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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Tuesday, October 26, 1982 - Vol. 26 N° 185

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes au sujet des terres expropriées en trop de Mirabel


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunit ce matin aux fins d'entendre les personnes et les organismes sur la question des terres expropriées en trop de Mirabel.

Les membres de la commission sont les suivants: MM. Baril (Arthabaska), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Beauséjour (Iberville), Dubois (Huntingdon), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gagnon (Champlain), Garon (Lévis), Houde (Berthier), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Mathieu (Beauce-Sud) et Picotte (Maskinongé).

Peuvent aussi intervenir MM. Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Dean (Prévost), Lachance (Bellechasse), Fallu (Groulx), Levesque (Bonaventure), Mailloux (Charlevoix), Vaillancourt (Orford), Vallières (Richmond).

Est-ce qu'il y a des modifications, M. le député de Beauce-Sud?

M. Mathieu: Oui, M. le Président. Si vous voulez remplacer le nom de M. Dubois, qui est à l'extérieur du pays, par celui de M. Ryan comme membre de la commission.

Le Président (M. Rochefort): M. Ryan (Argenteuil) remplace M. Dubois (Huntingdon) à titre de membre.

M. Mathieu: M. Vaillancourt (Orford), comme intervenant, remplacé par M. Paradis (Brome-Missisquoi).

Le Président (M. Rochefort): M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplace M. Vaillancourt (Orford) à titre d'intervenant.

M. Mathieu: M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais mentionner que ce sera le député d'Argenteuil, M. Claude Ryan, qui sera le porte-parole officiel du Parti libéral pour les fins de cette commission.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Est-ce que les membres de la commission voudraient nommer un rapporteur?

M. Picotte: Le député de Saint-Hyacinthe.

Le Président (M. Rochefort): Le député de Saint-Hyacinthe est proposé pour agir comme rapporteur de la commission. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Avant que nous amorcions nos travaux, j'aimerais informer les gens qui sont dans l'assistance que la salle 91-A sera ouverte dans les minutes qui vont venir pour vous permettre de vous y installer et de suivre nos travaux, au moins sur bande sonore. Je ne sais pas s'il y aura moyen de les télédiffuser en circuit fermé. Non, il n'y a pas d'installation pour ça? Alors, vous pourrez au moins entendre les débats de la commission à la salle 91-A.

Pour l'exposé d'ouverture, M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, mes collègues me permettront sans doute une très brève entrée en matière afin d'expliquer les motifs de la tenue de cette commission parlementaire sur les terres expropriées en trop de Mirabel. Il y a un peu plus de treize ans, tout le monde se rappelle que le Québec a assisté à une nouvelle déportation des Acadiens, à un grand dérangement provoqué par des gens en mal de projets mirobolants qui grugent des dizaines de milliers d'acres. C'était l'époque de la grande prospérité, alors qu'on se surpassait à imaginer les plus beaux, les plus grands, les plus coûteux projets afin d'en justifier plus facilement les déboursés.

Hier, je lisais, justement, un article sur ces aéroports, "the comfortable waste lands", de M. Benjamin Higgins, économiste qui a eu à faire un rapport sur le sujet. Il disait: On m'a demandé où il devait être; on aurait peut-être pu me demander si on en avait besoin. On ne me l'a pas demandé. J'ai assumé qu'on en avait besoin et je suis parti de là. Peut-être que la véritable question aurait dû être: Est-ce qu'on avait besoin de l'aéroport de Mirabel? Il dit: Mon étude a porté sur le fait qu'ils en voulaient un et à quelle place il serait le mieux situé s'ils en voulaient un. On trouve cela dans ce

document que je pourrais peut-être passer à M. Ryan, si cela l'intéresse. M. Higgins était le vice-doyen du département de recherche des sciences sociales à l'Université d'Ottawa. Il dit cela lui-même.

Assis dans des officines, à Ottawa, sans se soucier du désastre humain qu'ils allaient provoquer, les politiciens décidaient froidement d'exproprier quatorze municipalités rurales dont la population atteignait près de 10 000 personnes. Ces gens vivaient heureux en exploitant leur ferme, leur commerce ou leur petite industrie. Non seulement ils étaient heureux, mais ils étaient fiers et dignes. D'un seul coup, on les a dépossédés pour faire place à une curieuse conception du progrès sans se soucier des préoccupations du gouvernement du Québec, encore moins de celles des municipalités et des gens qu'on allait déposséder.

On a exproprié 96 000 acres dont au moins 40 000 à 45 000 acres sont constituées de sol agricole à haut potentiel. Principalement à cause du faible niveau des compensations versées, un bon nombre d'expropriés de 1969 sont restés sur ce territoire, cette province fédérale, en espérant des jours meilleurs. Faisant preuve d'une remarquable solidarité, ils ont revendiqué, pour eux et les nouveaux venus, de meilleures conditions de vie. Animés par l'espoir de retrouver leur dignité et leur fierté expropriées avec leurs biens, ils ont demandé en vain de racheter leurs terres ou de les louer avec un bail emphytéotique.

En bons princes, les multiples administrations qui se sont succédé sur ce territoire, après avoir longtemps étudié, après avoir analysé les conclusions des études et après avoir dépensé près de 50 000 000 $ uniquement pour entretenir le domaine qui ne cesse de se détériorer - j'ai bien dit 50 000 000 $ uniquement pour entretenir le domaine - nos bons administrateurs fédéraux ont finalement débouché sur une demi-solution: la revente de 29 400 acres de sol. Au total 96 000 acres expropriées à des fins aéroportuaires, moins 29 400 acres qui doivent être bientôt mises en vente - je dis bien "qui doivent être" parce que j'ai, depuis six ans, appris souvent que le fédéral annonçait des choses qu'il ne faisait pas -cela veut dire qu'il resterait 66 600 acres conservées à des fins aéroportuaires. Jeudi dernier, mes collègues et moi avons visité cet immense domaine. Personnellement, j'ai eu l'impression que ce territoire exproprié était au moins dix fois trop grand.

Le mandat de la commission parlementaire consiste donc à entendre les personnes et groupes intéressés à se prononcer, premièrement, sur l'évaluation de l'impact sur l'agriculture québécoise à maintenir la propriété fédérale sur le territoire non compris dans la zone opérationnelle de l'aéroport; deuxièmement, sur l'opportunité de conserver à des fins aéroportuaires un territoire de 66 600 acres; troisièmement, sur les modalités d'une éventuelle rétrocession desdites terres et l'implication des différents niveaux de gouvernement dans cette opération; quatrièmement, sur le plan de relance agricole sur les terres normalisées en raison du dépérissement de l'agriculture depuis l'expropriation de 1969.

Quelque 43 groupes et individus ont soumis des mémoires et la plupart d'entre eux veulent être entendus. Néanmoins, je déplore qu'aucun organisme responsable de la gestion de ce territoire fédéral n'ait daigné soumettre de mémoire à cette commission parlementaire. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative de communiquer avec le ministre des Travaux publics du Canada, M. Roméo LeBlanc, à qui j'ai également transmis le télégramme suivant, en date du 22 octobre. "M. le ministre, pour faire suite à notre conversation téléphonique de mardi dernier, je reviens à la charge au nom de mes collègues de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour solliciter la participation des dirigeants de votre ministère, ainsi que de la Société immobilière du Canada (Mirabel) Ltée aux travaux de cette commission parlementaire. J'apprécierais personnellement que vos représentants viennent exposer, dans le cadre des travaux de la commission parlementaire, les tenants et aboutissants des programmes de rétrocession d'une partie des terres expropriées en trop de Mirabel et, plus particulièrement, le choix des sols qui seront mis en vente, les modalités de revente, les critères de sélection des éventuels acheteurs, les éléments liés à la fixation du prix de vente, le financement, la remise en état des exploitations agricoles. Je suis également persuadé que mes collègues de la commission parlementaire apprécieraient connaître l'usage que votre ministère entend réserver aux 66 600 acres de sol expropriées qui ne seront pas rétrocédées. Les travaux de la commission parlementaire débutent le 26 octobre. Je suis, néanmoins, persuadé que tous les membres accepteront d'accorder un délai d'une ou deux semaines afin de permettre au personnel de votre ministère ou de la Société immobilière du Canada de préparer et de transmettre leur mémoire au secrétariat des commissions parlementaires, à l'Assemblée nationale du Québec. Une copie du présent télégramme sera déposée le 26 octobre à la commission parlementaire." C'est signé Jean Garon.

J'ai comparé l'expropriation de Mirabel à la déportation des Acadiens. Aujourd'hui, c'est précisément un Acadien, le ministre, Roméo LeBlanc, qui peut recommander au cabinet Trudeau des solutions heureuses afin

de mettre un terme au drame des gens de Mirabel qui ont été dépossédés. Durant les prochains jours, nous tenterons ensemble de mieux comprendre la position des parties dans cet épineux dossier et de tirer les conclusions qui s'imposent.

Je ne voudrais pas parler plus longuement, M. le Président; simplement, je vous ferais remarquer que derrière vous il y a une carte qui représente le territoire. On retrouve sur la carte le cadre des 96 000 acres qui ont été expropriées avec un peu de territoire autour. Il y a également la zone aéroportuaire proprement dite - je peux peut-être l'indiquer - qui couvre 5200 acres, comprenant l'aéroport lui-même et un espace à peu près trois fois plus grand que l'aéroport, avec des bâtiments accessoires, l'hôtel, etc., qui sont dans la zone orange. Autour, ce qui est un peu hachuré, c'est ce que certains appellent la phase II et qui, je pense bien, est reportée sine die. C'était au cas où les 60 000 000 de visiteurs seraient arrivés beaucoup plus vite que cela avait été prévu. J'ai l'impression que c'est reporté pour un certain temps. Ensuite, vous retrouvez, aux extrémités, les zones jaunes ici et là, qui se trouvent plutôt à gauche de la carte; c'est la partie que veut rétrocéder, à un moment donné, le gouvernement fédéral, en tout cas qu'il a annoncé qu'il rétrocéderait, et qui couvre 29 000 acres.

Quand les gens vont parler de leurs problèmes particuliers, il sera assez facile pour les gens du ministère qui sont ici de localiser l'endroit, par rapport à l'ensemble du territoire, pour qu'on puisse visualiser concrètement où cela se trouve. Ce fut le but de la tournée qui a été faite sur le territoire, jeudi dernier par l'ensemble des membres de la commission, pour que les gens aient une meilleure idée du territoire lui-même. Je sais que la plupart des députés des deux partis sont venus faire le tour du territoire pour avoir une meilleure idée des lieux. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de participer aux travaux de cette commission parlementaire, d'abord à titre de député du comté d'Argenteuil dont fait partie, depuis 1981, le territoire qui fera l'objet de nos délibérations. Jusqu'à 1981, comme vous le savez, le territoire de Mirabel faisait partie du comté de Deux-Montagnes. Le gouvernement avait apparemment conclu à l'époque que ça prendrait un député à l'esprit indépendant pour représenter cette partie de territoire et il l'a soustraite à la compétence du député de Deux-Montagnes pour la confier au député d'Argenteuil qui en était très fier.

M. de Bellefeuille: M. le Président, le député d'Argenteuil me permettra peut-être de lui signaler que ce n'est pas le gouvernement, mais bien une commission autonome, indépendante du gouvernement, qui prend ce genre de décision. S'il n'en avait tenu qu'à moi et au gouvernement, j'aurais conservé dans mon comté le beau territoire de Mirabel. (10 h 30)

M. Ryan: Sans commentaires pour le reste. À titre de porte-parole de l'Opposition dans ce dossier, il me fait doublement plaisir de participer aux travaux dès le début de nos délibérations. En ma qualité de député d'Argenteuil, je me rends compte tous les jours du caractère anormal de la situation dans laquelle vivent les citoyens et les responsables de la ville de Mirabel par suite des conditions juridiques, économiques et sociales créées par l'expropriation de 1969 afin de favoriser l'implantation d'un aéroport international dans la région.

Ainsi que le souligneront devant cette commission les autorités de la ville de Mirabel, les deux tiers du territoire de cette ville appartiennent à un même propriétaire, le gouvernement fédéral. Dans les villages qui font partie du territoire exproprié, toutes les propriétés, y compris les églises et les presbytères, appartiennent à ce propriétaire unique. Dans la partie agricole du territoire exproprié, toutes les fermes sont, de même, la propriété du gouvernement fédéral.

Ce ne sont pas les intentions du gouvernement responsable de cette situation qui sont en cause, c'est la nature même du régime imposé à la ville de Mirabel et à ses citoyens par suite de l'expropriation de 1969. De l'avis général, cette expropriation fut trop large pour les besoins réels de l'aéroport. Le régime qui en a découlé a rendu impossible le développement normal de la vie professionnelle, économique, sociale et politique que l'on observe partout ailleurs sur le territoire québécois. Cultivateurs, résidents des villages, commerçants, administrateurs municipaux, tout ce monde évolue depuis des années dans un univers de dépendance qui peut avoir des côtés matériels avantageux pour certains, mais qui n'en est pas moins anormal et exceptionnel en soi.

Aussi longtemps qu'il subsistait une atmosphère d'imprécision et, je dirais, d'espoir quant à l'avenir de l'aéroport même, il restait difficile d'envisager des orientations permanentes pour le territoire périphérique. Mais depuis les décisions rendues publiques, il y a quelques semaines, par le ministre fédéral des Transports, M. Jean-Luc Pepin, on sait à quoi s'en tenir au sujet de la vocation de l'aéroport pour l'avenir prévisible, c'est-à-dire vraisemblablement d'ici la fin du siècle et probablement au-delà

même de l'an 2000. Cette vocation sera beaucoup plus réduite qu'on ne l'avait prévu. En conséquence, tout ce qui regarde le territoire périphérique de Mirabel doit être vu dans une perspective réduite par rapport aux visées qu'on annonçait il y a treize ans.

Dans le contexte nouveau où nous sommes aujourd'hui, je voudrais signaler quelques principes directeurs qui devraient nous guider, à mon sens, dans l'examen du dossier de Mirabel. Il importe, d'abord, de définir une fois pour toutes avec réalisme et précision les besoins véritables du gouvernement fédéral pour les fins de l'aéroport lui-même. Il importe de définir ces besoins à l'aide des meilleures normes disponibles, c'est-à-dire de celles que l'on observe ailleurs. Entre les estimations du gouvernement fédéral et celles du gouvernement québécois à ce sujet, il existe très probablement un écart important. Il faut disposer en premier lieu de cette question afin de voir ensuite clair dans le reste.

Je souhaite que les représentants du gouvernement québécois qui témoigneront devant cette commission apportent à ce sujet toutes les précisions désirables. Je souhaite aussi que l'on puisse disposer de la version du premier intéressé, le gouvernement fédéral. À la lumière des données disponibles pour d'autres aéroports, le fardeau de la preuve repose en premier lieu, dans ce dossier, sur le gouvernement fédéral. Pour les fins de l'aéroport de Mirabel, le gouvernement fédéral a exproprié un territoire beaucoup plus grand que n'importe où ailleurs dans le monde. Il incombe à ce gouvernement de dire pourquoi il a agi ainsi et surtout pourquoi il pourrait vouloir aujourd'hui que les effets de son action expropriatrice de 1969 se prolongent dans l'avenir.

Une fois vidée la question des besoins proprement aéroportuaires, une seconde question se pose: Quel gouvernement doit avoir la responsabilité première du développement du territoire situé en périphérie du territoire aéroportuaire proprement dit? Depuis l'expropriation de 1969, cette responsabilité a été assumée par le gouvernement fédéral. Or, selon l'ordre constitutionnel canadien, la responsabilité première en ce qui touche l'aménagement et le développement de leur territoire incombe aux provinces. L'aménagement et le développement du territoire impliquent une foule de décisions quotidiennes touchant l'exploitation des ressources naturelles, le développement de l'agriculture, l'habitat, la propriété du sol, le commerce et l'industrie, les services de toutes sortes, les institutions scolaires, sociales, municipales, culturelles et politiques. La plupart de ces décisions, suivant l'ordre constitutionnel canadien, reviennent à l'autorité provinciale ou à des corps politiques relevant de cette dernière comme les municipalités et les commissions scolaires, aussi longtemps qu'on en permet l'existence. On a un petit répit de six mois.

Nous entendons donc, M. le Président, demander à l'occasion de la présente commission parlementaire que le gouvernement du Québec retrouve dans les meilleurs délais la responsabilité première du développement du territoire périphérique de Mirabel. Ce faisant, nous ne demandons rien de spécial ni d'exorbitant. Nous demandons simplement le retour à la normalité constitutionnelle. Vu toute l'histoire des treize dernières années et les situations concrètes dont il faudra tenir compte, il ne saurait être question, à notre sens, d'exiger le départ immédiat et total de toute présence fédérale sur le territoire périphérique de Mirabel. L'organisme qui représente maintenant le gouvernement fédéral dans le territoire, la Société immobilière du Canada, s'est impliqué dans bon nombre de programmes et de mesures depuis deux ans. Il n'est pas question que tout cela cesse brutalement, du jour au lendemain. On doit, cependant, entrevoir le jour où l'on reviendra à la normale. Il faut engager, dès maintenant, des négociations qui permettront aux deux gouvernements d'agir en collaboration afin que le transfert de responsabilités se fasse dans les meilleures conditions.

Quatrièmement, la vocation agricole du territoire périphérique, comme ont pu s'en rendre compte les membres de la commission qui ont participé à la visite de jeudi dernier et comme l'a déjà confirmé la Commission de protection du territoire agricole, ne saurait faire de doute. Cette vocation était un titre de gloire de la région avant l'expropriation. Elle doit être conservée, restaurée là où elle a été brisée, et renforcée à l'avenir.

Cinquièmement, dans la perspective du rétablissement de la compétence normale du gouvernement du Québec sur le territoire périphérique, il faut établir clairement que le retour à l'exploitation agricole privée de type familial est hautement prioritaire et que le retour au régime de la propriété privée est une condition essentielle à cette fin. Par conséquent, tout programme de rétrocession des terres agricoles acquises en trop lors de l'expropriation doit être conçu en fonction d'une nette priorité devant être accordée à la revente en vue du retour à la propriété privée de type familial.

Sixièmement, les conditions devant présider au transfert de propriétés devraient faire l'objet de négociations loyales et franches entre le propriétaire actuel, c'est-à-dire le gouvernement fédéral et son mandataire, la Société immobilière du Canada, et les représentants autorisés des producteurs agricoles intéressés. Le prix des propriétés, l'ordre de priorités dans la

sélection des acquéreurs éventuels, les modalités de paiement, autant de questions qui soulèvent des difficultés sérieuses. Avant de les trancher unilatéralement, le propriétaire actuel aurait avantage à s'asseoir à une table de négociation avec les représentants dûment mandatés des intéressés. La possibilité d'une implication du gouvernement québécois dans cette opération, par exemple, par le truchement de la banque de terres du gouvernement, devrait également être examinée.

Septièmement, dans les villages, le programme de revente des résidences et des commerces, annoncé il y a quelques mois par le gouvernement fédéral, doit se réaliser dans les meilleurs délais compatibles avec les intérêts légitimes des occupants actuels. Une collaboration étroite devrait se créer à cette fin entre les trois ordres de gouvernement et les représentants des éléments intéressés.

Huitièmement, dans la partie agricole du territoire, les querelles entre Québec et Ottawa ont entraîné des retards regrettables en ce qui touche les équipements collectifs et individuels. Le gouvernement du Québec a institué cette année un programme de rattrapage en ce qui touche le nettoyage et le creusage des cours d'eau, mais il a fait perdre des sommes considérables aux agriculteurs en les privant, pendant deux ans, de subventions auxquelles ils auraient du normalement avoir accès pour fins de drainage, de construction de silos et de travaux mécanisés. Le gouvernement devra indiquer ce qu'il est prêt à faire pour corriger cette situation, y compris les mesures à effet rétroactif que cela pourrait comporter. Il devra même aller plus loin et mettre au point tout un programme de relance de l'agriculture dans la région de Mirabel.

Neuvièmement, il faut, enfin, viser à ce que, dans les meilleurs délais, la vie municipale et communautaire puisse se développer dans les conditions de prise en main de leur destin par les citoyens eux-mêmes que l'on retrouve partout ailleurs au Québec. Mirabel vit présentement sur un fond de malentendu et d'ambiguïté qui complique les rapports entre tout le monde et risque à tout bout de champ d'engendrer des méfiances, des querelles et des conflits dont on devrait faire l'économie. Cet arrière-plan malsain tient, premièrement, à la situation équivoque qu'a créée, depuis treize ans, la présence écrasante du gouvernement fédéral dans le paysage de Mirabel. En disant ceci, je ne mets aucunement en cause les intentions et la bonne foi de ceux, hommes et femmes politiques, fonctionnaires, administrateurs, qui ont représenté ou représentent encore l'autorité fédérale sur le territoire. Je signale une situation objective qui va bien au-delà des personnes et se relie au type même de vie et de société politique que nous voulons nous donner.

Enfin, parce que des décisions importantes devant affecter l'avenir à long terme ne sauraient tarder à Mirabel, il me semble impérieux et urgent que des négociations au plus haut niveau aient lieu dans les meilleurs délais entre les gouvernements fédéral et québécois, afin d'examiner toutes les questions se rattachant à l'avenir du territoire périphérique.

En exprimant le voeu que la région périphérique de Mirabel retrouve une vocation normale, je suis sûr d'énoncer la volonté de la grande majorité des citoyens de Mirabel et d'Argenteuil. Comme leurs concitoyens des autres régions du Québec, les citoyens de Mirabel ne demandent rien d'autre que de pouvoir poursuivre avec dynamisme leur vie professionnelle, économique, sociale et politique dans le cadre institutionnel qu'ils ont connu naguère et dont ils conservent non seulement le souvenir, mais le goût. Il incombe aux deux ordres de gouvernement concernés de faire en sorte que le bien de ces citoyens et l'esprit de notre constitution leur servent d'inspiration et de guide dans les programmes qu'ils devront mettre au point afin d'asssurer la relance non seulement économique, mais aussi humaine, sociale et politique de la région périphérique de Mirabel.

Je voudrais signaler en terminant que, dans ce dossier comme dans tant d'autres, nous sommes encore fort loin de l'idéal d'accès à l'information défini dans la loi adoptée en décembre dernier. Les gouvernements aiment adopter des lois qui leur donnent une allure généreuse et ouverte, mais, règle générale, ils ne sont pas aussi empressés de les appliquer. En préparation des travaux de cette commission, j'écrivais au premier ministre du Québec, le 6 octobre dernier, pour lui demander de me fournir copie de toute correspondance ou documentation échangées depuis le 15 novembre 1976 entre son gouvernement et le gouvernement fédéral concernant Mirabel; copie de tous rapports d'études ou de recherches faits par le gouvernement en relation avec Mirabel depuis novembre 1976; copie de tous arrêtés en conseil, décisions ou mesures administratives adoptés par le gouvernement depuis novembre 1976 concernant Mirabel et, enfin, une liste des subventions versées depuis novembre 1976 par le gouvernement à la ville de Mirabel ou à des citoyens ou organismes de la région de Mirabel.

Or, la documentation qu'on m'a fournie ces jours derniers en réponse à ma requête est nettement insuffisante. Sur la base de cette seule documentation, il aurait été impossible à quiconque de préparer sérieusement les travaux de cette commission. M. le ministre m'annonçait

tantôt qu'on doit compléter cette documentation par d'autres pièces qui seront transmises aujourd'hui. Nous en prendrons connaissance avec intérêt, mais vous comprendrez qu'on ne pourra pas lire cette documentation et écouter des témoins en même temps. (10 h 45)

Je m'étais également adressé à la Société immobilière du Canada, c'est-à-dire à l'organisme qui représente le gouvernement fédéral dans le territoire périphérique de Mirabel, afin d'obtenir de cette source une documentation pertinente. Encore ici, la documentation obtenue reste bien en deçà de ce que les citoyens sont en droit d'exiger et, surtout, de ce que laissent supposer les professions de bonnes intentions du personnel politique. Faute d'informations objectives et complètes, nous nageons encore, par conséquent, dans l'imprécision au sujet de plusieurs aspects importants du dossier. Si le gouvernement veut agir consciencieusement, il devra veiller à compléter d'abord sa propre information et la nôtre avant de nous engager trop avant. L'histoire de Mirabel regorge, en effet, d'épisodes où des coûts élevés auraient pu être évités si on avait d'abord pris soin d'étudier à fond le dossier avant de se lancer dans des actions inconsidérées.

Je remercie, en terminant, les nombreux citoyens et organismes de la région de Mirabel qui sont venus se joindre à nous ce matin. Je salue également ceux qui les suivront demain et le mois prochain. Je leur donne l'assurance qu'ils trouveront, du côté de l'Opposition, un accueil respectueux, attentif et compréhensif. Par-delà toute partisanerie stérile et vaine, j'espère que nous saurons chercher ensemble les orientations et les solutions les plus aptes à servir les intérêts légitimes de la population de Mirabel et le bien commun de tout le Québec.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre, vous avez demandé la parole.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, pour les documents que demandait le chef de l'Opposition, évidemment, la demande étant un peu tardive, l'envoi est un peu tardif aussi. C'est parce que cette caisse-là est arrivée à vos bureaux, apparemment, ce matin, à 10 heures et vous étiez rendus ici. Vous allez avoir une caisse de documents. Il a fallu rapailler des documents de différents ministères, ce qui a pris quelques jours. J'ai eu votre demande seulement au début de la semaine dernière. Alors, avant que ce soit rapaillé des différents ministères, cela a pris quelques jours et vous avez eu cela ce matin.

Concernant les paiements, le député d'Argenteuil mentionnait que nous avions interrompu les paiements temporairement relativement aux programmes qui s'appliquaient dans l'ensemble du Québec. Je peux vous donner, par exemple, copie d'un chèque. Il peut y en avoir d'autres, mais je pense qu'un seul va pouvoir faire la démonstration suffisante. La Société immobilière du Canada endossait les chèques du gouvernement du Québec et les déposait dans son compte. C'est un peu délicat quand un gouvernement a des politiques pour l'agriculture familiale et que la Société immobilière du Canada endosse les chèques. Comme vous le voyez ici, c'est un chèque de 17 000 $ à M. Ernest Chaumont, 39 Trait Carré, Sainte-Anne-des-Plaines, comté de Terrebonne. C'est endossé "pour dépôt seulement au crédit de la Société immobilière du Canada". Est-ce que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec et le gouvernement du Québec doivent subven-tionnner la Société immobilière du Canada qui, ensuite, va augmenter les loyers des agriculteurs parce que des travaux ont été faits sur les terres des agriculteurs de Mirabel? Vous pourrez sûrement entendre des témoignages dans les jours qui viennent. Il y avait une situation un peu incertaine. Je dépose donc le document, M. le Président. Il n'y a pas de dépôt de documents?

Le Président (M. Rochefort): II n'y a pas de dépôt de documents en commission, sauf que vous pouvez distribuer des documents pour information.

M. Garon: Ceux qui en veulent, je peux leur en donner des copies. Cela posait un problème et c'est un peu pour cette raison que nos programmes ont été arrêtés temporairement pour faire le point sur la situation.

Au cours de cette année, nous avons fait faire, comme vous l'avez souligné, un grand nombre de travaux de cours d'eau dans une perspective de relance de l'agriculture sur le territoire de Mirabel. Essentiellement, voici la situation qui prévalait. Les cultivateurs, dont les baux étaient d'une durée d'un an ou deux ans ou à très court terme, que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a rencontrés se demandaient: Est-ce qu'on doit faire des travaux à long terme sur des terres où il y a des baux à court terme? D'ailleurs, dans l'ensemble du territoire québécois, on exige des baux à long terme. On s'est demandé, comme locataire, si on devait faire des travaux sur une terre qui est louée pour un an ou pour deux ans. Cela peut être un minimum d'années de location. Ces questions-là ont dû être éclaircies pendant la période où on a suspendu l'application des

programmes sur un territoire où il y avait une situation particulière.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, vous avez indiqué, au début de nos travaux, que la salle 91 était également ouverte pour permettre à des gens d'aller, là-bas, entendre nos délibérations, mais sans image, le son seulement. Il me semble, M. le Président, que ce n'est pas tout à fait satisfaisant. Je vois ici, dans la salle de la commission, un grand nombre de personnes qui sont massées debout. Le parlement est la maison du peuple. Il faudrait, je crois, qu'il soit plus accueillant. Je me demande si vous ne pourriez pas, avec tout votre prestige de président, voir si nous ne pourrions pas avoir une promotion et passer, d'ici quelques heures, au salon rouge où il y aurait beaucoup plus de place pour recevoir les visiteurs.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de d'Argenteuil, sur la même question?

M. Ryan: Oui. J'appuie volontiers et entièrement la requête du député de Deux-Montagnes. Il me semble que ce serait une marque de respect pour ces citoyens qui sont venus d'assez loin et en grand nombre, qu'on puisse leur permettre de participer à nos travaux dans les conditions les plus propices possible. Si vous pouviez employer vos bons offices à chercher une solution plus satisfaisante que celle que vous annonciez tantôt, nous vous en serions très reconnaissants.

Le Président (M. Rochefort): MM. les membres de la commission, je partage votre point de vue. Je crois qu'il faut essayer de mettre en oeuvre toutes les mesures qui permettraient aux gens qui se sont déplacés ce matin pour venir assister à nos travaux de le faire le plus confortablement possible et le plus près de l'endroit où l'action se déroulera. Soyez assurés qu'on met immédiatement en marche des pressions pour tenter d'obtenir des locaux qui permettraient d'accueillir tous ceux et toutes celles qui se sont déplacés pour participer à nos travaux. Évidemment, on fera ce qu'il est possible de faire dans le contexte actuel, mais soyez certains qu'on va mettre toute l'énergie possible pour aller dans le sens des demandes du député de Deux-Montagnes et du député d'Argenteuil, qui représentent sûrement le point de vue de l'ensemble des membres de la commission. M. le ministre.

M. Garon: Je suis persuadé, M. le Président, qu'au-delà des paroles le parti d'Opposition et le parti ministériel sont tous deux d'accord, officiellement, pour avoir une promotion dans une salle plus grande et qu'ils en font tous deux la demande au président, à laquelle le président acquiescera facilement. Il faudrait, par ailleurs, que le Parti libéral et le Parti québécois vous demandent aussi que cette salle puisse être dévolue à la commission parlementaire de l'agriculture.

M. Ryan: Nous ferons, dès que nous aurons un moment de liberté, des représentations dans ce sens.

Une voix: Une motion?

M. Paradis: Une demande officielle de la commission au président de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Rochefort): J'avais compris cela comme une demande...

M. Paradis: Oui.

Le Président (M. Rochefort): officielle des membres de la commission, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Champlain, vouliez-vous intervenir sur la même question?

M. Gagnon: Oui, sur la même question. Compte tenu que vous ne pourrez pas régler le problème immédiatement - vous avez dit que vous entrepreniez des démarches - et comme je vois ici un certain nombre de sièges qui sont actuellement inoccupés, sans créer de précédent, voulez-vous au moins permettre à un certain nombre de personnes de venir s'asseoir? Je ne sais pas si c'est possible. En tout cas, je vous en fais la demande, en respectant le fait que vous ne voulez peut-être pas créer ce précédent.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Champlain, vous occupez le même fauteuil que moi à l'occasion et vous savez qu'il y a des directives formelles dans notre Assemblée quant à l'occupation des sièges qui sont à la gauche et à la droite du président. Je ne voudrais créer de précédent d'aucune façon, compte tenu qu'il y a déjà eu, d'ailleurs, des incidents à cet égard. J'aimerais plutôt que nous amorcions rapidement nos travaux et que vous puissiez peut-être venir me remplacer ici temporairement afin que je puisse faire des démarches auprès de la présidence de l'Assemblée dans le but de trouver des locaux plus adéquats pour faire siéger la commission ce matin.

Sur ce, je donnerai la liste des organismes et des individus qui se feront entendre et l'ordre dans lequel ils le feront aujourd'hui. Deux organismes sont inscrits à nos travaux: le ministère des Transports et le Centre d'information et d'animation communautaire. Par la suite, nous entendrons neuf individus ou groupes d'individus. Dans l'ordre, Mme Laurette Guénette et M. Henri Guénette, Mme Marcel Cardinal, M. Maurice Laframboise, M. André Richer, Mme Françoise Drapeau-Monette, M. Maurice Raymond, Mme Renée Lalande et M. Louis Lalande, M. Richard Desjardins, la famille Réjean Éthier, M. François Daoust et M. Léo Bourgeois.

Sans plus tarder, j'inviterais les représentants du ministère des Transports à prendre place, à s'identifier et à nous faire une présentation résumée de leur mémoire, s'il vous plaît.

Auditions Ministère des Transports du Québec

M. Rivest (Pierre): M. le Président, mon nom est Pierre Rivest, directeur du transport aérien du ministère des Transports. Je suis accompagné, ce matin, de M. Jean-Guy Morel, également de la même direction, chef du service du développement. C'est au nom du ministère des Transports que nous allons vous lire le mémoire que nous avons préparé en vue de cette commission. Le mémoire s'intitule: Mirabel ou une des tristes histoires des pays d'en haut. Au sommaire il y a une introduction, puis nous parlerons des sujets suivants: le second aéroport international de Montréal: Mirabel; le rôle actuel et futur de Mirabel; les expériences étrangères et canadiennes; planification d'un aéroport et le cas de Mirabel. Une conclusion suivra accompagnée de recommandations.

Depuis plus d'une décennie maintenant, l'aéroport international de Montréal à Mirabel a suscité des commentaires variés. Ces commentaires, la plupart du temps défavorables, sont provenus de milieux divers touchés d'une façon plus ou moins directe par ce projet grandiose. Ce qualificatif, inutile de le rappeler, convient beaucoup plus à l'importance physique de l'aéroport qu'à son impact positif sur le plan socio-économique québécois.

Le présent mémoire se propose, donc, de poser un premier jalon dans une démarche plus globale qui, ultimement, veut faire prendre conscience à la population québécoise que des abus ont pu être commis à un moment ou à un autre lors de la planification et de la réalisation de cet aéroport. Nous laisserons, cependant, à d'autres le soin de poser des jugements particuliers concernant certains aspects de la question pour nous réserver essentiellement une tâche plus pragmatique, c'est-à-dire celle de démontrer que les besoins physiques de cet aéroport ont été grandement surestimés et que des moyens autres que l'expropriation auraient pu être utilisés. Nous tiendrons compte, dans cette analyse, de considérations à la fois historiques, normatives et techniques pour finalement conclure et proposer des solutions qui garantiront l'avenir et corrigeront les erreurs du passé.

Le second aéroport international de Montréal: Mirabel. La décision de construire un nouvel aéroport international à Montréal remonte à la fin des années soixante alors que le ministère des Transports du Canada effectuait une série d'études sur les activités des principaux aéroports du Canada, dont celui de Dorval. On anticipait à ce moment des problèmes divers dus à une forte croissance du trafic aérien; l'apparition éventuelle d'avions gros porteurs et supersoniques, ainsi que des contraintes causées par le bruit et la proximité des zones habitées. C'est ainsi qu'en 1967 la firme Kates, Peat, Marwick & Co., fut chargée de l'étude de l'expansion de l'aéroport de Dorval. En fonction des prévisions de trafic et de la localisation de l'aéroport à proximité de secteurs résidentiels en plein développement, l'étude concluait que, même réalisable, l'expansion de l'aéroport de Dorval serait extrêmement coûteuse en raison des coûts élevés d'acquisition des terrains requis, en plus d'être nuisible pour les secteurs résidentiels adjacents en raison du bruit.

Le ministère des Transports du Canada accepta ces conclusions et autorisa cette même firme à entreprendre l'étude des sites potentiels pour la construction d'un deuxième aéroport international à Montréal.

La sécurité et le contrôle aérien, l'affectation des terrains adjacents au site, l'accès routier et l'exposition au bruit furent les principaux critères considérés dans l'analyse des sites. Des 20 sites initialement identifiés, cinq furent retenus pour études supplémentaires: un site sur l'île Perrot, un autre à Vaudreuil à l'ouest de Montréal, un site au sud de Montréal, à proximité de Saint-Jean, un site à l'est de Montréal près de Drummondville et un site au nord-ouest de Montréal à proximité de Sainte-Scholastique.

Indépendamment du site et en fonction des prévisions pour 1985, l'étude indiquait que l'aéroport devait avoir une superficie de 10 000 acres pour la zone opérationnelle, alors qu'une zone de protection de 50 000 acres correspondant à la superficie exposée au bruit devait être contrôlée. L'étude recommandait l'expropriation de ces superficies puisque le Québec ne disposait pas à cette époque de réglementation suffisante pour en assurer un contrôle strict.

De plus, on suggérait de vendre ou de louer les terres ainsi expropriées pour la zone de protection, mais pour des utilisations compatibles avec des activités aéroportuaires.

L'étude favorisait le site à proximité de Vaudreuil, puisque situé dans l'axe est-ouest de transport, à proximité de l'aéroport de Dorval et qu'il était aménageable à un coût inférieur aux autres sites. Le site de l'île Perrot fut rejeté puisqu'il entrait en conflit avec les opérations de l'aéroport de Dorval. Les coûts d'aménagement plus élevés des autres sites contribuèrent à les faire rejeter, particulièrement celui de Sainte-Scholastique dont les coûts d'aménagement étaient les plus élevés en plus d'être celui où la contrainte imposée par la proximité des montagnes pour les opérations radar était la plus grande. (11 heures)

Un comité fédéral-provincial sous la direction du ministère des Affaires municipales du Québec fut chargé d'étudier les sites jugés les plus favorables, c'est-à-dire Saint-Jean, Drummondville, Vaudreuil et Sainte-Scholastique. Ce comité siégea du mois d'août au mois de décembre 1968 sans pouvoir se mettre d'accord sur un site préférentiel. Le Québec favorisait alors le site au sud de Montréal qui contribuait à développer le triangle économique Montréal-Trois-Rivières-Sherbrooke, alors que le gouvernement fédéral favorisait celui à l'ouest de Montréal, dans le corridor Ottawa-Montréal, selon les recommandations de la firme Kates, Peat, Marwick.

Devant ces divergences, un comité spécial fut mis sur pied en décembre 1968 sous la présidence du professeur Benjamin Higgins. Ce groupe de travail regroupait, entre autres, des représentants du service d'urbanisme de la ville de Montréal, de l'Office de planification et de développement du Québec et du ministère des Affaires municipales. Chacun des intervenants québécois a pu faire valoir ses critères qui touchaient notamment le développement économique et régional, ainsi que l'aménagement du territoire.

Le rapport Higgins, qui représente l'opinion de son président et non celle du groupe de travail, fut déposé en janvier 1969 et recommandait le choix du site "nord". Le gouvernement fédéral annonçait ce choix définitif le 27 mars 1969 et procédait immédiatement à l'expropriation d'un territoire de plus de 90 000 acres, dont 17 000 pour la zone opérationnelle. Je vous ferai remarquer ici qu'à la note (5) les superficies expropriées varient selon les sources consultées. La Société immobilière du Canada (Mirabel) parle de 96 000 acres. Transports Canada mentionne parfois 88 000 acres et BANAIM, (Transports Canada) indique 93 000 acres. Nous utiliserons, pour notre part, les données de la Société immobilière du Canada, soit 96 000 acres.

C'est ainsi que Montréal serait dotée d'un second aéroport international qui devait, selon le plan d'aménagement final, comporter six pistes et six aérogares et accueillir en 1990 près de 60 000 000 de passagers.

Sans reprendre en détail le processus de planification du site de l'aéroport de Mirabel, la décision d'exproprier environ 96 000 acres pour l'aéroport reposait principalement sur des considérations d'ordre environnemental, dont le bruit, de même que sur le fait que le second aéroport de Montréal devait être la principale porte d'entrée pour l'Est du Canada. Si le site retenu avait été sur l'île de Montréal, le raisonnement fédéral aurait donc nécessité l'expropriation de plus des trois quarts de l'île (la superficie de l'île de Montréal est de 456 kilomètres carrés, alors que Mirabel a une superficie de 360 kilomètres carrés).

Le gouvernement fédéral décida que la meilleure façon de s'assurer que les activités des populations environnantes ne nuiraient pas aux activités de l'aéroport était d'exproprier le territoire servant de tampon entre la zone opérationnelle et les secteurs densément habités. Ce raisonnement s'appuyait aussi sur le fait que ces superficies étaient utilisées à des fins agricoles et que les coûts d'acquisition étaient relativement peu élevés, d'autant plus que c'est le gouvernement fédéral lui-même qui en fixa le prix d'achat.

Le rôle actuel et futur de Mirabel. La capacité ultime de l'aéroport de Mirabel est de 650 000 mouvements d'aéronefs et de près de 60 000 000 de passagers annuellement.

Les installations actuelles de l'aéroport de Mirabel constituent la première phase d'aménagement et couvrent une superficie de 5200 acres. Elles comprennent deux pistes et une aérogare et la capacité de ces installations est de 300 000 mouvements et de 6 000 000 à 10 000 000 de passagers annuellement.

Un des éléments importants dans la planification de l'aéroport de Mirabel fut d'en faire un centre de manutention de fret aérien (concept TDF) pouvant desservir l'est de l'Amérique du Nord. La superficie prévue à cet effet dans la première phase est de 59 acres pour une capacité de manutention de fret de 400 000 tonnes annuellement.

Il faut dire que les prévisions de trafic à Mirabel, en plus de reposer sur une croissance optimiste du trafic international, impliquaient en 1980 un transfert des vols transfrontaliers de Dorval à Mirabel et celui des vols nationaux, sauf quelques exceptions, vers 1985. Or, ce plan de transfert de vols n'a pas été respecté, ce qui constitue une des causes de la sous-utilisaton actuelle de l'aéroport de Mirabel.

Situation actuelle. Depuis son ouverture

en 1975, comme en témoigne le tableau 3.1, le nombre de passagers utilisant annuellement l'aéroport de Mirabel n'a pas dépassé 1 250 000, alors que le plus grand nombre de mouvements d'aéronefs a été enregistré en 1969, soit 58 830 mouvements. Je répète les mouvements, parce qu'il y a eu un manque ici; c'est 58 830 mouvements. Il en est de même pour la manutention du fret aérien qui correspond à environ 20% de la capacité disponible des installations.

Plusieurs facteurs ont contribué à cet état de fait: Transports Canada n'a pas réalisé le plan de transfert des vols de Dorval à Mirabel. Transports Canada destinait Mirabel à jouer un rôle de plaque tournante et de porte d'entrée sur le plan nord-américain en même temps que le gouvernement canadien octroyait des droits d'atterrissage à des transporteurs désirant accéder au marché de Toronto, soit Alitalia en 1971, Lufthansa en 1973, KLM en 1974, Swissair en 1975, Air France en 1976 et, aujourd'hui, on sait que la compagnie Tap du Portugal fait la même demande.

C'est ainsi que Toronto a alors dépassé Montréal pour le nombre de passagers internationaux transportés. Il en est de même pour le transport des marchandises, Toronto occupant maintenant le premier rang en raison du fait qu'une bonne partie du fret est transporté sur les mêmes appareils que les passagers.

Le système biportuaire à Montréal impose de nombreux inconvénients aux voyageurs, aux manutentionnaires et aux transporteurs. La quasi-absence de publicité, malgré le programme Action-Mirabel dont l'objectif est d'améliorer l'image et le rendement de Mirabel. L'aéroport de Mirabel n'en demeure pas moins un éléphant blanc, comme l'indique la publicité officielle de Transports Canada.

Le rôle futur de Mirabel. Le ministre des Transports du Canada, M. Jean-Luc Pepin, rendait public, le 6 août 1982, le plan de développement des aéroports de Montréal après plus de deux ans d'attente. En effet, Transports Canada a entrepris en 1980 une étude sur le meilleur partage des vols entre Dorval et Mirabel en fonction de la situation économique et des récentes prévisions quant à l'activité aéronautique, selon sept - il faudrait corriger "six" par "sept" - scénarios possibles. Malgré les conclusions de cette étude, la solution retenue ne figure pas parmi les scénarios étudiés.

En effet, le nouveau plan prévoit que Dorval sera le principal aéroport pour les vols intérieurs et transfrontaliers; Mirabel sera le principal aéroport pour les vols internationaux et le fret aérien; Saint-Hubert sera le principal aéroport satellite pour l'aviation générale. Cela signifie donc que la planification initiale de l'aéroport de Mirabel est modifiée totalement puisqu'il n'y aura aucun transfert de vols à Mirabel dans un avenir prévisible, bien que son rôle de centre de manutention du fret soit consolidé par ce plan de développement. Une vaste campagne de publicité ainsi qu'un comité chargé de trouver des moyens incitatifs ont été mis sur pied afin d'accroître l'activité à Mirabel. On notera que le Québec, encore une fois, n'a pas été invité à participer à ce groupe de travail.

Une décision comme celle du ministre Pepin implique donc qu'une partie des installations prévues au plan initial ne sera pas construite puisque les installations actuelles suffiront à la demande pour de nombreuses années.

L'industrie du transport aérien a connu de nombreuses fluctuations depuis la dernière décennie: les taux de croissance annuels supérieurs à 10% au début des années soixante-dix se situent aujourd'hui à environ 5%. On peut donc supposer qu'à moins d'une reprise économique les taux de croissance du trafic passager resteront dans cet ordre de grandeur.

En appliquant un taux de croissance annuel de 5% aux données actuelles, l'aérogare de Mirabel, dans son aménagement actuel de six millions de passagers, devrait suffire à la demande jusqu'au-delà de l'an 2000. En effet, la projection du trafic de 1,2 million de passagers en 1980 indique que cette capacité sera atteinte vers l'an 2023. Les deux pistes d'une capacité annuelle de 300 000 mouvements ne devraient pas être saturées avant l'an 2020 si le trafic actuel progresse au rythme, lui aussi, de 5%. Même Transports Canada, dans l'étude des différents scénarios sur le partage des vols entre Dorval et Mirabel, affirme que, dans le cas d'une consolidation totale des vols à Mirabel, le réseau actuel des pistes sera adéquat pour satisfaire la demande jusqu'en 1995 au moins. C'est donc dire que les 5200 acres actuelles réservées à la phase I du plan directeur de Mirabel suffisent amplement aux besoins prévus jusqu'au-delà de l'an 2000.

Les expériences étrangères et canadiennes. En examinant les caractéristiques des sept principaux aéroports au monde, on remarque que la superficie de ces aéroports est de loin inférieure à celle de l'aéroport de Mirabel. Ces aéroports ont, en effet, une superficie moyenne de 6359 acres. L'aéroport de Chicago-O'Hare, le plus occupé au monde avec un trafic de près de 38 000 000 de passagers en 1981 et plus de 645 000 mouvements répartis sur six pistes, ne requiert que 7000 acres de terrain. Seul l'aéroport de Dallas-Fort Worth, aux États-Unis, a une superficie supérieure à cette moyenne avec 18 000 acres, superficie comparable aux 17 000 acres de la zone opérationnelle de l'aéroport de Mirabel. C'est donc dire que le territoire exproprié de

l'aéroport de Mirabel pourrait contenir les sept aéroports les plus importants au monde, tandis que les 17 000 acres de la zone opérationnelle pourraient contenir les quatre premiers.

Il en est de même pour les principaux aéroports canadiens autres que Mirabel et dont les superficies varient de 3500 à 7600 acres. Le plus important en termes de trafic, l'aéroport de Toronto, totalise seulement 4200 acres.

De plus, parmi les nouveaux projets d'aéroport à travers le monde, seuls les aéroports d'Arabie Saoudite consomment plus d'espace que la moyenne internationale. L'aéroport de Jeddah, qui comporte deux pistes parallèles de 10 890 et 12 540 pieds respectivement et est conçu pour recevoir en l'an 2000 plus de 10 000 000 de passagers, consomme 25 920 acres. Quant à l'aéroport de Riyadh, qui compte 59 664 acres, il comporte aussi deux pistes parallèles de 13 780 pieds chacune et pourra recevoir en l'an 2000 plus de 18 000 000 de passagers. En plus des édifices liés à l'exploitation de l'aéroport, ces deux aéroports comportent des hôtels, des bâtiments administratifs, une mosquée à l'aéroport de Riyadh, ainsi qu'un pavillon royal à Jeddah. Malgré tout ce luxe, ces deux aéroports requièrent ensemble moins d'espace que celui de Mirabel.

Pour garder des proportions plus réalistes et plus près de nos besoins, le projet du nouvel aéroport d'Athènes totalise 3800 acres, tandis que celui de Munich 2 totalise 5600 acres. Ces deux projets comportent des pistes parallèles de 13 000 pieds et pourront accueillir respectivement 10 000 000 et 20 000 000 de passagers annuellement.

De plus, selon les planificateurs de l'aéroport Charles-de-Gaulle, à Paris, en réservant un territoire de 7400 acres comparativement à 3700 acres pour Orly, on n'as pas vu grand outre mesure. En effet, la prudence et un aménagement efficace des installations ont dicté la délimitation de ce territoire qui peut accueillir présentement plus de 10 000 000 de passagers annuellement et permettre l'aménagement ultime de cinq pistes.

Le cas de Pickering. L'aéroport de Mirabel et celui de Pickering, en Ontario, sont peut-être les derniers aéroports internationaux qui seront construits au Canada, bien que la construction de l'aéroport de Pickering soit remise indéfiniment. La décision de doter la région de Toronto d'un deuxième aéroport international à d'ailleurs fait suite à la même démarche que celle observée à Montréal: saturation éminente de Malton, problèmes de bruit, contrainte d'achat de terrain, etc. L'extension de l'aéroport de Malton fut aussi rejetée et la phase de recherche de sites s'amorça.

Le 2 mars 1972, après diverses études et consultations fédérales-provinciales, on annonça la construction d'un deuxième aéroport à Toronto sur le site de Pickering. Pour ce faire, le gouvernement fédéral expropria, en janvier 1973, 18 000 acres pour la zone opérationnelle tandis que la province d'Ontario procéda à l'expropriation de 17 000 acres additionnelles pour la municipalité future de North Pickering, en plus d'adopter une loi afin de contrôler le développement sur une superficie de 40 000 acres adjacente au site. Devant les protestations publiques sur le choix du site et les expropriations, et le refus ultérieur de la province d'Ontario de coopérer à l'aménagement des voies d'accès à l'aéroport, le ministère des Transports du Canada décida, en 1975, de surseoir aux travaux d'aménagement. La note 15 nous dit qu'un argument majeur à l'appui de cette décision du gouvernement ontarien de ne pas donner suite aux voies d'accès fut le fait que l'inefficacité de Malton sur le plan opérationnel était évidente et que Transports Canada manipulait les faits.

Après cet examen comparatif des superficies des principaux aéroports au monde et des trafics qu'ils accueillent, nous ne pouvons comprendre, sur cette base unique, les raisons qui expliquent que Mirabel soit le plus grand aéroport du monde. De plus, nous avons vu que l'intervention fédérale à Pickering n'a pas pris les mêmes proportions qu'à Mirabel, même si les besoins identifiés étaient tout à fait comparables.

Nous examinerons maintenant la situation sur un plan plus analytique pour tenter de trouver des réponses plus satisfaisantes à nos interrogations.

Planification d'un aéroport et le cas de Mirabel. Les étapes de la planification. La planification d'un aéroport important est une activité fort complexe. Les planificateurs doivent tenir compte d'une multitude de facteurs avant de prendre une décision finale sur la pertinence de construire ou non un aéroport. D'une façon générale, on peut diviser cette planification en deux phases. La première étape consiste à évaluer toutes les solutions possibles face au problème posé. En effet, il sera parfois plus économique d'agrandir un aéroport existant que d'en construire un autre. Dans ce contexte, une analyse approfondie des prévisions de trafic, ainsi que d'autres facteurs, tel le bruit, devra être effectuée dans le but de choisir la solution la plus acceptable tant du point de vue aéronautique que social. Finalement, tous ces besoins feront l'objet d'une évaluation coûts-bénéfices.

La deuxième étape consiste à choisir, s'il y a lieu, un site pour le nouvel aéroport. Les planificateurs doivent tenir compte de plusieurs facteurs lors de la sélection d'un site, dont les principaux sont les suivants: le bruit, l'urbanisation et l'économie régionale.

Dans le choix du site, on doit s'assurer que les effets du bruit sur les communautés avoisinantes seront minimisés et que les impacts sur l'urbanisation et l'économie régionale seront positifs. Des études distinctes et approfondies doivent donc être effectuées sur chacun de ces aspects. (11 h 15)

Les conditions atmosphériques. Une analyse approfondie des conditions atmosphériques qui ont prévalu au cours des années passées doit être entreprise afin de voir s'il n'y a pas plus de brouillard ou de précipitation à un site plutôt qu'à un autre.

L'accessibilité à l'aéroport. Il est naturellement important que le site soit facilement accessible pour tous les usagers. De plus, il ne doit pas être trop loin du centre-ville. C'est surtout l'infrastructure routière qui doit être bien développée, car il appert, selon une étude américaine, que la majorité des passagers, visiteurs et employés se rende à l'aéroport en voiture.

L'expansion du futur aéroport. Les planificateurs doivent évaluer la possibilité d'obtenir une plus grande superficie si les activités aéroportuaires requièrent, à l'avenir, la construction de nouvelles pistes ou de nouveaux aménagements.

La présence d'autres aéroports dans la région. Les aéroports doivent être suffisamment éloignés afin de ne pas nuire à leurs activités respectives. Les planificateurs devront tenir compte des routes aériennes, ainsi que des corridors d'approche à tous ces aéroports.

Les obstacles environnants. Les corridors d'approche vers les pistes ne doivent pas être obstrués et les parties de ces corridors qui sont à l'extérieur du site aéroportuaire devront faire l'object d'un zonage précis.

Le milieu. Les études écologiques et environnementales devront être effectuées afin de connaître les effets qu'aura la construction d'un aéroport sur le milieu.

L'aspect financier. De plusieurs sites qui satisfont à tous les critères, il faut choisir celui dont le rapport avantages-coûts sera le plus avantageux.

Naturellement, il n'y a pas que ces huit facteurs qui influenceront le choix d'un site et notre but n'est pas de les présenter tous, mais simplement de jeter un peu de lumière sur les activités fort complexes qui entourent la planification d'un aéroport.

Estimation de la superficie: considérations principales. En ce qui a trait à la superficie requise pour cet aménagement, divers facteurs doivent être pris en considération, soit les aspects physiques, techniques et environnementaux.

Les aspects physiques. La superficie requise dépendra d'abord des besoins physiques découlant des infrastructures et de leur aménagement: aérogares, pistes, hangars, voies de circulation, etc. Les pistes d'un aéroport important, par exemple, ont en général plus de 12 000 pieds de long et sont orientées "de façon à ce que les avions puissent atterrir au moins 95% du temps avec des composantes transversales du vent de 20 noeuds". Cela est tiré du manuel de l'aviation internationale. De plus, le nombre de pistes dépendra de la capacité de celles-ci et de l'activité prévue. Naturellement, la superficie de l'aéroport ne peut, en toute logique, être limitée à l'espace nécessaire pour y construire les infrastructures. Les planificateurs doivent aussi tenir compte des caractéristiques physiques des environs, c'est-à-dire des obstacles.

Les aspects techniques. Il va de soi que les aéronefs à basse altitude et des obstacles ne vont pas de pair. L'OACI, l'organisation internationale, a proposé des normes que Transports Canada a acceptées qui, si elles sont respectées, assureront une plus grande sécurité aux aéroports. La protection des environs se résume aux deux aspects suivants. Dans un premier temps, il faut protéger une surface horizontale à l'intérieur de laquelle aucun obstacle d'une hauteur de plus de 150 pieds ne devrait être érigé. Pour déterminer cette zone, il faut tout d'abord localiser le ou les points de référence de l'aéroport. Connaissant les points de référence, il suffit de tracer des cercles dont le rayon sera d'au moins 13 000 pieds afin de connaftre la superficie à protéger. 13 000 pieds, c'est environ 4 kilomètres. Malgré ces normes, il est intéressant de noter que la tour de contrôle de Mirabel, d'une hauteur de 215 pieds et qui est située près des pistes, ne semble nuire d'aucune manière aux activités aéroportuaires. Dans un deuxième temps, il faut protéger les corridors d'approche, et ce bien au-delà de la surface intérieure de l'aéroport. À l'intérieur des corridors, la hauteur des obstacles permis dépendra de la distance par rapport à la piste. Par exemple, la hauteur maximale d'un obstacle à deux milles du seuil d'une piste sera d'environ 200 pieds, soit environ 3 fois la hauteur d'un silo de taille moyenne. À la limite est de la zone expropriée de Mirabel, la hauteur maximale permise est approximativement de 750 pieds. La figure 5.2 présente de façon visuelle les surfaces de limitation d'obstacles près d'un aéroport. Comme point de comparaison, 750 pieds équivalent à peu près à la Place Ville-Marie.

Les aspects environnementaux. Un autre facteur qui influence de plus en plus la superficie requise pour un aéroport est le bruit causé par les aéronefs. "Le bruit est de loin la contrainte la plus sévère qui pèse sur les aéroports d'aujourd'hui." Dans son rapport final sur Mirabel, Kates indiquait que "... some 50 000 acres, the area exposed to high noise levels, must be controlled against the

encroachment of incompatible urban development that could lead to restrictions and to another Dorval airport situation. This land must be purchased in view of the lack of planning legislation. This extra land can be sold and/or leased for development compatible with airport operation."

En clair, qu'est-ce que cela veut dire? Il importe de commenter ces affirmations qui se dégagent du rapport Kates. Premièrement, on y indique que 50 000 acres seraient exposées au bruit et que ce contrôle des terres était nécessaire pour éviter les mêmes erreurs qu'à Dorval. Deuxièmement, il est fait mention que le Québec ne disposait pas de législation appropriée en vue d'un contrôle efficace des terrains à proximité du futur aéroport.

Dans un premier temps, nous croyons que l'estimation de 50 000 acres faite par Kates est plus ou moins valable compte tenu du peu de fiabilité des méthodes existantes pour évaluer la nuisance causée par le bruit. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer le bruit et l'Administration canadienne des transports utilise celle de la projection du bruit perçu ou NEF qui "... révèle l'ensemble du bruit provenant de tous les types d'aéronefs exploités à un aéroport donné, basé sur les mouvements d'aéronefs effectués ou prévus, par piste et selon l'heure du jour ou de la nuit."

Cependant, cette méthode présente deux faiblesses évidentes qu'il importe de souligner. Les commissaires chargés de mener l'enquête sur l'aéroport de Pickering notaient: "La principale faiblesse de cette technique, comme celle d'autres méthodes déjà utilisées, provient de ce qu'elle néglige les facteurs locaux, sociaux, économiques, personnels et psychologiques qui ont autant d'importance, sinon plus, que la valeur abstraite de l'ambiance sonore. De plus, le système NEF, tout comme d'autres, ne permet pas d'estimer jusqu'à quel point les gens toléreront des changements à leur mode de vie."

L'autre point faible a trait à la grande sensibilité du programme informatique qui calcule les courbes de bruit. "One DC-8 with a Conway engine, flown at night, has as much impact on a computer read-out as 160 Lockheed 1011 flown during the day-time." Autrement dit, un DC-8, durant la nuit, va donner, à la lecture du "computer", l'équivalent de 160 Lockheed 1011 qui voleraient durant le jour. Nous avons, d'ailleurs, confirmé cette dernière affirmation à l'aide d'un programme informatique spécialement conçu à cette fin.

Malgré la faiblesse de cette méthode sur laquelle était basée la recommandation de Kates, à savoir qu'un contrôle sur environ 60 000 acres était requis, le gouvernement fédéral, soucieux de l'avenir, s'est donné une marge de manoeuvre supplémentaire en expropriant 36 000 acres de plus. Cette décision, dans le contexte du moment, était d'autant plus irrationnelle que les tendances de la technologie et une plus grande conscience sociale en ce qui touche l'environnement physique et humain conduisaient à une diminution sensible du bruit aux alentours des aéroports.

Par exemple, la mise sur le marché de nouveaux aéronefs, tels que les Boeing 747, les Douglas 10, les Lockheed 1011, les Airbus, dotés de moteurs nettement plus silencieux, et le retrait d'aéronefs, tels que les DC-8 ou les Boeing 707, plus bruyants ont rendu la vie près des aéroports plus agréable. De plus, des procédures de vol, telles que l'utilisation préférentielle des pistes, l'approche à faible traînée ou à segments multiples et la réduction de la puissance après le décollage, ont contribué à réduire sensiblement le bruit.

Dans un second temps, les raisons invoquées à l'appui de la nécessité pour le gouvernement fédéral d'acquérir les terrains nous semblent peu fondées. En effet, à Mirabel, le gouvernement fédéral a exproprié cet énorme territoire plutôt que d'utiliser des moyens moins excessifs, en invoquant l'absence d'une législation appropriée pour garantir la compatibilité des usages des terrains environnants avec ceux de l'aéroport.

Or, le 18 décembre 1968, le Québec adoptait la loi no 296, intitulée Loi favorisant l'aménagement du site et des environs d'un nouvel aéroport international au Québec, qui indiquait dans son préambule: "Le gouvernement du Québec a le devoir de faire en sorte que le développement économique et l'aménagement des environs de cet aéroport se fassent de façon harmonieuse et rationnelle." Cette loi interdisait toute construction ou transformation, sauf pour des fins agricoles, sur un territoire d'une superficie maximale de 60 milles carrés et démontre que la voie législative aurait facilement pu être utilisée comme ce fut le cas en Ontario. "À cet effet, les pouvoirs publics canadiens ont pris la décision audacieuse d'acquérir le terrain qui serait exposé au bruit des avions. À Toronto, le gouvernement de la province complétera cette opération au moyen de règlement sur l'utilisation du sol."

Nous en concluons donc que la superficie nécessaire pour l'aménagement de Mirabel a été basée sur des critères fragiles et contestables et que le moyen qu'était l'expropriation pour arriver aux fins visées était extrême.

Utilisation des terrains près des aéroports. En dépit de l'existence d'un aéroport, il est néanmoins possible d'utiliser rationnellement les terrains environnants à des fins diverses. L'Organisation de l'aviation civile internationale, ainsi que Transports Canada ont établi des normes quant à

l'utilisation des terrains près des aéroports. Comme le démontre le tableau 5.1, la compatibilité des utilisations des terrains est fondée sur les zones de prévisions d'ambiance sonore. On peut y voir que le secteur résidentiel peut se développer librement, sans contrainte majeure, dans la zone en dessous de 30 NEF.

Par exemple, des études ont conclu que "... au niveau de la valeur de 25 NEF, des plaintes peuvent être formulées. Au-delà de 30 NEF, ces plaintes se répètent et peuvent prendre la forme de débat public. Au-delà de 40 NEF, des poursuites judiciaires peuvent être intentées."

Le Président (M. Rochefort): Si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît!

M. Rivest (Pierre): La Société canadienne d'hypothèques et de logement a, d'ailleurs, basé sa politique d'aide à l'habitation sur ces résultats et a établi les critères suivants: dans les zones où les valeurs NEF dépassent 35, le financement aux termes de la Loi nationale sur l'habitation sera refusé; dans les zones où les valeurs NEF se situent entre 30 et 35, le financement sera accepté seulement si une insonorisation suffisante des bâtiments est prévue; dans les zones où les valeurs se situent entre 25 et 30, le financement sera refusé si l'insonorisation projetée est inférieure au minimum acceptable. De plus, Transports Canada a également produit une liste d'utilisation des terrains en fonction de l'ambiance sonore. Les restrictions quant à l'utilisation des terrains à des fins résidentielles sont les mêmes que celles de la SCHL.

En ce qui concerne l'agriculture, il importe de noter - et ce, contrairement à la croyance populaire - que l'activité agricole est en général compatible avec les activités aéroportuaires; le tableau 5.2 en donne de multiples exemples. Par exemple, la Commission d'enquête sur l'aéroport de Pickering révélait que plusieurs terres à l'intérieur des limites de plusieurs aéroports étaient utilisées pour fins agricoles au Canada et en Europe en 1976, comme le montre l'annexe A. Certaines cultures comme les pois, le maïs, l'avoine et le tournesol sont généralement interdites dans les limites d'un aéroport en raison de l'attrait qu'elles représentent pour les oiseaux et des dangers que ceux-ci représentent à leur tour pour les aéronefs lors des manoeuvres de décollage et d'atterrissage. Une des façons de réduire le péril aviaire est donc de contrôler l'utilisation des terres près des aéroports. Transports Canada a établi trois zones à l'intérieur desquelles des activités sont permises, mais, comme le montre le tableau 5.3, il n'existe que peu ou pas de restrictions touchant le secteur agricole.

Nous constatons donc que les seules restrictions importantes concernant l'utilisation des terrains à proximité des aéroports touchent essentiellement la vocation résidentielle. Quant à la vocation agricole, elle n'est touchée que par peu ou pas de contraintes, comme le démontrent les normes établies et l'expérience à plusieurs aéroports canadiens et étrangers.

En conclusion, notre démarche n'avait pas pour but de remettre en question le choix du site comme tel, mais de démontrer que le territoire exproprié est trop vaste et que des moyens autres que l'expropriation auraient pu être envisagés. Dans cette optique, nous avons démontré: que la superficie actuelle de la zone opérationnelle de 5200 acres est suffisante pour satisfaire aux besoins prévisibles jusqu'au-delà de l'an 2000. Cette affirmation découle spécialement du contexte global du transport aérien et du rôle maintenant connu de Mirabel dans le système aéroportuaire canadien. Qu'aucun aéroport au monde, même parmi les plus récents, ne s'étend sur une superficie aussi grande. D'ailleurs, il est intéressant de constater que la moitié du territoire exproprié de Mirabel pourrait contenir les sept aéroports les plus achalandés au monde. (11 h 30)

Que le gouvernement fédéral entendait se satisfaire de 18 000 acres à Pickering pour répondre à des besoins aéroportuaires ultimes tout à fait comparables à ceux de Mirabel. Que la superficie requise pour un aéroport dépend principalement de trois aspects, à savoir les aspects physiques, techniques et environnementaux. Ces critères s'appliquent particulièrement à la construction et à l'aménagement du site, de même qu'à l'utilisation des terrains environnants. Que la recommandation des planificateurs de contrôler 60 000 acres de terrain était fondée sur des prévisions de trafic optimistes et sur une évaluation discutable des zones affectées par le bruit. Malgré ces considérations, le gouvernement fédéral a exproprié 96 000 acres de terrain, soit 36 000 acres de plus que recommandé. Que la vocation agricole est celle qui est la plus compatible avec les activités aéroportuaires et que la vocation résidentielle est celle qui se voit affectée par les plus grandes contraintes. Que le fédéral a choisi l'expropriation comme moyen de contrôle des terrains jugés nécessaires contrairement à l'approche utilisée dans le cas de Pickering où le gouvernement provincial a pris une part plus active.

À partir de ces considérations, nous concluons que la zone opérationnelle actuelle de 5200 acres pourrait suffire aux activités aéroportuaires jusqu'au-delà de l'an 2000 au moins. Que le reste de la zone opérationnelle ultime de 17 000 acres garantit la possibilité d'une expansion majeure de Mirabel qui lui

permettrait d'atteindre le niveau d'activité des aéroports les plus achalandés au monde. Que le reste du territoire exproprié n'est pas requis, ni actuellement ni dans l'éventualité d'une expansion, pour des fins de protection aéroportuaire. Que l'activité agricole est l'utilisation la plus compatible avec les activités de l'aéroport.

En conséquence, nous recommandons que le gouvernement fédéral rétrocède immédiatement toutes les terres à l'extérieur de la zone opérationnelle ultime de 17 000 acres et que les terres non requises à court terme à l'intérieur de la zone opérationnelle soient réaffectées à l'agriculture et que des mesures appropriées soient prises afin d'assurer une protection adéquate de cette zone. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Je voudrais vous faire rapport maintenant des démarches que j'ai entreprises à la suite des demandes des membres de la commission quant à l'obtention d'une nouvelle salle pour tenir nos délibérations. Le président de l'Assemblée nationale, fort d'un précédent créé, je crois, en 1961 et avec l'accord des leaders parlementaires des deux partis, permet aux membres de la commission d'aller siéger, à compter de 14 heures, au salon bleu. Les individus qui voudront assister à nos débats pourront le faire à partir des galeries du salon bleu. Or, si tout le monde est d'accord avec cette formule, nous suspendrons immédiatement nos travaux jusqu'à 14 heures et nous les reprendrons à cette heure au salon bleu, selon les mêmes règles qui régissent le fonctionnement habituel des commissions parlementaires. Cela va? Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures pour les reprendre au salon bleu.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise de la séance à 14 h 12)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux, ayant comme mandat d'entendre les personnes et les organismes sur la question des terres expropriées en trop de Mirabel. À la suspension de nos travaux, les représentants du ministère des Transports avaient terminé la présentation de leur mémoire. Je donne donc la parole au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Garon: Pour les questions?

Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le ministre.

M. Garon: Je suis allé sur le territoire de Mirabel la semaine dernière. Vous avez mentionné, dans votre document, que la tour elle-même avait 215 pieds et qu'elle était collée sur l'aéroport. L'hôtel Château Mirabel m'apparaît aussi avoir une certaine hauteur; il a l'air plus élevé que n'importe quel bâtiment de ferme ou silo qu'on pourrait trouver éventuellement sur le territoire. Est-ce que, en ces termes-là, on peut dire qu'un édifice en hauteur, si on peut le construire si proche de la piste... Comment appelle-t-on cela? Cela a au moins 215 pieds de hauteur.

Une voix: La tour de contrôle.

M. Garon: La tour de contrôle. Si vous pouvez construire un hôtel, le Château Mirabel, qui compte plusieurs étages, collé sur l'aéroport, cela veut dire qu'à toutes fins utiles les bâtiments agricoles qu'il peut y avoir autour ne nuiront pas, non plus que les vaches qu'il pourrait y avoir.

M. Rivest (Pierre): Je ne connais pas la hauteur de l'hôtel. On connaît la hauteur de la tour. Elle dépasse de beaucoup tous les édifices autour. Mais ce qui nous surprend, nous aussi, c'est que la tour ne respecte pas les règles de zonage établies. C'est évident que toute bâtisse, que ce soit une grange ou une maison, devrait les respecter. Mais dès que vous sortez de la zone opérationnelle, on peut supposer facilement qu'il n'y aura aucun édifice qui dépassera... De toute façon, cela ne serait pas permis mais cela n'apporterait pas de problème comme tel.

M. Garon: Jusqu'à maintenant, quel a été le plus grand nombre de passagers, en un an, à Mirabel?

M. Rivest (Pierre): C'est au tableau 4.2, à la page 13. D'ailleurs, le plus haut taux n'est pas celui de l'année dernière. On a 1,2 million pour le nombre de passagers. À la page 8, on a un autre tableau. Vous trouvez, en 1979, 1 229 500 passagers. Il y a donc eu une certaine récession d'enregistrée en 1980 et on n'avait pas les chiffres pour 1981.

M. Garon: À la page 12, si on additionne les passagers qu'on y trouve en millions, on arrive à un chiffre astronomique pour les sept plus grands aéroports du monde. Ces sept aéroports rentreraient tous dans Mirabel. Si on additionne la page 12, on arrive à quoi?

M. Rivest (Pierre): Pour le nombre de passagers?

M. Garon: Oui.

M. Rivest (Pierre): Si vous me le permettez, il faudrait peut-être faire une moyenne. Peut-être 200 000 000, mais je ne sais pas si ce serait révélateur comme tel; ça pourrait l'être, ça dépend.

M. Garon: 207 000 000.

M. Rivest (Pierre): On a calculé - cela ne paraît pas ici - si ça vous intéresse, une moyenne de superficie de 6359 acres. Évidemment, on pourrait additionner la superficie de tous ces aéroports; comme on le disait, ça entre de toute façon dans Mirabel.

M. Garon: Même en ayant celui du Texas...

M. Rivest (Pierre): Oui.

M. Garon: ... qui est "the biggest in the world"...

M. Rivest (Pierre): Oui.

M. Garon: ... après Mirabel.

M. Rivest (Pierre): Exact.

M. Garon: J'ai remarqué quelque chose entre vos conclusions et la page 10. Au bas de la page 10, vous dites: "C'est donc dire que les 5200 acres actuelles réservées à la phase I du plan directeur de Mirabel suffisent amplement aux besoins prévus jusqu'au-delà de l'an 2000." À la page 36, vous laissez entendre qu'il faudrait "que le fédéral rétrocède immédiatement toutes les terres à l'extérieur de la zone opérationnelle ultime de 17 000 acres", alors que vous venez de faire la preuve qu'il y aurait de l'espace suffisant jusqu'à l'an 2023 avec 5200 acres.

M. Rivest (Pierre): C'est cela.

M. Garon: Pourquoi dites-vous 17 000 acres à la page 36, alors qu'à la page 10, par votre raisonnement, vous laissez entendre qu'avec 5200 acres il y en aurait assez jusqu'en l'an 2023?

M. Rivest (Pierre): Considérant, justement, le projet total des six pistes, des six aérogares, on dit: 17 000 acres devraient couvrir tout cela. Supposons que les autorités veulent protéger ces programmes futurs; ce serait 17 000 acres. Les 5200 sont pour la phase 1, tel que ça existe à l'heure actuelle. C'est pour cela que, dans notre deuxième recommandation, on dit: Dans les parties non utilisées, c'est-à-dire en enlevant les 5200, le reste pourrait quand même aussi être affecté, mais d'une façon contrôlée pour préserver le futur. Les 17 000, c'est en prenant en considération tout le projet; qu'il soit en l'an 2050 ou en l'an 3000, c'est pour tout le projet. On ne prend pas sur nous, évidemment, de dire qu'il n'y aura qu'une phase.

M. Garon: On m'a dit que des études existaient, après l'utilisation de Mirabel, qui indiquaient quels étaient les cônes exacts de bruit et que les zones de bruit ou les cônes de bruit - je ne sais pas comment on les appelle, l'un ou l'autre - iraient plutôt en dehors du territoire exproprié que dans le territoire exproprié lui-même, qu'on n'aurait pas exproprié aux bonnes places. Les zones de bruit iraient plus vers le nord que vers l'est ou vers l'ouest.

M. Rivest (Pierre): Dans la question du bruit, les études qu'on a faites nous le démontrent, c'est très fragile, très aléatoire. D'abord, ce serait surprenant. On n'a pas vu ces études. Ce qu'on peut dire, cependant, c'est que c'est évident qu'un avion qui décolle va produire énormément de bruit concentré à cet endroit. Évidemment, une fois rendu en altitude, selon les vents, un certain écho, peut-être, des montagnes ou autre chose, ça peut donner des résultats très différents. Si ces études ont été faites, nous n'en sommes pas au courant, mais il y a toutes sortes de choses qui peuvent se produire par la suite.

M. Garon: Initialement, êtes-vous au courant, selon la décision du gouvernement fédéral, si ce sont 96 000 acres qui devaient être expropriées?

M. Rivest (Pierre): Si nous sommes au courant initialement?

M. Garon: Oui.

M. Rivest (Pierre): Un peu comme on l'a indiqué, les chiffres ne sont pas toujours les mêmes mais il semble bien qu'initialement, après l'étude de Kates qui recommandait déjà 60 000, on en a ajouté 36 000. Il semblait bien que la décision première était de 96 000, dès le début.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Évidemment, la question sur laquelle vous vous êtes prononcé dans votre mémoire relève de la compétence fédérale. L'opinion que vous émettez me semble être assise sur une bonne documentation. Une question que je voudrais vous poser au préalable. - il y en aura une pour M. le ministre, également. - Vous, est-ce que vous pouvez dire que vous avez accès à peu près à toutes les études, à tous les rapports fédéraux significatifs sur cette question? Et

la question que je poserais au ministre, en même temps, est la suivante: Des démarches ont-elles été faites auprès du ministre fédéral des Transports pour qu'il envoie un ou deux témoins à cette commission pour nous donner la version du ministère des Transports fédéral sur cette question?

M. Rivest (Pierre): Aussi surprenant que cela paraisse, on a eu certaines difficultés à obtenir les rapports. Effectivement, une série de rapports ont été obtenus il y a maintenant six mois, pas avant cela. Il y a même certaines choses qu'on n'est pas capable d'avoir. À partir de ce moment-là, notre opinion est évidemment basée, comme vous le dites, soit sur des données techniques que nous connaissons ou des rapports, des documents connus.

Quant à la deuxième question - celle qui s'adresse au ministre, en tout cas - on a une réponse, si le ministre le désire. En ce qui nous concerne, on va chercher, le plus possible, notre information de Transports Canada et, si on croit qu'il nous manque des renseignements, on fouille un peu partout après.

M. Garon: Je peux vous lire, M. le Président, une lettre du ministre des Transports du Québec, M. Michel Clair, qui écrivait au ministre des Transports du Canada le 11 août 1982. C'est une lettre qui se lit comme suit: "M. le ministre, comme vous le savez sans doute, la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira les 19, 20 et 21 octobre prochain - c'étaient les dates à ce moment-là, avant que vous nous écriviez, entre autres, M. le député d'Argenteuil, pour nous demander de reculer un peu la date -afin de permettre à tous les citoyens et organismes intéressés de faire connaître leur point de vue sur la question des terres expropriées de Mirabel. À cette occasion, divers éléments du dossier seront mis en évidence et soumis à l'appréciation des membres de la commission et du public en général. Afin de faire la lumière la plus complète possible sur l'ensemble de la question et de fournir à tous les intéressés les éléments importants du dossier dans leur perspective la plus exacte et la plus complète possible, je sollicite la participation de Transports Canada à cette commission à titre d'organisme concerné par cette question. La participation de Transports Canada pourrait se traduire par un exposé global du rôle et des responsabilités de votre ministère dans la planification, dans la fourniture des infrastructures aéroportuaires au pays, en plus d'une présentation générale des divers éléments devant être pris en considération dans la mise en place d'infrastructures de l'envergure de Mirabel. De plus, Transports Canada pourrait brosser un tableau général de l'évolution du transport aérien au Canada depuis une décennie, de même que faire part des perspectives futures de ce mode de transport, tant sur les plans technologiques que socio-économiques. Cette forme d'intervention, bien que non limitative, constituerait à mes yeux une contribution positive de Transports Canada à l'avancement de ce dossier pour lequel les populations visées, de même que les gouvernements et organismes concernés n'ont cessé de montrer un intérêt marqué depuis maintenant plus de dix ans. J'ose espérer que nous pourrons compter sur la présence d'un ou de plusieurs représentants de Transports Canada et j'apprécierais en obtenir confirmation dans les meilleurs délais." C'est signé: Michel Clair, ministre des Transports du Québec.

Il y a eu une réponse le 25 octobre 1982, hier, de M. Jean-Luc Pepin, ministre fédéral des Transports, qui se lit ainsi: "M. le ministre, j'ai bien reçu votre lettre du 11 août 1982 concernant les réunions de la commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation les 19, 20 et 21 octobre prochain, reportées depuis. J'ai le regret de ne pas y avoir répondu plus tôt. Je me réfère au mandat de cette commission qui fut publié par le ministre de l'Agriculture, M. Jean Garon, le 15 septembre dernier. Selon ce mandat, les discussions porteront sur des questions telles la propriété des terrains périphériques à l'extérieur de la zone opérationnelle, la nécessité de conserver 66 600 acres à des fins aéroportuaires et les modalités de rétrocession des terres. "Pour ce qui est de la propriété fédérale en territoire de zone non opérationnelle, j'aimerais vous rappeler que le gouvernement fédéral a annoncé, le 28 mai dernier, la mise en disponibilité d'environ 30 000 acres de terrain périphérique. Les modalités globales de cette rétrocession avaient été simultanément publiées; des modalités détaillées seront rendues publiques en janvier 1983 par la Société immobilière du Canada (Mirabel) Ltée. "Quant à l'impact sur l'agriculture résultant du fait que les terrains périphériques sont la propriété du gouvernement fédéral, je voudrais souligner que les activités agricoles sont celles qui assurent le mieux la protection à long terme des activités aéroportuaires et que, par conséquent, le gouvernement fédéral a intérêt à accorder priorité à la vocation agricole des terrains périphériques. "En ce qui concerne la nécessité de conserver 66 600 acres de terrain pour des fins aéroportuaires, je vous rappelle que le gouvernement fédéral a l'intention de réviser le plan directeur de l'aéroport de Mirabel, en consultation avec les groupes intéressés et les résidents des communautés avoisinantes.

Un groupe de travail a également été formé pour examiner les mesures de mise en marché et de promotion économique et agricole susceptibles d'accroître le développement de Mirabel et de la région périphérique. Ce groupe doit me présenter un rapport d'ici le 31 mars 1983. Puisque le nouveau plan directeur devra tenir compte des conclusions de ce rapport, vous comprendrez qu'il est beaucoup trop tôt pour revoir la superficie nécessaire aux activités aéronautiques. Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs."

Je vais demander qu'on en fasse quelques copies pour que vous ayez une copie du document.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: On va prendre connaissance de la lettre et, s'il y a des questions à ce sujet, on verra. Je voulais vous signaler, en prolongement des questions que je posais, un document que je portais à votre attention à la suspension de la séance, ce midi, qui émane de Transports Canada, Le réseau des aéroports de Montréal, Bureau de planification région du Québec, daté d'avril 1981. Je ne sais pas si vous avez eu connaissance de ce document. Vous sembliez en avoir une série comparable ou semblable.

M. Rivest (Pierre): Nous avons vérifié sur l'heure du midi et nous n'avons pas ce document.

M. Ryan: Alors, je vais vous poser quelques questions qui reposent sur des choses que j'ai trouvées dans ce document dont je vous ferai tenir une copie, si vous voulez. D'ailleurs, j'avais demandé qu'on en fasse des copies ce matin et, malheureusement, l'électricité a fait défaut.

Il y a une remarque à la page 4 et je vais vous la lire: "Caractéristique exclusive à Mirabel, l'espace opérationnel de l'aéroport est protégé par une zone tampon de 29 000 hectares - ce sont toujours les 72 000 ou 73 000 acres, n'est-ce pas? - appelée terrain périphérique de Mirabel. Ces terrains ont été acquis afin d'éviter les problèmes que créerait un usage contraire au bon fonctionnement de l'aéroport. Le développement, dans cette région à population clairsemée, est subordonné à certains contrôles, puisque seules les activités ou les installations compatibles aux activités de l'aéroport peuvent y être autorisées. Grâce à cette zone tampon, Mirabel, étant en service 24 heures par jour, sera toujours à l'abri de tout développement nuisible à sa croissance."

Alors, il y a une partie d'interprétation là-dedans qui nous intéresse peut-être moins pour l'instant, mais je voudrais vous demander: La zone qui est prévue pour la phase I et la phase II, c'est-à-dire les 5000 acres, plus les 7000 acres dont vous parliez plus tôt, est-ce que cela suffit pour que Mirabel puisse être en service 24 heures par jour ou si c'est nécessaire d'avoir une zone tampon comme celle-ci? Il n'était pas question de cet aspect dans votre présentation. Le gouvernement fédéral a toujours insisté sur l'importance d'avoir la disponibilité d'atterrissage ou de décollage 24 heures par jour. (14 h 30)

M. Rivest (Pierre): D'accord, évidemment, n'ayant pas vu le document et surtout ne sachant pas quelle définition on donne à la zone tampon ou du moins au bon fonctionnement. Si je me réfère à ce que vous me laissez entendre, c'est-à-dire un fonctionnement de 24 heures par jour, probablement, ce matin, par recoupement, on pourrait en venir à la même réponse, à savoir que vous avez à peu près dans tous les aéroports des couvre-feux, justement, parce que, dans les zones résidentielles - et dans notre document on ne le nie pas, au contraire - le bruit est un élément auquel il faut vraiment faire attention. Si, encore une fois, on met ensemble bon fonctionnement et 24 heures par jour, les 24 heures ne résident que sur la question du bruit. Mais dès qu'on tombe dans un territoire agricole, on croit -et basés sur les documents qu'on a analysés et notre propre connaissance des choses -que cela n'empêcherait pas ce bon fonctionnement en question. Je ne peux, malheureusement, pas être plus précis, ne connaissant pas la question du bon fonctionnement.

Pour ce qui est des opérations comme telles, que ce soit l'aide à la navigation, que ce soit les questions de sécurité, la zone opérationnelle telle que décrite suffit, qu'il y ait quoi que ce soit autour.

M. Ryan: Dans le document du gouvernement fédéral dont je vous parle, je note qu'ils accordent une importance assez grande à un facteur dont vous avez peu traité dans votre présentation: les conditions nécessaires pour le bon fonctionnement de tous les systèmes de télécommunications et les systèmes électroniques, radars, radios, aide à la navigation, système d'atterrissage par instruments, interférences de lignes de transmission, interférences de toutes sortes qui peuvent survenir sur le territoire. D'après vous, est-ce que ce facteur peut être gardé sous contrôle complet sans que cette zone tampon soit requise par le gouvernement fédéral pour les fins de l'aéroport? Est-ce un aspect que vous avez étudié de manière approfondie ou si vous aimeriez prendre connaissance de cette partie-là du rapport et nous faire part de vos commentaires de

manière plus détaillée?

M. Rivest (Pierre): Non, je pense qu'on peut y répondre parce que cela fait partie de nos préoccupations. C'est vrai que cela n'est pas apparu dans notre document parce que, justement, notre opinion est peut-être contraire. Et, maintenant que je connais celle que vous mentionnez - c'est même assez surprenant parce que, encore une fois, Mirabel serait unique au monde - pour tout ce qui touche les systèmes d'aide à la navigation, les radars, les communications, je peux vous dire qu'à Dorval l'antenne radar est à côté d'une piste, à environ 1000 pieds de l'axe d'une des pistes. Évidemment, si ce rapport a été fait il y a un certain nombre d'années ou, du moins, si on réfère à des choses qui existaient il y a un certain nombre d'années, l'équipement radar, en général, au Canada, était assez désuet. Il créait ce qu'on appelle des fantômes ou des échos et, quand il y avait des montagnes, cela créait un certain problème. Cela n'existe plus aujourd'hui. C'est plutôt une question d'équipement et il n'y a aucune raison pour que les communications ne fonctionnent pas. Je me permettrai certains exemples. Les aéroports en Suisse, je pense que, si les montagnes nuisaient, ils auraient de graves problèmes. Qu'on se réfère à l'Ouest du pays, Calgary n'est pas loin des montagnes; Vancouver est collée sur les montagnes. Gaspé est collée sur les montagnes; ici même, à Québec, il y a eu ces problèmes, mais ils n'existent plus aujourd'hui. Notre opinion serait que Mirabel n'a pas besoin d'espace pour ces installations et pour préserver, disons, un bon fonctionnement encore une fois.

M. Ryan: À la page 20 de votre document, M. Rivest, vous écrivez une chose sur laquelle j'aurais besoin d'explications. "La protection des environs se résume aux deux aspects suivants." Je vais lire l'extrait du mémoire pour que les gens qui sont ici puissent suivre ce qu'on discute parce qu'ils n'ont peut-être pas tous le document. "Dans un premier temps, il faut protéger une surface horizontale à l'intérieur de laquelle aucun obstacle d'une hauteur de plus de 150 pieds ne devrait être érigé. Pour déterminer cette zone, il faut tout d'abord localiser le ou les points de référence de l'aéroport. Connaissant les points de référence, il suffit de tracer des cercles dont le rayon sera d'au moins 13 000 pieds afin de connaître la superficie à protéger." Est-ce que vous pourriez nous fournir des explications là-dessus?

M. Rivest (Pierre): Oui. Ce matin, pour gagner un peu de temps, on a passé les tableaux. À la page 23, vous avez la figure A-l. Si vous regardez le cercle qui est hachuré, il donne une idée, une fois que vous avez déterminé le centre en question, de ce que cela peut couvrir. C'est à l'intérieur de ce cercle qu'il ne faut pas avoir d'obstacle qui dépasse 150 pieds. C'est là-dessus qu'on disait que ce qui nous surprenait, c'est que la tour de Mirabel, qui est, somme toute, à l'intérieur, a une hauteur de 215 pieds. On ne s'étend pas là-dessus, mais c'est ce que cela veut dire effectivement.

M. Ryan: La question qui m'intéresse, ce n'est pas la tour de Mirabel. Quelle serait la grandeur de ce cercle? Un rayon de 13 000 pieds, si je comprends bien, c'est quatre kilomètres. Cela veut dire que le diamètre serait d'au moins huit kilomètres. Est-ce que, sur la carte, cela équivaudrait à la surface qui est prévue pour les phases 1 et 2 ou si c'est plus grand ou moins grand?

M. Rivest (Pierre): Oui. C'est à peu près la zone actuelle avec la zone hachurée. Même si des surfaces comme celle-là doivent être protégées des obstacles, je dirais même que, souvent, cela dépasse les zones opérationnelles et la loi prévoit même qu'il y a moyen d'empêcher des constructions qui créeraient des obstacles venant à l'encontre de normes comme celles-là. Mais dans le cas de Mirabel, à peu de chose près, parce que ce sont des cercles et, comme vous le voyez, c'est plutôt carré, cela pourrait dépasser à certains endroits, mais cela couvrirait à peu près l'ensemble du projet et des deux phases, à ce moment-là.

M. Ryan: Je continue, dans le document fédéral, cette fois-ci. J'y trouve l'extrait suivant sur lequel je voudrais avoir votre commentaire. Il y a une certaine variation dans les chiffres, mais on ne s'attardera pas trop à cela. Je vais transposer les chiffres en acres, pour que ce soit clair; on est parti avec des acres et je ne veux pas parler d'hectares parce que j'ai peur de me perdre. "Des 72 000 acres qui forment les terrains périphériques, 30 000 entourant l'aéroport seront sujets à une multitude de restrictions nécessaires à son bon fonctionnement. Outre cette surface, approximativement 25 000 acres seront uniquement sujets aux restrictions en hauteur imposées par l'aéronautique civile. Ces restrictions en hauteur ne sont pas des contraignants du développement normal, puisque dans les endroits les plus restreints un bâtiment d'une hauteur de 46 mètres est permis. En dernier lieu, plusieurs zones totalisant une superficie de 17 500 acres ont été identifiées comme libres de toute restriction."

Si je lis bien cet extrait-ci du rapport fédéral qui remonte à 1981, d'après les auteurs, il y aurait 30 000 acres plus 25 000 acres qui seraient pratiquement nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de

l'aéroport; d'après eux, encore une fois. Je ne sais pas si vous voudriez faire des commentaires là-dessus, surtout commenter pour nous le paragraphe qui dit ceci: "... 30 000 acres entourant l'aéroport seront sujets à une multitude de restrictions nécessaires à son bon fonctionnement." Est-ce que vous acceptez cet énoncé?

M. Rivest (Pierre): Cela m'est très difficile, ne connaissant pas les restrictions. Si ce sont des restrictions à cause de ce qu'on appelle le zonage des obstacles, cela ne concorde pas. Quand même, tous les autres aéroports au monde se satisfont de beaucoup moins. Il faudrait vraiment connaître de quelles restrictions il s'agit.

M. Ryan: On pourrait faire une demande à M. le ministre. Je ne sais pas si le ministre pourrait demander à son collègue, le ministre des Transports, à supposer qu'on ne puisse pas avoir une plus ample documentation directe de la part du gouvernement fédéral, s'il pourrait nous donner une opinion écrite sur ce document-ci.

M. Garon: Je peux lui faire la demande.

M. Ryan: Peut-être pour les prochaines séances de la commission qui auront lieu au mois de novembre. D'ici là.

M. Garon: Oui.

M. Ryan: Je pense que cela permettrait à M. Rivest et à ses collègues d'en prendre connaissance; peut-être que d'autres documents seront libérés d'ici ce temps-là et nous pourrons avoir l'opinion, dûment appuyée sur des textes, des experts du ministère des Transports.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir une copie du document? J'aimerais en profiter pour lire un article de la loi fédérale sur l'aéronautique, Loi autorisant le contrôle de l'aéronautique, où on lit: "Sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil, le ministre peut - en parlant du ministre des Transports du Canada établir des règlements pour différentes fins." On dit, entre autres: "II peut édicter des règlements concernant la hauteur, l'emploi et l'emplacement de constructions, bâtiments et objets, y compris des objets de provenance naturelle situés sur des terrains contigus à des aéroports ou dans leur environ pour des fins concernant la navigation des aéronefs, ainsi que l'utilisation et la mise en service des aéroports, y compris à ces fins des règlements restreignant, réglant ou interdisant l'exécution de toute chose ou la tolérance de tout acte à accomplir sur lesdits terrains ou l'établissement ou l'usage de quelque construction, bâtiment ou objet de ce genre." C'est un pouvoir assez général du ministre de faire un règlement en vertu de la loi de l'aéronautique, justement pour ne pas être obligé d'exproprier. On peut faire des règlements restreignant des usages sans exproprier. Il a le droit de faire à peu près n'importe quoi, comme on voit, sur le territoire en termes de réglementation pour la sécurité. Parce qu'il faudrait se poser la question: Est-ce qu'on est en sécurité à Dorval si ça prend autant de choses?

M. Rivest (Pierre): Exactement. En fait, la loi qui prévoit toutes ces choses, c'est pour permettre en dehors des zones dites opérationnelles de quand même prendre des mesures. Je peux vous dire que les cheminées Miron, entre autres, à Montréal, connues comme telles et bien connues des pilotes parce que, même si on recule dans le temps, c'était mieux que les instruments de navigation, ont été limitées et éclairées d'une façon spéciale parce qu'elles étaient juste à la limite de ce qui était permis, et ça, c'est bien en dehors de la zone opérationnelle. La superficie comme telle, le territoire comme tel, c'est assez aléatoire puisque vous pouvez aller aussi loin que l'est de l'île de Montréal si c'était nécessaire. Dans le fond, c'est exactement ce que prévoit la loi. C'est de permettre au ministre de prendre des mesures pour protéger, assurer la sécurité, que ce soit sur son territoire d'aéroport ou à l'extérieur. Effectivement, c'est ce qui est fait.

M. Garon: II y a un règlement, M. le Président, le règlement du zonage de l'aéroport de Mirabel. Il est difficile à comprendre, remarquez bien, mais il dit quelque chose. "Il est interdit d'ériger ou de construire sur un terrain visé par le présent règlement aucun édifice, ouvrage ou objet ou de faire un ajout à aucun édifice, ouvrage ou objet existant dont le sommet serait plus élevé que l'une des surfaces s'il se situe juste au-dessus de la surface du terrain à cet endroit, à savoir a) les surfaces d'approche b) les surfaces extérieures ou c) les surfaces de transition." J'ai de la misère à comprendre ce que cela veut dire au juste. Il semble qu'il y ait mis des dispositions générales concernant les surfaces, ce que la loi lui permet de faire. Je le demanderai au ministre des Transports. Si vous voulez me formuler par écrit la question à laquelle vous voudriez avoir une réponse, M. le chef de l'Opposition, M. le député d'Argenteuil, ou le point que vous aimeriez voir préciser, je vais lui en parler immédiatement.

M. Ryan: Juste une addition à ceci. Est-ce que vous pourriez demander à votre collègue, en même temps, d'essayer d'obtenir des précisions sur la portée exacte de ce projet de réexamen du plan directeur de l'aéroport de Mirabel? En lisant la lettre de M. Pepin, on ne sait pas s'il pense à la zone aéroportuaire proprement dite, où à la zone périphérique. Il faudrait peut-être essayer d'obtenir des précisions sur le contexte dans lequel cette nouvelle étude est engagée. Qui est employé à cela? Il faudrait avoir tous les renseignements possibles, le stade où en est rendue l'étude également et si cela peut affecter de quelque manière nos discussions. Si c'est seulement pour l'intérieur de la zone aéroportuaire, cela n'a pas énormément à faire avec le sujet qu'on discute, mais, d'après le contexte de sa lettre, il semble envisager plus aussi. Il n'a pas l'air de trop le savoir. (14 h 45)

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, une question centrale en ce qui a trait à l'établissement de l'aéroport. C'est la zone dite opérationnelle qui a déjà été définie à 17 000 acres. Dans votre mémoire, vous ne remettez pas en question l'existence, dans sa totalité, de cette zone. C'est donc dire que vous tenez pour acquis - moyennant peut-être des accommodements agricoles d'ici les années 3000, avez-vous dit tantôt - qu'on préserverait à tout jamais cette zone de 17 000 acres, et vous proposez, en contrepartie, la rétrocession de ce qui est à l'extérieur, moyennant les contrôles habituels et normaux du ministère des Transports fédéral. Toutefois, vous avez tenté de "scénariser", à partir de la croissance de l'aéronautique - connue actuellement, évidemment, depuis quelques années - dans la région de Montréal, ce que pourrait être en étalement l'organisation technique de ce territoire de 17 000 acres.

Toutefois, l'approche que vous avez eue dans votre mémoire ne me satisfait pas. Peut-être n'avez-vous pas eu accès à tous les documents, peut-être vos évaluations sont-elles provisoires. Mais à quoi faudrait-il s'attendre, à peu près - à la construction de la troisième piste, puis de la quatrième piste, puis de la cinquième piste, puis de la sixième piste et, en même temps, de la deuxième aérogare, de la troisième aérogare, de la quatrième aérogare, de la cinquième aérogare et de la sixième aérogare - pour qu'enfin le PICA puisse se greffer sur la piste no 4, etc? En scénarisation, compte tenu toujours des documents que vous possédez et de votre expertise, qu'est-ce que cela pourrait être, dans les années, les décennies, les siècles à venir?

M. Rivest (Pierre): Si vous me le permettez, c'est presque jouer aux devins, parce que même avec les documents que nous avons - et Transports Canada n'a même pas fait d'extrapolation de ces choses - si on se base sur nos propres études - parce que notre travail, notre mandat nous oblige, quand même, à regarder l'évolution du transport aérien - ce qu'on enregistre aujourd'hui est vraiment minimal comparativement à ce à quoi on assistait dans les années soixante-dix, c'est-à-dire 15% et même 20% d'augmentation annuelle, contre maintenant 5%. Cela dépendra de la situation économique et de plusieurs facteurs, des types d'aéronefs aussi. Va-t-on s'en aller vers de plus grands aéronefs encore, 800 passagers, ce qui veut dire moins de mouvements, plus de passagers? Tout cela entre en ligne de compte. Ce serait vraiment difficile de dire quand les autres phases tomberaient.

Chose certaine, la phase 1 actuelle, comme on le disait, peut prendre de 6 000 000 à 10 000 000 de passagers et 300 000 mouvements. Nous sommes très loin de cela. On a fait simplement extrapoler qu'avec une augmentation régulière de 5% par année on arriverait à 2023 ou 2050. Si on voulait faire une prédiction, je m'engagerais jusque-là. Surtout depuis que la décision a été prise quant à Dorval, et selon la publicité qui sera faite aussi pour encourager les transporteurs à venir à Mirabel sur le fret, ce qui est une décision nouvelle, va-t-on assister à une accélération de ce pourcentage? Cela va-t-il rester la même chose? Je vous avoue que je m'aventurerais pas mal en allant plus loin que cela.

Chose certaine, on a vu des aéroports américains qu'on disait, il y a dix ans, saturés et qui ont continué à progresser, toujours dans leurs 3000 acres, dans leurs 4000 acres, parce qu'ils ne veulent pas laisser aller leur marché. Ils se tassent. Ils ont des délais et ils continuent. Avant de dire qu'un aéroport est vraiment saturé ou, dans le cas qui nous intéresse, que la première phase est saturée et qu'il n'y a plus moyen d'en mettre d'autres, encore là, c'est un peu aléatoire. On a parlé de Toronto qu'on disait saturée. Après avoir examiné la question et après avoir eu peur de Pickering, ils se sont rendu compte qu'il y avait moyen d'être pas mal plus efficace et d'en mettre d'autres.

Je ne peux, malheureusement, pas être plus précis en répondant à votre question et dépasser la phase 1. Jusqu'à maintenant, il n'y a personne qui s'y est aventuré; ce serait un peu effronté de ma part de le faire.

M. Fallu: Compte tenu de votre première réponse et compte tenu que, depuis la planification originale, il s'est passé

notamment deux choses majeures, la non-consolidation des vols de Dorval à Mirabel, d'une part, et, d'autre part, l'érosion continue des aéroports de Montréal sur Toronto, c'est-à-dire le déplacement de la porte sur l'Atlantique Nord de Montréal vers Toronto, sans être experts, ne pourrait-on pas, à partir de là, se dire que les 17 000 acres sont carrément utopiques et que, à toutes fins utiles, des 2500 acres qui sont physiquement occupées actuellement, la possibilité de garder peut-être une phase supplémentaire des deux phases à venir, nord et sud, ce serait au maximum de l'espoir possible, d'autant que par l'aménagement ça resterait agricole? Ne pourrait-on pas concevoir déjà qu'une partie des 17 000 acres soit également entamée?

M. Rivest (Pierre): Encore une fois, y aller d'une façon catégorique et finale, je crois que c'est un peu difficile. C'est la raison pour laquelle, dans nos recommandations, ne sachant pas combien de temps ça va durer, on recommande que le territoire de la deuxième phase soit exploité à l'heure actuelle. Puisqu'on parle des années 2020 ou 2050, ça veut dire qu'on peut s'attendre, pour une prochaine génération ou deux, que ça pourrait peut-être être utilisé, tout en sauvegardant un territoire si jamais, la publicité aidant, des efforts extrêmes aidant Mirabel à reprendre du poil de la bête - pour l'appeler par son nom, puisque c'est un éléphant - cela devenait plus intéressant et qu'on aurait besoin d'une deuxième phase. À partir de ce moment, ce serait gênant de dire: On vous l'avait dit, peut-être aurait-on dû le garder. Cependant, entre-temps, on voit très bien que ces terres seraient utilisées et, dans l'annexe qu'on a présentée, vous remarquerez qu'en Europe, à l'heure actuelle, on ne se gêne pas pour se servir des surfaces, à l'intérieur des zones opérationnelles, pour l'agriculture.

C'est un peu en considération de tout ça qu'on dit que, quant à la deuxième phase, on ne voit pas pourquoi, dans l'immédiat, les terrains ne pourraient pas être utilisés. Mais je ne pourrais pas me prononcer pour une décision finale, certainement pas.

M. Fallu: J'ai deux autres questions. Une question incidente avant de passer à mes deux autres questions principales. Le rapport Kates, Peat, Marwick & Co., avait proposé une localisation, mais, moi qui vis dans le territoire ou presque, il y a quelque chose que je n'ai jamais vraiment compris. Pourquoi est-ce que l'aérogare est au nord des pistes, alors que c'est censé être l'aéroport de Montréal, plutôt qu'au sud, où c'eût été infiniment plus proche?

M. Rivest (Pierre): Cette question, plusieurs personnes se la sont posée déjà et on n'a pas de réponse. Vraiment, il faudrait interroger ceux qui ont planifié l'aéroport pour le savoir. Mais c'est une bonne question. Malheureusement, c'est tout ce que je peux dire; je n'en connais pas la réponse.

M. Fallu: Est-ce que ce n'est pas parce que c'est l'aéroport de Montréal et d'Ottawa à la fois?

M. Rivest (Pierre): Peut-être, ça dépend d'où on part et des autoroutes.

M. Fallu: La question du bruit. On voit que les échancrures dessinées à l'époque -sur lesquelles, d'ailleurs, ils s'étaient trompés par rapport aux orientations de pistes avaient été considérables dans le territoire de quatorze municipalités. Mais, depuis les évaluations de 1969, par rapport à celles qu'on pourrait faire maintenant en 1982, est-il possible de concevoir que les zones qui avaient été prévues comme aménagement réservé pour les cônes de bruit puissent ne pas être revues à peu près complètement?

M. Rivest (Pierre): C'est peut-être l'essentiel de notre mémoire. C'est justement sur la fragilité des tests qui sont faits et même des systèmes employés en ce qui touche le bruit, ce qu'on appelle l'agression sonore et qui fait que vous pouvez exproprier tout le tour du monde, jusqu'à un certain point. On a fait état déjà des passages des supersoniques et on a fait des tests sans avertir personne; il n'y a personne qui pouvait dire par la suite qu'un supersonique était passé. Donc, c'est très aléatoire. C'est évident que, si vous voulez le silence parfait, il faudra tout exproprier, mais il y a des compromis à aller chercher et il y a des acceptations à reconnaître de la part de la population. C'est là qu'on dit que, dès qu'on touche des zones agricoles, c'est très possible, c'est très faisable. Si les gens de cet endroit ne veulent pas entendre de bruit, ils seront les premiers à ne pas vouloir y aller. Ce qui a été exproprié pour le bruit n'est pas valable en ce qui nous concerne. À la lumière d'aujourd'hui et des nouvelles méthodes utilisées, c'est très discutable.

M. Fallu: J'ai une dernière question. Lorsqu'on a l'occasion de causer des problèmes de Mirabel avec des responsables du fédéral, on nous soutient habituellement, comme premier argument, qu'il faut absolument que le territoire soit possession fédérale en vue de l'aménagement. Les contraintes qu'on met en relief en premier lieu, ce sont celles reliées aux équipements de navigation. Je ne sais pas si on veut nous faire peur avec les fantômes électroniques, comme vous les appeliez tantôt, ou les échos, mais c'est ce qu'on nous sert comme premier argument. On nous dit qu'il serait

impossible de concevoir qu'on fasse des silos avec tels matériaux, des toits de tôle sur les granges, des clôtures de fil barbelé, électrifiées, des clôtures maillées. J'ai toujours trouvé cela contradictoire alors que l'aéroport lui-même, zone opérationnelle, est entouré complètement de clôtures Frost. Est-ce que ces arguments tiennent?

M. Rivest (Pierre): Encore une fois, cela aurait été intéressant d'avoir les gens de Transports Canada qui, vraiment, ont des experts là-dessus, quoique, avec les gens et les documents que nous avons, on peut vraiment affirmer et confirmer que, pour nous, c'est faux. Tous les aéroports - la plupart - sont entourés de près ou de loin de choses comme celles-là. Cela référait probablement - il faudrait le savoir - aux anciens systèmes de radar qui, effectivement, étaient brouillés ou, du moins, ennuyés par certaines constructions ou certains matériaux. Aujourd'hui, cela ne vaut plus. Alors, Mirabel serait unique au monde à connaître ce phénomène. On ne croit pas que ce soit un argument défendable. Maintenant, c'est une opinion contre une autre opinion.

M. Fallu: Merci de votre témoignage.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. Rivest, on vous souhaite une bienvenue toute cordiale parce que parler d'aéroport dans une commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, c'est ajouter beaucoup de syllabes à un mot auquel on est habitué et qui est usuel en agriculture.

Pour revenir plus précisément à votre mémoire, à la page 3, vous mentionnez que "indépendamment du site et en fonction des prévisions pour 1985, l'étude indiquait que l'aéroport devait avoir une superficie de 10 000 acres pour la zone opérationnelle alors qu'une zone de protection de 50 000 acres correspondant à la superficie exposée au bruit devait être contrôlée." Est-ce que le ministère des Transports du Québec - je ne parle pas de l'expropriation, je parle de contrôle du bruit, c'est tout à fait différent comme notion - est d'accord que le contrôle du bruit doit s'étendre sur une telle superficie?

M. Rivest (Pierre): Bien non. C'est justement tout le fond de notre argumentation. Encore une fois, c'est délicat de notre part, mais c'est non.

M. Paradis: Et quelles sont vos prétentions?

M. Rivest (Pierre): Nos prétentions sont de rechercher un compromis dit raisonnable, en tenant compte de deux facteurs, je pense, très importants qui sont celui des zones résidentielles ou dites résidentielles et celui des zones agricoles ou industrielles. D'ailleurs, on a un autre tableau plus loin où l'on démontre que, du côté industriel, on peut être beaucoup plus tolérant et aller beaucoup plus loin. Pour les zones résidentielles, on serait parfaitement d'accord à dire: Bien, écoutez quelle qualité de vie voulez-vous donner à votre population et jusqu'où allons-nous l'étendre? On peut recommencer une autre discussion, parce que vous ne l'obtiendrez jamais à 100%. (15 heures)

M. Paradis: Est-ce que vous avez des prémisses chiffrées au niveau du ministère des Transports du Québec, à partir desquelles vous êtes présentement prêts à entamer un dialogue avec Transports Canada?

M. Rivest (Pierre): Pas d'autre que celle de comparer avec ce qui se fait ailleurs, en prenant les moins bonnes présentations par rapport aux meilleures.

M. Paradis: Et cela vous donne un chiffre de combien sur le territoire de Mirabel?

M. Rivest (Pierre): On se satisferait très bien de 17 000 acres.

M. Paradis: De 17 000 acres... M. Rivest (Pierre): Oui.

M. Paradis: Et cela inclurait, à ce moment-là, la zone de bruit.

M. Rivest (Pierre): Opérationnelle et de bruit, effectivement.

M. Paradis: Maintenant, à la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez, dans l'avant-dernier paragraphe et au dernier paragraphe, ce qui suit: "II faut dire que les prévisions de trafic à Mirabel, en plus de reposer sur une croissance optimiste du trafic international, impliquaient en 1980 un transfert des vols transfrontaliers de Dorval à Mirabel et celui des vols nationaux, sauf quelques exceptions, vers 1985. Or, ce plan de transfert - comme on le sait - de vols n'a pas été respecté, ce qui constitue une des causes de la sous-utilisation actuelle de l'aéroport de Mirabel". Quelle est la philosophie ou la politique de Transports-Québec sur ce dossier?

M. Rivest (Pierre): C'était, justement, la décision qui a été prise dernièrement, à savoir de garder Dorval en vie.

M. Paradis: Donc, au niveau de la décision prise par le ministre des Transports,

M. Pepin, vous êtes d'accord avec l'aménagement qui a été fait. Vous êtes en profond désaccord - et cela, votre mémoire le soulève - avec la grandeur de terrain, avec les expropriations, avec tout cela. Mais au niveau de l'aménagement des deux aéroports, au niveau de la fonction des deux aéroports, devrais-je plutôt dire, Transports-Québec est d'accord avec Ottawa.

M. Rivest (Pierre): Oui.

M. Paradis: Maintenant, à la page 9, vous mentionnez, au dernier paragraphe encore une fois: "Une vaste campagne de publicité, ainsi qu'un comité chargé de trouver des moyens incitatifs a été mis sur pied afin d'accroître l'activité à Mirabel. On notera que le Québec, encore une fois, n'a pas été invité à participer à ce groupe de travail." Ma question est peut-être à double volet. Est-ce que le Québec n'a pas été impliqué dans le parc industriel de Mirabel comme tel et est-ce qu'il n'était pas le maître d'oeuvre principal suivant la législation et les accords intervenus entre la province et le gouvernement fédéral?

M. Rivest (Pierre): Oui, je crois qu'il y a eu une partie où les gens du parc industriel ont été impliqués. D'ailleurs, si je ne m'abuse, c'est un comité fédéral-provincial ou, du moins, une organisation, une société mixte. À ce point de vue là, oui, sauf qu'il faudrait voir jusqu'où sont allées cette information et cette implication. Quand on parle du gouvernement, évidemment, on se restreint peut-être plus à Québec et c'est de ce point de vue qu'on en parle.

M. Paradis: Non, non. Parce que je fais référence - peut-être que ma mémoire me fait faux bond - à une loi de l'Assemblée nationale, à un moment donné, qui avait créé le fameux parc industriel et qui donnait à la province de Québec pas simplement un rôle de participant, mais un rôle de participation majeure et même d'orientation et de direction dans le parc industriel de Mirabel. C'est pour cela que, lorsque je vois cette phrase, je me demande ce que vous indiquez exactement. Est-ce que vous voulez prétendre que la province de Québec n'a été associée à rien à Mirabel?

M. Rivest (Pierre): Si je ne m'abuse, c'est parce qu'on réfère ici à un groupe de travail qui n'est pas celui, justement, dont vous parlez.

M. Paradis: D'accord.

M. Morel (Jean-Guy): C'est celui annoncé par M. Pepin dans son télégramme.

M. Paradis: Est-ce qu'on peut dire qu'à partir du moment où on a été impliqué dans le passé, aujourd'hui c'est complètement cloisonné?

M. Rivest (Pierre): Pour l'instant, c'est comme cela.

M. Paradis: Maintenant, à la page 10, encore une fois au dernier paragraphe, vous mentionnez: "C'est donc dire que les 5200 acres actuelles réservées à la phase 1 du plan directeur de Mirabel suffisent amplement aux besoins prévus jusqu'au-delà de l'an 2000." Maintenant, dans vos conclusions, vous allez plus loin que l'an 2000. Est-ce que c'est la position officielle de Transports-Québec d'aller plus loin que l'an 2000?

M. Rivest (Pierre): Un peu comme je l'expliquais antérieurement, c'est très difficile pour nous de pousser trop loin les prévisions puisque personne ne semble être capable d'en faire. Encore une fois, soit en interrogeant Transports Canada ou soit en regardant leurs documents, on voit que cela ne va pas tellement plus loin, sauf de dire qu'il y aura une phase en l'an 2000, en l'an 2050. Ce sont des blocs simplement pour donner des limites. Alors, pour nous, il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte, surtout avec le temps qu'on a eu pour travailler que ce serait très difficile d'aller plus loin ou de prétendre donner des prévisions. On regarde surtout l'évolution qui se fait à l'heure actuelle et on a fait un calcul mathématique simple pour en arriver à cette conclusion.

M. Paradis: Vous comprendrez pourquoi je vous pose la question. C'est très difficile pour un politicien - je pense qu'il y en a plusieurs - qui n'a pas d'expertise en aéronautique et qui est un peu néophyte dans tous ces dossiers de savoir où on s'en va exactement. Il faut se fier à des experts comme vous.

Dans vos conclusions, vous dites: Allons jusqu'à 17 000 acres et Transports-Québec sera satisfait. C'est votre position?

M. Rivest (Pierre): Oui, parce que, encore une fois, comme je le disais tout à l'heure, on serait malvenu ou mal placé d'aller l'enlever au cas où cela fonctionnerait bien. Si c'est là, acceptons-le. Ce ne serait pas le seul qui serait de cette façon puisqu'on en a parlé d'un de 18 000 acres. C'est un peu dans ce sens de générosité qu'on serait certainement satisfait non seulement de le garder, mais qu'il puisse être utilisé.

M. Paradis: À la page 15, au dernier paragraphe, vous dites: "Devant les

protestations publiques sur le choix du site et les expropriations, et le refus ultérieur de la province de l'Ontario de coopérer à l'aménagement de voies d'accès à l'aéroport - on nous réfère à celui de Toronto - le ministère des Transports du Canada décida, en 1975, de surseoir aux travaux d'aménagement". Quel a été le rôle de coopération ou de non-coopération de Transports-Québec dans le cas de l'aéroport international de Mirabel?

M. Rivest (Pierre): II est inexistant, à ma connaissance.

M. Paradis: Donc, vous avez adopté la même attitude que le ministère des Transports de l'Ontario dans le cas de Pickering.

M. Rivest (Pierre): Non, puisqu'ils ont été impliqués. Nous, on ne l'a pas été.

M. Paradis: Non, je parle de collaboration dans la construction d'infrastructures routières, etc. Est-ce que Transports-Québec a été impliqué là-dedans?

M. Rivest (Pierre): Pour ce qui concerne le ministère comme tel, oui, absolument. Je sais que le ministère est impliqué.

M. Paradis: Et, à ce moment-là, vous avez collaboré à construire un réseau routier, adéquat ou non - on en reparlera plus tard avec les autorités municipales - autour de Mirabel. Vous n'avez pas adopté la même stratégie que le ministère des Transports de l'Ontario.

M. Rivest (Pierre): Je comprends mieux votre question. Dans ce sens-là, non, puisque, d'ailleurs, il y a déjà un réseau et je n'en connais pas tous les détails, je vous l'avoue. On se penche plus du côté aérien.

M. Paradis: À chacun sa spécialité. Au dernier paragraphe de la page 28, vous mentionnez ce qui suit: "En ce qui concerne l'agriculture, il importe de noter et ce, contrairement à la croyance populaire, que l'activité agricole est, en général, compatible avec les activités aéroportuaires." À la page 30, au deuxième paragraphe, vous dites: "Certaines cultures, comme le pois, le maïs, l'avoine et le tournesol, sont généralement interdites dans les limites d'un aéroport en raison de l'attrait qu'elles représentent pour les oiseaux et le danger que ceux-ci représentent pour les aéronefs lors des manoeuvres de décollage et d'atterrissage." Vous concluez, au dernier paragraphe: "Quant à la vocation agricole, elle n'est touchée que par peu ou pas de contrainte, comme le démontrent les normes établies et l'expérience à plusieurs aéroports canadiens et étrangers." Sur la base de cette prémisse, vous concluez, à la toute fin de votre mémoire: "Que les terres non requises à court terme à l'intérieur de la zone opérationnelle soient réaffectées à l'agriculture et que des mesures appropriées soient prises afin d'assurer une protection adéquate de cette zone."

Combien y a-t-il d'acres, suivant votre connaissance du dossier, à l'intérieur de cette zone opérationnelle, qui pourraient être retournées en culture? Je devrais peut-être commencer en disant: Combien y en a-t-il en culture présentement? Aucune?

M. Rivest (Pierre): Je peux difficilement répondre à cela. Je pourrais faire un autre calcul en disant: c'est 17 000 moins 5200 puisque dans les autres phases à venir il n'y a absolument rien de fait, à ma connaissance. C'est sous toute réserve.

M. Paradis: Mais est-ce qu'il y en a présentement, dans la zone opérationnelle, qui dépassent les 5000 actuelles qui sont utilisées? On se rend aux 17 000. Est-ce qu'il y en a dans cette zone opérationnelle tampon qui sont utilisées à des fins agricoles présentement?

M. Rivest (Pierre): Je ne peux absolument pas répondre à cela.

M. Paradis: C'est parce que vous concluez...

M. Rivest (Pierre): Nous établissons un principe...

M. Paradis: Ah! D'accord.

M. Rivest (Pierre): ... voulant que cela puisse être utilisé. On ne dit pas que ça l'est comme tel, mais on établit le principe qu'on ne voit pas pourquoi ça ne serait pas utilisé, sous réserve, évidemment, de certaines restrictions.

M. Paradis: Tantôt, répondant à une question venant d'un député ministériel, vous avez parlé d'aéroports américains qui s'étaient satisfaits d'un territoire beaucoup plus restreint et qui avaient réussi à maintenir ou même à accentuer leur fonctionnement en se tassant, pour prendre les termes que vous avez utilisés, et même en adoptant une politique de délai. Pourriez-vous nous dire quels sont ces aéroports?

M. Rivest (Pierre): Rapidement, vous avez l'aéroport Kennedy à New York, entre autres, celui qui est à l'intérieur de la ville. On me dit qu'on les a aussi en page 12. Vous avez celui de Boston, qui est bien connu, celui de Chicago...

M. Paradis: Est-ce que "the biggest one", au Texas...

M. Rivest (Pierre): C'est le plus gros en superficie parce que le plus gros en activités, c'est Chicago. Il y a aussi celui de Dallas. Pour qualifier davantage ce que j'ai dit, je référerais peut-être aux aéroports plus anciens comme ceux de Boston, New York, Chicago. Je ne crois pas qu'il y ait de problèmes à celui de Dallas, justement, parce qu'il y a un peu plus d'espace et il est plus moderne.

M. Paradis: Donc, vous n'incluriez pas Dallas dans la liste que je vous ai demandée.

M. Rivest (Pierre): Au point de vue des attentes, je ne le sais pas. Une opinion serait qu'il est certainement moins mal pris que les autres.

M. Paradis: D'accord. J'aurais peut-être une question qui s'éloigne un peu de Mirabel, mais qui touche quand même la commission agricole et le ministère des Transports. Vous possédez présentement au Québec, au ministère des Transports, d'importantes étendues de terrain à vocation agricole qui ont été expropriées pour des projets routiers qui sont aujourd'hui, suivant ce qu'on nous dit au ministère des Transports du Québec, reportés au moins de dix ans. On sait ce que cela veut dire. C'est un peu comme la phase 2. Dépendant de ce qui arrivera au Québec, on les fera ou on ne les fera pas.

Quelle est votre politique quant à ces parties de terrain qui se trouvent, entre autres, dans mon comté, dans la vallée du lac Champlain, où il y a les plus hautes unités thermiques au Québec? Il y en a dans la vallée du Richelieu, etc. Quelle est la politique du ministère des Transports du Québec sur ces terres expropriées?

M. Rivest (Pierre): Vous allez me permettre de me retrancher derrière ma spécialité qui est l'aviation. Lorsqu'on construit des aéroports - on en a fait et on en fait encore - on prend le minimum requis.

M. Paradis: D'accord.

M. Rivest (Pierre): Je ne peux vraiment pas vous répondre, M. Paradis.

M. Paradis: Si vous pouviez le demander à vos collègues du ministère des Transports, on aimerait savoir ce que fait le gouvernement du Québec comme propriétaire de terres agricoles qui ont été expropriées pour des projets routiers importants alors qu'on nous dit qu'avant dix ans il n'est pas question de construire.

J'aurais une dernière question que j'adresserais, avec votre permission, M. le Président, à l'honorable ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Elle porte sur le chèque que vous avez fait distribuer ce matin, un chèque au montant de 17 650 $, adressé à M. Ernest Chaumont, endossé par M. Chaumont pour dépôt seulement au crédit de la Société immobilière du Canada Ltée. Là, je vais tenter de clarifier le dossier avec l'honorable ministre.

Est-ce que vous avez bien dit que vous avez coupé les programmes d'aide aux agriculteurs de cette région parce que le gouvernement fédéral encaissait les chèques du ministère de l'Agriculture du Québec et que la plus-value que cette dépense avait apportée à la terre était imputée en augmentation de loyer à l'agriculteur occupant? Est-ce ce que vous avez dit ce matin? (15 h 15)

M. Garon: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le Président (M. Rochefort): J'accepte la question, mais il faudrait quand même qu'on s'en tienne au mandat de la commission qui est d'entendre les gens qu'on a invités à venir se faire entendre à la commission. Je conviens qu'il est peut-être utile de répondre à cette question. Il faudrait immédiatement, par la suite, revenir au mandat pour lequel l'Assemblée nationale nous a demandé de tenir les séances de la commission aujourd'hui et demain.

M. Paradis: Je vous souligne respectueusement, M. le Président, que ces gens ont été privés de services, et c'est important de savoir pourquoi le ministre a interrompu les programmes.

Le Président (M. Rochefort): Je conviens de tout cela, mais je vous rappelle le mandat qui n'est pas le mien, mais qui est celui que l'Assemblée nationale nous a confié. M. le ministre.

M. Garon: C'est un ensemble de raisons. Ce que les gens du fédéral faisaient, on ne le savait pas. Parce que les gens ont fait des représentations à différentes reprises qu'un des effets du drainage des terres, c'est qu'on augmentait leur loyer. Deuxièmement, il y avait des baux à court terme. Concernant la location, si ma mémoire est bonne - c'est dans le document Le défi Mirabel - pour les fins de la commission, je pense que 35% des terres louées au Québec le sont à Mirabel; un fort pourcentage des terres louées - ce n'est pas la formule, la location, graduellement, au Québec, c'est la propriété - l'est à Mirabel. Alors, on a dit: Jusqu'à quel point investit-on dans des terres qui sont louées, sur quelle période de temps, un an, deux ans, cinq ans, dix ans? Alors, il

fallait établir une politique sur ces questions. Il y a un ensemble de raisons qui ont fait qu'on a suspendu les programmes du ministère en se demandant où on investissait exactement à Mirabel. Est-ce qu'on va faire du drainage dans les terres qui vont peut-être cesser d'être en culture dans un an? Il fallait se poser ces questions. C'est un ensemble de questions semblables qui fait qu'on a arrêté les programmes. Ce n'est pas une raison, c'est un ensemble de raisons.

M. Paradis: Je voulais strictement -c'était là le but de ma question - m'assurer que la raison que vous avez mentionnée ce matin n'était justement pas une des raisons pour lesquelles vous aviez arrêté ce programme. Est-ce que c'était une des raisons qui étaient comptées?

M. Garon: J'ai dit qu'une des raisons était que la mise en valeur du sol avait pour effet d'augmenter le loyer des locataires. Quand on mettait en valeur le sol, le loyer augmentait.

M. Paradis: Pour la partie subventionnée?

M. Garon: Pardon?

M. Paradis: Vous avez dit, ce matin -je n'ai pas la transcription, mais on pourra l'avoir demain - que cela augmentait la valeur pour la partie subventionnée. Est-ce que vous maintenez toujours cela?

M. Garon: Quand on a arrêté, il fallait faire le point sur ces questions. Ce n'est pas la seule question, mais un ensemble de questions. L'une des questions qui se posait, c'était ça parce que les gens qui nous rencontraient nous disaient: Quand on fait des travaux d'amélioration sur nos fermes, on est pénalisé puisque la valeur de notre ferme est plus grande, et le loyer augmente. D'ailleurs, je suis persuadé qu'il y a des gens qui vont venir témoigner qui vont le dire. Il fallait s'interroger sur ces questions.

M. Paradis: Plus précisément, M. le ministre, je pense que vous m'avez convaincu...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi, je voudrais qu'on revienne au mandat de la commission.

M. Paradis: J'ai lu les mémoires disant que plus la valeur augmente, plus les gens qui paient un loyer sont affectés en payant un loyer plus élevé. Je pense que, sur cette partie, on s'entend, mais ce que je veux savoir, c'est si vous maintenez que la partie de la subvention était considérée dans l'augmentation du loyer. C'est ça que je veux savoir, ce que vous donniez. Lorsqu'on fait du drainage, le ministère de l'Agriculture du Québec en paie une partie par subvention. Le producteur agricole, lorsqu'on est sur une terre privée, comme c'est le cas dans la majorité des régions du Québec, en paie une partie. Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit ce matin que sur la partie que vous subventionniez, parce que vous donniez un chèque au cultivateur, son loyer augmentait sur cette partie?

M. Garon: Non. Ce n'est pas ça que j'ai dit.

M. Paradis: Non? D'accord, ça va. Je comprends.

M. Garon: J'ai dit qu'il y avait un ensemble d'interrogations. Qu'est-ce qu'on investit sur des terres louées pour un an? Qu'il y a des augmentations de loyer parce qu'il y a une mise en valeur du sol. Il y avait une série... Il faut dire qu'à ce moment, quand les gens sont arrivés et ont fait des représentations, ils ont présenté un ensemble de données qu'on ne connaissait pas. Moi, si vous voulez, dans Mirabel, je ne suis pas connecté directement sur la société immobilière. Quand on me dit des choses, c'est-y vrai, c'est-y pas vrai? Je ne le sais pas. Est-ce qu'on charrie ou on ne charrie pas? Je ne le sais pas. Je sais une chose, par exemple, c'est que quand on draine une terre, habituellement, elle vaut le double. Le gouvernement du Québec met de l'argent dans le drainage souterrain et, habituellement, les tuyaux qu'on met dans le sol, quand il y a, par exemple, 100.0 pieds à l'acre, au taux actuel, cela peut coûter 0,50 $ le pied, ce qui veut dire 500 $. Souvent, cela représente un valeur aussi grande que le fonds de terre lui-même. On dit: Va-t-on mettre, par les programmes du gouvernement du Québec, du drainage dans des sols qui vont être agricoles pendant combien de temps encore? C'est l'ensemble des questions qu'on se posait face à des représentations qui nous étaient faites par des gens de Mirabel.

En même temps, ce qu'on a énoncé à ce moment-là, ce qu'on souhaitait, c'est que les gens aient un bail emphytéotique et qu'ils puissent acquérir la plus-value de leurs fermes eux-mêmes plutôt que de contribuer à la plus-value des fermes par des subventions du gouvernement du Québec, entre autres, ou par le gouvernement fédéral. Car, une des façons pour le cultivateur de gagner sa vie, ce n'est pas seulement le revenu que lui procure la ferme, mais c'est aussi une combinaison de cela et de la plus-value du sol, quand on calcule son revenu. Souvent, si on tenait compte seulement du revenu de l'agriculteur pour cette année, il ne serait

pas un agriculteur. Il y en a beaucoup qui lâcheraient, mais quand il y a la plus-value du sol en même temps, les deux combinés ensemble, la constitution, si on peut dire, d'une forme de fonds de retraite et l'argent en banque qui est dans le sol, tout cela fait partie d'un ensemble. C'est là qu'on a dit: Face à cette situation, on va poser comme condition qu'il y ait des locations, des baux à long terme et, autant que possible, des baux emphytéotiques. On savait qu'en posant cette condition le fédéral serait devant une situation de fait où on dirait: Nos investissements, on ne veut pas les mettre dans des terres louées pour un an. On savait que cela contribuerait peut-être à définir la question. C'est beaucoup plus dans le sens de définir la question qu'on a posé ce geste.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais m'adresser, avec votre permission, à M. Rivest. M. Rivest, vous êtes directeur du transport aérien au ministère des Transports du Québec.

M. Rivest (Pierre): C'est exact.

M. de Bellefeuille: On peut donc vous considérer comme un expert en aéronautique.

M. Rivest (Pierre): J'espère.

M. de Bellefeuille: Laissez votre modestie de côté.

M. Rivest (Pierre): Allez-y.

M. de Bellefeuille: Bon! Tout à l'heure, M. le député de Brome-Missisquoi vous a posé une question sur le transfert des vols. Pendant plusieurs années, la politique du ministre et du ministère des Transports du Québec était d'appuyer le projet de transfert des vols de Dorval à Mirabel, enfin de certaines catégories de vols. Dans votre mémoire, comme cela vient de vous être signalé, à la page 9, vous indiquez que le ministère fédéral des Transports a fait faire, en 1980, une étude qui comportait six scénarios possibles. Vous indiquez que "malgré les conclusions de cette étude, la solution retenue ne figure pas parmi les scénarios étudiés".

La question que je me pose, au fond, c'est la suivante: Quel est l'avenir de Mirabel, l'avenir de l'aéroport, l'avenir du territoire qui entoure l'aéroport? J'aimerais savoir dans quelle mesure vous-même, vous êtes d'accord avec cette solution qui est différente, qui ne figure pas parmi les scénarios contenus dans l'étude de Transports Canada. Vous avez répondu très brièvement à M. le député de Brome-Missisquoi qu'il s'agissait de garder Dorval en vie. C'est intéressant. Cela veut dire qu'il y avait plusieurs aéroports qui étaient menacés et que vous avez choisi d'en protéger un plutôt que l'autre. Est-ce que c'est ça ou suis-je injuste?

M. Rivest (Pierre): La question du transfert des vols, d'abord, est une question très complexe, comme vous le savez. C'est peut-être la raison pour laquelle cela a pris autant de temps à se décider. Ce qu'on remarque, c'est que, justement, dans les scénarios qui avaient été préparés, cela commençait à partir d'un statu quo pour aller à un minimum de transferts, ensuite à plus de transferts, à la plupart des transferts et, finalement, jusqu'à fermer Dorval, ce qui était, d'ailleurs, le septième scénario. Comme je l'indiquais ce matin, il y avait sept scénarios, donc, en passant d'un extrême, qui était le statu quo, à l'autre extrême, qui était de fermer Dorval. Pourquoi on se prononce aujourd'hui? J'aimerais bien qu'on comprenne qu'une décision, en ce qui nous concerne, qui est prise dans les années 1982, est basée sur la situation, basée sur un historique. Évidemment, on essaie aussi de se baser sur ce qu'on entrevoit et les contextes changent assurément. Ce qui nous apparaissait de plus en plus évident, c'est que Mirabel était pour stagner. Si on a fait mention, dans notre mémoire, du fait que ces transferts n'ont pas été faits et que cela a peut-être contribué à affaiblir Mirabel et à ne pas lui donner l'essor auquel on s'attendait, il faut remarquer en même temps aussi, un peu plus loin, qu'on mentionne que, au même moment où on veut faire de Mirabel une porte d'entrée, on se met à donner des permis pour que les transporteurs étrangers passent tout droit et se rendent à Toronto. Il y a même British Airways qui se rend directement à Vancouver.

À partir de cela, on est obligé de regarder ce qui se produit et on se dit: Quel est le contexte? À notre avis - encore là basé sur l'information que nous pouvons avoir et les études qu'on peut faire - Dorval peut suffire au trafic existant à l'heure actuelle, et peut suffire au trafic à venir. Je ne doute pas qu'il y en a qui peuvent contester ça. La meilleure solution qu'on pouvait trouver, c'était que Dorval fonctionne. Dorval est rentable. Je ne pourrais pas vous parler de 1982 et peut-être pas de 1981, mais jusqu'à ce que Dorval se mette à perdre du trafic au profit de Mirabel, Dorval était le seul aéroport rentable au Canada, qui faisait ses frais, avec Toronto et Vancouver. On se dit: Avant de démolir ça, on serait peut-être mieux de voir ce qu'on peut faire.

On pourrait aussi aller à l'autre extrême qui serait de fermer Mirabel, ça

s'est dit, ça s'est présenté, ce scénario, quoique ça n'était évidemment pas dans les scénarios de Transports Canada.

Si je comprends bien votre question, c'est un peu le raisonnement sur lequel on se base, pourquoi on pense ça ou qu'est-ce qu'on pense dans le cas de Dorval et dans la question des transferts. On regarde les transferts sous un autre aspect aussi; ils sont très coûteux, du moins le déplacement entre les deux aéroports est très coûteux pour les transporteurs. Un transporteur comme Transports Canada, qui peut avoir beaucoup de vols qui ont à partir, de toute façon, de Mirabel, c'est peut-être moins pire, mais pour les transporteurs régionaux qui sont obligés d'avoir des bureaux, de payer des frais d'atterrissage et de payer évidemment les coûts du vol entre les deux aéroports -c'est la partie la plus dispendieuse parce que le décollage et le vol à basse altitude est ce qu'il y a de plus coûteux dans ce genre d'opération - ce sont autant de facteurs qui rentrent en ligne de compte pour dire: La conclusion serait peut-être: gardons Dorval tel qu'il est là, continuons à nous en servir et que ce soit un aéroport efficace et rentable. C'est le raisonnement qu'on fait dans ce domaine.

M. de Bellefeuille: Est-ce que ce serait conforme à votre pensée que de dire que la question du transfert des vols ne se pose pas dans l'absolu, qu'elle ne se pose pas isolément d'un certain nombre d'autres questions et que le gouvernement fédéral a pris, au cours des années, un certain nombre de décisions en dirigeant, par exemple, certaines liaisons internationales vers Toronto ou vers d'autres aéroports du Canada, ce qui a fait que la région montréalaise perdait de l'achalandage et perdait de l'importance comme porte d'entrée aérienne.

M. Rivest (Pierre): C'est évident que, encore là, si on regarde la rationalisation du transport aérien comme tel, on y trouve des incohérences. Alors qu'une main faisait quelque chose, l'autre main en faisait une autre et c'est cette incohérence qui nous inquiétait et qui nous faisait regarder ou opter pour des solutions plutôt que d'autres; il y avait certainement une incohérence.

M. de Bellefeuille: Est-ce que vous incluriez parmi les incohérences les perspectives qui ont été évoquées quant au développement de Mirabel? Là, je me reporte à quelques années en arrière, disons en 1974, où on annonçait un développement considérable et rapide pour l'aéroport de Mirabel, pour le centre-ville de Saint-Augustin, avec des retombées économiques importantes dans toutes les villes de la région. On prédisait, pour chacune de ces villes, une augmentation démographique très considérable. Incluriez-vous ça dans la catégorie des incohérences, compte tenu que le gouvernement fédéral, de l'autre main, prenait un certain nombre de décisions qui ne favorisaient pas le développement de Mirabel? (15 h 30)

M. Rivest (Pierre): Oui, ça peut certainement paraître ça. Cependant, je vais être un peu plus nuancé en disant que -d'abord, nous, dans notre mémoire, nous ne mettons pas le site en cause, parce qu'on se dit: Maintenant c'est là, c'est un fait accompli - si on veut reculer jusque-là, on indique que, dans les premières analyses, il semblait y avoir une croissance vraiment intéressante dans le transport aérien: les gros porteurs, etc. S'il y a manque ou incohérence, c'est peut-être qu'on n'a pas suivi, à partir de là, l'évolution du transport aérien comme tel. Cette espèce de croissance n'était pas une courbe régulière, une courbe continue dont on pouvait dire: II n'y a rien qui va arrêter cela. C'est peut-être dans ce sens qu'on pourrait dire qu'il y a eu effectivement manque ou incohérence dans le suivi de l'évolution du transport aérien. On a mentionné que, si le bruit était un gros facteur, les manufacturiers commençaient à trouver des techniques qui allaient dans le sens contraire. On sait aujourd'hui que les plus gros porteurs sont les avions qui font le moins de bruit. Alors, est-ce qu'on a suivi cette évolution? C'est dans ce sens que je pourrais répondre.

M. de Bellefeuille: M. Rivest, pour résumer, les vols n'ont pas été transférés parce qu'il s'agissait - ce sont vos propres paroles - "de garder Dorval en vie". Il s'agissait de sauver Dorval. Bon. Alors, en sauvant Dorval, on pourrait penser que le gouvernement fédéral sacrifiait Mirabel, ce qui m'amène à vous demander, à vous, comme expert en aéronautique, quelles sont les perspectives de développement de Mirabel pour le trafic voyageur, pour le trafic des marchandises, pour le développement du parc industriel de l'aéroport.

M. Rivest (Pierre): Évidemment, je ne peux pas parler pour le gouvernement fédéral ou, du moins, sur ses intentions, ce serait encore là peut-être prétentieux. Mais c'est évident que si vous avez de l'équipement en trop et que vous en favorisez un, cela sera probablement au détriment de l'autre. Cela dit, on sait qu'avec la décision du transfert des vols à Mirabel il est censé y avoir non seulement une campagne, mais des mesures concrètes pour favoriser Mirabel, des diminutions de frais d'atterrissage entre autres, etc., etc. Je ne les sais pas toutes par coeur. Selon le résultat qui sera obtenu et, vraiment, selon les efforts qui seront faits, si l'on continue à donner des permis

pour passer tout droit, c'est évident que cela ne nous avancera pas. Mais, si l'on veut vraiment le favoriser, il y a probablement quelque chose à aller chercher qui n'affectera pas Dorval puisque Dorval connaît maintenant son trafic et peut continuer à recevoir l'augmentation qui est enregistrée à l'heure actuelle.

Sur l'avenir de Mirabel, si vous nous demandez ce qu'on ferait s'il nous appartenait, d'abord, ce serait une très grande question. Lorsqu'on a une chose qui nous est donnée et qu'on n'a peut-être pas voulue, on ne sait pas trop quoi faire avec, mais il y a certainement des choses à faire avec de l'imagination, du travail, du marketing et en n'ayant pas peur de la concurrence; on le retrouve dans d'autres domaines. Les installations sont quand même là, Mirabel est très fonctionnel et reconnu comme tel, vous avez les installations de fret les plus modernes au monde. De là à dire qu'il n'y a aucun avenir, je ne dirai pas cela. La solution est probablement de trouver des vocations pour Mirabel et d'oublier maintenant ses problèmes, à savoir: Est-ce qu'on transfère? Est-ce qu'on ne transfère pas? À partir d'où? Et qu'est-ce qu'on fait?

M. de Bellefeuille: Quant au PICA, le parc industriel où il n'y a encore rien, est-ce que vous pensez qu'il y a des perspectives de développement là aussi?

M. Rivest (Pierre): Probablement qu'elles sont directement reliées à l'évolution de Mirabel. S'il continue à se satisfaire de 1 200 000 passagers et je ne sais trop combien de tonnes comparativement aux 400 000 prévues, en tout cas 20%, ce qui serait dans les 80 000 tonnes, quant à PICA, il va attendre.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci beaucoup, M. le Président. On a souvent entendu dire, et vous en parlez encore dans votre mémoire aujourd'hui, que la présence de l'agriculture -je me souviens de tout le débat autour de Mirabel - trop près des pistes pouvait être un risque d'incident, sinon d'accident, enfin, pouvait apporter des inconvénients. Vous mentionniez tantôt dans votre mémoire, par exemple, les oiseaux. Si on cultive des céréales trop près, il y a un risque que les oiseaux incommodent les avions.

Je regarde en annexe A, à la page 37, vous mentionnez un certain nombre d'aéroports au Canada: Toronto, Ottawa, Winnipeg, Vancouver, Victoria, Edmonton et Calgary. J'en prendrai seulement un, celui d'Edmonton, où, sur 7600 acres utilisées par l'aéroport, 6100 acres servent à la culture des céréales, de la luzerne, du blé et de l'orge.

Vous mentionnez aussi, un peu plus loin, que dans certains pays d'Europe c'est une culture encore plus intense que cela. Est-ce que vous avez des statistiques qui montrent que là où on fait de la culture - tout de même à l'intérieur du territoire no 1, du premier territoire, si on regarde la plupart des exemples que vous donnez, c'est entre 500 acres et 3000 acres, environ, qui sont réservées à l'aéroport, en dehors de la culture - dans ces endroits où l'agriculture se pratique assez près, ils ont des incidents ou, des accidents, ou enfin il y a un risque plus grand?

M. Rivest (Pierre): Je ne pourrais pas vous donner de statistiques précises, ici. Il y en a probablement. Il s'agit de prendre justement les accidents ou incidents qui auraient été causés par les oiseaux - on en connaît - je ne peux pas vous donner les chiffres aujourd'hui, ce serait quand même faisable. Parmi les trois à plus grand risque - et je ne voudrais effrayer personne - il y a quand même ceux de Vancouver, de Toronto et de Montréal. Cela existe déjà à Dorval. Il y a toutes sortes de raisons, évidemment, qui s'ajoutent à cela.

Je ne connais pas assez le cas des États-Unis ou des pays d'Europe - comme je vous le dis, il faudrait le chercher - mais ce qu'on dit et ce qu'on prétend, c'est ceci: Ne prenons pas de risque et accordons-nous un peu plus d'espace puisqu'on en a. Chose certaine, aux endroits où il y a moins d'espace, ils vont prendre le risque et peut-être aller de ce côté-là, mais il y a certainement des accidents. On retrouve le même phénomène - ici, on mentionne "agricole" - près de la mer pour les mêmes raisons que vous connaissez sans doute. C'est qu'il y a beaucoup d'oiseaux et c'est pour cela que Vancouver a un aéroport où il y a des difficultés. Je ne peux pas être plus précis, malheureusement.

M. Gagnon: Je me dis que, s'il y avait des risques si grands, c'est tout de même assez facile, on n'a pas à exproprier le territoire, on n'a qu'à contrôler le genre d'agriculture qui se fait près des pistes. À Victoria, vous avez environ 500 acres qui servent à la piste et on a remis 448 acres en culture - là, on fait du foin - mais il reste tout de même que si cela se fait, comme je le disais tantôt, si les risques étaient si grands, je présume qu'on changerait d'exploitation agricole. Il ne serait pas pensable qu'à Mirabel on puisse remettre au moins - mettons qu'on qarde les 5000 acres dans la phase 1 - le reste à l'agriculture puisque vous dites que, comme zone tampon, il n'y a pas de problème, il

peut y avoir de l'agriculture quand même. Les risques ne sont certainement pas là et, même à l'intérieur des 5000 acres réservées dans la zone 1, on pourrait probablement permettre aussi une certaine agriculture, ce qui ne nuirait certainement pas au développement de Mirabel.

M. Rivest (Pierre): Si on voulait, si on était très restreint en superficie, on pourrait certainement pousser jusqu'à dire que, même dans la phase 1 ou dans la zone actuelle ou la première zone, on pourrait le faire, comme cela se fait en Europe. C'est pour cela que notre deuxième recommandation est dans le sens au moins - puisqu'on parle des prochains 25 ans - d'utiliser les terres qui ne sont pas ou qui seront utilisées plus tard dans la phase 2, si jamais elle est complétée. À ce moment-là, cela n'amènera pas plus de problèmes et on va même jusqu'à dire - à la page 29, on a un tableau qui est assez éloquent pour dire jusqu'où on peut aller dans la culture ou l'élevage d'animaux. Ce n'est pas nous qui l'avons inventé, c'est l'expérience mondiale qui donne ces résultats. Encore une fois, tout cela est une question de compromis. Quel est le compromis de sécurité qu'on veut aller chercher? Je pense que dans nos recommandations on se donne amplement de place pour la sécurité parce qu'on n'a pas à sacrifier plus que cela; on a du territoire.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Merci, M. le Président. M. Rivest, dans la conclusion de votre rapport, à la page 34, vous évoquez une situation qui m'a toujours stupéfié et pour laquelle j'aimerais, si possible, avoir des justifications techniques.

Vous dites d'abord qu'il est intéressant de constater que la moitié du territoire exproprié de Mirabel pourrait contenir les sept aéroports les plus achalandés au monde. Au paragraphe suivant, vous dites que le gouvernement fédéral entendait se satisfaire de 18 000 acres à Pickering pour répondre à des besoins aéroportuaires ultimes tout à fait comparables à ceux de Mirabel. C'est cela que je ne comprends pas et c'est cela que j'aimerais que vous m'expliquiez, s'il existe une explication sur le plan technique. Comment se fait-il que le même gouvernement, pour des fins aéroportuaires comparables, exproprie lui-même, en Ontario, 18 000 acres pour un aéroport comparable et, au Québec, 96 000 acres?

M. Rivest (Pierre): C'est exactement basé sur ces comparaisons qu'on peut prétendre assez facilement que 17 000 acres, ce serait certainement aussi satisfaisant ici. En fait, la raison des 96 000 acres, justement, on ne la voit pas. On ne croit pas que ce soit justifié et on pense que cela devrait être ramené à des proportions qu'on a vues ailleurs, non seulement en vue du futur aéroport de Pickering, mais dans les autres aéroports, aussi bien aux États-Unis qu'au Canada et en Europe. En fait, on ne voit pas de raison.

M. Blouin: Vous m'enlevez des espoirs. Je me raccroche à un fil. Vous parlez beaucoup des dangers, enfin, des inconvénients du bruit. Est-ce que ce secteur du Québec est plus vulnérable au bruit que le secteur de Pickering en Ontario? Est-ce que le Québec lui-même est plus sensible au bruit que l'Ontario?

M. Rivest (Pierre): Non, certainement pas.

M. Blouin: Non. Tant qu'il n'y a pas de raison technique.

M. Rivest (Pierre): On n'en voit pas. M. Blouin: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, je remercie les représentants... M. le ministre.

M. Garon: J'ai une question additionnelle.

Le Président (M. Rochefort): Vous avez la parole.

M. Garon: Dans un livre auquel je me référais ce matin, "The Paper Juggernaut", publié en 1980 par Walter Stewart, M. Higgins a dit, on cite ses paroles: "The transport people were determined to build a second airport and once they made up their minds to that, they went around looking for reasons why they had to have it. The real problem is that in the final analysis no decision was made. Nobody ever looks up and says: "Do we need this thing?" What you argue about is where to put it. We were not asked: "Do you need it?" only: "Where should it go?"

Je ne sais pas si vous étiez dans les parages à ce moment-là, mais est-ce qu'il y a vraiment eu des études pour démontrer qu'ils avaient besoin d'un deuxième aéroport ou s'il y a eu une décision politique sortie d'un chapeau et, à un moment donné, on a dit: Dites-nous où il faut le placer maintenant qu'on a décidé d'en construire un deuxième?

M. Rivest (Pierre): Je n'étais pas dans le secret des dieux. D'ailleurs, si je vous disais qu'à ce moment-là j'étais à Transports Canada, je pourrais peut-être savoir ce qui

se produisait, mais je ne le savais pas. Encore une fois, un peu comme on le prétend, c'était probablement basé sur une espèce d'enthousiasme. C'est vrai que le transport aérien prenait une expansion extraordinaire. Comme je l'expliquais tout à l'heure à un député, on a oublié de suivre l'évolution par la suite. Alors, pris par l'enthousiasme, à savoir qu'on s'en va dans cette direction, on construit un deuxième aéroport et, ensuite, la question est probablement vite tombée: Où? Mais ce ne serait pas honnête de ma part de prétendre qu'on connaît cela, qu'on sait, quelles sont les études qui ont vraiment été faites. Il faudrait qu'on fouille davantage les documents qu'on a. (15 h 45)

M. Garon: On parle de M. Higgins, qui serait un ami personnel de M. Trudeau; ils ont enseigné ensemble à l'Université de Montréal. M. Benjamin Higgins enseignait au même moment. Il est dit un peu plus loin dans cet article: "My terms of reference indicated that this airport would be the entry to Canada, perhaps a major entry port for all North America, for overseas flights." L'article continue: "The decision had already been made to add a second airport in the Toronto area but Higgins was not told that." D'après ce qui est dit, il semble que M. Higgins faisait des études sans savoir ce qui se passait dans le décor; il ne savait pas qu'on avait décidé d'un deuxième aéroport. Ce n'était pas public, à ce moment-là, qu'il y aurait un deuxième aéroport à Toronto ou qu'à Toronto, si ça ne fonctionnait pas, l'aéroport serait agrandi. En même temps, il étudiait où placer un aéroport dont le besoin n'avait jamais été déterminé, apparemment. Si Mirabel est un fiasco aujourd'hui, peut-être que...

M. Rivest (Pierre): C'est ce qu'il nous semble, justement, en lisant les articles de journaux et surtout si on lit l'historique de Mirabel. Une décision a été prise de faire un deuxième aéroport. Quand on a dit: Cela va devenir le port d'entrée pour l'est de l'Amérique, c'était sans compter la réaction des Américains qui n'étaient certainement pas pour se laisser faire et qui n'étaient pas pour dire: Si on a trop de trafic, on va l'envoyer à Mirabel, pas de problème. Encore aujourd'hui, un des problèmes est d'essayer de convaincre les Américains, qui sont vraiment surchargés de trafic, d'en envoyer un peu ici. Comme je le disais tout à l'heure, ils vont tout faire pour que cela ne se produise pas. C'est peut-être un peu cela, somme toute, on a peut-être donné un mandat avec une réponse à l'avance. On donne une réponse et il s'agit de faire un mandat autour de cela; c'est probablement ce qui s'est produit.

M. Garon: Je n'ai pas d'autres questions. Je voudrais vous remercier de votre mémoire. Y a-t-il d'autres questions?

Le Président (M. Rochefort): Oui, il y a d'autres questions, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Ce serait plutôt une opinion, M. le Président. Je note que, depuis quelque temps, on a tendance à retourner en arrière et à refaire l'histoire des décisions qui ont été prises il y a douze ou treize ans. Je n'ai pas d'objection, j'ai un peu plus de temps pour le faire que naguère, mais, si on veut faire l'historique, il faudrait le faire comme il le faut. À prendre des raccourcis comme on l'a fait, on n'éclaire pas vraiment le sujet qu'on veut discuter. Je ne prends qu'un exemple. D'abord, M. Higgins n'enseignait pas à la faculté de droit de l'Université de Montréal, il était au département d'économique.

M. Garon: Je n'ai pas dit qu'il enseignait à la faculté de droit.

M. Ryan: Pardon?

M. Garon: Je ne voulais pas prendre de raccourci. Je n'ai pas dit qu'il était à la faculté de droit, j'ai dit qu'ils enseignaient ensemble à l'Université de Montréal.

M. Ryan: C'est grand, l'Université de Montréal, c'est plus grand que Mirabel.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: C'est peut-être une information privilégiée que n'a pas le député d'Argenteuil. Je venais de ce milieu, j'étais étudiant en économique de 1958 à 1962. Je sais à peu près dans quels cercles naviguaient M. Higgins et M. Trudeau à cette époque.

M. Ryan: Je me permets de compléter. J'ai vécu cette période et je peux vous dire ceci. Peut-être que les gens se trompaient à ce moment-là, mais il y avait un consensus très répandu au sujet de la nécessité d'un deuxième aéroport international dans la région de Montréal. Je pense qu'à peu près tout le monde s'entendait là-dessus. On peut bien faire dire à M. Higgins, quinze ans après, qu'il ne savait pas si on avait besoin d'un deuxième aéroport. Je me rappelle qu'il est venu me voir à plusieurs reprises à mon bureau, quand j'étais directeur du Devoir, pour justifier l'étude qu'il avait faite. À ce moment-là, il n'y avait apparemment aucun doute dans son esprit sur la nécessité d'un deuxième aéroport.

Il est arrivé des circonstances, après coup, comme le changement radical dans

l'orientation de l'industrie aéronautique causé par la hausse spectaculaire des prix du pétrole. Personne ne pouvait le prévoir et on ne peut pas commencer à faire des procès d'intention ou d'intelligence aux gens a posteriori; ce serait trop facile.

Tout cela pour dire qu'on peut bien continuer, je vais écouter avec respect, mais je ne pense pas que cela va éclairer beaucoup le débat. Je voudrais demander une chose à M. Rivest, avant qu'il parte. D'abord, moi aussi, j'ai bien apprécié la qualité du mémoire qui a été préparé. Je pense que cela a été une excellente introduction à un aspect sur lequel on aimerait bien compléter ce qu'on a entendu par le point de vue encore plus précis du gouvernement fédéral. Mais, cela étant dit, dans le cas de Pickering, je ne crois pas qu'on puisse faire une comparaison simpliste entre les deux. Il y a eu des circonstances très différentes dans le cas des deux aéroports. Comme on vous a interrogé là-dessus tantôt et qu'on vous a presque extrait des jugements que je trouve peut-être un peu simplifiés, je ne sais pas si ce serait possible - ce n'est pas essentiel à la progression de notre cheminement - que vous nous prépariez un petit dossier sur les circonstances qui ont existé dans un cas et dans l'autre et qui permettent de comprendre les choses, sans nécessairement les excuser ou les justifier complètement. Je suis sûr que le climat n'était pas du tout le même dans les deux places, à ce moment. Encore une fois, moi, je ne veux justifier personne, je n'ai pas d'intérêt. Je pense que, pour l'intérêt de la vérité historique, cependant, il est important d'éviter les raccourcis à caractère plutôt politique qui ne font pas vraiment progresser le dossier.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Cela va? M. le ministre, le mot de la fin.

M. Garon: Je voudrais remercier M. Rivest pour la présentation de son mémoire. Je pense que tout le monde l'a reconnu comme excellent. Il n'est pas entré dans trop de détails techniques qu'on n'aurait pas été capables de comprendre, de toute façon, parce qu'on n'est pas qualifiés dans le domaine de la grosseur des avions et des techniques d'aviation. Par ailleurs, je ne sais pas s'il va revenir nous rencontrer, parce qu'il y a quelques questions qu'a posées le député d'Argenteuil et que je vais poser au ministre des Transports. Il est passible que, d'ici la fin, le ministre des Transports nous demande de donner une opinion sur ce qui a été demandé par le député d'Argenteuil. En attendant, au cas où on ne vous reverrait pas je voudrais, autant vous remercier de l'excellence du témoignage que vous êtes venu nous rendre.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. Au nom des membres de la commission, je tiens à remercier les représentants du ministère des Transports et à inviter les représentants du Centre d'information et d'animation communautaire à se présenter à la table.

M. Garon: J'ai une question additionnelle que j'ai oublié de poser. M. Rivest est là.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de l'Agriculture a une question additionnelle à adresser à M. Rivest, pendant que les gens prennent place.

M. Garon: Avant qu'arrivent nos prochains invités, on a parlé des cultures, à quelle distance des pistes, etc. Moi, j'ai remarqué, pour certaines pistes dans des pays européens, à Copenhague, par exemple - on m'a dit en Hollande, mais je n'y suis jamais allé; un autre m'a dit à Amsterdam - qu'on cultive jusqu'à la piste. Il n'y a pas de 500 pieds, de 1000 pieds, de milles ou de kilomètres; c'est cultivé jusqu'à la piste et, dans certains endroits, je me suis rendu compte que c'était cultivé même entre les pistes. Je me demande si ces gens prennent des risques inutiles ou si c'est nous autres qui gaspillons un peu le territoire, ou si c'est possible véritablement de cultiver sans danger pour l'aviation.

M. Rivest (Pierre): Pour être honnête, je pense que ces gens prennent, quand même, un risque plus élevé que nous. Parce qu'ils ont moins de territoire, justement, moins de superficie, ils ne perdent rien. D'ailleurs, sans vouloir m'aventurer dans d'autres secteurs, je sais qu'ils le font facilement du côté forestier, où ils regardent cela bien différemment d'ici. Chaque pied carré de territoire est important. C'est évident que, s'il se fait des travaux le long d'une piste, cette piste est fermée à ce moment. Vous ne pourriez pas faire cela dans un aéroport où il n'y aurait qu'une seule piste. Il n'en demeure pas moins que, s'il se produisait un incident, surtout au cours d'un atterrissage, l'éclatement d'un pneu ou quoi que ce soit, et si, l'avion ou le pilote ne peut pas tenir l'avion sur la piste, il y a quand même un danger de plus. C'est un peu comme être sur le bord d'une autoroute comparativement à être dans le champ, de l'autre côté de la clôture. Cela se limite à cela. C'est faisable. Il y a quand même un risque de plus qui est pris qu'on minimise en fermant la piste, à ce moment.

M. Garon: Est-ce que le risque est plus grand que de mettre un hôtel collé sur la piste?

M. Rivest (Pierre): Encore là...

M. Garon: Avec peut-être quelques centaines de personnes dans l'hôtel?

M. Rivest (Pierre): Oui. Je suis obligé de vous dire qu'encore là les hôtels sont censés être ce qu'on appelle zonés, c'est-à-dire être assez loin et être assez bas pour satisfaire aux exigences. Cependant, on sait que, s'il y a un problème qui se produit et qu'un aéronef est en difficulté... On sait qu'à l'aéroport municipal d'Edmonton il y a un aéronef qui a frappé un hôpital, il n'y a pas tellement longtemps. Je pense que c'est le printemps dernier. Donc, tout est possible. Si vous me demandez mon opinion personnelle, je ne me suis pas bâti ou je n'ai jamais loué dans l'axe d'une piste. Cela dit, tout est possible. Cela dépend si on a peur de cela ou pas. Chose certaine, c'est un compromis. Tout cela est un compromis.

M. Garon: Mais il n'y aurait pas de problèmes - parce que j'écoute ce que vous dites là - pour cultiver jusqu'à la piste, à condition qu'on s'entende sur les heures, c'est-à-dire qu'il y a des heures de culture ou des moments où les avions atterrissent peu ou pas.

M. Rivest (Pierre): D'ailleurs, le gazon est quand même coupé durant l'été. Cela veut dire que c'est fait par des gens. Je peux vous dire que, dans un de nos aéroports provinciaux, à Montmagny, qui est un petit aéroport, on a permis au cultivateur de faire les foins le long des pistes, ce qui nous évite de le couper et lui, cela fait son affaire. C'est faisable, si c'est sous contrôle.

M. Garon: Pensez-vous que ses polices d'assurance peuvent augmenter?

M. Rivest (Pierre): II ne nous en a pas parlé.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. Merci, M. Rivest.

J'invite donc les représentants du Centre d'information et d'animation communautaire à prendre place. Non. Il pourrait peut-être y avoir deux autres personnes qui se joindraient à vous, à ma gauche et à ma droite, mais pas sur des banquettes habituellement occupées par des parlementaires. Je vous inviterais donc à vous identifier, ainsi que ceux qui vous accompagnent et à faire votre présentation.

Centre d'information et d'animation communautaire

M. Raymond (Jean-Paul): Je suis Jean-Paul Raymond, président du CIAC, le Centre d'information et d'animation communautaire. Je voudrais remercier M. le ministre...

Le Président (M. Rochefort): Juste avant, M. Raymond, serait-il possible que vous identifiiez, pour les fins du journal des Débats, les personnes qui vous accompagnent?

M. Raymond (Jean-Paul): Oui. Chacun devrait se présenter.

Mme Lafond (Rita): Rita Lafond, permanente au bureau du CIAC.

M. Bouvette (André): André Bouvette, conseiller au bureau du CIAC.

Mme Monette (Françoise): Françoise Monette, permanente au CIAC.

Mme Bertrand (Clothilde): Clothilde Bertrand, présidente de l'Association des résidents du CIAC.

Mme Alarie (Danielle): Danielle Alarie, représentante des commerçants.

M. Doré (Paul): Paul Doré, représentant de l'Association des expropriés partis.

Le Président (M. Rochefort): M.

Raymond, vous avez la parole.

M. Raymond (Jean-Paul): M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, nous tenons à remercier le ministre, Jean Garon, qui a pris l'initiative de cette commission parlementaire et tous ceux qui l'ont rendue possible. Elle arrive bien tard, avec un sujet bien vieux. Cette commission parlementaire représente, pour la population du territoire exproprié en trop de Mirabel, un événement crucial à ce stade de l'évolution du dossier.

En effet, si on exclut les audiences bidon que la Société immobilière du Canada Ltée tenait à la sauvette, en septembre dernier, l'occasion nous est donnée pour la première fois d'exposer publiquement la situation qui se vit à Mirabel et ce, devant les membres de la députation québécoise. On peut, en pareille circonstance, avoir la désagréable impression que le temps a joué contre nous et que toute preuve ou exercice visant à éclairer la situation qui nous affecte semble redondant à celui qui pense la connaître pour en avoir déjà trop entendu parler. (16 heures)

Pour les gouvernements, Mirabel a représenté et représente un gros enjeu, ainsi qu'une erreur que l'on s'acharne à ne pas reconnaître. Plutôt que de considérer les causes profondes responsables de l'échec de Mirabel et d'envisager une solution globale, chaque année on maquille le problème en dépensant plus d'argent, refusant d'envisager cette décision qui relèverait d'un courage politique que personne ne veut assumer.

Il faut reprendre ce dossier des terres expropriées inutilement à partir du début et ce, à la lumière des connaissances d'aujourd'hui, de la conjoncture socio-économique qui prévaut et, faut-il se le cacher, au nom d'une sagesse que les générations futures et présentes sauront bien reconnaître. Accepter l'idée qu'une décision n'a pas été la meilleure et avoir le courage de vouloir la corriger témoigne d'une maturité politique beaucoup plus grande que de tenter de démontrer contre toute logique une raison qui n'existe pas.

S'il peut paraître facile, dans ce dossier complexe, d'identifier un responsable, il faut admettre que le gouvernement du Québec, depuis treize ans, n'a pas joué le rôle qui lui incombait. Ici aussi, on espérait probablement que le temps finirait par aplanir le problème. Or, il faut bien le constater, loin de s'atténuer avec le temps, l'affaire Mirabel demeure cette épine au pied qu'il faudra bien un jour enlever. Nous espérons que cette commission parlementaire contribuera à actualiser ce dossier et permettra une meilleure compréhension pour en arriver au dénouement qui s'impose.

Je demanderais à Mme Rita Lafond de poursuivre le résumé de notre mémoire.

Mme Lafond: D'abord, il faut vous dire que c'est un résumé parce que notre mémoire est assez volumineux; on n'a pas dit tout ce qu'on voulait dire et, depuis treize ans, on avait beaucoup de choses à dire. Pour raccourcir le temps, aujourd'hui, on l'a résumé.

Le CIAC. Ce mémoire a été préparé par un comité de citoyens, le CIAC, organisme représentant plus de 800 membres et impliqué sur le territoire depuis les débuts de l'expropriation. Si le CIAC dure encore après treize ans et est devenu un des plus importants et des plus actifs des comités de citoyens du Québec, cela ne tient qu'à l'ampleur du problème généré par cette expropriation inutile.

La désorganisation sociale. L'essentiel de notre mémoire porte sur la désorganisation sociale causée par cette expropriation majoritairement trop vaste et mal planifiée. En effet, quelques mois seulement après l'expropriation, le gouvernement fédéral amendera la loi d'expropriation d'alors qualifiée par le président de la Cour de l'échiquier de la loi d'expropriation la plus arbitraire du monde civilisé. C'est cette loi désuète qui permettra d'exproprier une grandeur aussi inimaginable sans savoir combien de personnes seront touchées, ni quelle grandeur une telle décision requiert. C'est par l'intermédiaire d'une telle loi qu'on se permettra d'exproprier maintenant et de décider plus tard ce qu'on fera de l'espace confisqué.

Partir ou rester? En s'accordant cinq ans pour payer les dépossédés, au lieu des 90 jours prévus par la nouvelle loi, le gouvernement forçait les gens à demeurer sur le territoire. En plus, une propagande orchestrée les incitera à ne pas quitter, allant jusqu'à lier le règlement en argent de leur indemnité à la signature d'un bail.

Paradoxalement, une autre catégorie de fonctionnaires, prophètes du progrès, mettront en place de subtils plans pour forcer l'évacuation des gens. M. Paul Doré, représentant de l'Association des expropriés non-occupants, vous exposera pourquoi le territoire exproprié s'est vidé d'une partie de sa population.

M. Doré: À la politique de conserver les gens sur le territoire exproprié se juxtaposera une autre politique, celle de chasser les gens du territoire. En effet, il se trouvera toujours quelqu'un pour croire et faire croire qu'il y aura un gigantesque aéroport à Mirabel.

C'est ainsi que, dans le rapport LaHaye, on disait: "À l'avenir, Sainte-Scholastique, Sainte-Monique, Belle-Rivière, Saint-Janvier et Saint-Antoine disparaîtront. Leur rôle de centre de services sera repris principalement par Saint-Benoît et, d'après les études et les propositions du SATRA, par Saint-Augustin. Saint-Hermas et Saint-Canut demeureront des centres de services."

Ainsi, à la fin de l'année 1970, dans le document du BANAIM, le gouvernement fédéral, voulant effectuer un retour sur les investissements, propose, entre autres: "À partir de l'identification des zones de bruit, d'encourager les propriétaires à quitter volontairement leurs terrains, lesquels seront ensuite remis en circulation conformément aux exigences établies pour la protection de l'aéroport. Ainsi, si plusieurs ont quitté le territoire à cause "d'avis de départ" qu'ils ont reçus leur donnant 90 jours pour quitter les lieux - avis qui, dans bien des cas, seront jugés inutiles par la suite, mais qui auront fait vider des rangs complets - d'autres quitteront volontairement. A cause de certains travaux, on fermait les routes, on coupait l'électricité, le téléphone, on laissait les barrières ouvertes dans les champs où pacageait le troupeau. D'autres seront partis parce que, l'ère de démolition s'instaurant sur le territoire, en l'espace de quelques mois se sont multipliés les exercices de feu

et de dynamitage sur les maisons inoccupées (sans avertissement aux voisins) les déménagements de maisons, les démolitions d'immeubles de toutes sortes.

Les informations quant à l'avenir sur le territoire nous arrivaient toutes plus confuses les unes que les autres. On nous disait: Vous ne serez jamais dérangés. Les villages disparaîtront d'ici quelques années. Continuez comme avant. Le bruit sera infernal. Était-ce par exprès, mais la clientèle choisie pour remplacer ceux qui quittaient faisait, dans bien des cas, fuir les voisins qui sentaient leur sécurité menacée par les nouveaux venus aux allures spéciales. Certains quittaient à cause du coût élevé de loyer qu'on leur demandait pour réaliser, par la suite, qu'on avait loué à d'autres à meilleur compte.

D'autre part, depuis l'expropriation, le territoire était devenu une manne pour les pilleurs professionnels ou autres qui, trouvant là la bonne occasion de se servir à même les biens appartenant au gouvernement, donc à tout le monde, étaient chez eux partout: dans nos champs, dans nos jardins, jusque dans nos maisons où nous habitions encore.

Un document du BANAIM de 1970, à la page 10, décrit ainsi cette situation du pillage: "Parmi les problèmes liés à l'expropriation, on doit mentionner d'abord le pillage. Le temps qui s'écoule entre le moment où le propriétaire résident d'un immeuble quelconque quitte et celui de la prise de possession effective de l'immeuble par le gouvernement donne, dans la majorité des cas, lieu à un pillage radical: système de chauffage, portes, châssis", enfin, on enlève tout. "Tout y passe et il ne suffit parfois que de quelques heures."

D'autres sont partis parce que la population, habituée à la mentalité de propriétaire, se faisait mal à celle de devenir locataire. Parmi ceux qui avaient décidé de rester, devant les aberrations du nouveau propriétaire, plusieurs quitteront peu à peu ce territoire où la logique ne semble plus avoir le même sens qu'ailleurs. Certains partiront parce qu'ils ne peuvent plus investir, améliorer, construire, qu'il est impossible de négocier un bail à long terme.

Le document du BANAIM de 1970, à la page 12, disait: "Ne connaissant pas l'avenir exact des terrains que le gouvernement détient sur le territoire, il est impossible de négocier un bail à long terme; il faut donc se contenter de baux très courts et finalement moins rentables."

D'autres ont quitté parce que, les départs détruisant les réseaux de parenté, d'amis, on tentait de les refaire en déménageant. La perturbation sociale est également responsable de nombreux départs. Les commerces et les services fermaient parce que les gens partaient; les gens partaient parce que les services fermaient. C'est un cercle vicieux.

Je voudrais juste résumer par un petit mot de la fin que j'ai écrit, qui fait peut-être mal, mais je vous le lis: On ne nous a pas traités en humains. On nous a écoeurés et on nous écoeure encore. C'est d'valeur, mais...

Mme Lafond: Le thème "désorganisation sociale" prend tout son sens lorsqu'on songe que la population devra s'accommoder de cette situation pour le moins confuse. Cette contradiction entre ceux qui espéraient un avenir illusoire pour Mirabel et ceux qui savaient à quelle réalité était voué cet aéroport se traduira par la mise en place des politiques les plus arbitraires sur les formes de tenure.

Les résidents. Pour ces anciens propriétaires devenus locataires, pas de baux à long terme. On ne connaît pas l'avenir. Favoritisme, réparations inutiles et inusitées, guérilla judiciaire visant à expulser les résidents expropriés pour les remplacer par des locataires qu'on espérait de passage ou, tout simplement, par des fonctionnaires deviendront les caractéristiques communes de la politique de location à Mirabel. Mais laissons Clothilde Bertrand, présidente de l'Association des résidents, faire elle-même l'état de la situation.

Mme Bertrand: Pour les résidents du territoire exproprié de Mirabel, vivre sous la tutelle du gouvernement fédéral depuis 1969, c'est avoir été infantilisés progressivement. Nous ne sommes plus chez nous, brusquement, après l'avoir été depuis souvent des générations. C'est se retrouver locataires chez soi. Pour d'autres, c'est arriver et être locataires d'une maison ou d'un logement en ayant des responsabilités de propriétaire sans l'être! Nous n'avons pas les droits d'un propriétaire, mais notre bail nous impose ses devoirs dans plusieurs clauses, injustement. Cet état de fait élimine tout intérêt pour des améliorations ou même l'entretien des propriétés que nous habitons.

La tutelle, c'est aussi vivre dans un milieu où notre implication sociale est tronquée par le fait que nous ne sommes pas ensemble, car les voisins changent constamment et une vie de quartier et de rang, ça se bâtit avec des gens impliqués dans une continuité et des partages. Le fédéral sabote inconsidérément la continuité de nos campagnes et de nos villages en nous imposant de rebâtir constamment ces partages avec de nouveaux arrivants.

De plus, l'arrivage impromptu, comme locataires, d'employés de la Société immobilière du Canada ou de l'aéroport, crée un climat de méfiance ou de suspicion. Certains expropriés ou résidents ont dû quitter leur maison sous plusieurs prétextes fallacieux pour apprendre, quelque temps plus tard, que leur ancienne demeure avait été

rénovée à grands coûts et cédée à des employés ou amis du fédéral. Chaque résident vit dans la crainte d'être ainsi remplacé arbitrairement du jour au lendemain.

Alors, pourquoi améliorer ou même entretenir sa résidence quand on a un bail-sursis d'un an seulement, que certaines clauses restrictives de ce bail sont inapplicables, que l'on sait que des voisins ont été remplacés mystérieusement par des employés de la Société immobilière du Canada, que des réparations souvent inutiles ou bâclées sont effectuées par la Société immobilière du Canada à des coûts exagérés, entraînant des hausses de loyer astronomiques, que l'on sait que nos investissements en améliorations ne nous appartiennent pas et risquent de faire augmenter notre loyer et que nous devons payer une deuxième fois ces améliorations advenant la possibilité d'acheter notre demeure?

Que dire de ces baux qui se terminent à différentes périodes de l'année? N'ont-ils pas pour but de démobiliser et de diviser les résidents face au même bailleur? Pourquoi une politique de location à Mirabel différente d'ailleurs au Québec? Ces baux sont de véritables pièges. Il faut presque avoir recours à un avocat pour signer son bail, car plusieurs clauses sont soit vagues, soit nettement exagérées dans leurs restrictions, sinon dans leurs exigences. Et là il est bon de savoir que même si la Société immobilière du Canada perd ses causes à la Régie du logement, elle continue, néanmoins, de présenter les mêmes baux à d'autres locataires qu'elle présume crédules. (16 h 15)

Faire répéter la traumatisante cérémonie du bail annuel à des résidents de longue date, sinon à des expropriés, c'est démontrer chez la Société immobilière du Canada une immense capacité d'humiliation et de sadisme. À Mirabel, il faut constamment demander des permissions au bailleur, s'inquiéter des inspecteurs omniprésents, rendre des comptes et payer pour les élucubrations rénovatrices des employés de la Société immobilière du Canada. Nous avons tous été victimes, sinon témoins, d'exagérations dans l'exécution de travaux d'amélioration de la part de la Société immobilière du Canada. Nos maisons sont solides, elles ont hébergé plusieurs générations et, maintenant, la société veut en faire des petits châteaux pour de nouveaux riches impromptus venus de l'extérieur. Il est vrai que le gouvernement fédéral a détruit tellement de maisons inutilement que maintenant il maquille celles qui restent.

Pourquoi croire aux nombreux énoncés optimistes de certains organismes locaux comme la Chambre de commerce de Mirabel, les Mirablières ou ALARM? Ne sont-ils pas tous apparentés à la Société immobilière du Canada?

Brusquement, en 1969, nous sommes passés de maîtres chez nous à un état de servitude non voulue et surtout mal imposée. Nous subissons une véritable perte de jouissance de la vie. Ne soyons pas surpris que certains résidents se soient "évadés", entre guillemets, hors de la zone expropriée. Comment faire abstraction de toutes ces irrégularités que d'autres citoyens du Québec n'ont pas à subir? Pourquoi devoir sortir du territoire pour accéder à des services quotidiens maintenant disparus de notre voisinage? Qui nous remboursera, un jour, tous ces désagréments coûteux? Pourquoi dépendre de l'Etat et se le faire rappeler continuellement, depuis 1969, par les différentes administrations successives? Pourquoi devoir assister, impuissants, à toutes ces anormalités? Pourquoi devoir répondre à des questionnaires irraisonnables, beaucoup trop indiscrets sur notre situation financière, notre emploi ou même sur notre statut social, lors d'une demande quelconque auprès de la Société immobilière du Canada? Pourquoi tous ces abus, ces exagérations sur une population et un territoire exproprié en trop?

Comme les autres occupants du territoire, les résidents sont majoritairement décidés à mettre fin à la tutelle et à s'engager au plus tôt dans un processus de rétrocession équitable.

Les commerçants subirent également les effets de cette insécurité la plus complète. La fermeture des commerces et le vidage des paroisses prendront l'allure d'une hémorragie. Aujourd'hui, cette désorganisation se poursuit.

Mme Alarie, représentante des commerçants, vous exposera un peu plus longuement les résultats néfastes de la tutelle sur l'ensemble des commerces et services qui desservaient la communauté en 1969.

Mme Alarie: Avant 1969, sans vouloir idéaliser le passé, l'ensemble des commerces, services et industries de la région de Sainte-Scholastique connaissait une prospérité relative. En ce sens, plusieurs parlaient d'augmenter leur inventaire, d'agrandir, de moderniser leur équipement, etc. Aujourd'hui, en 1982, la situation a bien changé. L'impact négatif de l'expropriation sur l'agriculture, comme nous le verrons plus loin, s'est nécessairement répercuté sur l'ensemble des autres activités économiques du territoire. Entre autres, les industries et services installés dans la région de Sainte-Scholastique étaient, et ils le sont encore, majoritairement des petites entreprises liées à l'agriculture.

La baisse tragique de la population du

territoire, à la suite de l'expropriation, a provoqué une chute dramatique de l'ensemble du secteur commercial et des services. Ainsi, sur les quatorze municipalités expropriées, dont plusieurs avaient, en totalité ou en partie, les services suivants: médecin, notaire, police et pompiers, loisirs, école, bureau de licences, salon funéraire, coiffeuse, etc., on constate que peu de ces services existent encore. Une enquête effectuée en 1976 par Lise Bergeron nous apprenait que 43,7% des commerçants avaient, entre 1969 et 1975, abandonné les affaires et, de ce nombre, seulement 14,3% avaient racheté un nouveau commerce.

À cause de l'ampleur de l'expropriation, les commerçants expropriés ne pouvaient pas simplement changer de rue et s'établir ailleurs. Quatorze municipalités étaient affectées et les places sises à l'extérieur du territoire exproprié étaient déjà occupées. Aussi, un nombre important a tout simplement décidé de fermer ses portes, devenant salarié ou encore exclu du marché du travail.

Par ailleurs, un certain pourcentage de commerçants a réussi à survivre parce qu'il a réinvesti une partie de l'indemnité de l'expropriation, pouvant ainsi réorganiser le commerce en ajoutant de nouvelles lignes ou en élargissant le réservoir potentiel de clientèle. D'autres, moins chanceux, ont dû capituler après avoir réinvesti une bonne partie de leur indemnité afin d'éponger les déficits annuels qui s'accumulaient depuis l'expropriation croyant, comme certains fonctionnaires l'avaient dit, que leur commerce était pour connaître des affaires d'or.

L'évolution de la situation des commerces et des services depuis 1969. Aujourd'hui, le secteur des commerces et services affiche un dynamisme peu reluisant. Par exemple, à Saint-Scholastique où 96% du territoire ont été expropriés, sur les 99 commerces et services qui existaient en 1969, il n'en reste plus que 22. Seuls 15 commerces ou services, incluant la SIC, ont réussi à s'y établir depuis 1969.

À Sainte-Monique, dont 100% des propriétés ont été expropriées, la situation est encore plus dramatique. Sur 21 commerces et services qui desservaient la population, on n'en retrouve plus que 5 dont 2 envisagent sérieusement la possibilité de fermer.

Dans la partie expropriée de Saint-Hermas, soit 82% du territoire, les commerces et services sont passés de 31 à 10 entre 1969 et 1982. Pour cette même période, le nombre de commerces et services est passé de 13 à 6 pour la partie non expropriée du village. Notons ici que les commerçants non expropriés, dont les commerces ou les services desservaient une bonne partie de la population expropriée, n'ont pas été compensés pour la perte subie.

Dans le territoire exproprié de Saint-Antoine et de Saint-Janvier, on retrouve environ deux fois moins de commerces et de services qu'en 1969. Il est intéressant et révélateur de remarquer que les parties non expropriées de ces villages ont connu une évolution différente. En effet, on assiste à un développement normal des opérations. Plusieurs nouveaux commerces et services ont élu domicile dans ces parties non expropriées.

Quant aux villages de Saint-Canut et de Sainte-Anne-des-Plaines, ils n'ont pas connu une situation aussi dramatique que celle des villages précédents, du moins au niveau des fermetures des commerces et des services. Incidemment, à Saint-Canut, dans la partie expropriée, soit 81% du territoire de la paroisse, on compte la perte de deux commerces ou services. Toutefois, il semble que plusieurs commerces connaissent de perpétuels problèmes financiers. La baisse du chiffre d'affaires à Saint-Canut est imputable en grande partie à la modification de la route 158. Avant cette modification, les résidents des environs et les touristes devaient passer dans le village et ils profitaient de cette étape pour se restaurer et faire le plein d'essence. Maintenant, seuls les amis ou clients fidèles font le détour nécessaire pour entrer dans Saint-Canut, les autres n'apercevant même pas le village de la route 158. Par contre, on n'a pas vu de nouveaux commerces s'implanter le long de la nouvelle route 158, cette route étant expropriée dans sa presque totalité.

Pour sa part, Sainte-Anne-des-Plaines a vu son secteur commercial et ses services augmenter. La raison est bien simple: l'établissement d'un pénitencier a provoqué un certain développement économique du village et des environs.

Pourquoi une telle situation du secteur commercial et des services? La principale raison de l'effondrement quasi systématique, du moins dans certains villages, des commerces et services sur le territoire exproprié est la baisse marquée de la clientèle, qui n'a pas été compensée par l'arrivée de nouveaux résidents et qui plus est, ces derniers ne contribuant pas nécessairement à renflouer les commerces et services du territoire. En effet, beaucoup de nouveaux résidents, venant des villes avoisinantes (Saint-Jérôme, Sainte-Thérèse, Laval, Montréal, Saint-Eustache, etc.) préfèrent continuer d'acheter dans les grands centres commerciaux à la mode, achetant ainsi le strict minimum sur le territoire.

Quant à la SIC, le propriétaire de la région, elle ne fait à peu près aucun achat sur le territoire. Une enquête maison nous révélait que seulement 2 commerçants sur 50 faisaient affaires avec la SIC et que cela comptait pour moins de 1,5% de leur chiffre

d'affaires. Il est important de noter que, de par sa politique d'achat, la SIC contribue à affaiblir économiquement la région. Lorsque les gens étaient propriétaires de leurs résidences et/ou de leurs commerces, ils achetaient des matériaux de construction, de la peinture essentiellement dans leur village ou dans la région et ce faisant ils contribuaient au développement de l'économie.

Un autre élément qui nuit au développement économique de la région, c'est le manque de motivation et d'intérêt des propriétaires de commerces, services ou industries par rapport à leur propre entreprise. Ce manque de motivation et d'intérêt découle de leur statut de locataire et, surtout, des conditions de location en vigueur sur le territoire.

Au début, le gouvernement fédéral faisait signer aux commerçants des baux d'une durée de 5 ans, tout en leur promettant que les prochains baux pourraient être d'une durée de 25 ans. Maintenant, au lieu de baux de 25 ans, les commerçants se retrouvent avec des baux annuels dont plusieurs se renouvellent à tous les mois. Les commerçants sont obligés de tenir pour acquis que le bail se renouvelle automatiquement à tous les mois, du fait que la SIC encaisse régulièrement leurs chèques. Puis, un bon jour, après sept ou huit mois ou plusieurs années sans nouvelles, ils reçoivent une lettre leur apprenant qu'il y a des modifications rétroactives au niveau des clauses, augmentation du coût de loyer, etc.

Ces modifications au bail ne s'inscrivent pas toujours harmonieusement avec les planifications que les locataires-commerçants avaient faites. De plus, les commerçants ne sont pas protégés par la Régie du logement contre les éventuels abus du propriétaire. Les négociations avec le bailleur sont souvent difficiles, voire impossibles. En plus de subir des augmentations de loyer sans avoir de recours légal, les commerçants doivent assumer les coûts d'entretien de la bâtisse qu'ils louent et ce, sans compter les frais des améliorations nécessaires afin de desservir convenablement la clientèle, de suivre la concurrence, etc.

Un rapide sondage maison nous a permis d'évaluer sommairement que les commerçants avaient investi, en moyenne, plus de 10 000 $ dans l'entretien et/ou l'amélioration de leur commerce. C'est un coût considérable quand l'on considère que l'immeuble qui abrite le commerce appartient à un autre et, surtout, que l'on est incertain d'être encore en affaires dans quelques mois.

Également, les contraintes bureaucratiques inhérentes à la tutelle qui existe à Mirabel ne sont pas sans causer des problèmes importants. Par exemple, un commerçant qui veut vendre son commerce à une autre personne doit attendre que la SIC veuille bien accepter l'éventuel acheteur comme locataire dudit lieu. Cela peut occasionner des délais considérables pouvant aller, dans certains cas, jusqu'à deux ans et ce, si la réponse est favorable. Dans de telles conditions, comment se surprendre que les commerces aient de telles difficultés à fonctionner?

Comment les commerçants entrevoient-ils l'avenir sur le territoire? En 1976, l'enquête de Lise Bergeron stipulait que 64,7% des commerçants habitant sur le territoire ne voyaient pas l'avenir avec confiance, contre seulement 11,3% qui croyaient qu'il y avait un avenir intéressant pour leur commerce sur le territoire exproprié. Aujourd'hui, en 1982, l'opinion pessimiste des commerçants s'accroît encore; la perpétuelle stagnation de plusieurs commerces et la liquidation de nombreux commerces expliquent cet état d'esprit.

Ces politiques locatives qui renforcent l'insécurité chronique caractérisant le territoire sous tutelle, de même que les charges toujours plus lourdes qui incombent aux commerçants font en sorte de décourager le commerçant à développer un leadership dynamique qui permettrait d'assister à un essor des commerces. La gestion du territoire fait en sorte que les commerçants s'abstiennent de prendre trop de risques, trouvant déjà assez risqué de ne pas savoir s'ils seront encore en affaires longtemps. Tant que la région n'aura pas retrouvé une population stable et "secure", le commerce, les services et les industries ne pourront pas se développer d'une manière normale.

Mme Lafond: L'agriculture représente, certes, l'échec le plus apparent de cette expropriation inutile en permettant à quiconque parcourt cette région sinistrée d'en visualiser rapidement les conséquences. Lorsqu'on songe que l'agriculture représente l'activité la plus compatible avec un aéroport et qu'on regarde ce qu'on en a fait, il y a de quoi avoir honte. Avec une bureaucratisation digne des pays les plus totalitaires, on a tout fait pour tuer le dynamisme des gens et on a presque réussi. Le président de l'UPA, Jean-Paul Raymond, vous parlera de l'agriculture sur le territoire exproprié. (16 h 30)

M. Raymond (Jean-Paul): L'agriculture à Mirabel. Au Canada, comme au Québec, la quasi-totalité des agriculteurs sont propriétaires de leur ferme. Cet état de fait se traduit par des politiques essentiellement orientées en fonction d'agriculteurs-propriétaires. Conséquemment, au contraire de ce qui se passe dans certains pays européens, il n'existe pas ici de traditions locatives en agriculture qui s'inscrivent dans

un code spécial du fermage ou du métayage. Ce passage du statut de locataire à celui de propriétaire s'est opéré au Québec en 1854, et dans notre région en 1840, lors de l'abolition du régime seigneurial. En 1899, mon grand-père a acheté sa libération en payant au complet les rentes seigneuriales.

Ce régime archaïque se définissait comme un système où le propriétaire foncier cédait le sol et les bâtiments, alors qu'en retour l'agriculteur s'engageait à lui remettre, en nature ou en argent, une partie importante des récoltes. Bref, plus l'agriculteur produisait, plus ses charges augmentaient. Plus il améliorait la terre, plus son "loyer" augmentait. En devenant propriétaire de sa terre, l'agriculteur québécois pouvait bénéficier directement du fruit de ses investissements et, par la même occasion, de la hausse de valeur que prendra sa terre.

Ici, nous avons une étude faite par le conseil économique, qui nous dit que presque 50% - c'est un éditorial du 21 janvier 1982 dans La terre de chez nous à propos du revenu des agriculteurs - des revenus du cultivateur viennent de la plus-value de sa ferme, de sa propriété. Nous, comme locataires à Mirabel, quand il y a des hausses de valeur pour les terres, nous ramassons des hausses de valeur de loyer.

Avec l'expropriation de 1969, le passage du statut de propriétaire à celui de locataire allait donc signifier une entrave sérieuse à son fonctionnement.

L'agriculture à Mirabel, un problème d'investissements et de sécurité. Nous avons exposé ailleurs dans notre mémoire les problèmes qu'ont rencontrés les agriculteurs avec les sept administrations qui ont précédé celle de Jean-Pierre Goyer, président de la SIC. Rappelons que les problèmes majeurs de l'agriculture à Mirabel sont ceux de la sécurité de tenure et la propriété des investissements. Avec le régime actuel, les agriculteurs les plus dynamiques sont ceux qui se retrouvent les plus pénalisés. Voir la lettre de Réjean Éthier.

Notre système juridique et notre tradition agricole ne nous indiquent pas d'innombrables voies pour solutionner ce problème. Le bail emphytéotique à très long terme en est une. L'autre, la plus simple, demeure la propriété. Tant que les gestionnaires n'auront pas compris cela, les problèmes se multiplieront. Il se trouve probablement encore quelques fonctionnaires qui croient qu'une fois disparue la génération des vieux expropriés, qui avaient, en moyenne, 49 ans en 1969, le problème sera réglé, mais c'est faire de mauvais calculs. L'UPA, le syndicat de base de Sainte-Scholastique, travaille présentement avec la relève agricole future et c'est justement elle qui se trouve la plus bloquée dans ses projets d'avenir. Ce sont ces jeunes que l'on force à signer des baux de dix ans pour qu'ils empruntent les sommes nécessaires à l'achat d'équipement; ce sont ces jeunes qui, ensuite, se retournent vers l'UPA pour demander qu'on les aide à se libérer des chaînes qui les attachent de plus en plus.

Je voudrais profiter de l'occasion pour vous lire un texte de bail dont j'ai pris connaissance et vous faire voir jusqu'où peut aller la tutelle dans l'article 11. C'est le nouveau bail qu'on a présenté aux Gratton et qu'on présente maintenant. C'est indigne d'un pays... À l'article 11: "Avis et affiches - la tutelle prend ici tout son sens - le locataire ne pourra poser ni faire poser nulle part, à l'intérieur ou à l'extérieur des bâtiments ou à tout autre endroit sur les lieux loués, des pancartes, placards, avis, plaques, affiches ou enseignes sans l'approbation écrite et préalable du bailleur, que ce dernier pourra refuser de donner à sa discrétion, sauf pour ce qui est d'une enseigne indiquant le nom et les opérations du locataire sur les lieux loués." En plus d'être sous tutelle, on se fait humilier.

Mme Lafond: L'arrivée de la SIC. Si, depuis les débuts de l'expropriation, on sent se resserrer continuellement la tutelle sur notre communauté, l'arrivée de la SIC, le 1er avril 1981, marquera le début d'une période qui nous fera désirer plus que jamais l'abolition de la tutelle. Ottawa ne pouvait trouver pire remplaçant aux administrations qu'on avait vu défiler sur le territoire. Aucun dialogue possible ni souhaité par cet organisme et ce, malgré tous les efforts qu'on a pu tenter dans ce sens.

L'attitude rigide du nouveau gestionnaire de cette société à but lucratif, pressé de récupérer par ses nouvelles activités les déficits encourus depuis 1969, suscitera une réaction d'affrontement avec les occupants du territoire. La SIC s'engagera dans la plus fantastique guérilla judiciaire qui deviendra le moyen privilégié de communiquer avec la population. Afin d'atteindre ses objectifs, la SIC tentera de s'infiltrer dans tous les organismes encore actifs sur le territoire, se substituant, grâce à ses budgets colossaux, au dynamisme local. Quand on parle de l'infiltration, c'est la publicité qu'on voit dans tous les journaux, qu'on voit dans tous les feuillets publicitaires de la SIC; c'est pour démontrer ce qu'elle a fait, où elle est infiltrée. Il y a différents organismes communautaires, les pauvres organismes qui restent encore et, à peu près dans chacun, il se trouve ou il va se trouver dans peu de temps un fonctionnaire de la SIC. M. Raymond, sur ça.

M. Raymond (Jean-Paul): J'aurais une observation à faire ici. On constate que, par exemple, dans la chambre de commerce, les administrateurs, les employés-cadres de la

SIC noyautent les principaux organismes. Une infiltration... J'ai un mot là-dessus, s'il existait encore des ligues du Sacré-Coeur, ils y seraient rendus.

Mme Lafond: Avec un peu de recul, lorsqu'on pense que, dès 1970, le cabinet fédéral, dont faisait partie Jean-Pierre Goyer, savait qu'on avait exproprié trop grand à Mirabel, il y a de quoi s'interroger. M. André Bouvette, anthropologue et consultant au CIAC depuis le début, fera état d'un document confidentiel confirmant que, dès 1970, le gouvernement fédéral savait qu'il avait exproprié en trop à Mirabel.

M. Bouvette: Le document n'est plus confidentiel puisqu'il est rendu public. Ce document qu'on n'a pu, malheureusement, annexer à notre mémoire parce qu'on l'a reçu trop tard - je le laisserai ici à votre disposition - résume une discussion du cabinet fédéral qui s'est tenue le 31 mars 1970. Cela nous démontre, dans le fond, tout le mépris qu'on pouvait avoir face à la population qu'on a expropriée. Le titre du document est: Land Acquisition Program New Montreal International Airport, daté du 31 mars 1970. Le but du document, c'est: Comment faire lorsqu'on a exproprié 30 000 acres de trop? On est en 1970. Pour fins de discussion, on a délimité le territoire en trois zones: la zone aéroportuaire qu'on évalue de 15 000 à 20 000 acres, pour arrondir des coins parce qu'on n'est pas sûr. On se dit, dans le fond: II faut écouler les terres qu'on a expropriées, c'est-à-dire que, si l'on coupait une ligne au couteau, il faudrait peut-être la dépasser puisque les terres qui appartiennent à des propriétaires individuels, il faudrait les contourner au lieu de les rendre jusqu'à terme. Alors, 15 000 à 20 000 acres pour la zone opérationnelle comme telle; la zone adjacente: 40 000 acres; les terres périphériques: 30 000 acres.

Le problème, et je cite: "On rappelle que le cabinet a été amené à entériner l'expropriation en janvier 1969. Une décision, contrairement à ce qui s'était fait à Pickering, avait été prise, en 1969, d'acquérir toute la surface utile à l'expropriation et, en plus, une surface de 100 CNR". Ce matin, on a parlé de NEF; le fédéral emploie CNR (Composite Noise Rating). Alors, on avait dit: On va s'en tenir à une surface de 100 CNR, et cela leur donnait environ une superficie de 55 000 à 60 000 acres. Et voilà qu'on découvre qu'on a exproprié 30 000 acres de trop. Que faire? En avril 1969, on avait déjà "désexproprié" 1700 acres à Sainte-Thérèse, cette paroisse qu'on avait expropriée pendant 21 jours. Ces 1700 acres permettront au fédéral de réaliser une économie de 35 000 000 $, sauf qu'il fera face à des poursuites de 6 000 000 $ pour avoir exproprié inutilement, pendant 21 jours, le village de Sainte-Thérèse. Par contre, on indiquera dans le mémoire que l'acquisition de 30 000 acres non requises ne leur coûtera que 29 000 000 $ comparé aux 35 000 000 $ qu'ils vont épargner en rétrocédant 1700 acres.

La question qu'on posera aux parlementaires à l'époque: Devons-nous rétrocéder? Alors, on dira qu'à ce stade le retrait du fédéral de 30 000 acres pourrait générer une grande insatisfaction parmi les propriétaires et s'ajouter aux problèmes sociaux que vivent les familles qui tentent de se relocaliser. Également, on alléguera que les terres périphériques possèdent un potentiel commercial et "développementiel" -excusez le terme - hors pair près des autoroutes et du centre urbain de Lachute. Cette zone possède donc une valeur à l'acre - et je cite textuellement le document -"plus élevée que la moyenne".

Un retour intéressant sur les investissements. Les terres adjacentes pourraient rapporter, selon le document, un profit de 128 000 000 $ ou une perte de 24 000 000 $, dépendant du temps qu'on prendra pour réaliser le programme. Ainsi, le retour des terres au-dessus de 100 CNR pourrait entraîner la perte d'un revenu net potentiel important. "En conséquence, ayant reconnu les prétentions juridiques du Québec - je cite toujours le document - concernant le développement de cette zone, étant entendu que le gouvernement n'entend pas demeurer indéfiniment propriétaire de ces terres, mais prévoit les remettre en circulation lorsque les objectifs seront atteints - il semblerait que ce jour soit venu - il est convenu qu'à ce stade la remise des terres en trop démontrerait l'acceptation par le fédéral des prétentions québécoises sur ses territoires. Remettre la terre maintenant, durant cette période de négociations fédérales-provinciales, ferait perdre certains éléments de négociation qui nous seraient peut-être utiles pour la période à venir. De plus, remettre la terre à cette époque risquerait de créer l'impression que le fédéral est en train de faillir à son projet initial de développer un aéroport et de protéger les fonds publics. En conclusion, nous dira ce document, le retrait de toute portion importante de terres à ce stade de l'expropriation n'est pas recommandé: de façon à s'assurer un retour intéressant sur nos investissements; de façon à éviter de perdre la confiance du public; de façon à se conserver un maximum d'options de négociation avec le gouvernement du Québec."

Dernièrement, le 28 mai 1982, le ministre fédéral, M. Francis Fox, est venu nous annoncer un programme de rétrocession des terres et, par hasard, de retrocession de 29 166 acres, soit les 30 000 acres dont il

est question dans ce document. Je cite l'argument du ministre, M. Francis Fox: "Ainsi que cela a été annoncé le 27 février 1981, le gouvernement prévoyait qu'une partie du territoire fédéral de Mirabel deviendrait excédentaire en raison des progrès techniques dans le domaine de l'aéronautique, des solutions aux problèmes légaux, découlant de l'absence, en 1969, d'un zonage approprié dans les municipalités impliquées et de l'expérience acquise par l'expropriation de l'aéroport. Le gouvernement a donc procédé à une réévaluation des besoins du territoire périphérique de l'aéroport de Mirabel et est maintenant prêt à rétrocéder 29 166 acres".

Voilà donc d'où vient ce chiffre mystérieux de 29 166 acres. À notre avis, il mériterait une explication beaucoup plus grande que celle qui nous est donnée ici. (16 h 45)

Mme Lafond: En conclusion, nous croyons que le gouvernement du Québec doit occuper un rôle important, voire fondamental, dans le dossier Mirabel. Nous sommes, en territoire québécois, expropriés inutilement. C'est donc au gouvernement du Québec qu'il revient d'intervenir pour rétablir une situation normale sur ce vaste territoire qui risque de lui échapper à cause de son inaction. Ce n'est pas à la seule population de Mirabel qu'il revient de mener cette difficile lutte. Nous rappelons nos recommandations.

Au MAPAQ, nous demandons de mettre sur pied un plan de relance agricole vigoureux qui tiendra compte de la perte de nombreuses subventions, par les agriculteurs, au cours de ces treize dernières années d'insécurité.

Au ministère des Transports, nous demandons d'engager les études les plus sérieuses afin d'évaluer les nécessités réelles quant aux superficies expropriées à Mirabel et aux besoins réels qui découlent des contraintes techniques.

Au ministère des Affaires intergouvernementales, nous demandons d'engager avec Ottawa des discussions immédiates portant sur la récupération des terrains non requis.

Au ministère de la Justice, nous demandons d'intenter sans délai des procédures pour contester, s'il y a lieu, cette expropriation inutile.

Au ministère des Affaires municipales, nous demandons de collaborer avec les représentants de la ville de Mirabel, du CIAC et des principaux organismes représentatifs de Mirabel pour mettre de l'avant un plan de relance qui insufflera ce dynamisme local qui n'attend qu'à s'actualiser.

Au ministère de l'Habitation, nous demandons de mettre sur pied, à partir de formules existantes ou originales, des moyens d'accès à la propriété qui favorisent une intégration à une vie communautaire normale.

Aux membres du parti de l'Opposition, nous demandons d'appuyer le gouvernement du Québec dans ses démarches pour mettre fin à la tutelle qui sévit à Mirabel et de poursuivre la collaboration fructueuse amorcée par le député d'Argenteuil, M. Claude Ryan.

À la Commission de protection du territoire agricole, nous demandons de voir à l'application rigoureuse, à Mirabel, des principes du zonage agricole votés par l'Assemblée nationale.

Enfin, au premier ministre du Québec, nous demandons d'inscrire le dossier de Mirabel, vieux de treize ans, au chapitre des priorités de son gouvernement.

À cette commission parlementaire, nous demandons de prendre tous les moyens possibles pour convoquer en ces lieux les ministres Francis Fox et Roméo LeBlanc, ainsi que le président de la SIC, M. Jean-Pierre Goyer, afin qu'ils expliquent aux membres de cette commission sur quels critères se fondent leur document de rétrocession et la rétention, malgré toutes les expertises techniques, de 60 000 acres de terrains non requis.

Nous voudrions savoir, puisqu'il n'y a pas de communication possible avec eux, quel est leur objectif véritable en conservant inutilement ces 60 000 acres et quel était leur objectif véritable lorsqu'ils ont fait la mise sur pied de la Société immobilière du Canada, cette société qui, selon le ministre Fox, devait être la ligne directe entre la population et le gouvernement d'Ottawa.

Nous demandons qu'on vienne nous expliquer le document de rétrocession. Comment se fait-il qu'on conserve le territoire de Saint-Canut, alors que, dès 1969, la terre de Fernand Lauzon, sous prétexte qu'elle aurait coûté trop cher à exproprier, a été "désexpropriée" immédiatement. C'est ce qui a fait un cran. Comme vous pouvez le voir, la couleur reste grise, parce qu'on n'a pas décidé de rétrocéder ce territoire qui ne comporte aucune contrainte. On prétexte des barrières naturelles. On voudrait que le ministre Fox et le ministre Roméo LeBlanc viennent nous expliquer ce que c'est, des barrières naturelles. On voudrait qu'ils viennent nous expliquer comment il se fait que, dans des documents, ils ont dit qu'ils voulaient nous préserver de la spéculation et qu'ils ont déjà vendu à ce jour une terre 3500 $ l'acre, je crois, alors qu'on nous a payé 200 $ l'acre et alors qu'on veut nous revendre nos terres plus cher que ce que nous les avons payées.

On voudrait qu'on nous explique comment il se fait que, si l'agriculture est l'activité la plus compatible avec un aéroport, il y ait autant de terres agricoles

qui ne soient pas revendues, alors que plus loin ou plus près de l'aéroport, tous les milieux, tous les centres résidentiels sont mis en rétrocession, sauf ceux qui font partie de Sainte-Scholastique et de Sainte-Monique. Tous les coins rouges qu'on voit sont rétrocédés; ce sont des centres résidentiels, alors que les terres des environs ne sont pas rétrocédées. On ne comprend absolument rien à cela. Qu'on vienne nous expliquer aussi que sous prétexte de contraintes de hauteur de plus de 1000 pieds, on ne puisse pas revendre ou rétrocéder les terres aux agriculteurs.

Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie, madame. M. le ministre.

M. Garon: Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'on a comme premier ministre du Canada un homme qui s'amuse avec des droits humains, avec les droits de l'homme, et c'est peut-être l'homme qui a le plus violé les droits de la personne au Canada. Alors, je préfère, à ce moment-ci, laisser la parole au député de Groulx. Quand on prend connaissance de tout le document et de ce que cela peut signifier sur le plan humain, quand on parle des commerces dont le nombre est passé de 99 à 22, des infrastructures qui se défont, quand on est capable de vivre dans le monde réel... On a un premier ministre qui se promenait à bicyclette en Chine, pendant que les gens vivaient, parce qu'il avait un père millionnaire. Quand on n'est pas capable de comprendre le drame que ces gens-là ont pu vivre sur le plan humain pendant treize ans... Vous avez demandé beaucoup de choses au gouvernement du Québec et on va faire notre possible. On va demander à la population de faire son possible aussi, de se débarrasser des chenilles qu'elle a élues comme députés. Comprenez-vous? Cela pourrait aussi faire partie du râle de la population d'être conséquente et de se débarrasser de ces députés qui ne sont pas capables de la défendre.

Je vais revenir, j'aurai des questions à poser tout à l'heure.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, écouter le mémoire, c'est bouleversant parce que cela rappelle les souvenirs d'un exproprié de Sainte-Thérèse, lorsque le rouleau compresseur était passé dans même plus grand que ce qu'on peut voir actuellement sur la carte. Il ajoutait des territoires dans la paroisse de Sainte-Thérèse et, sur le cadastre utilisé à Toronto, datant de 1956, n'apparaissaient pas encore quelque 800 maisons qui, pourtant, étaient bâties et dans lesquelles des familles logeaient déjà. C'est la façon dont j'ai vécu personnellement avec ma famille, cette improvisation, cette hâte d'un gouvernement qui venait tout juste de s'installer. C'était - vous me permettrez cette seule remarque de nature partisane cet après-midi - le premier geste d'un gouvernement qui venait d'arriver. C'était son premier coup de force, mais c'était loin d'être son dernier.

Dans votre mémoire, vous avez présenté une vision rétrospective. Vous avez aussi présenté une vision globale. Je vais me borner dans mes commentaires et mes questions aux aspects agricoles, si vous le voulez bien. Ce n'est pas que le vécu de tous les jours n'est pas important. Ce n'est pas que le commerce et l'habitation ne fassent pas partie du vécu agricole. C'est qu'on a voulu orienter la commission surtout de ce côté-là, mais il y a quand même dans le mandat de la commission un mot qui est important, et c'est le mot "normalisation". Cela suppose à ce moment-là que l'agriculture vive en relation avec des outils de service qui sont, justement, les magasins, les boutiques, les maisons, les habitants qui sont là, voisins dans un tissu agricole. C'est le village qui sert de lieu de retraite pour le vieil agriculteur qui se retire. C'est au village qu'on trouve son médecin, c'est au village qu'on trouve son école, c'est au village qu'on trouve son église. Je ne voudrais pas, pour ma part, aller trop loin dans cet aspect du vécu pour me borner surtout à l'aspect agricole.

Les questions sont multiples, je voudrais en aligner une série, rapidement, qui seraient de nature prospective, si vous me le permettez. On a fait, je crois, tout à l'heure, la démonstration assez évidente avec les gens des Transports qu'on a, au départ, exproprié des terres en trop. Est-ce 66 600 acres par rapport à l'engagement de revente, de rétrocession qui est pris? Est-ce que le fédéral en a besoin, pour fins aéroportuaires, de 2500, de 5200, de 17 000? Bref, la question reste ouverte. On sait, néanmoins, qu'il y a pour le moins tout ce qui est en dehors de la zone dite opérationnelle.

Il y a déjà une décision de prise. On n'en connaît pas l'ampleur, on n'en connaît pas les conséquences à court terme, mais la commission a pour mandat, entre autres, de vous interroger sur deux aspects: quel rôle le gouvernement et ses organismes peuvent-ils avoir au moment de la rétrocession, quel coup de main peuvent-ils vous donner au moment de la rétrocession, dans la mécanique de la rétrocession, dans je ne sais trop quoi? La question vous est posée à vous-mêmes. Vous avez quelques éléments dans votre mémoire, mais j'aimerais avoir plus de précisions de votre bouche.

La commission a également mandat de demander aux intéressés ce qui peut être fait dans un plan de relance agricole. Vous avez évoqué ce plan de relance agricole, mais dans le contenu - sans doute que la question sera posée à l'UPA demain ou dans quinze jours - qu'est-ce qui peut être fait par le gouvernement du Québec? Je vous pose d'abord ces deux premières questions, si vous me le permettez.

Mme Lafond: Du côté de la mécanique de rétrocession, comment le gouvernement du Québec peut-il nous aider? Nous n'arrivons pas à leur parler, il semble qu'il y ait un mot d'ordre de la part d'Ottawa, de la part de la nouvelle société immobilière. Il nous a toujours été impossible de rencontrer les administrateurs de la société immobilière, sauf l'année passée, en septembre, lors d'audiences bidon qui n'ont jamais eu de suite. Il faut absolument trouver le moyen de rencontrer - la société, cela fait longtemps qu'on n'y a plus confiance - les autorités du gouvernement fédéral pour qu'on s'asseoit vraiment et qu'on parle de rétrocession, de modalités de rétrocession qui soient équitables pour la population de Mirabel, qui tiennent vraiment compte de la situation existante.

On voudrait que vous trouviez des moyens - je ne m'y connais pas en politique - pour que cette rétrocession se fasse en l'absence de tout favoritisme. Jusqu'à ce jour, on a des raisons, qu'on ne peut appuyer sur des preuves, de douter que déjà des propriétés commencent à être rétrocédées. Elles le sont à des gens qui n'ont absolument rien à voir avec l'expropriation, ni avec l'occupation de longue date. On veut et on exige que ces modalités de rétrocession soient discutées et soient rendues publiques.

M. Raymond (Jean-Paul): J'aimerais compléter. D'abord, s'il y avait une aide technique au point de vue de la rétrocession, la présence du Québec sur le territoire pourrait assurer une constance. S'il s'agit d'un gars dont on n'aime pas la face, on va lui vendre très cher et, si c'est un "chum", on lui donne quasiment une terre. Pour ces cas, il faudrait essayer que cela passe devant un comité de surveillance. À ce moment-là, est-ce qu'on a des raisons de douter? Ce n'est pas à moi de poser la question; c'est à vous de vous la poser. C'est une chose. Ensuite, au Québec, il y a un rattrapage à faire. (17 heures)

On a parlé d'une subvention qui avait été suspendue pour toutes sortes de raisons. Moi je peux très bien vous dire qu'à la ferme de Gaston Ethier, par exemple, on a drainé et l'année suivante on a installé des pistes dessus. Ces sommes auraient été mieux utilisées sur une terre qui aurait pu rester à l'agriculture. Logiquement, le drainage coûte assez cher sans faire le drainage et après cela, bon. Cela c'est une chose. Dans le rattrapage, au point de vue de toutes les incitations à la production ou les subventions que le territoire n'a pas eues, dû à toutes sortes de circonstances: parce qu'on était locataire, parce qu'on ne savait pas où les pistes se rendraient, ou il y avait un problème de récupération des montants. Moi, je peux très bien vous dire ce que j'ai constaté: il y avait des fossés sur la ferme que j'occupe et pour m'aider, on va dire m'inciter à continuer à faire des fossés, on m'a remonté mon loyer de 3 $ de l'arpent.

À ce moment, cela a eu comme résultat de freiner un grand nombre de drainages. Là, le Québec, je pense, après la rétrocession qui devra avoir lieu, devra mettre des montants ou mettre une politique de rattrapage, dans tout ce qui n'a pas eu lieu. Il y a eu des programmes qui n'existent plus aujourd'hui. Normalement, à ce moment, est-ce que ce serait raisonnable de les reconsidérer? Il y a des gens qui n'ont pas pu s'installer chez eux et qui sont rendus à 38, 40 ans peut-être. Il faudrait quasiment leur donner l'aide aux jeunes agriculteurs pour se lancer parce qu'ils ne sont pas encore lancés. Il y a toute cette politique.

Dans les autres choses qu'on pourrait mentionner, c'est d'avoir la présence du Québec: dans la Loi sur le zonage, la Loi sur le zonage, c'est bien bon, mais quand ils sont gros comme le fédéral, ce n'est pas facile à les faire passer dans le zonaqe. Vous savez, moins tu es gros, plus tu dois respecter le zonage. À ce moment, je ne sais pas s'il y aurait moyen de venir à bout... On a eu la grange qui a passé au feu, celle de Noël Lalande. Pour toutes sortes de raisons, on disait que cette grange n'était pas louée. On n'a pas eu le temps de sortir la machinerie, l'équipement et de réclamer un loyer avant de dire que le cultivateur ne l'occupait pas.

Les lois sur le zonage... Une politique d'incitation à rattraper le temps perdu... Il se fait beaucoup de travaux mécanisés sur les cours d'eau majeurs depuis l'an passé. Ensuite de cela, nous aider dans la rétrocession. Vous allez prendre, à un moment donné, il va falloir emprunter pour racheter ces terres. Il y en a... c'est le fils de l'exproprié, ils n'ont plus les sommes nécessaires pour acheter, ce qui fait qu'à ce moment, peut-être il va falloir essayer d'avoir une manière de prêt agricole qui nous aiderait à venir à bout de racheter. Ce serait de valeur qu'on soit rendu trop pauvre pour devenir propriétaire.

Mme Lafond: J'aimerais ajouter, comme moyen de rétrocession, ici: c'est presque un SOS qu'on vous lance de venir nous aider à arrêter la guérilla judiciaire qu'il y a à

Mirabel. On est devenus, par la fréquence des moments où on doit se rendre à la Cour provinciale ou à la Cour fédérale, on a l'impression d'être devenus des hors la loi. À Mirabel, c'est très courant, même le maître de poste de Sainte-Scholastique trouve cela tout à fait normal de recevoir 100, 200, 300 piles de lettres recommandées pour envoyer aux locataires. Il faut être devenus presque des avocats pour être capables de défricher tout ce qu'ils veulent dire. Seulement pour demander la permission de mettre des choses dans une remise attenante à la maison, ça peut prendre 10, 15 ou 20 lettres, ça peut prendre quatre mois avant d'avoir la permission. Mais le pire, ce sont les procès qui se multiplient à Mirabel et qui ont pour but non seulement de nous épuiser financièrement - parce que c'est sûr qu'on ne va pas là facilement - mais de nous épuiser du côté des énergies. C'est rendu que c'est presque une fois par deux mois qu'il y a un procès à préparer. Il faut y aller, y donner suite et payer. On est en train de dégoûter la population. Je pense qu'un des moyens qu'on pourrait vous recommander d'utiliser pour nous - cela devient presque le seul moyen devant la fermeture à Ottawa -c'est de contester, s'il y a lieu, l'expropriation à Mirabel.

M. Bouvette: Si vous me le permettez, j'ajouterai peut-être une chose aussi au sujet de ces procès. On a l'impression que lorsqu'il y a procès, c'est qu'il y a eu faute. Au Québec, comme on l'a déjà dit, il n'existe pas de tradition agricole. Dans des pays comme la France ou l'Angleterre, lorsqu'un agriculteur, par exemple, a un litige avec son propriétaire, il existe un tribunal rural qui est tout à fait différent du code Napoléon ou du code de jurisprudence en vigueur là-bas. Ici, lorsqu'un agriculteur a un problème, c'est un juge qui est obligé de le juner. Les exemples de la maison de Gratton... Par exemple, un individu qui construit une maison parce qu'il n'a plus de lieu pour habiter ou quelqu'un qui, avec une permission - comme le cas Éthier qui est maintenant en cour - construit un cabane à sucre et à qui, maintenant, on réclame sa cabane à sucre et un loyer pour la cabane à sucre qu'il devrait rétrocéder au fédéral, lorsqu'il va se retrouver en cour, le juge n'aura pas d'autre choix que de juger d'après ce que le code lui dit. Cette maison est construite sur un territoire qui n'appartient pas à l'exproprié lui-même. Si on avait un statut rural comme celui qui existe en France, avec des juges ruraux, cela irait, mais le problème, c'est qu'on n'a pas de tradition rurale ici. On est pris pour faire face à la justice et - on est obligé de le dire - perdre nos causes. Si cela continue ainsi, vous vous imaginez le choix qui va rester aux gens; c'est de faire face à la situation.

Le Président (M. Rochefort): Madame, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Bertrand: II y a un élément que je voudrais souligner ici très brièvement. C'est...

Une voix: Vous n'êtes pas au microphone.

Mme Bertrand: Un élément a été signalé par Mme Lafond tantôt qui m'apparaît assez important. C'est de la part de la société immobilière. Faisant fi de l'existence d'une organisation de citoyens comme le CIAC, en refusant de les rencontrer, c'est nettement, en plus d'être un geste de mépris, nous placer dans une situation de faiblesse quand il s'agit de négocier. Ce qui a été signalé tantôt, savoir qu'une résidence ou une ferme pourrait être vendue à des prix différents ou avec tout ce qui a été vécu en 1969 en termes d'injustices et de privilèges pour certains, pour éviter que cela se répète, il faut qu'il y ait une organisation de citoyens. Je pense qu'en exigeant, de la part de la société immobilière, de reconnaître le CIAC comme l'organisation légitime des citoyens qui rassemble la grande majorité des expropriés, des agriculteurs, des commerçants et des expropriés partis, si on se place dans une position où il y a un négociateur reconnu par les citoyens et par la société, c'est déjà mettre les choses claires en partant.

L'autre aspect - pour ne pas répéter -c'est l'aspect financier. Actuellement, le CIAC fonctionne avec assez peu de ressources à un moment où on en aurait peut-être plus que jamais besoin, avec des ressources absolument dérisoires, ce qui met presque en jeu, finalement, le succès d'une négociation. Par exemple, si on prend le cas des résidents, il y a 500 résidences à vendre. Cela suppose beaucoup d'organisation. Cela suppose du personnel qui va devoir travailler aux dossiers pour vérifier de quelle façon vont se faire ces négociations, ces conditions de revente. Actuellement, le CIAC n'est pas dans des conditions financières pour assumer cela. C'est un aspect qui est très important de voir à ce qu'il y ait une équipe qui puisse fonctionner, au moins dans l'année qui vient, avec des ressources convenables.

M. Fallu: L'un des mandats de la commission, c'est de s'informer sur l'état de l'agriculture à Mirabel et, notamment, les conséquences éventuelles que l'expropriation aurait eues sur l'agriculture. Comme membres de la commission, nous sommes allés, la semaine dernière, faire le tour de Mirabel. Effectivement, ce fut le tour de Mirabel en sept heures d'autobus, depuis

l'aéroport en passant par Saint-Canut, Lachute, Saint-Hermas, Sainte-Scholastique, Sainte-Monique et on peut continuer du côté de Boisbriand, de Saint-Janvier, de Sainte-Anne-des-Plaines, etc., ce fut vraiment le grand tour. Or, on a cru voir que l'état de l'agriculture n'était pas tout à fait le même qu'à l'extérieur du territoire, lorsqu'il nous arrivait d'être à la jonction d'un territoire exproprié et d'un territoire non exproprié.

Forts des souvenirs visuels que nous avions de l'agriculture ailleurs au Québec, dans la région de Saint-Hyacinthe, dans la région de Trois-Rivières, dans la région de Joliette, il nous a semblé qu'il aurait pu y avoir un impact sur l'agriculture du fait de l'expropriation.

Ce matin, dans la Presse, on apprend qu'on ne trouve que 1,8% des fermes inhabitées. Pourtant, il me semble qu'on a vu beaucoup de lots vacants, habités ou inhabités, il me semble que ça suppose qu'il y a une maison; c'est peut-être que toutes les maisons sont disparues, donc il n'y a plus de fermes inhabitées puisqu'il n'y a plus de maisons ou il y en a moins, il n'y a que celles qui sont habitées. Pourtant, on a vu des fermes et des maisons qui semblaient à l'abandon.

On nous dit que, parlant d'élevage, de la qualité des troupeaux de bovins, ces derniers sont plus gros à Mirabel que dans le reste du Québec. Je me dis: C'est peut-être vrai, mais si on fait de l'élevage c'est peut-être qu'on ne fait pas autre chose de plus productif. Enfin, je ne sais plus.

J'apprends tout à coup, comme ça dans la Presse de ce matin, que la valeur des fermes est plus élevée à Mirabel qu'ailleurs au Québec. Là, c'est mon étonnement parce que... Et on nous donne le capital agricole, on dit: Le capital agricole de Mirabel s'établit à 83 600 000 $, soit 213 400 $ par ferme. C'est parfait, sauf que, pour avoir une telle évaluation, encore faudrait-il qu'il y ait évaluation. Or, que je sache, à Mirabel il n'y a plus qu'un seul numéro de cadastre et la municipalité ne fait pas d'évaluation puisque c'est du territoire fédéral et les municipalités n'évaluent pas le territoire fédéral ni les immeubles fédéraux. Il l'évalue lui-même et paie des "en lieu" de taxes comme il l'entend. Donc, comme il n'y a pas de cadastre, il n'y a personne qui peut faire l'évaluation. Je me dis plus que ça: Si ça vaut 213 400 $ par ferme, en moyenne, ça veut dire que la SIC - ou je ne sais trop qui - sait déjà à quelle valeur, moins 15%, vous l'offrir en revente.

Bref...

M. Garon: Dans quel journal?

M. Fallu: Dans la Presse de ce matin, page A-3. D'ailleurs, on trouve souvent à cette même page, sous la même signature...

M. Garon: Ce sont des histoires d'Allo Police...

M. Fallu: ... des informations intéressantes sur Mirabel. Je ne sais pas si elles sont pertinentes et c'est ça que je voudrais vérifier avec vous cet après-midi. Est-il vrai que l'agriculture à Mirabel est dans cet état de prospérité? Est-il vrai que l'entretien des fermes a été si bien fait depuis que, les fermes étant au demeurant plus petites en moyenne, soit dit en passant - je l'ai noté dans l'article - elles valent néanmoins plus cher en moyenne que dans le reste du Québec? Est-il vrai qu'elles seraient plus productives, etc.? Pourtant, j'ai cru voir, pour ma part, étant fils de cultivateur, vivant dans un comté semi-agricole, parcourant régulièrement tout le territoire du Québec, j'ai eu comme l'impression que Mirabel n'était pas tout à fait comme le reste du territoire agricole du Québec. Alors, j'aimerais vous demander si, d'après vous, c'étaient des mandats de la commission de vous interroger pour savoir s'il y a eu des conséquences sur l'agriculture, à la suite de l'expropriation à Mirabel. (17 h 15)

M. Bouvette: Tantôt, M. Jean-Paul Raymond expliquera les conséquences sur l'agriculture. Moi, je reviendrai à votre première question sur ces sondages. Dans les jours qui vont venir - je ne sais pas où c'est prévu exactement à la commission - un de nos conseillers, M. Fernand Gauthier, qui connaît le problème, va parler de la méthodologie de ces sondages. Quant à moi, pour résumer peut-être d'une façon lapidaire, j'expliquerai ce qu'un éditorialiste d'un journal très connu avait déjà dit: "Si les chiffres ne savent mentir, les utilisateurs, eux, le savent." À preuve, ceci: dans la dernière livraison de la SIC, on disait: "Les locataires sont satisfaits." Là, on va sortir des chiffres, je vais prendre le journal de la SIC, c'est le journal que la société immobilière diffuse aux gens du territoire. Est-ce que c'est le dernier numéro? Non, j'irai de mémoire. Alors, on dit dans ce journal: "72% des gens désirent des baux de 25 ans. Il est surprenant par contre de constater que 22% désirent des baux de moins de 25 ans. En conclusion, nous pouvons dire que 94% - 72% plus 22% - désirent des baux de 25 ans ou moins." C'est une façon de faire de la statistique. Également, sur une colonne à côté, on dira: "À la décision du gouvernement de rétrocéder, 79% des gens mentionneront leur accord; 79% des gens sont d'accord pour que le territoire soit rétrocédé et 94% des gens veulent des baux de 25 ans ou moins." Si l'on veut comprendre cette affaire, je pense que c'est clair pour tout le monde, c'est qu'on veut tous racheter, mais ce n'est pas ce que les chiffres disent ici. J'ai l'impression qu'il y a

un tripotage épouvantable de chiffres. Nous avons démandé à SORECOM et la SIC de nous faire parvenir leur échantillonnage et les questions qui ont été posées. Cela a été refusé. On n'a jamais voulu nous faire parvenir ces questions. On a tenu des audiences publiques, et je vous citerai des questions que nos membres qui ont été sondés nous ont dites, parce qu'ils prenaient les questions par téléphone et ils nous les disaient puisqu'on n'a pu les avoir ni par SORECOM ni par la SIC. Un exemple des questions qu'on pose lors de ces sondages: Qui, selon vous, est le plus apte à gouverner le territoire de Mirabel: le gouvernement du Québec, la SIC ou le CIAC? Résultat non publié. Si c'est ce genre de sondage qu'on effectue, on aimerait connaître les questions. Actuellement on a demandé au comité de surveillance des sondages de faire enquête sur ce genre de sondage.

Quant à l'agriculture, je demanderais à M. Raymond de compléter.

M. Raymond (Jean-Paul): Quand on arrive sur la question de protection ou de dimension ou de valeur des fermes, il est bien clair qu'il ne s'en vend pas à Mirabel; le gouvernement les a toutes achetées. Alors, on ne peut plus établir de valeur au point de vue... Il y en avait une en 1969. On se pose de sérieuses questions sur la manière de fonctionner. On a pratiquement vidé deux ou trois rangs presque inutilement parce que c'est en dehors des pistes; quand on dit "vidé", cela veut dire envoyé les cultivateurs sous prétexte que ceux-ci ne pourraient plus fonctionner, qu'il faudrait qu'ils cultivent la nuit et tout cela. Quand les cultivateurs fonctionnaient, ils avaient des troupeaux de 25-30 vaches, ils faisaient des herbages et un peu de céréales. On a enlevé des rangs, les rangs Saint-Jean, Sainte-Marie, Saint-Dominique ou Giroux, en tout cas, cela a eu comme résultat qu'ils ont loué tout près de 2000 acres à 3 ou 4 gros céréaliers, producteurs de céréales, que ce soit Touchette, que ce soit P.-A. Forget ou les frères Rhéaume. Ils commencent leurs semences au mois de mars et ils finissent au mois de juin; le battage se fait au commencement d'août et ils terminent avec la neige. Cela a comme résultat qu'il y a des milliers d'oiseaux et que c'est censé être la protection du territoire contre le péril aviaire, qu'ils appellent; il ne fallait pas qu'il y ait d'oiseaux, il ne fallait pas que cela soit cultivé. Là, aux alentours des pistes, dans la zone des 12 000 acres, la zone périphérique, la zone qui va être dans l'expansion future, on a des cultivateurs de céréales, de maïs. Le grain traîne bien trop longtemps et il y en a de trop grosses quantités; il y a des oiseaux noirs et des corneilles, cela en est noir. Le ciel devient foncé quand les voiliers passent. À ce moment-là, le résultat... Les fonctionnaires disaient qu'il fallait protéger l'aéroport. Pour ne pas avoir d'oiseaux, il ne fallait pas semer. Ils "shippent" les gens et remplacent cela par des producteurs de céréales. Cela ramasse des oiseaux, ce n'est pas possible. Cela est une chose.

L'autre chose, on a déjà fait une enquête, nous, les cultivateurs, un inventaire. Il y avait 788 cultivateurs en dehors de la zone, en dehors des 12 000 acres. Il en reste 250 vrais et peut-être 125 qui sont des cultivateurs du dimanche. Les 250 vrais cultivateurs qui restent cultivent environ trois fermes chacun: la leur et deux autres. Si on prend 788 fermes et qu'on fait cultiver cela par 250, cela veut dire que chaque cultivateur qui reste là cultive trois fermes.

Si on se met à jouer avec les statistiques sur une quantité de lait ou n'importe quoi... On s'est fait dire, la semaine passée, à un procès que, quand un gars a un lactoduc - un lactoduc, c'est une espèce de pipeline, c'est pour ramasser le lait qui va directement aux "bulk tanks", avec nettoyage automatique - on lui augmente son loyer. Le loyer est plus cher, on se l'est fait dire en pleine face. Cela est une chose aberrante. Mais, dans votre question, où se base-t-on? Est-ce que les cultivateurs ont des terres qui valent plus cher? La réponse est qu'il y en a moins. Ceux qui restent ont plus de troupeaux. Ils ont plus de machinerie, c'est évident.

Une autre chose que j'ai trouvée réellement niaiseuse, c'est qu'on a aboli le cadastre. Vous avez parlé de cadastre tout à l'heure. On avait parlé d'un numéro de cadastre, je pense qu'il y en a trois. Il y en a deux et celui de la zone opérationnelle, de la zone de l'aéroport. On a fait comparaître un gars en cour, la semaine passée; on lui a dit: Où est la ferme? Il a dit: L'ancien cadastre est aboli et il reste sur l'ancien numéro de cadastre. Nous, lorsqu'on arrive pour signer un bail, on se ramasse avec huit, dix, douze pages de descriptions géodésiques. Il y a des chiffres et des numéros, cela n'est pas possible, on passe quinze, vingt pages. On se dit: Qu'est-ce que c'est? C'est la terre qu'on loue. Avec des descriptions comme celles-là, il n'y a personne qui comprend rien, absolument pas. Il y a jusqu'à des points d'azimut, des points de référence avec des points géodésiques. À ce moment-là, qu'est-ce qui se produit? Cela crée de la confusion, cela amuse peut-être celui qui est en charge de la machine électronique de faire des descriptions comme cela, mais il serait peut-être bon que le provincial nous protège là-dessus. Nous, on ne peut pas acheter une terre où il y a dix, douze pages de description, c'est à tel degré-minute de la base géodésique. Alors, à ce moment-là, cela devient de la folie furieuse.

M. Garon: J'aimerais seulement faire un commentaire, M. le Président. J'ai vu ces descriptions-là. On avait l'impression que c'était une description martienne ou quelque chose comme cela. Ils n'ont pas un cadastre comme les autres. Ailleurs, c'est un cadastre; on est habitué à des cadastres, les notaires sont habitués, les avocats sont habitués. Dans leur cas, le fédéral a inventé c'est ce qu'ils appellent la géodésique à partir des azimuts, des minutes. Je pense que ça part des satellites, je ne sais pas si c'est une manière. Personne ne comprend ce système-là. C'est un système qui n'est pas le système des notaires, qui n'est pas le système des avocats et ils sont pris avec des affaires comme celles-là. Les gens ne savent plus quelles sont les localisations, qu'est-ce que c'est exactement. C'est un système qui n'est pas le système en vigueur sur place. Je ne le sais pas personnellement, mais j'ai lu ces contrats-là et je n'y ai rien compris parce qu'on n'est pas habitué à ce système-là. C'est important, ce qu'a dit M. Raymond. C'est pour information parce que, quand ils consultent des gens, ils se retrouvent avec un nouveau système. Je ne sais pas d'où vient ce système, mais ce n'est pas le système auquel ils sont habitués. Je suis persuadé que le notaire Mathieu, le député de Beauce-Sud, n'a jamais eu de telle description technique dans un cadastre. Au Québec, est-ce que vous êtes obligés d'avoir le système portant minutes? Le système qu'on a actuellement est cadastral. Je pense que, légalement, c'est cela qu'on doit prendre. On va aller sur un territoire exproprié où le fédéral ne prend pas le système qui est le système légal en vigueur au Québec. Il prend un système différent, un système sidéral ou cosmique, un satellite. Je ne le sais pas. Je ne connais pas ce système-là.

Une voix: Donne-lui un cours de droit, Hermann.

M. Mathieu: Pardon?

M. Garon: À titre de notaire, est-ce que...

M. Mathieu: M. le Président... Une voix: C'est une consultation. Une voix: Combien allez-vous exiger?

M. Mathieu: Je suis prêt à faire une consultation gratuite, M. le député. Je trouve un peu surprenant ce que vous dites parce que, selon notre Code civil, si je me le rappelle bien, l'article 2168 dit de quelle manière on doit décrire un lot dans un contrat ou dans un acte, à partir d'un plan cadastral préparé par un arpenteur-géomètre.

Alors, je trouve un peu étrange le système que vous décrivez présentement. Cela me paraft...

M. Garon: M. le Président, je ne sais pas si les représentants du CIAC ont un type de contrat, mais je leur en donnerai une copie. Cela vaut la peine de voir cela. La première fois que j'en ai vu un, j'ai été estomaqué. C'était la première fois que je voyais un tel contrat.

Mme Lafond: Là-dessus, M. Goyer nous avait dit que c'était pour simplifier la formule, quand on lui avait posé la question.

Des voix: Ah!

M. Raymond (Jean-Paul): Je me suis aperçu que leur système n'était pas bon parce qu'ils ne s'en servent même pas en cour. Quand ils sont arrivés en cour, ils ont dit: On a aboli le cadastre, mais c'est l'ancien numéro. Pourquoi n'ont-ils pas fait leur description géodésique? Cela fait trois ou quatre ans qu'ils nous écoeurent avec cela. Ils auraient écoeuré le juge, à ce moment-là, avec une description. À un moment donné, un gars voulait aller chez Gratton. On lui a dit: C'est une affaire bien simple; prends la description et vas-y. Un numéro de cadastre, c'est un numéro pour localiser une propriété. Le journaliste a regardé cela et il a trouvé que ce n'était pas possible de... Remarquez que je pouvais avoir l'air niaiseux un peu, mais quand j'ai vu cela, qu'ils parlaient des azimuts, je pensais que c'était une manière de siffleux.

Des voix: Ah!

M. Raymond (Jean-Paul): Pour répondre à votre question, M. Fallu, quand...

M. Garon: Vous n'avez pas eu l'idée d'écrire à M. Trudeau pour lui demander si cela faisait partie de la charte des droits de l'homme, les azimuts et les systèmes géodésiques?

M. Raymond (Jean-Paul): Pour répondre à votre question, quand les rapports d'enquêtes sortent, j'ai l'impression que c'est fait soit dans un but bien précis de protéger, on va dire, son image. C'est peut-être qu'il aime protéger son image. C'est un commentaire que je peux formuler.

Mme Lafond: Je me demande comment il se fait qu'ils mettent autant d'énergie à essayer de sauver leur image et à essayer de démontrer qu'à Mirabel les gens sont bien. Nous autres, pourquoi met-on autant d'énergie depuis treize ans? On a assez hâte de ne plus en mettre. C'est pour retrouver notre dignité. C'est pour mettre fin à la

tutelle. Eux autres, qu'est-ce qu'ils ont tant à défendre? Les travaux de la commission parlementaire ont commencé ce matin et, depuis samedi, on entend à la radio, on lit dans les journaux la publicité sur "Comme on est bien à Mirabel". C'est toujours fait, naturellement, avec l'argent des citoyens. Le budget annuel de la SIC, cette année, est de 13 000 000 $, je crois. Il y a deux avocats à temps plein qui sont engagés et, en plus, ils utilisent le contentieux du ministère de la Justice d'Ottawa pour essayer de nous écraser plus pour arriver à leurs fins qui sont lesquelles? C'est cela qu'on se demande.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vais commencer par une première question qui surgit assez tôt dans votre texte. À la page 2, je crois, vous dites: "S'il peut paraître facile dans ce dossier complexe d'identifier un responsable, il faut admettre que le gouvernement du Québec, depuis treize ans, n'a pas joué le rôle qui lui incombait." (17 h 30)

Est-ce que vous pourriez résumer l'aide que vous avez reçue du gouvernement du Québec, sous une forme ou l'autre, au cours des dernières années?

Mme Lafond: Oui, je vais essayer de me la rappeler. Depuis le 29 juin, à l'assemblée où M. le ministre Garon est venu avec les députés de la région - dont vous étiez, il y avait une subvention accordée d'un maximum de 80 000 $: 20 000 $ sans condition et 60 000 $ à la condition qu'on aille chercher chez nos membres... chaque fois qu'on allait chercher 1 $, c'était une subvention de 2 $. Jusqu'à maintenant, on est allé chercher - parce qu'on a mis beaucoup de temps à se défendre dans les procès, donc on ne s'est pas tellement occupé d'aller chercher de l'argent chez nos membres - 36 000 $ auprès du gouvernement provincial, avec les subventions des membres. On a reçu les 20 000 $.

L'année dernière, c'était une première aide, si je ne me trompe, qui s'est chiffrée à...

Une voix: Qu'est-ce que c'est cela?

Mme Lafond: L'aide financière du gouvernement.

C'est à peu près 20 000 $, je pense.

Une voix: C'est 23 000 $

Mme Lafond: C'est 23 000 $, je crois, je ne le sais pas là exactement.

M. Ryan: Cette année, jusqu'à maintenant, ce serait à peu près 56 000 $, si je comprends bien?

Mme Lafond: C'est cela.

M. Ryan: Maintenant, ma question avait un caractère plus large. Quelle sorte d'aide avez-vous reçue du gouvernement du Québec, à tous points de vue, au cours des dernières années? On a l'impression, en lisant votre mémoire, que, finalement, Québec était plus ou moins présent sur le territoire dans le dossier. Est-ce que j'exagère en comprenant cela?

Mme Lafond: On peut dire que, dans ce dossier, on s'est trouvé seuls plus souvent qu'autrement. Ce n'est que depuis quelques années qu'on sent une aide, un appui de la part du gouvernement du Québec, mais cela ne remonte pas à très longtemps.

M. Bouvette: C'est-à-dire qu'avant l'arrivée du gouvernement qui est actuellement au pouvoir, il y avait eu l'aide du ministre L'Allier.

Mme Lafond: En 1971-1972.

M. Bouvette: J'ajouterai à ce que dit Mme Lafond, que, depuis l'arrivée, il faut le dire, du gouvernement, il nous a semblé que cela a été lent à démarrer, l'appui aux groupes de Mirabel. Je pense qu'il faut le dire.

M. Garon: Je pourrais peut-être donner une explication.

M. Bouvette: Bonne idée!

Le Président (M. Rochefort): Êtes-vous d'accord?

M. Garon: Je dois dire que, la première fois que j'ai rencontré les gens de Mirabel, M. le Président, je craignais qu'on dise qu'on voulait étudier le dossier Mirabel à des fins politiques. Je le leur ai dit directement. Les gens se rappelleront que nous étions dans le local en bas, M. Raymond et Mme Lafond étaient là - Mme Lafond, je ne me rappelle pas, mais M. Raymond était là - et j'avais dit, à ce moment: J'aimerais vraiment avoir une indication que la population de Mirabel souhaite que je m'occupe du dossier pour le faire. J'aimerais sentir que cela vient des gens et non pas d'un organisme représentatif, mais des gens du territoire. Autrement, je serais accusé facilement de faire de la politique avec un dossier, à cause du fédéral et tout cela.

La réponse est venue quelques mois plus tard quand les gens du CIAC m'ont apporté une pétition qui regroupait quelques milliers de noms, des gens du territoire, qui demandaient que le gouvernement du Québec

s'implique dans le dossier. On a commencé à s'impliquer à partir de ce moment. Je ne me suis pas impliqué avant de sentir qu'il y avait une volonté sur le territoire et que les gens souhaitaient qu'on s'implique.

M. Ryan: Vers quel temps c'était, cette pétition, M. le ministre?

Mme Lafond: C'est en 1978 qu'on vous l'a remise, peut-être?

M. Garon: À peu près, oui. Mme Lafond: Là-dessus...

M. Garon: Je pourrais vérifier et vous donner la date.

Mme Lafond: Pour donner suite à ce que le ministre M. Garon dit, je pense qu'on avait intérêt à Mirabel à ce qu'on soit vraiment seuls à se défendre et à ce qu'on passe pour un groupe extrêmement radical parce que dès qu'on a senti qu'il y avait une aide du gouvernement du Québec, on a essayé, justement, dans les journaux, par différentes façons, de faire voir que c'était par politicaillerie que le gouvernement du Québec s'impliquait dans le dossier. C'est comme si on voulait absolument qu'on demeure seuls et qu'on ait une réputation à l'extérieur de gens qui ne seront jamais contentables. Pourtant, tout ce qu'on demande, c'est simplement, comme n'importe quelle communauté ailleurs, d'être chez nous, de mettre fin à la tutelle, de récupérer notre dignité. C'est tout ce qu'on demande et vous n'entendrez plus parler de nous après.

M. Ryan: J'ai une série de questions. Cela va aller au-delà de 18 heures, je pense bien. On va être obligé de continuer avec eux ce soir parce qu'il y a des choses...

Le Président (M. Rochefort): Pardon?

M. Ryan: Est-ce que c'était votre programme qu'on continue ce soir?

Le Président (M. Rochefort): Oui, sûrement, pour entendre les autres personnes qui ont fait...

M. Ryan: Très bien, alors, on va y aller à fond. Il y a une chose que je voudrais clarifier. Puisqu'on en est à la présence du gouvernement du Québec, il faudrait clarifier l'affaire des subventions pour certains programmes qui ont été interrompus. Je crois que cela a fonctionné pendant deux ans, d'après mes renseignements. On discutait de cela la semaine dernière, M. le ministre.

M. Garon: Moins de deux ans, entre 16 et 18 mois, je pense. Cela est verifiable facilement.

M. Ryan: Maintenant, il y a des versions contradictoires. Il y en a qui disent que cela a été décidé par le gouvernement à la demande ou avec l'approbation des producteurs agricoles de la région. Il y en a qui disent: Eux autres n'étaient pas mêlés à ça. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est votre version de ce qui est arrivé là-dedans? Est-ce que c'est vous autres qui auriez demandé cela pour des considérations qui peuvent être bonnes, remarquez bien? Je ne porte pas de jugement là-dessus. Qu'est-ce qui est arrivé exactement là-dedans? Comment évaluez-vous, parce que vous en avez fait mention tantôt, M. Raymond... Vous avez dit: II y a des sommes qui ont été perdues et il faudrait un programme de rattrapage là-dessus. Il faudrait peut-être qu'on nettoie cette question comme il faut.

M. Raymond (Jean-Paul): Dans les subventions qui ont été suspendues, si on regarde le problème global du fonctionnement de Mirabel, je m'en suis aperçu la semaine passée parce qu'il y a eu un témoin du gouvernement qui s'est trouvé à donner les points de repère pour l'amélioration de la terre; le bombage des planches, les lactoducs servent de critères pour augmenter le prix du loyer. J'avais constaté cela moi-même, personnellement, dans mon bail, lorsqu'il fut le temps de le renouveler. J'avais fait faire une partie assez considérable des fossés et du drainage superficiel grâce à des subventions et cela a eu comme résultat d'augmenter le prix de ma location de 3 $ l'arpent par année. On en a discuté un certain nombre de cultivateurs, et c'est toujours le résultat: Plus un gars faisait faire de travaux, d'amélioration, plus son bail, son coût de loyer augmentait. On a rencontré M. Garon et on a dénoncé l'état de fait que plus le gouvernement du Québec donnait des subventions, plus nous on se les faisait enlever par une augmentation du prix du loyer.

On a dénoncé cela, on a dit à M. Garon: Ce n'est pas correct, c'est un détournement de fonds. On prend l'argent des Québécois pour nous donner des subventions et le fédéral nous exige un loyer plus cher en nous arrachant les subventions qu'on a eues. Cela a été le message qu'on a donné à M. Garon. M. Garon a répliqué en suspendant les subventions.

M. Bouvette: Nous avons redemandé au ministre de ne pas pénaliser davantage les agriculteurs, mais on avait dénoncé cette situation. Je dois dire qu'on espérait une solution. On ne savait pas laquelle, et cela a été une solution logique, peut-être, que le ministre a trouvée de couper les subventions,

mais c'est à la demande plutôt du CIAC parce qu'on a insisté de façon très ferme en disant: II faut remettre ces subventions et plutôt trouver un moyen que ces subventions ne soient pas détournées.

Mme Lafond: Je peux ajouter là-dessus que je suis allée à la rencontre avec le ministre Garon, à ce moment-là, et nous, à Sainte-Scholastique, on souhaitait ardemment que le gouvernement du Québec s'implique dans le dossier. Par quel biais s'adresser à un ministère quelconque pour que le gouvernement s'implique? On s'est adressé au ministre Garon par le biais du ministère de l'Agriculture et on s'est dit: II va être intéressé à cela si on lui démontre comment les subventions provinciales servent à faire augmenter les loyers. Il s'est impliqué là-dedans et il les a coupées. Ce n'est pas...On l'a applaudi le soir où il est venu nous dire cela. Oui, on l'a applaudi, mais pas pour la coupure des subventions. On l'a applaudi parce qu'il venait nous appuyer. Il disait qu'il était d'accord avec nous pour un bail emphytéotique, un bail sécuritaire, et c'était cela le sens de nos applaudissements à Sainte-Scholastique. C'était la première fois qu'officiellement le gouvernement du Québec nous donnait un appui.

M. Raymond (Jean-Paul): Puis-je compléter? Si le fait d'avoir suspendu les subventions pendant deux ans a eu comme résultat de rétrocéder 30 000 acres, j'accepterais deux autres années pour avoir le reste du territoire.

M. Ryan: Par souci de la vérité, j'ai demandé la version de la Société immobilière du Canada sur ce point précis. Je vais vous faire part de la réponse qu'on m'a donnée là-dessus. Si le ministre veut contester ceci ou vous autres, vous serez absolument libres de le faire, évidemment, mais c'est pour notre information commune que je vous pose le problème dans les termes où on me l'a posé: "Contrairement à ce que l'UPA, le CIAC et le gouvernement du Québec ont tenté de faire croire, le gouvernement fédéral n'a jamais imposé de loyer sur la portion subventionnée par le Québec des terres drainées. Le ministère des Travaux publics du Canada a financé certains travaux de drainage à Mirabel au cours des années 1978 et 1979. Il ajustait le loyer des agriculteurs uniquement sur la portion déboursée par Travaux publics Canada et non sur la portion subventionnée par Québec, laquelle était elle-même, en bonne partie, subventionnée par le gouvernement fédéral dans le cadre d'ententes générales sur l'agriculture."

Je ne sais pas si ceci est vrai ou faux. J'aimerais avoir votre version, celle du ministre également.

Mme Lafond: Là-dessus, je dois vous dire qu'il y avait une politique très claire pour percevoir de l'argent sur les investissements des agriculteurs. D'ailleurs, cela se justifie quotidiennement ou très souvent à Mirabel. Pour les terres qui sont cultivées par les agriculteurs, qui sont très bien entretenues, les loyers augmentent régulièrement, ou après l'échéance du bail. Les loyers sont en conséquence de la tenure de la terre. Par contre, des terres qui ont été abandonnées par des agriculteurs en 1969 et qui sont reprises sont données aux agriculteurs, soit pour 25 $ par année ou pour rien pendant un certain temps. Il est assez clair que si un agriculteur a pour 25 $ par année une terre en friche qui a été abandonnée et qu'un autre doit payer 400 $, 500 $ ou 1000 $ par année, c'est la différence entre la culture qu'il a faite, lui, et l'autre terre qu'on n'a pas cultivée. Il faut dire aussi que le CIAC a toujours été, depuis 1969, un chien de garde. Quand ils ont vu qu'on dénonçait cette politique, ils se sont empressés de l'endormir, mais devant Jacques Roy, notaire à Ottawa, devant des représentants du ministère de l'Agriculture du Québec à Sainte-Scholastique, il y a eu des réunions avec des représentants du gouvernement fédéral, et on a dit aux gestionnaires: "Vous nous dites que vous n'augmentez pas les loyers... Prenez deux terres à peu près semblables, l'une très bien cultivée, l'autre mal entretenue par l'agriculteur. Les deux agriculteurs s'en vont. Qu'est-ce que vous allez faire avec la terre que le cultivateur a bien entretenue et pour laquelle il est allé chercher des subventions provinciales? Allez-vous la louer le même prix que celle qui a été négligée par l'agriculteur?" Ils ont dit: "Non, c'est bien entendu qu'on va la louer plus cher." Qui est-ce qui est pénalisé? Sur quoi se base-t-on si ce ne sont pas sur les investissements de l'agriculteur et les investissements du gouvernement provincial dans ça?

M. Ryan: S'il y avait moyen que vous nous fassiez la preuve - vous avez des pièces, ceux qui ont été affectés par ça - que vraiment on chargeait un coût sur les subventions qui étaient venues de Québec, ce serait intéressant, parce que, là, on est en face de deux versions contraires. Les deux ne peuvent pas être vraies en même temps. (17 h 45)

M. Garon: M. le Président, c'est plus compliqué que ça. On dit que s'il y a améliorations... Ce que les gens nous ont dit - la CIAC nous en a dit un mot - l'UPA en a dit un mot, différents organismes, des gens même me disaient que les améliorations foncières amenaient une augmentation de loyer. On disait: Quand il y a des améliorations foncières, la terre vaut plus cher et ça amène un loyer plus élevé. C'est

évident que je n'avais pas un tas de documents là-dessus, mais tout le monde disait que cela occasionnait des loyers plus élevés. D'ailleurs, la SIC aurait pu venir ici nous dire comment ça fonctionnait. Vous savez un témoin qui a peur de se faire questionner, c'est toujours plus facile de vous renseigner pour que vous puissiez dire ce qu'il a dit, en étant certain de ne pas subir de contre-interrogatoire; c'est toujours plus facile comme ça. En même temps, comme ils le font actuellement, ils disent: On va faire un colloque sur l'agriculture, mais en essayant de piger des fonctionnaires à leur choix dans le ministère qu'ils vont amener à leur colloque pour dire ce que devrait être le développement de l'agriculture. C'est toujours plus facile de fonctionner comme ça, mais ce n'est peut-être pas la façon la plus franche.

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président. Le ministre vient de faire allusion à un colloque, je ne sais pas si c'est celui qui doit avoir lieu le 31 octobre dont vous parlez?

M. Garon: Je n'ai pas entendu parler qu'on faisait un colloque...

M. Ryan: Ce doit être celui-là. Je vous inviterais à vous informer comme il faut avant de porter ce jugement, parce que c'est peut-être un peu différent. Je pourrais vous en parler, si vous voulez. C'est un colloque qui est convoqué par la Chambre de commerce de Mirabel à ma connaissance. Je regrette, je ne pourrai pas être là parce que je vais être à la canonisation à Rome, mais j'aurais aimé être là.

La chambre de commerce, on l'a identifiée tantôt dans le mémoire comme une dépendance de la Société immobilière du Canada. Il y aurait peut-être des aspects qu'on connaîtra et qui montreront que c'est peut-être un peu plus complexe que ça. Cela ne les justifie pas d'avoir fait certaines déclarations récentes qui n'étaient peut-être pas toujours balancées. Mais, sur la foi des renseignements que je crois détenir, je mettrais une certaine réserve à ce qui a été dit par le ministre tantôt, en toute bonne foi...

M. Garon: Mais, M. le Président... (17 h 45)

M. Ryan: J'inviterais le ministre en particulier à réexaminer la question de la participation de ses fonctionnaires à ce colloque et la participation de fonctionnaires d'autres ministères. Je pense que si la preuve pouvait être faite qu'il y a bonne foi dans la convocation de cette réunion, il serait regrettable que le gouvernement du Québec aille boycotter la réunion pour des motifs qui n'auraient pas été soigneusement vérifiés, quitte à ce qu'ils passent leur jugement après avoir vécu l'événement. Je vous entendais et je ne voudrais pas que vous soyez prisonnier de l'information, apparemment limitée, qu'on vous a donnée.

M. Garon: Voici simplement ce que je voulais dire, M. le Président. Il n'arrive pas très fréquemment que les interlocuteurs dans le domaine agricole soient les chambres de commerce. Habituellement, c'est l'Union des producteurs agricoles, c'est une coopérative agricole, c'est un organisme de relève agricole, mais jusqu'à maintenant, ce serait une nouvelle structure. Voulez-vous que ce soit la chambre de commerce qui décide de faire les colloques sur le développement agro-alimentaire au Québec?

M. Ryan: M. le ministre connaît mieux le milieu rural que cela, il sait très bien que dans certains milieux ruraux la chambre de commerce est souvent l'organisme qui représente le mieux les aspirations du milieu. Ma femme vient de Saint-Isidore de Dorchester, son frère était président de la chambre de commerce pendant une année et, le gros élément de travail, cette année-là, c'était l'obtention d'une école d'agriculture à Saint-Isidore; c'était la chambre de commerce.

M. Garon: Cela fait combien d'années? M. Ryan: Ah! C'est avant votre temps.

M. Garon: L'école d'agriculture remonte avant les années soixante.

M. Ryan: Oui, je le sais bien. C'est pour cela que je vous dis que c'était avant votre temps, mais les chambres de commerce existaient bien avant nous aussi.

M. Garon: Oui, mais...

M. Ryan: Pour terminer là-dessus, je vous inviterais à regarder cela de nouveau. On a bien des questions que je veux poser à nos amis du CIAC. La représentativité du CIAC est un point bien important à établir. Il y a trois catégories de membres dans l'organisme que vous constituez: il y a les producteurs agricoles, il y a les résidents dans les villages, il y a les commerçants et il y a aussi les expropriés qui sont partis depuis ce temps, je ne veux pas avoir l'air de vous oublier. On va prendre les premiers: les producteurs agricoles. D'après vous, combien y a-t-il de producteurs agricoles qu'on appellerait bona fide - de bonne foi -qui exploitent une ou plusieurs fermes et qui résident sur le territoire? Combien y en a-t-il? À peu près 300?

M. Raymond (Jean-Paul): II y a 250

cultivateurs véritables, reconnus, à temps plein et il y en a 125 qu'on peut ajouter qui sont des cultivateurs de fin de semaine ou des cultivateurs qui achètent une ferme pour la location et qui font faire des travaux. En tout, cela ferait 250 plus 125, environ 375; mais des vrais, il y en a 250. Les cultivateurs ou leurs fils qui restent depuis l'expropriation, il y en a 210.

M. Ryan: Les cultivateurs qui résideraient à l'extérieur de Mirabel, mais qui exploiteraient des terres dans le territoire périphérique, est-ce qu'il y en a beaucoup, d'après vous?

M. Raymond (Jean-Paul): Non, ce n'est pas une quantité énorme, mais seulement, ce sont des cultivateurs qui exploitent des fermes d'appoint, qui louent des quantités énormes. Il y a cinq gros propriétaires, les autres sont en quatité plus négligeable parce qu'on va louer juste une ferme de 80 ou 100 acres. Je pourrais les nommer, mais en tout cas, il y en a cinq ou six qui forment de grosses entreprises.

M. Ryan: Maintenant, disons qu'il y a 250 exploitants environ, combien est-ce que vous en regroupez dans le CIAC?

Mme Lafond: On n'a pas fait le décompte. On vous avait offert de regarder nos dossiers. Je me souviens, quand on travaillait sur le bail emphytéotique, le pourcentage des gens qui étaient avec nous les agriculteurs, était de 94%, 96% ou 98%, je ne me souviens plus. Maintenant il faut dire...

Un voix: 98%.

Mme Lafond: 98%, oui. Il faut dire que, pour être membre du CIAC, il faut payer une cotisation de 100 $ et que cette cotisation est volontaire. Malgré tout cela, je pense que 80% ou 85% des agriculteurs du territoire font partie de l'association.

M. Ryan: Vous m'aviez fait une offre, il y a quelque temps, de vérifier si je le voulais la...

Mme Lafond: La liste d'ALARM, oui. L'avez-vous fait?

M. Ryan: ... votre liste d'affiliation... Mme Lafond: La nôtre.

M. Ryan: Est-ce que l'offre tient toujours?

Mme Lafond: L'offre tient toujours. M. Ryan: D'accord.

Mme Lafond: Mais on aimerait que vous vérifiiez en même temps la liste d'ALARM.

M. Ryan: Je vais la demander aussi. Malheureusement, on ne les aura pas comme témoins, on leur aurait posé la même question. Maintenant, disons que c'est pour tout de suite, c'est parce que j'ai un but en posant ces questions-là. Du côté des résidents, quel taux de représentativité prétendez-vous ou affirmez-vous avoir?

Mme Lafond: Là-dessus...

M. Ryan: Les résidents, d'abord, on va établir combien il peut y en avoir qui ont des baux dans les villages...

Mme Lafond: Nous... M. Ryan: Peut-être...

Mme Lafond: Nous, on avait fait un calcul d'environ 1000 résidents sur le territoire qui restait, mais c'est toujours par nos enquêtes maisons, avec les moyens qu'on a. On avait calculé qu'il ne restait que 20% d'expropriés ou leurs fils. On pense - et on est même convaincu - que c'est une politique qui a été voulue, parce qu'il y en a plusieurs qui ont résisté et il y en a d'autres qui résistent encore et qui se demandent s'ils seront capables de faire encore un an ou deux parce qu'ils n'en peuvent plus, de ces politiques. Là-dessus, on avait 500 membres, environ - comme je vous l'ai dit, on n'a pas le détail - à peu près 500 membres, mais il faut dire qu'il y a une catégorie de gens qu'on refuse complètement d'avoir comme membres, ce sont les fonctionnaires. Il est absolument défendu à un fonctionnaire d'être membre du CIAC, même si quelques-uns ont essayé d'y adhérer.

M. Ryan: Quand vous dites qu'il y en aurait à peu près 500 qui seraient membres, est-ce que ce seraient des membres qui auraient payé leur cotisation à une date récente?

Mme Lafond: La date. Il n'y a pas eu...

M. Ryan: Une cotisation de combien dans ce cas là?

Mme Lafond: ... il n'y a pas eu, comme on l'a dit tout à l'heure, de campagne pour aller chercher la... Elle a été plutôt volontaire depuis le printemps. On en a parlé en assemblée, on n'a pas fait de campagne pour aller... une campagne plus ardente. La cotisation n'est pas annuelle. C'est quand...

M. Ryan: De quel montant est la cotisation pour les résidents?

Mme Lafond: La cotisation des résidents est de 50 $

M. Ryan: 50 $

Mme Lafond: Oui.

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait vous demander combien il y en a qui l'ont payée au cours de la dernière année, au cours des douze derniers mois?

Mme Lafond: Comme je vous l'ai dit, je ne le sais pas. La seule façon de calculer, c'est que, dans les derniers mois, on a envoyé au ministre Garon, avec les preuves, tous les reçus et l'argent déposé dans les comptes, une somme d'environ 18 000 $. Cela faisait 36 000 $ qu'ils nous envoyaient.

M. Ryan: Pour sa subvention.

Mme Lafond: Oui, c'est cela.

M. Garon: Surveillé par un comptable?

M. Ryan: Cela a besoin d'être surveillé.

M. Garon: II doit y avoir un rapport d'un comptable. C'est signé sous son autorisation.

M. Ryan: Très bien.

M. Garon: J'en profite pour poser une question.

M. Ryan: Pardon?

M. Garon: Vous ne vous êtes pas demandé pourquoi la Chambre de commerce de Mirabel, qui s'intéresse à l'agriculture, n'a pas voulu présenter un mémoire et venir nous rencontrer?

M. Ryan: Voulez-vous répéter la question?

M. Garon: La Chambre de commerce de Mirabel, dont vous parliez tantôt, qui est un organisme sérieux et qui s'intéresse à l'agriculture, n'a pas jugé bon de présenter un mémoire et de venir nous rencontrer ici.

M. Ryan: D'abord, M. le Président, la question a quelque chose d'insidieux.

Des voix: Ah!

M. Ryan: Le ministre laisse peut-être entendre, par sa question, que je serais ici comme l'avocat de la Chambre de commerce de Mirabel. Pas du tout. Très bien. Je voudrais simplement communiquer à titre d'information que, justement pendant la séance de cet après-midi, j'ai reçu une communication destinée au président de la commission qui exprime les vues de la Chambre de commerce de Mirabel. Il voudra sans doute nous les transmettre à un autre moment. Je crois que les membres ont décidé de ne pas venir. J'ai insisté auprès d'eux pour qu'ils viennent et je n'étais pas là quand ils ont pris leur décision. Ils pourront l'expliquer. Je n'ai pas eu le temps de lire le texte, mais il m'a été remis cet après-midi. Je ferme la parenthèse là-dessus à moins que vous ayez d'autres questions à me poser.

M. Garon: Les renseignements que j'ai indiquent que les membres de la Chambre de commerce de Mirabel, c'est plutôt, en grande partie, des fonctionnaires de la Société immobilière du Canada.

M. Ryan: En tout cas...

M. Garon: Je n'ai pas plus de preuve.

M. Ryan: Oui.

M. Garon: Mais c'est ce qu'on dit.

M. Ryan: Je préférerais que vous gardiez votre jugement ouvert comme d'habitude là-dessus.

Des voix: Ah!

M. Mathieu: Une présomption pas mal forte.

M. Garon: C'est ce qu'on me dit.

M. Ryan: Je reviens à cette question-ci - c'est peut-être le seul aspect qu'on va pouvoir régler avant le souper - les commerçants. Justement c'est une bonne question et on pourrait peut-être demander à Mme Lafond si elle pense que le CIAC est plus représentatif des commerçants que la Chambre de commerce de Mirabel.

M. Raymond (Jean-Paul): J'ai une petite nouvelle pour vous, M. Ryan.

M. Ryan: On peut compter, M. Raymond, si vous me le permettez... Il doit y avoir à peu près une centaine d'exploitations commerciales sur le territoire périphérique, 125 au plus. Là-dessus, est-ce que vous pourriez me dire combien il y en a qui sont affiliées au CIAC ou à n'importe quoi d'autre? C'est de cette façon que je vois l'affaire. Ensuite, j'aurai une autre question.

M. Raymond (Jean-Paul): Une des premières constatations que j'ai pu faire, c'est que je suis allé à la Chambre de commerce de Mirabel le 20, je crois, ou le

21; c'était une réunion de la chambre de commerce pour expliciter les erreurs qu'ils n'auraient pas voulu faire quand ils avaient présenté leur mémoire, leur charge contre la ville. J'ai constaté qu'à la chambre de commerce, il y avait environ 25 présences et, dans les 25 présences, il y en avait le tiers qui étaient des fonctionnaires de la SIC. J'ai trouvé cela pénible de voir que l'assemblée était constituée de tant de fonctionnaires. Combien y a-t-il de membres? Je ne le sais pas, je ne l'ai pas demandé. Mais, parmi les gens qui étaient présents, il y en avait le tiers. Dans la représentation, les commerces ont voulu faire entendre leur voix. Il y en a 52 qui se sont réunis en assemblée. Vous avez eu le mémoire tantôt. (18 heures)

On ne prétend pas représenter la chambre de commerce, elle est capable de se représenter elle-même. S'il y a un groupe de commerces qui veulent, par le CIAC, fonctionner, on les accepte et on est fier de les avoir pour travailler avec nous. Le résumé de leur mémoire, c'est leur déception. Un commerce va bien quand il y a du monde. Au moment de la formation de la ville, en 1970, les deux tiers étaient à l'intérieur du territoire; maintenant, ils sont à l'extérieur. Les commerces qui ont le plus à se plaindre, c'est dans des paroisses désorganisées, il l'a dit, et la SIC, qui est une grosse entreprise, n'encourage pas les commerces, elle achète ailleurs. Cela fait qu'en plus de perdre leur clientèle, ils n'ont pas d'encouragement de la SIC. Les commerçants vous l'ont dit, mais je tiens à vous le répéter, M. le Président, quand la SIC fonctionne et que la chambre de commerce trouve que tout ce que la SIC fait, c'est valable, c'est correct, ce n'est peut-être pas l'idée de la majorité des commerçants de Mirabel.

Le Président (M. Rochefort): II est 18 heures. À moins qu'il y ait consentement unanime des membres de la commission pour poursuivre quelques minutes, peut-être le temps de disposer du mémoire du Centre d'information et d'animation communautaire, nous suspendrons nos travaux pour reprendre avec eux à 20 heures. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je pense qu'il serait préférable de demander à nos invités du CIAC de revenir à 20 heures si cela leur est possible.

Le Président (M. Rochefort): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 13)

Le Président (M. Rochefort): La commission permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux, toujours sur le dossier de Mirabel. Au moment de la suspension de nos travaux, nous en étions à la période des questions avec le Centre d'information et d'animation communautaire. Sauf erreur, la parole était au député d'Argenteuil. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais vous demander une directive quant au partage du temps pour la soirée. Je m'aperçois qu'il y a encore beaucoup de témoins qui sont censés être entendus ce soir, d'après le programme qui a été tracé. On est encore loin du terme avec le Comité d'information et d'animation communautaire. Qu'est-ce qu'on fait? Nous demandez-vous de nous restreindre arbitrairement et unilatéralement? Que faites-vous des droits de ceux qui veulent être entendus?

Le Président (M. Rochefort): C'est une question que j'aurais plutôt l'intention d'adresser aux membres de la commission, parce que j'interviens rarement. Donc, ce n'est pas moi qui prends beaucoup de temps. J'aimerais plutôt savoir vos intentions à vous, comme les intentions du ministre et du groupe ministériel. En plus du groupe qui est actuellement à la barre des témoins, il y a onze individus qui ont demandé à être entendus et à qui on a accordé le droit d'être entendus aujourd'hui. On ne peut pas, de toute évidence, reporter à demain certaines de ces personnes, même s'il y en avait qui étaient d'accord pour le faire, parce que l'agenda de demain est sûrement tout aussi chargé que celui qu'on a actuellement aujourd'hui. C'est un problème qui ne m'appartient pas, mais qui nous appartient à tous. M. le député de Groulx.

M. Fallu: Pourrais-je savoir combien d'intervenants vous ont demandé la parole pour questionner le CIAC?

Le Président (M. Rochefort): Jusqu'à maintenant, il y a le député d'Argenteuil d'inscrit et le ministre de l'Agriculture.

M. Mathieu: M. le Président, je...

M. Fallu: On voit deux mains. Nous voyons ici une autre main se lever, le ministre lui-même et le ministre des Affaires municipales.

Le Président (M. Rochefort): Nous sommes maintenant à cinq.

M. Fallu: Nous avons donc pour le

moins cinq intervenants, sans compter le droit de parole de notre collègue d'Argenteuil.

Le Président (M. Rochefort): Qu'est-ce que vous suggérez, M. le député de Groulx, une fois que vous avez constaté les mêmes choses que nous tous?

M. Fallu: J'ai constaté que sans doute chacun ne prendrait pas les 20 minutes...

Le Président (M. Rochefort): Sûrement pas.

M. Fallu: ... qu'il lui est loisible de prendre en vertu de notre règlement, d'une part, et, d'autre part, si on peut estimer que trois quarts d'heure pourraient nous suffire pour en terminer avec le CIAC...

M. Ryan: J'aurais une autre suggestion à faire, M. le Président. Je pense que trois quarts d'heure, ce ne sera pas assez pour vider le problème avec le CIAC. Nous, nous serions prêts à ce que le CIAC revienne au mois de novembre, s'il voulait bien consentir à ça, pour compléter sa comparution devant nous avec tout le temps qu'il faudrait. Si on veut être sérieux et ne pas escamoter les choses, je pense que ça prendrait une couple d'heures. On pourrait procéder tout de suite ce soir avec les témoins individuels quitte, s'il restait du temps en fin de soirée, à reprendre avec le CIAC. Moi, ça ne me ferait rien, mais c'est seulement par souci des individus qui sont venus et dont certains doivent retourner dès ce soir. Cela leur permettrait d'entrer tout de suite en discussion avec nous, si mesdames et messieurs du CIAC étaient prêts à venir faire un autre pèlerinage à Québec, prendre un bain de patriotisme.

M. Fallu: Si vous voulez, M. le Président, je vous propose de poser la question au CIAC.

Le Président (M. Rochefort): La question vous est renvoyée.

Mme Lafond: Pour notre part, on veut...

Le Président (M. Rochefort): Vous êtes prêts à revenir au mois de novembre? Ce que j'avais compris de la proposition du député d'Argenteuil, c'est que s'il y avait consensus au sein de la commission et chez les membres du CIAC de revenir en novembre, on mettrait fin à cette audition, provisoirement évidemment. On s'entend?

Des voix: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Je tiens à vous remercier de vous être présentés devant nous et à vous formuler immédiatement une invitation pour le mois de novembre, que vous pourrez déterminer avec les membres du secrétariat des commissions parlementaires. Merci Je vais immédiatement donner l'ordre dans lequel nous entendrons les individus qui nous ont fait parvenir des mémoires et qui avaient été convoqués pour aujourd'hui. Nous suivrons l'ordre du jour de la commission avec une correction, c'est que le douzième mémoire prévu, celui de M. François Daoust - si les membres de la commission étaient d'accord - nous l'entendrions maintenant parce que M. Daoust a une raison personnelle, importante, il vient d'avoir un enfant. Il aimerait bien retourner dans sa famille et je lui ai dit que c'étaient des considérations...

M. Blouin: Ce n'est pas plutôt sa femme qui a eu un enfant?

Le Président (M. Rochefort): Moi, je suis certain que c'est lui et sa femme. Nous entendrons donc M. Daoust, qui sera suivi -je demanderais aux gens concernés de s'approcher de la salle attenante au salon bleu de façon que nous soyons en mesure de vous recevoir rondement - de Mme Laurette Guénette et M. Henri Guénette, de Mme Marcel Cardinal, de M. Maurice Laframboise, de M. André Richer, de Mme Françoise Drapeau Monette, de M. Maurice Raymond, de Mme Renée Lalande et M. Louis Lalande, de M. Richard Desjardins, de la famille Réjean Ethier et de M. Léo Bourgeois. J'inviterais donc, dès maintenant, M. François Daoust à prendre place.

M. Ryan: M. le président...

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil sur une question de règlement.

M. Ryan: Avant que M. Daoust ne commence à parler, je voudrais soulever un point délicat. Il est possible que parmi les personnes qui vont être entendues, il y en ait qui soient engagées dans des procédures judiciaires qui ne seraient pas terminées. Je pense que ce serait une bonne chose si on pouvait leur demander de nous l'indiquer au début de leur témoignage pour qu'on sache où on en est, de manière à ce que si l'affaire est engagée devant les tribunaux, je ne passe pas encore une fois, pour responsable des gaffes qui peuvent être faites de l'autre côté.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, messieurs! Je demanderais aux gens qui se présenteront devant nous au cours de la soirée de nous indiquer s'ils sont devant les tribunaux avec une cause pour laquelle nous

les entendrons ce soir, auquel cas je rappellerai l'existence de l'article 99 de notre règlement aux membres de la commission pour éviter, justement, que des situations regrettables ne se créent.

M. Daoust, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous entendons.

M. François Daoust

M. Daoust (François): Je suis François Daoust, de Saint-André-d'Argenteuil.

Les conséquences de l'expropriation de Mirabel pour mon frère et moi. En 1969, année de l'expropriation des terres à Mirabel, nous projetions une association père-fils pour notre entreprise agricole déjà florissante, mais qui demandait expansion, construction nouvelle et agrandissement. L'expropriation a donc paralysé tous nos projets. Après cinq années de réflexion, d'incertitude et même d'inquiétude, après des pertes de toutes sortes, vente d'animaux et quotas, nous avons décidé de rester cultivateurs et de repartir à neuf. Début de l'association François et Charles Daoust au printemps 1974 sur le terrain loué du fédéral par mon père. Nous avions cinq ans de retard, toujours avec des bâtiments non fonctionnels, pour une association que nous voulions progressive et rentable pour deux familles.

Premièrement, pour obtenir du crédit, un prêt amélioration de fermes, il fallait un bail à notre nom. À la suite de plusieurs rencontres avec M. Mireault, employé du gouvernement fédéral, il y eut entente, mais avec augmentation de loyer et promesse de construction de bâtiments adéquats pour nous. De plus, une maison serait construite si nécessaire, car Charles avait la sienne alors que moi je devais me marier et je n'avais aucune maison.

Les plans de construction d'étable furent faits par un ingénieur du ministère et soumis au bureau du fédéral à Mirabel. Il y eut plusieurs rencontres et négociations, mais toujours sans résultat. La seule et même réponse de M. Mireault et Cie: Ne vous inquiétez pas; on va vous bâtir, les gars.

Au printemps 1977, trois ans plus tard, c'est toujours la même réponse car le projet est toujours à l'étude. Comme je devais me marier à l'été, il fallait donc prendre une décision rapide car rien n'allait plus à Saint-Hermas. Nous avions perdu trois ans de plus.

Devant la lenteur des fonctionnaires fédéraux dans l'étude de notre dossier en vue d'une réponse positive, devant les conditions de signature de baux inacceptables et de plus en plus difficiles, devant les difficultés qu'avaient certains agriculteurs à se faire rembourser de gros investissements faits sur du terrain loué, rien de bien encourageant pour deux jeunes agriculteurs à leur début de carrière. Devions-nous investir sur du terrain appartenant au gouvernement fédéral? Il valait mieux, pour nous, être propriétaires. La décision était donc prise. En juin 1977, nous avons acheté une terre à Saint-André-d'Argenteuil sur laquelle nous avons construit des bâtiments nécessaires à notre exploitation.

C'est plus coûteux d'être propriétaires, mais, à long terme, nous verrons bien. Nos paiements à l'Office du crédit agricole du Québec demeureront les mêmes annuellement pendant 25 ans. Dans 25 ans, nous serons donc propriétaires de toute l'entreprise. Le loyer du fédéral est assez cher et, de plus, il est indexé et nous ne serons jamais propriétaires du terrain.

Avec l'achat de ce terrain à Saint-André-d'Argenteuil, nous avions trop grand à cultiver à Saint-Hermas. Il fallait amender le bail. Un voisin était prêt à cultiver le terrain que nous avions en trop. Nous sommes allés ensemble au bureau du fédéral pour faire une correction sur le bail. Impossible, disait-on, il faut étudier le dossier.

Au printemps 1978, l'étude n'était toujours pas terminée. C'est le 1er juillet, un an après étude, que l'on consentit a louer le terrain à un autre cultivateur, mais non sans avoir exigé de nous le loyer pour du terrain que nous n'avions pas cultivé. Il aurait pourtant été facile d'accepter de louer l'automne précédent à ce cultivateur qui était prêt à faire les labours.

Aujourd'hui, en 1982, nous sommes cultivateurs, propriétaires de notre entreprise à Saint-André-d'Argenteuil depuis cinq ans. Nous ne regrettons aucunement la décision prise en 1977. Les prix du terrain et les coûts de construction ont augmenté depuis ce temps. Nous cultivons toujours le terrain à Saint-Hermas et nous voulons que ce terrain nous soit rétrocédé.

Nous n'oublions pas qu'il aurait été plus avantageux de nous construire à Saint-Hermas en 1969 si nous n'avions pas été expropriés, car tous les bâtiments n'étaient pas à reconstruire. Les prix des matériaux et de la main-d'oeuvre n'étaient pas ceux de 1977 et de 1978. Nous n'oublions jamais les pertes encourues durant ces huit années d'incertitude et d'hésitation après lesquelles il nous a fallu repartir à neuf et ce, dans une paroisse voisine. Jamais nous ne pourrons décrire tous les torts qu'une telle expropriation nous a causés. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. Daoust. M. le ministre.

M. Garon: Est-ce que votre père est toujours locataire ...

M. Daoust: Actuellement, c'est nous qui avons le bail du terrain de mon père.

M. Garon: Est-ce que c'est dans la

zone qui doit être rétrocédée?

M. Daoust: C'est dans la zone qui est à rétrocéder, à Saint-Hermas.

M. Garon: Quel prix a-t-on payé à votre père en 1969?

M. Daoust: Le terrain était à 310 $ l'arpent ou l'acre.

M. Garon: II a acheté la maison et les bâtiments.

M. Daoust: Oui. On a demandé de faire rénover la maison et ils n'ont pas voulu, ils l'ont déclarée prête pour la démolition. Les bâtiments n'étaient plus fonctionnels, on a demandé une construction nouvelle; ils ont fait une étude et on n'a jamais eu de réponse.

M. Garon: Est-ce que la maison a été démolie?

M. Daoust: Oui. Ils nous l'ont donnée pour démolir.

M. Garon: Et vos parents, où étaient-ils?

M. Daoust: Ils nous ont offert une terre voisine, qu'on a louée; il y avait une maison qui avait déjà été réparée, rénovée et on a habité là quelques années.

M. Garon: Pourquoi voulaient-ils démolir votre maison?

M. Daoust: Ils disaient que ça coûtait trop cher, il y avait pour 17 000 $ ou 18 000 $ de réparations à faire. Ils n'ont pas accepté cela. Elle attendait d'être démolie; comme on avait commencé à défaire l'intérieur, deux ans après, ils étaient prêts à la réparer au complet.

M. Garon: Avez-vous fait des travaux d'amélioration foncière sur la terre de votre père?

M. Daoust: Au début, jusqu'en 1977, quand on cultivait là et qu'on y avait nos animaux, les fossés, tout a été fait. Pas de drainage souterrain.

M. Garon: Vous avez fait les fossés avec les travaux mécanisés, je suppose.

M. Daoust: Oui.

M. Garon: Est-ce qu'il y a eu des augmentations de loyer à cause de cela? (20 h 30)

M. Daoust: Non... Bien, au début, le loyer de mon père était pour dix ans; quand nous avons dû signer un bail pour avoir du crédit, on a signé un bail renouvelable dans cinq ans. Comme on avait un bail de cinq ans, on ne l'a pas augmenté. Ils l'ont augmenté quand on a pris le bail de notre père.

M. Garon: Bon, je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: II y a un petit problème, ici. Si on commence à examiner votre histoire en détail, ça peut être assez long. Si on l'examine rapidement, ça risque d'être superficiel. Je n'ai pas fait mon choix moi-même entre les deux options. Je voudrais d'abord vous féliciter de l'heureux événement qui arrive dans votre famille.

M. Daoust: Merci.

M. Ryan: Cela enrichit le comté d'Argenteuil et cela nous donne des chances de survie. Il y en a qui prétendent que la population y est plus vieille que dans d'autres parties du Québec, on va rajeunir cela avec vous.

Il y a une question que je voudrais vous poser. Vous dites que vous cultivez toujours le terrain à Saint-Hermas et vous voudriez que ce terrain vous soit rétrocédé. Quelle grandeur a ce terrain?

M. Daoust: 180, cultivables.

M. Ryan: 980?

M. Daoust: Non, 180...

M. Ryan: 180, oui.

M. Daoust: 170, à peu près cultivables.

M. Ryan: Est-ce que c'est indiscret de vous demander quel loyer vous payez là-dessus?

M. Daoust: Actuellement, on est à 7,50 $ l'arpent.

M. Ryan: Par année ou par mois?

M. Daoust: Par année, mais en plus les bâtisses.

M. Ryan: En tout, comme loyer annuel, combien payez-vous?

M. Daoust: 126 $ pas de maison, aucune maison dessus. 126 $ par mois.

M. Ryan: 126 $ par mois.

M. Daoust: II y a une grange-étable,

pas d'animaux. Si on considère juste le loyer en tant que tel, à première vue, c'est peut-être un prix raisonnable. Mais, chaque fois qu'on a besoin de faire une amélioration quelconque sur la bâtisse ou un agrandissement, il faut demander la permission, et ça ce sont des affaires d'un an et plus parfois. Quand on est venu à la décision de reconstruire, cela leur a pris trop de temps pour le faire. On s'en est allé à Saint-André et là, depuis qu'on est là, si on décide quelque chose, on n'a pas à attendre un an ou deux pour le faire. On l'a tout de suite.

M. Ryan: Sur la terre de Saint-Hermas, est-ce que vous avez touché des subventions du gouvernement québécois au cours des dernières années, depuis quatre ans?

M. Daoust: Non. M. Ryan: Non?

M. Daoust: À Saint-André, les fossés avaient été faits avant et on n'avait pas besoin de travaux mécanisés.

M. Ryan: Qu'est-ce que vous cultivez à Saint-Hermas?

M. Daoust: Oui.

M. Ryan: Qu'est-ce que vous cultivez?

M. Daoust: Des grains et du foin.

M. Ryan: Est-ce que vous avez eu des problèmes avec la Société immobilière du Canada en plus de ceux qui sont mentionnés dans votre récit pour la gestion courante, disons, au cours de la dernière année? Votre bail, de quelle durée est-il actuellement?

M. Daoust: II finit en 1985.

M. Ryan: II y a encore trois ans à courir. C'était un bail de dix ans?

M. Daoust: Cinq ans, renouvelable pour cinq ans.

M. Ryan: Vous n'avez pas de copie, ici, de votre bail?

M. Daoust: Non.

M. Ryan: Est-ce que c'est aussi compliqué qu'on l'a dit cet après-midi? C'est un bail compliqué ou bien plus simple celui-là? Est-il question de géodésique là-dedans?

M. Daoust: Non, pas le nôtre. M. Ryan: Ah! II finit en 1985.

M. Daoust: Oui.

M. Ryan: Votre loyer est-il indexé ou est-il fixe?

M. Daoust: Non, il est fixe.

M. Ryan: II est fixe, celui-là. Avez-vous établi la valeur de votre production là-dessus?

M. Daoust: Non, on n'a pas fini de comptabiliser pour cette année.

M. Ryan: Pardon? Ce n'est pas fini?

M. Daoust: Elle n'est pas comptabilisée pour cette année.

M. Ryan: L'année dernière?

M. Daoust: Je ne pourrais pas vous le dire de mémoire.

M. Ryan: Et votre frère est avec vous sur l'autre ferme?

M. Daoust: Oui.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Arthabaska.

M. Ryan: Oui, d'accord.

M. Baril (Arthabaska): Une question très courte. Si, un jour, il y a rétrocession des terres, y a-t-il quelque chose qui vous assure ou qui assure aux anciens propriétaires que la même terre sera rétrocédée aux anciens propriétaires? Je me répète. Je ne sais pas si vous avez compris ma question. Si les terres sont rétrocédées...

M. Daoust: Si on avait...

M. Baril (Arthabaska): Les propriétaires des terres, lorsqu'on a exproprié, ont-ils une certaine assurance que leur même terre leur sera rétrocédée?

M. Daoust: Si on la cultive encore; si c'est nous qui sommes actuellement dessus et que c'était mon père avant l'expropriation, je ne verrais pas pourquoi ils nous Ôteraient cette terre, parce qu'on la cultive encore. Si elle est rétrocédée et si on l'achète... En l'achetant, pourquoi nous donneraient-ils celle à côté si on cultive actuellement celle-là?

M. Baril (Arthabaska): Oui, mais y a-t-il quelque chose... Il n'y a rien qui vous assure cela. Vous espérez que la SIC se base sur...

M. Daoust: On l'espère tous ensemble et c'est ce qui devrait se faire.

M. Baril (Arthabaska): Dans les contrats, les baux de location, il n'y a aucune condition qui vous assure cela.

M. Daoust: Non.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Seulement une question bien brève. Elle touche le financement. Vous mentionnez, dans votre bref exposé, que, pour obtenir du crédit - vous avez mis "PAF", les prêts d'amélioration de ferme - il fallait un bail à votre nom. Quelles sont les possibilités pour quelqu'un dans votre situation - et je ne parle pas de la ferme dont vous êtes propriétaire, je parle de la ferme dont le fédéral est propriétaire d'obtenir du crédit? Est-ce facile? Est-ce difficile?

M. Daoust: C'est facile... Tu as le crédit pour la durée de ton bail. Si tu as un bail de deux ans, ton crédit est échelonné sur deux ans. Si tu as un emprunt de 100 000 $, c'est sur deux ans, si tu as un bail de deux ans.

M. Paradis: D'accord. Deuxièmement, lorsque vous avez sollicité un prêt d'amélioration de ferme, c'était auprès de l'Office du crédit agricole du Québec.

M. Daoust: Oui.

M. Paradis: Avez-vous négocié avec eux des assouplissements de conditions? Quelle a été la réaction au niveau de l'office québécois?

M. Daoust: Premièrement, les PAF ne passent pas directement par l'Office du crédit agricole. Ils passent par les banques. Les banques font la demande au crédit agricole. C'est cela. L'emprunt est garanti par la durée du bail.

M. Paradis: Oui, mais, si je comprends bien, dans votre cas, il fallait un bail à votre nom et c'était votre père qui avait le bail. Il fallait, pour que le PAF aille à vous et à votre frère, que le bail soit fait à votre nom.

M. Daoust: Oui, c'est cela.

M. Paradis: Est-ce que, par l'intermédiaire de la banque, il y a eu des pressions ou des représentations auprès de l'Office du crédit agricole, pour qu'il considère la situation particulière dans laquelle vous vous trouviez?

M. Daoust: Actuellement, pour un PAF, ce sont de plus petits prix pour la machinerie. Plusieurs agriculteurs sont allés à l'Office du crédit agricole demander des emprunts pour construction ou agrandissement. On leur a dit: Pour le terrain, vous n'avez pas de garantie de 20 ans ou de 10 ans, on ne peut pas échelonner les paiements sur tant d'années. C'est une situation qui ne se voyait pas dans la province, alors l'office était un peu pris au dépourvu.

M. Paradis: Est-ce que c'est corrigé, aujourd'hui, au niveau de l'Office du crédit agricole?

M. Daoust: Je ne pourrais pas vous dire, je crois que c'est encore selon la durée du bail.

M. Paradis: Et avec les mêmes conditions, si c'est le père, il faut absolument que le bail soit fait au nom des enfants?

M. Daoust: Oui.

M. Paradis: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Groulx.

M. Fallu: Puisque vous êtes propriétaire d'un côté et locataire de l'autre, vous avez été locataire, vous êtes propriétaire, vous êtes les deux maintenant, vous êtes en mesure de comparer les situations. Vous avez une grange, vous avez des équipements à Saint-André, vous avez aussi une grange sur l'ancienne ferme paternelle. Qu'est-ce que, concrètement, ça veut dire, au jour le jour et au cours des saisons? Les tôles de la toiture lèvent au vent, il y a des planches qui disparaissent dans la poudrerie de l'hiver, il y a un coin de la grange qui s'abaisse parce que cela a pourri un peu, il y a un pilier qui déboule parce qu'il s'est affaissé dans la glaise, etc., il y a toujours des choses à faire alentour d'une grange. Or, ce n'est pas à vous cette grange. Comment cela se passe-t-il?

M. Daoust: Pour nous, principalement à Saint-Hermas, les bâtisses étaient excessivement vieilles et non fonctionnelles pour une entreprise normale de deux familles. Actuellement, ce qui s'en va en vieillissant, que la tôle lève, qu'il y ait des morceaux qui partent, c'est une ferme qui ne peut pratiquement repartir dans l'industrie laitière.

M. Fallu: Qu'est-ce que...

M. Daoust: En 1969-1970, on parlait, avec mon père, de reconstruire à neuf parce que ce n'était plus fonctionnel et que c'était

trop vieux, alors en...

M. Fallu: Mais qui fait les travaux d'entretien quand il y en a à faire sur le bâtiment?

M. Daoust: Les bâtiments de ferme doivent être entretenus par les agriculteurs. Mais, entendons-nous, bâtiments de ferme qui sont en état de fonctionner pour une entreprise. Quand les bâtiments sont trop vieux et qu'on veut les démolir pour en construire des neufs, va-t-on les entretenir par parure, pour ne pas s'en servir?

M. Fallu: Comme ça, ça veut dire, à toutes fins utiles, que quotidiennement, c'est impraticable, la situation de locataire?

M. Daoust: Oui.

M. Fallu: Vous ne pouvez pas prendre les décisions qui s'imposent pour faire du développement?

M. Daoust: Non.

M. Fallu: D'accord, merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. J'aurais une couple de questions pour compléter la bonne compréhension du cas de M. Daoust. Tout à l'heure, vous parliez de 170 arpents - j'imagine que ce sont des arpents...

M. Daoust: Oui.

M. Mathieu: ... de terre que vous avez loués et maintenant, quand vous parliez du prix, 7,50 $ l'arpent par année, si je comprends bien...

M. Daoust: Oui, 50 $ l'arpent, par année.

M. Mathieu: Si j'ai bien compris, cette terre, c'est votre père qui s'est fait exproprier, c'est lui qui était propriétaire.

M. Daoust: C'est cela.

M. Mathieu: Auriez-vous une idée du prix qui a été payé pour cette expropriation?

M. Daoust: À 310 $ l'arpent.

M. Mathieu: 310 $ l'arpent. Est-ce que c'est avec les bâtisses ou si...

M. Daoust: Non, sans les bâtisses.

M. Mathieu: Et les bâtisses, avez-vous une idée?

M. Daoust: Je ne pourrais pas vous dire tout cela en détail.

M. Mathieu: C'est parce qu'il est difficile de se faire une idée, vous savez, pour savoir s'il y a une lésion réelle et quels sont les correctifs à apporter. Maintenant -si j'ai bien compris - les bâtisses ne sont pas fonctionnelles pour vous. Alors, vous ne payez pas de loyer, j'imagine, pour les bâtisses.

M. Daoust: Oui. Quand on est allé se construire à Saint-André, on a dit que les bâtisses ne pouvaient plus faire vivre deux familles, que c'était trop vieux, qu'elles s'en allaient à la ruine et qu'on voulait déjà construire quand il y a eu l'expropriation. Il leur a été répondu qu'elles étaient sur le bail et qu'on ne pouvait pas les enlever.

M. Mathieu: Est-ce qu'elles sont comprises dans le prix?

M. Daoust: Non. C'est en plus des 7,50 $ l'arpent; ce prix est juste pour le terrain; les bâtisses sont à part.

M. Mathieu: Avez-vous une idée de ce que cela fait par année, mettons pour les bâtisses?

M. Daoust: Là, actuellement, on paie 126 $ par mois.

M. Mathieu: 126 $ par mois pour les bâtisses seulement.

M. Daoust: C'est ça.

M. Mathieu: Et 126 $...

M. Daoust: Non, non, 126 $ en tout, par mois.

M. Mathieu: Bâtisses incluses.

M. Daoust: Moins les 7,50 $, 170 arpents à 7,50 $ par année, le reste est pour les bâtisses.

M. Mathieu: Maintenant, il y a seulement un point. Le ministre nous a dit en commission parlementaire - si je ne m'abuse - qu'il était en train de chercher de nouvelles formules de tenure de terres étant donné que le capital terre est très difficile d'accès pour les jeunes, pour la relève, et qu'il cherchait des formules de location par la banque des terres ou autrement. Je soupçonne le ministre de s'inspirer de ces cas pour pouvoir pondre un règlement pour sa banque de terres. J'imagine qu'il va s'en inspirer pour que son règlement soit plus

humanitaire et que pour le locataire puisse cultiver en étant plus heureux.

M. Garon: M. le Président, je n'entends pas m'en inspirer parce que nous, nous n'avons pas l'intention de louer de force.

M. Mathieu: Je vous le souhaite bien.

M. Garon: Quand on pense à louer, c'est à louer volontairement. Les gens qui souhaitent louer...

M. Mathieu: Cela sera différent du zonage agricole. Cela ne sera pas coercitif.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Très rapidement, M. Daoust. La terre qui est celle de votre père, que vous louez actuellement, de quel type de sol est-elle constituée? Est-ce que c'est une bonne terre, une terre moyenne, une terre bien productive? (20 h 45)

M. Daoust: Si la moyenne des terres a été payée 200 $ ou 250 $ l'arpent et qu'on nous a payé 300 $, c'est parce qu'elle était parmi les plus productives.

M. Blouin: C'est argileux, je suppose. M. Daoust: Oui.

M. Blouin: Donc, cela fait partie des meilleures terres de Mirabel.

M. Daoust: Oui.

M. Blouin: Vous dites que l'on vous a payé 310 $, avez-vous une idée si, en général, vos voisins ou ceux qui étaient situés à proximité de votre terre ont été payés à peu près le même prix pour les terres?

M. Daoust: Je le croirais, parce que c'est le même terrain et à la manière dont ils parlent, c'est à peu près le même prix.

M. Blouin: Est-ce que vous êtes au courant? Vous pourriez me dire si je me trompe ou si je ne me trompe pas, on m'a dit que, toujours pour des terres de qualité à peu près comparable, sans vouloir couper les coins rapidement et cacher la vérité mais, au contraire pour la faire ressortir parce qu'elle est assez crue, au même moment et pour des fins identiques, en Ontario, on avait payé jusqu'à dix fois plus l'acre. Est-ce que c'est juste? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

M. Daoust: On en a entendu parler.

M. Blouin: Vous étiez au courant de cela.

M. Daoust: Oui.

M. Blouin: Est-ce que vous l'avez appris au moment où vous négociiez ou si vous l'avez appris après?

M. Daoust: On l'a appris après. Même à Saint-Hermas, durant l'année d'expropriation, il y a des terrains qui ont été vendus à des fins agricoles 330 $ l'arpent, de cultivateur à cultivateur.

M. Blouin: D'accord. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. M. Daoust, lorsque votre père a vendu sa terre 310 $ l'arpent ou l'acre, est-ce qu'au même moment la terre valait ce montant ou si elle valait moins?

M. Daoust: Quand un père a deux fils à établir, ce n'est pas à vendre.

M. Houde: Ce n'est pas la question que je vous pose. Je veux avoir une réponse claire et nette.

M. Daoust: Oui, mais il n'y a pas de prix pour quelqu'un qui ne veut pas partir de chez lui.

M. Houde: Non, ce n'est pas cela. Ne patinez pas là-dessus. Je veux savoir combien la terre valait, une terre comparable à la vôtre, à côté, au même moment où on a exproprié les terres, avant qu'on sache très bien que l'aéroport de Mirabel allait s'installer là.

M. Daoust: Je viens de vous dire qu'à Saint-Hermas une terre voisine a été vendue 330 $ l'arpent. C'est un cultivateur qui a vendu à un autre cultivateur.

M. Houde: D'accord. À présent, lorsqu'on a fait des travaux mécanisés sur votre terre, est-ce que c'est l'office qui a payé ou si c'est la société? Autrement dit, est-ce que c'est le fédéral ou le provincial qui a payé les travaux mécanisés?

M. Daoust: Les travaux mécanisés, c'est nous qui les payions au début avec la subvention du provincial.

M. Houde: Donc, le provincial a donné de l'argent pour faire faire des travaux mécanisés.

M. Daoust: Au début.

M. Houde: Tout de suite après que la terre a été achetée, lorsque vous l'avez louée.

M. Daoust: Oui. M. Houde: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Je tiens à remercier, au nom des membres de la commission, M. Daoust. M. le ministre, voulez-vous intervenir?

M. Garon: Quand vous dites au début, qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Daoust: Au début de notre association, en 1974. On a fait des travaux avant 1977.

M. Garon: À Saint-Hermas?

M. Daoust: Oui. On a encore eu une subvention.

M. Garon: Avez-vous voulu en faire d'autres ensuite et cela vous a été refusé?

M. Daoust: Non. Nos principaux travaux étaient tous faits et on avait un bon égouttement. Alors, on n'en a pas fait faire après 1977.

M. Garon: Je n'ai pas trop compris. Vous payez pour votre terre environ 1500 $ par année, en gros.

M. Daoust: 126 multiplié par 12.

M. Garon: Est-ce que c'est 170 arpents en culture?

M. Daoust: C'est environ 170 en culture.

M. Garon: Les bâtiments ne vous sont plus utiles maintenant. Vous n'avez pas de vaches.

M. Daoust: Non.

M. Garon: Pourquoi avez-vous abandonné le troupeau laitier?

M. Daoust: Pourquoi on l'a abandonné? M. Garon: Oui.

M. Daoust: On l'a abandonné au début parce qu'on ne pouvait plus fonctionner avec les bâtiments. Quand on a décidé de relancer la production laitière, on est allé construire à Saint-André.

M. Garon: Depuis combien d'années aviez-vous abandonné quand vous êtes allés à

Saint-André?

M. Daoust: De 1974 à 1977, mon père a vendu toutes ses vaches et son quota. Nous, on a commencé a cultiver du maïs et on a gardé des animaux à boeuf, des "steers". En 1976, on a commencé à racheter des taures et des génisses pour relancer la production laitière. On a été obligé de racheter tout le quota.

M. Garon: À quel prix comparativement aux deux prix?

M. Daoust: Au début cela ne se vendait pas de la même manière qu'aujourd'hui. On a commencé à 6 $ au milieu de l'été et à la fin de l'été c'était à 12 $ la livre.

M. Garon: Votre père avait vendu à quel prix?

M. Daoust: De 3 $ à 4 $.

M. Garon: Et les bâtiments étaient dans un état tel que votre père disait que cela ne valait plus la peine de faire de la production laitière dans une grange qui n'était pas plus en état que cela.

M. Daoust: Non. On aurait fait quelques années et ensuite... On voulait déjà la reconstruire à neuf.

M. Garon: Étiez-vous dans le lait nature ou dans le lait...

M. Daoust: Dans le lait nature. M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. le député de Brome-Missisquoi. Une dernière question, si vous permettez.

M. Paradis: Pendant qu'on est dans les quotas, votre père avait un quota de combien de livres?

M. Daoust: Le dernier été qu'on a tiré du lait, on avait un quota de tout près d'une tonne par jour, 2000 livres.

M. Paradis: D'accord. Quand vous avez racheté un quota, vous, les fils, c'était pour combien?

M. Daoust: Actuellement on fait plus d'une tonne par jour, à peu près une tonne et demie.

M. Paradis: Vous êtes revenus au point...

M. Daoust: Plus haut.

M. Paradis: Plus haut encore.

M. Daoust: Parce qu'on est deux familles.

M. Paradis: Cela coûte plus cher à nourrir, surtout quand les enfants arrivent.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? Je tiens à vous remercier, au nom des membres de la commission, de vous être présenté devant nous. Je pense que je peux aussi, au nom des membres de la commission, vous inviter à transmettre nos félicitations à votre épouse.

Une voix: ... la relève. M. Daoust: Merci.

M. et Mme Henri Guénette

Le Président (M. Rochefort): J'inviterais maintenant M. et Mme Guénette à se présenter devant nous. Pendant qu'ils s'avanceront à la table, je voudrais vous indiquer qu'il nous reste environ trois heures de délibération et dix groupes à entendre, ce qui fait une moyenne de 18 minutes par individu si nous voulons respecter l'ordre du jour qui nous a été fixé en même temps que les délais que nous avons pour effectuer ce travail.

Je vous informe de cette situation et je vous demanderais donc la collaboration nécessaire pour que nous réussissions à y arriver. M. le député de Groulx.

M. Fallu: J'aurais une directive à vous demander, M. le Président, mais pour ne pas retarder les travaux je vous poserai cette question de directive en vous demandant d'y répondre demain matin.

Le Président (M. Rochefort): Oui.

M. Fallu: Nous avons reçu tout à l'heure un certain nombre de feuilles qui nous ont été adressées par la Chambre de commerce de Mirabel. J'aimerais savoir si une telle distribution faite ici même à la commission parlementaire correspond aux normes fixées par les règlements de l'Assemblée nationale pour le dépôt de quelque mémoire, réflexion ou réaction que ce soit.

M. Garon: Qui a fait la distribution?

Le Président (M. Rochefort): Tel qu'entendu je vous répondrai demain matin pour ne prendre d'aucune façon du temps aux membres de la commission et aux groupes qui ont été convoqués. M. et Mme Guénette je vous demanderais de nous présenter votre mémoire, s'il vous plaît.

Mme Guénette: Nous sommes les parents de trois enfants qui avaient à ce moment-là 17, 14 et 11 ans. Le premier événement qui nous a touchés à l'occasion de l'annonce du site de l'aéroport est la grande réunion organisée à l'église de Sainte-Scholastique. Toute la soirée nous avons écouté des orateurs qui nous expliquaient les techniques modernes d'un aéroport, son efficacité, sa beauté, son urgence, etc. Tous ces textes étaient lus avec un accent anglais tellement prononcé qu'on saisissait à peine le sens des phrases.

Vers le milieu de l'assemblée une personne a osé se lever pour demander: Nous, les gens d'ici, qu'est-ce qui va nous arriver? Comment allons-nous être payés? Pour toute réponse: Nous ne savons pas, ne vous inquiétez pas. Toujours avec le même accent.

C'était très frustrant de constater qu'au fédéral on se préoccupe bien peu du fait français au Québec. Instinctivement nous avons fait le rapprochement avec la réunion de l'église de Grand-Pré lors de la déportation des Acadiens. Les hommes, les enfants, les femmes, ce n'est pas important, on peut les exproprier sans trop y réfléchir.

De 1969 à 1971 les renseignements concernant l'expropriation nous sont toujours parvenus par ouï-dire, avec des contradictions d'un fonctionnaire à l'autre. Rien de planifié.

En un mot, on n'était pas prêt à s'occuper de la population elle-même. Vu que nous étions insécures, nous avons eu une rencontre avec Roland Comtois, notre député fédéral. "Faites confiance à votre gouvernement, vous serez traités avec justice, vous serez bien payés" nous a-t-il dit. Nous étions bien naïfs et nous en avons eu la preuve lorsque nous, du groupe du CIAC, avons décidé d'effectuer le voyage à Pickering pour visiter les fermes payées de 2000 $ à 4000 $ l'arpent. Nous voyons encore les cultivateurs de Sainte-Scholastique debout dans l'autobus pour mieux regarder les fermes et leurs bâtiments une fois rendus sur le territoire. L'un disait: On doit s'être trompé de rang. Un autre: Cela va être plus prospère un peu plus loin. Mais non, c'était bien le bon endroit, des fermes pas mieux, pas pire que les nôtres. On se demande encore pourquoi Jean Marchand nous avait dit "ne mélangez pas des patates avec des oranges" lorsqu'on contestait les 210 $ l'arpent qui nous étaient offerts.

Le temps a passé, nous avons cultivé notre ferme comme d'habitude. Au cours de l'été 1971, un bélier mécanique a tracé des chemins en tous sens dans notre boisé, payé à 125 $ l'arpent dans ce temps-là, et dans celui de nos deux voisins. Après onze années, on n'en connaît pas encore l'utilité. Nous étions scandalisés de voir des pins, des épinettes gaspillés, enchevêtrés, les uns sur

les autres. Lors de la signature de notre bail, à notre grande surprise, on daignait nous permettre de couper sept cordes de bois de poêle à la condition que ce soit du bois sec, rabougri. Quel non-sens! Depuis, dix ans se sont écoulés. Nous luttons toujours avec le groupe CIAC non pas en faveur de ceux qui veulent abuser de la situation, mais avec ceux qui désirent la justice!

Le Président (M. Rochefort): Merci, madame. M. le ministre.

M. Garon: Quand j'ai entendu le nom de Jean Marchand, je me suis rappelé que c'est le même Jean Marchand qui était venu installer un bateau devant le chantier de Lauzon, une année où il y avait bien du chômage et avant les élections, en leur disant: Le bateau que vous allez réparer, il est là. Deux jours après les élections, le bateau a levé l'ancre et il est parti. Le bateau s'appelait le New Gloucester; c'est bien connu dans Lauzon. Vous êtes actuellement locataires à Mirabel, à Sainte-Anne-des-Plaines.

Mme Guénette: À Sainte-Anne-des-Plaines; nous sommes à seize milles de Sainte-Scholastique.

M- Garon: Sur le territoire exproprié.

Mme Guénette: Oui, sur le territoire exproprié.

M. Garon: Est-ce que votre terre fait partie des terres qui seront rétrocédées?

Mme Guénette: Non, nous ne sommes pas parmi ceux-là. On en a été bien surpris, mais on n'est pas parmi ceux-là.

M. Garon: Pouvez-vous nous montrer où vous êtes?

Mme Guénette: II y a deux terres expropriées un mille plus loin que chez nous. Va lui montrer, au bout... Nous sommes à seize milles de Sainte-Scholastique.

Une voix: Sainte-Anne, c'est de l'autre côté.

Mme Guénette: C'est pour cela que cela nous a surpris.

Une voix: À seize milles, vous êtes au bout de la ligne blanche.

Mme Guénette: Non pas seize milles à vol d'oiseau, à seize milles de Sainte-Scholastique.

M. Garon: On vous a expropriés en 1969. Combien vous a-t-on payé l'arpent?

M. Guénette: En 1969. Tout à l'heure j'ai entendu parler de 310 $ à Saint-Hermas. Nous, on a négocié longtemps pour 210 $.

M. Garon: Vous avez été payés combien d'années après?

M. Guénette: En 1972.

M. Garon: Vous êtes devenus locataires en quelle année?

Mme Guénette: En même temps que tous les autres.

M. Guénette: En 1969, on était locataire. Aussitôt qu'ils ont annoncé la nouvelle, on tombait locataires d'après la loi.

M. Garon: Quand avez-vous commencé à payer votre loyer?

Mme Guénette: Lors de notre premier bail. Cela a été rétroactif. On a dû commencer en 1972.

M. Garon: En même temps...

Mme Guénette: On a commencé en 1973, mais ils nous ont fait payer les mois précédents pour qu'on soit tous pareils, pour qu'on commence tous en même temps. Nous avions signé notre bail au mois de novembre et c'était commencé depuis le mois de mai; ils nous ont fait payer les six mois précédents.

M. Garon: Quelle sorte de production aviez-vous à ce moment-là?

M. Guénette: La fraise. (21 heures)

M. Garon: Sur combien d'arpents?

M. Guénette: Une dizaine d'arpents. M. Garon: Votre terre a combien...

M. Guénette: Elle a 80 arpents. Le reste, c'est du foin et du grain.

M. Garon: Faites-vous les mêmes productions aujourd'hui que dans ce temps-là? Quels sont les inconvénients pour vous de l'expropriation?

Mme Guénette: Pour nous, cela ne nous fait rien parce que nous on se disait: On regarde faire, mais là on a un jeune qui s'en vient, celui qui avait onze ans, il a 24 ans. Là on ne voudrait pas qu'il continue comme nous autres. Nous, après tout, on avait 40 ans. C'était moins de valeur et là, celui qui a 24 ans, on ne voudrait pas qu'il commence à payer le loyer et que, quand il aura 50 ans, il n'aura rien. Vous savez, il est mieux

de s'acheter une maison et de la payer. Au moins, dans 20 ans, il aura quelque chose. On peut dire: II peut mettre les économies, mais ce n'est pas pareil. On aimerait mieux la racheter. On aurait aimé mieux que lui la rachète avec des conditions acceptables.

M. Garon: Vous, l'expropriation, cela vous a donné combien?

M. Guénette: C'était 210 $ l'arpent sur 80.

Mme Guénette: Plus les bâtisses. M. Guénette: Plus les bâtisses. M. Garon: 16 000 $. Mme Guénette: Plus les bâtiments.

M. Garon: Plus les bâtiments. Les bâtisses, cela n'a pas dû donner un gros montant. Pardon?

M. Guénette: 16 800 $ c'est 18 000 $. M. Garon: Plus les bâtisses. M. Guénette: On avait...

M. Houde: 16 800 $... 210 $ l'arpent, ça fait ça.

Mme Guénette: Oui. On avait du bois là, on avait 80 arpents de bois en plus des 80. On en avait 160 en tout.

M. Guénette: On a parlé du boisé de ferme tout à l'heure à 125 $.

Mme Guénette: Oui. Le boisé de 125 $. Mais là notre problème, ce n'est pas cela. C'est le passé, c'est passé. Là, cela ne sert à rien. C'est passé. C'est fini. Là, c'est l'avenir des enfants. On ne voudrait pas qu'ils continuent à faire la même chose, aller quémander à tout bout de champ parce que les jeunes vont vouloir faire du nouveau; parce que nous on s'est dit: On va continuer. On n'est jamais allé au BANAIM. On allait signer notre bail, ils nous revoyaient au bout de cinq ans. Si on voulait faire du bulldozer, on ne leur en parlait même pas.

M. Garon: Vous le faisiez vous-mêmes.

Mme Guénette: On le faisait nous-mêmes.

M. Garon: Vous ne leur disiez pas.

Mme Guénette: On ne leur demandait pas.

M. Guénette: On a fait ça à nos frais, l'automne dernier encore.

Mme Guénette: Si on voulait réparer la maison, on ne les achalait pas. Cela allait bien comme ça. On dormait sur nos deux oreilles. Cela allait mieux comme ça.

M. Garon: Si vous leur aviez parlé, cela aurait été plus compliqué.

Mme Guénette: Comme de raison, on n'est pas des producteurs de fraises. Cela ne fait pas la même chose que des producteurs de lait. Nous, c'est des machines aratoires qu'on achète pour les fraises. Quand on achète des machines aratoires, on ne demande pas aux autres. On a marché comme ça, nous.

M. Garon: Vous n'aviez que les bâtiments pour mettre vos machines.

Mme Guénette: On entretenait nos bâtiments, par exemple.

M. Garon: Pour mettre vos machines dedans.

M. Guénette: Nous-mêmes.

Mme Guénette: On entretenait nos bâtiments nous-mêmes.

M. Garon: Avez-vous des grands bâtiments?

Mme Guénette: Oui parce que avant on faisait le lait, on avait des animaux. Là maintenant on n'en a plus parce que cela ne va pas ensemble les fraises et les animaux.

M. Garon: Les avions, où vous étiez, les entendiez-vous quand ils arrivaient?

Mme Guénette: Pas tellement. Je pense qu'au village, à Sainte-Anne, on les entend plus parce qu'ici j'y vais souvent, c'est notre paroisse. Cela dérange plus. Je ne sais pas, nous, la télévision ne change pas et, eux, ça tourne. Je pense qu'il y a plus de bruit au village.

M. Garon: Que chez vous?

Mme Guénette: Le bruit s'accepte bien. Il en passe si peu de ce temps-là.

M. Guénette: C'est silencieux.

M. Garon: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce qu'on peut vous

demander combien vous payez de loyer? M. Guénette: 200 $ par mois.

Mme Guénette: Là on paie maintenant nos taxes au village de Sainte-Anne-des-Plaines parce qu'elles étaient trop chères. Au bureau, ils nous ont laissés. Là ils ont mis notre loyer, ils nous ont enlevé une partie des taxes. Cela nous a remontés à 200 $.

M. Ryan: Cela vous a remontés à 200 $.

Mme Guénette: Cela nous a remontés de 20 $ par mois parce que nous, à Sainte-Anne-des-Plaines, l'évaluation était trop haute et tant que notre bail n'était pas fini, ils nous ont obligés quand même à ne pas finir notre bail pour les taxes et ils nous ont retournés à notre paroisse.

M. Ryan: Là, vous vous trouvez à être locataires depuis 1969.

Mme Guénette: 1969, oui. Tout le monde.

M. Ryan: Combien de fois durant ces douze années, treize années, avez-vous reçu la visite d'inspecteurs de la société immobilière ou des autres administrations avant? Vont-ils vous inspecter souvent?

Mme Guénette: Au début, ils venaient souvent pour mesurer avant de nous payer.

Avant de nous payer, oui, oui, ils venaient souvent...

M. Ryan: Pour voir si vous aviez fait des travaux?

Mme Guénette: Pour mesurer nos garde-robes. C'était probablement ce qu'ils devaient faire aussi. À part cela...

M. Ryan: Depuis quelques années?

Mme Guénette: L'hiver dernier, ils sont revenus.

M. Ryan: Qu'est-ce que l'inspecteur est allé faire? Que vous a-t-il dit?

Mme Guénette: II est venu remesurer les bâtiments, surtout la maison.

M. Ryan: A-t-il constaté que vous aviez fait des améliorations?

Mme Guénette: Ce n'était pas le même.

M. Ryan: Non?

Mme Guénette: II était de la Société canadienne d'hypothèques.

M. Ryan: Quelles améliorations - si c'est indiscret, vous me le direz - avez-vous faites sur la maison depuis quelques années? En avez-vous fait pour la peine? Avez-vous fait de l'entretien?

Mme Guénette: Cela faisait six mois, peut-être pas un an, qu'on l'avait toute réparée à notre goût.

M. Guénette: En 1969.

Mme Guénette: Avant, en 1967 ou en 1968, on avait changé tout l'intérieur, des galeries neuves. On avait arrangé tout cela.

M. Ryan: Vous n'avez pas eu de travaux importants à faire depuis ce temps?

Mme Guénette: Non, on ne les a jamais fait venir pour des travaux importants.

M. Ryan: Vous ont-ils donné récemment de la peinture pour peinturer votre maison?

Mme Guénette: Oui, déjà, mais on n'en redemande pas.

M. Ryan: Non? Ils y vont?

Mme Guénette: Non, on n'en a plus redemandé après.

M. Ryan: Vous n'êtes pas obligés de leur en demander?

Mme Guénette: Pardon?

M. Ryan: Ils sont tellement bons propriétaires que vous n'êtes pas obligés de le demander.

Mme Guénette: Ils nous en auraient donné.

M. Ryan: Vous dites que vous payez les taxes directement au village maintenant. Vous les payez directement à la municipalité?

Mme Guénette: Oui, directement à notre paroisse.

M. Ryan: Oui, on va en reparler. On aura des gens de Mirabel tantôt. On va leur poser... Parce que cela pose un problème à Mirabel. Ils ne sont pas équipés pour cela. Vous, votre problème... Oui, M. Guénette.

M. Guénette: J'avais une question. Pour les dommages ou les réparations, les inspecteurs viennent. Cela a viré d'une autre manière. Vu qu'on fait la culture de la fraise, il y a un "pit" de sable qui a été

ouvert sur la terre à bois. Saint-Jérôme, Saint-Antoine et une partie du nord, ça se trouve comme un chemin public qui passe au centre des champs de fraises. Depuis treize ans qu'on se bat avec eux, le fédéral dit: C'est normal. C'est le progrès. Ils ne veulent pas... Je leur dis que cela cause des dommages.

Mme Guénette: II veut dire que les gens, tous et chacun viennent cueillir des fraises. Ils arrivent...

M. Guénette: On n'est pas capable de les renvoyer. Ils sont chez eux.

Mme Guénette: ... et disent: Regarde donc cela comme il y a de belles fraises ici. Ils nous disent: Prenez-en, parce qu'ils ne savent pas qu'on est propriétaire. Ils disent: Prenez-en.

M. Ryan: Votre souci principal, si j'ai bien compris, c'est l'avenir d'un de vos enfants en particulier. Vous voudriez qu'un de vos enfants continue sur cette terre.

Mme Guénette: Oui, un de nos enfants.

M. Ryan: Un?

Mme Guénette: Oui, le plus jeune.

M. Ryan: Et vous voudriez que... À ce moment-là, ce que vous souhaiteriez, c'est d'avoir la possibilité de racheter cette terre.

Mme Guénette: Oui, ou un bail à très long terme; 25 ans, ce n'est peut-être pas suffisant, mais c'est mieux que rien. C'est mieux que maintenant, mais on voudrait la racheter pour lui.

M. Ryan: Vous a-t-on donné des indications que cette terre pourrait être libérée, mise en disponibilité éventuellement? Vous n'avez entendu parler de rien? Vous n'avez pas pris...

Mme Guénette: Non. On s'y attendait, d'être dans le lot, vu qu'on était tellement loin. On n'est pas sur la liste encore.

M. Ryan: On dit aussi que la société immobilière a fait des sondages. Ce n'est pas parce que cela m'intéresse spécialement, mais avez-vous été sondés, vous autres? Avez-vous reçu ce questionnaire?

Mme Guénette: Par la société? Non.

M. Ryan: Non? Dans l'ensemble, peut-on dire que dans vos relations de locataires à propriétaire, indépendamment du fonds, vous n'avez pas eu trop d'ennuis au cours des dernières années?

Mme Guénette: Non, parce qu'on ne leur a jamais parlé, pour dire. On parle à notre agent par téléphone. On a signé deux baux et il nous dit: Votre bail est prêt.

M. Ryan: Ce sont des baux de cinq ans. M. Guénette: Oui, pour cinq ans.

M. Ryan: Ce sont des baux renouvelables de cinq ans que vous signez.

Mme Guénette: Oui, pour cinq ans.

M. Ryan: Honnêtement parlant, trouvez-vous que votre loyer est cher?

Mme Guénette: Moi, je ne me plaindrais pas. Si on veut brailler... Ce n'est pas notre problème dans le moment.

M. Ryan: Très bien. C'est l'autre. C'est l'autre.

Mme Guénette: Oui.

M. Ryan: Seulement une dernière question. D'après des transactions dont vous avez pu entendre parler un peu à l'extérieur de la zone, combien vaudrait cette propriété aujourd'hui, l'arpent, d'après vous?

Mme Guénette: L'arpent? Nous, c'est toujours en bloc, quand un gars achète une terre. C'est tant. Ce n'est pas... On regarde l'ensemble, la maison...

M. Ryan: ...

Mme Guénette: ... et les bâtisses.

M. Ryan: Oui.

Mme Guénette: Ce ne sont pas des détails, comme de donner tant le hangar.

M. Guénette: Cela vaudrait le prix de 1969...

Mme Guénette: Pour nous autres...

M. Guénette: Le montant qu'ils nous ont payé, parce qu'ils disaient qu'ils nous avaient payés grassement.

M. Ryan: ... les Normand. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Oui, rapidement M. et Mme Guénette. Je dois dire que vous êtes des gens du comté de Rousseau et j'ai l'honneur de vous connaître avec une bonne partie des autres expropriés que j'ai rencontrés.

Je pense que votre grande surprise -

votre mémoire l'évoque un peu - c'est d'avoir été concernés par la construction d'un aéroport qui se situait si loin de chez vous. En vous écoutant, j'ai l'impression que c'est encore aujourd'hui un étonnement renouvelé et que, quand on décide de rétrocéder des terres, vous n'êtes pas capables de vous mettre dans la tête - on a essayé d'avoir l'explication technique, ce matin, par le ministère des Transports -qu'étant situés à seize milles des pistes d'un aéroport on vous maintienne dans une zone d'expropriation.

Je reviens à ça parce que vous l'avez évoqué dans votre mémoire et que c'est la première fois qu'on parle de coûts et de coûts comparatifs. Vous, vous dites précisément que vous avez été payés 210 $ l'arpent; vous venez de dire que vous aviez été payés un bon prix. Mais comment pouvez-vous dire ça encore aujourd'hui, alors que vous savez que, pour une situation tout à fait comparable - il y a des gens de Mirabel qui se sont rendus à Pickering - les gens étaient payés dix fois plus? Comment pouvez-vous dire que, malgré tout, vous avez eu un bon prix?

Mme Guénette: Non, on ne dit pas qu'on a été payés un bon prix, parce que, d'abord, ce n'était pas à vendre; dans ce temps-là nos choses sont toujours belles et valent toujours bien cher. Mais on l'a su après que Pickering était payé plus cher et ça nous a rendus presque jaloux.

M. Blouin: Oui, je vous comprends. Vous avez presque le sentiment que tout ça est une espèce de cauchemar et que...

Mme Guénette: Oui, mais ça nous a fâchés parce qu'on est allés à Pickering et on s'attendait à de belles fermes - je vous l'ai dit dans le mémoire - et on était donc désappointés le soir quand on est revenus. J'ai dit: On nous a dit que nos fermes n'étaient pas belles et dans le Trait-Carré, à Sainte-Anne-des-Plaines, c'étaient de belles fermes. J'ai mis dans le mémoire: "Pas pires, pas mieux". Il n'y avait pas tellement de différence pour payer dix fois plus.

M. Blouin: En visitant ça, en sachant que c'était payé dix fois plus cher, vous aviez vraiment le sentiment de vous être trompés de territoire? Vous vous attendiez d'arriver au paradis mondial de l'agriculture.

Mme Guénette: Des champs de raisin...

M. Guénette: On pensait être à Niagara.

M. Blouin: Pas loin des chutes, tout le monde allait faire son voyage de noces là!

M. Guénette: Pas loin des chutes. M. Blouin: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): II reste quatre députés qui ont demandé à intervenir. Nous discutons de ce mémoire depuis 22 minutes, pour votre information. M. le député de Berthier.

M. Houde: M. et Mme Guénette, lorsque vous avez été expropriés en 1969 et payés en 1972, lorsqu'on vous a payé le montant qui était fixé, avez-vous eu un montant d'intérêt pour les trois années? avez-vous retiré des intérêts en même temps que la somme? Vous avez été expropriés en 1969, vous avez été payés en 1972; est-ce que l'intérêt a couru pendant les trois années ou si vous n'avez pas eu d'intérêt versé sur le montant qui vous était dû?

M. Guénette: Je pense que l'intérêt commençait à courir en 1970 ou 1971.

M. Houde: C'est que certains ont reçu 5% d'intérêt dans le temps pour...

Mme Guénette: Après?

M. Houde: Oui, à partir de 1969 jusqu'à la date qu'ils vous paient, avez-vous reçu de l'intérêt?

Mme Guénette: Non, on n'a pas reçu d'intérêt là-dessus, mais, après que Jean

Marchand nous eut offert les 10%, on a eu des intérêts.

M. Houde: Oui?

Mme Guénette: Oui, comme tout le monde.

M. Houde: Comme tout le monde?

Mme Guénette: II y en avait qui avaient obtenu les 5%, on n'avait pas pensé de les demander, mais ils ne nous l'offraient pas si on ne le demandait pas.

M. Houde: II y en avait qui avaient reçu les 5%?

Mme Guénette: II fallait toujours penser...

M. Guénette: C'est parce que les intérêts arrivaient toujours aux élections fédérales.

Mme Guénette: Oui, on l'a remarqué.

M. Guénette: On l'a remarqué, la dernière c'était l'élection de Joe Clark. Je suis allé au bureau de poste avec mon chèque

en main et je n'avais pas peur de le montrer, les gars ne me croyaient pas, j'ai dit: C'est sûr qu'on va l'avoir.

Mme Guénette: Lors des dernières élections, on a reçu notre chèque des derniers intérêts.

M. Houde: En 1972?

M. Guénette: Ils retardaient tellement tous les intérêts que ça arrivait à tous les quatre ans.

M. Houde: En quelle année? En 1977? M. Guénette: En 1980.

M. Houde: Vous voulez dire les intérêts de 1972 qu'ils vous devaient?

Mme Guénette: Non, on a reçu des cadeaux par deux fois. On a été payés pour notre ferme et ensuite, en même temps que tous les autres, on a reçu nos intérêts comme tout le monde. (21 h 15)

M. Houde: Comme tout le monde. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Garon: Tantôt, quand on vous demandait quel prix, dans votre esprit, devrait vous être demandé pour votre ferme pour établir votre fils, vous avez répondu: Le même prix que... Parce que, dans le fond, vous avez eu des intérêts, vous avez eu 5% d'intérêt, vous dites. Après l'impôt payé, cela ne fait pas cher.

M. Guénette: Cela ne fait pas cher du tout.

M. Garon: J'espère que le Parti libéral ne pense pas qu'il aurait dû payer les impôts sur les intérêts à Ottawa à 100%. Êtes-vous membre du CIAC, avez-vous travaillé avec le CIAC?

Mme Guénette: Oui.

M. Garon: Est-ce que les gens, chez vous, sont membres du CIAC?

Mme Guénette: Tous, tous. Nous sommes 22 à Sainte-Anne-des-Plaines et je crois que nous sommes tous membres.

M. Garon: Tout le monde est membre.

Mme Guénette: Oui, parce que ce sont toutes des terres prospères et les gens veulent que cela marche.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

Mme Guénette: Non, pas de... C'est bien trop loin.

Une voix: Non, ils sont de Sainte-Anne-des-Plaines, eux. Ils ne sont pas dans Mirabel.

M. Garon: Je pose les mêmes questions que le chef du Parti libéral et tout le temps... le député d'Argenteuil. Depuis l'expropriation dans Sainte-Anne-des-Plaines, la partie expropriée, est-ce que vous sentez que cela a progressé au même rythme qu'ailleurs ou si cela s'est détérioré? Si on regarde les voisins et tout cela, dans l'ensemble.

Mme Guénette: Cela ne s'est pas détérioré parce que les fermes dont les propriétaires sont partis ont été louées par des cultivateurs assez progressifs. Moi, je trouve qu'ils sont bien équipés, les terres sont bien cultivées.

M. Garon: Est-ce plutôt de la culture qui se fait chez vous ou si ce sont des animaux?

Mme Guénette: C'est de la grande culture.

M. Guénette: II n'y a pas d'animaux quasiment.

M. Garon: II n'y a pas d'animaux chez vous?

Mme Guénette: Ce sont tous des producteurs de fraises...

M. Garon: Ah bon!

Mme Guénette: ... de maïs à grain, ceux qui font ces choses-là.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Juste une question. Vous avez attiré mon attention tantôt lorsque vous avez parlé de taxes municipales. Est-ce que vous recevez le remboursement d'une partie de ces taxes du ministère provincial de l'Agriculture?

Mme Guénette: Oui, comme les autres.

M. Paradis: 70%, vous êtes dans une zone agricole.

Mme Guénette: Oui.

M. Paradis: Cela va, c'était ma question.

M. Garon: Je voudrais vous remercier de vous être déplacés pour venir rendre témoignage.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Ne les remerciez pas trop tôt, M. le ministre. J'ai une simple question parce que, tout à l'heure, M. Daoust n'a pas pu éclairer ma lanterne. Je suis bien content de savoir le prix de l'expropriation. M. Daoust nous a dit tantôt que c'était son père qui avait reçu le prix pour les bâtisses. J'aimerais savoir, M. et Mme Guénette, quel montant vous avez reçu, globalement, pour le terrain et les bâtisses? Mettons que vous dites: Le terrain, 210 $ l'arpent, mais les bâtisses, combien?

Mme Guénette: Le terrain...

M. Mathieu: Disons globalement, si vous ne pouvez pas le démêler.

Mme Guénette: 80 000 $.

M. Mathieu: 80 000 $. Tout à l'heure, vous avez dit que cela valait sensiblement la même chose. Peut-être que cela était un peu une boutade ou... Supposons que votre fils est acheteur, s'il payait le même prix, vous trouveriez que c'est plutôt raisonnable ou...

Mme Guénette: Oui...

M. Mathieu: ... cher ou pas cher...

Mme Guénette: Cela ne nous ferait rien s'il payait cela, mais à des conditions qui peuvent convenir à un jeune qui commence, pas...

M. Mathieu: Cela, je le comprends très bien, c'est une autre affaire.

Mme Guénette: Supposons que notre autre fils s'achète une maison 50 000 $, il va la payer sur 25 ans, il aura sa maison. Quand bien même il donnerait un peu plus pour avoir une ferme et il va avoir la maison...

M. Mathieu: C'est très bien, madame.

Mme Guénette: C'est le mode de paiement, pour nous, qui compte. Il serait content.

M. Mathieu: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Alors, M. et Mme Guénette, je tiens à vous remercier de vous être présentés devant nous, au nom de tous les membres de la commission. J'inviterais maintenant Mme Marcel Cardinal à se présenter devant nous.

Mme Cardinal, bienvenue. Si vous voulez nous présenter votre mémoire.

Mme Marcel Cardinal

Mme Cardinal (Marcel): Moi, j'ai pris pour sujet de mon mémoire le démembrement d'une famille à cause de l'expropriation.

Sainte-Monique était une zone agricole où il y avait culture de fraises, framboises et l'exploitation de l'industrie laitière. Tout était calme dans le village et à la campagne. Chacun menait sa petite affaire. Voilà le 27 mars 1969, date de l'expropriation, qui vient chambarder la tranquillité de ma famille. Tout d'abord, les évaluateurs, les menaces d'expulsion, car on nous disait situés dans la zone prioritaire et on ne savait pas à quoi s'attendre.

Après plusieurs appels téléphoniques menaçants et pressants venant des bureaux du gouvernement fédéral, mon père a été forcé de s'acheter une maison en attendant parce qu'il n'avait pas assez de temps pour trouver un autre foyer pour sa famille. Quand on a dix enfants, on ne s'en va pas dans un appartement. Le 30 mai 1970, je me mariais, et le 10 juin 1970, mes parents faisaient encan des animaux et de la machinerie de la ferme.

Le 1er juillet 1970 était le départ forcé et incertain de toute la famille pour aller demeurer à Saint-Jérôme, car c'était la ville la plus proche où ce n'était pas pris pour l'aéroport, comme on dit. Mon père et ma mère ont toujours vécu sur une terre, mais la ville, pour eux, ce n'était pas pour longtemps car ils se sont dit que c'était sur une terre qu'ils voulaient retourner avec mes trois frères et mes six sdeurs.

Après avoir cherché pendant presque un an, voilà, le 1er juillet 1971, toute la famille est encore déménagée dans la région des Cantons de l'Est, à Sainte-Angèle-de-Monnoir, et ce n'est pas à la porte de Mirabel. C'est à environ 65 milles.

Aujourd'hui, mariée depuis douze ans et demeurant à Saint-Benoît, Mirabel, je suis encore sur le territoire car mon mari n'avait pas le choix. Il commençait en agriculture et il assurait la relève de la famille. Il n'avait donc pas droit aux prêts agricoles, ni aux primes d'établissement, ni aux subventions, parce que c'était exproprié et que l'on était simplement locataires.

Ainsi, depuis onze ans, il s'est passé beaucoup de choses. Mes frères et soeurs se sont mariés et demeurent presque tous dans les Cantons de l'Est. Nous sommes une famille démembrée car on ne peut plus se rencontrer et sortir ensemble comme au

temps où on était jeunes car la distance est toujours là et c'est loin, environ une heure et quart de route. Aujourd'hui, on parle de revente sur le territoire, mais pour ma famille, c'est trop tard car ils se sont fait des amis et un milieu social un peu plus normal, après tout ce qu'ils ont traversé depuis l'expropriation. Mais, pour moi, ils seront toujours loin.

Aujourd'hui, nous sommes dans la revente du territoire. C'est pourquoi, en étant jeunes et dans nos meilleures années, nous avons fait des investissements et on ne veut pas être obligés de les payer une deuxième fois lorsqu'on achètera. C'est pourquoi, avec le temps et les années écoulées, on ne peut pas toujours recommencer à zéro. Après avoir connu les menaces et les déboires de la part des fonctionnaires du gouvernement fédéral, j'espère que, nous aussi, on retrouvera la paix et la tranquillité sociale que tous les gens des villages et des alentours connaissent et vivent.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Garon: C'est en 1970 que vous vous êtes établis?

Mme Cardinal: On s'est mariés en 1970. Je suis mariée à un fils de cultivateur exproprié. C'est mon beau-père qui a été exproprié. En décembre 1972, mon beau-père a vendu les animaux, la machinerie et le quota de lait à mon mari. On a commencé avec cela et il a été réglé, concernant l'aéroport, en 1977. On payait un loyer à son père pour le terrain qu'on cultivait.

M. Garon: Vous dites qu'il a été réglé en 1977. Tantôt, M. Guénette nous a dit qu'il a été réglé en 1972.

Mme Cardinal: C'est à cause des pressions. Il était avec le CIAC. Avec les pressions qu'ils ont faites, ils sont parvenus à aller chercher le plus qu'ils pouvaient avoir. Le montant, je ne peux pas vous le dire. Cela ne me concerne pas. Le cas de mes parents a été réglé trois ou quatre ans après l'expropriation. Ils étaient rendus à Sainte-Angèle-de-Monnoir, dans les Cantons de l'Est, quand leur cas a été réglé.

M. Garon: Vous avez la ferme de votre père?

Mme Cardinal: Mon père est demeuré un an à Saint-Jérôme et, comme je l'explique, il a toujours vécu sur une terre. J'avais trois frères, et mon père voulait établir les garçons, parce qu'il y en avait neuf après moi, qui étais l'aînée. Ils ont cherché des terres et ils sont partis là- bas racheter trois terres.

M. Garon: Votre mari et vous, vous êtes sur la terre de...

Mme Cardinal: On est sur la terre paternelle. Aujourd'hui, j'ai trois enfants, trois garçons et j'ai confiance qu'il y en ait quelques-uns pour prendre la relève. Pour le moment, on veut racheter. On a fait des investissements, tout était à réparer. On a réparé, on a demandé des permissions mais on avait un bail de dix ans, renouvelable après cinq ans au taux de 8%, ce qui fait 40% d'augmentation après cinq ans.

M. Garon: On dit cela. Qu'est-ce que vous louez?

Mme Cardinal: À peu près 200...

M. Garon: Non, je veux parler de la surface.

Mme Cardinal: Quelque 200 arpents.

M. Garon: C'est votre beau-père qui a vendu cela dans le temps?

Mme Cardinal: Oui.

M. Garon: Savez-vous combien il avait obtenu dans ce temps-là?

Mme Cardinal: 210 $ l'arpent en moyenne. On a de la terre mélangée, de la terre noire, de la terre grise et...

M. Garon: Quand il a racheté à Sainte-Angèle, est-ce qu'il a payé le même prix ou plus cher?

Mme Cardinal: Je ne peux pas vous dire. Cela équivalait à peu près au prix qu'il a payé, il a pris l'argent de ses expropriations pour acheter là-bas. Il a acheté un an après et, autrement dit...

M. Garon: Combien d'arpents a-t-il achetés?

Mme Cardinal: Mon père a acheté à peu près le même nombre d'arpents qu'il avait à Sainte-Monique.

M. Garon: Donc, à peu près la même grandeur.

Mme Cardinal: À peu près, mais là, il y avait une maison sur chaque terre et deux très vieilles granges qu'il a réparées pour garder des animaux parce qu'ils étaient plusieurs et ils pouvaient garder plus de têtes de bétail.

M. Garon: Est-ce qu'il a emprunté pour

acheter ou est-ce qu'il a payé comptant?

Mme Cardinal: Oui, il a emprunté en plus pour acheter.

M. Garon: Parce que cela coûtait plus cher que ce qu'il avait vendu?

Mme Cardinal: Oui.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Mme Cardinal, est-ce que vous pourriez nous indiquer sur la carte où est votre propriété exactement?

Mme Cardinal: Oui. À peu près ici.

M. Ryan: Très bien. Par conséquent, vous êtes dans la section où les terres sont censées être mises en vente ou en location à long terme par la Société immobilière du Canada.

Mme Cardinal: Oui, dans la revente.

M. Ryan: C'est dans la première tranche du programme.

Mme Cardinal: Oui.

M. Ryan: Pour les 150 terres qui sont censées être mises en vente, avez-vous eu des approches de la société d'une manière ou de l'autre à ce sujet-là?

Mme Cardinal: Non.

M. Ryan: Est-ce qu'on vous a envoyé de la documentation?

Mme Cardinal: Aucune documentation. M. Ryan: On ne vous a pas écrit, rien?

Mme Cardinal: On a un bail échu depuis deux ans et la société n'a jamais cherché à renouveler le bail. On paie toujours le prix qu'on payait il y a cinq ans. On avait un bail de cinq ans qui est échu depuis deux ans.

M. Ryan: Vous ne l'avez pas renouvelé?

Mme Cardinal: On ne l'a pas renouvelé. On ne nous l'a pas demandé et on paie toujours le même prix qu'on payait avant. La société sait que c'est dans la revente et elle n'a pas...

M. Ryan: Je comprends.

Mme Cardinal: On a fait des améliorations et j'espère qu'on va en tenir compte. On a fait passer...

M. Ryan: On va justement parler de cela. Sur l'autre point, vous recevez au moins le journal de la Société immobilière du Canada, qui est envoyé dans tous les foyers. Vous avez pas mal de renseignements là-dedans.

Mme Cardinal: Oui.

M. Ryan: Par conséquent, vous êtes au courant de ses programmes de manière assez élaborée.

Mme Cardinal: S'ils sont vrais. M. Ryan: Pardon?

Mme Cardinal: Si les renseignements qu'elle nous donne sont vrais. (21 h 30)

M. Ryan: Vous dites que vous avez fait des investissements. Pourriez-vous nous donner la nature et la valeur de ces investissements?

Mme Cardinal: Nous avons réparé la grange-étable. C'était à réparer au moment de l'expropriation parce que son père était prêt à laisser sa place à la relève. Nous nous sommes dit: S'en aller ailleurs ou reprendre la terre paternelle, on préférait rester où son père a demeuré. On a décidé d'améliorer les choses avec les années, on en a fait un peu tous les ans. Cela va faire dix ans que nous sommes à notre compte.

M. Ryan: Avez-vous fait d'autres améliorations, d'autres investissements?

Mme Cardinal: On a bâti une remise à machinerie tôlée, en tôle émaillée de couleur de 42 sur 100. On a un papier disant qu'elle nous appartient en toute propriété et qu'on a le droit de l'assurer.

M. Ryan: Avez-vous fait des travaux de drainage?

Mme Cardinal: Non, sauf du drainage de surface comme passer le "bull" pour niveler le terrain, enlever les lignes de branches.

M. Ryan: Avez-vous reçu une subvention du Québec pour cela?

Mme Cardinal: La première fois, on n'en a pas reçu, je crois; les deux dernières années, l'année passée et cette année, on a reçu des subventions.

M. Ryan: On n'a pas augmenté votre loyer à cause de cela?

Mme Cardinal: Non, on a fait cela à nos frais.

M. Ryan: Vous avez eu une subvention du Québec. Cette partie, ce n'est pas vous qui l'avez payée; disons qu'il y a à peu près 50% qui a été payé par la subvention du Québec, je suppose.

Mme Cardinal: C'était 40% la dernière année. Le reste, c'est nous qui l'avons payé, qui avons assumé les coûts.

M. Ryan: Quand vous avez amélioré la grange et que vous avez bâti une remise pour les appareils mécaniques, la Société immobilière du Canada ne vous a pas ennuyés avec cela. Elle ne vous a pas dit: Cela nous appartient. Vous n'avez pas eu de rapport avec elle là-dessus? Est-ce qu'elle est allée faire des inspections et aurait-elle dit: Vous avez ajouté ceci, vous avez construit cela et vous n'aviez pas d'affaire?

Mme Cardinal: Non.

M. Ryan: Elle ne vous a pas parlé de cela?

Mme Cardinal: Quand on a fait une demande de construction d'une remise, elle nous a proposé des marchés auxquels on aurait pu dire oui. Mais après, le gouvernement a changé et il a fallu payer 10% ou 12% de la soumission en loyer par mois. On a refusé, on a dit qu'on la bâtirait à nos frais, qu'elle nous appartiendrait. On a reçu un papier de la société disant que la bâtisse nous appartenait en toute propriété et qu'on avait le droit de l'assurer. On a le droit d'en disposer comme bon nous semble.

M. Ryan: Elle ne vous a pas demandé de signer un nouveau bail en retour?

Mme Cardinal: Par rapport à cela? Non.

M. Ryan: Elle vous a donné un papier disant que les additions que vous aviez faites vous appartenaient.

Mme Cardinal: Oui. On a aussi installé un silo à grain usagé parce que les subventions pour installer un silo neuf étaient terminées; on a acheté un silo usagé, on a fait les fondations, on a demandé un permis et le silo nous appartient.

M. Ryan: Cette terre a combien d'arpents?

Mme Cardinal: La terre paternelle a 90 arpents, mais...

M. Ryan: La terre du père de votre mari, c'est sur celle-là que vous êtes, n'est-ce pas?

Mme Cardinal: La terre principale... M. Ryan: Oui.

Mme Cardinal: ... c'est 90 arpents, mais il y a du boisé et du terrain inculte. Il y a des roches. Il y a à peu près 7 ou 8 arpents non cultivables, pacagés par les vaches, les animaux.

M. Ryan: Seriez-vous intéressés à racheter cela?

Mme Cardinal: Nous sommes intéressés, oui. On veut être chez nous, on veut être tranquille et en finir une fois pour toutes avec la société.

M. Ryan: Avez-vous fait des démarches pour savoir à quelles conditions elle serait prête à vous revendre cela? Êtes-vous allés au bureau, avez-vous pris des renseignements ou si vous attendez?

Mme Cardinal: Mon mari a fait des démarches il n'y a pas longtemps pour louer une terre voisine de chez nous, qui est considérée comme vacante. On l'a demandée et on nous a dit qu'on attendait la revente. Elle n'a fait aucun prix, aucune annonce, aucune suggestion d'achat, rien ne s'est fait. Elle nous a dit de ne pas toucher au terrain, de le laisser tel quel.

M. Ryan: Qui est sur la terre de votre père actuellement à Sainte-Monique?

Mme Cardinal: Qui la loue? M. Ryan: Oui.

Mme Cardinal: Je ne le sais pas. Je sais que le terrain est tout cultivé.

M. Ryan: II est tout cultivé?

Mme Cardinal: À Sainte-Monique, là où mes parents vivaient, les terres sont situées entre l'autoroute de Mirabel et les pistes d'avion. Les terres de mon père sont situées là-dedans et le terrain est tout cultivé.

M. Ryan: Pour vous, pendant cette période, disons, des douze dernières années, il y a eu la séparation familiale. Votre famille a été dispersée, vos parents sont partis de l'autre côté du fleuve. Vous êtes séparés. Pour tout le reste, au point de vue matériel, vous vous en êtes tirés convenablement, au point que votre mari serait même prêt à louer une autre ferme à côté.

Mme Cardinal: C'est qu'avec le temps on s'est serré la ceinture et on a fait attention. On a dit: On va se débrouiller comme on peut.

M. Ryan: Si la société immobilière fait des conditions raisonnables, vous êtes prêts à envisager même le rapatriement de cette propriété, le rachat de la propriété?

Mme Cardinal: À des conditions normales et raisonnables, on est prêt à racheter pour être chez nous.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Garon: Dans votre esprit, c'est quoi des conditions raisonnables par rapport au prix de l'expropriation dans le temps et au prix du marché aujourd'hui?

Mme Cardinal: Un prix raisonnable, parce qu'on a fait des investissements et on ne veut pas être obligés de les repayer. Si l'affaire est en bonne condition, il ne faut pas être obligé de repayer une deuxième fois ce qu'on a fait. On était jeunes. C'est quand on est jeune qu'on se bâtit quelque chose pour l'avenir. Ce n'est pas rendu à 40 ans. À 40 ans, il est trop tard pour penser à bâtir. D'une certaine manière, mais un cultivateur, il part au début.

Une voix: C'est la clause Camille Laurin.

M. Garon: Tantôt, M. Daoust est venu ici. Ils viennent d'avoir un enfant, j'ai compris, et le chef du Parti libéral a dit: Nous autres, dans Argenteuil, on refait ça la famille. Je ne sais pas s'il s'impliquait là-dedans. Faites-vous partie du CIAC?

Mme Cardinal: Oui.

M- Garon: Dans Sainte-Monique, êtes-vous les seuls qui faites partie du CIAC?

Mme Cardinal: Dans Sainte-Monique, le peu de gens qui restent comme cultivateurs, je crois qu'ils sont assez groupés au CIAC.

M. Garon: Dans votre esprit, ils sont à peu près tous membres du CIAC.

Mme Cardinal: Ceux que je connais, ceux de Sainte-Monique, mais il y a beaucoup de nouveaux; eux, je ne le sais pas.

Je ne peux pas vous dire, cela fait dix ans que je suis partie.

M. Garon: Vous n'êtes plus à Sainte-Monique?

Mme Cardinal: Non, non. Je suis à

Saint-Benoît sur le terrain de la revente des terres.

M. Garon: Je pensais au précédent. À Saint-Benoît.

M. Léonard: M. le Président...

Mme Cardinal: Je suis à Saint-Benoît.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

Mme Cardinal: Non. Tant qu'il n'y aura pas de meilleur...

Le Président (M. Rochefort): J'ai une demande d'intervention du ministre des Affaires municipales. Il n'est pas membre de la commission. Y a-t-il consentement des membres pour qu'il puisse participer à nos travaux? M. le ministre.

M. Léonard: J'ai une question en entendant madame. Vous parlez de Sainte-Monique et de Saint-Benoît. En fait, cela fait partie de la ville de Mirabel. Est-ce que pour vous les anciennes municipalités ont toujours une existence - comment est-ce que je pourrais la qualifier - plus ou moins réelle ou plus ou moins ancrée dans le paysage, est-ce que c'est...

Mme Cardinal: Sainte-Monique, maintenant, cela n'existe presque plus. On ne voit plus les gens de Sainte-Monique. Les gens sont dispersés, partis. Il y en a à Saint-Jérôme, il y en a à Saint-Lin, les gens sont tous dispersés. On ne les voit plus. Les gens de mon âge, il n'y a pas à y penser.

M. de BeIlefeuille: M. le Président, sur la même question, si vous permettez.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Oui, madame, sur la même question que celle qui vous a été posée par le ministre des Affaires municipales et député de Labelle. Est-ce que vous sentez que Mirabel, aujourd'hui, cela constitue une véritable unité, un village, en quelque sorte, où les gens se connaissent bien, se voisinent, sont bien ensemble dans cette collectivité?

Mme Cardinal: Quand la société sera partie, peut-être que oui.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, voulez-vous ajouter quelque chose? Non?

M. Garon: Non, pas vraiment. Je vous remercie, madame. Vous avez été...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Léonard: Si je veux reprendre cette question, finalement, c'est parce que cela veut dire que vous concevez la ville de Mirabel comme dans la foulée de la société immobilière.

Mme Cardinal: C'est tout Mirabel ou presque. Dans la ville de Mirabel, il n'y en a pas beaucoup, seulement...

M. Léonard: Vous faites une identification assez étroite entre la ville de Mirabel et la société immobilière.

Mme Cardinal: À Mirabel, tous les gens sont à loyer. Il y a pratiquement... Il n'y en a pas beaucoup. Les gens de Saint-Augustin, dans la ville de Mirabel, sont propriétaires, mais les autres sont tous des locataires.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: À Saint-Benoît, y a-t-il aujourd'hui la même population qu'il y avait en 1969 ou si la population a beaucoup diminué, parce que des maisons ont été démolies?

Mme Cardinal: À Saint-Benoît, le rang Saint-Vincent où je demeure est le rang à l'extrémité du village. Dans le rang, il y a plusieurs maisons qui ont été démolies. Les locataires ont changé et des gens de l'extérieur sont venus habiter les maisons que les gens ont laissées et qui sont partis ailleurs, mais il y a un peu moins de gens.

M. Garon: En 1969, dans votre rang, étaient-ils tous des cultivateurs?

Mme Cardinal: Oui, ceux qui étaient là étaient des cultivateurs, mais c'est le rang où... C'est entre Saint-Etienne. Le rang Saint-Étienne n'est pas pareil au rang où je suis. Chez nous, il y a plus de bois chaque côté de la route. Il y a du terrain rocheux. Il y a quelques gros cultivateurs, mais moins que dans un autre rang.

M. Garon: A-t-on loué des maisons, qui appartenaient à des cultivateurs qui sont partis à l'extérieur, à des gens de l'extérieur qui ne sont pas des cultivateurs?

Mme Cardinal: Oui.

M. Garon: Qu'arrive-t-il avec leurs terres?

Mme Cardinal: La terre pousse en branches. Les gens ne se donnent pas la peine de faire un chemin où il y a du bois en bas. Il faudrait élargir un chemin pour monter et cultiver le haut de la terre. Il y a une terre voisine à la nôtre qui n'a pas été cultivée depuis sept ou huit ans. Il n'y a plus rien à faire avec cela. Elle est en train de se gâter et de retourner en bois.

M. Garon: Et les bâtiments pour ces fermes?

Mme Cardinal: Ils sont presque tous démolis. Souvent, il reste la maison, si elle est habitable ou...

M. Garon: Mais pourquoi les maisons ont-elles été démolies dans le temps?

Mme Cardinal: Cela coûtait trop cher pour les réparer. Il n'y avait pas de demande pour les maisons. Ils disaient qu'elles étaient de trop et ils les démolissaient. Les premières années, quand je suis arrivée là... Ce n'est pas assez clair. Je ne m'en souviens pas assez... Pardon?

M. de Bellefeuille: C'est un rang qui est moins passant que le rang Saint-Étienne ou que la montée Saint-Jean.

Mme Cardinal: Oui, un peu moins, malgré qu'aujourd'hui, il tombe au village de Saint-Placide. C'est assez passant encore.

Le Président (M. Rochefort): Au nom des membres de la commission, Mme Cardinal, je tiens à vous remercier de vous être présentée devant nous.

Mme Cardinal: Merci beaucoup,

M. Maurice Laframboise

Le Président (M. Rochefort): J'inviterais maintenant M. Maurice Laframboise à se présenter devant nous. Bienvenu. Si vous voulez maintenant nous faire la lecture de votre mémoire.

M. Laframboise: M. le Président, MM. les députés, bonjour.

J'aimerais commencer mon intervention en vous remerciant de prendre quelques minutes de votre temps pour vous informer de ce que ma famille et moi avons vécu depuis treize ans. Depuis l'expropriation, nous nous sentons comme des Québécois vivant à l'étranger. Cette commission aurait dû siéger il y a treize ans. Nous aurions peut-être été capables d'empêcher la destruction d'un des plus beaux territoires agricoles du Québec et du même coup, dénoncer ceux qui ont conçu l'expropriation de 97 000 acres pour construire un aéroport. (21 h 45)

J'ai acheté la ferme de mon père en 1968. Je suis la troisième génération à

cultiver ces terres. Depuis treize ans, je travaille pour que mon fils, qui est très intéressé à la ferme, puisse s'établir à son tour. En 1969, au moment de l'expropriation, ma maison était très vieille. Après maintes rencontres avec les fonctionnaires, en 1972, on me donna l'autorisation de me construire une maison en me disant de ne pas m'inquiéter que bientôt on aurait de bonnes politiques. De 1969 à 1981, j'ai investi 323 000 $, j'ai construit maison, grange, étable, silo à ensilage, grange à foin, silo à grains, fossés, drainage, etc. J'ai investi comme tous les jeunes qui partent de rien et qui se montent une entreprise. Les fonctionnaires m'ont toujours encouragé à continuer. On me citait souvent en exemple pour montrer ce qui se passait sur le territoire: films publicitaires, émissions de TV, etc. J'en suis venu à oublier que le fonds de terre ne m'appartenait plus. Comme je ne pouvais pas avoir de crédit agricole, il m'a fallu prendre trois ans pour construire ma grange-étable. L'argent m'a toujours coûté le double en intérêt que mes voisins d'en face qui, eux, ne sont pas expropriés. En plus, il m'était impossible d'assurer ces bâtisses.

En 1977, j'ai demandé à M. Judd Buchanan, alors ministre des Travaux publics, de racheter ma ferme. Il m'a répondu que c'était impossible et que plutôt il verrait à payer mes investissements. Au mois de décembre 1978, je recevais 159 000 $ pour des investissements qui avaient été évalués à 208 000 $, deux ans auparavant, par un évaluateur travaillant pour les Travaux publics. Pour toucher cet argent, j'ai été obligé de signer une promesse de bail que je n'ai pas respectée. C'était ma manière à moi de protester parce que plus j'investissais, plus mon loyer était élevé.

En septembre 1981, l'huissier se présentait pour saisir tous mes biens et ceux de ma mère qui demeure dans l'autre maison de ferme. Il a saisi pour environ 260 000 $ pour une dette de 42 000 $. L'hiver dernier, nous apprenions avec joie...

Une voix: ...

M. Laframboise: Non, je vais peut-être trop vite.

L'hiver dernier, nous apprenions avec joie que notre ferme nous serait rétrocédée. Cette bonne nouvelle nous a beaucoup aidés à supporter la visite quotidienne des agents de sécurité de la Société immobilière du Canada, qui se sont permis à deux reprises de frapper à notre porte pour nous demander si nous déménagions. Dans ma paroisse, depuis 1969, les administrations qui se sont succédé ont détruit 50 maisons de ferme et encore plus de bâtiments, granges, étables, remises, etc. Dans mon rang, nous étions sept agriculteurs résidents, maintenant je suis seul. Je peux aussi ajouter que, dans ma paroisse, il se cultive 25% moins de terre arable qu'en 1969.

Depuis que mes titres de propriété m'ont été enlevés, j'ai payé en loyer 106 300 $. Je suis gêné de vous dévoiler ce chiffre, vous allez certainement penser: En voilà un qui est vraiment attaché à son patrimoine. Si, en 1969, je n'avais pas cru aux bonnes intentions des fonctionnaires, lorsqu'ils me disaient de continuer comme si de rien n'était, aujourd'hui j'aurais une ferme à moi, j'aurais un bon bout de chemin de fait dans mes paiements et je ne serais pas devant vous aujourd'hui. C'est pour cette raison que, nous, de l'UPA, préconisons une méthode de rétrocession très juste pour tout le monde. C'est-à-dire que nous payions le prix qui nous a été payé plus les intérêts, moins les dommages et le loyer. De cette façon, nous nous retrouvons ni plus pauvres ni plus riches qu'en 1969. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Garon: Vous seriez prêt à payer le prix qui vous a été versé plus les intérêts de l'argent...

M. Laframboise: C'est ça.

M. Garon: ... moins les dommages...

M. Laframboise: ... et le loyer qu'on a payé.

M. Garon: ... et le loyer. Qu'est-ce que vous appelez dommages?

M. Laframboise: Cela reste à définir, mais on a eu pas mal de dommages, on en a eu un paquet. Comme, par exemple, venir à Québec se faire entendre par la commission; c'est ça des dommages. Non, mais ça nous a amené beaucoup de casse-tête depuis treize ans qu'on est pris là-dedans. Aujourd'hui, notre paroisse est détruite, il n'y a plus rien, il n'y a plus de dépanneur, il n'y a plus rien à Saint-Hermas. Quand vous enlevez 50 maisons de ferme dans une paroisse, ça ôte du monde, ça ôte les commerces, on n'en a plus aucun et tout a baissé.

M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC? M. Laframboise: Oui.

M. Garon: Chez vous, dans votre municipalité, est-ce que les gens sont membres ou s'ils ne sont pas membres?

M. Laframboise: Oui, monsieur, ils sont tous membres à Saint-Hermas.

M. Garon: Seulement les cultivateurs?

M. Laframboise: Moi, je peux parler pour les agriculteurs. Les agriculteurs sont tous membres, à Saint-Hermas.

Le Président (M. Rochefort): Voulez-vous parler plus fort?

M. Garon: C'est vous qui étiez propriétaire lors de l'expropriation?

M. Laframboise: Oui, je venais d'acheter de mon père, un an avant.

M. Garon: Comment avez-vous obtenu le crédit?

M. Laframboise: Quand j'ai acheté de mon père, c'était normal, j'ai emprunté du crédit agricole et, après cela, j'ai été exproprié. Un an après, il a fallu que je remette cela. Quand j'ai acheté de mon père, cela me coûtait 1122 $ par six mois. Maintenant, cela m'en coûte 1472 $ par mois.

M. Garon: Par mois?

M. Laframboise: Oui, monsieur.

M. Garon: Et dans le temps du crédit agricole, cela vous coûtait combien?

M. Laframboise: 1122 $ par six mois. M. Garon: Capital et intérêts.

M. Laframboise: Oui, depuis ce temps, il faut ajouter la grange-étable que j'ai construite pour 158 000 $.

M. Garon: Faisiez-vous affaires avec l'Office du crédit agricole du Québec?

M. Laframboise: Non, la société.

M. Garon: Une société fédérale qui, à part cela, demandait plus cher. Quand vous dites que vous ne pouvez pas vous assurer...

M. Laframboise: Non, il n'y a aucune compagnie qui veut assurer nos bâtisses parce qu'on n'est pas propriétaire du terrain. Pas une compagnie ne veut assurer cela. Il faut être propriétaire du terrain pour qu'on nous assure, sans cela les compagnies ne veulent pas...

M. Garon: Alors, vous ne pouviez pas emprunter pour bâtir votre grange?

M. Laframboise: Bien non, c'est entendu. Quand tu arrives à l'office on te dit: Montre-moi ton bail. Quand tu n'as pas de bail, ils ne te prêtent pas.

M. Garon: Non, mais le fait que vous n'ayez pas d'assurance non plus... M. Laframboise: Aussi, oui.

M. Garon: On a passé devant votre ferme. On aurait voulu arrêter, mais il y en a qui ne voulaient pas.

M. Laframboise: Bien oui, c'est de valeur. J'étais prêt à vous recevoir. Cela aurait été...

M. Garon: On a vu une affiche comme quoi vous aimeriez être maître chez vous à un moment donné.

M. Laframboise: Oui, c'est cela.

M. Garon: Pensez-vous que c'est parce que vous avez des affiches comme chez vous que vous n'avez rien eu dans le bail? On nous a cité des cas tout à l'heure. Les gens n'ont même plus le droit de poser des affiches.

M. Laframboise: Même si j'avais cela dans mon bail, il y aurait des affiches quand même chez nous.

M. Garon: Vous n'avez pas lu la charte des droits de l'homme de M. Trudeau?

M. Laframboise: Non, pas encore. Cela peut venir.

M. Garon: Je ne vous poserai pas d'autres questions.

Le Président (M. Rochefort); M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. Laframboise, est-ce qu'on peut savoir où vous en êtes dans vos procédures judiciaires avec la Société immobilière du Canada? Est-ce que c'est tout réglé, cela?

M. Laframboise: C'est fini. J'ai payé. M. Ryan: Quand avez-vous réglé cela?

M. Laframboise: Le 16 juin, cette année.

M. Ryan: Comment cela s'est-il réglé?

M. Laframboise: C'est bien simple, j'ai payé. Je n'avais pas le choix.

M. Ryan: Ils vous ont donné en retour une reconnaissance...

M. Laframboise: En retour, je n'ai pas encore quoi que ce soit de cela. Cela me prendrait un papier comme de quoi je suis propriétaire de mes investissements. C'est au

moment du rachat qu'on va négocier cela. C'est pour cela que je me battais, ce n'est pas pour... J'avais beaucoup investi, j'avais investi pas mal plus que le loyer qu'ils me réclamaient. D'ailleurs, en étant dans la rétrocession, j'ai payé mon loyer parce que je ne veux pas racheter ce qui est à moi.

M. Ryan: Je veux simplement savoir. Vous avez réglé au mois de juin, vous dites?

M. Laframboise: Oui, cette année.

M. Ryan: Et vous avez payé vos arrérages. Combien leur deviez-vous à ce moment-là?

M. Laframboise: 60 000 $.

M. Ryan: 60 000 $. Et eux, qu'est-ce qui arrive avec les investissements que vous aviez faits?

M. Laframboise: C'est en suspens. M. Ryan: C'est en suspens.

M. Laframboise: Oui. Au moment de la rétrocession, j'espère beaucoup que cela ira à moi, que je ne serai pas obligé de racheter cela. On a eu une mainlevée, comme disent les avocats. Je ne comprenais pas tellement cela.

M. Ryan: Une mainlevée, c'est important.

M. Laframboise: Oui, sur les investissements.

M. Ryan: Vous avez eu une mainlevée sur ces choses-là?

M. Laframboise: Oui.

M. Ryan: Cela veut dire qu'en principe ils reconnaissent que c'est à vous.

M. Laframboise: Oui, que c'est à moi.

M. Ryan: C'est beaucoup. Je pense qu'il est important de le dire clairement.

M. Laframboise: C'est pour cela que j'ai payé.

M. Ryan: Pardon?

M. Laframboise: C'est pour cela que j'ai payé.

M. Ryan: C'est cela que je pensais, mais vous ne le disiez pas.

M. Laframboise: Non. Excusez-moi.

M. Ryan: Cela ne sortait pas. Là, votre loyer reste le même, vous payez à peu près 1200 $ par mois?

M. Laframboise: 1472 $.

M. Ryan: 1472 $ par mois. Combien vous avaient-ils payé comme indemnité lorsqu'ils vous ont exproprié?

M. Laframboise: 158 000 $...

M. Ryan: 158 000 $.

M. Laframboise: pour 200 acres et 2 maisons.

M. Ryan: Vous aviez un prêt de combien là-dessus à ce moment-là?

M. Laframboise: J'avais acheté de mon père. J'avais un prêt de presque 80 000 $ seulement au crédit agricole.

M. Ryan: Vous seriez prêt à racheter. M. Laframboise: Oui.

M. Ryan: Tantôt, M. Garon a posé une question à propos des conditions auxquelles vous seriez prêt à racheter. On va en parler avec le CIAC. On ne veut pas que vous vous avanciez trop là-dedans, séparément des autres. Vous dites que vous seriez prêt à payer le prix qui vous a été payé plus les intérêts depuis ce temps-là, les intérêts au taux qui a existé dans ces années-là, un taux moyen quelconque.

M. Laframboise: Oui, dans notre esprit, c'est environ 6%. C'est ce qu'ils nous ont toujours payé. Je pense même qu'il y a encore des cas d'expropriation en suspens et les intérêts sont au taux de 6%.

M. Ryan: Moins le loyer que vous avez payé depuis ce temps-là.

M. Laframboise: Oui.

M. Ryan: Y a-t-il d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte là-dedans? Il me semble qu'il y avait...

M. Laframboise: II y avait les dommages.

M. Ryan: Oui. Évidemment, vos investissements aussi.

M. Laframboise: Oui.

M. Ryan: Évidemment, vos investissements. Ils reconnaissent cela eux-mêmes, je pense.

M. Laframboise: Oui.

M. Ryan: Surtout s'ils vous ont donné une mainlevée, je pense qu'il n'y aura pas de problème là-dessus. Les dommages, avez-vous autre chose à dire que ce que vous avez dit tantôt? C'est difficile à vérifier quand on regarde votre propriété.

Des voix: Ah!

M. Laframboise: C'est vrai que j'ai eu de la chance.

M. Ryan: Vous y avez vu.

M. Laframboise: J'ai acheté cela de mon père. Mon père est venu au monde avant moi. Cela va bien. Si je n'avais pas acheté cela de mon père, ce serait impossible d'avoir cela aujourd'hui. Il ne faut pas rêver en couleur. Ce n'est pas l'expropriation qui fait que c'est si beau que cela.

M. Ryan: Vous dites que dans votre rang vous étiez sept agriculteurs résidents. Maintenant, vous êtes seul.

M. Laframboise: Le chemin Laurin, mon petit chemin. Les autres sont tous partis ou ils ont acheté une ferme en face.

M. Ryan: Est-ce que vous cultivez la même superficie aujourd'hui qu'il y a treize ans?

M. Laframboise: Oui, il y a une ferme de plus à côté.

M. Ryan: Une ferme de plus à côté que vous louez aussi.

M. Laframboise: C'est cela. Oui.

M. Ryan: À quel prix louez-vous celle-là?

M. Laframboise: C'est compris dans les 1472 $.

M. Ryan: C'est compris. M. Laframboise: C'est 310 acres. Une voix: Y compris les maisons. M. Laframboise: Oui.

M. Ryan: Les autres terres dans votre rang, est-ce qu'elles sont occupées par des gens qui ne cultiveraient pas la terre ou si ces propriétés sont inoccupées?

M. Laframboise: II y en a quelques-unes qui sont inoccupées et les autres sont cultivées par des gens qui demeurent en face. Ils demeurent chez eux parce que, en face de chez nous, ce n'est pas exproprié.

M. Ryan: Là, vous en avez qui ont acheté une terre l'autre côté, mais ils ont continué à en cultiver quelques-unes de ce côté-là.

M. Laframboise: C'est cela.

M. Ryan: Par conséquent, quand vous dites: Nous étions sept agriculteurs résidents, maintenant vous êtes seul, il faut nuancer cela.

M. Laframboise: Oui.

M. Ryan: II faut mettre tous les détails.

M. Laframboise: II n'y a quand même plus personne dans le rang.

M. Ryan: D'accord. Maintenant, quand vous dites que, dans la paroisse de Saint-Hermas, il se cultive 25% moins de terre arable qu'en 1969, c'est bien vérifié?

M. Laframboise: Oui. Je suis un adepte de motocross et je me promène pas mal sur les terres.

M. Ryan: Est-ce que c'est dans la partie au sud que ce ne serait pas cultivé surtout et qui est beaucoup plus sablonneuse?

M. Laframboise: II y a cela aussi. Il y a aussi dans mon rang. Même, dans mon rang, cela peut aller à presque 50%. Il y a des parties où cela va à 50%. C'est selon le terrain. C'est loué par des gens de l'extérieur du territoire. Ils prennent le meilleur du terrain et le reste...

M. Ryan: Est-ce que vous avez eu des conversations préliminaires avec la Société immobilière du Canada? Cela a l'air que vous la voyez plus souvent que d'autres qu'on a entendus.

M. Laframboise: Non. Nos relations ne sont pas très amicales.

M. Ryan: Mais est-ce que vous avez eu des conversations à propos des conditions de la revente éventuelle?

M. Laframboise: Non.

M. Ryan: II n'y a rien eu de cela.

M. Laframboise: Non.

M. Ryan: Tout ce que vous savez, c'est ce qu'ils vous ont envoyé par le journal.

M. Laframboise: Oui. Le journal de la Société immobilière du Canada, je le lis le moins possible.

Des voix: Ah!

M. Laframboise: On est absolument au courant que ce sont toutes des menteries qu'il y a là-dedans. Il n'y a rien de vrai là-dedans. Ce n'est que de la publicité.

M. Ryan: Le programme de revente, vous n'y croyez pas?

M. Laframboise: Oui. La rétrocession, ce n'est pas la même chose. Nous, c'est la rétrocession dont on parle. Ce n'est pas de la revente. Il y a une grande différence.

M. Ryan: Quelle est la différence entre les deux? Pouvez-vous m'expliquer la différence entre les deux pour que tout le monde comprenne?

M. Laframboise: Ce n'est pas la même chose. La revente, tu peux vendre à n'importe qui. Nous, on considère que ces terres-là nous ont été enlevées. On se considère comme chez nous.

M. Ryan: Je vais vous dire une chose. Parfois, il y en a qui, quand vous dites cela, disent que vous voulez ravoir toute votre terre pour rien. Moi, je leur dis que cela n'est pas vrai. Vous êtes prêts à la racheter à un prix raisonnable qui va correspondre à vos exigences, mais vous ne voulez pas vous faire donner cela pour rien. (22 heures)

M. Laframboise: Les gens du fédéral ont toujours dit qu'on avait été bien payés, on va bien les payer de la même manière.

M. Ryan: Vous n'avez donc pas eu de communication avec eux.

M. Laframboise: Non. J'ai écrit à M. Goyer; le lendemain, j'ai payé mon loyer et je n'ai pas encore eu de réponse. Je veux racheter ma ferme, c'est ça que je lui demande.

M. Ryan: Très bien.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. M. Laframboise, vous êtes un dirigeant de l'UPA dans notre région.

M. Laframboise: Oui.

M. de Bellefeuille: Vous venez de nous dire que vous êtes un membre convaincu du CIAC.

M. Laframboise: Oui.

M. de Bellefeuille: Est-ce que vous êtes membre de la Chambre de commerce de Mirabel?

M. Laframboise: Plus maintenant, je l'ai déjà été.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Dans le mémoire que vous nous avez présenté, vous mentionnez qu'en septembre 1981, l'huissier se présentait chez vous...

M. Laframboise: Oui.

M. Paradis: ... pour saisir tous vos biens et ceux de votre mère qui demeure dans l'autre maison de ferme.

M. Laframboise: Oui.

M. Paradis: Ils ont saisi pour environ 260 000 $ pour une dette de 42 000 $.

M. Laframboise: Oui. À ce moment-là, c'était 42 000 $.

M. Paradis: Ce n'est pas sur les montants, c'est une question de principe, c'est là-dessus que ma question porte. Est-ce que vous considérez cette saisie comme un exercice de droit de saisie abusif?

M. Laframboise: Oui, c'est pas mal fort.

M. Paradis: Est-ce que vous avez conservé la garde des biens ou est-ce qu'on vous a dépossédé de ces biens?

M. Laframboise: Non, j'avais la garde.

M. Paradis: Vous aviez la garde de tous les biens.

M. Laframboise: Oui. M. Paradis: Merci.

M. Laframboise: C'était une saisie avant jugement.

M. Paradis: Vous avez été nommé gardien.

M. Laframboise: Oui.

M. Paradis: C'est parce que, tantôt, le ministre de l'Agriculture faisait référence à la charte des droits et libertés; à l'article 8,

on voit que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Malheureusement, cette charte ne s'applique pas au Québec à la suite d'un vote qui fut pris en cette Chambre.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Arthabaska.

M. Garon: ... au droit d'affichage qui commence à être interdit dans les baux de la Société immobilière du Canada, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. Laframboise, pourriez-vous nous résumer comment cela se passait quand quelqu'un arrivait chez vous pour vous mettre dehors, en vous donnant un avis de 90 jours - comme on a entendu dire tout à l'heure - pour quitter les lieux, faire encan ou débarrasser les lieux? Comment est-ce que cela se passait? Est-ce que c'est parce que vous ou d'autres n'acceptiez pas l'offre du gouvernement?

M. Laframboise: Pour commencer, quand j'ai été saisi, c'est très simple. L'huissier s'est présenté et a tout saisi les biens.

M. Baril (Arthabaska): Excusez-moi. Au tout début, en 1969, quand cela a été exproprié.

M. Laframboise: Ah bon! d'accord.

M. Baril (Arthabaska): À un moment donné, vous avez appris qu'il y aurait un aéroport et que vous seriez exproprié.

M. Laframboise: Oui, oui. À ce moment-là, tout était assez beau, ils nous disaient de continuer comme si rien n'était et surtout de ne pas se déranger. On a eu bien des claques sur les épaules et on nous disait: Continuez, les gars, on a besoin de vous autres.

M. Baril (Arthabaska): Dans d'autres mémoires précédents, on a dit qu'après 90 jours, quelqu'un arrivait et que vous deviez quitter les lieux...

M. Laframboise: Ah oui!

M. Baril (Arthabaska): ... sortir des maisons et foutre le camp.

M. Laframboise: C'est dans la zone...

M. Baril (Arthabaska): Ce n'était pas chez vous, ça?

M. Laframboise: Non, c'est à Sainte-Monique, dans la zone plus près de l'aéroport. Par bonheur, on n'a pas eu ce dérangement parce qu'on est tellement loin de l'aéroport, chez nous.

M. Baril (Arthabaska): Vous avez eu d'autres dérangements.

M. Laframboise: Oui.

M. Baril (Arthabaska): Vous me répondrez si vous le voulez; si vous ne voulez pas, ça ne fait rien. Croyez-vous sincèrement que le gouvernement fédéral ou la société veut réellement rétrocéder les terres?

M. Laframboise: Oui, je suis optimiste de nature et je le crois, mais ça fait treize ans que j'attends ça.

M. Baril (Arthabaska): On vit d'espoir. M. Laframboise: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. M. Laframboise, je suis content parce que, tantôt, vous avez été assez honnête pour dire qu'on vous attendait. Malheureusement, on ne pouvait pas passer sur votre terrain parce qu'on aurait peut-être passé toute la journée là et qu'on n'aurait peut-être pas pu visiter ce qu'on aurait eu à visiter.

M. Laframboise: Oui, j'aurais aimé ça.

M. Houde: Est-ce que vous connaissez bien le maire Laurin?

M. Laframboise: Oui, oui, c'est mon grand ami.

M. Houde: C'est votre meilleur ami? M. Laframboise: Meilleur? Oui.

M. Houde: Pour la question de l'évaluation des terres, croyez-vous en son jugement?

M. Laframboise: Oui.

M. Houde: Lorsque j'ai posé la question à M. Laurin, quand nous sommes allés là-bas, et que je lui ai demandé quelle proportion de ses terres était exploitée, 50%, 60%, 80%, 90% - tantôt, vous nous avez dit qu'il y en avait 25%, dans bien des endroits, qui n'étaient pas exploitées - il nous a dit: Pas moins de 90% sont exploitées dans toutes les paroisses où l'expropriation a été faite. Est-ce qu'il a raison ou si c'est vous qui avez

raison?

M. La framboise: On a raison tous les deux.

M. Paradis: Ce sont deux amis.

M. Laframboise: C'est parce que lui, il parle de ferme à ferme alors que je parle de superficie. Presque toutes les fermes sont louées, mais pas toute la superficie. Il y a une grosse différence.

M. Houde: On peut jouer sur les mots, d'accord.

M. Garon: On ne joue pas sur les mots.

Le Président (M. Rochefort): Vous avez la parole.

M. Houde: C'est suffisant, merci.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? M. le député de Beauce-Sud, une dernière question.

M. Mathieu: Oui, une dernière question, M. le Président. Il y a des chiffres assez astronomiques dans le compte rendu de M. Laframboise. J'aimerais avoir un peu d'explications. Tout à l'heure, vous nous avez dit que vous avez reçu 158 000 $ d'indemnité.

M. Laframboise: Pour l'expropriation. M. Mathieu: Pour l'expropriation. M. Laframboise: Oui.

M. Mathieu: Maintenant, dans votre mémoire, il est mentionné que vous avez reçu 159 000 $ pour les investissements.

M. Laframboise: Pour des investissements qui ont été faits après, oui.

M. Mathieu: Avez-vous reçu d'autres montants?

M. Laframboise: Non.

M. Mathieu: Cela fait 217 000 $ à peu près. À combien évaluez-vous maintenant votre terre, la valeur marchande avec les investissements, à ce jour?

M. Laframboise: À ce prix-là. M. Mathieu: Combien?

M. Laframboise: À ce prix plus les intérêts.

M. Mathieu: Vous l'évaluez à 217 000 $?

M. Laframboise: Oui. Une voix: 317 000 $.

M. Laframboise: 317 000 $, il y a encore 100 000 $.

M. Mathieu: Oui, 317 000 $. Je me suis juste trompé de 100 000 $.

M. Laframboise: J'espère que M. Goyer va faire la même chose.

M. Mathieu: 317 000 $ plus les intérêts, moins le loyer.

M. Laframboise: Oui.

M. Mathieu: On voit des types qui ont des prêts de l'Office du crédit agricole et qui donnent 5000 $ ou 8000 $ par six mois; ce n'est pas rare. Cela fait un emprunt de 250 000 $, à peu près; ils bénéficient d'un rabais d'intérêt.

M. Laframboise: Pour des prêts de 300 000 $ et plus, cela fait 8000 $ par mois, vous dites?

M. Mathieu: Non, par six mois.

M. Laframboise: Oui, par six mois. C'est pour les 300 000 $ et plus.

M. Mathieu: Si votre prévision se réalise, vous ne vous considéreriez pas lésé?

M. Laframboise: Non, c'est ce que je voudrais avoir.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Voyons, qu'est-ce que je voulais lui demander? Vous m'avez pris par surprise. J'avais une question et je l'ai oubliée. Vous avez dit que vous n'étiez plus membre de la Chambre de commerce de Mirabel.

M. Laframboise: Oui.

M. Garon: Est-ce qu'il y a une raison? Si c'est indiscret, ne répondez pas.

M. Laframboise: C'est parce que j'étais trop pris par les assemblées agricoles, je n'avais plus le temps de m'en occuper.

M. Garon: Quand vous étiez membre de la Chambre de commerce de Mirabel, est-ce que vous avez constaté que beaucoup de cultivateurs étaient membres?

M. Laframboise: II y a quelques années, on était cinq ou six; c'était avant qu'il n'y ait de la bisbille. Cela allait mieux avant.

M. Garon: Aujourd'hui, il y en a plus ou moins?

M. Laframboise: Aujourd'hui, il n'y a plus de cultivateurs.

M. Garon: II n'y a pas de cultivateurs qui font partie de la Chambre de commerce de Mirabel?

M. Laframboise: C'est bien rare, un ou deux. C'est minime. On a déjà recommandé, à la chambre de commerce, que la commission parlementaire soit annulée ou quelque chose comme ça.

M. Garon: Quand vous avez été saisi, parce que vous n'avez pas payé votre loyer, dans les 60 000 $, il y avait quelle proportion en loyer et quelle proportion en frais judiciaires?

M. Laframboise: II y a 1000 $ de plus pour les frais judiciaires qui ne sont pas comptés là-dedans.

M. Garon: Les 60 000 $ étaient pour le loyer?

M. Laframboise: 62 000 $ ou quelque chose comme ça.

M. Garon: Deux ou trois ans de loyer? M. Laframboise: Depuis juin 1978.

M. Garon: Vous avez eu 1000 $ de frais judiciaires?

M. Laframboise: Oui.

M. Garon: Est-ce qu'il y avait eu beaucoup de subpoenas d'envoyés à ce moment-là?

M. Laframboise: Ah! mon Dieu, oui! M. Garon: Hein?

M. Laframboise: Oui, pas mal. Cela faisait au moins sept, huit... Oui.

M. Garon: À plusieurs personnes différentes.

M. Laframboise: C'est toujours moi qui recevais les subpoenas. J'ai eu aussi beaucoup de lettres sous pli recommandé, mais je m'étais dit: II faut aller au bout avec ça. Ce n'était pas une question d'argent, c'était une question de principe. Quand on se bat pour...

M. Garon: La question de principe que vous défendiez, c'était quoi?

M. Laframboise: C'est qu'on est chez nous. C'est simple. Nous autres, on se considère chez nous. On nous exproprie pour rien. C'est chez nous, c'est chez nous. Pour nous, on est encore chez nous. C'est pour ça que ça va mal avec notre propriétaire, d'ailleurs. On se considère tous les deux chez nous.

M. Garon: Je vous remercie, M. Laframboise.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil, une dernière question.

M. Ryan: Malgré toutes les péripéties que vous avez évoquées, vous, vous avez continué sans interruption d'exploiter cette ferme depuis 1969 et on peut dire que sa production s'est améliorée et la valeur de la ferme a continué de grossir grâce à votre bon travail.

M. Laframboise: Oui, à celui de ma famille aussi. Si on avait toujours attendu après les gouvernements, c'est bien simple, on serait parti, ce serait comme le restant de la paroisse.

Le Président (M. Rochefort): Au nom des membres de la commission, M. Laframboise, je vous remercie de vous être présenté devant nous. M. le ministre, une toute dernière.

M. Garon: Est-ce qu'au cours des années, quand vous avez requis - je le demande pour information, je voudrais le savoir - l'aide du gouvernement du Québec, soit des fonctionnaires ou des programmes, est-ce que, d'une façon générale, cela a été accepté ou que cela a-t-il été refusé? Est-ce que je peux savoir dans quel cas cela a été accepté et dans quel cas cela a été refusé?

M. Laframboise: On peut dire qu'on a eu assez d'aide. C'est surtout pour le crédit agricole. Nous, c'était impossible de l'avoir, parce que je n'avais pas de bail. Parfois, cela nous choquait un peu. J'aurais pris un bail. En n'ayant pas de bail, tu ne peux absolument rien avoir.

M. Garon: Vous n'aviez aucun crédit à court terme ou à long terme non plus?

M. Laframboise: Oui, à la caisse populaire, mais c'est toujours un intérêt assez élevé. Il n'y avait pas de problème pour emprunter, mais l'intérêt était pas mal plus élevé qu'au crédit agricole.

M. Garon: Cela fait un peu partie des dommages.

M. Laframboise: C'est ça.

M. Garon: Vous avez payé plus cher d'intérêts que vous auriez payé...

M. Laframboise: C'est ça.

M. Garon: ... si vous n'aviez pas été exproprié.

M. Laframboise: Les dommages, c'est ça.

M. Garon: Avez-vous eu accès aux travaux mécanisés ou au drainage souterrain?

M. Laframboise: Oui.

M. Garon: Vous avez eu accès au drainage souterrain?

M. Laframboise: Même durant les deux ans où on n'a pas eu de subvention, j'ai continué quand même d'en faire. Je n'ai jamais arrêté.

M. Garon: Avez-vous fait des travaux durant ces deux ans?

M. Laframboise: Oui.

M. Garon: Avez-vous demandé rétroactivement des montants?

M. Laframboise: On les a eus.

M. Garon: Vous avez eu les montants.

M. Laframboise: C'est parfait, oui. Tous est rentré dans l'ordre.

M. Garon: Quand il y a eu du drainage souterrain, vous, vous payiez votre part.

M. Laframboise: Oui.

M. Garon: Vous payiez le montant complet et vous aviez votre subvention?

M. Laframboise: C'est ça, oui.

M. Garon: Demandiez-vous l'autorisation à la société...

M. Laframboise: Du tout. Pour moi, c'est chez nous. Je n'ai d'autorisation à demander à personne.

M. Garon: Mais vous savez qu'à 18 000 $, ce n'est pas un mauvais loyer!

M. Laframboise: C'est un des loyers les plus élevés sur le territoire.

M. Garon: Comment était-ce évalué à l'arpent?

M. Laframboise: Le prix, je vous le dirai franchement, je ne le sais pas. En 1978, c'est comme une promesse de bail que j'avais signée. À l'arpent, cela me serait difficile de le préciser.

M. Garon: 300 arpents à 18 000 $, c'est...

M. Laframboise: C'est 310 acres. M. Garon: 310 acres. M. Laframboise: Oui.

M. Garon: 18 000 $, c'est un des taux les plus élevés dont j'aie jamais entendu parler.

M. Laframboise: Oui. Et les bâtisses... M. Garon: Les bâtisses... M. Laframboise: Oui, mais...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laframboise: ... il y a une partie pour laquelle j'ai été remboursé sur ces bâtisses, il faut le dire. C'est pour cela que c'est assez élevé, mon loyer, parce que, en 1977, quand je voulais racheter ma ferme, on ne voulait pas me la revendre. On m'a dit: À la place, on va te payer tes investissements. Nous, quand on finançait ça, en 1977, l'argent nous coûtait 12% et 14%. Les autres agriculteurs l'avaient à 8%.

M. Garon: Les autres l'avaient à 8%.

M. Laframboise: Cela avait lieu en 1977, cela fait quelque temps, c'était pas mal plus cher que cela.

M. Garon: Vous, ce que vous payez en plus, c'est l'impôt sur les intérêts de l'argent.

M. Laframboise: C'est ça.

M. Garon: Si vous aviez eu le crédit agricole, vous auriez payé 8% sur 250 000 $ et la plus-value n'aurait pas été taxée.

M. Laframboise: C'est ça. Pour nous autres, c'est ça qui est le pire, c'est la plus-value qu'on a perdue.

M. Garon: Pour un homme comme vous, il y a eu des dommages considérables, si on regarde ça, en termes de grande valeur. Avec les implications fiscales des

transactions que vous faisiez, par rapport à la situation qui aurait eu lieu, si vous n'aviez pas été exproprié.

M. Laframboise: Bien oui. (22 h 15)

M. Garon: II y a des conséquences considérables en termes d'argent.

M. Laframboise: Oui, c'est énorme, surtout que j'ai un fils qui est très intéressé. On n'a plus de temps à perdre. Il faut agir.

M. Garon: Quel âge aviez-vous quand vous vous êtes établi à ce moment-là?

M. Laframboise: Quel âge j'avais? Vous êtes indiscret, mais...

Des voix: Ah! Ah!

M. Laframboise: ... 41 moins 13, cela fait treize ans. J'ai 41 ans.

M. Garon: 28 ans.

M. Laframboise: Oui, c'est cela, 28 ans. Cela faisait un an que je venais d'acheter de mon père. Aujourd'hui, je ne regrette rien, mais il n'aurait peut-être pas fallu que j'achète de mon père. Si je n'avais pas acheté de mon père, au moment de l'expropriation on serait parti. Cela aurait été merveilleux. Aujourd'hui, je serais chez moi.

M. Blouin: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: ... une très brève question qui va demander une brève réponse, d'ailleurs, comme je m'y étais engagé. Connaissez-vous l'ensemble des fermes situées sur le territoire exproprié? Vous connaissez aussi, je présume, le montant du loyer moyen que paient les agriculteurs qui sont situés sur ce territoire. Considérez-vous que, compte tenu de ce qu'on vous loue, vous payez plus, moins ou la même chose que les autres expropriés?

M. Laframboise: À comparer, je paie plus cher que les autres, parce que je me suis fait rembourser les investissements.

M. Blouin: Tout compte fait, donc, c'est à peu près comparable aux autres.

M. Laframboise: C'est plus, pas mal plus, si je compare.

M. Blouin: Malgré les remboursements? M. Laframboise: Oui.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Vous avez un bail actuellement, depuis le mois de juin.

M. Laframboise: Oui, j'ai une promesse... J'ai signé en juin 1978; c'est encore en vigueur et cela va finir je ne sais pas quand.

M. Ryan: Pour quelle durée? Un an?

M. Laframboise: Je ne peux pas vous le dire. Dans ce temps-là, c'était pour cinq ans, je pense, quelque chose comme cela. Je n'ai même pas regardé la durée.

M. Ryan: Si vous voulez regarder cela et nous le dire après.

M. Mathieu: M. le Président, je voudrais seulement savoir quel prix M. Laframboise a payé à son père en 1968.

M. Laframboise: Quel prix j'ai...

M. Mathieu: Vous avez payé à votre père.

M. Laframboise: Les deux fermes et les deux maisons, c'était...

M. Mathieu: Tout ce qui fait partie de l'expropriation.

M. Laframboise: ... tout près de 90 000 $. Oui, on peut dire 90 000 $.

M. Mathieu: Que vous avez payé à votre père?

M. Laframboise: Oui.

M. Mathieu: D'accord. Merci.

M. Laframboise: Mais il y avait des animaux. Non, ce chiffre n'est pas exact. Il y avait des animaux et des quotas. Il y avait un paquet de choses là-dedans.

M. Mathieu: Peut-on couper ce chiffre en deux?

M. Laframboise: Pour le terrain, oui. M. Mathieu: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. Laframboise, au nom des membres de la commission, je vous remercie de vous être présenté devant nous. J'inviterais maintenant M. André Richer à prendre place.

M. André Richer

M. Richer (André): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Soyez le bienvenu à cette commission, M. Richer. Je vous demanderais sans plus tarder de nous présenter votre mémoire.

M. Richer: Lors de l'expropriation de 1969, j'ai été réglé selon une politique bien à eux, c'est-à-dire aucun dossier. Ce n'est que plus tard que le CIAC s'est formé et étant membre... Malgré son travail ardu, je n'ai réussi à avoir qu'un très mince dossier, c'est-à-dire une feuille sur laquelle on ne me payait que 155 arpents, alors que j'en possédais 169. D'après quelques renseignements et une photocopie du livre de renvoi, j'avais vraiment 169 arpents. C'est à ce moment que j'ai fait parvenir une photocopie de mon dossier à ce groupe de vautours de Sainte-Scholastique, mais, comme je n'avais aucune nouvelle, je me suis décidé à aller rencontrer mon député qui, à ce moment-là, était M. Francis Fox et qui, après m'avoir écouté et avoir pris connaissance de ces quelques documents, a trouvé la chose vraiment écoeurante. À partir de ce moment, mon dossier a été transféré à Ottawa. On a tout essayé, jusqu'à m'envoyer un autre dossier qui était pire que le premier, car on me payait mes arpents mais on m'enlevait la laiterie, 2500 $. Après plusieurs lettres de Francis Fox pour essayer d'éclaircir ce cas, ceci s'est avéré encore nul. Malgré tout cela, il nous fut accordé une entrevue avec M. Mathieu et Ti-Poil Desjardins, qui devaient supposément éclaircir l'affaire, mais cette rencontre fut horrible car ils s'en tenaient à dire que la laiterie était payée, mais que c'était nous qui ne comprenions pas bien le dossier.

Je suis allé rencontrer M. Normandin qui, à son tour, nous a sorti quelque chose. Lui avait des bâtiments au bout de la ferme et supposément, selon lui, encore un chemin. Je lui ai demandé s'il aimerait demeurer en plein champ, car ceci est pour dire qu'après plusieurs années, nous sommes toujours au même point. Jamais il n'y a eu éclaircissement sur cette affaire. Voilà la question que je me pose en 1982: Lors de la rétrocession, le gouvernement va me rétrocéder 155 arpents ou 169 arpents? Ceci est un point d'interrogation. Pour terminer, une autre question: Est-ce qu'il est permis de rêver, s'il y avait des bâtiments sur les quatorze arpents non payés, que ces bâtisses m'appartiennent? Je l'espère de tout mon coeur, alors j'aurais seulement le terrain à négocier.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: À quel endroit demeurez-vous?

M. Richer: À Saint-Hermas.

M. Garon: Alors, vous faites partie des gens qui vont avoir la rétrocession?

M. Richer: Oui.

M. Garon: Combien vous ont-ils payé à ce moment?

M. Richer: Ils m'ont payé 210 $ l'arpent.

M. Garon: Êtes-vous loin de chez M. Laframboise?

M. Richer: Un mille.

M. Garon: Quand vous allez avoir la rétrocession, quel prix vous attendez-vous de payer?

M. Richer: Le prix qu'ils m'ont donné, moins les contraintes, moins les dommages.

M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC? M. Richer: Oui.

M. Garon: Chez vous, les gens sont-ils membres du CIAC?

M. Richer: Tous, oui.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce.

M. Richer: Non, j'aime mieux ne pas l'être. Une chance qu'on a le CIAC parce que c'est lui qui nous sauve.

M. Garon: Quelles sont les choses qu'a faites pour vous le CIAC depuis...

M. Richer: Ne pas l'avoir eu, on ne serait pas ici aujourd'hui.

M. Garon: Depuis treize ans?

M. Richer: Depuis treize ans c'est lui qui nous a maintenus dans la lutte et on va finir par la rétrocession, il va falloir en venir à ça, il n'y a pas d'autre moyen.

M. Garon: Qu'est-ce que vous pensez de ceux qui n'auront pas de rétrocession?

M. Richer: Us sont bien malheureux. M. Garon: Qu'est-ce que les gens disent

chez vous par rapport à ceux qui vont avoir la rétrocession et ceux qui ne l'auront pas?

M. Richer: Ceux qui vont être pris là-dedans et M. Goyer sont bien à plaindre.

M. Garon: Dans quel sens?

M. Richer: Dans le sens que c'est un homme qui n'a pas d'allure.

M. Garon: L'avez-vous rencontré?

M. Richer: J'aime autant ne pas le voir.

M. Garon: Vous dites ça dans quel...

M. Richer: C'est un gars qui n'est pas parlable, j'en ai entendu parler et je ne veux rien savoir de lui.

M. Garon: Quand vous avez été exproprié, quelle était votre production?

M. Richer: Production laitière.

M. Garon: Maintenant, c'est encore la production...

M. Richer: C'est la terre paternelle, c'est la cinquième génération chez nous et je ne suis pas intéressé à partir.

M. Garon: Avez-vous la même production que dans ce temps?

M. Richer: Pareille.

M. Garon: Avez-vous progressé?

M. Richer: On ne peut pas grossir, mon étable est finie et on ne peut pas reconstruire. Ils me disent d'attendre la rétrocession. J'ai été les voir au mois de juillet et ils m'ont dit: Attendez, on va vous revendre la terre, ne faites rien. J'attends, ça fait treize ans qu'on attend et on va attendre encore.

M. Garon: Êtes-vous dans le lait industriel ou le lait nature?

M. Richer: Lait nature.

M. Garon: Vous avez toujours été dans le lait nature?

M. Richer: Toujours, j'ai 44 ans, j'avais quatorze ans quand j'ai commencé, ça fait 30 ans que je suis là-dedans.

M. Garon: Cela fait 30 ans que vous êtes dans le lait nature?

M. Richer: Toujours, mon père était là et cela a toujours continué. Je ne suis pas intéressé à lâcher parce que je ne sais pas faire autre chose.

M. Garon: Le loyer qu'ils vous prennent, c'est quel...

M. Richer: J'avais un bail de cinq ans, ça fait sept ans qu'il est fini et je suis au mois.

M. Garon: Pourquoi?

M. Richer: Parce que je ne veux rien savoir d'eux. Ils ont essayé d'avoir un bail, il y a deux ans. Je leur ai dit: Je ne veux rien savoir de vous.

M. Garon: Ils vous demandent combien.

M. Richer: Je paie 201 $ par mois. Un bail double à un moment donné. Ils ont essayé de m'en faire signer, il y a deux ou trois ans et ils doublaient tout. J'ai dit: Je ne suis pas intéressé, restez chez-vous, je vais rester chez-nous. Moi, c'est comme cela que ça marche.

M. Garon: Avez-vous des enfants? M. Richer: J'ai trois enfants.

M. Garon: Vous avez des garçons et des filles.

M. Richer: II a 17 ans et il ne veut rien savoir. Arrangés comme on l'est, il ne veut rien savoir de chez-nous.

M. Garon: J'ai mal compris.

M. Richer: Arrangés comme on l'est là et se faire piller comme cela, à loyer, il ne veut rien savoir de la ferme, il ne veut rien savoir.

M. Garon: Votre garçon? M. Richer: Oui. Il a 17 ans.

M. Garon: Quel âge a-t-il? Il a 17 ans.

M. Richer: Oui.

M. Garon: Vous en avez deux autres?

M. Richer: J'en ai un de douze ans et une petite fille de six ans. Il m'a dit: Arrangés de même, l'expropriation, des affaires comme cela, cela ne marche pas.

M. Garon: Mais, s'il y avait la rétrocession, pensez-vous que cela l'intéresserait?

M. Richer: Peut-être. Pour le moment, il ne veut rien savoir. Cela fait treize ans qu'il en entend parler et il ne veut plus en entendre parler.

Une voix: II a bien raison.

M. Garon: Je vous remercie, M. Richer

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: D'après ce que je comprends, M. Richer, le problème que vous soumettez dans votre mémoire, c'est celui de la laiterie qui a été annexée à votre ferme.

M. Richer: Oui.

M. Ryan: Ils n'ont pas compris cela.

M. Richer: Ils l'ont compris. M. Fox l'avait compris et c'est l'affaire la plus écoeurante que je n'ai jamais vue. Il a dit: Ils vont te régler ton cas. Ils ont envoyé M. Mathieu d'Ottawa, ils sont venus à Sainte-Scholastique, ils ont essayé de nous faire des menaces, ils étaient cinq et moi j'étais seul dans mon coin et j'ai dit: Vous ne me ferez pas peur ici aujourd'hui. Cela a passé comme cela. Ils ont trouvé que c'était mauvais, mais cela ne me fait rien. Ils n'ont jamais gagné avec moi et ils ne gagneront jamais.

M. Ryan: Maintenant, quand ils vous ont versé votre indemnité d'expropriation...

M. Richer: Oui.

M. Ryan: Est-ce que vous avez signé une formule quelconque?

M. Richer: Non. J'ai signé il y a trois ans, en 1977; il y avait une gracieuseté et je ne l'ai jamais réclamée parce qu'ils me devaient des arpents et je leur ai dit: Payez-moi et je vais vous payer après. En 1977, je me suis tanné d'attendre, ma femme était en train de se rendre malade et j'étais en train de me rendre malade avec cela. J'ai dit: Je vais vous payer mon loyer et cela finit là. Je les ai payés pour avoir la paix. La paix vaut plus qu'autre chose.

M. Ryan: Avez-vous consulté un avocat, en cours de route?

M. Richer: Je suis allé en voir un et il m'a dit qu'il n'y avait rien à faire avec le gouvernement.

M. Ryan: M. Normandin que vous êtes allé rencontrer, qui était-il?

M. Richer: C'est un homme avec qui j'ai négocié et je ne l'ai pas aimé. Je lui ai dit en pleine figure, je lui ai dit ma façon de penser et il ne l'a pas aimée. Il était mieux de la prendre, parce que c'est comme cela.

M. Ryan: Vous ne savez pas où vous en êtes avec cela encore aujourd'hui?

M. Richer: Cela a resté en suspens et je ne veux rien savoir d'eux.

M. Ryan: Vous avez...

M. Richer: Je leur ai payé mon loyer et je ne veux rien savoir d'eux.

M. Ryan: Quand ils vous envoyaient un chèque est-ce qu'ils ne vous disaient pas qu'en encaissant ce chèque, c'était...

M. Richer: Ils nous ont envoyé notre dossier dans lequel ils me disaient qu'ils m'enlevaient la laiterie et qu'ils payaient mes arpents. Quand j'ai vu cela, je leur ai payé le loyer pour avoir la paix. Ils ont voulu me signer un bail et je leur ai dit: Signer un bail, jamais! J'en ai signé un une fois dans ma vie et je n'en signerai pas d'autres.

M. Ryan: Le chèque d'indemnité vous l'avez encaissé sans faire...

M. Richer: En 1977 et ils m'ont payé l'intérêt à 5% du montant qu'ils me devaient.

M. Ryan: Depuis 1969.

M. Richer: Je leur ai dit: Un bail je n'en veux pas d'autres. Ils ne m'ont jamais rachalé et ils étaient mieux aussi.

M. Ryan: Je suppose qu'eux vous disent qu'en encaissant cela...

M. Richer: Ils ne m'ont jamais parlé de rien. Ils ont essayé deux ou trois fois à avoir un autre bail et je leur ai dit: Un autre bail cela ne m'intéresse pas. J'en ai eu un une fois et c'est assez dans ma vie.

M. Ryan: Votre bail était échu depuis quand, vous avez dit tantôt?

M. Richer: Depuis 1976.

M. Ryan: Depuis 1976. Cela fait six ans.

M. Richer: Depuis 1976.

M. Ryan: Là, ils voulaient vous augmenter. Vous étiez à 205 $ par mois.

M. Richer: À 201 $ et pour la maison

ils demandaient 100 $ ou 120 $. J'ai dit: Non. Vous m'avez assez volé, c'est fini cela.

M. Ryan: Puis ils vous ont laissé là.

M. Richer: Ils m'ont laissé là, c'est mort là, et c'est mieux comme cela.

M. Ryan: Avez-vous eu connaissance de cas de citoyens comme vous avec qui ils ne s'entendaient pas sur le montant du loyer et qu'ils les auraient évincés de leur ferme, à cause de cela?

M. Richer: C'est la "belle gang" de Sainte-Scholastique.

M. Ryan: Pardon?

M. Richer: La "belle gang" de fonctionnaires de Sainte-Scholastique.

M. Ryan: Puis vous, ils vous ont laissé sur votre ferme?

M. Richer: Oui.

M. Ryan: Ils ne vous aimaient pas trop, mais ils vous ont laissé sur votre ferme?

M. Richer: Ils étaient mieux, parce que cela n'aurait pas marché.

M. Ryan: Vous payez toujours le même loyer que sur le bail précédent?

M. Richer: Je paie 201 $ et mes chèques sont faits six mois d'avance et cela marche comme cela et cela va marcher comme cela. Tant qu'il n'y aura pas de rétrocession, je ne veux rien savoir d'autre.

M. Ryan: Ils encaissent vos chèques et ils ne disent pas un mot.

M. Richer: Us sont mieux.

M. Ryan: Et ils ne vous envoient pas d'avis quelconque? (22 h 30)

M. Richer: Ah non! Qu'ils ne viennent pas parce qu'ils vont mal sortir. C'est comme cela que je le prends. On s'est fait enlever nos terres. Je suis là depuis l'âge de quatorze ans. Cela fait 30 ans. On a de la misère à arriver et c'est dans tout. Ils ne viendront pas me mettre dehors aujourd'hui ou demain. Je n'ai que cela à dire. Je n'ai pas autre chose. S'ils viennent me sortir, je vais sortir, mais ils vont avoir chaud.

M. Ryan: Vous seriez prêt à reprendre cela.

M. Richer: La rétrocession. Pas racheter, mais la rétrocession. Racheter, cela ne m'intéresse pas. Ma terre, je la vends. On a quatre générations. La cinquième génération, ce sont mes enfants. Ma terre, je veux l'avoir et je vais l'avoir.

M. Ryan: Ce sera aux mêmes conditions que M. Laframboise disait tantôt.

M. Richer: Aux mêmes conditions. S'ils veulent ambitionner, parce qu'ils ont essayé d'ambitionner, ils n'ambitionneront pas sur moi.

M. Ryan: Avez-vous mis des améliorations là-dessus?

M. Richer: Pas beaucoup. M. Ryan: Pas beaucoup. M. Richer: Non.

M. Ryan: II n'y aura pas beaucoup de chicane là-dessus.

M. Richer: Pas de chicane. C'est pour cela que je n'en ai pas fait.

Le Président (M. Houde): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Finalement, ce que je retiens de votre mémoire, M. Richer, c'est qu'évidemment on a tous compris que vous étiez un homme déterminé.

M. Richer: Je n'ai qu'une parole; je la dis et c'est fini.

M. Blouin: Je pense que vous avez raison de l'être. Les hommes et les femmes les plus déterminés dans cette région seront finalement ceux qui, quand tout le cauchemar sera terminé, s'en tireront probablement le mieux. Vous me direz si c'est la perception que vous avez. Vous êtes la quatrième génération.

M. Richer: La cinquième, ce sont mes enfants.

M. Blouin: Lorsque vous avez signé le bail, que votre femme et vous-même commenciez à être un peu déstabilisés sur le plan personnel parce que vous en aviez assez de vous faire harceler et que, maintenant, vous voyez l'avenir de façon curieuse, étant donné que vous ne pouvez pas améliorer votre affaire et compte tenu de votre état de locataire, votre fils n'est pas intéressé à vivre les mêmes...

M. Richer: Pas dans les présentes conditions.

M. Blouin: ... problèmes que vous avez

vécus. C'est un peu cela, finalement, le drame que vous vivez actuellement. C'est de ne pas être capable de voir l'avenir clairement et de pouvoir fixer vos conditions de vie.

M. Richer: Je ne suis capable de rien faire actuellement. Rester à loyer, ce n'est pas une vie, premièrement, pour un cultivateur. Cela fait treize ans que je suis assis et j'attends. Mes enfants n'attendront pas longtemps. J'ai assez attendu et les enfants n'attendront pas.

M. Blouin: Je retiens beaucoup votre mémoire parce que je pense que le cheminement humain que vous avez vécu est assez caractéristique de bon nombre d'expropriés. Merci, M. Richer.

M. Richer: Ce soir, il y a peut-être des espions ici, mais cela ne me dérange pas.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cela va? M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: II y a une question qui m'intrigue. Vous avez mentionné que vous n'aviez pas fait d'amélioration.

M. Richer: Non.

M. Paradis: Est-ce que vous attribuez cette situation au fait que vous n'aviez pas les titres de propriété?

M. Richer: J'ai voulu en faire et ils m'ont dit: Ne pose pas une poignée de porte sans nous le dire, sans nous avertir.

M. Paradis: Mais vous avez voulu en faire.

M. Richer: J'ai voulu en faire. Les réparateurs sont arrivés.

M. Paradis: D'accord. C'est ce que je voulais savoir.

M. Richer: Ils sont venus chez nous et m'ont dit: Ne posez pas une poignée de porte sans nous avertir. Je n'en ferai pas de réparation non plus. Je suis aussi intelligent qu'eux autres; je ne dépenserai pas d'argent pour le leur laisser. J'ai compris cela de cette façon: rester à loyer. Si cela continue, les gens vont tous partir. Ce n'est pas une vie rester à loyer, pas pour un cultivateur. Une maison peut-être, mais pas un cultivateur. Jamais.

M. Houde: Combien avez-vous d'acres, d'arpents, si vous voulez?

M. Richer: J'ai 159 arpents.

M. Houde: Combien? M. Richer: 159 arpents. M. Houde: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. Richer, au nom des membres de la commission, je vous remercie de vous être présenté devant nous.

J'inviterais maintenant Mme Françoise Drapeau-Monette à prendre place à la table. Bienvenue à la commission, Mme Drapeau-Monette. Je vous demanderais, sans plus tarder, de nous présenter votre mémoire.

Mme Françoise Drapeau-Monette

Mme Drapeau-Monette: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire. Comment un gouvernement m'a ravi mon héritage!

Mon héritage était le suivant. J'obtenais de mon père, à un prix significatif, la résidence que j'occupais au 11406 Côte-des-Anges, Sainte-Scholastique, à condition d'héberger mes parents jusqu'à leur mort, lorsque rendus à leur retraite. En novembre 1968, mon père rencontre son ami, le notaire, dans la rue du village et lui dit: Je vais te téléphoner cette semaine pour prendre rendez-vous avec toi; j'aurais une transaction à faire avec ma fille. Le notaire de répondre: On ne peut faire aucune transaction, quelque chose s'en vient à Sainte-Scholastique, tout est gelé, tu communiqueras avec moi un peu plus tard.

Le 27 mars 1969, à 15 heures, on entend dire à la radio que Sainte-Scholastique est expropriée. Pour savoir si nous faisions partie de cette expropriation nous avons vérifié notre numéro de lot dans le journal - c'était la Presse - et c'est là que nous apprenons notre dépossession.

Mon père possédait deux résidences. Il habitait sur la ferme et me louait l'autre en attendant qu'il puisse mettre cette demeure à mon nom.

À l'annonce de cette expropriation, j'ai vite réalisé que mon héritage était en danger. Le gouvernement fédéral ne voulant pas me reconnaître comme intervenante valable, je n'avais droit à aucune compensation. On refusa de payer le plein prix pour cette résidence à mon père et on donna comme raison que ce n'était pas lui qui l'habitait et que, s'il n'acceptait pas les 12 000 $ pour la maison, 1000 $ pour le terrain de 200 pieds sur 200 pieds et 1000 $ pour le puits, le puisard et l'asphalte, ce qui faisait un tout de 14 000 $ - une maison bâtie en 1963, de cinq pièces et demie, finie en pierres et briques, que la famille avait construite elle-même au prix de 12 000 $; cela veut dire qu'ils ne nous donnaient absolument rien pour le travail que nous

avions fait - d'aller faire trancher la question par la cour.

Vient le temps de négocier le bail avec le fédéral. Avant l'expropriation je payais un loyer symbolique à mon père, soit 25 $ par mois, ce qui représentait le prix des taxes. Le fédéral m'en demanda verbalement 125 $ par mois. Je demande alors de mettre ce montant sur papier et ils écrivent 95 $ par mois.

À force de négociations avec un fonctionnaire, un autre et un autre, je règle avec Michel Brunet, qui était le président du BANAIM à ce moment-là, pour 70 $ par mois. Maintenant, le loyer est plus élevé et les taxes sont à part; je me suis toujours arrangée avec mes réparations et l'entretien.

Je ne vous énumérerai pas ici le travail de la négociation, qui se répète d'ailleurs à tous les ans, mais je peux déposer toute la correspondance (avis d'huissier) qu'a exigée cette négociation. Si j'avais pu me décourager et décider de partir, cela aurait fait une sacrée belle demeure pour un certain fonctionnaire fédéral qui misait dessus, c'était très visible.

La perte de mon héritage me fait mal! Je demandai au gouvernement fédéral un dédommagement pour la perte qu'il me causait. On m'accorda 150 $ comme à tous les autres locataires du territoire et le fonctionnaire de me dire: "Que ton père te donne une autre maison", ce qui était impensable car lui aussi était délogé. Il lui fallait se réinstaller. Mon père ne pouvait pas me faire la même offre car il fallait qu'il finisse d'élever le reste de la famille.

À force de ténacité de la part de mon comité, le CIAC, je parviens à me faire reconnaître et on accepte de me donner 3000 $ en juin 1979. C'est bien, mais que valent ces 3000 $ aujourd'hui, en 1982?

Si le gouvernement fédéral n'était pas venu nous déranger, maintenant que nous savons que l'expropriation est inutile, je serais en sécurité aujourd'hui. J'ai deux enfants, je désire leur laisser des biens. Si je ne m'étais pas fait enlever mon héritage, mon rêve pourrait être réalisé. Je voudrais reprendre ma demeure au prix qu'elle a été payée, moins les dommages, moins les contraintes, plus l'intérêt payé au règlement, moins l'investissement, sans compter les harcèlements et les dommages moraux irréparables.

Je vous dis merci, messieurs du gouvernement du Québec, de m'avoir fourni la possibilité de faire connaître un petit peu ma situation qui aurait pu être sécuritaire en 1982. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci, madame.

M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Mme Monette, qu'est-ce qui est arrivé à la terre de votre père? Vous avez gardé la maison où vous êtes locataire?

Mme Drapeau-Monette: Mon père avait une terre - la terre paternelle - et une résidence et je demeurais dans une autre résidence où se trouvait la terre des ancêtres, mais elle avait été vendue avant l'expropriation. Mon grand-père avait gardé un terrain de 200 pieds sur 200 pieds et on avait construit cette maison.

M. Garon: Et la terre elle-même, est-ce que vous l'avez actuellement?

Mme Drapeau-Monette: Non, la terre a été expropriée. Au moment de l'expropriation, c'est le Dr McCall qui était locataire. En 1969, j'habitais une résidence sise sur un terrain de 200 pieds sur 200 et j'y suis toujours, dans la résidence qu'on avait construite en 1963 sur ce lot.

M. Garon: C'est cette maison...

Mme Drapeau-Monette: ... où j'habite.

M. Garon: ... que vous voudriez vous voir rétrocéder, qui aurait été votre héritage.

Mme Drapeau-Monette: C'est cela.

M. Garon: Depuis ce temps, quelles ont été vos relations avec la Société immobilière du Canada?

Mme Drapeau-Monette: Je dois vous dire que des relations avec la société immobilière, je n'en ai pas tellement. J'en ai eu au début, mais j'en ai tellement gardé de mauvais souvenirs que maintenant nos relations se font par lettres sous plis recommandés. Je ne leur demande pas grand chose parce que je connais la réponse. Je vais vous expliquer la situation assez brièvement. Si le chauffage fait défaut, si on n'a plus de chauffage le 24 décembre à 10 h 30, cela donne quoi d'appeler au bureau? Je l'ai fait, j'ai appelé au bureau et on m'a dit d'appeler après le jour de l'an parce que le personnel était en vacances. Le 24 décembre, c'est bien de valeur, mais on a besoin de chauffage!

Une fin de semaine, un vendredi, à 4 h 30 de l'après-midi, on n'a plus d'eau. On appelle au bureau. C'était le 11 octobre, c'était l'Action de grâce ou je ne sais trop quoi. On nous a dit: Vous rappellerez mardi matin. Cela fait vendredi, samedi, dimanche, lundi, pas d'eaul Là, je me suis dit: Cela donne quoi? Avant, on faisait nos réparations. Cela ne donne absolument rien. Je me suis habituée à faire mes réparations et à ne rien leur demander. Premièrement, si vous leur demandez quelque chose, c'est la

ribambelle d'entrepreneurs qui viennent chez vous. La plupart du temps, ce n'est pas fait à notre goût. Ensuite, ils ont le droit d'augmenter votre loyer entre 11% et 13% et cette augmentation est à perpétuité. Chaque année, on a notre bail à renouveler. Cette année, c'est 6% d'augmentation; avant, c'était 10%. Cette année, c'est 6%, mais on nous enlève les taxes de notre montant de loyer. On va recevoir un compte de la municipalité exactement comme un propriétaire. Au début, je me suis dit: D'habitude, au Québec, c'est le propriétaire seul qui reçoit un compte d'évaluation; cela veut donc dire que je suis propriétaire. Mais ce n'est pas tout à fait cela. Comme locataire, je reçois un compte de taxes de la municipalité et je n'ai pas le droit de contester mon évaluation. Cela va donner quoi? Une augmentation à deux endroits.

M. Garon: Vous payez vos taxes actuellement?

Mme Drapeau-Monette: Oui.

M. Garon: Et vous payez le loyer aussi?

Mme Drapeau-Monette: Dans le moment, on a un montant pour le loyer et un montant pour les taxes qu'on paie ensemble au fédéral. À partir du 1er janvier - on a été avisé par lettre recommandée -on ne paiera que le montant du loyer au fédéral; on va recevoir un compte de taxes de la municipalité et de la commission scolaire exactement comme un propriétaire.

M. Garon: Êtes-vous dans la zone qui va être rétrocédée?

Mme Drapeau-Monette: Non. Je suis à peu près à 10 000 pieds du parc industriel, dans la Côte-des-Anges.

Une voix: Est-ce que vous...

Mme Drapeau-Monette: Si vous voulez, mais d'ici à ce que l'aéroport se développe...

Une voix: ...

M. Garon: Je ne vois pas.

Mme Drapeau-Monette: Je suis tout près du boulevard Industriel.

Une voix: II est là, le boulevard Industriel.

Mme Drapeau-Monette: Bon.

M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC.

Mme Drapeau-Monette: Oui, je suis membre du CIAC.

M. Garon: À Sainte-Scholastique, est-ce qu'il y en a beaucoup qui sont membres du CIAC? Cela veut dire quoi quand vous dites oui?

Mme Drapeau-Monette: À Sainte-Scholastique même, les chiffres, je ne les ai pas en tête. Il y a une bonne... Enlevons quelques fonctionnaires et quelques amis des fonctionnaires et les gens de Sainte-Scholastique sont pas mal tous membres du CIAC.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

Mme Drapeau-Monette: Non, monsieur. M. Garon: Vous ne l'avez jamais été.

Mme Drapeau-Monette: Non et je ne désire pas l'être.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Comme vous l'avez dit, madame, la maison que vous occupez n'est pas dans la zone où le gouvernement a annoncé qu'il était pour revendre les résidences. Par conséquent, d'après les plans qui ont été annoncés, ça va rester en location pour une période indéfinie. (22 h 45)

Mme Drapeau-Monette: Comment se fait-il, M. le député, qu'ils peuvent nous louer pour une période indéfinie et qu'ils ne peuvent pas nous vendre, c'est-à-dire nous rétrocéder? Est-ce que les avions sont plus nuisibles ou font plus de bruit lorsqu'on est propriétaire?

M. Ryan: Regardez, je ne viens pas justifier la politique de qui que ce soit. Je pose juste la question pour qu'on s'entende bien clairement. Vous allez exprimer votre opinion, je vais aussi exprimer la mienne.

Mme Drapeau-Monette: C'est que je me pose la question: Pourquoi n'avons-nous pas le droit d'avoir une rétrocession quand ils peuvent nous faire des baux de X temps?

M. Ryan: D'accord. À quelle distance êtes-vous du village?

Mme Drapeau-Monette: À trois milles.

M. Ryan: Trois milles, en allant vers Sainte-Monique.

Mme Drapeau-Monette: En allant vers Sainte-Scholastique; en allant vers Sainte-Monique, je suis à peu près... Il faut que je

fasse le tour à six milles, un petit peu plus que ça, six à huit milles.

M. Ryan: La maison que vous occupez, est-ce qu'elle avait été bâtie sur la terre de votre père? Est-ce que c'était une maison...

Mme Drapeau-Monette: Non.

M. Ryan: C'était ailleurs que là.

Mme Drapeau-Monette: La terre où mon père est né, elle est à droite de la Câte-des-Anges. Elle avait été vendue. C'est une terre de 90 arpents, elle avait été vendue avant l'expropriation et on avait gardé un emplacement de 200 sur 200. La terre de mon père était de l'autre côté, à gauche. D'accord?

M. Ryan: Cela va. Vous parlez de dédommagement, ils vous avaient accordé 150 $ pour commencer; vous mentionnez cela à la page 3 de votre mémoire. Là, vous avez dit: Cela n'a pas de bon sens et le CIAC vous a aidée.

Mme Drapeau-Monette: Je me suis dit: Cela n'a pas de bon sens parce qu'on avait un dossier de réglé. Il y avait un monsieur de chasse à courre, on lui donnait 25 $ pour déménager ses chiens et, nous autres, on ne donnait rien pour le monde. 150 $, c'était pour décrocher nos rideaux.

M. Ryan: Là, ils vous ont donné 3000 $.

Mme Drapeau-Monette: À force de luttes et de négociations, parce que je n'étais pas la seule qui était dans une situation comme celle-ci. Ce n'était peut-être pas tout à fait... Il y avait des vieillards d'un certain âge qui s'étaient donnés à leur fils et le fils devait les loger et même, dans bien des cas, les chauffer, les nourrir, fournir l'électricité. Pour être réglé au moment de l'expropriation, le père devait résigner ses droits pour que le fils soit réglé. Il se faisait enlever toute sa sécurité, ce personnage, et il avait juste 150 $ lui aussi. C'était inhumain.

M. Ryan: Vous avez dit que votre loyer est un peu plus élevé que ce qu'il était. Il était à 70 $ par mois. À combien est-il actuellement?

Mme Drapeau-Monette: Dans le moment, il est à 113 $ par mois, mais ce n'est pas parce que je ne me suis pas débattue pour le laisser à ce prix. Si vous voulez, je peux vous remettre la chemise de toutes les lettres recommandées, les avis de départ, la lettre du huissier et même, je n'ai pas pu mettre le nom du monsieur qui est arrivé un soir avec son ménage pour demeurer chez nous.

M. Ryan: À quelle distance êtes-vous du bout de la piste? Vous n'êtes pas loin de la piste.

Mme Drapeau-Monette: Je suis à un bon bout de la piste.

M. Ryan: Oui?

Mme Drapeau-Monette: Oui, je suis à un bon bout de la piste.

M. Ryan: Un mille? C'est ce que je veux savoir.

Mme Drapeau-Monette: En ligne droite, je vous dis franchement que les avions ne me dérangent pas beaucoup, parce que je n'en vois pas beaucoup. Vous allez me dire que je ne suis peut-être pas souvent à la maison, mais je n'en vois pas beaucoup.

M. de Bellefeuille: Ce n'est pas loin de la piste, mais ce n'est pas en face de la piste.

Mme Drapeau-Monette: Oui, c'est cela.

M. Ryan: Avez-vous fait des réparations à la maison?

Mme Drapeau-Monette: Oui.

M. Ryan: Avez-vous demandé la permission?

Mme Drapeau-Monette: Non. M. Ryan: Vous ennuyaient-ils?

Mme Drapeau-Monette: Ce qui m'ennuyait, c'est que le...

M. Ryan: Non, je dis: La Société immobilière du Canada vous ennuyait-elle?

Mme Drapeau-Monette: Je ne sais même pas à quoi elle sert.

M. Ryan: Ils ne vont pas faire d'inspections souvent.

M. Drapeau-Monette: Pardon?

M. Ryan: Ils ne vont pas faire d'inspections souvent chez vous.

Mme Drapeau-Monette: Je n'ai pas besoin d'eux pour me dire ce que j'ai à faire. La maison ne rapetisse pas. Elle ne foule pas. Elle n'agrandit pas. Ils l'ont mesurée au moment de l'expropriation. Ils n'ont plus d'affaire à venir la mesurer, à

moins qu'ils ne veuillent la payer.

M. Ryan: Au point de vue du bail, où en êtes-vous?

Mme Drapeau-Monette: Mon bail est renouvelé pour un an. Nous, les résidents, ne signons pas de bail tous les ans.

M. Ryan: II est reconduit.

Mme Drapeau-Monette: Ils nous envoient un renouvellement de bail avec une annexe. Dans cette annexe, il y a une série de clauses et, si on n'a pas l'oeil ouvert, je vous jure que ce sont des clauses qui sont joliment des attrapes. Dans la plupart des cas, il faut la contester. D'ailleurs, on la conteste en grand nombre à la Régie du logement et, même si on la conteste, ils nous la retournent comme s'ils espéraient qu'on l'accepte et cela se produit. On a seulement 30 jours pour la contester et, si tu dépasses les 30 jours, elle s'applique automatiquement. Ils parviennent à prendre des gens comme cela. Une fois appliquée, tu ne peux pas faire grand-chose, parce qu'il y a une clause dans l'annexe qui dit: Les grosses réparations majeures sont à la charge du propriétaire, mais réajustables sur le bail en cours du montant de l'investissement. Quand les grosses réparations sont aux frais du bailleur, on sait très bien que, si c'est le propriétaire qui les fait, cela coûte le double plus cher que nous. L'augmentation est à perpétuité. À un moment donné, cette dépense est rentabilisée, mais ils ne l'enlèvent pas.

M. Ryan: La société immobilière a-t-elle fait des améliorations à la maison ou des travaux d'entretien?

Mme Drapeau-Monette: Chez nous? M. Ryan: Oui.

Mme Drapeau-Monette: Ils sont venus peinturer une fois, au mois de novembre.

M. Ryan: L'année dernière?

Mme Drapeau-Monette: En 1973, je crois. Vous auriez dû voir la belle cochonnerie qu'ils ont faite. Ils étaient le plus souvent assis sur la caisse de bière dans le parterre que sur le pinceau après les châssis.

M. Paradis: L'important, c'est qu'ils aient leur carte pour la construction.

Mme Drapeau-Monette: Je ne sais même pas s'ils l'avaient, parce que de ces temps-ci, ce ne sont pas des corps de métier qui se promènent sur le territoire. Ce serait drôle de leur demander leur carte.

M. Ryan: D'après la loi du Québec, si vous avez un problème de plomberie ou de chauffage urgent, vous auriez le droit de faire réparer cela et de leur donner le compte.

Mme Drapeau-Monette: C'est ce que je faisais au début, M. Ryan, mais maintenant que c'est sous l'administration de M. Jean-Pierre Goyer, on nous retourne nos factures et on doit payer notre loyer au complet.

M. Ryan: Et le CIAC ne vous aide pas?

Mme Drapeau-Monette: Avec le CIAC, il faut aller à la régie. Ce n'est pas le CIAC qui a le pouvoir de faire établir la décision de payer, c'est la Régie du logement. Alors, il faut se présenter à la Régie du logement.

M. Houde: Vous êtes parmi les 60 000 qui attendent à la Régie du logement du Québec?

Mme Drapeau-Monette: Oui.

M. Ryan: Votre objectif, c'est de pouvoir racheter cette maison aux conditions... Éliminons le mot, s'il y a une chicane sur le mot, ça ne fait rien.

Mme Drapeau-Monette: Ce n'est pas tout à fait racheter; c'est tout simplement défaire le contrat qu'on nous a fait, la rétrocession. Je suis prête à leur redonner le montant qui a été versé à papa, avec les intérêts, comme je vous le dis, à l'expropriation, à tout simplement défaire le contrat qu'on nous a fait; on nous a expropriés inutilement. Même si vous dites que je suis dans la deuxième phase, quand sera-t-elle faite, cette deuxième phase? Au rythme où il y a des décollages et des arrivées d'avions à l'aéroport de Mirabel, même s'il y a eu transfert des vols de cargos, ça n'en amène guère plus.

M. Ryan: Non. Des dommages moraux irréparables, avez-vous une certaine idée de ce que ça veut dire?

Mme Drapeau-Monette: Des dommages, c'est tout ce qu'ils ont pu faire. Ils ont fait une enquête sur nous, ils vont fouiller jusque dans notre livre de banque. Ensuite, tous les déplacements qu'ils nous ont occasionnés, toutes les journées de travail qu'ils nous ont fait perdre, les nuits d'insomnie qu'ils ont fait passer à mon mari, pas à moi, parce que je ne suis pas de ce tempérament. Enfin, l'insécurité que l'on peut vivre, car, quand ils nous envoient une lettre recommandée pour nous dire: Veuillez quitter les lieux pour

le 11 novembre, moi, je n'ai pas du tout envie de quitter les lieux, mais je sais qu'ils vont s'acharner sur moi. Quand l'huissier vient vous porter une lettre et qu'il vous dit: Madame, vous savez ce que vous avez à faire avec ça? J'ai dit: Oui, c'est écrit: Vous n'avez qu'à quitter les lieux. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, on y pense un peu en travaillant. On s'organise. Que faire? Il faut faire des démarches, il faut même prendre un avocat. Tout ça, je calcule que c'est irréparable. On a envoyé une lettre à mon père le sommant de quitter les lieux -on nous a expropriés au mois de mars 1969 -pour septembre 1970. Après que le troupeau de vaches a été vendu, que l'encan a été fait, qu'on a fait des visites pour trouver un autre endroit et qu'on est venu à bout d'en trouver un, on s'est dit: On ne l'aime pas, mais on va peut-être finir par l'aimer. On se construit, puis on reçoit une autre lettre recommandée nous disant: Ne vous dérangez pas, la piste est déplacée. Qu'est-ce que cela a fait? Cela a fait que papa a été obligé de partir quand même, mais il n'en avait pas envie du tout. La preuve est qu'un de mes frères est demeuré là et qu'il est là encore. Il est tout à fait comme moi, il n'a pas l'idée de partir.

M. Ryan: Les contraintes dans le cas de votre maison, qu'est-ce que cela veut dire?

Mme Drapeau-Monette: Les contraintes, c'est que, lorsque j'aurai la rétrocession, j'aurai une clause sur mon contrat indiquant que je ne pourrai jamais vendre au prix que cela va valoir. Je n'aurai jamais le droit de me plaindre que j'ai des avions sur la tête qui font du bruit. Je n'aurai jamais le droit de me plaindre s'il y a des odeurs de gaz qui se dégagent des avions. Si jamais j'en ai envie - ce qui n'est pas mon idée du tout -je n'aurai jamais le pouvoir de revendre à la valeur que cela vaut. Je calcule que c'est une contrainte, et il y en a sûrement d'autres. Si j'avais plus de temps pour y penser, je pourrais vous les dire.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Groulx.

M. Fallu: Vous avez évoqué tout à l'heure la question des taxes municipales. Dans votre loyer mensuel actuellement, dans votre mensualité, vous payez le loyer et les taxes.

Mme Drapeau-Monette: Oui.

M. Fallu: Ce n'est pas la municipalité qui vous a annoncé cela?

Mme Drapeau-Monette: Non.

M. Fallu: C'est la société qui vous a annoncé qu'à compter de janvier prochain vous alliez payer à la société votre loyer et à la municipalité les taxes. On sait que, normalement, tout locataire d'un édifice fédéral ou d'un édifice gouvernemental qui agit à l'intérieur de cet édifice à des buts qui ne sont pas gouvernementaux est soumis aux impôts fonciers comme tout le monde. Comment se fait-il qu'à Mirabel vous n'ayez jamais payé les impôts fonciers, les taxes municipales à la municipalité?

Mme Drapeau-Monette: Là, vous me parlez d'impôts et de taxes foncières.

M. Fallu: Non, de taxes municipales.

Mme Drapeau-Monette: C'est que pour le fédéral nous étions des locataires. On était des gens - je ne sais pas - qui n'étaient pas capables de s'administrer, qui n'étaient pas capables de payer leurs comptes. Il fallait les leur payer à eux et eux les repayaient. Là, ils ont décidé à brûle-pourpoint de les enlever du montant de notre loyer. Mais ce qui arrive, c'est que l'évaluation et les taxes vont augmenter et eux vont augmenter le loyer de 6%, 10% ou 15%. Nous avons à subir deux augmentations et cela ne nous donnera pas plus de droit de parole quand des décisions seront prises au sein de la municipalité parce qu'on n'est pas propriétaire et on n'a pas le droit de contester. On n'a pas le pouvoir de contester notre évaluation si on la trouve trop élevée. Qu'est-ce que cela nous donne?

M. Fallu: Comme locataire, quelles sont vos relations avec la municipalité pour ce qui a trait aux services publics?

Mme Drapeau-Monette: Avec la municipalité?

M. Fallu: Oui.

Mme Drapeau-Monette: Les services. Elle ramasse les vidanges, comme toutes les autres.

Une voix: L'enlèvement de la neige. M. Fallu: L'enlèvement de la neige.

Mme Drapeau-Monette: Oui, le déneigement. Dans les campagnes, ce n'est pas tout à fait pareil. On n'a pas d'aqueduc, on n'a pas d'égout.

M. Fallu: C'est surtout boucher les trous l'été, enlever la neige l'hiver et ramasser les vidanges.

Mme Drapeau-Monette: C'est cela. Boucher les trous l'été. C'est plutôt à

l'automne, juste avant l'hiver, parce qu'ils en ont bien grand à parcourir.

M. Fallu: De ce point de vue, si vous aviez une réclamation, vous l'adresseriez directement à la municipalité?

Mme Drapeau-Monette: Cela ne s'est pas produit dans mon cas. J'imagine que c'est de cette façon qu'on procéderait.

M. Fallu: Comme citoyenne pas tout à fait de plein droit, puisque vous êtes en tutelle du point de vue de vos taxes, il y a un bon papa qui vous a protégée, qui a payé pour vous vos taxes foncières, comme si vous n'étiez pas capable de le faire. Le fait de payer des taxes, est-ce que vous êtes bien consciente que cela ne changera rien à la situation de tutelle dans laquelle vous allez être, à savoir que cela ne vous donnera pas de droits municipaux? À moins de rétrocession, vous n'acquerrez pas les titres de citoyen et de citoyenne. (23 heures)

Mme Drapeau-Monette: C'est exact. Qu'est-ce que cela nous donne?

M. Fallu: Donc, c'est un peu un leurre qu'on vous fait là.

Mme Drapeau-Monette: Pardon?

M. Fallu: C'est un peu un leurre qu'on vous fait en l'occurrence. Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Mme Monette, lorsque votre père a été indemnisé - c'est peut-être un gros mot, mais utilisons-le - payé, combien a-t-il reçu en tout?

Mme Drapeau-Monette: Pour la maison chez nous?

M. Paradis: Pour tout ce qu'il avait de propriétés qui ont été touchées par cette expropriation.

Mme Drapeau-Monette: Je ne suis pas au courant.

M. Paradis: Vous ne le savez pas? Mme Drapeau-Monette: Non.

M. Paradis: Ma deuxième intervention n'est peut-être pas une question, c'est une remarque. Ce matin, un représentant du ministère des Transports du Québec, M. Rivest, est venu comparaître devant cette commission. Si vous êtes venue à Québec avec un ennemi, le ministère des Transports du Canada, à la suite du témoignage de M.

Rivest qui nous a dit que la position de Transports-Québec dans le présent dossier était de conserver 17 000 acres, j'en déduis que vous repartirez de Québec avec deux ennemis, incluant le ministère des Transports du Québec, à moins que vous ne soyez pas dans ces 17 000 acres.

Mme Drapeau-Monette: Je vais vous dire: Moi, je suis persuadée que je vais toujours demeurer chez moi, que je vais redevenir propriétaire parce que - je vais vous dire une chose - cela fait treize ans que le PICA est exproprié, qu'il est là, qu'il avait un bail. Maintenant, le bail est résilié depuis le mois de mars. Il n'y a aucune industrie qui veut venir s'établir au PICA parce qu'elles veulent acheter et qu'on ne veut pas leur vendre. Alors, elles ne sont pas intéressées à s'installer là. S'ils peuvent vendre à des compagnies, pourquoi ne peuvent-ils pas nous vendre à nous, des individus, juste à côté, un petit peu plus loin?

M. Paradis: Je voudrais être certain que vous ne repartez pas de Québec avec deux ennemis dans votre dossier; c'est mon inquiétude. Ce matin, M. Rivest du ministère des Transports du Québec, est venu témoigner et il nous a dit que la position officieuse ou officielle du ministère des Transports du Québec était de ne pas toucher ou ne de pas argumenter ces 17 000 acres de terrain.

M. Léonard: Je peux vous le relire, M. le Président, avec la permission des membres de cette commission, puisque je ne peux pas intervenir. Ils disent ceci dans leur première recommandation: "Que le gouvernement fédéral rétrocède immédiatement toutes les terres à l'extérieur de la zone opérationnelle ultime de 17 000 acres; deuxièmement, que les terres non requises à court terme à l'intérieur de la zone opérationnelle soient réaffectées à l'agriculture et que des mesures appropriées soient prises afin d'assurer une protection adéquate de cette zone". J'ai compris que, s'il y avait aussi d'autres habitations autour des zones agricoles qui n'étaient pas requises, elles pourraient bénéficier du même traitement.

M. Paradis: Ce que je voudrais savoir de madame. La maison que vous occupez, votre maison, est-ce qu'elle est située dans cette zone opérationnelle?

Mme Drapeau-Monette: Non, non, non.

M. Paradis: Elle est en dehors des 17 000 acres. D'accord, ça va. Vous êtes dans le PICA et vous avez un statut particulier.

Mme Drapeau-Manette: C'est-à-dire que le PICA, il est à deux milles de chez moi, de l'autre côté de la voie ferrée.

M. Paradis: PICA, phase 2, quand la phase 1 sera complétée.

Mme Drapeau-Monette: La phase 1 n'est même pas commencée. Il faudrait bien que la phase 1 fonctionne avant de faire la phase 2.

M. Paradis: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Mme Monette, vous décrivez dans votre mémoire comment vous avez bâti, vous-même, une maison de cinq pièces et demie, finie en briques. Vous parlez d'un coût de 12 000 $. C'était le coût des matériaux.

Mme Drapeau-Monette: Des matériaux.

M. de Bellefeuille: II y a donc un coût important qui est le coût de la main-d'oeuvre qui ne figure pas dans le 12 000 $ et, comme l'indemnité qui a été versée dans le cadre de l'expropriation était de 12 000 $ pour la maison, il n'y a pas eu un sou versé pour la valeur de la main-d'oeuvre.

Mme Drapeau-Monette: Absolument pas.

M. de Bellefeuille: Cela me paraît important, Mme Monette, parce qu'il y a parfois des personnes - peut-être alentour du groupe qui s'appelle Alarme - qui disent, peut-être pas publiquement, mais dans des conversations privées, qu'il y a beaucoup d'expropriés qui étaient pas mal contents de l'affaire en 1969 et dans les années qui ont suivi, parce que, disent ces gens-là, ils ont vendu à bon compte. Alors, je suis content d'entendre votre témoignage qui montre que ce n'était pas une vente qui était faite à bon compte. Cela montre que le gouvernement fédéral n'expropriait pas, comme cela avait été promis, de façon à compenser pleinement les gens, mais que, au moins dans ce cas-là, et j'imagine dans bien d'autres cas, il ne donnait même pas en indemnité la valeur véritable de la maison. Dans ce cas, c'était ce que les matériaux avaient coûté et pas un sou pour la main-d'oeuvre.

Mme Drapeau-Monette: Absolument pas. Papa a été indemnisé en 1972. Dans les années 1969-1970, une maison comme la nôtre valait dans les 18 000 $ à 20 000 $ et on a reçu 14 000 $ avec le terrain, le puits, le puisard et l'asphalte. Quand vous dites que ce n'était pas à vendre, c'est exact, ce n'était pas à vendre. Je ne sais pas si vous vous souvenez, vers les années 1958-1960, il y avait ce qu'on appelait les Juifs qui rodaient sur notre territoire pour acheter nos terres. Je suis l'aînée d'une famille de quatorze enfants. Ils sont venus à la maison, ils offraient un bon prix à papa. Je me souviens qu'un soir il s'était couché et il réfléchissait énormément. Le lendemain matin, il a dit: Non. Les gars qui sont venus sont sortis avec un coup de pied à la bonne place. La terre n'a jamais été à vendre chez nous. On a été dépossédé de notre bien, sans le vouloir. On ne le voulait pas du tout, pour aucune considération, mais on n'avait pas le choix. Cela nous a été imposé. Aujourd'hui, on se rend compte que cela a été fait pour rien. C'est bien beau de céder son bien pour le bien commun, pour autant qu'on en fasse, du bien commun. On n'en a pas fait à Mirabel, du bien commun.

Le Président (M. Rochefort): Merci, madame. Le député de Champlain.

M. Gagnon: Pour faire suite à ce que M. Rivest de Transports-Québec a dit ce matin, il a même mentionné dans son témoignage qu'il ne voyait pas où une maison ou des maisons ou des bâtiments pouvaient nuire, alors qu'on avait, tout près des pistes d'envol, une tour de 225 pieds, si je me rappelle bien, et un hôtel adjacent à l'aéroport. Je voudrais bien qu'on ne dise pas que le représentant du ministère des Transports du Québec était d'accord. Le clocher de l'église, etc.

Mme Drapeau-Monette: Le clocher de l'église nuit beaucoup plus que ma demeure. Il est beaucoup plus haut en tout cas.

M. Garon: S'il pouvait sanctifier un peu les gens du fédéral.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Champlain, rapidement.

M. Gagnon: II y a une question, M. le Président, qui m'intrigue dans tout ce dossier et je regrette de ne pas avoir été ici toute la journée. Peut-être qu'on a apporté la réponse à la question que je me pose. Cela me semble avoir été fait de façon complètement illogique. Vous contez l'histoire de votre expropriation. On vous croit, mais cela nous paraît quasiment invraisemblable. Il semble qu'à peu près tout le monde peut parler de cette histoire de la même façon. Au moment où les négociations on été entreprises, vous dites que vous avez appris cela dans les journaux. Il y a quand même eu des contacts à un moment donné. On vous a même dit: Si vous n'êtes pas d'accord, prenez des avocats et retrouvez-vous devant les tribunaux. Est-ce que le gouvernement

fédérai est venu donner des raisons pour vous dire: II faut prendre votre territoire, il faut prendre votre maison, il faut vous exproprier?

Mme Drapeau-Monette: Non, l'annonce a été faite à la radio le 27 mars, à 15 heures. Pour savoir si on était exproprié, il a fallu acheter le journal et on a pu constater que notre numéro de lot y était. Il y a un peu de temps qui s'est écoulé. C'était en mars, on a fait une grande assemblée à l'église de Sainte-Scholastique. Il a fallu même ouvrir les portes de l'église, parce que celle-ci ne pouvait contenir tous les gens et nous voulions aller chercher des renseignements. Ce qu'ils nous disaient, c'était que ce serait le plus gros aéroport au monde, que c'était pour créer des emplois, que nous allions tous être riches et travailler. Dans tout cela, on posait des questions, mais on nous disait: Vous allez voir le plus bel aéroport que vous ayez jamais vu. Cela ne répondait jamais à nos questions. Ce sont les seules informations que nous avons eues.

Nous sommes revenus chez nous. Papa a dit: À un moment donné, c'est comme rien, ils vont communiquer avec nous. Un matin, on a frappé à la porte, je suis allée répondre, c'était le monsieur avec un devis. Il venait démolir la maison. Elle était sur la liste de démolition. J'ai dit: Voyons, vous allez commencer par la payer avant de la démolir. Ce sont les contacts qui se sont produits. Si mon père était en vie, il serait ici à mes côtés pour vous dire ce que je vous dis. Ce ne sont pas des inventions, c'est la pure vérité. À ce moment-là, papa a fait quelques démarches, c'est-à-dire le fédéral est allé le voir pour voir la maison où il habitait et, après cela, pour eux, ce n'était pas un problème. La maison était une seconde demeure et il devait prendre ce qu'on lui offrait. Si cela ne faisait pas son affaire, il n'avait qu'à se présenter devant la cour pour un règlement. Il avait une demeure principale; ce n'était qu'un à-côté. Un point, c'est tout.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Berthier.

M. Houde: Mme Françoise, quelle était l'évaluation municipale de la maison de votre père?

Mme Drapeau-Monette: Dans le moment?

M. Houde: Non, pas aujourd'hui. Dans le temps, en 1970, lorsqu'ils vous ont payé le montant.

Mme Drapeau-Monette: En 1969, l'évaluation...

M. Garon: Je ne comprends pas.

M. Houde: L'évaluation municipale, M. le ministre. Je vais parler plus fort si vous ne comprenez pas.

Mme Drapeau-Monette: L'évaluation municipale, je ne m'attendais pas que vous me posiez cette question. Il aurait fallu que je regarde. Je n'ai pas les chiffres en mémoire, mais je pourrais vous les donner; je les ai à la maison.

M. Houde: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Pour terminer, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: On nous apporte une foule de renseignements particuliers. Parfois, ils sont très précis; d'autres fois, quand on les demande, on ne se les rappelle pas, ou on a oublié de les apporter. Je crois qu'il faudrait qu'on s'entende. Il me semble qu'aux questions auxquelles ils n'avaient pas de réponse ceux qui sont venus témoigner devraient s'arranger pour nous en apporter au cours des jours qui vont suivre. Je crois que, dans un cas comme celui qu'on discute, il y a une exigence de précisions qui est bien importante parce qu'on se lance dans des conclusions et on dit: On ne vous a pas payé ce que cela valait, etc. Il faut le savoir de manière sûre. On ne règle pas cela dans un témoignage d'un quart d'heure. J'éprouve le besoin de vérifier cela comme il faut si on est pour en tirer des conclusions à caractère général.

Mme Drapeau-Monette: M. le député, est-ce que vous voulez avoir l'évaluation?

M. Ryan: Oui.

Mme Drapeau-Monette: On revient les 16 et 17 et j'apporterai les chiffres.

Le Président (M. Rochefort): Madame, si vous permettez, on va laisser le député d'Argenteuil terminer. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Si vous voulez, je vous mentionnerai un certain nombre de choses que j'aimerais avoir, comme le prix exact qui a été payé pour la maison. Vous dites que c'est 12 000 $. Il faudrait voir cela. Il y a un montant global qui a dû être donné à votre père pour tout cela.

Mme Drapeau-Monette: Non.

M. Ryan: Comment? C'était séparé?

Mme Drapeau-Monette: Oui.

M. Ryan: C'était séparé. En tout cas, si vous voulez le vérifier comme il faut, j'aimerais l'avoir de manière certaine parce que cela change les choses. L'évaluation, évidemment, à ce moment-là - c'est important de l'avoir - n'était pas aussi élevée qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, c'est 10% de plus que le marché, souvent. Le gouvernement prétend que c'est un peu moins, mais nous trouvons que c'est plus. Dans le temps, en tout cas, ce n'était pas la même chose. Il faudrait voir cela avec précision et j'aimerais vous prévenir que je maintiens certaines indécisions avant d'adhérer à tous les chiffres qu'on donne parce que je m'aperçois qu'il y en a qu'on a et d'autres qu'on n'a pas.

Le Président (M. Rochefort): Sur ce,

Mme Drapeau-Monette, les membres de la commission vous remercient d'être venue témoigner devant eux. J'inviterais M. Maurice Raymond à se présenter devant nous.

M. Raymond, bienvenue à la commission. Compte tenu de l'importance de votre mémoire, je vous demanderais de le résumer en cinq ou six minutes, si possible, afin d'être en mesure de rencontrer les quatre autres personnes qui ont été convoquées pour ce soir.

M. Maurice Raymond

M. Raymond (Maurice): Je comprends que mon mémoire est assez volumineux. Il a fallu que je le coupe de moitié pour pouvoir le présenter. Je peux essayer d'en faire un résumé et de laisser l'historique de côté.

Je dis, au début, que c'est un éléphant, même un éléphant blanc, que le fédéral ne m'a pas fait connaître sa politique, si incohérente soit-elle, face à l'expropriation; que j'ai été exproprié et qu'il a fallu que je continue à payer mes obligations de propriétaire. Comme il tardait à vouloir m'indemniser, j'ai dû me résigner à faire une demande. Après quatorze mois d'attente, cette indemnité m'est parvenue au début de 1971. Cependant, à ce moment-là, je n'avais pas assez de capital pour envisager la possibilité de me relocaliser ailleurs. Que faire en attendant? C'est en attendant que cela se détériore. Une façon pour que cela se détériore, c'était de nous diviser. Je me rappelle toujours la phrase que cet agent négociateur me disait: M. Raymond, cela me fait de la peine de voir que vous refusez une telle offre. Vous êtes professionnel; vous n'êtes pas comme ces habitants. Face à des paroles si blessantes à l'égard des miens, étant moi-même descendant d'une famille foncièrement agricole, je lui ai retourné l'offre et voici ce que je lui ai offert: La maison, je te la donne en échange d'une maison identique dans un quartier identique. Si le marché avait été intéressant, je ne serais pas ici aujourd'hui. (23 h 15)

En 1971 on m'a fait parvenir une offre détaillée. On disait qu'on avait oublié 19,75% - une petite erreur - et, comme recours, la Cour de l'échiquier. À ce moment-là j'ai dû faire appel à un évaluateur-conseil. J'ai reçu mon argent en 1972. Inutile d'ajouter que le prix des maisons avait monté dans la région et que mon capital n'était pas si fabuleux qu'il en avait l'air.

Longtemps, on nous a dit qu'on n'avait pas d'argent pour réparer les demeures. J'ai fait une demande en 1976 qui est restée lettre morte. On me disait: Quant aux risques de blessures, nous comptons sur vous pour prendre les précautions qui s'imposent. Effectivement j'ai pris des précautions, j'ai réparé une fenêtre et, hélas, c'est à ce moment-là que j'ai appris que cela coûtait 350 $ de main-d'oeuvre pour changer seulement une fenêtre. Imaginez, un menuisier qui travaille 200 jours par année, c'est-à-dire 40 semaines de cinq jours, va chercher la fabuleuse somme de 70 000 $ par année en changeant des fenêtres. Je comprends qu'il y ait manque d'argent lorsqu'on dilapide les deniers publics et que la société - le gouvernement - accumule déficit par-dessus déficit.

En 1981, on a signé un bail - un peu comme Mme Monette le disait tantôt - avec un vrai propriétaire dans un statut de locataire, avec une clause d'assurance. Quant aux réparations majeures, elles sont faites, mais on me refile la facture. Également, lorsque je vais à la ville, est-ce que je peux contester un rôle d'évaluation et me prononcer? On me le refuse parce que je ne suis pas un propriétaire ordinaire.

Il y a eu aussi des problèmes d'arrérages de taxes que j'étais censé devoir. On m'avait même menacé d'aller à la Régie du logement. On me réclamait un montant de 260 $ alors qu'après calculs faits je devais 155 $ ce que j'ai effectivement payé. On m'a menacé de remettre mon cas à la Régie du logement et également de demander à la régie d'annuler mon bail avec dommages-intérêts et résiliation. Essayez d'imaginer la situation que moi et ma famille avons dû vivre durant ces mois.

Je parle aussi des ennuis causés au niveau du quartier. Les gens n'osaient pas se regarder. On avait tous eu un très bon montant mais, surtout, on nous disait: Ne le dis pas à ton voisin, tu as eu beaucoup plus que lui. Le climat ne s'améliorait pas lorsque survenaient de nouveaux arrivants sur le territoire, lorsqu'on se rendait compte qu'un nouvel arrivant avait un beau-père qui travaillait au BANAIM.

Un autre occupant était exproprié. On

ne fait pas de réparations et la maison se détériore, mais lorsque le nouveau locataire arrive on a dépensé près de 10 000 $ en réparations. Cela se comprend, il travaille au BANAIM. Et l'autre qui a tout ce qu'il demande. On se demande s'il n'aurait pas trouvé une bonne sorte de bière ou les bons hôtels pour soudoyer un inspecteur véreux.

Le climat ne semble pas s'améliorer et la société immobilière a arpenté les terrains avec, comme résultat, que je me retrouve avec un terrain élargi de 18 pouces à sa partie sud-est. Du même coup, mon voisin perd du terrain. Il a un hangar qui s'égoutte sur mon terrain. Pourquoi ce changement? L'arpenteur s'est tout simplement basé sur une clôture existante installée hors limites à la plus grande satisfaction des propriétaires d'alors. Comme on est loin de ce climat de franche camaraderie et de bon voisinage qui existait avant l'expropriation.

La tutelle a assez duré. Il est temps qu'on rétrocède tout ce qu'on a exproprié inutilement. Lors de cette rétrocession, il faudra tenir compte des principes élémentaires du bon sens. Il faudra qu'on m'indemnise pour tous les soucis que cette expropriation m'a occasionnés, comme des ulcères d'estomac. Il faudra qu'on tienne compte que ma propriété a encore une valeur certaine parce que j'y ai investi du temps et de l'argent. Il faudra qu'on tienne compte des réparations capitales que je devrai exécuter à ma résidence afin de la maintenir en bon état. Il faudra qu'on tienne compte des investissements nécessaires que j'ai dû exécuter à ma demeure pour qu'elle réponde aux besoins grandissants d'une famille grandissante. Il faudra qu'on tienne compte des investissements que j'aurais faits il y a quelques années pour améliorer ma résidence, améliorations qui auraient été beaucoup moins onéreuses étant donné l'inflation galopante des dernières années. Il faudra également qu'on tienne compte du loyer que j'ai dû payer et que je n'aurais pas eu à payer étant donné que j'avais une hypothèque à un taux relativement avantageux, ce qui me permettait, sans trop de difficultés, de me ramasser un capital mobilier assuré.

Face à la rétrocession, je ne désire pas être plus riche. Cependant, il ne faudrait pas que je sois le dindon de la farce et que je me retrouve plus pauvre en ayant à payer le prix d'une expropriation si gargantuesque et les fourberies de tous ces fonctionnaires véreux qui nous ont administrés.

En annexe, il y a certaines notes que je faisais parvenir à M. Paul Cosgrove, lui disant qu'avant 1969 j'étais autosuffisant, nous étions autosuffisants; qu'on nous remette nos terres. Je parle également des drapeaux profanés. J'ai trouvé ça important. En 1981, je me voyais transporté au début de la colonie, au moment où Jacques Cartier plantait une croix en terre étrangère. C'est à ce moment-là qu'on plantait des drapeaux sur le territoire de Mirabel. Pour moi, c'est une double dépossession, ayant été moi-même dépossédé par l'expropriation. Je comprends peut-être un peu mieux ces gens qu'on a parqués dans des réserves, pour mieux leur faire perdre leur identité et leur fierté. C'est ce que je remarque quand je regarde un peu ce qui se passe avec mes voisins locataires. On a brûlé des drapeaux. J'applaudis à ce geste, malgré que j'admette que brûler un drapeau est un geste répréhensible. Mais est-ce qu'on pouvait faire autre chose?

En annexe 3, vous voyez un compte de taxes. Finalement, ils ont compris, ils ont décidé de se désister. Ils ont encaissé le chèque et, d'après eux, je n'étais plus un bon locataire.

J'aurais une ou deux questions à poser. J'ai reçu un avis d'éviction. Je suis dans la quarantaine, j'ai suivi les assemblées du CIAC et de la Régie du logement à quelques reprises. J'essaie de me mettre dans la peau d'une personne qui a 80 ans et plus, qui reçoit le même avis; c'est difficile à accepter. J'ai une femme et des enfants à la maison.

Quant à l'arpentage, on m'a dit dernièrement qu'il fallait que ce plan soit accepté par le ministère des Terres et Forêts; je crois qu'il a changé de nom. Est-ce que le ministère va entrer en jeu lorsque la rétrocession sera commencée?

Comme je vous le disais, je me retrouve avec un statut de propriétaire, tout en étant confirmé comme locataire sur le territoire exproprié. Je demeure dans le secteur de Saint-Antoine, à dix milles de l'aéroport, dans le secteur coloré et situé dans la partie est.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Où demeurez-vous exactement, dans Sainte-Scholastique?

M. Raymond (Maurice): Dans Saint-Antoine, à la limite, où la partie est colorée, complètement en haut, à gauche. La couleur? Je m'excuse, je suis daltonien, faites-moi grâce des couleurs! C'est complètement dans le coin, en haut. La ligne blanche serait la limite. Le terrain voisin, la rue voisine n'ont pas été expropriés. Je suis, d'ailleurs, dans le secteur de la rétrocession.

M. Garon: En haut, à gauche, dites-vous?

M. Raymond (Maurice): En haut, complètement à droite.

Une voix: C'est près de Saint-Jérôme.

M. Raymond (Maurice): Tout près de Saint-Antoine. Plus haut que cela, à l'angle de la 117 et de la 158, près des Galeries des Laurentides, du magasin Métro, de l'église; dans ce secteur.

M. Garon: Vous allez être rétrocédé?

M. Raymond (Maurice): Je suis dans le secteur de la rétrocession. J'ai eu peur, lorsqu'on a voulu me mettre dehors, de perdre mon droit d'occupant. On m'avait menacé de me faire perdre mon droit d'occupant; on a demandé à la régie de me faire mettre dehors pour une différence de 105 $ de taxes que j'étais censé leur devoir. Après avoir fait les calculs, je ne leur devais rien. J'ai payé ce que je leur devais, effectivement.

M. Garon: Vous avez été exproprié en 1969.

M. Raymond (Maurice): En 1969. M. Garon: Vous-même. M. Raymond (Maurice): Moi-même. M. Garon: Vous aviez une maison?

M. Raymond (Maurice): J'avais une maison que j'avais achetée en 1962.

M. Garon: Une ferme ou seulement une maison?

M. Raymond (Maurice): Une résidence seulement.

M. Garon: Avec un terrain de combien de pieds?

M. Raymond (Maurice): De 50 sur 125 qui, maintenant, serait de 56,5 ou 57 parce qu'ils l'ont élargi.

M. Garon: Pardon?

M. Raymond (Maurice): La partie arrière de mon terrain serait rendue à 57,5 pieds parce qu'on l'a élargie en faisant de nouvelles bornes sur le terrain de Mirabel. On a pris une clôture existante pour placer la nouvelle borne.

M. Garon: Votre terrain n'avait que 56 pieds.

M. Raymond (Maurice): J'avais 50 pieds de largeur pour la partie arrière. Maintenant, il a 52 pieds de largeur en arrière: 6 pouces d'un côté et 1,5 pied de l'autre, parce qu'on a pris les mesures à partir de clôtures existantes. C'est pour cette raison que j'aimerais que ce soit précisé avant que la rétrocession soit en marche, de façon qu'il n'y ait pas de servitude d'un terrain à l'autre.

M. Garon: Payez-vous vos taxes vous-même?

M. Raymond (Maurice): Depuis 1982, je paie mes taxes. C'est à partir de cela que j'ai fait un retour pour arriver à évaluer ce que j'avais payé durant cinq ans et ce que je devais, effectivement. C'est ainsi que suis arrivé à faire les calculs réels du montant que je devais. C'était assez difficile de trouver le montant des taxes. L'année scolaire est de juillet à juillet. Les taxes municipales, c'est de janvier à janvier. J'avais un bail qui commençait en février, donc, six douzièmes, cinq douzièmes, onze douzièmes et sept douzièmes.

M. Garon: Et vous vous attendiez à payer quel prix?

M. Raymond (Maurice): Pardon?

M. Garon: Vous vous attendiez à payer quel prix, lors de la rétrocession?

M. Raymond (Maurice): Le prix, à ce moment-là, n'était pas fixé, mais il ne faut pas... Excusez-moi. Il faudrait qu'on m'indemnise pour tous les soucis que cela m'a causés et qu'on tienne compte que ma propriété a une valeur, parce que je l'ai entretenue avec mon temps et mon argent. En 1972, en 1976 et en 1980, j'ai mis de la peinture moi-même et j'ai fait des travaux. J'ai fait des réparations après. Il faut tenir compte que j'ai fait des améliorations au sous-sol. Ils ne savent même pas que j'ai y mis mon temps et mon argent. Il faut également réparer, lors de la rétrocession, une couverture et des ouvertures. Il faudra qu'on en tienne compte à ce moment-là. Il va falloir qu'on tienne également compte du loyer que je n'aurais pas donné, parce qu'en 1972 j'aurais été propriétaire et que je n'aurais pas eu à donner 1500 $, 1800 $ ou 2000 $ par année. Il faut qu'on en tienne compte. Il faut également qu'on tienne compte du fait que j'avais une hypothèque à un taux avantageux, en 1962, qui devait se terminer aux alentours de 1972 ou 1973.

M. Garon: À quel taux?

M. Raymond (Maurice): II avait commencé à 6,75% et 7,25%, assurance comprise.

M. Garon: Pour tout le temps ou...

M. Raymond (Maurice): II était fixe et se négociait tous les dix ans. Comme je rabattais 50 $ par mois - 600 $ par année -

donc, cela n'aurait pas pris de temps pour que le montant de 7000 $...

M. Garon: Votre maison serait payée. M. Raymond (Maurice): Oui.

M. Garon: Vous avez payé combien pour le loyer, depuis ce temps?

M. Raymond (Maurice): Je ne connais pas le montant exact. Si je tiens compte du montant moins les taxes que j'aurais payées...

M. Garon: Non, je veux dire comme loyer. Vous ne savez pas le total? Vous avez payé combien, à peu près?

M. Raymond (Maurice): Présentement, mon loyer est de 142,03 $ et il sera fixé à 151 $. Il a commencé à 100 $, 112 $, 115 $, 150 $.

M. Garon: Quand vous faisiez vos paiements, faisiez-vous le paiement de votre hypothèque, les taxes étant à part?

M. Raymond (Maurice): Les taxes étaient à part, à ce moment-là. J'avais des paiements de 50 $ plus environ une douzaine de dollars. Mes paiements étaient d'environ 62 $ ou 65 $ par mois, plus les taxes.

M. Garon: Cela faisait combien, à peu près?

M. Raymond (Maurice): Pour vous donner une idée, un aperçu, en 1977, le total des taxes scolaires et municipales s'élevait à 591 $. Vous voyez cela à l'annexe 3.

M. Garon: Bon!

M. Raymond (Maurice): C'était en 1977.

M. Garon: Toutes les taxes?

M. Raymond (Maurice): Les taxes municipales et scolaires, en 1977. C'était déjà huit ans après l'expropriation. Peut-on couper de la moitié pour les taxes? Il aurait fallu que je fouille plus longtemps dans le dossier pour aller les chercher.

M. Garon: Mais vous, vous payez un loyer d'environ 143 $, comme vous le dites.

M. Raymond (Maurice): Je paie présentement 143 $ et je paierai 151 $ à partir de février.

M. Garon: Bon! Là-dedans, il y a les taxes?

M. Raymond (Maurice): Les taxes sont à part.

M. Garon: Et vos paiements, dans le temps, du remboursement de l'hypothèque étaient de combien, capital et intérêts?

M. Raymond (Maurice): Je rabattais 50 $ par mois plus les intérêts sur un taux décroissant.

M. Garon: Et il vous restait quel montant à payer sur votre hypothèque?

M. Raymond (Maurice): Si on calcule de 1962 jusqu'à 1970 - parce que j'ai payé à ce moment-là - cela fait huit ans. En 1972, je rabattais 600 $ par année.

M. Garon: Oui, mais vous payiez combien par mois?

M. Raymond (Maurice): J'avais un taux décroissant.

M. Garon: Je comprends. Vous aviez un taux décroissant.

M. Raymond (Maurice): J'avais commencé une hypothèque. À ce moment-là, je rabattais 50 $ par mois.

M. Garon: Sur votre capital?

M. Raymond (Maurice): Le capital plus les intérêts. Les premières années, il était d'environ 87 $ et...

M. Garon: Bon!

M. Raymond (Maurice): ...mes paiements étaient de 62 $ ou 65 $ par mois.

M. Garon: Cela veut dire, au fond, que vous avez payé à peu près le même montant comme loyer que vous auriez payé en capital, intérêts et taxes pour rester dans votre maison et avoir votre valeur. (23 h 30)

M. Raymond (Maurice): Oui. Il faudrait peut-être que je fouille, je pourrais vous les faire parvenir, si ça pouvait vous éclairer.

M. Garon: Vous vous attendez à payer combien pour la rétrocession de votre maison?

M. Raymond (Maurice): Comme je vous l'ai dit tantôt, c'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Si on se base sur le fait que, pour eux, une couverture coûte 3000 $, les fenêtres 350 $ de temps par fenêtre, quel prix va-t-on demander à ce moment? Il y a des travaux de drainage. Il faut tenir compte également que la maison a une valeur, parce que je l'ai entretenue, que j'ai fait des aménagements dans mon sous-

sol. Il ne faudrait pas que ce soit moi qui sois obligé de les payer.

M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC? M. Raymond (Maurice): Oui.

M. Garon: Dans votre municipalité, est-ce qu'il y a plusieurs membres?

M. Raymond (Maurice): Si je regarde le secteur Saint-Antoine exproprié dans ma rue, nous sommes membres à 100%, si on exclut ceux qui travaillent pour le gouvernement fédéral.

M. Garon: Vous payez 100 $ par année pour en être membre?

M. Raymond (Maurice): Nous payons 50 $, comme résidents.

M. Garon: Vous êtes résident. Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

M. Raymond (Maurice): Non. Peut-être qu'un jour, si j'en ai la possibilité, j'irai pour leur dire ce que j'en pense.

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Au moment de l'évaluation, à combien votre maison était-elle évaluée?

M. Raymond (Maurice): Présentement?

M. Ryan: Non, au moment de l'évaluation.

M. Raymond (Maurice): Si je ne me trompe pas, à environ 11 000 $.

M. Ryan: Combien vous a-t-on payé?

M. Raymond (Maurice): À ce moment-là, si on tient compte seulement de la valeur, on m'a donné 24 000 $ et, dans ces 24 000 $, il y avait 1600 $, il y avait des dommages au-dessus de ça, mais la maison comme telle... Est-ce que je peux...

M. Ryan: Oui.

M. Raymond (Maurice): J'ai moi aussi un dossier qui commence à être volumineux.

Pour le bungalow, 17 020 $, valeur réelle.

M. Ryan: Le terrain?

Une voix: À quel moment?

M. Ryan: C'est à l'expropriation.

M. Raymond (Maurice): Pour le terrain, 1220 $.

M. Ryan: En tout?

M. Raymond (Maurice): En tout, il y avait le macadam, des améliorations, des dommages, des intérêts, pour un total de 24 000 $.

M. Ryan: Une somme de 24 000 $, à une moyenne de 6% d'intérêt, ça vous faisait à peu près 1500 $ par année que c'aurait pu vous rapporter.

M. Raymond (Maurice): Cela aurait pu rapporter ça, mais mon argent n'était pas clair, j'avais une hypothèque. D'accord?

M. Ryan: D'accord.

M. Raymond (Maurice): Une fois que j'eus payé mon hypothèque et que j'ai commencé à déposer le peu qui restait, lorsque le taux était à 8% ou 9%, vers les années soixante-dix, dans mon rapport d'impôt, j'ai été pénalisé parce que j'avais un surplus de revenu que je n'aurais pas eu si j'avais eu une propriété.

M. Ryan: Dans ce que vous nous avez dit, je vois deux problèmes; il y a votre problème de taxes de 100 $ de différence. Qui fixe le montant des taxes? Est-ce la SIC ou si c'est la ville et la commission scolaire?

M. Raymond (Maurice): Lorsqu'on recevait notre renouvellement de bail, on indiquait un montant estimé de taxes, on avait toujours un montant estimé des taxes. Il était toujours très difficile d'évaluer le montant qu'on payait, parce que, comme je vous le disais tantôt, l'année scolaire est de juillet à juillet, au municipal, l'année court de janvier à décembre, mon bail était de février; donc, un douzième, onze douzièmes, sept douzièmes, ce qui, finalement, faisait un tas de calculs à faire. Il y a une chose qui m'a réellement choqué, c'est que, lorsque je suis passé devant la Régie du logement, je me suis présenté pour aller faire expliquer mon cas et j'ai demandé de reculer de cinq ans, car la loi nous permet cinq ans. J'ai été surpris quand le commis aux taxes m'a dit: M. Raymond, si on recule de cinq ans, vous allez devoir de l'argent au fédéral, peut-être allez-vous être perdant. Je ne vous dirai pas les mots que j'ai employés à ce moment, mais j'ai dit: Si je dois de l'argent au gouvernement, je veux le lui payer, je ne veux rien lui devoir au point de vue des taxes. Êtes-vous capable de signer ça? La demoiselle n'a pas voulu que je le signe. Pour quelle raison? Je ne le sais pas. Effectivement, en révisant mes calculs - ils

ne les ont absolument pas révisés - j'ai fait une erreur de 5 $. Je leur dois encore 5 $, qu'est-ce que j'en fais pour les tracas qu'ils m'ont causés? Vous me dites de les garder? Je vous remercie. Ce ne sera pas du vol.

M. Ryan: C'est une querelle d'une valeur de 100 $ sur une base de treize ans; vous avez eu ça au cours de l'année 1982. Les autres années, vous n'avez pas eu de problème?

M. Raymond (Maurice): C'est-à-dire que, les autres années, je ne pouvais pas établir la valeur réelle des taxes.

M. Ryan: En tout cas, votre calcul, pour ces cinq années, c'est une différence d'à peu près 100 $, d'après ce que je peux voir.

M. Raymond (Maurice): Oui, 105 $. Mais c'était le principe et on m'a poursuivi, on m'a menacé de m'amener à la Régie du logement et c'est purement par hasard que j'ai appris le mardi qu'on s'était désisté. Pour plus de sûreté, il m'a fallu communiquer avec la Régie du logement. J'étais professeur et je ne voulais pas perdre de journées à ce moment-là; on n'a pas les moyens d'en perdre, surtout avec les coupures qui s'en viennent.

M. Ryan: C'est bien plus grave, cela.

M. Raymond (Maurice): J'ai communiqué avec eux. D'ailleurs, ils ont compris.

Une voix: C'est exproprier le salaire, cela.

M. Raymond (Maurice): Fermons la parenthèse. J'ai eu peur qu'on fasse comme on a fait pour certains. Pour moi, il y avait plus que le montant d'argent, il y avait un principe. Si on l'a fait pour moi... On était 450 à passer à la Régie du logement; on sera peut-être 900 à recevoir notre compte de taxes directement de la municipalité. Combien peuvent évaluer le montant qu'on leur doit effectivement? Cela a peut-être pris dix ans avant de sortir les chiffres qui sont là. C'est du calcul à faire.

M. Ryan: Maintenant, l'audience de la commission de la Régie du logement devait avoir lieu le 13 octobre. Est-ce que cela a eu lieu?

M. Raymond (Maurice): Comme je vous le disais tantôt...

M. Ryan: On l'a annulée.

M. Raymond (Maurice): ... on s'est désisté à la dernière minute, mais je n'ai pas pris le risque et mon épouse s'est rendue. À ce moment-là, on m'a fait paniquer.

M. Ryan: Je comprends.

M. Raymond (Maurice): J'ai paniqué. Je n'ai pas dormi pendant des nuits. Comme je le disais tantôt, je pense à ces vieillards qu'on traîne à la Régie du logement et à la situation dans laquelle ils peuvent être. Je parlais également avec des gens dans la trentaine; ils trouvent cela pénible de faire face à des avis d'éviction: Si tu n'es pas content, dehors.

M. Paradis: M. le Président, peut-être une petite remarque sur la Régie du logement. J'ai vécu cet été, à titre de député, des expériences à la Régie du logement. Est-ce que vous traduisez des vieillards et des femmes seules? Il y en a sérieusement - passez-moi l'expression - plein les corridors. Et lorsque vous dites que c'est tragique et pénible, qu'on voit des gens ressortir en pleurant, etc., je veux que vous sachiez que cela ne s'applique pas strictement à Mirabel, ce phénomène-là. J'y suis allé souvent au cours de l'été et toutes les fois j'ai vécu des drames humains.

M. Garon: Vous ne plaidez pas contre le gouvernement fédéral.

M. Paradis: Non, non. Des fois, c'est le gouvernement provincial.

M. Raymond (Maurice): Est-ce que je peux ajouter quelque chose à cela? C'est qu'à un moment donné la contestation d'un bail, les clauses dont Mme Monette parlait tantôt, on devient propriétaire des travaux... Voici ce qu'on répondait à ce moment-là: Notre patron n'aime pas cela et le régisseur disait: C'est cela qu'on fait, on en a 150 à passer, le régisseur a statué sur 150 cas. On revient et le régisseur leur dit: Vous reviendrez en appel, vous contesterez. Cela fait 150 qui passent comme cela, le même propriétaire. C'est cela que je trouve un peu absurde.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Brome-Missisquoi, on va laisser la parole au député d'Argenteuil. Vous vous inscrirez si cela vous intéresse.

M. Paradis: Je reviendrai.

M. Ryan: Dans ce cas-là, moi, je trouve qu'on a eu assez de précisions et qu'il n'y a pas lieu de consacrer plus de temps à la discussion sur ce cas en ce qui me concerne. Je pense que vous êtes assez intelligent pour être capable de régler une divergence de 100 $ pour cinq ans par des moyens rapides et efficaces. Je n'ai pas

d'autre chose à dire sur ce sujet.

Je vous poserai seulement une autre question, si vous le permettez. La question qui m'intéresse le plus dans votre affaire, c'est celle de la reprise en main de votre maison. Est-ce que vous êtes dans la zone de rétrocession?

M. Raymond (Maurice): Dans la zone de rétrocession, oui.

M. Ryan: Ce sont des maisons qui sont sur le côté sud de la rue, quand on s'en va vers l'autoroute 15.

M. Raymond (Maurice): C'est sur la route 158...

M. Ryan: On est passé devant l'autre jour.

M. Raymond (Maurice): ... au coin de la 158 et de la 117, près des Galeries, de l'hôtel Bouvrette, dans ce secteur-là.

M. Ryan: C'est cela. On est arrêté l'autre jour, là où on a fait descendre M. Dean. Vous voudriez qu'on vous cède votre maison à un prix qui tienne compte de ce qui a vous a été payé, qui tienne compte de certaines améliorations qui ont été faites. Maintenant, les améliorations qui ont été faites, c'est vous qui les avez faites, c'est vous qui allez en profiter et c'est vous qui en avez profité. Disons que cela sera à négocier; on ne veut pas régler cela ce soir, on ne sera pas capable. Mais vous êtes dans le domaine de la rétrocession. On a dit que les résidences devaient toutes être vendues dans ce coin-là. Est-ce que vous avez eu des nouvelles de la Société immobilière du Canada?

M. Raymond (Maurice): Non.

M. Ryan: Aucune?

M. Raymond (Maurice): Aucune.

M. Ryan: Avez-vous fait des démarches?

M. Raymond (Maurice): Non.

M. Ryan: Vous n'êtes pas pressé.

M. Raymond (Maurice): Pour avoir quoi comme réponse? Tout ce que j'ai vu, c'est qu'on est venu arpenter le terrain, on est venu arpenter dans le secteur. On était rendu à 900 environ. On est venu arpenter, mais pourquoi, je ne le sais pas.

M. Ryan: Cela me satisfait.

M. Raymond (Maurice): Très bien.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: En ce qui concerne la Régie du logement, j'ai été appelé de par mes fonctions, durant quelques années, à entendre des causes à Mirabel. Je peux vous dire qu'il fallait faire venir à la barre quelques ministères, en plus d'un organisme, qui arrivaient avec une batterie de procureurs. J'ai entendu des causes pendant 10 ans et je pense que c'est à peu près le plus mauvais propriétaire que j'ai rencontré au cours de ma carrière d'administrateur.

La question que je voulais poser, M. Ryan l'a posée. Je voulais vous demander si vous aviez comparu le 13.

M. Raymond (Maurice): Ils se sont désistés.

M. Dupré: Encore une fois, ils faisaient des demandes répétées, allaient en appel.

M. Raymond (Maurice): Si on s'était donné la peine d'étudier les chiffres que j'avais présentés, on n'aurait pas amené ma demande à la Régie du logement. D'ailleurs, c'est à l'annexe 3 et les chiffres sont clairs.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Beauce-Sud.

Une voix: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Je ne suis pas pressé.

M. Ryan: C'est à propos de ce qu'il vient de dire, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil, même si le mandat de la commission est d'entendre les témoins.

M. Ryan: Oui, mais c'est parce que cela se rapporte directement à notre sujet. Est-ce que vous étiez là en qualité de régisseur?

M. Dupré: Oui, monsieur.

M. Ryan: De régisseur, très bien. Quand vous dites que vous avez conclu que la société immobilière ou ses prédécesseurs étaient parmi les plus mauvais propriétaires au Québec, est-ce que vous affirmez cela à propos du montant du loyer qu'ils prenaient?

M. Dupré: Non, c'est à cause de leur arrogance et de leur mépris envers les gens qui arrivaient démunis, après avoir été expropriés, bien plus que des montants. En plus des montants, souventefois, ils ne savaient pas à quoi ils s'engageaient. Ordinairement, un locataire ne paie pas les

taxes, ni ce genre de dépenses, alors qu'eux étaient toujours dans l'incertitude, et il n'y a rien de pire que l'incertitude.

M. Ryan: Vous m'avez interrompu. Je m'excuse. Je vais juste compléter ma question: Est-ce que vous avez pu vérifier dans l'exercice de vos fonctions si le prix des loyers qui était demandé dans Mirabel pour les résidences de village était plus élevé, moins élevé ou à peu près aussi élevé que le prix des loyers dans les municipalités des alentours, comme Lachute, Saint-Jérôme, par exemple, ces municipalités-là? Êtes-vous en mesure de faire une affirmation là-dessus?

M. Dupré: C'est très hypothétique... M. Ryan: Très bien.

M. Dupré: ... parce que chaque cas est étudié séparément. Justement, à la Régie du logement, ce ne sont pas des taux fixes. Chaque cas était étudié particulièrement. Je ne peux pas là-dessus donner des chiffres précis.

Le Président (M Rochefort): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Une courte question. M. Raymond, vous dites que vous êtes membre du CIAC. Est-ce qu'on vous donne une carte de membre?

M. Raymond (Maurice): Oui.

M. Mathieu: À quel intervalle payez-vous votre cotisation?

M. Raymond (Maurice): Le CIAC a fonctionné de la façon suivante: lorsqu'il avait besoin de fonds, on allait chercher une contribution.

M. Mathieu: Mais cela veut dire quoi, depuis que le CIAC existe?

M. Raymond (Maurice): Depuis que le CIAC existe, j'ai donné 100 $ lorsqu'on a commencé à ouvrir les dossiers, ensuite, 100 $ pour essayer d'aller chercher des indemnités à Ottawa. À partir de 1979, on a commencé à vouloir se regrouper, nous les gens des résidences, et on a fixé un montant d'entrée de 50 $. Il n'était pas question, à ce moment-là, de temps ou d'autre chose. Maintenant, étant donné qu'à la Régie du logement on en a amené 150, les frais d'avocats, etc., ont coûté des sous. On a donc été obligé de faire appel aux gens pour une deuxième et peut-être une troisième contribution. Mais, normalement, ce serait 50 $ par année.

M. Mathieu: Avez-vous eu à en verser une deuxième?

M. Raymond (Maurice): Oui.

M. Mathieu: Bon. On pourra poser la question au CIAC, mais j'imagine qu'il existe des listes de membres précises pour savoir exactement: dans telle catégorie, il y a tant de cultivateurs, tant de locataires, tant de commerçants.

M. Raymond (Maurice): Oui.

M. Mathieu: J'aurais juste une observation. Vous vivez, ainsi que les personnes que nous avons entendues, des frustrations très compréhensibles. Je pense qu'on peut dire que c'est légitime. Maintenant, je retrouve cela chez nous, dans mon comté, et il n'y a pas d'expropriation fédérale. Je retrouve Hydro-Québec qui exproprie d'une manière arrogante. J'ai des gars qui ne veulent pas signer, un jugement a été rendu, la ligne est bâtie, exactement ce que vous me dites là. Je retrouve cela dans le zonage agricole quand on zone nos buttons qui ne sont pas cultivables. Dans la possession, on avait trois choses: l'usus, l'usage, le fructus, et la disposition, l'abusus, comme on l'appelait. On enlève un élément, on tombe locataire chez nous. Les gens qui vivent dans des régions périphériques qui ne sont pas très bonnes pour l'agriculture, qui ne sont même pas bonnes du tout, on les zone, on les exproprie, sans indemnité. Vous, vous avez eu une légère indemnité, malgré tout. Je comprends votre sentiment de frustration, parce que beaucoup de mes commettants, même des agriculteurs, m'en font mention. (23 h 45)

M. Raymond (Maurice): Le 27 mars 1969, j'étais exproprié. Si, le 30 mars, on m'avait offert un prix fixe, disons de 18 000 $ tout de suite et assuré, je ne serais peut-être pas ici aujourd'hui. L'indemnité qu'on m'a offerte, cela a pris du temps avant de la recevoir et, à ce moment-là, tout le contexte économique avait évolué. C'est dans ce sens-là. Vous parlez du cas de ces cultivateurs, mais ils ont quand même une indemnité?

M. Mathieu: Concernant le zonage agricole, il n'y a pas d'indemnité. C'est une expropriation sans indemnité.

Des voix: Ah!

M. Raymond (Maurice): Et qui semble, si je ne m'abuse - parce que je le connais un peu - le bien de la province, parce qu'on protège nos terres agricoles qui vont nourrir la province.

M. Mathieu: On zone les cimetières, les centres commerciaux, les pentes de ski, les pistes d'avion. C'est de cette façon qu'on protège nos sols?

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Beauce-Sud.

M. Raymond (Maurice): Je ne m'étendrai pas sur le sujet.

M. Mathieu: Alors, qu'on zone nos sols cultivables...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Beauce-Sud, je vous rappelle à l'ordre!

M. Mathieu: ... je n'ai pas d'objection, mais qu'on laisse tranquilles les sols qui ne sont pas cultivables.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mathieu: Oui, M. le Président. Merci.

M. Houde: ... que le ministre.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Berthier, je vous soulignerai que si j'ai arrêté le député de Beauce-Sud, c'est que, normalement, on s'exprime un à la fois en commission et que j'en entendais plus d'un.

M. Mathieu: Et c'était à mon tour de parler.

M. Houde: ...

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que j'ai accusé le député de Beauce-Sud de quoi que ce soit? J'ai demandé à tout le monde d'arrêter de parler et il continuait de parler.

M. Houde: C'est lui qui l'a arrêté.

Le Président (M. Rochefort): Je voulais rétablir l'ordre. Me permettez-vous de faire cela?

Une voix: C'est parce qu'il est tard, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Beauce-Sud, est-ce que vous avez d'autres questions à poser à notre témoin?

Une voix: Je pense qu'on va être obligé d'arrêter.

M. Mathieu: Non, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, je voudrais, au nom des membres de la commission, vous remercier de vous être présenté devant nous.

M. le député de Brome-Missisquoi, voulez-vous intervenir?

M. Paradis: J'ai une dernière question. Dans les propos que vous avez mentionnés, vous avez fait état de visites à la Régie du logement où vous avez discuté avec des fonctionnaires, greffiers ou autres. Vous ne sembliez pas satisfait du fonctionnement. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Raymond (Maurice): C'est-à-dire que, pour l'arrérage des taxes - je devais 105 $ - je me suis rendu directement au bureau, à Mirabel, BANAIM, avec les chiffres que j'avais. On n'a jamais voulu prendre le temps de regarder les chiffres que j'avais. On a dit: Nos chiffres sont bons; les tiens ne sont pas bons. Résultat: Régie du logement, éviction, annulation de bail.

M. Paradis: Est-ce que vous êtes satisfait des services de la Régie du logement avec les contacts que vous avez eus avec ses fonctionnaires?

M. Raymond (Maurice): Oui.

M. Paradis: Cela a bien été. Concernant vos collègues qui ont des résidences, est-ce qu'il y a une certaine jurisprudence, des précédents qui se sont établis parce qu'ils en ont amené plusieurs là?

M. Raymond (Maurice): C'est malheureux. On revient avec les mêmes annexes, les baux suivants. Il ne semble pas y avoir de jurisprudence. C'est cela qui est malheureux.

M. Paradis: Cela va.

Le Président (M. Rochefort): M.

Raymond, je tiens à vous remercier, au nom des membres de la commission, de vous être présenté devant nous. J'inviterais maintenant Mme Renée Lalande et M. Louis Lalande à venir se présenter devant nous.

M. Raymond (Maurice): Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: J'aimerais que le député de Saint-Hyacinthe nous dise le nombre de causes qu'il a entendues sur Mirabel et à quel titre. C'est un témoignage un peu exceptionnel. Je ne savais pas qu'il les avait entendues; je l'apprends.

Le Président (M. Rochefort): Je voudrais d'abord vous rappeler le mandat de la commission et vous souligner, d'autre part, qu'il est 11 h 50. Normalement, à minuit, nous devrons ajourner nos travaux. Je pense qu'il faudrait peut-être permettre aux personnes qui sont devant nous de nous présenter leur mémoire. On aura peut-être l'occasion, ultérieurement, de discuter avec le député de Saint-Hyacinthe. Est-ce que vous êtes d'accord? Oui. Merci.

M. Dupré: II y en a certainement d'autres, parmi les intervenants invités à présenter des mémoires, qui aborderont le sujet.

Le Président (M. Rochefort): M. et Mme Lalande, je vous souhaite la bienvenue, au nom des membres de la commission, et je vous demanderais de présenter votre mémoire immédiatement.

Mme Renée et M. Louis Lalande

Mme Lalande (Renée): M. le Président, MM. les députés. Le grand dérangement!

Après ces treize années que nous avons vécues sous la tutelle gouvernementale, il est plus que temps de faire valoir nos droits et de venir les soumettre en espérant que vous les prendrez en considération. Lorsque nous analysons cette situation d'exproprier un si grand territoire inutilement, nous ne pouvons faire autrement que d'être convaincus que cela a été un geste irréfléchi, impensable et stérile pour les expropriés qui en ont été les victimes.

Depuis ce temps, nous essayons de convaincre les autorités responsables de notre cause du bien-fondé de nos revendications et du désir ardent qui nous anime de redevenir propriétaires, maîtres chez nous, en possession de nos terres et dépendances, ce qui, pour nous, représente notre bien le plus cher et le plus précieux.

Afin de sensibiliser la population, que de luttes soutenues, de manifestations organisées, de temps et d'énergie dépensés, sans compter les maux de tête et l'incertitude du lendemain, durant toutes ces années qui ont perturbé nos viesï Cependant, une lueur d'espoir est venue éclaircir notre existence car grâce à nos convictions, à notre certitude d'être entendus un jour, le gouvernement fédéral a enfin admis ses erreurs en décidant de nous rétrocéder nos terres.

Nous sommes heureux de cette décision, oui, très heureux, mais il n'en reste pas moins qu'actuellement, c'est l'incertitude complète quant aux conditions qui nous seront imposées.

Après cet exposé qui englobe tous les expropriés qui ont eu à souffrir de cette situation, nous voulons vous soumettre notre cas en particulier. En 1969, lors de l'expropriation, mon frère et moi avions décidé de nous associer pour prendre la relève sur la terre paternelle. Mais voilà qu'au même moment le gouvernement annonce sa décision de s'emparer de nos terres. Inutile de vous dire toutes les questions que nous nous sommes posées alors. Qu'allions-nous faire? Partir à l'aventure sans préparation d'aucune sorte, ou demeurer sur la ferme? De plus, mon frère, devant l'incertitude du lendemain, se retire et trouve une situation ailleurs.

Finalement, notre attachement à la terre, nos racines profondes et ces années de travail consacrées à la ferme depuis ma tendre enfance ont raison de nos hésitations. Nous restons, surtout que l'occasion se présentait de le faire en redevenant propriétaire puisqu'un voisin non exproprié mettait sa terre au complet en vente. Convaincus que nous pourrions bénéficier du crédit agricole, nous avons fait les démarches nécessaires pour l'obtenir, mais le responsable, M. Lajeunesse, nous le refuse en essayant de nous montrer tous les avantages qu'il y avait à demeurer sur nos terres, même expropriées, car, disait-il, il est plus avantageux pour nous de le faire avec des conditions de bail à long terme et à prix privilégié.

Les agronomes nous répétaient les mêmes rengaines. Jeunes, sans argent mais remplis d'espoir en l'avenir, nous avons fait confiance à tout ce beau monde avec le résultat qu'on connaît. Quelle déception, quels regrets du chemin parcouru depuis après tant d'espoirs déçus.

À l'automne 1972, nous décidons d'agrandir l'étable afin de mieux fonctionner et augmenter notre exploitation. Toujours confiants, en 1973, nous montons deux silos. Les investissements se font de plus en plus nombreux: réparations, entretien des bâtiments, réagrandissement de l'étable, un autre silo-fosse indispensable, à défaut d'un silo conventionnel, car nos moyens ne nous le permettaient pas, n'ayant pas l'argent nécessaire et pas de subvention. Construction d'un grand garage. Et toutes ces heures de travail à l'entretien des terres, drainages, fossés, nivellement, chaux, engrais, etc.

Avant d'entreprendre toutes ces améliorations, chaque fois nous faisions des demandes, des démarches et nous consultions. Toujours, c'étaient des attentes à n'en plus finir et souvent sans réponse. Alors, nous entreprenions les réparations et les commodités indispensables au bon fonctionnement de la terre, fatigués et écoeurés que nous étions de toujours quémander sans résultat.

Pour prouver la grande incompétence et le gaspillage qu'a coûté cette expropriation, nous tenons à vous souligner quelques faits saillants qui illustrent bien ce que nous

avançons. Notre maison nécessitait des réparations extérieures urgentes pour le bon entretien. Elle était alors sous la responsabilité du gouvernement. Des inspecteurs sont venus pour évaluer le travail et les coûts et ont décidé de faire un revêtement d'aluminium sur toute la maison. N'ayant pas le choix, nous avons dû accepter ces conditions car, pour nous, l'idéal aurait été de garder à la maison sa conception originale, soit une finition en briques.

Trois entrepreneurs et sous- entrepreneurs ont participé à ce travail tellement mal fait que tout a été à reprendre. Les morceaux d'aluminium partaient, à tout moment, au moindre vent. Et que dire du tott de notre descente de cave? Après avoir été réparé au moins sept à huit fois, il coule toujours et l'eau qui s'écoule l'hiver gèle sur les marches et provoque des chutes dangereuses. Qui paie pour toutes ces erreurs, cette mauvaise administration de nos terres qui sont devenues un bien de l'État? Ce sont les contribuables, vous et nous.

Il en est de même pour l'intérieur de la maison qui nous tient à coeur. Nous avons voulu la tenir en bon ordre, en y apportant les améliorations et rénovations nécessaires toujours graduellement, au fil des ans, suivant nos moyens et le temps que nous laissaient les travaux de la ferme, en espérant qu'un jour peut-être nous soyons encore heureux, propriétaires, tout comme nos pères et nos ancêtres l'ont été. Malgré toutes les injustices qui nous sont infligées, nous sommes sûrs qu'un jour quelqu'un de sensé, juste et raisonnable va reconnaître nos droits et les efforts que nous avons faits pour endurer cette situation sans rébellion.

Il nous a été impossible de vivre épanouis et pleinement heureux durant ces années. Si nous avons enduré, c'est que nous croyons en un avenir meilleur, qui nous rendrait maîtres chez nous à des conditions qui seraient raisonnables. Nous ne voulons ni être plus riches, ni plus pauvres, ni dans une meilleure situation, ni pire. Les critères de base acceptables pour nous seraient: prix payé moins le loyer, plus les intérêts, plus les investissements, moins les contraintes, moins les dommages. Cela aiderait à compenser pour tout ce que nous avons souffert durant ces treize années d'injustice et de jours sombres. Nous espérons encore et malgré tout qu'enfin vous donnerez suite à nos demandes. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Avant de donner la parole au ministre, y a-t-il consentement des membres de la commission pour que nous poursuivions jusqu'à ce que M. et Mme Lalande aient été entendus? Quant à M. Richard Desjardins, il a été impossible de le contacter; s'il est dans la salle, nous lui demandons de s'identifier. Quant à la famille Réjean Ethier et M. Léo Bourgeois, ils accepteraient tous les deux de revenir à une prochaine séance de la commission pour comparaître devant nous.

Une voix: Demain?

Le Président (M. Rochefort): Non, pas demain, à une prochaine séance, au prochain bloc qui sera, je crois, vers le 16 ou le 17 novembre. Ils s'entendront évidemment avec le secrétariat des commissions pour coordonner l'heure de leur comparution. Cela va? Donc, il y a consentement des membres pour poursuivre l'audition de M. et Mme Lalande. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Êtes-vous dans la zone où il y aura rétrocession?

M. Lalande (Louis): Oui.

M. Garon: J'ai cru comprendre que c'est en bas.

M. Lalande: Les derniers, dans les limites de Saint-Placide. Je ne fais pas partie de la ville de Mirabel, je fais partie de la paroisse de Saint-Placide.

M. Garon: Et vous êtes exproprié? M. Lalande: Oui.

M. Garon: Saint-Placide n'est pas dans Mirabel.

M. Lalande: C'est cela.

Le Président (M. Rochefort): Voudriez-vous vous approcher du micro, s'il vous plaît?

M. Lalande: Oui.

M. Garon: Êtes-vous membre du CIAC?

M. Lalande: Oui.

M. Garon: Depuis le début?

M. Lalande: Oui, ça fait longtemps qu'on est membre.

M. Garon: Êtes-vous membre de la chambre de commerce?

M. Lalande: Non.

M. de Bellefeuiile: Ils n'habitent pas à Mirabel, d'ailleurs.

M. Lalande: C'est ce que j'allais dire. Je n'habite pas dans la ville de Mirabel et la

chambre de commerce fait partie de la ville de Mirabel.

M. Garon: Bon. Dans Saint-Placide, ceux qui sont expropriés, sont-ils tous membres du CIAC ou presque ou s'il y en a très peu?

M. Lalande: Je le penserais bien, oui.

M. Garon: Vous pensez qu'ils sont tous membres?

M. Lalande: Oui.

M. Garon: Quand vous avez des réunions, occasionnellement, les gens sont là.

M. Lalande: Tous ceux qui font encore de l'agriculture sont là. Dans les résidents, ils ne sont peut-être pas tous membres.

M. Garon: À Saint-Placide, de quelle façon la situation a-t-elle changé depuis l'expropriation, dans la partie expropriée?

M. Lalande: La paroisse n'a pas tellement été attaquée; il n'y a pas beaucoup de fermes qui ont été prises dans la paroisse de Saint-Placide. Il y a peut-être une dizaine de fermes qui ont été prises pour l'aéroport; le reste n'a pas été touché. Cela n'a pas tellement dérangé la vie sociale de Saint-Placide.

M. Garon: On vous a payé combien l'arpent?

M. Lalande: C'est mon père qui a été exproprié.

M. Garon: Restiez-vous avec votre frère?

M. Lalande: Je travaillais avec mon père. Depuis l'âge de 14 ans, je suis resté à la maison et je travaille avec mon père. En 1969, c'est à ce moment-là qu'on devait acheter, mon frère et moi. On devait acheter en juin et au mois de mars, tout a été gelé.

M. Garon: Êtes-vous sur une ferme actuellement?

M. Lalande: Oui, je suis sur la ferme paternelle qui a vu cinq générations.

M. Garon: Et votre frère?

M. Lalande: Comme on le dit dans le mémoire, mon frère n'était pas assez sûr pour continuer dans l'agriculture, il avait trop peur de ne pas avoir des conditions rentables pour vivre à deux. Il a décidé de s'en aller.

(Minuit)

M. Garon: Au cours des années, dans vos projets de développement agricole, avez-vous fait le développement au même rythme que vous l'auriez fait si vous n'aviez pas été exproprié ou qu'est-ce qui a été différent sur votre ferme?

M. Lalande: On a fait beaucoup de développements, mais on ne pouvait pas marcher au même rythme, parce que, d'abord, il y a eu les subventions de silos, comme on dit, qu'on n'a pas pu avoir et mon premier but, en 1969, quand on devait acheter, c'était de drainer toutes les terres. On achetait et on voulait drainer les terres tout de suite en partant. Je voulais partir sur ce pied et les subventions qui... On était venu à bout de faire drainer 60 arpents par Mirabel. Mirabel nous a drainé 60 arpents.

M. Garon: La ville?

M. Lalande: À ce moment-là, je payais 7 $ l'arpent pour la terre que j'avais louée. Depuis le drainage, je paie 13,50 $ l'arpent.

M. Garon: Quand vous dites que Mirabel a drainé, c'est qui?

M. Lalande: Ils ont drainé à leurs frais. Ce sont eux qui ont payé le drainage...

M. Garon: Ah, bon!

M. Lalande: ... pour 60 arpents. J'avais acheté 30 arpents de mon père. C'est le seul terrain qui est resté dans la limite. Comme vous pouvez le voir, il y a une ligne en bas.

M. Garon: En quelle année le drainage a-t-il été fait?

M. Lalande: En traversant la route, il y a une petite déviation.

M. Garon: Mais en quelle année le drainage a-t-il était fait?

M. Lalande: En quelle année le terrain a été drainé?

M. Garon: Oui.

M. Lalande: C'est en 1972, je pense.

M. Garon: En 1972? Y a-t-il eu une subvention du gouvernement du Québec?

M. Lalande: Je ne pourrais pas vous dire si on a été subventionné.

Mme Lalande: Le terrain a été drainé beaucoup plus tard que cela.

M. Lalande: Quelques années après.

Mme Lalande: Le drainage a été fait en 1975, quand on a acheté la partie de la terre qui était...

M. Lalande: Qui restait à mon père. Mme Lalande: Qui restait à son père.

M. Lalande: II est resté seulement 30 arpents de terre à mon père.

M. Garon: Ce n'était pas dans l'expropriation?

M. Lalande: C'est cela.

Mme Lalande: La partie que vous voyez, c'est...

M. Lalande: Je vais vous le montrer exactement. Il y a un petit crochet.

Mme Lalande: II y a un crochet. Cela n'a pas été exproprié.

M. Lalande: On est dans les limites ici.

Mme Lalande: Ils ont voulu le racheter après.

M. Lalande: ... dans la route que ça fait cela, mais l'arpent qui restait ici, c'est un arpent de large, 30 arpents de long. Ils ne l'ont pas pris à mon père. Je ne sais pas pour quelle raison cela n'était pas droit. Il y avait un autre numéro.

Mme Lalande: Ils sont revenus plusieurs fois à la charge pour la racheter.

M. Lalande: C'est à nous. Ils ont voulu la racheter.

Mme Lalande: Mon beau-père avait même une terre à bois. Ils ont voulu racheter aussi sa terre à bois. Mon beau-père n'a pas voulu. C'est nous qui avons eu la chance de l'acheter, heureusement.

M. Garon: Vous disaient-ils pourquoi ils voulaient absolument l'acheter?

M. Lalande: Ils ont dit: Vu qu'il ne vous reste que cela, on va l'acheter, si vous voulez vous en débarrasser.

Mme Lalande: Ils voulaient nous déposséder au complet.

M. Lalande: Mon père leur a répondu qu'au prix qu'ils offraient ce n'était vraiment pas à vendre.

Mme Lalande: À maintes reprises, nous avons voulu quitter le territoire, parce qu'on ne se sentait pas heureux, mais on n'a jamais pu avoir l'argent pour le faire. On en a demandé au crédit agricole. Cela a été impossible d'en avoir.

M. Garon: Non. La loi ne permet pas de faire des prêts dans des conditions semblables.

Mme Lalande: Mais, en étant expropriés inutilement, c'est difficile d'accepter ces choses.

M. Lalande: Et j'avais quand même un bail de dix ans au début. Quand j'avais fait ma demande de prêt et ristourne...

M. Garon: Oui.

M. Lalande: ... j'avais un bail de dix ans que je venais de signer.

M. Garon: Qu'ont-ils dit?

M. Lalande: M. Lajeunesse m'a dit: Ne va pas t'embarquer là-dedans. C'est bien mieux de rester sur le territoire de Mirabel. Il y a de l'avenir là-dedans. Quand tu es jeune, tu te fies à cela, et cela a resté là. Ils ont dit: On est bien mieux de ne pas te prêter là-dessus. Tu t'embarquerais pour rien. Cela modérait toujours nos élans. On voulait toujours aller plus vite. Il y avait un manque de subventions. Il y avait toujours quelque chose qui accrochait. Tu allais faire des demandes à Mirabel. À ce moment-là, ce n'était pas la société immobilière.

Mme Lalande: C'était le ministère des Travaux publics.

M. Lalande: Cela prenait toujours six mois, parfois un an avant d'avoir une réponse. Quand tu es jeune et que tu veux avancer, ce n'est pas ce que cela prend. J'ai dit: Je veux être chez nous et je vais la vendre. Là, tu te tannes. Tu ne fais plus de demandes et tu avances quand même. Tu es pris avec de gros investissements après un certain nombre d'années.

M. Garon: Vous êtes dans quel type de production?

M. Lalande: L'industrie laitière.

M. Garon: Les investissements que vous avez faits...

M. Lalande: Oui.

M. Garon: ... au cours des années, vous les avez faits à votre compte?

M. Lalande: Oui, je les ai toujours payés totalement.

M. Garon: Cela vous appartient?

M. Lalande: Cela m'appartient s'ils les reconnaissent.

Mme Lalande: On espère qu'ils vont les reconnaître.

M. Lalande: J'espère qu'ils vont reconnaître les investissements que j'ai faits.

M. Garon: Et vous avez fait quoi, comme investissements?

M. Lalande: J'ai agrandi l'étable deux fois. J'ai construit des silos et j'ai...

M. Garon: Des silos à grains ou à fourrage?

M. Lalande: Deux à grains, un à ensilage et un silo à fosse horizontale. J'ai construit le dernier il y a deux ans. J'aurais préféré un silo conventionnel, mais ça me coûtait beaucoup plus cher, j'étais encore dans l'insécurité; alors, j'ai opté pour un silo horizontal, étant donné les frais.

Mme Lalande: On a aussi construit un grand garage, mais avant on avait fait les démarches nécessaires pour demander à la société de construire le garage en question. Les entrepreneurs avaient soumissionné pour 40 000 $; nous, ça nous en coûtait 358 $ par mois pour avoir ce garage.

M. Lalande: J'ai dit, au bout de quinze ans, je vais encore le payer. Il a dit: Tu ne paieras pas juste pour quinze ans, tu vas toujours payer. J'ai dit: Écoutez, ça n'a pas de sens.

Mme Lalande: On a calculé qu'on était regagnant de le faire à nos frais et ça nous a coûté 6000 $ pour le construire.

M. Lalande: On l'a construit nous-mêmes, me direz-vous, je n'ai pas engagé d'entrepreneurs.

Mme Lalande: On ne compte pas notre temps.

M. Garon: Je comprends, c'est exactement ce que je pensais de la situation. Si la Société immobilière du Canada bâtissait, ça coûtait 40 000 $...

M. Lalande: Oui.

M. Garon: ... et vous, ça vous en coûtait 6000 $; autrement, elle exigeait 350 $ par mois.

M. Lalande: C'est ça. J'aimais mieux investir mon argent, le risquer, en fin de compte. J'ai investi et c'est fini après, quant a payer toujours des dix ans ou des quinze ans.

M. Garon: Quand il y a des travaux exécutés par la Société immobilière du Canada, à Mirabel...

M. Lalande: Comment dites-vous ça, je n'ai pas compris?

M. Garon: Quand il y a des travaux qui se font, de quelle façon procède-t-on? Est-ce qu'on procède un peu comme les Travaux publics, avec des appels d'offres? Les gens savent que c'est pour le gouvernement, donc ce n'est pas le même tarif.

Mme Lalande: Cela paraît dans les journaux et on demande... C'est sur le même principe.

M. Lalande: II y a une demande publique qui paraît dans tous les journaux locaux pour les soumissions.

Mme Lalande: Et on demande aux entrepreneurs de soumissionner.

M. Lalande: N'importe quel entrepreneur a le droit de soumissionner pour la société. C'est ce que je pense.

M. Garon: Et pour les travaux dont vous avez eu connaissance, c'était toujours le même écart, si les travaux avaient été effectués par la Société immobilière du Canada par rapport au coût de ces travaux si ça avait été fait par vous-mêmes?

M. Lalande: Oisons que la Société immobilière du Canada ou n'importe quelle autre - elle est là depuis je ne sais pas combien de temps; cela a toujours été pareil depuis treize ans qu'on est là - si elle accordait un contrat qui s'élevait à 10 000 $, si j'avais été propriétaire et si je l'avais accordé à un entrepreneur, ça aurait coûté en bas de la moitié du prix; je suis sûr de ça. Cela coûte toujours le double.

Mme Lalande: Et encore.

M. Lalande: En disant le double, je n'exagère certainement pas; ça coûte toujours deux, trois et parfois quatre fois plus cher. Si on était propriétaire, on le ferait faire soi-même. Ensuite, on paie le loyer en conséquence du gros montant. On envisage tout ça et on se dit: On s'est embarqué, on est allé trop loin. Cela fait treize ans que ça dure et ça fait treize ans qu'on veut avancer. Quand on est jeune, on pousse, on veut y aller et on commence à s'apercevoir qu'on a pas mal d'argent investi. Si elle ne reconnaît pas nos investissements, on va en prendre une bonne. On n'est pas tout seuls dans ce cas, car la majorité des

fermiers qui sont restés sur le territoire de Mirabel et qui étaient intéressés, les cultivateurs vraiment intéressés ont fait comme on a fait; ceux qui étaient jeunes ont poussé et ils ont investi et réinvesti. Là, face à la rétrocession, c'est ce qui va nous arriver. Il n'y a rien qui nous dit quels avantages ou quels désavantages on va avoir face à la société. On ne nous a rien présenté encore. Je n'ai pas communiqué avec la société et elle non plus n'a pas communiqué.

M. Garon: Elle l'a annoncée au mois de mai ou au mois de juin?

M. Lalande: La rétrocession? C'est au mois de...

Mme Lalande: Au mois de mai.

M. Garon: Au mois de mai. Depuis ce temps, vous n'avez pas eu de consultation, il n'est rien arrivé?

M. Lalande: Non.

Mme Lalande: Moi, j'ai demandé à notre gestionnaire, Lise Corbeil, pour voir si on avait des démarches à entreprendre pour racheter nos terres. Elle m'a dit: Faites ce que vous voudrez, vous ne pourrez rien obtenir tant qu'on n'aura pas décidé de vous présenter ce qu'on a à vous présenter. Là, on attend, mais est-ce qu'on va attendre encore des années? On a hâte d'être chez nous.

M. Lalande : On nous a dit qu'on aurait la rétrocession, mais c'est quand et à quelles conditions?

Mme Lalande: On fonde bien des espoirs sur la commission parlementaire.

M. Garon: Ce n'est pas nous qui pouvons décider, par exemple.

Mme Lalande: Évidemment que ce n'est pas vous...

M. Lalande: On sait que ce n'est pas vous, mais...

Mme Lalande: ... mais on espère que vous allez nous appuyer.

M. Lalande: C'est l'appui qu'on est venu chercher ici.

M. Garon: C'est le gouvernement fédéral et M. Pepin - je ne sais pas si sa lettre veut dire quelque chose - mais ce matin, il laissait plutôt entendre qu'il recommençait une étude.

Mme Lalande: Cela veut dire qu'on va attendre encore treize ans?

M. Garon: Je ne sais pas.

M. Lalande: Cela fait longtemps qu'il étudie et cela fait longtemps qu'il mesure. Ils ont mesuré quand on a été exproprié. Chez nous, cela doit faire quatre fois qu'ils viennent mesurer les bâtiments et tout ce qu'il y a chez nous. Ils ont mesuré au mois d'octobre, l'an dernier, et il y a trois semaines, ils m'ont téléphoné pour revenir mesurer. J'ai dit: Si vos dossiers ne sont pas assez remplis, je n'accepte plus rien, je ne veux plus vous voir mesurer ici. ILs m'ont dit: Monsieur, on va prendre les procédures et on va y aller. J'ai dit: Écoutez, on va attendre. Je pense que si vous n'avez pas assez de mesures dans vos papiers, cela fait quatre fois que vous mesurez.

M. Garon: C'est le même fonctionnaire?

Mme Lalande: Ah non!

M. Lalande: Ah non! C'est une autre division. Ce sont toujours des nouveaux organismes.

Mme Lalande: Ce ne sont jamais les mêmes.

M. Lalande: Cela fait travailler du monde, ça, l'aéroport de Mirabel.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'aurais une question, tout d'abord pour le ministre de l'Agriculture, en relation avec ce qui vient d'être dit. Le programme de rétrocession partielle des terres agricoles du territoire périphérique a été rendu public par le gouvernement fédéral autour du 15 ou 20 mai dernier. Depuis ce temps-là, cinq ou six mois se sont écoulés. Est-ce que vous, à titre de ministre de l'Agriculture du Québec, protecteur émérite de nos terres agricoles québécoises, vous avez fait des démarches auprès du gouvernement fédéral pour vous enquérir des conditions auxquelles ces terres seraient rétrocédées et leur faire des propositions?

M. Garon: Pardon?

M. Ryan: On va attendre la réponse demain. Je signale, pendant que vous réfléchissez, que vous m'avez fait tenir une abondante documentation ce matin, que je n'ai pas encore eu le temps de lire mais qui apporte un complément heureux à la documentation que j'avais reçue.

M. Garon: M. le député d'Argenteuil,

vous étiez présent, avec moi, au mois de juin, lorsque j'ai ajouté foi aux déclarations du gouvernement fédéral qui avait l'intention de rétrocéder les terres. C'est un peu dans cette perspective de consultation, pour établir les modalités, que nous avons voulu aider financièrement le CIAC pour pouvoir, justement, organiser, par la consultation, les modalités de cette rétrocession.

Vous n'avez jamais été dans ce dossier. Pour savoir qui est l'interlocuteur, c'est déjà quelque chose, savoir qui s'occupe du dossier. Il y a eu une période où on a pu avoir un interlocuteur, c'est lorsque le Parti conservateur était au pouvoir, au gouvernement fédéral. C'est une période pendant laquelle on a pu se rencontrer et faire avancer le dossier. Quand le Parti libéral a été au pouvoir, on a eu de la difficulté à savoir qui serait l'interlocuteur dans ces dossiers. On l'a cherchée, la collaboration, dans ce dossier, au maximum, mais cela n'a pas été facile. C'est pour cela que, dans une perspective de consultation, comme il a été mentionné déjà par les autorités fédérales, nous avons voulu faciliter la consultation. Nous avons toujours été disposés à des rencontres pour établir, dans une perspective de relance, quelle serait la participation de chacun.

Qui pilote le dossier actuellement au gouvernement fédéral?

M. Houde: Ne nous posez pas la question.

M. Ryan: On peut peut-être vous apporter des éléments de réponse, M. le ministre. Il y a un ministre...

M. Garon: ... communiqué, comme je vous le disais tout à l'heure, immédiatement avec M. Leblanc, le ministre responsable, quelques jours après sa nomination...

M. Ryan: Avant lui, il y avait M. Paul Cosgrove.

M. Garon: M. Cosgrove. Je sais, quand on a communiqué avec M. Cosgrove, à quel point cela a été un grand succès!

M. Ryan: Vous ne répondez pas aux lettres.

M. Garon: Écoutez, il ne faudrait pas nous prendre pour des innocents, plus innocents que nous ne le sommes.

M. Ryan: Je voudrais simplement vous rappeler une chose. Vous pariiez de consultation...

M. Garon: M. Cosgrove n'a pas réglé beaucoup de dossiers. C'est un peu comme M. Pepin. Ils ont cela en commun.

M. Ryan: C'est bien cela. On peut faire des blagues avec cela mais cela ne change pas le problème.

M. Garon: Ce ne sont pas des blagues pour ceux qui les vivent. (0 h 15)

M. Ryan: Mais là, ce que je vous dis, c'est qu'il y a eu une phase de...

M. Garon: Vous êtes loin du monde qui ne vit pas dans le monde des tribunaux. Quand vous vivez avec du monde qui est toujours devant les tribunaux, c'est facile. Quand ce sont des organismes qui vont devant les tribunaux, les frais sont payés par d'autres, c'est facile. Mais quand ce sont des gens qui ne sont pas habitués à se faire traîner devant les tribunaux, vous ne savez pas les drames qui peuvent être vécus par les gens qui ne savent pas et même par des gens qui sont plus familiers avec ces rouages; quand ils reçoivent des poursuites en justice, ils sont souvent traumatisés. Il faut se replacer dans un contexte de réalité, pas dans un contexte de millionnaire.

M. Ryan: M. le Président, si j'affirmais ce soir que, depuis que le programme de rétrocession partielle a été rendu public, le 15 ou le 20 mai dernier, le ministre de l'Agriculture n'a fait aucune démarche auprès du gouvernement fédéral pour essayer d'infléchir la politique du gouvernement fédéral dans le sens des meilleurs intérêts des cultivateurs de la région de Mirabel, est-ce que le ministre m'accuserait de mentir?

M. de Bellefeuille: M. le Président. Le Président (M. Rochefort): Oui.

M. de Bellefeuille: Pendant que le ministre réfléchit...

M. Dupré: M. le Président, lorsque M. Ryan dit...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! Vous voulez intervenir sur une question de règlement?

M. Dupré: Non.

Le Président (M. Rochefort): Non, alors, la parole est au ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Depuis six ans que je suis ministre de l'Agriculture, nous avons tenté de rencontrer à différentes reprises les gens du gouvernement fédéral. Il y a même déjà eu des rencontres, il y a déjà eu des documents qui ont été échangés. Il y a des fonctionnaires de mon ministère qui ont participé à ces rencontres, mais ça n'a pas donné de grands résultats. Aujourd'hui, quand

arrive une période de rétrocession, alors que les gens sont organisés, ont des producteurs agricoles et ont le CIAC qui les représentent, je me suis plutôt enquis auprès de ces organismes pour savoir quelle était la position que ceux-ci défendaient vis-à-vis du gouvernement fédéral, qui doit tenir compte de leurs représentations. Mais, comme vous le voyez, eux-mêmes n'ont même pas été approchés par le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral ne nous a pas approchés nous non plus jusqu'à maintenant. Nous sommes disposés en tout temps à les rencontrer sur cette question.

J'ai parlé à M. LeBlanc, au début d'octobre, après sa nomination. M. LeBlanc, je le connais; je ne connaissais pas M. Cosgrove. J'en ai même parlé aussi à M. Fox, que j'avais rencontré dans un aéroport. Je leur ai dit: II faudrait régler la question de Mirabel. En tout temps, on est disponible pour travailler sur ce dossier. M. Fox, que je connais personnellement - je ne l'ai pas vu souvent depuis le temps, mais je l'ai connu il y a une vingtaine d'années - ne m'a jamais donné d'indication qu'il était prêt à travailler sur ce dossier.

M. Dupré: Peut-être que M. Ryan me permettrait une courte question sur son intervention.

M. Ryan: Oui, c'est plus facile que les réponses!

M. Dupré: Lorsque vous parlez de programme, ce qui a été annoncé le 20 mai, ce n'est pas un programme, à ma connaissance, c'est une annonce. Mais avez-vous eu connaissance d'un programme qui ait été annoncé avec des normes et des montants? C'est une annonce qu'il y a eu, disant qu'on rétrocéderait tout simplement; je n'appelle pas ça un programme.

M. Garon: M. le Président, pour l'information du député, dès la reprise du pouvoir par M. Trudeau, après février 1980, au printemps, j'ai eu deux sous-ministres et quelqu'un de mon cabinet qui sont allés pour rencontrer, dans une réunion qui était publique, à Mirabel, les gens du gouvernement fédéral. À ce moment, les gens ont dit qu'ils n'étaient pas intéressés aux baux emphytéotiques. À plusieurs reprises, on a fait des tentatives auprès du gouvernement fédéral. Vous ne trouverez pas dans le dossier de Mirabel beaucoup d'intervenants faciles à rencontrer et disponibles pour apporter des solutions au problème.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais seulement rappeler le contexte précis dans lequel je posais ma question, et cela va également répondre à la question du député de Saint-Hyacinthe. En mai dernier, le gouvernement fédéral - ce n'était pas la Société immobilière du Canada; c'était le gouvernement fédéral - par la bouche du ministre du temps - je pense que c'était M. Cosgrove - non, c'est M. Fox qui est venu l'annoncer au nom du gouvernement fédéral à Mirabel - a annoncé un programme de rétrocession qui n'apporte pas tous les détails encore, mais qui a quand même des éléments très substantiels. Ce n'est pas parfait, loin de là. Il nous dit ceci: On a arrêté nos critères; c'est arrêté. Maintenant, on va mettre tout cela en oeuvre et, au début de 1983, ce sera prêt à fonctionner. Ils sont en train de préparer cela. Ils n'ont pas dit - là-dessus, je pense que vous les mésinterprétez - On va faire de vastes consultations. Ils n'ont pas dit cela. Les consultations, ils prétendent les avoir faites avant de prendre et d'annoncer ces décisions-là.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: Non. Je vous dis ce que j'ai compris et je ne suis pas ici pour me faire leur défenseur. Je pense que c'est important qu'on ait...

M. Garon: Non, mais vous comprenez toujours du même bord.

M. Ryan: Non. J'essaie de comprendre les deux bords, mais, quand il n'y a rien d'un côté, je ne comprends rien. Ils s'en viennent avec un programme et avant qu'on soit devant le fait accompli, je voudrais vous demander si vous êtes prêt à décrocher le téléphone et à dire à votre homologue, à Ottawa: II faut que je te rencontre, vite, cela presse, avant que tu nous arrives avec la masse sur la table. Cela presse parce qu'ils vont nous arriver avec cela au début de 1983, M. le ministre.

M. Garon: Je voudrais dire, M. le Président, que je suis un peu étonné de la façon dont le député d'Argenteuil voit cela parce que essentiellement ce sont des individus expropriés qui sont en cause. Depuis l'annonce du mois de mai, cela fait - juin, juillet, août, septembre et octobre - cinq mois et on n'a pas encore consulté les principaux intéressés. Ce sont leurs terres. Ce ne sont pas les terres du gouvernement. Pensez-vous que j'aurais l'autorité et le mandat pour aller négocier en leur nom? Je n'ai pas ce mandat. Je ne pourrais pas aller dire: Voici comment vous devriez rétrocéder les terres des expropriés. Je ne pourrais pas dire cela parce que je pense que c'est aux expropriés eux-mêmes de le faire.

À ce sujet, on va les aider et on leur a dit qu'on les aiderait. C'est cela que je suis allé leur dire au mois de juin - vous étiez présent, d'ailleurs, dans l'église - qu'on les aiderait concernant l'expropriation afin qu'ils puissent eux-mêmes s'organiser. S'ils ont besoin de soutien technique, on est prêt à les aider à ce niveau-là. C'est cela que je leur ai dit. Ce n'est pas le gouvernement du Québec qui est exproprié; ce sont des gens qui ont des intérêts personnels, des cas individuels. Ils ont indiqué que le CIAC, dans chacun des cas, les avait aidés au moment de l'expropriation et en cours de route. Je considère qu'aujourd'hui le CIAC et l'UPA sont les véritables organismes qui devraient négocier avec les expropriés auprès de la Société immobilière du Canada, mais de préférence auprès du gouvernement fédéral. Nous sommes prêts à leur donner l'appui dont ils auront besoin, mais nous ne sommes pas ceux qui ont été expropriés.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je pense qu'il y a deux aspects là-dedans qui se complètent. J'ai dit ce matin, dans l'intervention que j'ai faite au début de nos travaux, que la Société immobilière du Canada doit accepter de négocier avec des représentants accrédités des personnes concernées dans ces opérations qui ont été faites et qui doivent être faites au cours des mois à venir. Là-dessus, je pense qu'il y a une zone d'accord assez importante qu'il ne faudrait pas briser. Je vous dis qu'au niveau politique ces gens-là ont besoin d'appui et je crois qu'il est important, étant donné surtout ce qu'on a dit, qu'il y a une responsabilité du gouvernement du Québec au plan constitutionnel, même si le fédéral est actuellement encore là-dedans, que vous alliez dire: Ces gens-là, leur sort nous intéresse et voici ce qu'on a à vous dire à leur sujet. Vous pouvez leur dire, en même temps, que vous trouvez qu'ils doivent négocier avec eux. C'est parfait, mais je ne pense pas que vous puissiez éluder votre responsabilité en disant uniquement: J'appuie ces gens-là.

Une voix: Vous avez raison.

M. Ryan: C'est cela que je veux essayer de vous faire comprendre bien constructivement.

M. Garon: J'ai été plus loin que cela, M. le Président. J'ai annoncé des travaux sur le territoire de Mirabel. Il y a actuellement seize projets en cours pour au-delà de 800 000 $. Il y en a un qui est terminé et qui a été payé pour un montant de 73 000 $. Il y en a plutôt deux qui sont terminés et seize sont en cours. En tout cas, le paiement n'a pas été effectué, mais il y en a qui doivent être terminés. C'est pour montrer à quel point le ministère de l'Agriculture du gouvernement du Québec est intéressé à une relance. On ne peut pas demander d'argent au gouvernement fédéral, ce sont des cours d'eau qui sont payés à 100% par le gouvernement du Québec parce qu'il n'y a pas d'entente auxiliaire actuellement au sujet des cours d'eau. Pour indiquer à quel point on est prêt à une relance sur le territoire de Mirabel, cette année - je n'ai pas fait le bilan - un des deux ou trois comtés qui ont eu le plus de cours d'eau dans l'ensemble du Québec, c'est sans doute le comté d'Argenteuil à cause du territoire de Mirabel. Je n'ai pas attendu. J'aurais pu dire: On va se servir de cela dans la négociation avec le gouvernement fédéral. Pour vous montrer la bonne foi du gouvernement, on ne négociera même pas, on fera les travaux immédiatement. Est-ce qu'on peut monter plus de bonne foi que ça?

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que vous avez des questions?

M. Ryan: M. et Mme Lalande, quel est le montant de votre loyer actuellement?

Mme Lalande: II était de 428 $ et, depuis avril, on paie nos taxes à la municipalité de Saint-Placide.

M- Ryan: Et votre loyer était de combien au début?

Mme Lalande: II a toujours été de 428 $.

M. Ryan: Votre loyer pas été augmenté depuis ce temps-là?

Mme Lalande: On avait un bail signé avec eux.

M. Ryan: Votre bail était de quelle durée?

Mme Lalande: De dix ans, renouvelable pour dix ans.

M. Ryan: Est-ce qu'il a été renouvelé?

Mme Lalande: Pas encore.

M. Ryan: Pas encore.

Mme Lalande: II sera renouvelable.

M. Ryan: Cela voudrait dire que vous aviez un loyer de 428 $. Dans votre présentation, vous avez parlé d'améliorations faites par vous et d'autres qui ont été faites par la société immobilière ou par ses

prédécesseurs aussi à l'extérieur de la maison. Vous en avez fait sur la ferme et à l'intérieur de la maison. Aucuns frais ne vous ont été imposés pour ces choses-là jusqu'à maintenant?

Mme Lalande: Aucun.

M. Lalande: Mis à part le drainage souterrain pour lequel le loyer a été remonté parce que je payais 7,50 $ l'arpent et je paie 13,50 $ depuis ce temps-là.

M. Ryan: Qu'est-ce qui est arrivé au sujet du drainage souterrain? Ils en avaient payé une partie, je suppose.

M. Lalande: C'est ça.

M. Ryan: Mais vous n'avez pas été augmentés pour l'autre partie. Aviez-vous reçu une subvention du gouvernement du Québec là-dessus?

M. Lalande: Pour les 30 arpents qui me restaient, j'ai eu la subvention.

M. Ryan: Vous n'avez pas été augmentés, sur cette partie-là.

M. Lalande: C'est ça.

M. Ryan: Très bien. Je pense que, quant au reste, on en a vu pas mal.

M. Lalande: C'est ça.

M. Ryan: II y aurait bien des questions particulières qu'on pourrait poser. Ce n'est pas par indifférence, mais je pense qu'on a pas mal la trame de fond. On souhaite que cela puisse marcher, vu que vous faites partie de la zone jaune. On souhaite que cela débouche.

Mme Lalande: Merci.

M. Ryan: On va essayer de pousser là-dessus.

Le Président (M. Rochefort) M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je suis heureux de saluer M. et Mme Lalande, dont la présence montre qu'il est resté dans le comté de Deux-Montagnes quelques expropriés dont j'ai à m'occuper.

J'aimerais compléter, moi aussi, les données factuelles, M. et Mme Lalande. C'est votre père qui a touché la compensation, M. Lalande?

M. Lalande: C'est ça.

M. de Bellefeuille: L'indemnisation pour l'expropriation, est-ce que vous vous souvenez du montant qu'il a reçu?

M. Lalande: Je ne peux pas vous dire le montant exact total, je ne le sais pas, mais je sais qu'il a touché 210 $ l'arpent.

M. de Bellefeuille: 210 $ l'arpent.

M. Lalande: Oui.

M. de Bellefeuille: Vous ne vous souvenez pas de la compensation qu'il a touchée pour les bâtiments?

M. Lalande: Non, je ne pourrais pas vous le dire, je ne le sais absolument pas.

M. de Bellefeuille: Vous avez fait allusion à des investissements importants que vous avez faits. Vous nous avez expliqué dans quel esprit vous les avez faits. Est-ce que vous pourriez nous donner une idée de la valeur totale de ces investissements que vous avez faits vous-mêmes au cours des années?

M. Lalande: 125 000 $.

M. de Bellefeuille: II y en a pour 125 000 $?

M. Lalande: Oui, nous avons investi 125 000 $.

M. de Bellefeuille: De vos propres investissements?

M. Lalande: C'est ça.

Mme Lalande: On calcule avec ça l'engrais chimique, la chaux.

M. Lalande: On a fait travailler beaucoup le bulldozer pour faire des fossés, du bombage de planches. On a beaucoup investi là-dedans.

Mme Lalande: Cela a toujours été à nos frais, sauf le drainage, comme on l'a expliqué tantôt.

M. de Bellefeuille: Je vous remercie.

Mme Lalande: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Berthier. (0 h 30)

M. Houde: Oui, M. le Président. Je ne sais pas, M. et Mme Lalande, si vous avez confiance au fédéral. Je me demande comment il se fait que vous n'ayez pas fait comme M. Laframboise. Lorsqu'il a fait des investissements importants, peut-être pas aussi importants que les vôtres, mais passablement importants, il a demandé des

garanties écrites. Vous, que je sache, vous n'en avez pas demandé.

M. Lalande: M. Laframboise, dites-vous?

M. Houde: Oui, M. Laframboise, celui qui voulait qu'on arrête chez lui. C'est lui, M. Laframboise.

M. Lalande: Oui, mais redemandez-lui encore une fois s'il a eu ses papiers pour construire. Il n'a jamais eu de garantie de construction, M. Laframboise.

M. Houde: M. Laframboise nous a dit tantôt que ce qui a été investi sur sa propriété...

M. Lalande: II a été remboursé, mais il n'a jamais eu de papiers pour construire, jamais.

Mme Lalande: En plus, M. Laframboise a été traîné en cour.

M. Lalande: II a fait comme nous autres.

M. Houde: Oui, mais il a été payé. Mme Lalande: II a été payé.

M. Houde: Vous autres, vous ne l'avez pas été encore et vous n'avez rien demandé jusqu'à présent.

M. Lalande: Mon silo m'a été remboursé en même temps que M. Laframboise.

M. Houde: Pardon?

M. Lalande: Mon silo m'a été remboursé en même temps que M. Laframboise, 10 000 $.

M. Houde: Juste cela. Pour le reste, vous n'avez rien demandé?

M. Lalande: Juste cela, le reste a été à mes frais.

M. Houde: Donc, vous avez confiance au gouvernement fédéral.

M. Lalande: J'ai confiance...

Mme Lalande: On n'a jamais eu confiance.

M. Lalande: On a toujours demandé au gouvernement fédéral, mais quand on attend deux ou trois ans... Si on veut un silo cette année, ce n'est pas dans trois ans!

M. Houde: Non, je suis d'accord avec vous. Madame, voulait-elle dire quelque chose? Vous alliez dire quelque chose.

Mme Lalande: J'allais dire que ce n'est pas tellement la confiance que le cheminement qui s'est fait en boule de neige. On voulait absolument s'en aller au début, cela n'a pas été possible. On s'est fait une idée, on s'est dit: On va commencer graduellement. Cela a été de fil en aiguille que les investissements sont venus. Si on voulait avancer, progresser, il fallait le faire, il fallait vivre.

M. Lalande: C'est comme tous les autres qui ont investi.

Mme Lalande: On n'est pas les seuls et on est loin d'avoir fait les investissements que Maurice Laframboise a faits.

M. Houde: M. et Mme Lalande, pourriez-vous nous dire ici, ce soir, combien, en pourcentage, de producteurs ont investi? Peu importent les montants, 10 000 $, 20 000 $, 100 000 $, 200 000 $. Est-ce qu'il peut y avoir 20% ou 25% des producteurs sur les terres expropriées?

M. Lalande: C'est assez difficile à dire, cela dépend ce que vous entendez. Parlez-vous des fermes qui sont présentement en production?

M. Houde: Oui, celles qui sont en production à l'heure actuelle.

M. Lalande: Si vous parlez des fermes en production, comme nous, qui sommes en pleine production présentement, elles ont toutes investi.

M. Houde: Elles ont toutes investi?

M. Lalande: Tous ceux qui sont sur le territoire, qui existent encore et qui avancent, c'est parce qu'ils ont voulu avancer, qu'ils ont voulu investir, qu'ils ont voulu prendre des chances, comme on l'a fait.

M. Houde: Très bien, merci beaucoup. Ce n'est pas cela qu'on avait su. Ils n'investissaient plus, ils laissaient tout aller à l'abandon. C'est tout le contraire que vous me dites.

M. Lalande: Cela dépend des gens. Il y a beaucoup de gens qui laissent tout aller à l'abandon.

M. Houde: Oui, mais des cultivateurs qui sont en place et qui exploitent leur ferme à loyer: ils ne sont pas propriétaires.

M. Lalande: C'est cela.

M. Houde: Ce que vous avez dit reste dit.

M. Lalande: II y a beaucoup de fermes qui s'en vont à l'abandon.

M. Houde: Celles qui ne sont pas exploitées du tout; lorsqu'on est passé...

M. Lalande: Non, non, il y en a qui sont exploitées; mais si les bâtiments ne sont pas loués... Moi, j'ai loué une autre ferme, à côté, et je n'ai pas besoin des bâtiments. Je paie le loyer, mais les autres bâtiments, je ne les entretiendrai pas comme je vais les entretenir chez nous.

M. Houde: On se comprend. Je parle de ceux qui exploitent une ferme à l'heure actuelle. Je ne parle pas de quelqu'un qui loue une maison pour rester dedans comme locataire, comme l'ont dit d'autres qui ont parlé tantôt. Je parle de ceux qui sont cultivateurs, qui sont sur la terre, qui exploitent la terre, qui travaillent et qui occupent les bâtisses. Vous dites que la majorité fait cela.

M. Lalande: La majorité de ceux qui sont vraiment intéressés.

M. Houde: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Bon, j'espère que je vais tirer des conclusions plus claires que l'intervenant précédent. Vous dites qu'on vous a remis 210 $ l'acre pour l'expropriation de vos terres, n'est-ce pas?

M. Lalande: À mon père.

M. Blouin: À votre père, oui. Maintenant, quelle était la nature du sol? Est-ce que c'était du sol argileux?

M. Lalande: Nous avons deux sortes de sol: sur le côté nord, c'est de l'argile, sur l'autre côté, c'est de la terre un peu plus rocheuse, sableuse.

M. Blouin: Pour la partie qui était argileuse, vous avez effectivement reçu 210 $.

M. Lalande: C'est cela. Ils ont payé 210 $ pour la terre, qu'elle soit argileuse, sablonneuse ou rocheuse.

M. Blouin: Vous ne savez pas comment ils ont procédé, s'ils ont fait une moyenne.

M. Lalande: Ils ont dit: Tu as tant d'arpents de terre à 210 $. Qu'elle soit bien bonne ou moins bonne, c'est le même prix.

M. Blouin: Alors, comment se fait-il que dans certains cas ils accordaient des indemnités plus fortes? Est-ce qu'ils établissaient une moyenne? Vous ne connaissez pas la procédure?

M. Lalande: Non, je n'ai pas été exproprié moi-même. À ce moment-là, je ne m'en suis pas mêlé moi-même du tout.

M. Blouin: Votre père était-il au courant, lui? Y en avait-il qui étaient au courant qu'à Pickering, c'était dix fois plus cher, ce qu'on donnait aux gens, non pas la même chose?

M. Lalande: On a su que c'était beaucoup plus cher là-bas. Quand les gens sont allés voir là-bas en plus, ils ont vraiment réalisé, comme on dit, qu'on était après se faire passer un beau sapin.

M. Blouin: C'est là que vous avez réalisé que vous n'étiez pas ontariens.

M. Lalande: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Au nom des membres de la commission, je tiens à remercier M. et Mme Lalande de s'être présentés devant nous.

Avant d'ajourner nos travaux, je voudrais informer les membres de la commission que nous reprendrons nos travaux demain matin à 10 heures, ici même, et que nous entendrons dans l'ordre les organismes ou individus suivants: La ville de Mirabel, la Fédération de l'UPA des Laurentides, la Société nationale des Québécois, région des Laurentides, M. Réal Paquette, M. Jacques Desrosiers, Mme Berthe Lorrain et M. Pierre Lorrain, M. Euclide Proulx, Mme Rita Clermont et l'évêque de Saint-Jérôme.

Madame?

Mme Lalande: Serait-il possible d'avoir une copie de l'ensemble des mémoire-présentés?

Le Président (M. Rochefort): De ceux qui sont déjà passés ou de ceux à venir?

Mme Lalande: Des deux.

Le Président (M. Rochefort): Vous pourrez consulter le journal des Débats. Sinon, probablement que demain, pour consultation, le secrétariat des commissions pourra mettre à votre disposition quelques copies des mémoires si on en a suffisamment.

Mme Lalande: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Sur ce, la commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 36)

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