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(Onze heures quarente-deux minutes)
Le Président (M. Houde): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation
va commencer ses travaux pour procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 134, Loi modifiant la Loi sur les
produits agricoles, les produits marins et les aliments.
Est-ce qu'il y a des remplaçants, ce matin, M. le
Secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, il y a un remplacement. M. Assad
(Papineau) est remplacé par M. Vaillancourt (Orford).
Le Président (M. Houde): Merci. La parole est maintenant
à M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Michel
Pagé
M. Pagé: Alors, merci, M. le Président, Mmes les
députées, MM. les députés. Notre commission se
réunit pour étudier l'autre projet de loi qui concerne les
actions pouvant être prises par le ministre de l'Agriculture au nom du
gouvernement dans une perspective de protection de la santé publique.
Essentiellement, le projet de loi 134, qui est quand même un projet de
loi très limité, vient modifier la Loi sur les produits
agricoles, les produits marins et les aliments et prévoit des
dispositions analogues à celles qu'on a discutées qu'on a
débattues ici et qui étaient contenues dans le projet de loi 133
concernant, plus particulièrement, les produits laitiers.
J'ai eu l'occasion, à quelques reprises, d'indiquer très
clairement la volonté qui nous anime dans ce dossier, à savoir
que le droit doit être accordé, un droit encadré, un droit
conditionnel qui doit être accordé au ministre pour une certaine
période, de façon à s'assurer qu'une entreprise puisse
cesser ou encore restreindre l'exploitation d'un lieu lorsque, de l'avis du
ministre et de ses fonctionnaires, évidemment, il y a un danger
immédiat pour la vie ou la santé des consommateurs.
J'ai eu l'opportunité, au cours de nos débats en
commission parlementaire, lors de nos discussions avec les
députés, d'indiquer le haut degré de préoccupation
qui nous anime à l'égard de la protection, de la santé des
citoyens et des citoyennes, de certains cas isolés, j'en conviens, mais
quand même inquiétants qu'on avait connus depuis un certain temps
et la situation commandait davantage de pouvoirs consentis au gouvernement.
C'est essentiellement le commentaire que j'avais à faire. Je suis
accompagné ce matin du Dr Bernard, sous-ministre adjoint a la
santé animale du ministère et de M. Cantin, conseiller juridique,
qui seront très certainement susceptibles de répondre à
des questions précises ou techniques de la part des honorables
députés.
Le Président (M. Houde): Merci, M. le ministre. La parole
est maintenant au député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je vous ferai remarquer que le
député de Portneuf, ministre de l'Agriculture n'a pas
parlé longuement de son projet de loi. Je pense qu'il s'aperçoit
que, plus le temps s'écoule, plus les arguments qu'il pourrait trouver
en faveur de son projet de loi sont peu nombreux. C'est pourquoi, il n'a pas
tenté de justifier ce projet de loi autrement qu'en disant qu'il voulait
avoir des pouvoirs additionnels. C'est exactement pour cette raison que nous
allons voter contre l'adoption du principe de ce projet de loi en
deuxième lecture. Nous croyons que le ministre de l'Agriculture, par sa
loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments a
déjà les instruments nécessaires.
D'ailleurs, je suis un peu surpris que le ministre veuille fermer les
usines qui satisfont aux normes de salubrité et d'hygiène
prévues dans les règlements de construction, alors qu'il permet
à 73 usines, dans le domaine de la transformation des produits marins,
de fonctionner sans permis parce qu'elles ne se conforment pas aux
règles de la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les
aliments. C'est un peu curieux. Le ministre permet le fonctionnement d'usines
qui devraient avoir des permis et qui devraient se conformer aux normes de
construction prévues par la Loi sur les produits agricoles, les produits
marins et les aliments, de même que les règlements, et il veut
fermer des usines qui ont leur permis.
Il faut faire une distinction entre les
produits et les établissements. La première condition pour
oeuvrer dans le domaine de la transformation des produits agricoles, des
produits marins et des aliments, c'est de satisfaire les normes de construction
et les conditions de salubrité des produits. Il y a toutes sortes de
conditions qui sont prévues dans la loi et dans les règlements en
ce sens.
Je ne sais pas ce qui se passe. Depuis l'an dernier, je ne suis pas
allé faire un tour dans les usines. J'irai probablement cette
année. Je me rappelle que le ministre délégué aux
Pêches disait, par exemple, concernant les usines de transformation des
produits marins, que l'exigence d'asphalte et de gazon coupé, etc.,
autour de l'usine était une exigence futile, inutile et du genre de
celle, disait-il, qui caractérisait l'ancien ministre. Sauf que, tout le
monde le sait, autour des usines, dans les hautes herbes, se tient souvent la
vermine, les mulots, les souris, les rats, etc. Tant qu'on n'exige pas
qu'autour des usines de transformation des produits marins il y ait du gazon
coupé ou de l'asphalte - justement pour mettre toutes les chances de son
côté afin que la vermine ne pénètre pas dans l'usine
- si on laisse les hautes herbes autour des usines, on se retouvera avec de la
vermine dans ces usines.
D'ailleurs, les travailleurs qui ont démoli les anciennes usines
à cause de leur désuétude - une subvention était
versée pour démolir les anciennes usines qui ne se conformaient
pas aux normes - se sont rendu compte que, dans ces usines, on trouvait de
nombreux visiteurs. Dans certains cas même, la démolition de ces
anciennes usines a dû être accélérée puisque
ces visiteurs, ne trouvant plus dans les usines désaffectées ce
qu'ils y trouvaient antérieurement, commençaient à
investir les maisons avoisinantes. C'est le service de la santé publique
qui a demandé de démolir - j'ai au moins un cas à l'esprit
- ces anciens lieux qui servaient d'usine.
Si on veut avoir des usines qui produisent de bons produits, il faut
qu'elles soient dans les conditions pour le faire et il faut que ces usines
soient bâties selon les normes modernes. Avec les matériaux dont
on dipose aujourd'hui, il est plus facile d'éliminer davantage de
bactéries parce qu'elles trouvent moins de lieux appropriés pour
se multiplier. Il faut donc des usines construites selon des normes
prévues et qui ne sont pas des exigences capricieuses, mais normales
aujourd'hui.
Deuxièmement, il faut aussi que les terrains qui entourent les
usines respectent certaines conditions. Par exemple, si, autour des usines,
vous avez un terrain en terre où les camions y circulant
soulèvent des nuages de poussière et que, par les portes ouvertes
des usines, la poussière s'engouffre, habituellement, la
poussière, ne voyageant pas nécessairement seule, sert de
véhicule aussi pour toutes sortes de parasites indésirables qui
ne sont pas nécessairement faciles à détecter.
Troisièmement, la manipulation des produits dans de bonnes
conditions. Il peut arriver que les usines soient selon les normes. Il peut
arriver que le pourtour des usines soit correct aussi, mais que des
manipulations parfois difficiles fassent que les produits, malgré tout,
ne soient pas bons. Normalement, qu'est-ce qu'on fait? Les produits sont
condamnés et ne vont pas sur la table du consommateur. Il est
arrivé, par exemple, dans des industries de transformation du lait, dans
des industries qui produisent du fromage... On sait que la production du
fromage a été l'une des façons d'utiliser la
biotechnologie bien avant que les termes deviennent courants. Sauf que, dans la
fabrication du fromage où les bactéries sont utilisées,
parfois, ces bactéries peuvent être moins bien
contrôlées que ce que les dirigeants de l'usine auraient voulu. Il
est arrivé que, dans des fromageries, alors que toutes les
précautions avaient été prises, survienne une perte de
contrôle des bactéries. En conséquence, le produit est
impropre à la consommation humaine. À ce moment-là, il est
évident que le produit ne va pas sur la table du consommateur.
D'ailleurs, les inspecteurs ne le permettraient pas. Est-ce que, dans de tels
cas, le ministre va devoir fermer des usines?
Une usine qui satisfait aux conditions de la loi pour détenir son
permis doit pouvoir l'obtenir. Maintenant, cela ne veut pas dire que les
produits qui vont y être fabriqués seront du niveau de
qualité exigé par le consommateur. Il faut faire cette
distinction. Je pense que la principale lacune du projet de loi réside
dans le fait qu'il ne fait pas cette distinction. Le projet de loi, qui est
devant nous, n'a essentiellement qu'un article. Il donne des pouvoirs au
ministre qui, à mon avis, sont inutiles. Le ministre peut
déjà empêcher que des produits puissent être
acheminés vers la distribution alimentaire quand ils sont impropres
à la consommation humaine.
M. le Président, il existe d'autres cas où les usines,
pour corriger leurs lacunes, doivent continuer à être en
opération. Si le produit est fabriqué dans des conditions
représentant un danger pour la vie ou pour la santé du
consommateur, ces produits ne peuvent pas aller sur le marché. Il n'est
pas nécessaire de fermer l'usine pour cela, mais il faut que certains
correctifs soient apportés.
Il est arrivé que des usines, pendant non seulement des
journées, mais des semaines, ont fait face à des
difficultés - je ne donnerai pas de noms. Des gens du ministère
de l'Agriculture les ont aidées à
essayer de corriger ces lacunes sans que, dans l'intervalle, les
produits soient acheminés sur le marché, vu qu'ils ne
satisfaisaient pas aux conditions. Je ne vois pas pourquoi le ministre
considère qu'il doit, en plus, ordonner à l'exploitant d'un lieu
de cesser ou de restreindre, dans la mesure qu'il détermine,
l'exploitation de ce lieu alors que ce n'est pas le lieu qui est un
problème. Si le lieu est un problème, son permis doit lui
être retiré immédiatement. Si l'usine ne satisfait pas aux
conditions pour obtenir un permis de fonctionnement, en termes de normes sur la
qualité de la construction, son permis va lui être retiré.
Si l'entreprise se conforme aux normes, elle doit avoir son permis. Il s'agit,
à ce moment-là, que l'inspection des produits soit faite en
conséquence et que les produits puissent être acheminés ou
non sur le marché en fonction de leur qualité.
Je vois que l'ex-député de Montmagny-L'Islet vient
d'entrer dans cette pièce. Je suis persuadé que s'il savait quel
genre de projet de loi on étudie aujourd'hui, en commission
parlementaire, il serait lui-même estomaqué. Il comprendrait
difficilement que le ministre veuille obtenir le pouvoir de fermer des usines
qui sont en droit de fonctionner parce qu'elles ont un permis et qu'elles
satisfont aux conditions pour détenir ce permis. Si les produits ne sont
pas bons, il s'agit d'éliminer ces produits. C'est pour cela qu'on dit:
"cesser d'opérer ou restreindre dans la mesure qu'il détermine
l'exploitation du lieu". Si une partie de la production n'est pas bonne, elle
ne peut pas aller sur le marché, mais il n'est pas nécessaire
pour cela de fermer une partie de l'usine. Je suis un peu étonné.
Au fond, le rôle du ministère est de voir à la protection
du public par la surveillance de ses inspecteurs et en même temps sur le
plan technique par son service d'aide technique afin de permettre aux
entreprises de se remettre sur le "piton".
Par exemple, au cours des années, j'ai vu des entreprises dans la
production du lait qui avaient des difficultés parce que, sur le plan
technique, un rouage ne fonctionnait pas de façon appropriée.
Cela ne veut pas dire que le lait était bu par les consommateurs, sauf
qu'il fallait en traiter pour trouver le bobo. Tant que le lait ne satisfait
pas aux conditions pour aller sur le marché, il n'est pas
distribué. Mais, l'usine n'est pas fermée pour autant. Elle
essaie de corriger son problème. Si le problème est tellement
insurmontable qu'elle ne peut pas apporter de correctifs, il est évident
qu'elle ne trouvera pas utile de faire des produits qui ne pourront pas aller
sur le marché. (12 heures)
Quel est le producteur, que! est le manufacturier ou le transformateur
de produits qui va faire des produits impropres à la consommation et qui
ne pourront pas être mis sur le marché, qui va être
intéressé à en faire dans les mêmes conditions?
Alors, j'essaie de comprendre pourquoi le ministre veut de tels pouvoirs et je
suis incapable de comprendre pourquoi. II faut faire la distinction entre un
permis d'usine et les produits qui y sont fabriqués.
Le Président (M. Houde): Maintenant, est-ce qu'on passe
à l'article 1?
Une voix: ...
Le Président (M. Houde): Non, mais seulement des
entrées de chaque côté.
M. Garon: ...des déclarations préliminaires.
Le Président (M. Houde): Oui, c'est cela. Je suis d'accord
avec...
M. Michel Pagé (réplique)
M. Pagé: Alors, M. le Président, je retiens
évidemment du propos du député de Lévis qu'il
réfère sensiblement aux mêmes commentaires que ceux
déjà formulés, dans le cadre du projet de loi 133, qui
portait plus spécifiquement sur les produits laitiers. Essentiellement,
je voudrais réagir, d'une façon limitée cependant,
à certains des éléments du propos du député
de Lévis en disant ceci: II ne faut pas confondre certains états
de fait et certains états de droit. Le député a
référé aujourd'hui, comme il a référé
lors de l'étude des crédits, au fait que certaines usines de
produits de la pêche fonctionnent sans permis. Il ne faudrait pas laisser
planer quelque doute que ce soit, j'ai indiqué à l'étude
des crédits et mon collègue, le ministre
délégué aux Pêcheries, a déjà
indiqué que si on a - exemple concret - 63 usines...
M. Garon: 73.
M. Pagé: 63 ou 73?
M. Garon: 73.
M. Pagé: 61 qui ont un permis, je m'excuse, M. le
Président.
M. Garon: 54 qui ont un permis.
M. Pagé: 61.
M. Garon: Bien, le ministre des Pêcheries a dit 54 parce
que certaines usines détiennent plus d'un permis.
M. Pagé: Ah! d'accord.
M. Garon: II y a 61 permis...
M. Pagé: C'est cela, 61 permis délivrés pour
des usines...
M. Garon: Pour 54 usines.
M. Pagé: ...pour 54 immeubles...
M. Garon: Entreprises.
M. Pagé: ...pour aussi 73 entreprises fonctionnant sans
permis. On a très clairement indiqué que si ces entreprises
fonctionnent sans permis, ce n'est pas parce qu'elles ne répondent pas
à des normes de salubrité, de qualité professionnelle,
etc., plus souvent qu'autrement, c'est qu'elles ne répondent pas
à des normes très spécifiques, par exemple:
l'environnement, le volume d'eau pouvant être acheminé à
l'usine, etc. On a d'ailleurs très clairement indiqué que notre
intention est de nous assurer de la normalisation de ces usines dans les
meilleurs délais. Je peux vous assurer que le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est en contact
très étroit avec le ministère de l'Environnement sur le
sujet. On référait d'ailleurs à ces usines. Il ne faut pas
confondre des travaux et des exigences impartis à une usine en vertu des
règles et des normes applicables pour la délivrance d'un permis
avec les travaux exigés ou le type de travaux exigés à une
usine dans le cadre d'un programme du ministère. Quand l'honorable
député de Lévis, tout à l'heure, nous parlait de
l'obligation pour de telles entreprises - en espérant, M. le
Président, qu'on ne dérange personne dans cette salle...
Le Président (M. Houde): S'il vous plaît, en
arrière, un petit peu plus bas ou bien...
M. Pagé: En avant, un petit peu plus haut?
Le Président (M. Houde): Non, c'est correct, je pense
que...
M. Garon: Si vous ne parlez pas plus fort, ils ne vous
comprendront pas.
Le Président (M. Houde): Vous pensez?
M. Pagé: J'en étais à dire, M. le
Président, avant que vous m'interrompiez de cette façon, qu'il ne
faut pas confondre les exigences qui apparaissent en termes de normes, pour
qu'une entreprise puisse voir un permis obtenu par rapport aux normes ou aux
exigences établies dans un programme de développement. Vous
référiez tout à l'heure aux usines de pêche, vous
référiez à la longueur du foin, vous
référiez à l'obligation d'avoir le gazon coupé ou
encore du pavage le long des usines. Ce n'était pas dans les normes pour
la délivrance des permis. C'était dans les normes de programmes
de développement pour la normalisation des usines. Ce qui est
différent, complètement différent.
Dans le projet de loi qui nous occupe -je comprends que le
député de Lévis ait fait un grand tour pour arriver au
projet de loi -essentiellement, ce qu'on dit, c'est ceci: On a un certain
nombre d'établissements qui ont des permis au Québec, un nombre
important. On a d'autres établissements qui exploitent sans permis
délivré par le ministère où, évidemment, la
Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments a
juridiction. Le député de Lévis nous dit: Le pouvoir que
l'Assemblée nationale accorde au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation est trop exorbitant en ce qu'il aurait le
droit de fermer une entreprise, d'ordonner la cessation des activités et
de fermer une entreprise pour un délai pouvant aller jusqu'à
quinze jours. On a besoin de ce pouvoir, on en a besoin.
Vous avez argumenté, lors de l'étude du projet de loi 133,
que le ministre a toujours le pouvoir de retirer le permis. C'est le cas. Mais
autant le ministre a le pouvoir de délivrer le permis, j'en conviens,
autant il a le pouvoir de le retirer. Cependant, si demain matin, constatant
par la voix des officiers de mon ministère qu'une situation de fait
prévaut dans une entreprise qui a un permis et où la
qualité du produit est susceptible d'affecter la vie ou la santé
du public, je pourrais signifier un retrait du permis. Cela n'impliquerait pas
pour autant que l'entreprise pourrait cesser de fonctionner demain matin, parce
qu'une telle entreprise n'aurait qu'a requérir une injonction devant un
juge de la Cour supérieure et je serais placé dans l'obligation
de reconnaître... L'état de fait ne serait pas compliqué:
l'entreprise pourrait continuer de telles activités, même si la
santé de la population et la vie de la population sont en jeu, sont en
péril.
Que faire maintenant, oui? Que faire maintenant dans le cas
d'entreprises qui n'ont pas de permis? Que faire? Recourir à une
injonction pour demander au tribunal de forcer cette entreprise à cesser
ses activités, cela prend du temps, ce sont des délais. Vous avez
été ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation pendant neuf ans, je le suis depuis un an et demi. J'ai eu des
cas qui ont été portés à mon attention depuis 18
mois où ce pouvoir aurait dû être exercé. Et puis le
on parle, on réfère à la santé des gens. Quand on a
dans une seule fin de semaine un nombre donné, quand même
impressionnant et grave de salmonelle dans une région donnée, eh
bien, il faut se revirer de bord assez vite. La vie de certaines personnes est
en danger.
Je dis bien que c'est isolé. Je ne veux
pas jeter quelque discrédit que ce soit, je ne veux pas
créer quelque panique que ce soit, mais, sur une base isolée, il
arrive parfois qu'on voie des cas où des produits alimentaires sont mis
en marché et sont susceptibles d'affecter la santé de la
population. Dans les cas que j'ai vus l'année dernière, la mise
en marché de ces produits était même susceptible de faire
perdre la vie soit à des enfants ou à des personnes
âgées. On ne peut pas jouer avec cela. Je comprends qu'en droit,
ici autour d'une table, on puisse dire... Vous pouvez demander une injonction
mais cela n'est pas assez. D'ailleurs...
M. Garon: Les saisir, vous pouvez même les saisir
les...
M. Pagé: Ah oui, on peut saisir mais on ne fera pas cesser
les activités. C'est ce qu'on a eu - exemple concret - c'est ce qu'on a
vécu l'année passée. Une entreprise qui n'avait pas de
permis, on a saisi. Le lendemain matin, ils ont continué. Ce sont des
gens d'une région du Québec, qui, s'ils consommaient ces
produits, auraient pu purement et simplement mourir. Il nous est apparu,
à la lumière de ce cas, qu'on se devait d'avoir le même
pouvoir, comme celui que la Communauté urbaine de Montréal a, qui
a été donné par un règlement approuvé par le
lieutenant-gouverneur en conseil alors que vous étiez le titulaire du
ministère. La Communauté urbaine de Montréal dans son
règlement 71, approuvé par vous, a le pouvoir d'interdire
l'exploitation d'une entreprise ou d'en interrompre les opérations
excusez-moi, M. le Président - sur ordonnance seulement du directeur de
l'inspection, un pouvoir analogue à celui qui est conféré
ici. À date, la communauté urbaine et la ville de Québec,
à deux reprises chacune, se sont prévalues de ce pouvoir.
Ce pouvoir de fermeture est un élément de persuasion
très important dans la très grande majorité des cas ou
dans tous les cas qu'on va découvrir. Le pouvoir est quand même
encadré, vous savez. Le ministre doit signer une ordonnance. D'ailleurs,
c'est un pouvoir comparable à l'article 26, soit dit en passant, de la
Loi sur l'environnement, qui prévoit que le ministère, avec un
délai, peut fermer une entreprise. Dans le cas qui nous occupe, c'est un
délai de quinze jours. Est-ce que le droit à l'émission
d'une telle ordonnance peut être reconduit? Non. Après un
délai de quinze jours... Par exemple, le 1er du mois, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation émet une telle
ordonnance. Il a jusqu'au 15, selon que le jour a quo et le jour ad quem
comptent, le jour a quo compte et le jour ad quem ne compte pas, c'est cela, M.
Cantin? Il a jusqu'au 15 pour aller chercher une injonction permanente qui
donnerait le temps aux officiers du ministère d'obliger l'entreprise
à se régulariser.
M. le Président, il ne m'apparaît pas que ce soit un
pouvoir exorbitant. Ce pouvoir est devenu nécessaire, compte tenu de
l'état du droit, de l'interprétation de notre droit et de
l'obligation qu'on a comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation de protéger nos consommateurs, nos consommatrices et nous
assurer que l'obligation qui nous est impartie, en vertu de la loi, à
l'égard de la protection du public, du contrôle de la santé
soit utilement exercée.
Étude détaillée
J'aurais, M. le Président, un papillon très bref qui
prévoirait a l'article 1 de remplacer dans la troisième ligne de
la phrase introductive le chiffre "261" par le chiffre "240". Alors, le nouvel
article tel qu'amendé se lirait comme suit: La Loi sur les produits
agricoles, les produits marins et les aliments est modifiée par
l'insertion, après l'article 33.9 édicté par l'article 240
du chapitre (indiquer ici le numéro du chapitre du projet de loi 92 de
1986) des lois de 1986, du suivant;". Et là, on lirait 33.10 in extenso.
C'est strictement une modification de concordance, M. le Président,
compte tenu de la loi habilitante à laquelle on réfère
régulièrement, qui est le chapitre 92 de la loi de 1986, Loi
modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la
Charte des droits et libertés de la personne, comme on a eu l'occasion
d'y référer à quelques reprises depuis le début de
nos travaux.
Le Président (M. Houde): ...s'il vous plaît?
M. Pagé: Avec plaisir, M. le Président.
Le Président (M. Houde): Merci. Est-ce que l'amendement
est accepté?
M. Garon: C'était une erreur... C'était une erreur
ou bien si c'était... hein?
M. Pagé: M. Cantin.
M. Cantin (Louis-Gérard): M. le député,
c'est le même type d'explication qui a été donné
pour le projet de loi 133. Dans la présentation du projet de loi 92 par
le ministre de la Justice, la Loi sur les produits agricoles, les produits
marins et les aliments était modifiée par l'article auquel on se
réfère, c'est-à-dire 261, et dans le texte final de ce qui
est devenu le chapitre 95 des lois de 1986, à la suite de
différents amendements ou renumérotation, le chapitre P-29 et
l'article 33.9 ont été introduits techniquement par l'article
240.
Le Président (M. Houde): Est-ce que cela va, M. le
député de Lévis?
M. Garon: Attendez un peu là.
Le Président (M. Houde): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Garon: Adopté.
Le Président (M. Houde): Adopté. Est-ce que
l'article 1 est adopté tel qu'amendé?
M. Garon: Attendez un peu là. Je pense bien que...
Une voix: Cela va être sur division.
M. Garon: Oui. On a... Moi je n'ai pas mieux compris les
arguments du ministre. Si l'usine fonctionne déjà sans permis et
qu'elle n'en a pas le droit, je ne vois pas en quoi une ordonnance
additionnelle va plus l'empêcher d'opérer, alors qu'elle ne
devrait pas opérer. Si elle opère sans permis alors qu'elle
devrait avoir un permis, cela veut dire qu'elle devrait être poursuivie
pour chaque journée où elle opère sans permis. Cela veut
dire à ce moment-là, si elle opère sans permis, qu'elle
continue d'opérer sans permis. Si elle opère de façon
coutumière, sans permis, c'est que quelqu'un ne fait pas son
travail.
M. Pagé: Oui, mais c'est non. (12 h 15)
M. Garon: II devrait avoir... Bon. Ce cas-là. À ce
moment-là, une usine qui est poursuivie parce qu'elle fonctionne sans
permis commet des infractions journalières et on fait respecter la loi.
Ou bien elle fonctionne avec un permis ou elle fonctionne sans permis. Si elle
fonctionne sans permis et qu'elle n'en a pas le droit, quand bien même on
lui ferait une injonction de plus... On devrait simplement l'empêcher de
fonctionner sans permis, elle n'en a pas le droit.
Deuxièmement, si elle a un permis et que le problème ne se
situe pas au niveau du permis, mais au niveau des manipulations, des
procédures ou des façons de faire dans cette usine et qu'elle en
arrive à avoir un produit qui n'est pas de la qualité
désirée, tout cela peut être saisi en tout temps, au fur et
à mesure, par le ministère. Je ne vois pas en quoi cette
possibilité additionnelle de l'article 33.10 améliore les choses;
je ne vois pas comment. Ou bien il y a un permis ou bien il n'y a pas de
permis. On a vu le cas où il y a un permis et on a vu le cas où
il n'y a pas de permis. Au fond, je ne vois pas pourquoi on veut saisir ces
produits. Cela me paraît drôle, cela me paraît curieux comme
façon de procéder.
Au fond, les usines possédant un permis et qui fabriquent un
mauvais produit, habituellement, c'est parce qu'elles ont perdu le
contrôle. Si ce n'est pas une question de perte de contrôle, alors,
c'est une question de mauvaise fabrication volontaire. Les inspecteurs ont tous
les pouvoirs, actuellement, pour saisir cette production au fur et à
mesure. Il n'y a aucun intérêt, pour une entreprise, à
fabriquer des produits dans ces conditions. Je ne vois pas en quoi cet article
ajoute quoi que ce soit aux lois existantes.
Maintenant, si on veut voter... Je peux bien parler pendant des heures,
mais je ne convaincrai pas le ministre qui veut cette disposition afin de se
sentir plus fort. Je dis: Faisons un vote nominal. Il y a un article.
Le Président (M. Houde): Je demande le vote sur l'article
1, tel qu'amendé. S'il vous plaît, M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Mme Legault (Deux-Montagnes)?
Mme Legault: Pour.
M. Pagé: Est-ce que l'amendement est accepté?
Le Président (M. Houde): Oui, l'amendement est
accepté.
Le Secrétaire: M. Forget (Prévost)? M. Forget:
Pour.
Le Secrétaire: M. Dubois (Huntingdon)?
M. Dubois: Pour.
Le Secrétaire: Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata)?
Mme Dionne: Pour.
Le Secrétaire: M. Pagé (Portneuf)?
M. Pagé: Pour.
Le Secrétaire: M. Houde (Berthier)?
Le Président (M. Houde): Pour.
Le Secrétaire: M. Garon (Lévis)?
M. Garon: Contre.
Le Président (M. Houde): Donc, l'article 1 est
adopté. Pour l'article 2, c'est automatique.
M. Pagé: M. le Président, avant de terminer, il y a
quand même un élément que je tiens à porter à
l'attention du député de Lévis. Vous savez, pour une
entreprise répondant à toutes les normes pour
l'émission
d'un permis, il ne faut pas tenir pour acquis que ces mêmes normes
feront en sorte qu'en tout temps, le produit qui en sortira répondra aux
normes de salubrité, de propreté et de qualité. Il faut
faire la distinction entre les normes régissant l'émission du
permis et la qualité du produit, et, par conséquent, les pouvoirs
appartenant à l'État, au gouvernement, à l'égard de
cette opération, de cette entreprise et de la mise en marché de
ce produit, pour et au nom d'une protection adéquate des citoyens,
évidemment.
Certaines entreprises ont des permis, j'en ai traité tout
à l'heure. Le ministre de l'Agriculture a le droit de signifier le
retrait du permis parce qu'il a le pouvoir de le délivrer, donc il a le
pouvoir de le retirer. Sauf que, dans le cas d'un retrait de permis, toute
entreprise a le droit fondamental, en vertu de nos lois - si ma mémoire
est fidèle, c'est à l'article 33 du Code de procédure
civile - de demander une révision de cette décision et de
requérir une injonction. Et, là, on est en suspens et
l'entreprise peut continuer jusqu'à ce que le fond de la question soit
jugé. Alors, avec les dispositions prévues à l'article
33.10, le ministre aura le droit d'ordonner une fermeture, pour une
période de quinze jours. Comme je l'ai indiqué tout à
l'heure et comme on l'a vu dans les cas de la Communauté urbaine de
Québec et de celle de Montréal, le simple fait, pour certaines
entreprises qui ont un permis, entre autres, de savoir que l'autorité en
semblable matière a le droit de leur retirer ce permis, c'est
déjà un facteur de sensibilisation assez élevé.
Autre élément. Mes adjoints m'indiquent qu'on a 44 000
établissements de détail où circulent des produits
alimentaires sans permis. Un exemple concret. Même si on entrait dans un
restaurant où des produits vendus afin d'être consommés par
des citoyens et des citoyennes seraient susceptibles d'affecter leur vie ou
leur santé, qu'est-ce qu'on pourrait faire? Avec les pouvoirs
prévus ici, le ministre aura un pouvoir d'ordonnance de quinze jours. Ce
pouvoir sera utilisé évidemment avec beaucoup de justice.
Judicieux comme nous le sommes au ministère et au ministère de la
Justice aussi, il ne faut pas s'inquiéter. Je voudrais me faire
sécurisant. Je sais que je ne sécuriserai peut-être pas
complètement le député de Lévis, mais je vais me
faire sécurisant pour lui. Il devrait très certainement
comprendre, après avoir été ministre pendant neuf ans,
qu'on n'abusera pas de ce pouvoir, cela va de soi. C'est dans le sens de la
préoccupation qui m'anime de bien protéger nos consommateurs et
nos consommatrices...
Depuis que je suis ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, j'ai vu des cas où, entre autres, la vie des enfants et
des personnes âgées aurait pu être en danger; il s'agit de
cas de salmonelle déclarés dans les hôpitaux. Il ne faut
pas que cela se reproduise, autant que faire se peut, et qu'on ait le
véritable pouvoir de fermer de telles entreprises. J'ai
été à même de le constater l'année
dernière - et vous l'avez vécu pendant neuf ans - les pouvoirs
habilitants, en vertu de la loi, ne permettaient pas au ministre de fermer une
entreprise. Et, avec ce pouvoir, les gens qui, malheureusement, le font sur une
base isolée, j'en conviens, et pour qui le profit est plus important que
la santé, vont y penser deux et trois fois avant de continuer.
Le Président (M. Houde): Merci, M. le ministre. La parole
est au député de Lévis.
M. Garon: Je ne comprends pas encore l'argument qu'apporte le
ministre. S'il va devant un juge...
M. Pagé: On ne s'entendra pas, c'est certain.
M. Garon: ...pour retirer un permis parce qu'une entreprise ne
satisfait plus aux normes du permis, cette entreprise ne pourra pas garder son
permis. Il faut faire la distinction entre le permis et les produits.
M. Pagé: C'est ce que je fais.
M. Garon: Non, vous ne faites pas cela.
M. Pagé: Bien oui, M. le député! Voyons
donc!
M. Garon: Là, le juge va ordonner le retrait de son permis
à quelqu'un qui l'avait. Sauf que, si les normes pour l'obtention du
permis sont respectées, la personne a le droit d'avoir son permis. Si
les normes de construction ou de qualité des lieux correspondent aux
lois et au règlement, la personne conservera son permis. Si elles ne
correspondent pas, le retrait du permis demeurera. Cela, c'est une chose.
L'autre chose, c'est si les produits sont bons ou non. À mon
avis, on ne peut pas retirer un permis à cause de produits qui ne sont
pas bons alors que les conditions pour avoir le permis sont remplies. Je pense
qu'il faut faire la distinction entre les permis et les produits. Si les
produits ne sont pas bons, en tout temps, le ministre et l'inspecteur ont le
droit de saisir les produits. Aucun juge n'ordonnera de remettre les produits
en circulation s'ils ne sont pas bons. Ils ont été saisis. Les
pouvoirs de saisie sont assez considérables dans la Loi sur les produits
agricoles, les produits marins et les aliments. Mais je crains qu'avec ces
pouvoirs généralisés de fermer les usines... On dit:
"L'ordonnance doit contenir l'énoncé des
motifs du ministre". Ce ne sera pas le ministre ce sera l'inspecteur qui
décidera, là. "Référer à tout
procès-verbal, rapport d'analyse ou d'étude...
M. Pagé: C'est une ordonnance signée par le
ministre.
M. Garon: ...ou autre"... Oui, mais le ministre...
M. Pagé: Le ministre est tributaire devant des
députés. Il a à répondre de ses gestes, de ses
actions.
M. Garon: Non. M. Pagé: Oui.
M. Garon: On parle du ministre, mais ce sont ses fonctionnaires
qui vont agir ensuite.
M. Pagé: Oui, mais c'est le ministre qui signe
l'ordonnance.
M. Garon: Pas nécessairement. M. Pagé:
Oui.
M. Garon: Pas nécessairement parce que, dans d'autres
dispositions, on dit: Le ministre signe le permis et tout cela, mais en vertu
des délégations de...
M. Pagé: Les permis sont signés par moi.
M. Garon: Pardon?
M. Pagé: Les permis sont signés par le
ministre.
M. Garon: Pas obligatoirement. C'est parce que le ministre veut
les signer. Moi, je voulais les signer...
M. Pagé: Bien, moi aussi.
M. Garon: ...pour voir ce qui se passait, pour voir...
M. Pagé: C'est cela. Je signe tous...
M. Garon: ...quelles sont les entreprises...
M. Pagé: ...les permis moi-même... M. Garon:
...et pour voir des choses...
M. Pagé: ...même les permis
d'inséminateur.
M. Garon: ...mais, ce n'était pas obligatoire. Les permis
auraient pu être délivrés par M. Ducharme, par exemple,
sans que... Il y a même des permis que je considérais qu'il
n'était pas utile que je les voie parce que c'était un secteur
qui fonctionnait correctement. Il n'y avait pas de raison particulière
pour le ministre de signer lui-même les permis.
M. Pagé: Je les signe tous.
M. Garon: Par exemple, dans la Loi sur les transports, on dit que
le ministre délivre des permis. Mais, s'il fallait que le ministre signe
tous les permis d'immatriculation, dans le domaine des transports, il passerait
son temps à faire cela. Et, encore là, il n'aurait pas assez de
24 heures dans une journée. À ce moment-là... Je
vérifiais justement s'il y avait une signature.
M. Pagé: Le ministre de l'Éducation ne signe pas
tous les diplômes. Mais le ministre de l'Agriculture signe tous les
permis.
M. Garon: Même pour le ministre de l'Éducation, il y
a des choses à signer en ce qui concerne les diplômes, les
permis...
M. Pagé: M. le Président, pour le bénéfice
du Journal des débats, le député de
Lévis est en train de voir s'il a encore ses permis et qui les a
signés.
M. Garon: Je les ai tous. Je viens de les recevoir. Je ne
comprends pas trop que le ministre... Ces pouvoirs seront administrés
par des fonctionnaires...
M. Pagé: Vous ne faites pas confiance aux fonctionnaires?
Le député de Lévis ne fait-il pas confiance aux
fonctionnaires, à ces femmes et à ces hommes qui ont
travaillé pendant neuf ans...
M. Garon: Je pense que, dans toute chose, le ministre...
M. Pagé: ...pour l'épauler alors qu'il était
ministre?
M. Garon: ...qui a des centaines d'employés, doit rester
assez circonspect pour ne pas que tout le monde ait la bride sur le cou. Il est
responsable de l'administration de son ministère. Je me rappelle,
déjà... Je vais vous raconter une expérience.
M. Pagé: ...à bride abattue? M. Garon: Non. M.
Pagé: Non?
M. Garon: Je me rappelle qu'un service du ministère avait
dit que telle et telle
entreprises devaient avoir des permis. J'ai dit: C'est parfait! On va y
aller ensemble, on va aller voir cela avec les cadres supérieurs, on va
apporter les permis et vous me direz sur les lieux...
M. Pagé: On va "checker" cela.
M. Garon: ...si on devrait donner les permis que vos
fonctionnaires qui les émettent considéraient qu'ils devaient
être émis. On avait trois permis et on est revenu avec deux. On
s'est rendu compte, à ce moment-là, qu'il y avait des gens qui
n'appliquaient pas la loi comme elle devait l'être. Il faut que le
ministre aille surveiller cela lui-même, de temps en temps.
M. Pagé: Certainement.
M. Garon: Et il faut que les sous-ministres aillent surveiller
parce que...
M. Pagé: Certainement, mais ne me critiquez pas parce que
je suis absent à la période de questions, à ce
moment-là.
M. Garon: Oui, mais il n'est pas nécessaire de faire cela
au moment de la période de questions. Il y a bien des moments pour le
faire. Il faut surveiller. Il faut aussi voir si, au niveau des fonctionnaires,
on sert des exigences qui n'ont pas de bon sens.
M. Pagé: Comme...
M. Garon: Je vais vous donner un exemple. Je me rappelle avoir
visité une usine dont le propriétaire était vraiment
fâché contre notre fonctionnaire et je pense qu'il avait raison.
Il devait y avoir un regard au fond de l'usine - vous savez, un regard pour
faire écouler les eaux. Je ne nommerai pas l'entreprise. La
première fois que le fonctionnaire est venu, apparemment - le
propriétaire de l'entreprise m'avait raconté -il disait que le
regard, la plaque de métal qui devait être là pour que les
eaux s'écoulent, devait avoir des petits trous ronds.
M. Pagé: Les petits trous étaient
carrés?
M. Garon: Des petits trous ronds. Il est arrivé avec sa
plaque avec des petits trous ronds et le fonctionnaire, apparemment - à
ce qu'on m'a dit - a dit: Cela ne prend pas des trous ronds, cela prend des
trous carrés. Quand il en a eu des carrés, il a dit: Cela ne
prend des ronds ni des carrés, cela prend des...
Une voix: Linéaires.
M. Garon: ...linéaires. Vous savez, c'est rectangulaire.
C'est une plaque de métal ronde avec des espaces libres en travers pour
laisser écouler les eaux. Il m'a dit: Je vais vous le dire bien
franchement, je l'ai mis dehors et je vous ai invité pour venir voir ce
qui se passait.
Une voix: Et vous, vous a-t-il mis dehors?
M. Garon: J'ai dit au sous-ministre de regarder cela. Je trouvais
curieux...
M. Pagé: C'était exagéré.
M. Garon: ...qu'un fonctionnaire fasse cela. Ce n'était
peut-être pas un cas isolé. C'était peut-être
quelqu'un qui faisait cela pour d'autres motifs. Je pense qu'il est bon que les
gens puissent avoir aussi...
M. Pagé: Bien sûr.
M. Garon: ...des façons de vérifier si, dans leurs
fonctions, ceux qui font l'inspection se comportent correctement. Il faut
vérifier cela...
M. Pagé: C'est cela.
M. Garon: ...parce que les inspecteurs ont des pouvoirs
considérables. Ils ont des pouvoirs tellement considérables que
je pense que chaque entreprise peut craindre l'inspecteur, et avec raison et
l'entreprise devient terriblement dépendante de l'inspecteur. Il y a des
gens qui peuvent ne pas être d'accord sur certaines choses et je pense
qu'il faut que ce soit administré correctement. (12 h 30)
Maintenant, si on fait des ordonnances et si on donne des pouvoirs
exorbitants à l'administration courante du ministère dans des
lois, je pense que les fonctionnaires vont s'en servir. Une entreprise, devant
ces pouvoirs qui peuvent être exorbitants, alors que la loi, à mon
avis, permet de respecter les objectifs qui sont visés par la loi
actuelle, il me semble qu'il n'est pas nécessaire ici de donner des
pouvoirs exorbitants pour le faire.
C'est pourquoi nous avons voté contre ce projet de loi parce que
nous pensons qu'il s'agit de pouvoirs exorbitants qu'il n'est pas
nécessaire d'avoir pour appliquer la loi quant aux permis et la
qualité des produits qui sont deux choses différentes.
Le Président (M. Houde): Donc, le projet de loi 134 est
adopté sur division.
Une voix: Non, l'article 2 avant.
Le Président (M. Houde): L'article 2?
M. Garon: Maintenant, j'aimerais voir ce que le ministre va
faire, par exemple, dans des endroits de préparation d'aliments qui font
office de restauration, qui font la restauration, dans les grands
hôpitaux, par exemple. Vous avez déjà lu des
articles de journaux sur de grands hôpitaux où on avait perdu le
contrôle. Les fonctionnaires du ministère sont allés, ils
ont dit: Cette nourriture ne peut pas être servie. Par ailleurs, on
travaillait avec ces gens pour que tout cela soit contrôlé. Est-ce
qu'il aurait fallu fermer l'hôpital? On sait que les hôpitaux, par
exemple, sont des foyers, des lieux où la maladie ou les
bactéries se dissimulent et que ce sont des endroits où il faut
être plus sévère qu'ailleurs.
Je pense que le remède c'est de faire en sorte que les gens ne
puissent pas consommer des aliments impropres. Les techniciens du
ministère qui ne sont pas inspecteurs - ce ne sont pas les mêmes
-travaillent avec ces gens-là pour qu'ils puissent reprendre le
contrôle de la production alimentaire. Les bactéries, cela ne se
contrôle pas comme les employés qui ont une convention collective
avec des règles à respecter; les bactéries ne demandent
pas la permission pour se promener. À ce moment-là, le service
technique du ministère vient prendre la relève pour aider ces
entreprises à se conformer pour faire des produits qui respectent les
normes de qualité. Mais, l'inspecteur qui est en dehors de tout cela,
continue à faire son travail pour que les gens ne consomment pas ces
produits.
Alors, je pense qu'il faut faire des distinctions dans tout cela. Ma
crainte, c'est que ce projet de loi, qui donne des pouvoirs exorbitants, vienne
créer des problèmes beaucoup plus qu'il va en régler,
puisqu'on aura moins besoin de faire sa démonstration lorsqu'on voudra
contrôler la qualité des aliments, à cause de ces pouvoirs
exorbitants.
Le Président (M. Houde)s Donc, l'article 1 est
adopté sur division. J'appelle l'article 2.
Une voix: Ah! Vous avez fini. Est-ce que l'article 2 est
adopté?
Le Président (M. Houde): L'article 2 est
adopté?
M. Garon: Si vous voulez, sur division. L'article 2 met en
vigueur l'article 1.
Le Président (M. Houde): Je remercie... Le titre du projet
de loi, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et
les aliments est adopté. Le titre est adopté...
Une voix: À l'unanimité.
Le Président (M. Houde): ...à l'unanimité.
Il n'y a pas de problème. L'ensemble de son projet de loi?
M. Garon: Sur division.
Le Président (M. Houde): Sur division. L'ensemble du
projet de loi amendé est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Houde): Donc, l'ensemble du projet de loi
tel amendé est adopté sur division. Je remercie M. le ministre et
les députés et le personnel qui ont procédé
à l'étude du projet de loi et j'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 40)