démotivation des ressources humaines, un sentiment d'injustice, des conséquences directes sur la productivité, l'efficience, l'efficacité, équité, économie et sur la qualité, surtout sur ça, que je souligne, parce que la Loi sur la fonction publique est là pour remplir une mission qui est de donner des services de qualité à la population. Donc, une conséquence majeure au niveau de la qualité des services offerts à la population. J'ai des chiffres, peut-être pas d'aujourd'hui mais peut-être de ces dernières années: plus de 100 000 plaintes par année au Protecteur du citoyen contre les services qui ont été donnés par les employés de la fonction publique, et au moins 20 % d'entre elles s'étaient avérées exactes. Bon, peut-être qu'avec toutes les coupures, ça s'empire.
En résumé, bien, ce que je dénonce, finalement, ce n'est pas tellement les gestionnaires ou l'abus de pouvoir des gestionnaires que le fait que les lois et règlements en gestion des ressources humaines sont appliqués de façon arbitraire, si vous voulez, compte tenu d'un contexte, compte tenu d'une loi qui date puis qui n'a pas été changée puis qui aurait dû être changée, etc.
Je conteste également un autre principe, puis là je suis sûre que je vais avoir tout le monde contre moi, mais j'y ai vraiment beaucoup pensé, c'est le principe d'imputabilité. En principe, je vais vous dire, je suis, comme tout le monde, pour la vertu, et le principe d'imputabilité, c'est le plus beau principe qu'il n'y a pas. L'imputabilité, dans l'esprit des gens qui ont mis ce principe-là sur pied, c'est la responsabilisation des gestionnaires, c'est la possibilité de pouvoir dire à un gestionnaire ou à un employé du gouvernement: Tu as fait telle chose, tu dois en rendre compte.
Actuellement, et de ce que j'ai pu observer, ça renforce l'arbitraire puis l'illégalité dans l'application des règlements de gestion des ressources humaines. Ce principe ne permet en aucune façon d'évaluer l'efficacité des gestionnaires ni de les amener à rendre compte de leurs actions. Loin de favoriser la responsabilisation, il ne sert qu'à cautionner le laisser-faire et la déresponsabilisation des gestionnaires à tous les échelons hiérarchiques et de les placer dans un mur de verre où personne ne peut les toucher. Car aucun gestionnaire d'un niveau hiérarchique supérieur à un autre ne veut juger les gestionnaires d'un niveau inférieur, sous prétexte que l'autre est imputable et qu'à son tour il va pouvoir être jugé. Il y a donc un système d'autoprotection entre les gestionnaires qui les garantit de ne pas être pris en défaut s'il ne prennent pas les autres en défaut. Et il n'y a jamais de sanctions appliquées à un gestionnaire.
Conséquences de cela, les employés permanents et surtout les employés occasionnels sont témoins quotidiennement d'injustices criantes, de passe-droits, d'écarts aux règlements, d'abus de pouvoir qu'ils ne peuvent jamais dénoncer. Cette situation est à notre avis presque totalement responsable d'un climat vicié de morosité, de démotivation et de coûts exorbitants, entre autres en maladie, burnout, santé et sécurité au travail, absentéisme, etc., d'un gaspillage éhonté des argents publics avec lesquels sont payés les employés du gouvernement.
Je voudrais souligner également que non seulement les écarts sont incroyables dans l'application des règlements en gestion des ressources humaines d'un gestionnaire à l'autre dans un même ministère, dans un service ou dans un autre, mais d'un ministère à l'autre, d'un service à l'autre, etc.
(10 heures)
En conclusion, les ressources humaines sont toujours placées devant, finalement, plein de contradictions. Donc, c'est la folie. En conclusion, nous estimons que la Loi sur la fonction publique, dont la mission fondamentale est de fournir au public des services de qualité auxquels elle a droit ou les gens ont droit et de mettre en oeuvre des politiques établies par l'autorité constituée, est, dans les faits, devenue inopérante et caduque, qu'il n'y a plus d'autorité constituée, que cette loi avait été pensée, élaborée et mise en application pour des employés permanents ne composant aujourd'hui que bon, j'allais dire deux cinquièmes de l'ensemble des employés du gouvernement, mais, non, je ne parle pas de la fonction publique peut-être 30 %. Les autres considérations, concernant les syndicats, qui, à notre avis, ne défendent que les droits acquis des 40 % d'employés permanents, ne vous concernent pas.
Alors, mes recommandations, c'est de modifier immédiatement la Loi sur la fonction publique, de façon à ce qu'elle prenne en considération la gestion des ressources humaines de 60 % des employés de l'État qui sont à statut précaire, de façon à ce qu'il y ait une application uniforme et juste des lois et règlements en gestion des ressources humaines qui ne cautionne plus l'arbitraire et les applications illégales en dotation, en développement et en planification des ressources humaines.
Que soit aboli le sacro-saint principe d'imputabilité et la responsabilité de la gestion des ressources humaines au niveau d'un sous-ministre qui, par situation de fait, ne reste dans un ministère et organisme que quatre ou cinq ans maximum, gros maximum, qui a infiniment bien d'autres choses à gérer et puis qui, en même temps, a besoin des ressources de son ministère, et en particulier des hauts gestionnaires, et tout ça, pour pouvoir fonctionner puis avoir de l'information. Donc, il est très mal placé, je pense, pour gérer les ressources humaines.
À part ça, ce que je voulais dire... Bien, je trouve que ce n'est pas très sain aussi de mettre en conflit ou en opposition toujours les employés permanents puis les employés... C'est très pratique, peut-être, d'un autre côté, mais c'est très mauvais et malsain de mettre en opposition des employés permanents puis des employés occasionnels continuellement, disons, là, au jour le jour, en situation, en tout cas, conflictuelle, disons.
Alors, une autre recommandation que nous formulons, c'est l'abolition, évidemment, de la période dite de probation pour les employés ayant trois ans de service continu et déclarés aptes suite à un concours.
Aussi, plus spécifiquement, une recommandation, une demande: c'est qu'il y ait un tribunal impartial, autre que la Commission de la fonction publique qui n'a aucun pouvoir d'exécution, pour gérer les problèmes de gestion de ressources humaines; qu'il y ait une instance autre que les syndicats, qui n'ont aucune responsabilité sur les employés en période de probation; et puis une instance autre que la Commission des normes du travail, finalement, qui ne peut pas être impartiale, puisqu'elle est à la fois juge et partie puis que les commissaires n'ont pas la permanence et l'impartialité qu'il faut pour juger. Voilà!
Le Président (M. Chagnon): Mme Cloutier, d'abord, permettez-moi de vous remercier puis, deuxièmement, de vous féliciter. C'est très rare que, dans nos commissions, des individus comme vous décident de venir plaider pour ce à quoi ils croient. Et, généralement, comme vous le savez, c'est le lot des groupes organisés, que ce soit des syndicats, que ce soit des... des groupes organisés, bref, qui viennent devant nous pour faire part des doléances qu'ils jugent à propos.
Alors, vous êtes partie de Montréal. Si vous êtes partie ce matin, c'était très mauvais. J'ai pu constater que la route était mauvaise cette nuit, et ce n'était sûrement pas facile.
Maintenant, une fois qu'on a entendu ce que vous avez dit, qu'est-ce que vous avez comme suggestions autres que les deux dernières que vous avez faites pratiques pour corriger le processus que vous jugez comme étant un peu dangereux pour les employés précaires?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Bien, pratiques, M. Chagnon... Ça ne vous semble pas pratique, mais c'est parce que je m'adresse à des députés, puis je pense que le rôle des députés, c'est vraiment de faire des lois, de réviser des lois. C'est la tâche principale. Puis, même si ça ne semble pas pratique, je veux dire, la révision de la Loi sur la fonction publique m'apparaît incontournable.
Le Président (M. Chagnon): Oui, mais, lorsqu'on dit «réviser la Loi de la fonction publique», c'est une chose. Il y a des éléments dans cette loi-là qu'on pourrait réviser. Vous pourriez peut-être nous donner des pistes de révision. Je pense, par exemple, à l'obligation pour tous les nouveaux occasionnels de passer des concours. Ça pourrait être une piste, et il y a d'autres pistes. Je vous invite tout simplement à préciser davantage les pistes que vous voudriez voir modifiées dans la loi.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, et je pense que je ne les invente pas. Comme celle dont vous parlez, je la connais bien. Je pense que ça pourrait se faire aussi très simplement s'il y avait une volonté politique. C'est évident que, si on voulait vraiment régler la situation des occasionnels, ça serait après trois ans de service continu que les employés occasionnels pourraient avoir un concours et puis un poste. Parce que les mettre sur les listes d'attente et de rappel, je ne crois pas que ça change grand-chose. Ça a été prouvé maintes et maintes fois. J'ai lu des documents et des rapports de la Loi sur la fonction publique qui disent qu'il y avait eu déjà des... comme ça.
Donc, vraiment, leur donner des postes, convertir les postes, et tout ça, la solution pratique est à ce niveau-là. Mais je me demande si c'est possible de la faire en tout cas, c'est vous qui connaissez mieux le fonctionnement mais sans réviser la Loi sur la fonction publique. Parce que, comme je vous le disais, si on fait des changements comme ça et que la loi n'est pas révisée, les gestionnaires fonctionnent toujours en fonction de la loi. En tout cas, je suis un peu arrêtée sur la loi.
J'ai lu dans les journaux cette semaine je voulais répondre à votre question du côté pratique qu'à Radio-Canada ils négociaient au ministère du Travail depuis deux ans ils n'ont pas autant d'employés que le gouvernement, mais ils ont 5 000 employés et ils n'ont pas réussi mais ils sont sur le point de réussir à faire en sorte que les employés occasionnels deviennent permanents après trois ans. Mais ils ont fait ça et je le comprends aussi parce qu'ils ont demandé quelque chose au syndicat. Il n'y a jamais rien qui est donné comme ça. Et j'ai trouvé la solution assez extraordinaire. Donnant, donnant. C'est qu'on a des problèmes beaucoup de gestion dans la fonction publique: de pouvoir changer les gens de poste ou, si on nomme quelqu'un à un poste, les tâches sont très, très bien séparées, une fois que tu es permanent, tu ne touches plus à rien, etc. Donc, ils ont demandé beaucoup d'assouplissements au niveau de la gestion des postes.
Personnellement, je suis très en faveur de ça. Mais je me dis que, s'ils ont réussi, eux, à le faire, ça serait possible de le faire ailleurs. C'est le fédéral. Je ne sais pas s'il y a un lien, mais, en tout cas, moi, personnellement, ça m'a donné beaucoup d'espoir. Je me dis: Là, il y a une situation qui va être réglée et qui perdurait. C'était rendu... Je ne sais pas si vous êtes déjà allés à Radio-Canada. Il y a une cafétéria et tous les employés vont là. Il y a sept ans, en tout cas, j'allais là. Il n'y avait plus personne. Il n'y a plus un employé. C'était rendu que les gens haïssaient leur boîte, ils haïssaient leur employeur. On ne peut pas fonctionner comme ça.
Le Président (M. Chagnon): Chez Miville. C'est le nom de la cafétéria. Vous suggérez qu'après trois ans les occasionnels soient quoi? Qu'ils soient titularisés, qu'on leur fasse des concours réservés?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Sur les modalités, je ne sais pas.
Le Président (M. Chagnon): Ce n'est pas une modalité, là. On s'entend. C'est plutôt important, c'est crucial.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui. Je voulais dire par «modalités», sur le moyen de le faire, je vous avoue que je ne sais pas. Personnellement, je le ferais de la façon la plus simple possible et la plus rapide possible. En tout cas, ce n'est pas moi qui paie, là. Si j'avais à le faire, je le ferais vraiment...
Le Président (M. Chagnon): C'est toujours vous qui payez un peu, là.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, oui, oui, mais pas tout, là.
Le Président (M. Chagnon): Pas tout. Heureusement, on partage ça, tout le monde ici, et tous ceux qui ne sont pas ici aussi.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui. Mais, vraiment, je vous dis que je le ferais. Peut-être parce que j'ai été occasionnelle pendant tellement longtemps, je ferais en sorte que quelqu'un qui a trois ans de service continu ait un poste permanent presque automatiquement après avoir été titularisé ou après avoir passé un concours.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup. Henri-François.
M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je vais aborder deux points dans votre témoignage. Celui de l'abus de pouvoir et celui du principe d'imputabilité. Je sais que vous avez couvert d'autres choses, mais j'ai d'autres collègues qui vont intervenir. Je voudrais bien comprendre ce que vous dites sur l'abus de pouvoir des gestionnaires. Ce que vous dites, si j'ai compris, c'est que, avec des occasionnels, parce qu'ils peuvent les licencier sans cause, il y a actuellement dans la fonction publique un abus, en quelque sorte, de cette pratique de pouvoir licencier les gens. Est-ce que vous avez recensé le nombre de licenciements?
(10 h 10)
Mme Cloutier (Nicole Anne): Mon Dieu! Oui. Il y en a énormément.
M. Gautrin: Mais votre association, est-ce que...
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, on a commencé. Évidemment, ceux qui sont membres de mon association sont des gens qui ont été lésés à ce niveau-là. Il y en a...
M. Gautrin: À part votre cas personnel, si j'ai bien compris, puisque vous êtes devant la cour, mais vous en avez d'autres exemples.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, il y en a presque autant qu'il y a d'occasionnels. Il y a autant d'exemples qu'il y a d'occasionnels.
M. Gautrin: Je ne comprends pas, là.
Mme Cloutier (Nicole Anne): En termes de supporter des choses qu'on ne supporterait pas normalement.
M. Gautrin: C'est-à-dire, non, non, c'est-à-dire, attendez. Vous commencez... Parce qu'il y en a 420 000, occasionnels. Est-ce qu'il y a des abus de pouvoir pour ces 420 000 personnes?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Je serais tentée de dire: Pour à peu près la majorité d'entre eux, oui.
M. Gautrin: Bon, c'est une chose qu'il va falloir qu'on creuse un peu. Si je reviens maintenant au principe d'imputabilité, vous contestez cela, et je vais essayer de comprendre ce que vous contestez. C'est le fait qu'il y a une ligne hiérarchique à l'intérieur d'un ministère ou c'est le fait que les hauts dirigeants sont imputables à un organisme externe? Vous savez la distinction qu'on fait entre l'imputabilité interne, dans une structure, et l'imputabilité externe, particulièrement dans le gouvernement, où les gens sont imputables devant des élus qui représentent la population. D'ailleurs, une des fonctions principales de cette commission, c'est justement de faire ces exercices d'imputabilité avec les gens de la fonction publique. Alors, quel est le point que vous vouliez faire en vous...
Mme Cloutier (Nicole Anne): Le point que je voulais souligner, c'est que, quand vous êtes à l'intérieur de la fonction publique et puis que vous voulez contester une pratique qu'un gestionnaire a par rapport à vous, par exemple ce n'est pas mon cas du harcèlement sexuel ou peu importe, vous allez voir son supérieur immédiat et vous essayez de faire entendre votre cause auprès du supérieur immédiat, et ce n'est pas possible.
M. Gautrin: Vous voulez remplacer ça par quoi? Parce que, là, c'est de la ligne hiérarchique que vous parlez.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Bien, la ligne hiérarchique, ça, ça fait partie de la bureaucratie. Je ne pourrais pas la remplacer, c'est certain.
M. Gautrin: Oui, oui, je sais bien.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Mais je pense qu'il devrait y avoir des instances autres que les syndicats où des employés qui se sentent lésés puissent porter plainte. Je ne parle pas juste de cas de harcèlement sexuel du tout.
M. Gautrin: Je vais aller un peu plus loin, parce que ça a été suggéré de temps en temps. Qu'il y ait la possibilité de dénoncer sans être obligé de s'identifier ou sans être connu des pratiques, est-ce que c'est quelque chose dans lequel vous iriez? C'est-à-dire les lois du type «whistle-blowing», je ne sais pas si vous en avez entendu parler, dans certains États américains, où des fonctionnaires peuvent dénoncer des pratiques de gestion.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui. Moi, personnellement, je ne suis pas du tout d'accord avec ces façons de faire. Je pense que ça ne fait que contribuer encore à la lourdeur puis à cacher toujours les problèmes et à les abrier. En tout cas, moi, je ne suis pas pour ça.
M. Gautrin: Je comprends. Parce que vous suggérez qu'il y ait un organisme pour permettre aux gens de la fonction publique de dénoncer des pratiques inacceptables, c'est ça que vous suggérez?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, et puis il devrait y avoir des gens responsables de le faire. On a, par exemple, des gestionnaires... Je vais vous donner des exemples. Il y a des gestionnaires extraordinaires, mais il y a des gestionnaires épouvantables: taux de roulement de 100 % dans leur service. Essayez de trouver ça dans le privé, je vous dis qu'ils ne feraient pas long feu. Plaintes de toutes les sortes, arbitrages, tout ce que vous voulez. Mais prenons le cas d'un gestionnaire comme ça. Il va avoir un taux de roulement à 100 %, il va avoir plein de ça. Il n'y a rien qui va se passer, il va rester là. Tous les employés vont partir. Tous les employés qui ont été là... On n'est pas pour venir à l'Assemblée nationale.
M. Gautrin: Non, mais, regardez, sans vouloir... Il y a quand même toujours le mécanisme que nous sommes, nous, autrement dit les parlementaires. Vous dites qu'on a une responsabilité de faire des lois, mais on a aussi une responsabilité de contrôle sur l'appareil de la fonction publique. Cette commission reçoit tous les sous-ministres en fonction d'une année. S'il y a des pratiques comme ça, vous avez des parlementaires que vous pouvez voir qui, éventuellement, peuvent questionner les sous-ministres, le cas échéant.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Mais ça se passe en vase clos, monsieur, c'est des...
M. Gautrin: Ça ne se passe pas en vase clos, ça se passe ici. Et ça, ce n'est pas un vase clos. C'est enregistré, c'est public. Tout le monde peut...
Mme Cloutier (Nicole Anne): Non, ce n'est pas de l'Assemblée, ici, que je parlais. Ce que je veux dire, c'est que, justement, toutes ces pratiques-là, c'est des pratiques qu'on dit «non dites», qui ne sont pas nécessairement des choses... Ça se passe au jour le jour, mais ce n'est pas comment vous dire au vu et au su de tout le monde. C'est que les employés de la fonction publique, qui vivent tous ça, deviennent habitués à ça puis, à un moment donné, finalement, acceptent ça aussi.
M. Gautrin: Non, mais je prenais l'exemple, par exemple, du taux de roulement que vous avez soulevé, du 100 %. Si vous avez un gestionnaire qui a un tel taux de roulement et si vous le signalez à des gens comme les parlementaires autour de cette table, c'est certainement le genre de question qu'on pourrait poser lorsque nous rencontrerions un sous-ministre.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Je pourrais vous donner un nom, si vous voulez. Ha, ha, ha!
M. Gautrin: Je ne vous demande pas de le dire publiquement. Si vous me le dites privément, je... En tout cas, merci quand même de votre témoignage.
Le Président (M. Chagnon): M. Laprise, M. Marsan. M. Laprise, allez-y, on vous écoute.
M. Laprise: Alors, je pense que l'histoire de la Révolution tranquille nous fait percevoir, dans votre démarche, que la sécurité d'emploi qui avait été donnée à l'ensemble des fonctionnaires à ce moment-là avait aussi des lacunes importantes. Il y a eu des gens qui se sont assis là-dessus et qui ont... Il y a des gens, par contre, qui ont été très professionnels, on ne peut pas nier ça. Maintenant, votre témoignage, ce matin, face au législateur qui, lui, reçoit ces propositions de changement de la loi, de la part des hauts fonctionnaires, de l'encadrement qui l'entoure, nous fait voir un autre côté de la médaille important.
Et je pense que le gouvernement et le législateur devront tenir compte aussi de se donner des instruments pour que ces choses-là ne se répètent pas. Qu'il n'y ait pas d'abus de pouvoir, qu'il n'y ait pas de contraintes face à l'employé. Mais, par contre, que l'employé qui est un employé occasionnel puisse acquérir quand même, même dans un travail partiel, une certaine sécurité puis un certain respect dans sa dignité. Moi, en tout cas, c'est ce que je perçois dans ce que vous dites.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Vous m'avez bien comprise.
M. Laprise: Et je pense bien que c'est comme ça qu'il faut le percevoir aussi. C'est un autre côté de la médaille important dans la gérance de l'ensemble des fonctionnaires au niveau de la fonction publique. Je pense que tout le monde a droit au respect, a droit à la dignité de son travail, le droit de travailler avec fierté, puis son travail doit être valorisant. Et je pense que le climat qui est créé par de l'insécurité, par de l'abus de pouvoir élimine ces qualités de travail là, ces qualités de vie au travail, ce à quoi vous avez droit, comme les permanents, d'ailleurs.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Vous m'avez très bien comprise. Merci beaucoup.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Laprise. M. Marsan.
M. Marsan: À mon tour, madame, de vous remercier puis de souligner sûrement le courage de participer pour améliorer la connaissance de la commission au sujet des occasionnels. Je voudrais revenir à votre exemple. J'ai l'impression que votre exemple n'est pas un exemple unique et qu'il est répétitif, qu'il y en a plusieurs qui ont vécu un profil assez semblable. J'aimerais peut-être que vous nous donniez juste un peu plus de détails. Vous avez mentionné que, de 1984 à 1991, vous avez été une occasionnelle du gouvernement, jamais de permanence, que vous avez appliqué sur un poste et que vous l'avez obtenu. Cependant, au bout de huit mois de probation, on a mis fin à la relation de travail, et, suite à ça, vous êtes sans emploi. Une question qui me venait à l'esprit: Si vous étiez restée occasionnelle, seriez-vous encore à l'emploi? Est-ce que vous pouvez nous donner un peu plus de détails sur le profil que vous avez eu à vivre?
(10 h 20)
Mme Cloutier (Nicole Anne): Vous voulez dire: Si je serais toujours à l'emploi comme occasionnelle? Ça, je ne le sais pas, probablement que oui. Sauf que je pense que c'est légitime, après avoir travaillé pendant six ou sept ans très fort, que vous souhaitiez avoir un poste permanent. Et, quand vous avez réussi à un concours comme je vous dis, c'est à peu près comme de gagner à la loto, c'est très difficile que vous avez un poste et que vous tombez dans un panier de crabes, c'est assez difficile, oui. Moi, j'ai le sentiment, vraiment, d'avoir été volée, lésée et que tout l'appareil, toute la façon dont ça fonctionne dans la gestion des ressources humaines est venue comme, tu sais, abrier tout ça et supporter tout ça. C'est un sentiment assez pénible.
M. Marsan: Le témoignage que vous rendez s'ajoute à ceux que nous avons reçus hier. Et on constate une espèce de consensus, je penserais. On a eu la Commission de la fonction publique, qui dit qu'il y a une difficulté là. Le Vérificateur général, lui, ne fait pas seulement le dire, il l'écrit à part de ça dans son rapport. Les syndicats sont venus faire les représentations. On nous a aussi indiqué toute la division que ça amène entre les permanents et les occasionnels, ce qui ne doit pas être facile. Vous avez fait, un petit peu, allusion à ça, tantôt. Vous qui avez une expérience en gestion des ressources humaines, qui avez une expérience du Conseil du trésor, quelle serait, d'après vous, la raison pour laquelle ce problème-là ne se règle pas?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Bien, à première vue, financièrement, je crois que c'est opportun. Ensuite de ça, ce que je vois, c'est qu'il y a comme des avantages, aussi, en termes de gestion des ressources humaines. C'est un peu machiavélique, mais il y a comme des avantages à pouvoir gérer des employés qu'on peut déplacer, mettre à pied. Si je suis gestionnaire, je trouve ça merveilleux parce que c'est comme le problème inverse de... Les permanents, c'est bien beau, eux autres, mais, en même temps, ils sont pris dans une structure qui est plus immobile. Donc, je pense en tout cas que ce n'est pas pour rien qu'il y a eu énormément d'occasionnels. Financièrement, c'est plus important. Puis aussi parce qu'on peut faire ce qu'on veut avec ces employés-là. On peut les déplacer comme on veut, on peut mettre fin à leur contrat comme on veut.
M. Marsan: O.K. Juste pour être certain que je saisis bien ce que vous dites. Il y aurait deux raisons principales. Une qui pourrait être économique, un occasionnel, vous semblez dire que ça coûte peut-être moins cher au gouvernement qu'un permanent avec tous les avantages. Et, la deuxième, vous semblez dire qu'un occasionnel a beaucoup plus de mobilité qu'un permanent. Et ce serait pour ces raisons-là que le Conseil du trésor refuse.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Vous avez raison de dire que...
M. Marsan: Non, mais je comprends ce que vous...
Mme Cloutier (Nicole Anne): Non, vous m'avez comprise. C'est vrai qu'on pense que c'est plus économique. Personnellement, je ne pense pas que ce soit plus économique parce qu'il y a toujours une formation à refaire, continuellement, en tout cas, tout ça. Mais ce que je vois, c'est que, même si vous êtes occasionnel au gouvernement puis syndiqué, vous n'avez pas les mêmes droits qu'un permanent. Vous avez le même salaire, bon, au départ. En tout cas, les échelles sont les mêmes, etc. Mais je pense que c'est venu d'un problème aussi majeur de gestion des ressources humaines d'employés permanents, il faut bien le dire, et que, à un moment donné, devant un sentiment d'impuissance et une incapacité à gérer des employés permanents qui pouvaient pratiquement tout faire et rien faire parce qu'ils avaient le syndicat derrière eux-autres, bien, on a peut-être aussi voulu avoir des ressources plus malléables. C'est ce que je crois.
M. Marsan: Moi, je vous remercie beaucoup, puis encore une fois je vais souligner la qualité de votre témoignage et votre courage. Merci, Mme Cloutier.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Bien, merci beaucoup.
Le Président (M. Chagnon): Mme Barbeau.
Mme Barbeau: Bien, moi aussi, je vous félicite de votre courage et je vous remercie de votre témoignage. Effectivement, moi, je suis députée de la région de Québec. J'ai beaucoup d'occasionnels qui sont venus me voir. Puis on n'a pas grand poignée. Les syndicats, c'est sûr que c'est plus les permanents qui... Ils ont plus de poignée, eux-autres aussi, à cause de la loi et tout. On ne peut pas faire grand-chose. Puis il n'y a rien dans la loi non plus. Alors, moi, si vous dites qu'il y a plus de 50 %, maintenant, des gens qui sont occasionnels... Ce qu'on a voulu faire en donnant une sécurité d'emploi à la fonction publique, c'est qu'elle soit impartiale, qu'elle fasse son travail d'administration. On voulait l'enlever du pouvoir politique, c'est-à-dire de l'influence politique. Mais là on est rendu que c'est... On a donné le pouvoir aux gestionnaires maintenant. C'est l'influence des gestionnaires. C'est à ça que ça ressemble, là.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Exact.
Mme Barbeau: Ça fait que un contre dans l'autre, ce n'est pas nécessairement mieux. Moi, je pense qu'il faut faire quelque chose. Je ne sais pas quoi, là. Est-ce qu'il faut revoir la loi? Peut-être que oui. Je ne prétends pas avoir la solution dans la tête. C'est pour ça qu'on a ce travail-là à faire. Moi, j'aurais des questions. Peut-être que vous ne pouvez pas me répondre, mais je pourrai demander aux gens du Conseil du trésor après. J'aimerais savoir le pourcentage de femmes et d'hommes qu'il y a dans les occasionnels. Est-ce que vous le savez, vous?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Dans l'ensemble là, justement, j'avais les chiffres. Je pourrai vous les donner. Dans les employés à temps partiel, il y avait deux fois plus de femmes. Évidemment, c'est plus des jeunes. Et puis, dans les employés à temps plein, c'est un pourcentage de 15 %. Je ne peux pas vous les donner. Je pense que vous seriez mieux de demander au Conseil du trésor. Oui.
Mme Barbeau: Mais je pense bien que le Conseil du trésor va peut-être être plus à même de me les donner.
Une voix: Ou la Commission de la fonction publique.
Mme Barbeau: Ou la Commission de la fonction publique. Je ne sais pas.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Mais, à première vue, parce que j'ai travaillé sur des dossiers de condition féminine, il y avait énormément plus de femmes occasionnelles et de jeunes que d'hommes.
Mme Barbeau: Dernière petite question: votre Coalition, est-ce que vous êtes beaucoup de gens ou...
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, ça s'en vient pas mal gros.
Mme Barbeau: Ça grossit toujours.
Mme Cloutier (Nicole Anne): J'ai des membres dans tous les ministères et organismes qui font actuellement le recrutement. Là, c'est nouveau. Ça fait depuis cet été que ça a été mis sur pied.
Mme Barbeau: Merci.
Le Président (M. Chagnon): Alors, Mme Cloutier, vous avez une suggestion à l'effet que la Commission de la fonction publique puisse avoir le mandat... qu'on voit son mandat s'élargir pour recevoir les plaintes des occasionnels ou des gens qui sont à temps partiel.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Oui, un pouvoir d'exécution. Tant qu'à avoir une Commission de la fonction publique, oui.
Le Président (M. Chagnon): Mais n'ont-ils pas le droit de les recevoir actuellement?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Ils les reçoivent, mais ils ne peuvent rien faire avec. C'est un pouvoir de recommandation.
Le Président (M. Chagnon): Peut-être que vous pourriez nous renseigner sur ce sujet-là. Je vais vous renommer. Peut-être vous identifier, s'il vous plaît.
M. Poirier (Michel): Michel Poirier, Commission de la fonction publique.
Le Président (M. Chagnon): Pourriez-vous nous éclairer sur le fait que vous puissiez recevoir les plaintes des gens qui sont occasionnels ou qui sont à temps partiel, mais que votre pouvoir se limiterait à une recommandation, vous dites?
M. Poirier (Michel): Oui, c'est ça. C'est l'article 115 de la Loi sur la fonction publique qui prévoit cette situation-là et qui donne lieu à des recommandations uniquement.
Le Président (M. Chagnon): Contrairement à des employés permanents.
M. Poirier (Michel): Ah non! l'article 115 s'applique aux occasionnels et aux permanents.
Le Président (M. Chagnon): À tout le monde.
M. Poirier (Michel): Mais ne donne lieu qu'à des recommandations.
M. Gautrin: Des recommandations qui sont publiques ou qui sont... Autrement dit, vos recommandations, est-ce qu'elles ont un caractère... La Commission a un caractère un peu judiciaire, c'est-à-dire qu'elle peut entendre des témoins, mais, quand elle rend une recommandation, est-ce qu'elle la rend publique?
M. Poirier (Michel): Généralement, dans nos rapports annuels, on fait état des recommandations qu'on a formulées au cours de l'année. Mais, dans l'immédiat, elles sont formulées aux gestionnaires, aux sous-ministres ou aux dirigeants d'organisme.
M. Gautrin: Par exemple Excuse-moi, Jacques, vas-y est-ce que vous pourriez nous donner des exemples des dernières recommandations que vous avez faites dans l'année en fonction de l'article 115 en ce qui touchait les occasionnels?
M. Poirier (Michel): C'est difficile, là. Je n'ai pas de cas.
M. Gautrin: Si elles sont publiques, on pourrait...
Le Président (M. Chagnon): On ne peut pas nécessairement...
M. Gautrin: Pas maintenant, mais est-ce que vous pouvez nous les transmettre si ça a un...
M. Poirier (Michel): Ah oui! certainement.
M. Gautrin: Merci. Parce que ce serait quelque chose qui nous intéresserait, de voir un suivi dans ce sens-là.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que les occasionnels ont un pouvoir ou un droit d'appel sur les décisions qui sont prises?
M. Poirier (Michel): Ceux qui sont embauchés pour un an ou plus peuvent faire appel sur certaines matières: mesures disciplinaires ou relevé provisoire. Ceci dit, je n'ai pas mémoire d'avoir vu un cas.
Le Président (M. Chagnon): Allez-y, madame.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Bien, je ne sais pas. Ça serait presque impossible pour un occasionnel de faire ça parce qu'il se ferait mettre automatiquement dehors. Ha, ha, ha! Tu sais, on ne peut pas, justement. C'est ça, la possibilité qu'on n'a pas, c'est de dire à qui que ce soit que ça ne va pas, parce que, sinon, on est «out».
Le Président (M. Chagnon): N'est-ce pas, Mme Barbeau, qu'il y a un problème, effectivement?
Mme Barbeau: Bien, d'ailleurs, quand les gens viennent nous voir comme député, ils ont même peur. Ils disent: On ne veut pas que vous nommiez notre nom parce qu'on va avoir des problèmes. Puis ce n'est vraiment pas...
Le Président (M. Chagnon): Bon, alors, il n'y a que des droits d'appel limités pour ceux qui ont au moins un an ou deux de service, c'est ça?
M. Poirier (Michel): Oui, évidemment. Nous, on ne s'adresse qu'aux non-syndiqués, là, pour les appels.
Le Président (M. Chagnon): Oui, oui, bien sûr.
M. Poirier (Michel): Les syndiqués, c'est une autre situation. C'est les conventions collectives qui règlent ces situations-là.
Le Président (M. Chagnon): C'est ça. Oui, je parle de...
M. Poirier (Michel): Mais c'est prévu que ça s'applique aux employés occasionnels qui ont un droit de rappel on me rappelle la directive ou les saisonniers ou ceux qui sont embauchés pour une période d'un ou plus. Dans le cas des professionnels et des professionnelles, si le projet spécifique pour lequel ils sont embauchés dure plus d'un an. Bon, voilà. C'est la directive sur les occasionnels qui le prévoit. Mais, comme je vous ai dit, ce n'est pas là où on retrouve notre gros volume d'activité.
Le Président (M. Chagnon): On vous comprend.
(10 h 30)
Mme Cloutier (Nicole Anne): Je vais vous donner l'exemple, dans mon cas, là, quand j'ai voulu faire entendre ma cause, que je m'étais fait congédier comme ça, je ne pouvais pas faire appel à la Commission de la fonction publique parce qu'en période de probation on n'a pas le droit. Les syndicats... Je n'étais pas syndiquée. il n'y en avait pas, là. Il n'y avait personne qui pouvait entendre... J'étais non syndiquée, conseillère en gestion de ressources humaines. La Commission de la fonction publique ne pouvait rien faire parce que c'était en période de probation, elle ne peut rien faire. Il n'y en avait pas.
M. Gautrin: Les Normes du travail non plus?
Mme Cloutier (Nicole Anne): Bien, là, je suis allée aux Normes du travail, sauf que les Normes du travail étaient, comme je vous dis, en conflit d'intérêts. Le commissaire du travail étant lui-même un employé précaire du gouvernement, il pouvait difficilement juger d'une cause où il aurait mis en faute le gouvernement, le gouvernement étant le gestionnaire.
Le Président (M. Chagnon): Ça fait un peu kafkaesque. Alors, j'ai peut-être un petit problème sur votre vision de l'imputabilité. Vous avez répondu à mon collègue tout à l'heure que vous étiez contre l'imputabilité parce que, dans le fond, les vraies histoires ne ressortent pas, si je comprends bien. Les uns ne font pas l'évaluation des autres. Dans le fond, ce n'est pas l'imputabilité qui est le problème, c'est le fait qu'on ne fasse pas d'évaluation. Si on faisait de l'évaluation comme du monde, l'imputabilité, elle fonctionnerait aussi. Si, fondamentalement, vous avez des critères puis des indicateurs d'évaluation puis que vous faites votre évaluation de tous vos personnels qui sont sous votre juridiction et que d'autres le font à votre égard et que... Si l'organisation de l'évaluation se faisait comme du monde, votre problème d'imputabilité... Le problème, ce n'est pas l'imputabilité, c'est l'évaluation.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Effectivement.
Mme Charest: ...son rôle d'évaluation, c'est clair.
Le Président (M. Chagnon): Mme Cloutier, il ne me reste qu'à vous saluer encore une fois, vous remercier.
Mme Cloutier (Nicole Anne): Merci.
Le Président (M. Chagnon): Votre témoignage a été très utile.
Mme Cloutier (Nicole Anne): J'espère.
Le Président (M. Chagnon): Je vais maintenant demander au Regroupement des professionnels occasionnels du gouvernement du Québec de s'avancer.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Chagnon): M. Dionne, pouvez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît? Nous allons vous écouter. Nous vous souhaitons la bienvenue, évidemment.
Regroupement des professionnels occasionnels du gouvernement du Québec
M. Dionne (Jocelyn): Merci. Alors, Jocelyn Dionne, je suis agent d'information, professionnel au gouvernement du Québec depuis 15 ans à titre d'occasionnel. Qui m'accompagne? Ginette De Launière, qui a 14 ans d'ancienneté; et Roger St-Laurent, qui a 15 ans, occasionnel à perpétuité, pratiquement.
Le Président (M. Chagnon): C'est un bonheur d'occasion.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Une occasion de bonheur.
M. Dionne (Jocelyn): Dans le regroupement des occasionnels, on est peut-être une vingtaine, au fil des années, et puis ça fait 10 ans qu'on travaille ensemble et qu'on tente de faire des démarches à gauche et à droite auprès de toutes les instances gouvernementales possibles et impossibles qui bougent à quelque part: Commission de la fonction publique, Commission des droits de la personne, Protecteur du citoyen. On a déjà rencontré M. Côté avec un groupe de députés. J'ai déjà assisté à une commission parlementaire et témoigné en 1991. Vous allez constater, dans une revue de presse qui est annexée au mémoire, que les déboires commencent dès 1983 et se poursuivent encore.
M. Gautrin: On n'a pas eu votre mémoire.
M. Dionne (Jocelyn): Ah! Alors, on a cru bon de joindre une revue de presse qui fait état de la problématique et qui démontre clairement que la situation perdure depuis longtemps.
Je voudrais ajouter aussi que le témoignage de Mme Cloutier avant, je pense, sans avoir consulté mes collègues, on y adhère entièrement, puisqu'elle a soulevé des problématiques absolument très pertinentes et très percutantes, et c'est vraiment la situation vécue de tous les occasionnels à la fonction publique. On en connaît, du monde, on fréquente un tas d'occasionnels, et c'est vraiment ce qui se passe.
Je voudrais aussi souligner, apporter un commentaire par rapport au pouvoir de la Commission de la fonction publique. Je pense qu'il y a un problème fondamental de structure en termes de gestion. La Commission de la fonction publique et l'ex-Office des ressources humaines qui est maintenant un secrétariat au Conseil du trésor relèvent tous deux du ministre du Conseil du trésor.
Alors, il a entière et totale autorité sur ces gens-là pour, d'une part, faire les règles puis, d'autre part, décider si elles sont bien appliquées ou pas, et aussi, en même temps, gérer les ressources humaines. Ça m'apparaît un problème fondamental dans une organisation, dans une entreprise. Il me semble que la même personne qui porte le même chapeau, dans ce cas-ci, semble totalitaire et a tous pouvoirs sur toute la pyramide décisionnelle. À ce moment-là, comment la Commission de la fonction publique peut être impartiale si, en même temps...
Le Président (M. Chagnon): Excusez-moi, mais elle est nommée par l'Assemblée nationale, la Commission de la fonction publique.
M. Dionne (Jocelyn): Je comprends bien, mais la loi qu'elle gère, c'est le Conseil du trésor qui a l'autorité de faire les recommandations, de l'étudier, puis de soumettre les propositions pour ses changements.
Le Président (M. Chagnon): Le Protecteur du citoyen ne gère pas de lois comme telles mais fait des recommandations à n'importe quel ministère où il y a des ministres et des membres qui sont concernés.
M. Dionne (Jocelyn): Oui, mais je pense que, si j'ai cru bien comprendre, sur le plan administratif, il y a une ligne d'autorité qui passe par le Conseil du trésor qui me semble accrochante. En tout cas, on n'entrera pas dans le détail, mais, à première vue, il me semble y avoir un problème.
En fait, les faux occasionnels, c'est, je pense, un encadrement légal de la gestion qui fait défaut et qui confirme la facilité pour les gestionnaires dans leur gestion. Sur une base historique, ça a débuté, en fait, comme l'a dit Mme Cloutier, dans les années quatre-vingt, avec l'arrivée de la Loi de la fonction publique qui permettait des écarts ou ouvrait une petite porte pour embaucher des occasionnels pour des besoins très spécifiques, qui, au fil des années, s'est ouverte de plus en plus grande et a permis d'entrer un nombre d'occasionnels à flot dans la fonction publique, tout simplement pour répondre à d'autres besoins qui étaient totalement différents.
Je vais vous citer un paragraphe d'une lettre que nous a expédiée M. Louis Bourcier, attaché politique au cabinet du ministre du Conseil du trésor, qui confirme nos perceptions en termes de motifs de la raison d'existence des faux occasionnels. Alors, je cite: «Plusieurs raisons peuvent expliquer que les gestionnaires de la fonction publique engagent du personnel occasionnel plutôt que de combler leurs emplois vacants par voie d'affectation, de mutation ou de recrutement. Parmi celles-ci mentionnons: une procédure d'engagement moins contraignante et moins coûteuse...»
«Moins coûteuse», peut-être qu'il n'a pas été consulter ses chiffres parce que c'est sûrement beaucoup plus coûteux que les concours pour les permanents, parce qu'on est en entrevue, en examen continuellement, à chaque fois qu'on est rappelé au travail. C'est comme si on était recruté à chaque fois, on change d'entreprise à chaque fois qu'on change de gestionnaire.
Alors, il y a «la possibilité d'engager des finissants universitaires ou des personnes possédant des compétences particulières entre parenthèses, on pourrait peut-être ajouter «la personne qu'ils veulent» les réductions budgétaires importantes».
Ça, c'est vraiment aussi un autre... l'anguille sous la roche. De la façon dont ça fonctionne, les engagements budgétaires, il y a des ETC d'autorisés. Lorsqu'ils manquent d'argent là-dedans, ils peuvent prendre le budget des chaises pour embaucher des occasionnels avec les enveloppes fermées, maintenant, c'est possible. Alors, on dissimule les véritables chiffres, d'une certaine façon, aux yeux du public, en termes de nombre d'employés dans l'organisation. Et, en même temps, on résous le problème de facilité de gestion, puisqu'on a toute la latitude: aujourd'hui on en a besoin, demain on n'en a pas besoin, on en a besoin pour plus longtemps. Alors, on fait ce qu'on veut. Puis ce n'est pas imputable, puisque le sous-ministre, c'est son enveloppe puis il fait ce qu'il veut avec.
Puis il y avait aussi...
M. Gautrin: Je veux bien comprendre ce que vous venez de dire. Vous venez de dire qu'on peut maintenant prendre, en fonction des budgets fermés, sur des budgets de fonctionnement, par exemple, pour acheter et pour transformer ça en occasionnels, c'est ça?
M. Dionne (Jocelyn): Certainement. Alors, ça, c'est intervenu au moment où on a resserré le cadre de gestion budgétaire avec les coupures importantes. Ils ont permis au sous-ministre d'avoir une enveloppe fermée, puis de dire: Écoute, maintenant tu la gères. Mais, le pendant de ça, l'aspect négatif de ça, c'est que ça a permis, nous, dans notre cas, de subir ces contrecoups-là.
(10 h 40)
M. Gautrin: Donc, les ETC autorisés ne représentent pas nécessairement les employés du ministère.
M. Dionne (Jocelyn): Exact.
M. Gautrin: Il peut y en avoir qui sont cachés sous une forme d'occasionnels et qui apparaissent sur un budget de fonctionnement.
M. Dionne (Jocelyn): C'est ça, exact. Alors, il y a d'autres motifs aussi qui ont trait à l'efficacité des ressources embauchées, qui entrent en ligne de compte. On nous emploie pour combler les incapacités des ressources en place ou bien pour remplir des missions suicides qu'il faut mener à bout de bras. Pour un grand nombre, dont je fais partie, il s'agit d'emplois très souvent à caractère permanent.
Ça, je l'ai vécu; mes collègues l'ont vécu. Il y a un dossier urgent, c'est le fun pour nous, dans un sens, parce qu'on reçoit des mandats extrêmement motivants, extrêmement intéressants mais qu'il faut mener à bout de bras et dans des délais toujours très courts. Et aussi il faut être disponible. Alors, chaque fois qu'on subit une entrevue lors d'un rappel, on nous dit: Est-ce que vous êtes bien disponible? Parce que, là, il va y avoir beaucoup d'heures.
Mon collègue ici, lui, il travaille presque jour et nuit dans une régie parce que les permanents ne veulent pas le faire. Alors, quand il faut sortir, par exemple, dans une exposition ou dans un congrès puis que c'est une fin de semaine, un permanent, si c'est dans une ville où ça l'intéresse d'aller faire un tour, bien, là, peut-être qu'il va être volontaire, mais, si ça ne l'intéresse pas, le gestionnaire va désigner l'occasionnel volontaire pour y aller. Et ça vient de s'éteindre, si tu dis non, tu es dehors le lendemain. C'est la situation vécue.
Alors, on pourrait dire que la délégation de pouvoirs aux gestionnaires favorise une application inégale et inéquitable des directives et de la convention collective. Le principe de la reconnaissance des acquis d'expérience et du droit au travail selon l'ancienneté est la première règle à être transgressée par les gestionnaires. Le cheminement de Ginette, de Roger et de Jacques Dolbec aussi, qui est derrière nous, puisque Jacques a collaboré à la préparation du mémoire, comme le mien et un grand nombre d'occasionnels, illustre avec éloquence les aléas des listes de rappel et des épreuves perpétuelles de qualification lors du rappel au travail. On est dans la période des Jeux olympiques, et c'est le cas.
La Commission de la fonction publique a déjà dit, dans ses analyses, que les occasionnels ne sont pas embauchés de façon transparente, qu'il n'y a pas un libre accès à tous les citoyens du Québec pour avoir un poste comme occasionnel. Je pense que c'est faux, cette perception-là, puisqu'on a été repérés sur des listes de candidatures, on a été embauchés au fil des ans et selon notre date d'inscription. On a dû démontrer nos compétences dès notre entrée et on la démontre lors du rappel au travail à chaque fois. On a un comité de sélection à chaque fois qui réétudie notre dossier, qui fait l'appariement entre notre c.v. et celui du profil de la personne recherchée.
Alors, on a beau leur dire: On n'est pas en recrutement, on est en rappel au travail dans l'entreprise, on a déjà été évalués, vous savez qu'on est qualifiés, il me semble qu'on devrait avoir une rencontre cordiale pour échanger sur le poste qui est offert puis voir s'il nous intéresse puis si on est capables, si on se sent capables de l'accepter, ça ne se passe pas comme ça, on recommence à chaque fois. Bien, ça, ça coûte de l'argent, ça. Ces gens-là, deux, trois, quatre, cinq sur le comité, passent des journées entières à recevoir des occasionnels qui ont été qualifiés depuis 15 ans. Ça, je pense que, là... Je ne sais pas si une entreprise pourrait fonctionner comme ça, une entreprise privée, je pense qu'elle ne fonctionnerait pas longtemps, elle ferait faillite le lendemain. Moi, pour ma part, en 15 ans, j'ai passé 40 épreuves de qualification.
Et je peux vous dire que, dernièrement moi, je suis entré en poste vendredi dernier à Emploi et Solidarité j'ai été rappelé comme occasionnel au ministère de la Justice, il y avait un poste. Quand on a vu qu'il n'y avait personne qui convenait sur la liste de rappel comme premier, comme étant le plus ancien, ils ont décidé de l'annuler. Maintenant, ils sont en repêchage au niveau d'un poste permanent.
Secrétariat aux relations intergouvernementales canadiennes, il y a un poste, ils ont fait la même chose. Quand ils ont vu que c'était moi puis que je ne convenais pas au poste, on a dit: On va le combler sur une base permanente, et ils sont actuellement en maraudage auprès des employés permanents pour s'en trouver un.
Conseil du statut de la femme, on a fait la même chose, on vient de nommer une personne temporaire sur le poste. J'ai été refusé parce que je ne connaissais pas le dossier de la condition féminine et non pas parce que je n'avais pas les qualifications. Au contraire, la secrétaire du Conseil me disait: Vous avez un c.v. extrêmement intéressant sur le plan professionnel, mais, voyez-vous, vous ne connaissez pas le sujet.
Le propre d'un occasionnel qui change d'un ministère à l'autre, je pense que c'est d'apprivoiser le sujet comme un journaliste, d'apprivoiser le sujet, le contenu et d'être capable de faire son travail de professionnel. On doit être capable. Moi, je suis agent d'information, je dois être capable de faire de la communication et des relations publiques d'abord. Le sujet, ça vient après, on l'assimile, puis je pense qu'on a fait la preuve qu'on est capable d'assimiler les dossiers, les sujets, très rapidement et efficacement.
Au ministère des Richesses naturelles, la même chose, trois postes. La SHQ, un poste de six mois comme bouche-trou, là il tombe sur une base permanente. C'est que, dans le fond, ils allaient à la pêche: On va l'embaucher pour six mois, puis, s'il est intéressant, bien peut-être qu'on pourra regarder avec ce qui se passe actuellement, qu'on pourra peut-être le garder.
Moi, je suis le plus ancien sur la liste de rappel et c'est à mon tour à travailler, et, en 14 mois de calendrier, j'ai travaillé trois mois et demi. J'ai dû me faire prolonger de deux semaines pour avoir le droit à l'assurance-chômage, l'été dernier. Là-dessus, j'avais communiqué avec le Conseil du trésor pour savoir où il en était rendu dans la liste de rappel et j'ai dit: Est-ce que je me fais prolonger ou bien s'il y a des postes d'ouverts? Il y en avait d'ouverts dans un ministère qui s'appelle Santé et Services sociaux. Ils ont embauché deux personnes hors de la fonction publique, et, moi, j'étais sur le carreau puis j'ai dû faire un grief. Il n'y avait personne chez les effectifs, chez les occasionnels, sur liste de rappel, qui pouvait remplir des services dans ce ministère-là. Là, je n'en crois pas mes yeux ni mes oreilles, mais c'est ça. Il y a un grief en cours, et ça va coûter probablement 20 000 $ à 25 000 $ pour le régler, de part et d'autre, syndicale et gouvernementale. C'est comme ça, le quotidien d'un occasionnel.
En ce qui concerne une transition vers un emploi permanent, en 14 ans de services, soit l'année dernière, en 1996, j'ai eu le droit de faire un concours réservé aux occasionnels. Il n'y en a pas eu de disponible pour moi pendant toute la période où j'étais là parce qu'à chaque fois je ne remplissais pas les critères. Dans le fond, je n'étais pas vissé au même coussin, sur la même chaise pendant trois ans, sur le même poste, dans le même ministère, parce que, comme je l'ai dit tantôt, dans la fonction publique, on pense que l'employeur, c'est le gestionnaire. L'entreprise, ce n'est pas le gouvernement du Québec. Pourtant mon chèque de paie est bien signé par le ministre des Finances sous le titre de gouvernement du Québec. Comment voulez-vous qu'on ait un sentiment d'appartenance et de fierté dans une entreprise quand on est traité comme ça.
Alors, ce qui fait que j'ai fait ce concours-là, je l'ai réussi, je suis dans une liste de déclaration d'aptitudes, mais je n'ai toujours pas d'emploi permanent. Et quelques semaines après, on a rencontré des gens du Conseil du trésor, dont M. Bourcier et Pierre Boudreault. On nous a dit que c'était un miroir aux alouettes, on a dit: Ce concours-là, dans le fond, on l'a fait, mais c'est parce que le syndicat avait négocié ça, puis on ne pense pas que vous allez être permanentisé. Puis ce qu'on veut, des occasionnels, on n'en veut plus, on veut rajeunir la fonction publique, on veut embaucher des jeunes. Et c'est assez particulier, ça. Après 15 ans de services dans une entreprise, c'est assez particulier.
Je voudrais vous parler de la nouvelle directive qui vous est soumise en commission parlementaire, qui a été soumise aussi à la Commission de la fonction publique qui a fait ses recommandations. Je pense que c'est la pire directive qui n'a jamais été mise sur le marché. L'objectif de cette directive-là vient consacrer davantage et donner davantage de pouvoirs aux gestionnaires pour faire ce qu'ils veulent, à tel point que, même le classement de l'employé, lors de son rappel, est maintenant discrétionnaire aux gestionnaires. Là, on ne tient plus compte de notre ancienneté et de notre service continu.
Où est-ce qu'on voit une entreprise qui gère décemment ses employés selon leurs qualifications, selon leur dévouement dans l'entreprise, les traiter comme ça? Je n'ai jamais vu ça. Mais, à la fonction publique, on voit ça. Puis ce qui est aberrant là-dedans, c'est qu'il y a un gouvernement qui a passé une loi sur l'équité, qui est l'employeur et qui, à mon sens, doit se comporter en bon père de famille pour donner l'exemple aux citoyens. On est le pire employeur sur le marché au Québec. Ma femme travaille dans une entreprise privée depuis 1980, une entreprise de transport, elle n'a jamais été traitée comme ça. C'est aberrant, c'est aberrant!
(10 h 50)
C'est un système à deux vitesses, dans le fond, occasionnels, permanents, dont Roger St-Laurent va vous parler tout à l'heure, c'est lui qui va vous en faire quelques mots. Je vous inviterais aussi à lire la partie du mémoire que Jacques Dolbec a préparée, qui est intitulée Ma profession: les épreuves de qualification, ma sécurité d'emploi: ma performance . Jacques exprime avec beaucoup de sensibilité les épreuves, les souffrances morales qui découlent de la précarité d'un emploi occasionnel.
M. Gautrin: C'est dans ce document-là, ici?
M. Dionne (Jocelyn): Oui.
M. Gautrin: Page 8.
M. Dionne (Jocelyn): Jacques fait état, dans le fond, de ses désillusions face à la liste de rappel, de son désoeuvrement face à une perspective de carrière dans la fonction publique. Et je pourrais donner une anecdote. Jacques, lors de ses premières années de service dans la fonction publique, aurait voulu participer à un concours de recrutement. Son patron lui a refusé le droit de s'absenter pour faire les examens. C'est le genre de dictature qu'on a dans la fonction publique, comme occasionnel. C'est, hélas, la triste vérité. À mon sens, il n'y a pas une entreprise qui agirait comme ça, là. Je ne sais pas où on s'en va.
Le Président (M. Chagnon): En pages 13 et 14?
M. Dionne (Jocelyn): Oui. Oui, c'est vrai, le temps passe. Alors, ce qu'on préconise, nous, dans le fond, c'est d'avoir une approche qui est davantage beaucoup plus proche de la nouvelle réalité de la fonction publique. Avec toutes les compressions budgétaires qui ont été apportées, avec tous les nouveaux besoins que requiert la population puis aussi avec le nouveau contexte technologique, je pense que le type de postes dans la fonction publique ne correspondent plus à la réalité.
Dans une organisation comme celle de la fonction publique, je pense qu'il y a des postes à caractère permanent, il y a des postes à caractère régulier, comme ceux, par exemple, de la révision du cadastre où il y a des gens qui ont des contrats de 12 ans. Ce n'est pas un poste d'occasionnel, ça; c'est un poste régulier dans l'entreprise. Sauf que peut-être qu'on pense y mettre fin un jour. Parce que ce n'est pas comme, par exemple, les employés qui travaillent au comptoir du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et qui reçoivent les prestataires de la sécurité du revenu. Il y a un besoin permanent, constant, là, de répondre à la clientèle. Mais, dans le cas de la révision du cadastre, c'est un besoin ponctuel mais, quand même, de très longue durée. Alors, on pourrait, par la suite, récupérer ces gens-là, les réaffecter ailleurs dans l'entreprise mais non pas les mettre à pied. Je pense qu'ils ne méritent pas ça.
D'abord, je pense qu'il y a des grands principes qui doivent être reconnus dans l'entreprise, c'est que l'employeur, il faut qu'il reconnaisse sa responsabilité, son obligation conjointe et solidaire vis-à-vis des employés. À l'heure actuelle, le Conseil du trésor fait des règles; le sous-ministre les applique. Mais le Conseil du trésor n'a pas de pouvoir de révision ou de validation des gestes du sous-ministre, de sorte que, finalement, la main droite ignore ce que la main gauche fait. C'est comme ça que ça fonctionne. Donc, ça, je pense que ça devrait être corrigé.
La nécessité pour l'employeur de centraliser au sein d'un organisme, peut-être d'un office de ressources humaines mais qui ne relèverait pas du Conseil du trésor, qui serait totalement indépendant puis qui coordonnerait vraiment la gestion des ressources humaines, ça s'impose. Et je pense que ça a été une erreur, ça, que de la rapatrier là puis de la mettre sous la main d'un seul boss. Je pense qu'il faut qu'il soit autonome dans la gestion.
M. Gautrin: On est tout à fait d'accord avec vous.
M. Dionne (Jocelyn): Il y a une intervention législative, je pense, qui doit être faite pour modifier la Loi de la fonction publique, entre autres pour faire l'appariement avec les normes du travail. À l'heure actuelle, les deux lois sont en totale contradiction, puisque, après trois ans, je dois bénéficier de la protection de la Loi sur les normes du travail. Du fait que je travaille à contrat, que je sois à la fonction publique, il n'y a pas un chat à la Commission des normes du travail qui veut entendre une plainte quelconque. Mme Cloutier, précédemment, je pense qu'elle avait expliqué clairement ce qui en est, puis je pense que c'est vraiment la réalité qui nous attend lorsqu'on est mis à pied.
Il devrait y avoir une période de transition où on devrait régulariser immédiatement la situation des occasionnels qui ont plus de trois ans de service continu dans l'entreprise, parce que je pense que l'entreprise c'est comme je disais tantôt ce n'est pas un poste budgétaire, ce n'est pas sous la houlette d'un gestionnaire, c'est l'entreprise. Et, conformément à la Loi sur les normes du travail, on devrait bénéficier d'une certaine régularité dans le travail.
M. Gautrin: Et l'entreprise pour vous, c'est le gouvernement.
M. Dionne (Jocelyn): C'est le gouvernement du Québec. Le ministère, dans le fond... D'ailleurs, en anglais, on dit «department», ça veut dire «une partie de», et, par délégation de pouvoirs, on dit au sous-ministre: Toi, tu peux gérer ton département, ton organisation. Mais c'est toujours sous l'autorité ultime du Conseil des ministres et du premier ministre. Il faut que ça revienne à ça.
Le Président (M. Chagnon): Comme c'est la période de questions, peut-être vous amener à faire une conclusion.
M. Dionne (Jocelyn): Ce que je voudrais dire aussi, puis je pense qu'on a deux suggestions intéressantes, rapidement, là, c'est qu'il faut que les autres occasionnels qui arriveraient dans le futur, il y ait un mécanisme permanent pour qu'après trois ans ils soient évalués puis puissent intégrer de façon officielle la fonction publique. Puis il pourrait y avoir aussi... Et j'ai appris hier de bonne source que le Conseil du trésor travaille actuellement sur un nouveau programme de retraite anticipée afin de libérer davantage de postes. Je pense que ça, c'est un mécanisme qui devrait être permanent pour un certain nombre d'années afin de permettre un roulement plus fort dans la fonction publique. Un, ça permettrait de débloquer des postes pour régulariser la situation des occasionnels, et, deux, ça permettrait aussi de rajeunir, d'aller chercher des jeunes dans la fonction publique.
Le Président (M. Chagnon): Vous n'avez pas trouvé que ça a roulé assez fort l'an dernier, vous? Trente mille? Trente-quatre mille?
M. Dionne (Jocelyn): Bien, il y a encore du monde qui attendent chez eux, en chômage.
Le Président (M. Chagnon): C'est sûr qu'il y a encore du monde qui attendent chez eux, en chômage.
M. Dionne (Jocelyn): Il y a encore du monde qui ont besoin de mettre du pain et du beurre dans leur frigidaire. Je pense que la liste des assistés sociaux et à l'assurance-chômage est assez élevée pour qu'on puisse penser à faire une rétribution beaucoup plus équitable des sous que tout le monde met dans la cagnotte, pour qu'ils puissent aussi penser à gagner leur vie. Et je pense que ça serait une façon intéressante d'aborder la question.
Le Président (M. Chagnon): Bien, je vous remercie beaucoup, M. Dionne. Hier, on a reçu le syndicat représentant des professionnels du gouvernement du Québec, et je suis étonné un peu de voir que vous ne vous associez pas aux représentations faites par votre syndicat.
M. Dionne (Jocelyn): On s'y associe dans une certaine mesure. Les propositions qui sont présentées là sont intéressantes, mais on estime qu'ils ne vont pas assez loin. Alors, c'est pour ça qu'on a toujours, depuis une dizaine d'années, fait des représentations autant auprès de notre syndicat puis de façon très vigoureuse. On peut même dire que de temps en temps ils nous ont trouvés très dérangeants, mais je pense que ça découle tout simplement du fait que... On est deux mondes, le monde des occasionnels et le monde des permanents. Et ça a pris du temps avant qu'ils finissent par comprendre notre problématique. Et je pense que maintenant ils sont beaucoup plus sensibles à nos revendications. C'est pour ça qu'on a cru bon aujourd'hui d'intervenir puis de...
Le Président (M. Chagnon): Vous faites bien. Ce n'est surtout pas un reproche, là.
M. Dionne (Jocelyn): Non, non, mais ça situe le contexte.
Le Président (M. Chagnon): Mais vous ne voulez pas non plus que votre syndicat se mette à la retraite, si je comprends bien.
M. Dionne (Jocelyn): Non, il y a encore du boulot à faire, mais ils sont dans un cul-de-sac dans le fond, puisque c'est, finalement, l'encadrement légal qui les empêche de négocier des meilleures conditions pour nous avec l'employeur. Ils sont pris dans un carcan, c'est la loi.
Le Président (M. Chagnon): M. Marsan.
M. Marsan: Merci, M. le Président. Vous êtes accompagné de Mme De Launière et de M. St-Laurent. Moi, j'aimerais entendre leurs expériences, ça accroche à mes oreilles quand on parle de 14 ou 15 ans de temps occasionnel pour les ministères. Si c'est possible de connaître vos expériences, s'il vous plaît.
Le Président (M. Chagnon): Mme De Launière.
(11 heures)
Mme De Launière (Ginette): Bon, je vais commencer. Moi, depuis 1984, je travaille comme agente d'information auprès de différents ministères. J'en ai fait aussi une panoplie puis je pourrais en faire... Je n'en ferai pas la nomenclature parce qu'on va manquer de temps. Sauf que ce que je remarque, et je l'ai aussi dans mon mémoire, c'est que j'ai cumulé une vingtaine de contrats, avec autant d'entrevues d'embauche. Donc, à chaque fois, c'était aussi, comme Jocelyn le mentionnait, à recommencer, c'est-à-dire qu'on se demandait vraiment si l'expérience qu'on a acquise avant était vraiment acquise ou si on n'avait pas affaire à chaque fois à une entreprise différente avec des gens différents qui ne nous connaissaient jamais.
Quand je regarde la manière dont se défile actuellement ma carrière professionnelle, je me demande encore comment j'ai pu résister, moi, avec autant de vigueur à cette insécurité et au stress que je dois subir régulièrement. À chaque nouveau contrat, non seulement il faut que je démontre les excellentes réalisations que j'ai pu faire, mais, à chaque fois, il faut démontrer aussi qu'on a encore le feu sacré et qu'on est là pour accomplir les tâches précises qu'on nous donne avec le plus d'optimisme possible. Il faut donc mettre énormément d'efforts et d'énergie pour réaliser les mandats qui nous sont donnés et démontrer à nos gestionnaires et collègues permanents qu'on n'est pas juste des employés occasionnels mais aussi des gens, et des femmes aussi je parle aussi des femmes, parce qu'il y a beaucoup de femmes occasionnelles qui sont fiables et intègres et qui sont professionnels.
Donc, si je poursuis un petit peu en rapport avec le mémoire, c'est que, après quelques années de service auprès du gouvernement, moi, personnellement, j'ai cru vraiment pouvoir y faire une carrière. J'ai vu mes collègues prédécesseurs, en 1983, qui ont été nommés permanents, la même chose en 1987, et j'ai vu aussi le processus en 1995. Et tout ça a fait en sorte que ça renforçait en moi l'idée de faire carrière au gouvernement. Après tout, il m'avait choisie après plusieurs entrevues. Donc, je croyais que c'était aussi de bonne guerre qu'on fasse un lien professionnel ensemble, sauf que j'ai perdu mon emploi, à un moment donné, comme ça, sans raison, sinon budgétaire. Donc, je dois dire que j'ai péché par excès d'optimisme dans ma situation, parce que j'ai eu vraiment plusieurs périodes difficiles ponctuées de chômage, de retour au travail, des paquets de petits contrats allant de trois semaines à un an, et c'est très pénible. Il faut être fort pour être occasionnel après tant d'années dans la fonction publique.
Cependant, j'acceptais ma situation dans la mesure où j'avais toujours cru que la fameuse liste interministérielle de rappel des employés occasionnels qui ont plus de trois ans d'ancienneté auprès du gouvernement était bel et bien un outil de gestion respecté par l'employeur. C'est-à-dire que je croyais que j'étais classée comme tous les autres employés occasionnels, d'ailleurs, dans la fonction publique selon mon expérience, le rang dans lequel j'étais sur la fameuse liste et que j'étais rappelée lorsque les besoins étaient demandés. Je prenais aussi pour acquis qu'il y avait une minutieuse attention qui était consacrée à la surveillance de cette dite liste interministérielle qui, à mon avis, était le seul outil de gestion qui permettait vraiment de rester confiante advenant une perte d'emploi. Parce que les gestionnaires affirmaient d'ailleurs que tout octroi de nouveau contrat était donné à des gens qui étaient occasionnels et qu'on respectait vraiment le rang et l'expérience de la personne en toute objectivité et dans le respect des noms qui étaient inscrits dans la liste.
En plus, la tenue de cette liste interministérielle là, qui établissait la continuité du lien entre moi et mon employeur pour au moins trois ans c'est à peu près la garantie qu'on avait me permettait de rester en confiance avec le gouvernement. Sinon, à quoi ça servait d'avoir une liste, hein? Je me disais: Bon, pour moi, c'est une arme qui peut m'aider, j'ai une sécurité parce que je suis sur une liste et je suis confiante. Et à chaque fois qu'il y a eu des entrevues ou des situations où... Par exemple, je me souviens d'avoir fait passer, souvent, des emplois par la rampe, comme on dit. C'est qu'on nous utilise pour créer un nouveau poste, voir si les besoins sont là, et, un coup que ça, ça a été bien établi et que le besoin se fait sentir, on ne peut pas rester au poste parce qu'on est occasionnel. Alors, arrive un permanent ou quelqu'un en mutation qui prend le poste, et souvent on te demande même de l'initier au poste comme tel, et toi, bien, tu te retrouves sur le chômage. Alors, ça, moi, j'ai vécu ça aussi, et je vous avoue que c'est un petit peu triste.
Alors, pour moi, cette liste-là m'aidait donc à me retrouver un emploi, sauf que j'ai perdu plusieurs possibilités. Je me suis même retrouvée sur l'aide sociale à quelques occasions. Je vous avoue que ce n'était pas toujours drôle. Par contre, j'ai pu constater qu'il y a eu des irrégularités aussi qui ont été faites. À un moment donné, je me suis retrouvée sur l'aide sociale et je me suis dit: Bien, là, il faudrait bien que j'aille voir un peu ce qui se passe, il me semble que ce n'est pas normal, ça bouge.
Vous parliez tantôt qu'il y a eu 30 000 employés qui ont été mis à la retraite, et je me disais: Bon, bien, ça va bouger. On est toujours optimiste de revenir, parce que, quand on a plus de 10 ans d'expérience dans la fonction publique, il n'est pas évident de trouver un emploi dans le secteur privé par la suite. On a une culture organisationnelle qu'on est habitué d'avoir, et, quand on arrive dans une entreprise privée, ce n'est pas considéré de la même manière. Non pas que je porte nécessairement un jugement négatif contre un employé de la fonction publique, mais c'est une culture qui est un peu particulière. On nous dit souvent de ne pas lâcher, que ça va arriver, on va avoir un poste, etc. Donc, on est aussi un peu à la merci de cette fameuse liste là qui nous protège pour trois ans.
Donc, moi, je suis allée, à un moment donné, auprès de mon syndicat, je me disais: Ça n'a pas de bon sens qu'après tant de temps je n'aie pas été retournée en emploi, il se passe quelque chose. Et, effectivement, il se passait quelque chose. Il y a des irrégularités, il y a même des illégalités. Je peux en témoigner, moi, j'ai...
Le Président (M. Chagnon): Vous êtes sûrement une excellente agente d'information, vous êtes fort volubile.
Mme De Launière (Ginette): Merci. J'espère que je ne vais pas trop vite non plus.
Le Président (M. Chagnon): On peut peut-être tirer... Je pense qu'on comprend exactement ce que vous avez vécu.
Mme De Launière (Ginette): O.K. Alors, pour conclure, ce que je dirais tout simplement, moi, c'est qu'il faut déposer un paquet de séries de griefs pour essayer de faire comprendre notre point de vue et démontrer que, finalement, il y a des injustices qui se créent. Je pense qu'il faudrait mettre des mécanismes en place pour essayer de changer ça. Quand viendra le temps, durant la période des questions, on pourra peut-être mentionner des façons de procéder qui pourraient changer des choses.
Le Président (M. Chagnon): Vous avez peut-être un mot à ajouter.
M. St-Laurent (Roger): Un mot à ajouter... Je peux dire que je suis dans le purgatoire. Ça fait 15 ans que je fais du purgatoire.
Le Président (M. Chagnon): Comme occasionnel?
M. St-Laurent (Roger): Comme occasionnel.
Le Président (M. Chagnon): Dans quel poste?
M. St-Laurent (Roger): Je ne pensais pas que ça allait durer aussi longtemps que ça.
Le Président (M. Chagnon): Dans des postes différents?
M. St-Laurent (Roger): Non, non.
Le Président (M. Chagnon): Dans le même poste, 15 ans.
M. St-Laurent (Roger): Toujours dans une poste d'agent d'information. Contrairement à Ginette, moi, sur 15 ans...
M. Gautrin: Mais dans le même poste, 15 ans dans le même poste?
M. St-Laurent (Roger): Toujours comme agent d'information.
M. Gautrin: Dans le même ministère, etc.
M. St-Laurent (Roger): J'ai fait trois ministères en 15 ans. J'ai fait le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, l'Office des ressources humaines et, depuis huit ans maintenant, la Société de l'assurance automobile du Québec. Sur l'ensemble de ces années-là, j'ai six mois où il y a eu des coupures de personnel. Et ça, c'est en temps continu.
Le problème qu'il y a chez les occasionnels ou dans ce statut-là, c'est que c'est un piège. Pour les jeunes qui vont arriver sur le marché du travail et que le gouvernement envisage d'embaucher, j'espère qu'ils ne tomberont pas dans ce piège-là. On l'a dit, on l'a souligné, il y a eu plein d'interventions qui se sont faites ici à l'effet que c'est une situation tout à fait inéquitable pour les personnes dans ce statut d'emploi là. Je ne sais pas si vous avez eu assez d'exemples précis et concrets sur l'iniquité?
M. Marsan: Oui. En tout cas, on a entendu des récits depuis hier, mais je voulais qu'on ajoute vos témoignages. Il y a une question que je voudrais poser à M. Dionne. Nous, on a essayé de savoir pourquoi on est rendu dans cette situation-là. On a eu certaines raisons, et j'aimerais ça vous demander de commenter. Une des raisons, c'est au niveau des coûts. Est-ce que c'est vrai qu'un occasionnel ça coûterait bien moins cher au gouvernement qu'un permanent; deuxièmement, qu'un occasionnel a beaucoup plus de mobilité qu'un permanent? Et, troisièmement, plusieurs, dont vous, nous ont parlé d'une gestion abusive. Les occasionnels ont peur de perdre leur emploi. Donc, ils vont écouter leur patron d'une façon peut-être plus serrée qu'un permanent ou, en tout cas, plus servile. Mais j'aimerais vous entendre sur ces trois commentaires-là.
M. Dionne (Jocelyn): Parfait. En termes de coût, ça a été vrai dans les débuts où je suis entré. Moi, je suis entré en 1982. C'était vrai, puisqu'il y avait plusieurs bénéfices marginaux qu'on n'avait pas et dont on ne bénéficiait pas: fonds de pension, régime d'assurance-groupe, différents points comme ça pour lesquels l'employeur n'avait pas à payer sa part. Au fil des négociations avec notre syndicat, heureusement ces avantages-là ont été ajoutés. Donc, maintenant, on pourrait dire qu'on coûte exactement le même prix à l'employeur qu'un permanent.
C'est davantage l'aspect mobilité qui est alléchant pour le gestionnaire, puisqu'il peut l'embaucher à partir du moment où le besoin s'exprime et au moment où il se termine. Alors que, quand on embauche un permanent, il faut y penser six mois, neuf mois d'avance parce que le processus est extrêmement long. Quand la personne arrive, finalement, dans le service, ça fait peut-être déjà trois mois qu'il aurait fallu qu'elle soit là et qu'elle soit à faire sa prestation de travail. Alors que, nous, on nous appelle le vendredi et on nous dit: Lundi, j'aimerais te voir. Le dossier est prêt, on le met sur ton bureau et tu pars. Alors, vous voyez la différence.
Le Président (M. Chagnon): Sauf que, quand vous êtes depuis huit ans à la Société de l'assurance automobile du Québec, on peut présumer que le poste est permanent.
M. Dionne (Jocelyn): Exact. J'ai fait, par exemple, quatre ans au ministère des Communications. J'ai fait mon poste. Je suis entré d'abord pour remplacer un employé malade. De deux mois en deux mois, ensuite d'année en année. À un moment donné, ils ont dit: Le poste a un caractère permanent. On a permanentisé le poste. Et là mon gestionnaire et le sous-ministre ont dit: On veut te garder, on va tout faire, on va essayer. Mais, finalement, ils ont dû s'avouer vaincus, et c'est un permanent qui a été muté sur mon poste. Moi, je suis reparti chez nous Gros-Jean comme devant, ça a fini là. Alors, c'est extrêmement frustrant.
M. Marsan: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Marsan. Henri-François.
(11 h 10)
M. Gautrin: J'essaie de bien comprendre votre réalité et j'ai l'impression qu'il y a deux réalités. Il y a la réalité des faux occasionnels. Pour moi, vous êtes un faux occasionnel, c'est-à-dire que vous êtes sur un poste depuis huit ans ou neuf ans, et c'est un poste qu'on ne veut pas rendre permanent. Et peut-être qu'on ne veut pas le rendre permanent pour pouvoir vous garder. Est-ce que c'est le cas? Autrement dit, si votre poste devenait permanent vous risquez, à cause de la fonction publique, de perdre votre emploi parce qu'il y aurait un permanent qui viendrait vous remplacer.
M. St-Laurent (Roger): C'est une possibilité. Concrètement, dans ce cas précis, le poste a été ouvert comme poste occasionnel, lorsqu'on a eu le mandat de gérer le contrôle du transport routier. Moi, j'étais déjà là, à la Société, à cette direction des communications là, et on m'a dit: Écoute, on a un poste qui va s'ouvrir au niveau du contrôle routier, il va falloir l'occuper, mettre en place une stratégie, mettre en place tous les morceaux pour pouvoir gérer, du point de vue communications, les demandes, les besoins au niveau du contrôle du transport routier, et on t'offre un contrat de deux ans comme occasionnel là-dessus. Ah bien! là, j'ai dit: Certainement, parce que mon autre contrat finissait aussi. Donc, j'avais mon premier contrat à la Société qui, lui, se terminait où j'ai, en passant, obtenu un... du Forum des directeurs des communications, les atlas, là, bon.
Ceci dit, j'ai embarqué sur ce poste-là, et c'est depuis 1993. Alors, tranquillement, d'année en année, les projets se sont développés, les demandes se sont faites, les besoins se sont produits, il fallait y répondre. Ça fait depuis 1993 que ce poste-là doit être comblé, et on reconduit mon contrat d'année en année. C'est sûr que le poste en question, ils en ont besoin, c'est certain. Mon contrat, c'est un dossier spécifique, alors le poste, il va rester, lui. Là, il est fait, il est bâti, le poste.
Mais, si on voulait m'avoir et d'ailleurs on voulait m'avoir pour au moins deux ans, on voulait me renouveler de deux ans en deux ans, ce qu'on aurait fait, selon la hiérarchie des droits au gouvernement, c'est que la demande de mon organisme aurait passé au Conseil du trésor pour renouveler Roger St-Laurent pour une période de deux ans sur un poste qu'il occupe depuis quatre ans. Et le Conseil du trésor aurait dit parce qu'il émet un numéro d'autorisation il aurait spécifié qu'il aurait été voir dans sa liste de personnes en disponibilité et aurait référé, selon le profil de l'emploi, une autre personne en disponibilité. S'il n'y avait eu personne, dans le bassin des personnes en disponibilité, qui réponde à ce profil d'emploi là, il aurait été voir à d'autres niveaux de hiérarchie d'emploi, parce que les occasionnels sont tout à fait dans le bas de la hiérarchie d'emploi. Alors, pour me maintenir, pour me garder, pour pouvoir continuer à maintenir cette expertise-là sur le poste, il ne peuvent pas me renouveler plus que... là, c'est aux six mois.
M. Gautrin: C'est ça que je veux essayer d'établir avec vous.
Le Président (M. Chagnon): C'est un cercle vicieux.
M. Gautrin: Les contrats sont des contrats... un contrat d'occasionnel...
M. Dionne (Jocelyn): ...à durée déterminée.
M. Gautrin: C'est un contrat à durée déterminée, c'est bien cela.
M. Dionne (Jocelyn): Ce qui nous exclus des normes du travail, de ce fait. C'est très habile de la part de l'employeur.
M. Gautrin: Par contre, pendant la durée de votre contrat, la question des abus de pouvoir, c'est-à-dire de licenciement, n'existe pas. C'est-à-dire que vous avez donc un contrat entre le gouvernement et...
M. Dionne (Jocelyn): Il peut y mettre fin n'importe quand.
Mme De Launière (Ginette): À 15 jours de préavis, si c'est un contrat d'un an et plus.
M. Dionne (Jocelyn): C'est un contrat unilatéral. Dans le fond, c'est un engagement de l'employeur. Nous, on ne signe pas, on adhère au contrat, mais on ne signe pas le contrat. C'est une promesse d'engagement pouvant aller de un mois à six mois, à un an, mais à laquelle on peut mettre fin n'importe quand, en respectant le préavis des normes du travail.
M. Gautrin: Alors, ce que je veux essayer d'explorer avec vous, parce que vous ne l'avez pas mis dans votre recommandation... Si on explorait la dimension de travailleur autonome, pour vous, avec contractuel avec le gouvernement, c'est-à-dire, à ce moment-là, des contrats à durée limitée pour un emploi bien particulier, pour une tâche à faire mais qui... Si, moi, j'engage quelqu'un pour deux mois, bien je vous engage pour deux mois, je ne peux pas mettre fin... Est-ce que ça serait une piste pour vous...
M. Dionne (Jocelyn): Non, pas du tout, parce que, là, ça serait encore pire, on n'aurait aucune protection syndicale. Et, justement, le fameux critère d'impartialité du fonctionnaire ou du libre exercice de sa fonction disparaîtrait alors là totalement. Là, les citoyens n'auraient plus aucune garantie que les employés sont embauchés de façon impartiale et ont toute l'autonomie qu'il faut pour pouvoir gérer. Là, ce serait épouvantable. Moi, je n'accepterais pas un contrat comme ça, je ne pourrais pas vivre dans une situation comme ça, je veux dire. Je suis aussi bien d'être à mon compte puis de me bâtir ma propre entreprise. Je ne serais pas intéressé, carrément.
Mme De Launière (Ginette): Il y a deux façons aussi de voir les choses. Si vous parlez des occasionnels, les futurs occasionnels qui vont rentrer dans la fonction publique, il y a plusieurs pistes à envisager. Mais, moi, je représente ici les faux occasionnels aussi, ceux qui sont là depuis plus de cinq ans, 10, 15 ans, et puis devenir contractuels ou travailleurs autonomes demain matin ne règle rien dans ma situation et dans la situation de mes collègues non plus.
M. Gautrin: Mais la seule manière de régler votre situation, c'est que vous deveniez permanente. Essentiellement, si je comprends, même que je vous ai écoutés tous les trois, c'est d'avoir un mécanisme de transition pour vous rendre permanents. Essentiellement, c'est ça, votre demande.
Mme De Launière (Ginette): Je ne sais plus comment on pourrait démontrer qu'on a les aptitudes pour faire le travail qu'on fait, après 14 ans.
M. Dionne (Jocelyn): Parce que, nous, l'employeur, il est en contradiction, il est dans l'illégalité par rapport à la Loi sur les normes du travail lorsqu'il nous met à pied au terme d'un contrat. L'esprit des normes du travail, c'est qu'après trois ans dans une entreprise un employé est dit régulier, on lui assure du travail à moins que l'entreprise, ses clients arrêtent d'acheter. Alors, là, c'est totalement le contraire, on est en conflit avec ça.
L'autre phénomène, comme j'avais dit au début, il y a des postes qui ont un caractère régulier dans l'organisation, comme je mentionnais, à la réforme du cadastre. Alors, ce qui fait que pourquoi on ne nous embaucherait pas sur une base régulière pour occuper un poste et, lorsqu'il n'y a plus de besoin, on nous met sur une liste de rappel et on nous réintègre dans l'entreprise dans un autre service, puisqu'on est toujours dans la même entreprise? C'est ce que va faire Bombardier par exemple, avec son personnel. Quand il y a un soudeur qui n'est plus utile dans un service, il le transfère dans un autre.
M. Gautrin: Mais, une dernière question, je reviendrai après. La liste de rappel, vous me dites, ça existe, mais ça ne fonctionne pas, et à un moment ou vous n'avez pas eu la chance de terminer dans votre exposé est-ce qu'elle n'est pas utilisée ou elle est...
M. Dionne (Jocelyn): Depuis un mois, le Conseil du trésor n'assure plus le suivi de gestion de la liste. Quand un gestionnaire appelle, il prend la liste de tous ceux qui sont inscrits dessus puis il la donne au ministère puis il dit: Tiens, appelle-les. S'il y en a 100 dans le même corps d'emploi, il est pris pour faire le tour.
M. Gautrin: Mais il n'y a pas un ordre de priorité?
M. Dionne (Jocelyn): Oui, mais le gestionnaire ne sait pas si la personne est au travail ou si elle est en chômage. Et, si la personne est au travail, il l'appelle quand même et il peut lui offrir un autre poste, au détriment de celui qui est sans emploi. En fait, le principe...
M. Gautrin: Attendez un instant, je ne comprends pas ça. Vous me dites que vous pouvez être sur la liste de rappel mais que vous êtes déjà au travail pour le gouvernement. Comment ça se fait, ça?
M. Dionne (Jocelyn): Parce que le Conseil du trésor ne la gère plus, c'est-à-dire que... J'ai été embauché vendredi dernier. Normalement, mon...
M. Gautrin: Vous débarquez de la liste de rappel.
M. Dionne (Jocelyn): Oui, mon gestionnaire doit communiquer avec le Conseil du trésor et dire: M. Dionne est au travail chez nous. Ça ne se fait plus. Le Conseil du trésor n'assure plus ce suivi-là. Alors, comment voulez-vous gérer une liste...
M. Gautrin: Alors, la liste est un foutoir.
M. Dionne (Jocelyn): C'est de la foutaise.
Mme De Launière (Ginette): C'est qu'il y a plusieurs façons de faire. On peut aussi la contourner, cette liste-là. Moi, j'ai une série de griefs à mon dossier personnel, qui est éloquent.
M. Gautrin: Mais comment on fait pour la contourner? C'est-à-dire qu'on ne la consulte pas, c'est ça?
Mme De Launière (Ginette): Oui ou bien, tout simplement, on passe le nom ou on invoque toutes sortes de raisons. Je veux dire, on peut dire tout simplement que ça ne correspond...
M. Dionne (Jocelyn): Il ne correspond pas au profil de l'emploi.
Mme De Launière (Ginette): Oui, voilà, il y a plusieurs façons de faire, c'est ça.
M. Gautrin: C'est-à-dire que vous faites une description de l'emploi tellement restrictive que vous n'êtes pas... Vous n'avez qu'un seul candidat que vous pouvez trouver.
M. Dionne (Jocelyn): J'ai donné l'exemple avec le Conseil du statut de la femme. Alors, la raison pour laquelle on ne m'a pas embauché, c'est que je ne connaissais pas le dossier de la condition féminine. Je regrette, comme professionnel, j'ai souvent conseillé une cousine qui est membre du conseil d'administration de l'AFEAS, une association nationale, en relations publiques, et, avant même d'aller en entrevue au Conseil du statut de la femme, je l'ai appelée pour lui demander ce qu'elle pensait qu'un homme soit responsable du magazine de La Gazette des femmes . J'ai dit: Est-ce que tu verrais, sur le plan politique, un problème avec ça? Elle a dit: Je n'en vois pas, tu es professionnel, tu es compétent, tu es capable de gérer le magazine. On ne m'a pas accepté.
Le Président (M. Chagnon): Enfin, vous soulevez un problème sur la gestion des listes de rappel. Je vais passer à Michel.
(11 h 20)
M. Côté: Bon. Alors, bonjour, à cette commission. Je pense que vous avez la commission idéale pour venir exposer votre situation et vous êtes les bienvenus. Moi, j'aimerais savoir, on a de la difficulté à avoir des statistiques en termes de nombres de personnes qui sont dans votre situation, au niveau de faux occasionnels. Est-ce que vous avez, vous autres, des statistiques un peu, de ce côté-là, à nous faire part? D'ailleurs, je n'en vois pas non plus dans votre document.
M. Dionne (Jocelyn): Notre syndicat a sûrement des données intéressantes là-dessus, peut-être qu'il vous les a déposées hier. Nous, on n'y a pas accès, à ces informations-là, ni au syndicat, ni au Conseil du trésor. On n'a même pas accès à la liste des membres de notre syndicat dans notre propre syndicat. Moi, si je veux savoir qui est occasionnel avec moi pour pouvoir organiser des activités pour essayer de monter des dossiers puis défendre mes intérêts, je ne peux pas. C'est une atteinte à la Charte des droits et libertés. Je ne peux même pas avoir le libre exercice du droit d'association. C'est à ce point-là, comment on est attaché. Ça, c'est criant, c'est effrayant.
J'ai une cause qui va passer, lundi après-midi de la semaine prochaine, devant la Commission d'accès à l'information pour avoir la liste de rappel. La liste de rappel n'est pas affichée, les postes qui sont disponibles ne sont pas affichés, on ne sait rien. Le syndicat non plus, il ne le sait pas, il ne peut même pas avoir les outils qu'il faut pour surveiller les intérêts de ses membres.
M. Gautrin: La liste de rappel n'est pas publique?
M. Dionne (Jocelyn): Elle n'est pas publique, puis c'est des renseignements publics. En vertu de la constitution du gouvernement du Québec, c'est des renseignements publics auxquels tout citoyen a accès. Moi, je suis employé, puis je ne l'ai pas, une aberration, et mon syndicat n'a jamais réussi à l'avoir.
Le Président (M. Chagnon): M. St-Laurent, vous vouliez ajouter?
M. St-Laurent (Roger): À moins que je me trompe, je pense que les occasionnels de plus de trois ans au niveau professionnel, il y en a, je pense, 300: les occasionnels, disons, par exemple, de plus de cinq ans, je crois qu'il y en a une centaine; les occasionnels de plus de 10 ans, on est environ entre 20 et 30, au niveau professionnel.
M. Côté: O.K. Ça précise davantage. Vous me disiez, tout à l'heure, M. St-Laurent, que, pendant huit ans, vous, de service continu, je pense, même si ça fait 15 ans que vous êtes... À la Société de l'assurance automobile, pendant huit ans en service continu?
M. St-Laurent (Roger): Oui, voilà, oui.
M. Côté: Quel était l'échéancier de vos contrats, le plus long que vous avez...?
M. St-Laurent (Roger): Le premier contrat était de deux ans. D'ailleurs, jusqu'en 1991, j'ai toujours eu des contrats de plus d'un an. Mais, pour la Société, le premier contrat était de deux ans, on m'a renouvelé deux autres années, et, après ces deux contrats-là, ça a été des renouvellements de six mois en six mois jusqu'à aujourd'hui.
M. Côté: Mais il n'y a jamais eu d'arrêts de travail entre ces...
M. St-Laurent (Roger): Non, non.
M. Côté: Donc, à ce moment-là, vous, vous n'aviez pas à passer par toute la panoplie de concours, d'examens, puis quoi?
M. St-Laurent (Roger): C'est que, oui, la première fois, oui, il a fallu que je passe en entrevue. Ça, c'est normal, la première fois que je suis entré au gouvernement. C'est en 1983.
M. Côté: Oui, ça, ça va. Par la suite, les renouvellements?
M. St-Laurent (Roger): Par la suite, aux renouvellements, j'ai toujours, à chaque renouvellement de contrat, je dirais... Appelons ça prolongement, parce que, quand tu as un contrat de plus d'un an, tu as une nature de contrat de plus d'un an, on appelle ça un contrat spécifique. Le contrat spécifique, lui, est non pas renouvelé, mais prolongé. Alors, au terme du contrat, le gestionnaire peut prolonger le contrat en question, donc on n'a pas à refaire un autre contrat, à reformuler les exigences, à reformuler un cadre d'emploi. C'est le même, et on le prolonge. À la Société, c'est ce qui s'est fait. Le premier contrat que j'ai eu, deux ans, c'est un contrat spécifique. Je suis sur le même contrat depuis huit ans, mais, les quatre premières années, ça a été deux contrats et, ensuite, ça a été de six mois en six mois.
M. Côté: Contrairement à M. Dionne. Lorsque vous aviez terminé un contrat, vous étiez un certain nombre de mois sans travail. Lorsque vous étiez rappelé, vous, on vous faisait repasser un autre concours.
M. Dionne (Jocelyn): Oui, c'est que, quand on change de service, quand on change de ministère ou de service, en général, c'est ça, il y a une évaluation qui est faite. Il y a des entrevues, des fois, même des tests écrits. Alors, moi, après 15 ans, on vérifie à chaque fois, souvent, si je sais encore écrire.
M. Côté: Mais, si c'est au même poste, vous ne le faites pas.
M. Dionne (Jocelyn): Non, là, c'est un prolongement ou un renouvellement, il y a deux formules.
M. Côté: Même s'il y a une période de temps que vous n'avez pas comblée?
M. Dionne (Jocelyn): Ah non, par exemple!
M. Côté: S'il n'y a pas d'arrêt.
M. Dionne (Jocelyn): S'il n'y a pas d'arrêt, c'est correct, c'est un renouvellement ou un prolongement. Mais, si on est mis à pied parce que le contrat se termine, qu'on retourne sur la liste de rappel puis qu'on est rappelé dans un autre endroit...
M. Côté: Non, mais, si vous êtes rappelé au même endroit?
M. Dionne (Jocelyn): Au même ministère?
M. Côté: Oui.
M. Dionne (Jocelyn): Il y a une entrevue formelle qui est faite, le plus souvent, pas toujours, là.
M. Côté: Bon. J'aurais une autre question. Dans une de vos recommandations, la recommandation 4 à la page 13, votre recommandation, c'est la mise en place d'un mécanisme qui permettrait aux occasionnels qui cumulent trois ans et plus de service continu au sein de la fonction publique, vous dites «dans un même corps d'emploi»... Comparativement à un poste comme tel, qui peut être après huit ans, comme M. St-Laurent... C'est un poste permanent en réalité, normalement. Normalement, c'est un poste. Mais quelle est la différence, dans un même corps d'emploi ou un poste permanent... Ça veut dire que, dans un même corps d'emploi, vous pourriez aller n'importe ou dans les ministères au gouvernement en autant que c'est le même corps d'emploi?
M. Dionne (Jocelyn): Moi, mon corps d'emploi, c'est agent d'information. Donc, ma profession, c'est de faire de la communication, ma formation étant celle-là. Donc, je suis en mesure de donner cette prestation à l'entreprise, peu importe le service où je suis. Je pense que, si j'ai les qualifications nécessaires, il n'y a pas d'obstacle avec ça, j'ai à apprivoiser le contenu si ça change d'endroit, mais c'est tout. J'ai l'expertise, j'ai la capacité scientifique d'exercer ma profession. Ça, il n'y a pas de problème.
Le même poste, ça, c'est une autre paire de manches. Il y a des postes, comme je le disais au début, qui ont un caractère permanent parce que le service doit être donné aux citoyens ou à l'ensemble de la machine de façon continuelle, à très longue durée, alors que, moi, dans le fond, souvent, j'ai occupé certains postes qui avaient un caractère permanent. J'ai occupé aussi des postes qui avaient davantage un caractère régulier, comme au ministère des Communications, ça a été le cas. Au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, quatre ans, c'est un poste à caractère régulier, peut-être pas permanent, puisque les besoins de l'organisme ont quand même un peu une certaine variation, mais surtout pas un poste d'occasionnel.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup. Je veux remercier Mme De Launière, M. Dionne et M. St-Laurent. Les questions que vous avez soulevées vont sûrement réapparaître bientôt, puisque je vais inviter le Conseil du trésor à prendre place.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Chagnon): Nous vous invitons à prendre la parole, à présenter les gens qui vous accompagnent. D'abord, considérez-vous comme étant le bienvenu ici. Vous avez entendu parler des travaux de la commission depuis hier matin et vous allez nous permettre de tirer une certaine conclusion par rapport aux travaux du Conseil du trésor sur cette même question. Alors, c'est à vous la parole.
Secrétariat du Conseil du trésor
M. Roy (Pierre): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord présenter les gens qui m'accompagnent, en commençant immédiatement à ma droite: M. Jean Larochelle, qui est secrétaire associé au personnel de la fonction publique; M. Claude Provencher, qui est directeur des politiques, de la recherche et du développement; M. Pierre Boudreault, directeur des relations professionnelles; et M. Richard Tanguay, directeur de la dotation et du soutien à la gestion.
C'est avec plaisir, M. le Président, que je réponds à nouveau à votre convocation afin de livrer quelques explications.
Le Président (M. Chagnon): C'est avec plaisir que nous vous recevons. C'est un plaisir que nous aimons renouveler.
(11 h 30)
M. Roy (Pierre): Ha, ha, ha! Afin de vous livrer quelques explications relativement à la directive concernant les emplois occasionnels de la fonction publique, adoptée par le Conseil du trésor le 23 septembre dernier. Permettez-moi, tout d'abord, de vous indiquer...
Le Président (M. Chagnon): Vous avez des copies de votre texte?
M. Roy (Pierre): Oui. Permettez-moi tout d'abord de vous indiquer que l'adoption de cette directive a été le résultat de travaux qui se sont échelonnés sur une trentaine de mois et qui ont donné lieu à de nombreuses consultations. Ainsi, les représentants des ministères et des organismes ont été consultés à de multiples reprises, et ce, à tous les niveaux hiérarchiques. De plus, fait sans précédent, semble-t-il, dans les annales des règles concernant le personnel occasionnel, les syndicats ont également été consultés avant que la directive ne soit adoptée. C'est donc dire que le Secrétariat du Conseil du trésor, tel qu'il en avait reçu le mandat du Conseil, a cherché à s'assurer que les nouvelles règles tenaient compte de l'ensemble des préoccupations des partenaires et intervenants, et cela, à l'intérieur de la loi qui encadre la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.
En second lieu, il me semble important, avant de traiter plus précisément de la directive elle-même, de vous rappeler le contexte d'ensemble des travaux que je viens d'évoquer. Le redressement des finances publiques qui est en cours a amené les ministères et organismes à composer avec des ressources humaines en décroissance. Des programmes ont été revus, des façons de faire ont été modifiées. Parfois, les changements demandent un certain temps. En effet, il faut continuer à assurer le service à la population en même temps que se font les transformations, tant sur l'amplitude que sur les façons de rendre ces services. Cette période de changements est appelée à durer non seulement en raison du resserrement de la gestion des finances publiques, mais aussi en considérant l'impact que les nouvelles technologies ont et auront sur l'organisation du travail. Les changements rendent la gestion plus difficile. Tous et toutes en conviennent. L'appel à plus de souplesse est donc général. Et cela vise au premier chef les règles de gestion, dont celles concernant le personnel occasionnel.
Historiquement, les règles concernant le personnel occasionnel ont toujours été restrictives, limitant les choix possibles pour les organisations. Depuis l'apparition de l'ancêtre de la directive actuelle en 1966, les règles ont évolué vers de plus en plus de contraintes, le sommet à ce chapitre ayant été atteint au début des années quatre-vingt. Par exemple, il était alors impossible de conserver le même employé occasionnel pour remplacer un même employé régulier absent du moment que la raison de l'absence changeait. Imaginez le casse-tête pour les gestionnaires, mais aussi l'impact sur la qualité des services d'une telle cassure dans l'utilisation d'un employé.
À partir du moment où le Conseil du trésor en a eu la responsabilité première, et ce, en 1984, les règles ont de plus en plus été simplifiées afin de mieux répondre aux besoins des organisations et de les responsabiliser. Ainsi, le Conseil du trésor a notamment cessé d'approuver les projets spécifiques à la pièce, à compter de 1985, la responsabilité d'une telle approbation étant plutôt confiée aux sous-ministres et dirigeants ou dirigeantes d'organismes.
Ces divers assouplissements qui se sont étalés dans le temps n'étaient cependant pas suffisants, aux dires des organisations qui n'ont cessé de réclamer de nouveaux allégements en faisant valoir des objectifs reliés à l'efficacité. À ces pressions internes, il faut souligner que se sont ajoutées des pressions que je qualifierais d'externes pour les besoins de mon propos. D'une part, la Commission de la fonction publique a à quelques reprises, dans ses rapports annuels, jeté un regard critique sur la gestion du personnel occasionnel, réclamant un resserrement de cette gestion. D'autre part, le Vérificateur général, dans son rapport annuel de 1991-1992, a souligné les faiblesses d'un système de recrutement basé sur des fichiers ministériels de candidatures plutôt qu'un fichier centralisé. Il recommandait même aux ministères et organismes, et je cite, «de faire de vigoureuses représentations auprès des organismes centraux concernés, s'ils jugent que les règles auxquelles ils sont assujettis vont à l'encontre de leur réalité organisationnelle». Cette recommandation a encouragé les ministères et organismes à poursuivre leurs représentations vers une plus grande flexibilité des règles applicables et même une suppression des contraintes.
Les événements de toutes natures qui se sont conjugués ont rendu inévitable la révision des règles régissant le personnel occasionnel, en particulier des normes et contraintes qui existaient encore. Les directives du Conseil du trésor qui encadraient la gestion du personnel occasionnel ont donc été revues dans une optique de simplification et d'accroissement de la marge de manoeuvre des ministères et des organismes.
La nouvelle directive du Conseil du trésor concernant les emplois occasionnels édicte surtout des règles sur la gestion des emplois occasionnels dans la fonction publique. Pour quelles raisons un emploi occasionnel peut-il être créé? Quelle peut être sa durée? Comment les emplois sont dotés? Etc. Ce sont là les éléments qui se retrouvent dans la directive.
Pourquoi une directive pour le personnel occasionnel? Tout simplement parce que la fonction publique, comme toutes les grandes organisations, a besoin de personnel d'appoint soit pour faire face aux pointes d'activité ou donner des services sur une base saisonnière, soit pour remplacer des employés absents, soit pour réaliser des projets à caractère non récurrent. Il ne serait pas raisonnable dans ces cas de faire appel à de la main-d'oeuvre ayant une permanence en plus d'une sécurité d'emploi prévue dans les conventions collectives.
Les règles de gestion sont conçues en fonction d'un personnel permanent, par exemple en matière de dotation des emplois. Ces règles cadrent mal avec une réalité différente caractérisée par des emplois créés en fonction de besoins demandant une réponse rapide et dont la durée est, en principe, limitée. Par exemple, l'absence subite d'un employé ou la mise en place d'un programme temporaire pour répondre à un besoin ponctuel de la population. Il faut donc adapter le cadre existant et au besoin le compléter afin d'être en mesure de répondre adéquatement aux besoins de personnel occasionnel.
Le législateur a lui-même laissé la latitude au Conseil du trésor d'agir ainsi. Les articles 83 et suivants de la Loi sur la fonction publique permettant de suspendre l'application de certains articles de la loi, ce dont le Conseil du trésor s'est prévalu. Une telle disposition a toujours existé dans les lois sur la fonction publique et toutes les entités qui ont été responsables de la gestion du personnel y ont recouru afin d'édicter les règles applicables à ce personnel.
La nouvelle directive, que dit-elle? La directive concernant les emplois occasionnels de la fonction publique constitue le coeur des règles applicables à ces emplois. Elle regroupe les éléments qui se retrouvaient auparavant dans trois directives. Je voudrais rapidement signaler les principaux changements qui caractérisent cette nouvelle directive.
D'abord, dans la section I de la directive, le champ d'application, se retrouvent les articles de la loi qui ne s'appliquent pas à l'emploi occasionnel. Il faut ici remarquer que les articles de la loi qui ne s'appliquent pas sont moins nombreux que ce qui existait sous l'ancienne directive. C'est dire que le Conseil du trésor a voulu limiter l'utilisation des pouvoirs extraordinaires que la loi lui confère au strict nécessaire pour la gestion des emplois occasionnels. La section III de la directive contient les dispositions relatives au recrutement et à la sélection du personnel occasionnel. De nouvelles dispositions ont institué un fichier central des candidatures qui a pris le relais des fichiers ministériels qui existaient depuis 1986. La centralisation des candidatures et la création d'un fichier central étaient souhaitées par tous les acteurs, y compris le public, dans ce cas.
L'autre innovation en matière de recrutement du personnel occasionnel est que, dorénavant, le public ne pourra s'inscrire que sur appel de candidatures et en fonction des besoins des organisations. En ces temps de gestion budgétaire serrée, il n'aurait pas été sage de maintenir l'inscription à volonté, comme cela existait. Une telle ouverture avait conduit l'ancien fichier central de Travail-Québec, qui a servi à combler les emplois occasionnels de la fonction publique jusqu'en 1986, à gérer 1 600 000 candidatures simultanément, ce qui n'avait pas de sens. Il ne fallait pas retourner à une pareille situation qui, outre la question administrative, engendrait de faux espoirs chez les personnes inscrites.
La mise en place d'un fichier centralisé devrait permettre de réaliser des économies par rapport à la situation passée. Le nombre de personnes affectées à la gestion de ces fichiers étant appelé à être réduit sensiblement, on anticipe une économie de l'ordre de 2 000 000 $.
Pour vider la question du recrutement et de la sélection, il me semble également opportun de souligner qu'une nouvelle possibilité a été introduite. En effet, les personnes déclarées aptes lors de concours de recrutement pour combler un emploi régulier, et qui le souhaitent, peuvent maintenant être appelées à occuper un emploi occasionnel sans que cela ne compromette une éventuelle nomination sur un emploi régulier. Il s'agit ici de profiter de la constitution de listes de personnes dont les compétences ont été évaluées pour enrichir le bassin des candidatures aux emplois occasionnels.
Par ailleurs, bien que cela n'apparaisse pas à première vue, les projets spécifiques constituent un autre axe de changement important introduit par la nouvelle directive. En effet, ce n'est pas tant l'existence que l'absence de dispositions qu'il faut ici remarquer. La nouvelle directive ne contient plus que deux dispositions qui visent nommément les projets spécifiques par rapport aux nombreuses dispositions qui en traitaient jusque-là, dont une directive particulière. Le Conseil du trésor a décidé de se limiter à définir ce qu'est un projet spécifique, à préciser qui peut en créer et à édicter que la durée des emplois qui y sont rattachés est égale à la durée des projets. Ce dépouillement contraste avec les dispositions qui se sont succédées à ce sujet depuis au moins 20 ans et qui ont été continuellement identifiées comme des irritants à la gestion par les ministères et les organismes.
(11 h 40)
L'appréciation de la justesse de la création d'un projet spécifique et l'échéancier qui est rattaché demandent une connaissance fine du domaine et de l'organisation au sein de laquelle le projet a cours. Comme le passé l'a d'ailleurs démontré, ni le Secrétariat du Conseil du trésor ni le Conseil du trésor ne sont en mesure d'intervenir efficacement dans la gestion de ces projets. Par ailleurs, l'existence de tels projets spécifiques, de plus ou moins grande envergure selon les cas, est inévitable dans une organisation qui doit sans cesse s'ajuster à l'évolution des besoins de la population. La fonction publique doit avoir les outils requis pour y arriver.
Ces réalités ont amené un allégement progressif de l'encadrement central des projets spécifiques. Il y a eu d'abord cessation de l'approbation à la pièce des projets en 1985 et suspension de la durée limite des projets en 1993. Aussi, le Secrétariat du Conseil du trésor était-il d'avis de responsabiliser encore plus les sous-ministres et les dirigeants d'organismes à l'égard des projets spécifiques, ce que le Conseil du trésor a accepté en adoptant la nouvelle directive.
Il me reste un dernier changement d'importance à souligner par rapport aux directives antérieures. Les dispositions relatives aux étudiants stagiaires et aux emplois d'été se retrouvaient dans la même directive antérieurement pour fins, je dirais, de simplification et de meilleure compréhension. Les dispositions concernant les étudiants font maintenant l'objet de directives particulières. C'est seulement des changements, je dirais, quant à la présentation et quant à la forme, le contenu étant essentiellement le même.
Rapidement, l'avis de la Commission de la fonction publique sur la directive. Comme vous le savez, le Conseil du trésor a eu recours au pouvoir extraordinaire que lui confère l'article 83 de la Loi sur la fonction publique afin d'adopter la directive en question et de soustraire les emplois occasionnels de l'application de certaines dispositions de la loi. L'article 83 et suivants de la loi comportent cependant certaines obligations auxquelles doit se soumettre le Conseil du trésor lorsqu'il invoque cette disposition. En effet, le Conseil du trésor doit d'abord consulter la Commission de la fonction publique, faire rapport à l'Assemblée nationale, ce rapport contenant l'avis de la Commission de la fonction publique. Finalement, le Conseil du trésor détermine la manière dont est régi un emploi soustrait de l'application de la loi, cette dernière obligation ayant été rencontrée par l'adoption de la directive en cause et dont je viens de faire un survol du contenu.
Cela m'amène donc à faire état brièvement de l'avis de la Commission de la fonction publique qui était annexé au rapport déposé à l'Assemblée nationale en octobre 1997 par M. Jacques Léonard, ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor. La Commission de la fonction publique mentionne dans son avis qu'elle considère justifié d'exclure les emplois occasionnels de l'application de certaines dispositions de la Loi sur la fonction publique. La Commission exprime aussi son accord à la création d'un fichier centralisé des emplois occasionnels, au recours à des appels de candidatures, à l'utilisation des listes de déclaration d'aptitudes émises à la suite des concours de recrutement et à l'allégement du cadre normatif, ce qui inclut la gestion des projets spécifiques. La Commission se dit également favorable à la création de directives particulières pour les emplois d'étudiants.
Cependant, toujours dans son rapport, la Commission a fait aussi état de recommandations afin que le projet de directive qui lui était soumis soit modifié. Ses recommandations sont au nombre de cinq, en excluant celle relative aux étudiants dont je traiterai plus loin. Je vais les reprendre, si vous le permettez, une à une en notant quelles furent les suites décidées par le Conseil du trésor, puisque les recommandations de la Commission ont évidemment été portées à son attention.
La première recommandation de la Commission était à l'effet de retirer de la directive les emplois créés dans le cadre de la réalisation d'un projet spécifique et les emplois cycliques ou saisonniers, je dirais, qui a fait jusqu'à présent l'objet de l'essentiel des travaux de la présente commission. Vu son importance, j'y reviendrai par la suite.
La deuxième recommandation de la Commission portait sur le maintien de l'application des articles 119 et 120 de la loi et les paragraphes 1, 2 et 4 de l'article 126. Le Conseil du trésor a donné partiellement suite à cette recommandation. Les articles 120, les paragraphes 1 et 2 de l'article 126 s'appliqueront aux employés occasionnels qui... l'article 120 portant notamment sur la possibilité pour la commission de proroger le délai applicable en cas d'appel d'une décision, et les paragraphes 1 et 2 de l'article 126 prévoyant que le gouvernement peut fixer des normes d'éthique et de discipline et définir les mesures disciplinaires et les modalités de leur application.
Pour ce qui est de l'article 119, celui-ci permettrait à la Commission, dans l'éventualité d'une plainte qui lui serait adressée, d'arrêter le processus de dotation d'un emploi occasionnel, le temps que la Commission rende sa décision. Il appert que de tels délais sont incompatibles avec la nécessité de doter rapidement les emplois occasionnels, lesquels sont soustraits du processus de dotation prévu par la loi pour cette raison précise, la Commission acceptant d'ailleurs la nécessité d'un tel processus rapide. En outre, l'application de cet article de la loi était également suspendue dans l'ancienne directive. Pour ces raisons, le Conseil du trésor n'a pas donné suite à cette partie de la recommandation portant sur l'article 119.
Pour ce qui est du paragraphe 4 de l'article 126, celui-ci permet au gouvernement de fixer par règlement les normes pour le classement des fonctionnaires. Or, les employés occasionnels de courte durée voient les normes relatives à leur classement fixées par la directive elle-même, ce qui rend le pouvoir réglementaire inutile. D'ailleurs, l'ancienne directive ne prévoyait pas non plus l'application de ce paragraphe de la loi. Par conséquent, le Conseil du trésor a décidé de ne pas donner suite à cette partie de la recommandation de la commission.
Dans sa troisième recommandation, la Commission estimait que le choix des personnes sur une liste de déclaration d'aptitudes devrait s'effectuer selon les niveaux de rangement des personnes déclarées aptes et en tenant compte des utilisations annoncées dans l'appel de candidatures. Le Conseil du trésor a accepté que les niveaux soient considérés et la directive adoptée le reflète.
La quatrième recommandation de la Commission visait à limiter à deux ans la durée maximale du retrait du nom d'une personne du fichier central de candidatures en cas de fausse déclaration. Le Conseil du trésor a décidé de donner suite à cette recommandation et la directive adoptée y est conforme.
Enfin, la cinquième et dernière recommandation de la Commission était à l'effet de s'assurer que les motifs de retrait du nom d'une personne du fichier central, prévus aux articles 12 et 13 de la directive, plus particulièrement celui ayant trait au congédiement, n'aille pas à l'encontre de l'esprit et de la lettre de la Charte des droits et libertés de la personne. Sur la foi des évaluations juridiques dont il dispose, le Conseil du trésor a décidé de ne pas modifier le projet de directive, les inquiétudes de la Commission n'apparaissant pas fondées.
Enfin, outre la directive concernant les emplois occasionnels dans la fonction publique, la Commission a également présenté une recommandation relativement aux directives concernant les étudiants. Le Conseil du trésor y a donné les mêmes suites que celles que j'ai exposées précédemment à l'égard de la seconde recommandation de la Commission.
Comme il est possible de le constater, le Conseil du trésor a tenu compte des recommandations de la Commission, même s'il a décidé de ne pas donner suite à toutes. Dans chaque cas, toutefois, une évaluation a été faite afin de permettre au Conseil du trésor de statuer avec l'éclairage requis.
La nouvelle directive donne aux organisations plus de souplesse dans la gestion de leurs emplois occasionnels, ce qui répond à une demande expresse de leur part. L'allégement qui a été réalisé, conformément au voeu du gouvernement, devrait permettre aux ministères et organismes de la fonction publique de mieux faire face aux nombreux défis auxquels les prochaines années vont les confronter et qui se caractériseront par une redéfinition tant des services à rendre que des moyens de les rendre.
Évidemment, il restera toujours des écueils qui préoccuperont. Je vise ici les emplois occasionnels de longue durée dont la Commission de la fonction publique traite également dans son avis et qui sont visés par sa première recommandation. Cette première recommandation visait à ne plus considérer comme des emplois occasionnels les emplois cycliques ou saisonniers ainsi que ceux créés dans le cadre d'un projet spécifique. En d'autres mots, à en faire des emplois permanents, ce qui engendrerait une hausse substantielle du nombre d'employés ayant un tel statut dans la fonction publique.
L'existence d'emplois occasionnels à long terme est un problème qui a jusqu'ici fait couler beaucoup d'encre y compris au Secrétariat du Conseil du trésor, je puis vous l'assurer. Au moins deux commissions parlementaires s'y sont d'ailleurs attardées, la commission Bisaillon et la commission Lemieux-Lazure, tandis que la question a été au centre de bien des négociations avec les centrales syndicales. Il faut cependant constater et j'espère que la période de questions nous permettra de répondre à certaines questions qui ont été formulées hier sur les chiffres que le problème n'a pas l'ampleur que plusieurs semblent y voir, même si je ne veux pas nier l'importance du phénomène.
Somme toute, c'est environ 17 % de l'effectif occasionnel qui est visé si nous considérons les emplois qui, actuellement, ont duré au moins 30 mois au cours des 36 derniers mois, ce qui, de façon concrète, représente 2 942 personnes. Et je pourrai vous donner tout à l'heure les statistiques aussi sur ceux qui ont cumulé cinq ans et plus. Là, je vous parle de trois ans et plus.
Pour aborder la question, il faut, au départ, souligner qu'il existe une distinction entre les emplois cycliques ou saisonniers et les emplois créés dans le cadre de projets spécifiques. Les emplois cycliques ou saisonniers sont des emplois qui ne durent qu'une partie de l'année et qui peuvent se répéter d'année en année. Ce sont les plus vieux emplois occasionnels de la fonction publique et les premiers à avoir fait l'objet d'un droit de rappel. Cela se comprend assez facilement: la fonction publique a toujours eu des activités reliées aux saisons, comme l'entretien des routes, ou encore à des pointes cycliques, comme le traitement des déclarations de revenus.
Les emplois cycliques ou saisonniers sont sujets, quant au nombre d'employés requis, à des fluctuations, d'une année à l'autre, qui ne permettent pas de garantir une charge de travail stable. Des employés saisonniers requis une année ne sont, par exemple, pas rappelés l'année suivante parce que les besoins sont moindres, mais ils pourront l'être l'année subséquente. En plus, d'une année à l'autre, la durée de leur emploi pourra varier, toujours en fonction des besoins ou encore des budgets disponibles. Assimiler ce personnel à du personnel à temps partiel, comme cela est proposé par la Commission de la fonction publique, ne correspond pas, selon nous, à la réalité.
Par ailleurs, la Commission de la fonction publique fait état, dans son avis, d'emplois saisonniers qui dureraient pratiquement toute l'année. Effectivement, bon an mal an, certains emplois peuvent avoir une amplitude atteignant 10 mois, par exemple. Je pense notamment à certaines activités d'entretien d'équipements extérieurs, qui ne cessent qu'au plus fort de l'hiver, ce qui est variable d'une année à l'autre. Cela est conforme au concept d'emploi saisonnier.
Les employés occasionnels saisonniers n'ont jamais la garantie d'être tous rappelés d'une année à l'autre, en raison des besoins qui peuvent fluctuer. Si un statut d'employé permanent à temps partiel devait être accordé aux employés saisonniers, comme le suggère la Commission de la fonction publique, il y aurait beaucoup trop de personnel certaines années, ce qui serait contraire à une saine gestion des fonds publics.
(11 h 50)
À titre de gestionnaire, il me semble que la fonction publique n'a aucun intérêt à emprunter une telle voie. D'autre part, les emplois créés dans le cadre de projets spécifiques sont des emplois qui durent le temps nécessaire à ce que des activités temporaires, non cycliques ou saisonnières, atteignent leur finalité. Ces emplois ont été visés par les règles applicables aux emplois occasionnels depuis au moins 1975. Tout le monde admet d'emblée qu'il ne serait pas raisonnable d'embaucher du personnel permanent avec sécurité d'emploi alors que la seule certitude face à certaines activités est qu'elles ne seront pas permanentes, ce qui est le cas des projets spécifiques. Cela est d'autant plus vrai s'il s'agit de spécialités pointues dont la fonction publique ne saurait que faire au terme du projet spécifique.
Les lois ne permettent pas aux organisations de recourir à du personnel contractuel, dans pareil cas. Alors, il faut bien trouver un moyen de faire réaliser le travail, même s'il est certain que le besoin est appelé à disparaître dans des délais relativement courts. L'utilisation du personnel occasionnel permet de mettre en route des programmes temporaires et de les mener à terme sans que cela ne conduise à de graves surplus de personnel. La fonction publique n'a jamais été confrontée à de tels problèmes justement en raison de la possibilité d'utiliser du personnel occasionnel quand aucune information ne permet de conclure à la pérennité d'une activité.
Lors de la création d'un projet spécifique, une fin plus ou moins éloignée est ou doit être prévue. Cette fin peut être reportée pour diverses raisons, mais il y en a une. Je pense, par exemple, à la réforme du Code civil, qui a duré plusieurs années. Il était certain que les travaux auraient une fin, même s'il y eut des délais non prévus au point de départ. Pouvait-on, pour le personnel d'appoint nécessaire, recruter du personnel permanent qui aurait été en surplus à l'échéance du projet? Serait-ce bien utiliser les fonds publics que d'embaucher du personnel permanent, sachant qu'il faut recourir à des spécialistes dont les besoins sont très faibles ailleurs dans la fonction publique, ce qui rendrait leur utilisation problématique au terme du projet?
Toutes les règles qui encadrent le personnel permanent sont faites pour des assignations qui ont une base récurrente. Cette réalité a pour conséquence que nous devons nous tourner vers un autre type de personnel quand il s'agit de répondre à des besoins dont la fin est entrevue dès le départ. Le personnel occasionnel est là pour cela. Je dirais même que nous n'avons pas d'autre choix en tant que gestionnaires. Par ailleurs, comme les situations problématiques, dont certaines ont été portées à votre attention ce matin et hier, touchent et on le verra tout à l'heure avec les données que nous avons un sous-groupe à l'intérieur d'un groupe plus vaste, il est très difficile de trouver une solution de façon, je dirais, adéquate.
Au fil des années, le Conseil du trésor et son Secrétariat ont acquis une longue expérience en la matière. Pratiquement tout a été essayé, que ce soit l'intégration à titre permanent, les concours réservés, les conversions de postes occasionnels en postes réguliers, y compris l'autorisation des projets spécifiques à la pièce. Chaque fois qu'il y a eu un resserrement des règles, une marée de demandes raisonnables ont suivies, illustrant la futilité des contrôles et la perte d'énergie qu'ils représentaient compte tenu du peu de demandes rejetées. L'alourdissement de la gestion que cela engendrait n'était pas justifié et nuisait à l'efficience générale de la fonction publique.
Conscient de la dimension humaine de la question, le Conseil du trésor a cependant donné l'occasion au personnel occasionnel de longue durée d'accéder à des emplois réguliers en lui permettant de participer à des concours de recrutement réservés. Ceux-ci ont servi à combler plusieurs emplois réguliers donnant accès à la permanence. Néanmoins, il est certain que la question continuera de faire l'objet d'une grande attention au Secrétariat du Conseil du trésor qui n'hésitera pas à recommander les correctifs qui pourraient apparaître appropriés si le besoin s'en faisait sentir. Dans l'immédiat, toutefois, le Conseil du trésor a choisi de maintenir le statu quo, quant aux emplois visés par la directive, et de ne pas donner suite à la première recommandation de la Commission de la fonction publique.
J'aimerais aussi, avant de conclure, traiter brièvement, comme je l'avais indiqué précédemment, des droits de rappel octroyés aux employés occasionnels et qui se retrouvent dans les conventions collectives. Ces droits de rappel ont été convenus en toute bonne foi par les parties aux négociations et leur remise en cause n'est pas le but de mon propos. Cependant, il faut comprendre que ces régimes de rappel basés sur l'ancienneté conduisent à des situations où une même personne pourra avoir travaillé pratiquement sans arrêt sur plusieurs emplois occasionnels différents. Il ne s'agit que du respect de dispositions d'une convention collective dont l'absence n'aurait cependant pas permis à une même personne de cumuler autant de service. La situation de ces personnes est, quant à moi, fort différente de celle d'un employé occasionnel ayant travaillé sur un même emploi sans arrêt pendant une dizaine d'années. J'ai de la difficulté à mettre ces deux situations sur le même pied et à leur accorder la même considération, en toute équité.
En conclusion, M. le Président, je crois que la nouvelle directive adoptée par le Conseil du trésor permet d'offrir une réponse intéressante aux demandes de simplification formulées par les ministères et organismes en ce qui a trait à la gestion des emplois occasionnels et de respecter la volonté du gouvernement à l'égard de l'allégement de la gestion. Les modifications apportées, notamment, au processus de recrutement et de sélection du personnel occasionnel réduiront les coûts de gestion, en plus de répondre aux recommandations tant de la Commission de la fonction publique que du Vérificateur général.
Fait à signaler, le nouveau processus de recrutement répond également aux commentaires du public sur le sujet. Une nouvelle approche de responsabilisation des sous-ministres et des dirigeants et dirigeantes d'organismes a été mise en oeuvre quant à la gestion des projets spécifiques. Cette approche se démarque des solutions antérieures, qui toutes tablaient sur le contrôle. Par ailleurs, le Conseil du trésor a tenu largement compte des recommandations de la Commission de la fonction publique avant d'adopter définitivement la directive, laquelle restreint au maximum la suspension de l'application de certaines dispositions de la Loi sur la fonction publique.
Néanmoins, le Conseil du trésor n'a pas retenu certaines recommandations de la Commission, en raison des conséquences sérieuses que leur application aurait eues sur la capacité de la fonction publique de s'ajuster sans difficulté majeure aux fluctuations des besoins de la population, en particulier ceux à caractère cyclique ou saisonnier ou nécessitant la mise en place de programmes temporaires. L'allégement des règles relatives aux emplois occasionnels ne signifie pas pour autant que la question du personnel occasionnel utilisé pour réaliser des activités en apparence permanentes ne fera plus l'objet d'une attention soutenue. Au contraire, le Secrétariat du Conseil du trésor continuera de suivre la situation de près et n'hésitera pas à saisir le Conseil du trésor de toute question ou de toute recommandation émanant notamment de la présente commission à son attention. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): C'est moi qui vous remercie beaucoup, M. Roy. On sait que, de ce temps-ci, vous êtes occupé aussi un peu avec la... être en train d'essayer de fermer le livre des crédits, c'est comme rien. Ça peut être le genre d'activité qui vous occupe.
M. Roy (Pierre): Entre autres.
Le Président (M. Chagnon): Entre autres. Et je vous remercie d'avoir trouvé le temps de venir passer une heure et demie avec nous sur ce sujet-là, qui est extrêmement important, qui touche non seulement des rationnels concernant la façon de gérer des emplois dans la fonction publique, mais aussi des gens, du monde, des humains qui donnent des services à leurs concitoyens.
Première question. Vous vous, c'est un «vous» collectif nous avez fait parvenir un document, ici, l'évolution du personnel occasionnel selon le ministère, et les chiffres que j'ai ne correspondent pas avec les autres chiffres de votre document annuel. On dit, ici, qu'il y a 10 682 personnels occasionnels ETC, étudiants exclus, en 1996-1997, et, dans les documents qu'on a ici, c'est 11 207 ETC.
M. Roy (Pierre): Les étudiants, si je ne m'abuse, sont exclus.
Le Président (M. Chagnon): Les étudiants sont exclus, oui, oui, j'exclus toujours les étudiants, dans les deux cas.
M. Roy (Pierre): O.K.
Le Président (M. Chagnon): Mais il y a une erreur ou bien là-dessus ou bien dans votre document. Il y en a 800 qui sont disparus, là.
M. Roy (Pierre): C'est à dire que, M. le Président, si je ne m'abuse, ce que vous avez ici inclut les étudiants.
M. Provencher (Claude): Il faudrait voir de quel document on parle.
M. Roy (Pierre): On parle de ça, là.
Le Président (M. Chagnon): Êtes-vous en train de me dire que le 11 207 inclut les étudiants?
M. Roy (Pierre): Le 11 207, ici, est-ce qu'on inclut les étudiants? C'est le portrait de l'effectif?
Une voix: Ça, oui, ça inclut les étudiants.
Le Président (M. Chagnon): Ça inclut les étudiants. Alors, on va se retrouver.
M. Provencher (Claude): Ça inclut les étudiants. Et ce qu'on peut dire par rapport aux chiffres que la commission a reçus récemment, c'est qu'on s'organise pour avoir une base comparable, vu qu'on fait ici une comparaison sur cinq ans. Et la base comparable est évolutive du fait que, pour avoir un portrait de janvier 1998 comparable aux années antérieures, on doit tenir compte des ministères ou des organismes qui changent, ou certains organismes peuvent sortir de la base comparative, si on veut.
Le Président (M. Chagnon): O.K. Alors, on vient de nous dire qu'il y a 2 942 personnes, presque 20 % des effectifs j'ai 10 000 postes, là, ici, 10 000 ETC, 10 000 emplois à temps complet dans lesquels on retrouve des gens qui ont plus de trois ans d'ancienneté continue dans le même poste.
M. Roy (Pierre): Il faut mettre le 2 942 en relation, évidemment, avec le 21 998 personnes.
Le Président (M. Chagnon): Oui. Alors, vous, vous parlez des personnes et non pas des ETC. C'est ça?
M. Roy (Pierre): Moi, je vous dis qu'il y a 2 942 personnes qui ont cumulé 30 mois de service au cours des 36 derniers mois.
Le Président (M. Chagnon): D'accord.
M. Gautrin: O.K. Donc, on a un rapport de 10 % à peu près.
Le Président (M. Chagnon): Êtes-vous capable de ventiler ces 2 942 personnes en types d'emplois cycliques, projets spécifiques, puis des saisonniers, par exemple.
(12 heures)
M. Provencher (Claude): Évidemment, les chiffres au niveau du personnel occasionnel demandent certaines explications. Alors, par exemple, les quelque 2 900 personnes que l'on retrouve, qui ont fait effectivement 30 mois dans les 36 derniers mois, pourquoi 30-36? C'est généralement reconnu de la part de l'employeur et des syndicats. Lorsqu'on a fait un concours réservé pour les professionnels en 1995, on destinait ce concours-là aux gens qui avaient fait au moins 30 mois dans les 36 derniers mois. La ventilation comme telle du personnel, disons, sur liste de rappel, on a d'autres chiffres concernant les listes de rappel qu'on pourrait vous donner, mais, dans ce 2 942 là, on ne peut pas le faire.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous pourriez nous le faire parvenir plus tard, s'il vous plaît?
M. Provencher (Claude): Tout à fait. Avec plaisir.
Mme Charest: Je poserais la question: Pourquoi les derniers 36 mois, les derniers...
Le Président (M. Chagnon): C'est une entente qu'ils ont avec le syndicat, c'est leur méthode de calcul.
Mme Charest: Ça va avec l'entente?
M. Larochelle (Jean): C'est habituellement la base qu'on utilise lorsqu'on négocie des concours réservés.
Le Président (M. Chagnon): J'aimerais revenir au document du...
Mme Charest: Vous étendez sur une période de temps de 36 mois.
M. Larochelle (Jean): C'est ça, 30 mois sur les 36 derniers mois, c'est ça, à partir d'une date précise.
Le Président (M. Chagnon): C'est une méthode de calcul acceptée avec le syndicat.
Mme Charest: Oui, je vois. Et cette entente-là, elle est faite entre vous et les syndicats?
M. Larochelle (Jean): Lorsqu'il y a des ententes, oui.
Mme Charest: Le syndicat des permanents ou qui comprend aussi des occasionnels?
M. Roy (Pierre): Le syndicat des professionnels et le syndicat des fonctionnaires représentent tous leurs membres, permanents et occasionnels.
Mme Charest: J'ai peut-être l'air niaiseuse en posant cette question-là, mais je pense que c'est bon que ça soit dit publiquement aussi avec qui les ententes sont faites pour statuer dans le temps pour négocier ce genre de choses.
M. Roy (Pierre): Quand on signe des ententes avec les représentants des employés, évidemment on signe des ententes avec les syndicats que vous avez entendus hier, c'est-à-dire le Syndicat de la fonction publique, le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, qui représentent autant les employés permanents que les employés occasionnels.
Le Président (M. Chagnon): Vous n'êtes pas sans savoir, évidemment, qu'une grande partie du problème sur lequel nous nous penchons depuis hier est particulièrement relatif à toute la question de ce qui est appelé, entre guillemets, les faux occasionnels. Et vous avez d'ailleurs pris la peine, dans votre document, de le prendre à part, de remettre la recommandation 1 à la fin de votre document pour vous y pencher davantage.
Il y a une partie des recommandations que la Commission de la fonction publique nous fait, en page 10 de son mémoire, lorsqu'elle dit: Que l'on fixe dans la directive une durée maximale à un projet spécifique je n'ai pas vu de réaction, chez vous, directe à cela; que les nominations aux emplois reliés aux projets spécifiques à partir du cadre de gestion applicables aux emplois occasionnels ne puissent être faites qu'à partir des listes de déclarations d'aptitudes émises à la suite d'un concours je n'ai pas vu de réaction à ça; que les nominations à des emplois reliés à des projets spécifiques établissent au départ la durée maximale d'un emploi vous en parlez par la bande un peu en disant: Bien, c'est compliqué, ça fait des règles supplémentaires, plus de travail pour les gestionnaires. Mais pourriez-vous être plus spécifiques?
M. Roy (Pierre): D'abord, je n'en ai pas fait état dans mes notes d'ouverture, puisque je concentrais mes notes à réagir à l'avis de la Commission de la fonction publique sur la directive du Conseil du trésor plutôt qu'au présent mémoire qu'elle a déposé ici. Maintenant...
Le Président (M. Chagnon): J'avoue que j'ai interprété le bout, moi: Chaque fois qu'il y a nécessairement des règles, il m'arrive des demandes raisonnables, etc., à ça.
M. Roy (Pierre): Alors, une durée maximale à un projet spécifique, ça a déjà existé, on a déjà eu... C'était trois ans, je pense, la durée maximale d'un projet spécifique? Deux ans, trois ans? Et on a eu beaucoup de demandes au Conseil du trésor pour autoriser des projets de plus longue durée. Et je pense que l'illustration, d'une certaine façon, de ça, si on prend un cas concret, ça a été l'approbation du projet spécifique sur la réforme cadastrale...
Le Président (M. Chagnon): Oui, je l'ai, ici, le fonds du cadastre, ça fait...
M. Roy (Pierre): ...en 1993, qui a été autorisé comme projet spécifique pour 14 ans. C'est l'illustration que, lorsqu'on fixe une durée maximale de deux ans ou trois ans, quelqu'un peut avoir l'idée de nous soumettre un projet spécifique qui, pour de bonnes raisons, va sembler durer plus que deux, trois ans la réforme du Code civil a sûrement duré plus que deux, trois ans de sorte que, au fil de l'expérience vécue, ça ne s'est pas avéré un mécanisme qui permettait, effectivement, de circonscrire les projets spécifiques. Ce qui a amené le Conseil du trésor, en 1993 toujours, si je ne m'abuse, à suspendre la durée maximale des projets spécifiques.
Le deuxième volet de la recommandation de la Commission, c'est que les nominations aux emplois reliés aux projets spécifiques ne puissent être faites qu'à partir de listes de déclarations d'aptitudes émises à la suite de concours.
Dans toute la problématique du personnel d'appoint, du personnel occasionnel, moi, je pense qu'il y a deux préoccupations premières. Je dirais, la première préoccupation, c'est à l'égard des gens qui sont en place et qui peuvent, je pense que vous l'avez entendu, vivre des situations particulières qui nécessitent, probablement, un examen. Mais il faut aussi voir si les règles qui s'appliqueront à l'avenir peuvent aussi éventuellement être révisées. Mais, comme on le disait dans la présentation, beaucoup de choses ont été essayées. Les concours réservés ont été essayés au moins à trois reprises, en 1987, 1990 et 1995, si ma mémoire est fidèle. La conversion de postes occasionnels en postes permanents, à hauteur de 4 200 postes, a été effectuée aussi il y a quelques années.
Le Président (M. Chagnon): Près de 5 000 en 1991-1992.
M. Roy (Pierre): En 1984, on a introduit l'article 164 de la Loi sur la fonction publique qui a permis à 32 ou 33 personnes qui étaient occasionnelles et qui satisfaisaient à un certain nombre de conditions, dont avoir cinq ans de service, si je me souviens bien, d'être nommées permanentes. Et vous avez noté que j'ai parlé de 1984, 1987, 1990 et 1995. On est en 1998, et je dirais que le phénomène est encore là. Il faut, quand on aborde ce dossier-là, je pense, tenir compte évidemment de la réalité et de la dimension humaine, mais tenir compte aussi du contexte gouvernemental. Je pense aux dernières années qui ont été un contexte de restrictions budgétaires, qui a évidemment amené les organisations à gérer leurs ressources, au sens large du terme, incluant leurs ressources humaines, dans une perspective où ce qu'ils avaient devant eux, c'était une réduction des ressources de toute nature. Quand tu gères dans ce contexte-là, je dirais que tu n'as pas nécessairement les mêmes approches que lorsque tu gères dans une perspective de développement.
Donc, ça a fait en sorte que les expériences passées ont été nombreuses, ont permis, à tout le moins, je pense, de régler un certain nombre de situations et de faire en sorte que le phénomène soit balisé et bien encadré. Maintenant, est-ce que d'autres solutions sont envisageables pour l'avenir? Je l'ai dit en conclusion, nous n'écartons rien à ce moment-ci. Mais il s'agit de bien peser le pour et le contre de toute avenue.
Une avenue comme celle que nous recommande la Commission de la fonction publique, d'accorder de façon systématique la permanence à toutes les personnes, aux 2 942 personnes en quelque sorte que j'ai évoquées précédemment, nous semble à ce moment-ci irréaliste parce qu'il y a toutes sortes de cas à l'intérieur de ça. Tu peux avoir effectivement, à l'intérieur des 2 942 personnes, des personnes qui ont effectivement été embauchées pour un projet spécifique de quatre ans, mais dans quatre ans le travail va être fini. Est-ce qu'on va nécessairement accorder la permanence et la sécurité d'emploi aux 2 942 personnes de même? Donc, il faut examiner chacune des avenues, et, je l'ai dit en conclusion, on est ouvert à ça. Mais je pense qu'il faut bien circonscrire le phénomène et il faut aussi voir d'où il origine, dans quel contexte il s'est produit et le bilan de ce qui a été fait depuis 15 ans pour essayer de trouver une solution.
(12 h 10)
Le Président (M. Chagnon): Dans votre texte de présentation, M. Roy, je me réfère à la page 17, parce qu'il y a des éléments clés là-dedans lorsqu'on parle du projet spécifique. Je vous le relis: «Tout le monde admet d'emblée qu'il ne serait pas raisonnable d'embaucher du personnel permanent, avec sécurité d'emploi, alors que la seule certitude face à certaines activités est qu'elles ne seront pas permanentes, ce qui est le cas des projets spécifiques. Cela est d'autant plus vrai qu'il s'agit de spécialités pointues dont la fonction publique ne saurait que faire au terme du projet spécifique.»
Personne ne peu raisonnablement remettre ce que vous écrivez là en question. C'était la vérité dans tous les cas ou la possibilité dans tous les cas. Vous-même, vous m'avez enlevé l'exemple que je voulais vous soumettre. Le fonds du cadastre est un fonds qui aura 14, 15 ans. Il y a des gens qui vont travailler dans ce fonds-là pendant 14, 15 ans. Il y a des gens qui sont susceptibles d'être à l'emploi du gouvernement encore d'autres années après que les modifications à cette réforme-là, des modifications qui vont avoir lieu, l'entrée des nouvelles données... Bref, c'est un peu particulier que ces gens-là n'aient pas le même statut que les permanents.
Vous dites aussi: «Les lois ne permettent pas aux organisations de recourir à du personnel contractuel dans pareils cas. Alors, il faut bien trouver un moyen de faire réaliser le travail, même s'il est certain que le besoin est appelé à disparaître dans des délais relativement courts.»
Ça pourrait être vrai. Mais il y a aussi des exemples qu'on a entendus ici et que vous avez entendus vous-même, il y a quelques minutes, où on travaille, par exemple, huit ans comme agent d'information à la Société de l'assurance automobile du Québec. Puis, huit ans plus tard, non seulement la personne se sent frustrée du fait de ne pas pouvoir occuper un poste qui est jugé comme étant à temps plein, et pour l'avenir, mais, en même temps, le type d'organisation de notre gestion empêche les gestionnaires de pouvoir recourir aux services de la personne qui est en poste depuis huit ans. Ça fait bizarre un peu. Ça fait particulier.
Je comprends qu'il y a 2 942 personnes qui sont susceptibles d'être dans des situations différentes, comme vous l'avez évoqué, mais, parmi les 2 942, il y en a sûrement plusieurs centaines dont on devrait reprendre ou réanalyser le dossier de façon à éviter soit des erreurs de jugement soit des erreurs d'équité. Il y a des problèmes d'équité qui pourraient se réaliser pour ces personnels-là.
M. Roy (Pierre): Je ne veux pas, justement, traiter de cas particuliers ici, là.
Le Président (M. Chagnon): Non, moi non plus.
M. Roy (Pierre): Maintenant, je dirais, la définition...
Le Président (M. Chagnon): Mais les cas particuliers, toutefois, nous permettent de savoir que ça existe. Si le problème existe...
M. Roy (Pierre): Ça prend souvent des cas particuliers pour comprendre la réalité.
Le Président (M. Chagnon): Et voilà!
M. Roy (Pierre): Mais le paragraphe que vous avez cité de mon intervention, pris à strictement parler, il s'applique aussi au dossier du fonds du cadastre. On savait que c'était un projet avec une durée précise qui aurait une fin. Le problème qu'on a dans ce dossier-là, c'est que la fin prévue était dans 14 ans. Mais c'était un projet spécifique. Une fois que la réforme du cadastre va être finie, il va être fini. Le problème, donc, ne se pose pas, de prime abord, je dirais, sur la nature même du projet spécifique comme sur sa durée. Alors, ça soulève toutes sortes d'avenues possibles. Est-ce qu'à partir d'une certaine durée un projet spécifique n'est plus un projet spécifique?
Le Président (M. Chagnon): Évidemment, on pourrait toujours découper n'importe quel projet spécifique. Tous vos investissements, par exemple, en informatique pourront toujours s'appeler un projet spécifique. Vous aurez toujours besoin de développement de l'informatique. Alors, ce n'est pas spécifique à l'informatique que de faire un projet en particulier. Vous comprenez fort bien l'argument que je soulève.
Est-ce qu'il n'y aurait pas des suggestions de la Commission qui ont été faites? Par exemple, faire en sorte que, pour les nouveaux occasionnels, on leur fasse tous passer un examen d'entrée pour avoir droit au statut d'occasionnel. C'est une recommandation de la Commission. Vous ne nous en parlez pas. Qu'il y ait un concours, donc, systématique à l'entrée des nouveaux occasionnels. Je ne parle pas de ceux qui sont déjà dans le système. Pour les nouveaux. Quelle est votre opinion à l'égard des concours réservés? Vous avez dit qu'on en a fait en 1984, 1990, 1995. Pour l'avenir, est-ce qu'on entend continuer à en faire? Ou encore, présumer que les gens, lorsqu'ils ont trois, quatre ou cinq ans d'expérience, sont susceptibles d'être capables de faire le travail et de pouvoir avoir, comme le suggère la Commission et le Vérificateur général d'ailleurs, le passeport pour avoir leur emploi et leur sécurité d'emploi, et le reste qui vient avec.
M. Roy (Pierre): De façon très franche et directe, je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous dire quelles sont les avenues que nous allons retenir, examiner, considérer. L'examen à l'entrée est une question qui avait été déjà débattue au sein de l'appareil gouvernemental il y a quelques années, trois ou quatre ans. La conclusion à l'époque avait été que les coûts associés à une telle opération pouvaient apparaître disproportionnés par rapport à l'usage qui en serait fait ultérieurement, c'est-à-dire de faire passer systématiquement des examens, comme tout employé permanent, à toute personne qui désire être inscrite sur une liste d'occasionnels. Maintenant, on a déjà fait, là, une certaine ouverture avec les listes de recrutement, où les personnes qui vont être sur une liste de postes réguliers pourront aussi avoir accès à des postes occasionnels.
Les concours réservés, vous savez que les avis sont partagés. La Commission de la fonction publique prétend que nous n'avons pas le droit d'en tenir. Nous prétendons, semble-t-il avec l'appui de certains de nos collègues syndicaux, que nous avons le droit de le faire. Nous l'avons fait dans le passé. Est-ce que nous le referons dans l'avenir? Je ne le sais pas, à ce moment-ci. Mais je pense qu'il faudra trouver, peut-être, des avenues, je voudrais dire novatrices, dans la mesure où ces avenues-là n'ont pas permis de solutionner le problème depuis 15 ans.
Le Président (M. Chagnon): Pourriez-vous nous faire parvenir des données sur le nombre d'occasionnels qui sont sur des projets spécifiques pour un an, disons, trois ans, cinq ans, plus de cinq ans? Ces quatre données-là seraient très utiles. M. Gautrin, puis Mme Barbeau.
M. Gautrin: Brièvement, parce que le temps passe, au niveau des données factuelles, en consentant que la masse salariale, dans la fonction publique, pour les occasionnels, c'est de l'ordre de 3 000 000 000 $... C'est à peu près l'information qu'on a. Ça, c'est le total. C'est combien?
Une voix: 3 000 000 000 $, ce n'est pas pour les occasionnels.
M. Gautrin: 358 000 000 $, c'est ça à peu près?
(Consultation)
Le Président (M. Chagnon): Votre masse salariale est à peu près de 3 500 000 000 $.
M. Gautrin: Ça, c'est toute la fonction publique, et les occasionnels, c'est 358 000 000 $. C'est a peu près ça?
M. Roy (Pierre): Je regrette, je n'ai pas ces chiffres-là devant moi.
M. Gautrin: Est-ce qu'on s'entend qu'on pourrait éventuellement les avoir et fractionnés entre la part qui est accordée aux emplois saisonniers et cycliques et ceux qui sont sur des emplois spécifiques. On se comprend sur ça? Je comprends que... Je ne voudrais pas vous ennuyer ici là-dessus.
Deuxième question, purement factuelle, avant de rentrer sur... Vous dites que les lois ne permettent pas aux organisations de recourir à du personnel contractuel dans de pareils cas, est-ce que vous pourriez nous envoyer la liste des lois auxquelles vous faites références plus particulièrement?
M. Roy (Pierre): En fait, c'est la Loi sur la fonction publique qui régit l'embauche dans la fonction publique. On peut recourir à des contractuels...
M. Gautrin: Oui, mais elle n'empêche pas le gouvernement de passer des contrats.
M. Roy (Pierre): On peut recourir à des contractuels pour un contrat de services, en fait toute la réglementation sur les contrats de services, mais, règle générale, on ne doit pas recourir à des contrats de services pour obtenir une prestation de travail qui, normalement, devrait être exercée par quelqu'un recruté en vertu de la Loi sur la fonction publique. Mais on pourra vous fournir...
M. Gautrin: O.K. Vous pourrez me redonner... On a rencontré des gens ce matin. La gestion de la liste de rappel. On nous a fait état de choses relativement inquiétantes au niveau de la gestion de la liste de rappel. Même les gens qui obtiennent un poste ne sont pas retirés de la liste de rappel, semble-t-il, c'est ce qu'on nous a dit. Vous comprenez bien qu'on est obligé de prendre de cas spécifiques que la liste de rappel n'est pas réellement utilisée. Vous avez quoi, comme surveillance, sur cette liste de rappel, comment elle est gérée? Et comment vous êtes en train de vous assurer que les pratiques qui sont dans votre directive, par rapport à cette liste de rappel, sont effectivement appliquées?
M. Roy (Pierre): Je vais demander peut-être à M. Boudreault.
M. Boudreault (Pierre): Oui. J'ai entendu une partie. Malheureusement, je n'ai pas entendu tous les propos ce matin relativement à cet élément-là.
M. Gautrin: Ce sera enregistré.
M. Boudreault (Pierre): Mais ce qui me frappe, ce qu'il faut qu'on sache au départ, c'est que ces listes de rappel à caractère ministériel et interministériel sont...
M. Gautrin: Là, elles sont centralisées, si j'ai bien compris.
M. Boudreault (Pierre): C'est-à-dire que, chez les professionnels, vous avez des listes de rappel qui sont ministérielles et une banque de rappel interministérielle à l'intérieur de laquelle les employés peuvent inscrire leur nom et à laquelle les ministères vont recourir lorsqu'ils ont à combler un emploi pour lequel ils n'ont personne à l'interne, sur leur propre liste de rappel. Ces listes-là sont affichées deux fois par année et transmises au syndicat deux fois par année.
Qu'il survienne des problèmes d'application comme celui que vous mentionniez, à l'effet que quelqu'un serait déjà à l'emploi dans une autre organisation sans que son nom ait été enlevé, ce sont des choses qui peuvent survenir dans la mesure où le ministère ne nous aurait pas informé qu'il avait retenu la candidature de quelqu'un. Mais, règle générale, on pense que les contrôles de gestion de la liste de rappel correspondent aux normes habituelles. Mais, évidemment, s'il arrive des cas d'exception...
M. Gautrin: Et les listes de rappel, l'information qu'on nous a donnée...
M. Boudreault (Pierre): Sont transmises au syndicat deux fois par année.
M. Gautrin: Sont transmises deux fois au syndicat, donc ce n'est pas un...
M. Boudreault (Pierre): Non, non, elles sont affichées ministériellement aussi.
M. Gautrin: Et elles sont affichées aussi. Bon, ce n'est pas l'information que nous avaient prétendue les gens ce matin.
M. Boudreault (Pierre): C'est pour ça que je voulais corriger le tir là-dessus.
M. Gautrin: Les listes de rappel sont affichées.
M. Boudreault (Pierre): Sinon, il y aurait difficulté de savoir effectivement où un employé se situe à l'intérieur de la liste de rappel.
M. Gautrin: Par exemple, disons que c'est un document public, la liste de rappel.
M. Boudreault (Pierre): Oui, bien, dans la mesure où il n'y a pas de données à caractère nominatif dans le type d'informations qu'on demande, c'est un document public. Parce que vous comprendrez que, chaque fois qu'il y a une demande d'information par rapport à un employé, il faut également prendre soin de bien répondre à la loi.
M. Gautrin: Mais c'est une liste de noms, la liste de rappel, ça reste quand même une liste de noms, c'est-à-dire que vous mettez Arthur Untel...
M. Boudreault (Pierre): Son port d'attache, son corps d'emploi, il peut y avoir des numéros d'assurance sociale à certains moments.
Le Président (M. Chagnon): Mais vous n'avez pas d'assurance que les ministères, de façon régulière et de...
M. Boudreault (Pierre): Les affiche?
Le Président (M. Chagnon): Non, vous modifiez votre banque centrale.
(12 h 20)
M. Boudreault (Pierre): C'est-à-dire que la banque centrale fonctionne à partir, comme je vous disais, de l'inscription que veulent bien faire les employés qui sont intéressés à travailler ailleurs que dans leur ministère, obtenir une priorité d'emploi sur d'autres emplois qu'ils pourraient avoir ailleurs.
M. Gautrin: Les occasionnels qui ont été occasionnels qui arrivent en fin de contrat, qui veulent être réengagés éventuellement dans un autre contrat, ils veulent se mettre, bien sûr, sur une liste de rappel pour pouvoir être rappelés si jamais on a besoin de gens dans leur corps de métier. Je comprends bien ça.
M. Boudreault (Pierre): Autant dans leur organisation, ce qui est leur liste de rappel ministérielle, qu'à la grandeur de l'organisation provinciale, je veux dire sur une banque interministérielle.
M. Gautrin: Et vous me dites que ces listes de rappel sont publiées, sont affichées?
M. Boudreault (Pierre): Ah oui, oui! Il n'y a pas de secret là-dedans.
Le Président (M. Chagnon): Mais, quand les ministères reprennent un des noms, ils devraient vous avertir pour, effectivement, que vous fassiez...
M. Boudreault (Pierre): Oui, mais c'est sûr. La seule explication à ce qui a été avancé tout à l'heure, c'est qu'il peut arriver des situations où les ministères, effectivement, n'ont pas informé le responsable du fichier central.
Le Président (M. Chagnon): C'est quoi, votre contrôle pour vous permettre d'être toujours à date sur votre fichier central?
M. Boudreault (Pierre): Je vous dirai que... Peut-être que Richard qui est responsable de l'administration de fichiers pourra vous répondre de façon plus appropriée.
M. Tanguay (Richard): Peut-être souligner que ce qu'il est important de voir, c'est que toutes les demandes de complément d'emploi passent par nos services, pour s'assurer que ceux qui sont en placement prioritaire, le personnel excédentaire, puissent être référés de façon prioritaire. Lorsqu'il n'y en a pas, il y a effectivement référence des personnes qui sont sur liste de rappel. Ce qui fait que, à ce moment-là, il revient au ministère de les considérer. Et, pour les raisons qu'a mentionnées, entre autres, M. Dionne tantôt, il est possible qu'un ministère le considère mais ne le prenne pas, prétendant que la personne ne rencontre pas les exigences du poste à combler.
M. Gautrin: Je comprends ça. Ça, je comprends ça. Mais, moi, ce qui m'importait, c'était de savoir si cette liste de rappel avait un caractère... pouvait être consultée. Vous me dites que oui. Donc, vous pourriez, par exemple, nous transmettre, à la commission, une liste de rappel que vous avez.
M. Boudreault (Pierre): Dans la mesure où il n'y a pas d'informations à caractère nominatif dedans. Ce qui n'est pas le cas, à ma connaissance.
M. Gautrin: Bon. Moi, je serais intéressé à avoir, donc, cette liste de rappel qui est publique, que vous pouviez nous la transmettre à nous, donc qui deviendrait un document public ici, à la commission.
Une voix: Aucun problème.
M. Gautrin: J'ai un autre point à soulever avec vous, M. le Président, rapidement. On a parlé de cas d'abus de pouvoir. Alors, je sais bien que... Je ne veux pas rentrer ici de dire que c'est généralisé nécessairement, que tout gestionnaire fait des abus de pouvoir, mais quel est le mécanisme que peut avoir un occasionnel qui pense qu'il est soumis à une situation avec abus de pouvoir de la part de son gestionnaire pour pouvoir, disons, se plaindre ou se défendre?
Vous comprenez la situation. Ce qui nous a été dit ce matin, c'est que, dès qu'il y a même abus de pouvoir, la première pénalité, puisque les gens sont sur des contrats qui peuvent être terminés sur 15 jours, si vous vous plaignez d'un abus de pouvoir, la première chose qui va se faire, c'est qu'on va vous sacrer dehors.
Alors, est-ce qu'il y a un mécanisme à l'intérieur ou est-ce que vous pensez à un mécanisme pour permettre à ces gens-là qui pensent être, je dis bien je ne veux pas entrer du tout de dire «qui sont» qui pensent être victimes d'abus de pouvoir, de pouvoir se défendre et de pouvoir avoir un traitement équitable? Est-ce qu'il y en a? Et quels sont-ils?
M. Boudreault (Pierre): À partir d'une période de probation initiale de six mois, à l'intérieur de laquelle l'employeur peut mettre à pied un employé occasionnel qui ne ferait pas l'affaire au niveau du rendement, une fois que la personne justifie de six mois de service, l'entièreté de la convention collective à deux, trois exceptions près de détail s'applique aux employés occasionnels. En ce sens...
M. Gautrin: Ceux qui ne sont pas syndiqués.
M. Boudreault (Pierre): Pour les employés non syndiqués, il y a des mécanismes de recours à la Commission de la fonction publique, mais, comme disait M. Poirier, limités à certains éléments particuliers. Il y a également la Loi sur les normes du travail que nous avons à respecter, effectivement, à l'égard des employés non syndiqués. C'est-à-dire qu'on ne peut pas, pas plus dans la fonction publique que dans l'entreprise privée, mettre à pied quelqu'un selon notre bon vouloir puis le remplacer le lendemain matin par une autre personne dans le même emploi. Ça, c'est clair. Les droits...
M. Gautrin: D'après vous, ça ne se fait pas?
M. Boudreault (Pierre): Bien, non. Et, si ça se fait, les gens ont les recours pour le contester.
M. Gautrin: Vous pourriez me donner simplement, pas maintenant parce que le temps passe, mais vous pourriez envoyer à la commission le genre de recours, actuellement, que les gens...
M. Boudreault (Pierre): Avec plaisir.
Le Président (M. Chagnon): Ça serait quoi, les recours?
M. Boudreault (Pierre): Bien, la personne qui est syndiquée, par la voie de sa convention collective, elle a droit au grief comme n'importe qui. Ça, ça va, là.
M. Gautrin: Ça, je comprends ça, là.
M. Boudreault (Pierre): Mais la personne qui est non syndiquée a des recours en vertu de la Loi sur la fonction publique M. Poirier a spécifié tout à l'heure qu'ils étaient plus limités mais également a des recours en vertu de la Loi sur les normes du travail s'il justifie de plus de trois ans de service, a des recours auprès de la Commission des droits de la personne si c'est une question de harcèlement. Mais je vous fournirai la liste de tous les recours possibles.
M. Gautrin: Vous comprenez bien ce qu'on a essayé de nous faire croire?
M. Boudreault (Pierre): Très bien. Très bien.
M. Gautrin: C'est que, comme les gens sont dans des situations extrêmement précaires en emploi, le simple fait de devoir se plaindre est parfois une des raisons suffisantes pour être licencié le lendemain matin. C'est la... Je vous dis...
Le Président (M. Chagnon): C'est la prétention.
M. Gautrin: C'est la prétention. Je ne prétends pas que ce soit vrai. Mais vous me dites que ce n'est pas vrai actuellement, qu'il y a des mécanismes. Alors, on va suivre ça.
Le Président (M. Chagnon): Merci. Mme Barbeau, Mme Charest. J'ai M. Côté et M. Marsan.
Mme Barbeau: Merci. Moi, à la page 4 de votre introduction, vous dites que les grandes organisations ont besoin de personnel d'appoint, bon, pour justifier le fait que vous avez besoin d'occasionnels. Ça, j'en conviens. Vous avez recours à une directive. Bon. Avant, je vous dirais... Vous dites qu'il y a 17 % de faux occasionnels, si j'ai bien lu vos papiers, de vrais faux qu'on appelle, ceux qui sont dans des projets spécifiques depuis ta, ta, ta, là, depuis 30 mois et plus. C'est ça, si j'ai bien compris?
M. Roy (Pierre): Je n'ai pas employé moi-même l'expression «faux occasionnels».
Mme Barbeau: Non, mais, moi, je l'emploie. Là, j'ai essayé de comprendre vos tableaux. Au total, ça fait combien de pourcentage de la main-d'oeuvre de la fonction publique qui est occasionnelle, tout confondu?
M. Roy (Pierre): On a 17 % de l'effectif de la fonction publique. Je pense que vous l'avez eu dans le tableau qu'on vous a transmis.
Mme Barbeau: Oui, je l'ai, le tableau, mais là, avec ce que vous dites dans le discours, ça m'a un peu mêlée.
M. Roy (Pierre): Alors, il y avait 17,7 %, en 1996-1997, de l'effectif total sur base d'ETC de la fonction publique qui était occasionnel.
Mme Barbeau: Sur une base d'ETC.
M. Roy (Pierre): Et ce que je vous ai dit aussi, c'est que 17 % de ces occasionnels-là sont des occasionnels qui ont accumulé 30-36, 30 mois de service dans les 36 derniers mois.
Une voix: Au moins.
Une voix: Trois ans et plus.
M. Roy (Pierre): Au moins. Un minimum de 30-36.
Mme Barbeau: Ça veut dire que c'est 21 000, là, c'est 21 900, l'autre tableau, là?
M. Roy (Pierre): Oui.
Mme Barbeau: C'est 21 998 au total. C'est ça?
M. Roy (Pierre): En termes de personnes, oui. Pour 1996-1997.
Mme Barbeau: Puis ça fait un pourcentage de 17 %. C'est ça?
M. Roy (Pierre): Quand on le traduit en pourcentage, c'est toujours en ETC. Parce que les occasionnels, vous savez, bon, il y en a qui peuvent être là pour trois mois, douze mois, huit mois. Alors, quand on prend l'ensemble des effectifs de la fonction publique, le chiffre exact, c'est quoi? 50 000?
M. Provencher (Claude): C'est 50 000 et quelques.
M. Roy (Pierre): Bon. Et on dit que, sur les 50 000 et quelques, il y en a 10 000 qui sont des ETC occasionnels. C'est ça qui donne 17 %. C'est 10 000 sur... j'imagine que c'est 54 000 pour que ça fasse...
Mme Barbeau: Mais, moi, ce que je veux savoir, c'est en nombre de personnes. Il y en a 50 000 et quelques?
M. Roy (Pierre): Bon. Alors, c'est 22 000 personnes: 21 998 personnes différentes, en 1996-1997, ont travaillé au gouvernement du Québec comme occasionnelles.
Mme Barbeau: Sur 50 000 et quelques. C'est sur 50 000?
M. Roy (Pierre): Non. À ce moment-là, c'est sur plus que 50 000 parce que 50 000, c'est des ETC.
Le Président (M. Chagnon): Parce qu'un emploi à temps complet peut être occupé par deux ou trois personnes.
Mme Barbeau: Bien oui! Je veux savoir le nombre de personnes. Combien ça représente en pourcentage, en nombre de personnes? C'est ça qui m'intéresse. Bon, en tout cas. Le chiffre va venir, là.
M. Roy (Pierre): Alors, au 31 mars 1997, il y avait 63 944 personnes...
Mme Barbeau: Puis il y a 21 000...
M. Roy (Pierre): ...qui étaient présentes dans la fonction publique à ce moment-là, en mars 1997. Ça ne veut pas dire que le même jour, il y avait 21 998 occasionnels, là.
Mme Barbeau: Non, non, mais j'essaie juste de voir un peu, globalement, combien ça fait de personnes, sur la masse totale, combien il y a de personnes occasionnelles. Puis là, à première vue, ça donne à peu près...
Une voix: Le tiers.
Mme Barbeau: C'est le tiers. Puis, moi, où je veux en venir avec ça, c'est que je comprends qu'on a besoin de gens sur une base saisonnière, pour des projets d'appoint puis qu'on ne peut pas donner la permanence à tout ce monde-là, puis, après ça, on... Je n'ai pas de problème avec ça. Sauf que jusqu'à quel point on peut utiliser ce... Jusqu'à combien de personnes on peut avoir, dans la fonction publique, jusqu'à la moitié, 50 % des gens qui travaillent à la fonction publique qui ont le titre d'occasionnel? En tout cas, personnellement, je trouve ça... ça me pose des questions. O.K.? Je n'en dirai pas plus.
(12 h 30)
Là-dessus, on dit que vous travaillez sur une directive. Mon expérience de députée, depuis 1994, me dit qu'une directive, c'est bien difficile, en tout cas, pour un député, quand un citoyen vient te voir, de le défendre sur une directive. Nous autres, on le défend sur les lois. Je veux dire, on se base sur la loi qu'on a votée puis, là, on dit: Bon... Moi, j'aimerais savoir si on ne devrait pas revoir la Loi sur la fonction publique. Si on statue qu'on va toujours en avoir, des occasionnels, on en a besoin, on peut voir le pourcentage qui est normal. Je ne suis pas une experte là-dedans. Mais est-ce que ce ne serait pas mieux de revoir la loi et, dans la loi, de mettre ce qu'il faut mettre pour qu'on gère mieux ça? Autrement dit, moins de directives.
Ce que j'en sais, des fois, dans les ministères, des expériences que j'ai, c'est que ça change, des fois, au bon gré des gestionnaires. Mais la loi, il faut qu'on passe ici pour la changer, il faut qu'on la change à l'Assemblée nationale. Alors, moi, j'explore, je pense tout haut, parce que j'ai appris plein de choses depuis deux jours. Puis j'en ai dans mon comté, j'en ai beaucoup, et des petits fonctionnaires en particulier. Et je ne veux pas dire que tout est mauvais, mais, quand même, il y a un problème dans la gestion des occasionnels en général. Et, moi, j'aimerais savoir votre opinion sur le fait que: Est-ce qu'on ne devrait pas réviser la loi et inscrire, dans la Loi sur la fonction publique, le fonctionnement au niveau des occasionnels pour qu'on ait une poignée en quelque part?
Et l'autre affaire par rapport aux recours. Je veux dire, quand tu es dans le privé, tu as une job à temps partiel, c'est sûr que c'est la loi des normes puis tu as moins de poignée que si tu es dans la boîte depuis 10 ans puis que tu es syndiqué. Ça, c'est clair, c'est la vie. Mais est-ce que la Commission de la fonction publique ne pourrait pas avoir un pouvoir de recommandation, par exemple? Je vous pose des questions, j'explore, moi aussi, parce qu'on veut apprendre puis on veut essayer de régler le problème. Alors, je vous envoie ces deux questions-là. Et la dernière, je demanderais au monsieur dont je ne me souviens pas du nom mais qui va nous envoyer des tableaux détaillés, j'aimerais avoir, dans les tableaux ici, vous en avez un le nombre de femmes et d'hommes dans tous ces tableaux-là aussi, s'il vous plaît. Oui, merci.
M. Provencher (Claude): On l'a. On en a pour l'ensemble. Pour l'ensemble des emplois occasionnels, on a des chiffres: on a 64 % de femmes et 36 % d'hommes. Maintenant, pour tous les tableaux demandés, on fera attention pour vous envoyer une ventilation hommes-femmes.
M. Roy (Pierre): Il faut noter peut-être rapidement vous l'avez, d'ailleurs, le tableau que ce n'est quand même pas un phénomène en expansion. Si on le prend en termes de personnes: en 1992-1993, il y en avait 26 878; aujourd'hui, on dit 22 000. Mais ce n'est pas un phénomène qui, par rapport en tout cas aux cinq dernières années, a pris une expansion. Au contraire, il y a un peu moins de personnes, en termes d'occasionnels, aujourd'hui qu'il y en avait en 1992-1993, et, même en termes d'ETC, dans notre jargon, il y en a même un peu moins.
Le Président (M. Chagnon): En 1993-1994, on a la même chose.
M. Roy (Pierre): Ça dépend si on le prend en personnes ou en ETC.
Le Président (M. Chagnon): En ETC, je parle en ETC.
M. Roy (Pierre): Est-ce qu'il faut revoir la loi pour faire face au phénomène plutôt que d'adopter une directive? La directive, évidemment, elle a fait l'objet d'une décision du Conseil du trésor, elle a été aussi déposée à l'Assemblée nationale. Donc, c'est un document quand même public.
Mme Barbeau: Quand elle est déposée, nous autres, on ne peut plus faire grand-chose là-dessus. Ha, ha, ha!
M. Roy (Pierre): Maintenant, est-ce qu'il est nécessaire de revoir la loi? Je dirais: Ça va dépendre de la solution qu'on veut apporter. Si on veut refaire des concours réservés, on prétend qu'on n'a pas besoin de refaire la loi. Donc, si on dit que c'est ça, la solution, c'est de tenir des concours réservés, on n'a pas besoin de refaire la loi pour ça. Si on voulait accorder la permanence de facto à un certain nombre de personnes qui sont dans la fonction publique depuis un certain nombre d'années, oui, il faudrait changer la loi, comme ça a été fait en 1984. Changer la loi en soi, c'est toujours possible, les législateurs le font régulièrement. Maintenant, tout dépend de la solution qu'on va retenir. Peut-être que des solutions ne requièrent pas de modifications à la loi.
Mme Barbeau: Bien, moi, je pense qu'il y a plusieurs types de solutions dans la mesure où il y a un problème qui est là, il y a du monde pogné là-dedans, par exemple, les faux occasionnels, qu'est-ce qu'on fait avec ça? Ça serait plus des mesures d'appoint, si je peux dire. Ce n'est peut-être pas dans la loi. Mais, à moyen et long terme, pour que ça arrête, parce qu'on peut bien régler le problème, mais, si ça n'arrête pas, on n'avance pas, on va toujours revenir avec le même problème, il y a deux types de solutions. Il y en a une que c'est peut-être pour régler le problème de certaines personnes présentement. Et, à moyen et long terme, est-ce qu'on ne devrait pas, dans la loi, prévoir un meilleur encadrement de la gestion des occasionnels? C'est cette question-là que je vous pose.
M. Roy (Pierre): Ce que vous dis, c'est que la loi peut être un instrument pour faire ça, dépendamment de la solution qu'on va retenir. Mais il faut se rappeler, aussi, que la Loi sur la fonction publique énumère un certain nombre de principes, et c'est avec ça, je dirais, que l'administration essaie de mettre en oeuvre ces principes-là. Notamment, c'est de faire en sorte qu'on favorise l'efficience dans l'administration publique, qu'on favorise aussi l'égalité d'accès, l'impartialité, l'équité et que la gestion... J'insiste là-dessus, la loi prévoit que l'exercice des pouvoirs de gestion des ressources humaines doit se faire le plus près possible des personnes intéressées. C'est pourquoi la loi dit que c'est le sous-ministre qui est responsable de la gestion des ressources humaines dans son organisation.
Vous avez donc des principes d'efficience, de responsabilisation le plus près possible de l'action, puis vous avez aussi des principes d'équité, de transparence et d'impartialité. Alors, c'est un peu avec ces principes-là qu'il faut transiger pour trouver une solution. Mais, moi, personnellement, je vous dis que changer une loi, en soi, ce n'est pas un obstacle, c'est un moyen quand on a trouvé c'était quoi, la solution.
Mme Barbeau: Non, non, mais votre point de vue m'intéresse parce que, je veux dire, vous êtes dedans à deux pieds.
M. Roy (Pierre): Ha, ha, ha! Oui, mais ce n'est pas à nous de prendre l'initiative de piloter un projet de loi.
Mme Barbeau: Puis l'autre question que je voulais poser: Est-ce que vous pensez, par rapport aux occasionnels qui ont recours à la Commission de la fonction publique... Ils ont un pouvoir de recommandation. Est-ce que vous pensez que ça serait opportun de donner plus de pouvoirs? Je vous pose la question.
M. Roy (Pierre): Ça, là-dessus, c'est quoi?
Mme Barbeau: La Commission de la fonction publique.
M. Roy (Pierre): Oui, quant aux pouvoirs que la Commission a, je ne sais pas si... Elle nous fait déjà beaucoup de recommandations, mais...
M. Larochelle (Jean): Alors, la Commission a le pouvoir de faire enquête sur une série de sujets et de faire des recommandations. Donc, au Conseil du trésor, on reçoit les rapports, et les ministères les reçoivent aussi. Il faut voir que la gestion des occasionnels, pour l'essentiel, c'est une question ministérielle. Donc, les enquêtes, les vérifications qui se font, les feed-back ou les recommandations sont faits d'abord aux ministères qui, dans leur gestion courante, réagissent selon les constats qui sont faits. C'est sûr que c'est un pouvoir de recommandation. Donc, ça veut dire aussi que le ministère réagit, il s'explique, et il y a une espèce d'ajustement au niveau de la perception ou au niveau du débat. Alors, ce n'est pas toujours une décision qui permet de corriger dès le lendemain la situation, c'est évident.
Mme Barbeau: Mais, en tout cas, juste pour terminer, si on se réfère à la gestion d'une grande entreprise j'ai déjà travaillé dans l'entreprise privée je veux dire, tu peux avoir des branches un peu partout au Québec ou ailleurs, puis t'as quand même des grandes orientations sur la gestion du personnel et c'est suivi un peu partout à la lettre. Vous dites que la Loi de la fonction publique, c'est les grands principes. Alors, moi, je pense: Est-ce que c'est possible d'inclure dans les grands principes pour que les ministères aient une base de principes sur la gestion des fonctionnaires?
En tout cas, c'est mon dernier commentaire, mais, moi, c'est un peu comme ça que je fais ma réflexion, tout haut. Est-ce qu'on peut dire à un ministère: Bien, toi, gère-les comme tu veux, ce n'est pas grave en autant qu'on n'a pas de plaintes et que ça va bien. Tu sais ce que je veux dire? C'est un peu comme ça que j'ai l'impression que vous me dites: C'est la responsabilité du ministère. C'est des gens, puis je pense qu'il faut avoir un certain principe parce qu'on en a, des occasionnels, ce qui n'était peut-être pas le cas au début de la loi.
Mais là c'est rendu un phénomène important, qui a sa raison d'être dans la mesure où vous l'expliquez, je peux comprendre ça, mais, en tout cas, d'après tout ce qu'on a entendu, ce n'est peut-être pas si clair que ça que le traitement est équitable, tout dépendamment de l'humeur du directeur de service ou... On ne peut pas, comme grande organisation, ne pas tenir compte de ça puis ne pas donner des grands principes et des orientations sur le traitement qu'on doit faire à ce type de... qui, effectivement, n'était peut-être pas prévu dans la loi, mais il est là. En tout cas.
M. Roy (Pierre): C'est un peu ce qu'on a essayé de faire, bon, la directive étant le véhicule, en tout cas, utilisé à ce moment-ci, c'est de fixer des orientations et des principes, et de dire après ça aux ministères: Vous êtes responsables de gérer. Parce que, que ce soit en matière de ressources humaines ou en matière de ressources financières, le Conseil du trésor ne pourra pas aller se substituer à l'ensemble des fonctionnaires de la fonction publique pour gérer ça centralement.
Mme Barbeau: Je suis parfaitement d'accord avec ça.
M. Roy (Pierre): Donc, notre rôle, de plus en plus, c'est de dire: Bien, voici les orientations et les principes qu'on met de l'avant, puis après ça vous êtes responsables et vous êtes imputables de la gestion que vous en faites.
Le Président (M. Chagnon): Imputables à qui en ce qui concerne la directive du Conseil du trésor?
Mme Barbeau: C'est ça. Pas à nous, en tout cas.
M. Roy (Pierre): La directive chez les occasionnels?
Le Président (M. Chagnon): Oui.
Mme Barbeau: Bien oui.
M. Roy (Pierre): Le sous-ministre est responsable de la gestion de ses ressources humaines en vertu de la loi. Donc...
Mme Barbeau: Mais vous n'êtes pas imputables à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Chagnon): Non, pas imputables.
Mme Barbeau: Bien, le sous-ministre oui.
Le Président (M. Chagnon): Oui, le sous-ministre, mais pas imputable au Secrétariat du Conseil, par exemple, qui pourrait faire la gestion de sa directive.
M. Roy (Pierre): Formellement parlant, je pense que vous avez raison.
Le Président (M. Chagnon): Mme Charest.
Mme Charest: Merci, M. le Président.
(12 h 40)
M. Gautrin: C'est-à-dire que vous n'avez pas de mécanisme pour vous assurer que votre directive est suivie.
M. Roy (Pierre): C'est-à-dire qu'on a de l'information de gestion qui nous permet de voir quel est l'état de la situation, comment évolue le bassin des occasionnels, la durée. On a de l'information de gestion qui nous permet de voir quelle est l'ampleur des différents phénomènes à l'intérieur, que ce soit ça ou tout autre aspect de la gestion des ressources humaines, comme l'absentéisme, les coûts de la santé et de la sécurité du travail. On a un certain nombre d'indicateurs de gestion sur l'évolution des ressources humaines dans la fonction publique.
Le Président (M. Chagnon): Je vais revenir là-dessus. Mme Charest.
Mme Charest: Merci, M. le Président. Moi, je vais revenir sur des questions qui vous ont été posées parce que je ne suis pas tout à fait satisfaite des réponses. Par rapport à la Commission de la fonction publique, quand Mme Barbeau vous pose la question sur le pouvoir de recommandation de la Commission, c'est strictement un pouvoir de recommandation. Qu'advient-il des recommandations de la Commission, de façon concrète, pour les occasionnels à court, à moyen ou à long terme? Ça ne me satisfait pas, ce que vous me donnez comme réponse. Une recommandation, on sait très bien que ce n'est pas exécutoire, et ça, moi, ça me fatigue. Je voudrais bien savoir comment vous traitez les recommandations de la Commission, jusqu'à quel point elles sont suivies.
M. Roy (Pierre): Vous parlez des recommandations que la Commission a formulées ici? Parce que les recommandations que la Commission avait formulées sur la directive du Conseil du trésor, je vous ai dit qu'on en avait accepté un certain nombre et écarté un certain nombre d'autres.
Le Président (M. Chagnon): Mme Charest fait plutôt allusion aux recommandations que la Commission peut faire sur des cas de plaintes d'occasionnels ou autres.
Mme Charest: Tout à fait.
M. Roy (Pierre): À l'égard des moyens à utiliser pour régulariser les situations?
Le Président (M. Chagnon): Si j'ai bien compris Mme Charest est une personne tout à fait apte pour s'exprimer et clarifier...
Mme Charest: Mais vous avez très bien exprimé ma pensée. Si vous l'avez comprise, il y en a sûrement d'autres qui peuvent la comprendre aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Je ne sais pas pour qui c'est fin, là, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Je pense que Mme Charest relève que, effectivement, la Commission n'ayant pas un pouvoir autre que de recommandation, si la recommandation de la Commission, dans un ministère quel qu'il soit, est reçue, regardée et mise au panier, on n'a pas avancé bien, bien. C'est ça que Mme Charest suggère. Alors, c'est quoi, la mécanique qui ferait en sorte... La question dans le fond, c'est: Est-ce que la Commission ne devrait pas avoir un rôle exécutoire sur ces jugements qu'elle porte sur des cas qui lui sont soumis, particulièrement des cas d'employés permanents mais qui pourraient éventuellement être élargis à des cas d'employés temporaires? Est-ce que je traduis bien votre pensée?
Mme Charest: Vous m'avez très bien comprise.
M. Larochelle (Jean): Je regrouperais les décisions et les recommandations de la Commission en deux blocs. La Commission, de temps en temps, fait des évaluations beaucoup plus larges, elle va voir l'ensemble du dossier. Pour l'essentiel, les recommandations qui nous sont faites sont à peu près du même ordre que leurs documents. Donc, c'était de regrouper les fichiers. Ce que l'on a fait. C'était d'éviter le fait que chacun des ministères avait son fichier et avait une gestion disons très spécifique, donc de donner une chance beaucoup plus large. Il y a des choses que la Commission a constatées, entre autres le problème des gens qui étaient sur des postes pour une durée beaucoup plus longue. Et la Commission suggérait, entre autres, d'une part de régler la question des gens qui sont là depuis x temps et d'en faire des permanents, ce qui était une dérogation à la loi, et, pour ce faire, la Commission suggérait de changer la loi et de rendre ça possible.
Pour la suite, la Commission suggérait de faire des concours pour tous les employés qui sont susceptibles de s'en aller au fichier pour les occasionnels de façon à pouvoir créer un bassin de gens qui sont qualifiés. C'est une recommandation qui a été étudiée par des comités depuis à peu près trois ans, et la retenue qu'il y a eu, c'est qu'on a présentement un fichier d'occasionnels constitué de 65 000 personnes. Et il aurait fallu, a priori, qualifier à peu près toutes ces personnes. Ce qui constituait une opération qui est onéreuse, qui est majeure. Là, je parle de l'ensemble des fichiers qui étaient dans les ministères et qui sont regroupés au Trésor depuis le mois d'octobre.
Donc, dans ce sens-là, c'est un fichier qui permet d'embaucher environ 4 000 nouvelles personnes par année, donc des gens qui n'étaient pas là l'année précédente, et pour ça il aurait fallu en qualifier 65 000. Donc, ça nous amenait à une opération beaucoup plus grosse. Et c'est ce qu'expliquait tout à l'heure le secrétaire du Conseil en disant: C'est une opération que l'on n'a pas retenue pour le moment parce que c'est, en termes de coût et en termes d'impact, une opération qui est majeure.
M. Roy (Pierre): Mais, à la question plus précise de Mme la députée: Si la Commission de la fonction publique détecte un cas on a posé la question comme ça dans une organisation qui lui apparaît abusif, est-ce que la Commission de la fonction publique devrait pouvoir disposer d'un pouvoir exécutoire pour faire corriger ladite situation?
Mme Charest: Hum, hum.
M. Roy (Pierre): C'est ça que vous voulez savoir?
Mme Charest: C'est ça. Enfin...
Le Président (M. Chagnon): Une fois qu'on aura défini ce qu'on veut savoir, on veut le savoir.
M. Roy (Pierre): Je pense que vous allez être déçus. Je pense que ça remet en question l'équilibre des responsabilités actuelles du Conseil du trésor et de la Commission de la fonction publique, et, moi, je ne suis pas prêt à m'engager, à ce moment-ci, là-dessus. Je pense que tous les droits de recours existent il y en a qui sont prévus dans les conventions collectives, comme l'a dit Pierre Boudreault tout à l'heure il y a des droits qui sont prévus dans les conventions collectives, il y a des mécanismes qui sont prévus dans ces conventions-là. Est-ce qu'il y a lieu de modifier cette dynamique-là? Parce qu'il ne faut pas s'imaginer que les gens n'ont pas de recours. Je pense que mon collègue Pierre Boudreault l'a évoqué, ils en ont, des recours. Est-ce qu'il faut modifier cette mécanique de recours existante là? La démonstration de leur insuffisance, quant à moi, n'a pas été faite.
Mme Charest: Je passerais à une autre question. Sur la liste de rappel, tout à l'heure, j'ai très bien compris les explications de monsieur, sauf que je ne vois rien dans ce que vous nous avez dit qui nous permet d'avoir l'assurance que les listes de rappel sont bel et bien affichées. C'est quoi, les moyens concrets que vous avez pour vous assurer que vos directives, en ce qui concerne la liste de rappel, sont appliquées?
M. Boudreault (Pierre): Je vous dirais, madame, en réponse à votre question, que, dès que la liste n'est pas appliquée, ou l'employé ou le syndicat peut réclamer l'application de la liste.
M. Gautrin: On ne la connaît pas si elle n'est pas affichée.
M. Boudreault (Pierre): Pardon?
M. Gautrin: Si elle n'est pas affichée...
M. Boudreault (Pierre): Elle peut réclamer l'affichage de la liste à la date prévue aux conventions collectives.
M. Gautrin: Oui, mais, permettez-moi.
Mme Charest: Allez-y, M. Gautrin, on va peut-être finir par le savoir.
M. Gautrin: Je voudrais bien revenir sur cette liste-là. C'est bien sûr que, si vous faites une liste et qu'elle n'est pas à date vous me dites qu'elle est à date ou que c'est une vieille liste de six mois, etc. Moi, je ne les ai pas vues ces listes-là, puis vous allez m'en envoyer une copie, on veut les voir.
Le Président (M. Chagnon): On va pouvoir l'afficher.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gautrin: C'est pas seulement l'afficher, la question, mais savoir comment elle est constituée. Elle est constituée par catégorie d'emploi, c'est bien ça?
M. Boudreault (Pierre): Oui, normalement par port d'attache.
M. Gautrin: Et par degré d'ancienneté, c'est ça?
M. Boudreault (Pierre): Et port d'attache selon les critères définis aux conventions collectives, qui peuvent diverger d'un syndicat à l'autre.
M. Gautrin: Oui, oui, d'accord. Ça, je comprends ça.
M. Boudreault (Pierre): Elles contiennent le nom des individus, leur rang sur la liste de rappel et elles sont affichées pour une bonne raison, c'est pour permettre aux employés de vérifier le rang auquel ils apparaissent dans la liste.
M. Gautrin: Bon, c'est bien. Et ce que je voudrais savoir et ce dont je voudrais m'assurer aussi: Est-ce qu'elles sont tenues à jour?
M. Boudreault (Pierre): Nécessairement, et je vous répondrai là-dessus qu'une fois qu'on les a affichées tout employé qui pense que son service a été mal cumulé, par exemple, ou que son rang sur la liste n'est pas le bon rang peut faire un grief et réclamer une révision de la liste.
M. Gautrin: O.K. C'est bon, ce que vous me dites. Donc, les listes sont affichées. Là, on peut les consulter. Elles sont par ordre de rang d'ancienneté et par ordre de profession ou suivant les accords que vous avez.
M. Boudreault (Pierre): Selon les critères entendus, oui.
M. Gautrin: Par contre, vous comprenez bien que ce sont des occasionnels, les gens retrouvent de l'emploi, ne sont plus disponibles parce qu'ils ont été réembauchés. Est-ce que la mise à jour de la liste de rappel est régulière? C'est ça?
M. Boudreault (Pierre): M. Tanguay.
M. Tanguay (Richard): Oui, si vous permettez, par rapport à votre question: Effectivement, elle est mise à jour régulièrement. Ce qui peut arriver, c'est que, dans l'intervalle, il puisse rester sur la liste une personne qui est déjà en emploi. Le problème que ça peut créer est tout à fait épisodique, puisque cette personne-là va être appelée et va dire: Je ne suis pas disponible, je suis en emploi. Et on va passer au suivant, par ancienneté. Donc, il n'y a pas de perte de droit à cet égard-là.
M. Gautrin: Vous me garantissez donc que, dans chacun des ministères, les listes de rappel sont affichées vous me garantissez, je vous crois là-dessus mais vous me dites à l'heure actuelle qu'elles sont mises à jour avec un délai de combien, à peu près, pour la mise à jour de cette liste de rappel?
M. Boudreault (Pierre): De mémoire, c'est deux fois par année que les conventions nous prévoient de mettre les listes à jour.
M. Gautrin: Mais deux fois par année, c'est... Bien voyons donc! Ça n'a pas de bon sens! Voyons donc! Ça n'a pas de sens!
M. Boudreault (Pierre): Ah non, non! Je comprends votre question.
M. Gautrin: Si vous me dites que c'est deux fois par année que vous tenez votre liste, ça n'a pas de sens, votre affaire.
M. Boudreault (Pierre): Non, mais je comprends votre question. C'est parce qu'il faut bien distinguer les deux types de listes qui existent. Il y a une liste qui est purement ministérielle. À l'intérieur d'une unité administrative, vous avez une liste de rappel. Évidemment, les problèmes qu'on rencontre sont plutôt minimes à ce niveau-là quand on les affiche deux fois par année et que les gens travaillent dans le même building, il n'y a pas de problème de connaissance.
M. Gautrin: Ça va.
(12 h 50)
M. Boudreault (Pierre): Là, vous référez à la banque interministérielle de référence des employés professionnels qui ont bien voulu s'inscrire eux-mêmes à la banque. Et la question que vous me posez: Comment vous faites, monsieur, pour savoir que votre liste est à jour si les ministères ne vous informent pas, par exemple, de l'embauche d'une personne ou de son utilisation dans un secteur ou l'autre?
M. Gautrin: Est-ce que vous avez une règle qui oblige le ministère à vous dire: Transmettez-moi l'information?
M. Boudreault (Pierre): Effectivement, les ministères ont à nous transmettre l'information. Mais la question se pose: Si le ministère ne l'a pas transmise, comment faites-vous pour savoir? Bien, je vous dirai là-dessus qu'effectivement on ne le sait pas, à moins qu'un employé se plaigne.
M. Gautrin: Ça, je comprends ça. Si le ministère ne transmet pas l'information, vous ne pouvez pas l'avoir.
M. Boudreault (Pierre): Voilà!
M. Gautrin: Mais ce que vous me dites, à l'heure actuelle, parce que je veux bien comprendre, c'est que les listes et la banque centrale, dans chacun des ministères, c'est affiché, c'est mis à jour.
M. Boudreault (Pierre): À jour.
M. Gautrin: Et je vous signalerai que six mois, c'est un peu vieux. Vous pourriez peut-être la mettre à jour plus tôt. Seulement en termes d'efficacité, si vous la mettiez affichée tous les 15 jours, ça serait peut-être mieux que tous les six mois.
Mme Charest: Alors, je vais reprendre mon droit de parole, M. Gautrin, si vous le permettez.
Le Président (M. Chagnon): Il ne vous a jamais été enlevé. Il a été emprunté.
Mme Charest: Moi, je reviendrais auprès de vous, M. Roy, concernant les projets spécifiques. Parce que, si je comprends bien, l'existence d'emplois occasionnels à long terme c'est les termes que vous utilisez vous nous dites que c'est dans le cadre de projets spécifiques. Et là on a tout le dilemme entre spécifique et durée, en termes de temps. Moi, je voudrais savoir, dans un premier temps... On sait combien de personnes sont des occasionnels de 30 mois de travail sur une période de 36 mois. Ça, on sait ça. Mais, moi, je voudrais savoir: Combien de projets spécifiques vous avez? Puis est-ce que vous avez aussi des catégories de projets spécifiques en termes de temps, de durée?
M. Roy (Pierre): Non, il n'existe pas de catégorie de projets spécifiques en termes de temps.
Mme Charest: Mais je voudrais savoir si...
M. Roy (Pierre): Quant au nombre de projets spécifiques, je ne pense pas qu'on ait l'information.
M. Provencher (Claude): On n'a pas cette information-là, puisque, finalement, le projet spécifique est un motif d'embauche, comme le surcroît de travail et le remplacement de personnes. Et c'est lors du démarrage du projet qu'on va identifier qu'on a besoin de x nombre d'occasionnels et que, dans le ministère, on va, disons, étiqueter ces gens-là, là, embauchés sur une base de projets spécifiques.
Et le Secrétariat du Conseil du trésor, comme on l'a évoqué tantôt, au début des années quatre-vingt-dix, il avait un contrôle de tous les projets spécifiques qui devaient même être autorisés, à une certaine époque, par le Conseil du trésor ou le Secrétariat. Et on suivait également les nombres, et tout prolongement de projet au-delà de deux ans ça a été trois ans, la limite, dans le temps, ça a été deux ans par la suite devait être autorisé.
Mais ça, ça ne menait à rien parce qu'effectivement les ministères, pour de bonnes raisons, justifiaient qu'un projet qui était démarré depuis deux ans devait se poursuivre, et on devait garder les mêmes personnes occasionnelles. Il se prolongeait parfois pour un an ou deux ans, selon les budgets. Alors, il n'y avait pas moyen de contrôler ça. Alors, on a laissé aux ministères cette souplesse, cette marge de manoeuvre. Alors, aujourd'hui, le nombre de projets spécifiques en cours dans la fonction publique, on n'aurait pas cette information-là.
M. Roy (Pierre): La catégorisation, j'imagine, aurait un intérêt, si elle existait, dans le sens: À partir de cinq ans, six ans, est-ce qu'on est toujours dans une catégorie de projets spécifiques?
Mme Charest: Tout à fait, parce que, écoutez...
M. Roy (Pierre): Mais ça n'existe pas.
Mme Charest: Si je comprends bien votre document parce que je l'ai lu rapidement en même temps que vous l'avez dit c'est que la distinction entre les emplois cycliques, saisonniers et les occasionnels repose sur le fait que c'est un projet spécifique ou ça ne l'est pas. Et la définition du statut d'occasionnel est fonction, justement, de l'appellation «spécifique», de «projet spécifique».
M. Roy (Pierre): C'est ça. Pour l'illustrer carrément, tous ceux qui font l'entretien des routes d'hiver...
Mme Charest: C'est saisonnier. C'est très facile à...
M. Roy (Pierre): C'est saisonnier. Ceux qui travaillent au ministère du Revenu sur les opérations actuelles de perception fiscale sont des occasionnels sur projets spécifiques parce qu'on fait un blitz pendant deux ou trois ans pour la récupération fiscale.
Mme Charest: Ils ne pourraient pas être aussi reconnus comme des saisonniers, parce qu'on sait très bien que l'impôt revient tous les ans.
M. Roy (Pierre): Non. Je parle de ceux qui font la lutte à l'évasion fiscale, qui sont là 12 mois sur 12...
Mme Charest: O.K. Ça, c'est autre chose.
M. Roy (Pierre): ...et non pas de ceux qui font les rapports d'impôts qui, eux, sont plus des cycliques.
Mme Charest: Des saisonniers, des cycliques. Parce que je pense que la question du statut d'emploi occasionnel, c'est sur le mot «spécifique», là, qu'on joue. Et, en tout cas, pour nous, pour les travaux de notre commission, on y reviendra en séance de travail. En tout cas, moi, j'entends bien y revenir. J'aimerais quand même revenir sur autre chose. Je voudrais vous entendre si vous aviez une idée du nombre de projets spécifiques. Je comprends que ce n'est pas possible.
Je reviendrais sur la question d'abus de pouvoir. Écoutez, moi, le dossier des occasionnels de la fonction publique, je dois avouer que, même si j'ai une ville où, dans mon comté, on a beaucoup de fonctionnaires, ce n'est pas quelque chose sur lequel je m'étais réellement penchée, parce que je n'avais pas eu l'occasion d'avoir soit des dossiers de ce type-là ou pas nécessairement reçu une quantité énorme de plaintes par rapport à ce dossier-là. Et ce que j'ai entendu hier m'a fait dresser les cheveux à plusieurs occasions, parce qu'on me parle carrément... Je ne dis pas que c'est réel ou pas, mais je n'ai pas de raison de mettre en doute la parole des gens qui sont venus ici nous parler d'abus de pouvoir.
Ça, là-dessus, ça me préoccupe, l'abus de pouvoir. Je pense qu'on n'a pas, dans la fonction publique, que ce soit le secteur public ou parapublic ou enfin dans les sociétés d'État, tout ce qui relève du gouvernement du Québec, à tolérer des abus de pouvoir des gestionnaires. Et là-dessus, en termes concrets, ce que vous nous dites, c'est que...
Je comprends qu'on ait utilisé des occasionnels. Moi, je pense qu'il y a eu un abus dans le passé par rapport au statut de permanent à l'application des conventions collectives, et ça a eu des effets pervers. Et les gestionnaires, pour s'en sortir, ont utilisé l'occasion d'aller chercher des occasionnels sur des projets spécifiques pour un peu contrer le manque de souplesse dans la gestion des ressources humaines. Je pense que ça, on sait tous ça. Qui que nous soyons au Québec, on n'a pas besoin de patauger dans la gestion des ressources humaines du gouvernement du Québec pour savoir que c'est un état de situation qui a occasionné et qui a amené ce que j'appellerais certains effets pervers. Les effets pervers, ce n'est pas d'avoir des occasionnels, c'est d'avoir des occasionnels à long terme. C'est ce que je voudrais souligner.
Alors, moi, c'est sur les abus de pouvoir que ça m'inquiète et comment vous avez, dans la hiérarchie d'autorité, le pouvoir ou enfin les moyens... Quels sont les moyens que vous avez pour contrer ces abus de pouvoir là ou pour les corriger ou pour, en quelque sorte, réparer les torts causés aux personnes qui ont été l'objet d'abus de pouvoir réels?
M. Roy (Pierre): Écoutez, je n'ai pas personnellement assisté aux travaux hier, même si on m'en a parlé un peu.
Mme Charest: Bien, vous pourrez...
Le Président (M. Chagnon): On vous enverra une copie. Ha, ha, ha!
M. Roy (Pierre): Ha, ha, ha! Je suis profondément convaincu que les abus de pouvoir, s'il en est, sont un phénomène marginal à l'intérieur de la fonction publique. J'ai confiance dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental et dans la capacité de nos gestionnaires à gérer.
Ceci étant dit, il peut effectivement, comme dans toute organisation, y avoir des situations problématiques. Comment les détecter? À partir du moment où j'ai la conviction que c'est un phénomène marginal, évidemment, ce n'est pas par des approches de directives ou de circulaires qu'on va détecter ça. Les façons de les détecter, c'est: ou bien les individus eux-mêmes exercent les nombreux recours auxquels ils peuvent avoir accès, ou encore des opérations particulières de vérification de la gestion des ressources humaines M. Breton, à côté de moi, en a déjà fait une il y a quelques années, l'opération Géranium, si je me souviens bien peuvent aussi être des occasions de détecter, ou encore des interventions comme des organismes comme la Commission ou le Protecteur du citoyen.
Mais, comme je dis, moi, je suis profondément convaincu que c'est un phénomène marginal, que ce n'est pas une situation caractéristique de la fonction publique, et je le dis avec profonde conviction. Mais, ceci étant dit, il peut y avoir des cas, et je pense que ces cas-là, c'est d'abord et avant tout, je dirais, à chacune des organisations qui sont responsables de la gestion des ressources de s'en occuper. Mais il existe des recours, et je dirais que, dans des cas d'abus de pouvoir, probablement que le Conseil du trésor n'est pas un recours approprié parce que, si on est vraiment dans un cas d'abus de pouvoir vis-à-vis d'un individu, il y a d'autres types de recours qui peuvent s'exercer que le Conseil du trésor lui-même.
Le Président (M. Chagnon): M. Côté, M. Marsan?
M. Côté: M. le Président, dans l'intervention de la Commission de la fonction publique qu'elle nous a présentée hier et pour la Commission, il y a une définition d'«emploi occasionnel», dont vous avez sûrement pris connaissance: «est un emploi créé par un sous-ministre ou un dirigeant d'organisme pour une durée limitée afin de pallier une pénurie de ressources humaines découlant d'un besoin provisoire de ressources humaines dû à un surcroît temporaire de travail, la réalisation d'un projet spécifique ou l'absence d'un employé ou d'une employée».
(13 heures)
Vous avez abordé aussi... Moi, j'aimerais savoir d'abord, premièrement première question si vous avez la même définition que la Commission relativement à l'emploi occasionnel. Et aussi, dans votre présentation, M. Roy, vous avez abordé effectivement les employés occasionnels saisonniers et les projets spécifiques. Les projets spécifiques, vous le faites, je pense, par souci de saine gestion, puis je comprends ça, lorsque vous abordez ce qui a trait aux projets spécifiques, je pense que c'est assez clair. Mais, pour les autres, un surcroît temporaire de travail puis l'absence d'un employé ou d'une employée, là aussi vous l'abordez puis vous dites qu'ils n'ont jamais la garantie d'être tous rappelés d'une année à l'autre puis qu'il y aurait beaucoup trop de personnel, certaines années si vous alliez à la recommandation de la Commission ce qui serait contraire à une saine gestion des fonds publics.
Ma deuxième question, c'est que, en termes de saine gestion, je suis d'accord avec ce que vous mentionnez ici, mais, par contre, pour le gestionnaire, que ce soit le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme, lorsqu'il demande un occasionnel pour un surcroît temporaire de travail ou encore pour l'absence d'un employé et que, de six mois en six mois, pendant peut-être de nombreuses années, il maintient un occasionnel dans une situation qui est toujours précaire, est-ce que vous trouvez également que c'est une saine gestion, ça, agir de cette manière-là?
M. Roy (Pierre): O.K. Quant à votre première question, quant à la définition d'un emploi occasionnel, la définition de la Commission de la fonction publique et la définition qu'on retrouve dans la directive du Conseil du trésor est essentiellement la même à une nuance près, la Commission de la fonction publique n'associe pas un emploi cyclique ou saisonnier à un emploi occasionnel. Tout le reste de la définition «créé par un sous-ministre pour une durée limitée, avec un besoin provisoire», et les trois notions qui sont là, surcroît temporaire, projet spécifique et absence, toute la définition est identique à une nuance près: les employés cycliques ou saisonniers.
Est-ce que c'est de la saine gestion que d'engager quelqu'un sur un projet spécifique ou plus sur un surcroît ou une absence d'employé de longue durée, moi, je pense que tout est dans l'appréciation de ce qu'est une longue durée et les motifs qui l'ont amenée. Je me plais à utiliser cet exemple-là, qui est peut-être un peu caricatural, mais on a jugé, à un moment donné, que le Fonds du cadastre, qui durait 14 ans, justifiait un projet spécifique. Si ça devenait un point de repère, je vous dirais que tous nos projets spécifiques vont demeurer des projets spécifiques parce que je n'en connais pas qui ont battu ce record-là jusqu'à présent.
Là où il y a peut-être un autre phénomène, c'est des gens qui reviennent régulièrement dans les mêmes corps d'emploi, comme agent d'information par exemple, mais dans différents ministères. Mais ça, c'est généralement l'application des phénomènes de rappel...
M. Côté: Mais dans un même ministère?
M. Roy (Pierre): ...qui ont fait l'objet d'ententes avec les centrales syndicales quant au processus de droit de rappel.
M. Côté: Mais ce que je veux dire, c'est: Même poste, même ministère pendant plusieurs années, alors que, normalement, c'était pour une durée quand même limitée et qu'on continue de... Est-ce que vous considérez qu'un tel gestionnaire...
M. Roy (Pierre): Je vais vous donner un exemple concret. Prenons le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, autrefois le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ce ministère-là, mettons depuis 1983 mais avant ça c'est vrai aussi a toujours géré des programmes spécifiques de courte durée: Bon d'emploi, PECEC, AGIR, Option, PAIE. Vous avez donc eu, probablement, des gens qui ont été engagés en 1983 pour travailler sur PECEC. PECEC, ça a duré je ne sais pas mettons trois ans. Au bout de trois ans, PECEC était fini, mais là on a créé le Bon d'emploi. On a dit: Bien, on va le réengager sur le Bon d'emploi. Puis, trois ans après, on a créé SPRINT, ou, en tout cas, peu importe.
Donc, il y a des circonstances qui ont amené des gens à oeuvrer sept, huit ans dans un même ministère, mais finalement ils ont travaillé, je dirais, sur trois projets spécifiques au lieu de travailler sur un projet spécifique qui s'est transformé en cours de route. Alors, est-ce que c'était de la saine gestion en 1983, pour le gestionnaire, d'engager un occasionnel sur le projet spécifique PECEC? Je vous dirais: Oui, sauf qu'après ça les situations ont évolué. Ces gens-là donnaient d'excellents services, et le gestionnaire s'est dit: Bien, je vais essayer de les garder.
M. Côté: Oui. Au niveau d'un projet spécifique, ça me va. Mais, par contre, c'est lorsque, pour un surcroît de travail par exemple, ou l'absence d'un employé, ou le remplacement, moi, j'ai de la misère à suivre le gestionnaire qui, de six mois en six mois, ou...
M. Roy (Pierre): Je ne sais pas si on a des cas qui, vraiment, de gens qui... Parce que absence d'un employé, c'est style congé de maternité, quelqu'un part pour deux ans, congé de maternité. Bon, tu peux engager un occasionnel.
M. Côté: Moi, c'est en dehors des projets spécifiques que j'ai de la misère.
M. Roy (Pierre): Parce que je serais surpris qu'on ait des longues durées juste pour des motifs d'absence ou de surcroît temporaire. C'est vraiment juste pour les motifs de projets spécifiques.
M. Boudreault (Pierre): Lorsqu'on a créé les listes de rappel, dans le fond, qui faisaient référence à ce qu'on cite, nous, ce qu'on retrouvait la plupart du temps, c'est un peu ce que M. Roy vous expliquait: des gens qui ont été engagés sur un projet spécifique particulier mais qui a été modifié au fil des ans à l'intérieur de la même organisation. Entre autres, Emploi et Solidarité, c'est probablement un exemple type de ça, où les gestionnaires considéraient que leur personnel était efficace, et le personnel demandait également à demeurer en place compte tenu de l'expertise qu'il avait développée dans le premier projet. Et puis, au fil des ans, comme vous dites, on se ramasse dans une situation où quelqu'un peut avoir travaillé six ou sept ans de façon continue sur trois projets spécifiques, probablement dans le même bureau.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. Marsan.
M. Marsan: Alors, depuis hier, on a écouté les gens venir nous expliquer la problématique des occasionnels. J'ai trouvé aussi une espèce de consensus à travers tout ce qui a été dit, un consensus de la part des syndicats pour dire qu'il y a dans l'ensemble des 10 000 ou 11 000 personnes... D'ailleurs il faut faire des exceptions pour ce que vous-mêmes vous avez dit, les cycliques, les saisonniers, même les spécifiques. En tout cas, il y aurait sûrement des arrangements qui pourraient être intéressants.
Ce qui ressort aussi, à travers tous les témoignages que nous avons eus, et nous en avons eu plusieurs, c'est qu'il y a des cas qui sont criants d'injustice. On nous a donné plusieurs exemples, vous avez peut-être pu en entendre ce matin. Hier, on a parlé de ce professeur dans un conservatoire qui a été 31 ans... En tout cas, il est dans sa 31e année, je pense, depuis 1967 ou quelque chose comme ça.
Autre point de consensus, c'est que la Commission de la fonction publique, le Vérificateur général, les syndicats, je pense aussi les gens, on est d'accord à voir qu'il y a une difficulté et qu'il y a vraiment une solution qui doit être apportée pour régler une injustice qui est criante. Vous l'avez dit dans votre document, dans vos notes préliminaires, je pense qu'on a une excellente fonction publique, aussi bien au niveau des permanents que des occasionnels, et c'est très apprécié.
En plus des cas criants que nous avons entendus, il y a eu aussi le Syndicat des agents de la paix qui nous a demandé de retenir notre attention sur quelque chose qui est à déplorer, qui déborde le cadre des problèmes des occasionnels et des permanents, qui est celui d'un établissement de détention où on a eu besoin d'une main-d'oeuvre et qu'à l'intérieur de 24 heures il y avait huit nouveaux agents de la paix, du jour au lendemain, qui étaient déjà en habit et qui oeuvraient, donc dangerosité accrue. Vous savez comme moi ce qui s'est passé dans ce domaine-là.
Donc, il existe, et je pense que personne ne peut le nier, des injustices qui sont associées au problème des occasionnels et des permanents. Ma question, à vous, M. Roy et on a eu à travailler ensemble, au moment où j'étais à la santé vous étiez aussi à la santé, votre réputation, je pense que ça a toujours été d'un homme très réaliste, qui a le coeur à la bonne place: Est-ce que le Conseil du trésor a la volonté politique de régler les injustices criantes des occasionnels?
M. Roy (Pierre): Merci, M. le député, pour vos bons mots. C'est quand même intéressant de voir qu'on pouvait travailler au Conseil du trésor et avoir le coeur à la bonne place.
Le Président (M. Chagnon): Il parlait qu'il vous a connu avant.
Des voix: Ha, ha, ha!
(13 h 10)
M. Roy (Pierre): Alors, j'hésiterais à vous suivre sur le fait qu'il y a des injustices. Je vous suivrais si vous disiez qu'il y a un mode de fonctionnement dans l'appareil gouvernemental actuellement qui génère des phénomènes qui nécessitent un examen attentif, je le reconnais. Est-ce que ce sont des injustices? J'hésiterais à utiliser ce terme-là, mais il y a un phénomène. Est-ce que nous avons, je dirais, le ferme propos de nous y attaquer? Je vous dirais que nous n'aurons pas le choix, essentiellement pour deux motifs, en fait trois, le troisième étant et vous allez sûrement nous faire des recommandations auxquelles nous allons...
Le Président (M. Chagnon): C'était votre premier motif.
M. Roy (Pierre): Le premier étant que nous avons entrepris et nous allons entreprendre dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, une ronde de négociations dans le secteur public et que les syndicats vont sûrement faire de cette question un enjeu majeur. Le deuxième, c'est que ça a déjà transparu dans les médias le secrétaire général du gouvernement a amorcé avec l'ensemble de l'appareil une réflexion sur la modernisation de l'appareil public et le développement d'une vision de ce que pourrait être la fonction publique de l'an 2000. À l'intérieur de ça, évidemment, vont se poser les questions sur le niveau de ressources dont on a besoin, le type de ressources, et une question comme celle de la problématique des occasionnels et des permanents va sûrement faire partie de la réflexion. Et, évidemment, le troisième élément: les recommandations qui émaneront de la présente commission.
Moi, je pense que le Secrétariat du Conseil et le Conseil sont conscients de la situation et vont, au cours des prochains mois, pour les motifs que j'ai évoqués, consacrer l'attention requise à cette question.
M. Marsan: Je vous remercie de votre commentaire. Nous allons sûrement faire des recommandations, regarder les lois, regarder peut-être les pouvoirs de la Commission de la fonction publique. Mais on sait par expérience que, quand il y a une volonté politique de régler une difficulté... Vous dites que ce n'est pas des injustices, on peut interpréter ça comme en étant: 15 ans comme agent d'information, toujours répéter le même contrat, il me semble qu'il y a une instabilité. Mais je ne pense pas que c'est le propos de cela aujourd'hui. Je pense, en tout cas, et je répète qu'avec une volonté politique on en règle, des affaires puis des problèmes de cette nature-là.
Deuxièmement, le coût associé à un poste permanent, coût moyen, versus le coût d'un occasionnel équivalent temps complet je ne veux pas vous le demander aujourd'hui, à moins que vous ne l'ayez est-ce que c'est possible de le donner à la commission, combien ça peut représenter? En arrière de cette question-là, ce qu'on peut dire, c'est: Est-ce qu'il y a vraiment une économie pour le Conseil du trésor qui fait qu'on aime mieux engager des occasionnels plutôt que des permanents?
Troisièmement, au niveau de la mobilité, il semble qu'il y ait une beaucoup plus grande mobilité qui est associée à des occasionnels plutôt qu'à des permanents. Est-ce que vous auriez des commentaires à nous faire là-dessus?
Le quatrième point il a déjà été demandé par mes collègues c'était un peu les notes que nous avons eues sur les gestions abusives. Bon, vous avez répondu: Oui, il y a des mécanismes. Est-ce que ça ne met pas un occasionnel dans une situation un peu plus périlleuse qu'un permanent lorsque, à tout bout de champ, il peut, même si ça n'arrive pas ou si ça arrive dans des cas marginaux, perdre son emploi?
Alors, c'étaient les informations que je souhaitais vous demander.
M. Roy (Pierre): Rapidement, je peux vous dire que, sur le coût, si vous avez devant vous deux personnes, un permanent, un occasionnel, le coût est le même...
M. Marsan: Avec les bénéfices marginaux?
M. Roy (Pierre): ...dans la même situation, même expérience, même ancienneté, le coût est le même. Là où il y a un... pas un coût additionnel, mais, si vous avez un occasionnel de moins d'un an qui n'a pas les mêmes avantages sociaux, je dirais, ils vont être majorés de 11,12 %. Mais, nonobstant ça, les conditions de travail sont les mêmes pour un occasionnel qu'un permanent. Il n'y a donc pas de coût additionnel...
M. Marsan: Donc, c'est une raison de plus pour les régler.
M. Roy (Pierre): ...à moins que vous n'alliez jusqu'à imputer un coût de sécurité d'emploi à celui qui a la permanence.
M. Marsan: Et je retiens aussi que vous mentionnez qu'il y a des négociations qui vont commencer très bientôt. Merci.
Le Président (M. Chagnon): D'abord, je voudrais peut-être finaliser en revenant quelques secondes sur les directives du mois de juin 1997, je pense. Le problème que je soulevais tout à l'heure, c'était à l'effet de l'imputabilité. Évidemment, les sous-ministres sont des gestionnaires responsables de leurs ressources humaines. Maintenant, la directive émane du Conseil du trésor, et je dirais l'assurance que cette directive est effectivement appliquée devrait, en tout cas au Conseil du trésor, être d'une nature à faire en sorte que le Conseil du trésor s'assure de l'imputabilité de sa propre directive. Peut-être que ça corrigerait une partie des problèmes dont on a entendu parler.
M. Roy (Pierre): Il y a déjà une disposition, là, qui dit que le sous-ministre ou la sous-ministre ou la ou le dirigeant d'organisme doit fournir les informations que l'organisme responsable juge nécessaires relativement à l'application des dispositions de cette directive. Je vous parlais tout à l'heure d'informations de gestion, à tout le moins avoir des données quantitatives sur le phénomène, c'est déjà prévu dans la directive. C'est déjà prévu, sur demande, en quelque sorte, de l'organisme central. Ce n'est pas une obligation de produire un rapport annuel sur l'application de la directive. Donc, je dirais, cette porte ouverte existe dans la directive. C'est son utilisation qui...
Le Président (M. Chagnon): Elle n'est pas appliquée, si je comprends bien. Vous n'avez jamais fait de demande...
M. Roy (Pierre): C'est-à-dire qu'elle n'est pas appliquée, je ne dirais pas qu'elle n'est pas appliquée. Les informations de gestion, on les a, sur le phénomène. Alors, si on a pu dans le passé apporter des correctifs, j'imagine que c'est parce qu'on était parvenu à faire une lecture de la réalité à partir des informations de gestion qu'on avait ou de la lecture qu'on faisait du fonctionnement et de l'application des directives de l'époque.
Le Président (M. Chagnon): Bref, M. Roy, je voudrais vous remercier, ainsi que tous ceux qui vous accompagnent du Conseil du trésor. Je voudrais remercier tous ceux qui ont témoigné ou qui ont participé à aider les témoins à cette commission parlementaire qui siège depuis hier matin. Le sujet, ce n'était pas évident en partant. Ce n'était pas vraiment le sujet le plus captivant de l'année jusqu'à temps qu'on le creuse, puis qu'on s'intéresse, puis qu'on s'interroge, puis qu'on entende les différents invités de cette commission.
Cette commission aura à faire des recommandations, comme M. Roy l'a souligné. Et, pour ce faire, je l'invite d'abord, en ajournant les travaux à 14 h 30, cet après-midi, en session de travail pour les membres de la commission, qui vont continuer, eux, en privé, à travailler aux recommandations qui seront ultérieurement rendues publiques à l'Assemblée nationale.
Je voudrais remercier aussi le président et les membres de la Commission de la fonction publique, qui ont d'abord produit des documents et qui ont assisté à ces réunions depuis deux jours, et aussi le Vérificateur général et son assistant, qui ont participé à nos travaux aussi depuis hier matin.
Bref, j'ajourne ces travaux en souhaitant faire en sorte que les conclusions que nous tirerons aideront à améliorer la qualité de la gestion de notre personnel dans le réseau, enfin dans la fonction publique et éventuellement dans les réseaux aussi. M. le sous-ministre nous disait qu'à sa connaissance il n'y a pas de cas d'injustice, puis c'est une opinion qui peut fort bien se défendre. Mais j'ai senti chez mes collègues que, à tout le moins, de notre point de vue, on a été témoins d'occasions ou de situations qui semblaient être inéquitables et qui mériteraient d'être corrigées dans les mois à venir. Et nous souhaitons que cela puisse se faire. Encore une fois, mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup.
(Fin de la séance à 13 h 18)